guage eServices tvision Library CAT.# plopy DISCOURS PRONONCE DEVANT LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DEVELOPPEMENT par M. ROBERT S. McNAMARA PRESIDENT DE LA BAN(UE MONDIALE services Manille (Philippines) 10 mai 1979 DISCOURS PRONONCE DEVANT LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DEVELOPPEMENT Pages 1. Introduction 1 Il. Le rôle des échanges dans le développement 3 1i1. Le néo-protectionnisme 6 IV. Le coût du protectionnisme 10 V. Les options offertes aux pays en développement et aux pays développés 17 VI. Le Tokyo Round et au-delà 21 Vil. Programme d'action 30 I. INTRODUCTIONa L e moment ne saurait être mieux choisi pour une réunion de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le dé- veloppement (CNUCED). Des décisions d'une importance capitale, ayant trait aux rela- tions économiques mondiales, sont en effet en gestation au sein de six organismes internationaux différents : les travaux de la CNUCED portant sur le financement d'accords sur la stabilisa- tion des cours des produits de base et la structure du fonds commun tirent à leur fin; au GATT, la conclusion d'un nouvel accord commercial multilatéral ne va pas tarder; la Banque mondiale va bientôt prendre des décisions définitives con- cernant une augmentation importante de son capital et la Sixième reconstitution des ressources de l'IDA; les Nations Unies élaborent une nouvelle stratégie du développement pour la décennie 1980 et au-delà; et la Commission Brandt est sur le point de rédiger ses recommandations générales. Tout cela est bel et bon, mais si nous voulons que le progrès économique et social s'accélère dans le monde entier, d'autres mesures restent à prendre. La réunion de la CNUCED nous donne l'occasion deles identifier. En septembre dernier,j'ai appelé l'attention de lacommunauté internationale sur une conclusion scandaleuse du "Rapport sur le développement dans le monde, 1978". Cette conclusion, c'est que même si se réalisent les projec- tions, pourtant bien optimistes, concernant les taux de crois- sance envisagés dans le Rapport, quelque 600 millions d'êtres humains seront encore prisonniers de la pauvreté absolue à la fin du vingtième siècle. Pareille éventualité est manifestement inadmissible. 'J'ai une dette de reconnaissance envers plusieurs spécialistes distingués qui ont contribué à l'examen des tendances récentes du commerce international, point essentiel de mon exposé. Je tiens à remercier en particulier MM. Mah- bub ul Haq, Donald Keesing, Isaiah Frank, Bela Balassa, Robert Baldwin et Paul Streeten. Pourtant, comme je l'ai déjà souligné, la réalisation des taux de croissance, aussi modestes soient-ils, sur lesquels sont fondées les projections relatives à la pauvreté absolue, exigerait un redoublement d'efforts de la part des pays développés et des pays en développement. Elle nécessiterait en effet • un renouveau d'expansion des échanges internationaux, fondé sur l'avantage comparatif à long terme et l'intérêt mutuel; • un accroissement considérable du volume des capitaux d'origine privée, mis à la disposition des pays en développe- ment à revenu intermédiaire, et le renforcement du soutien que leur accordent les institutions financières multilaté- rales; et • une intensification des flux d'assistance libérale en faveur des pays en développement les plus pauvres. Je constate avec satisfaction que ces trois questions figurent en bonne place sur l'ordre du jour de CNUCED V. Ayant déjà eu l'occasion de les évoquer, je me bornerai ce matin à examiner plus en détail les tendances récentes du commerce international et leur incidence sur la prospérité mondiale. Voici ce que j'en pense. Si nous ne résistons pas au protec- tionnisme qui, depuis quelques années, ne cesse de gagner du terrain et si nous né le faisons pas reculer, nous risquons de saper les progrès réalisés dans le domaine du développe- ment et de la coopération internationale pendant les vingt-cinq dernières années. Cette montée du protectionnisme n'est évidemment pas un phénomène isolé. Elle résulte de pressions provoquées par la lenteur excessive de la croissance et par l'aggravation du chô- mage dans les pays industrialisés. Toutefois, même si l'on admet la réalité de ces pressions, la population de ces pays n'est pas consciente du fait que le pro- tectionnisme est rarement lasoution qui convient le mieux pour 2 sauvegarder les revenus et l'emploi. Bien souvent, il ne fait que déplacer et amplifier le problème, transformant ce qui pourrait n'être qu'un coût à court terme pour quelques-uns en pertes à long terme pour l'ensemble de la société. C'est sur ce point que je souhaite m'étendre aujourd'hui. je me propose en particulier: • d'examiner le rôle des échanges dans le développement; • d'illustrer la tendance à l'aggravation du protectionnisme, notamment au cours de la période 1976-79; • d'analyser les effets néfastes de ce protectionnisme sur les pays développés et les pays en développement; • d'examiner les diverses mesures qui permettraient de faire face au problème; • d'évoquer les négociations du Tokyo Round et d'exprimer quelques suggestions qui permettraient d'apporter de nou- velles améliorations au climat des échanges internationaux. Il. LE ROLE DES ECHANGES DANS LE DEVELOPPEMENT je commencerai par une remarque qui, pour être évidente, n'en est pas moins essentielle. Le commerce n'est pas le but du développement : il n'en est que l'un des moyens. Le but du développement est d'améliorer le bien-être de chacun, et surtout celui des laissés pour compte des efforts antérieurs. A elle seule, l'expansion des échanges ne garantit nullement que la pauvreté sera réduite, mais elle aug- mente certainement la probabilité de ce résultat. Les relations qui existent entre les échanges internationaux et la croissance économique sont complexes. Les échanges per- mettent de mieux utiliser les ressources et, partant, d'accroître le rendement et la productivité des investissements. Ils permettent en effet d'accroître la spécialisation et de produire sur une plus grande échelle, tout en stimulant les innovations et l'adoption de nouvelles techniques. Croissance économique et libéralisation des échanges parti- cipent d'une puissante dynamique de causalité réçinroque. Entraînant une augmentation de la demande et élargissant 3 l'accès aux marchés, une croissance économique rapide facilite la libéralisation et le développement des échanges. L'expansion rapide des échanges contribue à son tour à l'accélération du développement économique. Cette réciprocité d'action entre les échanges et la croissance est l'un des facteurs essentiels du progrès économique. Elle a été particulièrement sensible entre 1960 et 1973. Au cours de cette période, les exportations des pays en développement ont augmenté de près de 7 % par an, soit plus rapidement que la moyenne annuelle de leur produit national brut. Leurs exportations de produits manufacturés ont augmenté encore plus rapidement : plus de deux fois plus vite que leur PNB. Il est exact que tous les produits de base et tous les pays n'ont pas profité de la même façon de cet essor des échanges. Ce dernier a cependant permis à bon nombre de pays à revenu intermédiaire de réaliser des gains en devises et de s'assurer de nouveaux débouchés qui contribuèrent à l'accélération de leur croissance économique. Il a permis en outre à tous les pays en développement d'entrevoir la possibilité de bénéficier plus largement de l'expansion des échanges mondiaux, à condition de pouvoir restructurer leur production et leur politique d'ex- portation de façon à profiter de ce climat favorable. Or, c'est précisément ce climat qui aujourd'hui est menacé par la lenteur de la croissance, la gravité du chômage et le pro- tectionnisme grandissantqui en résulte dans les pays développés, à tel point que le taux d'expansion du commerce mondial, qui avait été de 9 % par an pendant la décennie 1963 à 1973, n'a guère dépassé 4 % au cours de la période 1973-77. Dans les pays en développement, les taux correspondants ont été de 6,5 % et de 3,6 % pour ces deux périodes. Un certain nombre de facteurs avaient évidemment contribué au développement considérable des exportations des pays en développement avant 1974. Il faut citer notamment l'accroisse- ment de leur capacité d'exportation ainsi que l'utilisation de la capacité excédentaire dont ils s'étaient précédemment dotés, au cours de la phase de leur