RÉPUBLIQUE TUNISIENNE | MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES IDENTIFICATION DES MÉNAGES PAUVRES ET VULNÉRABLES EN TUNISIE Rapport technique de ciblage sur le modèle d’approximation des moyens RÉSUMÉ RÉSUMÉ EXÉCUTIF D epuis plusieurs décennies, la Tunisie fournit des efforts considérables pour mettre en place différents programmes de protection sociale, contributifs et non contributifs, dans le but d’intégrer tous les segments de la population et d’atteindre une couverture universelle des services essentiels. Néanmoins, l’historique de l’évolution de ces programmes a conduit à de multiples mécanismes d’identification et à des registres indépendants des bénéficiaires pour chaque programme. Malgré les efforts déployés, les programmes sociaux restent fragmentés et mal ciblés (Ben Cheikh et al. 2017, ILO 2011), y compris les deux principaux programmes nationaux d’assistance sociale  : le Programme National d’Aide aux Familles Nécessiteuses (PNAFN) qui fournit un transfert monétaire avec sa composante d’assistance médicale gratuite (AMG1) et le programme d’assistance médicale à tarifs réduits (AMG2). Ces deux programmes à l’heure actuelle couvrent actuellement environ 30 % de la population. Les processus et les critères de sélection utilisés par ces programmes sont extrêmement complexes (Ministère des Affaires sociales (MAS) et Ministère de l’Intérieur, 2011), en reposant essentiellement sur les travailleurs sociaux et les comités locaux et régionaux. Ils impliquent plusieurs éléments, y compris l’estimation du revenu ainsi que des critères supplémentaires sur la situation socioéconomique et démographique des ménages. Puisque les situations des postulants sont différentes sur ces multiples critères, il est délicat et difficile de décider la priorité finale des postulants. Cette complexité est aussi sujette aux hétérogénéités dans l’application de ces critères sur le terrain. En effet, moins de la moitié des bénéficiaires des deux programmes appartient au quintile le plus pauvre (l’Institut National de la Statistique (INS), 2015). De plus, en l’absence de mécanisme de rectification et d’actualisation des données, environ 30 % des bénéficiaires PNAFN sont dans le programme depuis plus de 20 ans (Ben Cheikh et al. 2017). Face à cette situation, le gouvernement a lancé en 2013 la réforme de la protection sociale visant la création d’un système national intégré, financièrement viable et mieux ciblé. Par conséquent, de nombreuses initiatives ont été entamées pour réformer la politique sociale et moderniser les principaux éléments du système de protection sociale, y compris les systèmes de prestation d’assistance sociale pour la population pauvre et vulnérable. Á cet effet, le Parlement a adopté en janvier 2019 la première loi sur l’assistance sociale : la loi organique « AMEN Social » dont un article vise à adopter une nouvelle approche pour identifier la population pauvre et vulnérable. Spécifiquement, cet article énonce les principes de l’identification et d’enregistrement des bénéficiaires des programmes sociaux en utilisant des critères transparents, objectifs, et équitables ainsi que le modèle de notation « scoring » de ciblage (MAS arrêté 2020). Ce « score », un indice multidimensionnel de niveau de vie, est calculé en utilisant l’ensemble des variables observables des ménages et en se basant sur une estimation statistique (appelée le modèle d’approximation des moyens (Proxy Means Test (PMT)). Le recours au modèle PMT est fortement justifié pour le cas de la Tunisie, étant donné que les informations complètes et fiables sur le revenu des individus ne sont pas disponibles et l’application de « Test de Moyens (Means Test) » n’est pas faisable comme dans les pays de haut niveau de formalité. Par conséquent, comme un premier modèle, le PMT a été conçu en utilisant l’Enquête Nationale sur le Budget, la Consommation et le Niveau de Vie des ménages (ENBCM) de l’année 2015 de l’INS, en se référant aux bonnes pratiques. Les résultats montrent que l’adaptation du PMT permettra d’améliorer nettement le niveau de performance de ciblage par rapport à la situation actuelle où on ne trouve que 43 % des bénéficiaires PNAFN/AMG1 et AMG2 dans les 20 % les plus pauvres. Le PMT arrive à classifier correctement 62 % de la population du premier quintile, et 15 % dans le décile suivant (i.e., le troisième décile inferieur – c’est-à-dire qu’ils étaient très proches d’atteindre le classement correct.). Avec