BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA RÉFORMES ET DÉSÉQUILIBRES EXTÉRIEURS LA VOIE DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE AVRIL 2019 RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD Bulletin d’information économique de la région MENA Réformes et déséquilibres extérieurs : La voie de la productivité du travail au Moyen-Orient et en Afrique du Nord Avril 2019 Groupe de la Banque Mondiale 1 © 2019 International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 1818 H Street NW, Washington, DC 20433 Telephone: 202-473-1000; Internet: www.worldbank.org Some rights reserved 1 2 3 4 22 21 20 19 This work was originally published by The World Bank in English as “Reforms and External Imbalances: The Labor-Productivity Connection in the Middle East and North Africa” in 2019. In case of discrepancies, the original language will govern. This work is a product of the staff of The World Bank with external contributions. The findings, interpretations, and conclusions expressed in this work do not necessarily reflect the views of The World Bank, its Board of Executive Directors, or the governments they represent. The World Bank does not guarantee the accuracy of the data included in this work. The boundaries, colors, denominations, and other information shown on any map in this work do not imply any judgment on the part of The World Bank concerning the legal status of any territory or the endorsement or acceptance of such boundaries. Nothing herein shall constitute or be considered to be a limitation upon or waiver of the privileges and immunities of The World Bank, all of which are specifically reserved. Rights and Permissions This work is available under the Creative Commons Attribution 3.0 IGO license (CC BY 3.0 IGO) http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/igo. Under the Creative Commons Attribution license, you are free to copy, distribute, transmit, and adapt this work, including for commercial purposes, under the following conditions: Attribution—Please cite the work as follows: Arezki, Rabah; Lederman, Daniel; Harb, Amani Abou; Fan, Rachel Yuting; Nguyen, Ha. 2019. “Reforms and External Imbalances: The Labor-Productivity Connection in the Middle East and North Africa (French)” Middle East and North Africa Economic Update (April), World Bank, Washington, DC. doi: 10.1596/978-1-4648-1416-7. License: Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO. Translations—If you create a translation of this work, please add the following disclaimer along with the attribution: This translation was not created by The World Bank and should not be considered an official World Bank translation. The World Bank shall not be liable for any content or error in this translation. 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ISBN (electronic): 978-1-4648-1416-7 DOI: 10.1596/978-1-4648-1416-7 Cover design: Melina Rose Yingling i ii Table des matières Table des matières iii Abréviations et sigles vi Vue d’ensemble : Faible croissance et déséquilibres extérieurs – La voie de la productivité du travail 1 Chapitre 1 : Perspectives de croissance dans la région MENA 3 Perspectives de croissance en 2019 3 Perspectives de croissance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord 3 Perspectives de croissance des pays exportateurs de pétrole 6 Conseil de coopération du Golfe 7 Pays en développement exportateurs de pétrole 7 Perspectives de croissance des pays importateurs de pétrole 7 Perspectives et risques pour 2020-2021 9 Chapitre 2 : Soldes des transactions courantes et productivité globale du travail dans la région MENA 15 Soldes budgétaires et soldes courants dans la région MENA 18 Éléments déterminants du compte des transactions courantes 22 Soldes courants inexpliqués dans la région MENA 24 Les pays de la région MENA ne sont pas exposés à court terme à un retournement coûteux de leurs comptes courants 26 Chapitre 3 : Des réformes structurelles pour accroître la productivité globale du travail 31 Des réformes budgétaires pour réduire les déficits extérieurs et accroître la productivité du travail 32 Réformes des échanges internationaux en marge des tarifs douaniers 34 Protection sociale et réformes du marché du travail 37 Amélioration de la productivité par la réforme des entreprises publiques de réseaux : le cas de l’énergie 41 Références bibliographiques 44 Annexe A : Modèle du MNACE pour le compte de transactions courantes 48 iii Figures Figure 1.1 Croissance dans la région MENA et dans le monde 3 Figure 1.2 Prix au comptant et prix prévus pour le pétrole, 2014-2023 6 Figure 1.3 Courbes de rendement du marché obligataire américain 9 Figure 1.4 Croissance attendue de la demande d’exportation de la région MENA 12 Figure 1.5 Croissance de la région MENA par rapport à la croissance potentielle exogène (%) 12 Figure 1.6 Quête de croissance dans la région MENA 13 Figure 2.1 Balance commerciale et solde courant moyens des pays de la région MENA, 2000-2017 16 Figure 2.2 Baisse des soldes courants dans la région MENA 16 Figure 2.3 Dégradation du solde courant dans la région MENA dans une perspective comparative, 1995-2017 17 Figure 2.4 Positions extérieures nettes dans la région MENA 18 Figure 2.5 Doubles déficits de la région MENA, 2000-2017 19 Figure 2.6 Corrélations entre solde courant et solde budgétaire dans la région MENA, 2000-2017 19 Figure 2.7 Solde budgétaire, solde courant et consommation des ménages au Liban, en Égypte et en Arabie saoudite, de 2000 à 2018, en % du PIB 21 Figure 2.8 Huit pays de la région MENA présentent des déficits « inexpliqués » qui ne sont pas imputables aux fondamentaux 24 Figure 2.9 Prévisions relatives aux soldes courants inexpliqués 26 Figure 2.10 Anatomie des retournements du compte courant – Soldes courants 27 Figure 2.11 Fléchissements de la croissance pendant un retournement du compte courant 28 Figure 2.12 Les pays de la région MENA reçoivent plus d’assistance et d’aide publiques que d’autres pays de même catégorie de revenu 29 Figure 3.1 Améliorations de la productivité (en %) nécessaires pour neutraliser les déficits courants prévus en 2017 32 Figure 3.2 Répartition de l’emploi, en fonction de l’intensité énergétique, de la taille et de l’âge des entreprises 34 Figure 3.3 Droits d’importation et valeur ajoutée des exportations dans la région MENA 36 Figure 3.4 Indemnités de licenciement pour des raisons économiques 38 Tableaux Tableau 1.1 Prévisions de croissance et de déficits courants et budgétaires 4 Tableau 1.2 Évolution des prévisions de croissance 5 Tableau 1.3 Part des exportations des pays de la région MENA sur les grands marchés en % du PIB (2016) 11 Tableau 2.1 Soldes courants effectifs et prévus pour 2017 25 Tableau A1 Résumé des statistiques 49 Tableau A2 Estimation des déterminants des soldes courants à l’aide du modèle MNACE 52 Encadré Encadré 3.1 MIGA — Appui à l’investissement privé dans le secteur de l’électricité au Liban 42 iv Remerciements Le Bulletin d’information économique de la région MENA est produit par le bureau de l’économiste en chef de la Banque Mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MNACE). Ce rapport a été rédigé par Rabah Arezki (économiste en chef pour la région), Daniel Lederman (économiste en chef adjoint, chef d’équipe), Amani Abou Harb, Rachel Yuting Fan et Ha Minh Nguyen. Lili Mottaghi et Christina Wood ont fourni des observations détaillées sur le chapitre 1. S’agissant des résultats préliminaires inclus dans le chapitre 2, l’équipe de rédaction a bénéficié des précieux commentaires des macro-économistes de la Banque mondiale pour la région MENA, en particulier Kevin Carey (chef de service aux Pôles mondiaux d’expertise), Emmanuel Pinto Moreira, Sona Varma, Bledi Celiku, Wissam Harake, Tehmina S. Khan, Julie Saty Lohi, Ashwaq Natiq Maseeh, Khalid El Massnaoui, Abdoulaye Sy, Fulbert Tchana Tchana, ainsi que d’autres participants à l’atelier qui s’est tenu le 10 janvier 2019. Les auteurs remercient vivement les contributeurs au chapitre 3 du présent rapport : Kevin Carey et Emmanuel Pinto Moreira sur les réformes fiscales et la productivité ; Federica Saliola sur la façon dont les politiques relatives au marché du travail et à la protection sociale peuvent promouvoir la productivité du travail ; Carlo Maria Rossotto sur le lien entre croissance et réforme des entreprises publiques de réseaux ; François de Soyres pour la partie sur l’incidence des réformes de la politique commerciale sur la croissance. Isabelle Chaal-Dabi, Doris Chung et Nathalie Lenoble nous ont apporté un appui administratif de tous les instants. James L. Rowe Jr. a révisé le manuscrit et Melina Rose s’est chargée de concevoir la couverture. v Abréviations et sigles CCG Conseil de coopération du Golfe EMBI Indice des obligations sur les marchés émergents FMI Fonds monétaire international EAU Émirats arabes unis IED Investissements étrangers directs MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord MNACE Bureau de l’économiste en chef pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord OIT Organisation internationale du travail PEP Pays exportateurs de pétrole de la région MENA hors CCG PIB Produit intérieur brut PIP Pays importateurs de pétrole de la région MENA PPA Parité de pouvoir d’achat TVA Taxe sur la valeur ajoutée vi Vue d’ensemble : Faible croissance et déséquilibres extérieurs – La voie de la productivité du travail Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région MENA), les économistes de la Banque mondiale estiment que la croissance économique devrait se poursuive à un rythme modéré d’environ 1,5 à 3,5 % sur la période 2019-2021, certains pays restant à la traîne tandis que quelques-uns devraient émerger dans le peloton de tête. À la fin de l’année 2018, la Banque mondiale a appelé les décideurs de la région à viser haut. Nous avons plaidé en faveur d’un ensemble d’objectifs ambitieux, mais réalisables, dans le secteur numérique (Arezki et Belhaj, 2018). Si les pays de la région atteignent ces objectifs, ils vont non seulement dépasser un certain nombre d’économies avancées en termes de couverture et de qualité des services cellulaires et à haut débit, mais aussi enregistrer des avancées notables en matière de paiements numériques1. La présente édition du Bulletin d’information économique de la région MENA, lequel est publié tous les six mois par le bureau de l’économiste en chef pour la région, analyse de manière plus subtile une idée qui s’impose progressivement aux économies de la région : la réduction des vulnérabilités macroéconomiques dans certains pays est inextricablement liée à un effort total visant à créer une économie numérique avancée (par une approche « visionnaire ») et à mener d’autres réformes structurelles. Pour ce faire — et cela peut surprendre — il faut regarder du côté de la productivité globale du travail2. Selon les arguments développés ici, cette idée est fortement mise en évidence par l’analyse économique ainsi qu’une analyse probante des données. Tandis que certains pays de la région MENA affichent depuis plusieurs années ce que le présent rapport appelle des soldes « inexpliqués » des transactions courantes, la politique budgétaire n’assure plus aussi pleinement son rôle traditionnel de facteur déterminant du compte courant. En outre, il semble que la région n’a plus la même capacité de faire circuler l’épargne d’un pays à l’autre, et ce depuis 2014, date à laquelle la restructuration mondiale du marché du pétrole s’est révélée une évidence incontestable (voir Arezki et al., 2018a). Le ralentissement de la circulation transfrontalière de l’épargne laisse penser que les économies de la région, qui avaient tendance à financer les déficits courants d’autres pays, se trouvent elles-mêmes confrontées à une dégradation de leurs comptes courants. Sur le moyen ou le long terme, il faut, par conséquent, résorber progressivement les déficits actuellement excessifs des comptes courants sans attendre que la détérioration des flux de capitaux impose des retournements aux économies de la région MENA. Le règlement des déséquilibres extérieurs peut se faire progressivement, mais seulement si des réformes structurelles sont rapidement mises en place. Il semble en effet que l’un des facteurs fondamentaux des déficits soit à chercher du côté de la faiblesse historique de la croissance et de 1 Voir Arezki et Belhaj (2018). 2 La productivité globale du travail se définit ici comme le ratio du PIB sur la population en âge de travailler. Ce ratio a tendance à augmenter lorsque les chômeurs trouvent un emploi, lorsque la productivité totale des facteurs augmente ou lorsque l’investissement global est en hausse. Par conséquent, toutes les réformes, y compris celles associées au défi numérique, qui visent à créer des emplois, augmenter la productivité ou stimuler l’investissement privé, ont tendance à favoriser une hausse du PIB par travailleur. En s’appuyant sur des données probantes, le présent rapport défend l’idée que l’amélioration de la productivité globale du travail contribue à réduire les déficits courants. 1 la productivité globale du travail. Cependant, relever le défi numérique peut contribuer à améliorer la situation. Il s’agit de fixer des objectifs ambitieux, mais réalisables, qui nécessitent des réformes structurelles susceptibles de rencontrer un large soutien tant de la part des responsables de l’action gouvernementale que de la société civile. Le présent rapport étudie aussi d’autres réformes structurelles, peut-être plus difficiles à mettre en œuvre, qui compléteront l’axe numérique. Le rapport est organisé comme suit. Le chapitre 1 résume les dernières prévisions de croissance de la Banque mondiale pour la région MENA sur la période 2019-2021. Ces projections sont aussi mises en perspective par des comparaisons entre les taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) par habitant qu’elles impliquent et les performances de la région depuis 2011 ainsi que par des comparaisons avec les taux de croissance typiques d’économies ayant un niveau de développement similaire. L’étude qui suit porte sur l’importance des facteurs externes dans la détermination des taux de croissance de la région, et fait valoir que les principaux risques sont liés à la possibilité d’un ralentissement de la croissance mondiale, susceptible d’entraîner une baisse de la demande pour les exportations de la région. Il est peu probable que le prix du pétrole ait un rôle majeur à jouer, même si les prévisions restent incertaines de ce côté. À long terme toutefois, selon le nouveau modèle du MNACE relatif à la croissance potentielle exogène, il apparaît que les facteurs externes sont à l’origine de moins de 30 % de la performance (moyenne) de la région, même si dans certains pays pétroliers, la proportion monte jusqu’à 60 %. Dans les années à venir, il faudra donc que la croissance vienne de la région elle-même. Pour cela, des réformes structurelles s’imposent. Le chapitre 2 porte sur les principaux facteurs déterminants des déficits courants, dans le monde et dans la région MENA. Les données internationales issues d’un autre nouveau modèle du MNACE montrent que l’évolution démographique et la productivité (relative) globale du travail sont des éléments fondamentaux de la détermination du solde des transactions courantes. Quoi qu’il en soit, au vu des prévisions, la hausse de la productivité globale du travail et les mutations démographiques ont peu de chances de contribuer à résorber les déficits courants excessifs alors que la capacité à faire circuler l’épargne entre les pays de la région semble mise à mal. Il faut donc mettre en place d’urgence des réformes structurelles à même de doper la productivité globale du travail dans la région MENA, tout en relevant le grand défi numérique. Le chapitre 3 conclut le rapport par la présentation d’un programme de