industrialisation qui visait le remplace- 4 ment des importations. L'accroissement de la demande et la libéralisation de la politique commerciale des pays développés, de même que l'adoption par certains pays en développement d'une politique dynamique, orientée vers les exportations, y ont également tontribué. Aussi importante qu'ait pu être la tendance des pays en dé- veloppement à intensifier leurs exportations, il ne faut pas perdre de vue qu'elle a dû son succès à la rapidité de la crois- sance économique des pays industrialisés et aux mesures de libéralisation des échanges que ces derniers adoptèrent avant 1974. Aujourd'hui, la situation est bien différente. Le ralentissement de l'activité économique des pays développés et les pressions grandissantes en faveur du protectionnisme qui en résultent depuis quelques années compromettent gravement les perspec- tives des pays en développement. Il ressort des projections figurant dans le "Rapport sur le développement dans le monde, 1978" que le montant des im- portations dont les pays en développement auront besoin pour que le taux de croissance de leur PNB enregistre la-modeste augmentation projetée sera de l'ordre de 900 milliards de dollars par an en 1985. Ce rapport indique en outre que, sur ce montant, 797 milliards de dollars seront fi1ýancés grâce à leurs exportations et que le solde, soit 103 milliards de dollars, devra être financé au moyen de fonds provenant d'autres sources. Les projections ci-dessus sont fondées sur des hypothèses prudentes. C'est ainsi que l'on a tablé sur une croissance an- nuelle de 12 % des exportations de biens marufacturés pour la période 1975-85, alors que leur taux réel de croissance a été de 15 % pendant la période 1970-75. Il est évidemment d'une im- portance capitale que les pays en développement parviennent effectivement à accroître leurs exportations au rythme prévu. Dans le cas contraire, ils devront accepter que s'alourdisse en- core le fardeau déjà pesant de leur dette extérieure, ou se résigner à ralentir leurs efforts de développement. Comment les pays industrialisés peuvent-ils aider les pays en développement à se procurer, grâce à leurs propres efforts, les devises dont ils ont besoin? 5 En première urgence, ces pays doivent remettre leur éco- nomie sur la voie d'une croissance soutenue, tout en portant l'emploi à un niveau élevé. S'ils n'y parviennent pas, il leur sera de plus en plus difficile de résister aux pressions protectionnistes, émanant de groupes qui demandent que soient prises des mesures énergiques pour résoudre les problèmes à, court terme. La population et les dirigeants des pays industrialisés devront pourtant finir par admettre que des réactions protectionnistes à courte vue ne permettront pas de résoudre véritablementieùrs difficultés économiques fondamentales. Sur le plan politique, le protectionnism'e-put constituer une solution attrayante-en particulier face à des problèmes struc- turels difficiles--mais ce n'est jamais qu'une mauvaise solution. Pour s'en convaincre, il n'est que d'examiner les tendances au protectionnisme qui se sont manifestées récemment, et de déterminer ce qu'il en coûterait, tant aux pays développés qu'aux pays en développement, de les laisser s'imposer. Or sait que les biens manufacturés constituent l'élément le plus dynamique des exportations des pays en développement. Or, c'est précisément contre eux que sont dirigées un bon nombre de mesures protectionnistes récemment adoptées. C'est donc à ces biens que je limiterai mon examen, sans pour autant perdre de vue que d'inquiétantes tendances protectionnistes se manifestent également dans le secteur agricole. IlM. LE NEO-PROTECTIONNISME Depuis 1976, on assiste dans les pays industrialisés à une aggravation sensible du protectionnisme, et de fortes pressions s'exercent en faveur de l'adoption de mesures encore plus res- trictives que précédemment. Ces pressions résultent en grande partie du fait que l'éco- nomie de ces pays ne connaît encore qu'une croissance lente et désordonnée, génératrice d'un chômage élevé. Elles résultent aussi, en partie, de la concentration de la croissance des exportations des pays en développement sur un 6 nombre assez limité de produits manufacturés, En dernière analyse, ces pressions trahissent cependant les efforts déployés dans les pays industrialisés par des groupes organisés, ayant des intérêts particuliers, et qui, devant la lenteur de la croissance et l'aggravation du chômage, refusent de supporter dès aujourd'hui le coût d'ajustements structurels pourtant indispensables, quitte à pénaliser d'autres secteurs moins bien organisés et moins bien défendus de leur économie ainsi que les membres plus faibles ou plus pauvres de la commu- nauté internationale. Les moyens utilisés pour assurer cette protection se sont multipliés. Outre les mesures tarifaires traditionnelles, ils com- prennent maintenant des accords de commercialisation ressem- blant fort à des cartels; les restrictions "volontaires" aux exporta- tions; les droits compensateurs; les subventions et autres mesures d', ssistance aux industries nationales, destinées à main- tenir la production à un niveau supérieur à ce que justifierait la demande; les procédures relatives aux marchés publics et toute une gamme d'obstacles administratifs non tarifaires. L'objet de ces mesures est de protéger certaines industries fléchissantes ou des secteurs malades de l'économie, sans avoir à prendre les mesures de caractère fondamental qui seraient nécessaires pour attaquer le mal à sa source. Entre 1976 et le début de 1979, les pays industrialisés ont mis en vigueur tout un arsenal de nouvelles mesures restrictives. Celles-ci se répartissent, en gros, entre barrières non tarifaires aux échanges, mesures d'assistance de l'E't en faveur de cer- taines industries et tentatives visant à établir des accords restric- tifs de commercialisation à l'échelle mondiale. En voici quelques exemples. Barrières non tarifaires • Bien que l'Accord multifibres prévoie un relèvement des quotas d'importation de vêv_ments et de textiles de 6 % par an ou davantage à partir de la fin de 1977, cette clause n'a pas empêché l'imposition de restrictions plus sévères aux exportations des pays en développement, à destination notamment de la Communauté européenne. La majorité 7 des nouveaux quotas imposés par la CEE a limité l'augmenta- tion annuelle des importations de vêtements et de textiles à un taux compris entre 0,5 et4 %. En outre, bien que l'Accord prévoie que le niveau des quotas ne sera pas inférieur à celui des importations récentes, la Communauté a en fait ramené les quotas imposés à certains de ses principaux fournisseurs à des niveaux bien inférieurs à ceux de 1976. • Contrairement à l'esprit de l'Accord, la Communauté euro- péenne insiste pour que des restrictions quantitatives soient imposées aux importations provenant non seulement de ses fournisseurs habituels, niais aussi de certains pays à faible revenu tels que l'Indonésie, le Bangladesh et le Sri Lanka, qui venaient à peine de rejoindre les rangs des pays exportateurs. • L'Australie, le Canada, la Norvège, la Suède et les Etats-Unis ont également resserré leurs quotas ou en ont imposé de nouveaux de façon à limiter les exportations de textiles et de vêtements des pays du tiers monde. L'effet net de toutes ces mesures restrictives sera de maintenir la croissance des exportations de vêtements et de textiles à destination des pays industrialisés bien en dessous de 6 % par an, alors qu'elle avait été de l'ordre de 15 % par an pendant les dix années qui ont précédé 1976. • L'Australie, le Canada, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont imposé de nouveaux quotas et adopté des mesures dites "de commercialisation coordonnée" qui limitent les exportations de chaussures des pays en developpement. • Le Royaume-Uni impose des restrictions aux importations de récepteurs de télévision monochromes en provenance de Corée et de Taïwan, et les Etats-Unis ont mis en place un dispositif "de commercialisation coordonnée" pour les ex- portations de récepteurs en couleur en provenance de ces deux pays. • Les Etats-Unis imposent fréquemment des droits compensa- 8 teurs, même dans des cas où il n'est nullement prouvé que les producteurs américains risquent de subir un préjudice quelconque. • Dans le domaine de la sidérurgie, la Communauté euro- péenne et les Etats-Unis ont