un taux de couverture plus élevé, ce taux de précision évolue à 71 % pour un programme dont la couverture est de 30 %, et à 76 % pour un programme dont la couverture est de 40 %. Ces résultats indiquent que le PMT peut également combler les besoins d’identifier les populations cibles des programmes différents envisagés pour compenser non seulement les pauvres mais aussi les vulnérables et la classe 2 | moyenne (ex. les transferts d’urgence contre la pandémie). De plus, les critères d’exclusion peuvent apporter des valeurs supplémentaires, en orientant plus d’avantages vers les 10 % les plus pauvres de la population. D’ailleurs, le modèle développé a été appliqué aux données du MAS, en confirmant que ledit modèle fonctionne bien dans la pratique sur les données des ménages actuels. En termes des étapes prochaines, la priorité immédiate est de lancer la mise en œuvre de la nouvelle approche de ciblage, étant donné que la loi « AMEN Social  » est entrée en vigueur il y a 2 ans et les décrets et arrêté d’applications ont été publiés en mai 2020. Le déploiement implique non seulement le score, mais aussi des critères d’exclusion et d’autres systèmes/processus d’accompagnement tels que la gestion des réclamations. L’application progressive commencera avec les nouveaux postulants, et il est important que la première phase de ce démarrage soit soigneusement évaluée pour voir comment ces nouvelles approches fonctionnent et sont perçues sur le terrain, apportant ainsi les ajustements nécessaires sur le modèle du ciblage, les critères d’éligibilité et tous les processus associés. En parallèle, il faut accélérer la finalisation de la banque des données du MAS qui détermine directement la qualité et la portée de la mise en œuvre de cette nouvelle approche de ciblage. Malgré les progrès accomplis au cours des cinq dernières années, il n’y a que 13 % de la population (soit 436 mille ménages) dont les informations complètes y ont été recueillies. Comparé aux expériences dans d’autres pays, ce type de collecte est généralement effectué dans un délai d’un an afin de garantir l’intégrité et la pertinence des données. À cet effet, la priorité est d’atteindre le taux de réalisation de 30 % de la population, en se concentrant sur tous les bénéficiaires et les postulants du PNAFN et de l’AMG1/2, dans un laps de temps court. En parallèle, des discussions ont été menées sur la possibilité d’étendre sa couverture à une population plus large, y compris d’autres groupes de classes sociales tels que la population moins pauvre mais fragile. Á moyen et long terme, un registre intégré et plus large pourrait finalement permettre d’identifier les différentes populations ciblées pour mieux faire face à des crises imprévues (ex. COVID-19) et d’autres programmes sociaux au-delà du MAS (ex. Ministère de la Femme, Famille et Jeunesse, réforme des subventions). Finalement, il est important de rappeler qu’aucune méthode de ciblage n’est parfaite. Par conception et par nature, la performance du ciblage s’améliore au fur et à mesure que le travail analytique évolue avec la disponibilité de plus de sources de données et l’amélioration de leur qualité. Pour aller de l’avant, la collaboration interministérielle guidée par les dirigeants politiques est une condition préalable au succès. Par exemple, il est essentiel de faciliter les réformes clés et réglementaires d’accès et échange des données interministérielles. Dans ce même cadre, une étude supplémentaire doit être menée pour explorer un autre modèle (appelé le modèle de vérification hybride des moyens (Hybride Means Test (HMT)), en renforçant le partenariat officiel au-delà du secteur de protection sociale, tel que l’INS et d’autres administrations, comme le Ministère des Finances (Contrôle Général d’Impôt) qui dispose des données nécessaires pour l’exploitation du modèle HMT. 1. OBJECTIF ET QUESTIONS CLÉS Cette note est un résumé simplifié du rapport « Identification des ménages pauvres et vulnérables en Tunisie » (CRES et Banque mondiale, 2020) concernant une nouvelle approche de ciblage, en particulier le modèle d’approximation des moyens des ménages ainsi que les filtres d’exclusion. En comparaison avec le rapport audit qui présente toutes les informations détaillées, complètes et conformes aux exigences standards comme le document technique de ciblage, cette note expose surtout les éléments principaux de manière concise et simple pour un public plus large, en évitant les jargons techniques autant que possible. À cet effet, cette note est organisée pour répondre aux questions clés suivantes : — Qu’est-ce qu’un modèle d’approximation des moyens (Proxy Means Test (PMT)) ? Pourquoi ce modèle a-t-il été choisi pour la Tunisie ? (Section 2) — Comment le modèle PMT a-t-il été développé ? (Section 3) — Quels sont les principaux résultats ? (Section 4) — Comment ce nouveau modèle va-t-il être utilisé dans la pratique pour évaluer l’éligibilité aux programmes ? (Section 5) — Quelles sont les prochaines étapes ? (Section 6) | 3 QU’EST-CE QU’UN MODÈLE D’APPROXIMATION DES MOYENS (PROXY 2.  