É D I T I O N P R É PA R É E P O U R LE SOMMET DE NOUAKCHOTT DÉCEMBRE 2021 L I V RE B L A NC S UR L’É DUCAT I ON AU SA H EL La richesse d’aujourd’hui PHOTO PAR: ©OLIVER GIRARD/BANQUE MONDIALE et de demain 2     Édition du sommet PHOTO PAR: © BANQUE MONDIALE L I V R E B L A N C S U R L’ É D U C AT I O N A U S A H E L LA RICHESSE D’AUJOURD’HUI ET DE DEMAIN Table des matières Table des matières Résumé analytique    9 Remerciements   13 Abréviations    14 1. Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel    15 1.1. Enjeu : L’éducation pour le développement dans la région du Sahel    16 1.2. Avancement : Gains en scolarisation et en niveau d’instruction dans la course entre l’accroissement de l’accès et une croissance démographique galopante    18 1.3. Défis : Une pauvreté des apprentissages généralisée due à un enseignement de faible qualité et à des écarts de scolarisation persistants, caractérisés par des inégalités flagrantes     20 1.4. Causes des mauvais résultats : facteurs immédiats et systémiques dans l’enseignement de base    27 1.4.1. Préparation et appui insuffisants à la réussite des apprenants    27 1.4.2. Enseignants : pénuries, absences et inadéquation des compétences    31 1.4.3. Ressources d’apprentissage insuffisantes et mal adaptées : supports, programmes d’études et politiques pédagogiques    34 1.4.4. Infrastructures scolaires : lacunes en matière d’installations et de climat scolaire    37 1.4.5. Gestion du système : faible capacité et incohérence qui contribuent aux défis au niveau de l’école     38 1.4.6. Financement public : dépenses inadéquates, inefficaces et parfois inéquitables     39 1.5. Au-delà du système : la fragilité et les conflits génèrent des défis et conditionnent les exigences en matière d’éducation.    43 1.6. Capitaliser les forces régionales pour relever les défis de l’éducation au Sahel    47 1.6.1. La coopération régionale offre la promesse d’une plus grande efficacité dans l’amélioration des systèmes éducatifs.    47 1.6.2. Force de l’engagement de la communauté envers l’éducation    48 1.6.3. 1.6.3 Opportunités offertes par les prestataires d’éducation non étatiques    50 Reconnaître et intégrer les écoles coraniques dans le système éducatif formel    51 1.6.4. Initiatives nationales de réforme dans la région    54 4   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Table des matières 2. Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables    55 2.1. Des objectifs ciblés et ambitieux catalysés par un engagement politique    56 2.2. Innovations : Les politiques et les programmes qui peuvent faire progresser rapidement les trois objectifs    59 2.2.1. Réduire la pauvreté des apprentissages    59 Améliorer le développement de la petite enfance    59 Développer efficacement l’accès à des écoles primaires décentes    60 Améliorer l’efficacité de l’enseignement de l’alphabétisation et l’acquisition de compétences fondamentales dans les premières années d’étude    63 2.2.2. Accroître les taux de participation des filles à l’enseignement secondaire    66 2.2.3. Augmenter les taux d’alphabétisation des jeunes adultes, en se concentrant sur les jeunes femmes    71 2.2.4. S&E : Une intervention transformatrice en appui à toutes les autres    72 2.3. Renforcer le système : les changements à opérer pour pérenniser les améliorations   73 2.3.1. Renforcer l’enseignement préprimaire pour donner une longueur d’avance aux enfants   73 2.3.2. Maintenir les enfants à l’école et offrir une seconde chance d’acquérir des compétences aux jeunes    75 2.3.3. Se concentrer sur les enseignants afin de consolider le pilier du système éducatif    77 2.3.4. Construire des infrastructures favorables en appui à l’apprentissage    80 2.3.5. Réformer l’enseignement en mettant l’accent sur les programmes et les outils d’évaluation   82 2.3.6. Prestation de services dans un contexte de fragilité, de conflits et de violence (FCV)    83 2.4. Au-delà du système : financement et technologie pour transformer l’éducation    84 3. Conclusion    89 Bibliographie   92 4. Annexes    99 Annexe A. Figures    100 Annexe B. Modèle de simulation    103 Projections des effectifs    103 Coût de l’enseignement primaire universel    105 Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   5 Table des matières Liste des figures Figure 1 : Taux de rendement des années d’études supplémentaires par sexe    17 Figure 2 : Différences de gains et de probabilité d’emploi salarié associées à chaque cycle d’enseignement, par sexe (sur l’ensemble du G5 du Sahel)    17 Figure 3 : Tendances du taux brut de scolarisation (TBS) par cycle d’enseignement et sexe (pour l’ensemble du G5 du Sahel)    18 Figure 4 : Tendances des effectifs dans l’enseignement de base, pour l’ensemble du G5 du Sahel (en millions)    19 Figure 5 : Niveau d’instruction moyen de la population active par sexe, par cohortes (jeune et âgée) pour l’ensemble du G5 du Sahel    19 Figure 6 : Nombre d’années de scolarité prévu et nombre d’années de scolarité corrigé du facteur apprentissage par sexe    21 Figure 7 : Niveau de compétence en langues et en mathématiques (pour cent) dans l’évaluation du PASEC    22 Figure 8 : Taux net de scolarisation (TNS) vs Taux brut de scolarisation (TBS) par cycle d’enseignement et par sexe    23 Figure 9 : Taux de non-scolarisation et d’abandon scolaire, selon l’âge et le sexe pour l’ensemble du G5 du Sahel    23 Figure 10 : TBS selon le cycle d’enseignement, le sexe, le milieu de résidence et le quintile de richesse sur l’ensemble du G5 du Sahel    24 Figure 11 : Comparaison internationale du taux d’achèvement de l’école primaire (TAEP) et de l’indice de parité des sexes (IPS) au primaire    25 Figure 12: Taux de littératie de la population active par genre pour les cohortes plus jeunes et plus âgés (pour l’ensemble du G5 du Sahel)    26 Figure 13: Activité des jeunes (15 à 24 ans) dans l’ensemble du G5 du Sahel    26 Figure 14 : Causes immédiates et systémiques des mauvais résultats scolaires    27 Figure 15 : Le mariage précoce est en corrélation avec des taux de scolarisation plus faibles au niveau collège.    29 Figure 16: Impact de la capacité des ménages à générer des revenus sur les perspectives scolaires/professionnelles marginales des jeunes âgés de 15 à 24 ans    30 Figure 17 : Raisons de non-scolarisation, enfants en âge d’aller à l’école primaire (6-11 ans)    31 Figure 18: Écart moyen entre les scores en lecture et en mathématiques des élèves qui parlent toujours ou parfois la langue d’enseignement à la maison et ceux qui ne la parlent jamais, PASEC 2019    35 Figure 19a : Dépenses globales en éducation au Sahel, en dollars américains constants de 2018, 2009-2019    39 Figure 19b : Dépenses globales selon la composition du financement de l’éducation au Sahel, 2009-2019    39 Figure 20 : Composition du financement de l’éducation par pays    40 Figure 21: Dépenses publiques pour l’éducation en pourcentage du PIB et des dépenses publiques totales pour les pays du Sahel    41 Figure 22: Dépenses publiques par niveau d’éducation dans les pays du Sahel    42 Figure 23 : Années de scolarité ajustées du facteur apprentissage comparées aux dépenses par enfant, 2019    43 Figure 24 : Croissance démographique dans les pays du G5 Sahel    44 Figure 25: Projections des effectifs au primaire dans le cadre du scénario du statu quo, en millions d’élèves    44 Figure 26 : Nombre actuel de réfugiés, de demandeurs d’asile, de réfugiés de retour, de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) et de personnes déplacées de retour.    45 Figure 27 : Effet de la COVID-19 sur les années de scolarité ajustées du facteur apprentissage dans les pays du Sahel    47 Figure 28 : Pourcentage d’élèves inscrits dans des écoles privées    50 Figure 29 : Approche stratégique pour l’investissement dans l’éducation au Sahel    56 Figure 30: La délégation de la gestion de la construction des écoles aux communautés locales est l’approche la plus rentable pour la construction d’écoles primaires.    61 Figure 31: Les principales parties prenantes doivent collaborer pour assurer une gestion communautaire de la construction.    61 6   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Table des matières Figure 32 : Dépenses dans l’éducation exprimées en pourcentage du budget total du gouvernement et dépenses publiques exprimées en pourcentage du PIB dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure (pourcentage), 2017-19    86 Figure 33 : Coût supplémentaire de l’enseignement primaire sur les périodes 2021-2025 et 2026-2030 (millions USD)    87 Figure 34 : Coût de l’enseignement primaire, exprimé en pourcentage du PIB prévisionnel    87 Figure A1 : TBS par niveau d’instruction, sexe, région et quintile de richesse    100 Figure A2 : Taux brut de scolarisation par niveau d’instruction    100 Figure A3 : Tendances des effectifs réels dans l’éducation de base (en millions)    101 Figure A4 : Niveau d’instruction moyen de la main-d’œuvre, pour les cohortes jeunes et âgées par pays    101 Figure A5 : Activité des jeunes (15 à 24 ans) dans les pays du Sahel, les deux sexes    101 Figure A6 : Niveau d’instruction des jeunes inactifs (15 à 24 ans)*    102 Figure A7 : Milieu de résidence des jeunes inactifs (15 à 24 ans)*    102 Figure A8 : Projections des inscriptions d’élèves dans l’enseignement primaire dans le scénario de statu quo, en millions    103 Figure A9 : Projections des taux bruts de scolarisation dans l’enseignement primaire dans le scénario de statu quo    104 Figure A10 : Projections du taux net de scolarisation dans l’enseignement primaire dans le scénario alternatif « Système efficient », 2020-2030 (pourcentage)    104 Figure A11 : Projections des inscriptions d’élèves dans l’enseignement primaire dans le scénario de « Système efficient », en millions    105 Figure A12 : Dépenses par élève dans l’enseignement primaire, exprimées en pourcentage du PIB par habitant (2019 ou données les plus récentes disponibles)    105 Figure A113 : Coût supplémentaire de l’enseignement primaire sur les périodes 2021-2025 et 2026-2030 (millions USD)    106 Figure A14 : Coût de l’enseignement primaire, exprimé en pourcentage du PIB prévisionnel    106 Figure A15 : Coût de l’enseignement primaire, millions USD    107 Figure A16 : Causes d’abandon scolaire après avoir achevé l’école primaire (filles)    109 Figure A17 : Motifs d’abandon des études secondaires après les avoir entamées (filles)    109 Liste des tableaux Tableau 1 : Taux de redoublement selon le cycle d’enseignement, le sexe et le milieu de résidence 24 Tableau 2 : Taux d’alphabétisation des jeunes 26 Tableau 3 : Taux de participation à l’enseignement préprimaire à travers le Sahel 28 Tableau 4 : Proportion des enseignants de sexe féminin dans l’enseignement primaire dans les pays du Sahel, et moyennes d’Afrique subsaharienne et des pays par niveau de revenu 34 Tableau 5 : Proportion de la population ayant la langue d’enseignement (LdE) comme première langue 36 Tableau 6 : Diversité linguistique dans les pays du Sahel 36 Tableau 7 : Financement public pour l’éducation par élève/étudiant en 2019 43 Tableau 8 : Initiatives de formation à distance dans les pays du Sahel 46 Tableau 9 : Pourcentage d’enfants et de jeunes non scolarisés (6-15 ans) déclarés inscrits dans des écoles coraniques informelles dans l’ensemble du Sahel. 52 Tableau 10: Avantages à tirer de l’élimination du mariage d’enfants 68 Tableau 11 : Financement par la Banque mondiale pour l’éducation au Sahel 85 Tableau A1 : Coût de l’enseignement primaire dans le scénario alternatif « Système efficient », 2020-2030 106 Tableau A2 : Hypothèses du modèle de simulation 107 Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   7 8   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain RÉSUMÉ PHOTO PAR: © BANQUE MONDIALE ANALYTIQUE Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   9 Résumé analytique Nous savons ce que nous souhaitons : que tous les enfants aillent à l’école, que tous terminent leur éducation de base avec un socle commun, que leur éducation apporte des bénéfices individuels et collectifs, que l’apprentissage contribue à une masse critique capable de transformer l’économie…Ces mêmes questions se sont posées depuis l’Indépendance : accès, qualité, dualité du système - défis persistants - comment aller vers le changement en identifiant des points d’ancrage ? – Membre du groupe d’experts, 2021 Une bonne éducation pour tous est la clé d’un meilleur enfants et les jeunes les plus pauvres, ainsi que ceux affectés avenir à long terme pour la région du Sahel. L’éducation par les conflits, qui ont le plus besoin d’une bonne éducation améliore l’employabilité et les revenus, réduit les écarts entre pour avoir une chance dans la vie, sont ceux qui souffrent le les sexes, sort les familles de la pauvreté, renforce les institu- plus des défaillances dans l’accès et la qualité de l’éducation. tions et produit des bénéfices qui se répercutent sur la géné- Le taux de scolarisation dans le secondaire supérieur n’est ration suivante. que de 5 pour cent pour les filles rurales les plus pauvres, contre 100 pour cent pour les garçons urbains du quintile La bonne nouvelle est que la région a pris les premières le plus riche. mesures importantes pour construire cet avenir. Beau- coup plus d’enfants ont pu accéder à l’éducation au cours De nombreux facteurs font obstacle à la réalisation du des 15 dernières années : les inscriptions dans la région ont plein potentiel de l’éducation au Sahel. En plus du fait que presque doublé dans l’enseignement primaire et triplé dans les conditions dans les écoles et dans les classes soient l’enseignement secondaire. Par ailleurs, les gouvernements peu propices à l’apprentissage, il existe des défis moins ont lancé de nombreuses initiatives et annoncé des engage- perceptibles qui touchent le système éducatif dans sa to- ments de haut niveau en faveur de l’éducation. talité, et d’autres qui se rapportent aux normes sociales et qui s’étendent au-delà du système éducatif. Pourtant, de nombreux enfants ne sont toujours pas sco- larisés et ceux qui le sont apprennent beaucoup moins • Au niveau sociétal, la région du Sahel est accablée par qu’ils ne le devraient. Parmi les enfants de la région en âge des niveaux élevés d’extrême pauvreté, de croissance de fréquenter l’école primaire, 40 pour cent ne sont pas sco- démographique, de conflits et de changement clima- larisés. En outre, le taux de pauvreté éducative de la région tique, encore exacerbés par la crise de Covid-19. Cer- est de 88 pour cent, ce qui signifie que seuls 12 pour cent des taines normes sociales, notamment en ce qui concerne enfants sont scolarisés et capables de lire et de comprendre les filles et l’éducation, persistent également à réduire un texte adapté à leur âge à la fin du primaire. L’accès est l’accès et l’apprentissage. Tout cela signifie que les édu- encore plus faible à d’autres niveaux d’éducation : le taux de cateurs travaillent dans des conditions d’enseignement scolarisation est inférieur à 56 pour cent dans le premier et d’apprentissage parmi les plus difficiles au monde. cycle du secondaire dans l’ensemble du G5 Sahel et se situe • Au niveau de l’école et de la communauté, de nombreux entre 2 et 10 pour cent dans le préprimaire et le supérieur. obstacles entravent directement l’apprentissage des Tous ces facteurs contribuent à un faible niveau d’éducation enfants. Tout d’abord, les carences en matière de dé- dans la région du Sahel et donc à une faible productivité. Au veloppement de la petite enfance font que la plupart Niger, par exemple, 72 pour cent des adultes en âge de tra- des enfants ne sont pas préparés à apprendre et sont vailler n’ont aucune formation. Dans tous les pays du Sahel, piégés dans un cycle intergénérationnel de faible ca- moins de 50 pour cent des femmes adultes sont alphabéti- pital humain. Les pénuries de moyens d’enseignement sées, contre 59 pour cent dans l’ensemble de l’Afrique sub- et d’apprentissage, ainsi que l’inaccessibilité et l’inadé- saharienne et 80 pour cent dans les pays à revenu faible quation des infrastructures scolaires, limitent encore ou intermédiaire. Ce chiffre tombe à 23 pour cent pour les davantage l’accès et l’apprentissage. femmes vivant dans les zones rurales du Sahel. Même parmi • Les systèmes éducatifs ne parviennent pas à soutenir le segment le plus jeune de la population active - les jeunes les efforts d’amélioration dans les écoles. La capacité de 15 à 24 ans - les performances en lecture et en écriture de gestion du système est faible, en raison du manque sont relativement faibles au Sahel, avec des taux d’alphabé- d’information et de la politisation de la direction, et les tisation allant de 45 à 66 pour cent, alors que la moyenne politiques et programmes manquent de la cohérence en Afrique subsaharienne est de 77 pour cent. De plus, les nécessaire pour se compléter. 10   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Résumé analytique PHOTO PAR: © © 2017 DORTE VERNER/ BANQUE MONDIALE Si le manque d’argent n’est pas à l’origine de tous ces pro- grande partie des enfants. Les expériences menées dans la blèmes, un budget limité et dépensé de manière inefficace région suggèrent que la formalisation des écoles informelles sape les efforts déployés pour les résoudre. Seuls environ 3 et l’intégration de matières académiques peuvent permettre pour cent du PIB de la région sont consacrés à l’éducation, ce d’atteindre les nombreux enfants et jeunes non scolarisés du qui est inférieur aux 4 pour cent de l’Afrique subsaharienne Sahel qui s’inscrivent dans les écoles coraniques informelles. et aux 6 pour cent de la norme internationale. En outre, bien Un autre atout est la coopération régionale, qui peut soutenir que les bases soient acquises à l’école primaire, la plupart le travail sur des problèmes communs. des pays du G5 Sahel consacrent moins de 50 pour cent du total à l’enseignement primaire. De manière plus critique, les La région peut s’appuyer sur ces points forts en adoptant indicateurs combinés de scolarisation et d’apprentissage ré- la bonne stratégie - une stratégie qui priorise un nombre li- vèlent que l’ensemble du G5 Sahel est sous-performant par mité de changements de comportement permettant de ré- rapport à ce que les dépenses publiques actuelles en matière aliser des progrès dans les domaines les plus prioritaires. d’éducation peuvent réaliser. En outre, l’engagement politique La région est confrontée à trop de défis en matière d’éduca- en faveur d’une éducation de qualité n’est pas soutenu ni in- tion pour leur accorder à tous la même priorité. Au contraire, ternalisé par le personnel des ministères de l’Éducation, et se un programme qui donne la priorité aux facteurs de chan- concentre principalement sur le renforcement de l’éducation gement à court et moyen terme, combiné à des politiques des élites. de renforcement du système à long terme, peut apporter des améliorations mesurables en matière de scolarisation Mais il existe de nombreuses raisons d’espérer. Les com- et d’apprentissage équitables dans les 3 à 5 prochaines an- munautés jouent un rôle clé dans la création et l’améliora- nées. Malgré toute la douleur qu’elle a causée, la pandémie tion des écoles, et dans une région où les capacités du gou- crée une ouverture pour le progrès : la perturbation donne vernement sont faibles, leur participation peut renforcer la aux pays une chance de se demander s’ils veulent vraiment qualité des services. De même, les partenariats public-privé revenir à la scolarisation et à l’apprentissage inadéquats et peuvent étendre la portée de l’État, dans une région où les inéquitables de l’époque précédant la COVID. La réponse prestataires privés religieux et laïques scolarisent déjà une doit être négative. Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   11 Résumé analytique APPROCHE STRATÉGIQUE À L’ÉDUICATION AU SAHEL Aujourd’hui 2025 2030 Actions transformatrices pour des progrés rapides et pour établir un élan Appuyer un redressement résilient en progressant par rapport aux objectifs critiques en matiėre d’éducation d’ici 2025 Politiques et investissements à moyen terme por la pérennité Investir dans le renforcement des systèmes pur la poursuite des progrès jusqu’en 2030 et au-delà Bases d’intervention : • Porter à plus grande échelle c qui marche, se concentrer sur les plus grandes priorités pour une croissance équitable • Eclairé par les données factuelles mondiales, les expériences régionales et les technologies les plus prome euses, anciennes ou nouvelles La stratégie de la Banque au Sahel consistera à aider les devrait être mis sur le renforcement du système, avec un pays à utiliser des interventions qui changent la donne soutien efficace apporté aux apprenants et aux enseignants, pour atteindre trois objectifs essentiels : des révisions bien pensées apportées aux ressources d’ap- prentissage, et des améliorations apportées à la gestion et à 1. Réduire la pauvreté éducative par une action immé- l’environnement des écoles. À travers toutes ces réformes, le diate et concertée visant à améliorer le développe- fait de continuer à se concentrer sur de meilleurs résultats ment de la petite enfance, à élargir l’accès à une école pour tous les enfants et les jeunes - et de prendre des déci- primaire décente et à améliorer l’efficacité de l’ensei- sions en conséquence - permettra d’accroître l’efficacité des gnement en début de scolarité. Objectif : d’ici 2030, dépenses et de mieux utiliser les ressources limitées. faire en sorte que 10,2 millions d’enfants supplémen- taires du G5 Sahel soient scolarisés et sachent lire. Pour réaliser le potentiel de l’éducation au Sahel, il est éga- 2. Accroître l’éducation des filles en combinant des in- lement crucial de retenir les enfants et les jeunes qui sont terventions du côté de l’offre et de la demande, telles déjà dans le système et de fournir des programmes de se- que des partenariats public-privé pour développer la conde chance à ceux qui l’ont quitté. Pour un impact maximal, scolarisation et les bourses d’études pour les filles, ain- les politiques de rétention doivent commencer avant l’école si que des innovations en matière de prestation de ser- secondaire et les programmes de remédiation doivent être vices pour améliorer la qualité et favoriser la reprise flexibles et étroitement liés au système éducatif formel. après les fermetures de des écoles dues à la COVID 19. Objectif : d’ici 2030, inscrire 2,1 millions de filles sup- plémentaires dans l’enseignement secondaire. L’éducation est la seule véritable voie à suivre pour la ré- 3. Augmenter le taux d’alphabétisation des jeunes gion, et c’est une bonne chose. Partout dans le monde, les adultes, en mettant l’accent sur les jeunes femmes, sociétés qui ont bâti leur développement sur une éducation grâce à des programmes adaptés aux besoins et aux universelle, équitable et de haute qualité - en commençant motivations des apprenants adultes. Objectif : d’ici par veiller à ce que tous les enfants reçoivent l’apprentissage 2030, faire en sorte que 13,4 millions de jeunes adultes de base dont ils ont besoin - sont celles qui ont réussi à soute- supplémentaires, dont 6,5 millions de femmes, soient nir le développement sur plusieurs décennies et à échapper alphabétisés. à la pauvreté. Les pays doivent choisir leurs propres straté- gies pour suivre cette voie. Ce livre blanc a pour but que de Pour atteindre ces objectifs ambitieux, il faut plus que de susciter et d’informer sur la nécessité et l’urgence d’un dia- bonnes politiques et de bons programmes ; les pays ont logue quant à la manière d’aller de l’avant. Les pays du Sahel également besoin d’un engagement politique de haut ni- comptent près d’un million d’enfants d’âge scolaire supplé- veau, qui soit accompagné d’un meilleur suivi et d’une meil- mentaires par an et, à ce rythme d’amélioration historique, leure évaluation, mais aussi d’une plus grande implication la région n’atteindra même pas l’objectif de scolarisation pri- des communautés, le tout adapté aux conditions difficiles maire universelle avant au moins 2045. Cela doit changer, et du Sahel. Le budget actuel de l’éducation étant limité, un cela va changer. Il est nécessaire que les pays décident d’al- signe majeur d’engagement devrait être une augmentation ler de l’avant de manière décisive pour revendiquer l’avenir du financement public de l’éducation. Ensuite, pour soutenir que tous leurs enfants et leurs jeunes méritent. La Banque et pérenniser les gains à court et à moyen terme, l’accent Mondiale se tient prête pour les soutenir. 12   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Remerciements Le livre blanc sur l’éducation au Sahel a été préparé par une équipe dirigée par Hamoud Abdel Wedoud Ka- mil (Spécialiste principal de l’éducation, HAWE2), Melissa Ann Adelman (Économiste principale, HAWE2) et Halsey Rogers (Économiste en chef, HEDDR). L’équipe principale était composée de Shyam Srinivasan (Jeune professionnel, HAWE2), Setou Diarra (Consultant, HAWE2), Fatim Lahonri Diabagate (Consultant, HAWE2), Mahugnon Stanislas Cedric Deguenonvo (Consultant, HAWE2), et Jason Allen Weaver (Écono- miste principal, HAWE2). Le rapport a été préparé sous la direction générale de Dena Ringold (Directrice régionale, HAWDR) et Meskerem Mulatu (Directrice sectorielle pour l’éducation, HAWE2). L’équipe remer- cie tout particulièrement Ousmane Diagana (Vice-président, AFWVP), Mamta Murthi (Vice-présidente, GGHVP), Jaime Saavedra (Directeur mondial, HEDDR), et Amit Dar (Directeur régional, HAEDR) pour leur sagesse et leurs conseils. L’équipe élargie comprenait Nathan Belete, Clara Ana de Sousa, Elisabeth Huybens, Albert Zeufack, Jef- frey Waite, Amina Denboba, Assane Dieng, Stanislas Honkuy, Cristelle Kouamé, Boubakar Lompo, Pamela Mulet, Zacharie Ngueng, Harisoa Rasolonjatovo, Djiby Thiam, Rebekka Grun, Christophe Rockmore, Waly Wane, Cristina Panasco Santos, Joëlle Dehasse, Maimouna Fam, Kofi Nouvé, Rasit Pertev, Roya Vakil, Ste- phan Massing, Asbjorn Wee, Khadijetou Cissé, Thiane Dia, Seimane Diouf, Khady Fall Lo, Aissata Ngam, Bintou Sogodogo, Sidi Traoré, Enó Isong, Nayé Bathily, Christelle Chapoy, et Habibatou Gologo. L’équipe remercie les réviseurs David Evans, Deon Filmer, Scherezad Latif, Christophe Lemiere, et Atou Seck pour leur révision attentive et leurs suggestions. L’équipe est également reconnaissante des contributions et des commentaires de Joao Pedro Azevedo, Dmitry Chugunov, Soukeyna Kane, Rebecca Lacroix, Sergio Venegas Marin, Marianne Joy Anacleto Vital, Yi Ning Wang, Quentin Wodon, et de nombreux autres collègues. L’équipe a grandement bénéficié des conseils d’un groupe consultatif externe dirigé par Mamadou Ndoye, Etienne Baranshamje, Alassane Diawara et Therese Rukingama Niyonzima, avec la contribution de Birger Fredriksen. Les membres du panel étaient Mahamane Tassiou Aboubakar, Cissé Backary, Messaouda Min Baham, Moussa Kadam Djidengar Bassae, Karifa Bayo, Ngartoide Blaise, Boubacar Bocoum, Amadou Diawara, El Khalil Ould Ennahoui, Mahamat Seid Farah, Ba Fatimata, Souleymane Goundiam, Madame Halimatou Hima, Kader Kaneye, Saadana Mint Kheytour, Danda Laouali, Mahamat G. Louani, Baro Mama- dou, Assétou Founé Samake Migan, Zeidane Mohamed, Perside Naimo Beguy Nguedah, Stanislas Ouaro, Afsata Pare, Kenekouo Dit Barthélémy Togo, Nebghouha Mint Mohamed Vall, et Maiguizo Rakiatou Zada. L’équipe est également reconnaissante envers les nombreux partenaires de développement dont les points de vue et les contributions ont permis de façonner ce Livre blanc, notamment lors des consulta- tions dans les pays. Plus important encore, l’équipe remercie les collègues dévoués des gouvernements du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger qui ont participé aux consultations et qui poursuivent la mis- sion d’assurer que tous les enfants et les jeunes de la région du Sahel aient un avenir meilleur. L’équipe présente ses excuses à toute personne ou organisation omise par inadvertance dans cette liste et exprime sa gratitude à tous ceux qui ont contribué à ce Livre Blanc, y compris ceux dont les noms n’ap- paraissent pas ici. Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   13 Abréviations Abréviations ABC Alphabétisation de Base par Cellulaire LEAP Programme de promotion de l’éducation du PSA Protection sociale adaptative Liberia AWC Centres Anganwadi LdE Langue d’enseignement AWW Employé d’Anganwadi ONG Organisation non gouvernementale BEUPA Programme ougandais d’éducation de base PASEC Programme d’analyse des systèmes éduca- pour les zones urbaines pauvres (Basic Edu- tifs de la CONFEMEN (Programme for the cation for Urban Poerty Areas) Analysis of Education Systems) BRIGHT Initiative burkinabé pour d’amélioration des TAP Taux d’achèvement du cycle primaire chances de réussite des filles (Basic Educa- PPP Partenariat public-privé tion for Urban Poverty Areas) ECR Essai contrôlé randomisé CENSAD Communauté des États sahélo-sahariens SASP Programme de protection sociale adaptative CONFEMEN Conférence des ministres de l’Éducation des au Sahel États et gouvernements de la Francophonie CCSC Communication pour le changement social CTs Enseignants communautaires et comportemental ECB École Communautaire de Base IPS Indicateurs de prestation de services DJE Développement de la jeune enfance VBGMS Violence basée sur le genre en milieu sco- CEDEAO Communauté économique des États de laire l’Afrique de l’Ouest ASS Afrique sub-saharienne EHCVM Enquête Harmonisée sur les Conditions de SSA/P Stratégie de Scolarisation Accélérée avec la Vie des Ménages Passerelle EPCV Enquête Permanente sur les Conditions de REE Ratio élèves-enseignant Vie des ménages SWEDD Projet pour l’autonomisation des femmes et FCV Fragilité, Conflit et Violence le dividende démographique au Sahel VBG Violence basée sur le genre TARL (Teaching at the Right Level) Enseignement PIB Produit intérieur brut au bon niveau TBS Taux brut de scolarisation MEA Matériel d’enseignement et d’apprentissage GPE Partenariat mondial pour l’éducation EFTP Enseignement et formation techniques et IPS Indice de parité entre les sexes professionnels ICH Indice de capital humain ONU Organisation des Nations unies IAI Enseignement Interactif Audio UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’édu- ICDS Services intégrés pour le développement de cation, la science et la culture l’enfant UNICEF Fonds d’urgence des Nations unies pour l’en- FMI Fonds monétaire international fance JICA Agence japonaise de coopération internatio- EU États-Unis nale UEMOA Union économique et monétaire ouest-afri- ASCA Années de scolarité ajustées du facteur ap- caine prentissage RDM Rapport sur le développement dans le monde 14   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet 1. PROGRÈS, DÉFIS ET ATOUTS À CAPITALISER PHOTO PAR: © VINCENT TREMEAU / BANQUE MONDIALE DANS LE DOMAINE DE L’ÉDUCATION DANS LES PAYS DU SAHEL Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   15 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel 1.1. Enjeu : L’éducation pour le nir à la croissance et au développement. Abritant environ développement dans la région du 19 pour cent de la population d’Afrique de l’Ouest et cen- Sahel trale (84 sur 450 millions d’habitants), ces 5 pays figurent tous parmi les 10 pays de la région affichant la croissance Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger, démographique annuelle la plus forte (supérieure à 3 pour de vastes pays pour la plupart enclavés et semi-arides, cent). Les familles pauvres ont une faible capacité à investir sont confrontés à un ensemble de défis de développe- suffisamment dans le développement de leurs enfants, et ment communs dans le contexte de grande diversité qui la croissance démographique galopante exerce des pres- caractérise l’Afrique de l’Ouest et centrale. Les défis du sions extrêmes sur des services publics déjà limités. En développement dans la région du Sahel restent énormes conséquence, le Sahel présente des résultats de dévelop- ; ils s’incarnent dans des niveaux élevés de pauvreté, une pement humain parmi les plus faibles à l’échelle de l’Afrique faible urbanisation, une agriculture de subsistance impro- de l’Ouest et centrale et à l’échelle mondiale. D’après la me- ductive, un environnement commercial semé d’embûches, sure de l’Indice du capital humain (ICH), un enfant né dans d’infrastructures médiocres logistiques et de transport, qui la région du Sahel aujourd’hui n’aura, à l’âge adulte, qu’une empêchent une plus grande intégration régionale, une plus productivité équivalant à 34 pour cent de la productivité grande intégration régionale et donnent lieu à une faible qu’il aurait eue s’il avait bénéficié d’une éducation complète productivité et une faible qualité des services publics, une et d’une pleine santé. Ce chiffre est inférieur aux moyennes gouvernance faible et enfin un faible capital humain. Ces de la région d’Afrique subsaharienne (ASS) (40 pour cent), défis furent aggravés par les grands chocs majeurs qui ont d’Afrique de l’Ouest et centrale (38 pour cent) et des pays à sapé les fragiles progrès économiques. La pandémie mon- faible revenu (37 pour cent). Afin de permettre le développe- diale de COVID-19 a entrainé une baisse du PIB par habitant ment du capital humain, le déclenchement d’une transition dans les cinq pays en 2020, et même si la croissance devrait démographique et la stimulation du développement dont la reprendre en 2021, les effets négatifs d’une plus grande région a urgemment besoin, il est essentiel de réaliser des pauvreté et d’une situation budgétaire plus difficile se fe- investissements importants et efficaces dans la population ront encore ressentir pendant un certain temps. En outre, le sahélienne à travers des programmes d’éducation, de santé changement climatique menace les moyens de subsistance et de protection sociale. de larges segments de la population du Sahel, les tempéra- tures moyennes augmentant une fois et demie plus vite que L’éducation apporte aux personnes et aux sociétés des la moyenne mondiale et les phénomènes météorologiques avantages énormes qui sont particulièrement néces- extrêmes gagnant en fréquence et en intensité.1 saires dans les contextes de fragilité et de conflit. Au niveau individuel, le niveau d’instruction est associé à une Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger figurent par- productivité et à des revenus plus élevés, à des taux de pau- mi les pays les plus pauvres et les plus fragiles au monde. vreté plus faibles, à un meilleur état de santé et à un plus Ces quatre pays se sont classés parmi les 10 derniers pays grand engagement civique. Au niveau national, l’éducation d’Afrique de l’Ouest et centrale en termes de PIB par habi- contribue à l’innovation et à la croissance, à un meilleur tant en 2019 et parmi les 25 derniers pays du monde.2 Par fonctionnement des institutions, à une plus grande mobili- ailleurs, ils sont tous affectés par des conflits d’intensité té sociale intergénérationnelle, à des niveaux plus élevés de moyenne qui, en plus de leurs coûts directs en termes de vies confiance sociale et à une moindre probabilité de conflit.4 humaines et de dégâts matériels, forcent des populations à Outre ces avantages, l’éducation peut accélérer le progrès se déplacer, nuisent à la sécurité alimentaire et déstabilisent en favorisant le développement économique, en renforçant la gouvernance. 3 Malgré les efforts des gouvernements, l’action humanitaire, en contribuant à la sécurité et au ren- l’incidence et la gravité des conflits augmentent dans toute forcement de l’État, et en atténuant les impacts des catas- la région, et peu de signes indiquent qu’ils vont s’atténuer à trophes naturelles.5 Le rôle de l’éducation dans les efforts court ou à moyen terme. de reconstruction au lendemain de conflits a également été largement étudié et discuté.6 L’ensemble des cinq pays du Sahel étudiés doivent encore capitaliser avec efficacité l’une de leurs ressources les L’éducation est un facteur déterminant des moyens de plus abondantes — à savoir leur population — pour parve- subsistance au Sahel comme dans le monde. Même si la 1 Ehui et Sarraf (2021). 4 Banque mondiale (2018) ; Rohner et Saia (2019). 2 Indicateurs du développement dans le monde, 2021. 5 Winthrop et Matsui (2013). 3 Banque mondiale (2021a). 6 Buckland (2005). 16   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 1 : Taux de rendement des années d’études supplémentaires par sexe National Hommes Femmes 15% 15% 14% 12% 11% 12% 11% 10% 11% 10% 10% 9% 8% 7% 6% Tchad Mali Mauritanie Burkina Faso Niger Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et sur l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. Note : Le total inclut tous les travailleurs ayant une valeur de salaire positive (y compris les salaires des employés salariés, les primes, les indemnités et les paiements en nature pour les emplois principaux et secondaires). Le modèle de régression de Mincer a servi à estimer les augmentations de revenus associées aux années d’études en plus. Figure 2 : Différences de gains et de probabilité d’emploi salarié associées à chaque cycle d’enseignement, par sexe (sur l’ensemble du G5 du Sahel) Completed primary/ incomplete lower secondary 304% 301% Completed lower secondary/ incomplete upper secondary 284% 270% 280% Completed upper secondary Post secondary 220% 222% 214% 180% 170% 158% 168% 146% 126% 110% 101% 89% 86% 76% 66% 31% 33% 22% 15% Total Male Female Total Male Female Earnings premium Probability of wage employment Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger ; et sur l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. Note : Les barres à gauche illustrent l’avantage salarial obtenu par les travailleurs ayant fait des études à chaque niveau d’instruction, en comparaison à ceux sans éducation formelle. qualité de l’éducation peut présenter des faiblesses, des dustrie et services). L’éducation peut également réduire les niveaux d’instruction plus élevés restent associés à des re- écarts de revenus entre les hommes et les femmes : pour venus plus élevés, à une plus grande probabilité d’emploi un même niveau d’instruction, les femmes ont un taux de salarié et à une plus forte probabilité d’emploi dans les sec- rendement plus élevé que les hommes dans les cinq pays. teurs à plus grande productivité. Chaque année d’études supplémentaire est associée à une augmentation des reve- Même si l’éducation importe pour tous, elle importe plus nus allant d’un minimum de 7 pour cent au Tchad à un maxi- spécialement pour les filles et les femmes, et pour le pro- mum de 15 pour cent au Burkina Faso et au Niger (Figure grès d’une génération à l’autre. D’après les estimations de 1). En moyenne, comparées aux personnes sans instruction Wodon et coll. (2018), chaque année d’études secondaires ou qui n’ont pas achevé le primaire, celles ayant achevé les supplémentaire fait baisser les risques de mariage et de études primaires jusqu’au postsecondaire sont beaucoup grossesse avant l’âge de 18 ans d’environ 7 points de pour- plus susceptibles d’avoir un emploi salarié et de gagner centage en moyenne dans les pays en développement. La des avantages salariaux substantiels (Figure 2). Une année réalisation de l’enseignement secondaire universel dans les d’études supplémentaire augmente également la probabi- pays en développement permettrait d’éliminer presque tota- lité de travailler dans les secteurs à meilleur rendement (in- lement le risque le mariage des enfants, de réduire l’indice Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   17 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 3 : Tendances du taux brut de scolarisation (TBS) par cycle d’enseignement et sexe (pour l’ensemble du G5 du Sahel) 76% 2005 2018 75% 73% 49% 46% 43% 69% 76% 26% 21% 62% 20% 5% 5% 4% 6% 4% 3% 23% 27% 3% 11% 3% 3% 14% 2% 3% 18% 8% 1% Préscholaire Primaire 1er Cycle Secondaire 2nd Cycle Secondaire Enseignement Supérieur Préscholaire Primaire 1er Cycle Secondaire 2nd Cycle Secondaire Enseignement Supérieur Préscholaire Primaire 1er Cycle Secondaire 2nd Cycle Secondaire Enseignement Supérieur Total Hommes Femmes Source : EdStats et estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger ; et sur l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. Note : L’année de référence pour le TBS dans le préprimaire est 2010. L’année de référence pour le TBS dans le tertiaire au Mali est 2008. de fécondité synthétique à concurrence d’un tiers et d’amé- 1.2. Avancement : Gains en liorer considérablement l’état de santé des jeunes enfants.7 scolarisation et en niveau d’instruction dans la course entre L’éducation pourrait également contribuer à promouvoir l’accroissement de l’accès et une la paix, renforcer les institutions et à promouvoir une croissance démographique galopante croissance plus durable. À l’échelle mondiale, même s’il n’y a pas suffisamment de données causales pour le prouver, les sociétés qui ont une population plus instruite font preuve Les pays du Sahel ont quasiment doublé les effectifs de d’un plus grand engagement civique, vivent dans une plus l’enseignement primaire et secondaire au cours des deux grande confiance et tolérance et ont des institutions qui dernières décennies, mais la croissance démographique fonctionnent mieux.8 De plus, une croissance fondée sur le galopante a fait que les taux d’accès se sont peu amélio- capital humain plutôt que sur les ressources naturelles peut rés. Les taux bruts de scolarisation (TBS) ont augmenté réduire les incitations au conflit.9 En ce qui concerne le Sahel, dans quasiment tous les cycles de l’enseignement pour les une éducation plus largement accessible et de meilleure cinq pays pris ensemble (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauri- qualité pourrait réduire la fragilité en renforçant le contrat tanie et Niger) entre 2005 et 2018 (Figure 3). Cette augmen- social à travers la prestation de meilleurs services et en do- tation substantielle est due principalement à l’expansion de tant les jeunes des compétences qui leur permettront de ga- l’accès des filles à l’éducation, celui-ci ayant augmenté de 62 gner leur vie et d’éviter la violence.10 à 73 pour cent entre 2005 et 2018. Au niveau national, le TBS au primaire a considérablement augmenté au Burkina Faso, au Niger et, dans une moindre mesure, en Mauritanie (qui détenait déjà le TBS dans le primaire le plus élevé des cinq pays). En revanche, il n’a augmenté que d’un à deux points de pourcentage au Tchad et au Mali (Figure A2 en Annexe). Dans l’enseignement secondaire, chacun des cinq pays a ré- alisé une croissance à deux chiffres de son TBS au niveau du collège et une croissance légèrement inférieure au niveau du 7 Wodon et coll. (2018). lycée. Cependant, ces augmentations modestes des taux de 8 Banque mondiale (2018). 9 Banque mondiale (2018)  ; de la Brière et coll. (2017) ; Acemoglu et Wolitzky scolarisation cachent une croissance incroyable en termes (2011) ; Collier, Hoeffler et Rohner (2009) ; Davies (2004). de taille réelle du secteur de l’éducation au Sahel à cause de 10 Stratégie du Groupe de la Banque mondiale en matière de fragilité, de conflits et de violence 2020-2025. la croissance démographique galopante de ces pays (traitée 18   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 4 : Tendances des effectifs dans Figure 5 : Niveau d’instruction moyen de la l’enseignement de base, pour l’ensemble du G5 du population active par sexe, par cohortes (jeune Sahel (en millions) et âgée) pour l’ensemble du G5 du Sahel 100 1 2 2 2 1 2 4 0 Primaire 1er Cycle du Secondaire 1 1 1 1 1 1 2 10.8 7 3 2 7 9 9 4 90 8 11 80 21 22 27 70 5.9 5.6 5.1 60 19 19 3.6 50 21 3.4 90 2.5 85 40 79 1.9 1.7 1.1 0.7 0.4 30 51 2005 2018 2005 2018 2005 2018 46 Total Hommes Femmes 20 39 Source : EdStats et estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burki- 10 na Faso, le Tchad, le Mali et le Niger ; et sur l’EPCV 201 pour la Mauritanie. 