mis en vigueur des mesures spéciales de protection nuisant gravement aux pays en dé- veloppernent qui commençaient à exporter. La CEE a décidé de reconduire pour un an encore-jusqu'à la fin de l'année 1979 - son programme "anti-crise" et va notamment s'efforcer, année par année, de conclure avec ses fournis- seurs extérieurs des accords visant à restreindre leurs exportations. Assistance accordée à l'industrie par l'Etat Cette assistance revêt des formes diverses telles que subven- tions directes et dispositions préférentielles en matière d'impo- sition et de crédit. Ces dernières équivalent à des mesures pro- tectionnistes, puisqu'elles permettent de réduire les coûts de production ou de vente. • En Grande-Bretagne, le Plan temporaire de subvention de l'emploi accorde aux industries textiles, du vêtement et de la chaussure des subventions atteignant de 5 à 10 % de leurs coûts totaux de production. D'autres industries bénéficient d'un accroissement de l'assistance accordée par l'Etat. • Les constructions navales bénéficient actuellement de subventions très importantes dans la majorité des pays industrialisés. • En France, plusieurs industries, et notamment l'industrie automobile, l'informatique, la sidérurgie, l'industrie horlo- gère et celle du papier et de la pâte à papier bénéficient de diverses formes d'assistance de la part de l'Etat. • Dans divers pays, tels que la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède, la prise en charge par l'Etat d'entreprises in- solvables, notamment dans la sidérurgie et les textiles, ainsi que le financement de leur déficit au moyen d fonds publics, ont des effets protectionnistes similaires. 9 Cartels internationaux et accords de partage des marchés • Des propositions ont été formulées au sein de l'OCDE en vue de la conclusion d'accords internationaux de partage des marchés de l'industrie des constructions navales et de la sidérurgie. Il est possible que le Comité de l'acier de l'OCDE se transforme, en fait, en une sorte de cartel. Les mesures énumérées ci-dessus ne constituent qu'une partie des restrictions imposées aux échanges dans les pays de l'OCDE, mais illustrent bien la tendance actuelle. On pourrait y ajouter les mesures prises par les autorités des pays à planification cen- trale dans le domaine commercial qui freinent directement l'ex- pansion des échanges mondiaux. Le tableau qui se dégage de ce qui précède n'est guère en- courageant. Quel est donc le coût réel de cette montée du protection- nisme pour la communauté internationale? Il est clair que ce coût est déjà fort élevé; il risque de le de- venir plus encore, et il pèse aussi bien sur les pays en développe- ment que sur les pays développés. IV. LE COUT DU PROTECTIONNISME Pour les pays en développement Le protectionnisme et la menace de protectionnisme de la part des pays industrialisés affectent les pays en développement de deux façons : directement, en réduisant leurs possibilités d'ac- quérir des devises, en aggravant chez eux le chômage et en frei- nant l'augmentation de leurs revenus; indirectement, en les empêchant d'adopter, en matière d'investissement, de produc- tion et de commerce, des politiques qui leur permettraient de mieux utiliser leurs ressources et de progresser plus rapidement sur la voie du développement. Ces effets néfastes ne sont pas seulement perçus par les expor- tateurs déjà établis d'articles manufacturés, mais aussi bien par 10 les pays qui commencent à peine à exporter. Ce ne sont pas seulement les restrictions effectives qui les touchent, mais aussi bien la menace de restrictions, car cette menace crée un climat d'insécurité et dissuade les industries exportatrices d'entrepren- dre des investissements à long terme. Bien souvent, la crainte de l'imposition future de mesures pro- tectionnistes dissuade les Gouvernements des pays du tiers monde d'adopter des politiques d'ouverture sur le monde ex- térieur, orientées vers les échanges. Ils se contentent donc d'adopter, en matière d'échanges et de développement, des stratégies peu ambitieuses qui en fin de compte renforcent les intérêts acquis des milieux qui ont tout avantage à produire à un coût élevé à l'intention d'un marché intérieur fortement protégé. On n'a jamais effectué d'étude complète visant à quantifier les effets adverses du protectionnisme sur tel ou tel pays en développement. Ce calcul peut cependant se faire à deux échelons. Une analyse partielle permettrait de déterminer le manque à gagner sur les exportations et l'augmentation du nombre de chômeurs, secteur par secteur. Une analyse plus large permettrait de mesurer, pour l'ensemble de l'économie, les effets tels que le ralentissement des exportations et de la croissance, l'augmentation du chômage, la baisse de la produc- tivité et l'aggravation de la pauvreté. Il est évidemment difficile d'estimer dans sa totalité le préju- dice subi par tel ou tel pays en développement, car il revêt souvent la forme d'occasions perdues en matière d'investisse- ments et d'exportations, plutôt que celle d'une perte de devises ou d'une augmentation du nombre de chômeurs, facilement identifiables. Vu l'extrême importance de cette question, il est surprenant qu'aussi peu d'études lui aient été consacrées jusqu'à présent. Je ne saurais donc trop recommander que les moyens matériels et humains nécessaires soient désormais affectés à son examen. L'excès de protectionnisme a également des conséquences fâcheuses pour les pays développés. Ce sont ces conséquences que je me propose maintenant de passer en revue. 1. Pour les pays développés Le motif qui pousse les pays développés à recourir au pro- tectionnisme est évidemment de mettre des régions, des indus- tries ou des secteurs particuliers à l'abri de coûts économiques et humains préjudiciables. Ce faisant, ils oublient fréquemment qu'à long terme, leur collectivité n'en aura pas moins à supporter des coûits tout aussi réels, et même plus importants. Le désir de recourir à des mesures protectionnistes pour sauve- garder des emplois dans des industries chancelantes ou des régions en perte de vitesse est évidemment fort compréhensible, surtout en période de marasme et de chômage. Les partisans du protectionnisme-du moins à l'égard des exportations provenant des pays en développement-arguent généralement du fait que c'est surtout la main-d'oeuvre peu qualifiée qui risque de perdre des emplois du fait de ces exportations. Dans les industries à fort coefficient de main-d'oeuvre, les femmes sont touchées en premier lieu car, pour des raisons de famille, elles peuvent difficilement chercher du travail dans d'autres régions. Les entreprises menacées par la concurrence extérieure se trouvent fréquemment dans des régions qui con- naissent déjà le marasme et où les revenus sont bas. Parmi les travailleurs condamnés au chômage, beaucoup sont trop âgés ou désavantagés de quelque autre façon pour trouver facilement un nouvel emploi. En outre, la menace du chômage concerne en grande partie les travailleurs qui risquent le plus d'être déplacés par l'auto- mation ou le progrès technique. De ce fait, même s'ils sont recyclés ou transférés dans d'autres emplois peu techniques, il arrive fréquemment qu'ils ne tardent pas à perdre également leur nouvel emploi. Au mieux, leurs revenus souffrent du fait que l'on n'a guère besoin d'eux en raison de la mise en service de nouvelles machines. Dans l'ensemble, les Gouvernements ne sont g,,ére parvenus à juguler l'inflation tout en réduisant le chômage, et il n'est donc 12 pas étonnant qu'ils essaient de protéger l'emploi, serait-ce au coût d'une augmentation des prix, en imposant des barrières aux échanges. Les sociétés opulentes peuvent s'imaginer qu'elles ont les moyens de renoncer aux nouvelles augmentations de revenu réel qui résulteraient pour elles d'une meilleure division internationale du travail-si le protectionnisme peut au moins leur assurer une certaine paix dans le domaine industriel et leur épargner le coût d'ajustements structurels. Pourtant, ce qu'oublient de dire les tenants du protection- nisme, c'est qu'en dépit de cette protection, les travailleurs ne sont nullement certains de conserver leur emploi. Le fait est que le protectionnisme est fréquemment utilisé-au grand dam des syndicats qui l'ont réclamé-pour permettre à telle ou telle industrie de "s'ajuster" en remplaçant les ouvriers peu qualifiés par des machines, et en profitant de la certitude