MEANS TEST (PMT)) ? POURQUOI CE MODÈLE A-T-IL ÉTÉ CHOISI POUR LA TUNISIE ? L’évaluation du niveau de vie est une tâche très complexe et extrêmement difficile dans de nombreux pays. Sa difficulté et son approche dépendent du contexte de chaque pays, notamment son niveau d‘informalité de l’économie et de développement. Grâce à l’abondante littérature, les méthodes les plus connues pour évaluer le niveau de vie des ménages sont résumées comme suit : i) Ciblage Communautaire ; ii) Approximation des Moyens (Proxy Means Test (PMT)) ; iii) Test Hybride d’approximation des moyens (Hybrid Means Test (HMT)) ; et iv) Test de Moyens (Means Test).  RINCIPALES MÉTHODES D’ÉVALUATION DU NIVEAU DE VIE DES MÉNAGES TABLEAU 1. P NIVEAU MÉTHODE POUR ÉVALUER LE NIVEAU DE VIE DES MÉNAGES D’INFORMALITÉ CIBLAGE COMMUNAUTAIRE : Les membres des communautés (ex. chef de  1. village, comité) discutent quels ménages sont plus pauvres sur la base de Majorité leurs connaissances. APPROXIMATION DES MOYENS (PMT) : L’indice (score) multidimensionnel est 2. estimé pour le niveau de vie en utilisant l’ensemble des variables observables Haut des ménages. HYBRIDE DE VÉRIFICATION ET D’APPROXIMATION DES MOYENS (HMT) 3. combine l’approche Test des Moyens pour les revenus/information vérifiables et Moyen l’approximation des Moyens pour le reste.  EST DES MOYENS (MT) utilise les pièces justificatives et les données T 4. administratives pour vérifier les revenus et les actifs des ménages. Très bas (formel) Source : CRES et BM 2020 En Tunisie, l’approximation des moyens (Proxy Means Test (PMT) est la plus réalisable à ce jour pour deux raisons. Premièrement, à l’instar des pays à revenu intermédiaire, le secteur informel représente encore presque la moitié des emplois en Tunisie1 . Deuxièmement, les données administratives qui sont une condition préalable pour réaliser les approches plus sophistiquées ne sont pas disponibles en Tunisie. Par exemple, l’application du « Test de Moyens (Means Test) » n’est pas faisable à cause du manque d’informations complètes et fiables sur le revenu des individus, contrairement aux pays de haut niveau de formalité. Bien que la Tunisie dispose de plusieurs fichiers administratifs permettant d’estimer une partie du revenu des individus travaillant dans le secteur formel, pour explorer d’autres modèles (i.e., modèle Hybride), les données pertinentes ne sont pas disponibles pour cette mission de ciblage (ex. les données fiscales du Ministère des Finances (Contrôle Général des Impôts)). Dans ces circonstances, on adopte le modèle PMT qui est un indice « score » multidimensionnel de niveau de vie comme spécifié dans la loi AMEN. Ce score est calculé en utilisant l’ensemble des variables observables des ménages et en se basant sur les méthodes statistiques, à partir d’une source de données fiables (généralement les données d’enquêtes nationales de consommation et/ou de revenus des ménages). Toutes ces variables doivent être fortement corrélées avec le niveau de vie des ménages (le revenu ou la consommation) et doivent respecter les quatre critères suivants (Coady et al. 2004) : 1 44,8 % en 2019 si on exclut les travailleurs du secteur de l’agriculture et de la pêche, le taux d’informalité passe à 38,3 % du total des emplois (INS, 2020). 4 | — Leur nombre doit être limité : pour faciliter l’application et la mise à jour du modèle et réduire le coût de la collecte et de la vérification des données ; — Elles doivent être facilement observables et mesurables ; — Elles doivent être difficilement manipulables. Autrement dit, il faut s’assurer que le ménage ne peut pas falsifier ou manipuler ces informations pour bénéficier du programme ; et — Elles ne doivent pas être politiquement et culturellement sensibles. 