BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA Inclusion économique et sociale pour la prévention de l’extrémisme violent Octobre 2016 GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA Inclusion économique et sociale pour la prévention de l’extrémisme violent © 2016 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés 1 2 3 4 18 17 16 Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les avis de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des États que ceux-ci représentent. 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ISBN ((version électronique): 978-1-4648-0990-3 DOI: 10.1596/978-1-4648-0990-3 Photos de couverture : © Pamela MooreetCreative-idea. BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA Inclusion économique et sociale pour la prévention de l’extrémisme violent REMERCIEMENTS Le Bulletin d’information économique de la région MENA est produit par le bureau de l’économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Ce bulletin a été établi parLili Mottaghi, Quy-Toan Do, Anne Brockmeyer, Clement Joubert, Kartika Bhatia, Mohamed Abdel-Jelil, Radwan Shaban, Isabelle Chaal-Dabi et Nathalie Lenoble, sous la direction de Shanta Devarajan. Les notes de pays sont basées sur les rapports des économistes-pays suivants, sous la direction d’Auguste Tano Kouame : Ibrahim Al-Ghelaiqah, Sara Alnashar, Luca Bandiera, Andrew Burns, Jean-Pierre Chauffour, Wilfried Engelke, Lea Hakim, Wissam Harake, Sahar Sajjad Hussain, Kamer Karakurum-Ozdemir, Tehmina Khan, Julie Lohi, Nur Nasser Eddin, Harun Onder, Abdoulaye Sy et Fulbert Tchana Tchana. Les auteurs remercient Javier Lesaca de sa précieuse contribution et le site d’information syrien Zaman al Wasl ainsi que son rédacteur en chef, Fathi Bayoud, des renseignements fournis sur les étrangers recrutés par Daech. Table des matières Évolution récente de la situation économique et perspectives 1 Perspectives mondiales 1 Évolution du marché pétrolier 2 Économies de la région MENA 4 Inclusion économique et sociale pour la prévention de l’extrémisme violent 12 Introduction 12 Données et méthodologie 16 Résultats 17 Conclusion 22 Références 23 Notes-pays 27 Figures Figure 1.1 Croissance du PIB réel, en % 1 Figure 1.2 Evolution des cours du pétrole 3 Figure 1.3 Situation macroéconomique de la région MENA 5 Figure 1.4 Crise humanitaire en Syrie et au Yémen 10 Figure 2.1 Attentats terroristes, 2000-2014 12 Figure 2.2 Age moyen des recrues étrangères de Daech, par région d’origine 18 Figure 2.3 Niveau d’instruction des recrues étrangères de Daech 18 Figure 2.4 Niveau d’instruction des recrues étrangères de Daech âgées de 20 à 35 ans, par région d’origine 18 Figure 2.5 Fonction souhaitée par les recrues étrangères de Daech 19 Figure 2.6 Fonction souhaitée par les recrues étrangères de Daech, par région d’origine et par niveau de connaissance de la religion 19 Figure 2.7 Fonction souhaitée par les recrues étrangères de Daech, par niveau d’instruction et profession antérieure 20 Figure 2.8 Propension à fournir des recrues étrangères à Daech : facteurs démographiques, géographiques et économiques 22 Tableaux Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques 7 Tableau 1.2 Dépendance des pays du CCG à l’égard du pétrole 8 Abréviations AQI Al Qaeda en Iraq CFR Council on Foreign Relations CNN Cable News Network CTC Combating Terrorism Center DFID Ministère du développement international du Royaume-Uni e Estimation EIA Energy Information Agency (Agence d’information sur l’énergie des États- Unis) ETA Euskadi Ta Askatasuna (Patrie basque et liberté) EIU Economist Intelligence Unit É-U États-Unis UE Union européenne p Prévision CCG Conseil de coopération du Golfe PIB Produit intérieur brut GTD Global Terrorism Database IDH Indice de développement humain OIT Organisation internationale du Travail FMI Fonds monétaire international EIIL État islamique d’Iraq et du Levant LTTE Liberation Tigers of Tamil Eelam (Tigres de libération de l’Eelam tamoul) MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord NBC National Broadcasting Company NDR Norddeutscher Rundfunk (radio et télévision publiques allemandes) OCHA Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole PDI Personnes déplacées dans un même pays PNUD Programme des Nations Unies pour le développement SAMA Agence monétaire de l’Arabie saoudite SL Sendero Luminoso (Sentier lumineux) EAU Émirats arabes unis R.-U. Royaume-Uni HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés USAID Agence des États-Unis pour le développement international TVA Taxe sur la valeur ajoutée WDR Westdeutscher Rundfunk (organisme public de radio et télédiffusion allemand) Évolution récente de la situation économique et perspectives Perspectives mondiales La situation économique mondiale reste décevante : en 2016, selon les prévisions, le taux de croissance n’excédera pas les 2,4 % enregistrés l’an dernier, soit un demi-point de pourcentage de moins que prévu en janvier. Ce sera la cinquième année consécutive que la croissance mondiale reste inférieure au taux de 3,5 % atteint pendant la période 2000-07 (Figure 1.1). De nombreux pays sont en récession, plusieurs autres sont confrontés à des attentats terroristes et la crise des réfugiés, tandis que d’autres encore sont enlisés dans des guerres civiles qui exacerbent l’instabilité des marchés des produits de base, notamment le pétrole. Le potentiel mondial, qu’il s’agisse de la production, de l’investissement ou de la demande, a donc diminué. Dans les économies avancées, la croissance réelle reste faible, à près d’un point de pourcentage en dessous de la moyenne à long terme observée entre 2000 et 2007. Aux États-Unis (É-U), dans l’Union européenne (UE) et au Japon, la croissance devrait se maintenir aux alentours de 1,7 %, soit un demi-point de pourcentage de moins que prévu en janvier. La croissance déjà faible affichée par le Royaume-Uni (R-U) devrait ralentir encore à l’automne 2016, après le référendum historique du 23 juin 2016 en faveur de la sortie de l’Union européenne. L’« effet Brexit » – probablement sous la forme d’une contraction de l’investissement – va freiner la croissance au Royaume-Uni et dans l’UE à moyen terme. Les perspectives de reprise sont sombres, vu la perte de confiance dans les services et la production. Figure 1.1 Croissance du PIB réel, en % Source: Banque mondiale. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 1 Les marchés émergents s’essoufflent également après une décennie de croissance extrêmement rapide. La croissance ralentit progressivement en Chine, où elle reculera de 7,7 % en 2013 à 6,7 % en 2016 selon les prévisions. Le Brésil et la Russies ont toujours en récession. Tous les pays exportateurs de pétroles ont particulièrement touchés par le maintien des prix du pétrole à des niveaux bas. La croissance du Nigéria et de l’Angola tombera en dessous de 1 % en 2016, contre près de 3 % il y a un an. Parmi les pays du Moyen-Orient exportateurs de pétrole, tous les membres du CCG accuseront un net ralentissement de leur croissance (de plus de 3 % l’année dernière à 1 % en 2016 en Arabie saoudite, notamment). Les perspectives économiques mondiales restent sombres, avec une croissance qui restera inférieure à la moyenne enregistrée pendant la période 2000-07 pour la septième année consécutive. Selon les prévisions de la Banque mondiale, la croissance se maintiendra autour de 2,8 % en 2017 et frisera les 3 %en 2018. La légère amélioration par rapport à 2016 s’explique par les résultats meilleurs que prévus affichés par certaines économies avancées, notamment les États-Unis, où la croissance devrait atteindre 1,9 %en 2018. Parmi les pays en développement, la Russie et le Brésil devraient sortir de la récession et connaître à nouveau une croissance positive à partir de 2017. Les marchés pétroliers resteront en situation de surapprovisionnement et, à moins d’une reprise de la demande, les prix pourraient se cantonner dans une fourchette de 53 à 60 dollars jusqu’à la fin de la décennie. Il faudra peut-être revoir ces prévisions à la baisse, notamment les risques géopolitiques qui pourraient accroître l’incertitude et freiner ainsi l’investissement et la croissance. Le ralentissement économique des grands pays émergents et l’endettement croissant du secteur privé pourraient rendre certains de ces pays plus vulnérables. Les autres principaux facteurs de risque sont un éventuel ralentissement au sein de l’UE, en particulier au Royaume -Uni au lendemain du Brexit, et le maintien des prix du pétrole à des niveaux bas, ce qui pourrait assombrir encore les perspectives des pays exportateurs de pétrole. Évolution du marché pétrolier Le marché pétrolier est entré dans une nouvelle « normalité » qui se caractérise par un pétrole à bas prix. Selon une étude de la Banque mondiale (Devarajan et Mottaghi, 2016), on devrait parvenir à régler la situation de surapprovisionnement et rétablir l’équilibre du marché au début de 2020 à des prix proches du coût marginal des producteurs américains d’huile de schiste . Les prix du pétrole devraient se maintenir dans une fourchette de 53 à 60 dollars le baril (Figure 1.2, panneau gauche) du fait que les réserves mondiales resteront très supérieures aux moyennes historiques ; l’Iran, le Koweït, les Émirats arabes unis (EAU)et l’Iraq accroissent leur production ; la Russie et l’Arabie saoudite, entre autres pays, produisent à un niveau inégalé depuis janvier 2016 ; et la Libye a levé il y a quelques mois les restrictions imposées sur les ports, débloquant 300 000 barils de pétrole par jour. En août 2016, la production journalière de pétrole brut de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a augmenté de 40 000 barils par rapport BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 2 à juillet 2016, atteignant un niveau record en Arabie saoudite. Pour relever les prix, la Russie et l’Arabie saoudite ont décidé de geler la production jusqu’à la réunion de septembre des membres de l’OPEP et l’Iran s’est engagé à appliquer toute décision visant à stabiliser le marché. La perspective d’un plafonnement de la production a suscité un léger rebond des prix début septembre, sans toutefois les faire augmenter car on soupçonne que les pays membres ne parviendront pas à s’entendre sur une réduction de la production. Si aucun accord n’est conclu sur un éventuel gel de la production, les prix du pétrole pourraient tomber encore plus bas. Les tendances historiques montrent que la perspective des réunions de l’ OPEP fait monter les prix pendant quelques semaines, mais que cette hausse est passagère, car les membres ne respectent pas leurs quotas (Figure 1.2, panneau droit). Figure 1.2. Évolution des cours du pétrole Les pays dont les recettes d’exportation reposent essentiellement sur le pétrole sont confrontés à une grave et longue détérioration des termes de l’échange. Dans la plupart des pays, les prix pétroliers sont restés très inférieurs au niveau nécessaire pour équilibrer le budget, créant donc un important déficit budgétaire et extérieur. Les recettes pétrolières nettes des membres de l’OPEP ont atteint 404 milliards de dollars en 2015, soit 46 %de moins que l’année précédente, selon les estimations de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA). D’après les prévisions de prix de l’EIA, les recettes de l’OPEP devraient tomber à 341 milliards de dollars en 2016 avant de remonter à 427 milliards de dollars en 2017. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 3 Parmi les pays africains exportateurs de pétrole, le Nigéria, où le pétrole représente 70 % des recettes budgétaires, doit maintenir un prix de 123 dollars le baril pour équilibre son budget. La situation est encore plus difficile pour les pays producteurs de brut dont les Etats-Unis sont le principal client, le boom de l’huile de schiste ayant décimé leurs exportations1. Ces pays, notamment l’Angola, le Gabon et le Nigéria, doivent faire face à une forte baisse de leurs recettes d’exportation qui vient s’ajouter à la baisse des prix pétroliers. Le double effet de l’effondrement des cours du pétrole et de la baisse de la demande d’un gros importateur réduit leur marge de manœuvre budgétaire. En Amérique latine, le Venezuela et le Brésil ont également été durement touchés par l’effondrement des prix des produits de base, qui les a plongés dans une récession sans précédent. Les exportateurs de pétrole de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) connaissent le même problème. La Libye et l’Algérie se ressentent de la baisse des prix pétroliers et de celle des importations de pétrole des États-Unis, leur principal partenaire commercial pour ce produit. Certains pays puisent dans leurs réserves et se tournent vers les marchés des capitaux. Selon les estimations, la Libye a perdu les deux tiers de ses réserves entre 2013 et 2016, soit l’équivalent de 75 milliards de dollars. L’Algérie a perdu 86 milliards de dollars et l’Iraq 29 milliards de dollars pendant la même période. Économies de la région MENA Cette année semble être l’une des plus difficiles pour la région MENA, vu la gravité des défis à relever par ces pays. Pour les pays exportateurs de pétrole, il s’agit avant tout de gérer leurs finances et de diversifier leurs stratégies après la baisse du pétrole en dessous de 45 dollars le baril (Figure 1.3). L’assainissement des finances publiques dans un climat sociopolitique difficile et les retombées des conflits créent également des problèmes pour les pays importateurs de pétrole. La croissance du PIB réel en 2016 dans la région MENA devrait ralentir pour atteindre son niveau le plus faible depuis 2013, 2,3 %, soit un demi-point de pourcentage de moins que l’an dernier et environ un point de pourcentage de moins que prévu en avril 2016. La faible croissance des pays de la région s’explique en partie par l’adoption de mesures d’austérité telles que la réduction des dépenses d’investissement et des dépenses courantes pour contrer la baisse des recettes budgétaires provoquée par l’effondrement des cours du pétrole. Par exemple, des projets pesant plus de 20 milliards de dollars pourraient être annulés en Arabie saoudite cette année, tandis que les conflits en Syrie, en Iraq, en Libye et au Yémen sapent l’économie de ces pays et que la crise des réfugiés draine les ressources budgétaires des pays voisins. En outre, le secteur privé, une source de création d’emplois, est en perte de vitesse et ne peut donc plus absorber le grand nombre de chômeurs. Selon les données les plus récentes sur le marché du travail, le taux de chômage reste obstinément élevé en Égypte, en Iran, en Iraq, en Jordanie, au Maroc et en Tunisie en 2016. 1 Bien que le pétrole soit théoriquement un produit de base qui s’échange librement , des facteurs tels que la qualité du brut, la structure des raffineries dans les pays importateurs et la part de marché peuvent limiter les possibilités d’échanges entre un pays et le reste du monde, ce qui le rend vulnérable aux fluctuations de la demande. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 4 La croissance régionale devrait s’améliorer légèrement au cours des deux prochaines années (3,1 et 3,5 %respectivement) à mesure que les pays de la région lancent des réformes et diversifient leur économie pour s’affranchir du pétrole. Parmi les mesures prises, on peut citer l’élimination des subventions sur les carburants, la réduction du nombre d’emplois et de la masse salariale dans la fonction publique, la privatisation des entreprises publiques et la diversification des recettes budgétaires pour s’affranchir du pétrole en accroissant les impôts directs et indirects2.Si ces réformes sont mises en œuvre, elles devraient contribuer à transformer au moins une partie de l’ancien contrat social et à améliorer l’efficacité économique de ces pays. Le déficit budgétaire de la région devrait atteindre 9,3 % du PIB en 2016, soit une hausse d’un demi-point de pourcentage par rapport à 2015.L’excédentbudgétaire régional de quelque 63 milliards de dollars enregistré en 2013 devrait faire place à un déficit de 320 milliards de dollars en 2016. Les trois sous-groupes (pays du CCG, pays en développement exportateurs de pétrole et importateurs de pétrole) devraient accuser un lourd déficit en 2016, 2017 et 2018, avec cependant une bonne chance de réduire ce déficit les années suivantes (Tableau 1.1 et Figure 1.3). Figure 1.3 Situation macroéconomique de la région MENA 2 L’Arabie saoudite prévoit de privatiser son système postal au début de 2017 et envisage d’introduire un nouvel impôt sur le revenu des expatriés. Le Koweït envisage de privatiser les unités de la Kuwait Petroleum Corporation qui ne produisent pas de pétrole. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 5 Sources : Banque mondiale et FMI. NB: « e »signale une estimation et « p » une prévision. La croissance dans les pays exportateurs de pétrole de la région MENA ne devrait pas dépasser 2,3 %en 2016, compte tenu du net ralentissement dans les pays du CCG (Tableau 1.1). Si la réunion des membres de l’OPEP en septembre ne débouche pas sur un plafonnement de la production, les prix continueront de dégringoler, ce qui aggravera encore la situation. Cette fois- ci, les pays exportateurs de pétrole considèrent que la baisse des prix pétroliers est pratiquement irréversible et ont introduit des mesures rigoureuses telles que des coupes budgétaires, qui ont également freiné la croissance du secteur pétrolier et des autres secteurs. En Algérie et à Oman, les secteurs non pétroliers afficheront une croissance de seulement 3,7 %en 2016, contre 5 et 7 % respectivement il y a un an. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 6 Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques Croissance du PIB réel, en % Croissance du PIB réel en % Solde budgétaire en % du PIB Solde extérieur courant en % du PIB 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p Région MENA 2,2 2,3 2,7 2,3 3,1 3,5 3,1 -0,9 -8,6 -9,3 -6,2 -4,0 9,0 4,4 -4,5 -6,2 -3,4 -0,9 Pays en dév. (région MENA) 0,7 1,1 1,7 3,1 4,2 4,2 -6,0 -6,8 -9,4 -8,7 -5,7 -3,5 -2,3 -4,0 -6,6 -7,3 -4,8 -3,1 Exportateurs de pétrole 2,1 2,3 2,6 2,2 3,0 3,3 7,2 1,4 -8,9 -10,1 -6,1 -4,0 14,5 8,2 -3,6 -6,0 -2,2 0,1 Pays membres du CCG 3,3 3,2 3,5 1,6 2,2 2,8 13,2 5,8 -7,6 -10,1 -6,8 -4,5 21,6 13,7 -1,8 -5,0 -1,7 1,0 Bahreïn 5,4 4,5 2,9 2,0 1,8 2,1 -4,3 -3,3 -12,6 -12,1 -8,7 -5,3 7,8 3,3 -3,9 -5,1 -3,2 -0,2 Koweït 1,1 0,5 1,8 2,0 2,4 2,6 35,1 18,0 -6,6 -5,2 0,5 2,7 39,9 33,2 7,5 1,6 8,3 11,2 Oman 4,4 2,5 5,7 2,5 2,9 3,4 -0,4 -3,6 -16,5 -15,9 -12,2 -10,0 6,6 5,2 -15,5 -20,0 -19,5 -16,0 Qatar 4,4 4,0 3,6 2,1 3,6 3,7 34,9 35,9 10,3 -12,1 -11,7 -8,9 30,4 24,0 8,4 -1,1 -5,6 -3,2 Arabie saoudite 2,7 3,6 3,4 1,0 1,6 2,5 5,8 -3,6 -15,2 -13,6 -9,3 -6,6 18,3 9,7 -8,3 -9,5 -3,4 0,6 EAU 4,7 3,1 3,8 2,3 2,5 3,0 10,4 5,0 -2,1 -3,5 -1,3 0,2 19,1 10,1 3,3 1,3 3,0 3,2 Pays en dév. exportateurs de pétrole -0,5 0,3 0,6 3,4 4,6 4,5 -4,0 -6,3 -11,2 -10,0 -4,9 -3,2 2,3 -1,3 -6,6 -7,8 -3,0 -1,4 Algérie 2,8 3,8 3,9 3,6 2,9 2,6 -0,4 -7,3 -16,2 -13,2 -9,7 -7,9 0,4 -4,4 -16,5 -14,3 -10,4 -8,0 Iran (Rép. islamique de) -1,9 3,0 0,6 4,3 4,6 4,5 -0,9 -1,2 -1,6 -0,4 0,5 1,1 6,3 3,8 2,3 2,6 3,4 4,1 Iraq 7,6 0,1 2,9 4,8 0,5 0,7 -5,8 -5,8 -13,5 -12,0 -6,8 -6,6 1,1 2,7 -6,1 -11,0 -5,4 -6,2 Libye -13,6 -24,0 -8,9 -8,3 27,7 22,7 -4,0 -43,3 -77,1 -68,9 -35,3 -11,8 0,0 -46,1 -57,3 -61,1 -28,1 -7,6 République arabe syrienne -20,6 -18,0 -15,8 1,7 … … -16,7 -19,3 -20,2 -18,2 … … -13,6 -19,0 -8,4 -9,9 … … Yémen (Rép.) 13,2 -11,3 -61,0 -59,8 … … -7,8 -8,0 -11,0 -14,5 … … -3,1 -1,7 -5,5 -6,1 … … Pays en dév. importateurs de pétrole 2,7 2,3 3,4 2,6 3,4 3,9 -9,3 -7,4 -7,7 -7,4 -6,4 -4,2 -7,5 -6,8 -6,7 -6,8 -6,5 -6,4 Djibouti 5,0 6,0 6,5 6,5 7,0 7,0 -5,8 -12,1 -16,5 -11,6 -1,2 -3,0 -23,3 -25,6 -31,0 -25,8 -14,8 -14,5 Égypte (Rép. arabe) 2,1 2,2 4,2 3,8 4,0 4,7 -13,0 -12,2 -11,5 -12,1 -10,0 -8,9 -2,2 -0,9 -3,7 -5,4 -5,3 -4,9 Jordanie 2,8 3,1 2,4 2,3 2,6 3,1 -14,2 -14,2 -6,9 -7,0 -6,7 -8,4 -10,4 -7,3 -9,0 -11,0 -9,8 -8,2 Liban 0,9 1,8 1,3 1,8 2,2 2,3 -9,5 -6,6 -8,2 -7,9 -8,6 -9,0 -25,9 -25,7 -17,3 -19,1 -19,7 -19,5 Maroc 4,5 2,6 4,5 1,5 3,4 3,5 -5,2 -4,9 -4,4 -3,5 -3,0 -2,8 -7,6 -5,7 -1,9 -1,5 -2,0 -2,4 Tunisie 2,3 2,3 0,8 2,0 3,0 3,7 -7,5 -4,3 -5,5 -4,6 -3,9 -3,7 -8,4 -9,1 -8,9 -7,7 -7,0 -6,2 Cisjordanie et Gaza 2,2 -0,2 3,5 3,3 3,5 3,5 -1,7 -2,8 -5,1 -4,7 -3,0 -2,6 -14,4 -2,8 -5,1 -4,7 -3,0 -2,6 Source: Banque mondiale. NB: Les moyennes régionales ne sont pas toutes comparables d’une année sur l’autre car il manque des données sur la Syrie et le Yémen pour certaines années. Oman a récemment recalculé son PIB sur la base des chiffres de2011. Les soldes budgétaires pour la Jordanie, la Jordanie, la Tunisie, la Cisjordanie et Gaza et le Yémen ne comprennent pas les dons. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 7 Tableau 1.2 Dépendance des pays du CCG à l’égard du pétrole Les pays du CCG étant devenus plus tributaires du pétrole au cours de la 2000-05 2006-10 2011-14 dernière décennie, ils ont davantage de Recettes pétrolières en % du total des exportations de difficultés à faire face aux conséquences produits et services de la baisse des cours du pétrole (Tableau Bahreïn 58.7 60.5 65.1 1.2). La croissance dans les pays du Golfe Koweït 82.7 80.5 87.6 devrait ralentir à 1,6 %en 2016, soit moins Oman 76.9 69.4 64.3 de la moitié du taux enregistré en 2015 Qatar 88.5 85.9 88.9 (Figure 1.3). Selon les prévisions, les six Arabie 83.4 88.1 83.0 saoudite pays de ce groupe afficheront une Emirats croissance de l’ordre de 2 %cette année et 45.0 38.7 32.6 arabes unis les perspectives de reprise restent faibles, Recettes pétrolières en % du total des recettes budgétaires à moins de mettre en place les réformes Bahreïn 71.7 82.2 87.2 nécessaires. Le déficit budgétaire et le Koweït 72.7 79.2 83.6 déficit du compte extérieur augmenteront Oman 83.4 83.4 88.7 à 10,1 % et 5 % du PIB cette année, ce qui Qatar 90.5 88.3 90.7 représente respectivement 155,4milliards Arabie 82.8 88.3 90.3 saoudite et 77,1 milliards de dollars, mais ils Emirats pourraient se résorber légèrement au 60.2 65.1 69.9 arabes unis cours de la période de projection. Source: FMI. L’Arabie saoudite devrait enregistrer une croissance de 1 %en 2016, taux nettement inférieur à celui prévu en avril 2016. Le déficit budgétaire est important et le restera les années suivantes. La croissance au Qatar, le « meilleur élève » du sous-groupe, devrait ralentir à 2,1 %en 2016, taux nettement inférieur aux prévisions précédentes et deux fois moins élevé que celui enregistré l’année dernière. L’excédent budgétaire affiché par ce pays au cours des deux dernières décennies fera place à un déficit qui atteindra 12,1 % du PIB en 2016, selon les estimations, et restera probablement élevé pendant la période de projection (2017 et 18). Afin de faire face à la baisse des cours du pétrole, tous ces pays ont resserré leur politique budgétaire, utilisé leurs réserves de change et emprunté pour financer leur double déficit. Les pays du CCG ont émis près de 88 milliards de dollars d’obligations souveraines ou d’emprunts d’entreprises publiques pour éponger le déficit budgétaire créé par la baisse des prix pétroliers . Ils cherchent également à diversifier leurs recettes pour s’affranchir du pétrole grâce à l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA).Les perspectives économiques devraient s’améliorer légèrement au cours de la période de projection (Tableau 1.1) à mesure que les réformes et les mesures de diversification entrent en vigueur, mais elles restent sombres par rapport aux années de prospérité qui ont précédé la crise de 2011. La diminution des recettes pétrolières et le ralentissement de l’activité économique ont réduit les flux financiers. Selon les données de l’Agence monétaire de l’Arabie saoudite (SAMA), les envois de BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 8 fonds avaient diminué de 19 %en juillet 2016 par rapport à l’année précédente, soit l’équivalent de 640 millions de dollars. Les transferts à l’étranger ont également diminué de 35 %par rapport à juin 2016, passant de 4,21 milliards de dollars à 2,74 milliards, leur niveau le plus bas depuis février 2013. La diminution des sorties de capitaux vers le reste de la région a eu un lourd impact économique sur les importateurs de pétrole de la région qui sont les destinataires de ces fonds. Dans les pays en développement importateurs de pétrole, les perspectives sont légèrement meilleures mais elles demeurent moroses. Ces pays ont été durement touchés par des attentats terroristes, les retombées du conflit régional et la diminution des apports de capitaux des pays du Golfe. On prévoit que la croissance va ralentir à 2,6 % en 2016 dans ce sous-groupe, contre 3,4 % l’année dernière, avant d’amorcer un léger redressement avec un taux moyen de 3,5 %pendant la période de projection. Les déficits budgétaire et extérieur resteront élevés pendant toute la période de projection (Tableau 1.1). L’Égypte et la Tunisie doivent faire face à une diminution des recettes du tourisme, des envois de fonds et des entrées de capitaux et adopter des politiques budgétaires et monétaires plus rigoureuses qui vont freiner la croissance et pousser l’inflation à la hausse cette année. Le taux d’inflation a atteint 15,5 % dans les villes égyptiennes en août, ce qui représente une hausse de près de deux points de pourcentage par rapport au mois précédent. On craint une nouvelle dépréciation de la livre égyptienne car le pays risque de tomber à court de devises, ce qui pourrait également accélérer l’inflation. Au Maroc, dont l’économie est lourdement tributaire de l ‘agriculture, la croissance ralentira à 1,5 % en 2016, contre 4,5 %l’année dernière. L’agriculture est le secteur qui pose le plus grand risque pour l’économie marocaine, avec une croissance négative de 9,5 %attendue cette année en raison de la sécheresse, contre une croissance positive de 2 %environ dans le secteur non agricole. En Jordanie et au Liban, la croissance restera atone pendant la période de projection, ces pays étant confrontés aux retombées des conflits voisins en Syrie et en Iraq et à la diminution des envois de fonds des pays du CCG, qui connaissent aussi un net ralentissement économique. Plusieurs pays en développement de la région exportateurs de pétrole sont doublement touchés - par la baisse des prix pétroliers et par la guerre civile. Dans ce groupe de pays, la croissance moyenne devrait augmenter de moins de 1 % l’an dernier à 3,4 %en 2016, mais uniquement à condition que l’Iran et l’Iraq produisent davantage de pétrole. Ces pays accusent un lourd déficit budgétaire et extérieur en raison du coût élevé de la guerre, des faibles cours du pétrole et de la réduction des échanges commerciaux. La croissance en Iran s’accélérera à 4,3 %en 2016, taux quatre fois plus élevé que celui enregistré l’an dernier, grâce au rétablissement de la production pétrolière à un niveau égal ou supérieur à ce qu’il était avant les sanctions. La production pétrolière iranienne a augmenté à 3,7 millions de barils par jour, soit deux fois plus qu’à l’époque des sanctions. Les autres pays de ce groupe (Syrie, Iraq, Libye et Yémen) sont enlisés dans des conflits qui ont un lourd coût humanitaire et économique. La guerre en Syrie a ravagé l’économie : la production a subi une baisse de l’ordre de 50 à 60 %, la livre syrienne a perdu 80 %de sa valeur, la population a diminué de 23 %, 12,4 millions de personnes ont été déplacées - dans le pays (7,6 millions) et à BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 9 l’étranger (4,8 millions) – depuis le début du conflit, et de nombreux enfants vivant dans le pays et à l’étranger ne vont plus à l’école (Figure 1.4). Depuis le début de la guerre civile au Yémen il y a 18 mois, 10 000 civils ont été tués, 2,8 millions de personnes ont été déplacées et la plupart des Yéménites souffrent d’un manque de nourriture, d’eau, de services d’assainissement et de soins de santé (Figure 1.4). Le dispositif de protection sociale au Yémen est considérablement affaibli. On estime que plus de 85 %des Yéménites vivent aujourd’hui dans la pauvreté et la situation empire. Outre le coût humanitaire de la guerre, la reconstruction du pays coûtera plus de 15 milliards de dollars selon les estimations de la Banque mondiale. Figure 1.4 Crise humanitaire en Syrie et au Yémen Sources : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Il est clair que les résultats économiques décevants des pays de la région MENA, et peut-être aussi au niveau mondial, sont dus en partie à la multiplication des attentats terroristes et à la montée de l’extrémisme violent. Dans la partie suivante, nous tentons de mettre en lumière les causes sous-jacentes de ce phénomène en examinant l’offre et la demande d’extrémistes violents dans une perspective économique. La base de données sur les recrues étrangères de Daech montre que leur non-insertion économique et sociale dans leur pays de résidence est l’un des principaux facteurs qui les poussent à rejoindre les rangs de Daech. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 10 En promouvant une meilleure intégration, on pourrait donc non seulement faire reculer l’extrémisme violent mais aussi améliorer la situation économique dans la région MENA. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 11 Inclusion économique et sociale pour la prévention de l’extrémisme violent Introduction Depuis 2000, le nombre d’attentats terroristes dans le monde a considérablement augmenté, cette hausse marquant une accélération brutale à compter de 2011 (figure 2.1). Leur concentration s’est par ailleurs accentuée. En 2014, 57 % d’entre eux ont eu lieu dans cinq pays seulement : l’Iraq, le Pakistan, l’Afghanistan, le Nigéria et la Syrie (Indice mondial du terrorisme en 2015). Ces attentats ont des effets dévastateurs non seulement sur la vie des victimes et de leurs familles, mais aussi sur le reste du pays et de la région : l’investissement et le tourisme reculent, et les économies tombent dans le piège d’une croissance morose. Lorsque les groupes radicalisés commettent des actes terroristes qui dégénèrent en violences extrémistes et en de véritables guerres civiles, la situation humanitaire devient intolérable et les conséquences sur le développement, durables. La MENA a pour principales priorités de mettre un terme aux guerres civiles et combattre les violences extrémistes. Si les actions sont majoritairement axées sur le volet sécuritaire, une perspective économique pourrait mettre en lumière les causes sous-jacentes de ces violences. Tout particulièrement, comme nous le montrons dans cette section, parmi les facteurs qui poussent les populations à quitter leur pays et intégrer des groupes radicalisés, on peut citer l’absence d’insertion économique et sociale dans leur pays de résidence. Une telle conclusion pointe des politiques économiques et sociales à même de prévenir la propagation de l’extrémisme violent. Figure 2.1 Attentats terroristes, 2000-2014 Source : Indice mondial du terrorisme (2015). BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 12 Avant de poursuivre, il convient de définir certains termes. La base de données mondiale du terrorisme (Global Terrorism Database, ou GTD) définit le terrorisme comme étant « la menace de recours ou le recours effectif à la force illégale et à la violence par un acteur non étatique pour réaliser un objectif politique, économique, religieux, ou social au moyen de la peur, de la contrainte ou de l’intimidation ». Le Département d’État des États-Unis, pour sa part, le définit comme étant « une violence préméditée, motivée politiquement, perpétrée contre des cibles non-combattantes par des groupes infranationaux ou des agents clandestins » (article 22 du United States Code, § 2656f). Si le recours à la violence et la motivation politique sur laquelle il se fonde sont inhérents à la définition du terme, le caractère illégal de ce recours ou la nature non-combattante de la cible sont largement ouverts à interprétation, comme l’a montré la Chambre des Représentants des États-Unis (1989). La difficulté à définir le terme de « terrorisme » est illustrée par la persistance du cliché selon lequel « un terroriste pour l’un est un combattant de la liberté pour l’autre ». Qui plus est, depuis les premiers attentats-suicide de ces dernières décennies (au Liban au début des années 80, et au Sri Lanka à la fin des années 80), et notamment depuis les attentats du 11 septembre, le terme « radicalisation » a été étroitement associé au terrorisme. Lewis (2013) estime que les trois facteurs nécessaires à des attentats-suicide réussis sont des « individus disposés à les perpétrer », des « organisations qui les forment et les utilisent, et une société disposée à accepter de tels actes au nom de l’intérêt général ». L’accroissement du nombre d’attentats-suicide et le rôle fondamental de la détermination individuelle dans leur réussite ont conduit à un rapprochement des notions de terrorisme et de radicalisation. Selon l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), par exemple, la radicalisation consiste à « préconiser, perpétrer, préparer ou favoriser de toute autre façon une violence motivée ou justifiée par l’idéologie pour faire progresser des objectifs sociaux, économiques et politiques » (USAID, 2011), définition selon laquelle la radicalisation recouvre à la fois l’expression d’opinions extrêmes et l’exercice effectif de la violence. Le Ministère du Développement international du Royaume-Uni (DFID) va jusqu’à assimiler radicalisation et terrorisme lorsqu’il définit la premièr e comme étant « l’utilisation et la promotion de la violence à l’encontre de civils en vue de réparer des torts, réels ou perçus, qui constituent l’assise d’identités collectives exclusives de plus en plus marquées » (DFID, 2013). Le présent chapitre utilisera donc les termes « radicalisation », « extrémisme violent, et « radicalisation conduisant à l’extrémisme violent » de manière interchangeable (Borum, 2011). Pour examiner la radicalisation sous un angle économique, il faut donc admettre qu’il existe une demande et une offre d’extrémistes violents, et un marché où elles se rencontrent. De plus, une analyse économique de la radicalisation se fonde sur l’hypothèse selon laquelle un individu décide rejoindre les rangs d’une organisation terroriste après en avoir pesé les coûts et les bénéfices. Ces derniers ne sont pas uniquement d’ordre financier ; il peut par exemple s’agir de liens familiaux ou de loyauté envers certains groupes. Les études universitaires portant sur l’économie des ressources humaines (voir par exemple Lazear et Oyer, 2012, pour une synthèse) BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 13 apportent deux informations utiles pour comprendre le rôle central de la radicalisation dans le « modèle économique » d’un groupe terroriste. Premièrement, les avantages non pécuniaires qu’elle offre, comme le sentiment d’une mission à accomplir, tiennent lieu de rémunération, élément crucial pour des organisations en mal de liquidités. Les organismes terroristes sont tributaires de multiples sources de financement, y compris les dons et les activités illégales (CFR, 2006). Dans certains cas, il apparaît que leurs opérations sont financées par des activés d’ampleur limitée, comme la vente de produits de contrefaçon (Naim, 2006). On sait que suite au durcissement des réglementations financières les recrues d’Al-Qaeda financent depuis quelques années leur propre formation et leur ravitaillement (CFR, 2010), les responsables évoquant pour leur part des pénuries d’armes et de nourriture (Reuters, 12 juin 2009). Il s’avère même que l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), l’un des groupes terroristes les plus riches de ces dernières années (NBC, 20 mars 2015), dispose de moyens relativement limités dérivant de ce que l’on pensait être sa principale source de revenus : le pétrole (Do et al. 2016). Deuxièmement, lorsqu’il existe peu de possibilités d’offrir des incitations extérieures (comme la rémunération), la motivation intrinsèque des employés influe de manière essentielle sur le rendement de l’entreprise (Besley et Ghatak, 2005 ; Prendergast, 2007)3. Comme les organisations terroristes exigent de leurs adeptes qu’ils se livrent à des actes violents caractérisés par une faible probabilité de survie (pour ne rien dire des attentats-suicide) ou qu’ils assistent ceux qui le feront, leur succès repose sur l’adhésion intrinsèque des individus à la mission qu’elles se sont assignée. D’où la question cruciale suivante : comment la demande de personnel radicalisé des organisations terroristes peut-elle être satisfaite ? La finalité essentielle de l’analyse menée ici est donc d’examiner la situation de l’offre sur ce marché. Pour étudier cette question, nous nous penchons sur une organisation spécifique, largement associée au mot « radicalisation », tout au moins dans le discours public et les médias occidentaux (CNN, 7 octobre 2014 ; The Wall Street Journal, 26 février 2015) : l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) autoproclamé, que nous désignerons ci-après par son acronyme arabe, Daech. À l’évidence, le phénomène de l’extrémisme violent ne se limite pas à u ne seule organisation, et concerne tous les continents et toutes les époques. Partout, des attaques violentes à l’encontre de civils ont été perpétrées pour atteindre des objectifs politiques, que ce soit par le mouvement Patrie basque et Liberté (Euskadi Ta Askatasuna - ETA) en Espagne, le Sentier lumineux (SL) au Pérou, ou les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) au Sri Lanka. Le choix de Daech est néanmoins motivé par l’impact des activités de cette organisation sur les économies de la MENA. L’analyse effectuée ici repose sur un jeu de données unique en son genre portant sur les recrues étrangères de Daech, ce qui permet d’examiner les facteurs susceptibles 3 Benabou et Tirole (2003), et Deci, Koestner, et Ryan (1999) démontrent de manière théorique et empirique en quoi les incitations extrinsèques peuvent nuire à la motivation intrinsèque, et diminuer ainsi le rendement. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 14 d’inciter des gens, partout dans le monde, à tout quitter pour rejoindre une organisation terroriste. En particulier, s’agissant de l’analyse quantitative présentée dans ce rapport, le caractère multinational des effectifs de Daech nous permet de définir les facteurs nationaux qui amènent certains individus à adhérer au groupe. L’analyse qui su it, si elle se limite à Daech, permet de mieux comprendre les facteurs susceptibles de provoquer cette évolution en général, quelles que soient les raisons politiques motivant le recours ultérieur à la violence. Dans la mesure où le choix de l’extrémisme violent que représente l’adhésion à Daech suppose une analyse coûts-bénéfices, le cadre analytique proposé par Becker (1968) met en relief l’influence du coût d’opportunité – le revenu que l’individu pourrait percevoir par d’autres moyens — sur la décision d’adhérer à une organisation terroriste. Collier et Hoeffler (2004) appliquent un cadre similaire à l’étude empirique des conflits, et évoquent par ailleurs l’avidité et le mécontentement. Nous nous inscrivons donc ici dans la droite ligne de nombreuses études empiriques consacrées aux causes immédiates de la guerre civile. Néanmoins, plutôt que le déclenchement du conflit ou son intensité – généralement mesurée par le nombre de victimes — le résultat qui nous intéresse a trait à l’engagement dans un group e terroriste. Nous examinons si, et dans quelle mesure, l’exclusion au sens large est un facteur de risque majeur de la radicalisation. Nous cherchons notamment à définir si l’absence d’insertion économique et sociale dans le pays d’origine est un facteur motivant la décision d’un individu de rejoindre Daech. Cet exercice trouve son pendant dans les analyses des facteurs de risques socioéconomiques des conflits conduites par Barron, Kaiser, et Pradhan (2009) concernant l’Indonésie, Mitra et Ray (2014) sur l’Inde, Do et Iyer (2010) et Macours (2011) sur le Népal, Abdel-Jelil et Do (2016) sur la République arabe syrienne, tandis que Duclos, Esteban, et Ray (2004), Fearon et Laitin (2003), Montalvo et Reynal-Querol (2005), Collier et Hoeffler (1998, 2004), Brunnschweiler et Bulte (2009), entre autres, procèdent plutôt à des comparaisons internationales (voir Blattman et Miguel, 2010, pour une synthèse). Pour procéder à nos analyses, nous associons un jeu de données inédit sur les recrues étrangères de Daech à des données nationales provenant de leurs pays de résidence4. Cette base de données contient des renseignements personnels concernant un sous-échantillon des effectifs étrangers de l’organisation, notamment l’âge, le niveau d’instruction, les compétences, la connaissance des préceptes religieux déclarés par les intéressés eux-mêmes, et leur pays de résidence. Les données sur les pays comprennent des indicateurs macroéconomiques comme le PIB par habitant, l’Indice de développement humain (IDH), le taux de chômage, le nombre d’habitants, les droits politiques, et des données subjectives tirées de sondages d’opinion comme le Baromètre arabe, l’enquête Gallup World Poll, et l’Enquête mondiale sur les valeurs. 4 Cette section récapitule certain des résultats obtenus. Pour plus de détails et d’analyses, voir Do et al. (2016b). BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 15 Nous constatons que Daech n’a pas recruté ses effectifs étrangers parmi les pauvres et les ignorants, mais plutôt le contraire. En revanche, l’absence d’intégration économique semble expliquer l’ampleur de la radicalisation conduisant à l’extrémisme violent. Données et méthodologie Données relatives aux recrues étrangères de Daech Les données concernant les recrues étrangères de Daech proviennent de la fuite d’un fichier du personnel de l’organisation communiqué récemment à des chercheurs. Ce jeu de données contient des informations socioéconomiques fondamentales concernant 3 803 recrues étrangères. CTC (2016) suppose qu’elles couvrent la période comprise entre le début de 2013 et la fin de 2014, pendant laquelle Daech utilisait le nom d’EIIL. Les fiches fournissent des renseignements sur le pays de résidence des recrues, leur nationalité, leur situation de famille, leurs compétences, leur niveau d’instruction, leur expérience djihadiste antérieure et leur connaissance de la Charia. En comparant nos données avec des sources d’information analogues sur les recrues étrangères de Daech, nous constatons que les informations contenues dans les différents jeux sont globalement homogènes. Données issues de sondages d’opinion et autres variables de contrôle Pour analyser ces données à l’échelon macroéconomique, nous associons les caractéristiques nationales au pays de résidence déclaré par chaque recrue. Nous utilisons aussi les moyennes nationales de trois enquêtes représentatives au niveau des pays – le sondage Gallup World Poll, l’Enquête mondiale sur les valeurs et le Baromètre arabe. Celles-ci interrogent les répondants sur leurs valeurs et croyances fondamentales, l’état du monde, les affaires publiques et leur opinion sur la société, la religion, le pays et les événements. Nous prenons en outre pour variables de contrôle des variables socioéconomiques comme le PIB par habitant, l’indice de développement humain (IDH), le coefficient de Gini, le taux de chômage, le nombre total d’habitants, le nombre total de musulmans au sein de la population, l’éloignement par rapport à la Syrie, les droits politiques, et les indices de fractionnement ethnique, religieux et linguistique. Méthodologie Comme indiqué, l’analyse vise au premier chef à appréhender les facteurs qui influent sur l’engagement d’étrangers auprès de Daech. Le pays de résidence de quasiment tous les individus inscrits dans la base de données est connu, à l’exception de 331 d’entre eux, pour lesquels il ne peut être établi à partir des informations disponibles. Nous sommes donc en mesure d’examiner les facteurs qui expliquent si un pays donné est le pays d’origine d’une recrue étrangère au moins. Cet exercice est désigné ci-après sous le nom d’analyse de la marge extensive. Un prolongement naturel de l’exercice consiste à observer la marge intensive. Autrement dit, nous examinons les pays dont une recrue de Daech au moins est originaire et définissons les BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 16 caractéristiques nationales qui expliquent les écarts dans le nombre de recrues étrangères provenant de ces pays. Comme nous examinons simultanément l’influence de nombreux facteurs, nous procédons à des analyses de régression multivariées. Dans le corps du texte, nous illustrons sous forme de graphique l’influence de chaque variable, considérée séparément, sur la marge extensive ou intensive. Résultats Qui sont les recrues étrangères de Daech ? Pour comprendre pourquoi certains individus se radicalisent, il convient dans un premier temps de se faire une idée de qui ils sont. Les tableaux et graphiques présentés ici décrivent les individus qui se sont rendus en Syrie pour s’engager auprès de Daech. D’où viennent -ils ? Quels segments de la population d’un pays sont-ils les plus susceptibles de produire des recrues pour Daech ? Existe-t-il des différences socioéconomiques systématiques entre les recrues étrangères originaires d’une partie du monde et celles venant d’une autre région ? Daech recrute sur tous les continents, partout dans le monde. Les cinq premiers pays d ’origine de ses recrues sont l’Arabie saoudite, la Tunisie, le Maroc, la Turquie et l’Égypte. Parmi les pays à population majoritaire non musulmane, la Russie, la France et l’Allemagne fournissent le plus grand nombre de ses effectifs étrangers. D’après les caractéristiques individuelles, les recrues étrangères sont âgées de 27,4 ans en moyenne. Les plus jeunes viennent de Libye (23,7 ans en moyenne), les plus âgées d’Indonésie (33,5 ans en moyenne). La figure 2.2 montre que l’âge moyen des recrues étrangères de Daech ne rend pas compte de la démographie de leur région d’origine : les régions dont la population est majoritairement plus âgée ne fournissent pas des recrues plus âgées. S’agissant de l’éducation formelle de ces recrues, la figure 2.3 montre que 69 % d’entre elles déclarent un niveau d’éducation secondaire au moins. Quinze pour cent ont interrompu leurs études avant le lycée, et moins de 2 % sont analphabètes. La figure 2.4 compare le niveau d’instruction déclaré par les recrues étrangères de Daech et celui de la population globale âgée de 20 à 35 ans dans chaque région d’origine. Les pays d’Europe et d’Asie centrale, ainsi que d’autres pays membres de l’OCDE, produisent des recrues qui affichent des niveaux d’instruction analogues à ceux de leurs concitoyens. En revanche, celles du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de l’Asie du Sud et de l’Est ont un niveau d’instruction sensiblement supérieur au niveau caractéristique de leur région. Il est toutefois possible que les recrues aient surestimé leur niveau d’éducation ; il convient donc d’interpréter ces écarts avec prudence. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 17 Figure 2.2 Âge moyen des recrues Figure 2.3 Niveau d’instruction des recrues étrangères de Daech, par région d’origine étrangères de Daech Figure 2.4 Niveau d’instruction des recrues étrangères de Daech âgées de 20 à 35 ans, par région d’origine Au cours de leur entretien, sur les 30 % des recrues qui affichent leurs préférences, 1,9 % déclarent souhaiter occuper un poste administratif, 17,2 % souhaitent combattre, et 11,7 % désirent participer à des opérations suicide (figure 2.5). Les figures 2.6 et 2.7 présentent les caractéristiques des recrues qui spécifient leur aspiration, exclusion faite des individus qui n’en ont pas déclaré. Ceux qui aspirent à un poste administratif sont relativement plus représentés parmi les pays d’Afrique subsaharienne et ceux d’Asie du Sud et de l’Est. Les combattants sont majoritaires dans les pays d’Europe occidentale et les pays non -européens de BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 18 l’OCDE. L’Afrique du Nord, l’Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient et l’Asie centrale produisent les plus fortes proportions de combattants suicide. Le pourcentage d’administrateurs, mais aussi de combattants suicide, augmente avec le niveau d’instruction. Les recrues qui ont déclaré être au chômage ou dans l’armée avant de rejoindre Daech sont les plus enclines à choisir l’option « combattant suicide ». Ces résultats descriptifs apportent un nouvel éclairage sur les débats dans les études concernant les déterminants de l’extrémisme violent, mais ouvrent aussi de nouvelles perspectives. Les études existantes ont soit recouru à de petits échantillons pour étudier les individus impliqués dans des actes de violence (voir par exemple Hegghammer, 2006 ; Jenkins, 2011), soit exploité des échantillons représentatifs plus larges, mais elles ont alors été contraintes de se fonder sur l’expression d’opinions radicales (Bhatia et Ghanem, 2016 ; Kiendrebeogo et Ianchovichina, 2016, par exemple) plutôt que sur l’engagement réel à recourir à la violence. Pour notre part, nous sommes en mesure de présenter un vaste échantillon d’individus qui ont donné une forme concrète à leurs convictions radicales. Constatation importante, ces individus ne sont ni incultes, ni analphabètes. La plupart prétendent avoir fréquenté l’enseignement secondaire, et une forte proportion a ensuite suivi des études universitaires. Les recrues en provenance d’Afrique, d’Asie du Sud et de l’Est et du Moyen-Orient, notamment, sont sensiblement plus éduquées que les individus de leur cohorte dans leur région d’origine. L’immense majorité d’entre elles a déclaré avoir exercé un métier avant d’adhérer à l’organisation. Figure 2.5 Fonction souhaitée par les Figure 2.6 Fonction souhaitée par les recrues recrues étrangères de Daech étrangères de Daech, par région d’origine et par niveau de connaissance de la religion BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 19 Figure 2.7 Fonction souhaitée par les recrues étrangères de Daech, par niveau d’instruction et par profession antérieure Nos données ont aussi pour particularité de montrer que les recrues de Daech se rendent en Syrie dans des objectifs divers : certaines veulent participer à l’administration de l’organisation, d’autres souhaitent la servir en lui offrant leur vie, ou sont disposées à le faire. D’autres encore souhaitent simplement combattre. Comme indiqué plus haut, ces aspirations sont corrélées à différentes caractéristiques, ce qui laisse également entrevoir l’hétérogénéité des motifs à l’origine de la radicalisation. Les facteurs déterminants de l’évolution de la radicalisation en un extrémisme violent La première question abordée est la suivante : à quels facteurs la probabilité qu’un pays fournisse des recrues extrémistes à Daech tient-elle ? Pouvons-nous recenser des variables susceptibles d’appréhender les différents aspects de l’exclusion --— économiques, sociaux ou politiques --— qui influent sur l’inclination des ressortissants d’un pays donné à adhérer au groupe terroriste ? Avant de nous intéresser à la radicalisation en soi, nous examinons les variables démographiques et géographiques qui rendent compte de facteurs plus « mécaniques » associant les caractéristiques d’un pays et le ralliement à Daech. Il paraît logique que dans les pays dotés d’une population plus importante, musulmane notamment, un citoyen au moins, toutes choses étant égales par ailleurs, s’affilie au groupe extrémiste. Dans le même ordre d’idées, toutes les autres variables demeurant constantes par ailleurs, plus un pays est éloigné de la Syrie, plus les frais de voyage pour s’y rendre sont élevés, ce qui atténue la probabilité que des individus radicalisés se joignent aux recrues étrangères de Daech. Les variables de développement économique, comme le PIB par habitant, exercent une influence ambiguë sur la propension d’un individu à adhérer au groupe radical. Si les plus riches ont BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 20 davantage à perdre (un coût d’opportunité plus élevé) en risquant leur vie, ils ont aussi plus souvent les moyens financiers de se rendre en Syrie et en Iraq. À l’inverse, les indicateurs de l’intégration économique (ou de son absence) ---comme le taux de chômage --— devraient prédire des taux plus élevés de radicalisation dans la mesure où l’exclusion économique risque de susciter davantage de mécontentement, le coût d’opportunité lié au ralliement à Daech étant en outre plus faible. Les diagrammes 1 à 4 de la figure 2.8 illustrent le lien entre les facteurs de radicalisation et la propension d’un pays à fournir des recrues à Daech. Les diagrammes 2.8.1 et 2.8.2 confirment notre hypothèse initiale selon laquelle plus leur pays est éloigné de la Syrie, plus il est onéreux pour les éventuelles recrues de Daech de s’y rendre (diagramme 2.8.1). S’agissant des indicateurs du développement économique global, nous constatons que les pays riches, en termes de PIB par habitant, sont plus susceptibles de fournir des recrues étrangères au groupe terroriste (diagramme 2.8.3). L’utilisation de l’IDH comme variable de développement économique aboutit à un schéma analogue. Ce résultat correspond à ceux de diverses autres études qui aboutissent à une conclusion similaire : la pauvreté n’est pas un facteur de radicalisation menant à un extrémisme violent (voir par exemple Abadie, 2006 ; Krueger et Maleckova, 2003). L’examen des indicateurs de l’intégration économique montre en revanche (diagramme 2.8.4) une forte association entre le taux de chômage masculin et la propension d’un pays à fournir des recrues étrangères à Daech. Ce résultat fait écho aux observations de Bhatia et Ghanem (2016) qui montrent, au moyen de sondages d’opinion portant sur un échantillon de huit pay s arabes, que le chômage chez les membres instruits de la population accroît la probabilité qu’ils entretiennent des idées radicales. Pareillement, Kiendrebeogo et Ianchovichina (2016), se fondant sur des informations concernant l’attitude envers la violence extrême dans 27 pays en développement, observent un lien entre opinions radicales et chômage ou difficultés économiques. De surcroît, nous n’observons pas de corrélation robuste entre la propension à fournir des recrues à Daech et les indicateurs de la diversité socioéconomique comme le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité de revenu, et divers indicateurs du fractionnement qui rendent compte de la diversité ethnique, linguistique ou religieuse d’un pays. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 21 Figure 2.8 Propension à fournir des recrues étrangères à Daech : facteurs démographiques, géographiques et économiques Conclusion L’analyse des dossiers de membres de Daech a apporté quelques éclaircissements sur la radicalisation et ses facteurs déterminants. Dans la mesure où les résultats présentés ici s’appliquent de manière plus générale, nous pouvons en tirer quelques conclusions. Si le terrorisme n’est pas associé à la pauvreté et à un faible niveau d’instruction, le manque d’insertion semble être un facteur de risque d’une évolution de la radicalisation vers un extrémisme violent. Le chômage en est aussi certainement une cause. Non seulement les politiques de création d’emplois profitent aux jeunes demandeurs d’emploi, mais elles contribuent également à contenir la propagation de l’extrémisme violent, ainsi que ses effets connexes sur la croissance économique nationale et régionale. BULLETIN D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA OCTOBRE 2016 22 Références Abadie, Alberto. 2006. "Poverty, Political Freedom, and the Roots of Terrorism." American Economic Review, 96(2): 50-56. Abdel-Jelil, M. and Do Q-T. 2016. “Syria’s Middle Class and the Civil War.” Manuscript, the World Bank. Al Arabiya with Agencies. 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L'augmentation de l'inflation et du chômage a accompagné un profond déficit à deux chiffres de la balance extérieure. Sur les 2 ou 3 prochaines années, la croissance devrait ralentir alors que le gouvernement met en place des mesures d'assainissement budgétaire. Développements récents Malgré la forte baisse des prix du pétrole et une météo défavorable, l'Algérie a été en mesure de maintenir une croissance économique respectable en 2015 et au premier semestre de l'année 2016. En 2015, la croissance a augmenté à 3,9 % en raison de la hausse la production d'hydrocarbures dans la décennie et de la croissance hors hydrocarbures, et ce malgré les dommages causés à l'économie par la baisse des prix du pétrole. Durant la première moitié de l'année 2016, l'Algérie a maintenu une croissance relativement forte à 3,6 % (sur 12 mois), soutenue par la récupération progressive de la production d'hydrocarbures qui est venue atténuer la croissance plus lente du secteur hors hydrocarbures. La production d'hydrocarbures a connu une croissance de 3,2 % durant le premier semestre de l'année 2016, une hausse de 0,8 % par rapport à la même période en 2015. La production hors hydrocarbures a ralenti de 5,1 % au premier semestre 2015 à 3,8 % aujourd'hui. Ce ralentissement est dû à un affaiblissement de la croissance dans le secteur de l'agriculture (en raison de la mauvaise météo), dans l'eau et l'énergie, et d'autres industries. Sur le marché de la demande, la consommation gouvernementale a augmenté sa contribution à la croissance en 2015 et pendant la première moitié de 2016, en même temps que le déclin de la contribution de la consommation privée et des investissements, voir figure 1. Le maintien de la croissance s'est fait au prix de l'élargissement du déficit budgétaire, qui a plus que doublé en 2015 pour atteindre 16,2 %, en raison du retard des mesures d'assainissement budgétaire. Ce déficit s'est élargi encore davantage au premier semestre 2016, en raison des difficultés du gouvernement à mettre en place les mesures budgétaires envisagées dans la loi 2016 sur le budget. Cette dernière appelle à une réduction de 9 % des dépenses (principalement des investissements) et une augmentation de 4 % de l'impôt sur le revenu, basée sur la hausse de 36 % du prix de l'essence et des taxes plus élevées sur l'électricité et les immatriculations de véhicule. Le budget permet également aux autorités financières d'autoriser des réductions supplémentaires si les prix du pétrole passent en dessous de l'hypothèse de prix moyen, et au besoin d'effectuer des emprunts extérieurs. Cependant, les dépenses gouvernementales sont montées en flèche au premier trimestre 2016 (une hausse d'environ 60 % sur 12 mois), indiquant des difficultés pour mettre en place un assainissement budgétaire. Le déficit du compte courant s'est stabilisé à 16,5 % du PIB en 2015, mais s'est détérioré au premier semestre 2016. La valeur des importations a baissé de 11,8 % 2015 et 8,7 % (sur 12 mois) au premier semestre 2016, pas assez pour compenser les chutes de 42,3 % et 36,6 % (sur 12 mois), respectivement en 2015 et au premier semestre 2016. En 2016, l'introduction de nouvelles licences d'importation a permis de limiter encore plus le déficit du compte courant. Malgré une politique monétaire stricte, l'inflation a atteint 4,8 % en 2015, reflétant en partie l'effet d'une dépréciation nominale du dinar d'environ 20 %, destiné à corriger le déséquilibre extérieur. Durant la première moitié de l'année 2016, les autorités monétaires ont autorisé une dépréciation supplémentaire du dinar, alors que le gouvernement essayait d'éviter une baisse rapide des réserves de change et de les maintenir au-dessus de 100 millions de dollars US. La dépréciation du dinar devrait maintenir une pression inflationniste élevée, avec une prévision de l'inflation à 5,9 % en 2016. La persistance du niveau élevé du chômage des jeunes a entravé la réduction de la pauvreté et des inégalités. En 2015, le taux de chômage a dépassé les 2 chiffres pour atteindre 11,2 %, n'a pas changé de façon significative dans la première moitié de l'année 2016, et reste particulièrement élevé parmi les femmes (16,6 %) et les jeunes (29,9 %). Les plus défavorisés dépendent fortement de l'agriculture de subsistance pour générer un revenu. En région urbaine, l'emploi informel prédomine parmi ces populations. Le secteur formel est dominé par les fonctionnaires et les employés des entreprises publiques. Il existe de grandes différences de parité dans le marché du travail ; les femmes ont moins de chances d'être employées par le gouvernement et le secteur privé formel. Perspectives La croissance du PIB réel devrait ralentir à 3,6 % en 2016 et baisser à 2,6 % en 2018. En 2017 et en 2018, la hausse significative de la production d'hydrocarbures ainsi que l'ouverture de nouveaux puits de pétrole viendront atténuer l'impact négatif du déclin prévu des prix du pétrole sur les secteurs non pétroliers réels. Il est prévu que le taux de chômage élevé pèse sur la dépense des ménages. La ligne de référence suppose que le gouvernement fera un certain nombre de progrès, par exemple en termes d'assainissement budgétaire. Cela étant, le déficit budgétaire devrait rester élevé, à environ 13,2 % du PIB en 2016 (bien qu'il devrait se réduire à 8 % en 2018) alors que les prix bas du pétrole pèsent sur les recettes fiscales. Avec l'épuisement de l'épargne budgétaire (Fonds de Régulation des Recettes, FRR), il est attendu que le déficit soit financé par l'émission de nouvelles dettes, avec une hausse du taux de dette sur PIB de 13,6 % du PIB en 2016, à 25,1 % en 2018. Le déficit du compte courant devrait se réduire légèrement, de 15,5 % du PIB en 2016 à 10,4 % en 2018. Risques et défis Ces perspectives sont sujettes à au moins deux risques clé de ralentissement, la volatilité des prix du pétrole et le mécontentement social. La dépendance de l'Algérie aux revenus du pétrole la rend extrêmement vulnérable à la volatilité globale des prix du pétrole face aux importantes réserves mondiales, et une récupération de la demande plus faible que prévu. Une chute des prix du pétrole pourrait également affecter l'investissement dans le secteur des hydrocarbures. L'augmentation du mécontentement social vis-à-vis des coupes budgétaires, de l'augmentation des taxes et du taux de chômage élevé chez les jeunes pose également un risque. La volonté politique et le consensus national tendent lentement vers la rationalisation de subventions inefficaces, inéquitables et coûteuses, mais de telles réformes nécessiteraient des dispositifs de protection, un système de transferts monétaire à la portée des plus défavorisés, une campagne médiatique suscitant de l'opposition lors de sa mise en place, et enfin un système statistique robuste permettant la surveillance fréquente des conditions de vie des ménages. Il est très peu probable que les mesures mentionnées précédemment soient mises en place à court terme. BAHREÏN La croissance continue à ralentir et le déficit budgétaire demeure important. La balance des paiements courants a viré au déficit et les réserves internationales ont diminué. En dépit des efforts significatifs d’assainissement budgétaire entrepris par les autorités, Bahreïn est le plus vulnérable des pays du Golfe dans une situation de chute des cours du pétrole et de la bauxite en raison de ses réserves limitées et de son fort endettement, qui l’exposent à des risques de financement. Développements récents Le pétrole bon marché continue à mettre à l’épreuve l’équilibre budgétaire de Bahreïn. Bahreïn a appliqué une politique budgétaire expansionniste depuis 2009 qui l’a mis dans une situation générale de déficit public. La situation a toutefois empiré en 2015 avec une baisse des recettes pétrolières d’environ 10 % du PIB et un déficit budgétaire général estimé à 12,6 % du PIB (contre 3,3 % en 2014). Bahreïn a subi une baisse des recettes fiscales d’environ 10 % du PIB en 2015 en raison de la chute des cours du pétrole. Bahreïn a pris d’importantes mesures d’assainissement budgétaire. Des mesures accroissant les rentrées comme une augmentation des taxes sur le tabac et l’alcool ainsi que des droits perçus sur les services de l’État ont été introduits au cours de l’année écoulée. Un programme de réduction des coûts a entraîné un relèvement jusqu’à 60 % des prix du pétrole en janvier 2016 (susceptible de générer des économies d’une valeur 148,4 millions de dollars US), l’introduction progressive d’une hausse des tarifs subventionnés de l’électricité, de l’eau, du gazole et du kérosène d’ici à 2019, une augmentation et uniformisation du prix du gaz naturel pour les utilisateurs industriels et la suppression des subventions sur la viande. La chute des cours du pétrole oblige le gouvernement à réduire les dépenses en capital dans la mesure où une restriction des dépenses courantes risquerait d’exacerber les tensions politiques internes. Un nouveau projet de loi se propose de privatiser plusieurs entreprises d’État afin de contribuer à une réduction du déficit. Les efforts entrepris pour atténuer les risques fiscaux ont pesé sur la croissance. En 2015, la croissance de l’économie du Bahreïn a été de 2,9 %. Cela traduit une diminution de la part du PIB non pétrolier de 4,9 % en 2014 à 3,9 % malgré la robustesse dont fait preuve le secteurs des services comme les hôtels et les restaurants. Le PIB dérivé des hydrocarbures est resté stable en 2015. L’inflation a été contenue à un taux moyen de 1,8 % en 2015 grâce à la baiss e des cours internationaux des denrées alimentaires et à l’appréciation en dollars américains. L’excédent de la balance des opérations courantes s’est transformé en un déficit de 3,9 % du PIB en 2015. Les réserves ont diminué pour atteindre 2,6 mois d’importations. Le chômage est tombé à 3,1 % en septembre 2015, contre 3,8 % à fin 2014. Les indicateurs de 2016 jusqu’à présent confirment la persistance de déséquilibres budgétaires et les tendances à la détérioration. Dans la première moitié de 2016, la pépinière de projets de Bahreïn a continué à se développer grâce à des fonds provenant d’autres pays du Golfe comme les Émirats Arabes Unis et le Koweït. La production de pétrole a augmenté de 12,4 % d’une année sur l’autre au premier trimestre 2016. Toutefois, la performance des secteurs non-pétroliers a été entravée par des mesures d’austérité budgétaire, qui continuent à détériorer la consommation privée et la confiance des investisseurs. Avec un ratio endettement/PIB évalué à plus de 60 % en 2016, et des perspectives fléchissantes, S&P a abaissé la note du crédit souverain de Bahreïn à BB/B, mais avec une perspective stable en février. La veille de cette dégradation de la note, Bahreïn avait émis pour 750 millions de dollars US supplémentaires d’obligations existantes mais a dû annuler la vente des titres de créance à la suite de cette révision à la baisse. La vente a ensuite été rouverte mais limitée à 600 millions dollars US avec des coûts d’emprunt plus élevés. Très peu d’analyses exhaustives sur le niveau de bien-être sont disponibles en raison d’un accès restreint aux données de l’enquête auprès des ménages, d’une capacité limitée et du caractère sensible du sujet. La présence des bahreïnites sur le marché du travail est faible et ils travaillent principalement dans le secteur public, où les salaires sont élevés et la productivité basse. Les travailleurs immigrés constituent environ la moitié de la population résidente et ont des revenus bien moindres. Les politiques de protection sociale clés du gouvernement, les emplois dans le secteur public et les subventions sont plus difficiles à obtenir dans le cadre de l’assainissement budgétaire en cours. Comme la population du pays en est de plus en plus affectée, Bahreïn a tout à gagner d’une amélioration de sa capacité à mesurer le niveau de vie et la politique sociale afin d’atténuer l’impact et de rendre l’ajustement plus acceptable et moins coûteux, y compris sur le plan financier. Une nouvelle enquête sur les ménages réalisée en 2015 donnera l’occasion de faire une analyse plus détaillée du niveau de bien-être. Perspectives La croissance économique devrait ralentir au cours de la période de prévision. Les projections de croissance du PIB réel ont été révisées à la baisse, respectivement à 2,0 et 1,8 % en 2016 et 2017 dans un contexte de persistance de prix du pétrole bas qui ont une incidence négative sur la consommation privée et publique. Certaines infrastructures d’investissement sont également susceptibles d’être mises en veilleuse. De plus, la produc tion élevée de pétrole au premier trimestre de 2016 ne se maintiendra probablement pas après le retrait des compagnies pétrolières internationales du champ pétrolifère Awali en mai. L’inflation moyenne devrait se hisser à 3,4 % en 2016 suite à la réforme des subventions et devrait demeurer au-dessus de 3 % à moyen terme. Le déficit de la balance des paiements courants va se creuser pour atteindre 5,1 % du PIB en 2016 avant de fondre graduellement lorsque les prix du pétrole commenceront à remonter et la demande mondiale d’aluminium augmentera dans les années à venir. Les réserves internationales devraient suivre une tendance à la baisse (jusqu’à atteindre l’équivalent de 2,4 mois d’importations en 2016). Risques et défis La croissance du PIB réel devrait continuer à ralentir et les soldes budgétaires et externes devraient rester tendus en 2016 en raison de la persistance de bas prix du pétrole. En dépit d’efforts en vue de diversifier et stimuler les recettes fiscales non pétrolières, les hydrocarbures représentent environ 80 % des recettes publiques à Bahreïn. De plus, les subventions absorbent encore plus de 20 % du budget. Le point mort de l’équilibre fiscal de Bahreïn est estimé se situer à 110 $ US le baril en 2016, le plus élevé des pays du Golfe. De ce fait, Bahreïn devrait continuer à connaître un important déficit budgétaire général pendant la période de prévision, à 2,1 % du PIB en 2016. La dette publique devrait passer de 47,8 % du PIB en 2015 à 62,1 % en 2016, contrevenant au critère de stabilité du ratio endettement/PIB de 60 % imposé par les critères de convergence de l’Union monétaire du Golfe. Compte tenu des tensions sociales existantes et à la lumière des plans du gouvernement visant à réduire les subventions, l’économie demeure vulnérable aux troubles civils ainsi qu’aux tensions régionales dans la période de prévision. Les activités dans les secteurs du tourisme et des services financiers pourraient connaître un certain tassement en raison du ralentissement observé dans la région. Des retards pris dans la mise en œuvre