d'une augmen- tation des prix pour payer des machines qui prendront la place de travailleurs. Le protectionnisme revient en fin de compte à faire payer à la collectivité des prix plus élevés et à opérer des prélèvements sur le revenu de ses citoyens productifs, probablement de façon per- manente; en même temps, il pénalise les consommateurs, immo- bilise des ressources pour des usages de faible priorité, et porte tort aux industries exportatrices ainsi qu'aux industries qui sont tributaires de produits importés peu coûteux. Il importe que soit pleinement compris le coût réel du pro- tectionnisme pour les pays industrialisés. La vérité est que le protectionnisme est inefficace, contre-productif et porte en lui les germes de sa perte. Il est inefficace parce qu'il empêche la transformation d'indus- tries traditionnelles peu efficaces en industries modernes utilisant des techniques avancées, pour lesquelles les pays industrialisés sont les mieux qualifiés, et parce qu'il perpétue au sein de ces pays des systèmes de production et de consommation inefficaces. En reculant devant les ajustements nécessaires, les sociétés qui dépendent de leur commerce extérieur risquent non seulement de voir leur croissance se ralentir mais également de connaître une baisse de leur niveau de vie. 13 Le protectionnisme est contre-productif, car il provoque des mesures de rétorsion de la part des autres pays, qui essaieront de protéger leurs industries chancelantes, et parce qu'il provoque l'érosion des revenus supérieurs et des meilleurs emplois dans les industries exportatrices dont la production est destinée en grande partie aux pays en développement. Enfin, le protectionnisme porte en lui-même les germes de sa perte, parce qu'en fin de compte il pénalise tout le monde, puisqu'il rend impossible l'utilisation équitable-et efficace- des ressources mondiales. Dans les pays développés, le protectionnisme, s'opposant à l'entrée de produits bon marché, entretient l'inflation et impose fréquemment la charge la plus lourde aux éléments de la société qui sont les moins bien armés pour la supporter. Il ressort d'une enquête, effectuée en 1978 aux Etats-Unis à la demande d'organisations de détaillants, que les biens importés d'Asie et d'Amérique latine se vendent en moyenne, au détail, 16 % moins cher aux Etats-Unis que les produits américains de la même qualité. Ces biens sont achetés principalement par des familles à faibles revenus, et peuvent ainsi contribuer à mitiger les effets de l'inflation, notamment pour les pauvres. D'après une étude récente, les mesures protectionnistes im- posées par les Etats-Unis entre 1975 et 1977 ont coûté aux con- sommateurs 660 millions de dollars pour le sucre, 1.250 millions de dollars pour l'acier aù carbone, 400 à 800 millions de dollars pour la viande, 500 millions de dollars pour les récepteurs de télévision et 1.200 millions de dollars pour les chaussures. Mis en parallèle avec le nombre d'emplois que le protection- nisme a permis de sauvegarder dans l'immédiat, ces chiffres indiquent que le prix que les consommateurs ont eu à payer, annuellement, pour chaque emploi ainsi protégé a été supérieur à 50.000 dollars. Si l'on considère le protectionnisme comme une réaction politique et temporaire aux problèmes d'emploi intéressant un 14 petit groupe de travailleurs, il existe certainement d'autres méthodes moins inflationnistes et moins coûteuses pour pro- téger les revenus de ces derniers. Le protectionnisme ne nuit pas seulement aux consomma- teurs, mais aussi bien aux industries de croissance, aux industries exportatrices et aux industries hautement productives, Il favorise l'institution de privilèges qui, une fois bien établis, sont difficiles à modérer par la suite. Il est contagieux, et a tendance à faire tache d'huile, d'une industrie à l'autre et d'un pays à l'autre. Enfin, le protectionnisme porte en lui les germes de sa perte, car il sape le système international de flux de marchandises et de capitaux, auquel ont été dus les succès enregistrés au cours des vingt-cinq dernières années. Une fraction importante des excédents enregistrés par les pays industrialisés dans leurs échanges avec les pays en développe- ment et dont dépend un très grand nombre d'emplois, est financée au moyen de crédits. La seule façon d'assurer le service de la dette ainsi contractée par les pays en développement est de leur permettre d'exporter et de gagner les devises nécessaires à son remboursement. Le système international de crédit et d'échanges actuellement en vigueur serait gravement menacé si des mesures protection- nistes venaient contrarier le service des dettes considérables que les pays en développement ont déjà accumulées, et continuent de contracter. Toutefois, en dépit du coût élevé d'un protectionnisme gran- dissant pour les pays industrialisés, la résistance aux pressions protectionnistes est souvent très difficile sur le plan politique. En effet, les premières victimes-bien que temporaires-de la libéralisation des échanges sont visibles et savent se faire enten- dre, tandis que ceux qui y gagnent sont généralement dispersés et inorganisés. Des milliers de maîtresses de maison, réparties dans l'ensemble du pays, se font souvent moins bien entendre que l'ouvrier du textile dont l'emploi est en jeu. Pourtant, à long terme, il s'agira moins d'acheter à meilleur compte des chaus- sures, des vêtements ou des dessus-de-lit, que de sauvegarder l'emploi et les conditions d'exisence de l'ensemble de la population. 15 Coût total du protectionnisme Il est difficile de calculer le coût total du protectionnisme pour l'ensemble de la communauté internationale. Le Secrétariat du GATT a estimé en 1977 que les mesures protectionnistes appli- quées au cours des deux années précédentes par les pays indus- trialisés avaient entraîné des restrictions de 3 à 5 % des flux commerciaux mondiaux, soit 30 à 50 milliards de dollars par an. Cette estimation ne fait cependant pas ressortir ce que le protectionnisme coûte au total à la communauté mondiale, sous forme d'emplois perdus, de production et d'investissements non réalisés. Les estimations peuvent varier quant au coût total du protec- tionnisme pour les pays développés et les pays en développe- ment. Toutefois, qu'il s'agisse des individus, des pays ou de l'ensemble de la population mondiale, il est manifeste que ces coûts peuvent être très élevés. Le monde doit-il continuer de payer un pareil prix? La réponse est évidemment négative. La vérité est que la conjonction actuelle de la stagnation économique, du chômage et de l'inflation généralisée constitue à la fois une menace et une occasion à saisir. La menace provient du fait que nous risquons de nous engager plus encore sur la voie du protectionnisme, ce qui, en fin de compte, serait pour l'économie mondiale la source de graves tensions dont nous ne pourrions nous remettre qu'à très long terme. Cette conjonction nous fournit cependant une occasion que nous devons saisir, car elle nous permet d'entreprendre le redéploiement des structures de production dans les pays développés et les pays en développement, et de créer un climat international propice à une croissance rapide et plus équitable des échanges et du développement, s'accompagnant d'un haut 16 niveau d'emploi. Examinons maintenant les diverses options qui s'offrent dans la conjoncture actuelle aux pays en développement et aux pays développés. V. LES OPTIONS OFFERTES AUX PAYS EN DEVELOPPEMENT ET AUX PAYS DEVELOPPES Pays en développement Il serait tentant pour les pays en développement de se replier sur eux-mêmes, de se réfugier dans des industries de remplace- ment des importations fortement protégées, et d'esquiver ainsi la lutte pour l'expansion des échanges. Ce serait pourtant une erreur manifeste. Il existe d'autres options beaucoup plus prometteuses, bien qu'il faille recon- naître qu'elles nécessiteront bien des efforts. Ce sont notamment la création d'une capacité exportatrice efficace, le développe- ment des échanges Sud-Sud et la poursuite des efforts visant à éliminer les mesures protectionnistes prises par les pays indus- trialisés, dans le cadre et au-delà des accords commerciaux du Tokyo Round. Je traiterai brièvement chacune de ces options. Certains pays en développement poursuivent une politique qui contrarie le développement de leurs propres exportations. Quel qu'ait pu être le climat des échanges, ces politiques n'ont jamais pu se justifier. En réalité, en dépit des restrictions actuelle- ment imposées aux échanges, les pays du tiers monde ont de vastes possibilités de développer leurs exportations, comme l'a démontré l'exemple de la Corée, du Brésil et de Singapour. En effet, ces pays peuvent diversifier leurs exportations en les étendant à des produits dont le commerce ne se heurte pas à de trop graves obstacles. Les pays peu avancés devraient en outre s'efforcer d'améliorer la structure de leurs exportations afin de s'emparer des places laissées libres par certains pays en développement plus avancés. En ce qui concerne les échanges Sud-Sud, il ne manque pas d'arguments-fondés sur l'avantage comparatif-pour qu'aug- mente le volume des échanges entre pays en développement. 