réformes structurelles associées à cette approche visionnaire. Il porte sur les domaines de la politique économique susceptibles de dégager des gains de croissance et de productivité, dans lesquels l’expérience et les circonstances propres aux pays de la région MENA sont uniques du point de vue international. Ce chapitre traite, en particulier, des réformes des finances publiques, des politiques commerciales, de la protection sociale, du marché du travail et des entreprises publiques dans les industries des réseaux. Le moment est venu de mener des réformes structurelles dans la région MENA. 2 Chapitre 1 : Perspectives de croissance dans la région MENA Points clés du chapitre 1 • Les économistes de la Banque mondiale prévoient pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord une croissance modérée de l’ordre de 1,5% à 3,5 % pour la période 2019-2021. • L’Égypte, Djibouti, voire l’Iraq sont attendus en tête de peloton. • S’agissant de la croissance, le principal risque vient de l’économie mondiale, un fléchissement étant attendu du côté des principaux marchés d’exportation de la région, notamment l’Union européenne et les États-Unis. • Ce modeste rebond de la croissance ne modifiera pas les perspectives à long terme de certains pays en développement de la région qui présentent une croissance atone du PIB par habitant et un déficit persistant des transactions courantes. Le présent chapitre passe en revue les dernières prévisions de la Banque mondiale pour la région MENA. Il s’intéresse d’abord aux perspectives de croissance pour 2019 avant de se pencher sur les prévisions pour 2020-21. Il fait une analyse détaillée des différentes économies de la région, par niveau de développement et selon leur degré de dépendance au pétrole, et met en relief l’influence des facteurs externes sur les taux de croissance de la région. Enfin, il conclut sur une constatation de la faiblesse persistante des taux de croissance du PIB par habitant dans la région, un problème que la modeste hausse attendue durant les années concernées par la prévision ne saurait régler. Perspectives de croissance en 2019 Perspectives de croissance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord Figure 1.1 Croissance dans la région MENA et dans le monde La croissance du PIB réel devrait se poursuivre dans la région MENA selon un rythme modéré de 1,5 % en moyenne en 2019 (voir la figure 1.1 et le tableau 1.1). Ces prévisions, qui tiennent compte de la menace d’un fléchissement de la croissance mondiale et d’une volatilité des marchés financiers mondiaux, marquent une baisse par rapport à une croissance estimée à 1,6 % en 2018. La croissance attendue est menée par des pays en développement importateurs de pétrole comme l’Égypte, laquelle représente environ 8 % du PIB de la région. Les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) devraient afficher une croissance stable tandis que l’on s’attend à une nouvelle contraction de l’économie iranienne. 3 4 Tableau 1.1 Prévisions de croissance et de déficits courants et budgétaires Source : Banque mondiale, Macro Poverty Outlook et calculs des auteurs. Note : e = estimation, p = prévision. Les chiffres sont arrondis à uneunité après la virgule. Les informations concernant l’Égypte correspondent à l’exercice budgétaire (juillet-juin). La Syrie n’est pas incluse dans les moyennes régionales et sous-régionales faute de données. 4 Par rapport aux prévisions de la Banque mondiale pour le mois d’octobre, la croissance de la région MENA pour 2019 recule en moyenne de 0,8 point de pourcentage, ce qui s’explique en partie par une révision à la baisse de -3,4 points de pourcentage pour l’Iraq motivée par un report de croissance dû à la lenteur de la reconstruction (voir le tableau 1.2). Tableau 1.2 Évolution des prévisions de croissance Note : La Syrie n’est pas incluse dans les totaux régionaux et sous-régionaux par manque de données. Tous les chiffres sont arrondis à une unité après la virgule. 5 Figure 1.2 Prix au comptant et prix prévus pour le Perspectives de croissance des pétrole, 2014-2023 pays exportateurs de pétrole Le prix moyen du Brent pour 2018 s’est élevé à 71 dollars le baril, en hausse de 31 % par rapport à l’année précédente (voir la figure 1.2). Cette hausse est principalement intervenue au cours des trois premiers trimestres de l’année. Une demande mondiale robuste, le rétablissement des sanctions américaines sur le pétrole iranien et les perturbations de la production au Venezuela ont contribué à ce redressement qui s’est brusquement interrompu en fin 2018. En raison d’une production particulièrement élevée des États-Unis et de l’Arabie saoudite et des exemptions de sanction sur le pétrole iranien accordées par les États-Unis à de gros consommateurs comme la Chine et l’Inde, le prix du Brent a perdu 37 % au cours des 12 dernières semaines de 2018. Début 2019, le prix du baril était de l’ordre de 53 dollars, très en retrait par rapport au prix moyen de 2018. En janvier 2019, des réductions volontaires de l’offre sont entrées en vigueur, à l’initiative de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et de la Russie. Ces réductions ont atténué la pression liée à la hausse de la production des États-Unis et ont provoqué un rebond du prix du baril qui est monté à 65 dollars le 5 mars, soit une progression de 23 % par rapport au 1er janvier. Le marché table sur une stabilisation du prix du pétrole autour de 65 dollars le baril sur le reste de 2019. Les pays exportateurs de pétrole de la région MENA, dont les exportations sont dominées par le pétrole et le gaz, devraient connaître une croissance modeste de 0,9 % en 2019, freinée par le ralentissement attendu de l’économie iranienne. Ce ralentissement devrait être plus que compensé par les améliorations attendues du côté des membres du CCG et des pays en développement exportateurs de pétrole. La dynamique des prévisions de croissance pour les pays exportateurs de pétrole est partiellement due à la mobilisation de revenus non pétroliers après la chute des cours du pétrole. La mise en place d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans les pays du CCG, l’imposition des expatriés en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis (EAU) et la réduction des subventions pour l’énergie en Iran, en Arabie saoudite et à Oman ont, notamment, donné suffisamment de marge budgétaire à ces pays pour leur permettre d’augmenter leurs investissements dans des activités non pétrolières, en particulier la construction. Les activités de construction devraient se poursuivre après la remontée du prix du pétrole, en particulier dans les pays du CCG. D’un autre côté, il n’est pas garanti que les réductions de production entraînent un accroissement des recettes pétrolières. Si une augmentation du prix en lien avec les réductions de la production ne surcompense pas la diminution des volumes produits, il est possible que les recettes n’augmentent pas. Par rapport aux prévisions d’octobre, le taux de croissance des pays exportateurs de pétrole a été réduit de 1,0 point de pourcentage en moyenne, sous l’influence de la révision à la baisse des perspectives iraniennes. 6 Conseil de coopération du Golfe Dans les pays du CCG, la croissance devrait atteindre 2,1 % en 2019, soit une hausse de 0,1 % par rapport à 2018, année pendant laquelle elle a repris après une contraction de 0,2 % en 2017 due à des réductions de la production et des cours amorphes du pétrole. Cette reprise est partiellement et indirectement le résultat de politiques qui ont diminué la dépendance du CCG vis-à-vis des revenus pétroliers. Les pays du CCG qui peuvent se le permettre ont adopté des plans d’investissement. Les EAU poursuivent leurs investissements dans les infrastructures en préparation de l’Expo 2020. Le Qatar continue ses activités de construction en vue de la Coupe du monde de football 2022. En Arabie saoudite, le projet Vision 2030, incorporé dans le budget expansionniste annoncé récemment pour 2019, prévoit d’intensifier les activités non pétrolières et de diversifier l’économie en augmentant les investissements. Les réformes budgétaires mises en place précédemment commencent à porter des fruits sous la forme de marges de manœuvre budgétaires qui permettront d’appuyer des dépenses d’investissement devant stimuler la croissance à court terme. Pays en développement exportateurs de pétrole En moyenne, le PIB des pays en développement exportateurs de pétrole de la région MENA devrait baisser de 0,9 % en 2019, à la suite de la contraction de 0,3 % enregistrée en 2018. Néanmoins, dans ce groupe, les prévisions de croissance varient selon les pays. Tandis que l’on attend un fort repli en Iran, des expansions notables sont prévues en Iraq et au Yémen. En Iran, le PIB réel devrait connaître une nouvelle année de récession, avec un taux de -3,8 % pour 2019 après une contraction de 1,6 % en 2018 sur fond de baisse de la production de pétrole partiellement imputable aux sanctions américaines. Dans le même temps, la guerre étant achevée et un nouveau gouvernement ayant été formé, l’Iraq devrait afficher une croissance de 2,8 % en 2019, après un ralentissement de 1,7 % en 2017 et une modeste reprise de 0,6 % en 2018. Les dépenses de reconstruction pourraient doper l’économie dans les années qui viennent. Tablant sur un scénario de recul de la violence malgré des risques toujours élevés, les économistes de la Banque mondiale attendent une reprise rapide au Yémen. Perspectives de croissance des pays importateurs de pétrole Du côté du groupe des pays importateurs de pétrole, une croissance de 4,0 % est attendue en 2019, en légère hausse par rapport aux 3,8 % enregistrés en 2018, année qui a vu un retour des touristes dans la région (en particulier en Égypte et en Tunisie). La reprise du tourisme a contribué à réduire légèrement les déséquilibres commerciaux et les déficits courants. La performance économique attendue des pays importateurs de pétrole est étroitement liée à l’évolution des riches économies pétrolières voisines, en particulier celles du CCG. Les entrées de capitaux associées au rebond des pays exportateurs de pétrole de la région, ainsi qu’aux exportations, aux IED et aux envois de fonds, ont eu des effets positifs. Si ces résultats induits sont assortis d’une certaine incertitude liée au cours du pétrole, le fait de s’appuyer davantage sur des fonds provenant d’institutions internationales comme le Fond Monétaire International pourrait, à court terme, contribuer à atténuer cette vulnérabilité (Economist Intelligent Unit, 2018). La Banque mondiale voit dans l’Égypte l’un des pays importateurs de pétrole les plus performants de la région, avec une prévision de croissance à 5,5 % pour 2019, un record depuis 2008. Ce taux 7 est soutenu par une hausse de la production de gaz naturel, une reprise du tourisme et de plus fortes dépenses d’investissement public. Les recettes générées par la TVA et l’impôt sur le revenu ayant plus que compensé les dépenses, et les subventions ayant été réduites à plusieurs reprises, le déficit budgétaire de l’Égypte s’est resserré au cours des deux dernières années. Son solde budgétaire primaire devrait afficher un excédent de 1,8 % du PIB en 2019. Toutefois, cette embellie des comptes budgétaires s’explique aussi par l’amélioration de la croissance elle-même. La synergie entre croissance et réformes budgétaires devrait se poursuivre à court terme. Le Liban est confronté à des difficultés économiques qui s’expliquent par le poids de sa dette (le ratio de la dette sur le PIB devrait s’établir autour de 151 % en 2019). Son déficit budgétaire global devrait monter à 12,4 % du PIB en 2019, contre 11,5 % en 2018. Environ un tiers des dépenses totales va au service de la dette, ce qui devrait continuer à peser sur l’économie. Toutefois, sur une note positive, le taux de l’emprunt souverain a chuté après que le Qatar s’est engagé à acheter 500 millions de dollars d’obligations libanaises3. L’annonce d’un nouveau gouvernement pourrait encore améliorer la confiance du marché après de récentes inquiétudes économiques, notamment par anticipation de la mise en place prochaine d’un nouveau paquet de réformes budgétaires. La croissance du PIB par habitant dans la région MENA est inférieure à la croissance globale du PIB. Cela s’explique par le fait que cette région connaît l’une des plus fortes augmentations de la population dans le monde. De fait on s’attend à ce que la moyenne pondérée du revenu par habitant accuse un repli de 0,1 % en 2019, dans le prolongement de la contraction de 0,2 % enregistrée en 2018 (voir le tableau 1.1). S’agissant du PIB par habitant, nous prévoyons un léger redressement des économies du CCG en 2019. Oman et le Bahreïn, qui bénéficient tous deux de prévisions de croissance positive du PIB réel pour 2019, devraient néanmoins enregistrer une croissance négative du PIB par habitant, eu égard au fait que leur population augmente de 4 à 5 % par an en raison de l’accroissement du nombre d’expatriés. Les pays en développement importateurs de pétrole devraient enregistrer une hausse de 2,6 % du revenu par habitant contre un repli de 2,4 % dans les pays en développement exportateurs de pétrole, qui est principalement imputable à la baisse de 4,8 % du PIB par habitant attendue en Iran. 3Le rendement des euro-obligations libanaises à 10 ans est passé d’un pic à 11,7 % début janvier à 9,5 % au 1er mars 2019. 8 Perspectives et risques pour 2020-2021 Figure 1.3 Courbes de rendement du marché À moyen terme, la Banque mondiale obligataire américain prévoit, dans la région MENA, une progression du PIB réel de 3,4 % en 2020 et 2,7 % en 2021. Cette amélioration par rapport aux taux précédents s’explique en partie par les réformes entreprises pour diversifier l’économie et renforcer l’environnement des affaires (World Bank, Doing Business 2019). Les pays importateurs de pétrole occupent le peloton de tête de la croissance avec un taux attendu de 4,7 % du PIB réel d’ici fin 2021. Parmi eux, Djibouti devrait connaître une forte croissance tout au long de la période considérée, et atteindre un taux de 8,0 % en 2021 à la faveur des investissements publics qui visent à faire du pays un pôle régional pour le commerce, la logistique et le numérique. Concernant le PIB par habitant, la région MENA devrait reprendre 1,8 % en 2020 et 1,3 % en 2021 (tableau 1.1). Quoi qu’il en soit, la modeste reprise de la région MENA ne suffira pas à infléchir la faiblesse persistante de la croissance du PIB par habitant. En effet, il y a peu de chances que les facteurs externes puissent, à eux seuls, tirer la croissance de sa léthargie. Les prévisions du prix du baril de Brent tournent autour de 60-65 dollars pour les cinq prochaines années (courbe rouge sur la figure 1.2), sous réserve de risques baissiers tels qu’un ralentissement de l’économie en Chine et en Union européenne et une augmentation soutenue de la production américaine, laquelle a atteint un volume record de 12 millions de barils par jour en janvier 2019 (selon l’Energy Information Administration). Du côté des facteurs pouvant entraîner une hausse du prix du pétrole, citons les sanctions américaines contre l’Iran et le Venezuela qui restreignent l’accès de ces pays au marché international et les risques de perturbations de l’offre dans d’autres grands pays producteurs comme la Libye. Ces risques pourraient limiter l’offre de pétrole à l’échelle mondiale et provoquer une hausse des prix à demande constante. L’on a constaté une certaine volatilité des prix au comptant et des attentes des marchés en matière de prix du pétrole brut. Une grande incertitude subsiste, comme le montrent les récentes fluctuations des prévisions des prix (voir la figure 1.2). Il est donc possible que les taux de croissance des pays de la région MENA changent en fonction de ce facteur. Toutefois, compte tenu des