de l’assainissement budgétaire ou une nouvelle baisse des prix du pétrole pourraient déclencher une autre rétrogradation de la note du crédit souverain, ce qui rendrait l’accès au financement externe plus difficile et intensifierait la pression sur les réserves et l’ancrage. DJIBOUTI La croissance économique demeure forte en 2016, principalement alimentée par les activités portuaires et les transports. Malgré l'amélioration de la situation budgétaire et extérieure par rapport à 2015, les risques relatifs à la dette et à la viabilité budgétaire sont toujours présents. Avec plus d'un cinquième de la population au chômage, il est essentiel de mettre en place des réformes incitant la croissance à s'ouvrir à la création d'emplois. Le système statistique a besoin d'être renforcé pour un suivi pour un suivi plus précis. Développements récents La croissance du PIB devrait atteindre 6,5 % en 2016, similaire à 2015 et une accélération timide comparée aux 6 % de 2014. Le rythme de croissance a été maintenu par la construction, le transport, les activités portuaires et les activités à forte intensité de capital. Il est prévu que le taux d'inflation atteigne 3,5 % en 2016, une hausse par rapport aux 2,1 % de 2015, stimulée par une demande élevée dans le secteur du logement et de celui des services. Le déficit budgétaire primaire devrait passer de 15,5 % du PIB en 2015 à 10 % du PIB en 2016, en raison du fléchissement des dépenses en capital, alors que les projets de développement portuaire et ferroviaire pour relier Addis-Ababa (Éthiopie) aux ports djiboutiens de Tadjourah et Doraleh se terminent, et que les dépenses fin-2015 début-2016 relatives aux élections présidentielles sont terminées. Le déficit du compte courant devrait se resserrer, de 29,2 % du PIB en 2015 à une estimation de 23,4 % du PIB en 2016, en raison du ralentissement des importations de capitaux. L'IDE devrait rester stable à 8,5 % du PIB en 2016. Les réserves de change restent robustes, et suffisantes pour garantir la masse monétaire et la caisse d'émission. Le taux de change effectif réel devrait s'apprécier de 6,1 % en 2016, reflétant les effets combinés des contraintes du marché de l'offre et de l'accélération de l'inflation (prix à la consommation élevés). Le secteur bancaire demeure fragile, avec la détérioration des portefeuilles de prêts des banques commerciales et l'augmentation de la fréquence des prêts improductifs. La proportion des prêts improductifs sur le total des prêts a augmenté, de 16,5 % en juin 2014 à 22 % en juin 2015. L'absence d'un système statistique fort, en particulier dans le suivi de la pauvreté demeure une préoccupation majeure à Djibouti. Bien qu'il y ait eu deux enquêtes sur les ménages, réalisées en 2012 et en 2013, elles ne sont pas strictement comparables et excluent une grande proportion de la population vulnérable, telle que les nomades et ceux vivant dans des « structures temporaires » (environ 25 à 30 % de la population selon le recensement de 2009). Le taux de chômage a diminué, de presque 50 % en 2012 à 22 % en 2015 (38 % si l'on inclut les travailleurs découragés). Perspectives Les perspectives à moyen terme demeurent favorables, avec l'attente d'une génération de revenus par les investissements de capitaux en cours et du loyer des bases militaires étrangères. La croissance pourrait atteindre 7 % dans la période 2017-2019, avant de ralentir à 6 % en 2020. La situation budgétaire devrait s'améliorer graduellement, pour terminer en dessous de 10 % en 2017-2018, sur le principe que les investissements actuels généreront de nouvelles capacités de production et d'exportation, que ces dépenses seront rationalisées, et que les réformes budgétaires pour augmenter les revenus et réduire les subventions sur les carburants sont appliquées de façon efficace. Le déficit du compte courant devrait baisser à 14,5 % du PIB en 2018, avec une hausse graduelle des exportations, et un fléchissement des importations relatif à la construction en raison de la complétion imminente des projets d'infrastructures. Les apports des IDE et les transferts de capitaux devraient continuer à financer le déficit. Les réserves devraient continuer de garantir une masse monétaire suffisante et plus de quatre mois de couverture des importations, permettant ainsi le maintien du taux de change à 177,72 francs djiboutiens pour 1 dollar US. L'inflation devrait se stabiliser autour de 3,5 % en 2017-2018, en raison de la robustesse du secteur de l'immobilier et de celui des services. La croissance se reposant principalement sur les investissements dans les infrastructures, son impact sur la création d'emplois et la réduction de la pauvreté devrait être limité. Le gouvernement est en train de mettre en place un programme pour encourager les opportunités d'emploi, améliorer les pratiques nutritionnelles, et fournir des transferts financiers pour réduire la pauvreté parmi les groupes les plus défavorisés. L'harmonisation politique et l'unité sociale sont primordiales pour assurer la stabilité sociopolitique du pays. Pour garantir une stabilité macro-économique, le gouvernement devra engager des réformes pour rationaliser les dépenses, et mettre en place des réformes budgétaires pour améliorer l'environnement commercial et augmenter la mobilisation des ressources nationales. Des réformes du marché du travail pour mieux accorder l'offre et la demande d'emploi, et une diversification économique vers l'industrie légère et le secteur agricole avec un potentiel pour la création d'emplois sont indispensables à la résolution des problèmes grandissants de chômage et de pauvreté du pays. Risques et défis La croissance et la stabilité macro-économique du pays sont toujours sujettes à des risques élevés, étant donné le contexte d'incertitude à l'échelle mondiale et les déséquilibres macro- économiques internes. Djibouti est vulnérable aux incertitudes et aux perturbations de l'économie mondiale, en raison de sa lourde dépendance au commerce du transit et du transbordement. Les déséquilibres macro-économiques internes propres à Djibouti sont susceptibles d'entraver la croissance, si les projets d'infrastructures financés par la dette ne sont pas gérés efficacement pour générer des revenus suffisants destinés au service de la dette. En outre, une insuffisance dans l'implémentation des réformes budgétaires pourrait aggraver la détérioration de l'environnement commercial et affaiblir la croissance. L'instabilité et le mécontentement social, associés à des problèmes de sécurité sur la Mer Rouge pourraient ralentir l'activité économique et la croissance. ÉGYPTE Le début de reprise de l’Égypte s’est évaporé au cours de l’exercice 2016, en raison de la crise des taux de change, d’un recul du tourisme et d’une conjoncture défavorable. Le gouvernement cherche à mettre en œuvre des mesures susceptibles de soulager les déséquilibres macroéconomiques observés (en particulier la situation budgétaire et les comptes extérieurs), introduire des réformes structurelles pour améliorer l’environnement commercial et réorienter les ressources vers les programmes sociaux. Cet effort serait soutenu par un « mécanisme élargi de crédit » pendant 3 ans (au sujet duquel un Accord d’experts a été obtenu en août ; cet accord est en attente d’approbation de la part du FMI). Développements récents La croissance de l’Égypte a été de 4,3 % sur les 9 premiers mois de l’exercice 2016, équivalente à celle de l’année précédente et le double de celles des exercices 2011 à 2014, mais à un niveau toujours inférieur au potentiel. La croissance réelle en Égypte demeure en dessous du potentiel et est entravée par la pénurie de devises, un taux de change surévalué et une croissance atone en Europe (le principal partenaire commercial de l’Égypte). Par ailleurs, la baisse des c ours internationaux du pétrole a été préjudiciable aux pays du Golfe, qui sont pour l’Égypte la principale source de remises de fonds). En outre, des secteurs clés ont continué à afficher une croissance négative, en particulier le secteur extractif du pétrole et du gaz (qui souffre d’un sous- investissement et de quantité d’arriérés) et le secteur du tourisme (sa détérioration s’est encore aggravée depuis fin octobre 2015, lors de la mise à l’index des voyages en Égypte par la Russie et le Royaume-Uni). La situation sociale demeure préoccupante. Le chômage reste élevé à 12,5 % au second semestre de l’exercice 2016, avec des taux plus élevés chez les jeunes et les femmes. En outre, la récente hausse de l’inflation (qui a atteint 15,5 % en août 2016, un niveau inégalé depuis sept ans) –en partie en raison de la dévaluation de mars 2016 –peut avoir aggravé la pauvreté en raison de l’augmentation des prix des articles pour lesquels la part des importations est élevée, surtout l’alimentation. En juin, le gouvernement a cherché à protéger la population contre l’impact de la hausse des prix en augmentant la valeur des cartes d’alimentation à puce de 15 LE à 18 LE par personne (88,6 % de la population bénéficie de cartes d’alimentation à puce). Après avoir pris du retard dans la mise en œuvre d’importantes réformes fiscales, l’Égypte reprend son plan d’assainissement des finances publiques. Au cours de l’exercice 2016, le déficit budgétaire est passé de 11,5 % du PIB l’année précédente à environ 12 %. La réforme des subventions énergétiques annoncée au début de l’exercice 2015 n’a été que « partiellement » mise en place au cours de l’exercice 2016, de pair avec des mesures visant à freiner la hausse des salaires des fonctionnaires, tandis que d’autres réformes clés ont été mises en veilleuse. Des réformes fiscales importantes sont prévues pour l’exercice 2017 : Le gouvernement a déjà augmenté les tarifs de l’électricité de 35 % (en moyenne) pour les ménages, les entreprises et l’industrie au début de mois d’août et le budget de l’État prévoit d’autres grandes réformes fiscales, dont l’introduction d’une TVA (approuvée à la fin du mois d’août 2016) en plus d’efforts pour augmenter les recettes fiscales actuelles en améliorant leur recouvrement. Entretemps, la Banque centrale d’Égypte (BCE) a commencé à resserrer sa politique monétaire en instaurant des politiques clés de hausses des taux, mais la situation des liquidités continue à être laxiste. La BCE a augmenté son taux directeur par deux fois (d’un total de 250 points de base, pour atteindre son plus haut niveau depuis 8 ans, de 12 %, en moyenne) depuis le dernier relâchement des taux de change à la mi-mars, afin de freiner les pressions inflationnistes et d’atténuer encore les pressions à la baisse sur la monnaie. Toutefois, le taux de change sur le marché parallèle a continué de croître (40 % de moins que le taux officiel à la fin août) et le gonflement des liquidités s’est poursuivi à un bon rythme, principalement en raison du crédit dont bénéficie en permanence le gouvernement. L’Égypte et le FMI ont conclu un Accord d’experts portant sur un mécanisme élargi de crédit sur trois ans de 12 milliards de dollars (EFF). L’accord a été signé le 11 août 2016 sous réserve de l’obtention de garanties de financement suffisantes et de l’approbation par le Conseil d’administration du FMI. Le gouvernement vise à mettre en place des réformes sur trois fronts principaux : (1) la libéralisation des taux de change ; (2) l’assainissement budgétaire et (3) des réformes structurelles visant à stimuler la croissance et à réduire le chômage. Le programme vise également à renforcer les filets de sécurité sociale afin de mieux protéger les groupes de personnes pauvres et vulnérables. Perspectives Le PIB devrait progresser de 3,8 % au cours de l’exercice 2016, légèrement moins que les 4,2 % de croissance réalisés en 2015, avant de remonter progressivement par la suite. La croissance enregistrée au cours de l’exercice 2016 devrait être entièrement imputable à la demande intérieure dans la mesure où la consommation résiste et les investissements publics affluent vers le secteur privé. Les exportations nettes, en revanche, demeurent un frein à la croissance en raison de la pénurie de devises fortes et d’un taux de change réel surévalué. À moyen terme, la croissance devrait redresser la tête dans le sillage des réformes économiques et du redressement des secteurs clés. Le déficit budgétaire devrait se réduire à moyen terme, pourvu que le gouvernement mette en place les mesures d’assainissement budgétaire envisagées. Sur le plan extérieur, les comptes de l’Égypte sont susceptibles de se détériorer au cours de l’exercice 2016 en raison de la forte baisse du tourisme et d’envois de fonds moins nombreux avant d’amorcer une lente reprise par la suite, sous réserve que la BCE continue à assouplir ses restrictions sur les changes et ré-aligne le taux de change. Les conditions actuelles ne paraissent pas propices à une réduction significative de la pauvreté. Alors que les efforts entrepris récemment pour mieux cibler les subventions alimentaires et pour mettre en œuvre les engagements prévus par la Constitution d’accroître les dépenses de santé et d’éducation devraient contribuer à une atténuation de la pauvreté, la hausse des prix de l’énergie et la nouvelle TVA pourraient accroître l’inflation à court terme, ce qui aurait un impact négatif sur les plus pauvres. L’expansion progressive de programmes comme Takaful et Karama et de programmes ciblés sur le plan géographique comme le « Développement économique pour une croissance durable et inclusive en Haute-Égypte » recèle la promesse d’une réduction de la pauvreté à l’avenir. Risques et défis L’économie égyptienne est confrontée à trois grands défis : (1) résorber les principaux déséquilibres macro-économiques (y compris le réalignement du taux de change et l’assainissement des finances publiques) ; (2) faire baisser le taux élevé de pauvreté et combler les disparités spatiales de résultats obtenus en matière de santé et d’éducation ; et (3) donner un coup de fouet à la croissance en mettant en œuvre des réformes structurelles. Les réformes envisagées dans le cadre de la Facilité élargie de crédit du FMI promettent de rétablir la stabilité macroéconomique, mais les effets contractants et inflationnistes de certaines des mesures (comme les ajustements du prix de l’énergie) devront être atténués par des politiques visant à améliorer le climat économique et à renforcer les filets de sécurité afin de mieux protéger les pauvres. Entretemps, une restructuration des dépenses publiques et des réformes de la gouvernance seront cruciales pour assurer une meilleure dispense de services, surtout dans les régions qui accusent un retard de développement. IRAN À la suite d'une croissance modérée en 2015, liée à des incertitudes relatives à la mise en place du JCPOA (« Joint Comprehensive Plan of Action »), l'économie iranienne devrait croître en moyenne de 4,5 % pendant la période 2016-2018, alors que les bénéfices de la levée des sanctions commencent à se faire sentir. Les perspectives à moyen terme dépendent d'un plan de réforme soutenu et d'une augmentation de l'intégration dans l'économie mondiale. Développements récents Le ralentissement de la croissance a été estimé de 3 % en 2014, à 0,6 % en 2015 (mars 2015 - mars 2016), en préparation de la mise en place du JCPOA (janvier 2016). Depuis janvier, l'Iran est susceptible d'avoir bénéficié d'une amélioration de la confiance des entreprises et des consommateurs sous le gouvernement de réforme Rouhani, comme le suggérait l'émergence d'accords préliminaires avec des entreprises étrangères en préparation de la hausse des investissements dans le pays. Nous pouvons constater les indicateurs précoces de l'accélération de l'activité économique, avec une croissance estimée à 4,4 % au premier trimestre 2016 (mars- juin), bien que principalement soutenue par le secteur pétrolier. En parallèle de la faible croissance de 2015, le taux de chômage a augmenté de 0,5 point de base à 11,3 %, en partie en raison de l'augmentation du taux de participation au marché du travail, qui est passé de 37,2 % en 2014 à 38,2 % en 2015. Les déséquilibres structurels du marché du travail continuent de poser problème, avec des différences notables en fonction du sexe, de l'âge et de la localisation. La pression inflationniste continue de s'amoindrir, et la hausse des prix à la consommation sur 12 mois est passée de 34,7 % en 2013 à 11,9 % en 2015, pour atteindre 9,2 % en juin 2016. Cela dit, les taux d'emprunt de la banque centrale d'Irak ont peu changé à la suite de la réduction du taux de dépôt maximal de 20 à 18 % en octobre 2015, menant à des taux directeurs relativement prohibitifs. En ce qui concerne l'aspect budgétaire, la détérioration du déficit du gouvernement central a été estimée à 0,4 point de pourcentage, à 1,6 % du PIB en 2015, l'augmentation des revenus étant largement compensée par la hausse concomitante des dépenses, principalement les dépenses courantes. L'excédent de la balance courante iranienne s'est également affaibli, passant de 3,8 % du PIB en 2014 à une estimation de 2,3 % du PIB en 2015, le déclin des exportations non pétrolières n'étant que partiellement compensée par la baisse des importations. Perspectives L'économie iranienne devrait croître d'en moyenne 4,6 % entre 2016 et 2018. Sur le moyen terme (2017-2018), les investissements sont susceptibles de jouer un rôle plus important dans la croissance, sur le principe que la négociation de nouveaux investissements qui prendront forme en 2017 et en 2018, ainsi que la restauration des liens financiers avec le reste du monde. En parallèle, l'inflation devrait repasser sous la barre des 10 % (8,6 %) en 2016 pour la première fois depuis 1990, en raison de la baisse du prix des commodités et de la baisse des taxes d'importation suivant la levée des sanctions, mais pourrait remonter en 2017-2018 si les prix du pétrole se rétablissent. L'équilibre budgétaire devrait s'améliorer de 1,2 point de pourcentage à -0,4 % du PIB en 2016, du fait de la montée attendue du volume des exportations pétrolières et de l'augmentation en parallèle des revenus non pétroliers, et de basculer vers un surplus en 2017-2018. L'excédent de la balance courante devrait commencer à s'améliorer en 2016, et atteindre 4,1 % en 2018, alors que l'augmentation des exportations du secteur de l'énergie compense largement la hausse des importations découlant de la baisse du coût des échanges et de l'augmentation de la consommation intérieure. Risques et défis La forte croissance annoncée de l'Iran dépend de l'amélioration significative des liens de commerce et d'investissement, et donc une implémentation plus lente que prévu du JCPOA est susceptible d'affecter négativement cette croissance. En outre, la dépendance énergétique de l'Iran l'expose tout particulièrement aux variations du prix des hydrocarbures. Le résultat des élections présidentielles de juin 2017 peut également poser un risque majeur. Un engagement continu à la mise en place d'importantes réformes structurelles des entreprises publiques, du secteur financier et de la gestion des revenus pétroliers jouera un rôle crucial dans la sécurisation d'investissements, aussi bien intérieurs qu'à l'étranger. Pour terminer, dans l'éventualité d'une détérioration de la scène géopolitique, l'économie iranienne sera affectée principalement via le canal des échanges commerciaux. Un meilleur accès aux données micro-économiques et une meilleure analyse seront essentiels à l'évaluation précise du taux de pauvreté et des inégalités. IRAK Le double choc de l'État islamique et de la chute des prix du pétrole a affecté négativement l'économie du pays depuis la mi-2014. L'économie non pétrolière s'est profondément rétractée en raison de la guerre contre l'État islamique et de l'assainissement budgétaire en cours. Le gouvernement a répondu avec un mélange d'ajustements fiscaux, de financements budgétaires et de réformes structurelles pour stabiliser l'économie, protéger les dépenses sociales et les missions du service public. Une augmentation de la production pétrolière et des investissements, la mise en place de réformes structurelles et du programme du FMI, ainsi qu'une amélioration de la sécurité supporteraient la croissance en 2016. Développements récents Le choc double a sérieusement entamé la croissance, en détournant les ressources des investissements productifs, et en augmentant la pauvreté, la vulnérabilité et le chômage. La consommation privée et les investissements restent modérés, en raison d'une situation politique et sécuritaire insuffisante, et d'un mauvais environnement commercial. L'économie non pétrolière s'est contractée de presque 14 % en 2015, à la suite d'une baisse de 5 % en 2014. Après un ralentissement à 0,1 % en 2014, l'économie irakienne atteint 2,9 % en 2015, soutenue par une augmentation de 19 % de la production pétrolière, car l'immense majorité des champs pétroliers d'Irak sont hors de portée de l'État islamique. Le taux d'inflation reste bas, à 1,4 % en 2015, avec le gouvernement fournissant électricité, nourriture et carburant, mais ce taux a sans doute été sous-estimé dans les régions occupées par l'État islamique. Les chocs ont également détérioré les soldes budgétaires et extérieurs. Le déficit budgétaire global a atteint environ 14 % du PIB en 2015, et ce malgré des efforts d'assainissement budgétaire certains. Le déficit a été principalement financé par des bons du Trésor et des emprunts provenant des banques publiques (partiellement réescomptées par la banque centrale) et deux emprunts de 1,2 milliard de dollars US chacun auprès du FMI et de la Banque mondiale. Le compte courant montre également un déficit de 6 % du PIB en 2015, reflétant la baisse de 41 % des revenus du pétrole. Étant donné les défis que doit relever l'Irak, et son besoin urgent de financement, le FMI a approuvé un accord de confirmation en juillet 2016 pour un montant de 5,34 milliards de dollars US. Le 20 juillet 2016, une conférence de donateurs co-présentée par le gouvernement américain a engagé un total de 2,1 milliards de dollars US pour la période 2016- 2018, dans le but de sécuriser le support financier pour gérer la crise humanitaire irakienne. À la suite d'un long différend, le gouvernement fédéral et le gouvernement régional du Kurdistan ont repris les négociations sur les transferts financiers, ce qui permettrait au GRK de remédier à sa crise financière. Des vulnérabilités structurelles durables ont été aggravées par la violence permanente et les perturbations économiques et sociales. Même avant la crise, avoir un emploi ne garantissait pas de sortir de la pauvreté. L'Irak souffre d'un des taux d'emploi les plus bas de la région, même parmi les hommes, et la crise de 2014 a mené à une baisse de l'emploi estimée à 800 000 postes. En avril dernier, le gouvernement a lancé un nouveau programme de lutte contre la pauvreté, basé sur le ciblage des indicateurs pour améliorer l'efficacité de son réseau de sécurité sociale. Perspectives Les perspectives de l'économie irakienne sont très incertaines, en raison de l'affaiblissement des niveaux de confiance causé par les attaques de l'État islamique, alors que la baisse des prix du pétrole sape l'économie, les finances gouvernementales, et la situation extérieure. Compte tenu des investissements programmés dans la production pétrolière, la croissance du PIB réel devrait atteindre 4,8 % 2016, mais l'économie non pétrolière continuera à se contracter du fait du conflit et de l'assainissement budgétaire. Le faible prix du pétrole en 2016 (qui devrait atteindre 35,50 $US par baril, comparé aux estimations de 45 $US du budget 2016), associé à