17 Ceux-ci ont déjà commencé à utiliser ces nouveaux courants commerciaux, et les occasions de développer ces derniers ne manquent pas. Le Brésil fait désormais plus de commerce avec d'autres pays en développement qu'avec les Etats-Unis, et les exportations de l'Inde vers les autres pays du tiers monde augmentent plus rapidement que ses échanges avec les pays industrialisés. Les échanges entre pays en développement ne sauraient ce- pendant remplacer l'intensification des échanges avec le monde développé. Les importations des pays en développement consistent encore, en grande partie, en machines et matériel de transport, dont l'essentiel est produit par les pays industrialisés. Ces biens sont indispensables à leur économie, et ne peuvent être.fournis par des pays en développement que dans des proportions très minimes. Enfin, les pays en développement devraient désormais con- tribuer plus activement à la modification du climat des échanges. Ils devraient pour cela participer davantage aux négociations commerciales actuelles et futures. Je reviendrai plus tard sur ce point, lorsque j'évoquerai les résultats des négociations du Tokyo Round. Voyons maintenant quelles sont les options offertes aux pays industrialisés dans la conjoncture actuelle. Pays développés Il importe de reconnaître toutd'abord un point fondamental c'est que la détérioration du climat des échanges mondiaux n'est pas survenue parce que les pays en développement ont sub- mergé les marchés du monde industrialisé. Quoi que puissent dire les tenants du protectionnisme, le monde développé n'est pas "inondé de produits de pacotille". Tout au contraire, les pays en développement ne fournissent à l'heure actuelle qu'une part infime-moins de 2 %-des biens 18 manufacturés consommés dans les pays développés. Cette part varie évidemment d'une industrie à l'autre mais, même dans les cas les plus favorables-les textiles et l'habillement-elle est encore faible : 5 %, par exemple, aux Etats-Unis. L'actuelle dégradation résulte plutôt de la disparition du dyna- misme économique qui a caractérisé les pays industrialisés au cours de la décennie 1960. Ce dynamisme a permis aux indus- tries du monde développé de procéder à d'importantes modi- fications structurelles, nécessitées par des considérations d'effi- cacité et d'équité. Ces modifications ont rendu leur industrie plus efficace, grâce à un meilleur usage des ressources dispo- nibles. En outre, elles ont joué dans le sens d'une plus grande équité en permettant aux producteurs des pays en développe- ment d'entreprendre certains types de production qui leur eussent été interdits s'ils n'avaient travaillé que pour le marché intérieur. Le ralentissement de la croissance des économies indus- trialisées a considérablement freiné ce processus d'ajustement dynamique. En outre, les pays développés en sont venus à penser qu'il y avait essentiellement deux façons de réagir à cette situa- tion : limiter l'entrée, sur leurs marchés, de marchandises prove- nant de sources plus compétitives, ou entreprendre des mesures d'ajustement. J'ai déjà examiné le coûtà long terme des restrictions imposées aux importations provenant de pays en développement. J'abor- derai maintenant l'expérience acquise par les pays industrialisés en matière d'ajustement. Dans la plupart des cas, cette expérience n'a pas été des plus satisfaisantes. Les mesures d'ajustement ont eu fréquemment pour effet de geler les systèmes actuels de production et de freiner toute évolution, au lieu de faciliter d'authentiques amé- liorations structurelles consistant à recycler les travailleurs et à les transférer dans des industries et des régions où ils pourraient être plus productifs et gagner davantage. Il ressort d'une étude récente de l'OCDE que, même dans le cas où les mesures d'ajustement ont été activement poursuivies, elles se sont traduites par une plus forte intensité de capital, car 19 les fonds avancés par l'Etat pour effectuer ces ajustements ont servi à renouveler le matériel au lieu de recycler la main- d'oeuvre. Par ailleurs, des tentatives visant à freiner le processus d'ajustement et à "se donner le temps de respirer" ont été mises à profit pour instituer une protection permanente, et il en est résulté une augmentation des prix que les consommateurs ont dû payer pour les produits ainsi protégés. Ce processus n'a pourtant rien d'inéluctable. Correctement administrées, les mesures d'ajustement de- vraient servir à compenser les industries affectées par l'accroisse- ment des importations en provenance des pays en développe- ment, à recycler la main-d'oeuvre déplacée et à faciliter son transfert d'industries à faible productivité vers des industries à productivité élevée. Pour réduire la résistance politique au changement et dans un souci d'équité, le paiement des ajustements devrait s'effectuer de façon juste et rapide et correspondre approximativement à la perte imposée aussi bien aux propriétaires d'entreprises qu'à leurs ouvriers, notamment dans le cas de petites firmes. Les chefs d'entreprise ne peuvent pas cependant espérer que l'Etat les mettra à l'abri de tout risque possible de concurrence. Une autre démarche complémentaire consisterait à aider les communautés affectées par la fermeture d'une usine ou par d'importants licenciements. Des programmes de ce genre ont été organisés avec succès aux Etats-Unis et en Allemagne. Ce soutien à l'échelon régional peut en même temps augmenter l'effectif de la main-d'oeuvre qualifiée disponible sur place et permettre d'identifier de nouvelles possibilités d'emploi pour la main-d'oeuvre relativement peu qualifiée. Les mesures visant à encourager la mobilité de la main-d'oeuvre-par exemple, en facilitant le transfert des droits de pension-ont également leur importance. Pour que toutes ces mesures puissent être appliquées avec succès, il est cependant capital que la demande globale s'éta- blisse à un niveau élevé et que se développent rapidement des industries nouvelles et dynamiques. Le Japon, par exemple, 20 a particulièrement bien réussi à procéder aux ajustements nécessaires bien avant les autres pays, ce qui lui a permis de donner à son commerce et à son activité économique l'élan qui les caractérise, au lieu de temporiser et de s'en remettre au protectionnisme pour sauver des industries déjà perturbées et inefficaces. Que faut-il conclure de cet examen des diverses options possibles? je crois qu'en fin de compte la seule option raisonnable qui s'offre à tous les membres de la communauté internationale est d'entreprendre un effort déterminé d'amélioration du climat des échanges. Tel était l'objectIf fondamental du Tokyo Round. Permettez- moi donc de faire le point de ces négociations. VI. LE TOKYO ROUND ET AU-DELA Au cours des cinq dernières années, la communauté interna- tionale a consacré d'immenses efforts à l'élaboration d'un nouveau code de conduite régissant le commerce mondial : je veux parler des négociations commerciales multilatérales dites "Tokyo Round", officiellement ouvertes en septembre 1973. Ces négociations sont maintenant achevées, à quelques dé- tails près. Toutefois, avant la cérémonie officielle de la signature, qui doit se tenir à l'automne, les négociateurs qui ont paraphé le projet d'accord doivent le soumettre à l'approbation des organes gouvernementaux compétents et faire adopter les modi- fications de législation nationale qu'exige son application. Au cours des mois à venir, la plupart des pays en développement doivent en outre décider s'ils souhaitent participer à ces divers accords. Le moment est donc venu de faire le bilan des résultats obtenus et du chemin restant