0 Total Hommes Femmes Total Hommes Femmes ci-après). Par exemple, le TBS moyen du Sahel dans le cycle Age 15-24 Age 55-64 primaire est passé de 69 à 75 pour cent entre 2005 et 2018, Non scolarisé Primaire non achevé soit une augmentation de 6 points de pourcentage, mais les 1er Cycle du Secondaire non achevé 2nd Cycle du Secondaire effectifs réels dans le primaire sont passés de 5,9 millions Enseignement Technique non achevé et Formation Professionnel Cycle Supérieur à 10,8 millions (augmentation de 85 pour cent) au cours de Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le la même période. De même, au collège, alors que le TBS est Tchad, le Mali et le Niger ; et sur l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. passé de 23 pour cent à 43 pour cent sur la même période (augmentation de 20 points de pourcentage), les effectifs réels ont plus que triplé entre 2005 et 2018, passant de 1,1 million à 3,6 millions (Figure 4). Le niveau d’instruction de la main-d’œuvre augmente éga- lement, quoique le niveau de départ ait été très bas. La Fi- La participation au préprimaire et au postsecondaire a gure 5 montre qu’en moyenne, 54 pour cent de la cohorte augmenté rapidement, mais reste fortement concentrée des jeunes (15 à 24 ans) au Sahel ont fait au moins quelques parmi les classes sociales plus aisées. Les TBS du prépri- études primaires formelles, ce qui est de loin supérieur aux maire et du postsecondaire restent égaux ou inférieurs à 10 15 pour cent d’adultes plus âgés (55 à 64 ans) ayant fait des pour cent sur l’ensemble du Sahel, même si, dans de nom- études formelles. Lorsque la distribution de la population en breux cas, ils ont augmenté de 50 à 100 pour cent entre 2005 âge de travailler est désagrégée par sexe, les jeunes femmes et 2018 (Figure 3). En ce qui concerne ces deux cycles, l’accès sont relativement plus nombreuses (51 pour cent) que les est quasi exclusivement concentré au niveau des ménages jeunes hommes (39 pour cent) à ne pas avoir reçu d’instruc- urbains du quartile supérieur. Par exemple, sur l’ensemble du tion formelle. Cet écart entre les sexes est beaucoup plus Sahel en moyenne, le TBS dans le tertiaire est de 0 pour cent grand dans la cohorte des personnes plus âgées. En termes chez les hommes et les femmes du quintile inférieur vivant en de nombres d’années de scolarité achevées, la cohorte des milieu rural, mais de 13 pour cent chez les femmes du quin- jeunes du Sahel a, en moyenne, 4,2 années de scolarité à son tile supérieur vivant en milieu urbain et de 21 pour cent chez actif, contre 1,2 année pour la cohorte des adultes plus âgés. leurs homologues masculins. Ces mesures indiquent que des progrès importants ont été Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   19 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel réalisés en matière d’élargissement de l’accès à l’éducation et de comprendre un texte adapté à leur âge. Ce taux de et d’amélioration du niveau d’instruction au cours des quatre pauvreté des apprentissages varie légèrerement d’un pays à dernières décennies, ce qui constitue une réalisation impor- l’autre, allant de 75 pour cent au Burkina Faso à 95 pour cent tante quand on sait que la population du Sahel a plus que tri- en Mauritanie, reflétant à la fois le faible niveau de littératie plé au cours de cette période. des enfants scolarisés et les fortes proportions d’enfants non scolarisés.13 Lorsqu’ils n’ont pas une base solide en litté- Ces signes de progrès montrent par ailleurs ce qui peut ratie, les enfants ne peuvent pas pleinement tirer parti de la être fait quand l’engagement politique y est. Par exemple, poursuite de leur scolarité et se retrouvent mal préparés à au Burkina Faso, une politique sectorielle participative et un devenir des travailleurs productifs et des citoyens engagés. engagement politique de haut niveau en faveur de l’élargis- Les 5 pays du Sahel considérés se classent parmi les 20 pays sement et du renforcement du secteur de l’éducation sont au monde où les taux de pauvreté des apprentissages sont en place depuis le début des années 2000 et se concrétisent les plus élevés, une situation qui, en l’absence de mesures dans les dépenses pour l’éducation relativement élevées efficaces, menace la réalisation de tous les objectifs de dé- du pays et ses résultats d’apprentissage qui dépassent ce à veloppement. quoi on s’attendrait au regard du PIB par habitant.11 Au Ni- ger, l’éducation a récemment été déclarée priorité politique Les enfants scolarisés reçoivent, en moyenne, une édu- majeure par la nouvelle administration, maintenant ainsi une cation de mauvaise qualité et les niveaux d’apprentissage orientation qui a contribué à faire du Niger le seul pays du – lorsqu’ils sont mesurés - sont très bas. Seuls le Burkina Sahel où les résultats d’apprentissage se sont considérable- Faso, le Tchad et le Niger ont participé à la vague 2019 de ment améliorés entre 2014 et 2019.12 l’évaluation internationale de l’apprentissage du PASEC. Les résultats montrent que même si la situation varie au sein de la région du Sahel, en moyenne, les niveaux d’apprentissage 1.3. Défis : Une pauvreté des des enfants scolarisés sont extrêmement bas. Les résultats apprentissages généralisée due à de 2019 montrent que seuls 22 pour cent des élèves en 6e un enseignement de faible qualité année d’études au Tchad et 30 pour cent au Niger atteignent et à des écarts de scolarisation le seuil de compétence en lecture du PASEC (Figure 7). Ces persistants, caractérisés par des résultats sont nettement meilleurs au Burkina Faso où 69 pour cent des élèves en 6e année d’études atteignent le seuil inégalités flagrantes  de compétence en lecture, contre une moyenne de 48 pour cent dans le cadre du PASEC. Cependant, le seuil de compé- Les enfants vivant dans les pays du Sahel achèvent beau- tence du PASEC est inférieur au niveau minimum mondial coup moins d’années d’études de qualité que leurs pairs de compétence en lecture utilisé dans le processus de suivi des autres régions du monde. En moyenne, un enfant né des Objectifs de Développement Durable (ODD) - en d’autres au Sahel aujourd’hui achèvera en toute probabilité environ termes, la proportion d’enfants qui atteignent le seuil de 6,1 années de scolarité, contre une moyenne mondiale de compétences de base attendu dans le cadre des ODD est plus de 11 années (Figure 6). Cependant, une fois ajustées du encore plus faible que ces chiffres. Le Mali et la Mauritanie facteur apprentissage, ces 6,1 années sont réduites à l’équi- n’ont participé à aucune évaluation internationale des élèves valent d’environ 3,4 années de scolarité de qualité, contre récemment et il n’y a donc pas de données permettant d’éva- une moyenne mondiale de 7,8 années. Dans l’ensemble, les luer l’apprentissage dans ces pays par rapport à des réfé- années de scolarité attendues et les années de scolarité rences internationales. corrigées du facteur apprentissage sont supérieures chez les garçons par rapport aux filles dans la région du Sahel. Malgré des progrès importants en matière d’accès, envi- Le nombre d’années d’études ajustées du facteur apprentis- ron 10,8 millions d’enfants et d’adolescents (âgés de 6 à 15 sage va de 2,6 au Mali et au Niger à 4,2 en Mauritanie. 13 La pauvreté des apprentissages correspond à la proportion d’enfants inca- Selon les estimations, dans l’ensemble du Sahel, 88 pour pables de lire et de comprendre un texte simple à l’âge limite de 10 ans. Cet indi- cent des enfants âgés de 10 ans sont incapables de lire cateur intègre les indicateurs de scolarisation et d’apprentissage : il part de la part d’enfants n’ayant pas atteint le niveau minimum de compétences en lecture (tel que mesuré en milieu scolaire) et l’ajuste à la proportion d’enfants non scolarisés (et, de ce fait, présumés avoir des difficultés à lire). En fait, la pauvreté des apprentissages 11 Livre blanc sur l’éducation au Sahel, Consultation avec des experts externes, est particulièrement élevée dans la région. En moyenne dans la région du Sahel, mars 2021 ; Indicateurs du développement dans le monde, 2021. lorsque les enfants non scolarisés sont pris en compte, environ 88 pour cent des 12 Tel que mesuré par le Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la enfants en fin d’âge primaire ont des difficultés à lire, et donc des difficultés d’ap- CONFEMEN (PASEC). prentissage. 20   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 6 : Nombre d’années de scolarité prévu et nombre d’années de scolarité corrigé du facteur apprentissage par sexe Total 7.80 11.3 Moyenne Globale Femmes 8.1 11.4 Hommes 7.8 11.3 Total 5.0 Subsaharienne 8.3 Moyenne Afrique Femmes 4.6 8.3 Hommes 4.7 8.4 Total 3.4 Moyenne Sahel 6.1 Femmes 3.2 5.9 Hommes 3.5 6.5 Total 4.2 7.7 Mauritanie Femmes 4.4 7.9 Hommes 4.1 7.5 Total 4.5 7.0 Burkina Faso 4.5 Femmes 7.0 Hommes 4.6 7.0 Total 2.7 5.5 2.4 Niger Femmes 5.0 Hommes 2.9 5.9 Total 2.8 5.3 2.3 Tchad Femmes 4.4 Hommes 3.4 6.2 2.6 Niveau d’éducation a endu Total 5.2 Niveau d’éducation ajusté 2.4 Mali Femmes 4.9 à l’apprentissage Hommes 2.7 5.6 0.0 2.0 4.0 6.0 8.0 10.0 12.0 Source : Indice du capital humain ans) restent non scolarisés, la plupart d’entre eux accé- scolarisés.14 Environ un tiers des enfants en âge de fréquen- dant tardivement à l’éducation et abandonnant de façon ter le primaire à travers le Sahel n’ont jamais fait d’études précoce, et bon nombre n’y participant jamais. Selon les formelles (Figure 9). estimations, en 2018, le Sahel comptait environ 14,5 millions d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire (6-11 ans) Pour ceux qui accèdent à l’école, l’entrée peut être tardive, parmi lesquels environ 7 millions (48 pour cent) n’étaient pas les taux de redoublement peuvent être élevés et les aban- scolarisés. Dans chacun des 5 pays, plus de 40 pour cent des dons précoces. Moins de 30 pour cent des enfants âgés de enfants en âge de fréquenter l’école primaire ne sont pas 6 ans sont scolarisés, même si 6 ans est l’âge officiel de com- scolarisés, le taux le plus faible étant détenu par le Burkina mencement des études primaires dans l’ensemble du Sahel. Faso (40,1 pour cent) et le plus élevé par le Tchad (49,5 pour Les taux de redoublement sont, en moyenne, très élevés : cent). De même, le Sahel comptait environ 8,1 millions d’en- 10 pour cent dans le primaire, 11 pour cent au collège et 13 fants en âge de fréquenter le collège (12-15 ans) parmi les- pour cent au lycée. Les taux de redoublement sont plus éle- quels environ 3,8 millions (45 pour cent) n’étaient pas scolari- vés chez les filles et les enfants en milieu rural (Tableau 1). La sés. Les 5 pays du Sahel étudiés figurent parmi les 20 pays au monde présentant les plus fortes proportions d’enfants non 14 Indicateurs du développement dans le monde, 2021. Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   21 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 7 : Niveau de compétence en langues et en mathématiques (pour cent) dans l’évaluation du PASEC Niveau de compétence, Langues (%), Grade 6 2014 2019 Moyenne PASEC 47 39 Niger 8 Filles 31 Tchad 12 20 Burkina Faso 56 67 Moyenne PASEC 43 40 Niger 9 30 Garçons Tchad 17 24 Burkina Faso 58 67 Moyenne PASEC 45 40 Niger 8 30 Total Tchad 15 22 Burkina Faso 57 67 Niveau de compétence, Mathematiques(%), Grade 6 Moyenne PASEC 42 31 Niger 6 22 Filles Tchad 15 11 56 Burkina Faso 62 Moyenne PASEC 43 31 Niger 8 23 Garçons Tchad 20 13 63 Burkina Faso 63 Moyenne PASEC 41 31 Niger 8 22 Total Tchad 19 12 59 Burkina Faso 63 0 10 20 30 40 50 60 70 Source : Estimations des auteurs basées sur les données du PASEC 2014 et 2019. Figure 8 montre le TBS et le taux net de scolarisation (TNS15) ment. Par exemple, le taux de redoublement dans l’enseigne- - un indicateur indirect des enfants ayant dépassé l’âge nor- ment primaire varie de juste 5 pour cent au Niger à 20 pour mal par niveau. La figure montre un écart important entre cent au Tchad (Tableau 1). L’abandon précoce est également le TBS et le TNS. Par exemple, le TBS au primaire en Mauri- très courant. Passé l’âge de 11 ans, les taux de participation tanie est de 77 pour cent, mais le TNS n’est que de 55 pour baissent de façon constante de sorte que plus de la moitié cent. Les interruptions de la scolarité ou le redoublement des jeunes de 15 ans ne sont pas scolarisés (Figure 9). d’années d’études successives contribuent à cet écart, em- pêchant les enfants d’achever le niveau d’instruction souhai- Dans chaque pays, le nombre de filles et d’enfants issus de té dans les délais standard. Le taux de redoublement varie milieux économiques défavorisés qui sont non scolarisés fortement d’un pays à l’autre à tous les niveaux de l’enseigne- est disproportionnellement plus élevé que celui de leurs homologues des classes aisées vivant en milieu urbain. À 15 L’inconvénient majeur du TNS en tant qu’indicateur est qu’il ne tient compte chaque âge, le nombre de filles non scolarisées est supérieur que de l’enseignement des enfants qui se trouvent dans la tranche d’âge officielle de fréquentation d’un cycle donné, excluant ainsi tous les enfants qui entrent dans le à celui des garçons, la plus grande différence étant notée système après ou avant cet âge officiel. Ceci peut s’accompagner d’erreurs de me- chez les enfants âgés de 13 et 14 ans. La Figure 10 montre sure dues à un manque de précision sur l’âge réel des élèves : dans certains pays africains, la modification de l’âge des enfants à l’état civil est une pratique courante. les disparités flagrantes de scolarisation à tous les niveaux 22   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 8 : Taux net de scolarisation (TNS) vs Taux brut de scolarisation (TBS) par cycle d’enseignement et par sexe 90% Taux Net de Scolarisation Taux Brut de Scolarisation 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Primaire 1er Cycle 2nd Cycle Primaire 1er Cycle 2nd Cycle Primaire 1er Cycle 2nd Cycle Secondaire Secondaire Secondaire Secondaire Secondaire Secondaire Total Hommes Femmes Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger et sur l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. Figure 9 : Taux de non-scolarisation et d’abandon scolaire, selon l’âge et le sexe pour l’ensemble du G5 du Sahel 80 Jamais Scolarisés Décrocheurs 70 5 5 4 60 5 4 5 50 13 16 11 2 15 2 3 3 5 12 40 3 4 6 12 3 4 8 4 3 4 6 8 4 8 30 64 63 66 49 48 50 20 40 38 41 37 38 36 34 33 35 37 34 33 34 36 35 35 34 37 32 31 32 30 29 31 10 0 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Total Hommes Femmes Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger et sur l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. d’enseignement entre les élèves du quintile socioécono- masculins, les filles du quintile supérieur vivant en milieu ur- mique inférieur vivant en milieu rural et les élèves du quintile bain ayant un TBS inférieur de 40 points de pourcentage à supérieur vivant en milieu urbain. Alors que le taux brut de celui des garçons. scolarisation (TBS) des garçons du quintile supérieur vivant en milieu urbain atteint pratiquement les 100 pour cent du Ces défis se retrouvent dans les taux relativement faibles primaire jusqu’au lycée, il est inférieur à 10 pour cent chez d’achèvement du primaire au Sahel et dans l’absence de les garçons et les filles issus des ménages les plus pauvres parité des sexes, en particulier au Tchad, au Mali et au Ni- vivant en milieu rural. Même les filles issues de milieux rela- ger. Le taux moyen d’achèvement de l’école primaire (TAEP) tivement aisés sont désavantagées par rapport à leurs pairs dans la région du Sahel est de 61 pour cent et l’indice de pa- Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   23 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Tableau 1 : Taux de redoublement selon le cycle d’enseignement, le sexe et le milieu de résidence Sexe Zone Masculin Féminin Urbain Rural Total Primaire Burkina Faso 9,9 7,3 7,3 9,2 8,7 Tchad 18,9 20,8 13,2 23,4 19,8 Mali 9,5 9,2 8,2 9,9 9,4 Mauritanie 15,8 15,5 14,8 16,5 15,6 Niger 5,8 4,7 6,8 4,7 5,3 Collège Burkina Faso 14,8 16,4 15,7 15,6 15,6 Tchad 10,7 11,6 8,8 13,8 11,0 Mali 13,3 12,9 10,9 15,2 13,1 Mauritanie 11,8 7,9 10,2 7,9 9,6 Niger 10,1 10,0 10,3 9,8 10,1 Lycée Burkina Faso 13,3 9,1 9,9 15,9 11,3 Tchad 14,8 11,6 11,6 18,7 13,7 Mali 14,2 13,1 12,2 17,6 13,7 Mauritanie 22,0 20,7 21,8 18,2 21,5 Niger 13,6 4,7 9,3 10,8 9,7 Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger et sur l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. rité des sexes (IPS) moyen se situe à 92 pour cent, ce qui est Figure 10 : TBS selon le cycle d’enseignement, légèrement inférieur aux moyennes relevées en ASS, soit 63 le sexe, le milieu de résidence et le quintile de pour cent et 95 pour cent (Figure 11). Ces taux varient forte- richesse sur l’ensemble du G5 du Sahel ment au sein du Sahel, le Tchad, le Mali et le Niger se classant 114% en dessous des moyennes de l’ASS et le Tchad en dernier 109% avec un TAEP de seulement 43 pour cent et un IPS de 78 98% 100% pour cent. De l’autre côté, le Burkina Faso se classe légère- ment au-dessus des moyennes de l’ASS, avec un TAEP de 63 91% pour cent et un IPS de 98 pour cent. La Mauritanie se classe vers le haut de la liste avec un TAEP de 82 pour cent et une proportion plus élevée de filles que de garçons achevant le 58% 60% primaire avec un IPS de 106. 54% Le taux moyen d’alphabétisation des adultes en âge de travailler (15-64 ans) au Sahel n’est que de 42 pour cent environ, avec des variations importantes selon le sexe et 23% 19% 21% la situation géographique. En d’autres termes, plus de la moitié des adultes - ainsi qu’environ deux tiers des femmes 13% 9% 5% 0.3% adultes - sont analphabètes, c’est-à-dire incapables de lire 0.2% ou d’écrire dans une langue quelconque. Les performances Primaire 1er Cycle du 2nd Cycle Supérieur sahéliennes en matière de lecture et d’écriture sont assez Secondaire du Secondaire faibles par rapport aux normes régionales et mondiales : Plus démunies, Rural, Femmes Plus démunis, Rural, Hommes dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, 59 pour cent Plus nantis, Urbain, Femmes Plus nantis, Urbain, Hommes des adultes en âge de travailler sont alphabétisés, et ce Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger et sur l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. chiffre est de 80 pour cent pour les pays à revenu faible ou 24   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 11 : Comparaison internationale du taux d’achèvement de l’école primaire (TAEP) et de l’indice de parité des sexes (IPS) au primaire Taux d’achevement du Primaire (TAP) 93 88 85 84 83 83 82 80 80 80 80 74 72 70 71 71 71 69 66 65 64 63 63 60 59 57 56 56 54 53 48 48 45 43 43 42 40 39 34 29 25 Mali RDC Togo STP South Sudan Guinea-Bissau Liberia Ouganda Ethiopie Mozambique Tchad RCA Guinée Guinea Bénin Malawi Burundi Rwanda Sénégal Madagascar Niger Angola Moyenne ASS Burkina Faso Sierra Leone Soudan Gambie Eswatini Nigeria Gabon Ghana Zambie Cameroun Tanzanie Lesotho Rép. Congo Mauritanie Namibie Kenya Côte d'Ivoire Zimbabwe Afrique du Sud Indice de Parite entre les sexes (IPS) 112% 109% 107% 106% 103% 103% 103% 102% 100% 101% 101% 101% 101% 99% 98% 99% 98% 97% 96% 97% 97% 96% 95% 95% 94% 94% 94% 94% 93% 93% 93% 92% 90% 91% 90% 87% 86% 82% 78% 78% 71% South Sudan Tchad RCA Guinée Niger Angola Mali Cameroun Ethiopie Eswatini Côte d'Ivoire Mozambique Guinée-Bissau Bénin RDC Soudan Nigeria Lesotho Moyenne ASS Afrique du Sud Togo Namibie STP Gabon Zimbabwe Burkina Faso Rwanda Libéria Kenya Madagascar Malawi Ghana Burundi Zambie Tanzanie Ouganda Sierra Leone Mauritanie Rép. Congo Gambie Sénégal Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Sénégal et Statistiques de l’éducation (EdStats) pour le reste. intermédiaire dans le monde. Les taux d’alphabétisation cité à appliquer les compétences en alphabétisation à des dans la région varient également considérablement, allant tâches au travail et dans la vie quotidienne, est probable- de 32 pour cent au Tchad à plus de 60 pour cent en Mau- ment encore plus faible. ritanie. La figure 12 montre les taux d’alphabétisation par- mi les jeunes et les jeunes adultes (15-34 ans) et les adultes Le manque de compétences de base chez les jeunes et (15-64 ans). En moyenne, seuls 32 pour cent des adultes (15- les adultes en âge de travailler, en particulier les femmes, 64 ans) vivant en milieu rural sont alphabétisés, contre 66 freine la productivité et le développement au Sahel. Ces pour cent en milieu urbain. Pour les femmes en milieu rural, données soulignent que malgré les progrès réalisés en ma- la situation est encore pire : seulement 23 pour cent sont tière de scolarisation, les niveaux de scolarisation et de com- alphabétisées. Sans surprise, pour l’ensemble de la région, pétences de la main-d’œuvre restent très faibles par rapport le taux d’alphabétisation est plus élevé dans la cohorte la aux normes mondiales. Un capital humain aussi faible, même plus jeune de la population active (15-34 ans), avec 49 pour chez les membres potentiels les plus jeunes de la population cent. Cependant, lorsqu’on les compare à ceux d’autres pays active, constitue un frein à la performance économique, pro- d’Afrique subsaharienne, les taux d’alphabétisation au Sahel bablement dans tous les secteurs. En effet, dans les cinq pays sont assez faibles, même dans le segment le plus jeune de du Sahel, 31 pour cent des entreprises en moyenne déclarent la population active - les jeunes de 15 à 24 ans (tableau 2). qu’une main-d’œuvre insuffisamment qualifiée constitue une Le taux d’alphabétisation fonctionnelle, c’est-à-dire la capa- contrainte majeure pour leur activité, contre 16 pour cent en Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   25 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 12: Taux de littératie de la population Tableau 2 : Taux d’alphabétisation des jeunes active par genre pour les cohortes plus jeunes et Taux d’alphabétisation des jeunes, plus âgés (pour l’ensemble du G5 du Sahel) Pays 15-24 ans, les deux sexes 90 Burkina Faso 59 81 Tchad 45 80 75 Mali 56 70 Mauritanie 66 66 Niger 46 60 57 ASS 77 50 Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le 47 Tchad, le Mali et le Niger ; l’EPCV 2014 pour la Mauritanie ; et l’ISU 2018 de l’UNESCO 41 pour l’ASS. 40 30 30 Figure 13: Activité des jeunes (15 à 24 ans) dans 23 20 l’ensemble du G5 du Sahel 10 3.5% 0 Rural Rural Urban Urban Rural Rural Urban Urban Garçons female male female male female male female male 25% 35% Adult 15-64 Youth 15-34 Source: Estimations des auteurs basées sur EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, et le Niger; et EPCV 2019 pour la Mauritanie. 44% Filles 65% 27% moyenne pour l’ASS.16 Dans le même temps, environ 44 pour cent des jeunes des cinq pays ne sont ni scolarisés ni actifs (figure 13). Parmi ces jeunes inactifs, entre 60 et 80 pour cent n’ont pas suivi d’enseignement formel, ce qui montre à Etudes et travail Ni études ni travail Etudes seulement Travail seulement quel point les systèmes éducatifs du Sahel sont embryon- naires. 17 Deux tiers d’entre eux sont des femmes et, à l’excep- Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le tion de la Mauritanie, environ 80 pour cent vivent dans des Tchad, le Mali et le Niger et sur l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. zones rurales.18 16 Enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises (https://www.enter- prisesurveys.org/en/enterprisesurveys). Burkina Faso 2009 : 37,5 pour cent ; Tchad 2018 : 10,3 pour cent ; Mali 2016 : 44,7 pour cent ; Mauritanie 2014 : 39,3 pour cent ; Niger 2017 : 21,9 pour cent 17 Voir Figure A6 en annexe. 18 Voir Figure 13 ci-dessous et Figure A7 en annexe. 26   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 14 : Causes immédiates et systémiques des mauvais résultats scolaires Les apprenants ne bénéficient pas L’enseignement est Les ressources d’apprentissage Les infrastructures scolaires de la préparation et de l’appui insuffisant et inefficace. sont rares et sont de mauvaise qualité sont inadéquates et inaccessibles nécessaires pour réussir. Faible capacité et manque de cohérence dans la gestion du système Insuffisance et inefficience du financement public Source : Auteurs, sur la base des données de la Banque mondiale (2018). et 40 pour cent au Tchad (tous deux classés dans le quar- 1.4. Causes des mauvais résultats : tile inférieur à l’échelle mondiale) et sont aussi préoccupants facteurs immédiats et systémiques dans les autres pays où ils tournent autour de 25 pour cent dans l’enseignement de base (moitié inférieure à l’échelle mondiale).19 En 2018, l’UNICEF a signalé que plus de 1,3 million d’enfants de moins de 5 ans Les mauvais résultats en matière d’éducation au Sahel avaient besoin de traitement pour malnutrition aiguë sévère découlent d’un ensemble de facteurs immédiats et systé- dans les 5 pays du Sahel considérés étudiés et au Sénégal, miques liés entre eux. Les obstacles au niveau des écoles ce qui constitue le record d’au moins une décennie et une et des communautés qui constituent une contrainte directe augmentation de plus de 50 pour cent par rapport à 2017.20 pour les résultats scolaires des enfants comprennent : (i) la Le retard de croissance et la malnutrition sont attribuables non-préparation des enfants à l’école ou leur exclusion totale, à de multiples facteurs, y compris une mauvaise santé et nu- (ii) les faiblesses de l’enseignement, tant en termes quantita- trition de la mère, des pratiques d’alimentation inadéquates tifs que qualitatifs, (iii) l’insuffisance des moyens d’apprentis- du nourrisson et du jeune enfant et les infections.21 Des fac- sage, et (iv) l’inaccessibilité et l’inadéquation des infrastruc- teurs contextuels tels que l’insécurité alimentaire, liée aux tures scolaires. Ces défis en matière de prestation de chocs climatiques, la difficulté d’accès aux soins de santé et services découlent de faiblesses sous-jacentes des systèmes le manque d’assainissement entrent également en jeu.22 Les éducatifs, y compris une faible capacité et le manque de co- nombres de cas de retard de croissance ont également ten- hérence dans la gestion du système, ainsi que l’insuffisance dance à être nettement plus élevés dans les États fragiles et du financement public (Figure 14). Cette section examine en conflit que dans les pays plus stables.23 successivement les données factuelles relatives à chacun de ces facteurs, en se concentrant sur l’enseignement de base Les enfants manquent les premières années d’appren- (primaire et secondaire), une orientation qui est motivée à tissage qui ont une grande importance, la participation à la fois par la reconnaissance du fait que l’enseignement de l’enseignement préprimaire étant très faible et concen- base est le seul système que l’écrasante majorité des enfants trée au niveau des ménages urbains aisés. Les TBS dans au Sahel aujourd’hui aura des chances réelles de fréquenter, le préprimaire au Sahel variaient d’environ 2 pour cent ainsi que par des considérations plus pratiques relatives à (Tchad) à 13 pour cent (Mauritanie) en 2018 (Tableau 3). Des des contraintes en matière de données et d’espace. données factuelles indiquent une augmentation rapide de la demande de certains parents pour des programmes de développement de la petite enfance, combinée à une volon- 1.4.1. Préparation et appui insuffisants à la té à payer pour ces programmes. Par exemple, les effectifs réussite des apprenants du préprimaire au Niger ont triplé entre 2010 et 2018 et ont augmenté d’environ 60 pour cent au Burkina Faso entre 2011 De larges segments de la population des jeunes enfants au Sahel ont de mauvais résultats en matière de santé, 19 Banque mondiale (2020a). ce qui fait qu’ils ne sont pas préparés à l’apprentissage en 20 UNICEF (2018). milieu scolaire. Les taux de retard de croissance chez les 21 OMS (2014). 22 OMS (2017). enfants de moins de 5 ans atteignent 48 pour cent au Niger 23 Khara et autres (2017). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   27 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Tableau 3 : Taux de participation à l’enseignement préprimaire à travers le Sahel Taux de participation à l’enseignement préprimaire Pays National Le plus pauvre Le plus riche Rural Urbain Burkina Faso 3% 0,1% 17% 0,4% 16% Tchad 2% 0,5% 6% 1% 7% Mali 4% 1% 14% 2% 11% Mauritanie 13% 8% 23% 14% 12% Niger 5% 2% 16% 3% 18% Moyenne 5% 2% 15% 4% 13% Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger ; et sur l’EPCV 2014 pour la Mauritanie et 2015, quoiqu’il faille signaler que les niveaux étaient bas au et le Niger figurent parmi les 20 pays ayant les taux de ma- départ. La pauvreté et le fait de vivre en milieu rural sont de riage d’enfants les plus élevés au monde, et jusqu’à 76 pour puissants prédicteurs d’une non-participation à l’enseigne- cent des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans au Niger.28 ment préprimaire. En moyenne, les enfants du quintile le plus La grossesse et/ou le mariage sont systématiquement cités riche ont près de huit fois plus de chance de faire des études comme les principales causes d’abandon scolaire des filles, préprimaires que les enfants du quintile le plus pauvre, et les soit après avoir achevé l’enseignement primaire, soit après services d’enseignement préprimaire ne sont, dans de nom- avoir entamé les études secondaires, mais sans les avoir breux cas, tout simplement pas offerts en milieu rural.24 Pas- achevées (Figures A16 et A17 en annexe). Au Niger en parti- sé le préprimaire, la majorité des enfants au Sahel entrent culier, les adolescentes mariées peuvent être expulsées des à l’école primaire de façon très tardive, seulement 29 pour écoles publiques.29 Le refus familial semble également être cent des enfants âgés de 6 ans étant scolarisés. l’une des raisons pour lesquelles les adolescentes aban- donnent l’école, ce qui témoigne des faibles attentes que les La plupart des services d’enseignement préprimaire exis- parents ont souvent quant au rendement de l’éducation de tants sont de mauvaise qualité. Très peu d’enseignants du leurs filles.30 Cette situation pourrait s’expliquer en partie préprimaire sont formés, et les gouvernements contrôlent par les mentalités locales. Au Burkina Faso, par exemple, 44 rarement la qualité de prestation des services d’enseigne- pour cent de la population est en faveur du mariage précoce ment préprimaire. Au Burkina Faso, seuls 22 pour cent envi- (avant 18 ans) des filles, contre seulement 4 pour cent pour ron du personnel des écoles préprimaires enregistrées ont les garçons.31 Les taux élevés de mariage précoce sont cor- reçu une formation, cette proportion étant probablement rélés à des taux de scolarisation et des taux d’achèvement encore plus faible dans les institutions informelles non en- de l’enseignement secondaire plus faibles chez les filles (Fi- registrées. Seuls 2 des 11 instituts pédagogiques au Niger gure 15. Le mariage précoce est également associé à des offrent une formation à l’enseignement préprimaire.25 Les taux de fécondité plus élevés. Au Niger, par exemple, 43 pour programmes préscolaires au Burkina Faso sont peu axés cent des filles ont donné naissance à au moins 1 enfant avant sur le développement des compétences sociales et psycho- l’âge de 18 ans.32 Outre le mariage précoce, les restrictions motrices ou sur la mise en place des bases adéquates pour sur les libertés civiles des femmes peuvent également contri- la littératie et la numératie en vue d’un plus grand développe- buer aux disparités entre les sexes en matière d’éducation. ment dans l’enseignement primaire.26 Les femmes n’ont souvent pas la possibilité d’accéder aux espaces publics en toute sécurité et au même titre que les Chez les enfants plus âgés, certaines normes sociales hommes en raison de lois et de normes informelles, même si courantes dans la région entravent l’accès des filles et leurs droits sont protégés par des dispositions de la loi. C’est des femmes à l’éducation et perpétuent les grossesses le cas dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, y compris précoces et fréquentes.27 Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali 28 UNICEF (2020). 24 Banque mondiale (2019a). 29 Perlman et coll. (2018). 25 Banque mondiale (2020b). 30 Perlman et coll. (2018). 26 Banque mondiale (2015a). 31 OCDE DEV (2018). 27 Wodon et coll. (2017) et Giacobino et coll. (2019). 32 Perlman et coll. (2018). 28   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 15 : Le mariage précoce est en corrélation avec des taux de scolarisation plus faibles au niveau collège. 1.2 Scolarisation dans le secondaire, Indice de parité des sexes 1.1 1.0 0.9 MRT BFA 0.8 MLI TCD 0.7 NER 0 20 40 60 80 Prévalence du mariage précoce Afrique subsaharienne Amérique latine et Caraïbes Europe, Asie centrale et Amérique du nord Régression linéaire Source : Indicateurs du développement dans le monde (base de données), http://data.worldbank.org . Une analyse similaire a été incluse dans les travaux de Bouchama et coll. (2018) ; les auteurs l’ont reprise ici, en utilisant un ensemble de données plus large. Note : Cette figure compare l’indice de parité des sexes en termes de scolarisation dans le secondaire et la prévalence du mariage précoce dans 151 pays (48 en ASS, 61 en Europe, Asie centrale et Amérique du Nord, et 42 en Amérique latine et dans les Caraïbes). Les auteurs ont pris en compte l’effet du PIB par habitant, de la proportion d’enseignants de sexe féminin, des dépenses publiques pour l’éducation, de l’écart entre les sexes en matière de chômage, du taux d’urbanisation et les variables muettes régionales. La valeur R² de ces variables est de 0,52, ce qui implique que 52 pour cent des disparités en matière de participation des filles à l’enseignement secondaire entre les pays s’expliquent par la prévalence du mariage précoce des filles, une fois l’effet des variables citées pris en compte. le Burkina Faso, le Tchad et le Mali.33 Au Burkina Faso, 91 pour rière le Sud-Soudan au classement mondial.36 L’état de santé cent de la population estime que les femmes doivent obtenir des mères adolescentes et de leurs enfants est encore pire, l’approbation de leur mari avant de sortir du domicile, ce qui en grande partie à cause de leur immaturité physiologique.37 entrave probablement leur participation aux programmes En outre, l’insuffisance pondérale à la naissance et le retard d’éducation des adultes, entre autres impacts négatifs.34 de croissance sont souvent transmis d’une génération à la suivante. La petite taille de la mère, signe d’une croissance Le mariage précoce est également associé à de moindres sous-optimale dans l’utérus et pendant les premières an- résultats en matière de santé chez les filles et leurs en- nées de vie, est associée à un petit poids à la naissance, au fants, piégeant de nombreux enfants dans un cycle inter- retard de croissance, à des complications à l’accouchement générationnel de faible accumulation de capital humain. et à une mortalité infantile plus élevée, même si l’on tient Comme le montre la Figure 15 le mariage précoce est corrélé compte de l’effet du statut socioéconomique. La transmis- à des taux de scolarisation plus faibles dans le secondaire. sion intergénérationnelle de la pauvreté contribue égale- Les taux de mortalité maternelle au Sahel sont significative- ment à cet effet.38 ment plus élevés que ceux du reste du monde, ce qui prive probablement de nombreux jeunes enfants de l’encadre- Le niveau d’instruction des parents est un facteur déter- ment et des soins essentiels aux premiers stades de leur minant des choix en matière de scolarisation. Les résultats vie. Ces taux vont de 320 pour 100 000 naissances vivantes scolaires et les acquis de la vie se transmettent d’une généra- au Burkina Faso (2017) à 1 340 au Tchad (2017),35 ce qui est tion à la suivante en Afrique subsaharienne.39 Lorsque les pa- considérablement plus élevé que la moyenne mondiale de rents achèvent leurs études secondaires ou obtiennent des 211 relevée en 2017, le Tchad se classant deuxième, juste der- 36 Bouchama et coll. (2018). 37 Flanagan et coll. (2020) ; Yussif et coll. (2017). 38 Martorell et Zongrone (2012). Les auteurs notent que les raisons de cette corré- 33 Bouchama et coll. (2018). lation vont de purement biologiques à socioculturelles et ne s’excluent pas mutuelle- 34 OCDE DEV (2018). ment. 35 Indicateurs de développement dans le monde 2021 39 Inoue et coll. (2015). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   29 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 16: Impact de la capacité des ménages à générer des revenus sur les perspectives scolaires/ professionnelles marginales des jeunes âgés de 15 à 24 ans 20 15 10 5 Pourcent 0 Un membre du ménage âgé de 25 ans+ employé Deux membres du ménage âgé de 25 ans+ employés -5 Trois membres du ménage âgé de 25 ans+ -10 employés ou plus] -15 -20 Inactif Travail uniquement Travail et école Ecole uniquement (ou soins du foyer) Source : Feda & Sakellariou (2013), cités dans Inoue et coll. (2015) diplômes supérieurs, il est beaucoup plus probable que leurs d’Afrique subsaharienne. Les données sur les ménages de 12 enfants achèvent leurs études secondaires. Les jeunes ado- pays d’Afrique subsaharienne, y compris le Burkina Faso, le lescents (âgés de 12 à 14 ans) issus de ménages dont le chef Tchad et le Niger, indiquent que la qualité de l’enseignement de famille est diplômé du secondaire ont 20 pour cent plus joue un rôle important dans les décisions de scolarisation et de probabilité d’être scolarisés que ceux issus de ménages gagne en importance à mesure que les enfants grandissent. où le chef de famille a peu ou pas d’instruction. Cet effet est plus prononcé dans les pays francophones (amélioration Le refus de la famille, le coût de l’éducation et l’inaccessi- de plus de 25 pour cent de la probabilité de scolarisation). bilité des écoles sont les principales raisons citées pour Les jeunes plus âgés des ménages dont le chef de famille a la non-scolarisation des enfants d’âge scolaire (6-11 ans) achevé au moins l’enseignement secondaire ont deux fois dans la région du Sahel. Pourtant, ces raisons pourraient plus de probabilité d’être scolarisés et d’achever leur scola- être interdépendantes. En effet, le refus familial reflète sou- rité avant l’âge de 24 ans que ceux dont les parents n’ont pas vent les arbitrages entre les avantages perçus de l’instruc- fait d’études. L’existence d’une population aussi importante tion, qui sont faibles si la qualité de l’enseignement est faible, de jeunes non scolarisés dans le Sahel risque de réduire à et les coûts globaux associés à la scolarisation.41,42 La Figure néant les efforts visant à améliorer les résultats scolaires, 17 montre que les principales raisons citées pour expliquer en particulier à la lumière du phénomène de transmission la situation des enfants (6-11 ans) actuellement non-inscrits intergénérationnelle du faible niveau d’instruction. Les pro- dans le système éducatif formel varient selon le pays et la grammes visant à réintégrer les jeunes non scolarisés et à zone de résidence. Par exemple, le refus de la famille est la leur permettre de mener une vie productive sont donc es- raison la plus citée au Mali (44 pour cent), au Niger (43 pour sentiels pour rompre ce cercle vicieux. cent) et au Burkina Faso (33 pour cent), tandis que l’inacces- sibilité des écoles est la raison la plus courante au Tchad (41 La capacité des ménages à générer des revenus et la qua- pour cent). Cette mesure prise à l’échelle nationale au Tchad lité de l’enseignement sont d’autres facteurs importants masque l’existence de variations importantes en fonction qui influent sur la rétention. Les jeunes issus de ménages du milieu de résidence, la raison de «  l’absence d’école/la dont le potentiel de revenu, mesuré en termes de nombre de distance » n’étant citée que pour 8 pour cent des enfants en membres adultes actifs, est plus élevé ont plus de probabilité âge d’aller à l’école primaire non scolarisés vivant en milieu d’aller à l’école uniquement que de travailler uniquement (fi- urbain, contre 45 pour cent en milieu rural. gure 16).40 Lorsqu’un ménage compte 1 ou 2 membres adultes actifs (contre aucun), les jeunes ont 15 à 18 pour cent moins de probabilité de travailler uniquement et 14 à 15 pour cent 41 Une éducation de faible qualité peut démotiver les parents à envoyer leurs en- fants à l’école s’ils estiment qu’ils n’apprennent pas assez. Les parents peuvent éga- plus de probabilité d’aller à l’école uniquement dans les pays lement sous-estimer les rendements de l’instruction (Banque mondiale [2018]). 42 Les coûts de scolarité peuvent inclure les coûts des uniformes, de transport ou de garde lorsque les écoles sont éloignées, mais aussi le coût d’opportunité associé 40 Feda et Sakellariou (2013), cités dans Inoue et coll. (2015) au travail des enfants (Perlman et al [2018]). 30   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 17 : Raisons de non-scolarisation, enfants en âge d’aller à l’école primaire (6-11 ans) Coûts Ecoles absentes ou éloignées Refus de la Famille Travaux Champêtres/ Domestiques Trop Jeunes Autres 18 17 15 14 21 21 24 23 1 1 32 34 4 4 34 6 5 2 0 42 3 15 0 17 16 11 12 15 16 0 5 1 0 2 25 9 9 2 1 33 33 41 8 45 44 43 35 48 43 42 49 7 2 8 41 10 11 21 22 21 23 20 6 11 11 13 1 14 9 6 1 1 Total Urbian Rural Total Urbain Rural Total Urbain Rural Total Urbain Rural Burkina Faso Tchad Mali Niger Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Chad, le Mali et le Niger. 1.4.2. Enseignants  : pénuries, absences et La croissance démographique rapide et les limites bud- inadéquation des compétences gétaires ont amené les pays du Sahel à embaucher un nombre important d’enseignants contractuels et commu- Dans l’ensemble du Sahel, il n’y a pas assez d’enseignants nautaires, créant deux classes d’emploi et un mécontente- affectés aux bons endroits alors que les systèmes ont du ment constant. Les enseignants contractuels gagnent géné- mal à s’élargir et à déployer les ressources humaines en ralement moins que les enseignants titulaires et reçoivent peu toute efficacité. Les pays du Sahel étudiés présentent l’un ou pas de formation. D’après les données des années 2002 à des ratios élèves/enseignant (REE) moyens les plus élevés 2008, les enseignants fonctionnaires titulaires et les ensei- au monde, allant de 34 (2018) en Mauritanie à 57 au Tchad gnants contractuels au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au (2016) et se classent ainsi dans le quintile supérieur des pays Tchad ont été payés à un niveau équivalent ou supérieur aux pour lesquels des données sont disponibles.43 De plus, la ré- moyennes régionales respectives, mais aucune donnée plus partition des enseignants entre les écoles est très inégale, récente n’est disponible pour évaluer si les salaires ont réussi présentant de fortes disparités régionales. Une enquête sur à suivre l’inflation.44 En revanche, il existe de grandes dispari- les Indicateurs de prestation de services (IPS) menée par la tés de salaires entre les enseignants titulaires et contractuels. Banque mondiale en Mauritanie en 2017 a montré que 83 Par exemple, au Niger, où l’IPS 2015 a montré que près de 70 pour cent des écoles rurales souffraient de pénuries d’ensei- pour cent des enseignants du primaire d’un échantillon natio- gnants, certaines comptant même moins d’enseignants que nal représentatif étaient des enseignants contractuels, dont de salles de classe. Même après que les écoles ont regrou- la rémunération annuelle moyenne est moins de la moitié de pé les élèves par aptitude pour aider à répondre à ce défi- celle d’un enseignant titulaire travaillant dans le même cycle cit d’enseignants, 63 pour cent des écoles rurales n’avaient d’enseignement. De plus, les enseignants titulaires bénéfi- toujours pas suffisamment d’enseignants, alors que 82 pour cient également de nombreuses allocations supplémentaires cent des écoles publiques urbaines avaient des enseignants telles que les allocations « difficulté des conditions de vie » et en surplus. Les écoles privées ont aussi tendance à avoir de de transport, ce qui n’est pas le cas des enseignants contrac- meilleurs REE que les écoles publiques. Par exemple, en 2016, tuels.45 Au Mali, où les enseignants sont souvent peu disposés à le Mali avait un REE national moyen de 53 dans les écoles pu- aller travailler dans les régions du nord à cause des problèmes bliques et de 39 dans les écoles privées dans le premier cycle de sécurité, seuls 10 pour cent des enseignants du primaire de l’enseignement de base. à Bamako étaient des enseignants contractuels alors que ce taux est de 40 pour cent un peu plus au nord. Ces enseignants 44 UNESCO (2020). 43 Institut de statistique de l’UNESCO (2020). 45 UNESCO (2020). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   31 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel contractuels gagnent également moins et, lors des discus- connaissances en français ou en arabe n’a dépassé le seuil de sions de groupe, ils ont indiqué la faiblesse des salaires comme performance requis des enseignants, fixé au score de 80 pour un des principaux facteurs de leur manque de motivation.46 cent sur le programme d’études de la 4e année. Leurs résultats en mathématiques étaient juste un peu meilleurs, avec 1 ensei- Les absences des enseignants, dont environ la moitié sont gnant sur 24 (4,8 pour cent) dépassant ce seuil.48 La connais- motivées par le mécontentement par rapport leur travail sance du contenu pédagogique était également très faible, et le manque d’accès aux services, entraînent des pertes l’échantillon n’ayant eu qu’une moyenne nationale de 13 pour importantes de temps d’enseignement et d’apprentissage. cent. L’IPS 2015 du Niger a également montré qu’aucun ensei- L’IPS de 2015 au Niger a montré que 27 pour cent des ensei- gnant enquêté n’avait dépassé le seuil de connaissances du gnants ne se trouvaient pas dans la salle de classe (certains contenu requis en français et en mathématiques.49 Les scores n’étaient carrément pas à l’école ou d’autres y étaient, mais des enseignants en matière de pédagogie étaient également n’enseignaient pas), la probabilité d’être absents étant de 5 faibles à 18,8 pour cent, les enseignants des écoles privées points de pourcentage supérieur pour les enseignants des (24,1 pour cent) obtenant des résultats légèrement meilleurs écoles publiques urbaines par rapport ceux en milieu rural. que leurs homologues des écoles publiques (18,5 pour cent). L’IPS 2017 en Mauritanie a également montré que le taux d’absence des enseignants des écoles publiques de la salle La qualité des enseignants contractuels par rapport aux de classe était de 27,8 pour cent. Les causes d’absence des enseignants titulaires varie selon les pays et les contenus. enseignants sont similaires sur l’ensemble de la région. Au Au Niger, alors qu’aucun enseignant des deux catégories Niger, les principales causes étaient les grèves (24 pour cent), n’avait atteint le seuil minimum de connaissance du contenu, les déplacements pour récupérer les salaires (23 pour cent), le score moyen des enseignants fonctionnaires était de 53,5 les congés maladie (11 pour cent), les congés de maternité (11 pour cent en français et de 35,6 pour cent en mathématiques, pour cent) et autres absences autorisées (11 pour cent). Au contre 46,4 pour cent et 24,2 pour cent parmi les enseignants Mali, le faible degré de motivation dû au mécontentement par contractuels. Les enseignants contractuels n’ont également rapport aux lieux d’affectation serait une cause importante. obtenu qu’un score de 16 pour cent en pédagogie, contre 29,8 Les autres causes souvent citées étaient les grèves, une for- pour cent chez les enseignants titulaires. En Mauritanie, les mation en pleine semaine de travail impliquant des déplace- résultats étaient plus hétérogènes : alors que les enseignants ments vers la capitale, Bamako, les congés maladie (les en- contractuels étaient à la traine par rapport aux enseignants seignants ruraux doivent souvent se rendre en milieu urbain titulaires en français et en arabe, ils ont obtenu de meilleurs pour accéder aux services de santé) et la récupération du sa- résultats en mathématiques et en pédagogie. laire.47 Les grèves récurrentes et le manque d’accès des en- seignants ruraux aux services financiers et sanitaires doivent Ces problèmes de quantité et de qualité résultent de dif- être traités au niveau systémique. Par ailleurs, la supervision ficultés à recruter des candidats de qualité pour la pro- des enseignants et les mesures disciplinaires à l’encontre fession enseignante, du manque d’une formation initiale des comportements indésirables sont insuffisantes. Au Mali, et continue efficace et de lacunes dans la gestion de la les directeurs d’école et les comités de gestion scolaire ne si- performance des enseignants. À la base, le vivier de ta- gnalent pas les absences des enseignants dans bien des cas lents pour l’enseignement est restreint par les faibles ni- parce qu’il n’y a pas de procédures clairement établies pour veaux d’instruction de la main-d’œuvre évoqués plus tôt. Le le signalement. Au Mali comme au Niger, les autorités locales taux d’alphabétisation des adultes au Sahel varie de 22 pour contrôlent rarement les absences ou collectent rarement cent au Tchad (2016) à 53 pour cent en Mauritanie (2017).50 des données sur les absences. Le processus pour la suspen- Le vivier de talents est en toute probabilité beaucoup plus sion d’enseignant au Mali est fastidieux et rarement déclen- restreint en milieu rural qu’en milieu urbain, étant donné les ché, et les enseignants peuvent ajuster leur comportement écarts persistants entre les taux de scolarisation relevés en s’ils apprennent que des procédures sont imminentes. milieux rural et urbain et la tendance des personnes plus instruites à migrer vers les villes. Face à la nécessité d’em- Indépendamment du fait qu’ils soient fonctionnaires ou non, tous les enseignants ont un niveau de connaissance du contenu et de compétences pédagogiques très faible. En 48 Enquête sur les indicateurs de prestation de services en Mauritanie, 2017. 