3. COMMENT LE MODÈLE PMT A-T-IL ÉTÉ DÉVELOPPÉ ? Pour la Tunisie, le modèle PMT a été conçu en utilisant les données de l’enquête officielle conduite par l’Institut National de la Statistique en 2015−2016. Pour rappel, la conception des modèles de ciblage nécessite une enquête représentative qui contient les données sur le niveau de vie qui va être estimé par le modèle de ciblage avec les chiffres de la consommation ou du revenu. Pour estimer le niveau de vie, on utilise l’ensemble des caractéristiques démographiques, socioéconomiques et des actifs des ménages qui sont considérés comme fortement liés au niveau de vie. En Tunisie, l’Enquête Nationale sur le Budget, la Consommation et le Niveau de Vie des Ménages (ENBCM) est la seule à satisfaire cette exigence et elle est la meilleure source de données pour cette mission. Un ensemble de caractéristiques ont été retenues pour estimer le niveau de vie de ménage en Tunisie. On est arrivé à la spécification optimale du modèle PMT tunisien qui implique une quarantaine de variables, après plusieurs itérations guidées par les meilleures pratiques adoptées par d’autres pays. Les variables retenues couvrent les caractéristiques liées à la localisation géographique (ex. gouvernorat, milieu), aux membres du ménage (i.e., leurs caractéristiques démographiques et socioéconomiques2), au logement, à la possession de biens durables, et à l’accès aux services de base. En effet, le PMT considère un certain nombre de caractéristiques similaires utilisées dans l’approche actuelle (l’encadré ci-dessous montre six critères de cette approche). ENCADRÉ 1. CRITÈRES DE L’APPROCHE ACTUELLE DE CIBLAGE 1. REVENUS AUTO-DÉCLARÉS, des dépenses liées au handicap et au loyer, et de la taille du ménage. 2. INCAPACITÉ DE TRAVAILLER ou de s’adonner à une activité professionnelle en raison de l’âge, de l’état de santé ou d’un handicap. 3. PERTE DU CHEF DE FAMILLE , pour cause de décès, d’emprisonnement ou d’abandon, avec détérioration de la situation matérielle de la famille.  BSENCE DE SOUTIEN DE LA PART DES MEMBRES en mesure de payer ou l’incapacité matérielle de 4. A ce soutien à répondre aux besoins de base de la famille. 5.  INCAPACITÉ DE RÉPONDRE AUX BESOINS DE BASE de la famille, notamment aux besoins des membres porteurs d’un handicap sévère ou l’incapacité d’assurer le loyer.  AILLE DU MÉNAGE et la présence de membres souffrant d’un handicap ou d’une maladie chronique 6.  T ou grave. 7.  DÉTÉRIORATION DES CONDITIONS DE VIE du point de vue de l’état de l’habitat et des équipements sanitaires. Source : MAS et Ministère de l’Intérieur, 2011 2 Comme la taille des ménages, l’état du marché du travail, l’affiliation aux caisses sociales, et la présence d’un membre qui a besoin de soins. | 5 4. QUELS SONT LES PRINCIPAUX RÉSULTATS ? La performance du modèle PMT par rapport à l’approche actuelle Les programmes PNAFN et AMG2 sont globalement pro-pauvres. Selon l’ENBCM 2015, ils ont couvert 22,4 % de la population, y compris 7,9 % des bénéficiaires PNAFN et 15,5 % des bénéficiaires AMG23 . En termes de performance de ciblage actuel, presque 70 % des bénéficiaires sont concentrés dans les quatre déciles inférieurs. Selon ce chiffre, l’approche actuelle est un bon point de départ comme référence mais n’est pas optimale. Par exemple, moins de la moitié des bénéficiaires totaux (40 % pour le PNAFN, 43 % pour les deux programmes) appartient au quintile le plus pauvre, indiquant qu’il reste encore une marge pour améliorer le ciblage. La nouvelle approche peut nettement améliorer l’identification des pauvres par rapport à l’approche actuelle. Pour le même taux de couverture des deux programmes ensemble (i.e., 22 %), la part de bénéficiaires appartenant au quintile le plus pauvre passe de 43 % à 62 % (Figure 1, A). En plus de cet indicateur, les deux programmes ne couvrent actuellement que 48 % du premier quintile. En revanche, le PMT est capable d’identifier 69 % de ce groupe (Figure 1, C). Le PMT développé fonctionne bien même pour un programme dont la couverture est plus petite. Cette amélioration est également évidente pour le PNAFN qui ne couvre que 8 % de la population. Spécifiquement, la part de bénéficiaires appartenant au premier décile passe de 22 % à 59 % (Figure 1, B). De plus, près de la moitié (47 %) du premier décile pourrait être correctement identifiée à travers le PMT, alors que l’approche actuelle n’identifie que 17 % de ce groupe (Figure 1, D). Ces résultats montrent que le PMT est capable de différencier les plus pauvres (pour le PNAFN) des pauvres (pour l’AMG2). La performance du modèle