la hausse des dépenses humanitaires et militaires devrait garder le déficit budgétaire à 12 % du PIB, et augmenter le déficit du compte courant à 11 % du PIB. À la lumière des difficultés de mise en place de programmes d'assainissement budgétaire supplémentaires pour 2016-2017, le déficit budgétaire et celui du compte courant devraient être financés par une augmentation des formes indirectes de financement monétaire par la banque centrale d'Irak (BCI), des prélèvements supplémentaires dans les réserves de change, et des emprunts intérieurs et extérieurs. La dette publique totale augmenterait, de 56 % du PIB en 2015 à 70 % du PIB en 2016. Compte tenu de l'amélioration des conditions de sécurité conséquentielle à la réussite des contre-attaques irakiennes contre l'État islamique, la croissance devrait redémarrer en 2016, et il est prévu que le secteur non pétrolier récupère à 0,2 % en 2017, en admettant la mise en place de réformes structurelles pour diversifier l'économie, et soutenir le développement du secteur privé. Risques et défis Le risque d'escalade du conflit cristallise des défis déjà considérables, tels qu'une baisse encore plus prononcée des prix du pétrole, une aggravation des tensions politiques internes, une insuffisance de la production pétrolière ou une mauvaise mise en œuvre des politiques budgétaires. Cette situation menace la croissance du pays, détériore sa situation extérieure, et augmente la pression sur ses finances publiques, qui dépendent majoritairement de l'exportation des hydrocarbures. Une impossibilité de réduire le déficit budgétaire, le déficit extérieur et une accumulation rapide de la dette gouvernementale se traduirait par un détournement de ressources destinées à l'investissement productif, et réduirait davantage ses réserves de change et sa résistance aux chocs économiques. Les défis immédiats seront la gestion de la pression des dépenses budgétaires tout en protégeant les plus défavorisés, ainsi que le rétablissement et l'amélioration des services publics de base, particulièrement dans les zones libérées. Cependant, les efforts d'assainissement budgétaire, particulièrement les coupes dans la masse salariale, pourraient également accentuer une fragilité déjà existante. Le taux de pauvreté devrait augmenter, à moins que la croissance et la sécurité soient restaurées. Le déplacement des populations, associé au report des dépenses dans les infrastructures socio-économiques entravera encore davantage la capacité du gouvernement à fournir les services publics. JORDANIE La croissance économique de la Jordanie a été mitigée l’année dernière dans les remous d’une instabilité régionale qui a laissé des traces, notamment sous la forme d’un chômage qui a récemment atteint un niveau élevé. La croissance devrait néanmoins atteindre 2,7 % sur la période 2016-2018 en moyenne, suite à la mise en œuvre du Jordan Compact et des réformes prévues visant à stimuler le marché du travail et à améliorer le climat des affaires. Un nouveau programme du FMI apporte un appui aux réformes dans ce domaine ainsi qu’à l’endiguement du déficit budgétaire. Développements récents La Jordanie se trouve confrontée aux retombées de la crise syrienne, notamment la fermeture des routes commerciales avec l’Irak et la Syrie et la nécessité d’accueillir plus de 656 000 réfugiés syriens, selon les chiffres officiels. Quoique l’économie jordanienne ait réussi à maintenir sa croissance originaire de différents secteurs, elle est en perte de vitesse. Le taux de croissance de 2,3 % au 1er trimestre 2016 est une amélioration comparé aux 2,0 % enregistrés au 1er trimestre 2015. Les secteurs des « Services financiers et assurances », « Transports, entreposage et communications », et « Eau et électricité » ont été les principaux facteurs de croissance au cours du trimestre, tandis que le secteur « Exploitation minière et carrières » est resté à la traîne. Cependant, la croissance au 1er trimestre 2016 a continué à ralentir sur une base corrigée des variations saisonnières. Le chômage a atteint un pic de 14,8 % au 2e trimestre 2016, touchant plus du tiers (34,8 %) des jeunes. Avant les élections législatives (20 septembre 2016), le roi a institué un Conseil de la politique économique afin de déterminer les mesures à prendre pour relancer l’économie. L’indice des prix à la consommation (IPC) a reculé de 1,3 % en moyenne sur la période pour les sept premiers mois de 2016 (7M-2016), entraîné par la baisse des prix des transports, des carburants et des denrées alimentaires. La politique monétaire est restée inchangée depuis la dernière réduction des taux décrétée en juillet 2015. Le déficit budgétaire de la Jordanie s’est creusé de 30 % dans la première moitié de 2016 en grande partie en raison de l’obtention de subventions. Alors que la compagnie nationale d’électricité a réussi à couvrir ses coûts en 2015 (aidée en cela par la faiblesse des cours internationaux du pétrole), la Water Authority of Jordan (WAJ) accroît son déficit. Les emprunts de la WAJ garantis par l’État accroissent la pression sur l’encours de la dette de la Jordanie, qui se situait d’ores et déjà à un niveau élevé de 93,4 % du PIB fin 2015. Un accord triennal de 732 millions de dollars au titre du mécanisme élargi de crédit du FMI a été approuvé en août 2016 et porte sur l’assainissement budgétaire en vue d’une réduction à 77 % du ratio endettement-PIB à l’horizon 2021. Le programme prévoit également des réformes structurelles pour stimuler la croissance. Cet accord devrait permettre de débloquer des subventions et des financements concessionnels pour la Jordanie de la part des bailleurs de fonds conformément aux engagements pris en vertu du Jordan Compact. Le compte courant est sous pression en raison d’un ralentissement du tourisme et des envois de fonds, de la fermeture d’axes routiers et de pressions sur les prix à l’exportation de la potasse. Les recettes du secteur du voyage ont reculé de 3,6 % au cours de la première moitié de 2016, tandis que les exportations de biens ont chuté de 5,6 % au cours des 5 premiers mois de 2016 (avec notamment une baisse de 47 % des exportations à destination de l’Irak). Si la persistance de prix du pétrole bas par rapport à la deuxième moitié de 2015 a contribué à réduire la facture des importations de la Jordanie (réduction de 20,5 % des importations d’énergie au cours des premiers mois de 2016), la pression sur le compte courant provient de la diminution des envois de fonds (-4,3 % au cours de la première moitié de 2016). Ces pressions ont affecté les réserves internationales brutes de la Jordanie, qui ont chuté de 11 % à fin juillet 2016 par rapport à fin 2015 jusqu’à atteindre 12,5 milliards de dollars (7,2 mois d’importations). La Jordanie a commencé à tenir ses engagements pris au titre du Jordan Compact, à commencer par l’octroi de permis de travail aux réfugiés syriens. En parallèle, l’Union européenne (UE) a assoupli ses exigences au titre des Règles d’origine (ROO) vis-à-vis de la Jordanie pour des catégories de produits spécifiques pour une durée de 10 ans. Cela devrait stimuler l’investissement en Jordanie, la création d’emplois (tant pour les Jordaniens que pour les réfugiés syriens) ainsi que les exportations vers l’UE. Perspectives La croissance économique de la Jordanie devrait rester inchangée à 2,3 % en 2016 et s’améliorer à moyen terme à 3,1 % en 2018, se rapprochant ainsi du potentiel de la Jordanie tout en restant en dessous. Ces perspectives sont fondées sur l’hypothèse d’une non-aggravation des problèmes de sécurité en Jordanie et à sa périphérie. En outre, la confiance dans le cadre macroéconomique devrait se renforcer suite à l’accord conclu avec le FMI. Le solde budgétaire primaire devrait devenir excédentaire en 2017, coïncidant avec une inversion du ratio endettement brut/PIB, jusqu’ici en croissance. Les pressions sur la Balance extérieure des paiements devraient de relâcher à partir de 2017 sous l’effet d’une reprise des exportations et des investissement en raison des efforts de diversification et des opportunités ouvertes par le relâchement des Règles d’origine de l’Union européenne et des plans de diversification de l’approvisionnement en énergie ainsi que de la stabilisation des envois de fonds et des recettes du secteur du voyage. Malgré des prévisions de renchérissement du prix du pétrole et d’une hausse subséquente des importations d’énergie, le déficit des comptes courants devrait se réduire en 2017. Le prochain cycle d’enquête sur les revenus et les dépenses de consommation des ménages pour l’estimation de la pauvreté devrait intervenir en 2017/2018. La Banque mondiale apporte son assistance technique à la conception et à la réalisation de cette enquête. Risques et défis Les perspectives comportent un risque de dégradation. L’incidence plus élevée d’incidents de sécurité qui se produisent en Jordanie et à sa périphérie, en traduisant sa vulnérabilité, pourrait ébranler la confiance des consommateurs et des investisseurs. Contenir le déficit budgétaire et mettre en œuvre le nouveau programme du FMI dans un délai raisonnable sera difficile compte tenu de l’envergure de l’ajustement et des réformes structurelles envisagées. En parallèle, la mise en œuvre des réformes prévues relatives au marché du travail, à l’amélioration du climat d’investissement et au déblocage de l’accès au financement seront cruciaux pour stimuler l’activité économique et améliorer le bien-être. Enfin, la position extérieure de la Jordanie pourrait être soumise à des pressions supplémentaires si les subventions et financements concessionnels prévus ne se matérialisent pas. KOWEÏT La croissance s’est maintenue en 2015, les gains engrangés dans le secteur non pétrolier ayant plus que compensé le recul enregistré dans le secteur pétrolier. Les tampons financiers sont encore importants mais la situation des recettes fiscales s’est brusquement détériorée, ce qui a précipité la réforme des subventions sur le carburant. De grands projets d’infrastructure devraient continuer à alimenter la croissance à court et moyen terme. Parmi les principaux défis à relever figurent la nécessité d’ancrer dans la durée la viabilité des finances publiques, d’améliorer la gestion des richesses naturelles et de réaliser la diversification économique. La pauvreté n’est pas un problème pour les citoyens koweïtiens. Développements récents Les données provisoires relatives au PIB publiées en milieu d’année montrent que la croissance devrait s’accélérer pour atteindre 1,8 % en 2015, malgré le vent contraire des cours mondiaux des matières premières. L’activité a été soutenue par les dépenses publiques dans les infrastructures, qui ont donné un coup de fouet à l’investissement et alimenté la consommation. Les données sur le PIB au coût des facteurs indiquent néanmoins une contraction de 0,3 %, en résultante d’un recul de 1,7 % dans le secteur du pétrole que n’a pas réussi à compenser une croissance de 1,3 % dans le secteur non pétrolier. La croissance pour 2014 a également été révisée à la hausse, de -1,6 % à + 0,5 %, principalement en raison de bonnes performances dans le secteur non pétrolier. Les données les plus récentes donnent à penser que la situation économique continue à s’améliorer. La production de pétrole a rebondi après une grève des travailleurs du secteur pétrolier en avril et la confiance des consommateurs s’est accrue. Les emprunts bancaires ont progressé d’un robuste 8 % (d’une année sur l’autre) au premier semestre 2016, à la suite des emprunts croissants contractés par les ménages. Les prêts aux sociétés financières non bancaires se sont stabilisés, ce qui donne à penser qu’une période de 5 ans de désendettement touche à sa fin. Les prix de l’immobilier et les volumes de transactions ont perdu de leur élan, mais cela traduit un retour au calme bienvenu du marché immobilier après un doublement des prix entre 2009 et 2015. Les dépenses d’infrastructure contribuent au relâchement de la pression sur les liquidités du secteur bancaire avec la reprise de la croissance des dépô ts de l’État. Les taux interbancaires à trois mois se situent actuellement à 1,5 %, contre 1,8 à la fin 2015. Les tampons fiscaux et les positions extérieures demeurent solides et confortent l’ancrage de la devise du Koweït, étayé par un fonds souverain estimé à 600 milliards de dollars US et de faibles niveaux d’endettement. L’excédent de la balance des opérations courantes s’est sensiblement réduit par rapport aux 30 % du PIB atteints en 2014, mais il est resté important à 7,5 % du PIB en 2015. La balance commerciale est tombée à son plus bas niveau depuis 13 ans au 1 er trimestre 2016, la faiblesse persistante venant grever les recettes à l’exportation, et elle a également continué à dégager un excédent. Les pressions fiscales ont pourtant augmenté. Les recettes dérivées du pétrole, qui représentaient traditionnellement 80 % du total des revenus de l’État, sont tombées à un tiers de leur niveau de 2013. En conséquence de quoi, le gouvernement a affiché un déficit (hors revenus de placement) –le premier en plus d’une décennie –d’environ 6,9 milliards de KD (soit 20 % du PIB) au cours de l’exercice 2015-2016, financé par une combinaison de prélèvements sur le Fonds de réserve général et d’émissions obligataires. Le budget de l’exercice 2015-2016 prévoit un déficit plus important de 26 % du PIB, quoique les prévisions budgétaires prudentes pour le pétrole (de 35 $ US/baril) suggèrent que les résultats réels puissent être meilleurs. Les réformes s’accélèrent. En mars 2016, le gouvernement a approuvé un progr amme de réformes axé sur la réduction du déficit budgétaire en plus d’autres réformes structurelles. En septembre, les prix de l’essence ont été partiellement libérés : les subventions à l’énergie absorbent environ 1,3 % du PIB. La réalisation d’économies est attendue de la réforme. Le Parlement a également approuvé une hausse des tarifs de l’électricité et de l’eau qui doit entrer en vigueur en 2017 et qui devrait générer des économies équivalant à 1 % du PIB. L’introduction d’un impôt sur les sociétés et d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), est également prévue aux côtés de la privatisation des sociétés de services pétroliers de l’État. Enfin, dans le cadre du Plan de développement 2015-2019, le gouvernement a accéléré les efforts de mise en œuvre de grands projets d’infrastructure. Ceux-ci sont indispensables pour jeter les bases d’une économie de l’après-pétrole et pour accroître la production d’hydrocarbures à court et moyen terme. Le taux de participation à la population active des ressortissants koweïtiens est de 45 % –dont 80 % travaillent pour le secteur public. À l’opposé, les immigrés, qui constituent les deux-tiers de la population, constituent le gros des résidents à bas revenu. Les travailleurs immigrés sont en outre confrontés à des difficultés supplémentaires dont salaires impayés ou versés en retard, conditions de travail difficiles et crainte d’être découverts. Enfin, les Bidounes, c’est-à-dire la population arabe non reconnue, apatride, n’ont pas droit à la plupart des prestations et services. Perspectives La croissance devrait atteindre 2,0 % en 2016, et se renforcer à 2,6 % en 2018. L’activité devrait s’accompagner d’une hausse de la production de pétrole (en raison de découvertes récentes, d’une amélioration de l’efficacité de la production et d’une reprise de la production du champ pétrolifère de la Zone neutre en 2017). Après des années de piétinements et de retards des projets, les perspectives d’investissement sont devenues positives. Le Plan de développement 2015/2019 comprend également un minimum de 8 grands projets de partenariats public-privé, qui devraient alimenter la croissance dans le secteur non pétrolier. Les finances publiques devraient rester sous pression dans la mesure où le point mort en termes de prix du pétrole, estimé à 70 $ US/baril, se situe largement au-delà des cours actuels du pétrole. Cependant, la situation budgétaire et la balance des opérations courantes devraient graduellement se consolider, de pair avec une reprise modeste des prix et de la production de pétrole. Le scénario de référence prévoit la mise en œuvre progressive de la réforme des dépenses et des recettes, y compris la mise en place d’une TVA en 2018. Risques et défis Les risques externes sont une répercussion des tensions géopolitiques et des conflits, d’un excédent sur les marchés mondiaux du pétrole qui comprime les prix et d’une volatilité financière générale. Du côté positif, un rééquilibrage des marchés mondiaux du pétrole est en cours et les prix du pétrole pourraient se redresser plus rapidement que prévu. Les risques internes comprennent des retards dans la mise en œuvre des projets, l’impasse parlementaire qui entrave les réformes et les rivalités au sein des familles au pouvoir qui accroissent l’incertitude politique. Le coussin financier particulièrement épais dont dispose le gouvernement pourrait réduire les incitations à entreprendre des réformes fiscales politiquement difficiles à faire passer. Le secteur bancaire, bien qu’il soit adéquatement capitalisé, est fortement exposé au secteur de l’immobilier. Les défis à long terme tiennent à la dépendance du Koweït à l’égard du secteur des hydrocarbures. Un environnement économique défavorable et un secteur public très présent ont entravé le développement du secteur privé non pétrolier. De plus, les efforts internationaux de lutte contre le changement climatique intensifient le sentiment d’urgence et sont susceptibles d’induire une évolution vers des technologies à moins forte intensité de carbone et à meilleur rendement énergétique. Ces défis conduisent à privilégier des politiques tendant à renforcer la gestion des richesses naturelles du Koweït, à préserver (et instaurer) l’équité intergénérationnelle, à diversifier l’économie et à créer des emplois. LIBAN Malgré l'amélioration de ses conditions de sécurité, le Liban continue d'être le sujet de tensions régionales et du dysfonctionnement de sa politique intérieure. Le prolongement de la crise syrienne accroît de façon marquée les vulnérabilités du pays, et reste un obstacle au redémarrage de la croissance. Pour la quatrième année consécutive, le Liban reste le premier pays d'accueil (par habitant) des réfugiés syriens. En 2016, le renforcement du secteur immobilier ainsi que la montée continue du tourisme devrait mener à une petite récupération de l'activité économique, mais cette dernière restera néanmoins morose. Développements récents Plombée par les dépenses gouvernementales et le secteur de la construction, la croissance du PIB réel en 2015 s'est ralentie à 1,3 %, comparé aux 1,8 % de 2014, et ce malgré la montée du tourisme (composé en immense majorité d'expatriés libanais), et l'expansion lente mais continue des emprunts privés, alors que la Banque du Liban (BdL) renouvelle son plan de relance pour un montant d'un milliard de dollars US. En revanche, le secteur de l'immobilier a freiné la croissance, avec la contraction en 2015 des frais d'enregistrement de construction et des livraisons de ciment, respectivement de 9,4 et 8,6 %. Au niveau fiscal, le déclin de 3,5 points de pourcentage (pp) des revenus a été partiellement compensé par la réduction des virements vers Électricité du Liban (EdL), causé par la baisse des prix du pétrole, mais le déficit fiscal global s'est élargi de 1,6 pp du PIB à 8,2 % du PIB. La chute des revenus a illustré l'absence de mesures exceptionnelles qui ont stimulé les revenus en 2014 (comme par exemple le paiement des arriérés des télécommunications). Cependant, le gouvernement a été en mesure d'enregistrer en 2015 un excédent primaire de 1,3 % du PIB. En ce qui concerne le compte extérieur, l'impact de la grande contraction des importations a été estimé à un resserrement du déficit du compte courant de 8,5 pp du PIB, le ramenant au niveau encore élevé de 17,3 % du PIB. En revanche, le resserrement du déficit du compte courant a été largement compensé par la baisse des afflux de capitaux, affectant négativement les stocks nets d'actifs étrangers du pays. Il en a résulté un déclin de 5,4 % des réserves de la Banque du Liban, les ramenant à 30,6 milliards de dollars US à la fin 2015 (l'équivalent de 12 mois d'importations). Perspectives Le renforcement du secteur immobilier, ainsi que la montée continue du tourisme devrait mener à une petite récupération de l'activité économique en 2016, mais cette dernière restera néanmoins morose et inférieure à son potentiel. Les perspectives économiques du Liban à moyen terme dépendent largement de la situation géopolitique et de la sécurité du pays, toutes deux particulièrement instables. Les projections partent du principe que la guerre en Syrie persiste, et que les effets indirects sur le Liban, bien qu'importants, restent contenus. Ces projections nous permettent d'estimer la croissance annuelle à moyen terme à 2,5 %. Le retour aux niveaux d'avant la crise est lié à la résolution du conflit syrien, de manière à ne pas compromettre la stabilité du Liban ou la reprise des processus politiques nationaux. En se basant sur la stabilité basse actuelle des prix du pétrole, Il est probable que les bénéfices d'une énergie à moindre coût pour le Liban aient atteint leur plateau en 2015, via (i) une augmentation de la consommation des ménages : une hausse du pouvoir d'achat réel des consommateurs ; (ii) un meilleur solde budgétaire : un financement plus faible de l'EdL, et enfin (iii) Une amélioration de la balance des paiements : des importations énergétiques moins coûteuses. Toutefois, si les prix du pétrole n'augmentent pas, des problèmes sont susceptibles d'apparaître avec l'érosion déjà visible des sécurités budgétaires des pays du CCG, ce qui mènerait à une réduction des dépenses et une décélération des transferts de fonds vers le Liban. Cela aurait pour effet de peser davantage sur la balance des paiements. Une enquête est en cours pour comprendre l'impact de l'influx des réfugiés syriens sur la communauté d'accueil. La Banque mondiale et l'Administration centrale des statistiques du Liban travaillent également à améliorer la qualité des données de la prochaine enquête sur le budget immobilier, prévue en 2017. Risques et défis Le principal défi reste les effets indirects du conflit syrien sur le pays. Au niveau national, la paralysie politique rampante a rendu les trois branches principales du gouvernement soit vacante (la présidence, depuis avril 2014), soit inactive (le parlement), soit inefficace (le gouvernement). Il en résulte une population qui doit supporter de plus en plus lourdement les conséquences d'une gouvernance défaillante, par l'intermédiaire d'une détérioration des services gouvernementaux tels que l'électricité, l'approvisionnement en eau potable, et une crise des déchets assez visible qui a laissé derrière elle des montagnes d'ordures dans les rues. Le Liban est vulnérable à un autre ralentissement de l'acquisition d'actifs étrangers en raison de ses déficits budgétaires et courants considérables. Dans la mesure où les conditions financières et économiques globales (tels que le ralentissement des pays du CCG) entraînent une réduction supplémentaire des afflux de capitaux, le Liban est exposé à la fragilisation de sa balance des paiements. Toutefois, les réserves de change sont restées à un niveau confortable, en raison des déposants et des porteurs d'obligations attirés par les taux d'intérêt favorables du pays, particulièrement lorsqu'ils sont comparés aux taux mondiaux désespérément bas, et une population respectable