informations disponibles au moment de la rédaction du présent rapport, les prix du pétrole devraient rester stables et n’avoir que peu d’effet sur les prévisions de croissance pour 2020-2021 dans la région. Resserrement des marchés financiers mondiaux : Le resserrement de la politique monétaire des États-Unis a fait grimper le rendement des bons du Trésor américain (voir la figure 1.3) qui déterminent le prix des obligations souveraines des pays de la région MENA. Cette conjoncture 9 pourrait entraîner une augmentation du coût des emprunts extérieurs pour la région, même si la pression haussière sur les taux d’intérêt s’est relâchée en janvier 2019. Il y a là un risque de dégradation pour les économies de la région MENA dont les émissions d’obligations ont augmenté depuis début 2016 — en particulier parmi les pays exportateurs de pétrole — pour faire face aux besoins financiers considérables nés de la chute du prix du pétrole. Si les émissions d’obligations ont progressivement diminué avec la remontée du prix du pétrole, elles sont restées robustes tant chez les membres du CCG que dans les pays importateurs de pétrole. Alors qu’on prévoit que le ratio de la dette extérieure brute sur le PIB atteindra 30 % en moyenne dans la région MENA et 40 % pour les pays du CCG en 2021 (Focus Economics, 2019), la croissance économique des pays exportateurs et importateurs de pétrole sera plus vulnérable aux chocs extérieurs sur leurs conditions financières. D’un autre côté, l’inclusion de cinq pays de la région dans l’Indice J.P. Morgan des obligations sur les marchés émergents (EMBI) devrait attirer des capitaux d’investisseurs obligataires internationaux. Sur une période de neuf mois à compter de janvier 2019, les émetteurs d’obligations souveraines et quasi souveraines d’Arabie saoudite, du Qatar, des EAU, de Bahreïn et du Koweït seront progressivement pris en compte dans la construction des indices EMBI Global Diversified et EMBI Global (J.P. Morgan, 2019). Ensemble, ces cinq économies représenteront à terme 12 % environ de ces deux indices, ce qui pourrait augmenter considérablement la demande d’obligations souveraines du CCG — celles-ci devenant plus négociables — en particulier pour l’investissement de fonds indiciels (IMF, 2018b). Une plus grande transparence pourrait aussi accroître la confiance des investisseurs et faciliter d’avantage l’accès de ces pays aux marchés financiers mondiaux. Ralentissement dans l’Union européenne, aux États-Unis et en Chine : Un ralentissement de l’économie est prévu du côté des principaux partenaires commerciaux des pays de la région MENA. Les causes de ce ralentissement sont liées à diverses incertitudes dues à des tensions commerciales internationales entre l’UE, les États-Unis et la Chine, à l’essoufflement des stimulations budgétaires aux États-Unis et au resserrement de la politique macroéconomique aux États-Unis (World Bank, 2019b). La zone euro est le principal partenaire commercial de la région MENA, et surtout des pays du Maghreb (voir le tableau 1.3). Sur la base des statistiques commerciales de 2016, les exportations brutes vers la zone euro représentaient jusqu’à 26 % du PIB pour la Tunisie et 16 % pour le Maroc. Le taux de croissance réel de l’Union européenne devrait continuer à diminuer jusqu’en 2021 (World Bank, 2019b). Par ailleurs, le taux de croissance du PIB des États-Unis devrait également fléchir, passant de 2,9 % en 2018 à 1,6 % en 2021. Malgré des politiques budgétaires et monétaires favorables à la demande qui visent à compenser les effets négatifs des hausses des tarifs douaniers, la croissance en Chine devrait ralentir, passant d’un taux estimé à 6,5 % en 2018 à un taux encore robuste de 6,2 % en 2019 pour descendre à 6,1 % en moyenne en 2020-2021. 10 Tableau 1.3 Part des exportations des pays de la région MENA sur les grands marchés en % du PIB (2016) Source : Calculs des auteurs à partir des Indicateurs du développement dans le monde et de la base de données Comtrade de l’ONU. Note : En raison du manque de données, toutes les informations relatives aux exportations proviennent des déclarations des marchandises importées par les partenaires commerciaux des pays de la région MENA, notamment les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et l’Inde. La « Part des exportations dans le PIB » correspond aux exportations réalisées par le pays MENA vers le partenaire en pourcentage du PIB de chacun des pays de la région. La « Part des exportations totales » fait référence à la part des exportations réalisées vers le partenaire en pourcentage des exportations totales du pays en 2016. Pour l’Union européenne, les pondérations correspondent aux exportations brutes entre les pays de la région MENA et l’Europe (UE27) tirées de Comtrade. À mesure que les économies des grands partenaires commerciaux des pays de la région ralentissent, la demande d’exportations en provenance de ces derniers va probablement faiblir. Un nouvel indice de la demande extérieure calculé par le MNACE met en évidence une baisse tendancielle de la croissance de la demande attendue sur les cinq prochaines années4. La figure 1.4 illustre l’indice du MNACE pour les pays du CCG, les PEP et les PIP. Sur la période de prévision, les pays importateurs de pétrole, ceux du Maghreb en particulier, seront les plus durement touchés en raison de leur lien étroit avec l’économie européenne au ralenti. Par exemple, la croissance annuelle de la demande d’exportation de la Tunisie devrait diminuer de 1,9 % en 2018 à 1,5 % en 2021, et de plus encore par la suite, pour atteindre 1,4 % en 2023, en raison de la contraction de l’économie européenne. 4Pour chacun des pays de la région MENA, l’augmentation de la demande d’exportation attendue est exprimée par la moyenne pondérée de la croissance attendue de la demande intérieure de ses partenaires commerciaux, sur la base des projections des Perspectives de l’Economie Mondiale (World Economic Outlook, IMF), la pondération reposant sur la part des exportations du pays de la région vers le partenaire en pourcentage des exportations totales de ce pays pour 2016. Les principaux partenaires commerciaux sont les États-Unis, la Chine, l’UE et l’Inde. L’indice est ensuite normalisé au niveau de 2016 pour accentuer les variations ultérieures. 11 Figure 1.4 Croissance attendue de la demande d’exportation de la région MENA Source : Calculs des auteurs à partir des données des Perspectives de l’ Economie Mondiale (WEO, IMF) et de la base de données Comtrade de l’ONU. D’un point de vue plus général, les résultats de nos modèles de croissance potentielle montrent qu’historiquement (sur la base de séries temporelles remontant aux années 90), les facteurs externes expliquent en moyenne 28 % de la croissance de la région MENA, dans une fourchette allant de 4,3 % pour le Maroc à 61 % pour les EAU5. La figure 1.5 illustre les différences entre les taux de croissance prédits pour cinq facteurs externes et les taux de croissance réels, ainsi que les limites supérieures et inférieures des estimations pour les trois groupes de pays de la région MENA. Pour les dernières années, on constate que seul le groupe des pays du CCG affiche des performances inférieures à celles attendues en fonction des déterminants externes de la croissance. Le groupe des autres pays exportateurs de pétrole affiche des performances supérieures aux attentes, tandis que celui des pays importateurs de pétrole est conforme aux prédictions des modèles. Figure 1.5 Croissance de la région MENA par rapport à la croissance potentielle exogène (%) Source : Modèle de croissance exogène, Bureau de l’économiste en chef pour la MENA, sur la base des données des Indicateurs du développement dans le monde et des Perspectives de l’Economie Mondiale (WEO, IMF), 1990 -2017. 5 Ce modèle de régression calcule la croissance de chaque pays de la région MENA par rapport aux cinq facteurs déterminés, à savoir la variation des prix des produits de base (pondérée par les exportations nettes de chaque pays), les taux de croissance des États-Unis, de l’Union européenne et de la Chine, et l’évolution des taux d’intérêt aux États - Unis. 12 En dépit de la modeste embellie attendue Figure 1.6 Quête de croissance dans la région pour 2019-2021, le taux de croissance de la MENA région MENA restera relativement faible, non seulement par rapport au reste du monde, mais aussi en comparant la performance de chacun des pays avec celle de l’économie médiane (typique) dans la catégorie de revenu à laquelle le pays concerné appartient. Cela est particulièrement vrai pour les pays en développement de la région qui importent du pétrole. La figure 1.6 illustre les taux de croissance moyens du PIB par habitant de chacun des pays de la région (représentés par des losanges bleus). Elle montre aussi le taux de croissance médian de leur catégorie de revenu (représenté par une ligne horizontale rouge). Tandis que la moitié des économies du CCG ont progressé plus rapidement que leurs pairs entre 2011 et 2014 (quand les prix du pétrole étaient encore élevés), elles devraient toutes connaître une croissance plus lente qu’un pays à revenu élevé typique durant la période 2018-2021. Tous les pays à revenu intermédiaire supérieur de la région, à l’exception de la Libye, devraient aussi afficher une performance inférieure à celle d’un pays à revenu intermédiaire supérieur typique. La plupart des pays à revenu intermédiaire inférieur de la région affichent des performances inférieures aux attentes depuis 2011, et seuls Djibouti et l’Égypte devraient surpasser le pays médian de ce groupe à court terme. Le chapitre suivant s’intéresse à la relation entre cette croissance historiquement atone et la persistance de déséquilibres extérieurs parmi les économies de la région MENA. 13 14 Chapitre 2 : Soldes des transactions courantes et productivité globale du travail dans la région MENA Points clés du chapitre 2 • Entre 2015 et 2017, les soldes des transactions courantes se sont davantage dégradés dans la région MENA que dans toute autre région. • La dégradation générale des soldes extérieurs a limité la capacité de la région à faire circuler l’épargne des pays exportateurs de pétrole à revenu élevé vers les pays en développement qui affichent des déficits courants persistants. • Dans plusieurs pays, les fondamentaux n’expliquent pas ces déficits courants. • La politique budgétaire n’est pas un instrument suffisamment puissant pour réduire les déséquilibres extérieurs observés dans certaines économies ; des réformes structurelles capables de stimuler la productivité globale du travail sont nécessaires d’urgence, même si la région n’est que faiblement exposée au risque d’un retournement soudain des flux de capitaux. En plus d’une croissance économique comparativement faible, bon nombre de pays de la région présentent un déficit commercial et un déficit courant persistants6. Les pays importateurs de pétrole sont nombreux (Liban, Djibouti, Maroc, Jordanie, Tunisie, Égypte) à accuser d’importants déficits commerciaux et courants depuis plus de dix ans (figure 2.1). En raison des envois de fonds et des dons, les déficits courants sont généralement plus importants que les déficits commerciaux. En revanche, les pays exportateurs de pétrole de la région MENA présentent traditionnellement des excédents courants substantiels, même si la situation a changé ces dernières années. 6 La balance des paiements courants se définit comme la somme de la balance commerciale (exportations moins importations de biens et services), du revenu net de l’extérieur et des transferts courants nets. Les envois de fonds et les dons sont souvent comptabilisés comme des éléments du compte courant, ce qui explique les grandes différences entre le compte courant et la balance commerciale signalées par les pays qui reçoivent d’importants flux de transferts de fonds et de dons. Sur les normes d’information applicables à la balance des paiements, voir IMF (2010). 15 Figure 2.1 Balance commerciale et solde courant moyens des pays de la région MENA, 2000-2017 Source : Calculs des auteurs sur la base des données des Perspectives de l’Economie Mondiale (WEO, IMF) et des Indicateurs du développement dans le monde. Les soldes courants sont en baisse Figure 2.2 Baisse des soldes courants dans la région dans la région MENA. Cette baisse, MENA qui concerne tous les groupes de pays (voir la figure 2.2), est particulièrement sensible chez les membres du CCG. Le solde moyen des transactions courantes des pays du CCG, qui affichait un confortable excédent de 16,5 % du PIB entre 2000 et 2014, est devenu légèrement déficitaire durant la période 2015-2017, à -0,7 % du PIB. Cette évolution pourrait avoir des répercussions sur le financement des déficits courants d’autres pays de la région (ainsi que sur les besoins de financement de leurs secteurs publics) à l’avenir. En outre, c’est dans la région MENA qu’on a observé la baisse la plus spectaculaire des soldes courants ces dernières années. La Source : Calculs des auteurs sur la base des données des Perspectives de figure 2.3 présente le solde total des l’économie mondiale du FMI. transactions courantes en 16 pourcentage du PIB pour six régions. Le solde courant de la région MENA est passé d’un excédent de l’ordre de 15 % du PIB en 2011 à un déficit de près de 5 % du PIB en 2015 et 2016 — même si une amélioration a été constatée en 2017. Selon les prévisions de la Banque mondiale, cette embellie se poursuivra sur la période 2018-2021, mais restera modeste (voir le tableau 1.1). Figure 2.3 Dégradation du solde courant dans la région MENA dans une perspective comparative, 1995-2017 Source : Calculs des auteurs sur la base des données des Perspectives de l’économie mondiale du FMI. Note : Les courbes représentent le solde courant moyen des groupes de pays en pourcentage du PIB. Ces déficits courants persistants peuvent s’avérer insoutenables à la longue. Le concept très proche de position extérieure nette, représente le stock d’actifs correspondant aux investissements réalisés à l’étranger moins le stock d’actifs domestiques détenus par les étrangers. Quand un pays a une position extérieure nette négative, cela signifie que la valeur des actifs nationaux détenus par des étrangers sur son sol est supérieure à celle des actifs qu’il détient à l’étranger. En principe, une économie ne peut pas garder une position extérieure nette négative en permanence ; une trajectoire baissière de cette position pourrait être impossible à soutenir. Les données relatives à la position extérieure nette, introduites d’abord par Lane et Milesi-Ferretti (2007) et disponibles jusqu’en 2015, montrent une baisse constante de la position extérieure nette des pays importateurs de pétrole. Ce sont ces pays qui affichent continuellement des déficits courants importants. En revanche, la position extérieure nette des pays du CCG et des autres pays exportateurs de pétrole s’est améliorée jusqu’en 2015, grâce aux excédents courants accumulés les 17 années précédentes. Bien que les données ne soient pas disponibles pour les années suivantes, il est probable que la position extérieure nette des pays membres du CCG et des autres exportateurs de pétrole se soit orientée à la baisse après 2015, au moment de la chute du prix du pétrole. En fait, la figure 2.4 montre que la position extérieure nette des pays du CCG a tendance à s’aplanir en territoire positif tandis que celle des autres pays exportateurs de pétrole amorce une baisse tout en restant positive, dans l’hypothèse que la valorisation des actifs étrangers au prix du marché reste constante après 2015. Les pays importateurs de pétrole quant à eux restent dans le rouge et s’enfoncent même davantage dans une trajectoire baissière qui devrait perdurer tout au long de la période de prévision jusqu’en 2021. Il est donc utile de se demander si la politique budgétaire est, à elle seule, en mesure d’améliorer les soldes de transactions courantes et d’infléchir la trajectoire de la position extérieure nette des pays de la région. Figure 2.4 Positions extérieures nettes dans la région MENA Soldes budgétaires et soldes courants dans la région MENA Les soldes des transactions courantes et des finances publiques de la région MENA n’ont cessé d’être déficitaires depuis 2015 au moins (voir la figure 2.5). Toutefois, leur covariation est plus faible dans certains pays de la région que dans d’autres (voir la figure 2.6). Le Liban constitue un cas extrême à ce titre, les deux soldes affichant une corrélation négative sur la période 2000-2017, avec un coefficient de corrélation de -0,14. Pour le Maroc, ce coefficient est de -0,04. À l’autre extrémité du spectre, le solde courant et le solde budgétaire ont évolué quasiment de concert dans certains pays, avec un coefficient de corrélation de 0,95 pour l’Arabie saoudite et de 0,94 pour l’Algérie et Oman. Il est intéressant de noter que la corrélation entre solde budgétaire et solde courant a tendance à être plus forte pour les pays exportateurs que pour les pays importateurs de pétrole. La question la plus fondamentale concerne les mécanismes économiques expliquant cette covariation entre soldes courants et budgétaires. 