PMT pour des programmes plus importants Comme prévu, des programmes plus importants pourraient atteindre la meilleure performance de ciblage. Alors que les couvertures actuelles du PNAFN et l’AMG2 (i.e., 8 % pour le PNAFN et 22 % pour les deux programmes) étaient appliquées ci-dessus, la figure 2 ci-dessous utilise des taux de couverture différents, notamment 30 % et 40 % de la population, en envisageant des programmes plus larges. Pour un programme dont la couverture est de 30 %, ciblant les premiers trois déciles inférieurs (30 % les plus pauvres), le PMT arrivera à identifier correctement 71 % de la population ciblée. Ce taux de précision augmente à 76 % pour un programme dont la couverture est de 40 %, destiné aux premiers quatre déciles inférieurs (ou les 40 % les plus pauvres). Parmi les erreurs (i.e., la partie de la population classifiée à tort), environ la moitié est très proche d’atteindre la classification correcte. Par exemple, pour la couverture de 10 %, on trouve un taux d’erreurs de 45 % dont la moitié (23 %) est actuellement classifiée dans le décile juste après le décile correct (i.e., le 2ème  décile inférieur suivant directement le premier décile). La partie de ce groupe « presque correctement classifié » représente une gamme de 42 % à 51 % des erreurs totales selon la couverture du programme. 3 On a trouvé 1 % de la population auprès des ménages qui bénéficient des deux programmes (c’est la raison pour laquelle le taux de couverture des deux programmes est de 22,4 % et non pas 23,4 %). 6 | FIGURE 1. COMPARAISON DE LA PERFORMANCE DE L’APPROCHE ACTUELLE ET DU MODÈLE D’APPROXIMATION DES MOYENS (PMT) INCIDENCE DE BÉNÉFICIAIRES POUR LE 1ER QUINTILE/DÉCILE (EN % DES BÉNÉFICIAIRES TOTAUX) A. PROGRAMME NATIONAL D'AIDE AUX FAMILLES NÉCESSITEUSES | PNAFN ET LE PROGRAMME D’ASSISTANCE MÉDICALE Á TARIFS RÉDUITS | AMG2 22 % de la population MODÈLE D’APPROXIMATION appartenant au 1er quintile APPROCHE ACTUELLE DES MOYENS | PMT 43 % 62 % B. PROGRAMME NATIONAL D'AIDE AUX FAMILLES NÉCESSITEUSES | PNAFN 8 % de la population MODÈLE D’APPROXIMATION appartenant au 1er décile APPROCHE ACTUELLE DES MOYENS | PMT 22 % 59 % COUVERTURE DES PROGRAMMES PARMI LE 1ER QUINTILE/DÉCILE (EN % DU 1 ER QUINTILE/DÉCILE) C. PROGRAMME NATIONAL D'AIDE AUX FAMILLES NÉCESSITEUSES | PNAFN ET LE PROGRAMME D’ASSISTANCE MÉDICALE Á TARIFS RÉDUITS | AMG2 22 % de la population appartenant au 1er quintile 48 % 69 % D. PROGRAMME NATIONAL D'AIDE AUX FAMILLES NÉCESSITEUSES | PNAFN 8 % de la population appartenant au 1er décile 17 % 47 % APPROCHE ACTUELLE MODÈLE D’APPROXIMATION DES MOYENS | PMT Source : CRES et Banque mondiale (2020) « Identification des ménages pauvres et vulnérables en Tunisie : Ciblage sur le modèle d’approximation des moyens ». | 7 FIGURE 2. PART DES BÉNÉFICIAIRES CORRECTEMENT CLASSIFIÉS ET ERREURS D’INCLUSIONS, SELON LE TAUX DE COUVERTURE DE PROGRAMME (EN % DES BÉNÉFICIAIRES TOTAUX) TAUX DE COUVERTURE DU PROGRAMME 10 % de la population 54 % 23 % 22 % 20 % de la population 65 % 15 % 20 % 30 % de la population 71 % 12 % 17 % 40 % de la population 76 % 10 % 14 % CORRECTEMENT CLASSIFIÉS AUX DÉCILES CORRESPONDANTS INCORRECTEMENT CLASSIFIÉS AU DÉCILE JUSTE APRÈS LE DÉCILE CORRECT AUTRES ERREURS Source : CRES et Banque mondiale, 2020 Le filtre d’exclusion pour compléter le PMT En plus du PMT (i.e., la consommation estimée), une autre évaluation importante concerne le niveau des revenus et le niveau des biens que possède le ménage. Á cet effet, le gouvernement prévoit d’appliquer trois critères d’exclusion : les revenus (CNSS/CNRPS), la possession d’un deuxième logement, et l’acquisition ou la vente d’un bien coûteux (Figure 3). La valeur ajoutée du filtre d’exclusion est d’améliorer la partie des bénéficiaires du plus pauvre décile. Puisque l’ENBCM ne permet pas d’appliquer tous les critères prévus, à titre illustratif, on a choisi les trois critères suivants : l’affiliation CNRPS (au lieu du revenu), le logement secondaire, et la possession d’une voiture (à la place d’achat d’un article coûteux). Les résultats montrent que ces critères pourraient augmenter la part des bénéficiaires appartenant au premier décile inférieur de 11 % (passant de 54 % sans le filtre à 65 % avec le filtre) pour un programme de taille de couverture de 10 % de la population (Figure  4). 8 | FIGURE 3. CRITÈRES D’EXCLUSION SELON LE DÉCRET  1. REVENU SELON LA TAILLE DE FAMILLE* 2/3 SMIG SMIG POUR UN MÉNAGE 1.5 SMIG 2 SMIG POUR UN SEUL INDIVIDU DE 2 INDIVIDUS MÉNAGE 3 OU 4 INDIVIDUS MÉNAGE > = 5 INDIVIDUS * Le montant du 0.5 SMIG sera ajouté au seuil si un membre du ménage porte un lourd handicap. 