de déposants fournit une meilleure résistance aux chocs sécuritaires et politiques successifs. Le principal défi pour améliorer les politiques empiriques repose sur le renfort des données et de la base analytique du gouvernement. Un système de données amélioré pourrait permettre de mieux comprendre les micro-implications de la crise et de permettre à l'Administration centrale des statistiques de surveiller le taux de pauvreté. LIBYE L'économie libyenne est en train de s'effondrer, alors que l'impasse politique et la guerre civile l'empêchent d'exploiter pleinement sa seule ressource naturelle : le pétrole. Avec la production pétrolière plafonnant à un cinquième de son potentiel, les revenus ont chuté de façon significative pour élever les déficits budgétaires et courants à des niveaux historiques. La chute rapide de la valeur du dinar a accéléré l'inflation, érodant davantage les revenus réels. En plus des enjeux de stabilité macroéconomique et sociopolitique à court terme, les enjeux à moyen terme comprennent la reconstruction des infrastructures et une diversification économique, pour la création d'emplois et une croissance inclusive. Développements récents L'impasse politique continue d'empêcher le pays d'atteindre son potentiel de croissance. La production pétrolière devrait avoir baissé pour la quatrième année en 2016. En effet, la Libye n'a réussi qu'à produire 0,335 million de barils par jour (bbl/j) en moyenne durant la première moitié de l'année 2016 (un cinquième de son potentiel), environ 20 % de moins que sa production durant la première moitié de l'année 2015. Il en a résulté une économie engluée dans la récession depuis 2013, avec une réduction du PIB estimée à 8,3 % en 2016. Le PIB par habitant a diminué de presque des deux tiers de son niveau d'avant la révolution, à 4458 dollars US. La pression inflationniste demeure élevée sur la première moitié de l'année 2016, ce qui a entraîné une perte considérable du pouvoir d'achat de la population, particulièrement si l'on prend en compte la hausse du prix des aliments de base. Le manque de fonds pour payer les subventions aux importateurs et aux distributeurs des aliments de base depuis octobre 2015 s'est traduit dans les faits par une suppression des subventions alimentaires. En conséquence, l'apparition de pénuries alimentaires a accompagné le développement du marché noir, ce qui a mené à une hausse des prix alimentaires de 31 % dans la première moitié 2016. Sur la même période, l'inflation globale a bondi de 24 %. La moyenne du taux d'inflation sur l'année 2016 a été estimée à 20 %. Le conflit politique en cours, associé à une production et des prix pétroliers faibles ont gravement endommagé les finances publiques. Les revenus du secteur des hydrocarbures ont chuté à leur plus bas niveau historique, atteignant à peine 3,2 milliards de dinars libyens pendant les sept premiers mois de l'année 2016, et se montant à seulement un dixième des revenus accumulés l'année dernière sur la même période. Pour l'ensemble de l'année 2016, les revenus totaux devraient atteindre 8 milliards de dinars libyens, à peine assez pour couvrir les dépenses de subventions pour 2016. Ces dépenses ont baissé de 25,4 % grâce à la baisse des prix du carburant importé, et de la suppression des subventions alimentaires. Les salaires ont également chuté de 8,7 % en réponse à la volonté du gouvernement de supprimer les paiements en double sur ses feuilles de paie, par l'imposition de l'utilisation du numéro d'identification national. Cependant, les dépenses salariales (61 % du PIB) et de subventions (18,4 % du PIB) demeurent très élevées. Les dépenses d'investissement ont chuté à un niveau équivalent au septième de ce qu'il était avant la révolution. Dans l'ensemble, le déficit budgétaire reste très élevé, à 69 % du PIB. Le déficit a été financé principalement par des emprunts à la Banque centrale Libye, et dans une moindre mesure aux banques commerciales. Alors que le gouvernement central était un emprunteur net avant la révolution, la dette nationale a depuis atteint 110 % du PIB en 2016. La balance des paiements souffre également du verrouillage politique, aggravé par les prix bas du pétrole. La Libye n'exportera que 0,2 million bbl/j cette année, soit un sixième de son potentiel. Touchés par le déclin continu des prix du pétrole, les revenus provenant des exportations d'hydrocarbures devraient baisser d'un tiers en 2016, ce qui représentera seulement 7 % des revenus de l'année 2012. Malgré son déclin, l'importation des produits de consommation reste élevée. Dans ce contexte, le déficit courant devrait se détériorer cette année à une estimation de 61 % du PIB, la troisième année de déficit consécutive. Dans le but de financer ces déficits, les réserves nettes d'échange s'épuisent rapidement. Elles ont diminué de moitié entre 2013 et la fin 2016, passant de 107,6 milliards à 43 milliards de dollars US. Le taux de change officiel du Dinar libyen (LYD) contre le dollar s'est stabilisé autour de son rattachement au DTS, alors que le dinar libyen perdait 73 % de sa valeur sur les marchés parallèles en raison de fondamentaux macroéconomiques faibles et des restrictions de change. Perspectives Les perspectives reposent sur l'hypothèse que la Chambre des représentants libyenne approuvera un nouveau gouvernement d'accord national avant la fin de l'année 2016, ce qui permettra de rétablir la sécurité et de lancer les programmes nécessaires à la reconstruction des infrastructures économiques et sociales, particulièrement les terminaux et les installations pétrolières. Dans le scénario de base, il est prévu que la production pétrolière s'améliore progressivement jusqu'à 0,6 million bbl/j à la fin 2017. Dans ce contexte, le PIB devrait augmenter de 28 %. Mais les déficits jumeaux persisteront, car les revenus pétroliers seront insuffisants pour couvrir les dépenses budgétaires et les importations des produits de consommation. Cela devrait limiter le déficit budgétaire à environ 35 % du PIB, et le déficit courant à 28 % du PIB en 2017. Cependant, les risques à la baisse de ce scénario demeurent élevés, en raison de la prévalence possible de l'instabilité politique. Sur le moyen terme, la production pétrolière devrait augmenter progressivement sans atteindre sa capacité maximale avant 2020, en raison du temps nécessaire à la réparation des infrastructures pétrolières lourdement endommagées. Dans ce contexte, la croissance devrait rebondir à environ 23 % en 2018. Les déficits budgétaires et courants s'amélioreront de façon significative, avec un excédent attendu du budget et de la balance des paiements à partir de 2020. Les réserves de change se stabiliseront autour de 26 milliards de dollars US pendant la période 2017-2019, soit l'équivalent de 13 mois d'importations. En ce qui concerne la crise humanitaire, la situation est peu susceptible d'évoluer, à moins d'effectuer des actions immédiates et ciblées. La situation en Libye est telle qu'il est peu probable que sa situation change de façon significative en comptant uniquement sur la légère amélioration des perspectives macroéconomiques. Le pays a besoin d'une aide humanitaire, et de programmes spécifiques pour répondre à la destruction et au manque des services de base qui affectent une grande partie de la population. Risques et défis Le défi le plus immédiat consiste à atteindre une stabilité macroéconomique, tout en rétablissant les services publics de base. Les dépenses courantes doivent être maîtrisées, en particulier les subventions et la facture salariale. Sur le moyen terme, le pays a besoin de réformes structurelles profondes, avec entre autres l'amélioration des revenus fiscaux, l'optimisation de la gestion des ressources publiques et humaines, une réforme de l'administration publique, et la promotion du développement et de la diversification du secteur privé pour la création d'emplois. Une croissance inclusive nécessitera non seulement une augmentation considérable des investissements sur les services de base pour reconstruire un capital humain, mais également la mise en place de mesures de lutte contre la pauvreté visant les plus défavorisés pour rétablir le bien-être de la population. MAROC Les mauvaises récoltes ont pesé sur la croissance au cours de l’exercice 2016 mais l’activité devrait rebondir en 2017. Grâce à un plan durable d’assainissement des finances publiques depuis 2013 et à la baisse des prix du pétrole, le double déficit a reculé et les réserves de change ont augmenté. À moyen terme, renforcer la croissance du secteur privé et la création d’emplois sous l’égide du secteur privé, réduire les inégalités et accroître la prospérité partagée demeurent des défis primordiaux. Développements récents Après une bonne performance en 2015, l’économie connaît un ralentissement en 2016. La croissance de l’activité économique est tombée à 1,4 % au deuxième trimestre (contre 4,2 % durant la même période l’an dernier), suite à un recul de 12,1 % de la production agricole, la croissance en dehors du secteur de l’agriculture restant de son côté atone aux alentours de 2,5 %. L’inflation a peu fait parler d’elle à moins de 2 % , reflet d’une politique monétaire prudente et de la chute des prix internationaux des matières premières. Alors que le taux de chômage global tournait autour de 9 % au cours des dernières années, le taux chez les jeunes vivant en milieu urbain est beaucoup plus élevé et a atteint 38,8 % en juin 2016. Avec la libéralisation réussie des prix des carburants (essence et gazole) et d’autres efforts d’assainissement des finances depuis 2013, le déficit budgétaire du Maroc est en voie de résorption et la balance extérieure des paiements s’est considérablement améliorée. Si l’on se fonde sur les performances réalisées depuis le début de l’année, le Maroc devrait ramener son déficit budgétaire à 3,5 % du PIB en 2016. Ce serait le résultat de bonnes performances en matière de recettes et d’une réduction continue des subventions à la consommation. Pourtant l’objectif budgétaire de fin d’année ne pourra être atteint qu’en parvenant à une maîtrise encore meilleure des dépenses, en particulier pour ce qui est des transferts aux entreprises publiques. Le Maroc devrait être en mesure de stabiliser la dette du gouvernement central à environ 64 % du PIB. Sur le plan extérieur, le déficit commercial s’est aggravé de 7 % au cours de la première moitié de 2016. La hausse des exportations provenant des industries nouvellement implantées au Maroc, en particulier l’automobile, n’a pas été en mesure de compenser la hausse des prix des importations de blé et de biens intermédiaires. En outre, les exportations de phosphate ont fortement reculé. Les revenus du tourisme et les envois de fonds des travailleurs sont demeurés des sources importantes de revenus et se développaient, respectivement au rythme de 3,3 % et 3,9 % à fin juin 2016. En revanche, après plusieurs années de bonnes performances, les flux entrants d’investissements étrangers directs ont diminué de 11,2 % au cours du premier semestre 2016. Globalement, les réserves internationales du Maroc ont continué à augmenter et ont atteint 24,9 milliards de dollars soit l’équivalent de 7,3 mois d’importations à fin juin 2016. Perspectives À court terme, la croissance du PIB du Maroc devrait ralentir à 1,5 % en 2016, lorsque l’impact de la sécheresse de l’automne 2015 se fera pleinement sentir. Le PIB agricole devrait reculer de 9,5 % en 2016 avant de repartir à la hausse, avec une croissance attendue d’environ 8,9 % en 2017. La croissance du PIB non agricole devrait tourner autour de 3 % en l’absence de réformes structurelles plus décisives. Conformément à l’engagement du gouvernement, le déficit budgétaire devrait encore baisser jusqu’à atteindre 3 % du PIB en 2017 et s’accompagner d’un renforcement du budget des administrations centrales et locales dans sa conception et son exécution afin d’améliorer la fourniture et l’efficacité des services publics comme le prévoit la nouvelle loi organique budgétaire. Le déficit des comptes courants devrait se réduire à 1,5 % du PIB en 2016 dans la mesure où les prix internationaux du pétrole restent bas. Les besoins de financement externe ne seront pas une source de préoccupation majeure, compte tenu d’une dette extérieure relativement faible, du soutien financier des pays du Golfe et de la note qualité investissement dont jouit le Maroc sur les marchés internationaux. Le FMI a approuvé, en juillet 2016, une nouvelle entente de deux ans au profit du Maroc à titre de ligne de précaution et de liquidité, qui continuera à faire office d’assurance contre les chocs extérieurs. À moyen terme, le Maroc devrait être capable d’accélérer sa croissance économique tout en préservant sa stabilité macroéconomique. La bonne performance des industries nouvelles (automobile, aéronautique et électronique) et l’expansion des entreprises marocaines en Afrique de l’Ouest ont le potentiel d’instaurer les conditions d’un renforcement de la position du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales. Toutefois, ses perspectives économiques et la consolidation de ses gains en matière de stabilité macroéconomique à moyen terme dépendent de la formulation de politiques macroéconomiques saines et de l’approfondissement de réformes structurelles visant à accélérer les gains de productivité, à réduire le chômage des jeunes, à accroître la participation des femmes au marché du travail et à réduire davantage la pauvreté et les inégalités. En supposant une pleine mise en œuvre d’un programme complet de réformes après les élections législatives de l’automne 2016, la croissance pourrait accélérer jusqu’à atteindre 4 % à moyen terme, avec une inflation maintenue aux environs de 2 %. Les inégalités spatiales sont susceptibles de persister en l’absence de politiques ciblées qui répondent à la multitude des défis à relever dans les régions du pays à la traîne. Risques et défis Accroître la compétitivité de l’économie, accélérer la croissance et la création d’emplois, étoffer les tampons fiscaux et tirer parti de la stabilité politique constituent les principaux défis qui attendent le Maroc. En dépit des performances économiques relativement flatteuse du Maroc dans la région MENA ces dernières années, l’économie est resté structurellement orientée vers des activités échappant aux échanges commerciaux (par exemple, le bâtiment, les travaux publics et les services à faible valeur ajoutée) et vers une agriculture volatile, à faible productivité et non irriguée. Compte tenu de cette orientation, le Maroc a réalisé peu de gains de productivité au cours des deux dernières décennies malgré des niveaux élevés d’investissement. Les efforts d’investissement –dominés par des grands projets d’infrastructure sur financement public – n’ont pas encore déclenché un décollage de la croissance. Il reste au Maroc à obtenir les gains de productivité et la compétitivité nécessaires à la poursuite de son intégration dans les marchés mondiaux. Cela nécessite encore des efforts pour renforcer la gouvernance publique, améliorer l’environnement économique et le climat d’investissement et accroître le capital humain. Entretemps, une plus grande flexibilité des taux de change aiderait l’économie à absorber les chocs (y compris ceux liés à une croissance plus faible dans la zone euro et à l’incertitude du Brexit) et à réaliser la diversification économique. La stratégie nationale pour l’emploi récemment mise en chantier, visant à créer 200 000 emplois nouveaux par an et à faire baisser le chômage à 3,9 % en dix ans, exigera des réformes non moins ambitieuses pour assurer le bon fonctionnement d’un marché du travail propice à la création d’emplois par le secteur privé. OMAN Les estimations d’un ralentissement de la croissance économique en 2016 sont le reflet d’une baisse des investissements dans le secteur pétrolier couplée avec les effets d’entraînement de la baisse des dépenses publiques. D’importants efforts d’assainissement budgétaire ont permis de réaliser des économies budgétaires mais le déficit reste considérable. Les cours peu élevés du pétrole ont également creusé le déficit de la balance des opérations courantes en dépit du volume plus élevé des exportations. Oman continue à puiser dans ses réserves et à recourir à l’emprunt. La légère hausse prévue des prix du pétrole et l’expansion de l’économie non pétrolière permettront d’améliorer les perspectives macroéconomiques. Développements récents La croissance du PIB réel d’Oman devrait ralentir, passant de 5,7 % en 2015 à 2,5 % en 2016, selon les données récemment révisées. La croissance plus forte enregistrée en 2015 était imputable à des niveaux records de production de pétrole. Mais les moindres investissements du secteur pétrolier en 2016 devraient ralentir la croissance du PIB dérivé des hydrocarbures à 1,1 % contre 4 % en 2015. La croissance du PIB hors hydrocarbures devrait chuter à 4 % en 2016 contre 7 % en 2015, dans la mesure où la baisse des dépenses publiques aura des effets induits sur l’investissement et la consommation. La balance des opérations courantes est devenue un déficit équivalant à 15,5 % du PIB en 2015 et celui-ci devrait se creuser pour atteindre 20 % du PIB en 2016, malgré des volumes d’exportation plus élevés. Le taux directeur de la Banque centrale est resté inchangé mais les taux des prêts interbancaires continuent à monter. L’inflation devrait s’accentuer pour passer de 0,1 % en 2015 à 0,9 % en 2016 suite à la hausse du prix des carburants au début de cette année. Les efforts d’assainissement budgétaire devraient réduire légèrement le déficit budgétaire en 2016 à 15,9 %, contre un niveau record de 16,5 % du PIB en 2015 (17,2 % hors subventions). Une réforme des subsides alloués aux carburants, une réduction des dépenses en capital ainsi que des salaires et prestations sociales ont été les principaux leviers de l’assainissement. Si les revenus du pétrole et du gaz ont chuté de 20 % en 2016, les recettes hors hydrocarbures devraient augmenter en raison de la perception de droits de douanes plus élevés et de revenus de placement supérieurs. Pour financer son déficit, Oman a emprunté 1 milliard de dollars auprès d’un consortium de banques en janvier et a émis sa première obligation souveraine depuis 1997 pour un montant de 2,5 milliards de dollars en juin. Le gouvernement envisage de puiser 1,5 milliard de dollars sur les réserves générales d’Oman et d’emprunter 5 à 10 milliards de dollars supplémentaires sur les marchés internationaux de créances en 2016. Les orientations politiques du gouvernement reflètent sa détermination persistante à réaliser l’assainissement budgétaire et la diversification. Le sultan Qaboos a approuvé un programme de diversification économique qui se fonde sur le modèle de transformation économique de la Malaisie et qui apporte un soutien à des secteurs comme la logistique, la production et le tourisme. Des réformes ont été entamées en 2015 avec un doublement des prix du gaz pour les utilisateurs industriels, une augmentation des prix du gazole et de l’essence qui peut atteindre 33 %, la désignation d’un bureau qui accélère le processus de délivrance des licences, l’imposition d’une restriction à la croissance de la masse salariale et la suppression de certaines exonérations fiscales. En outre, la libéralisation du secteur de l’aéronautique ref lète une évolution de la politique vers moins de protectionnisme. Les projets de gaz naturel seront une priorité pour répondre à la demande accrue d’électricité qui devrait résulter de la diversification. Parmi les autres réformes dont la mise en œuvre est prévue dans la période de prévision figurent une hausse de l’impôt sur le revenu des sociétés, l’instauration d’une TVA sur l’ensemble des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), une évolution vers un tarif reflétant intégralement les coûts pour les grands consommateurs industriels d’électricité et une hausse de l’accise et des droits pour les services gouvernementaux. Les principales préoccupations sur le plan social sont la pénurie d’emplois pour les jeunes et, dans une certaine mesure, les disparités régionales. L’OIT estime le chômage des jeunes à 20 % à Oman, une urgence dans un pays où près de 40 % de la population est âgée de moins de 25 ans. Il faut en général trois ans aux jeunes Omanais pour trouver du travail –en partie en raison de leur forte préférence pour les emplois du secteur public, où les salaires sont plus élevés et les horaires de travail moindres. Oman devra créer 45 000 emplois par an pour résoudre le problème, et les efforts en cours pour remplacer les expatriés par des Omanais (la politique dite « d’omanisation ») sera insuffisante sans une amélioration de l’environnement favorisant la création d’emplois par le secteur privé. Perspectives La croissance globale du PIB réel devrait se redresser légèrement à moyen terme, pour atteindre 3,4 % en 2018, à mesure qu’une remontée graduelle des prix du pétrole améliorera la confiance du secteur privé et favorisera les investissements. Cette tendance sera en outre soutenue par la nouvelle loi sur la propriété étrangère et la libéralisation dans le domaine de l’aéronautique. Oman devrait axer ses investissements d’infrastructure sur le tourisme et la logistique. Le maintien des mesures d’austérité budgétaire et la mobilisation des recettes, combinés à des cours plus élevés du pétrole, permettront de poursuivre la réduction du déficit budgétaire qui devrait se situer à 10 % du PIB en 2018. Mais, suite à d’autres émissions obligataires en gestation, l’endettement est susceptible de faire un bond en avant spectaculaire. Les échanges commerciaux avec l’Iran et les opportunités d’investissement devraient progresser dans le sillage d’une levée des sanctions. Le déficit du compte courant devrait rester à un niveau élevé de 19,5 % en 2017 pour se réduire ensuite à mesure que les prix du pétrole augmentent, que les exportations non pétrolières se développent et que le gazoduc vers l’Iran gonfle les exportations de GNL. Une pression à la hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires et la réforme des subventions devraient porter le taux d’inflation à 2,8 % en 2018. Oman devrait maintenir son ancrage au dollar américain. Risques et défis Des réformes ininterrompues et progressives sont nécessaires pour maintenir la viabilité budgétaire et les financements extérieurs ainsi que l’ancrage sur le long terme. Les autorités devront exercer une surveillance des risques émergents affectant la résilience du secteur financier d’Oman. En outre, dans un contexte de croissance de la population omanaise de 4 % par an, la création d’emplois est un défi majeur. À moyen terme, Oman peut être contrainte d’adopter des politiques visant à atténuer l’incidence sur la population d’une baisse des revenus pétroliers résultant du bas niveau des cours et d’un horizon temporel relativement restreint concernant le pétrole. Des gains d’efficacité pourraient être obtenus en renonçant aux subventions universelles pour s’orienter vers des transferts plus ciblés. Il serait bon de procéder à un examen des programmes sociaux existants et d’améliorer la capacité à mesurer et à analyser le bien-être social. Des obstacles sociaux et politiques à une diminution des dépenses demeurent ; cela rend d’autant plus nécessaire d’accroître les recettes non pétrolières. De ce fait, la mise en œuvre des réformes prévues dans le cadre du 9e plan de développement en vue de la diversification est capitale pour soutenir la croissance et la création d’emplois. Les