18 Figure 2.5 Doubles déficits de la région MENA, 2000-2017 Figure 2.6 Corrélations entre solde courant et solde budgétaire dans la région MENA, 2000- 2017 19 D’un point de vue conceptuel, le solde budgétaire correspond au taux d’épargne net du secteur public tandis que le solde courant exprime le taux d’épargne net de l’ensemble de l’économie englobant les secteurs public et privé. Une corrélation positive entre ces deux soldes dénote l’un des trois scénarios suivants : • Un secteur privé relativement restreint, de sorte que l’épargne publique détermine l’épargne globale, générant ainsi une corrélation positive très élevée ; • Une évolution indépendante de l’épargne publique et de l’épargne privée, de sorte que les améliorations observées au niveau du solde budgétaire se répercutent sur le solde courant, mais dans une faible mesure ; • Une covariation des taux de l’épargne privée et publique, de sorte que la corrélation soit à la fois positive et proche de 1. Ce dernier scénario est probable dans les situations où les politiques budgétaires ont un important effet multiplicateur, c’est-à-dire lorsque l’amélioration du solde budgétaire se traduit par une diminution de la consommation privée (ou lorsque l’aggravation des déficits publics entraîne une hausse de la consommation privée). Lorsque la corrélation est élevée, les efforts d’assainissement des finances publiques ont aussi tendance à réduire les déséquilibres extérieurs. En revanche, une corrélation négative ou même faiblement positive peut être due à une covariation systématique entre l’épargne du secteur public ou le solde budgétaire et la consommation privée ou la désépargne. Dans le cas où le solde courant et le solde budgétaire n’ont pas une évolution étroitement coordonnée (comme au Liban, au Maroc, en Jordanie ou à Djibouti), les responsables de l’action gouvernementale pourraient avoir intérêt à stimuler davantage la productivité globale du travail pour réduire progressivement leur déficit courant. Il ne faut pas perdre de vue que les fluctuations de la consommation privée par rapport au solde budgétaire vont déterminer l’effet des politiques budgétaires sur le compte courant. La corrélation entre solde budgétaire et solde extérieur est exposée à des influences qui ne sont pas exclusivement économiques. Il peut, notamment, y avoir une faible corrélation entre le solde budgétaire et le solde courant de l’administration centrale dans des économies disposant de grandes entreprises publiques et/ou d’entités publiques infranationales dont les bilans ne sont pas pris en compte dans les comptes budgétaires de l’administration centrale et qui n’évoluent pas en parallèle de ceux-ci. Dans les exemples qui suivent, nous considérons que les questions d’information financière et de comptabilité ne constituent pas un facteur à prendre en compte. 20 Pour illustrer l’effet de la consommation privée sur Figure 2.7 Solde budgétaire, solde les covariations des soldes budgétaire et courant, courant et consommation des ménages nous allons examiner la situation de trois pays de la au Liban, en Égypte et en Arabie région : le Liban (où la corrélation actuelle entre saoudite, de 2000 à 2018, en % du PIB solde courant et solde budgétaire est la plus faible), l’Arabie saoudite (corrélation la plus élevée) et l’Égypte (corrélation tout juste inférieure à la médiane). En ce qui concerne le Liban, le solde courant et le solde budgétaire ont commencé à diverger vers 2008 (voir la figure 2.7). Même si le solde budgétaire s’est légèrement amélioré dans l’intervalle, la consommation privée a continué à augmenter, aggravant encore les déficits courants. À l’autre extrémité, en Arabie saoudite, le solde courant et le solde budgétaire ont évolué de concert parce que la consommation publique et privée augmente et baisse en même temps. En Égypte, ces deux soldes ont évolué tantôt en sens opposé, tantôt dans le même sens. Dans le cas de l’Égypte, on constate une relation frappante entre l’évolution de la consommation des ménages et celle du solde des transactions courantes. Entre 2000 et 2004, lorsque la consommation des ménages a chuté, le solde courant s’est amélioré. Entre 2006 et 2018, lorsque la consommation des ménages a repris, le solde courant a plongé en zone négative. De fait, le solde courant a continué à baisser, y compris après un début d’amélioration du déficit budgétaire, précisément parce que la consommation privée a plus que neutralisé le redressement des comptes budgétaires. En somme, en raison de la diversité des expériences associées à l’évolution de la consommation privée et des résultats budgétaires, la région MENA affiche un large éventail de corrélations entre soldes budgétaire et courant. À moyen terme, il est donc possible que, dans certains pays de la région, les mesures d’assainissement des finances publiques n’aient qu’un effet limité sur le solde courant, en particulier dans les pays importateurs de pétrole (voir la figure 2.6). Par conséquent, les ajustements progressifs des déficits Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement courants pourraient, dans ces pays, exiger dans le monde d’urgence des réformes structurelles capables d’accroître la productivité globale du travail. 21 Éléments déterminants du compte des transactions courantes Comme indiqué plus haut, une question clé reste sans réponse : quels sont les moteurs fondamentaux du compte des transactions courantes ? Le prix des produits de base, du pétrole en particulier, en est-il un élément essentiel ? La présente sous-section s’intéresse à la mesure dans laquelle la situation des comptes courants de la région est influencée par les fondamentaux à long terme et les facteurs externes des différents pays, notamment les prix des produits de base, et les conséquences politiques qui en résultent. Si une large part des déficits courants de la région s’explique par les fondamentaux à long terme et ces facteurs externes, une action des pouvoirs publics pourrait s’avérer superflue, les déficits eux-mêmes étant considérés comme soutenables. Dans le cas contraire, si une large part des déficits courants de la région ne s’explique pas par ces fondamentaux à long terme et ces facteurs externes, des mesures pourraient être nécessaires pour réduire les déficits excessifs et les rapprocher d’un niveau justifié par les fondamentaux à long terme. Le Bureau de l’économiste en chef pour la région MENA (MNACE) a mis au point un modèle pour illustrer la relation entre le compte courant et les fondamentaux d’un pays. En règle générale, les fondamentaux peuvent avoir un effet sur le compte courant tel qu’ils influencent l’épargne nationale ou la différence entre la valeur de la production et la consommation intérieure (appelée « absorption intérieure »). Tout facteur qui accroît plus la production que la consommation est susceptible d’améliorer le compte courant. En phase avec la littérature scientifique, les fondamentaux inclus dans le modèle comprennent la démographie (ratios de dépendance et vitesse de vieillissement), l’évolution attendue de la croissance économique, la productivité relative et l’exposition aux fluctuations des prix des produits de base7 : • Démographie et épargne. La composition de la population d’un pays peut avoir une incidence sur l’équilibre entre le revenu national et la consommation, ou l’épargne, et donc le compte courant. Plus précisément, l’épargne nationale augmente en même temps que les ratios de dépendance baissent, ce qui améliore le compte des transactions courantes. L’ampleur de l’épargne associée à un plus petit nombre d’enfants ou à un plus petit nombre de personnes âgées dépendantes étant variable, le modèle inclut deux ratios de dépendance démographique. La dépendance des jeunes correspond au rapport entre le nombre des enfants (de moins de 15 ans) et celui des personnes en âge de travailler (15-64 ans). La dépendance des personnes âgées correspond au rapport entre le nombre des personnes âgées (de plus de 64 ans) et celui des personnes en âge de travailler. La vitesse de vieillissement est la dernière variable utilisée pour la démographie. Elle correspond à la variation annuelle du ratio de dépendance des personnes âgées. Lorsque ce ratio varie rapidement, l’épargne familiale peut augmenter pour anticiper les futures dépenses associées aux personnes âgées. Une amélioration des comptes des transactions courantes est donc plausible dans les pays où la population vieillit rapidement (par rapport au reste du monde). Les statistiques démographiques, y compris les projections, tiennent compte des réfugiés qui représentent une large part de la population dans des pays comme le Liban ou la 7 D’autres études menées dans ce domaine, comme celle du FMI (IMF, 2013) comprennent une liste de fondamentaux plus longue. Le présent rapport tient compte des fondamentaux qui ont tendance à ne pas être influencés par l ’évolution à court terme de la situation économique. 22 Jordanie. La Division de la population de l’ONU intègre les données relatives à la migration dans ses estimations et prévisions démographiques globales. Ces estimations incluent les flux entrant et sortant de réfugiés (United Nations, 2017). • Prévisions de croissance et épargne intérieure. Quand un pays s’attend à une accélération de sa croissance économique, il aura tendance à creuser son déficit courant parce qu’il pourra utiliser les futures ressources dégagées par la croissance attendue pour financer l’investissement ou la consommation d’aujourd’hui. Le modèle inclut une variable indicative de l’accélération de la croissance attendue qui repose sur les données historiques des prévisions du FMI. • Productivité globale du travail et épargne nette. La productivité globale du travail correspond simplement au rapport entre le PIB et la population en âge de travailler. Les pays qui présentent une plus forte productivité du travail ont généralement une épargne intérieure plus élevée. Ainsi, sauf dans le cas où les améliorations de la production par travailleur s’accompagnent d’augmentations disproportionnées de la consommation intérieure, les améliorations de la productivité globale du travail entraînent un redressement du compte courant. Le modèle utilise le ratio décalé de la production d’une écono mie (mesuré en termes de parité de pouvoir d’achat ou PPA) sur le volume de sa population active par rapport aux États-Unis (ce pays étant censé marquer la « limite » de la productivité la plus élevée). Toutefois, si des capitaux entrent dans des économies moins productives, il est possible que ces flux puissent être associés à une dégradation du compte courant, car ils dopent la consommation et l’investissement intérieurs. Par conséquent, l’impact de la productivité sur le solde courant peut lui-même dépendre de la liberté des mouvements de capitaux. C’est la raison pour laquelle le modèle tient compte de l’interaction entre l’ouverture du compte de capital et la productivité relative du travail. • Prix des produits de base et balance commerciale. La balance commerciale est sensible aux fluctuations des prix des produits de base. Lorsque les prix montent, la balance commerciale s’améliore dans les pays exportateurs nets de produits de base et se dégrade dans les pays importateurs nets. En revanche, lorsque la balance commerciale varie, le solde des transactions courantes varie également. Le modèle tient donc aussi compte des prix et de l’équilibre des échanges de produits de base. Cette variable est particulièrement pertinente dans les pays de la région MENA dont bon nombre sont de grands exportateurs de pétrole et d’importants importateurs de produits alimentaires. De la même manière, si les prix alimentaires augmentent, la position du compte courant des pays importateurs de nourriture risque de se détériorer. Par exemple, l’aggravation du déficit courant en Tunisie en 2007 et 2008, en raison des importations de produits alimentaires, doit être capturée par cet indice. • Régimes de change. Les régimes de change fixes sont exposés à des décalages par rapport aux taux de change réels, ce qui a des répercussions sur le compte courant. Le taux de change réel pourra, par exemple, être sous-évalué dans les périodes fastes ou surévalué dans les périodes difficiles en raison de l’impossibilité d’ajuster le taux de change nominal lorsque les prix intérieurs ne réagissent pas rapidement aux variations de la demande. Le modèle MNACE prévoit trois types de régimes de change : parité fixe, parité mobile ou flottement contrôlé, et flottement libre. En outre, la variable du régime de change interagit avec la productivité relative du travail pour évaluer le degré d’influence du régime sur la réaction du compte courant aux variations de la productivité du travail. 