2. POSSESSION D’UN DEUXIÈME LOGEMENT 3. ACQUISITION OU VENTE D’UN BIEN COÛTEUX VALEUR SUPÉRIEURE À 30 FOIS LE SMIG DURANT LES 3 DERNIÈRES ANNÉES Source : Journal officiel de la République tunisienne (JORT) 2020 FIGURE 4.  ART DES BÉNÉFICIAIRES APPARTENANT AU PREMIER DÉCILE, SANS  P ET AVEC LE FILTRE D’EXCLUSION (EN % DES BÉNÉFICIARES TOTAUX/EN % DU 1ER DÉCILE) PMT TAUX DE COUVERTURE DU PROGRAMME 10 % de la population 54 % PMT 65 % PMT et filtre Source : CRES et Banque mondiale 2020 | 9  OMMENT CE NOUVEAU MODÈLE VA-T-IL ÊTRE UTILISÉ POUR ÉVALUER 5. C L’ÉLIGIBILITÉ À CERTAINS PROGRAMMES ? Tout d’abord, le score et les critères d’éligibilité ne sont pas les mêmes. Ce score permettra juste de classer les ménages des plus pauvres aux plus riches indépendamment du programme, et non pas d’identifier directement ceux qui sont éligibles pour chaque programme. Pour identifier les individus ou les ménages éligibles pour certains programmes, d’autres critères, clairement définis pour chaque programme, sont appliqués dans un premier temps. Á titre illustratif, imaginons deux listes séparées où le classement des ménages est différent. La première liste utilise uniquement le score pour classer les ménages 4 . Si un programme est purement basé sur la pauvreté, cette liste va aussi servir à identifier ses bénéficiaires à partir des ménages qui ont les scores les plus bas, jusqu’à une valeur seuil (le cut-off/quota de la couverture du programme). La deuxième liste doit être préparée une fois que le programme ajoute des critères supplémentaires en plus du niveau de vie. Pour avoir cette liste des bénéficiaires potentiels de chaque programme, les ménages vont être par la suite reclassés selon le score estimé, après avoir appliqué ses propres critères. Ces critères peuvent être divers, selon les objectifs du programme, et consister en la nature d’inclusion et d’exclusion. Les critères d’inclusion peuvent comporter des caractéristiques propres au ménage, comme certaines caractéristiques « catégorie » telle que la présence d’une personne handicapée ou une personne souffrant d’une maladie chronique au sein du ménage. Par exemple, un programme d’allocations pour les enfants préparera sa propre liste qui ne contient que les ménages avec lesdits enfants selon le score et choisira ses propres bénéficiaires potentiels jusqu’au quota du programme. Comment fonctionne l’application de ce modèle aux ménages réels dans la pratique ? Le modèle développé sera appliqué aux données AMEN du Ministère des Affaires Sociales pour calculer le score pour chaque ménage chez eux. En effet, la Tunisie a lancé en 2013 une initiative pour la mise en place de la première banque de données sur les familles nécessiteuses et à revenu limité, nommée « l’enquête sociale » et « les données AMEN Social ». Grâce à la disponibilité de la majorité des variables du PMT dans l’enquête sociale, on peut appliquer le modèle PMT développé, en réalisant une performance globalement très similaire à celle présentée ci-dessus. Tous les ménages dans la banque de données AMEN seront classés en fonction de leurs priorités en utilisant la nouvelle approche, notamment le PMT et les critères d’exclusion. Dans le cadre du travail analytique, le modèle a été déjà appliqué à un échantillon desdites données, en confirmant que la nouvelle approche fonctionne bien dans la pratique sur les données des ménages actuels. Par la suite, le MAS fera de même pour tous les 800 mille ménages chez eux. Par conséquent, on aura une liste 5 des ménages classés en fonction du niveau de vie en utilisant le score PMT. Cette liste vise à aider à évaluer quels ménages sont les plus démunis par rapport aux autres, en utilisant des critères transparents, objectifs, et équitables. L’avantage du PMT est d’apporter une valeur numérique simple comme « notation (score) » qui juge statistiquement l’importance différente de plus de variables considérées, en facilitant ainsi le classement des ménages. 4 D’ailleurs, les critères d’exclusion sont communément appelés le « filtre » des riches. Par exemple, la possession de certains actifs (ex. voiture, logement secondaire, terre agricole d’une certaine superficie) peut être utilisée comme filtre d’exclusion (voir Tesliuc et al. 2014 pour plus de détails). 