49 Les enseignants du primaire au Niger enseignent toutes les matières au lieu Mauritanie, aucun des 1 250 enseignants ayant fait le test de de se spécialiser dans une seule. C’est pour cette raison que le test de l’IPS pour la connaissance du contenu couvrait à la fois le français (alphabétisation) et les mathé- matiques (calcul). 50 IDM. D’après les enquêtes auprès des ménages respectives, le taux d’alphabéti- 46 Banque mondiale (2020d). sation des adultes au Sahel varie de 22 pour cent au Tchad (2016) à 53 pour cent en 47 Banque mondiale (2020d). Mauritanie (2017). 32   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel baucher des dizaines de milliers de nouveaux enseignants Les systèmes éducatifs n’ont pas les outils qui leur per- chaque année, les pays du Sahel ont probablement à faire un mettraient de redéployer les enseignants là où ils sont le compromis entre quantité et qualité. plus nécessaires. Il est difficile de déterminer les besoins en recrutements au niveau local parce que les données sur Les formations initiale et continue présentent des lacunes les ressources humaines sont généralement incomplètes, très marquées. Les programmes de formation initiale sont fragmentées et inexactes. Les affectations sont souvent déci- rarement sélectifs et il suffit souvent d’avoir achevé le collège dées au niveau central, en fonction du budget alloué qui n’est pour être embauché comme enseignant. Par exemple, les ins- pas forcément en adéquation avec les besoins. Des efforts tituts de formation des enseignants de niveau postsecondaire sont actuellement menés pour déléguer la responsabilité au Niger ne peuvent former que 5 pour cent du nombre de nou- du recrutement formel des enseignants au niveau local, en veaux enseignants requis chaque année, le reste devant être particulier au Mali et au Niger, mais les capacités et le budget recruté parmi les diplômés du niveau secondaire ou inférieur.51 restent insuffisants. Les pays du Sahel n’offrent généralement Les programmes de formation initiale des enseignants sur l’en- pas suffisamment d’incitations financières et non financières semble du Sahel sont fragmentés et obsolètes, ne comblent pas qui permettraient d’attirer les enseignants en milieu rural ou les lacunes académiques des candidats à la profession d’en- dans les lieux à risque. Au Mali par exemple, la prime de mo- seignant et n’apportent pas correctement les matières et les bilité pour les affectations en dehors de la capitale Bamako connaissances pédagogiques requises. Au Mali, par exemple, est très faible, comprise entre 5 000 et 15 000 FCFA sur l’en- le programme de formation initiale n’a pas changé depuis plus semble du pays (ce qui équivaut à 10 à 30 USD, et à moins de 1 de 20 ans. De plus, la pratique de l’enseignement en classe est pour cent du salaire des enseignants) sans aucune autre inci- souvent superficielle et pas assez encadrée. Au Mali, cela est dû tation non financière. Le Niger n’a pas de procédures ni de cri- au manque de capacité des écoles et au nombre élevé d’élèves- tères transparents pour les affectations d’enseignants entre maîtres affectés dans les écoles, une même classe comptant les régions, et les transferts entre écoles ont tendance à être parfois plus de 10 élèves-maîtres. Les nouveaux enseignants aléatoires. Au Mali, ce sont les enseignants qui décident où dans les écoles ne bénéficient que de peu ou pas de mentorat ils souhaitent aller et enclenchent le processus de transfert, et la formation continue est souvent trop sporadique pour être sans prise en compte des besoins de l’école de destination. efficace. Au Mali comme au Niger, il y a peu de mécanismes qui Les enseignants partant vers d’autres postes ne sont souvent permettraient aux autorités locales chargées de l’appui péda- pas remplacés pendant de longues périodes, ce qui ajoute à gogique d’évaluer les besoins en formation continue des ensei- l’inégalité de la dotation en personnel en entre les écoles.54 gnants. Les enseignants ne reçoivent guère d’appui lorsqu’ils demandent à assister à une formation, et les processus d’appro- Tout au long de la carrière d’enseignant, le manque de ges- bation s’enlisent souvent dans le bourbier de la bureaucratie.52 tion de la performance limite l’appui et les incitations qui amèneraient les enseignants à faire le maximum. Il y a peu Les conditions de travail et de vie en milieu rural font qu’il ou pas d’évaluation des enseignants, les perspectives d’avan- y a peu d’enseignants disposés à quitter les capitales et cement professionnel ne sont pas clairement fondées sur le les centres urbains pour s’y rendre. Sur l’ensemble de la mérite et les enseignants peu performants sont rarement région, les écoles manquent souvent d’installations sani- retirés des systèmes éducatifs au Sahel. Au Mali, des centres taires, d’équipements et d’infrastructures de base, et ces la- d’appui pédagogique locaux sont chargés de conseiller les cunes sont plus prononcées en milieu rural. Par ailleurs, le enseignants sur l’enseignement et l’évaluation, et d’évaluer les manque d’accès aux services dans les zones rurales encla- enseignants. Ces centres d’appui comptent habituellement 7 vées, les questions de langue et de groupes ethniques et les à 10 conseillers pédagogiques, souvent sans considération problèmes de sécurité dans les zones affectées par un conflit du nombre d’écoles ou d’enseignants sous leur responsabi- sont autant d’éléments qui influent sur la disposition des en- lité. Leur impact et leur efficacité sont donc variables. Dans seignants et autres fonctionnaires à être déployés dans ces la pratique, il y a peu de visites d’encadrement, les conseils zones, et la majorité d’entre eux restent dans les capitales. Au pédagogiques dispensés aux enseignants sont insuffisants Mali, 75 pour cent des fonctionnaires se trouvent à Bamako et les besoins en formation sont mal cernés. La situation est et au Niger, 64 pour cent sont à Niamey, alors que les villes ne similaire au Niger où il n’y a guère d’encadrement ou d’éva- représentent respectivement que 11 pour cent et 6 pour cent luation des enseignants. Dans les deux pays, même s’il existe de la population du pays.53 des procédures pour le licenciement d’enseignants en cas 51 Banque mondiale (2020j). 52 Banque mondiale (2020d). 53 Banque mondiale (2020k). 54 Banque mondiale (2020j) ; Banque mondiale (2020d). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   33 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel d’absence prolongée ou de mauvaise performance, il est Tableau 4 : Proportion des enseignants de sexe rare qu’un enseignant soit effectivement licencié.55 féminin dans l’enseignement primaire dans les pays du Sahel, et moyennes d’Afrique subsahari- Les femmes sont sous-représentées dans les effectifs de enne et des pays par niveau de revenu l’éducation au Sahel, en particulier parmi les enseignants du secondaire et le personnel d’encadrement. Au niveau Proportion d’enseignants de primaire, il est très rare de retrouver des femmes au poste sexe féminin (%) d’enseignant au Tchad, au Mali et en Mauritanie, en revanche, Pays Primaire Secondaire elles représentent environ la moitié du personnel au Burkina Tchad 18.8 7.9 Faso et au Niger, ce qui correspond à la moyenne de l’ASS (Tableau 4). Dans l’enseignement secondaire, la disparité Mali 31,7 (2018) 13,5 (2017) entre les sexes est frappante dans l’ensemble du Sahel, les Mauritanie 35,4 11,2 enseignantes ne représentant qu’entre 8 pour cent (Tchad) Burkina Faso 47,9 17,4 et 22 pour cent (Niger) du corps enseignant. Même s’il n’y Niger 53,7 22,4 (2018) a que très peu de données sur le personnel des ministères de l’Éducation, les données qualitatives montrent que les Afrique sub-saharienne 46,7 31,1 (2018) femmes sont extrêmement sous-représentées parmi les Pays à faible revenu 41,9 26,0 (2018) inspecteurs ainsi que le personnel d’encadrement local et Pays à revenu intermédiaire 66,3 54,4 national dans le secteur de l’éducation. Pays à revenu élevé 81,7 60,6 Source : Institut de statistique de l’UNESCO (données de septembre 2020) ; les don- Ces écarts entre les sexes affectent probablement les nées se rapportent à l’année 2019, sauf indication contraire. résultats des élèves, en particulier les filles. L’idée que les élèves obtiennent de meilleurs résultats lorsqu’ils ont des en- seignants du même sexe est appelée « l’effet du même sexe » discriminatoires réduisent leurs opportunités actuellement. et pourrait découler de facteurs tels que le souhait d’imiter En réduisant ces obstacles, on permettrait l’émergence d’un une personne prise en exemple, les stéréotypes et le harcèle- plus grand nombre de chefs d’établissement comprenant les ment sexuel.56 Une étude des résultats du PASEC 2014 a mis problèmes particuliers auxquels les filles sont confrontées, en évidence l’effet du même sexe.57 Si le sexe de l’enseignant tout en tirant profit d’une source de talents sous-exploitée.59 n’affecte pas la performance moyenne des garçons aux tests Il en va peut-être de même pour les femmes fonctionnaires ni leur degré d’appréciation de la matière enseignée, pour du ministère de l’Éducation nationale. les filles, il compte énormément. Lorsque l’enseignement est assuré par une femme, on note une amélioration significa- tive de la performance des filles, en particulier aux tests. En 1.4.3. Ressources d’apprentissage insuffisantes revanche, lorsque l’enseignant est de sexe masculin, les ré- et mal adaptées  : supports, programmes sultats des filles aux tests et leur appréciation de la matière d’études et politiques pédagogiques enseignée sont inférieurs à ceux des garçons, que ce soit en lecture ou en mathématiques. Ces effets sont significatifs que La faible disponibilité de supports d’enseignement et ce soit en lecture et/ou mathématiques, quoiqu’ils soient bien d’apprentissage continue de miner les écoles du Sahel. plus prononcés en mathématiques. Dans le secondaire, il est En Mauritanie, seuls 17 pour cent des élèves disposaient de important de rendre les écoles sûres et plus accessibles pour manuels dans les matières observées. Seul un élève sur trois les filles si l’on veut accroître la scolarisation des filles et ré- disposait d’un manuel dans les écoles privées et ce ratio duire les écarts entre les sexes, et le déploiement d’un plus tombe à un sur cinq dans les écoles publiques. Les manuels grand nombre d’enseignants de sexe féminin est un élément de français étaient les manuels dont les élèves disposaient essentiel d’une telle action.58 Il peut également être utile de le plus rarement dans les écoles publiques (moins de 7 pour donner aux enseignantes la possibilité de devenir chefs d’éta- cent des élèves en ont un à l’échelle nationale et moins de 3 blissement, en particulier si les préjugés ou des pratiques pour cent dans les écoles publiques rurales). La situation au Niger était pire : dans l’ensemble, moins d’1 élève sur 11 avait 55 Banque mondiale (2020d) ; Banque mondiale (2020j). 56 Beilock, Gunderson, Ramirez et Levine (2010) ; Gunderson, Ramirez, Levine et 59 Ce problème d’inégalité des taux de promotion au poste de directeur d’école ap- Beilock (2012). paraît également dans d’autres régions. En Amérique latine, 8 des 15 pays analysés 57 Lee, Rhee et Rudolf (2019) dans un rapport récent présentent un écart d’au moins 20 points entre le pourcen- 58 Banque mondiale (2020c). tage de femmes directrices et les femmes enseignantes (Adelman et Lemos [2021]). 34   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 18: Écart moyen entre les scores en lecture et en mathématiques des élèves qui parlent toujours ou parfois la langue d’enseignement à la maison et ceux qui ne la parlent jamais, PASEC 2019 Mathematique Lecture 2e année 6e année Togo 59v Togo 64 78 69 Senegal 45 Senegal 31 81 43 RDC 45 RDC 21 44 34 Madagascar 14 Madagascar 74 20 88 Guinee 83 Guinee 61 87 92 Gabon 74 21 Gabon Autres 73 Autres 10 Cote d'ivoire 31 Cote d'ivoire 41 47 66 Congo 76 Congo 36 98 61 Cameroun 83 Cameroun 72 110 93 Burundi 47 Burundi 13 66 15 Benin 53 Benin 45 63 60 68 46 Niger 75 Niger 55 Sahel Burkina Faso 65 Sahel Burkina Faso 52 83 62 70 Tchad 9 Tchad 67 11 0 20 40 60 80 100 120 0 50 100 Source : Adapté de Bashir, Lockheed, Ninan et Tan (2019), en utilisant les données mises à jour du PASEC 2019. Il est à noter que le score moyen relevé en début du primaire (2e an- née) sur l’ensemble des pays qui ont participé à l’évaluation du PASEC 2019 est de 503 en lecture et de 498 en mathématiques, tandis que celui relevé en dernière année du primaire (6e année) dans l’ensemble des pays est de 500 en lecture et 486 en mathématiques. les manuels correspondant à la classe observée (8,9 pour et des examens trop ambitieux, conçus pour une petite mino- cent). Les élèves des écoles privées étaient en meilleure si- rité d’élites qui ne répondent pas aux besoins du large éven- tuation que les élèves des écoles publiques, mais même eux tail d’élèves entrant à l’école. n’avaient de manuels qu’une fois sur quatre. La disponibilité de manuels de français était supérieure à celle des manuels Dans les premiers niveaux d’étude, les politiques relatives de mathématiques dans les écoles privées et publiques, in- à la langue d’enseignement (LdE) appliquées au Sahel dépendamment du milieu. La différence entre le niveau de freinent l’apprentissage des élèves. La Banque mondiale disponibilité de manuels dans les écoles rurales et urbaines (2021) cite des recherches mondiales qui montrent que le des deux pays n’était pas significative. Les causes profondes fait d’apprendre d’abord dans sa première langue ou « L1 » de ces pénuries permanentes sont systémiques et com- améliore quatre types de résultats d’apprentissage : (i) de prennent l’insuffisance du budget alloué aux supports péda- meilleurs résultats d’apprentissage dans la L1, (ii) de meil- gogiques, des faiblesses dans la passation de marchés et des leurs résultats d’apprentissage dans une deuxième langue lacunes des systèmes de données qui entravent la disponibi- ultérieure ou « L2 », (iii) l’apprentissage des autres matières lité d’information sur les besoins en temps voulu.60 académiques, et (iv) le développement d’autres capacités co- gnitives.61 En ASS, une claire corrélation est relevée entre les Au-delà de la question de la disponibilité physique des sup- niveaux d’apprentissage et l’usage oral de la LdE à la maison, ports, leur contenu est souvent inadapté, les programmes comme le montre l’écart moyen des scores du PASEC pour d’enseignement de base au Sahel étant obsolètes et ina- la lecture et les mathématiques à la Figure 18.62 Cependant, daptés au contexte. Les programmes scolaires datent sou- même si les politiques en la matière ont évolué différem- vent des années 1960 ou 1970, soit la période suivant immé- ment entre pays du Sahel, il n’y a pas eu de tentative à grande diatement l’accession des pays du Sahel à l’indépendance de échelle pour enseigner dans les langues nationales, sauf au la France, et n’ont fait l’objet d’aucune réforme fondamentale Mali. Le français est la principale LdE au Burkina Faso et au depuis. Il en résulte des programmes d’études, des manuels 61 Les résultats d’apprentissage décrits sont tirés des données de la Banque mon- diale (2021b). 60 Fredriksen, Brar et Trucano (2015). 62 Bashir, S., Lockheed, M., Ninan, E. et Tan, J.-P. (2018). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   35 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Tableau 5 : Proportion de la population ayant la langue d’enseignement (LdE) comme première langue Pays LdE Part de la population ayant la LdE comme L1 (%) Burkina Faso Français 1,1 (2009) Tchad Français 0.0 Arabe standard moderne 10,2^ (2015) Mali* Français 0,0 Mauritanie Français 0,0 Arabe standard moderne 0,0 Niger Français 0,0 Source : Ethnologue, 2019 ^ La part de population considérée ici parle l’arabe tchadien, une variante locale de l’arabe moderne standard. * Le tableau exclut les 11 langues locales que le Mali a pilotées en tant que LdE. Tableau 6 : Diversité linguistique dans les pays du Sahel Nombre total Nombre de Part des de locuteurs Part de la Nombre de langues parlées langues parlées de L1 parlant population Population langues ayant par 80 pour par 80 pour 80 pour cent parlant 80 totale (en Nombre total une forme cent de la cent de la de langues (en pour cent des Pays millions) de langues écrite* population population millions) langues Burkina Faso 12.5 71 62 6 8,5% 10.1 80,4% Tchad 8.9 130 112 20 15,4% 7.1 80,1% Mali 13 68 43 11 16,2% 10.5 80,6% Mauritanie 4.1 7 6 1 14,3% 3.6 86,8% Niger 15.8 23 22 2 8,7% 13.6 86,0% Source : Loud and Clear: Effective Language of Instruction Policies for Learning, Banque mondiale, 2021. Source : Ethnologue, 2019 Niger, alors que le français et l’arabe standard moderne sont parlées pour couvrir une part considérable de leurs popula- tous deux utilisés au Tchad et en Mauritanie. Le Tableau 5 tions - par exemple, au Burkina Faso, l’usage du mooré et du montre la part de la population de chaque pays ayant la ou les fulfuldé permettrait d’atteindre environ la moitié de la popu- langues d’enseignement en tant que leur première langue. lation.63 Ainsi, des proportions importantes de la population Pratiquement tous les élèves sont élevés dans des foyers où pourraient, en principe, faire leurs études primaires dans on utilise des langues locales et/ou des variantes locales de leur langue maternelle grâce à l’élaboration de supports l’arabe, et doivent donc faire leurs études primaires dans des et d’autres ressources dans ces langues. Ces interventions langues qu’ils ne connaissent pas, ce qui fait qu’il est difficile doivent être mises en œuvre avec prudence de manière à pour eux d’apprendre. n’exclure aucun groupe à cause du choix de la LdE. La transition vers un enseignement en langues nationales Cependant, des considérations politiques et des défis est techniquement faisable, malgré la diversité linguis- pratiques de mise en œuvre font que la modification de la tique du Sahel. Comme le montre le Tableau 6, les 5 pays politique relative à la LdE est plus difficile, et de nombreux du Sahel étudiés présentent tous une grande diversité lin- enseignements pertinents ont été tirés dans la région. La guistique, le nombre de langues maternelles parlées par la recherche qualitative sur l’expérience du Mali en matière population allant de 7 en Mauritanie à 130 au Tchad. Cela d’enseignement en une langue nationale a montré plu- dit, un nombre beaucoup plus gérable de langues est parlé sieurs avantages clés, notamment un raffermissement des par au moins 80 pour cent de la population, variant de 6 au Burkina Faso à 20 au Tchad. Les pays peuvent commencer 63 Estimé à partir des données d’Ethnologue, 2019 pour le nombre de locuteurs du par quelques-unes des langues locales les plus couramment mooré et du fulfuldé en 2009. 36   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel liens entre l’école et la communauté grâce à l’utilisation de seignement primaire. Au Sahel et dans de nombreux pays en la langue locale, un apprentissage plus rapide de la littératie développement, la durée du trajet pour se rendre à l’école dans la langue nationale et la promotion de la langue et de est systématiquement en corrélation négative avec les taux la culture locales.64 Toutefois, les parties prenantes ont rele- de scolarisation et d’achèvement.68 Au Burkina Faso, par vé plusieurs problèmes qui certes reflètent des problèmes exemple, une réduction de 10 minutes de la durée du trajet plus généraux de la gestion du système éducatif du Mali, motorisé jusqu’à l’école est corrélée à une augmentation de mais sont aggravés par la complexité de l’introduction de 3,3 points de pourcentage du taux d’achèvement.69 l’enseignement bilingue dans un pays d’une grande diversi- té linguistique tel que le Mali. Ils comprennent le choix de la Même lorsque les écoles sont accessibles, elles ont gé- langue au niveau local (où les données sont, au mieux, parcel- néralement de mauvaises infrastructures. L’IPS 2017 de laires et les décisions sont sujettes à contestation), la mise en la Mauritanie a montré que dans presque toutes les écoles correspondance du recrutement et du déploiement des en- publiques (19 écoles sur 20), les élèves n’ont pas accès au mi- seignants avec les besoins linguistiques, le manque de sup- nimum d’infrastructures (disponibilité de toilettes fonction- ports dans chaque langue, la transition abrupte vers le fran- nelles et de salles de classe suffisamment éclairées). La prin- çais dans le deuxième cycle de l’éducation de base (collège) cipale contrainte concernait l’accès à des toilettes propres qui mine la réussite de nombreux élèves, et la faiblesse et le et préservant l’intimité des élèves (espaces clos comprenant caractère intermittent de l’appui institutionnel, laissant à de des installations séparées pour les filles). Près de la moitié nombreuses parties prenantes la perception d’un manque des écoles rurales et un quart des écoles publiques urbaines d’engagement de haut niveau envers la politique.65 Le Niger ne disposent pas de toilettes fonctionnelles pour les élèves. a également acquis une expérience importante en matière Seule 1 école publique sur 11 (en milieu urbain et rural) dis- d’enseignement bilingue et a développé une base solide en pose de toilettes aux conditions sanitaires adéquates. En matière de réformes juridiques et d’expérimentations dans revanche, toutes les écoles privées disposent de toilettes l’enseignement bilingue. En revanche, les réformes visant à fonctionnelles pour les élèves, même si seul environ un tiers généraliser l’enseignement bilingue ont été lentes et il sub- d’entre elles disposent de toilettes hygiéniques. La situation siste des défis majeurs sur des aspects tels que la formation semble légèrement meilleure au Niger, mais on y relève aussi des enseignants et la persuasion des parties prenantes in- de fortes disparités entre les écoles publiques et privées. L’in- ternes et externes de la valeur d’un enseignement bilingue.66 dicateur d’infrastructures minimales n’était réalisé que dans environ 20 pour cent des écoles publiques échantillonnées dans l’IPS 2015. Les écoles privées étaient quatre fois plus 1.4.4. Infrastructures scolaires : lacunes en susceptibles de satisfaire aux exigences d’infrastructures matière d’installations et de climat scolaire minimales que les écoles publiques, et deux à trois fois plus susceptibles d’avoir des toilettes fonctionnelles. L’inaccessibilité physique continue d’être une cause impor- tante de non-scolarisation, en particulier au Tchad. L’inac- Outre les lacunes en matière d’infrastructures physiques, cessibilité des écoles varie selon les pays du Sahel, la part des le climat scolaire n’est pas toujours propice à l’apprentis- ménages la citant comme cause principale de non-scolari- sage, et ce facteur peut dissuader les familles de scolariser sation des enfants d’âge primaire allant de moins de 10 pour leurs enfants. Les enseignants du primaire sont nombreux à cent au Burkina Faso, contre 10 à 20 pour cent au Mali et au déclarer qu’ils infligent des châtiments corporels aux élèves, Niger, pour dépasser plus de 40 pour cent au Tchad.67 Dans leur proportion allant de 25 pour cent au Burkina Faso à 72 de nombreux cas, il y a des écoles, mais elles n’offrent pas le pour cent au Tchad. Il n’y a pas de données disponibles sur cycle d’enseignement complet : au Niger, par exemple, seules la prévalence de l’intimidation et du harcèlement sexuel en 60 pour cent des écoles primaires, concentrant environ 50 milieu scolaire dans les pays du Sahel, mais au vu des expé- pour cent des effectifs, offrent le cycle complet de 6 ans d’en- riences de nombreux autres pays d’Afrique subsaharienne, il s’agit probablement de facteurs qui affectent les trajec- 64  Les expériences du Mali en matière d’enseignement bilingue, en français et en toires scolaires des élèves.70 Le manque d’infrastructures bambara (langue maternelle d’environ 80 pour cent de la population et langue cou- ramment utilisée pour le commerce), remontent aux années 1980. D’octobre 2002 à de base combiné au sureffectif généralisé dans les salles de juin 2005, le Mali a piloté l’utilisation de quatre langues nationales (bambara, songhaï, classe (lié aux REE élevés évoqués ci-dessus), de même que fulfuldé et tamasheq). Le gouvernement a décidé de généraliser cette approche en utilisant 11 langues nationales, et 2 550 écoles devraient y adhérer d’ici 2011. les pratiques négatives telles que les châtiments corporels 65 USAID (2016). 66 Ministère des Affaires étrangères et européennes, Agence française de déve- loppement, Organisation internationale de la Francophonie, Agence universitaire de 68 Bashir, S., Lockheed, M., Ninan, E. et Tan, J.-P. (2018). la Francophonie (2010). À mettre à jour avec des informations plus récentes. 69 Banque mondiale (2021c). 67 Résultats de l’EHCVM 2018. 70 Bashir, S., Lockheed, M., Ninan, E. et Tan, J.-P. (2018). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   37 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel sont autant d’éléments qui impactent le bien-être et la capa- les enseignants des pays du Sahel sont mal préparés à ré- cité d’apprentissage des élèves, et dissuadent probablement aliser une évaluation efficace de l’apprentissage en classe de nombreuses familles d’envoyer à l’école leurs enfants, en et à adapter leur pédagogie en fonction des besoins d’ap- particulier les adolescentes. prentissage des élèves. Les chefs d’établissement et les ad- ministrateurs locaux sont rarement en mesure d’orienter les enseignants dans l’évaluation de l’apprentissage en classe, 1.4.5. Gestion du système  : faible capacité et ou dans la collecte et l’utilisation de données d’évaluation au incohérence qui contribuent aux défis au niveau niveau de l’école en vue de modifier l’enseignement. D’autres de l’école  données de base - telles que les populations scolaires et les besoins des écoles - ne sont pas collectées et transmises Les systèmes éducatifs du Sahel – et les capacités néces- par les systèmes d’information de gestion de l’éducation de saires à leur fonctionnement – sont ​​ encore à un stade manière fiable en temps voulu, ce qui retarde ou empêche d’émergence. En un demi-siècle, l’éducation de base à de prendre des décisions fondées sur les données à tous les travers le Sahel est passée de petits systèmes réservés à niveaux. l’élite à des systèmes nationaux qui s’efforcent de desservir des populations à la croissance galopante. En parallèle, la Le manque de cohérence entre les différentes parties du persistance d’un niveau élevé de pauvreté et de sous-déve- système réduit l’efficacité des initiatives et des réformes. loppement affecte la qualité de la prestation des services Les décalages entre les différents niveaux du programme d’éducation. En conséquence, il manque des politiques, des d’enseignement, entre le programme d’enseignement et processus et des ressources humaines et financières adé- les manuels, et entre les programmes de formation des quats pour assurer le fonctionnement efficace de ces sys- enseignants et la politique d’enseignement de base minent tèmes. Par exemple, alors que les salaires absorbent la plus tous l’aboutissement des réformes et ont un impact négatif grande partie des budgets de l’éducation, les systèmes de sur les élèves. Par exemple, au Burkina Faso, on relève une paiement restent incomplets et inefficaces. Comme men- forte discontinuité entre les programmes d’enseignement tionné plus tôt, de nombreux enseignants perdent beaucoup au primaire et ceux au collège.73 Les élèves qui entrent en de temps (et s’absentent de l’école) à se déplacer pour récu- 7e année d’études constatent souvent qu’ils doivent ap- pérer leurs salaires, et le Niger n’a que récemment (en 2019) prendre de nouveaux concepts pour lesquels ils ne sont commencé à utiliser son réseau de bureaux de poste nais- pas suffisamment préparés et ceci contribue à de mauvais sant pour le paiement des salaires.71 résultats et à l’abandon. Au Mali, après l’adoption d’un pro- gramme d’enseignement selon une approche par les com- Les systèmes ne disposent pas d’informations qui leur pétences, certains manuels sont devenus incompatibles, sont essentielles - en particulier sur l’apprentissage des mais n’ont pas été retirés de la liste des manuels approuvés élèves - pour établir des objectifs, prendre des décisions par le Ministère et ont donc toujours été considérés pour et allouer les ressources. De nombreux pays du Sahel n’ont acquisition.74 pas d’approche systématique pour évaluer l’apprentissage des élèves. Le Niger, par exemple, ne dispose pas de système Enfin, le manque de cohérence et la politisation du lea- national doté des structures appropriées et d’une main- dership technique détournent l’attention des principaux d’œuvre qualifiée pour évaluer les résultats des élèves à objectifs des systèmes éducatifs et limitent la capacité de grande échelle.72 Les ministères de l’Éducation ont participé mise en œuvre. Le mandat moyen d’un ministre de l’Éduca- à divers degrés à des évaluations comparatives internatio- tion au Sahel (26 mois) est plus court que sur l’ensemble de nales, telles que les enquêtes du PASEC et les enquêtes IPS, l’ASS (36 mois) ou dans le monde (35 mois).75 Même si la fré- qui sont des initiatives importantes et utiles. Cependant, en quence de renouvellement du ministre est, en soi, susceptible l’absence de mécanismes nationaux fonctionnels pour faire de créer de l’instabilité, des éléments qui l’accompagnent un diagnostic de l’apprentissage des élèves, en faire le suivi sont probablement plus préjudiciables  : détournement de et prendre des mesures en réponse, les systèmes éducatifs l’attention vers les élections, renouvellement fréquent du du Sahel ont une faible capacité à s’attaquer au problème de personnel de direction technique et réorganisations du sys- la pauvreté des apprentissages à tous les niveaux. Compte tème. Par ailleurs, la politisation et le renouvellement du per- tenu de leurs niveaux de compétences généralement faibles, 73 Banque mondiale (2015). 74 Banque mondiale (2020d). 71 Banque mondiale (2020j). 75 Lemos et Maloney (à paraître). Les auteurs calculent l’ancienneté moyenne à 72 Banque mondiale (2020b). l’aide des données de janvier 2001 à juin 2020.) 38   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 19a : Dépenses globales en éducation au Figure 19b : Dépenses globales selon la composition Sahel, en dollars américains constants de 2018, du financement de l’éducation au Sahel, 2009-2019 2009-2019 Dépenses globales en éducation, en USD constants de 2018 (milliards), 2009-2019 Sources de Financement des dépenses allouées a l’éducation, 2009–2019 5 100% 4 90% 4 80% 70% 3 Billion USD 60% 3 50% 2 40% 2 30% 1 20% 1 10% 0 0% 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Gouvernement Ménage APD Total Gouvernement Ménage APD Source : Base de données Éducation Finance Watch de la Banque mondiale sonnel affecté aux postes techniques à des échelons de base, (Figure 20). Par ailleurs, l’importance de l’aide internatio- tels que la nomination à des fins partisanes des directeurs nale pour le financement de l’éducation varie également d’école, font que les systèmes éducatifs ne sont pas dotés de très fortement au sein de la région du Sahel. En 2019, l’aide la direction technique compétente et cohérente qui est né- des partenaires représentait 18,3 et 17,3 pour cent des dé- cessaire à tous les échelons. penses totales en éducation respectivement au Niger et en Mauritanie, alors qu’elle correspondait à seulement 7,3 pour cent au Burkina Faso. 1.4.6. Financement public  : dépenses inadéquates, inefficaces et parfois inéquitables  Au cours de la dernière décennie, la part des dépenses publiques allouée à l’éducation, exprimée en pourcentage Les gouvernements, les ménages et les partenaires au du PIB a été en moyenne d’environ 3 pour cent pour l’en- développement sont les principaux bailleurs de fonds semble du Sahel, le Burkina Faso étant le à consacrer une de l’éducation au Sahel, mais leurs contributions va- part plus grande que les moyennes de l’ASS. De 2010 à rient significativement d’un pays à l’autre. En moyenne, 2019, les dépenses publiques pour l’éducation sont passées sur l’ensemble des 5 pays, la contribution des ménages, de 2,8 à 3,2 pour cent du PIB en moyenne, mais ce dernier des gouvernements et des partenaires au développement chiffre et bien en dessous de la moyenne d’ASS de 4 pour aux dépenses totales en éducation est restée relativement cent et des benchmarks internationaux de l’ordre de 4 à 6 constante dans le temps, les gouvernements contribuant pour cent du PIB (Figure 21). Ces parts relativement faibles à hauteur d’environ 55 pour cent, les ménages, de 30 pour reflètent à la fois la faiblesse des parts du budget global al- cent et les partenaires internationaux, d’environ 15 pour loué à l’éducation et la faible part de dépenses publiques cent (Figure 19. Cependant, au Tchad, en Mauritanie et au dans l’économe. Les allocations de certains pays du Sahel Mali, la contribution directe des ménages aux dépenses ne sont pas aussi faibles : les dépenses du Burkina Faso pour pour l’éducation a été supérieure aux dépenses publiques l’éducation ont oscillé entre 4,5 et 5,5 pour cent du PIB ces au cours de ces dernières années, tandis qu’au Niger, les dernières années, ce qui est supérieur à la moyenne de l’ASS, contributions des ménages sont, en moyenne, inférieures alors que les dépenses des autres pays du Sahel sont res- à celles des partenaires au développement. En 2019, par tées inférieures à la moyenne de l’ASS. Avec moins de 2 pour exemple, la contribution des ménages nigériens ne repré- cent de son PIB, la Mauritanie dépense le moins et se place à sentait que 12 pour cent des dépenses totales d’éducation, l’autre extrémité. Cependant, même à l’extrémité supérieure, contre une moyenne de 39 pour cent dans les pays du Sahel le faible revenu par habitant du Burkina signifie qu’en termes Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   39 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 20 : Composition du financement de l’éducation par pays Gouvernement Ménage APD Burkina Faso Tchad 100% 100% 90% 90% 80% 80% 70% 70% 60% 60% 50% 50% 40% 40% 30% 30% 20% 20% 10% 10% 0% 0% 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Mali Mauritanie 100% 100% 90% 90% 80% 80% 70% 70% 60% 60% 50% 50% 40% 40% 30% 30% 20% 20% 10% 10% 0% 0% 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Niger 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Source: World Bank Education Finance Watch database absolus, les dépenses par enfant sont très faibles par rap- mondial pour l’éducation (PME) de 20 pour cent.76 Des va- port aux normes mondiales, comme indiqué ci-après. riations substantielles sont toutefois notées entre les cinq pays. Le Burkina Faso est le seul pays du Sahel dont la part Exprimées en pourcentage des dépenses publiques, les des dépenses publiques pour l’éducation est supérieure à dépenses pour l’éducation sur l’ensemble du Sahel sont la moyenne d’ASS, soit 20 pour cent en 2020, tandis que la restées stables à environ 15 pour cent pendant la dernière Mauritanie est le pays ayant la part des dépenses publiques décennie. De 2010 à 2019, les dépenses pour l’éducation allouées à l’éducation la plus faible, soit juste 10 pour cent. dans les budgets publics du Sahel sont restées égales à 15 pour cent en moyenne, soit moins de la moyenne d’ASS de 76 https://www.globalpartnership.org/sites/default/files/2019-02-gpe-domestic- 17 pour cent et de l’objectif recommandé par le Partenariat policy-brief_web.pdf 40   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 21: Dépenses publiques pour l’éducation en pourcentage du PIB et des dépenses publiques totales pour les pays du Sahel Dépenses Publiques allouées á l’éducation(% du PIB) Dépenses Publiques allouées á l’éducation (% Dépenses Publiques Totales) 6.3 25 5.8 23 5.3 21 19 4.8 17 4.3 15 3.8 13 3.3 11 2.8 9 2.3 7 1.8 5 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Afrique Subsaharienne Sahel Source : Estimations du personnel du GBM basées sur les indicateurs de développement mondial, en février 2021. Dans le domaine de l’éducation, l’allocation des ressources classées avec d’autres sous-secteurs tels que l’EFTP et la for- par niveau reflète la priorité accordée à l’enseignement mation des enseignants. Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et primaire dans l’ensemble des pays du Sahel, où, à l’excep- la Mauritanie ont chacun alloué moins de 2 pour cent de leur tion du Mali, l’enseignement supérieur reçoit une part dis- budget d’éducation à l’enseignement préscolaire en 2018. proportionnée du budget. Au cours des dernières années, 78 Le Niger affiche un niveau d’engagement un peu plus éle- les allocations à l’enseignement primaire ont varié entre 40 vé, consacrant environ 5 pour cent de son budget public de et 50 pour cent pour tous les pays du Sahel (conformément l’éducation à l’enseignement préscolaire (2016), les établis- à la recommandation du PME de 45 pour cent), à l’exception sements préscolaires publics représentant 72 pour cent des du Burkina Faso, qui a toujours consacré à 60 pour cent à effectifs préscolaires en 2018. Faute de dotations publiques ce niveau. Cependant, le Burkina Faso et le Tchad affectent à importantes, le financement de l’enseignement préscolaire peu près autant de fonds publics à l’enseignement tertiaire est largement couvert par les ménages et les communautés, qu’à l’enseignement secondaire, tandis que la Mauritanie et le et les services d’éducation préscolaire sont largement assu- Niger octroient beaucoup plus à l’enseignement tertiaire qu’à rés par les secteurs privé et non gouvernemental. l’enseignement secondaire. Si l’on considère à la fois le faible effectif total de l’enseignement supérieur et les schémas de Malgré la priorité accordée à l’enseignement primaire scolarisation discutés ci-dessus, les dépenses dans l’ensei- dans les allocations, le financement public est extrême- gnement supérieur sont probablement régressives et pro- ment inadapté aux besoins des pays du Sahel et souffre fitent largement aux quintiles socioéconomiques supérieurs. d’inefficacités notoires. Non seulement les niveaux de dé- penses par élève dans le primaire sont très bas en termes Les gouvernements ont considérablement négligé l’éduca- absolus (Tableau 7), mais même par rapport au revenu par tion préscolaire par rapport aux autres niveaux d’éduca- habitant, ils sont proches de la limite inférieure au niveau tion. La part de l’investissement dans l’enseignement présco- mondial, en raison de la faiblesse générale des dépenses pu- laire par rapport à l’ensemble des dépenses d’éducation est bliques pour l’éducation. La couverture étant loin d’être com- nettement inférieure à la part recommandée par l’UNICEF, à plète (comme nous l’avons vu plus haut), les systèmes publics savoir 10 pour cent.77 La Figure 22 montre la répartition des du Sahel ne disposent pas des ressources nécessaires pour dépenses d’éducation dans les pays du Sahel par sous-sec- répondre à la demande massive d’éducation à ce niveau. teur. Les dépenses pour l’enseignement préscolaire ont été Par ailleurs, les pays ont perdu environ 450 millions USD en 77 UNICEF (2019). 78 UNICEF (2019). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   41 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 22: Dépenses publiques par niveau d’éducation dans les pays du Sahel Primaire Secondaire Tertiaire Préprimaire et autres Burkina Faso Tchad 100% 100% 90% 90% 80% 80% 70% 70% 60% 60% 50% 50% 40% 40% 30% 30% 20% 20% 10% 10% 0% 0% 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Mali Mauritanie 100% 100% 90% 90% 80% 80% 70% 70% 60% 60% 50% 50% 40% 40% 30% 30% 20% 20% 10% 10% 0% 0% 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Niger 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Source : Estimations du personnel du GBM basées sur les Indicateurs de développement dans le monde, en juin 2021. dépenses totales d’éducation (0,8 pour cent du PIB), en rai- ajustées du facteur apprentissage que ce que l’on pourrait son des redoublements et des abandons scolaires.79 Si l’on escompter étant donné leurs niveaux de dépenses par en- considère l’efficacité des dépenses dans un contexte global, fant (Figure 23). Néanmoins, à niveau de dépenses similaire, les pays du Sahel génèrent moins d’années de scolarisation on constate des différences entre les pays du Sahel, certains obtenant des résultats nettement meilleurs pour un niveau de dépenses identique (ou inférieur). Le Burkina Faso est le 79 Sur ces 450 millions d’USD, 317 millions d’USD correspondent à des pertes dans les écoles publiques, soit 19 pour cent des dépenses publiques annuelles totales pour plus efficace des quatre pays du Sahel selon les données l’enseignement primaire et secondaire. Les pertes du secteur privé sont d’environ 134 millions USD, soit 21 pour cent des dépenses totales des ménages pour l’ensei- disponibles. Il dépense moins par élève du primaire que le gnement primaire et secondaire. Les estimations ont été calculées en utilisant le Mali, le Niger et le Tchad, mais s’avère capable de traduire nombre d’abandons et de redoublements par an par niveau d’enseignement et sur la base des coûts par habitant de l’enseignement public et privé. ces dépenses en environ 4,7 années de scolarité ajustées 42   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 23 : Années de scolarité ajustées du Tableau 7 : Financement public pour l’éducation facteur apprentissage comparées aux dépenses par élève/étudiant en 2019 par enfant, 2019 Dépenses publiques par étudiant, USD 10 constants PPA Annés de scolarité corrigées du facteur apprentissage (ASCA) deL’ICH   Primaire Secondaire Tertiaire ALB MEX ECU PER COL Burkina Faso 272 294 2100 LKA LCA MDA GRN IRN 8 DMA Tchad 99 358 3130 SLV JOR VCT WSM Mali 284 488 3527 JAM EGY DOM Mauritanie 380 528 3571 LMO GTS 6 Niger 112 136 2202 MWI ZAF AFG Sahel (moyenne) 229 361 2906 SLE CIV BFA ASS 432 1049 2737 MRT 4 RWA PRFM 763 1429 2756 Source : Base de données « Education Finance Watch » de la Banque mondiale TCD NER MLI 2 0 1000 2000 3000 de subsistance et exacerbant les conflits. Plus de 70 pour Dépenses par enfant, USD constant 2017 PPA cent des ménages au Burkina Faso, au Tchad, au Mali et au Niger déclarent avoir subi au moins un choc négatif majeur Source  : Calcul des auteurs, données de la Base de données Éducation Finance Watch de la Banque mondiale au cours des trois dernières années (climatique, conflit ou idiosyncrasique), et près de la moitié ont été contraints de recourir à des stratégies d’adaptation négatives qui sapent à l’apprentissage, alors qu’au Mali, au Niger et au Tchad, les le capital humain, comme le retrait des enfants de l’école.80 chiffres correspondants n’atteignent que 2,6, 2,7 et 2,8 an- Ces réalités exigent une plus grande flexibilité dans les offres nées respectivement. Ainsi, le faible niveau de dépenses et d’éducation, avec davantage de possibilités de progrès non l’inefficacité à convertir les dépenses en apprentissage ef- linéaires et d’approches multigrades qui peuvent favoriser fectif constituent des défis majeurs pour le financement de les enfants et les jeunes susceptibles d’intégrer le système et l’éducation. d’en sortir à maintes reprises. La rapide croissance démographique oblige les systèmes 1.5. Au-delà du système : la fragilité éducatifs à « courir pour éviter de reculer », la cohorte et les conflits génèrent des défis d’âges scolaires augmentant de près d’un million d’enfants et conditionnent les exigences en par an. En moyenne, le taux de fécondité dans les pays du matière d’éducation. Sahel est de 6,4 enfants par femme, contre une moyenne de 4,7 en Afrique subsaharienne. Le Niger a le taux le plus élevé au monde et les cinq pays figurent parmi les 25 premiers au La pauvreté extrême et les chocs persistants limitent les niveau mondial. Selon les prévisions se dégageant des ten- ressources publiques et privées et compromettent les dances démographiques, la population de la région du Sahel investissements dans le capital humain. Quatre des cinq connaîtra plus qu’un doublement entre 2020 et 2050, pas- pays du Sahel se situent dans le quintile inférieur des pays sant de plus de 86 millions à près de 200 millions de per- du monde en termes de PIB par habitant, et dans le quin- sonnes (Figure 24). Cette croissance exercera une pression tile supérieur en termes de proportion de la population vi- encore plus intense sur les nations qui ne disposent pas ac- vant dans l’extrême pauvreté. En conséquence, les parents tuellement de la capacité d’administrer l’ensemble de leur ont eux-mêmes un faible capital humain et rencontrent des territoire et de fournir des services de base à tous leurs ha- problèmes pour assurer leur subsistance. Cependant, ils as- bitants. La cohorte d’âges scolaires (enfants et adolescents sument la charge d’environ un tiers des dépenses d’éduca- âgés de 6 à 18 ans) devrait passer de 29,8 millions en 2020 tion, comme indiqué ci-dessus. Les chocs climatiques aug- mentent en fréquence et en gravité, menaçant les moyens 80 Brunelin, Ouedraogo et Tandon (2020). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   43 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 24 : Croissance démographique dans les pays du G5 Sahel 200000 Tchad Burkina Faso Mali Mauritanie Niger 150000 Milliers 100000 50000 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034 2035 2036 2037 2038 2039 2040 2041 2042 2043 2044 2045 2046 2047 2048 2049 2050 Source : Estimations des auteurs basées sur les Perspectives de la population mondiale des Nations unies (2019). Figure 25: Projections des effectifs au primaire dans le cadre du scénario du statu quo, en millions d’élèves Nombre d’élèves inscrits, en millions Niger Mauritanie Mali Tchad Burkina Faso 18 16 14 4.1 4.3 3.9 4.0 12 3.6 3.8 3.3 3.5 3.0 3.1 0.9 0.9 10 2.9 0.8 0.8 0.8 0.8 0.8 0.7 0.8 2.6 2.6 0.7 0.7 2.4 2.5 2.5 8 2.3 2.4 2.2 2.2 2.3 2.1 6 3.6 3.6 3.3 3.4 3.4 3.5 2.8 2.9 3.0 3.2 4 2.6 2 3.6 3.7 3.7 3.8 3.9 4.0 4.0 4.1 3.4 3.4 3.5 0 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Source : Modèle de simulation à 38,8 millions en 2030, ce qui accroîtra la pression sur les au Niger (79 pour cent), suivi de la Mauritanie (26 pour cent), systèmes éducatifs déjà confrontés à de graves contraintes du Mali (24 pour cent) et du Burkina Faso (23 pour cent). Par de capacité. ailleurs, on s’attend à ce que le TBS augmente marginale- ment, la croissance démographique étant supérieure à celle En référence aux tendances actuelles de l’offre dans les de l’offre. Seul le Tchad, en raison de ses taux de redouble- systèmes éducatifs des pays - un scénario « de statu quo » ment élevés à environ 17 pour cent, parviendra à atteindre le - les effectifs dans l’enseignement primaire augmenteront TBS de 100 pour cent. En Mauritanie, le TBS dans l’enseigne- considérablement, mais pas les TBS.81 L’augmentation des ment primaire était déjà élevé en 2018/19 - 98 pour cent, et effectifs entre 2021 et 2030 équivaut à 4,2 millions d’enfants il devrait augmenter marginalement de 3 points de pourcen- supplémentaires inscrits dans le système éducatif, soit une tage. Environ 919 000 enfants (âgés de 6 à 11 ans) ne seront augmentation de 36 pour cent à travers le Sahel (Figure 25). toujours pas scolarisés en 2030, soit 27 pour cent de plus La plus forte augmentation des effectifs devrait se produire que les 724 000 enfants de 2019. Les conflits qui sévissent dans les pays du Sahel central 81 La note méthodologique utilisée pour le modèle de simulation est présentée à l’Annexe B. (Burkina Faso, Mali et Niger) ont sérieusement compro- 44   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 26 : Nombre actuel de réfugiés, de demandeurs d’asile, de réfugiés de retour, de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) et de personnes déplacées de retour. Mauritanie 70,956 Mali 1,093,650 Niger 611,592 Tchad 1,024,235 Burkina Faso 1,390,616 Source : https://r4sahel.info/en/situations/sahelcrisis mis les soins et la protection des enfants.82 Les enfants des frir de malnutrition aiguë sévère au Burkina Faso, au Mali et zones affectées par les conflits sont exposés à la violence et au Niger en 2020. peuvent être recrutés et exploités par des milices armées. L’UNICEF (2020) a signalé 571 violations graves contre des Dans tout le Sahel central, les attaques contre les écoles, enfants au Mali au cours des trois premiers trimestres de les enseignants et les enfants sont de plus en plus fré- 2019, soit une augmentation par rapport aux 544 de 2018 et quentes, provoquant de graves perturbations du système aux 386 de 2017. Sur la même période, 277 enfants auraient éducatif. L’UNICEF a indiqué qu’entre avril 2017 et décembre été tués ou mutilés, soit plus du double de 2018. Les conflits 2019, les fermetures d’écoles causées par la violence ont été accentuent les lacunes en matière d’accès aux services de multipliées par six au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Plus base tels que l’assainissement, les soins de santé et l’éduca- de 3 300 écoles étaient fermées en décembre 2019, affec- tion. Le peu de main-d’œuvre et le peu de ressources finan- tant près de 650 000 enfants et plus de 16 000 enseignants. cières sont détournés de la prestation des services de base Les écoles ont été particulièrement ciblées dans certains pour faire face aux menaces sécuritaires. Les vaccinations cas. Plus de 20 attaques directes contre des écoles et le per- de routine sont difficiles à respecter. Compte tenu des défi- sonnel éducatif avaient été signalées pendant l’été au Burki- ciences des services d’assainissement et de soins de santé, na Faso et vers le début de l’année scolaire au Niger et au les enfants risquent davantage de contracter des maladies Mali, de juillet à octobre 2019. mortelles telles que la rougeole, le paludisme, la diarrhée et les maladies respiratoires aiguës. Les conflits aggravent La croissance rapide de la population, les conflits, les également l’insécurité alimentaire. Selon les projections de chocs climatiques et le manque de services de base sont l’UNICEF en matière de sécurité alimentaire, plus de 4,8 mil- autant de facteurs qui expliquent les taux élevés de mi- lions de personnes pourraient avoir été confrontées à l’insé- gration interne et transfrontalière, et qui font peser une curité alimentaire pendant la période de soudure 2020 (juin- lourde charge sur l’éducation. Un grand nombre de per- août), soit une augmentation de 50 pour cent par rapport sonnes déplacées de force (PDI, réfugiés, rapatriés), de mi- aux prévisions de 2019. Selon les estimations de l’UNICEF, grants économiques et de migrants dus à des catastrophes plus de 709 000 enfants de moins de 5 ans risquent de souf- naturelles se déplacent à travers le Sahel et au-delà (Figure 26). Les populations de réfugiés sont souvent concentrées dans des zones frontalières périphériques qui offrent des opportunités limitées, ce qui exerce une pression supplé- 82 Les chiffres et analyses présentés dans ce paragraphe et le suivant sont tirés de la publication de l’UNICEF (2020). mentaire sur les populations locales. Les déplacements sont Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   45 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Tableau 8 : Initiatives de formation à distance dans les pays du Sahel Mode d’enseignement à distance Niveaux ciblés Pays Télévision Internet Radio Primaire Secondaire Burkina Faso ✓ ✓ ✓ ✓ Tchad ✓ ✓ ✓ Mali ✓ ✓ ✓ Mauritanie ✓ ✓ ✓ 6e année uniquement ✓ Niger ✓ ✓ ✓ Source : Informations provenant de diverses sources Internet recueillies par les auteurs souvent prolongés. Les personnes déplacées à l’intérieur certaine forme d’enseignement à distance pour les élèves, du pays ont plus que doublé au cours des deux dernières combinant télévision, internet et radio (voir Tableau 8). Alors années, atteignant 7 pour cent de la population du Burkina que le Burkina Faso, le Tchad et le Mali ont élargi ces canaux Faso, dont beaucoup vivent dans des villes secondaires. Non aux élèves du primaire et du secondaire, la Mauritanie et le seulement cette situation fait peser un fardeau supplémen- Niger se sont concentrés uniquement sur les élèves du se- taire sur les systèmes éducatifs déjà faibles des populations condaire. Les faibles taux de pénétration de la télévision et d’accueil, mais elle exige des réponses adaptées, étant donné de l’internet dans ces pays83 impliquent que seule une petite que l’on observe un taux de scolarisation plus faible chez les partie des élèves sont vraisemblablement susceptibles de PDI par rapport à leurs hôtes ou aux moyennes nationales tirer profit de ces efforts, ce qui aggrave l’inégalité des ré- dans de nombreuses régions du Sahel. Cependant, il existe sultats selon la situation géographie et le statut socioécono- des expériences encourageantes sur lesquelles s’appuyer mique. Compte tenu de ces limites, on s’attendait à ce que les dans la région - par exemple, l’intégration des écoles des ASAA dans les pays du Sahel diminuent à concurrence de 15 camps de réfugiés dans les systèmes nationaux au Tchad, ou pour cent au Tchad dans le scénario pessimiste, comme le l’extension de l’accès à l’éducation aux réfugiés au Niger. Au montre la Figure 27. Burkina Faso, au Mali et en Mauritanie, l’exode rural a été par- ticulièrement important, avec une augmentation de la popu- Les pertes d’apprentissage pourraient être plus pronon- lation urbaine de 45 pour cent (Mauritanie) à 67 pour cent cées chez les filles. Selon une étude mondiale de l’UNESCO, (Burkina Faso) entre 2000 et 2019, la plus de 50 pour cent la fermeture des écoles a eu des effets négatifs sur la santé de la population vivant dans en zones urbaines désormais et le bien-être des filles et a freiné considérablement l’ap- en Mauritanie. Dans le même temps, 71 pour cent des Sahé- prentissage.84 L’augmentation du temps passé par les filles liens continuent de vivre dans en milieu rural (en raison des à la maison se traduisait souvent par une augmentation des taux d’urbanisation particulièrement faibles au Niger et au responsabilités au sein du ménage. Il a été constaté que Tchad), dont 20 millions de pasteurs. Ces populations de pro- les adolescentes âgées de 15 à 19 ans utilisaient Internet (y venances diverses ont besoin de modèles d’enseignement compris pour l’enseignement à distance) beaucoup moins contextualisés et équitables qui permettent de développer souvent que les garçons. Par exemple, au Pakistan, seuls 44 efficacement des compétences pertinentes et transférables. pour cent des filles interrogées ont déclaré posséder un té- léphone portable, contre 93 pour cent des garçons. Des dis- La pandémie de COVID-19 a davantage perturbé l’éduca- parités similaires peuvent exister au Sahel. Il a été constaté tion au Sahel et devrait réduire de manière significative que les filles sont moins susceptibles de retourner à l’école à les années de scolarité ajustées du facteur apprentis- leur réouverture. Enfin, les cas de violence basée sur le genre sage (ASAA), étant donné les limites de l’enseignement à à l’encontre des filles ont également augmenté de manière distance. Sur les huit mois de l’année scolaire 2020, les fer- significative pendant la crise, affectant leur bien-être. metures d’écoles en rapport au COVID-19 ont varié de deux mois (Burkina Faso et Mali) à quatre mois (Tchad, Mauritanie 83 Les taux de pénétration de l’Internet varient de 5 pour cent au Niger (2018) à 21 pour cent en Mauritanie (2017) (Banque mondiale, 2021). Les taux de pénétration de et Niger) dans les pays du Sahel, auxquels s’ajoute un mois la télévision varient de 3 pour cent au Tchad (2005) à 22 pour cent au Mali (2006), où les écoles n’étaient que partiellement ouvertes au Burkina bien que les taux soient susceptibles d’avoir augmenté depuis les années 2000 (Groupe de la Banque africaine de développement, 2017). Faso, au Tchad et au Mali. Les cinq pays ont expérimenté une 84 UNESCO (2021). 46   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Figure 27 : Effet de la COVID-19 sur les années de scolarité ajustées du facteur apprentissage dans les pays du Sahel Learning – Adjusted Years of Schooling (LAYS) Situation de reference 2.7 Niger 2.3 (-13.1%) Scenario Optimiste 2.3 (-13.1%) Scenario Pessimiste 2.8 Tchad 2.5 (-12.4%) 2.4 (-15.2%) 2.6 Mali 2.4 (-7.8%) 2.3 (-10.9%) 4.2 Mauritanie 3.8 (-10.4%) 3.8 (-10.4%) 4.5 Burkina Faso 4.3 (-5.5%) 4.2 (-8.2%) 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 Source : Estimations des auteurs, basées sur l’outil d’estimation des pertes d’apprentissage de la Banque mondiale. Remarques : L’ASAA est un indice égal au produit de deux éléments : le nombre moyen d’années de scolarité et une mesure de l’apprentissage par rapport à un indice de référence. La réouverture partielle des écoles n’a pas été comptabilisée dans la durée de fermeture des écoles dans le scénario optimiste. Le scénario optimiste supposait un degré d’efficacité plus élevé pour les modes d’enseignement à distance par rapport au scénario pessimiste, sur la base de données d’enquête provenant de pays à faible revenu (Banque mondiale ; UNESCO ; UNICEF, 2020). Outre les perturbations dans la prestation des services, 1.6. Capitaliser les forces régionales les pressions budgétaires dues à la pandémie mondiale pour relever les défis de l’éducation menacent le peu de dépenses publiques et privées pour au Sahel l’éducation. La crise de la COVID-19 a déclenché la pre- mière récession en Afrique subsaharienne depuis 25 ans. La baisse des prix des produits de base et d’autres pertes de 1.6.1. La coopération régionale offre la revenus ont aggravé les déficits, poussant davantage de pays promesse d’une plus grande efficacité dans vers le surendettement et limitant l’efficacité des dépenses l’amélioration des systèmes éducatifs. sociales.85 La récession économique contribue également à plonger un plus grand nombre de ménages dans la pau- Les pays du Sahel partagent un ensemble de richesses vreté et les impacts devraient se faire sentir pendant des culturelles et linguistiques, ainsi qu’une tradition de coo- années. D’ici 2030, 2,3 millions de Burkinabè et 3,8 millions pération régionale entre eux et au-delà. Les cinq pays ont de Maliens supplémentaires pourraient passer sous le seuil des points communs en termes de langues (en particulier d’extrême pauvreté en raison de la COVID-19 (environ 8 pour la prévalence du français et de l’arabe, en plus des langues cent86 et 14 pour cent87 des populations respectives).88 Dans autochtones parlées au-delà des frontières), de cultures et ce contexte, l’importance de préserver les dépenses pu- de religions, ainsi que de défis de développement. Le Sahel bliques pour l’éducation et la prestation d’autres services de a également une longue tradition de mise en œuvre de plate- base s’avère encore plus cruciale, et exige que l’on accorde formes de coopération régionale, remontant à peu après une attention beaucoup plus grande à l’efficacité des res- l’indépendance, telles que le Conseil de l’Entente de 1959, qui sources dépensées.89 regroupait le Burkina Faso et le Niger, et la Commission du Bassin du Lac Tchad de 1964, qui comprenait le Tchad et le Niger. Chaque pays du Sahel fait partie d’au moins une plate- forme régionale plus large, axée sur l’économie ou la sécuri- té, telle que la CENSAD (associant les cinq pays), la CEDEAO (Burkina Faso, Mali et Niger, entre autres) et l’UEMOA (réu- 85 Fonds monétaire international (2021). 86 Fonds des Nations unies pour la population (2012a). nissant le Burkina Faso, le Mali et le Niger). Dans le domaine 87 Fonds des Nations Unies pour la population (2012b). de l’éducation, les cinq pays font partie de la CONFEMEN, qui 88 Brookings (2021). 89 Al-Samarrai et coll. (2020). rassemble les ministères de l’Éducation des pays d’Afrique de Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   47 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel l’Ouest. Les partenaires au développement du Sahel adoptent dans les zones les plus touchées par les conflits et la fragilité, également une approche de plus en plus régionale, les prin- et dans celles qui connaissent un afflux important de per- cipaux bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux coordon- sonnes déplacées ou de réfugiés. Cependant, cela peut aussi nant leur travail par le biais de l’Alliance Sahel depuis 2017. être l’occasion de renforcer les écoles et la présence de l’État grâce au soutien des partenaires aux services éducatifs pour Dans le domaine de l’éducation, les pays pourraient ex- les populations déplacées de force, qui sont également ou- ploiter davantage ces atouts en vue d’une collaboration verts aux communautés d’accueil. Et les liens communau- stratégique et de la réalisation d’économies d’échelle, par taires sont encore forts dans de nombreuses autres zones exemple en coordonnant l’élaboration et la production de rurales sans grande présence gouvernementale, ce qui offre supports d’enseignement et d’apprentissage, en renfor- une opportunité d’améliorer la scolarisation.90 Cependant, çant les capacités régionales d’évaluation de l’apprentis- cela peut aussi être l’occasion d’améliorer les écoles et la sage et en investissant conjointement dans l’enseignement présence de l’État grâce à un soutien des partenaires aux postsecondaire et la recherche. Dans les disciplines telles services d’éducation pour les populations déplacées de force que les sciences, les mathématiques et les langues, les pays qui sont également ouverts aux communautés d’accueil. pourraient envisager un continuum d’options de coopéra- tion, allant de la standardisation des manuels sur la base d’un Les écoles communautaires à travers le Sahel ont sti- programme d’études et d’un régime d’examen communs, à mulé l’accès à l’éducation, mais sont confrontées à de la création conjointe d’un système de base de production de graves contraintes de ressources faute d’appui de l’État. supports que chaque pays pourrait ensuite personnaliser. Ces écoles sont généralement gérées directement par les Ces types de partenariats ont été expérimentés dans le passé communautés rurales quand l’offre publique est inexistante, - par exemple, jusque dans les années 1970, le Kenya, la Tan- ce qui crée de solides mécanismes de redevabilité locale zanie et l’Ouganda ont appliqué des programmes scolaires et permet probablement une utilisation plus efficace des communs et ont institué une autorité régionale chargée des ressources.91 Cependant, les écoles communautaires sont examens - et offrent des économies d’échelle potentiellement également financées directement par les ménages, dont la importantes dans l’élaboration, la production et l’impression grande majorité vit dans une extrême pauvreté, ce qui occa- des manuels scolaires et des guides de l’enseignant. L’évalua- sionne une charge inéquitable et limite souvent fortement tion PASEC de la CONFEMEN constitue une base solide sur les écoles communautaires en termes d’intrants qu’elles laquelle s’inspirer (le Burkina Faso, le Tchad et le Niger ont peuvent acquérir. Au Tchad, 39 pour cent de toutes les écoles participé en 2019). La participation du Mali et de la Maurita- primaires étaient des écoles communautaires, représentant nie pourrait être encouragée pour l’année prochaine et les ef- 27 pour cent des effectifs de l’enseignement primaire du pays, forts visant à renforcer la capacité nationale de chaque pays en 202092. Au Tchad, les communautés assuraient également du Sahel à suivre de manière cohérente l’apprentissage des la prise en charge directe de 26,5 pour cent de l’ensemble du élèves pourraient être coordonnés afin de faciliter le partage personnel enseignant en 2020, et notamment, 84 pour cent des pratiques d’excellence et l’analyse comparative. des enseignants en milieu rural sont des enseignants com- munautaires. Les écoles communautaires sont également répandues au Mali, en particulier en milieu rural, mais aussi 1.6.2. Force de l’engagement de la communauté dans les zones urbaines pauvres négligées par les pouvoirs envers l’éducation publics. Bagayako (2020) note que le gouvernement malien a entamé le processus de transformation des écoles com- Les communautés ont de tout temps joué un rôle clé dans munautaires en écoles publiques, mais près de deux tiers des l’éducation au Sahel, en particulier dans les zones reculées écoles communautaires demeuraient toujours sans appui où la capacité d’action du gouvernement est plus faible. gouvernemental en 2019. Le rapport a également documen- À l’époque précoloniale, la fréquentation des écoles cora- té les mauvaises conditions et les difficultés financières des niques communautaires était la norme au Sahel. En échange écoles communautaires dans un quartier de Bamako. de l’éducation de ses enfants, la communauté subvenait aux besoins du maître et de l’école (nourriture, logement, bétail, Dans l’ensemble des pays du Sahel et de l’Afrique subsaha- etc.). Les écoles de l’ère coloniale mises en place par les rienne, la gestion de la construction d’écoles par les com- Français revêtaient un caractère différent, plus formel et distinct des communautés et ne suscitaient généralement 90 Consulter par exemple Boyle (2019). pas autant de confiance. Les liens entre les écoles et la com- 91 Pour des données recueillies en Amérique centrale sur les impacts de la gestion communautaire des écoles, voir Di Gropello (2006) et Ganimian Murnane (2016). munauté peuvent s’être érodés au fil du temps, en particulier 92 Banque mondiale (2019a). 48   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel munautés est une approche toujours rentable et efficace Certaines initiatives, au Sahel et plus largement en Afrique pour élargir ou améliorer les infrastructures des écoles de l’Ouest et centrale, visant à doter les communautés des primaires. Alors que les pays continuent de peiner à déve- ressources supplémentaires dans l’espoir d’améliorer les ré- lopper leurs systèmes éducatifs assez rapidement afin de sa- sultats des élèves n’ont pas abouti, en raison de la faible ca- tisfaire une demande en croissance rapide, des approches pacité des communautés, des dynamiques de pouvoir au ni- rentables pour la construction sont essentielles. Au niveau veau local et des besoins concurrents découlant de l’extrême de l’enseignement primaire, une étude minutieuse des expé- pauvreté. Par exemple, dans une initiative visant à allouer aux riences menées dans toute l’Afrique subsaharienne montre comités de gestion scolaire des subventions pour améliorer que la construction d’écoles gérées par la communauté fi- leurs écoles au Niger, il a été constaté que si la participation gure parmi les mécanismes les plus rentables et les plus ef- des parents à la gestion de l’école a augmenté, les résultats ficaces, davantage de chantiers étant achevés dans les dé- des élèves n’ont pas suivi la même tendance, en raison, du lais et conformément aux normes, à moindre coût. Les pays moins en partie, du niveau d’instruction extrêmement bas du Sahel comptent plusieurs expériences réussies dont on des parents et de leur capacité à suivre efficacement les pourrait s’inspirer. La Mauritanie, par exemple, a su tirer par- efforts des enseignants, ainsi que de la décision de certains ti de cette approche pendant plusieurs décennies. En 1989, Comité de Gestion des Etablissements Scolaires (COGES) le ministère mauritanien de l’Éducation a pris la décision d’investir les ressources de la subvention dans l’agriculture audacieuse de confier aux associations de parents d’élèves pour les besoins de leur école.94 Cependant, une autre initia- l’entière responsabilité de la gestion de la construction des tive au Niger, « L’école pour tous », appuyée par l’Agence ja- écoles. L’approche a porté ses fruits : les communautés ont ponaise pour la coopération internationale (JICA), a apporté construit 1 000 salles de classe par an, soit quatre fois plus un appui technique et financier à des activités parascolaires que les 250 prévues. Les communautés évaluent la demande de rattrapage en mathématiques de base menées par des et soumettent des propositions au ministère de l’Éducation, enseignants, des parents et des membres de la commu- qui finance à son tour les projets par le biais d’accords de nauté. Cette approche a permis aux élèves de la première à financement supervisés par des ingénieurs. Ce modèle a la quatrième année de rattraper un retard important dans permis de réduire les coûts de deux tiers par rapport à une la reconnaissance des nombres et les opérations mathé- construction gérée de manière centralisée par le biais d’ap- matiques de base. Ce modèle a été élargi à plus de 40 000 pels d’offres internationaux. Les communautés éloignées de écoles en Afrique (au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali, la capitale auraient réalisé des « chefs-d’œuvre », leur haut à Madagascar et au Sénégal95 grâce à des subventions du degré de cohésion sociale favorisant une meilleure gou- PME). Ces différentes expériences indiquent que les com- vernance et un meilleur contrôle. La qualité de la construc- munautés peuvent contribuer à l’amélioration de l’appren- tion a été jugée correcte lors des audits.93 Plus récemment, tissage des élèves si elles bénéficient d’un appui technique d’autres pays de la région, comme le Niger, ont également adapté, reposant sur les capacités locales. essayé cette approche communautaire de la construction. Pour que cette approche fonctionne bien dans toutes les ré- Dans l’ensemble, ces expériences soulignent que les com- gions d’un pays, il faut l’adapter au contexte Fragilité, Conflit munautés constituent un atout majeur pour l’éducation et Violence (FCV). Dans les zones caractérisées par une plus au Sahel. La manière d’utiliser cet atout doit être adaptée grande insécurité, la cohésion communautaire et la capaci- au niveau de fragilité et de cohésion sociale d’une région, té de la communauté à gérer des projets peuvent être plus mais il peut s’agir d’un outil puissant. Alors que les charges faibles, et les prix plus élevés, de sorte que les investisse- financières devraient être transférées à l’État au fil du temps, ments dans ces zones peuvent nécessiter un degré plus éle- les communautés devraient continuer à être mises à contri- vé de soutien technique et financier de la part des ministères bution pour gérer l’expansion des infrastructures de base de tutelle concernés, lorsque cela est possible. Une attention et le fonctionnement des écoles. Cette approche - finance- supplémentaire doit également être accordée à l’inclusion ment public et gestion communautaire - peut aider le Sahel des groupes ethniques minoritaires dans ces initiatives, afin à dispenser une éducation primaire à un plus grand nombre de ne pas accroître par inadvertance leur marginalisation. d’enfants. En outre, les communautés peuvent potentielle- ment être les gestionnaires les plus efficaces des services Les communautés peuvent également apporter une d’enseignement préscolaire également, un sujet qui sera contribution essentielle aux efforts visant à stimuler abordé plus tard. l’apprentissage, si elles bénéficient d’un appui suffisant. 94 Beasley et Huillery (2017). 93 Theuynck (2009). 95 Maruyama (2018). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   49 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel 1.6.3. 1.6.3 Opportunités offertes par les Figure 28 : Pourcentage d’élèves inscrits dans des prestataires d’éducation non étatiques écoles privées Primaire Secondarire L’enseignement privé est de plus en plus présent dans les pays du Sahel. Une proportion importante d’élèves du pri- Niger 16 3 maire et du secondaire fréquente des écoles privées laïques ou confessionnelles officiellement reconnues dans les pays du Sahel, comme le montre la Figure 28. Le Mali et le Bur- Mauritanie 27 14 kina Faso constituent les deux pays où le secteur des écoles privées formelles est le plus florissant en termes de part des effectifs au primaire. Le Mali possède le plus vaste secteur au Mali 39 37 niveau secondaire, et le gouvernement accorde des bourses pour que les élèves fréquentent des écoles privées, étant Tchad 15 12 donné que les établissements publics ne disposent pas d’une capacité suffisante pour les accueillir. Bien que d’importants problèmes de gouvernance et de contrôle soient apparus Burkina Faso 40 19 dans ce système, le gouvernement s’y emploie activement, avec le soutien de ses partenaires.96 Dans l’ensemble du Source : Illustration des auteurs réalisée à partir de données de l’Institut de statis- Sahel, les écoles privées officiellement reconnues facturent tique de l’UNESCO. généralement des frais plus élevés que les écoles publiques et s’adressent donc principalement aux ménages plus riches. Au Tchad par exemple, les frais de scolarité dans l’enseigne- Cependant, les données factuelles au niveau mondial sur ment privé en 2017-2018 variaient en moyenne de 100 USD l’efficacité des écoles privées ne sont pas concluantes, par an dans les écoles primaires à 166 USD par an au niveau notamment pour les initiatives visant à recourir à des secondaire tandis que les frais de scolarité annuels moyens prestataires privés dans des systèmes publics à capaci- dans l’école publique étaient de 3 USD au niveau primaire et té extrêmement faible. Le Rapport sur le développement 42 USD dans le secondaire.9798 mondial de 2018 note que les données comparant les résul- tats d’apprentissage entre les écoles publiques et privées Les écoles privées du Sahel semblent disposer de meil- sont incohérentes. Les données disponibles ne prennent leures infrastructures et afficher des taux d’absence des généralement pas en compte le contexte socioéconomique enseignants plus faibles. L’enquête IPS 2015 du Niger a globalement plus favorable des élèves des écoles privées. montré que les enseignants des écoles privées sont près de Cependant, nous avons noté plusieurs exemples d’évalua- 90 pour cent moins susceptibles d’être absents de l’école tions rigoureuses de PPP du secteur de l’éducation dans des contre 57 pour cent moins susceptibles d’être absents de contextes de pays développés et en développement. En 2016, la classe par rapport à leurs homologues du secteur public. le gouvernement libérien a introduit le Liberian Education L’enquête IPS 2017 de la Mauritanie a également montré que Advancement Program ou « LEAP » - un PPP pour la gestion les enseignants des écoles privées étaient environ 35 pour des écoles. Le gouvernement a engagé huit prestataires pri- cent moins susceptibles d’être absents que leurs homolo- vés pour gérer 93 écoles publiques, couvrant 8,6 pour cent gues du secteur public. Les infrastructures sont également de la population scolaire publique totale. Le gouvernement a généralement de meilleure qualité dans les écoles privées. financé les prestataires sur la base du nombre d’habitants et Par exemple, les élèves des écoles privées au Niger ont deux a interdit la sélection fondée sur les aptitudes ou les frais de à trois fois plus de chances de disposer de toilettes répon- scolarité, avec la possibilité pour les prestataires puissent de dant à toutes les normes et environ trois fois plus de chances collecter des fonds. Le gouvernement a continué à payer les de fréquenter une école équipée des supports pédagogiques enseignants au même titre que les fonctionnaires. Les écoles minimum requis. devaient suivre le programme national libérien, mais dispo- saient d’une certaine souplesse dans leur fonctionnement, à condition de couvrir les coûts supplémentaires. Une éva- luation d’impact a montré des résultats mitigés.99 La gestion 96 Cf. Banque mondiale (2021d). privée a produit de meilleurs résultats en matière d’alphabé- 97 Banque mondiale (2016). 98 Les calculs des coûts de scolarité annuels moyens sont basés sur l’EHCVM Chad 2018. 99 Romero et al. (2020). 50   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel tisation et de calcul que les écoles publiques, mais les coûts enseignants. Les écoles coraniques utilisent généralement étaient élevés et le plus grand prestataire a poussé les élèves l’arabe ou les langues locales comme langue d’enseigne- et les enseignants excédentaires hors des écoles qu’il gérait. ment. Bien souvent, la langue arabe n’est enseignée qu’en Les abus sexuels à l’encontre des élèves ont également posé tant qu’outil nécessaire à la mémorisation du Coran, mais problème dans le cas d’au moins deux des prestataires. pas en tant que langue fonctionnelle que les élèves peuvent utiliser dans leur vie quotidienne. La mémorisation par cœur Reconnaître et intégrer les écoles coraniques dans le constitue la principale pédagogie, mais l’enseignement tend système éducatif formel également à être individualisé, en fonction de l’évaluation Les écoles coraniques font partie intégrante du paysage par l’enseignant des progrès de chaque élève. Les meilleurs scolaire des pays du Sahel. Les écoles coraniques visent élèves reçoivent l’Ijaza ou « licence » qui confère à son déten- à former les enfants à être de bons citoyens, au sens où ils teur l’autorité d’enseigner la récitation ou la mémorisation doivent devenir de bons musulmans animés de fortes va- du Coran. Plusieurs gouvernements ont tenté de mettre en leurs morales au service de leur communauté. Cette vision œuvre des programmes de modernisation des écoles cora- « traditionnelle » diverge fortement de la vision économique niques, pour les rapprocher des écoles publiques, donnant « moderne », selon laquelle les bons citoyens sont des indi- naissance à des écoles coraniques « modernes » ou « ré- vidus dotés des compétences nécessaires pour réussir leur novées ». Il y a de grandes variations en ce qui concerne les vie professionnelle et personnelle dans un contexte essen- programmes d’enseignement dans ces écoles étant donné tiellement laïc. Les écoles coraniques sont implantées dans que les programmes ressortent de l’initiative des ensei- les pays du Sahel depuis l’époque précoloniale et reflètent le gnants religieux. La plupart de ces enseignants font de la caractère islamique de ces pays, tandis que les écoles pu- mémorisation du Coran la matière principale, mais ajoutent bliques laïques ont été introduites par la colonisation fran- les sciences islamiques, l’arabe, une langue nationale ou of- çaise. Après leur indépendance de la France dans les années ficielle, et quelques notions de mathématiques et des com- 1960, les gouvernements du Sahel ont continué à prôner les pétences de vie. Certaines écoles coraniques peuvent égale- valeurs laïques dans leurs constitutions, même s’ils étaient à ment entamer un processus de modernisation dans l’espoir la tête de populations majoritairement musulmanes, et seule d’être reconnues finalement par l’État, reconnaissance qui la Mauritanie a choisi de se déclarer République islamique. pourrait s’accompagner d’aides financières ou de subven- En conséquence, les pays ont pour la plupart conservé les tions. systèmes d’écoles publiques laïques hérités de la colonisa- tion, tandis que les écoles islamiques ont continué à œuvrer Le paysage des écoles dispensant un enseignement reli- en parallèle sans bénéficier ni de l’appui ni de la reconnais- gieux islamique a évolué au fil du temps et est maintenant sance des gouvernements. 100 assez varié. Après l’indépendance, la région a vu la création « d’écoles arabo-islamiques » (également appelées meder- Les écoles coraniques ne sont pas officiellement recon- sas ou mahadras) qui sont généralement des écoles privées nues par la plupart des gouvernements du Sahel, mais formelles affiliées à des institutions religieuses arabes. Ces selon les estimations, elles desserviraient plus de 20 pour écoles servent de passerelle entre l’enseignement islamique cent des enfants et des jeunes actuellement non scolari- et l’enseignement laïc, elles enseignent des matières du pro- sés. Le terme « écoles coraniques » est généralement utilisé gramme scolaire ordinaire telles que les mathématiques et pour désigner les écoles informelles qui se consacrent à la la littératie en plus des études religieuses islamiques. Dans mémorisation du Coran. Ces écoles ne sont généralement la composante religieuse, l’accent est davantage mis sur la pas reconnues ni soutenues par les gouvernements, à l’ex- compréhension et l’interprétation du Coran que sur la mé- ception de la Mauritanie où elles sont reconnues, mais pas morisation par cœur. L’arabe est généralement la langue soutenues financièrement101. Les écoles coraniques sont peu d’enseignement, tandis que le français est également pro- ou pas du tout encadrées, la plupart des pays les plaçant va- posé en tant que deuxième langue. Ces écoles sont géné- guement sous la responsabilité de leur ministère des Affaires ralement encadrées par les ministères en charge de l’édu- religieuses, plutôt que du ministère de l’Éducation. Elles sont cation qui imposent le programme non religieux. Les élèves généralement implantées au sein de la communauté et leur reçoivent généralement des certificats de fin d’études pri- taille varie, allant de quelques élèves encadrés par un seul maires qui sont généralement reconnus par les gouverne- enseignant à des écoles plus grandes employant plusieurs ments, ainsi que des diplômes privés qui peuvent ou non être reconnus par les gouvernements. Afin de répondre à la de- mande des parents pour un enseignement double - religieux 100 Voir par exemple Lozneanu et Humeau (2014) ou Roy et Humeau (2018). 101 Roy et Humeau (2018) islamique et laïc, les gouvernements du Sahel ont également Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   51 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel mis en place des « écoles franco-arabes » publiques enca- Tableau 9 : Pourcentage d’enfants et de jeunes drées par les ministères chargés de l’éducation. Ces écoles non scolarisés (6-15 ans) déclarés inscrits dans adoptent généralement le programme national d’enseigne- des écoles coraniques informelles dans l’ensem- ment laïc, mais incluent également des études religieuses ble du Sahel. dans le programme d’enseignement. La langue d’enseigne- ment tend à être le français, l’arabe étant proposé comme Burkina Faso 10% deuxième langue. Les élèves reçoivent des diplômes et des Tchad 42% certificats de fin d’études primaires qui sont reconnus par les gouvernements.102 Mali 23% Mauritanie 8% Les données sur les effectifs dans les écoles coraniques sont fragmentaires. Aucun des pays du Sahel n’inclut les Niger 26% écoles coraniques dans les statistiques annuelles publiées Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le par les ministères de l’Éducation, le Niger n’intégrant des Tchad, le Mali et le Niger ; et l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. informations que sur les écoles coraniques formelles. Ce- pendant, les données des enquêtes auprès des ménages suggèrent qu’une grande partie des enfants et des jeunes éducation religieuse islamique au profit d’écoles publiques non scolarisés (âgés de 6 à 15 ans) fréquentent en fait des laïques. La forte croissance des taux de scolarisation dans écoles coraniques informelles - d’environ 10 pour cent au les écoles publiques de la région atteste du fait que les parents Burkina Faso et en Mauritanie à plus de 40 pour cent au sont conscients de l’utilité d’une éducation laïque. Cepen- Tchad (Tableau 9). Certains enfants fréquentent les écoles dant, une certaine résistance à l’éducation laïque persiste, coraniques avant de rejoindre le système d’éducation for- en partie à cause de la connotation coloniale, de l’absence melle, ce qui pourrait contribuer à expliquer les taux de d’éducation religieuse ou spirituelle, ainsi que des conditions scolarisation particulièrement faibles des enfants de 6 et 7 et des résultats d’apprentissage souvent médiocres.104 Ces ans évoqués précédemment. En outre, certains enfants fré- dynamiques se traduisent différemment dans chaque pays quentent également les écoles coraniques avant ou après les du Sahel. Au Mali par exemple, entre l’année scolaire 1999- heures d’écoles officielles, ce qui voudrait dire que ces écoles 2000 et 2015-2016, les effectifs des écoles publiques dans la coraniques desservent une part encore plus importante des première phase de l’éducation de base (6-12 ans) ont doublé, enfants dans l’ensemble. passant d’environ 750 000 à 1,5 million d’élèves, tandis que les effectifs des madrasas (écoles arabo-islamiques) ont été La foi et les valeurs sont les principales raisons qui mo- multipliés par cinq, passant d’environ 68 000 à 360 000 tivent les choix des parents pour les écoles islamiques, élèves.105 formelles ou informelles. Dans une étude sur le terrain ré- alisée en 2010 au Burkina Faso, 83,9 pour cent des répon- Les écoles coraniques devront être reconnues comme dants ayant des enfants dans des écoles islamiques ont cité des partenaires permettant de cibler les enfants qui ont la possibilité de recevoir une éducation religieuse comme peu de chances d’intégrer le système éducatif formel, bien raison principale de leur choix d’école, des proportions plus que ce processus de reconnaissance soit difficile. Une pre- faibles évoquant la qualité des études (25,8 pour cent) ou des mière étape vers de tels partenariats nécessite d’introduire enseignants (12,9 pour cent). Dans les écoles publiques, l’em- des contenus scolaires laïcs, en particulier la langue et les placement (70 pour cent), la qualité de l’enseignement (46,7 mathématiques, dans les écoles coraniques. Cette intro- pour cent) et les coûts (30 pour cent) étaient les principales duction peut revêtir différentes formes, notamment l’ « inté- raisons. Environ un tiers des parents des écoles islamiques gration » de l’enseignement coranique et de l’enseignement et chrétiennes ont avancé l’éducation aux valeurs morales laïque dans les mêmes écoles, ainsi que l’  «  », articulation  comme facteur déterminant, alors qu’aucun des parents des par laquelle les enfants passent un certain temps dans les écoles publiques ne l’a mentionnée. 103 écoles coraniques, puis un temps beaucoup plus court dans les écoles formelles pour couvrir le programme de l’école Si les parents reconnaissent de plus en plus la valeur d’une primaire de manière accélérée.106 éducation laïque, tous ne sont pas prêts à renoncer à une 104 Lozneanu et Humeau (2014). 102 Roy et Humeau (2018). 105 Banque mondiale (2019b). 103 Wodon (2014). 106 Lozneanu et Humeau (2014). 52   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel Encadré 1. Principales initiatives publiques visant à accroître et améliorer l’apprentissage : Exemples du Mali, de la Mauritanie et du Niger Niveau élève • Solutions d’apprentissage à distance pour pallier la fermeture des écoles : programmes d’apprentissage continu à travers l’utilisation de la télévision, de la radio, des radios communautaires et de l’Internet haut débit pour l’apprentissage en ligne (Mali, Mauritanie, Niger) • Accent renforcé sur l’éducation des filles : approche holitisque pour appuyer la fréquentation et l’achèvement par les filles de l’enseignement secondaire à travers un paquet complet d’interventions visant à éliminer les barrières sociales et à renforcer les compétences socioémotionnelles (Mali, Mauritanie, Niger) • Suivi de la performance des élèves : utilisation de solutions numériques pour collecter et analyser régulièrement des informations détaillées sur ce que les élèves ont appris en classe en vue de leur dispenser un enseignement de remédiation (Mali) Niveau enseignant • Innovations numériques pour les écoles en crise : programmes d’apprentissage à distance pour les volontaires communautaires en zones de conflit en vue de pallier la fermeture des écoles, encadrement des enseignements à distance (Mali, Niger) • Sur la base des recommandations de l’audit, mise en oeuvre d’un paquet de politiques et d’interventions visant à améliorer le programme d’enseignement, les méthodes de formation et le cadre organisationnel à l’ENI-ENS (Mauritanie, Niger) • Intégration du système existant de suivi informatisé de la formation des enseignants à un Système harmonisé d’information de gestion de l’éducation (SIGE) (Mali, Niger) Niveau système • Solutions technologiques pour renforcer la gestion de l’éducation (Mali, Mauritanie, Niger) • Numérisation des ressources éducatives (Mali, Mauritanie, Niger) • Camions informatiques dans les écoles et dans les institutions de formation pédagogique (Mali, Niger) • Introduction de mécanismes simples de financement basé sur les résultats dans le système éducatif (Mali, Mauritanie, Niger) Les tentatives d’intégration de contenus laïcs dans les sur les écoles coraniques en 2008, qui a abouti à la création écoles coraniques n’ont pas encore abouti à grande d’une commission de réflexion sur l’intégration des écoles échelle. Plusieurs expériences de modernisation des écoles coraniques. Le gouvernement a également manifesté un coraniques ont été menées dans les pays du Sahel au cours certain engagement envers le secteur des écoles coraniques des deux dernières décennies, mais la plupart sont trop ré- entre 2010 et 2013, mais les écoles islamiques n’ont pas été centes, éphémères ou à petite échelle pour être évaluées inscrites dans son plan décennal ultérieur.108 En dépit de la de manière approfondie. Un exemple en est la rénovation volonté politique, les résultats sont limités en raison du haut de certaines écoles coraniques au Niger avec l’appui de la degré de sensibilité sociale et politique de la question, ainsi Banque islamique de développement. Bien que cette expé- que de la difficulté à obtenir l’adhésion et l’engagement des rience ait donné des résultats encourageants, le modèle n’a parties prenantes. La réticence de nombreux maîtres cora- pas été élargi à grande échelle, son aboutissement exigeant niques et communautés à accepter le concept de moderni- souvent un coût important.107 Plusieurs centaines d’écoles sation continue d’être une pierre d’achoppement majeure.109 coraniques modernes au Niger bénéficient d’une forme de De nombreux enseignants coraniques sont réticents parce soutien monétaire du gouvernement, mais elles ne repré- qu’ils manquent d’instruction formelle, ce qui enlève toute sentent qu’une infime proportion de toutes les écoles cora- possibilité pour eux de devenir fonctionnaires. niques du pays. Les possibilités de permettre aux élèves de passer des Des consultations ont été organisées en vue de l’élabora- écoles coraniques aux écoles formelles sont relativement tion d’un cadre formel pour la reconnaissance des écoles marginales. La Mauritanie fait exception en autorisant les coraniques, mais elles ont souvent été très laborieuses et élèves à passer des écoles coraniques informelles aux écoles n’ont pas permis de dégager un consensus au sein de la arabo-islamiques formelles, à condition que les écoles soient société. Par exemple, le Mali a organisé un forum national 108 Lozneanu et Humeau (2014). 