23 Le modèle MNACE comprend trois spécifications (voir l’annexe). Dans l’ensemble, les résultats concordent avec les hypothèses énoncées plus haut. De plus, les résultats obtenus avec un modèle auxiliaire relatif aux taux d’épargne nationale laissent penser que les variables explicatives retenues agissent sur le compte courant en influençant l’épargne nationale. La question principale reste, néanmoins, de savoir si les soldes courants observés dans la région MENA s’expliquent entièrement par les fondamentaux. Soldes courants inexpliqués dans la région MENA Huit pays de la région MENA affichent des soldes courants négatifs qui ne s’expliquent pas — c’est-à-dire que les soldes courants prévus sont supérieurs aux soldes effectivement observés. L’élément inexpliqué est calculé sous la forme des résidus de la spécification principale du modèle MNACE, qui représente la différence entre le solde courant effectif et le solde prévu. Nous avons aussi calculé les limites supérieure et inférieure des soldes courants inexpliqués (autrement dit des résidus) pour l’ensemble des pays de la région. Figure 2.8 Huit pays de la région MENA présentent des déficits « inexpliqués » qui ne sont pas imputables aux fondamentaux Source : Calculs des auteurs sur la base du modèle du MNACE pour le solde courant. On peut diviser les pays de la région MENA en deux groupes, en fonction de leurs déficits inexpliqués. Huit pays (Algérie, Bahreïn, Djibouti, Jordanie, Liban, Oman, Qatar et Tunisie) présentaient des soldes courants dont le niveau est, d’un point de vue statistique, sensiblement inférieur aux prévisions (voir la partie gauche de la figure 2.8). En d’autres termes, pour ces pays, les résidus de limite supérieure étaient inférieurs à zéro en 2017. Les pays du second groupe (Arabie 24 saoudite, EAU, Égypte, Iran, Koweït, Maroc, Qatar et Yémen) présentaient des soldes courants effectifs qui n’étaient pas statistiquement inférieurs aux prévisions (voir la partie droite de la figure 2.8)8. Le tableau 2.1 donne les soldes courants effectifs et prévus pour 2017. Tableau 2.1 Soldes courants effectifs et prévus pour 2017 Pays Années Solde Solde courant courant prévu (en % du effectif (en % PIB) du PIB) Algérie 2017 -13,19 -0,99 Bahreïn 2017 -4,53 0,91 Djibouti 2017 -13,80 -5,86 Égypte 2017 -6,31 -3,48 Iran 2017 2,20 -0,66 Jordanie 2017 -10,61 -5,37 Koweït 2017 5,91 5,54 Liban 2017 -22,83 -4,02 Maroc 2017 -3,59 -3,72 Oman 2017 -15,20 -1,30 Qatar 2017 3,85 10,85 Arabie saoudite 2017 2,22 3,85 Tunisie 2017 -10,49 -2,79 Émirats arabes unis 2017 6,92 2,65 Yémen 2017 -3,95 -9,85 Source : Calculs des auteurs à partir des données des Perspectives de l’Economie Mondiale (WEO, IMF) et du modèle MNACE pour le compte courant. Les prévisions relatives aux soldes courants inexpliqués pour la période 2018-2020 sont fondées sur des projections de croissance économique (données tirées de l’édition d’octobre 2018 du Macro Poverty Outlook) et d’évolution démographique (données tirées du World Population Prospects des Nations Unies). Pour ces prévisions, nous supposons que d’autres fondamentaux comme l’ouverture du compte de capital (indice de Chinn-Ito) et l’indice des prix des produits de base restent inchangés, dans la logique des prévisions mentionnées plus haut pour le prix du pétrole. La figure 2.9 donne les prévisions jusqu’en 2020. Pour le premier groupe, les changements attendus du côté de la croissance et de la démographie ne permettront pas de combler les déficits courants. Le modèle prévoit une atténuation des déficits 8 Les estimations du PIB pour le Yémen commencent en 2008. Les données relatives au solde courant inexpliqué de la Libye et de l’Iraq ne sont pas disponibles parce que ces pays ne figurent pas dans l’ind ice de Chinn-Ito (ouverture financière). Les informations relatives au solde courant inexpliqué de la Syrie ne sont pas disponibles pour ces dernières années faute de données sur le PIB en parité du pouvoir d’achat. 25 excessifs inexpliqués des comptes courants sur la période 2018-2020 (voir la figure 2.9, côté gauche), mais, sauf pour Djibouti, les soldes resteront négatifs. Cela signifie qu’à court terme, les évolutions démographiques et les taux de croissance attendus du côté de la productivité globale du travail ne suffiront pas à réduire les déficits excessifs des comptes courants. En outre, dans les pays où la corrélation entre solde budgétaire et solde courant est faible (voir le chapitre 1), les mesures prises pour réduire les déficits et le fardeau de la dette (que l’on désigne par rééquilibrage budgétaire) pourraient ne pas suffire non plus. Il pourrait donc être nécessaire d’engager rapidement des réformes structurelles pour faire en sorte que la productivité du travail augmente plus rapidement que ce qui est prévu actuellement. Les éléments du programme de réforme structurelle sont présentés au chapitre 3. Figure 2.9 Prévisions relatives aux soldes courants inexpliqués Source : Calculs des auteurs sur la base des résultats obtenus avec le modèle du MNACE pour le compte courant. Les pays de la région MENA ne sont pas exposés à court terme à un retournement coûteux de leurs comptes courants Même si les déficits courants actuels sont soutenables, ces pays sont-ils exposés à un risque de retournement coûteux ? Pour répondre à cette question, nous commencerons par définir les retournements de comptes courants et examiner les coûts de production qui y sont associés. Pour identifier dans nos données les pays qui ont enregistré un retournement de compte courant et savoir à quel moment celui-ci s’est produit, nous adoptons la définition proposée par Milesi-Ferretti et Razin (1998), que nous appelons Définition 1. Pour qu’un pays connaisse un retournement du compte courant, il faut que les conditions suivantes soient réunies : 26 • Le déficit moyen du compte courant, trois ans auparavant, est supérieur à 4 % du PIB ; • Le déficit moyen du compte courant est réduit d’au moins un tiers au cours des trois années suivantes ; • Le plus gros déficit après le retournement ne doit pas dépasser le plus petit déficit enregistré durant les trois années précédentes. Les retournements associés à d’énormes découvertes de pétole ne sont pas pris en compte parce que de telles découvertes améliorent la position du compte courant (Arezki et al., 2017). De plus, les retournements qui coïncident avec de forts changements dans les prix des produits de base ne sont pas non plus inclus dans l’analyse. Sur la base de cette définition, nous avons identifié 198 retournements de comptes courants entre 1984 et 2015, dont 10 dans la région MENA. Une autre définition du retournement d’un compte courant, que nous appellerons « définition 2 », a également été prise en compte. Dans cette définition, la première et la troisième condition sont les mêmes, mais la deuxième stipule une réduction moyenne du déficit d’au moins 3 % du PIB. Sur la base de cette définition, nous avons identifié 187 retournements de comptes courants entre 1984 et 2015, dont 15 dans la région MENA. Selon les deux définitions, le solde courant suit une trajectoire d’ajustement similaire (voir la figure 2.10). Les déficits courants s’établissaient à 12 % du PIB en moyenne avant le retournement. Ils ont été ramenés à 4 ou 5 % au moment Figure 2.10 Anatomie des retournements du du retournement, pour ne plus représenter compte courant – Soldes courants que 2 à 3 % du PIB les années suivantes. Un retournement du compte courant peut être onéreux. Il s’accompagne généralement d’un changement de direction des flux de capitaux après une période de vastes déficits du compte courant. La réduction des financements externes impose des mesures d’assainissement. Par exemple, les pouvoirs publics peuvent se trouver contraints de réduire l’investissement public et les programmes sociaux essentiels. De même, les secteurs privés, recevant moins de financements extérieurs, doivent diminuer leurs investissements et licencier. De telles mesures sont susceptibles de nuire à la Source : Calculs des auteurs à partir des données des Perspectives de l’économie mondiale du FMI. croissance et d’engendrer des troubles Note : Le retournement intervient à t = 1 sociaux. 27 Les données mettent en évidence un coût Figure 2.11 Fléchissements de la croissance de production substantiel au moment d’un pendant un retournement du compte courant retournement. La figure 2.11 montre que la croissance moyenne de la production a commencé à faiblir deux ans avant le retournement. Le retournement est effectué au niveau du taux de croissance le plus bas (autour de 3 % selon la définition 1 et de 2,8 % selon la définition 2). En moyenne, la croissance ne rebondit qu’après le retournement9. Il convient de noter que les retournements de comptes courants incluent des épisodes déclenchés par des facteurs externes (comme les « arrêts soudains » de financements extérieurs décrits par Calvo [1998]) qui freinent la croissance et Source : Calculs des auteurs à partir des données des Perspectives de d’autres, déclenchés par des réformes l’économie mondiale du FMI. intérieures, qui la favorisent. On peut donc Note : Le retournement intervient à t = 1 s’attendre à ce que du point de vue de la production, le coût d’un retournement de compte courant dû à des facteurs externes soit plus important que ceux que nous estimons ici. 9 Pour s’assurer que les baisses de croissance associées à des épisodes de retournement du compte courant sont bien dues à ce retournement et non à des tendances observées dans toutes les économies (et pas seulement celles qui connaissent un retournement), des analyses supplémentaires comparent la croissance de la production au moment du retournement à celle d’économies n’ayant pas connu de retournement du compte courant les mêmes années. Des données probantes appuient l’hypothèse qu’au moment d’un retournement, la croissance du PIB est nettement inférieure, d’un point de vue statistique, à celle observée pendant des périodes sans retournement, d’environ 0,73 % (pour la définition 1) et 0,91 % (pour la définition 2). 28 Figure 2.12 Les pays de la région MENA reçoivent plus d’assistance et d’aide publiques que d’autres pays de même catégorie de revenu 29 D’un point de vue statistique, la région MENA semble moins exposée aux retournements de comptes courants que le reste du monde. Selon la définition 1, la probabilité historique d’un retournement dans la région MENA est de 2,0 %, soit moins que la probabilité pour le reste du monde (4,44 %). Aux termes de la définition 2, la probabilité est de 3,03 % pour la région MENA contre 4,02 % pour le reste du monde. Selon un autre jeu de données de crise concernant la période 1970-2011 (Valencia et Laeven, 2012), la probabilité qu’un pays de la région connaisse une crise monétaire, une crise de la dette souveraine ou une restructuration de la dette souveraine est de 4,7 % contre 5,5 % pour le reste du monde. Le compte de capital des pays de la région semble moins exposé aux arrêts soudains parce qu’il est constitué en grande partie par les investissements étrangers directs (IED) et les prêts au titre de l’aide publique qui sont plus stables, et moins d’investissements de portefeuille que les autres pays de groupes de revenu comparables. La figure 2.12 présente les entrées nettes d’IED (donc de l’étranger), les aides publiques et les investissements de portefeuille en pourcentage du PIB pour la région MENA et le reste du monde, par groupe de revenu. Tandis que dans les pays de la région, les entrées d’IED répondent à des schémas semblables à ceux du reste du monde, les pays à revenu intermédiaire inférieur et supérieur de la région reçoivent un niveau sensiblement plus élevé d’aides publiques (illustrées par la courbe bleue) et moins d’investissements de portefeuille (courbe jaune). Les entrées au titre de l’aide publique étant moins volatiles et plus contracycliques (arrivée de montants plus importants en période difficile) que les investissements de portefeuille, les pays les plus pauvres de la région sont moins exposés à des arrêts soudains. Cependant, ils dépendent de l’arrivée régulière d’aides publiques, laquelle n’est pas garantie à long terme. D’où la nécessité de mettre en place tout de suite des réformes pour accroître la productivité, de sorte qu’au fur et à mesure que ces réformes entrent en vigueur, la productivité s’accélère et les comptes courants s’équilibrent progressivement. Le chapitre suivant étudie les différentes composantes de ce programme de réformes structurelles. 30 Chapitre 3 : Des réformes structurelles pour accroître la productivité globale du travail Points clés du chapitre 3 • Dans les pays importateurs de pétrole, il faudra une amélioration substantielle de la productivité du travail pour résorber les déséquilibres extérieurs. • Si l’approche visionnaire du défi numérique est utile, d’autres réformes peuvent s’avérer intéressantes. • En réformant les dépenses budgétaires, on peut à la fois augmenter l’épargne budgétaire et accroître la productivité du travail lorsque des subventions nuisent à la contestabilité des marchés. • En réformant l’organisation du commerce international pour abaisser le coût des échanges au-delà des tarifs douaniers, la région MENA aura la possibilité d’intégrer des chaînes de valeur mondiales en période d’incertitude. • En réformant le marché du travail, on peut favoriser la productivité de la main-d’œuvre tout en procurant un filet de sécurité aux travailleurs déplacés. • En réformant intelligemment les entreprises publiques de réseaux comme l’énergie (et les télécommunications pour le numérique), il est possible d’améliorer leur efficacité et d’accroître la productivité globale du travail. En 2018, la Banque mondiale a appelé les pays de la région MENA à suivre une trajectoire visionnaire et à orienter tous leurs efforts vers un objectif ambitieux, celui de la connectivité numérique. D’ici 2021, les pays qui auront atteint cet objectif ambitieux, mais réalisable, offriront un accès à l’Internet haut débit et la transmission de données par téléphonie mobile 5G ainsi que des systèmes de paiement électronique à la majeure partie de leur population (voir Arezki et Belhaj, 2019 ; Arezki et al., 2018b). Il s’agit là des principaux éléments constitutifs d’une nouvelle économie capable d’accélérer la croissance et d’offrir des possibilités d’emploi décent à une population croissante de jeunes instruits, notamment de femmes. Plus important encore, cette approche visionnaire est susceptible de mobiliser la société civile autour de changements allant bien au-delà des technologies et des communications numériques, en raison précisément du large appui public que ces objectifs ambitieux peuvent susciter. De fait, pour atteindre ces objectifs visionnaires, il faut mener d’urgence des réformes dans le domaine des infrastructures de la communication, mais aussi revisiter la réglementation des communications et des systèmes de paiement. Toutes ces réformes devraient stimuler la concurrence en garantissant la facilité de création et de fermeture d’entreprises dans les secteurs des télécommunications, des données mobiles et des paiements. En marge de l’ambitieux défi numérique, il existe d’autres domaines de la politique économique dans lesquels des réformes sont susceptibles de doper la productivité du travail, et donc de réduire 31 les déséquilibres extérieurs. Pour donner au lecteur un premier aperçu de cet agenda qui, s’il e st peut-être moins mobilisateur que le défi numérique, est bien plus large, nous nous proposons de passer en revue un certain nombre des réformes à mener dans les domaines des finances publiques, du commerce international, des marchés du travail et de la protection sociale ainsi que des entreprises publiques de réseaux. Dans un premier temps, il est important Figure 3.1 Améliorations de la productivité d’évaluer l’ampleur des gains de productivité (en %) nécessaires pour neutraliser les du travail qui seraient nécessaires pour déficits courants prévus en 2017 neutraliser les déficits courants excessifs affichés par les économies de la région, dont certains ne sont pas justifiés par les fondamentaux économiques décrits au chapitre précédent. Sur la base du modèle présenté au chapitre 2, la figure 3.1 illustre les hausses de productivité du travail nécessaires pour neutraliser les déficits courants prévus en 2017. L’effort requis est important pour Djibouti et pour la Jordanie, deux pays qui présentent des déficits élevés et sont relativement plus pauvres que le reste de la région. Des réformes budgétaires pour réduire les déficits extérieurs et accroître la productivité du travail Les réformes budgétaires peuvent avoir un impact direct sur le compte courant, en particulier dans les pays où solde courant et solde budgétaire présentent un taux de corrélation élevé. Les réformes qui génèrent des économies budgétaires et améliorent le solde primaire permettent en effet de réduire les déficits extérieurs. Ainsi, dans les pays qui présentent à la fois un déficit courant et un déficit budgétaire, lesquels montrent une forte corrélation, l’introduction de réformes intelligentes peut aider sur les deux fronts. Sur la base des conclusions des chapitres 1 et 2, l’Algérie et la Tunisie sont d’excellents candidats pour cette approche. S’agissant des économies qui présentent une faible corrélation entre ces deux déficits, des réformes budgétaires intelligentes permettront néanmoins de réduire les déficits courants excessifs en augmentant la productivité du travail (en plus de favoriser l’épargne publique). Cette approche semble tout à fait appropriée à des économies comme celles de la Jordanie