à parcourir. Les accords réalisés portent essentiellement sur quatre points • Ils établissent une série de codes détaillés précisant ce que les pays peuvent et ne peuvent pas faire en matière d'impo- sition de barrières non tarifaires aux échanges; 21 • Ils définissent un cadre pour le règlement des différends que ces obstacles non tarifaires risquent de faire surgir entre les pays ainsi qu'un dispositif de surveillance des mesures de cet ordre qui pourraient être prises à l'avenir; • Ils contiennent des dispositions spéciales à l'intention des pays en développement; et • Ils prévoient une importante réduction des tarifs. Je voudrais maintenant indiquer brièvement les domaines dans lesquels un accord commercial peut, à mon avis, assainir le climat actuel des échanges internationaux à condition, bien entendu, qu'il soit appliqué dans l'esprit véritable de la Déc.ara- tion de Tokyo. Progrès réalisés • Les pays de l'OCDE vont abaisser encore sensiblement-de 30 à 35 %-les droits de douane qu'ils perçoivent sur leurs importations industrielles, selon une formule fondée sur le principe de l'écrêtement. Les réductions envisagées supportent bien la comparaison avec la réduction moyenne-35 %--des droits d'entrée sur les articles manufacturés à laquelle avait abouti le Kennedy Round. Le bénéfice en sera automatiquement étendu aux pays en développement au titre de la clause de la nation la plus favorisée, sans exigence de réciprocité totale de leur part. Pour replacer ces chiffres dans une juste perspective, il convient toutefois de rappeler que, dans les pays de l'OCDE, le tarif moyen applicable aux articles manufacturés est déjà très faible-environ 10 %-et que les récentes fluctuations des taux de change tendent à minimiser l'incidence des nou- velles réductions, dont l'application progressive sera étalée sur une période de huit ans. En outre, et j'y reviendrai tout à l'heure, les avantages que les pays du tiers monde tireront de ces accords seront en- core plus limités du fait des nombreuses exceptions auto- 22 risées pour certaines catégories de biens ainsi que de la diminution de la marge de préférence dont ils bénéficient. Cela dit, il ne fait aucun doute que les réductions tarifaires envisagées constituent effectivement un nouveau pas dans la bonne direction. • Comme je l'ai souligné, une mesure protectionniste de plus en plus courante à notre époque consiste, pour les pays in- dustrialisés, à conclure, hors du cadre du GATT, divers accords bilatéraux avec d'autres pays, ces derniers devant accepter de limiter "volontairement" leurs exportations de tel ou tel produit. Un autre code-encore à l'étude-vise à ramener dans le cadre du GATT les divers types de mesures de sauvegarde appliquées par le passé ou à l'heure actuelle, ou susceptibles de l'être à l'avenir. Il définit les procédures et les critères à suivre lors de l'adoption de telles mesures ainsi que les conditions qui doivent être respectées. L'objectif recherché est donc de prévenir toute action arbitraire de la part de tel ou tel puissant pays importateur. Certains aspects de ce code sont controversés; c'est ainsi que plusieurs grands pays industrialisés insistent pour que l'on y inclue une "clause de sélectivité" qui leur donnerait le droit de choisir leurs fournisseurs-disposition à laquelle les pays en développement s'opposent énergiquement. • Le code sur les subventions s'attaque à une autre mesure protectionniste très courante: il doit en effet renforcer l'interdiction faite aux pays développés de subventionner leurs exportations d'articles manufacturés, et enrayer la progression des subventions inhérentes auxquelles ces pays recourent de plus en plus depuis quelques années. En outre, les Etats-Unis ne seront plus autorisés à imposer de droits compensateurs, sauf dans les cas où ils pourront dé- montrer de façon évidente que leurs producteurs subissent un grave préjudice. Correctement appliqué, ce code peut constituer, pour la communauté internationale, un outil précieux, en même terps que concret, de lutte contre les distorsions des échanges imputables aux subventions, qu'elles soient intérieures ou à l'exportation. 23 • Plusieurs autres codes ont été rédigés qui, s'ils ne dévelop- pent pas les échanges de façon appréciable, ne pourront néanmoins qu'atténuer bien des motifs d'irritation qui compromettent la coopération internationale. Les codes techniques elatifs aux normes, à la détermination de la valeur en douane. et au régime des licences, tout comme le code envisagé sur les contrefaçons, contribueront à simplifier les procédures actuelles, assureront une meil- leure information des exportateurs, et réduiront le risque de voir ces divers dispositifs utilisés à des fins protectionnistes. Ils seront particulièrement utiles aux pays en développe- ment qui ne disposent pas de renseignements suffisants sur les normes techniques et les procédures de détermination de la valeur en douane. Un autre code portant sur les marchés publics étend à ces derniers le principe de la non-discrimination et définit des procédures administratives garantissant aux fournisseurs étrangers l'information nécessaire et un traitement équitable. • L'accord contient une innovation majeure : les divers codes prévoient également l'amélioration du mécanisme visant à faciliter le règlement des différends. Chaque code sera administré par un comité réunissant des représentants de tous les pays signataires. Ces comités seront habilités à constituer des groupes d'experts pour chacun des différends relev?ant du code dont ils sont responsables, à formuler des recommandations aux parties intéressées et à prendre les dispositions qui s'imposeront-et notamment à autoriser des contre-mesures-si ces recommandations ne sont pas appliquées. • L'accord, qui reconnaît les problèmes particuliers au tiers monde, prévoit certaines dispositions spéciales, notamment une "clause d'habilitation" qui pose les fondements juridi- ques d'un traitement différentiel plus favorable à ces pays : ceux-ci peuvent en effet bénéficier de préférences tarifaires de la part des pays industrialisés et conclure entre eux des accords préférentiels; en outre, il ne leur est pas interdit, comme aux autres pays signataires, de subventionner leurs 24 exportations. Les divers codes prévoient des dispositions spéciales visant à protéger les intérêts des pays les moins avancés. En échange, les négociateurs des pays du tiers monde ont accepté de renoncer à s'en prévaloir, à mesure que leur économie se développera et que leur situation commerciale s'améliorera. Toutes ces dispositions qui, par rapport à la situation actuelle, représentent un progrès indéniable, pourraient, si les divers accords sont mis en application dans leur intégralité. mettre fin à la dégradation du climat international des échanges à laquelle nous assistons depuis quelque temps. Nous devons toutefois nous poser deux questions fonda- mentales : • Quelle serait la signification réelle de ces accords, et quelles nouvelles possibilités d'échanges ouvriraient-ils aux pays en développement? Et • Comment faudrait-il consolider et poursuivre, au-delà du Tokyo Round, l'amélioration du cadre du commerce in- ternational et le processus même de libéralisation des échanges? Il faudrait, me semble-t-il, que les institutions internationales, les pays industrialisés et les pays en développement entrepren- nent dès que possible l'étude détaillée de toutes les répercus- sions que le Tokyo Round aura sur les perspectives commer- ciales du tiers monde. L'évaluation exhaustive de ces répercus- sions et de celles des autres mesures nécessaires exigera une analyse beaucoup plus poussée et attentive que celle dont nous disposons à l'heure actuelle. Nous pouvons toutefois, d'ores et déjà, souligner un certain nombre de points importants. L'accord commercial multilatéral représente de toute évi- dence, dans certains domaines, un progrès véritable pour les pays en développement, même si le débat s'est concentré sur les préoccupations des pays développés et si les pays en dé- veloppement n'ont joué dans ces négociations qu'un rôle marginal. 25 Pour la première fois, l'accord s'est fait sur des codes de con- duite concernant la plupart des barrières non tarifaires et sur un mécanisme de règlement des différends. Une nouvelle réduction -non négligeable-des droits de douane est prévue, ainsi que d'autres dispositions visant spécifiquement à favoriser les pays en développement. Ces derniers ont toutefois encore bien des motifs valables d'inquiétude, sur lesquels je reviendrai dans un moment. Mais, s'ils doivent poursuivre leurs efforts en vue de nouvelles amé- liorations, ils n'en ont pas moins tout intérêt à ce que ces accords commerciaux soient effectivement appliqués : il ne faut pas que la Déclaration de Tokyo reste lettre morte, ni que les nouveaux codes proposés servent de prétexte à l'institutionnalisation de certaines pratiques commerciales restrictives. Le mieux que les pays en développement puissent faire pour protéger leurs intérêts est de signer ces accords le momentvenu, c'est-à-dire une fois que leurs craintes auront été levées, de participer activement à l'application et à l'examen ultérieur du dispositif mis en place, et de s'imposer comme partenaires à part entière dans les négociations commerciales qui se déroule- ront à l'avenir, que ce soit dans le cadre ou à l'extérieur des accords, Motifs de préoccupation Il faut bien reconnaître, toutefois, que les pays en développe- ment ne manquent pas de motifs de préoccupation, qui n'ont pas été traités de façon satisfaisante au cours des négociations, et qui devront être étudiés plus à fond, tant pendant la phase d'application de l'accord commercial que lors des négociations futures. Pour être plus précis • Les négociations commerciales n'ayant pas abordé la ques- tion de la réduction des quotas, et notamment ceux qui frappent les importations de textiles, de vêtements et de chaussures. Or, ces restrictions quantitatives revêtent une 26 importance capitale pour les pays en développement, en particulier dans le cadre de l'Accord multifibres qui doit officiellement être reconduit à la fin de 1981. Un effort vigoureux s'impose pour examiner et éliminer progressivement toutes les restrictions quantitatives aux importations et pour qu'aucun nouvel accord de contin- gentement ne soit négocié pour d'autres produits comme l'acier. L'élimination totale des contingents prendra certes du temps, mais il conviendrait d'adopter des mesures en vue de supprimer sans tarder ne serait-ce que les contingents auxquels se heurtent les pays en développement les plus pauvres. Il faudrait en outre engager dès maintenant les travaux préparatoires à la renégociation d'un Accord multi- fibres prévoyant un relèvement très libéral des quotas d'im- portation actuels. Les pays en développement s'inquiètent de voir leur marge de préférence s'éroder du fait de la réduction globale des tarifs. Leur inquiétude pourrait toutefois se révéler injusti- fiée dans la mesure où des études récentes ont démontré que la perte d'exportations qui en découlera pour eux ne représentera même pas 10 % du supplément d'exportations que la libéralisation des échanges amorcée par le Tokyo Round leur permettra de réaliser. En revanche, leur préoccupation devant les exceptions que les pays industrialisés entendent faire dans l'application de la formule convenue de réduction des tarifs est plus fondée. Les droits frappant certains des principaux produits d'expor- tation des pays en développement, comme les textiles et les chaussures, restent inchangés ou, à la rigueur, sont réduits d'un pourcentage inférieur à celui que prévoit la formule retenue. L'injustice d'un tel traitement paraît encore plus flagrante lorsque l'on se souvient que les exportations des pays en développement sont généralement passibles de droits de douane supérieurs (15-30 %) aux droits moyens (10 %) appliqués par les pays industrialisés et sont en outre sujettes à contingentement. Lors des négociations futures, la communauté internationale devra veiller à obtenir une diminution progressive des tarifs 27 frappant les principales exportations des pays du tiers monde, d'une part, en éliminant les exemptions actuelles, et d'autre part, en prévoyant l'écrêtement des droits frap- pant les produits. • Les pays du tiers monde s'inquiètent vivement du fait que certains pays industrialisés insistent pour qu'une "clause de sélectivité" figure dans le code de sauvegarde proposé. Ils craignent en effet et on les comprend-que ceux d'entre eux dont les exportations sont les plus vigoureuses ne soient la cible de restrictions particulièrement sévères. L'idéal serait que l'on abandonne tout simplemen-t la clause de sélectivité, puisqu'elle revient à entériner le traitement discriminatoire réservé à certains pays. Si l'on décide de maintenir cette clause, il faudrait préciser qu'elle ne pourra pas être invoquée contre les pays en développement et surtout pas contre les plus pauvres et les moins avancés d'entre eux. • Les pays du tiers monde craignent également que le méca- nisme de surveillance et les sanctions prévues par les accords récemment négociés ne restent trop faibles, ce qui ferait des membres les plus faibles et les plus pauvres de la communauté internationale les victimes toutes désignées de violations des codes de conduite. C'est là une question qu'il faut aborder avec la plus grande honnêteté car, en fin de compte, un traité ne vaut que par le respect qu'il inspire dans l'opinion internationale et par les pouvoirs d'exécu- tion qu'il confère. Les pays en développement feront beaucoup pour leur pro- pre cause en devenant, le moment venu, signataires de l'accord afin d'être représentés aux comités chargés de faire respecter les différents codes. Ainsi, de façon générale, le Tokyo Round représente, dans certains domaines, un progrès réel; dans quelques autres, une source de grave inquiétude et, en même temps, une occasion de consolider les résultats déjà obtenus. Que faire, face à pareille situation? Voici, en quelques mots, 28 ce que j'en pense. Premièrement, il est essentiel que cet accord commercial soit rapidement approuvé dans son ensemble. Il ne s'agit certes pas d'un accord idéal et il n'est pas question de renoncer à amée liorer le cadre du commerce international pendant sa phase d'application. Ce document marque néanmoins le franchisse- ment d'une nouvelle étape dans l'effort sans cesse déployé pour assainir, par la négociation, le climat des échanges internatio- naux. La sagesse voudrait que l'on se félicite du succès qu'il représente en soi et que l'on prépare un programme d'action concret afin d'aller plus loin en renforçant ses aspects positifs et en corrigeant ses aspects négatifs. On peut certainement craindre que les pays industrialisés ne soient contraints de payer aux groupes de pression protection- nistes un prix très lourd pour obtenir sa ratification par leurs organes législatifs. Certains pays adoptent déjà, hors du cadre des négociations, des mesures telles que le "seuil d'interven- tion" pour l'acier ou le relèvement du prix de soutien du sucre, et les Etats-Unis envisagent de réduire leurs quotas d'importa- tions de textiles. Autant de mesures qui font que l'on s'interroge de plus en plus sur la valeur réelle de cet accord, et sur le prix qu'il faudra payer pour obtenir sa ratification. Il est donc indispensable de résister énergiquement aux pressions que les groupes protec- tionnistes exercent de l'extérieur et de veiller à le faire approu- ver par les organes législatifs sans avoir à faire un échange de concessions excessives. En outre, l'élément le plus important de ces accords est moins le soin avec lequel ils ont été rédigés et les dispositions pré- cises qu'ils contiennent que le climat et l'esprit dans lesquels ils sont mis en oeuvre. Les pressions protectionnistes qui s'exercent dans les pays industrialisés s'expliquent, fondamentalement, par la lenteur et l'irrégularité de la croissance économique de ces pays, qui sont causes de chômage et d'inflation. Ces difficultés sont exacer- bées par le fait que l'on ne prend pas les mesures d'ajustement structurel qui seraient nécessaires. Or, si l'on ne s'attaque pas à la racine du mal, et de façon systématique, il est peu probable 29 que l'on parvienne à appliquer aucun accord commercial digne de ce nom. L'instauration d'un climat favorable, permettant de résister à toute violation des accords, suppose aussi une prise de con- science politique, en même temps qu'une meilleure information du public. Les codes sur les barrières non tarifaires laissent souvent aux organes chargés de leur administration toute lati- tude d'interpréter les textes et d'agir à leur discrétion. Cette discrétion peut devenir un facteur de poids dans l'effort de libé- ralisation des échanges, mais aussi jouer à l'encontre de l'objectif recherché. Aussi, la tâche consistant à améliorer le climat mon- dial des échanges ne s'achèvera pas avec la signature du traité; elle ne fera que commencer. Permettez-moi de résumer maintenant les points essentiels de mon exposé, d'en tirer les conclusions et de proposer le programme d'action qu'ils appellent. VII. PROGRAMME D'ACTION Mon argumentation a reposé sur les points suivants Il est d'une importance capitale de comprendre les causes profondes des tendances protectionnistes récemment obser- vées, et de prendre conscience du coût élevé du protection- nisme pour les pays développés comme pour les pays en développement. Nous devons évaluer soigneusement et objectivement les progrès réalisés au cours des négociations du Tokyo Round, et l'ordre du jour restant à couvrir. Nous devons enfin décider des mesures les plus efficaces pour améliorer encore le climat mondial des échanges, que ce soit lors de l'examen périodique de la situation, prévu dans les accords ou à l'occasion d'autres négociations spéciales. Les mesures spécifiques ci-dessous devraient donc, à mon avis, figurer à l'ordre du jour de la communauté internationale : • Les pays intéressés, la CNUCED et le GATT devraient étudier 30 en détail, du point de vue des pays en développement, les dispositions contenues dans les accords du Tokyo Round ainsi que les possibilités de libéralisation et de développe- ment ultérieurs des échanges. Pour sa part, la Banque mon- diale est disposée à fournir toute l'aide nécessaire à cette entreprise. Les accords du Tokyo Round prévoient l'examen "régulier et systématique", par les parties contractantes, de tous faits nouveaux intervenant dans le système commercial interna- tional. C'est là une occasion qu'il nous faut saisir pour pro- céder périodiquement à une analyse approfondie et pas seulement à un vague contrôle de routine, Le GATT et la CNUCED peuvent servir de cadre aux consultations qui se dérouleront à cette occasion. Il conviendrait que les négociations futures, qu'elles se déroulent ou non dans le cadre des accords du Tokyo Round, s'attaquent aux préoccupations majeures des pays en développement. Certaines de ces questions pourront être abordées par les signataires lorsqu'ils procéderont à l'exa- men périodique de chaque code. Pour d'autres, il faudra prendre des dispositions spéciales, par exemple, renégocier les quotas actuels, ou décider de nouvelles réductions des tarifs imposés sur les exportations des pays en développe- ment. D'autres sujets de préoccupation devront enfin être abordés lorsque sera mise la dernière main aux accords en suspens, par exemple, la suppression de la "clause de sélec- tivité" du code envisagé, relatif aux sauvegardes. • Plusieurs domaines de la politique commerciale échappent actuellement à l'accord commercial du Tokyo Round tels que les échanges opérés par les entreprises publiques, les échanges à l'intérieur des sociétés transnationales, les échanges de services, etc., autant d'omissions importantes. Certains de ces points sont déjà à l'étude, en particulier dans le cadre de la CNUCED; d'autres appellent une analyse et un mécanisme de négociation spécifiques. Mais je veux essentiellement mettre l'accent sur le fait qu'il faudra re- doubler d'efforts pour couvrir les domaines négligés jus- qu'ici en définissant avec précision le mécanisme de 31 négociation à prévoir et en fixant le délai dans lequel les négociations devront être conclues. • Le Tokyo Round n'aboutira pas à l'élimination partielle ou totale des obstacles non tarifaires déjà en place, Il s'agit, de toute évidence, d'un processus qui ne pourra se dérouler que de façon progressive en s'échelonnant dans le temps. Mais il ne fait aucun doute qu'il doit figurer au rang des priorités à l'ordre du jour international et qu'il ne faut négliger aucune occasion d'accélérer la réalisation de cet objectif. Les négociations du Tokyo Round ont été menées, jusqu'à leur mise au point finale, en une période de graves difficul- tés économiques pour les pays industrialisés. A mesure que se confirmera la reprise économique des pays de l'OCDE, peut-être seront-ils en meilleure position, du point de vue politique, pour entreprendre l'élimination de ces barrières non tarifaires. Aussi, la communauté internationale doit- elle rechercher concrètement les mécanismes et les tri- bunes qui lui permettront de faire progresser la réalisation de cet objectif. • Pour tirer pleinement parti d'une amélioration du climat des échanges, les pays en développement devront procéder à des ajustements structurels en faveur de leur secteur d'exportation. Cet effort exigera une politique intérieure appropriée en même temps qu'une aide extérieure. je ne saurais trop inviter la communauté internationale à envisager favorablement de renforcer son assistance aux pays du tiers monde qui entreprennent semblables ajuste- ments structurels afi_ de promouvoir leurs exportations en fonction de leur avantage comparatif à long terme. Pour ma part, je suis tout à fait disposé à recommander aux Administrateurs de la Banque mondiale de prendre en considération ce type de demande d'assistance et d'accor- der, le cas échéant, des prêts-programmes. • A mesure que leurs intérêts légitimes seront protégés par de nouvelles dispositions, et qu'eux-mêmes atteindront un 32 niveau de développement 'lus élevé, les pays du tiers monde devront, bien enten~du, accepter de réduire les barrières protectionnistes dont ils s'entourent et même, parvenus à un certain stade, consentir au principe de la réciprocité. Les pays en voie d'industrialisation devraient libéraliser leur politique d'importation, afin de renforcer leur position dans les négociations avec les pays développés, de stimuler leur secteur national d'exportation, et d'ouvrir aux exporta- tions des pays les plus pauvres les marchés des pays rela- tivement riches, conformément au principe qui veut que l'on applique différents règlements selon le stade de déve- loppement économique du pays. Nous devons reconnaître que l'amélioration du cadre des échanges internationaux s'inscrit dans un processus continu dont le Tokyo Round ne marque ni le début, ni la fin. Nous devrions nous acheminer systématiquement vers une plus grande libéralisation des échanges internationaux et vers une nouvelle charte du commerce mondial recouvrant tous les domaines négligés jusqu'ici. En même temps, il convient de reconnaître que les accords du Tokyo Round et toutes les amé- liorations qui pourraient leur être apportées ne seront couron- nés de succès que dans la mesure où ils seront étayés par un mécanisme de surveillance et d'application efficace et accep- table sur le plan politique. Il n'existe pas de solution simple à ce problème. Il est certain qu'un renforcement de l'organisation et des pouvoirs du GATT ne pourrait qu'avoir des effets favorables, de même qu'une prise de conscience plus aiguë des questions commerciales dans les pays développés et en développement. Mais, en fin de compte, seuls sont efficaces les pouvoirs de sanction nés de l'idée que les pays se font de leur intérêt bien compris, et qui s'imposent du fait du consensus sur lequel ils s'appuient. Toutes ces questions, je l'espère, recevront au cours de vos délibérations l'attention minutieuse qu'elles exigent. Les problèmes commerciaux ne sont évidemment pas les seules difficultés économiques qui assaillent notre planète : il y en a bien d'autres qui, pour la plupart, sont aussi ardues que 33 complexes. Je n'en garde pas moins la conviction qu'un climat libéral des échanges mondiaux peut être déterminant pour la réussite du développement international. Si nous ne savons pas le protéger des menaces répétées que fait peser sur lui le protectionnisme, il est à craindre que le rythme même du développement ne reste compromis, et, avec lui,.la qualité de vie de centaines de millions d'êtres humains, qui méritent tellement mieux que le lot misérable qui leur est échu! Tous leurs espoirs reposent sur nous. 34 WORLD BANK 1818 H Street, N.W., Washington, D.C. 20433, U.S.A. Telephone number: (202) 477-1234 Cable address: INTBAFRAD WASHINGTON D.C. European Office: 66, Avenue d'Idna, 75116 Paris, France Telephone number: 723-54-21 Cable address: INTBAFRAD PARIS Tokyo Office: Kokusai Building 1-1 Marunouchi 3-chome Chiyoda-ku, Tokyo 100, Japan Telephone number: (03) 214-5001 Cable address: INTBAFRAD TOKYO