107 Banque mondiale (2020e). 109 Roy et Humeau (2018). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   53 Progrès, défis et atouts à capitaliser dans le domaine de l’éducation dans les pays du Sahel reconnues par le gouvernement et que l’élève puisse dé- chargés de l’éducation un effectif de diplômés ayant un haut montrer sa compétence en arabe, une langue officielle. Ce- niveau de compétence. En Mauritanie et au Burkina Faso, pendant, en pratique, cette démarche s’avère difficile étant les gouvernements ont récemment lancé des consultations donné que les enfants qui passent des écoles coraniques aux nationales inclusives autour de l’éducation pour s’attaquer écoles arabo-islamiques formelles sont beaucoup plus âgés aux principaux problèmes à travers de nouvelles réformes (parfois de 11 à 13 ans). Ailleurs, des initiatives privées ont éga- politiques. Au Mali, un programme national d’éducation ho- lement conduit à la création d’ « écoles passerelles » qui ad- listique de dix ans (Programme décennal de développement mettent des enfants de 9 à 12 ans ayant mémorisé le Coran et de l’éducation et de la formation professionnelle - Deuxième les appuient pour achever l’équivalent de l’enseignement pri- génération, 2019-2028) vise à réorganiser le système éduca- maire en 3 ans. Les enfants peuvent ensuite s’inscrire dans tif pour améliorer la prestation de services. Il s’attaque éga- des écoles formelles arabo-islamiques ou franco-arabes lement au problème de la fermeture des écoles à cause des à condition de remplir les critères d’admission. Ces écoles conflits et de l’insécurité, un défi important et persistant pour partent du principe que les enfants ont développé leurs ca- le gouvernement et les parties prenantes de l’éducation. pacités cognitives par la mémorisation du Coran (mémori- sation par cœur et concentration notamment), ce qui leur Les déclarations d’engagement de haut niveau et les plans permettrait d’acquérir plus rapidement des connaissances nationaux représentent un début prometteur, mais ils et des compétences dans les écoles formelles. Cependant, doivent se traduire par davantage d’actions et de résul- ces initiatives restent très peu nombreuses à ce jour et n’ont tats. Compte tenu de l’ampleur des défis présentés précé- pas été transposées à plus grande échelle. De plus, elles ne demment, l’amélioration des résultats en matière d’éduca- concernent qu’une petite minorité d’enfants, puisque la plu- tion doit avoir une priorité beaucoup plus grande dans les part des enfants des écoles coraniques ne parviennent pas décisions de tous les jours, et les engagements et projets à mémoriser le Coran. Enfin, l’enseignement insuffisant du de haut niveau doivent être adaptés au contexte FCV et se français ou de l’arabe dans les écoles coraniques ne permet traduire par une mise en œuvre au niveau de l’école. Trop pas aux enfants d’accéder avec succès aux écoles formelles souvent, les politiques, quoique nobles, ne parviennent pas à où la maîtrise de ces langues est essentielle.110 surmonter les obstacles qui empêchent le changement (en particulier le changement visant à améliorer la qualité) dans l’ensemble du système. 1.6.4. Initiatives nationales de réforme dans la région Le reste de ce Livre blanc examine comment la région peut capitaliser ces atouts et cet engagement de haut niveau Dans la région, l’appropriation est forte et la communica- pour faire de réels progrès et ainsi prendre en main l’ave- tion sur l’éducation est substantielle, au moins en termes nir. Dans son ouverture, il propose un ensemble d’objectifs d’initiatives et d’engagements affirmés de haut niveau. ciblés et ambitieux – en matière de pauvreté des apprentis- Par exemple, au Niger, après avoir rencontré les parties sages, d’éducation secondaire des filles et d’alphabétisation prenantes, le Président s’est engagé à introduire un Service des adultes – combinés à des politiques transformatrices national civil obligatoire de deux ans pour tous les diplô- pour les réaliser au cours des prochaines années. Il décrit més de l’enseignement supérieur. L’un des objectifs de ce ensuite le renforcement du système à long terme qui sera programme est de mettre à la disposition des ministères nécessaire pour soutenir les progrès dans ces domaines. 110 Roy et Humeau (2018). 54   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet 2. UNE NOUVELLE APPROCHE STRATÉGIQUE POUR L’APPUI DE LA PHOTO PAR: © OLLIVIER GIRARD / BANQUE MONDIALE BANQUE MONDIALE - DES GAINS RAPIDES, DES PROGRÈS DURABLES Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   55 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables 2.1. Des objectifs ciblés et ambitieux Plus important encore, certains programmes et politiques catalysés par un engagement pourraient avoir un effet transformateur en matière de politique scolarisation et d’apprentissage à court et moyen terme. Si elles sont mises en œuvre rapidement, ces interventions Les problèmes exposés ci-dessus ne seront pas entière- pourraient faire une différence substantielle dans les trois à ment résolus facilement ou rapidement, mais les raisons cinq prochaines années et pourraient semer les graines d’un d’espérer sont nombreuses et les circonstances actuelles épanouissement à plus long terme du système éducatif. Ce offrent une réelle opportunité de faire bouger les choses. ne sont pas des remèdes miracles ; elles nécessiteront un vé- Ces problèmes résultent de nombreuses années de pauvre- ritable engagement politique et une bonne conception tech- té, de conflits, de mauvaise gestion et d’un manque de réelle nique, ainsi qu’un financement accru dans certains cas. Ce- volonté politique. Pour les inverser, il faudra adopter une ap- pendant, elles peuvent générer des améliorations notables proche à long terme tout aussi soutenue, appuyée par un aux résultats. leadership et un engagement nationaux assortis d’un soutien international. Malgré ces défis, il existe de nombreuses rai- Ces innovations doivent être associées à des politiques de sons d’espérer. Tout d’abord, la région a évolué positivement, renforcement du système à long terme. De telles politiques établissant les bases d’une action rapide et de progrès du- mettront plus de temps à porter leurs fruits, c’est pourquoi rables. Les progrès réalisés en matière de scolarisation sont il est essentiel de les mettre en place dès maintenant. Néan- encourageants et les forces régionales évoquées plus haut moins associées aux changements de comportement, elles attestent du fait que les pays du Sahel s’efforcent de contour- peuvent améliorer durablement les résultats de l’éducation, ner les limites posées par des systèmes éducatifs nationaux tant dans les prochaines années que dans les décennies à inadaptés. Deuxièmement, bien que la pandémie ait exacerbé venir. les défis de l’éducation, les pays du Sahel peuvent également saisir l’occasion pour accélérer les progrès. Avec la ferme- Pour que ses efforts restent concentrés sur les défis ture des écoles, les menaces immédiates qui pèsent sur l’ac- les plus urgents, la stratégie de la Banque mondiale au cès et l’apprentissage auront été perçues par tout un chacun, Sahel sera guidée par trois objectifs. Les besoins sont et pas seulement par les experts en éducation. Cette prise multiples dans les systèmes éducatifs de ces cinq pays, et de conscience pourrait renforcer la volonté de la société de la Banque continuera à apporter son appui là où les pays le prendre les mesures nécessaires pour investir dans cette gé- demandent. Cependant, pour générer un impact, il faudra nération d’enfants. Et comme certaines des meilleures inter- se concentrer davantage sur le besoin fondamental : s’as- ventions pour la reprise de l’apprentissage sont aussi celles surer que les enfants, les jeunes et les jeunes adultes - en qui renforcent l’éducation à long terme, les pays du Sahel particulier les femmes et les filles - développent les compé- pourraient profiter de la dynamique des meilleures politiques tences de base dont ils ont besoin pour la vie et le travail. La d’aujourd’hui pour renforcer les systèmes de demain. définition de ces objectifs permettra d’affiner cette orien- Figure 29 : Approche stratégique pour l’investissement dans l’éducation au Sahel APPROCHE STRATÉGIQUE À L’ÉDUCATION AU SAHEL Aujourd’hui 2025 2030 Game-changers for quick progress and building momentum Appuyer un redressement résilient en progressant par rapport aux objectvifs critiques en matière d’education d’ici 2025 Politiques et investissements à moyen terme pour la pérennité Investir dans le renforcement des systèmes pour la poursuites des progrès jusqu’en 2030 et au-delà Bases d’intervention: • Porter à plus grande échelle c qui marche, se concentrer sur les plus grandes priorités pour une croissance équitable • Eclairé par les données factuelles mondiales, les expériences régionales et les technologies les plus prome euses, anciennes ou nouvelles Source : Auteurs 56   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables tation sur le plan opérationnel. En conséquence, les trois La méthodologie appliquée pour définir les trois objec- objectifs sont :111 tifs est basée sur l’approche utilisée dans la prochaine Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique 1. Réduire la pauvreté des apprentissages, en tant que centrale de la Banque mondiale, et est en cohérence avec condition nécessaire pour une croissance et un déve- cette dernière. La projection des objectifs d’alphabétisation loppement durables. des adultes et d’éducation secondaire des filles s’est limitée à deux scénarios : (a) le scénario des « trois plus rapides », • Objectif 2025 : Réduire le taux de pauvreté des ap- dans lequel le taux de croissance annuel moyen pour les trois prentissages de 9 points de pourcentage, de 88 des cinq pays du Sahel ayant la croissance la plus rapide est • pour cent à 79 pour cent appliqué aux taux de 2019 et (b) le scénario « quatre plus ra- • Objectif 2030 : Réduire le taux de pauvreté des ap- pides », dans lequel le taux de croissance annuel moyen des prentissages à 67 pour cent quatre des cinq pays du Sahel ayant la croissance la plus ra- • Impact à l›horizon 2030 : 13,8 millions d›enfants pide est appliqué aux taux de 2019. Seuls les résultats du scé- scolarisés et sachant lire, soit 10,2 millions d›en- nario « trois plus rapides » sont actuellement présentés dans fants supplémentaires. le rapport. Concernant l’objectif en matière de pauvreté des apprentissages, la simulation a appliqué plusieurs scénarios 2. Augmenter le taux de scolarisation des filles afin de fondés sur les taux d’amélioration entre les évaluations PA- briser le cycle intergénérationnel de la faiblesse du ca- SEC de 2019 et 2014. La note méthodologique détaillée et les pital humain hypothèses sont présentées en annexe. • Objectif 2025 : Augmenter le taux brut de scolarisa- La première étape pour atteindre ces objectifs ambitieux tion (TBS) des filles dans le secondaire de 12 points consiste à susciter un engagement politique fort L’engage- de pourcentage, de 31 pour cent à 43 pour cent ment doit venir du sommet, avec des signaux clairs de la part • Objectif 2030 : Augmenter le TBS secondaire des- des hauts dirigeants politiques déclarant qu’une véritable filles à 52 pour cent éducation pour tous - c’est-à-dire une scolarité avec appren- • Impact à horizon 2030 : 3,3 millions de filles dans tissage - est une priorité absolue. Le terme «tous» doit être l›enseignement secondaire, soit 2,0 millions de compris comme incluant les populations marginalisées et filles supplémentaires. celles affectées par les conflits ; ces populations souffrent le plus des défaillances des systèmes éducatifs, et leurs défis 3. Augmenter le taux d’alphabétisation des jeunes uniques exigent une attention particulière. Et pour qu’elle soit adultes, en privilégiant les jeunes femmes, en leur réalisable, l’expérience atteste que l’engagement doit être ef- fournissant des compétences de base en matière de fectif, et non général, par exemple en concentrant l’attention lecture, d’écriture et de calcul qui pourraient améliorer sur l’objectif de scolariser tous les enfants dans des écoles la productivité de la main-d’œuvre et favoriser l’auto- sûres et de pouvoir les faire lire en quatrième année. Pour nomisation en complétant la formation profession- atteindre tous ces objectifs, il faut un leadership courageux nelle axée sur l’emploi. et pas seulement un engagement rhétorique envers le sec- teur. En tant que tel, l’engagement politique doit être partagé • Objectif 2025 : Augmenter le taux d’alphabétisation par les fonctionnaires de l’ensemble de la bureaucratie et se des jeunes adultes de 10 points de pourcentage, de refléter dans leurs choix, afin de soutenir un engagement 51 pour cent à 60 pour cent partagé par l’ensemble de la société. Mais pour favoriser un • Objectif 2030 : Porter le taux d›alphabétisation des engagement sociétal, il faut que les parties prenantes com- jeunes adultes à 68 pour cent prennent l’objectif. Par conséquent, les signaux provenant • Impact à l›horizon 2030 : Atteindre un total de 26,5 non seulement du ministre de l’Éducation, mais aussi du millions de jeunes adultes alphabétisés, dont 11,8 président ou du Premier ministre, seront les plus puissants, millions de femmes ; cela représentera 13,4 millions surtout s’ils s’accompagnent d’un soutien clair du ministre de jeunes adultes supplémentaires, dont 6,5 mil- des Finances. lions de femmes. En même temps, cet engagement du sommet vers la base doit s’accompagner d’un soutien de la base vers le sommet 111 Pour chaque pays, le niveau de 2019 et les objectifs de 2025 et 2030 pour cha- de la part des communautés. Pour catalyser ce soutien, il cun des indicateurs sont présentés dans le tableau 9. Les objectifs de pauvreté en apprentissage spécifiques à chaque pays seront insérés dans la prochaine version. est nécessaire d’engager les communautés en diffusant Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   57 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables des messages sur la manière dont le gouvernement vise à • Repérer les élèves qui n’ont pas réintégré l’école et éla- améliorer l’éducation et assume la responsabilité de l’ap- borer des mesures de sensibilisation à l’intention des prentissage de tous les enfants. Ceci est particulièrement groupes les plus vulnérables justifié dans des contextes fragiles et affectés par des conflits • Doter les enseignants des outils nécessaires pour comme le Sahel, où le rétablissement ou le renforcement de effectuer des évaluations de base des niveaux d’ap- la confiance entre l’État et les communautés peut exiger prentissage des élèves, afin de mettre en évidence les plus d’efforts et d’investissements de la part des gouverne- pertes d’apprentissage. ments. Tandis que les efforts sont mobilisés pour rétablir le • Doter les enseignants des outils pédagogiques et des contrat social, il pourrait également être utile d’impliquer supports d’apprentissage nécessaires pour rattraper les communautés dans la gestion des écoles en responsa- le retard en matière de compétences fondamentales. bilisant les parents et les autres membres de la communau- té pour susciter un intérêt accru dans l’aboutissement des La rapidité est essentielle en ce qui concerne ces mesures réformes. Compte tenu des contraintes sociales historiques afin d’éviter les « cicatrices » à long terme dues à l’abandon qui pèsent sur l’implication des femmes et des groupes so- scolaire et aux pertes en matière d’apprentissage. Les don- cioéconomiques minoritaires dans la gestion des écoles, une nées factuelles émergeant des chocs précédents de ferme- priorité dans cet engagement consisterait à veiller à ce que ture des écoles indiquent que les filles et les femmes sont ces populations soient bien représentées et bien impliquées particulièrement exposées au risque d’abandon scolaire  : dans cette gestion communautaire. La mise en place d’une en Sierra Leone, lorsque les écoles ont rouvert après que la participation communautaire soutenue est un objectif à plus crise d’Ébola a occasionné la perte de presque une année long terme (voir ci-après), mais ce renforcement peut être scolaire entière, la probabilité de scolarisation pour les filles amorcé lors dès la première campagne pour manifester était inférieure de 16 points de pourcentage.112 Les popula- l’engagement. Il s’agit d’un objectif à plus long terme (voir tions déplacées de force et les groupes socioéconomiques ci-dessous), mais cette démarche peut être réalisée pendant marginalisés sont également particulièrement exposés au la campagne initiale pour manifester l’engagement. risque de ne pas retourner à l’école. Même lorsque les élèves retournent à l’école, des données factuelles provenant du Pa- Cette approche combinant un engagement politique du kistan (après qu’un grand tremblement de terre ait entraîné sommet vers la base et de la base vers le sommet peut ren- la fermeture des écoles) montrent que les écarts dans l’ap- forcer la redevabilité pour les résultats. Responsabiliser les prentissage peuvent continuer à se creuser considérable- dirigeants politiques, les enseignants, les directeurs d’école ment après la réouverture des écoles s’ils ne sont pas com- et la société en général est essentiel, car c’est ainsi que l’on blés rapidement.113 se donne les meilleures chances de modifier les calculs d’économie politique des principaux acteurs et d’orienter le Cette approche peut transformer le slogan « reconstruire système vers une meilleure éducation et un meilleur appren- en mieux » en réalité. Depuis le début de la pandémie, on a tissage. Cela peut d’autant plus soutenir l’objectif à plus long beaucoup parlé de « reconstruire en mieux ». Cela peut être terme d’améliorer le professionnalisme des enseignants et plus qu’un slogan : nombre de ces politiques conçues pour des directeurs d’école qui sont en première ligne de la pres- inverser les pertes d’apprentissage sont aussi celles qui tation de services éducatifs et sont donc des acteurs clés peuvent renforcer les résultats des élèves à plus long terme pour faire évoluer les systèmes éducatifs du Sahel vers une si elles sont poursuivies. Le redressement et le renforcement meilleure qualité. du système ne sont pas deux activités distinctes à mettre en œuvre l’une après l’autre ; elles sont intimement liées, et la Ensuite, à court terme - surtout au cours de l’année pro- première, si elle est bien conçue, peut venir en appui à la se- chaine - il est essentiel d’exploiter cet engagement poli- conde. tique pour inverser les impacts des fermetures d’écoles dues à la COVID-19. Les pertes d’apprentissage et l’aug- En s’appuyant sur ces mesures urgentes, un ensemble mentation des abandons risquent d’annihiler des années de d’actions transformatrices peut permettre de réaliser progrès. Si les pays du Sahel ne s’attachent pas à minimiser des progrès substantiels à court terme, c’est-à-dire au ces coûts au cours de l’année ou des deux années à venir, ils cours des trois à cinq prochaines années. Une fois que les devront s’extraire d’un gouffre plus profond lorsqu’ils s’atta- dirigeants ont confirmé leur engagement à court terme, à queront aux problèmes qui existaient déjà avant la pandémie de la COVID-19. Les politiques clés pour y parvenir sont les 112 Bandiera et autres (2019). suivantes : 113 Andrabi et autres (2020). 58   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables la fois sur le plan politique et par une réponse immédiate À court terme, les interventions en faveur des parents post-COVID-19, ce signal peut créer un climat favorable aux par le biais de programmes de transferts monétaires politiques à moyen terme permettant d’obtenir des résultats offrent un moyen direct de soutenir les familles pauvres. au cours des trois à cinq prochaines années. Ces innova- Le gouvernement du Niger a lancé un programme de filet tions incluent des interventions visant chacun des objec- de sécurité à l’échelle nationale en 2011, qui a depuis touché tifs ainsi qu’une innovation globale qui est essentielle pour plus de 100 000 ménages. Le programme alloue de petits soutenir toutes les autres. Les sections suivantes décrivent transferts inconditionnels réguliers aux femmes des mé- le contenu, la justification et les modalités de chaque nou- nages pauvres, et forme les femmes aux pratiques paren- velle stratégie, en proposant des objectifs que chaque pays tales liées à la nutrition, à la stimulation psychosociale, à la du Sahel pourrait adopter pour développer ses initiatives santé et à l’assainissement. L’intervention en faveur du chan- spécifiques. gement de comportement a été mise en œuvre avec le sou- tien de la communauté à un coût relativement bas d’environ 20 pour cent des transferts monétaires. Premand et Barry 2.2. Innovations : Les politiques et (2020) ont observé des changements significatifs sur tous les programmes qui peuvent faire ces aspects de l’éducation des enfants parmi les ménages progresser rapidement les trois bénéficiaires, et des retombées dans les ménages non bé- objectifs néficiaires proches. Cependant, les transferts monétaires seuls, sans l’intervention sur le changement de comporte- ment, n’ont pas amélioré le comportement parental. Seules 2.2.1. Réduire la pauvreté des apprentissages des améliorations modestes du développement socioémo- tionnel ont été constatées, tandis qu’aucun impact tangible La réduction de la pauvreté des apprentissages au cours sur le développement physique (taille et poids) et cognitif des des trois à cinq prochaines années nécessitera une action enfants n’a été noté. Les auteurs suggèrent que cela pourrait urgente et concertée sur trois principaux fronts : l’amé- être dû aux niveaux de carences nutritionnelles très élevées lioration du développement de la petite enfance, l’élar- au départ et à l’absence d’activités de stimulation de l’enfant, gissement de l’accès à une école primaire répondant aux de sorte que même les améliorations dans ces dimensions normes et l’amélioration de l’efficacité de l’enseignement parentales n’ont pas pu améliorer les résultats en termes de dans les premières années de scolarité. Pour obtenir rapi- développement du capital humain des enfants. dement des résultats dans chacun de ces domaines, il sera important de suivre les progrès réalisés par rapport à des L’intégration d’interventions d’éducation parentale et objectifs mesurables dans des domaines tels que le déve- de changement de comportement dans le programme loppement cognitif et physique des enfants et les pratiques de protection sociale adaptative du Sahel pourrait per- pédagogiques dans les salles de classe. mettre d’atteindre rapidement un grand nombre d’enfants pauvres et vulnérables. Au Sahel, la protection sociale adap- Améliorer le développement de la petite enfance tative (PSA) pourrait soutenir les communautés pauvres et Les gouvernements doivent placer les enfants sur des tra- vulnérables à renforcer leur résilience face aux chocs tels jectoires de développement élevé grâce à la nutrition, à la que le changement climatique et la pandémie de COVID-19. stimulation et aux soins de la petite enfance. Deux séries Le Programme de protection sociale adaptative du Sahel de priorités ressortent des expériences positives. Première- (PSA), financé par la Banque mondiale et ses partenaires, a ment, cibler les mères et leurs bébés par des interventions touché 2 millions de personnes à travers le Sahel dans sa pre- de santé et de nutrition au cours des 1 000 premiers jours mière phase et entame actuellement sa deuxième phase.115 de vie afin d’améliorer les résultats pour la mère et le nour- Un essai contrôlé randomisé multipays du PSA est en cours, risson, réduire la malnutrition et favoriser le développement et a permis de dégager des résultats prometteurs au Niger physiologique. Deuxièmement, augmenter la fréquence et la sur les indicateurs clés des moyens de subsistance.116 Les qualité de la stimulation et des opportunités d’apprentissage améliorations durables des moyens de subsistance des bé- à la maison pour améliorer le développement du langage et néficiaires pourraient être fortement complétées par des de la motricité, ainsi que pour stimuler les compétences co- interventions parentales efficaces, en capitalisant le retour gnitives et socioémotionnelles précoces.114 de l’expérience du Niger décrite ci-dessus. 115 Banque mondiale (2020f). 114 Banque mondiale (2018). 116 Bossuroy et Premand (2021). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   59 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Pour favoriser le développement cognitif des enfants, domaine de l’éducation ou des comportements parentaux, ceux-ci doivent bénéficier accès à des supports de lecture sans amélioration des services d’assainissement et de santé, et à des soignants aptes à les guider. Des interactions plus ont peu de chances d’améliorer le développement de l’en- diversifiées et de meilleure qualité entre les soignants des fant. Certains des répondants de l’étude au Niger mention- enfants et les enfants, ainsi que des efforts particuliers pour née ci-dessus se sont plaints du refus des dispensaires d’of- faire la lecture aux enfants dans les premières années, pour- frir un traitement pour les enfants souffrant de malnutrition, raient contribuer à renforcer les capacités linguistiques et le ou du manque d’accès à l’eau potable qui occasionnait des développement cognitif, et avoir un impact positif sur la pré- maladies chez les enfants.119 paration à l’entrée à l’école et les résultats d’apprentissage en aval. Les enfants ont besoin d’un environnement favorable Développer efficacement l’accès à des écoles primaires à la lecture à la maison, même au-delà de leurs premières décentes années, pour compléter les cours de littératie à l’école. L’ini- Deux axes prioritaires sont prometteurs en termes d’un tiative Read@Home de la Banque mondiale appuie les efforts élargissement efficace et rapide de l’accès à une école dans ce sens en fournissant des supports de lecture et d’ap- primaire décente : augmenter l’offre d’infrastructures pu- prentissage dans les zones reculées, ainsi que des conseils bliques grâce à la gestion communautaire de la construc- aux parents et aux membres de la famille pour améliorer tion et de la modernisation et intégrer les élèves issus des l’apprentissage de leurs enfants. Cette initiative pourrait être écoles informelles grâce à des partenariats basés sur les coordonnée avec le PSA afin de cibler les familles bénéfi- résultats avec les écoles coraniques. Ces approches s’ap- ciaires en leur proposant un paquet solide de ressources et puieraient sur les forces politiques sur le terrain, comme d’appui parental.117 mentionné plus haut, et offrent des moyens de promouvoir le service public essentiel qu’est l’éducation primaire dans le Pour atteindre une large audience à un coût relativement contexte des difficultés auxquelles est confronté l’État. Ce- bas, les campagnes de sensibilisation radiophonique pour pendant, aucune ne constitue une panacée, et toutes deux le changement de comportement offrent une approche exigent un engagement substantiel de financement public potentiellement prometteuse. La radio reste l’une des ainsi que des dispositions de gouvernance performantes technologies de communication les plus répandues dans le pour être efficaces. Sahel et s’est avérée être une approche efficace pour l’édu- cation à distance dans des environnements à faibles res- Comme évoqué précédemment, la gestion communau- sources. Plus récemment, en partie à cause de la pandémie taire de la construction d’écoles est une approche tou- de COVID-19, plusieurs pays utilisent la radio pour atteindre jours rentable et efficace pour élargir les infrastructures autant de parents que possible avec des informations et des scolaires. Pour que les programmes de construction gé- encouragements pour soutenir le développement de leurs rés par la communauté réussissent, les gouvernements enfants à la maison.118 Au Sahel, des enseignements pour- doivent fournir aux communautés des informations, des raient être tirés des expériences réussies de campagnes ressources et un appui technique. La construction gérée radiophoniques dans le cadre du projet SWEDD (Sahel Wo- par la communauté donne des résultats satisfaisants à la men’s Empowerment and Demographic Dividend) afin de condition que les différentes parties prenantes travaillent de développer et déployer un contenu efficace sur la paren- concert. Le gouvernement doit établir des normes pour la talité. Compte tenu du taux élevé de pénétration de la télé- planification des écoles et les modèles d’école (par exemple, phonie mobile dans la région, les parents de jeunes enfants les distances entre la maison et l’école, la taille des classes pourraient également recevoir des outils et des encourage- et des écoles, et les dispositions et installations infrastruc- ments à travers des messages envoyés sur leurs téléphones turelles minimales pour chaque école). De préférence, les portables. autorités locales devraient signer des contrats avec les com- munautés locales, et suivre et évaluer régulièrement l’avan- Au-delà de l’appui aux parents, les pays du Sahel doivent cement de la construction. Des entités telles que les associa- aussi envisager d’investir sérieusement dès à présent tions de parents d’élèves ou les comités de gestion scolaire dans les services d’eau potable et de santé. Le dévelop- impliquant des membres influents de la communauté de- pement de l’enfant nécessite des interventions coordon- vraient assumer la responsabilité de la gestion des activités nées dans de multiples secteurs. Les interventions dans le de construction au nom de la communauté, comme on le voit en Mauritanie. Le secteur privé pourrait être sollicité dans la 117 Banque mondiale (2020g). 118 Zacharia Sharon (2020). 119 Berman (2017). 60   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Figure 30: La délégation de la gestion de la construction des écoles aux communautés locales est l’approche la plus rentable pour la construction d’écoles primaires. Public Privé Gouvernement Secteurs semi-public et ONG Secteur privé Communautés Centralisé Grand Gouvernement entrepreneur La communauté central (ME) national scolaire demande Conclut un accord un financement de finencement avec projet d’école entrepreneur l’OCB pour la de taille construction moyenne de l’école. Autorité locale Petit entrepreneur Communauté locale Passe des Apporte Exécute les travaux appels d’ son soutier Village/quartier offres pour les travaux Désentralisé Contribue Communauté scolaire Construction de l’école aux traveux Etablissement scolaire Source : Theunyck (2009) construction effective des écoles et la supervision technique. Figure 31: Les principales parties prenantes Des processus de passation de marché rationalisés avec des doivent collaborer pour assurer une gestion spécifications scolaires standard, des contrats simplifiés et communautaire de la construction. des appels d’offres nationaux constituent les autres compo- santes essentielles de ce modèle. La reconnaissance des écoles coraniques en tant que Les administrations composante essentielle du paysage éducatif serait un pre- Le ministère de locales délèguent mier pas décisif. Les gouvernements doivent donner une re- I’Éducation fixe la construction des les règles du jeu écoles aux connaissance juridique aux écoles coraniques et à leur rôle et contrôle communautés par dans la société. Ils doivent également envisager d’inclure leur application. le biais d’accords les écoles coraniques dans les recensements et les statis- contractuales. tiques annuelles publiées par les ministères de l’Éducation. Les statistiques doivent être suffisamment exhaustives pour identifier le type d’école spécifique et faire la distinction entre Construction les élèves qui ne fréquentent que les écoles coraniques et d’école Le secteur privé ceux qui sont inscrits à la fois dans les écoles coraniques et Les communautés exécute les travaux, me ent en œuvre fournissant des laïques. Cela donnera une idée plus précise des tendances leur projet de matériaux et en matière de demande scolaire et permettra aux gouver- construction des services aux d’école communautés. nements de suivre l’impact des politiques éducatives sur ces schémas. Les pays du Sahel doivent également redoubler d’efforts Source : Theunyck (2009) pour inciter les chefs religieux et les enseignants à for- Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   61 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables muler ensemble une vision de l’avenir de la double édu- l’exigence fondamentale de suivre le programme national. cation. Les chefs religieux peuvent ne pas soutenir un État 120 Pour soutenir de telles conventions, les gouvernements interventionniste et souhaitent conserver l’autonomie de du Sahel devront développer les possibilités pour les ensei- gestion des écoles coraniques. Un processus d’engagement gnants des écoles coraniques de bénéficier d’une certaine inclusif pourrait contribuer efficacement à la formulation forme de formation initiale ou continue, dans la mesure où d’options politiques susceptibles de résoudre ces tensions. il est peu probable que la plupart d’entre eux soient formés Les engagements ne doivent pas être l’apanage des person- dans l’enseignement du programme d’enseignement officiel. nalités éminentes, mais s’étendre aux enseignants religieux Si la communauté et les chefs religieux sont suffisamment qui gèrent des écoles coraniques et aux parents d’enfants motivés pour adhérer à une telle éventualité, les gouverne- fréquentant l’ensemble des écoles islamiques. Grâce à ces ments pourraient également envisager de jumeler les écoles engagements, les gouvernements doivent comprendre les coraniques avec des écoles publiques officielles dans un pre- points de vue des chefs religieux et des parents sur les op- mier temps, afin que les enfants puissent suivre une éduca- tions d’éducation, ainsi que les raisons qui sous-tendent leurs tion de base en littératie et numératie en même temps que choix d’école. Les gouvernements doivent également déter- leur éducation religieuse. miner quels sont les obstacles susceptibles d’entraver l’inté- gration de programmes laïcs dans les écoles coraniques ou La capacité des gouvernements à superviser et à soutenir la réussite de la transition des enfants des écoles coraniques efficacement les écoles coraniques devra être renforcée. vers les écoles formelles. Parallèlement à la reconnaissance juridique des écoles co- raniques, les gouvernements devraient transférer la tutelle Après avoir défini une vision commune, les gouverne- de ces écoles à leurs ministères de l’Éducation. Une telle su- ments peuvent travailler à la modernisation des écoles co- pervision directe faciliterait les efforts de modernisation. Le raniques par des contrats basés sur la performance. Les Mali, par exemple, dispose déjà d’une direction de l’éducation incitations financières pourraient être liées à l’introduction religieuse relevant de son ministère de l’Éducation qui gère d’un programme officiel élaboré par les ministères de l’Édu- les écoles islamiques formelles, et qui pourrait étendre son cation, parallèlement au programme religieux islamique des mandat aux écoles coraniques. Les ministères de l’Éducation écoles coraniques. Ces contrats permettraient d’instaurer pourraient devoir adapter leurs approches pour soutenir les la confiance entre les gouvernements et la communauté écoles coraniques compte tenu de leur nature unique. Par religieuse, dans la mesure où le gouvernement soutiendrait exemple, les gouvernements peuvent devoir rationaliser les tous les efforts de la communauté pour moderniser les programmes scolaires étant donné la répartition de la jour- écoles. Les gouvernements pourraient commencer par les née scolaire entre les matières religieuses et laïques, et se écoles les plus enclines à la réforme - celles qui cherchent à pencher sur l’utilisation de l’arabe ou des langues locales améliorer l’employabilité de leurs diplômés grâce à des com- comme langue d’enseignement dans ces écoles. Dans la me- pétences fondamentales et professionnelles, par exemple - sure du possible, les gouvernements doivent tirer parti des avant d’étendre cette approche. Le projet d’amélioration de atouts des écoles coraniques au lieu d’imposer les modèles la qualité et de l’équité de l’éducation de base de la Banque scolaires formels au contexte des écoles coraniques. Par mondiale au Sénégal a soutenu un programme d’améliora- exemple, le haut degré de personnalisation de l’enseigne- tion des daaras (écoles coraniques traditionnelles au Séné- ment dans les écoles coraniques pourrait être mis à profit gal), dans lequel les daaras reçoivent des financements sur pour adapter l’enseignement en fonction du niveau de l’élève. signature de contrats basés sur la performance, à la condi- Cela nécessitera une collaboration étroite entre les minis- tion qu’ils dispensent des compétences fondamentales (lec- tères de l’Éducation et les écoles coraniques, mais pourrait ture et calcul) aux élèves. Le projet initial a bénéficié à envi- s’avérer très bénéfique. ron 14 000 élèves dans 100 daaras et est élargi à 500 daaras dans le cadre d’une deuxième phase de manière à atteindre Des articulations entre les écoles coraniques et les écoles 36 000 élèves. Le Projet d’amélioration de l’apprentissage formelles doivent également être instaurées. Pour faci- pour des résultats dans l’éducation de la Banque mondiale liter la transition, les gouvernements peuvent envisager de au Niger applique un mécanisme similaire, mais inclut éga- développer les structures existantes telles que les écoles lement dans les contrats des objectifs pour des dispositions passerelles ou, lorsqu’il existe une masse critique, mettre en en matière de santé telles que le déparasitage. Au-delà du place des classes de rattrapage distinctes dans les écoles Sahel, des enseignements pertinents pourraient être ti- formelles avant que les enfants ne rejoignent les classes or- rés des systèmes de gouvernance et de financement bien établis en Indonésie pour les écoles religieuses, basés sur 120 Voir par exemple Banque mondiale (2019c). 62   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables dinaires. Ces classes de rattrapage devraient être ciblées et sant de 7,7 pour cent en 1990 à 52 pour cent en 2008 (ce qui adaptées au niveau de l’élève afin de maximiser l’utilisation correspond à une véritable parité des sexes). Les madrasas du temps, et compte tenu de la grande variation possible de ont contribué à augmenter de 35 pour cent la scolarisation l’âge et du niveau de connaissances des élèves des écoles des filles au cours de cette période et ont soutenu de manière coraniques lorsqu’ils intègrent le système scolaire classique. significative les efforts visant à atteindre la parité des sexes Les gouvernements devraient permettre aux élèves de tous dans l’éducation au niveau national. L’effet d’entraînement horizons de concourir aux examens officiels à des étapes sur les madrasas Quomi est également remarquable. Afin de clés de leur scolarité, y compris ceux des écoles coraniques. concurrencer les madrasas Alia, de nombreuses madrasas Ces examens pourraient servir de points d’entrée dans l’édu- Quomi traditionnelles ont commencé à admettre des filles.122 cation formelle pour les enfants des écoles coraniques. Améliorer l’efficacité de l’enseignement de Le renforcement des écoles franco-arabes et arabo-isla- l’alphabétisation et l’acquisition de compétences miques existantes pourrait inciter les écoles coraniques à fondamentales dans les premières années d’étude modifier leur offre de services pour satisfaire la demande Les gouvernements devraient se concentrer sur l’ensei- de double éducation. Il a été établi plus tôt le souhait des gnement de la littératie et des autres compétences fon- parents de donner une double éducation à leurs enfants. damentales dans les petites classes en tant que première Les écoles franco-arabes et arabo-islamiques du Sahel priorité, en reconnaissant qu’il est vital pour le développe- répondent à la demande des parents d’inclure la religion ment humain et économique. La littératie est essentielle à dans l’éducation de leurs enfants, et relèvent davantage de tout progrès ultérieur dans l’apprentissage et l’acquisition la compétence des gouvernements que ne le sont les écoles de compétences, mais trop d’enfants au Sahel fréquentent coraniques traditionnelles. La concurrence qui résulte de la l’école pendant plusieurs années sans avoir acquis les com- généralisation et du renforcement de ces options pourrait pétences nécessaires en littératie (ou en numératie). Pour inciter les écoles coraniques à réformer leurs approches changer effectivement cette réalité, un ensemble complet pour préserver leur assise. Au Bangladesh, de nombreuses d’interventions est nécessaire, notamment l’utilisation des écoles coraniques traditionnelles (appelées madrasas Quo- langues locales pour l’enseignement lorsque cela est pos- mi) ont commencé à introduire des contenus du programme sible, l’orientation des enseignants sous la forme de cours scolaire officiel parallèlement à l’éducation religieuse pour scriptés, un encadrement pratique et régulier des ensei- pouvoir rivaliser avec d’autres écoles proposant des offres gnants grâce à la technologie, l’augmentation de la dispo- similaires - madrasas Alia (sous la tutelle du gouvernement nibilité de manuels scolaires et de supports de lecture de et identiques aux écoles franco-arabes ou arabo-islamiques qualité, et l’augmentation du volume d’heures consacré à du Sahel), et d’autres écoles publiques et privées. Une en- l’apprentissage de la lecture.123 Pour les écoles implantées en quête a montré qu’une proportion importante des madrasas milieu rural en particulier, l’appui aux enseignants doit être Quomi, notamment celles en milieu rural, enseignent des adapté pour prendre efficacement en compte les réalités de matières laïques telles que l’anglais, les sciences, le bengali la classe - des grands groupes d’enfants, d’âge différents et (une langue locale largement parlée) et les mathématiques.121 multigrades qui apprendront plus efficacement s’ils sont en- seignés au bon niveau. Si le premier objectif du Livre blanc Les écoles coraniques pourraient également bénéficier se concentre sur la faiblesse d’apprentissage et l’alphabéti- d’incitations financières pour l’admission des filles, afin de sation - faire en sorte que tous les enfants soient scolarisés promouvoir l’éducation de ces dernières dans les commu- et sachent lire étant un objectif facilement assimilable par la nautés traditionnelles. Cette approche a été très fructueuse société - cela n’implique pas d’ignorer d’autres compétences dans le cadre d’un programme d’allocations soutenu par la fondamentales. L’amélioration des compétences de base Banque mondiale, introduit en 1993 et ciblant les filles du en calcul est également essentielle pour la poursuite de la niveau secondaire dans les madrasas Alia du Bangladesh. scolarité et le futur capital humain, et c’est un objectif que Dans le cadre de ce programme, les filles étaient exemptées les pays se doivent de suivre et d’atteindre. Heureusement, de frais de scolarité, et les écoles qui les accueillaient béné- bon nombre des interventions qui ont fait leurs preuves pour ficiaient d’incitations financières. Cette mesure a permis aux améliorer l’alphabétisation permettront également d’amélio- filles d’accéder aux établissements traditionnellement ré- rer l’enseignement et l’apprentissage du calcul. En outre, les servés aux garçons et a entraîné une augmentation considé- systèmes qui garantissent que tous les enfants sachent lire rable de la proportion de filles dans les madrasas Alia, pas- 122 Adams, Herzog et Marshall (2016). 123 Ces interventions figurent toutes parmi les éléments clés de l’ensemble des po- 121 Adams, Herzog et Marshall (2016). litiques d’alphabétisation de la Banque mondiale pour 2020. Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   63 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables réussissent généralement à les aider à apprendre d’autres davantage d’un enseignement en L1 ou en L2, en fonction de matières également, et l’on constate empiriquement, dans leur zone d’origine et de la nature souvent prolongée des dé- tous les pays et toutes les écoles, que les taux de maîtrise de placements dans la région, comme indiqué ci-dessous. Une la lecture sont fortement corrélés à la maîtrise des mathé- mobilisation inconsistente des parties prenantes et une mise matiques et d’autres matières124. en œuvre incohérente peuvent facilement faire dérailler de telles initiatives, comme le montre l’expérience du Mali, et Les pays du Sahel pourraient réaliser des gains d’appren- pourraient déboucher sur des conséquences inattendues tissage significatifs en utilisant les langues locales pour telles que l’exclusion des minorités linguistiques. Il est essen- l’enseignement, en particulier au cours des premières tiel que les décideurs politiques comprennent le contexte et années de scolarité. Il a été démontré que des politiques consultent largement les parties prenantes pendant l’élabo- bien conçues en matière de langue d’enseignement (LdE) ration et la mise en œuvre des politiques. La consultation des entrainent une multitude d’avantages. Enseigner aux en- parties prenantes aiderait les décideurs à comprendre la di- fants dans une langue qu’ils comprennent, en s’appuyant sur versité du contexte linguistique et permettrait aux personnes de bons supports de lecture adaptés à leur âge dans cette les plus touchées par la politique d’exprimer leurs objectifs et langue, les aide à mieux apprendre et les prédispose à ap- leurs préoccupations. Cela permettrait de s’assurer que les prendre d’autres langues. Cela améliore considérablement politiques de la LdE sont mises en œuvre d’une manière qui l’expérience d’apprentissage et incite les enfants à rester renforce le tissu social au lieu de le détériorer. Pourtant, mal- plus longtemps à l’école. Des politiques appropriées en ma- gré le contexte conflictuel qui prévaut en RDC, l’introduction tière de LdE favorisent également l’équité, améliorent l’effica- de l’enseignement en langue maternelle a été pilotée avec cité interne et évitent l’exclusion de populations en raison de succès dans tout le pays en 2020. Parmi les 200 langues leur langue ou de leur culture.125 parlées en RDC, quatre d’entre elles - le kikongo, le lingala, le chiluba et le swahili - ont été sélectionnées comme langues Bien que les pays du Sahel soient linguistiquement diver- nationales et utilisées pour élaborer des manuels scolaires sifiés, il est techniquement possible d’atteindre la grande pour les quatre premières années de l’école primaire. Ces majorité de leurs populations par le biais d’un nombre manuels sont maintenant distribués dans tout le pays.126 relativement faible de premières langues (L1), et il existe des expériences réussies récentes dont on peut tirer des Lorsqu’il est possible de parvenir à un accord, les langues enseignements. S’il est plus difficile en revanche de parvenir locales (L1) doivent être utilisées pour l’enseignement au à un consensus et d’assurer le suivi de la mise en œuvre, l’at- cours des premières années de scolarité, avec une tran- tention portée à ces questions, combinée à la sélectivité, peut sition vers une seconde langue (L2) au cours des années rendre cette approche techniquement réalisable. Comme le suivantes.127 L’utilisation de la L1 pour l’enseignement re- montre le Tableau 6, un nombre relativement faible de lan- pose sur quelques principes clés. Premièrement, les enfants gues, allant de 1 langue sur 7 (en Mauritanie) à 20 sur 130 (au doivent être enseignés dans leur L1 pendant au moins les Tchad), sont les langues maternelles de 80 pour cent de la six premières années de scolarité. Il est essentiel que l’en- population des pays concernés. Ces chiffres sont cohérents seignement soit dispensé dans la langue que la plupart des avec les tendances mondiales, pour lesquelles 220 langues élèves parlent et comprennent le mieux. Deuxièmement, la supplémentaires pourraient être utilisées par environ 270 L1 doit être utilisée pour l’enseignement des matières aca- millions d’élèves. Pour être efficaces, les politiques en ma- démiques au-delà de la littératie, ce qui permet aux élèves tière de langue d’enseignement doivent être fondées sur une de maîtriser la littératie dans un large éventail de disciplines appréciation approfondie du contexte local. La communauté et dans toutes les matières scolaires. Troisièmement, la L2 doit être engagée de manière globale afin de comprendre (le français ou l’arabe dans les pays du Sahel) devrait être quelles sont les langues parlées à la maison et dans la com- introduite tôt comme langue étrangère en insistant sur les munauté, la dynamique entre les différents groupes linguis- compétences linguistiques orales. L’enseignement ne devrait tiques et la capacité de mise en œuvre locale en termes de passer à la maîtrise de la L2 et à l’enseignement des matières main-d’œuvre et de ressources communautaires. Les po- dispensées qu’une fois que les élèves ont atteint un certain pulations déplacées de force peuvent nécessiter des éva- niveau de maîtrise de la L1 et de la L2. Si l’enseignement et luations distinctes pour comprendre si elles bénéficieraient 126 Banque mondiale (2021f). Pour une mise en œuvre efficace, plus de 45 000 en- seignants et directeurs d’école ont été formés à la lecture et à l’écriture dans les 4 124 Banque mondiale (2019d) langues nationales, à partir de février 2021. 125 La discussion sur la Langue d’enseignement s’inspire largement du document 127 Ce paragraphe reprend largement les principes d’amélioration de la LdE et des d’approche politique Loud and Clear : Effective Language of Instruction Policies for résultats d’apprentissage du document d’approche politique, Loud and Clear : Effec- Learning, Banque mondiale (2021b). tive Language of Instruction Policies for Learning - Banque mondiale (2021b). 64   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables le séquençage sont optimisés, les élèves peuvent maîtriser d’origine des enfants déplacés, les difficultés socioémotion- plusieurs langues même au niveau de l’éducation de base. nelles nécessitant un soutien supplémentaire, et le manque Quatrièmement, l’enseignement de la L1 doit se poursuivre d›enseignants parlant couramment la L1 des enfants. Il est même si une L2 devient la principale langue d’enseignement. également important de prendre en compte les sensibilités Enfin, les pays doivent en permanence planifier, développer, politiques, y compris les points de vue de la communauté sur adapter et améliorer l’approche de mise en œuvre des poli- les enfants nouvellement arrivés, la responsabilité perçue tiques en matière de langue d’enseignement en fonction de des communautés d›accueil d›offrir et de personnaliser les leurs objectifs et contextes. services éducatifs à la population déplacée, et les rôles des acteurs internationaux qui aident à la scolarisation. Les politiques de la LdE devraient être adaptées aux défis contextuels spécifiques du Sahel, en particulier pour ce Indépendamment de la langue, un enseignement efficace qui est des personnes déplacées internes et des réfugiés. de la littératie nécessite des supports d’enseignement Le grand nombre de réfugiés et de déplacés internes au et d’apprentissage (TLM) de qualité et contextualisés. Sahel a été évoqué précédemment. Des études ont noté que Compte tenu de la faible connaissance moyenne des en- ces déplacements peuvent être de longue durée, les réfugiés seignants du Sahel en matière de contenu et de pédagogie, passant en moyenne 10 à 25 ans hors de leur pays ou région les guides de l’enseignant doivent détailler à la fois ce que d’origine128. Les expériences de pays comme le Tchad, où les les enseignants doivent enseigner (contenu) et la façon de écoles financées par les donateurs dans les camps de réfu- l’enseigner (pédagogie) sous la forme de « cours scriptés » giés ont été intégrées au système national, et le Niger, où les faciles à assimiler, leçon par leçon. La coopération régionale services d’éducation nationale sont accessibles aux réfugiés, peut être mise à profit pour développer et acheter conjointe- offrent des leçons importantes qui peuvent être étendues à ment des supports à des coûts unitaires plus faibles, comme toute la région. Cependant, la mise en œuvre de politiques de vu précédemment. La technologie offre également de nom- LdE pour les enfants déplacés relève du défi et implique de breuses ressources innovantes pour soutenir le dévelop- prendre en compte une série de facteurs. La L1 des enfants pement de supports de lecture supplémentaires de haute déplacés peut être différente de celle des communautés qualité, peu coûteux et contextualisés, y compris des biblio- d’accueil, et il peut être difficile de recruter des enseignants thèques numériques multilingues telles que l’African Story- aptes à enseigner dans cette langue. Les enfants déplacés book et la Global Digital Library. Cependant, dans un premier peuvent avoir été déscolarisés pendant plusieurs années temps, les pays du Sahel doivent résoudre les problèmes de et avoir besoin d’une remise à niveau ou de programmes budgétisation, de passation de marchés et de distribution de rattrapage condensés avant de pouvoir rejoindre l’école. qui causent d’incessants retards, des allocations erronées et Pour faciliter l’intégration, il faut également tenir compte des des pénuries de TLM. 129 sensibilités politiques ou de l’antipathie des communautés d’accueil à l’égard de la présence des enfants déplacés et de Un encadrement régulier qui aide les enseignants à gar- la nécessité de les soutenir. Enfin, il est nécessaire de coor- der le cap et à gérer efficacement leurs classes peut amé- donner les efforts des bailleurs de fonds ou des acteurs in- liorer considérablement la qualité de l’enseignement à ternationaux pour garantir une approche cohérente. court terme. Pour ce faire, les pays du Sahel devront s’ap- puyer sur la technologie. Les données factuelles mondiales Les contextes FCV posent d’autres problèmes de mise en montrent que les formes classiques de formation continue, œuvre qui nécessitent une approche unique de la LdE. où les enseignants reçoivent passivement des informations La fragilité et les conflits entraînent souvent des déplace- sans lien avec leur contexte de classe, sont inefficaces.130 Au ments de population à long terme. Un afflux important de Sahel (et dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest et populations déplacées dans les communautés d’accueil né- centrale), la plupart des enseignants ne bénéficient même cessite une planification stratégique pour s’assurer que les pas de cette forme de formation continue inefficace, et les enfants participent à l’enseignement dans une langue qu’ils ressources locales, telles que les directeurs d’école et les ins- connaissent. Parmi les autres défis à relever, citons les la- pecteurs, ne sont généralement pas formées pour dispenser cunes dans la scolarisation qui se traduisent par des niveaux une orientation pédagogique efficace. Cependant, de plus d’alphabétisation en L1 plus faibles que prévu, le manque en plus d’éléments attestent que la formation continue peut d’alignement entre la LdE du pays d’accueil et celle du pays être efficace dans des contextes où les enseignants sont peu 128 Crawford et coll. (2015); Devictor et Do (2016); Milner et Loescher (2011), cites 129 Fredriksen, Bar et Trucano (2015). dans Banque mondiale (2021b). 130 Popova et coll. (2018). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   65 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables compétents lorsqu’elle est dispensée régulièrement, adap- plusieurs autres pays, apporte des innovations pertinentes tée aux besoins des enseignants et axée sur la pratique - en au Sahel. Dans le modèle « Nouvelle école », les élèves tra- d’autres termes, sur l’encadrement. Les programmes de vaillent principalement en groupe, s’entraidant et travaillant mentorat peuvent être mis en œuvre par le biais de plusieurs à leur propre rythme ; les élèves et leurs familles jouent un canaux (notamment les directeurs d’école, les conseillers pé- rôle très important dans la gestion de leurs écoles. Cette ap- dagogiques ou d’autres personnels de l’éducation), mais ils proche apporte une grande marge de flexibilité en classe et nécessitent des ressources humaines aptes à offrir un appui dans le temps, permettant par exemple aux élèves de réussir de qualité directement aux enseignants. Dans les pays du leur retour à l’école après interruption de leur scolarité.135 Sahel, où les capacités sont limitées à tous les niveaux et où de nombreux enseignants et écoles exercent dans des zones difficiles d’accès, la technologie peut être une dans la mesure 2.2.2. Accroître les taux de participation des où elle permet à des encadreurs de qualité de soutenir vir- filles à l’enseignement secondaire tuellement un grand nombre d’enseignants. Des expériences réussies au Brésil et en Afrique du Sud montrent que de telles Éliminer les écarts entre les sexes en matière d’éduca- approches peuvent être rentables, même si elles n’ont pas le tion est non seulement la bonne chose à faire, mais c’est même impact que l’encadrement en présentiel.131,132 également une approche logique d’un point de vue écono- mique et stratégique pour que les pays puissent réaliser La conception des guides des enseignants, la distribution leur potentiel de développement. Le fait de laisser les filles des TLM, l’encadrement des enseignants et la gestion glo- à la traine dans le domaine de l’éducation entraîne une série bale des écoles au Sahel devraient également être adaptés de conséquences pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs aux réalités de nombreuses classes du primaire, notam- familles et la société. Les filles qui interrompent leur scola- ment le fait qu’elles sont multigrades et regroupent des rité prématurément sont plus exposées au mariage et à la élèves d’âges différents. Comme décrit précédemment, les maternité précoces, ce qui augmente le risque de sous-ali- enfants qui entrent à l’école sont nombreux à le faire tardi- mentation ou de décès de l’enfant avant l’âge de cinq ans. Le vement, redoublent ou interrompent leur scolarité à cause manque d’instruction rend également les filles plus vulné- des moyens de subsistance des ménages (tels que le pasto- rables à la violence et réduit leur niveau d’autonomisation au ralisme), des chocs climatiques, des conflits et d’autres fac- sein du ménage.136 La société pourrait être confrontée à une teurs. En conséquence, de nombreuses salles de classe dans plus grande pauvreté et à une lenteur de son développement les écoles primaires du Sahel, en particulier en milieu rural, à cause des moindres revenus sur la durée de vie, d’une plus sont remplies d’enfants d’âges et de niveaux de compétences grande fécondité et de résultats moins bons en matière de différents. Adapter l’enseignement à chaque élève est une santé et d’éducation chez les enfants en conséquence du ni- tâche quasi impossible. Cependant, l’approche « Enseigner veau d’instruction plus faible des filles. au bon niveau » (Teaching at the Right Level – TARL) mise au point par l’ONG indienne Pratham a donné de bons résultats La réalisation de l’enseignement secondaire universel lors d’évaluations rigoureuses en Inde et est maintenant chez les filles au Sahel présenterait une série d’avantages mise en œuvre et évaluée dans toute l’ASS.133 L’approche potentiels. Le Tableau 10 résume les résultats d’une étude TARL implique d’évaluer le niveau d’apprentissage réel de de la Banque mondiale préparée avant le deuxième Sommet chaque élève, d’allouer du temps aux élèves pour apprendre des filles africaines sur l’élimination du mariage d’enfants or- en groupe en fonction de leur niveau (plutôt qu’en fonction ganisé par l’Union africaine au Ghana en 2018. Même si ces de leur âge ou par classe) et de faire un suivi régulier. 134 estimations sont basées sur des données de pays de l’ASS L’approche est flexible et peut être mise en œuvre par des et d’Afrique du Nord, des avantages similaires se retrouve- enseignants ou des bénévoles, pendant ou après la journée raient dans les pays du Sahel. scolaire, et sur de courtes ou de longues durées. En plus de l’approche TARL, le modèle « Nouvelle école », élaboré au dé- Pour accroître à grande échelle la participation des filles part dans les écoles rurales colombiennes pour les enfants au secondaire, il est nécessaire de combiner de manière des ménages agricoles et maintenant mis en œuvre dans stratégique les interventions du côté de la demande et du côté de l’offre. La réduction de la pauvreté des appren- tissages aura des répercussions sur l’enseignement se- 131 Bruns, Costa et Cunha (2018). 132 Cilliers et coll. (2021). 133 Banerjee et coll. (2016). 135 Voir par exemple Psacharopoulos, Rojas et Velez (1992) et Parandekar et coll. 134 Consulter https://www.teachingattherightlevel.org/ pour obtenir davantage de (2017). détails. 136 Wodon et coll. (2018). 66   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables PHOTO PAR: © DORTE VERNER / BANQUE MONDIALE Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   67 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Tableau 10: Avantages à tirer de l’élimination du mariage d’enfants Domaine Estimations des avantages potentiels Revenus et niveau de vie Revenus attendus à l’âge adulte doublés Augmentation à concurrence d’un dixième de la participation à la population active ou du travail à temps plein. Amélioration du niveau de vie (selon la perception des personnes) à concurrence d’un dixième Mariage d’enfants et Quasi-élimination du mariage d’enfants grossesse précoce Réduction des grossesses précoces à concurrence de trois quarts Fécondité et croissance Réduction d’environ un tiers de la fécondité synthétique démographique Augmentation d’un tiers de l’utilisation de contraceptifs par rapport à la situation de référence Réduction de 0,6 point de pourcentage de la croissance démographique Santé, alimentation et Augmentation d’un dixième de la connaissance du VIH/SIDA chez les femmes bien-être Augmentation d’un quart de la capacité de prise de décision des femmes Amélioration du bien-être psychologique des femmes Réduction à concurrence d’un cinquième du taux de mortalité des enfants âgés de moins de cinq ans Réduction de près de la moitié du taux de retard de croissance chez les enfants âgés de moins de cinq ans Pouvoir et prise de Femmes plus susceptibles de prendre de décisions au sein du ménage décision Femmes plus susceptibles de mieux évaluer la qualité des services de base Augmentation d’un tiers de la probabilité d’enregistrement des naissances Capital social et Femmes plus susceptibles de rapporter des comportements altruistes institutions Femmes plus susceptibles de rapporter qu’elles peuvent compter sur leurs amis en cas de besoin Plus grande probabilité que les femmes soient capables d’évaluer les institutions / les dirigeants Source : Wodon et coll., 2018 condaire et au-delà à mesure que les filles (et les garçons) près des écoles secondaires lorsqu’il n’y en a pas dans leur progressent dans leurs études, dotées de meilleures com- quartier d’origine. Les filles ayant achevé le primaire ont pétences et d’une plus grande confiance en leur capacité. bénéficié de bourses pour financer leurs frais de scolarité, Cependant, il est possible d’en faire beaucoup à court terme de logement dans une famille d’accueil pendant trois ans pour réduire les autres obstacles à la scolarisation des filles et de tutorat. Les résultats d’une évaluation rigoureuse in- au secondaire, tant en augmentant la demande qu’en amé- diquent que l’impact du programme est important, notam- liorant l’offre. ment une augmentation de 21 points de pourcentage de la probabilité que les filles poursuivent leur scolarité après Du côté de la demande, l’une des approches les plus effi- trois ans (soit une probabilité supérieure de 35 pour cent caces pour combler les écarts entre les sexes en matière par rapport au groupe témoin) et une réduction de 7 points d’éducation consiste à réduire les coûts de scolarisation de pourcentage de la probabilité qu’elles se marient (soit et à encourager la participation en éliminant les frais une probabilité inférieure de 49 pour cent par rapport au de scolarité et en offrant des bourses ou des transferts groupe témoin).139 monétaires ciblant les filles issues de familles défavori- sées. Les données factuelles collectées dans les pays en L’approche à base communautaire adoptée par le projet développement indiquent que ces types d’approches visant SWEDD combine plusieurs initiatives visant à autonomi- à réduire les coûts figurent parmi les approches les plus ef- ser les filles et les jeunes femmes ainsi qu’à promouvoir ficaces pour accroître la participation des filles à l’école.137 le changement de comportement chez les parties pre- Il existe de nombreux exemples de telles initiatives au Sahel nantes. Le fort accent mis par le projet SWEDD sur les chan- et dans toute l’ASS. Par exemple, en RDC, les premières in- gements de comportement permet bien de s’attaquer aux dications semblent montrer que les filles obtiennent des principaux facteurs de l’exclusion des filles de l’enseignement avantages de manière disproportionnée de la politique de secondaire. Comme mentionné au paragraphe 24, la plupart gratuité scolaire du pays en 2019, la parité des sexes s’amé- des filles qui abandonnent juste avant ou à l’école secondaire liorant à chaque niveau de l’enseignement de base.138 Au Ni- l’ont fait pour cause de grossesse et/ou de mariage (Figure ger, le projet SWEDD a financé un programme permettant A16 et A17 en annexe). Les initiatives promues par le projet aux filles défavorisées d’emménager temporairement plus SWEDD peuvent augmenter la scolarisation au collège et au lycée étant donné qu’aucune différence systématique n’est 137 Morgan et coll. (2012) ; Bashir et coll. (2018) ; Evans et Yuan (2019). 138 Banque mondiale (2021e). 139 Giacobino et coll. (2019). 68   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables notée dans les causes d’abandon des filles au collège et au d’écoles plus proches des communautés défavorisées.140 La lycée (Figure A17 en annexe). En effet, outre le programme de construction d’écoles publiques peut être complétée par des bourses décrit précédemment, une communication solide partenariats public-privé (PPP) dans le cadre desquels des pour le changement social et comportemental (CCSC) ain- fonds publics sont utilisés pour financer l’offre privée afin si que les espaces sûrs dans les écoles, mais aussi pour les d’élargir l’accès plus rapidement. Même si cette approche a filles et les jeunes femmes non scolarisées constituent deux contribué à l’augmentation des effectifs au Mali, en Ouganda autres éléments clés du projet SWEDD en rapport à l’éduca- et dans d’autres pays d’ASS, elle nécessite de robustes moda- tion. À travers la CCSC, le projet s’est attaqué aux normes so- lités de gouvernance pour être efficace. Au Mali, il y a actuel- ciales, aux attitudes et aux pratiques aux niveaux régional et lement une révision et un renforcement de la supervision des local avec l’appui des administrations, d’ONG et de chefs reli- prestataires secondaires privés par le secteur public, tandis gieux. Sous le patronage de chefs religieux influents tels que qu’en Ouganda, le gouvernement a choisi d’abandonner les le Grand Imam d’Al-Azhar, les dirigeants musulmans ont été PPP en 2018 pour construire ses propres écoles à cause de guidés sur l’utilisation d’arguments théologiques pour en- problèmes d’équité et de redevabilité.141 courager la scolarisation des filles au secondaire, le report de la maternité à l’âge adulte, l’espacement des naissances Bien que les faits montrent que les interventions ciblées et la lutte contre la violence basée sur le genre (VBG). Des sur les filles peuvent être les plus judicieuses lorsqu’elles messages clés en rapport à ces questions sont intégrés aux s’attaquent à des contraintes particulièrement contrai- prières du vendredi et du dimanche, et sont diffusés dans les gnantes pour ces dernières, les investissements les plus mosquées et les églises et lors des rassemblements et des efficaces pour améliorer les résultats scolaires des filles dialogues communautaires. Des campagnes nationales peuvent être un mélange d’investissements ciblés et non dans les langues locales ont été lancées en complément des ciblés. Les interventions qui sont neutres au genre sont très campagnes régionales, mettant l’accent sur le maintien du prometteuses pour l’apprentissage des filles comme pour dialogue communautaire. De plus, le projet SWEDD appuie celui des garçons. Par exemple, Duflo et coll. (2020), dans le renforcement des cadres juridiques dans l’ensemble des leur évaluation des interventions d’enseignement ciblé au pays ainsi que la capacité des plateformes régionales à pro- Ghana, constatent des impacts plus importants pour les mouvoir les droits des filles et des femmes tout en découra- filles malgré le fait qu’elles ne soient pas spécifiquement geant les pratiques néfastes. Les espaces sûrs à l’école et ciblées par l’intervention. En effet, un examen des preuves dans la communauté permettent aux filles d’interagir entre suggère que, souvent, les interventions axées exclusivement elles en l’absence d’hommes, et ont également été utilisés sur l’éducation des filles ne seront pas le moyen le plus effi- pour instruire les filles. cace ou efficient d’améliorer leurs résultats scolaires142. Cela est particulièrement vrai dans les États faibles et fragiles Pour maximiser les impacts sur la participation des filles qui s’efforcent de faire face simultanément à de multiples au secondaire, l’élargissement des programmes SWEDD crises de développement. Compte tenu des ressources limi- performants peut être complété par des interventions tées dont disposent les systèmes éducatifs dans la plupart du côté de l’offre qui élargissent l’offre d’enseignement des pays à revenu faible ou intermédiaire, l’approche la plus secondaire. La construction d’écoles plus proches des com- pratique pour aider les filles à apprendre consiste peut-être munautés s’est avérée être une approche efficace pour élar- à améliorer les écoles pour tous les enfants et les jeunes. gir l’offre et réduire les coûts de participation au Sahel. Par Les pays peuvent y parvenir grâce à des interventions non exemple, au Burkina Faso, l’initiative «  Réponse burkinabé ciblées sur le genre qui sont très rentables pour développer pour améliorer les chances des filles de réussir » (BRIGHT) les compétences de base, qui restent très insuffisantes dans a permis d’accroître le taux de participation des filles et des le premier cycle du secondaire au Sahel ; il s’agit notamment garçons à l’éducation primaire et leur taux d’achèvement d’interventions telles qu’une pédagogie structurée et des du primaire en construisant des écoles primaires dans les programmes pour enseigner aux enfants et aux jeunes au communautés et en mettant en œuvre un ensemble d’in- bon niveau143. Dans certains contextes, cette approche non terventions complémentaires de 2005 à 2012. Par la suite, une approche similaire s’est avérée efficace dans le Pro- jet d’amélioration de l’accès et de la qualité de l’éducation : 140 Le modèle d’écoles en pensionnat, bien que répandu dans certaines parties de l’Afrique anglophone, s’est avéré trop coûteux indépendamment de l’échelle de elle a permis d’améliorer l’accès au collège et au lycée des mise en œuvre et devrait donc être réservé aux contextes particuliers où les autres options ne peuvent être envisagées. De plus, assurer la sécurité des élèves est une filles et des garçons, sans distinction, par la construction préoccupation majeure. Voir Bashir et coll. (2018) pour une discussion détaillée. 141 Banque mondiale (2020l) ; Banque mondiale (2021d). 142 Evans et Yuan (2019) 143 Global Education Evidence Advisory Panel (2020). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   69 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables ciblée peut également être plus acceptable politiquement cas, des logiciels conçus pour ce contexte pourraient consi- pour les électeurs que les programmes qui limitent leurs dérablement augmenter l’apprentissage des filles (et des avantages aux filles. garçons) et les encourager à rester à l’école. Il faut savoir que des efforts ont été menés pour adapter les logiciels de Outre l’élargissement de l’offre et l’adaptation d’outils littératie et de numératie de base à des contextes difficiles. pédagogiques éprouvés et rentables, les pays peuvent En 2019, par exemple, l’initiative Global Learning X Prize a expérimenter de nouvelles technologies susceptibles décerné son grand prix de 10 millions USD à deux logiciels d’améliorer rapidement l’apprentissage des élèves et libres innovants, après qu’il a été prouvé lors d’essais sur le donc d’accroître l’intérêt de rester à l’école, tant pour les terrain dans des villages tanzaniens qu’ils accéléraient l’ap- filles que pour les garçons. Comme décrit précédemment, prentissage.146 un faible niveau d’apprentissage en classe est répandu au niveau primaire dans l’ensemble du Sahel. Si les élèves les Pour augmenter les chances des filles de terminer leurs plus faibles sont nombreux à abandonner, beaucoup pro- études dans un environnement sûr et sain, et donc amé- gressent jusqu’au secondaire sans pour autant posséder liorer leurs chances sur le marché du travail, il est crucial les compétences essentielles et ont du mal à assimiler le de mettre fin à la violence basée sur le genre en milieu contenu plus avancé. Par ailleurs, les élèves les plus bril- scolaire (VBGMS). La VBGMS est un acte ou une menace lants peuvent ne pas pouvoir réaliser leur plein potentiel à de violence sexuelle, physique ou psychologique qui se pro- cause du manque de compétences de leurs enseignants et duit à l’intérieur et autour des écoles, perpétré en raison des de l’insuffisance de supports appropriés, en particulier en normes et des stéréotypes de genre, et mis en œuvre par mathématiques et en sciences. Une approche, lorsque les une dynamique de pouvoir inégale147. La VBGMS doit être in- conditions le permettent, pourrait consister à utiliser la mé- tégrée dans des plans d’action nationaux qui reconnaissent thode adaptative. Ce logiciel d’apprentissage adaptatif peut la nécessité de la prévention, de l’atténuation de l’impact et être utile aux élèves de tous les niveaux d’apprentissage, en de la responsabilisation. Les gouvernements doivent faire utilisant l’intelligence artificielle pour évaluer le niveau de preuve de leadership aux niveaux national et local en adop- compétence de chaque élève et présenter des leçons inte- tant des lois et des politiques sur la VBGMS, en renforçant les ractives sur mesure pour leur enseigner à partir du niveau liens entre les systèmes d’éducation et de protection de l’en- établi. Les premiers résultats des évaluations rigoureuses de fance et en appliquant des réformes à l’échelle du système ces logiciels montrent que leurs impacts sur l’apprentissage afin de garantir que les établissements d’enseignement des élèves sont significatifs et que leur mise en œuvre est publics prennent en compte la VBGMS de manière exhaus- rentable, mais les infrastructures technologiques de base et tive. Des approches globales sont également nécessaires la capacité du personnel scolaire doivent être déjà en place, pour rendre les écoles plus sûres (contre tous les types de ce qui n’est pas le cas dans les contextes de fragilité et de violence) et offrir aux enfants de meilleurs environnements grande pauvreté.144 Le coût élevé de la connectivité dans la d’apprentissage. Les approches globales visent à créer des région du Sahel constitue un obstacle majeur. La concep- espaces sûrs et accueillants, en faisant passer des messages tion doit également être prise en compte : les initiatives qui forts indiquant que la VBGMS n’est pas acceptable et en ap- utilisent des logiciels de mauvaise qualité ou se contentent pliquant des codes de conduite qui détaillent les normes et de transférer le contenu traditionnel sur des tablettes ou les standards de comportement pour tout le personnel de des ordinateurs n’ont guère eu d’impact. 145 Pour le Sahel, l’école, et potentiellement aussi pour les élèves et leurs pa- le déploiement effectif de logiciels d’apprentissage adapta- rents. Des mécanismes clairs, sûrs et accessibles doivent tif de qualité pose donc un défi de mise en œuvre de taille. également être mis en place pour signaler les incidents Ainsi, bien que ces approches soient prometteuses, les gou- de manière anonyme, aider les victimes en leur apportant vernements devraient faire preuve de prudence avant de les conseil et soutien, et transmettre les cas aux autorités com- adopter et donner la priorité aux interventions de moindre pétentes. technicité pour lesquelles il existe une base factuelle plus solide. Pour ces raisons, il peut être judicieux d’essayer ces logiciels d’abord au niveau secondaire, où l’infrastructure sera souvent meilleure, et d’évaluer soigneusement leur impact avant de passer à l’échelle supérieure. Dans de tels 144 Muralidharan, Singh et Ganimian (2019) ; Wang et al. (2020). 146 https://www.xprize.org/articles/global-learning-xprize-two-grand-prize-winners 145 Habyarimana et Sabarwal (2018). 147 Women, U.N. (2016) 70   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables 2.2.3. Augmenter les taux d’alphabétisation des L’alphabétisation des parents, en particulier des mères, et jeunes adultes, en se concentrant sur les jeunes l’amélioration des revenus des adultes qui en résulte peuvent femmes favoriser le développement des compétences des enfants en améliorant leur santé, leur stimulation précoce et l’environ- Parallèlement aux efforts visant à améliorer l’éducation nement d’apprentissage à la maison. Si la première raison de base des enfants, il est nécessaire de relever les taux s’applique aux adultes analphabètes de tous âges, les deux d’alphabétisation de la population active, en particulier dernières raisons montrent qu’il faut se concentrer sur les des femmes et des jeunes, pour favoriser le développe- jeunes adultes. En outre, les jeunes adultes peuvent être da- ment économique et humain. Les niveaux extrêmement bas vantage incités à apprendre et peuvent donc apprendre plus d’alphabétisation des femmes adultes dans les pays du Sahel rapidement. affectent leur autonomisation et leur participation à l’éco- nomie, ainsi que leur capacité à réussir à investir dans leurs Les programmes d’éducation des adultes n’ont pas été enfants, ce qui contribue à perpétuer le cycle intergénéra- étudiés aussi largement que l’éducation scolaire, mais il tionnel de la pauvreté décrit précédemment. Thomas et coll. existe des données factuelles solides sur comment conce- (2020) notent également qu’investir dans l’alphabétisation voir des programmes performants, y compris au Sahel. des femmes est judicieux en soi du point de vue économique, Il est important de noter que les adultes de tous âges sont et pourrait également générer des externalités positives capables d’apprendre, quoiqu’il soit plus probable que les pour le développement de manière plus générale. Pour les jeunes adultes y réussissent mieux. Les données scienti- jeunes, et les jeunes adultes, dont beaucoup n’ont jamais eu fiques149 semblent indiquer qu’il n’existe aucun facteur bio- la possibilité d’intégrer le système éducatif formel, l’analpha- logique important limitant l’alphabétisation chez les adultes. bétisme sera un boulet qu’ils traîneront tout au long de leur Même si les adultes connaissent une réduction de la plas- vie professionnelle, limitant l’efficacité de la formation tech- ticité cérébrale150 par rapport aux enfants, ils bénéficient nique et des autres investissements dans la main-d’œuvre, et d’atouts dans d’autres domaines cognitifs tels que la fonction réduisant la productivité économique globale. exécutive et la mémoire.151 Ces fonctions tendent à parvenir à leur niveau maximal entre 18 et 30 ans, cette période étant Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les pays du Sahel donc la fenêtre optimale pour les interventions en faveur de doivent investir intelligemment dans l’alphabétisation et l’alphabétisation des adultes. les compétences des jeunes adultes. Tout d’abord, plus de la moitié des jeunes adultes (15-34 ans) et environ 59 pour Les enseignants doivent être spécifiquement formés sur cent des jeunes femmes dans la région du Sahel sont anal- les techniques qui appuient l’acquisition des langues chez phabètes, ce qui signifie que le déficit de compétences de les apprenants adultes. En l’absence d’une telle formation, base chez les jeunes adultes est trop important pour être les enseignants se rabattent sur des stratégies d’enseigne- ignoré. Par conséquent, le stock de travailleurs non qualifiés ment inefficaces telles que le didactisme. Les apprenants est très important, et ces jeunes travailleurs non qualifiés ont adultes gagneraient à travailler activement avec les contenus encore une longue vie professionnelle devant eux. Deuxiè- de cours et à utiliser des supports d’apprentissage contex- mement, les investissements dans les compétences fonda- tualisés de qualité. La disponibilité d’enseignants issus de la mentales et techniques des jeunes adultes peuvent appor- communauté locale, ayant les qualifications appropriées et ter des avantages économiques et sociaux importants. Ces rémunérés adéquatement, est également un facteur clé de compétences peuvent améliorer les moyens de subsistance, performance.152 permettre la mobilité hors des emplois à faible productivité, améliorer la productivité dans les emplois existants et ren- La technologie de la téléphonie mobile peut appuyer l’ap- forcer la cohésion sociale, car les emplois sont plus que de prentissage des adultes à faible coût. Aker et coll. (2012) simples revenus. De nombreux ouvrages ont démontré que ont évalué l’impact d’une intervention au Niger dans laquelle les compétences de base en matière d’alphabétisation et des adultes ont été formés sur l’utilisation des téléphones de calcul permettent aux gens de mieux fonctionner sur le mobiles (Projet Alphabétisation de base par cellulaire, ou marché du travail et, en fin de compte, d’accéder à de meil- leurs emplois.148 En outre, l’amélioration de l’alphabétisation 149 Arias and others (2019). Les enseignements récapitulés dans cette section sont et des compétences des adultes peut accroître directement tirés de Bendini, Levin et Oral-Savonitto (2019). 150 La plasticité cérébrale désigne la capacité du cerveau à changer en réponse au et indirectement le capital humain de la génération suivante. monde qui l’entoure. 151 La fonction exécutive désigne un ensemble de compétences cognitives qui in- cluent l’attention soutenue, la planification et la métacognition. 148 Arias et coll. (2019) 152 Thomas et coll. (2020). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   71 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables ABC), en plus de bénéficier d’un programme ordinaire d’en- Il est possible d’accroître rapidement et considérablement seignement des adultes axé sur la littératie et la numératie. le taux d’alphabétisation des adultes à l’échelle nationale Combiné au programme d’enseignement d’adultes, ABC a dans un pays jeune en situation de conflit et se débattant permis aux apprenants à mieux acquérir des compétences dans une pauvreté généralisée. L’expérience de la Corée du en lecture et en mathématiques par rapport au programme Sud a montré comment y parvenir.154 De 1945 à 1959, la Corée d’enseignement d’adultes à lui seul. Selon les auteurs, les ré- du Sud a réduit son taux d’analphabétisme des adultes de 78 sultats peuvent être attribués à une plus grande motivation à 22 pour cent, alors qu’elle venait de sortir de l’occupation ja- et davantage d’efforts par les étudiants en classe ainsi qu’à ponaise et de la Seconde Guerre mondiale, suivie de la Guerre plus d’occasions de pratiquer hors classe. L’étude a égale- de Corée de 1950 à 1953. Cette époustouflante transformation ment souligné l’importance de la qualité des enseignants, les est le résultat d’un engagement politique fort à reconstruire enseignants les plus instruits étant capables d’utiliser les té- une société fondée sur le capital humain et la reconnaissance léphones portables pour générer davantage d’impact. L’utili- de la nécessité de doter les enfants et les adultes de compé- sation de téléphones portables par les participants pourrait tences de base. Dans le cadre d’un plan quinquennal visant à avoir des effets d’entraînement tels que l’amélioration de l’ac- éradiquer l’analphabétisme, la Corée du Sud s’est appuyée sur cès aux services numériques (par exemple, paiements élec- des organisations religieuses et communautaires existant de troniques) et à l’information. longue date et dispensant un enseignement informel, tel que les « Écoles du soir » pour les exploitants agricoles, et a dé- La motivation des apprenants est primordiale. Bon ployé des dizaines de milliers d’agents d’alphabétisation (en- nombre des participants aux programmes d’éducation des seignants existants et autres dotés des compétences de base) adultes ont tendance à abandonner tôt la formation. Les ef- pour dispenser des cours aux adolescents et aux adultes, forts visant à encourager la poursuite de la participation, par séparés par sexe, les cours étant programmés en fonction exemple à travers des récompenses, l’engagement social du calendrier agricole et promus par les dirigeants locaux. et la définition d’objectifs pourraient être importants pour En principe, il n’existerait aucune raison pour que les pays du maintenir la participation. Par exemple, le programme ABC Sahel ne puissent pas reproduire l’expérience de la Corée du au Niger distribuait des bons alimentaires aux participants Sud et déclencher une transformation économique. sous condition de leur assiduité. Une assistance à la garde des enfants pourrait libérer les femmes et leur permettre de participer au programme, de la même manière qu’il a été 2.2.4. S&E  : Une intervention transformatrice démontré que les services de garde subventionnés augmen- en appui à toutes les autres tent considérablement les taux d’emploi des mères (exemple du Kenya).153 Il existe une méta-intervention transformatrice qui per- met aux autres actions transformatrices d’aboutir, à savoir Les programmes performants répondent aux besoins l’amélioration du suivi et évaluation. Le suivi et l’évaluation des apprenants et de la communauté. À l’instar du concept sont nécessaires pour mettre en œuvre les actions trans- « Enseigner au bon niveau » pour les élèves, les programmes formatrices et pour déterminer ce qui marche. Par exemple, d’alphabétisation des adultes doivent se situer au bon niveau l’appui structuré aux enseignants repose sur des retours fré- pour permettre aux apprenants de progresser dans le conti- quents sur l’apprentissage des élèves recueillis à travers des nuum de l’alphabétisation. Les programmes doivent être évaluations bien conçues de l’apprentissage. Et même si les adaptés à la culture et à l’environnement local afin de pro- bases de la littératie sont connues dans les premières année, duire des résultats durables. Les supports pédagogiques et une bonne évaluation permet d’adapter ces approches afin de didactiques devraient être pertinents et avoir du sens dans les rendre aussi efficaces que possible dans le contexte sahé- le contexte local alors que les décisions d’ordre logistique, lien. De même, pour maintenir les filles à l’école secondaire, telles que les horaires et les lieux, devraient également être il est nécessaire de mettre en place des systèmes de suivi prises en fonction du contexte. L’implication de la commu- systématique de l’assiduité et de l’apprentissage, étant don- nauté dans la planification des cours et le renforcement de né que les absences fréquentes et les mauvaises notes sont l’apprentissage par la suite pourraient donner plus de péren- des signes annonçant tôt l’abandon. En effet, si l’on examine nité aux interventions. les actions transformatrices mentionnées précédemment, on constatera que de chacune d’elles dépend de données de qualité et de la capacité à interpréter ces données. 153 Clark, Laslzlo, Kabiru et Muthuri (2017). 154 Byun et coll. (2012). 