et du Liban. Il est possible de diviser cet agenda des réformes budgétaires intelligentes en deux parties, la première portant sur le volet recettes des comptes budgétaires, et la seconde sur la composition des dépenses. Côté recettes, les réformes budgétaires peuvent servir à élargir l’assiette d’imposition en vue d’accroître les revenus. En janvier 2019, Bahreïn a par exemple mis en place une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) assortie d’un taux standard de 5 % et d’exemptions limitées. Le chapitre 1 du présent 32 rapport décrit des réformes fiscales similaires qui ont été menées dans les économies du CCG et qui mériteraient d’être étudiées. On peut aussi citer l’exemple de l’Égypte où la TVA à 13 % introduite en 2016 a entraîné une augmentation de 30 % des recettes fiscales de l’administration centrale l’année suivante. Grâce à ce nouvel impôt, les recettes publiques ont augmenté plus vite que les dépenses et, depuis lors, le ratio du déficit budgétaire sur le PIB a régulièrement diminué chaque année. Certes, les réformes qui reposent essentiellement sur une imposition de la consommation par l’instauration d’une TVA peuvent poser des problèmes de répartition des recettes, mais elles sont efficaces en ce sens qu’un impôt sur la consommation (qui peut être douloureux pour les ménages les plus pauvres) crée moins de distorsions qu’un impôt sur l’investissement ou sur l’emploi. Les prélèvements sur l’investissement et l’emploi risquent en effet d’influer sur les décisions en matière de production tandis que les problèmes de répartition peuvent être compensés par des réformes du système de protection sociale dont nous parlerons plus loin. Quoi qu’il en soit, dans beaucoup de pays, il n’est pas toujours envisageable d’introduire des réformes fiscales reposant sur l’imposition de la consommation. L’idée est de trouver un compromis entre les effets redistributifs et les bénéfices de ces réformes à la fois sur les déficits extérieurs et sur la productivité du travail (laquelle contribue elle-même à réduire les vulnérabilités extérieures). Côté dépenses, la réduction des dépenses publiques peut aider à résorber le déficit budgétaire — ainsi que le déficit courant dans les pays où ces deux types de déficits évoluent de concert. Il n’est néanmoins pas évident que les réformes budgétaires contribuent aussi à accroître la productivité du travail. Les réformes des subventions à l’énergie peuvent avoir un effet positif sur l’épargne budgétaire et la productivité. Dans la mesure où ces subventions aident surtout les grandes entreprises (et celles qui ont des relations politiques), leur réforme peut favoriser la productivité globale du travail. En effet, les subventions énergétiques, qui profitent essentiellement aux grandes entreprises, entraînent une distorsion du coût de la main-d’œuvre par rapport au capital et découragent les activités économiques à forte d’intensité d’emplois. En d’autres termes, elles incitent les grandes entreprises à adopter des techniques de production sous-optimales et, ce faisant, risquent de réduire les possibilités d’emploi ainsi que la productivité globale. Plus grave encore, les subventions qui profitent de manière disproportionnée aux grandes entreprises déjà établies compliquent l’entrée de nouvelles entreprises dans les industries à forte intensité énergétique, ce qui a tendance à maintenir en place des entreprises potentiellement moins productives. 33 En Égypte, par exemple, on a Figure 3.2 Répartition de l’emploi, en fonction de constaté que les subventions à l’intensité énergétique, de la taille et de l’âge des l’énergie versées aux industries à entreprises haute intensité énergétique (lesquelles représentaient l’équivalent de 7,4 milliards de dollars ou 2,9 % du PIB en 2010) créaient des distorsions considérables sur le marché du travail. D’après les résultats du recensement de 2006, les grandes entreprises pourvoiraient la moitié des emplois dans les industries à forte intensité énergétique, mais seulement 23 % dans les industries à faible consommation d’énergie et 24 % dans les secteurs qui consomment moyennement de l’énergie. Les petites entreprises sont ainsi apparues comme la source principale d’emplois dans les secteurs à faible et moyenne consommation d’énergie (63% et 57% respectivement). En outre, les données relatives à l’emploi fondées sur l’âge des entreprises ont montré que dans les industries à forte intensité énergétique, 73 % des emplois étaient fournis par des entreprises anciennes, contre 27 % seulement pour les plus Source : Schiffbauer et al. (2015). jeunes entreprises (voir la figure 3.2). Sur la base de ces données, on comprend pourquoi, lorsque les subventions à l’énergie rendent le coût du travail trop élevé par rapport à celui du capital, les grandes entreprises établies de longue date ne contribuent pas substantiellement à la création d’emplois. Réformes des échanges internationaux en marge des tarifs douaniers Si les impôts sur le commerce international risquent aussi de freiner la productivité globale du travail, ils ont par ailleurs un effet direct sur le compte courant. Toutefois, la moyenne des tarifs étant déjà relativement faible dans la région MENA, il se peut que les gains de productivité associés à des réformes fiscales sur les importations et les exportations aient déjà été réalisés. Sauf en Tunisie, en Algérie et en Égypte, les tarifs douaniers appliqués dans la région sont, en moyenne, 34 peu élevés par rapport à ceux des autres pays de la même catégorie de revenu (voir la figure 3.3, graphique de gauche). Malgré ces tarifs moyens bas, la région MENA participe peu aux chaînes de valeurs mondiales. Sur la figure 3.3, on voit sur le graphique de droite que pour beaucoup de pays de la région, la valeur ajoutée étrangère présente dans les exportations est inférieure aux valeurs enregistrées dans les autres pays de même niveau de développement. La faible participation de la région MENA aux chaînes de valeurs mondiales est imputable au manque de dynamisme de l’environnement logistique, aux barrières non tarifaires et au manque de transparence budgétaire. L’environnement logistique peut être amélioré dans la région. En effet, les indicateurs de performance logistique montrent que de l’efficacité des services douaniers jusqu’aux capacités de suivi, en passant par les délais de franchissement des frontières, il reste beaucoup à améliorer dans de nombreux pays de la région. Les obstacles non tarifaires ont à la fois pour effet de segmenter les marchés et d’augmenter les prix intérieurs des produits concernés10. Par ailleurs, les études de plus en plus nombreuses sur les échanges commerciaux soulignent le lien entre transparence et performance en matière de commerce et d’investissement11. Cette question se pose avec une acuité particulière dans la région MENA à laquelle l’Enquête sur la transparence budgétaire 2017 confère la note régionale la plus basse en matière de transparence et responsabilité budgétaires. La région MENA pourrait créer des opportunités pour les entreprises et les travailleurs en participant de manière plus intégré à la production mondiale. En segmentant des chaînes de production complexes en plusieurs étapes, la phase la plus récente du processus de mondialisation a permis à des pays en développement d’intégrer des chaînes de valeur sans avoir à développer des capacités de production exhaustives dans de multiples secteurs. Les chaînes de valeur mondiales peuvent générer de la valeur ajoutée et créer des emplois dans le monde entier. Elles peuvent également contribuer à réorganiser la production en offrant aux entreprises des possibilités de développement et d’acquisition de connaissances et aux travailleurs de nouvelles perspectives dans d’autres lieux ou secteurs. L’intégration dans les chaînes de production mondiales change la donne dans de nombreux pays en modifiant l’éventail et la nature de leurs entreprises. Alors que les entreprises nationales peuvent bénéficier des avantages associés à l’exportation (à travers de plus grandes opportunités de vente et d’acquisition de connaissances), les rentrées supplémentaires de capitaux et la création d’entreprises par le biais des IE D ont des effets encore plus directs sur les pays en développement. Pour les entreprises nationales des pays en développement, l’accès aux marchés étrangers procure de nombreux avantages. Dans une étude sur les producteurs de tapis égyptiens, Atkin et al. (2017) constatent que les entreprises qui ont eu accès à de nouvelles opportunités d’exportation ont enregistré une augmentation de leurs bénéfices de l’ordre de 16 à 26 % et ont considérablement amélioré leur qualité de gestion par rapport au groupe témoin. Ces conclusions ne reflètent pas simplement le fait que des marges plus élevées leur aient été offertes pour fabriquer des articles de haute qualité qui mettent plus de temps à produire, mais elles mettent en évidence un processus 10 Voir Augier, Cadot, Gourdon et Malouche (2012). 11 Voir Peridy et Ghoneim (2013). 35 « d’apprentissage par l’exportation » qui favorise l’amélioration de l’efficacité technique. En outre, les pays qui exportent vers des pays plus riches enregistrent une augmentation du prix de leurs produits et des biens intermédiaires qu’ils utilisent dans leur production, ce qui laisse penser que les améliorations de la qualité de la production se répercutent aussi en amont de la chaîne de valeur dans les pays en développement12. Figure 3.3 Droits d’importation et valeur ajoutée des exportations dans la région MENA Source : Données de la Banque mondiale, World Integrated Trade Solution, base de données EORA, calculs des auteurs. Note : Le graphique de gauche représente les droits de douane pondérés en fonction des importations, celui de droite la valeur ajoutée étrangère incluse dans les exportations brutes. En réponse à cette réorganisation de la production à la fois à l’intérieur des pays et entre eux, les travailleurs doivent souvent changer de secteur, d’espace et de poste pour que le pays continue d’assurer le plein-emploi. Ce type de mobilité est cependant difficile et coûteux à cause des obstacles réglementaires, des asymétries d’information et des déplacements qu’il impose. De plus, l’expérience acquise dans un secteur n’est pas exactement transférable à un autre, ce qui ne favorise pas la mobilité. Ces coûts, potentiellement élevés, peuvent empêcher un pays de tirer pleinement profit des possibilités offertes sur les marchés extérieurs. Il est clair que ce genre de frictions sur les marchés du travail est susceptible d’accroître les inégalités et de réduire les gains découlant des échanges commerciaux (voir Hollweg et al., 2014 ; Artuc, Lederman et Porto, 2015). Pour profiter pleinement de l’intégration dans la chaîne de production internationale tout en protégeant les travailleurs des déplacements induits par les échanges commerciaux, les pays de la région MENA peuvent agir sur leurs protections sociales afin d’offrir à tous les travailleurs un environnement à la fois souple et sûr. 12 Bastos et al. (2018) 36 Protection sociale et réformes du marché du travail La réglementation du travail, qui vise notamment à protéger l’emploi, impose des coûts aux entreprises et peut, de ce fait, influer sur l’affectation des ressources et donc sur la productivité (Acharya, Baghai et Subramanian, 2013 ; Almeida et Aterido, 2008). Plusieurs études montrent qu’une législation de l’emploi trop rigide limite l’efficacité des flux sur le marché du travail et empêche l’affectation de la main-d’œuvre aux emplois les plus productifs, ce qui nuit à la productivité et à la croissance. Les réglementations strictes en matière de licenciement augmentent les coûts de renvoi des travailleurs, réduisant ainsi le seuil de productivité auquel les entreprises sont disposées à licencier. Au lieu de recruter des travailleurs dont le produit marginal brut à court terme dépasse le salaire sur le marché, les entreprises choisissent de garder des travailleurs improductifs dont le salaire est supérieur à la productivité (Blanchard et Portugal, 2001). Ces distorsions dans les choix de production réduisent indubitablement la mobilité des travailleurs. Elles peuvent aussi inciter les entreprises à substituer le capital à la main-d’œuvre et diminuer ainsi leur productivité (Autor, Kerr et Kugler, 2007). Une réglementation trop stricte peut aussi renchérir le coût associé à la réorganisation de la composition de la main-d’œuvre d’une entreprise, laquelle est une condition importante pour l’adoption de nouvelles technologies et l’augmentation de la productivité (Adhvaryu et al., 2013). De fait, des coûts de recrutement et de licenciement élevés sont associés à des périodes de chômage plus longues et à une mobilité réduite entre différents types de travail (Betcherman, 2012). Plus la réglementation du travail est stricte (en particulier quand elle prévoit de lourdes procédures de licenciement) et plus on a du mal à adopter de nouvelles technologies (Packard et Montenegro, 2017). Les secteurs qui reposent fortement sur les technologies sont moins développés dans les pays dont la réglementation du travail est plus stricte (Bartelsman, Gautier et de Wind, 2016). Les réglementations strictes sont aussi associées à un plus petit nombre de créations et de fermetures d’entreprises (petites notamment) dans les secteurs où la réaffectation des travailleurs est p lus élevée (Botasso et al., 2017). Des constatations similaires sont faites dans les études qui étudient ces mécanismes à l’intérieur des pays (voir par exemple Brambilla et Tortarolo, 2018). 