principaux domaines de risques auxquels l’économie omanaise est confrontée comprennent la survenue de nouveaux chocs des prix du pétrole et des hausses éventuelles de taux décidées par la Fed. La prolongation du ralentissement économique de la Chine, principal partenaire commercial d’Oman, accroîtrait également les risques d’une dégradation de la situation. PALESTINE La croissance de l’économie palestinienne, qui se remet lentement de la récession de 2014, est estimée à 8 % au 1er trimestre 2016, en raison de facteurs temporaires, principalement un frémissement dans la reconstruction de Gaza. Le chômage, estimé à 27 %, demeure obstinément élevé. Compte tenu des contraintes grevant actuellement la compétitivité économique, la croissance attendue à moyen terme est estimée à 3,5 %. Un niveau d’aide moindre que prévu et l’éventualité d’une poursuite des conflits génèrent des risques pour la croissance et l’emploi. Développements récents Après une récession en 2014 entraînée par la guerre de Gaza, l’activité économique a repris dans les territoires palestiniens. La croissance du PIB réel pour la Cisjordanie et Gaza dans son ensemble a atteint 3,5 % en 2015 et 8 % au premier trimestre 2016. La croissance a été principalement alimentée par un rebond à Gaza, où l’économie est estimée avoir fait un gain de 21 % au premier trimestre 2016 en raison d’une recrudescence de l’activité de reconstruction. L’économie de la Cisjordanie a progressé de 4,2 % au premier trimestre 2016 et la croissance a été le fait des services et de la consommation des ménages financés par des prêts bancaires. Le chômage dans les territoires palestiniens, estimé à 27 %, demeure obstinément élevé. Ce chiffre global masque des différences régionales, le chômage à Gaza, estimé à 42 %, étant plus de deux fois plus élevé que celui de la Cisjordanie, estimé à 18 %. Le chômage des jeunes reste une préoccupation majeure dans les territoires palestiniens, notamment à Gaza, où plus de la moitié des jeunes de 15 à 29 ans est sans emploi. Le taux d’inflation demeure très faible avec une moyenne de 0,2 % pour la période comprise entre janvier et juin 2016. Le sheqel israélien est la principale monnaie en circulation dans les territoires palestiniens et l’inflation a, en conséquence, été contenue par la déflation en cours en Israël et par une chute des cours mondiaux des carburants et des denrées alimentaires. La situation financière de l’autorité palestinienne (AP) reste difficile malgré la rentrée impressionnante de recettes enregistrée jusqu’ici en 2016. Les recettes publiques ont augmenté de 24 % au premier semestre 2016 en raison des prélèvements massifs d’impôts locaux en début de période et des transferts ponctuels de recettes opérés par le gouvernement israélien (GI). Cela a compensé la hausse plus forte que prévue des dépenses entraînée par des augmentations de salaire inattendues pour les enseignants et les ingénieurs et a entraîné une réduction de 23 % du déficit dans la première moitié de 2016 (d’une année sur l’autre). En parallèle, l’aide au renflouement de la trésorerie de l’AP a diminué de 28 %, ce qui a entraîné un déficit de financement de 205 millions de dollars US et a conduit à l’accumulation d’arriérés supplémentaires. Le déficit du compte courant externe (à l’exclusion des transferts officiels) est estimé s’être creusé de 4 points de pourcentage en 2015 pour atteindre 22 % du PIB. Cela est imputable à une augmentation du déficit commercial qui a atteint 41 % du PIB, en raison d’une hausse des importations d’origine non israélienne. En revanche, les importations en provenance d’Israël, principal partenaire commercial des territoires palestiniens, ont connu une baisse en 2015, en raison de la baisse des prix des carburants et d’une tendance croissante chez les consommateurs palestiniens à remplacer les produits importés d’Israël par ceux d’autres pays. Les exportations sont restées faibles et ont stagné aux alentours de 18 % du PIB en 2015. Perspectives La reprise récente de la croissance a été alimentée par la reconstruction de Gaza et ne sera pas durable à moins que des efforts soient faits pour améliorer la compétitivité économique. Les perspectives économiques pour les territoires palestiniens demeurent donc préoccupantes. En supposant que les restrictions actuelles demeurent en place et que la situation sur le plan sécuritaire reste relativement calme, le taux de croissance du PIB réel de l’économie palestinienne en 2016 devrait être de 3,3 % : 2,7 % pour la Cisjordanie et 5,5 % à Gaza. À moyen terme, la croissance du PIB réel pourrait tourner aux environs de 3,5 %. Cette faible croissance entraîne une stagnation du revenu réel par habitant et une augmentation du chômage. Le déficit budgétaire (avant subventions) devrait diminuer pour se situer à 10 % du PIB (1,3 milliard de dollars US) en 2016. Dans le même temps, l’aide étrangère perçue en 2016 pourrait descendre sous la barre des 700 millions de dollars US, soit un déficit de financement de plus de 600 millions de dollars US (4,7 % du PIB). L’AP envisage de mettre en œuvre des mesures visant à réduire ce déficit mais elles ne permettront pas de le résorber complètement. À moins que l’aide des bailleurs de fonds soit considérablement renforcée, le déficit sera essentiellement financé par des arriérés envers le secteur privé et les fonds de pension dans la mesure où le volume des emprunts contractés auprès des banques locales est très proche de la limite maximale définie par l’autorité monétaire palestinienne. Sur le plan extérieur, le déficit du compte courant (hors transferts officiels) devrait légèrement se réduire pour se situer à 21 % du PIB en 2016 en raison d’une baisse des importations. Risques et défis L’absence de progrès dans le processus de paix israélo-palestinien et les contraintes actuelles grevant la compétitivité économique continuent à entraver une reprise économique durable dans les territoires palestiniens et les menaces d’une baisse de la croissance et de l’emploi demeurent fortement présentes. Tout d’abord, malgré certains progrès enregistrés au cours des derniers mois, des revers dans le processus de reconstruction à Gaza sont possibles. Une reprise du conflit armé n’est pas à exclure et, si cela se produit, l’économie de Gaza devrait retomber en récession. En second lieu, les performances de la Cisjordanie peuvent être pires que prévu si la baisse du soutien des bailleurs de fonds dépasse les projections actuelles. De plus, si des tensions se manifestent à nouveau dans toute la Cisjordanie, elles entraîneront une aggravation des risques pour la sécurité qui peut avoir une incidence préjudiciable sur l’activité économique et la pauvreté. QATAR La croissance a encore ralenti au Qatar. Tant la balance des opérations courantes que les soldes budgétaires devraient entrer en déficit au cours de l’année 2016, pour la première fois depuis des décennies. Compte tenu des perspectives incertaines à moyen terme pour le secteur du gaz en avançant dans la décennie et au-delà, il devient crucial de développer le secteur hors hydrocarbures. Développements récents Comme ses voisins du Golfe, le Qatar semble être entré dans une période de croissance plus lente. La croissance du PIB est tombée à 3,6 % en 2015 (contre 4,2 % en 2014), avec une production dans le secteur des hydrocarbures globalement stable. La croissance dans ce secteur a fortement fléchi depuis 2012 dans le sillage d’une stagnation de la producti on, dans une large mesure en raison d’un moratoire volontaire sur une augmentation de la production du North Field. La baisse des cours du pétrole a également imprimé sa marque dernièrement. Le PIB nominal a chuté de 20 % en 2015, en raison de la détérioration des termes de l’échange, tandis que la croissance du secteur hors hydrocarbures a ralenti à 7,6 % (contre 11 % en 2014) en raison d’un manque de confiance des consommateurs, de l’ajustement budgétaire et d’un resserrement des liquidités du secteur bancaire. Les forts excédents des soldes budgétaires et de la balance des opérations courantes ont disparu. Les revenus tirés des hydrocarbures représentent environ 90 % des recettes fiscales et la majeure partie des recettes à l’exportation. Avec la persistance de bas prix du pétrole, l’excédent de la balance des opérations courantes s’est nettement réduit, passant de plus de 30 % du PIB en 2011-2012 à 8 % en 2015. Dans un contexte panachant recettes fiscales en forte baisse et obligation de continuer à financer l’organisation de la Coupe du Monde 2022, le solde budgétaire des administrations publiques se retrouve en situation de déficit et devrait atteindre 12,1 % en 2016. Les changements de politique visant à donner la priorité aux dépenses en capital à destination de projets considérés comme indispensables à la diversification économique et à la Coupe du Monde se traduisent par le report de grands projets jugés « non essentiels » (notamment le complexe pétrochimique Al-Karaana de 6,4 milliards de dollars US en 2015). Selon les estimations, les dépenses du gouvernement en nouveaux contrats de construction et de transport auraient diminué de 92 % (d’une année sur l’autre) au 1er trimestre 2016. Le gouvernement a commencé à rationaliser les subventions, en permettant aux prix des carburants de suivre de plus près les prix mondiaux. Il développe également de nouvelles sources de revenus, notamment en prévoyant l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée. L’existence de puissants tampons permet de maintenir la confiance face à la multiplication d’émissions obligataires. Selon les estimations, le fonds souverain du Qatar serait détenteur de 256 milliards de dollars US d’actifs. Au lieu de puiser sur le fonds souverain pour financer le déficit budgétaire, le gouvernement a émis pour 4,6 milliards de QR et 9 milliards de dollars US de titres de créance sur les marchés jusqu’à ce jour en 2016. Il semble qu’aucune nouvelle allocation n’ait été faite au fonds souverain cette année, les nouveaux investissements devant être financés par la vente d’actifs ou par le revenu des dividendes. Cependant, la politique budgétaire a globalement tendance à être pro-cyclique au Qatar et le pays a besoin de cadres budgétaires pour protéger le budget de la volatilité des cours des matières premières. Le pays pourrait grandement tirer parti d’une transversalité au niveau gouvernemental de la planification, de la coordination et de la gestion au titre de l’investissement public des projets non liés aux hydrocarbures. La politique monétaire demeure accommodante, mais les liquidités bancaires sont restreintes. La banque centrale a choisi de ne pas répercuter les hausses du taux directeur de la Fed en décembre 2015. Mais compte tenu d’un probable resserrement supplémentaire de la part de la Fed, elle devra ultérieurement s’aligner, compte tenu de la parité fixe. Les indicateurs de solvabilité du secteur bancaire et les tampons de capitaux demeurent solides, mais la croissance tant des dépôts que du crédit a ralenti. Le suivi et l’analyse du niveau de vie devrait contribuer à une formulation mieux affutée des politiques sociales, notamment pour ce qui est de leur ciblage, en particulier à la lumière de la hausse récente des tarifs des services publics et de la suppression des subventions. Perspectives La croissance du Qatar devrait se poursuivre à un rythme modéré. Le Qatar en est à la deuxième année d’un projet de 200 milliards de dollars US de modernisation des infrastructures en vue d’accueillir la Coupe du Monde, ce qui devrait soutenir l’activité, en particulier dans la construction, le transport et les services. La croissance du PIB devrait atteindre 2,1 % en 2016, et devrait progressivement se hisser jusqu’à 3,7 % en 2018. La production de gaz naturel a atteint un plateau, et devrait diminuer. Cependant, la production de 1,4 milliard de pieds cubes par jour du projet gazier de Barzan –dernier projet approuvé avant l’entrée en vigueur du moratoire North Field –devrait démarrer en 2016 et atteindre son plein régime en 2017. Cela devrait compenser une partie de la baisse prévue de la production. La balance des opérations courantes ainsi que les soldes budgétaires devraient progressivement s’améliorer. Dans le sillage de l’augmentation de la production de gaz et du redressement des cours du pétrole, les recettes de l’exportation devraient se rétablir. Le déficit de la balance des opérations courantes restera élevé au cours de la période de prévision, en raison des importations de biens d’équipement liés à la FIFA avant de se réduire progressivement à 3,2 % du PIB en 2018. Le déficit budgétaire se resserrera, aussi aidé en cela par les économies réalisées dans les dépenses courantes et les réformes des subventions, mais il devrait rester substantiel à près de 9 % en 2018 (au niveau des administrations publiques). Risques et défis Les principaux risques pesant sur le pays sont la dépression mondiale des cours du pétrole et du gaz qui se traduisent par une amélioration plus lente que prévu des soldes budgétaires à un moment où la région du Golfe dans son ensemble sollicite les fonds des investisseurs internationaux en vue de financer ses déficits budgétaires. La marge de manœuvre pour réduire les dépenses en capital est limitée par la nécessité d’assumer les obligations contractuelles relatives à la FIFA. Les autres risques comprennent la volatilité des marchés financiers mondiaux ou l’instabilité régionale qui perturbe la production de pétrole et de gaz et/ou les entrées de capitaux. À moyen terme, l’intensification de la concurrence et l’émergence d’un marché spot mondial des prix du gaz pourraient entraver la domination du Qatar sur les marchés mondiaux de GNL. Compte tenu des perspectives incertaines à moyen terme pour le secteur du gaz en avançant dans la décennie et au-delà, il devient encore plus important de développer le secteur hors hydrocarbures. La stratégie de croissance tirée par l’investissement du Qatar au cours de la dernière décennie n’a pas encore eu de retombées positives en termes de croissance supérieure de la productivité, même si des goulets d’étranglement sont apparus sous la forme de pressions de surchauffe, de congestion et de pollution, ainsi que de déséquilibres démographiques. Pour réussir sa diversification, le Qatar devra augmenter la productivité de son investissement dans le capital humain et physique, et entreprendre des réformes structurelles visant à améliorer l’environnement économique. ARABIE SAOUDITE Le pétrole à bon marché continue à mettre à l’épreuve la résilience économique du Royaume d’Arabie saoudite (KSA). Dans la première moitié de 2016, les autorités ont changé de vitesse, passant d’une approche ad hoc à une stratégie à moyen et long terme pour contrer les défis croissants posés par la nouvelle réalité des marchés pétroliers. Avec le déploiement des efforts d’assainissement budgétaire, le dilemme entre viabilité budgétaire et croissance tirée par les dépenses publiques tournera en faveur de cette dernière. Développements récents Le bas prix du pétrole continue de représenter une menace pesant sur la croissance et la viabilité des finances publiques du Royaume d’Arabie saoudite (KSA). En dépit d’une certaine reprise ces derniers temps, au niveau de 45 $ US/baril en juillet 2016, les prix demeurent de 60 % inférieurs à leur pic de juin 2014. Les hydrocarbures représentant environ 80 % des recettes fiscales et plus de 40 % du PIB (Figure 1), l’Arabie saoudite demeure vulnérable au risque de prix en demi-teinte. Le gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite (GoKSA) a d’abord réagi à la baisse des cours du pétrole avec un réflexe contra-cyclique : la production de pétrole est passée de 9,7 millions de barils par jour (bpj) en 2014 à 10,1 millions barils/jour en 2015 et la réduction des dépenses budgétaires s’est limitée à 2,5 points de pourcentage de PIB. Cependant, en dépit du maintien de la croissance à 3,4 % en 2015, cette approche, dans un contexte de forte baisse des revenus, a conduit à un double déficit : un déficit budgétaire estimé à 15,2 % du PIB et un déficit de la balance des opérations courantes estimé à 8,3 % du PIB. Les déficits ont été financés en grande partie en puisant dans les réserves de la SAMA, qui ont chuté de 727 milliards de dollars US en 2014 à 612 milliards de dollars US (106 % du PIB) fin 2015. Soucieuses du risque potentiel d’une prolongation durable de ces déficit s, les autorités ont entrepris de consolider les perspectives budgétaires à moyen terme. Les mesures initiales comprenaient une taxe de 2,5 % sur les terrains non bâtis, une taxe d’aéroport de 23 $ US pour les étrangers et des hausses des prix des carburants, du gaz et de l’eau. En outre, une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5 % et d’autres taxes sur le tabac et les boissons gazeuses ont été annoncées, mais leur mise en place peut prendre du temps. Un changement radical de politiques est cependant intervenu avec l’annonce de Vision 2030 et du Plan de Transformation Nationale (NTP) au deuxième trimestre de 2016. Vision vise à réorganiser le champ des investissements publics, à augmenter la participation du secteur privé dans l’économie et à rationaliser les dépenses publiques. Parmi les réformes clés figure un ambitieux programme de réformes des subventions ; une amélioration de la transparence et de l’efficacité du gouvernement ; des partenariats avec les investisseurs privés visant à développer des sources locales d’énergie renouvelable et de biens d’équipement industriel. Une introduction en bourse d’une part d’environ 5 % d’ARAMCO –la compagnie pétrolière nationale de l’Arabie saoudite, d’une valeur estimée à 2 milliards de dollars US –est également dans les cartons. Le NTP vise à atteindre les objectifs de Vision 2030 : (i) en identifiant des objectifs et cibles stratégiques pour les organismes participants ; (ii) en traduisant les objectifs en projets assortis de plans de mise en œuvre et d’études de faisabilité ; et (iii) en appelant à une action commune sur un certain nombre de priorités nationales. La mise en pratique de ce cadre suppose d’assigner un certain nombre d’objectifs stratégiques à des entités individuelles. Les progrès réalisés sur chacun de ces objectifs seront suivis jusqu’en 2020 au travers d’une batterie d’indicateurs et de cibles associées. La politique monétaire reste contrainte par l’ancrage au dollar américain. Quoique l’ancrage assure stabilité et prévisibilité, il a également conduit à une appréciation réelle d’environ 40 % des taux de change effectifs de l’Arabie saoudite par rapport à ses principaux partenaires commerciaux depuis juillet 2008. Bien que le NTP puisse avoir une répercussion importante sur le bien-être des citoyens du Royaume, le plan ne prévoit pas de s’intéresser directement à ce point. Poursuivre l’amélioration de la capacité de mesure et d’analyse du niveau de vie permettrait de mettre au point de meilleures politiques pour atténuer l’impact de l’assainissement budgétaire en cours sur le bien- être de la population nationale. Perspectives Compte tenu de l’assainissement des finances publiques en cours, dans un contexte de tiédissement du moral des investisseurs et des consommateurs, la consommation publique comme privée devrait se ralentir en 2016. En se fondant sur les performances du 1 er trimestre (Figure 2), il est peu probable que la production de pétrole puisse compenser ces pertes. Dans l’ensemble, la croissance devrait se ralentir à 1,0 % en 2016 avant d’accélérer graduellement, respectivement à 1,6 % et 2,5 % en 2017 et 2018. Sur le plan extérieur, la balance des opérations courantes devrait rester dans le rouge, à 9,5 % du PIB en 2016. Par la suite, les prix à l’exportation devraient se redresser graduellement en 2017 et 2018. Compte tenu d’une reprise plus lente dans les importations, la balance des opérations courantes devrait renouer avec de légers excédents à partir de 2018. Les perspectives budgétaires sont stables à court terme compte tenu des importantes réserves détenues par la SAMA. Cependant, dans un contexte de prix moyen du pétrole de 43 $ US en 2016 (dernières projections de la Banque mondiale), les mesures fiscales actuelles seront insuffisantes, et le déficit budgétaire devrait demeurer à 13,6 % du PIB. Les efforts visant à augmenter les revenus non-pétroliers permettront probablement de faire quelques économies (certes modestes) et des réductions des dépenses interviendront peu à peu, axées principalement sur le budget des dépenses en capital. Ces mesures devraient permettre de réduire progressivement le ratio global déficit budgétaire/PIB. L’inflation devrait être freinée par une contraction budgétaire du côté demande mais être accélérée par des hausses des prix des services publics de fourniture d’énergie. Les indicateurs sociaux risquent de se détériorer au cours de la phase d’assainissement des finances publiques et suite à la baisse des revenus, mais aucune donnée n’existe qui permettrait d’évaluer les risques et les vulnérabilités. Risques et défis Compte tenu d’une forte dépendance à l’égard des hydrocarbures, les perspectives économiques du Royaume sont notoirement sensibles aux fluctuations des prix du pétrole. Quoique les déficits budgétaires ne soient pas susceptibles de poser des problèmes sérieux de durabilité à court terme, ils conduiront à une érosion des réserves accumulées et à une augmentation de la dette publique (les autorités risquent d’avoir recours aux deux méthodes pour éviter toute variation brutale de l’un ou l’autre des indicateur s) à moyen terme. Le Plan de Transformation Nationale constitue un instrument important de maintien de la viabilité des finances publiques et de promotion de la diversification. Cependant, en l’absence d’un cadre macroéconomique et budgétaire global à moyen terme, les réformes peuvent n’être que partielles et non coordonnées entre les différents organismes d’exécution. SYRIE La Syrie subit un conflit dévastateur depuis 2011, menant à une situation humanitaire et socio- économique catastrophique. La violence continue de perturber la production et la distribution des biens et des services, et entrave l'activité économique. Les violences physiques, une nutrition insuffisante, des services de santé insuffisants, le taux de pauvreté, le chômage élevé et la défaillance des services publics continueront à peser lourdement sur la population. Les perspectives macro-économiques à moyen terme reposent sur l'endiguement, et en définitive la résolution politique du conflit. Développements récents La prolifération du conflit armé en Syrie ces six dernières années a pesé lourdement sur la vie du peuple syrien, menant à un exode massif de réfugiés. L'estimation des pertes humaines a dépassé 250 000 personnes (selon l'ONU), et un rapport récent du Centre syrien pour la recherche politique estime le bilan humain à 470 000 morts et 1,2 million de blessés, et bien plus encore de réfugiés. De plus, le nombre de demandes d'asile déposé en Europe par les Syriens s'élève à 1,1 million, de 2011 à juin 2016. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime que la moitié de la population syrienne a été déplacée contre son gré, avec une estimation de 7,6 millions de personnes déplacées internes (PDI) et 4,8 millions de réfugiés enregistrés (HCR, 2016). Le conflit a considérablement endommagé les biens publics et privés, y compris les structures de santé, d'éducation et d'énergie, la distribution d'eau et le système sanitaire, l'agriculture, les transports, l'habitat, et d'autres infrastructures. Le rapport de la Banque mondiale sur l'évaluation des dommages, des pertes et des besoins (menée dans six chefs-lieux de gouvernorats, à savoir Alep, Deraa, Hama, Homs, Idleb et Lattaquié) a estimé le montant total des dégâts pour les six villes entre 5,9 et 7,2 milliards de dollars US (en mars 2016). Le centre syrien pour la recherche politique évalue la perte due à la destruction des infrastructures physiques à l'échelle du pays à 75 milliards de dollars US, et les Nations unies estiment qu'un investissement de 150 à 200 milliards de dollars US sera nécessaire pour ramener le PIB de la Syrie à son niveau d'avant le début du conflit. Le conflit a eu un certain nombre de conséquences macro-économiques sévères. Le PIB réel s'est contracté de façon significative pendant la période 2012-2015, dont une baisse de 12 % en 2015. Après avoir augmenté de presque 90 % en 2013, l'inflation est repartie à la baisse pour se stabiliser à un niveau élevé de presque 30 % en 2014-2015. Le déclin important des recettes pétrolières depuis la seconde moitié de l'année 2012, et les perturbations commerciales dues au conflit font pression sur la balance des paiements et sur le taux de change. En raison de la perte du contrôle gouvernemental sur la majorité des champs de pétrole du pays, les revenus provenant des exportations pétrolières ont chuté, passant de 4,7 milliards de dollars US en 2011 à 140 millions de dollars US en 2015. Le déficit du compte courant a atteint 19 % du PIB en 2014, mais a diminué de façon significative en 2015 pour atteindre 8 % du PIB. Les réserves internationales ont baissé, de 20 milliards de dollars US à la fin 2010 pour atteindre 1,1 milliard de dollars US à la fin 2015, alors que la livre syrienne se dépréciait de 47 livres à 517 livres par dollar fin août 2016. Le déficit budgétaire global a fortement augmenté pour atteindre 20 % du PIB en 2015, avec l'effondrement des recettes fiscales et pétrolières menant les revenus du pays à son plus bas niveau historique de 7 % du PIB en 2014-2015. Le gouvernement a répondu aux problèmes en limitant les dépenses, y compris sur les salaires, mais cela n'a pas été suffisant pour compenser la chute des revenus et l'augmentation des dépenses militaires. Perspectives Les prévisions macro-économiques et celles sur la pauvreté sont compliquées par les incertitudes relatives à la durée et la sévérité du conflit. Cependant, le PIB réel devrait continuer à se contracter en 2016 d'environ 4 %, sur le principe d'une aggravation du conflit dans les centres névralgiques de l'activité économique du pays tels que Alep, et la continuation de son action néfaste sur les économies pétrolières et non pétrolières. Il est probable que l'inflation reste très élevée à environ 25 % en 2016, en raison de la dépréciation continue du taux de change, des perturbations des échanges, et des pénuries. Le déficit budgétaire et celui du compte courant devraient également rester à un niveau élevé, similaires aux niveaux de 2015. Les perspectives macro-économiques à moyen terme reposent sur l'endiguement et en définitive la résolution politique du conflit, ainsi que la reconstruction des infrastructures endommagées et du capital social. Risques et défis L'enjeu majeur est évidemment de mettre fin au conflit et de restaurer les services publics de base, parallèlement à la mise en place d'autres mesures pour résoudre la crise humanitaire. La Syrie devra également remettre en place un certain niveau de stabilité macro-économique, et créer les conditions pour un rétablissement de la croissance. La communauté internationale devra jouer un rôle primordial dans cet environnement post-conflit. TUNISIE Cinq ans après la révolution, les performances économiques de la Tunisie laissent encore à désirer, avec une croissance trop faible pour avoir une incidence significative sur le chômage, la pauvreté et les inégalités dans un contexte de creusement du déficit budgétaire et du déficit de la balance des opérations courantes. L’appel lancé récemment par le président tunisien pour un gouvernement d’union a été bien accueilli par la plupart des partis politiques et la société civile et a été suivi de la formation d’un nouveau gouvernement à la fin août 2016. Cette initiative a pour but de soulager les goulets d’étranglement politiques et de donner une impulsion à des réformes plus que nécessaires pour renforcer la sécurité, améliorer l’environnement économique et relancer la croissance. Développements récents L’économie tunisienne a nettement ralenti en 2015 : la croissance a atteint un petit 0,8 % (contre 2,3 % tant en 2013 qu’en 2014), avec des baisses notables de la production, de l’exploitation minière (secteurs du pétrole, du gaz et des phosphates) et du tourisme après deux attaques terroristes visant des touristes. Les données pour la première moitié de l’année 2016 indiquent une modeste amélioration des conditions économiques. L’économie a progressé aux 1 er et 2e trimestres 2016 pour atteindre, respectivement 1,0 et 1,4 % (d’une année sur l’autre). Cette légère accélération de la croissance reflète une amélioration des performances dans les industries manufacturières et les secteurs non marchands, qui ont progressé de 2,0 % et 3,3 % (d’une année sur l’autre) au 1er semestre 2016 alors que les secteurs de l’agriculture et de la pêche et les industries non manufacturières ont reculé de 2,8 % et 0,8 % et la valeur ajoutée dans les services marchands n’a pas évolué. Fait important, les importations de machines et d’équipements ainsi que les produits bruts ont augmenté de 10 %, alors qu’une amélioration de l’environnement sur le plan de la sécurité est venue conforter le moral des investisseurs. Malgré cette amélioration, un certain nombre d’indicateurs font penser que la reprise économique sera encore fragile et modeste en 2016. La production industrielle a chuté de 0,3 % au 1er semestre 2016, dans le sillage de baisses de production dans l’agro-alimentaire, l’énergie et les industries du caoutchouc et des matières plastiques. De plus, les arrivées de touristes ont chuté de 25 % au cours de la première moitié de 2016. Le déficit commercial substantiel, combiné avec la détérioration des comptes de capitaux et des comptes financiers, érode le tampon des réserves de change du pays et conduisent à une dépréciation du dinar tunisien. En juin 2016, les réserves de change étaient estimées à 6,5 milliards de dollars US, soit à peine 3,5 mois d’importations. Le taux de chômage reste élevé, à 15,4 %, en particulier pour les femmes (22,6 %), les diplômés de l’université (31, 2 %) et les jeunes (31,8 %), tandis que l’inflation est maîtrisée (4 %) en raison d’une politique monétaire encore prudente. Le président tunisien a récemment proposé la formation d’un gouvernement d’union nationale pour faire face aux problèmes de sécurité et aux défis économiques et sociaux auxquels la Tunisie est confrontée, et il a sollicité la participation de tous les partis politiques et groupes de la société civile (syndicats de travailleurs, organisations professionnelles et autres groupes de la société civile). Un bref document, « l’Accord de Carthage » détaillant les priorités du nouveau gouvernement à former, a été rédigé et signé par la plupart des intervenants. Un nouveau cabinet a été formé et approuvé par le Parlement à la fin août 2016 ; il devrait s’efforcer de faire sauter les goulets d’étranglement politiques aux réformes et donner une nouvel impulsion aux mesures indispensables et urgentes à prendre pour renforcer la sécurité, améliorer l’environnement économique et relancer la croissance. Perspectives L’économie devrait connaître une croissance modeste de 2,0 % en 2016 grâce à une hausse de la consommation publique (de 10,1 %) suite à la négociation d’augmentations de salaires et à l’investissement (en hausse de 4,5 %). A moyen terme, la croissance économique devrait progresser, respectivement, à 3,0 et 3,7 % en 2017 et 2018 dans un scénario qui associerait une accélération des réformes structurelles, une amélioration de la sécurité au niveau national et régional (dont un début de normalisation en Libye notamment), une plus grande stabilité sociale et une augmentation modérée de la demande extérieure. La baisse des recettes fiscales au 1er semestre 2016 a été compensée par la vente de licences 4G et les transferts de fonds excédentaires détenus par la Banque Centrale de Tunisie. Mais les subventions à l’énergie et les transferts nets à la Société tunisienne des industries de raffinage ont augmenté de 0,1 point de pourcentage de PIB. De plus environ 0,6 % du PIB ont été transférés à la caisse de retraite de l’État, qui est structurellement déficitaire, pour couvrir ses besoins de liquidités. Globalement, les données de la première moitié de l’année indiquent que le déficit budgétaire pourrait être de 1 point de pourcentage du PIB supérieur à celui initialement prévu au budget (4,6 % du PIB) si aucune mesure compensatoire n’est prise pour maintenir le déficit structurel en dessous de 4 % (indice de référence de la nouvelle Facilité élargie de crédit du FMI). À moyen terme, maîtriser la hausse de la masse salariale des services publics et élargir l’assiette fiscale sont indispensables pour assurer la viabilité budgétaire et se ménager la possibilité d’engager d’autres dépenses d’investissement. Sur le plan extérieur, le déficit de la balance des opérations courantes devrait se réduire à 7,7 % du PIB en 2016, la baisse des exportations compensant en partie le recul des importations. À moyen terme, la reprise progressive des envois de fonds et du commerce des services devrait être profitable à la balance des opérations courantes qui serait progressivement ramenée à 6,4 % du PIB en 2017-2018. Risques et défis Les principaux risques grevant les perspectives économiques demeurent le niveau élevé du chômage des jeunes et les troubles sociaux, ainsi que la situation en matière de sécurité sur les plans national et régional. Si le gouvernement déploie des ressources pour améliorer la situation sur le plan de la sécurité, des réformes visant à stimuler la croissance du secteur privé et la création d’emplois sont indispensables pour contrer ces risques. Ces réformes prévoiraient, notamment : (i) l’adoption et la mise en œuvre de réglementations qui envoient des signaux forts aux investisseurs en améliorant les conditions d’accès au marché et en évoluant vers une uniformisation des règles du jeu dans tous les secteurs ; (ii) l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie globale sur la réforme de la fonction publique et des entreprises d’État ; (iii) l’amélioration de la gouvernance, notamment en luttant contre la corruption et en séduisant les élites ; et (iv) l’instauration d’un dialogue visant à s’attaquer aux origines des troubles sociaux et à leur apporter des solutions, en particulier avec les syndicats. La lenteur des progrès accomplis sur ces réformes est un risque clé à prendre en compte. ÉMIRATS ARABES UNIS Avec la persistance des prix bas du pétrole, l'économie s'est encore ralentie, avec une croissance prévue de 2,3 % en 2016 (4,7 % en 2013). Malgré d'importantes réformes, le déficit budgétaire s'est agrandi et les soldes extérieurs se sont détériorés. Cependant, alors que la croissance prévue des prix du pétrole tend à la hausse avec l'augmentation de la production, il est probable que la croissance se rétablisse à moyen terme. La politique budgétaire ferme limitera la croissance des dépenses gouvernementales tout en développant simultanément de nouvelles sources de revenus, inversant alors le déficit budgétaire. Développements récents L'économie des Émirats arabes unis continue de ralentir en raison du faible prix du baril, et d'une politique d'assainissement budgétaire entravant la croissance du secteur non pétrolier. La croissance globale du PIB réel est estimée à 2,3 % 2016, une baisse significative comparée à la moyenne de 5 % sur la période du pré-choc pétrolier de 2014 (2010-2014). Les mesures d'austérité ont affaibli les entreprises et la confiance du consommateur, ainsi que la croissance des crédits dans le secteur privé. Il est prévu que cet état de fait résulte en une croissance du secteur non pétrolier plus faible, à 2,4 % en 2016. La croissance du PIB du secteur des hydrocarbures devrait ralentir de 2 % en 2016, d'une estimation de 4,6 % 2015. Le taux moyen d'inflation devrait baisser légèrement, de 4,1 % en 2015 vers 3,3 % 2016. La persistance des prix bas du pétrole a mené à la détérioration des soldes budgétaires et extérieurs, malgré d'importants efforts d'assainissement budgétaire. Les autorités sont parvenues à un semblant d'assainissement budgétaire en augmentant les tarifs de l'eau et de l'électricité, en supprimant les subventions sur le carburant et en diminuant les transferts de capitaux vers les organismes gouvernementaux. Abu Dhabi a réduit sa dépendance aux dépôts publics et a délivré en avril des euro-obligations d'un montant de 5 milliards de dollars. Malgré ces mesures, la chute des revenus du secteur des hydrocarbures a fait pencher la balance budgétaire d'un confortable surplus de 10,4 % du PIB en 2013 à un déficit estimé de 2,1 % en 2015 et 3,5 % 2016. Les fonds souverains d'Abu Dhabi et de Dubaï ont enregistré une baisse de leurs recettes (une baisse de 3 % des bénéfices nets sur 12 mois) en raison de l'instabilité financière mondiale. L'excédent de la balance courante a également chuté de 19,1 % du PIB en 2013 à 3,3 % en 2015, avec une estimation à 1,3 % du PIB en 2016. La politique monétaire se resserre, tout comme les liquidités dans les banques. La banque centrale a augmenté son taux directeur de 25 points de base en décembre, en réponse à l'augmentation du taux de la réserve fédérale américaine, et il est prévu que ce taux continue de mimer celui de la réserve fédérale. La réduction des dépôts gouvernementaux résulte en une baisse des liquidités dans le secteur bancaire, avec une décélération du taux de dépôt à 1,8 % sur 12 mois à la fin de mars 2016. Une enquête récente du sentiment sur le crédit a révélé que les banques sont de plus en plus réticentes à prêter de l'argent, particulièrement aux PME. Le marché immobilier de Dubaï continue de ralentir mais ne pose pas de risque systémique. Le prix moyen de l'immobilier résidentiel a chuté de 11 % 2015. L'augmentation de l'offre et la baisse de la demande associée à une politique d'austérité résultant des prix bas du secteur pétrolier ont mené à une chute de la location des bureaux de presque 10 % au premier trimestre 2016. Toutefois, la demande continue du développement des zones franches maintient une certaine croissance du secteur non pétrolier et le portefeuille des prêts immobilier reste robuste. Les Émirats arabes unis n'ont pas encore établi la capacité d'une mesure et d'une analyse exhaustive du bien-être des ménages à travers ses sept émirats. Chaque émirat possède son propre Institut des statistiques, et malgré le fait qu'un Institut des statistiques au niveau fédéral ait été établi en 2009, l'harmonisation des méthodes et des initiatives statistiques pour une mesure du bien-être au niveau national n'est pas encore possible. Perspectives La croissance devrait récupérer progressivement et atteindre 3 % en 2018, et la production pétrolière devrait augmenter en raison des investissements dans le secteur des champs pétroliers. La croissance du secteur non pétrolier devrait également rebondir (i), en raison de la hausse attendue des prix du pétrole et ses effets positifs sur la confiance dans les conditions budgétaires pour amortir les effets de l'assainissement budgétaire ; (ii) la mise en place de mégaprojets pour l'exposition universelle de 2020, et (iii) l'augmentation des échanges avec l'Iran en raison de la levée des sanctions commerciales. Les soldes budgétaires et extérieurs devraient s'améliorer sur le moyen terme, avec une inversion prévue du déficit budgétaire, et un rebond du surplus courant à 3,2 % du PIB en 2018. Les progrès en termes de diversification économique, de grandes marges de manœuvre et de valeur refuge ont consolidé l'économie du pays. Il est prévu que les Émirats arabes unis mettent en place une taxe sur la valeur ajoutée à l'échelle du CCG (TVA) à partir de 2018, et considère également d'augmenter les taxes d'accises et d'introduire un impôt sur les sociétés. Malgré les pressions, les zones d'investissements clés seront maintenues, comme cela a été mis en évidence par l'annonce récente du projet sur l'énergie nucléaire. L'industrie aérospatiale d'Abu Dhabi a signé plusieurs contrats avec Airbus et Boeing, soulignant son engagement dans la diversification. De nouvelles lois sur la faillite et les investissements sont également préparation, avec des perspectives positives sur les investissements. De plus, malgré une inquiétude certaine relative à l'impact de la décision du Royaume-Uni de quitter l'Europe, une enquête réalisée par des professionnels de l'investissement indique que la compétitivité de Dubaï en tant que hub financier n'est pas susceptible d'être affectée. Risques et défis Cependant, les risques macrofinanciers augmentent : la gestion budgétaire des mégaprojets des organisations gouvernementales sur le plan intérieur, et la continuation de la baisse des prix du pétrole sur le plan extérieur. Dans un contexte de prix du pétrole bas, les risques macrofinanciers peuvent être aggravés par la baisse des liquidités dans le système bancaire, l'instabilité des marchés boursiers, et une baisse néfaste du secteur immobilier. En outre, la gestion imprudente des mégaprojets de Dubaï pourrait être une source de risques macrofinanciers pour ses organisations gouvernementales, ses banques, et en définitive le gouvernement. Dans ce contexte, la hausse récente des taux d'intérêt aux États-Unis pourrait mener à un resserrement des marchés financiers et augmenter les coûts de financement. Des réformes structurelles sont nécessaires pour soutenir une avancée vers l'économie du savoir envisagée par Vision 2021. Faciliter l'accès des PME aux financements et aux financements de l'innovation devrait être une priorité. Une réforme de la politique d'admission des travailleurs est primordiale pour la création d'emplois dans le secteur privé, car le système de parrainage actuel limite la mobilité professionnelle et mène à une importation massive de travailleurs expatriés, avec des salaires inférieurs à la productivité marginale et moins d'incitations à l'amélioration des compétences. Cela affecte négativement en retour la productivité, les choix technologiques, et contribue à rendre les travailleurs locaux non compétitifs dans le secteur privé. YÉMEN Le conflit en cours a causé une détérioration dramatique de la situation socioéconomique du pays. Avec la perturbation de l'extraction pétrolière et des autres activités économiques, la production s'est sévèrement contractée, avec une inflation à la hausse depuis 2015, et des réserves internationales d'un montant inférieur à deux mois d'importations timides dues à la crise. Le conflit a mené à une situation humanitaire catastrophique, avec un bilan humain en constante augmentation, un déplacement massif des populations, une destruction des infrastructures et une pénurie alimentaire sévère. Développements récents L'économie s'est fortement contractée. Les rapports officiels indiquent que le PIB du Yémen s'est contracté de 28 % en 2015. L'élargissement du conflit depuis mars 2015 a provoqué des perturbations économiques et infrastructurelles généralisées. Les exportations d'hydrocarbures sont à l'arrêt. Une production limitée de gaz a été maintenue pour la consommation nationale. Les importations se sont également contractées, à l'exception des importations alimentaires et énergétiques. L'inflation annuelle a atteint presque 40 % en 2015. Les finances publiques font face à des difficultés considérables. Le déficit budgétaire a atteint 11 % du PIB en 2015. Un certain nombre de partenaires de développement, dont la Banque mondiale, ont suspendu leurs engagements pour se concentrer sur les opérations d'urgence et de secours. La Banque mondiale a obtenu l'accord du Conseil en juillet pour une opération de soutien d'urgence mise en place via le PNUD, et effectuée par le Fonds social du développement (FSD). Les recettes fiscales dépendent largement des revenus hors hydrocarbures, qui ont atteint 10 % du PIB en 2015, légèrement moins que la facture salariale (11 % du PIB). Le gouvernement a suspendu un certain nombre d'engagements de dépenses publiques, tout en maintenant les salaires et les obligations de paiement d'intérêts (environ 8 % du PIB). Toutes les primes sur les salaires ont été supprimées, et l'investissement public est à l'arrêt complet . Les réserves de change sont descendues en dessous de 800 millions de dollars US, soit moins de deux mois d'importations réduites par le conflit. Le taux de change nominal a été dévalué de 23 % en mars 2016. Depuis, la banque centrale du Yémen (BCY) n'a entretenu que les importations de blé et de riz au taux dévalué officiel de 250 Riyals yéménites par dollar US. La BCY a suspendu ses obligations de paiements extérieurs, à l'exception du FMI et de l'IDA (en août 2016). En parallèle, la dépendance du gouvernement au financement bancaire du déficit budgétaire a augmenté la dette intérieure d'environ 40 points de pourcentage depuis 2014. La prolongation du conflit au Yémen impose un lourd tribut à la population. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies indique qu'en juin 2016, le bilan humain s'élevait à 6500 tués et 31 400 blessés. Ce chiffre a probablement augmenté après la reprise des hostilités en août. La situation humanitaire est catastrophique. La destruction des infrastructures, la perturbation des échanges, du commerce, des approvisionnements et le déplacement de la population (environ 3 millions de personnes) font pression sur le marché des commodités, y compris la nourriture. L'analyse la plus récente du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) suggère que la moitié de la population yéménite fait face à une pénurie alimentaire. Les difficultés concomitantes à l'accès à l'eau potable, aux sanitaires, ainsi qu'aux soins sont susceptibles de provoquer un pic de malnutrition, particulièrement chez les jeunes enfants. Perspectives Les perspectives socio-économiques pour 2016 et au-delà dépendront de façon décisive de l'amélioration rapide de la situation politique et sécuritaire du pays. Le PIB réel devrait se contracter d'encore 4 % en 2016, alors que l'inflation devrait tomber sous la barre des 10 %. Il est probable que les déficits budgétaires et courants repartent à la hausse. Il est également possible que les financements extérieurs reprennent au 4e trimestre en cas d'accord de paix. Risques et défis Rétablir la paix et la stabilité politique est indispensable avant toute reconstruction et tentative de résolution des problèmes profondément ancrés dans le pays, qu'ils soient gouvernementaux, économiques, sociaux ou environnementaux (notamment l'épuisement rapide des nappes phréatiques). Il est nécessaire de fournir à court terme aux victimes du conflit des secours et une assistance humanitaire de base. Même dans une période post-conflit, le pays dépendra plus que jamais des aides étrangères et des dons pour se redresser et rétablir la confiance, notamment dans ses institutions. WORLD BANK MIDDLE EAST AND NORTH AFRICA REGION MENA ECONOMIC MONITOR, OCTOBER 2016 Inclusion économique et sociale pour la prévention de l’extrémisme violent http://www.worldbank.org/en/region/mena/publication/mena-economic-monitor