72   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables PHOTO PAR: © OLLIVIER GIRARD / BANQUE MONDIALE Une fois encore, le lancement des interventions dès l’an- au niveau de chacun des quatre facteurs directs qui font née prochaine pourrait faire toute une différence. Alors qu’un système éducatif soit solide : la préparation des appre- que les gouvernements s’efforcent de se remettre de la nants, un enseignement efficace, des ressources matérielles COVID-19 dans un avenir immédiat, les tendances qu’ils éta- et des écoles sûres et inclusives. Les approches nécessaires blissent peuvent soit appuyer soit entraver les réponses à pour soutenir chaque moteur devront être adaptées aux moyen et long termes. S’ils font le suivi de la participation et contextes plus fragiles et affectés par des conflits, afin de ga- de l’apprentissage de chaque enfant de manière à orienter rantir que ces régions ne prennent pas plus de retard. en toute efficacité le redressement de l’apprentissage, cela créera le tremplin pour approfondir l’intégration du S&E aux autres actions transformatrices et renforcer le système à 2.3.1. Renforcer l’enseignement préprimaire long terme. pour donner une longueur d’avance aux enfants L’enseignement préprimaire peut placer les apprenants 2.3. Renforcer le système : les sur des trajectoires de développement élevé et les ré- changements à opérer pour formes peuvent contribuer à les maintenir à l’école. Il est pérenniser les améliorations possible d’assurer la nutrition, des soins et une éducation préscolaire de qualité dès les premiers âges même dans des La mise en œuvre des actions transformatrices serait un contextes à faible capacité. Comme discuté précédemment, grand pas en avant. Cependant, la mise en place de sys- les services de nutrition et les soins nécessiteront un lea- tèmes éducatifs de grande qualité nécessitera des efforts dership politique de haut niveau et des actions concertées concertés et soutenus qu’il faut entamer dès maintenant. avec des ministères autres que celui de l’éducation, étant Il faut dès maintenant entamer la tâche ardue de renforcer donné qu’ils dépendent de l’appui - y compris de l’aide finan- les systèmes parce que la mise en place des piliers d’un sys- cière et des conseils - aux ménages ayant des nourrissons tème éducatif prend du temps. Il est nécessaire d’intervenir et de jeunes enfants bien avant qu’ils intègrent la scolari- Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   73 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables sation formelle. Il est également important de trouver des d’un facilitateur qui se concentre sur l’enseignement dans moyens rentables d’élargir l’éducation préscolaire, sinon les l’État du Tamil Nadu afin de renforcer la capacité du per- enfants défavorisés se retrouveront à la traîne à leur entrée sonnel dans les AWC. Les facilitateurs étaient des femmes à l’école primaire. Enfin, scolariser les enfants ne suffit pas ; il âgées de plus de 18 ans, recrutées localement et ayant au est crucial d’adopter des mesures pour les maintenir tous à moins un niveau d’instruction équivalent au secondaire. l’école, en particulier les filles, tout au long de l’enseignement Elles ont bénéficié d’une formation ciblée et d’un paquet de de base et au-delà. À ces fins, il est nécessaire de s’appuyer cours proposant des activités quotidiennes, et sont rémuné- sur des politiques transformatrices du DPE et de l’éducation rées à la moitié du salaire d’un AWW, ce qui est bien inférieur des filles, comme décrit dans la section précédente, en ins- aux salaires de la fonction publique. L’intervention a doublé titutionnalisant les réformes et en améliorant la qualité de le temps consacré à l’enseignement et a presque triplé le manière soutenue. temps consacré à la nutrition, ce qui a permis d’améliorer les résultats en éducation (scores en mathématiques et Des modèles d’éducation de la petite enfance abordables en langue) et en santé (taille et poids) des enfants pris en et adaptés au contexte peuvent être élaborés pour renfor- charge par rapport à leurs pairs témoins. Avec un rapport cer les compétences fondamentales des jeunes enfants et avantages-coûts estimé à un facteur de 12, l’intervention les préparer à la scolarité. Pour commencer, les gouverne- permet d’espérer que les résultats en développement de la ments pourraient prendre comme objectif à moyen et long petite enfance peuvent être améliorés de manière rentable à temps la référence internationale de 10 pour cent du budget grande échelle.155 Au Kenya, le programme préscolaire Taya- de l’éducation consacrés à l’enseignement préprimaire. Il ri visait également à élaborer un modèle rentable et évolutif faudrait s’atteler en particulier à élargir l’accès à l’enseigne- de développement et d’éducation de la petite enfance afin ment préscolaire aux enfants pauvres et vulnérables qui ont d’améliorer la préparation cognitive, sanitaire et socioémo- peu de chances de se trouver dans un cadre familial stimu- tionnelle des enfants qui entrent à l’école primaire. L’impact lant. Il peut être difficile dans la pratique d’élargir l’accès à de différents paquets sur les enfants d’âge préscolaire  a l’enseignement préscolaire, compte tenu de la taille des pays été testé à l’aide d’un essai contrôlé randomisé : appui aux du Sahel, de la rapidité de la croissance démographique et enseignants visant à améliorer l’enseignement, supports di- de la forte dispersion des populations qui sont souvent no- dactiques et intervention de santé. Les trois paquets ont eu mades. Toutefois, les gains récents enregistrés dans les un impact positif sur les résultats d’apprentissage, les deux taux de scolarisation au primaire semblent indiquer qu’il derniers étant particulièrement efficaces, et le coût par ap- est possible de réaliser des progrès. Pour commencer, les prenant était relativement faible (allant de 8,47 USD à 19,40 gouvernements pourraient étudier les différents modèles de USD pour deux ans).156 En plus d’améliorer les résultats des prestation de services tels que mettre en un même lieu les enfants, les programmes tels que ceux-ci bénéficient égale- établissements préscolaires et les écoles primaires, et mobi- ment aux femmes, en particulier les jeunes femmes. Ils for- liser les institutions privées, communautaires et religieuses, ment et développent les compétences des enseignants ac- dans la mesure du possible. tuels ou futurs du préscolaire (des femmes pour la plupart), améliorant leur employabilité. Le fait d’envoyer les enfants à Les modèles efficaces et peu coûteux pour l’offre d’en- l’école maternelle libère également le temps des mères et seignement préprimaire sont axés sur le recrutement des autres soignants à la maison, leur permettant d’entrer local, une formation structurée et pratique, et la dotation sur le marché du travail. en supports pédagogiques et didactiques appropriés. En Inde, l’impact du recrutement d’enseignants préscolaires La qualité de l’enseignement préprimaire est très impor- dédiés dans des centres de développement de la petite tante et devrait être priorisée. Pour être rentables, les enfance a été testé à l’aide d’un essai contrôlé randomisé interventions devraient apporter beaucoup plus de stimu- dans le cadre du Programme de développement intégré de lations et de soins que dans la situation actuelle. Atteindre l’enfance (ICDS). L’ICDS compte 1,35 million de centres an- cet objectif peut s’avérer difficile, c’est pourquoi - bien que ganwadi (AWC) dispensant un enseignement gratuit à 36 les travaux visant à élargir l’accès doivent commencer dès millions d’enfants âgés de 3 à 6 ans, dont un grand nombre maintenant - le préprimaire est classé ici dans la section sont pauvres. Les AWC ont réduit leurs dépenses en ne re- consacrée au renforcement du système à plus long terme crutant que deux employés : un agent anganwadi (AWW) plutôt que comme une victoire rapide. Néanmoins, les gou- fournissant des services de santé et d’éducation, et un assis- tant anganwadi (AWH) chargé de la cuisine, de l’alimentation 155 Ganimian, Muralidharan et Walters (2020). des enfants et du nettoyage. L’effectif par centre a été étoffé 156 Ngware et coll. (2018). 74   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables vernements peuvent faire beaucoup pour commencer à 2.3.2. Maintenir les enfants à l’école et offrir donner aux enfants un meilleur départ dans l’apprentis- une seconde chance d’acquérir des compétences sage. Ils peuvent promouvoir l’amélioration de la qualité aux jeunes en versant des subventions de fonctionnement aux presta- taires d’enseignement préscolaire privés, communautaires Pour les enfants et les jeunes d’âge scolaire, des cours ou religieux qui répondent aux exigences de qualité de base de rattrapage intensifs lors du passage entre les niveaux (programme d’enseignement, proportion de personnel pourraient les aider à se remettre à niveau dans leur sco- formé) ainsi qu’aux exigences d’accessibilité financière. Ils larité et réduire le risque de redoublement ou d’abandon devraient également déployer des efforts visant à profes- scolaire. Pour résoudre le problème de manque de compé- sionnaliser le secteur préscolaire en introduisant des pro- tences de base des jeunes à la sortie de l’enseignement de grammes de formation sur le préprimaire dans les instituts base, il peut être nécessaire de leur offrir des cours de rattra- de formation pédagogique. Les approches pédagogiques page avant qu’ils poursuivent leur éducation et leur forma- structurées telles que l’instruction audio interactive (IAI)157 tion. L’idéal serait des cours de rattrapage à l’école. Au-delà constituent des moyens rentables pour améliorer la quali- de la scolarité, les programmes les plus performants dis- té de l’enseignement dans les établissements préscolaires pensent des cours passerelles dans des situations réelles de tout offrant des possibilités de formation continue pour le la vie, ce qui permet aux apprenants d’acquérir des compé- personnel existant. L’IAI a été appliquée avec succès au tences de base sur le lieu de travail. Les parcours accélérés Burkina Faso et dans une grande variété d’autres contextes, et flexibles, à l’inverse des cours séquentiels sur plusieurs tels que la Guinée (pour les enfants d’âge préscolaire et pri- semestres, sont également associés à une amélioration des maire en milieu rural et urbain), la Zambie (pour les orphe- taux de rétention et d’achèvement.159 lins et les enfants vulnérables), l’Éthiopie (pour les réfugiés somaliens dans les camps) et le Nigeria (dans les écoles Les efforts de rétention ciblent les jeunes scolarisés coraniques).158 et visent à réduire les cas d’abandon scolaire. Les pro- grammes de rétention devraient commencer avant l’ensei- Dans l’idéal, les améliorations de l’enseignement présco- gnement secondaire étant donné que c’est à ce niveau que laire et de l’enseignement primaire devraient se produire les élèves abandonnent généralement. Les politiques de ré- en parallèle afin de lancer les enfants sur une trajectoire tention devraient être soigneusement conçues pour éviter d’apprentissage élevée qui donne toute sa valeur à leur les conséquences non voulues. Par exemple, l’enseignement maintien à l’école. Alors que l’enseignement préprimaire se obligatoire en Ouganda et au Kenya a entraîné une augmen- développe au Sahel, des enfants dotés de faibles niveaux de tation des effectifs au départ, mais a également entrainé développement cognitif et linguistique continueront d’entrer une baisse de la qualité de l’éducation, qui est un facteur de au primaire, créant des problèmes en classe dès les pre- motivation pour les élèves. Actuellement, dans quatre pays mières années. Pour combler ces lacunes, les premières du Sahel étudiés sur cinq (le Niger est l’exception), la scola- années d’enseignement primaire devraient être axées sur le rité est obligatoire jusqu’au collège. L’aide financière et les développement des compétences de base en littératie et nu- bourses peuvent améliorer les taux de scolarisation et de ré- mératie de tous les enfants, afin de leur permettre de conti- tention, comme discuté précédemment dans le contexte de nuer à apprendre et à tirer profit de leur maintien à l’école. l’amélioration des résultats des filles en matière d’éducation. Ainsi, il serait nécessaire d’enseigner les compétences en Les cours de rattrapage et le mentorat pourraient être des littératie et numératie dans les premières années de l’école moyens rentables d’encourager les jeunes à rester à l’école primaire, en supposant que les enfants n’ont pas été préala- ou à y revenir. Par exemple, le Projet d’éducation des filles en blement exposés à ces concepts au cours des premières an- Érythrée rapporte une amélioration du taux de passage en nées de l’école primaire, au lieu de tabler sur un niveau élevé classe supérieure suite à la mise en œuvre de tutorat. de préparation au départ. Les cours de rattrapage ciblent les jeunes non scolari- sés tandis que les programmes éducatifs de la deuxième chance ramènent les enfants d’âge scolaire à l’école et dotent les jeunes des compétences de base en littéra- 157 Les cours par IAI comportent des instructions données par un « enseignant audio » aux « élèves audio », ainsi que des pauses pour les réponses, et des actions à tie et en numératie dont ils ont besoin pour l’emploi. Les exécuter en classe par les enseignants et les élèves. A la fin du cours audio, l’ensei- gnant de la classe dispensera un cours en s’appuyant sur les instructions données programmes qui offrent une certaine souplesse dans l’ad- par « l’enseignant audio ». 158 Murphy Paud, Stephen Anzalone, Andrea Bosch, et Jeanne Moulton (2002) ; Ho, J. et Thukral, H. (2009). 159 Rapport sur le développement dans le monde 2018. Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   75 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables mission et la sortie et entretiennent des liens étroits avec le gnement formel dès la troisième ou la quatrième année du système éducatif formel ont obtenu des réussites avérées. cycle primaire. Les enseignants de ce programme ont reçu Le Programme ougandais d’éducation de base pour les mi- une formation spéciale, et le programme couvre les matières lieux urbains pauvres (BEUPA) en est un exemple. L’initiative suivantes : français, mathématiques, compétences de vie et ciblait les jeunes âgés de 9 à 18 ans à travers un programme éveil esthétique (chant, dessin, poésie) - la formation est dis- d’enseignement de base accéléré sur 3 ans alors que le cy- pensée sur 34 heures réparties sur 6 jours par semaine pen- cle d’enseignement de base normal s’étale sur 5 ans.160 Une dant 34 semaines par an. revue du programme réalisée en 2002 a montré que sur les plus de 3 000 élèves desservis à travers 54 centres à Kam- Les jeunes peu susceptibles de revenir à l’enseignement pala, 55 pour cent étaient des filles, plus d’un quart ont été formel ont besoin d’une formation axée sur l’acquisition de transférés dans des écoles formelles et seuls environ 10 pour compétences pour leur insertion sur le marché du travail. cent ont abandonné.161 Les facteurs de réussite ont pu être Filmer et al. (2014) suggèrent deux importants domaines établis  : intégration à un programme d’enseignement for- d’intervention publique pour la formation axée sur l’acquisi- mel, couverture des compétences académiques, mais aussi tion de compétences : (1) fournir des informations et faciliter des compétences de vie, orientation professionnelle et forte l’accès à la formation ; et (2) intervenir pour assurer que des implication de la communauté dans les centres d’enseigne- possibilités de formation de meilleure qualité sont dispo- ment. Ces programmes de la seconde chance sont cruciaux nibles.162 au Sahel où les taux d’exclusion sont très élevés. Les interventions qui proposent des motivations finan- La région du Sahel présente quelques exemples de pro- cières ciblées pour accroître la participation aux forma- grammes de réinsertion d’enfants et de jeunes non sco- tions ont fait leurs preuves. Dans le nord de l’Ouganda, un larisés. Le Sénégal offre notamment trois modèles  : tout programme offrant d’importantes subventions en espèces d’abord, le modèle de l’École communautaire de base (ECB) aux groupes autocréés a permis d’augmenter de 15 à 74 pour qui dure quatre ans avec une option passerelle en vue de l’in- cent la proportion de jeunes qui se sont inscrits à une for- tégration au niveau du collège ou de l’insertion dans des mi- mation professionnelle, et les bénéficiaires ont également lieux professionnels dans les établissements d’EFTP. Ensuite, participé à une formation plus intensive. Les jeunes ont par- le Soutien scolaire/communautaire est une initiative éduca- ticipé à la formation de leur propre gré, ce qui semble indi- tive populaire qui contribue à la prise en charge de milliers quer que les programmes qui aident à financer l’accès aux de jeunes garçons et filles exclus de l’école ou non scolarisés. formations pourraient être efficaces. Les programmes de L’initiative fournit également des cours de rattrapage aux bons qui offrent aux étudiants un plus grand choix parmi les enfants des quartiers défavorisés qui sont scolarisés dans opportunités de formation peuvent être efficaces. Au Kenya, des écoles publiques ou privées à travers un tutorat le soir le Programme de bons de formation technique et profes- ou aux moments où ces enfants ne sont pas en classe. En- sionnelle a offert aux jeunes des bons d’une valeur d’envi- fin, le modèle « Insertion socioprofessionnelle » propose une ron 460 USD pour les encourager à s’inscrire à des forma- formation aux enfants et jeunes non scolarisés et/ou per- tions.163 La moitié des bénéficiaires ont été choisis au hasard turbés d’un point de vue social, leur permettant de trouver et ont reçu des bons dont l’utilisation est restreinte aux ins- une place durable dans le monde du travail. Le modèle unifié titutions publiques, tandis que l’autre moitié pouvait choisir mis en œuvre au Burkina, au Niger et au Mali est un autre des établissements publics ou privés. Parmi les bénéficiaires exemple. Cette stratégie, la « Stratégie de scolarisation ac- de bons assortis de restrictions, 69 pour cent ont suivi une célérée/passerelle » (SSA/P), a été lancée par des organisa- formation professionnelle contre 79 pour cent des bénéfi- tions telles que la Fondation Stromme et l’UNICEF. La SSA/P ciaires de bons sans restriction. Les bénéficiaires des bons est une école alternative qui offre une seconde chance aux assortis de restriction étaient également plus susceptibles enfants âgés de 9 à 14 ans qui n’ont pas pu accéder à l’en- d’achever leur formation. Les programmes de bons peuvent seignement formel ou qui ont abandonné tôt pour diffé- également stimuler l’offre en formation, comme cela a été le rentes raisons. Elle propose un condensé sélectif et intégré cas dans le Jua Kali au Kenya, un vaste programme qui offrait des trois premières années de l’enseignement élémentaire, des bons aux travailleurs du secteur informel. raccourcissant le programme d’enseignement normal de deux à trois ans, et aboutissant à un test d’entrée à l’ensei- 160 Thompson (2001) ; Lamichhane, Prasad et Wagle (2008). 162 Les paragraphes suivants sur la formation sont tirés de Filmer et coll. (2014). 161 Ilon et Kyeyune (2002). 163 Hicks et al. (2011). 76   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables L’information sur les opportunités d’emploi et de forma- en particulier pour ceux qui seraient les plus performants, et tion peut être un moyen rentable de stimuler la participa- en les sélectionnant sur la base du mérite. Néanmoins étant tion aux formations. Le fait de disposer des informations donné qu’un grand nombre de ceux qui enseigneront dans précises au bon moment pourrait dissiper les idées erronées une décennie figurant déjà dans le corps enseignant, il est sur les opportunités d’emploi et de formation, et peut être un primordial de les aider à enseigner avec plus d’efficacité. moyen rentable de stimuler la participation aux formations. Cela signifie passer à une formation continue plus pratique, Une recherche au Kenya a montré que les choix des jeunes en classe, avec plus d’encadrement et de mentorat - tout en changeaient une fois qu’ils avaient reçu des informations rendant la formation initiale plus pratique afin que les nou- sur les salaires, y compris les écarts salariaux entre les veaux enseignants ne débutent pas avec si peu d’expérience professions traditionnellement dominées par les hommes de classe. (exemple : électricien) et celles par les femmes (exemple : couturière). Fortes de ces informations, davantage de À part cela, il est possible d’accroître la motivation des femmes, ainsi que de jeunes filles instruites, ont choisi de enseignants en améliorant le cadre de carrière et de sa- s’engager dans des professions à prédominance masculine. laires. Pour prendre un exemple concret, on peut veiller à ce que les enseignants touchent leur salaire avec plus de Les gouvernements doivent utiliser de manière sélective facilité pour éviter de les démotiver et pour les retenir dans le financement public pour appuyer les programmes de les écoles. Au Tchad, un mécanisme de paiement mobile a formation. Le paysage de la formation a tendance à être été lancé en 2018 pour les Maîtres communautaires (MC) varié, comportant une multitude d’options allant de l’EFTP qui représentent 60 pour cent du personnel enseignant du formel ciblant les diplômés du primaire ou du secondaire, primaire. Au mois d’octobre 2021, environ 11 000 MC ont pu à la formation privée formelle et à la formation informelle toucher leurs salaires à partir de paiements électroniques telle que les formations d’apprentis. Les gouvernements de- effectués via les opérateurs de téléphonie et 8  500 MC vraient appuyer les programmes optimisant les ressources. ont touché des bourses de formation pédagogique par les La qualité peut être mesurée à travers les résultats tels que la mêmes moyens.165 Selon un rapport de suivi datant de 2020, conversion en emploi, les taux d’achèvement de programme, dans 75 pour cent des cas, le nouveau mécanisme de paie- ou les retours des employeurs ou même des participants aux ment a amélioré la ponctualité et l’engagement des MC, et formations eux-mêmes. L’EFTP formel a tendance à être plus dans 80 pour cent des cas, les paiements mobiles ont accru coûteux, les formations d’apprentis sont les moins chères la présence des enseignants en classe. Les femmes ensei- alors que les coûts de formation privés formels varient. Étant gnantes ont une appréciation légèrement plus positive de donné qu’une grande partie de l’économie reste informelle l’impact de ce nouveau mécanisme, 82 pour cent d’entre au Sahel et en Afrique subsaharienne en général, la forma- elles estimant que les paiements mobiles ont amélioré la tion d’apprentis informelle constitue un mécanisme essentiel ponctualité et l’engagement des enseignants. Le fait de nom- permettant aux jeunes non scolarisés d’acquérir des compé- mer au poste de directeur d’école des personnes capables tences et de trouver un emploi, mais elle peut être difficile à d’offrir des orientations pédagogiques et l’appui et le mento- mettre à l’échelle. rat qui en résultent peuvent aussi renforcer la motivation des enseignants. Le renforcement de la capacité des directeurs à tenir ce rôle est un élément important du programme de 2.3.3. Se concentrer sur les enseignants afin de leadership scolaire traité ci-après. consolider le pilier du système éducatif Alors que les systèmes éducatifs se développent rapide- Pour renforcer l’enseignement tout au long de l’enseigne- ment, le Sahel a besoin d’une réserve suffisante d’ensei- ment de base, les pays du Sahel ont besoin de meilleures gnants prêts à intervenir en toute efficacité dans les classes politiques pour attirer et sélectionner les nouveaux en- du primaire et du secondaire. Une formation initiale et des seignants, ainsi de formation pratique et d’appui aux en- critères de recrutement efficaces peuvent aller dans ce seignants existants.164 Comme relevé précédemment, il est sens. Les programmes de formation initiale devraient être important d’appuyer les enseignants tout en se concentrant mis à jour de manière à préparer les enseignants à faciliter sur l’objectif d’améliorer la qualité de l’enseignement. Cet ob- l’apprentissage cognitif et socioémotionnel, à personnaliser jectif sera réalisé en partie en faisant de l’enseignement une l’enseignement et à fournir un appui pour un enseignement profession plus attrayante pour les éventuels enseignants, selon le niveau de l’élève. La formation devrait également in- 164 Cette section repose largement sur Breeding, Béteille et Evans (2019). 165 Banque mondiale (2016b). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   77 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables PHOTO PAR: © OLLIVIER GIRARD / BANQUE MONDIALE 78   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables clure des mesures de rattrapage pour combler toute lacune ché entrent dans le système. Une approche prometteuse dans la connaissance du contenu. Il faudrait par ailleurs évi- consiste à concevoir la période d’essai comme un apprentis- ter que la formation soit être excessivement théorique et il sage de trois à cinq ans, au cours de laquelle les enseignants faudrait inclure une importante composante de stage ou de gagnent des crédits basés sur leur performance en vue de pratique dans les écoles. Ainsi, lorsqu’ils apprennent à appli- leur recrutement permanent.168 La titularisation dépendrait quer les compétences pédagogiques, à gérer des classes et de la performance et de caractéristiques mesurables telles à répondre aux feedbacks personnalisés, les nouveaux ensei- que l’assiduité, au lieu d’être basée uniquement sur l’an- gnants pourront entrer dans les salles de classe avec assu- cienneté ou les qualifications qui ne sont pas synonymes de rance. Par exemple, des efforts sont déployés au Mali pour performance. Ceux dont la performance n’est pas satisfai- recruter exclusivement des bacheliers (fin du secondaire), sante devraient être aidés pour qu’ils s’améliorent sinon ils rallonger de deux à trois ans la durée de la formation initiale devraient être exclus du système, ce principe s’appliquant des enseignants, et mettre les programmes de formation des même après la titularisation des enseignants. enseignants en cohérence avec les programmes d’enseigne- ment au primaire et au secondaire. Compte tenu de la faible En plus du mérite, le recrutement des enseignants au Sahel capacité des instituts de formation pédagogique, des pro- devrait également tenir compte des questions de genre et grammes de formation condensée périodique, ou « camps de la situation géographique dans un souci de servir équi- d’entraînement », dispensés en partenariat avec des organi- tablement tous les élèves. Des efforts seront faits en parti- sations non gouvernementales ou des universités étrangères culier pour recruter davantage de femmes aux postes d’en- peuvent contribuer à garantir que tous les nouveaux ensei- seignants au primaire et au secondaire, ainsi qu’aux postes gnants reçoivent au moins une formation de base de qua- de direction d’école, ce qui contribuerait à rendre les écoles lité avant qu’ils ne commencent à enseigner en classe. Des plus accueillantes, en particulier pour les adolescentes, dans études basées sur les résultats de tests au Togo et en Guinée les cinq pays. Compte tenu de la rareté des services de base révèlent que même si les enseignants ont besoin d’une for- en dehors des milieux urbains, ainsi que de l’insécurité qui mation initiale, des cours de courte durée de quatre à six mois sévit dans de nombreuses régions du Sahel, le recrutement dispensés aux enseignants ayant un bon niveau d’instruction d’enseignants locaux est probablement la seule option viable général, associé à un appui pendant la première année d’em- pour s’assurer que tous les enfants ont accès à l’éducation ploi, pourraient être aussi efficaces que les programmes de dans toutes les régions de chaque pays. Les expériences plus longue durée.166 L’utilisation de programmes de ce type mondiales indiquent que si les motivations monétaires ou peut permettre aux gouvernements de puiser dans des vi- professionnelles ont été utiles dans certains contextes, les viers d’enseignants potentiels pour développer l’offre de niveaux de dépenses nécessaires pour combler les lacunes scolarisation plus rapidement, à un moment où la pression en matière d’accès et de qualité dans les zones rurales et démographique sur la scolarisation est intense. défavorisées ne sont pas viables pour les budgets publics169 ; en outre, il est particulièrement improbable qu’elles soient La sélection des enseignants devrait être basée sur le mé- efficaces pour le déploiement d’enseignants dans des zones rite. Il a été démontré que les pratiques de sélection basées touchées par des conflits et des situations d’insécurité. Au sur le mérite produisent de meilleurs résultats chez les élèves lieu de cela, le recrutement dans les communautés locales même lorsque la qualité de l’évaluation des enseignants n’est peut être le moyen le plus efficace d’assurer que les ensei- pas idéale, compte tenu de la difficulté à évaluer les compé- gnants travaillent aux endroits qui ont le plus besoin d’eux, tences des adultes à grande échelle.167 Dans la mesure du même si cela nécessite d’ajuster les normes et d’offrir da- possible, les autorités devraient également évaluer l’efficaci- vantage d’appui. En parallèle, des initiatives telles que celle té des candidats en tant que facilitateurs de l’apprentissage, du Niger, visant à fournir des incitations de carrière pour le plutôt que d’évaluer seulement leur connaissance du conte- déploiement d’enseignants dans des zones affectées par des nu. Cette évaluation pourrait être réalisée dans le cadre des conflits et à risque, devraient être suivies de près pour leur entretiens. Les périodes d’essai sont cruciales étant donné impact et leur pertinence potentielle pour d’autres pays du qu’il est difficile de prédire si un enseignant sera efficace en Sahel. se basant uniquement sur les entretiens. La période d’essai devrait inclure une évaluation rigoureuse des enseignants, Pour les enseignants déjà dans le système, la priorité afin de garantir que seuls ceux qui obtiennent le score cher- consisterait à leur fournir un appui à travers une forma- 166 Majgaard et Mingat (2012). 168 Muralidharan (2015-2016). Evans et Acosta (2021). 167 Estrada (2019). 169 Evans et Acosta (2021) Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   79 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables tion continue, structurée, ciblée et pratique qui conduit était tout aussi efficace que l’encadrement pédagogique en à l’amélioration des interactions entre enseignants et présentiel après un an. Des approches similaires peuvent élèves, contrairement aux formations ponctuelles qui sont être mobilisées par les coordinateurs pédagogiques locaux peu susceptibles d’avoir un impact durable. Selon les conclu- au Sahel en vue de fournir plus régulièrement un feedback et sions d’une étude récente de 33 programmes rigoureuse- des services d’encadrement aux enseignants. Compte tenu ment évalués dans des pays à revenu faible et intermédiaire, des taux élevés de pénétration de la téléphonie mobile dans les programmes qui affectaient positivement les résultats la région, cela devrait être faisable : en 2018, trois des pays d’apprentissage des élèves étaient spécifiques à une ma- (Burkina Faso, Mali et Mauritanie) avaient déjà des taux de pé- tière, associés à des motivations professionnelles (exemple : nétration bien au-dessus de 80 pour cent et les taux du Tchad promotion), au moins partiellement en présentiel, et axés et du Niger étaient également importants.173 L’enseignement sur la pratique.170 Même si ces programmes peuvent être radiophonique interactif pourrait être une autre intervention plus coûteux et ne peuvent donc atteindre qu’un moindre pédagogique potentiellement efficace ; même s’il a été moins nombre d’enseignants par an, ils sont plus susceptibles d’op- rigoureusement testé, il fonctionne sur les mêmes principes timiser les ressources.171 Étant donné que le recrutement que d’autres programmes qui marchent bien. d’enseignants dans la communauté est répandu au Sahel, en particulier dans les zones reculées, les gouvernements Enfin, les cadres de carrière et de rémunération des ensei- pourraient étudier la possibilité de former à distance les en- gnants doivent être améliorés afin de les motiver davantage seignants, dans les cas où les enseignants ne peuvent pas se et faire de l’enseignement une carrière plus attrayante. Les rendre dans les instituts de formation pédagogique qui se pays du Sahel doivent s’attaquer aux disparités notées dans trouvent généralement dans les centres urbains. les contrats de titularisation étant donné qu’elles constituent une source d’insatisfaction permanente chez les enseignants. Dans les cas où le niveau de connaissance des enseignants Cette tâche n’est pas facile compte tenu des fortes pressions est faible, une pédagogie structurée accompagnée de budgétaires, mais un engagement clair du gouvernement et supports pédagogiques et didactiques, d’une formation un engagement fort des parties prenantes peuvent aider à et d’un suivi appropriés peuvent améliorer les résultats établir une voie juste et durable dans le temps. Pour tous les d’apprentissage. Une pédagogie structurée repose sur un enseignants, on pourrait éliminer une cause importante d’ab- programme d’enseignement bien conçu et mis en œuvre au sentéisme et stimuler la motivation au travail en allégeant la bon niveau. Cette approche pourrait aider les enseignants charge de travail associée à la récupération de leurs salaires, à améliorer leurs approches pédagogiques et à consacrer notamment en améliorant l’acheminement des paiements et plus de temps à répondre aux besoins d’apprentissage et en mettant en œuvre des réformes visant à améliorer la ponc- socioémotionnels de chaque élève. Dans un essai contrôlé tualité ainsi qu’à tirer parti de la technologie de la monnaie randomisé (ECR) s’appuyant sur une pédagogie structurée, mobile dans la mesure du possible. De plus, les initiatives vi- dans 169 villages en Gambie, de nettes améliorations des ré- sant à améliorer les infrastructures scolaires de base (comme sultats d’apprentissage ont été constatées, tout comme dans précédemment) peuvent avoir pour avantage supplémentaire un autre ECR en Guinée-Bissau dans divers contextes.172 d’améliorer les conditions de travail des enseignants au quo- tidien.174 Enfin, la promotion aux postes de directeur d’école et La technologie, lorsqu’elle est disponible, peut être mise aux postes de direction du système local devrait être fortement à profit pour connecter les enseignants entre eux et avec fondée sur le leadership pédagogique et les compétences ma- des encadreurs qualifiés afin de maintenir l’engagement nagériales dans le cadre d’un parcours professionnel clair et et le changement de comportement sur la durée. Comme équitable qui incite à une bonne performance, plutôt que de discuté précédemment, il existe des cas avérés où l’exploi- tabler sur l’ancienneté uniquement. tation de la technologie a permis d’améliorer l’efficacité des enseignants. Au Brésil, l’apprentissage des élèves a pu être amélioré en fournissant un encadrement aux coordinateurs 2.3.4. Construire des infrastructures favorables pédagogiques à travers Skype, ce qui a permis de renforcer en appui à l’apprentissage leur appui aux enseignants. En Afrique du Sud, l’encadrement pédagogique des enseignants à travers des appels télépho- Si les actions transformatrices sont bien mises en œuvre, niques, des messages instantanés et des groupes WhatsApp les pays du Sahel seront bientôt confrontés à des pics de 170 Popova et al. (2019). 171 Banque mondiale (2020h). 173 Banque mondiale (2020m). 172 Fazzio, et al. (2020). 174 Evans et Yuan (2018). 80   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables demande en enseignement secondaire alors que davan- plémentaires ont été fournis et des enseignants supplémen- tage d’enfants achèvent le primaire. Il deviendra de plus taires ont été recrutés pour rendre les effectifs des classes en plus urgent alors d’améliorer l’accès au secondaire de plus gérables, et des écoles et des bibliothèques ont été manière rentable, que ce soit en construisant des écoles construites, pour ne nommer que quelques-uns des intrants. ou en réduisant la durée des trajets vers les écoles exis- Il faut également s’attaquer aux problèmes structurels tels tantes. Même si les coûts unitaires de l’enseignement secon- que le programme d’enseignement, les systèmes d’évalua- daire ont tendance à être supérieurs à ceux du primaire, la tion et les approches pédagogiques. De bons supports, y construction d’écoles à proximité des communautés est gé- compris des manuels de niveau approprié et un enseigne- néralement plus rentable que les approches qui amènent les ment au bon niveau, fournis en parallèle à l’amélioration du élèves à l’école (tels que les écoles en pensionnat).175 Même si système pédagogique, peuvent faire une grande différence les écoles en pensionnat peuvent être la meilleure approche en matière de résultats d’apprentissage. Cela est particu- dans certaines situations, en permettant par exemple aux lièrement vrai au Sahel, où même les niveaux minimaux de élèves des zones sujettes à l’insécurité de vivre et d’aller à ressources ne sont pas assurés.177 l’école en toute sécurité, des recherches menées dans toute l’Afrique subsaharienne semblent indiquer qu’en général elle Les pays du Sahel peuvent envisager plusieurs stratégies n’est pas rentable et pose un ensemble de problèmes tels que pour améliorer la disponibilité des supports pédagogiques l’exploitation et les abus. En plus de la construction d’écoles, et didactiques. La première stratégie consiste à rationali- l’amélioration des moyens de transport et la réduction de la ser les programmes d’enseignement, comme recomman- durée des trajets vers l’école peuvent avoir des impacts signi- dé précédemment dans ce document. À cette fin, il pourrait ficatifs comme cela fut démontré en Inde où des bicyclettes être nécessaire de réduire le nombre des matières tout en sont fournies aux adolescentes.176 Comme dans le cas des réduisant également le contenu de chaque matière, afin de écoles primaires, ces approches alternatives peuvent être réduire le nombre et le volume des manuels, réduisant ainsi plus rentables que la construction de nouvelles écoles dans les coûts pour les gouvernements et les familles. Les pays du certains contextes. Sahel pourraient également envisager d’adopter la politique du manuel unique, en vertu duquel les ministères de l’Édu- Les gouvernements devraient également poursuivre les cation élaborent des manuels standardisés basés sur les programmes d’amélioration des installations sanitaires programmes d’enseignement nationaux. Cela permettrait dans les écoles, en particulier compte tenu des récentes des économies d’échelle, assurerait la standardisation et crises de santé publique telles que celle de la COVID-19. simplifierait l’actualisation des manuels lors de la révision des La construction de ces installations pourrait faire de l’école programmes d’enseignement. Les bibliothèques pourraient un endroit sûr pour les enseignants et les élèves. Au Burkina être utilisées pour fournir des documents de référence sup- Faso, un programme de construction d’écoles dotées d’équi- plémentaires. Au cas où la capacité d’impression locale est pements modernes a permis d’accroître considérablement faible, les gouvernements pourraient envisager de lancer des le taux de scolarisation, les impacts étant plus importants appels d’offres internationaux pour réduire les coûts. Dans sur les filles. Même si ce ne sont pas des écoles entières qui la mesure du possible, les gouvernements devraient égale- sont construites, le seul fait d’avoir des latrines, en particulier ment mobiliser le secteur privé dans la distribution des des latrines prenant en compte la dimension genre, a permis manuels, en particulier dans les zones reculées, et ne payer d’accroître considérablement le taux de scolarisation des les services qu’une fois la livraison effectuée. L’utilisation de adolescentes en Inde. manuels électroniques accessibles sur des ordinateurs ou des téléphones portables pourrait aider à élargir l’accès En plus de la littératie dans les premières années discutée aux documents à un faible coût. Même si le manque d’in- dans la section sur les actions transformatrices, l’élargis- frastructures fait qu’il ne sera pas possible d’utiliser des do- sement de l’accès à des supports pédagogiques et didac- cuments numériques partout, les gouvernements pourraient tiques de qualité à chaque niveau est une mesure néces- promouvoir leur utilisation en milieu urbain où la connectivi- saire pour les pays du Sahel. Toutefois, le seul fait d’accroître té électrique et Internet est meilleure, et se concentrer sur les intrants, sans changement complémentaire, est peu sus- les supports d’apprentissage physique en tant que principal ceptible d’être efficace. Cette conclusion est fondée sur des mode de diffusion de contenu en milieu rural.178 exemples tirés de différents contextes où des manuels sup- 175 Bashir et al. (2018). 177 GEEAP (2020). 176 GEEAP (2020). 178 Fredriksen et al. (2015). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   81 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Les pays du Sahel devraient autonomiser les autorités parce que les membres influents de la communauté locale locales et les écoles pour qu’elles prennent des décisions sont impliqués dans la supervision du fonctionnement de en fonction des particularités de leur contexte. Cela per- l’école.180 mettrait de résoudre deux problèmes. Tout d’abord, le fait de donner aux dirigeants locaux des écoles et aux parents le pouvoir d’influencer les enseignants et les autres repré- 2.3.5. Réformer l’enseignement en mettant sentants des écoles pourrait aider à garantir que les ensei- l’accent sur les programmes et les outils gnants répondent plus rapidement aux besoins des élèves. d’évaluation Cela ne serait pas possible si la supervision était laissée aux agents du ministère qui se trouvent au loin. Ensuite, le Les pays du Sahel doivent réformer les programmes d’en- pouvoir décisionnel et discrétionnaire de déployer des res- seignement scolaire pour les recentrer et les adapter à sources devrait revenir aux écoles et aux communautés qui l’âge des élèves. Le changement consistant à ne plus axer disposent de meilleures informations sur les besoins locaux les programmes d’enseignement et l’évaluation sur l’élite et donc d’une plus grande capacité à répondre à ces be- académique, mais à chercher à tenir compte de la réparti- soins.179 Par exemple, le fait de permettre des ajustements tion des compétences dans la population générale des élèves des calendriers scolaires au niveau local permettrait aux est un élément transversal majeur de la réforme du système communautés de s’adapter aux priorités locales (telles que d’enseignement, chose souvent difficile à évaluer. Les gou- les saisons de culture et les jours fériés locaux), ce qui aug- vernements du Sahel doivent mettre à jour les programmes menterait l’assiduité en période d’ouverture des écoles. d’enseignement pour les axer sur les compétences fonda- mentales telles que la littératie et la numératie dans les pre- L’implication des communautés dans la gestion des mières années, avant d’introduire des connaissances et des écoles pourrait renforcer la surveillance et le lien entre compétences de niveau supérieur. Les programmes d’ensei- les écoles et les communautés. Comme étudié à la Section gnement scolaire pour les enfants plus âgés devraient mieux 1.6.3, la communauté a souvent joué un rôle important dans répondre aux besoins du marché du travail. Des efforts visant l’enseignement dans les pays du Sahel. Selon les constats à réformer les programmes d’enseignement sont déjà en du GEEAP (2020), les données factuelles sur l’implication cours dans les pays du Sahel. Les gouvernements devraient des communautés dans la gestion des écoles sont contras- suivre et accélérer ces efforts dans la mesure du possible, et tées, même si les interventions réussies étaient rentables. introduire cycles de revue des programmes d’enseignement Théoriquement, les communautés pourraient renforcer la pour en assurer la pertinence. redevabilité des écoles, plaider en faveur de l’amélioration des pratiques d’enseignement et d’apprentissage, et ap- Les gouvernements doivent renforcer les systèmes d’éva- puyer l’apprentissage des enfants même en dehors de la luation à tous les niveaux. Les systèmes d’évaluation des pays salle de classe. Toutefois, les interventions qui comportent du Sahel se trouvent de manière générale à leurs premiers une composante de retours de la communauté aux écoles stades. L’accent devrait d’abord être mis sur les évaluations ou de collecte des données sur les enseignants et les élèves en classe, suivies des évaluations nationales à faible coût ba- ont eu peu d’impact. Les programmes réussis semblent ren- sées sur des échantillons, et enfin des évaluations régionales forcer l’autorité et la légitimité des Comités de gestion sco- ou mondiales. Les enseignants devraient être équipés de ma- laire. Plusieurs combinaisons de quatre interventions dans nière à pouvoir mener des évaluations régulières en classe des écoles rurales ont été testées dans le cadre d’un ECR en afin de vérifier les progrès des élèves dans leur apprentis- Indonésie : financement et formation des comités ; élection sage ainsi que d’identifier et d’appuyer les élèves à la traine. communautaire des membres du comité d’école par oppo- Des programmes allant dans ce sens au Libéria et au Malawi sition à la nomination par les directeurs d’école ; et partici- ont montré leur efficacité. 181 Avec des systèmes d’évaluation pation du conseil du village à la gestion de l’école. À l’inverse mieux développés, les écoles disposant d’un nombre suffisant du financement et de la formation qui n’ont pas eu d’impact d’enseignants pourraient être en mesure de regrouper les significatif sur les résultats d’apprentissage, la combinai- enfants par niveau d’aptitude et faciliter ainsi l’enseignement son de l’élection et de la mise en relation avec le conseil du au niveau de l’élève. Dans les systèmes scolaires où l’appren- village en a eu, probablement parce que les directeurs, les tissage est très faible, le regroupement par niveau d’aptitude a enseignants et les parents considèrent que le comité d’école eu un impact positif sur les élèves les moins performants et les est plus légitime étant donné que ses membres sont élus, et 180 Pradhan et al. (2011). 179 Banque mondiale (2018). 