5 Les ménages considérés comme inéligibles sur la base de critères d’exclusion ne sont pas inclus dans cette liste. 10 | ENCADRÉ 2. EXEMPLES DE DEUX LISTES DIFFÉRENTES Á titre illustratif, la figure 5 ci-dessous avec chaque fois 10 ménages, 5 avec enfants et 5 sans enfant, compare la population éligible et non-éligible selon les deux scénarios/listes évoqué(e)s ci-dessus, en assumant qu’un programme couvre 3 ménages sur les 10 (équivalent d’un taux de couverture de 30 % de la population). Un programme basé uniquement sur le score choisit simplement les trois premiers ménages les plus pauvres (i.e., ménages dont le score est plus bas, coloré en noir dans l’exemple de la liste 1). En revanche, un programme qui applique d’autres critères, par exemple les ménages avec enfant(s), élimine dans un premier temps tous ceux sans enfant(s), en gardant le même classement des ménages selon le score (i.e., classement des ménages avec enfant(s) selon le score, l’exemple de la liste 2). Par conséquent, il n’y reste que les ménages avec enfant(s) pour choisir 3 ménages ayant les scores les plus bas. POPULATION ÉLIGIBLE SELON LES CRITÈRES DE CHAQUE PROGRAMME  CLASSIFICATION SELON LE SCORE MÉNAGES PAUVRES MÉNAGES RICHES LISTE 1. SELON LE SCORE UNIQUEMENT (indépendamment des autres caractéristiques) TROIS MÉNAGES DONT LE SCORE EST LE PLUS BAS SONT CHOISIS. LISTE 2. SELON LE SCORE ET AUTRE CRITÈRE SPÉCIFIQUE DU PROGRAMME (par exemple avoir un enfant, ...) Les ménages sans enfant(s) sont exclus de cette liste. TROIS MÉNAGES AVEC ENFANT(S) DONT LE SCORE EST LE PLUS BAS SONT CHOISIS. Assumant qu’un programme couvre 3 ménages sur les 10, avec la population éligible (noir) et non-éligible (gris). Source : CRES et Banque mondiale 2020 6. QUELLES SONT LES PROCHAINES ÉTAPES ? La prochaine étape comprend un démarrage de la mise en œuvre de cette nouvelle approche. Spécifiquement, le MAS doit programmer ces nouvelles fonctions de calculer le score et appliquer les critères d’exclusion aux systèmes d’information du MAS. En même temps, il faut préparer une stratégie pour recueillir les données d’une population plus large de façon plus opportune. En effet, après 5 ans, l’enquête sociale n’a été finalisée que pour 48 % des bénéficiaires (soit 436  mille ménages, ou seulement 13  % de la population totale), en raison du questionnaire assez long (170 questions) et la nécessité d’une visite à domicile. Maintenant, le MAS dispose de certaines informations sur plus d’un million de ménages, y incluant de nouveaux postulants pour le transfert d’urgence COVID-19 via un processus de demande simplifiée. Cette approche simplifiée peut être renforcée pour élargir la couverture de la banque de données plus rapidement et efficacement, en particulier compte tenu de l’assez bonne performance du PMT qui n’a requis qu’un nombre limité d’informations. | 11 Au minimum, ce nouveau processus est prévu d’être lancé bientôt pour sélectionner les nouveaux bénéficiaires des programmes d’assistance sociale. Concernant les bénéficiaires actuels du PNAFN et l’AMG2, une approche progressive est souhaitable de façon réaliste : commencer à utiliser le score lors de la vérification annuelle pour filtrer les ménages apparemment non éligibles, tout en se déplaçant progressivement vers le même seuil d’éligibilité pour un même programme à l’avenir (c’est-à-dire que le programme appliquera les mêmes critères pour les nouveaux et anciens bénéficiaires, en assurant l’équité et la justice). Voir l’encadré dessous. Á cet effet, la décision politique clé concernera le budget et la politique des programmes d’assistance sociale pour cette année. Sur la base de ces éléments clés, un bon plan de mise en œuvre progressive doit être préparé pour la nouvelle approche de ciblage. Ce plan intégrera bien sûr d’autres éléments principaux, tels que la gestion des recours, la communication, et le suivi et l’évaluation. Surtout, la première phase de ce démarrage doit être soigneusement évaluée pour voir comment ces nouvelles approches fonctionnent et sont perçues sur le terrain, apportant ainsi les ajustements nécessaires sur le modèle du ciblage, les critères d’éligibilité et tous les processus associés.  