37 Les réglementations onéreuses applicables au marché du travail peuvent aussi faire obstacle à la création d’emplois formels, imposant ainsi un coût élevé non seulement aux entreprises, mais aussi à la société, en ce sens qu’elles excluent de nombreux individus, en particulier les jeunes et les travailleurs peu qualifiés, du marché du travail formel (World Bank, 2012). Or, la productivité est faible dans le secteur informel. Figure 3.4 Indemnités de licenciement pour des raisons Dans les économies émergentes, économiques la productivité des travailleurs (pour un employé ayant une année d’ancienneté, en semaines de salaire) du secteur informel ne représente en moyenne que 15 % de celle des travailleurs du secteur formel (La Porta et Shleifer, 2014). En règle générale, les entreprises du secteur informel n’ont guère, voire pas d’employés rémunérés, assument des tâches à faible productivité et sont généralement à peine rentables. Il est peu probable que ce type d’entreprise contribue à l’accroissement de la productivité. Dans la région MENA, plus de 60 % de la main- Source : World Bank (2019a) d’œuvre est employée dans le Note : Pour Djibouti, la Jordanie, le Liban, la Syrie et les EAU, l’indemnité de licenciement est nulle. secteur informel. Au sein de la région, la réglementation du travail est relativement rigide et présente une importante marge d’amélioration. Le coût d’un licenciement, par exemple, est élevé dans beaucoup de pays de la région. C’est en Algérie qu’il est le plus élevé (voir la figure 3.4) : l’indemnité de licenciement d’un travailleur ayant un an d’ancienneté y atteint 13 semaines de salaire. En comparaison, aux États-Unis, pays qui dispose sans doute d’un marché du travail très souple, ce même travailleur n’aura droit à aucune indemnité de licenciement. En France, pays connu pour ses règles strictes en la matière, le même travailleur touchera une indemnité égale à 1,1 semaine de salaire (Doing Business, 2019). Au-delà de la réglementation du travail, les coûts de main-d’œuvre (prélèvements sur les salaires, par exemple) peuvent aussi nuire à la compétitivité des entreprises. La plupart des pays en développement et des économies développées ont recours aux prélèvements sur les salaires sous la forme de cotisations sociales obligatoires payées par les employeurs pour financer les retraites, les prestations de santé, d’invalidité et de maternité, ainsi que l’indemnisation des accidents du travail. La rémunération des heures supplémentaires, les primes à l’embauche et le salaire minimum sont d’autres exemples de politiques qui influent sur le coût de la main-d’œuvre. Des coûts de main-d’œuvre élevés réduisent les bénéfices, les emplois et la productivité du travail au sein d’une entreprise. Le salaire minimum par exemple, qui est applicable uniformément à toutes les entreprises, indépendamment de leur niveau de productivité, leur région d’implantation et leur secteur d’activité, est susceptible, selon son niveau, d’influer sur la création d’emplois (formels). Il peut aussi avoir d’importantes répercussions sur la répartition des emplois, au détriment des jeunes 38 par exemple. Il s’agit là d’un problème important, car plusieurs pays ont fixé un salaire minimum élevé : dans les pays à faible revenu, le salaire minimum représente en moyenne 85 % de la valeur ajoutée par travailleur, contre environ 53 et 30 %, respectivement dans les pays à revenu intermédiaire et élevé (Kuddo, 2018). La Jordanie et le Liban pourraient envisager de réduire les prélèvements sur les salaires. Pour le moment, en Jordanie, les taux de prélèvement sur les salaires sont progressifs, de 7 à 20 %. Ils sont également progressifs au Liban, où ils varient de 2 à 20 % (PwC, 2018). Comme ce type de mesures implique aussi une réduction des recettes publiques, il convient de les assortir d’autres réformes budgétaires telles que celles exposées plus haut. Le renforcement de l’assistance publique et de l’assurance sociale peut être un élément déterminant pour augmenter la productivité des plus vulnérables, ceux-ci pouvant ainsi prendre plus de risques, mieux gérer ces risques et réaliser des investissements productifs susceptibles de contribuer à une plus grande prospérité partagée. Des réglementations du travail plus équilibrées devraient donc être complétées par des protections accrues en dehors du contrat de travail et par des mesures concrètes destinées à répondre aux besoins des travailleurs du secteur informel. Il est crucial d’accroître la productivité du secteur informel pour améliorer le capital humain et stimuler la croissance — le secteur informel comprend beaucoup de travailleurs peu qualifiés qui sont piégés dans des emplois à faible productivité. Les filets de sécurité peuvent contribuer à promouvoir un déploiement plus efficace de la main-d’œuvre et à améliorer la participation au marché du travail et l’adaptation aux difficultés qu’on y rencontre. Dans la région MENA, entre 40 et 70 % des travailleurs du secteur informel ne bénéficient d’aucune protection sociale ou légale. Le renforcement des régimes de protection sociale est aussi un moyen de permettre aux travailleurs d’intégrer des emplois atypiques et de les aider à s’adapter à la plus grande flexibilité des marchés du travail engendrée par les technologies numériques. De fait, les emplois non-salariés et le travail indépendant, caractéristiques de l’économie des « petits boulots », ne sont pas pris en compte dans les régimes traditionnels d’assurance sociale de la région MENA. Il est important d’améliorer la flexibilité des systèmes de protection sociale pour que les pays puissent tirer parti de la mondialisation et remportent des succès dans le nouveau monde du travail. L’assistance sociale contribue à desserrer d’autres contraintes qui pèsent sur la croissance économique, comme la pénurie de capital humain, le déficit de compétences ou la dimension comportementale de l’accès des pauvres au marché du travail. L’assistance sociale permet de renforcer le capital humain (notamment par l’accès aux services sociaux) en apportant des mesures d’accompagnement et en élargissant le cadre temporel de prise de décision pour les pauvres qui sont désormais plus nombreux à pouvoir prendre des décisions rationnelles sur une base quotidienne. De même, lorsque le problème principal est lié à un manque de moyens financiers, à une pénurie d’emplois ou à des aléas majeurs, l’assistance sociale est d’un appui précieux : elle peut permettre de petits apports de fonds, favoriser la création d’emplois temporaires à forte intensité de main-d’œuvre ou éviter à un ménage de se dessaisir de ses biens pour faire face à un aléa tel qu’une maladie (Gentilini, 2018). S’agissant des travailleurs, en particulier des jeunes, qui ont besoin d’un appui supplémentaire pour participer de manière productive au marché du travail, les programmes d’intervention directe sur le marché du travail peuvent aussi être des outils efficaces de stimulation de la productivité. Au vu de la nature changeante du travail, et de la nécessité d’améliorer la productivité des travailleurs, en 39 particulier des pauvres et travailleurs informels, ces programmes d’intervention directe sur le marché du travail deviennent des éléments de plus en plus essentiels de l’arsenal des décisionnaires. Il incombe aux pouvoirs publics de faire en sorte que les personnes à la recherche d’un premier emploi, qui ont perdu leur travail ou qui ont un emploi à faible productivité, aient accès à des conseils appropriés, des formations, des informations sur les offres d’emploi, l’aide à la recherche d’emploi et une assistance en cas de migration. Pourtant, la plupart des pays à revenu faible et intermédiaire dépensent peu pour des interventions directes sur le marché du travail, soit environ 0,5 % du PIB. Seule une petite partie de la population inactive ou au chômage a accès à ces services, en particulier en milieu rural. Même si l’impact de ces interventions semble limité à court terme, leurs effets positifs ont tendance à augmenter avec le temps, au fur et à mesure que les travailleurs accroissent leur productivité ou rejoignent la vie active. Une étude récente a montré que les programmes qui favorisent l’accumulation de capital humain sont particulièrement prometteurs. Il en est de même des programmes axés sur les femmes ou les chômeurs de longue durée (Card et al., 2015 ). Pour juger de leur efficacité, il est cependant important de ne pas perdre de vue ce que l’on peut raisonnablement attendre de ce type de programmes, en particulier parce qu’ils ciblent souvent des travailleurs peu qualifiés dans un contexte de faible demande de main-d’œuvre pour cette catégorie. Pour que des programmes d’intervention directe sur le marché du travail soient efficaces, les pays doivent envisager de passer d’interventions ad hoc et isolées à des paquets de services intégrés que l’on peut adapter à des besoins particuliers. L’expérience montre par exemple qu’une formation technique structurée dispensée à des jeunes sera plus efficace si elle est combinée à une expérience professionnelle telle que des stages ou des apprentissages en entreprise (Kluve et al., 2016). C’est le modèle adopté par les programmes « Jovenes » en Amérique latine et les initiatives similaires lancées en Afrique subsaharienne. De même, la combinaison de formations techniques et d’acquisition de compétences socioaffectives semble porter des fruits, y compris auprès des entrepreneurs. Compte tenu de l’évolution de la demande de compétences sur le marché du travail, il est probable que ces programmes gagnent en importance. Enfin, on constate aussi un rôle croissant des organisations privées à but lucratif et non lucratif dans la prestation de services d’intervention directe sur le marché du travail, sur la base d’une évaluation des besoins. Les prestataires privés, rémunérés en fonction de leurs résultats en matière d’emploi, peuvent apporter un appui utile. Les réformes de la protection sociale et du travail n’ont pas la même incidence sur le budget. Contrairement aux autres régions, MENA a une marge de manœuvre considérable pour réaffecter les dépenses sociales. Historiquement, les grandes réformes de protection sociale des travailleurs réguliers ont eu, en moyenne, un impact limité sur les finances publiques à moyen terme, principalement en raison du fait que les dépenses budgétaires préalables à ces réformes sont minimes. D’autres types de réformes du marché du travail ont des répercussions direc tes sur le budget. C’est par exemple le cas de celles qui portent sur la rationalisation des allocations chômage, la hausse des dépenses au titre des programmes d’intervention directe sur le marché du travail ou la réduction des prélèvements sur les salaires. Des réformes budgétaires telles que celles exposées en début de chapitre, lorsqu’elles sont bien menées, permettront de dégager des ressources budgétaires. Dans la région MENA, les dépenses moyennes consacrées aux subventions énergétiques sont, par exemple, trois fois supérieures à celles affectées à l’assistance sociale. 40 Amélioration de la productivité par la réforme des entreprises publiques de réseaux : le cas de l’énergie Dans la région MENA, les entreprises publiques représentent une part importante de l’économie. Elles ont même une position dominante dans les secteurs clés des réseaux (électricité, transport aérien, pétrole et gaz, eau et télécommunications). De plus, elles sont souvent supervisées et financées par de puissants ministères de tutelle, ce qui complique la conception et la mise en œuvre de réformes (Akoum, 2012). Pourtant, la réforme des entreprises publiques de réseaux peut contribuer à accroître la productivité globale, précisément parce que les réseaux interviennent dans la plupart des autres secteurs d’activité économique et que leur rendement a des retombées positives sur ceux-ci. Des réformes intelligentes des entreprises publiques de réseaux peuvent avoir des résultats positifs lorsqu’elles attirent des investissements privés (voir l’encadré 3.1), l’élément déterminant de leur réussite étant souvent la transformation des modèles économiques des secteurs concernés. De ce point de vue, le passage au numérique peut avoir un profond impact sur les entreprises publiques de la région MENA. Dans le secteur des hydrocarbures, le passage au numérique peut créer de nouvelles opportunités de croissance et de profit, en alignant les objectifs des entreprises sur le double objectif d’une meilleure performance et d’une réduction des émissions de carbone (Arezki, 2018). L’optimisation du traitement du pétrole et du gaz à l’aide des nouvelles technologies industrielles numériques dénommées « Industrie 4.0 »13 ouvre de formidables possibilités de monétisation des données, de création d’écosystèmes d’entreprises du secteur privé, de connexion avec les entreprises locales et les sociétés étrangères intéressées par la création d’applications et de services à forte valeur ajoutée, sans se limiter à la vente à grande échelle de solutions et systèmes informatiques prêts à l’emploi. Dans la logique des expériences de passage au numérique à l’échelle mondiale, le secteur du pétrole et du gaz devra investir dans des actifs incorporels, incluant des programmes exhaustifs de changement des modes et structures de gestion (Arezki, 2018). 13Le concept d’industrie 4.0 désigne la tendance actuelle à l’automatisation et à l’échange de données entre technologies de fabrication. Il inclut les systèmes cyber-physiques, l’Internet des objets, l’informatique en nuage et l’informatique cognitive. On parle couramment de quatrième révolution industrielle à propos de l’industrie 4.0. 41 Dans le domaine de l’énergie, le Encadré 3.1 MIGA — Appui à développement de l’Internet des objets a déjà l’investissement privé dans le secteur de conduit à la mise en place rapide de réseaux de l’électricité au Liban distribution et de compteurs intelligents, qui L’Agence multilatérale de garantie des constituent des infrastructures intelligentes à investissements (MIGA) a récemment émis des même de suivre avec précision le garanties à l’appui de la conception, la mise à comportement des consommateurs, d’intégrer niveau, l’entretien et l’exploitation du réseau de la contribution de sources d’énergie distribution d’électricité Butec Utility Services intermittentes et de recueillir une grande (BUS) au nord du Liban. Créée il y a cinq ans, quantité de données sur la consommation la société BUS a élargi ses activités à 30 % du d’énergie au niveau local. Les infrastructures territoire national. Alors que le projet initial de réseaux et de compteurs intelligents prévoyait de desservir 1,3 million de permettent aussi de réduire les fraudes sur personnes, la société alimentait déjà environ l’électricité et de mieux intégrer les sources 2 millions de personnes en 2017, et son réseau d’énergies renouvelables. de distribution couvrait deux fois les La deuxième avancée technologique 10 000 kilomètres carrés prévus initialement. d’importance concerne la croissance des Ce projet s’inscrit dans le cadre des efforts applications et services en nuage qui vont déployés par la Banque mondiale pour aider le probablement influencer en profondeur le Liban à réformer son secteur de l’électricité, secteur de l’énergie. La contribution des améliorer la fourniture des services et énergies renouvelables est intermittente par rationaliser les dépenses publiques grâce à nature et nécessite, de ce fait, une gestion l’investissement privé. active. Par ailleurs, la contribution des Source : Agence multilatérale de garantie des investissements. fournisseurs indépendants d’électricité (qui Box 0.2: MIGA -- Supporting Private produisent de l’électricité pour leur propre usage et envoient leur surplus Investment in the Electricity Sector inéventuel sur le réseau) nécessite aussi une gestion active des données, laquelle Lebanon peut passer par une infrastructure en nuage. En outre, le secteur de l’électricité travaille à de nouvelles technologies de batteries de stockage pour promouvoir les échanges d’électricité. Multilateral The évolution Cette pourra Investment conduire a une Guarantee masse de données complémentaires qui pourra encore être Agencypour évaluée (MIGA) d’autres informations recueillirrecently extended its utiles au secteur de l’énergie. Internet des objets, guarantees gestion in support en nuage of the du réseau design, upgrade, de distribution et nouvelle technologie de batteries sont les éléments de base d’un nouveau maintenance, modèle commercial, and operation le modèle de « l’énergie en tant que service ». Dans ce of the Butec Utility contexte, l’infrastructure Services (BUS) electricity intelligente distribution network d’éléments interconnectés grâce à la gestion en composée nuage des données in northern de l’Internet Lebanon. Since its des objets sera creation fiveen mesure d’alléger la gestion des pics de charges et d’optimiser years ago, BUS l’intégration has expanded énergies re des operations to nouvelables dans le réseau de distribution. Les cover 30 percent of the country. The initial plateformes pétrolières et gazières connectées, les usines connectées, les masses de données générées par to project planned les utilisateurs reach 1.3 millionde people,téléphones but mobiles et, à l’avenir, les voitures reached some connectées 2 million représentent by 2017de des milliards and pointsthede données supplémentaires. distribution network spanned twice the planned Les entreprises 10,000 publiques The square kilometers. de la région project is MENA part of sont en mesure de tirer parti de ces avancées technologiques pour mettre en a World Bank Group effort to help reform place un « nuage d’énergie » centré sur le client, intégrant les initiatives Lebanon’s d’interaction power sector,bâtiment-réseau improve et transport-réseau ainsi que les « villes intelligentes » dans service l’ ensemble plus large d’acteurs delivery, and rationalize public spending du secteur traditionnel de l’énergie. L’impact potentiel de ces avancées sur les économies through private investments. de la région MENA est énorme. Un récent rapport sur le secteur prévoit « une interconnexion croissante des vecteurs énergétiques. Il est par exemple possible de convertir les surplus Source d’électricité : Multilateral renouvelable Investment en chaleur ou en hydrogène plus faciles à transporter et à Guarantee stocker ; l’hydrogène peut ensuite être reconverti en électricité pour une utilisation immédiate dans Agency. 