181 Bolyard (2003) ; Piper et Korda (2010) ; cité dans Banque mondiale (2018). 82   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables plus performants. Au Kenya, le regroupement par niveau d’ap- sans délai aux écoles ou aux administrations locales pour titude des élèves en classe a permis d’améliorer les résultats à faciliter les actions de suivi. Enfin, les évaluations régionales tous les niveaux, les impacts les plus élevés étant enregistrés ou internationales ont tendance à produire des rendements chez les apprenants ayant des enseignants plus motivés.182 En élevés. Certains pays du Sahel – le Burkina Faso, le Tchad et Inde, les écoles ont réorganisé en groupes les classes à raison le Niger – participent déjà à des évaluations régionales telles d’une heure par jour seulement et ont constaté d’importants que le PASEC. Les pays restants pourraient également envi- gains d’apprentissage.183 La technologie de l’apprentissage sager de participer à ces évaluations afin de comparer leurs adaptatif assistée par ordinateur, discutée dans le cadre des systèmes éducatifs avec ceux de la région et exploiter les ré- actions transformatrices de l’enseignement secondaire des sultats pour orienter l’élaboration des politiques.184 filles, peut être déployée partout où des conditions favorables sont en place et peut appuyer davantage les efforts visant à enseigner en fonction du niveau de l’élève. 2.3.6. Prestation de services dans un contexte de fragilité, de conflits et de violence (FCV) Les systèmes nationaux d’évaluation bien conçus pré- sentent certaines caractéristiques en commun. Premiè- À cause du contexte de FCV, la réalisation des objectifs rement, les évaluations nationales devraient être conçues exigera des systèmes éducatifs solides, résilients et inclu- pour permettre la désagrégation des données selon les sifs qui favorisent l’apprentissage, l’acquisition de com- principales dimensions telles que le genre, la situation géo- pétences de vie et la cohésion sociale dans la région. Cela graphie, le statut de handicap et le statut socioéconomique. nécessitera en particulier une analyse adaptée et des ajus- Cela permettrait aux gouvernements d’identifier et d’ap- tements aux approches proposées en fonction du type et du puyer les populations vulnérables. Deuxièmement, les mé- niveau de violence communautaire dans les zones du Sahel thodologies d’évaluation devraient être uniformes au fil des les plus touchées par les conflits et les plus à risque. Cela années, pour faciliter les comparaisons dans le temps et implique, entre autres, de prendre en compte des facteurs tester l’efficacité des politiques et des processus des inter- tels que : les considérations de sécurité, qui nécessitent des ventions. Troisièmement, les élèves devraient être évalués au conceptions qui n’augmentent pas les risques pour les en- bon moment, lorsque les interventions auraient leur effica- seignants et les élèves ; la détérioration du tissu social, avec cité. Par exemple, les évaluations des compétences de base la marginalisation fréquente de certains groupes socioé- telles que la littératie et la numératie devraient être menées conomiques et leur capacité réduite à s’impliquer dans la dès les premières années de la scolarité des enfants pour communauté ; et des coûts plus élevés et une mise en œuvre combler toute carence de l’apprentissage avant que les en- plus complexe. La fourniture de services d’éducation est plus fants ne prennent davantage de retard. Les tests à domicile difficile dans un contexte de fragilité où les institutions sont devraient compléter les tests à l’école, afin de couvrir les plus limitées dans leur capacité de fonctionnement, et où les enfants non scolarisés et permettre d’évaluer plus rigoureu- conflits et la violence peuvent entraver la mise en œuvre des sement les facteurs relevant du ménage qui influencent les projets et compromettre l’équité. Les contextes de fragilité progrès des enfants. Quatrièmement, les gouvernements sont aussi généralement dotés de moindres ressources, ce devraient éviter d’associer directement les motivations telles qui complique davantage les investissements dans le capital que les salaires ou les budgets scolaires aux résultats des humain. Dans de tels contextes, l’exclusion et les inégalités tests, au moins lorsque le cadre de gouvernance et de suivi pourraient aggraver la fragilité, mais l’éducation joue éga- n’est pas bien développé. Cela pourrait conduire à des com- lement un rôle particulier de prévention de la violence, de portements indésirables tels que l’enseignement en fonction même qu’elle contribue à l’atténuation des risques associés des tests, ou soulever des réactions hostiles de la part des à de telles adversités et aide les enfants et les jeunes à réus- parties prenantes. (Cela n’exclut pas de lier la rémunération sir en dépit d’énormes défis. Les pays devraient viser à ce et la progression de carrière des éducateurs aux perfor- que des services d’éducation soient fournis à tous les âges, mances à plus long terme, y compris les performances en et pour tous les groupes socioéconomiques, à travers des matière d’amélioration de l’apprentissage ; cela peut être un systèmes plus inclusifs et équitables. À part cela, les victimes pilier important d’un système basé sur le mérite). Cinquième- de discrimination, d’exclusion et de violence, y compris la vio- ment, les politiques devraient être éclairées par les résultats lence basée sur le genre, ont besoin de davantage d’appuis des évaluations. Les résultats devraient être communiqués et d’autonomisation.  182 Cummins (2016) ; Duflo, Dupas et Kremer (2011) ; cité dans Banque mondiale (2018). 183 Banerjee et coll. (2016) ; cité dans Banque mondiale (2018). 184 Banque mondiale (2018). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   83 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Il est donc critique, toutes les fois que cela est possible, la résilience des institutions publiques et des populations par d’associer les interventions visant à relever les défis une gouvernance locale et une prestation de services plus d’éducation dans la région du Sahel à des interventions qui inclusives. Cette catégorisation des zones doit être réguliè- s’attaquent aux barrières FCV et améliorent la résilience. rement mise à jour, afin que les gouvernements puissent ré- Les actions des pays du Sahel doivent être menées à travers pondre à l’évolution de la situation sur le terrain en ajustant une approche pluridimensionnelle visant à s’attaquer aux la planification et la mise en œuvre. facteurs d’instabilité à court et à long termes dans la région. Sur le moyen et le long termes, les gouvernements devraient Les gouvernements peuvent ajuster les interventions au chercher à accroître l’accès aux opportunités économiques, niveau de fragilité de chaque zone, en adaptant les pro- en particulier à travers l’agriculture et l’enseignement de grammes et les politiques dans des domaines tels que le base, tout en veillant à une plus grande résilience et inclu- recrutement et le déploiement des enseignants et l’utilisa- sion des populations les plus vulnérables. En contribuant à tion d’EdTech appropriés. Les sections ci-dessus ont déjà diversifier l’économie rurale, à élargir l’accès aux marchés, identifié un certain nombre d’interventions qui pourraient à promouvoir l’autonomisation des femmes et l’inclusion des être les mieux adaptées pour surmonter les contraintes dans jeunes, à développer et renforcer davantage les infrastruc- les zones les plus touchées par les FCV, comme le recrute- tures essentielles et à fournir un enseignement scolaire de ment local d’enseignants. Les gouvernements peuvent éga- base et une formation professionnelle. lement envisager d’utiliser des programmes EdTech dans le cadre de FCV pour l’enseignement et l’apprentissage afin de Les difficultés en matière de prestation de services et de faciliter le processus d’apprentissage des enfants dans les gouvernance locale, ainsi que la faiblesse de l’obligation de zones touchées par la crise. Les enfants vivant avec les ef- rendre des comptes, limitent la capacité de l’État à mainte- fets d’un conflit armé ont actuellement peu ou pas d’accès nir une présence positive sur le territoire, aggravant ainsi à l’éducation. Ces enfants vivent dans des environnements les griefs à l’encontre des institutions. Au niveau local, la où les salles de classe sont inaccessibles ou dangereuses. distribution et la qualité des services de base sont inégales, Et lorsque l’enseignement est accessible, il est souvent de renforçant les sentiments d’exclusion et de marginalisation mauvaise qualité, car les enseignants sont surchargés et et augmentant ainsi les risques de conflit. Ces faiblesses les classes sont composées d’enfants ayant des besoins dif- sont particulièrement importantes dans les zones touchées férents et contradictoires. Ces défis ont entraîné un déficit par la violence, où les capacités limitées des institutions lo- éducatif croissant. Pour aider à combler ce fossé éducatif cales restreignent leur aptitude à prévenir et à répondre aux pour les enfants touchés par les conflits, les pays du Sahel crises, ainsi qu’à assurer la cohésion sociale et la résilience peuvent envisager d’utiliser des programmes EdTech adap- de la population. tés à ces contextes. L’initiative «Can’t Wait to Learn» en est un exemple. Elle utilise la technologie des jeux pour dispenser Malgré cet environnement difficile, les pays sahéliens une éducation aux enfants touchés par les conflits dans des peuvent s’appuyer sur les facteurs de résilience pour ra- contextes formels et non formels au Soudan, en Ouganda, lentir la détérioration de la situation en préparant et en au Liban, en Jordanie, au Tchad et au Bangladesh. Le pro- adoptant une stratégie d’atténuation des risques de conflit gramme s’associe aux ministères de l’Éducation et utilise un et de violence. Par exemple, les pays pourraient adopter une système de prestation conçu pour fonctionner dans des en- approche différenciée dans l’espace qui distingue trois zones, vironnements à faible infrastructure. avec des implications sur la manière dont ils fournissent des services éducatifs. Premièrement, les «zones instables» sont les zones de départ des personnes déplacées et/ou les zones 2.4. Au-delà du système : financement de violence. Dans ces zones, la priorité est essentiellement la et technologie pour transformer sécurité et la sûreté, le retour de la présence de l’État et la ré- l’éducation silience des populations et des territoires. Ensuite, les «zones de pression» sont des zones d’accueil des personnes dépla- Pour élargir l’accès tout en mettant en œuvre les actions cées, où la priorité est donnée aux urgences humanitaires, transformatrices et les améliorations systémiques dé- en particulier l’appui aux personnes déplacées et les ques- crites précédemment, les gouvernements des pays du tions de développement local. Enfin, les « zones de préven- Sahel - en particulier ceux du Tchad, du Mali, de la Mauri- tion « sont les zones confrontées à des risques d’extension tanie et du Niger - devront dépenser beaucoup plus dans des conflits. Dans ces zones, l’accent doit être mis sur des l’éducation qu’ils ne le font aujourd’hui. La Figure 32 ci- actions préventives visant à consolider la cohésion sociale et après montre dans quelle mesure le Tchad, le Mali, la Mau- 84   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Tableau 11 : Financement par la Banque mondiale pour l’éducation au Sahel Investissements de l’IDA / la BIRD dans l’éducation USD (2010) par habitant par décennie 1980 1990 2000 2010 Burkina Faso 0,74 0,85 0,74 0,37 Tchad 0,53 1,13 0,70 0,46 Mali 0,42 1,68 1,07 0,34 Mauritanie 1,28 4,54 3,36 0,63 Niger 0,80 0,93 0,35 0,22 5 Sahel 0,67 1,35 0,86 0,35 Bénin 0,93 0,63 0,44 0,59 Côte d’Ivoire 0,31 2,48 1,01 0,18 Ghana 0,38 3,13 1,22 0,65 Guinée 0,48 0,52 1,97 0,22 Sénégal 0,81 1,09 1,15 1,21 Autres Afrique de l’Ouest 0,51 1,98 1,16 0,55 Éthiopie 0,30 0,17 0,27 0,76 Kenya 1,00 2,54 0,43 0,14 Rwanda 0,25 0,49 0,53 1,01 Tanzanie 0,39 0,35 2,24 0,40 Ouganda 0,38 1,23 1,17 0,60 5 Afrique de l’Est 0,46 0,84 0,85 0,55 Sources : Données financières du Groupe de la Banque mondiale et Indicateurs du développement dans le monde ritanie et le Niger se situent bien en-dessous de la moyenne de 10 pour cent pendant la dernière décennie, et pour l’ASS, des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure en elle devrait rester égale ou inférieure à environ 0,3 pour cent ce qui concerne les dépenses publiques totales en éducation du PIB annuel de la région.186 Pour le Sahel, comme discu- en tant que part du PIB, mais aussi en ce qui concerne la té précédemment, l’aide internationale au développement part des dépenses consacrées à l’éducation (représentées représente environ 10 pour cent des dépenses totales dans par les lignes verticales et horizontales, respectivement). La l’éducation, soit moins d’un tiers de ce que dépensent les mé- courbe en pointillés de la Figure 32 représente le cumul des nages. Pour la Banque mondiale en particulier, les investisse- dépenses publiques totales et de la part allouée à l’éducation ments par habitant dans l’éducation au Sahel sont en baisse qui équivalent aux 6 pour cent du PIB de dépenses publiques depuis les années 1990 et sont inférieurs à ceux pour les pour l’éducation établis comme objectif mondial pour les autres pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Est (Tableau 15). pays à faible revenu n’ayant pas encore réalisé l’enseigne- ment primaire universel.185 Au Sahel, seul le Burkina Faso se Pour accroître durablement les dépenses dans l’éduca- rapproche de cet objectif. tion, il sera donc nécessaire de combiner plusieurs ac- tions à la fois : augmenter la part de l’éducation dans les Par ailleurs, l’aide internationale au développement, dépenses publiques totales, rehausser l’efficience des même si elle joue un rôle important dans le financement dépenses dans l’éducation et, surtout, améliorer la mobi- du secteur, est faible et il est peu probable qu’elle aug- lisation des recettes intérieures et créer d’un plus grand mente de manière significative. À l’échelle mondiale, la part espace budgétaire. Sans un effort coordonné sur ces trois de l’éducation dans l’aide allouable est restée stable autour fronts, aucun des quatre pays (autre que le Burkina Faso) 185 UNESCO (2016). 186 Lewin (2019) ; Al-Samarrai et coll. (2019). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   85 Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Figure 32 : Dépenses dans l’éducation exprimées en pourcentage du budget total du gouvernement et dépenses publiques exprimées en pourcentage du PIB dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure (pourcentage), 2017-19 25 TZA combinaison correspondant á 6% de dépenses Dépenses dans l’éducation exprimées en part du budget (%) publiques allouées á l'éducation en % du PIB TGO BFA KEN 20 BEN BDI STP MDG MOZ KGZ NPL COM HTI 15 TCD NER MLI MWI COD GIN TJK UGA PAK RWA AFG BGD GNB GMB 10 MRT KHM LBR CAF Moyenne sur Pays á Revenu Faible et á Revenu Intermediaire Faible 5 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Dépenses publiques exprimées en part du PIB (%) Source : Calculs de la Banque mondiale basés sur les Indicateurs du développement dans le monde, ISU et FMI Remarque : BFA = Burkina Faso ; MLI = Mali ; MRT = Mauritanie ; NER = Niger ; TCD = Tchad. ne devrait pouvoir réaliser l’objectif de dépenses de 6 pour Pour illustrer l’ampleur du défi financier, l’absorption cent du PIB. Par exemple, compte tenu du niveau actuel des des plus grands effectifs résultant de l’amélioration de la dépenses publiques, la Mauritanie devrait consacrer à l’édu- qualité et du flux d’élèves dans l’enseignement primaire cation plus d’un tiers de son budget total pour réaliser cet entrainera probablement des coûts supplémentaires. Les objectif. Compte tenu des priorités concurrentes, y compris résultats du modèle de simulation montrent que selon les dans le secteur de la sécurité, ces allocations sont tout au tendances actuelles du développement des systèmes éduca- mieux improbables. De plus, les cinq pays du Sahel sont ex- tifs des pays – un scénario de « statu quo », les effectifs dans posés à un risque modéré ou élevé de surendettement, ce qui l’enseignement primaire augmenteront considérablement. limite leur capacité à emprunter pour financer les dépenses L’augmentation des effectifs entre 2021 et 2030 correspond publiques.187 En conséquence, à moyen terme, il est essentiel à 4,2 millions d’élèves supplémentaires, soit une augmen- de déployer des efforts concertés pour mobiliser les res- tation de 36 pour cent en moyenne. L’absorption des plus sources nationales si l’on veut réaliser les améliorations né- grands effectifs résultant de l’amélioration de la qualité et cessaires dans l’éducation. d’un plus grand flux d’élèves dans l’enseignement primaire entraînera probablement des coûts supplémentaires allant De plus, les pays du Sahel pourraient revoir leurs alloca- en moyenne annuelle de 70,4 millions USD en Mauritanie à tions sous-sectorielles au sein du secteur de l’éducation. 175,9 millions USD au Burkina Faso sur la période 2020-2030 En particulier, le Burkina Faso, le Tchad, la Mauritanie et le Ni- (Figure 33). Pour relever ce défi, certains pays devront dou- ger devraient réévaluer les importantes allocations à l’ensei- bler la part du PIB consacrée aux dépenses publiques dans gnement supérieur, qui profitent principalement aux classes l’enseignement primaire (Mali, Niger) tandis que le Tchad de- socioéconomiques les plus élevées, contrairement au faible vra presque tripler ses dépenses publiques dans l’enseigne- financement public qui revient à l’enseignement secondaire. ment primaire (Figure 34). La note méthodologique utilisée Le sous-financement de l’enseignement secondaire peut pour le modèle de simulation est présentée à l’Annexe B. également devenir une contrainte plus importante à mesure que davantage d’enfants achèvent le primaire et aspirent à Enfin, à mesure que davantage d’infrastructures tech- poursuivre leurs études. nologiques sont mises en ligne au Sahel - en particu- lier l’énergie solaire et la connectivité numérique - une 187 https://www.worldbank.org/en/programs/debt-toolkit/dsa transformation plus rapide sera possible à tous les ni- 86   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Une nouvelle approche stratégique pour l’appui de la Banque mondiale - des gains rapides, des progrès durables Figure 33 : Coût supplémentaire de l’enseignement primaire sur les périodes 2021-2025 et 2026-2030 (millions USD) Statuo Quo Coûts supplémentaires 2021-2025 2026-2030 3,000 4,500 3,000 169 1,500 1,304 1,538 109 1,313 120 129 1,500 1,703 977 1,199 77 1,562 918 1,475 570 1,336 688 857 367 457 0 0 Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Source : Modèle de simulation Figure 34 : Coût de l’enseignement primaire, exprimé en pourcentage du PIB prévisionnel 3.0% 2.8% 2.8% 2.6% 2.4% 2.3% 2.3% 2.1% 2.0% 1.8% 1.8% 1.6% 1.5% 1.3% 1.1% 1.2% 0.9% 0.0% 2020 2025 2030 2020 2025 2030 2020 2025 2030 2020 2025 2030 2020 2025 2030 Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Source : Modèle de simulation veaux du système éducatif. Tout au long de ce document, d’accéder à des supports d’apprentissage plus nombreux et des exemples d’utilisations prometteuses de la technologie de meilleure qualité, ainsi que de tirer parti des informations ont été cités même si des réserves ont été émises quant à précises provenant des systèmes de données de gestion. leur applicabilité qui est limitée, compte tenu la rareté de Selon certaines estimations, si la connectivité des écoles l’électricité et de la connectivité au Sahel. Toutefois, il y a au Niger s’améliorait pour atteindre le niveau du Rwan- des raisons d’espérer étant donné que des initiatives am- da (ayant le niveau de connectivité des écoles le plus élevé bitieuses visant à mettre en ligne toute la population de parmi les pays en développement), les années de scolarité l’Afrique subsaharienne prennent de l’ampleur, telles que la corrigées du facteur apprentissage pourraient augmenter Stratégie de transformation numérique de l’Union africaine, de 10 pour cent et le PIB par habitant pourrait augmenter à l’Initiative GIGA et la prochaine Déclaration mondiale sur concurrence de 20 pour cent.189 Certes, il est supposé dans la connectivité pour l’éducation.188 Une connectivité fiable ce cas que l’énergie et la connectivité sont effectivement ex- et accessible financièrement permettrait aux écoles et aux ploitées pour l’apprentissage, y compris pour permettre les systèmes du Sahel de surmonter les multiples contraintes réformes présentées tout au long de ce document. Si cela se et d’obtenir un appui plus efficace des enseignants, d’utili- produit, cela introduirait un cycle de changement véritable- ser des logiciels qui ciblent l’apprentissage au bon niveau, ment transformateur. 188 https://gigaconnect.org/updates/; https://au.int/en/documents/20200518/di- gital-transformation-strategy-africa-2020-2030 https://globaleducationcoalition. unesco.org/home/flagships/connectivity 189 https://connectinglearners.economist.com/data/EIU_Ericsson_Connecting.pdf Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   87 88   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain 3. CONCLUSION PHOTO PAR: © VINCENT TREMEAU / BANQUE MONDIALE Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   89 Conclusion Les défis auxquels la région du Sahel est confrontée Toutefois, à part un diagnostic lucide et une volonté poli- en matière d’éducation sont nombreux et redoutables. tique, les pays ont également besoin d’une bonne stratégie. Parce qu’il est crucial, avant toute autre chose, de com- Ce Livre blanc a proposé une stratégie en deux volets pour prendre ces contraintes et la manière dont elles freinent aller de l’avant. Premièrement, il faut concentrer l’action sur le progrès, ce Livre blanc s’est ouvert sur un diagnostic un petit nombre de politiques et de programmes transfor- approfondi. La pauvreté, la fragilité, le conflit et les chan- mateurs dans le but d’atteindre des objectifs explicites dans gements climatiques créent un environnement dans lequel des domaines clés, à savoir la réduction de la pauvreté des même un système scolaire bien géré et adéquatement apprentissages, l’augmentation de la scolarisation au secon- doté de ressources peinerait à générer de bons résul- daire pour les filles et une plus grande alphabétisation des tats. En plus de tout cela, le système scolaire présente de adultes. La priorisation de ces domaines pourrait permettre nombreux défis. Au niveau des écoles, il existe de fortes la- d’avancer tangiblement d’ici 2025 et 2030. Deuxièmement, cunes au niveau de tous les principaux éléments qui font il faudrait immédiatement se lancer dans un renforcement l’efficacité de l’éducation : enfants et jeunes scolarisés et à plus long terme des systèmes dans des domaines clés tels préparés à apprendre, enseignants préparés et soutenus, que le développement de l’éducation préprimaire, le renforce- ressources d’apprentissage adaptées au contexte et in- ment de la préparation et de la gouvernance des enseignants, frastructures scolaires qui offrent un environnement sûr, et la réforme des programmes d’études et de l’évaluation. propice à l’apprentissage. À part cela, les faibles niveaux Enfin, pour que tout ceci soit possible, il faudrait augmenter de capacité et le manque de redevabilité font que la gestion le financement par rapport à ses niveaux actuellement très des écoles et du système est faible. En outre les très faibles faibles et faire un meilleur usage de la technologie. niveaux de financement de l’éducation et les inefficiences dans la conversion des ressources financières en résultats Ces idées visent à catalyser l’action et éclairer les straté- font que les systèmes ne disposent pas des ressources qui gies de chacun des pays. Elles s’appuient sur les efforts de la pourraient faciliter les réformes. région, l’expérience de la Banque mondiale dans la région et à travers le monde, et l’expérience de nombreux partenaires. Toutefois, les opportunités abondent et la région a de nom- Toutefois, les pays ne pourront progresser que s’ils prennent breux succès et atouts à mettre à profit. Elle a réussi sco- ces idées en compte et les utilisent pour mettre au point des lariser un nombre beaucoup plus élevé d’enfants au cours stratégies optimisées pour leur cas spécifique, ce qui sera des dernières décennies, parvenant à augmenter les taux de possible si la volonté politique y est de faire de l’apprentis- scolarisation malgré une croissance démographique galo- sage de tous les enfants et jeunes une véritable priorité. pante. La région peut s’appuyer sur les forces de ses commu- nautés qui peuvent compenser les faiblesses de capacités du Le renforcement de l’enseignement et du capital humain gouvernement. La vitalité du secteur privé de l’éducation est est la seule véritable option qui s’offre à la région — et un autre atout potentiel de la région qui pourrait être un puis- c’est une bonne chose. La population de la région continue sant moteur d’avancement si les politiques parviennent à de croître très rapidement, enregistrant l’augmentation la l’orienter vers la réalisation d’objectifs sociétaux. À part cela, plus rapide du nombre d’enfants et de jeunes de toutes les la coopération régionale pourrait être mise à profit pour régions. Les pays du Sahel sont donc confrontés à un choix construire l’avenir. Toutes ces opportunités ouvrent la pers- qui, en realité, n’en est pas vraiment un: il n’y rien à gagner à pective de faire de l’éducation non seulement une source de ce que dans leurs communautés et dans leurs lieux de tra- prospérité et de paix pour l’avenir, mais aussi un lieu d’expé- vail, dans une décennie ou deux, il y aient plusieurs jeunes qui riences riches et de croissance pour les enfants et les jeunes n’ont pas fait d’études ou ont découvert que leurs diplômes d’aujourd’hui. ne résultent pas en des compétences, une productivité ou un emploi effectifs. Compte tenu des aspirations plus élevées de Il faut de la volonté politique pour pouvoir saisir cette op- la jeunesse d’aujourd’hui, alimentées par le fait qu’elle est au portunité. Cette volonté politique ne peut pas juste être celle courant de ce qui se passe ailleurs dans le monde, ce serait la de dirigeants éclairés, même s’il est vrai qu’il faut un lea- recette de la désillusion et des conflits. Ou bien, est-ce que les dership. C’est plutôt la société tout entière qui doit s’engager pays du Sahel vont s’engager - au niveau sociétal et non pas à construire son avenir à travers l’éducation. Cela implique au seul niveau des ministères de l’Éducation - à cultiver l’es- de s’engager à prioriser la scolarisation et l’apprentissage prit humain qui est le facteur le plus puissant de prospérité, pour tous les enfants et les jeunes, et à prendre des décisions de réduction de la pauvreté et d’épanouissement humain ? qui influent sur l’éducation de manière à aller dans le sens de cet objectif. 90   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet PHOTO PAR: © BANQUE MONDIALE Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   91 Bibliographie Bibliographie Acemoglu, D., Philippe, A., & Fabrizio, Z. (2006). Distance to Falola, The Palgrave Handbook of African Education and Frontier, Selection, and Economic Growth. Journal of the Indigenous Knowledge (pp. Chapter 28, pages 597 - 616). European Economic Association, 37-74. London: Palgrave Macmillan. Adams, N., Herzog, L., & Marshall, K. 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Figures Figure A1 : TBS par niveau d’instruction, sexe, région et quintile de richesse Primaire 1er Cycle du Secondaire 2nd Cycle du Secondaire Supérieur 55% 80% 10% 104% 48% 10% 98% 71% 77% 73% 75% 66% 30% 59% 42% 43% 44% 26% 5% 22% 29% 4% 24% 3% 11% 9% 0.3% 1% Plus démunis Rural Femmes Moyene Shael Hommes Plus Nantis Urbain Plus démunis Rural Femmes Moyene Shael Hommes Plus Nantis Urbain Plus démunis Rural Femmes Moyene Shael Hommes Plus Nantis Urbain Plus démunis Rural Femmes Moyene Shael Hommes Plus Nantis Urbain Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. Figure A2 : Taux brut de scolarisation par niveau d’instruction 100% 2005 2018 80% 76% 73% 68% 56% 48% 43% 33% 34% 28% 58% 48% 94% 72% 74% 23% 23% 19% 8% 10% 11% 4% 4% 5% 5% 2% 4% 3% 2% 36% 26% 19% 19% 13% 3% 3% 6% Tchad 10% Mauritanie 19% 2% Mali 14% 3% 4% 2% 3% 1% Burkina Faso 7% 4% 1% Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Préprimaire Primaire Collège Lycée Tertaire Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. Remarque : l’année de référence pour le TBS du préprimaire est 2010. L’année de référence pour le TBS au tertiaire au Mali est 2008. 100   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Annexe A. Figure A3 : Tendances des effectifs réels dans l’éducation de base (en millions) 2005 2018 12.00 10.8 10.00 8.00 6.00 5.9 4.00 2.73 2.65 2.83 2.02 1.61 2.00 1.35 1.31 1.17 1.09 0.45 0.52 0.25 0.19 0.51 0.44 0.93 0.07 0.26 0.17 0.76 - Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Primaire Collège Source : EdStats et estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. Figure A4 : Niveau d’instruction moyen de la main-d’œuvre, pour les cohortes jeunes et âgées par pays No education Some Primary Some lower secondary Some upper secondary TVET Higher education 100 3 3 3 90 6 4 2 6 14 5 9 22 80 21 29 21 70 19 19 60 21 18 16 50 23 88 87 88 40 80 81 30 54 48 44 47 20 40 10 0 15-24 55-64 15-24 55-64 15-24 55-64 15-24 55-64 15-24 55-64 Age Age Age Age Age Chad Burkina Faso Mali Mauritania Niger Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et l’EPCV 2019 pour la Mauritanie. Figure A5 : Activité des jeunes (15 à 24 ans) dans les pays du Sahel, les deux sexes Etudes seulement Travail seulement Etudes et travail Ni études ni travail Moyenne 27 25 3 44 du Sahel Niger 19 29 2 50 Mauritanie 35 14 1 50 Mali 25 24 1 50 Tchad 24 31 8 37 Burkina Faso 31 29 5 35 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   101 Annexe A. Figure A6 : Niveau d’instruction des jeunes inactifs (15 à 24 ans)* Sans instruction Primaire inachevé Primaire achevé Collège inachevé Secondaire achevé Lycrée inachevé 100 90 12 12 17 80 20 16 17 19 16 25 30 21 70 26 60 50 40 76 78 68 69 73 70 64 68 63 65 30 58 58 20 10 0 Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Sahel Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. Remarque : n’étudient et ne travaillent pas Figure A7 : Milieu de résidence des jeunes inactifs (15 à 24 ans)* Urbain Rural 100 90 80 50 70 58 60 79 80 76 76 77 75 88 82 84 85 50 40 30 50 20 42 10 21 20 24 24 23 25 12 18 16 15 0 Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Sahel Source : Estimations des auteurs basées sur l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ; et l’EPCV 2014 pour la Mauritanie. Remarque : n’étudient et ne travaillent pas 102   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Annexe B. Annexe B. Modèle de simulation Cette annexe présente les résultats d’un exercice de simulation en termes de projections de scolarisation et de coûts asso- ciés pour l’universalisation primaire dans la région du Sahel. La note couvre un ensemble spécifique d’estimations dérivées d’un modèle de simulation pour estimer l’inscription des étudiants et les projections de coûts selon différentes hypothèses et scénarios. L’outil estime le coût associé à l’universalisation de l’enseignement primaire jusqu’en 2030, sur la base d’estimations de scolarisation utilisant les projections démographiques des Nations Unies et tendances des taux de progression et de rétention. L’outil permet d’ajuster les valeurs cibles des taux d’admission, de passage et de redoublement pour tester divers scénarios. Les projections utilisent une méthode de reconstitution de cohorte pour calculer les flux d’effectifs en référence à plusieurs hypothèses de base sur les intrants. Ces hypothèses sont : (i) la croissance dans la tranche d’âge appropriée au niveau d’études donné – 6 à 11 ans pour l’enseignement primaire au Burkina Faso, au Tchad, au Mali, en Mauritanie et de 7 à 12 ans au Niger - suit les projections des Nations Unies ; (ii) le modèle actuel de flux d’élèves (taux d’admission, de passage en classe supérieure, de redouble- ment et de transition) est extrapolé suivant la tendance constatée dans les données de la période 2014-2019 ; (iii) le coût de l’ensei- gnement primaire, exprimé en pourcentage du PIB par habitant, augmentera progressivement pour atteindre la moyenne mondiale d’ici 2030 ; (iv) le PIB par habitant suit les projections du FMI pour le PIB et les projections démographiques des Nations Unies ; et (v) l’enseignement primaire universel devrait être réalisé d’ici 2030, conformément à l’Objectif de développement durable n° 4 (ODD). Projections des effectifs En se basant sur les tendances actuelles du développement des systèmes éducatifs des pays – un scénario de statu quo – les effectifs dans l’enseignement primaire augmenteront considérablement, mais pas les TBS. L’augmentation des effectifs entre 2021 et 2030 équivaut à 4,2 millions d’élèves supplémentaires, soit une augmentation de 36 pour cent en moyenne (Figure A5). La plus forte augmentation des effectifs est enregistrée au Niger (79 pour cent), suivi de la Mauritanie (26 pour cent), du Mali (24 pour cent) et du Burkina Faso (23 pour cent). En même temps, il est prévu que le TBS n’augmente que légèrement. Seul le Tchad, à cause de ses taux de redoublement élevés qui avoisinent les 17 pour cent, parviendra à réaliser un TBS de 100 pour cent. En Mauritanie, le TBS dans l’enseignement primaire était déjà élevé en 2018-2019, atteignant 98 pour cent, et il devrait augmenter légèrement de 3 points de pourcentage. Figure A8 : Projections des inscriptions d’élèves dans l’enseignement primaire dans le scénario de statu quo, en millions Effectifs des élèves, millions Niger Mauritanie Mali tchad Burkina Faso 18 16 14 4.0 4.1 4.3 12 3.6 3.8 3.9 3.3 3.5 3.0 3.1 0.8 0.9 0.9 10 2.9 0.8 0.8 0.8 0.7 0.8 0.8 2.6 2.6 8 0.7 0.7 2.4 2.4 2.5 2.5 2.2 2.3 2.3 2.1 2.2 6 3.5 3.6 3.6 3.0 3.2 3.3 3.4 3.4 2.6 2.8 2.9 4 2 3.4 3.4 3.5 3.6 3.7 3.7 3.8 3.9 4.0 4.0 4.1 0 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Source : Modèle de simulation Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   103 Annexe B. Un examen plus approfondi des données des enquêtes auprès des ménages montre que de nombreux enfants ne sont pas cou- verts par les services d’éducation et qu’à cause du taux de redoublement élevé, une grande partie des élèves sont trop âgés. Seule la moitié des enfants âgés de 6 à 11 ans (7 à 12 ans au Niger) – l’âge officiel de scolarité dans nos pays – est scolarisée. Le taux net de scolarisation (TNS) varie de 46,5 pour cent au Tchad (MICS 2019) à 55,7 pour cent au Mali. Figure A9 : Projections des taux bruts de Figure A10 : Projections du taux net de scolarisation dans l’enseignement primaire dans le scolarisation dans l’enseignement primaire dans le scénario de statu quo scénario alternatif « Système efficient », 2020-2030 (pourcentage) Mauritanie 106% 101% Taux net de scolarisation 99.6% 99.7% 100.1% 99.7% 99.9% Tchad, 101% 100% 96% Burkina Faso 81.9% 81.2% 95% 80% 76.6% 77.3% 69.6% 86% 60% 54.6% 55.7% 54.9% 52.6% 46.5% 76% 40% Niger 66% 71% 20% 0% 56% Mali Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger 59% 2018 ou la plus récente disponible 2025 2030 46% 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Source : 2018 – MICS / Enquêtes auprès des ménages ; 2025 et 2030 – modèle de sim- Source : Modèle de simulation ulation. La réalisation des engagements au titre de l’ODD n° 4 et de l’enseignement universel d’ici 2030 exige d’améliorer l’efficience du système afin qu’un plus grand nombre d’enfants achèvent le cycle primaire et passent à l’école secondaire. Dans un scé- nario où l’efficience du système s’améliore progressivement sur la période 2021-2030, les taux bruts d’admission et de passage en classe supérieure augmentent, les taux de redoublement baissent (voir les détails des hypothèses du modèle dans le Tableau A2 ci-après), les enfants non scolarisés sont absorbés dans le système. Ce système éducatif plus efficient permettrait de parvenir à un taux net de scolarisation de 100 pour cent dans l’enseignement primaire (voir la Figure A7). Le TBS dépasserait les 100 pour cent à cause du redoublement et de la scolarisation d’enfants trop âgés. Dans ce scénario, les effectifs feraient plus que doubler au Niger et au Mali, et augmenteraient de 56 pour cent au Tchad contre de 1/3 au Burkina Faso et en Mauritanie. Le nombre d’élèves dans les cinq pays passerait de 11,5 millions en 2019 à 20,8 millions en 2030. Pour réaliser une expansion aussi rapide, il est néces- saire de retenir un plus grand nombre d’enfants à l’école, améliorer l’acquisition des compétences dans l’enseignement primaire et permettre à la majorité des élèves qui atteignent la fin du primaire d’achever avec succès ce cycle. L’absorption des enfants non scolarisés en âge d’aller à l’école primaire (6 à 7 ans jusqu’à 11 à 12 ans) par les systèmes éduca- tifs augmenterait davantage les effectifs. En conséquence, le nombre d’élèves dans l’enseignement primaire augmenterait en moyenne de 5,9 pour cent par an en moyenne sur la période 2021-2030. La Figure A8 ci-après montre les projections d’effectifs jusqu’en 2030 dans un scénario d’expansion où les politiques et l’efficience du système s’améliorent progressivement, et tenant compte de l’absorption des enfants non scolarisés. 104   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Annexe B. Figure A11 : Projections des inscriptions d’élèves dans l’enseignement primaire dans le scénario de « Système efficient », en millions Effectifs des élèves, millions Niger Mauritanie Mali Tchad Burkina Faso 25 20 5.9 6.2 5.6 15 5.2 4.7 0.9 4.3 0.9 0.9 3.9 0.9 0.9 3.5 5.1 10 3.0 3.2 0.8 4.4 4.8 2.9 0.8 3.7 4.0 0.7 0.8 3.1 0.7 0.7 2.5 2.7 2.1 2.2 2.3 3.8 3.9 3.9 4.0 4.1 5 3.0 3.2 3.4 3.6 2.6 2.8 3.4 3.4 3.5 3.6 3.8 3.9 4.1 4.2 4.3 4.3 4.4 0 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Source : Modèle de simulation Coût de l’enseignement primaire universel Le volume des ressources financières que les pays affectent Figure A12 : Dépenses par élève dans à l’éducation diffère à la fois en termes nominaux et rela- l’enseignement primaire, exprimées en tifs. Alors que les pays à revenu intermédiaire de la tranche pourcentage du PIB par habitant (2019 ou données supérieure dépensent environ 2  504 USD par enfant dans les plus récentes disponibles) l’enseignement primaire, les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure dépensent 891 USD et les pays à faible reve- 16.0% nu seulement 188 USD. Pour parvenir à un enseignement pri- 14.6% maire de qualité, les pays doivent progressivement augmenter 13.4% le financement de l’éducation. Dans cet exercice, nous avons 12.3% modélisé l’augmentation progressive des dépenses par élève du primaire par rapport au PIB par habitant à partir de leurs valeurs de référence jusqu’à la moyenne mondiale de 14,6 pour 9.7% 9.6% cent (Figure A9). 8.0% 6.6% L’absorption du supplément d’effectifs résultant de l’amélio- 6.2% ration de la qualité et l’augmentation du flux d’élèves dans l’enseignement primaire occasionnera probablement des coûts supplémentaires allant en moyenne annuelle de 70,4 millions USD en Mauritanie à 175,9 millions USD au Burkina Faso sur la période 2020-2030 (Figure A10). Pour relever ce défi, certains pays devront doubler leur part du PIB en dé- 0.0% Monde Burkina Mali Niger ASS Tchad Mauritanie penses publiques pour l’enseignement primaire (Mali, Niger) Faso tandis que le Tchad devra presque tripler ses dépenses pu- Source : ISU UNESCO bliques dans l’enseignement primaire (Figure A11). Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   105 Annexe B. Figure A113 : Coût supplémentaire de l’enseignement primaire sur les périodes 2021-2025 et 2026-2030 (millions USD) Statu quo Coûts supplémentaires 2021-2025 2026-2030 3,000 4,500 3,000 169 1,500 1,304 1,538 109 1,313 120 129 1,500 1,703 977 1,199 77 1,562 918 1,475 570 1,336 688 857 367 457 0 0 Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Source : Modèle de simulation Figure A14 : Coût de l’enseignement primaire, exprimé en pourcentage du PIB prévisionnel 3.0% 2.8% 2.8% 2.6% 2.4% 2.3% 2.3% 2.1% 2.0% 1.8% 1.8% 1.6% 1.5% 1.3% 1.1% 1.2% 0.9% 0.0% 2020 2025 2030 2020 2025 2030 2020 2025 2030 2020 2025 2030 2020 2025 2030 Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Source : Modèle de simulation Tableau A1 : Coût de l’enseignement primaire dans le scénario alternatif « Système efficient », 2020-2030   2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 En millions USD Burkina Faso 336,6 346,6 369,2 395,3 425,1 457,0 491,9 524,2 555,2 586,2 624,2 Tchad 119,2 130,0 157,6 188,1 222,1 259,0 297,1 333,3 363,5 403,6 465,3 Mali 220,0 227,4 251,8 282,9 325,6 384,1 467,8 539,0 614,1 690,4 763,6 Mauritanie 67,3 69,1 83,6 101,9 121,6 142,3 163,3 185,1 207,7 230,8 256,3 Niger 150,2 158,9 195,8 241,6 291,3 346,4 405,4 472,4 544,3 616,2 685,0 Exprimé en % du PIB  Burkina Faso 2,1 % 2,1 % 2,1 % 2,2 % 2,2 % 2,3 % 2,3 % 2,3 % 2,3 % 2,3 % 2,4 % Tchad 1,1 % 1,1 % 1,3 % 1,4 % 1,6 % 1,9 % 2,0 % 2,2 % 2,3 % 2,5 % 2,8 % Mali 1,3 % 1,3 % 1,3 % 1,4 % 1,6 % 1,8 % 2,1 % 2,3 % 2,5 % 2,6 % 2,8 % Mauritanie 0,9 % 0,9 % 1,1 % 1,2 % 1,4 % 1,6 % 1,7 % 1,9 % 2,0 % 2,1 % 2,3 % Niger 1,2 % 1,1 % 1,3 % 1,4 % 1,6 % 1,8 % 1,9 % 2,1 % 2,3 % 2,5 % 2,6 % Source : Modèle de simulation 106   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Annexe B. Figure A15 : Coût de l’enseignement primaire, millions USD 3,000 Tchad Burkina Faso Mali Mauritanie Niger 2,500 685.0 616.2 2,000 544.3 256.3 472.4 230.8 101.9 83.6 405.4 207.7 1,500 69.1 185.1 763.6 346.4 67.3 163.3 690.4 291.3 614.1 241.6 142.3 539.0 1,000 195.8 121.6 467.8 158.9 384.1 465.3 150.2 325.6 403.6 282.9 333.3 363.5 227.4 251.8 259.0 297.1 500 220.0 188.1 222.1 119.2 130.0 157.6 491.9 524.2 555.2 586.2 624.2 336.6 346.6 369.2 395.3 425.1 457.0 0 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Source : Modèle de simulation Tableau A2 : Hypothèses du modèle de simulation Burkina Faso Tchad Référence Cible Cible Référence Cible Cible 2019/20 Valeur Année 2019/20 Valeur Année Taux d’admission en Année 1 106% 100% 2026 128% 100% 2029 Taux de passage en classe supérieure Année 1 -> 2 89% 99.5% 2026 62% 95.0% 2028 Année 2 -> 3 92% 99.5% 2026 69% 95.0% 2028 Année 3 -> 4 86% 99.5% 2026 66% 95.0% 2029 Année 4 -> 5 89% 99.5% 2026 66% 95.0% 2029 Année 5 -> 6 81% 98.0% 2026 68% 95.0% 2029 Taux de redoublement Année 1 1.6% 0.5% 2026 18.7% 5.0% 2028 Année 2 5.6% 0.5% 2026 17.5% 5.0% 2028 Année 3 4.0% 0.5% 2026 17.0% 5.0% 2029 Année 4 7.5% 0.5% 2026 17.5% 5.0% 2029 Année 5 5.1% 2.0% 2026 16.3% 5.0% 2029 Année 6 17.0% 2.0% 2026 17.6% 5.0% 2029 Dépenses publiques Par élève du primaire exprimées en % du PIB par habitant 13.4% 14.6% 2030 6.6% 14.6% 2030 Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   107 Annexe B. Mali Mauritania Référence Cible Cible Référence Cible Cible 2019/20 Valeur Année 2019/20 Valeur Année Taux d’admission en Année 1 55% 100% 2027 107% 100% 2030 Taux de passage en classe supérieure Année 1 -> 2 82% 93.0% 2030 98% 99.0% 2029 Année 2 -> 3 78% 93.0% 2030 91% 98.0% 2029 Année 3 -> 4 71% 94.0% 2030 84% 98.0% 2029 Année 4 -> 5 66% 94.0% 2030 83% 97.5% 2029 Année 5 -> 6 62% 95.0% 2030 84% 96.0% 2030 Taux de redoublement Année 1 14.8% 7.0% 2030 1.0% 1.0% 2029 Année 2 15.0% 7.0% 2030 3.3% 2.0% 2029 Année 3 21.2% 6.0% 2030 4.7% 2.0% 2029 Année 4 23.1% 6.0% 2030 5.2% 2.5% 2029 Année 5 24.8% 5.0% 2030 6.4% 4.0% 2030 Année 6 22.9% 5.0% 2030 11.2% 4.0% 2030 Dépenses publiques Par élève du primaire exprimées en % du PIB par habitant 12.3% 14.6% 2030 6.2% 14.6% 2030 Niger Référence Cible Cible 2019/20 Valeur Année Taux d’admission en Année 1 88% 100% 2025 Taux de passage en classe supérieure Année 1 -> 2 84% 99.9% 2027 Année 2 -> 3 91% 98.4% 2028 Année 3 -> 4 91% 98.0% 2028 Année 4 -> 5 91% 97.5% 2028 Année 5 -> 6 88% 97.2% 2028 Taux de redoublement Année 1 0.1% 0.1% 2028 Année 2 1.6% 1.6% 2028 Année 3 2.0% 2.0% 2028 Année 4 2.5% 2.5% 2028 Année 5 2.8% 2.8% 2028 Année 6 8.8% 5.0% 2028 Dépenses publiques Par élève du primaire exprimées en % du PIB par habitant 9.7% 14.6% 2030 vw 108   Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain Édition du sommet Annexe B. Figure A16 : Causes d’abandon scolaire après avoir achevé l’école primaire (filles) Grossesse, mariage Refus de la famille/Qualité Pas d’école/éloignement Coût Autre 100 90 27 80 28 4 32 28 70 60 50 40 81 30 30 64 67 66 20 10 21 0 Burkina Faso Tchad Mali Mauritanie Niger Source : Estimations des auteurs basées sur les données de l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger ; et sur celles de l’EPCV 2014 pour la Mauritanie Note : *Le motif porte l’étiquette « Qualité » dans l’EPCV 2014 de la Mauritanie seulement. Figure A17 : Motifs d’abandon des études secondaires après les avoir entamées (filles) Grossesse, mariage Refus de la famille/Qualité* Pas d’école/éloignement Coût Autre 100 3 6 0 6 90 12 9 6 30 80 38 70 60 20 50 100 95 94 25 93 40 86 86 85 30 20 45 34 10 0 Collège Lycée Collège Lycée Collège Lycée Collège Lycée Collège Lycée Burkina Faso Tchad Mauritanie Mali Niger Source : Estimations des auteurs basées sur les données de l’EHCVM 2018 pour le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger ; et sur celles de l’EPCV 2014 pour la Mauritanie Note : *Le motif porte l’étiquette « Qualité » dans l’EPCV 2014 de la Mauritanie seulement. Édition du sommet Livre blanc sur l’éducation au Sahel    La richesse d’aujourd’hui et de demain   109 PHOTO PAR: © DORTE VERNER / BANQUE MONDIALE