N RÉALITÉ, LES PROGRAMMES ACTUELS PEUVENT-ILS RÉALISER LA BONNE ENCADRÉ 3. E PERFORMANCE DE CIBLAGE COMME DÉCRITE DANS CETTE ANALYSE ? La réponse n’est pas si simple. Ce n’est généralement pas le cas, puisque les résultats de l’analyse présentée supposent une mise en œuvre parfaite. Cela signifie que toute la population serait enregistrée dans la base de données et que tous les ménages éligibles s’inscriraient au programme (i.e., 100 % de taux de participation/ inscription sans aucun refus). La performance actuelle de chaque programme dépendra de la portée et de la manière dont la nouvelle approche sera mise en œuvre. Cela dit, pour maximiser ses bénéfices dans la pratique, le PMT devrait être utilisé non seulement pour sélectionner de nouveaux bénéficiaires, mais aussi pour réévaluer les bénéficiaires existants. Par exemple, supposons que le gouvernement prévoit d’étendre la couverture du PNAFN de 8 % à 10 % en utilisant une nouvelle approche de ciblage, notamment le PMT. Par conséquent, la part du décile inférieur couvert par le PNAFN va presque doubler, passant de 17 % à 33 % (Figure 6). Cette amélioration (de 16 %) est notable par rapport au 5 % lorsqu’on utilise l’approche actuelle pour sélectionner de nouveaux bénéficiaires. Néanmoins, pour rappel, le PMT lui-même a la capacité d’augmenter ce chiffre à 54 % si le score PMT est utilisé pour sélectionner le total des 10 % des bénéficiaires, sans considérer l’état actuel du PNAFN. Cela souligne l’importance de renforcer le mécanisme de rectification des bénéficiaires existants dont environ 30 % y touchent les transferts depuis plus de 20 ans (Ben Cheikh et al, 2017). COUVERTURE PARMI LE 1ER DÉCILE PAR APPROCHE DE CIBLAGE (EN % DU 1ER DÉCILE) TAUX DE COUVERTURE DU PROGRAMME 8 % de la population SITUATION ACTUELLE DU PNAFN 17 % 10 % de la population PNAFN (8 %) + 2 % PARMI LES AMG2* 22 % PNAFN (8 %) + 2 % SELON LE PMT** 33 % 10 % SELON LE PMT 54 % * UNE PARTIE DES BÉNÉFICIAIRES ACTUELS AMG2 SONT TIRÉS PROPORTIONNELLEMENT PAR DÉCILE ** LES NOUVEAUX BÉNÉFICIAIRES SERONT SÉLECTIONNÉS SELON LE SCORE PMT LE PLUS BAS JUSQU’À UNE PORTÉE DE 2 % DE LA POPULATION SUPPLÉMENTAIRE S ource : Calculs des auteurs en utilisant les données de l’ENBCM 2015 (INS) 12 | BIBLIOGRAPHIES Ben Cheikh, N., Bibi. S., Mouaddeb, I., et Belloussaief, A. (2017). Évaluation de la performance des programmes d’assistance sociale en Tunisie : Pour optimiser le ciblage des pauvres et freiner l’avancée de l’informalité. Rapport CRES-BAD. Centre de Recherches et d’Études sociales et Banque mondiale (2020). Identification des Ménages pauvres et vulnérables en Tunisie : Rapport Technique de Ciblage sur le Modèle d’Approximation des Moyens des Ménages. Coady, D., Grosh, M., et Hoddinott, J. (2004). Targeting of transfers in developing countries: Review of lessons and experience. Banque mondiale. Institut national de la Statistique (2017). Enquête nationale sur le Budget, la Consommation et le Niveau de Vie des ménages (ENBCM) de l’année 2015. Institut national de la Statistique (2020). Rapport INS : les indicateurs de l’emploi informel 2019. Journal officiel de la République tunisienne (2020). Article 2 du décret gouvernemental n° 2020-317 du 19 mai 2020, fixant les conditions et les procédures du bénéfice du programme Amen Social, du retrait et d’opposition. Ministère des Affaires sociales et Ministère de l’Intérieur (2011). Circulaire Conjointe No 12 du Ministère de l’Intérieur et du Ministère des Affaires sociales N° 3, en 2011. Objet : Programme national d’Aide aux Familles nécessiteuses. Ministère des Affaires sociales (2020). Arrêté du Ministre des Affaires sociales du 19  mai 2020 relatif à la détermination du modèle de scoring. Tesliuc, E., Pop, L., Grosh, M., et Yemtsov, R. (2014). Income Support for the Poorest: A  Review of Experience in Eastern Europe and Central Asia. Banque mondiale. | 13 CRÉDITS CRÉDITS Conception graphique : Manuella Lea Palmioli, Banque mondiale Éditeur : Carole Bergin Photographie pages 16–17 : Rue de Sousse, Tunisie, iStock.com/thinkomatic Plan de rues : iStock.com/Fourleaflover Silhouettes pages de couverture : iStock.com/AngelinaBambina 14 | Cette note est un résumé du rapport technique « Identification des ménages pauvres et vulnérables en Tunisie ». Ce travail analytique de ciblage a été conjointement réalisé par le CRES et la Banque mondiale, en partenariat avec le Ministère des Affaires Sociales et l’Institut National de la Statistique. Ce rapport technique a été rédigé par Imen Mouaddeb (économètre, Centre de Recherches et d’Études sociales), Mohamed Amara (professeur agrégé, École supérieure des Sciences économiques et commerciales de Tunis), et Yuko Okamura (économiste senior, Banque mondiale). 2021 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/ © Banque mondiale | 15