42 Box 0.3: MIGA -- Supporting Private Investment in the Electricity Sector in Lebanon l’industrie et les transports. Parce qu’il facilite l’intégration des vecteurs énergétiques (électricité, combustibles liquides et gazeux, chaleur), le passage au nuage d’énergie aura des répercussions qui se feront sentir bien au-delà du réseau de distribution et du secteur de l’électricité » (Navigant, 2018). Si les entreprises publiques de la région MENA adoptent ce modèle, l’impact de ces technologies transformatrices sera exacerbé par deux nouveaux moteurs technologiques : l’intelligence artificielle et la communication 5G. L’intelligence artificielle est à même d’accroître la rentabilité d’environ 38 % d’ici 2035 et de produire un gain de 14 000 milliards de dollars dans 16 secteurs d’activité situés dans 12 économies. L’automatisation intelligente, l’augmentation du capital et du travail, et la diffusion de l’innovation sont les moteurs de cette croissance supplémentaire (Accenture, 2018). Ce processus sera encore accéléré par le lancement commercial des réseaux 5G — dont la norme de communication devrait être finalisée en 2019 et s’appuie sur l’intégration verticale de secteurs industriels comme le pétrole et le gaz, l’énergie et les transports. En plus d’une forte amélioration du haut débit mobile, la 5G permettra le déploiement massif de communications automatisées par des machines facilitant l’Internet des objets. De l’avis des experts, l’adoption d’un nouveau modèle d’affaires intelligent par les entreprises publiques des secteurs pétrolier et gazier de la région MENA (voire d’autres industries de réseaux) devrait s’avérer très rentable à long terme en favorisant des gains de productivité globale, lesquels peuvent contribuer en outre à réduire les vulnérabilités macroéconomiques extérieures. En bref, compléter les réformes liées au défi numérique par d’autres réformes intelligentes peut aider à réduire les déficits excessifs de comptes courants en augmentant l’épargne budgétaire et — mieux encore — en accroissant la productivité globale du travail. L’idée est de tabler sur l’effet fédérateur, sur le plan social, du projet de défi numérique pour assurer un soutien public à ces autres réformes intelligentes. S’il est encore temps de procéder à un rééquilibrage progressif des comptes courants dans certaines économies de la région MENA, le présent rapport défend l’idée que des réformes structurelles visant à accroître la productivité du travail sont à mener d’urgence. À terme, les déséquilibres extérieurs actuels peuvent s’avérer insoutenables, notamment au vu de la raréfaction des sources traditionnelles de financement externe des déficits. La région MENA est toutefois bien positionnée pour mettre en œuvre des réformes structurelles favorables à la croissance, lesquelles pourront non seulement élever le niveau de vie collectif de la région, mais aussi réduire progressivement les vulnérabilités extérieures qu’ont engendrées des déficits courants persistants. Nous avons toute confiance dans la capacité de la région à surmonter le double problème posé par la faiblesse de la croissance et les déficits des transactions courantes. 43 Références bibliographiques Accenture (2018). 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Doing Business 2019: Training for Reform. Washington, D.C. World Bank (2019b). Global Economic Prospects: Darkening Skies. Washington, D.C. 47 Annexe A : Modèle du MNACE pour le compte de transactions courantes Cette section est basée sur la méthodologie d’évaluation du solde extérieur du FMI (2013). À partir de sources diverses, nous avons constitué un ensemble de données reflétant les principaux indicateurs économiques des pays du monde entier14. Plus précisément, nous avons entrepris d’identifier les déséquilibres des comptes courants qui ne peuvent être expliqués sur la base des indicateurs fondamentaux des pays. Pour ce faire, nous avons utilisé l’équation de régression suivante : , = 0 + , + , + , + ℎ, + ,−1 + ,−1 ∗ ℎ, + ℎ, + ∆,−1 + + + , La variable dépendante , représente le solde des transactions courantes en pourcentage du PIB. Les données sont tirées des Perspectives de l’économie mondiale (WEO, IMF). , représente le rapport entre les jeunes dépendants (moins de 15 ans) et la population active (15-64 ans). La régression tient aussi compte de la dépendance des personnes âgées, , représentant le rapport entre les dépendants d’âge avancé (plus de 64 ans) et la population active. Une variable de vitesse du vieillissement est également incluse pour mesurer la variation annuelle de la dépendance des personnes âgées. Les données sont tirées de United Nations (2017). ℎ, représente l’accélération attendue de la croissance du pays, correspondant à la différence entre la prévision pour l’année suivante et la prévision pour l’année courante. Les prévisions de croissance proviennent des données historiques des Perspectives de l’économie mondiale. ,−1 représente le PIB réel en PPA par travailleur, par rapport à celui des États-Unis au temps t-1 (productivité relative). ,−1 ∗ ℎ, rend compte de l’idée selon laquelle les flux de capitaux vers les pays pauvres dépendent également de l’ouverture financière de ces pays. Les données de PIB réel en PPA proviennent des Perspectives de l’économie mondiale. L’indice de Chinn-Ito mesure l’ouverture du compte de capital. Il a été introduit par Chinn, Menzie D. et Hiro Ito (2006). ∆,−1 correspond à la variation logarithmique, prise avec une année de décalage, de l’indice des prix des produits de base. La variable est construite comme suit. Dans un premier temps, suivant Bruckner et Arezki (2012), un indice du prix des produits de base est calculé selon = ∏ , où est l’exposition à long terme du pays au produit de base c. est calculé comme la part moyenne des exportations nettes du pays pour le produit de base c sur le PIB du pays. 14 Les données sont tirées des sources suivantes : Forum économique mondial, Indicateurs du développement dans le monde, Penn World Table, Chinn, Menzie D. et Hiro Ito (2006) et Réserve fédérale des États-Unis. 48 , est le prix mondial du produit de base c au temps t. Ensuite, toujours suivant Bruckner et Arezki (2012), nous introduisons une variation de l’indice des prix des produits de base selon ∆log() = log( ) − log(−1 ). Bruckner et Arezki (2012) constatent que ∆log()−1 a un effet important et significatif sur la croissance économique au temps t. Les prix des produits de base proviennent du FMI, les données relatives aux échanges commerciaux de la base de données Comtrade de l’ONU et les données relatives aux PIB nominaux des Indicateurs du développement dans le monde. sont les effets fixes relatifs au pays ; les effets fixes relatifs au temps. , est le résidu de la régression, c’est-à-dire la composante « inexpliquée » du compte courant. Les données relatives au régime de change sont tirées de Ilzetzki et al. (à paraître). Nous avons remanié le code de classification, faisant correspondre la catégorie 1 à des « taux de change fixes », les catégories 2 et 3 à des « taux de change à flottement contrôlé » et 4 et 5 à des « taux de change à flottement libre ». Voir le tableau A1 pour un résumé des statistiques. Tableau A1 Résumé des statistiques Monde N Nombre Moyenne Médiane Min Max de pays Dépendance des jeunes % 11294 194 61,749 65,178 14,898 113,702 Dépendance des pers. âgées % 11294 194 10,258 7,53 0,874 38,112 Vitesse de vieillissement % 11100 186 0,099 0,047 -1,154 1,563 Variation de croissance prévue 5388 187 0,425 0,2 -230,834 151,992 PIB/travailleur par rapp. aux USA 6319 181 0,356 0,199 0,011 6,452 Indice de Chinn-Ito 7008 160 0,456 0,416 0 1 Variation de l’indice des prix des 7479 226 0 0 -0,351 0,402 produits de base Taux de change fixe 12374 184 0,608 1 0 1 Taux à flottement contrôlé 12374 184 0,326 0 0 1 Taux à flottement libre 12374 184 0,067 0 0 1 49 MENA N Nombre Moyenne Médiane Min Max de pays Dépendance des jeunes % 1129 19 67,354 72,095 15,237 113,702 Dépendance des pers. âgées % 1129 19 5,908 6,033 0,874 13,34 Vitesse de vieillissement % 1110 19 0,008 0,009 -0,653 0,469 Variation de croissance prévue 544 18 0,101 0,175 -230,834 151,992 PIB/travailleur par rapp. aux USA 689 18 0,718 0,313 0,039 6,452 Indice de Chinn-Ito 781 17 0,582 0,699 0 1 Variation de l’indice des prix des 724 19 0,001 0 -0,275 0,402 produits de base Taux de change fixe 1262 19 0,607 1 0 1 Taux à flottement contrôlé 1262 19 0,38 0 0 1 Taux à flottement libre 1262 19 0,013 0 0 1 Le modèle du MNACE relatif aux déterminants du compte courant comporte trois spécifications. La « spécification intérieure » inclut les effets fixes relatifs au pays et au temps. Les effets fixes du temps rendent compte des effets des facteurs mondiaux communs qui s’exercent durant une année donnée sur les positions des comptes courants de tous les pays. Les effets fixes du pays rendent compte des effets des facteurs non observables propres à un pays et variables dans le temps (comme les préférences de consommation) qui s’exercent sur la position du compte courant de chaque pays. Cette spécification étudie les effets des fondamentaux à l’intérieur des pays. La « spécification groupée » ne tient compte que des effets fixes du temps et non des effets fixes du pays. Elle permet d’étudier les effets des fondamentaux sur les positions des comptes courants dans les différents pays et dans le temps. La « spécification comparative » part de la moyenne de la position du compte courant et des fondamentaux au fil des ans pour un pays donné, puis examine l’effet des fondamentaux moyens sur le compte courant moyen des différents pays. Les résidus des régressions représentent la partie des comptes courants non expliquée par les fondamentaux. Avec la spécification groupée (première colonne du tableau A2), les fondamentaux présentent les signes attendus. Les coefficients de dépendance des jeunes et des personnes âgées sont négatifs. Le coefficient de -0,159 implique qu’une augmentation de 1 % de la dépendance des personnes âgées est associée à une baisse de 0,16 point de pourcentage du solde courant, mesuré en pourcentage du PIB. Pour mettre les choses en perspective, précisons qu’au cours des dix dernières années, la dépendance des personnes âgées dans la région MENA (moyenne simple) est passée de 5,82 % en 2007 à 6,29 % en 2017. Notons que la dépendance des personnes âgées a un effet plus négatif sur le solde courant que la dépendance des jeunes. Une augmentation de 1 % de la vitesse de vieillissement est associée à une hausse de 3,7 % du solde courant. Une augmentation de 1 point de pourcentage de croissance est quant à elle associée à une baisse de 0,4 % du solde courant. Lorsque le compte de capital est complètement fermé (l’indice de Chinn-Ito prend alors la valeur 0) une baisse d’1 point de pourcentage de la productivité relative (par rapport à celle des États -Unis) est associée à une baisse de 0,16 point de pourcentage du solde courant. Il convient de noter que sur les dix dernières années, la moyenne simple de la productivité du travail par rapport à celle des États-Unis n’a cessé de baisser dans la région MENA, passant de 56 % en 2007 à 46 % en 2017. Sur la base d’un même niveau de productivité relative, une ouverture complète du compte de capital (valeur de l’indice de Chinn-Ito à 1) est associée à un solde courant inférieur de 7,4 points de pourcentage par rapport à une fermeture complète du compte de capital, un afflux plus élevé de 50 capitaux étant attendu. Une augmentation de 1 % de l’indice des produits de base est associée à une augmentation de 0,56 point de pourcentage du solde des transactions courantes. Il est intéressant de noter qu’aucune des variables du régime de change n’est statistiquement significative, ce qui implique que les régimes de change n’ont pas d’effet différentiel systématique sur le compte courant. Avec les autres spécifications (colonnes 2 et 3 du tableau A2), les fondamentaux ont des effets très similaires, à une exception près. Avec la « spécification comparative », la croissance prévue a une association positive avec le compte courant. Cela signifie que lorsqu’un pays a, en moyenne, une accélération de la croissance plus forte, il a tendance à afficher un solde courant plus élevé. Pour déterminer si les résultats du modèle sont influencés par l’effet des fondamentaux sur les taux d’épargne nationale, nous avons utilisé un modèle auxiliaire portant sur ces derniers. Les effets des fondamentaux sur les taux d’épargne sont, généralement, semblables aux effets sur les soldes courants15. La dépendance des personnes âgées et la dépendance des jeunes présentent une corrélation significative avec un niveau plus bas d’épargne. Une plus forte productivité globale du travail relative est associée à un taux d’épargne plus élevé et, pour le même niveau de productivité relative, l’ouverture financière est associée à un taux d’épargne inférieur (en raison de l’afflux de capitaux). De même, une hausse de l’indice des produits de base est associée à une forte augmentation des taux d’épargne. Ces constatations laissent donc penser que les éléments déterminants du compte courant agissent probablement sur le taux d’épargne nationale. 15 Les résultats du modèle sur les taux d’épargne nationale sont disponibles sur demande. 51 Tableau A2 Estimation des déterminants des soldes courants à l’aide du modèle MNACE Spécification Spécification Spécification groupée intérieure comparative Solde courant Solde courant Solde courant VARIABLES % PIB % PIB % PIB Dépendance des jeunes % -0,0221* -0,0584 -0,0447 (0,0118) (0,0357) (0,0472) Dépendance des personnes âgées % -0,159*** 0,185 -0,319** (0,0530) (0,126) (0,138) Vitesse de vieillissement % 3,708*** 1,453** 3,834 (0,804) (0,721) (6,384) Prévision d’accélération de la croissance -0,413 -0,430 1,645** (0,361) (0,371) (0,737) Productivité relative (t-1) 16,38*** 29,79** 10,15* (2,275) (12,99) (6,013) Indice de Chinn-Ito 0,0856 4,077*** -2,041 (0,612) (1,557) (2,164) Chinn Ito x productivité relative (t-1) -7,461*** -21,54*** 0,986 (2,265) (7,527) (6,044) Variation de l’indice des prix des produits de 57,95*** 55,40*** 352,8 base (6,702) (6,154) (323,2) Taux à flottement contrôlé -0,0403 -0,929 1,006 (0,492) (0,819) (1,668) Taux à flottement libre -0,271 -0,752 0,311 (1,130) (1,307) (4,724) Taux à flottement contrôlé x productivité 2,243 -4,182 3,634 relative (t-1) (1,499) (2,621) (2,740) Taux à flott. libre x productivité relative (t-1) -1,803 -3,519 -4,634 (1,815) (3,044) (5,287) Constante -4,522*** 1,993 -1,871 (1,641) (4,037) (4,776) Observations 3 896 3 896 155 R carré 0,248 0,473 0,492 Effets fixes du temps Oui Oui Non Effets fixes du pays Non Oui Non Nombre de pays 154 154 155 Note : Les données concernent 155 pays. Pour nous assurer que la variation de l’indice des produits de base est exogène, nous excluons les grands pays comme les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Japon et la Russie qui sont d’importants consommateurs de produits de base et dont l’activité économique pourrait influencer les prix mondiaux de ces produits. La période considérée va de 1990 à 2017. L’étude porte sur dix-huit pays de la région MENA. La Cisjordanie et Gaza n’ont pas été inclus dans les régressions en raison de l’insuffisance des données relatives au PIB, aux variations de croissance prévues et à l’indice de Chinn-Ito. 52 GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE