Vers une électricité abordable et des opérateurs viables en Afrique Africa Renewable Energy and Access Program (AFREA) Vers une électricité abordable et des opérateurs viables en Afrique Masami Kojima et Chris Trimble Africa Renewable Energy and Access Program (AFREA) © 2016 The World Bank 1818 H Street, NW Washington, DC 20433 Tous droits réservés. Cette publication du Programme d’accès à l’énergie renouvelable d’Afrique (AFREA) a été financée par le Royaume des Pays-Bas par le biais d’un fonds fiduciaire du Programme de dons de la Banque mondiale. Le rapport est l’œuvre des services de la Banque internationale pour la reconstruction et le développe- ment / la Banque mondiale. Les observations, interprétations et conclusions exprimées dans ce rapport n’engagent que son (ses) auteur (s) et ne sauraient être attribuées à la Banque mondiale, à ses orga- nismes affiliés, à des membres du Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale ni aux gouverne- ments qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données qui y figurent et n’accepte aucune responsabilité quant aux conséquences de leur utilisation. Le contenu de cette publica- tion fait l’objet d’un dépôt légal. La Banque mondiale encourage la diffusion de ses études et elle accorde habituellement cette autorisation sans délai. Photo de couverture : ©tomasworks via www.thinkstockphotos.com Design/mise en page et révision : Nita Congress Traduction : Adélaïde Barbey, sous l’œil attentif d’Olivier Gallou Table des matières Préf a ce v Rés u m é a n a ly tiq u e vii Sigles e t a cro nym es xi Un vie ux p ro blè m e , d a ns un contex te e n re nouvea u 1 L’accès à l’électricité en Afrique continue d’être à la traîne par rapport au reste du monde 1 Un contexte en évolution accentue les défis à relever pour améliorer l’accès à l’électricité 3 Un regard neuf sur les problèmes d’accès à l’électricité, mettant l’accent sur la couverture intégrale des coûts et l’abordabilité des tarifs 5 V ia bilité f in a n ciè re d u se c te ur 6 Couverture actuelle des coûts 7 Couverture des coûts au niveau de performance de référence 10 Impact des prix du pétrole et de la sécheresse 14 Tendances générales des déficits quasi budgétaires 16 Utilis atio n résid e ntie lle d e l ’é le c t ricité 17 Accès à l’électricité et abordabilité 17 Ménages dirigés par une femme 24 Grilles tarifaires et raccordements multiples 24 Fiabilité 29 Co n clusio ns e t co nsé q u e nces 31 Principales constatations 34 Implications politiques 37  iii A n n exes A : Sources des données et méthodologie de calcul du déficit quasi budgétaire 43 B : Sources de données et méthodologie pour l’analyse des enquêtes auprès des ménages 49 B ibliog r a phie 53 En c a d rés 1 Consommation de subsistance et définition de la pauvreté énergétique 19 2 Pots-de-vin pour le raccordement au réseau électrique 27 F ig u res 1 Comparaison de l’accès à l’électricité en Afrique et dans trois autres régions 2 2 Comparaison entre les coûts des ressources en électricité et les recettes encaissées en 2014, en dollars par kWh facturé 8 3 Comparaison des déficits quasi budgétaires des opérateurs en performance actuelle et en performance de référence dans les années de référence par pays 11 4 Ventilation des coûts cachés en Afrique 12 5 La décomposition des déficits quasi budgétaires en Afrique dans l’année de référence 13 6 Impacts par pays de la réduction du prix du pétrole à son niveau de 2015 et d’une réduction de 30 % de l’hydroélectricité sur le déficit quasi budgétaire dans l’année de référence de chaque pays 15 7 Facture mensuelle pour 30 kWh et frais de branchement en pourcentage du revenu mensuel du ménage 22 8 Les dépenses d’électricité en pourcentage du revenu mensuel du ménage 23 A.1 Structures du secteur de l’électricité en Afrique 46 Ta ble a ux 1 Déficits quasi budgétaires des opérateurs dans le cadre de leurs performances actuelles dans les années de référence par pays 9 2 Pourcentage de personnes ayant accès à l’électricité en utilisant la définition la plus large de l’accès 18 3 Statistiques relatives aux pauvres en situation de pauvreté énergétique, à l’accès à l’électricité et aux subventions dans un cadre de consommation mensuelle de 30 kWh 20 4 Grilles des tarifs résidentiels en vigueur en juillet 2014 26 5 Comparaison des tarifs résidentiels ou basse tension et de la consommation avec d’autres catégories 28 A.1 Répartition des années de référence 44 A.2 Informations de base relatives aux opérateurs 44 B.1 Coûts de consommation mensuelle de 30 à 250 kWh et frais de branchement initial, et facteurs de correction des dépenses 50 iv V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Préface L e présent rapport résume les constatations et les recommandations d’un programme d’études explorant la viabilité financière, l’abordabilité et l’économie politique du secteur de l’électricité en Afrique subsaharienne. Il synthétise les résultats de trois documents de référence — « Écono- mie politique des subventions dans le secteur de l’énergie : Où en est l’Afrique subsaharienne », «  La viabilité financière des secteurs de l’électricité en Afrique subsaharienne  : Déficits quasi budgétaires et coûts cachés » et « Qui utilise l’électricité en Afrique subsaharienne ? Résultats des enquêtes auprès des ménages » — ainsi que des informations extraites des bases de don- nées développées dans le cadre du présent programme d’études. Il complète d’autres travaux analytiques émanant de la Région Afrique de la Banque mondiale en cours ou récemment publiés, tels que « L’amélioration des performances des services publics d’électricité en Afrique subsaha- rienne : Enseignements tirés », « Projets de production indépendante d’électricité en Afrique sub- saharienne : Enseignements tirés de cinq pays clés », « Double dividende : Interaction agriculture et électricité en Afrique subsaharienne » et « Le climat est favorable : Développer les solutions hors réseau en Afrique subsaharienne » ainsi que d’autres programmes d’études explorant les questions de l’accès à l’énergie en Afrique et la gouvernance des entreprises publiques. Ce programme d’études porte essentiellement sur l’électricité distribuée par les réseaux et ne couvre pas l’électrification rurale hors réseau. Les calculs des coûts sont fondés sur les actifs existants des opérateurs et ne prennent pas en compte le coût des extensions du système, ni les économies potentielles liées à un plan de développement au moindre coût, qui comprendrait une optimisation des échanges transfrontaliers et du mix de production de chaque pays. L’équipe chargée de l’étude comprend Ines Perez Arroyo, Robert Bacon, Rafael Ben, Joeri Frederik de Wit, David Ganske, Jace Jeesun Han, Masami Kojima (co-chef d’équipe), Farah Mohammad- zadeh, Chris Trimble (co-chef d’équipe) et Xin Zhou. Les orientations générales présidant à la production de ce rapport ont été données par Jamal Saghir. Les travaux ont été réalisés sous la direction de Lucio Monari et Meike van Ginneken. L’équipe tient à remercier Pedro Antmann, Sudeshna Banerjee, Malcolm Cosgrove-Davies, Vivien Foster, Wendy Hughes, Gabriela Inchauste, Caterina Laderchi, Elvira Morella, Sameer Shukla, David Vilar, Vladislav Vucetic, Ruslan Yemtsov, appartenant tous au Groupe de la Banque mondiale pour les commentaires reçus au cours de l’étude. Certains relecteurs ont aussi fourni des commentaires et ont contribué à valider l’ana- lyse. Nita Congress a révisé et mis en page cette publication. De précieux conseils ont été fournis par les spécialistes de la Banque mondiale pour le choix des hypothèses dans la modélisation des investissements : Debabrata Chattopadhyay, Frédéric Louis, Atsumasa Sakai et Nicolas San. L’équipe de l’étude remercie tout particulièrement Rose  v Mungai qui a fourni les données tirées des enquêtes auprès des ménages et des informations relatives à de nombreux pays, et Xavier Daudey pour son aide sur de nombreuses questions tarifaires dans les pays de langue française. Les collègues du Groupe de la Banque mondiale qui ont fourni des informations et aidé à revoir et valider l’analyse pour cette étude sont chaleureusement remerciés : Alassane Agalassou, Pros- pere Backiny-Yetna, Yele Batana, Nadia Belghith, Manuel Berlengiero, Fabrice Karl Bertholet, Lara Born, Tom Bundervoet, Jose Francisco Perez Caceres, Moez Cherif, Andrew Dabalen, Daniel Camos Daurella, Issa Diaw, Raihan Elahi, Nash Fiifi Eyison, Erik Fernstrom, Stephan Garnier, Franklin Koffi Gbedey, Mbuso Gwafila, Kristen Himelein, Mustafa Zakir Hussain, Dean Jolliffe, Joseph Mwelwa Kapika, Jan Friedrich Kappen, Roy Katayama, Joon Suk Kil, Talip Kilic, Rahul Kitchlu, Paivi Koljonen, Nataliya Kulichenko, Carol Litwin, Manuel Luengo, Alexis Madelain, Sunil Mathrani, Vasco Molini, Oliver Mussat, Florentina Mutafungwa, Djibril Ndoye, Isabel Neto, Laurencia Karimi Njagi, Cla- rence Nkengne, Kyran O’Sullivan, Vonjy Miarintsoa Rakotondramanana, Silvia Martinez Romero, Pedro Sanchez, Aly Sanoh, Christopher Saunders, Gregory Scopelitis, Leopold Sedogo, Greshom Sichinga, Victor Sulla, Clemencia Torres de Mastle, Kenta Usui, Yussuf Uwamahoro, Muhammad Wakil, Ayago Esmubancha Wambile, Amadou Mamadou Watt, Samantha Witte, Quentin Wodon et Precious Zikhali. Harold Coulombe (Togo), Zakaria Koncobo (Burkina Faso), Paul Saumik (Côte d’Ivoire) et Ilana Seff (Éthiopie) ont fourni divers fichiers de données et ont répondu aux ques- tions relatives aux enquêtes sur les dépenses des ménages. Les calculs basés sur les tarifs ont été validés par les contreparties locales dans chaque pays : autorité de régulation, principale société de services d’électricité ou ministère de l’énergie. Nos remerciements vont notamment à Gbêdonougbo Claude Gbaguidi et Solange Ebo (Bénin) ; Pascal Hema (Burkina Faso) ; Jérémie Sinzinkayo et Donat Niyonzima (Burundi) ; Rito Évora (Cap-Vert) ; Pierre-Marie Cussaguet (Cameroun) ; Mohamed Moussa Tamou, Claude Buisson et Laurent Frugier (Comores) ; Francis Aka (Côte d’Ivoire) ; Tigabu Atalo (Éthiopie) ; Sompo Ceesay (Gambie) ; Abdo- ulaye Kone (Guinée) ; John M. Mutua et Stanley Kagine Mutwiri (Kenya) ; Monti Ntlopo (Lesotho) ; Peter Graham (Liberia) ; Aimée Andrianasolo (Madagascar) ; Dennis Reo Mwangonde et Wiseman Kabwazi (Malawi) ; Fousseynou Bah et Sékou Oumar Traore (Mali) ; Dah Sidi Bouna (Mauritanie) ; Ahmad Iqbal Dreepaul (Maurice) ; Erasmo Biosse (Mozambique) ; Iyaloo Andre (Namibie) ; Abdoulk- arim Saidou (Niger) ; Alexis Mutware (Rwanda) ; Alberto Leal, Posik Espirito Santo, Ligilisio Viana, et Homero Boa Esperança (São Tomé-et-Principe), Alioune Fall (Sénégal) ; Laurent Sam et Guilly Moustache (Seychelles) ; Maite Pina, Mallay Bangura, et Clive Neel (Sierra Leone) ; Lorraine Leburu et Melusi Ngobeni (Afrique du Sud) ; Sabelo Dube, James Mabundza et Edrida Kamugisha (Swazi- land) ; Nzinyangwa Mchany et Anastas Mbawala (Tanzanie) ; Geofrey Okoboi et Vianney Mutyaba (Ouganda) ; Rodgers Muyangwa (Zambie) ; et Peggy Mhlanga et Gwyneth Ngoma (Zimbabwe). Cette étude n’aurait pas pu être réalisée sans l’appui financier du Programme sur l’accès aux énergies renouvelables en Afrique (AFREA), qui fait partie du Programme d’appui à la gestion du secteur de l’énergie de la Banque mondiale (ESMAP), dont l’aide a été grandement appréciée. vi V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Résumé analytique Comparativement aux autres régions du monde, l’Afrique1 affiche un retard en matière de capa- cité de production d’électricité, consommation d’électricité par habitant et accès des ménages à l’électricité. Deux Africains sur trois n’ont pas accès à l’électricité. Les insuffisances des services d’électricité sont très répandues, notamment parce que les sociétés de services d’électricité (les opérateurs) sont à court d’argent et ont laissé leurs actifs se délabrer. Deux facteurs sont importants pour déterminer si le secteur de l’électricité de la région sera en mesure de répondre à la demande et développer l’accès à l’électricité  : la viabilité finan- cière des opérateurs et la capacité des ménages à payer les tarifs. L’étude utilise des données récentes de pays d’Afrique pour examiner la relation entre les coûts et les revenus des opéra- teurs dans 39 pays et estimer les possibilités de réduction des déficits des opérateurs acces- sibles en remédiant aux insuffisances opérationnelles. Elle recueille des données tarifaires dans un autre ensemble de 39 pays, recoupant partiellement le premier, pour évaluer l’abordabilité. Elle analyse, enfin, les données sur les dépenses d’électricité tirées des enquêtes nationales sur les dépenses des ménages dans 22 pays. L’étude se consacre essentiellement à l’électricité four- nie par le réseau ; elle ne tient pas compte de l’électrification rurale hors réseau, ni du coût d’une extension du système ou des économies potentielles liées à une optimisation du système à l’aide d’un plan de développement au moindre coût et d’un développement des échanges transfron- taliers d’électricité. Q ues tions clés Sur 39 pays étudiés, seuls les Seychelles et l’Ouganda couvrent intégralement leurs coûts d’ex- ploitation et d’équipement. Dans 19 pays seulement, les recettes encaissées par les opérateurs couvrent les dépenses d’exploitation ; parmi eux, quatre pays seulement couvrent également la moitié ou plus de leurs coûts d’investissement calculés sur la base de la valeur de remplacement des actifs disponibles. De tels déficits de financement empêchent les secteurs de l’énergie de fournir des services d’électricité fiables aux clients existants, et encore plus d’étendre l’offre à de nouveaux clients à un rythme optimal. Les perspectives de viabilité financière du secteur de l’électricité sont à la merci des chocs externes et s’améliorent ou s’aggravent en fonction des variations des cours du pétrole ou des devises, ou encore des précipitations. Les déficits quasi budgétaires, qui correspondent à la 1 Dans le présent rapport le terme Afrique désigne l’Afrique subsaharienne, sans inclure l’Afrique du Nord et Djibouti.  vii différence entre le chiffre d’affaire net d’un opérateur efficient et ses recettes encaissées nettes, atteignent en moyenne 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) — ou 0,9 % sans l’Afrique du Sud. Les déficits quasi budgétaires de six pays auraient été réduits de plus de 1 % du PIB si l’étude avait pris en compte le prix du pétrole de 2015 au lieu du prix de l’année de référence de chaque pays (voir en annexe A la définition de l’année de référence). Mais, en cas de sécheresse, le recours sup- plémentaire aux alimentations de secours augmenterait les coûts : une simulation dans laquelle une réduction de 30 % de la production hydroélectrique est compensée par des capacités de production d’énergie en location (beaucoup plus coûteuses) montre une augmentation du déficit des opérateurs de plus de 1 % du PIB dans six pays. De nombreux ménages n’ont pas les moyens de payer les frais de branchement et les tarifs de l’électricité, ce qui limite l’expansion de l’accès au réseau. Certains ménages partagent des compteurs d’électricité pour ne pas payer les frais de branchement parfois très largement supérieurs à leur revenu mensuel. En Éthiopie, où les frais de branchement les plus bas repré- sentent encore 130 % du revenu mensuel moyen des ménages, il y a deux fois et demi plus de ménages raccordés au réseau que de clients répertoriés par la société de services d’électricité. Avec les structures tarifaires actuellement pratiquées, la consommation de subsistance (c’est- à-dire la consommation d’électricité qui permet de satisfaire les besoins essentiels) — évaluée à 30 kilowattheures par mois — est abordable pour la grande majorité de la population dans la plupart des pays, y compris dans ceux ayant un faible taux d’accès à l’électricité. Mais les comp- teurs partagés interdisent l’accès au tarif social à des ménages à faible revenu, car la consomma- tion cumulée de plusieurs ménages les place dans des tranches de tarif plus élevées. A sp e c t s politiq ues L’amélioration de l’efficacité opérationnelle devrait être la première priorité politique dans une optique de réduction des déficits quasi budgétaires. Si les opérateurs arrivaient à ramener simul- tanément les pertes de transport, de distribution et de recouvrement des factures à 10 % de l’électricité dispatchée (ce qui correspond au niveau de référence d’efficience des opérateurs défini pour la présente étude) et à lutter contre le sureffectif, 11 autres pays verraient disparaître les déficits de leurs opérateurs, ce qui porterait à 13 le nombre total de pays exempts de déficit. L’expérience internationale indique que la consommation non relevée est concentrée de manière disproportionnée chez les gros clients et chez d’autres clients en mesure de payer des tarifs qui reflètent les coûts. En ciblant en priorité les clients plus aisés, gros consommateurs, d’impor- tantes réductions des pertes sont réalisables avec peu de pertes de bien-être. La plupart des pays risquent d’avoir besoin d’augmenter les tarifs. Dans les deux tiers des pays étudiés, l’écart de financement ne peut pas être comblé par la seule élimination des insuffi- sances opérationnelles ; les tarifs devront être augmentés, même après avoir atteint l’objectif de référence d’exploitation performante. L’incitation pressante à augmenter les tarifs pourrait être quelque peu atténuée par une optimisation du mix de production d’énergie et par une réduction supplémentaire des coûts, mais ceci risque de prendre de nombreuses années et nécessite des investissements importants. viii V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Une approche d’économie politique peut aider à concevoir les hausses tarifaires : ⦁⦁ Augmenter les tarifs quand les coupures de courant se répètent sans répit risque for- tement de provoquer des réactions brutales. Les opérateurs doivent se concentrer sur l’obtention d’un niveau acceptable de qualité de service pour s’engager dans une trajectoire où les recettes définies par le barème des tarifs permettent de couvrir les coûts. Elles pourraient réduire les coûts par l’élimination progressive des insuffisances opérationnelles, la mise en œuvre de mesures à court terme afin de réduire la durée (sinon la fréquence) des coupures de courant et d’une manière plus générale, par une amélioration de la qualité du service à la clientèle. Les systèmes d’information sont fondamentaux pour pouvoir répondre aux plaintes des clients, accélérer la remise en service après les coupures de courant, mesu- rer régulièrement la fiabilité du système et fournir un meilleur service commercial. ⦁⦁ Des augmentations tarifaires faibles et fréquentes peuvent être mieux acceptées que des augmentations importantes sporadiques. Pour éliminer les subventions des carbu- rants, l’Inde et la Thaïlande ont relevé les prix du carburant régulièrement chaque mois par petits paliers annoncés à l’avance, jusqu’à ce que le niveau de couverture des coûts soit atteint. La prévisibilité associée à des augmentations faibles et gérables peut contribuer dans une large mesure à faciliter l’acceptation. ⦁⦁ Une période au cours de laquelle les prix du pétrole sont bas peut être un moment opportun pour introduire un mécanisme automatique de hausse en fonction du prix du carburant. Un mécanisme d’ajustement automatique des prix, tel que celui en place au Kenya, peut contribuer à dépolitiser l’un des aspects des ajustements tarifaires. Le meilleur moment pour introduire un tel mécanisme se situe dans une période de prix bas, afin que le mécanisme ne soit pas considéré par les clients comme de fortes augmentations du tarif. ⦁⦁ Un ciblage des hausses tarifaires sur les clients qui représentent la majeure partie de la consommation et sont capables de payer plus permet de limiter les effets négatifs sur les populations pauvres. De même que pour les pertes commerciales, il serait logique de se concentrer d’abord sur les augmentations tarifaires applicables aux clients de grande et moyenne consommation, pour qui l’abordabilité n’est pas un défi aussi difficile que pour les ménages à faible consommation. Bien que la sensibilité politique des clients les plus aisés aux augmentations des tarifs ne doive pas être ignorée, il ne faut pas non plus la surestimer. Face aux importants déficits des opérateurs et à la faiblesse des taux d’accès à l’électricité, il n’y a aucune raison impérieuse de subventionner ceux qui peuvent payer des tarifs plus élevés. En effet, ils pourraient être invités à financer davantage les subventions croisées au profit des clients à faible revenu, à condition toutefois que la consommation totale de ces derniers ne représente qu’une petite fraction de l’ensemble de l’électricité vendue. Des exemples de réussite des réformes du secteur de l’énergie dans les pays émer- gents d’autres régions montrent que les clients à revenu moyen ou élevé dans toutes les catégories tarifaires acceptent généralement que les tarifs reflètent les coûts, à condition que la qualité des services d’électricité soit bonne. R ésu m é analy tique ix Les compteurs à prépaiement sont utiles tant pour les opérateurs que pour les clients. Pour les ménages à faible revenu avec des contraintes de trésorerie, pouvoir payer par petites tranches permet d’aligner les paiements de l’électricité sur les flux de revenu. Les ménages ayant opté pour un plan à prépaiement ne risquent pas de coupure du service pour défaut de paiement et évitent les frais de rebranchement, qui peuvent être considérables dans certains pays. Mais les compteurs à prépaiement ne devraient pas être rendus obligatoires si le réseau électrique n’est pas fiable, de peur que les clients ne paient par avance un service d’électricité qu’ils ne peuvent obtenir quand ils en ont besoin. Pour les opérateurs, les compteurs à prépaiement améliorent le recouvrement des recettes. Les subventions qui seraient nécessaires en complément des tarifs sociaux actuellement pratiqués pour permettre aux pauvres d’acheter le niveau de consommation d’électricité de subsistance sont modestes. Avec un relevé des compteurs des ménages individuel et précis, les subventions supplémentaires nécessaires pour que tous les ménages urbains raccordés au réseau aient accès au niveau de consommation d’électricité de subsistance dans les pays cou- verts par l’étude seraient inférieures à 5 millions de dollars dans 19 pays et à 1 million de dollars dans 15 pays. En milieu rural, les subventions nécessaires pour rendre l’électricité abordable pour chaque ménage seraient plus importantes ; ce sujet n’entre pas dans le champ de la présente étude, mais l’électrification rurale va jouer un rôle considérable. Un ciblage plus précis des subventions croisées visant les pauvres peut contribuer à rendre les prix plus abordables et accélérer l’élargissement de l’accès aux services d’électricité. Pour améliorer l’accès à l’électricité, la première priorité consiste à rendre les coûts du branchement initial abordables. Il pourrait être envisagé d’inclure les actifs correspondant aux nouveaux bran- chements dans les actifs réglementaires des opérateurs et d’en couvrir les coûts sur l’ensemble de la clientèle. Une première petite tranche (ou bloc tarifaire) avec un tarif « social » peut être introduite si l’opérateur ne l’a pas déjà fait, sa taille peut être optimisée, les subventions croisées peuvent être augmentées et il est possible d’utiliser une moyenne mobile plutôt que la consom- mation mensuelle comme base pour définir ce tarif social. x V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Sigles et acronymes AICD Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique (Africa Infrastructure Country Diagnostic) DQB déficit quasi budgétaire kWh kilowattheure (s) PIB produit intérieur brut SAIDI indice de durée moyenne d’interruption du système (System Average Interruption Duration Index) SAIFI indice de fréquence moyenne d’interruption du système (System Average Interruption Frequency Index) Tous les montants sont exprimés en dollars, sauf indication contraire.  xi Un vieux problème, dans un contexte en renouveau P lus d’un milliard de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’électricité. Pour beaucoup d’autres, l’électricité n’est pas fiable, avec des coupures impliquant de recourir à une autoproduction coûteuse, de subir des pertes de chiffre d’affaires, ou de se résigner à un éclairage au kérosène de qualité inférieure — ou à passer des heures dans l’obscurité. L’a ccès à l ’é le c t ricité e n Afrique continue d ’ê t re à l a t r aîne pa r r a p por t a u res te d u m onde Comparativement aux autres régions du monde, l’Afrique1 affiche un retard en matière de capa- cité de production d’électricité installée, consommation d’électricité par habitant et accès des ménages à l’électricité. La capacité totale de production d’électricité dans la région, dont la population totale est proche du milliard d’habitants, est inférieure à 100 gigawatts — c’est-à-dire inférieure à la capacité de production totale de l’Espagne qui ne compte que 46 millions d’habi- tants — et moitié moins sans l’Afrique du Sud. Quinze des pays classés parmi les 20 derniers dans le monde entier pour la consommation d’électricité par habitant se trouvent en Afrique (AIE, 2016 ; Banque mondiale 2016a). En outre, selon le rapport du Cadre mondial de suivi de 2015 (Banque mondiale et AIE 2015), la région comprend 13 des 20 pays au monde ayant le plus grand nombre de personnes dépourvues d’électricité. La proportion d’Africains vivant dans des ménages disposant d’électricité en 2012 était d’environ 35 %. Cependant, la disparité entre les zones urbaines et rurales est prononcée : environ 69 % des habitants des zones urbaines ont accès aux services d’électricité, mais en zones rurales, ils ne sont que 15 %. L’Asie du Sud, deuxième région au monde avec les plus faibles taux d’accès à l’électricité, affiche pourtant plus du double d’habitants ayant accès à l’élec- tricité par rapport à l’Afrique (79 %) et cinq fois plus parmi les résidents des régions rurales (70 %). Les retards de l’accès à l’électricité et du développement plafonnent au même niveau en Afrique. Le développement de l’infrastructure reflète le développement économique. En règle générale, plus le produit intérieur brut (PIB) par habitant est élevé, meilleurs sont les services des routes, chemins de fer, télécoms et électricité. Toutefois, un examen de l’accès à l’électricité dans d’autres régions ayant des niveaux comparables de leurs indicateurs de développement économique et de pauvreté montre que l’Afrique est très en retard. La figure 1 illustre ce constat. 1 Dans le présent rapport le terme Afrique désigne l’Afrique subsaharienne, sans inclure l’Afrique du Nord et Djibouti. 1 Figure 1  Comparaison de l’accès à l’électricité en Afrique et dans trois autres régions 1a : L’accès à l’électricité dans quatre 1b : Comparaison de l’accès à l’électricité en régions en 2012 Afrique en 2012 avec l’accès dans d’autres Accès à l’électricité, % de la population régions en 1990 100 80 60 40 20 0 0 20 40 60 500 5 000 50 000 Écart de pauvreté en % à 3,10 USD/personne/jour PIB par habitant (USD) en parité de pouvoir d’achat Afrique subsaharienne Asie du Sud Amérique latine & Caraïbes Asie de l’Est et Pacifique Sources : Analyse des services de la Banque mondiale avec des données de la Banque mondiale 2016 et de la Banque mondiale et l’AIE 2015. Note : L’écart de pauvreté et le PIB sont calculés à parité de pouvoir d’achat en dollars internationaux de 2011. Les don- nées relatives à l’écart de pauvreté sont celles de 2012, ou aussi proches que possible de 2012 avec une marge de deux ans, et sont manquantes pour de nombreux pays, réduisant la taille de l’échantillon dans la figure 1a. La taille des bulles est proportionnelle à la population. La figure 1a fait un relevé du taux d’accès à l’électricité dans quatre régions en 2012 en fonction de l’écart de pauvreté2. Dans l’ensemble, les pays s’inscrivent dans un ligne descendante, à l’ex- ception des pays africains, dont un grand nombre sont positionnés largement sous la ligne de tendance. Quant à l’écart de pauvreté, la situation dans de nombreux pays africains en 2012 res- semble beaucoup à celle du reste du monde en 1990. Lorsque les données 2012 relatives à l’écart de pauvreté et à l’accès à l’électricité en Afrique sont superposées à celles des autres régions de 1990, l’Afrique reste encore en dessous de la tendance mondiale (Kojima et al. 2016). L’analyse statistique basée sur ces paramètres économiques montre que, toutes choses étant égales par ailleurs, vivre en Afrique réduit la probabilité pour un ménage d’avoir accès à l’électricité. La figure 1b compare l’accès à l’électricité en 2012 en Afrique et dans trois autres régions en 1990 en fonction du produit intérieur brut (PIB) par habitant. La Chine est en tête, avec un taux d’accès à l’électricité de 94 % et un PIB par habitant de 1 500 dollars ; tout comme le Vietnam, qui atteint un taux de 88 % d’accès avec le même PIB par habitant. Là encore, presque tous les pays situés en dessous de la tendance mondiale sont en Afrique. 2 La mesure de l’écart de pauvreté établit le pourcentage d’individus se situant en dessous de la ligne de pauvreté par rapport à la ligne de pauvreté. Cette figure utilise un seuil de pauvreté à 3,10 dollars par personne et par jour valorisé en parité de pouvoir d’achat en dollars internationaux de 2011. 2 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Les coûts élevés, la faiblesse des revenus sont au cœur de la question de l’accès à l’électricité. De graves lacunes dans l’efficacité opérationnelle, les coûts élevés de fonctionnement des petits centres de production et un recours excessif au diesel coûteux pour produire de l’électricité ont renchéri les coûts de l’électricité fournie aux clients en Afrique, tandis que l’incapacité de nombreux clients à payer les services d’électricité et la sous-évaluation des prix ont réduit le chiffre d’affaires des opérateurs. En raison des coûts élevés et des revenus faibles, les opérateurs africains sont incapables de servir la demande et de fournir de manière fiable de l’électricité — une carence aggravée par des années de dépenses insuffisantes d’entretien et d’expansion. Les clients subissent des coupures de courant fréquentes et les nouveaux raccordements suivent difficilement la croissance démographique. Pour ces mêmes raisons, le taux d’accès à l’électricité en Afrique n’a cru que de cinq points de pourcentage par décennie — passant de 23 % en 1990 à 35 % en 2012. En témoigne également l’indicateur de Doing Business de fiabilité de l’offre et de transparence des tarifs étalonné de 0 et 8, où l’Afrique affiche 0,9, très loin derrière le reste du monde, et à moins de la moitié de l’Asie du Sud qui la précède à 1,9 (Banque mondiale 2016b). Les données déjà recueillies ne laissent guère espérer une couverture intégrale des coûts. Ces problèmes ont été recensés dans le Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique (AICD), un important programme d’information qui a procédé à une vaste collecte de données dans les années  2000 (principalement de  2001 à  2008) dans tous les secteurs d’infrastructures clés, y compris l’électricité en réseau. L’analyse du secteur de l’électricité de l’AICD souligne l’insuffisance des capacités de production, un taux d’accès stagnant et inéquitable à des services d’électricité peu fiables, la prévalence des générateurs de secours, le recours croissant à des capacités de production d’urgence en location, ceci s’accompagnant de tarifs élevés et insuffisants. Les événe- ments extérieurs — sécheresse, chocs pétroliers et guerres civiles — ont exacerbé une situation déjà précaire. L’AICD a estimé qu’un investissement annuel total dans le secteur de 40 milliards de dollars serait nécessaire dans l’ensemble de la région, soit plus du triple de la somme de 12 mil- liards de dollars par an octroyée à l’époque. Si l’insuffisance patente de la conduite des opérations combinée au mauvais fonctionnement des opérateurs offre une marge de réduction des coûts, l’écart de financement ne peut pas être comblé entièrement par l’élimination de ces déficiences estimées à 8 milliards de dollars par an (Eberhard et al. 2011). L’examen combiné des structures tarifaires dans 27 pays et des données d’enquêtes auprès des ménages a démontré qu’il était quasiment impossible d’obtenir la couverture des coûts de production de l’électricité hérités du passé, l’instauration de tarifs ajustés aux futurs coûts de production de l’électricité, la pratique de tarifs abordables pour les ménages à faible revenu et l’équité dans la répartition des subven- tions tarifaires dans le contexte coûts élevés/faibles revenus caractérisant une bonne partie de la région au milieu des années 2000 (Briceño-Garmendia et Shkaratan 2011). Un co ntex te e n évolution a cce ntue les déf is à re leve r pour a mé liore r l ’a ccès à l ’é le c t ricité La situation en matière d’accès à l’électricité et de performance financière des opérateurs a beaucoup changé depuis l’époque du programme AICD. U n vieu x probl è m e , dans un conte x te en renouveau 3 L’engagement mondial en faveur de l’accès universel à l’électricité s’est renforcé. En  2011, l’Organisation des Nations Unies a lancé l’Initiative «  Énergie durable pour tous  », regroupant divers partenaires, y compris  106 gouvernements et l’Union européenne, avec trois objectifs pour mettre en place des services énergétiques modernes à l’horizon 2030, dont l’accès universel à l’électricité. L’Afrique sera probablement la dernière région du monde à atteindre cet objectif, et toute augmentation de l’aide extérieure à cette fin lui sera bénéfique. En juin 2015, l’Initiative « Énergie durable pour tous » a proposé un nouveau cadre à plusieurs niveaux (le cadre « multi-ni- veaux ») pour définir et mesurer l’accès à l’énergie dans le document Beyond Connections : Energy Access Redefined (Banque mondiale 2015). Le principe sous-jacent est que l’offre d’énergie desti- née à améliorer l’accès à l’électricité doit être fournie en quantité suffisante, disponible lorsque nécessaire, fiable, pratique, abordable, autorisée, propre et sécurisée. Faisant écho à cette défi- nition plus précise de l’accès à l’électricité, les Objectifs de développement durable adoptés par l’Organisation des Nations Unies en septembre 2015 visent à garantir spécifiquement l’accès de tous à des services énergétiques fiables et durables à l’horizon 2030. Les variations des cours du pétrole et des taux de change ont eu des incidences contrastées sur les économies africaines. Les variations des prix du pétrole au cours de la période de collecte des données de l’AICD (2001-2008) se sont traduites par une multiplication par quatre du prix du diesel — un carburant que l’Afrique utilise de plus en plus pour répondre aux besoins d’électricité de secours — et du fioul. En revanche, entre 2008 et le premier semestre de 2016, les prix de ces combustibles ont diminué de trois cinquièmes. Certaines monnaies d’Afrique se sont appréciées par rapport au dollar entre 2001 et 2008, mais aucune d’entre elles ne s’est appréciée entre 2008 et le premier semestre de 2016. La médiane de l’évolution des monnaies s’établit en légère hausse (4 %) entre 2001 et 2008, et connaît une dépréciation de 43 % entre 2008 et 2016. Il n’est donc pas surprenant que l’effet combiné des variations du prix du pétrole et des taux de change ait été contrasté. Alors qu’il y a eu une augmentation universelle des prix des produits pétroliers en monnaie nationale entre  2001 et  2008, il n’y a pas eu ultérieurement une baisse universelle. En prenant comme exemple le diesel, l’augmentation des prix en monnaie nationale au cours de la première période allait de 155 % à près de 1 400 % avec une médiane de 300 % (soit un peu moins que l’augmentation en dollars de 320 %). La baisse du prix médian entre 2008 et 2016 est de 44 %, mais le prix du diesel importé a augmenté plutôt que diminué en monnaie nationale au Ghana, au Malawi, au Soudan et en Zambie en raison de la dépréciation importante de la monnaie, plus forte que la chute du prix du pétrole3. La forte baisse des prix des matières premières a eu des répercussions importantes pour l’Afrique. Les prix des matières premières jouent un rôle essentiel dans de nombreuses éco- nomies africaines. Ils ont augmenté entre 2001 et 2008, mais ont fortement chuté depuis. L’ef- fondrement du prix du pétrole qui a débuté en 2014 est la plus importante baisse sur 20 mois au cours des cinquante dernières années. Contrairement aux épisodes précédents, la baisse 3 L’évolution de la monnaie de la Somalie, du Soudan du Sud et du Zimbabwe n’est pas connue pour ces deux périodes. 4 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E actuelle des prix ne s’applique pas seulement au pétrole et au gaz, mais englobe aussi les métaux, les minerais et les produits de base agricoles. Ces mouvements de prix sur le marché mondial ont eu une incidence considérable en Afrique, non seulement sur le solde budgétaire (2 points de pourcentage en moins par rapport à la normale), mais aussi sur le compte courant (baisse de 4 points de pourcentage), les termes de l’échange (baisse d’environ 16 %) et l’activité économique (baisse de 0,5 %) (Banque mondiale 2016c). Un reg a rd ne uf sur les problè m es d ’a ccès à l ’é le c t ricité, met t a nt l ’a cce nt sur l a couve r ture intégr a le des coût s et l ’a bord a bilité des t a rif s Certains gouvernements africains ont tenté d’élargir l’accès à l’électricité en subventionnant son utilisation ou les frais de branchement au réseau, ou les deux. Cependant, face à la chute du solde budgétaire, il y a peu de place pour un appui de l’État à grande échelle. Cette limitation souligne la nécessité d’améliorer les performances des opérateurs, d’ajuster les tarifs pour assurer la cou- verture des coûts et de modeler l’appui par des subventions de façon à maximiser les avantages offerts aux plus démunis. La présente étude s’appuie sur des données plus récentes que celles dont disposait l’AICD pour réexaminer les problèmes du secteur de l’électricité. L’étude examine la littérature sur les sub- ventions du secteur de l’énergie, et leur réforme, en mettant l’accent sur l’économie politique de cette réforme, s’interroge sur le degré de couverture des coûts avec et sans prise en compte des insuffisances dans la conduite des opérations des opérateurs, évalue les structures des tarifs résidentiels, estime dans quelle mesure le niveau de consommation d’électricité de subsistance est abordable pour les ménages et calcule le montant de l’aide supplémentaire nécessaire pour permettre aux pauvres d’utiliser l’électricité. Le champ de l’étude se limite principalement à l’élec- tricité fournie par le réseau ; elle ne tient pas compte du coût d’une extension du système ou des économies potentielles liées à une optimisation du système à l’aide d’un plan de développement au moindre coût et au développement des échanges transfrontaliers d’électricité. La section suivante traite de sujets liés à la viabilité financière du secteur de l’électricité ; elle est suivie d’une analyse de la notion de prix abordable, en partant du point de vue des clients, et en se basant sur les données des enquêtes auprès des ménages. Une brève analyse de la fiabilité est incluse, parce que le manque de fiabilité de l’électricité retarde le développement économique, et la définition de l’accès à l’électricité est de plus en plus centrée sur l’accès à une énergie fiable. La dernière section du rapport résume les principales conclusions et recomman- dations politiques issues de l’étude. Deux annexes présentent les sources, la méthodologie et les hypothèses qui sous-tendent l’étude. Pour plus de détails, voir Trimble et al. (2016) ; Kojima et al. (2016) ; Kojima, Bacon, et Trimble (2014) ; et les fichiers Excel connexes (www.worldbank.org/ affordableviablepowerforafrica). U n vieu x probl è m e , dans un conte x te en renouveau 5 Viabilité financière du secteur P our le dire simplement, un opérateur dont les coûts ne sont pas couverts est en mauvaise posture pour fournir une électricité fiable en quantité suffisante. Afin d’évaluer la viabilité financière des services d’électricité en Afrique cette section explore les questions suivantes : ⦁⦁ Quelle est la part du coût total de l’électricité fournie aux clients (le coût des ressources) que couvrent les recettes encaissées par les opérateurs ? ⦁⦁ Dans quelle mesure une amélioration de l’efficacité opérationnelle de ces sociétés peut- elle contribuer à combler les insuffisances des chiffres d’affaires ? Quels sont les domaines d’action prioritaires dans chacun des différents pays pour réduire les insuffisances opérationnelles ? ⦁⦁ Comment les fluctuations des précipitations et des prix du carburant affectent-elles la via- bilité financière des opérateurs ? Globalement, il existe deux approches pour analyser la couverture des coûts et la viabilité finan- cière des opérateurs  : la couverture des besoins de trésorerie et la couverture intégrale des coûts (Kojima, Bacon, et Trimble 2014). ⦁⦁ L’approche par les besoins de trésorerie analyse la viabilité financière à court terme d’un opérateur et examine tous les décaissements prévus de l’entreprise : coûts des opérations et de la maintenance, achats d’énergie, titres de créance, impôts et taxes, assurances et paiements au comptant des dépenses d’investissement mineures. Elle ne tient pas compte des subventions aux intrants, des intérêts subventionnés (tels que les financements concessionnels) et d’autres types de subventions destinées à couvrir les dépenses que les opérateurs ne sont pas tenus de payer. ⦁⦁ L’approche par la couverture intégrale des coûts analyse tous les besoins de trésorerie, ainsi que tous les coûts en capital (l’amortissement et le taux de rendement du capital investi formant la base de calcul des coûts en capital) et les coûts de démantèlement, le cas échéant. Si tous les coûts sont entièrement couverts par les paiements des clients, l’opérateur est financièrement viable à long terme. Toutefois, les subventions des intrants et d’autres types de subventions couvrant des dépenses non facturées peuvent ne pas être capturés. 6 La principale différence entre les deux approches est que la couverture intégrale des coûts prend en compte la couverture des projets d’investissement futurs dans le remplacement ou l’améliora- tion significative des capacités de production existantes ainsi que dans l’expansion des capacités. En résumé, l’approche par les besoins de trésorerie n’intègre que l’analyse des aspects connus des mouvements de fonds courants, tandis que l’approche par la couverture intégrale des coûts intègre les investissements à venir et un retour sur investissement à un niveau convenable. La sélection des coûts devant être couverts par les recettes collectées influe sur la fixation des tarifs. L’expérience internationale montre que le degré de couverture des coûts par les paiements des clients dépend en grande partie du niveau de développement du secteur de l’électricité. Le secteur de l’électricité en Afrique est loin d’être mature. La stratégie à moyen et à long termes vise à atteindre des niveaux tarifaires qui couvrent entièrement tous les coûts engagés de façon raisonnable et prudente. Si le chiffre d’affaires est très inférieur aux prévisions, la première prio- rité est de satisfaire à tous les engagements de dépenses. L’approche par les besoins de tréso- rerie réduit l’impact à court terme des investissements sur les tarifs, contraignant l’entreprise à rechercher des financements concessionnels (dons, prêts à faible taux d’intérêt, longs délais de grâce, garanties partielles de risque) pour les investissements importants. Dans les faits, la disponibilité de financements concessionnels pour répondre à la future demande d’électricité est largement insuffisante. Il faut espérer que la croissance économique future augmentera la capacité contributive des clients et qu’elle permettra à terme la couverture intégrale des coûts. La présente étude utilise les deux approches, mais en y apportant quelques modifications en raison des insuffisances des données. Dans le cadre de la première approche, cette étude exclut des besoins de trésorerie les titres de créance et considère que les besoins totaux de trésorerie représentent les dépenses d’exploitation. Dans la deuxième approche, les investissements sont limités à la valeur à neuf en remplacement des actifs à court terme, amortie sur la durée de vie économique de chaque actif ; l’extension des capacités de production n’est pas prise en compte (annexe A). La suite de ce rapport concerne la couverture des dépenses d’exploitation et des investissements tels qu’ainsi définis. À l’aide de données financières sur les opérateurs disponibles dans 39 pays africains, nous avons examiné en détail le degré de couverture des coûts et les possibilités d’accroître la couverture des coûts en améliorant la performance opérationnelle et nous avons exécuté plusieurs scéna- rios d’hypothèses. L’année la plus récente pour laquelle des données étaient disponibles varie de 2010 au Lesotho au premier semestre de 2015 au Kenya et en Zambie, mais la plupart des données datent de 2013 et 2014 (tableau A.1 dans l’annexe A). Comme cette section se concentre sur la viabilité financière des opérateurs, les remboursements d’impôts dont ils bénéficient sont ici exclus des tarifs, des revenus de l’entreprise et des recettes encaissées. Co uve r ture a c tue lle des coût s Dans quelle mesure les coûts sont-ils couverts par les recettes encaissées ? La figure 2 com- pare les encaissements recouvrés sur la facturation avec l’ensemble des coûts de l’électricité fournie (les coûts des ressources) — ventilés entre les dépenses d’exploitation et les dépenses V iabilité financi è re du secteur 7 Figure 2  Comparaison entre les coûts des ressources en électricité et les recettes encaissées en 2014, en dollars par kWh facturé Liberia Comores Sierra Leone São Tomé-et-Principe Cap-Vert Gambie Rwanda Guinée Sénégal Mauritanie Burkina Faso Togo Mali Madagascar Seychelles Bénin Gabon Kenya Botswana Nigeria Côte d’Ivoire Maurice Burundi République centrafricaine Niger Swaziland Congo, Rép. Éthiopie Dépenses Dépenses Moyenne des Tanzanie d’investissement d’exploitation encaissements Malawi recouvrés Cameroun Ouganda Zimbabwe Soudan Ghana Mozambique Afrique du Sud Lesotho Zambie 0 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 Dollars Source : Trimble et al. 2016. d’investissement — par kilowatt heure (kWh) facturé. Les résultats montrent que seuls les Sey- chelles et l’Ouganda ont entièrement couvert leurs dépenses d’exploitation et d’équipement. Les recettes encaissées dans 19 pays couvrent les dépenses d’exploitation, laissant 20 pays dans les- quels les encaissements sont insuffisants pour les couvrir. Parmi les 10 principaux pays dont les coûts unitaires sont les plus élevés, tous, à l’exception de la Guinée et la Sierra Leone, sont for- tement tributaires de la production à base de diesel ou fioul, ce qui est coûteux. Les logarithmes 8 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E de coût unitaire et d’encaissement unitaire sont statistiquement significativement corrélés, avec un coefficient de corrélation de 0,91, ce qui suggère que des opérateurs dont les coûts unitaires sont élevés ont tendance à pratiquer des tarifs élevés et à collecter une part plus élevée des recettes facturées. Une étude de Briceño-Garmendia et Shkaratan (2011) pour l’AICD portant sur un ensemble plus restreint de pays a également constaté qu’aucun pays ne couvre tous les coûts de ses ressources. Quelle est la différence entre les recettes encaissées et le chiffre d’affaires ? Le déficit quasi budgétaire est la différence entre le chiffre d’affaires net d’un secteur de l’électricité efficace capable de couvrir les coûts d’exploitation et les coûts en capital et les recettes nettes encais- sées par les opérateurs. Les résultats de ce calcul sont présentés dans le tableau 1. L’Afrique du Sud affiche le déficit quasi budgétaire le plus élevé en termes absolus, à 11 milliards de dollars. En part du PIB, São Tomé-et-Principe affiche le déficit le plus élevé à 6,1 %, suivi de la Gambie à 5,8 % et du Zimbabwe à 5,2 %. En part de recettes encaissées, l’Éthiopie a le plus fort déficit (408 %), suivie par les Comores (397 %) et la Guinée (354 %). À l’autre extrémité du spectre, les Seychelles et l’Ouganda n’affichent aucun déficit. Le déficit quasi budgétaire en pourcentage des recettes encaissées est positivement corrélé au coût en capital par kWh facturé en utilisant un test avec un seuil de signification de 1 % (ce qui garantit que la probabilité de conclure à tort qu’il existe une Tableau 1  Déficits quasi budgétaires des opérateurs dans le cadre de leurs performances actuelles dans les années de référence par pays % des % des Millions recettes Millions recettes de % du encais- de % du encais- Pays dollars PIB sées Pays dollars PIB sées Afrique du Sud 11 329 3,4 92 Mali 155 1,3 63 Bénin 26 0,3 13 Maurice 51 0,4 12 Botswana 487 3,4 176 Mauritanie 78 1,5 90 Burkina Faso 125 1,0 49 Mozambique 157 0,9 49 Burundi 29 1,0 208 Niger 39 0,5 36 Cameroun 214 0,7 43 Nigeria 2 928 0,5 264 Cap-Vert 28 1,6 39 Ouganda −19 −0,1 −5 Comores 23 4,1 397 République centrafricaine 7 0,4 87 Congo, Rép. 76 0,6 96 Rwanda 78 1,0 86 Côte d’Ivoire 654 1,9 89 São Tomé-et-Principe 21 6,1 293 Éthiopie 636 1,7 408 Sénégal 325 2,2 59 Gabon 66 0,4 19 Seychelles −4 −0,3 −4 Gambie 52 5,8 158 Sierra Leone 33 0,9 123 Ghana 205 0,5 23 Soudan 1 024 1,4 233 Guinée 129 2,1 354 Swaziland 52 1,2 40 Kenya 486 0,8 41 Tanzanie 193 0,3 19 Lesotho 11 0,5 24 Togo 70 1,6 36 Liberia 7 0,4 36 Zambie 317 1,2 49 Madagascar 229 2,2 243 Zimbabwe 643 5,2 94 Malawi 111 2,5 88 Médiane 78 1,0 63 Source : Trimble et al. 2016. Note : Les déficits quasi budgétaires sont exprimés en dollars courants dans l’année de référence. V iabilité financi è re du secteur 9 différence statistiquement significative de corrélation non-nulle — alors qu’en réalité il n’y en a pas — est de 1 % ou moins) ; ceci suggère que plus le coût en capital est élevé plus le déficit sur les recettes encaissées est fort. Les données disponibles dans 16 pays ont permis d’estimer la façon dont les déficits quasi budgé- taires se répartissent entre les différentes catégories de clients en utilisant des hypothèses sim- plifiées. La part de chaque catégorie de consommation dans les déficits quasi budgétaires suit de près le niveau d’électricité consommée (kWh), sauf pour les ménages et l’industrie. Les ménages consomment 38 % du volume total d’électricité facturée, mais représentent 42 % des déficits, alors que l’industrie consomme 33 % de l’électricité facturée, mais ne représente que 26 % des déficits ; ceci révèle les subventions croisées marginales des ménages par l’industrie. Couve r ture des coût s a u nivea u de p e r form a n ce de réfé re nce Pour comprendre quels sont les avantages qui peuvent être tirés d’une amélioration de la perfor- mance opérationnelle, les déficits quasi budgétaires ont également été estimés dans une hypo- thèse d’exploitation performante. La définition d’une exploitation performante — également désignée comme la performance de référence — est la suivante : ⦁⦁ Des pertes de transport et de distribution (techniques et commerciales) de 10 % ou moins de l’électricité dispatchée ⦁⦁ Un taux de recouvrement des factures de 100 % ⦁⦁ Le même niveau d’effectif que dans des entreprises comparables d’Amérique latine À l’inverse, les opérateurs inefficaces souffrent de pertes de transport et de distribution, de pertes dans le recouvrement des factures et de sureffectifs. Le déficit par rapport à la perfor- mance de référence est identique à l’ampleur de la sous-tarification en l’absence d’une optimi- sation du mix de production et d’autres mesures de réduction des coûts, telles qu’une hausse des importations d’électricité moins coûteuse (annexe A). La figure 3 montre quelle peut être la réduction des déficits quasi budgétaires en cas d’atteinte de l’objectif de performance de réfé- rence. Les résultats sont présentés en pourcentage du PIB au cours de l’année de référence. Onze autres pays, outre les Seychelles et l’Ouganda, ont totalement supprimé les déficits quasi budgé- taires, portant le nombre total de pays à couverture totale des coûts à 13. Toutefois, il ne s’ensuit pas automatiquement que ces pays peuvent réduire les tarifs alors que leurs opérateurs ont atteint la performance de référence, parce que les pertes et les sureffectifs ne peuvent pas être éliminés sans coûts supplémentaires. D’où provient le déficit quasi budgétaire dans chaque pays ? Les différences du déficit quasi bud- gétaire entre la performance d’exploitation constatée et la performance de référence sont très marquées. Pour comprendre les facteurs influant sur le déficit quasi  budgétaire dans chaque pays, le déficit est décomposé en quatre composantes ou coûts cachés. Trois d’entre elles sont des pertes résultant des insuffisances dans la conduite des opérations : pertes de transport et 10 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Figure 3  Comparaison des déficits quasi budgétaires des opérateurs en performance actuelle et en performance de référence dans les années de référence par pays Botswana Afrique du Sud Zimbabwe Soudan Gambie Malawi Éthiopie Sénégal Guinée Comores Zambie São Tomé-et-Principe Swaziland Côte d’Ivoire Mali Burkina Faso Rwanda Burundi Madagascar Mauritanie Kenya Lesotho Nigeria Mozambique Sierra Leone Liberia Performance actuelle Performance de référence Maurice Cameroun Tanzanie Niger Congo, Rép. République centrafricaine Ghana Gabon Bénin Cap-Vert Ouganda Togo Seychelles − , , , , , , , , , , , , , , , En % du PIB de l’année de référence Source : Trimble et al. 2016. de distribution, pertes de recouvrement des factures et sureffectif. La quatrième composante est la sous-tarification (annexe  A). L’existence d’une sous-tarification n’appelle pas nécessaire- ment à des hausses des tarifs sur le long terme, car il peut y avoir d’autres raisons qui conduisent à des coûts trop élevés. En l’absence d’un plan à long terme d’optimisation sectorielle et de déve- loppement au moindre coût, le mix de production peut être sous-optimal, trop dépendant des V iabilité financi è re du secteur 11 sources de production locales coûteuses. Une optimisation du mix de production combinée à des échanges transfrontaliers exigerait des investissements et pourrait prendre de nombreuses années avant que de nouvelles centrales et leurs infrastructures connexes de transport et de distribution ne soient mises en service. Le calcul des économies réalisées grâce à la mise en œuvre d’un plan de développement au moindre coût n’entre pas dans le cadre de cette étude. Dans l’ensemble de la région, la sous-tarification (qui équivaut au déficit quasi budgétaire en performance de référence dans la figure 3) est la principale composante des déficits quasi bud- gétaires dans 19 pays. Hors Afrique du Sud, les pertes de transport et de distribution sont au deuxième rang, suivies par les pertes liées au recouvrement des factures (figure 4). Figure 4  Ventilation des coûts cachés en Afrique Afrique hors Afrique 40 30 20 10 du Sud Afrique du Sud 81 4 15 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Pourcentage Sous-tarification Pertes de transport et distribution Pertes sur le recouvrement des factures Sureffectifs Source : Trimble et al. 2016. La figure 5 affiche les résultats de l’analyse de la décomposition par pays. Les trois composantes autres que la sous-tarification sont largement contrôlées par les opérateurs. Dans 14 pays, les pertes de transport et de distribution supérieures à 10 % représentent la plus grande part des pertes. Si  4  pays affichent des pertes inférieures à  10  %, dans  24  pays elles dépassent  20  %, dans 8 pays elles sont supérieures à 30 % et enfin, dans 4 pays, supérieures à 40 %. Les pertes les plus élevées se trouvent en République centrafricaine, à 48 %. Sans surprise, les opérateurs affichant des pertes de transport et de distribution élevées tendent à avoir des pertes sur le recouvrement des factures élevées, ce qui tend à démontrer que les défaillances de la gestion se traduisent par de fortes pertes tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Sur les 39 pays, 13 ont des taux de recouvrement des factures de plus de 95 %, et 10 des taux de recouvrement inférieurs à 80 % ; les Comores, avec un taux de recouvrement des factures de 58 %, sont au dernier rang. Existe-t-il une compensation réciproque entre les déficits quasi budgétaires et l’accès à l’élec- tricité ? Les pays dont les programmes d’électrification sont ambitieux sont-ils exposés à d’im- portants déficits ? Les pays pauvres ont-ils tendance à avoir des déficits élevés parce qu’ils n’ont pas les fonds nécessaires, ou ont-ils tendance à avoir de faibles déficits parce qu’ils ne peuvent en aucun cas se permettre d’avoir des déficits quasi budgétaires élevés ? Pour étudier ces questions, six mesures des déficits quasi budgétaires — déficits quasi budgétaires en performance actuelle et en performance de référence en pourcentage du PIB, du chiffre d’affaires et des recettes encaissées — ont été examinées en fonction de leurs relations avec le PIB par habitant, le taux 12 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Figure 5  La décomposition des déficits quasi budgétaires en Afrique dans l’année de référence Afrique du Sud Bénin Botswana Burkina Faso Burundi Cameroun Cap-Vert Comores Congo, Rép. Côte d’Ivoire Éthiopie Gabon Gambie Ghana Guinée Kenya Lesotho Liberia Madagascar Malawi Mali Maurice Mauritanie Mozambique Niger Nigeria Ouganda République centrafricaine Rwanda São Tomé-et-Principe Sénégal Seychelles Sierra Leone Soudan Swaziland Tanzanie Togo Zambie Zimbabwe −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 % du PIB nominal dans l’année de référence Sous-tarification Pertes de transport et distribution Pertes sur le recouvrement des factures Sureffectifs Source : Trimble et al. 2016. Note : Les données d’analyse du niveau des effectifs sont manquantes pour le Lesotho, le Nigeria et le Soudan. V iabilité financi è re du secteur 13 d’accès à l’électricité et l’écart de pauvreté1. Aucune de ces dernières variables n’est statistique- ment corrélée avec les mesures des déficits quasi budgétaires en cas d’utilisation d’un test avec un seuil de signification de 5 %. Il y a donc guère de signes d’une compensation réciproque entre les déficits quasi budgétaires et l’accès à l’électricité, ou d’une relation entre les déficits et le niveau de développement économique ou la profondeur de la pauvreté. Im pa c t des p rix d u p é t role e t de l a sé ch e resse Les tendances récentes des prix du pétrole et les variations des précipitations peuvent amé- liorer ou aggraver la viabilité financière des opérateurs. L’étude a examiné les effets potentiels de ces phénomènes sur les déficits quasi budgétaires. L’effet des prix du pétrole sur les déficits quasi budgétaires dépend du prix du pétrole dans l’année de référence et de la quantité d’élec- tricité produite à partir du pétrole. Quelle aurait été l’ampleur des économies réalisables si l’ef- fondrement du cours mondial du pétrole depuis la fin de 2014 s’était produite au cours de l’année de référence utilisée pour la présente analyse ? Quant aux précipitations, les pays n’ont pas tous des centrales hydroélectriques dans leur mix énergétique. L’effet de la sécheresse est fonction de la part de l’électricité produite à partir d’énergie hydraulique, et de la façon dont la perte sera remplacée. Pour simplifier, cette étude suppose que la perte de production d’électricité due à la sécheresse sera remplacée par des capacités de production de secours en location avec un coût de 0,20 dollar par kWh. Cette hypothèse correspond à la situation de sécheresse en Afrique aus- trale en 2015 et 2016 qui a contraint la Zambie et le Zimbabwe à recourir à des locations courtes de capacités de production d’électricité coûteuses pour compenser le déficit hydroélectrique. Quelles seront les ressources financières supplémentaires dont auront besoin les opérateurs si la variabilité accrue du climat conduit à plus de sécheresse ? La figure 6 montre quel est l’impact dans les différents pays quand les effets respectifs de la sécheresse et de l’effondrement du prix du pétrole dépassent 10 % des déficits quasi budgétaires actuels. Une hypothèse basée sur le prix moyen des produits pétroliers en 2015 et sur une réduc- tion de 30 % de la production d’hydroélectricité a été retenue et appliquée à l’année de référence de chaque pays pour établir ce graphique. Par ailleurs, il a été supposé que tous les opérateurs ont acheté leur diesel et fioul à des prix liés à ceux du marché mondial. Si un opérateur a bénéficié d’une subvention des prix du pétrole, les économies qu’il en tire seront moindres. La baisse du prix du pétrole élimine le déficit quasi budgétaire de Maurice (où l’année de référence est l’année civile 2013), tandis que le déficit est réduit de 84 % au Cap-Vert (année civile 2012) et de 82 % au Liberia (juillet 2013 - juin 2014). En République centrafricaine, au Ghana, au Lesotho, au Mozambique, en Ouganda et en Zambie le déficit quasi budgétaire est plus que doublé si des locations de capacité remplacent 30 % de l’énergie hydroélectrique. 1 Le PIB par habitant est évalué à la fois au taux de change du marché et à la parité de pouvoir d’achat. L’écart de pauvreté se situe à 3,10 dollars par personne par jour. Des données incomplètes contraignent à réduire l’échantillon de 39 à 18 pays dans l’analyse à partir de l’écart de pauvreté. 14 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Figure 6  Impacts par pays de la réduction du prix du pétrole à son niveau de 2015 et d’une réduction de 30 % de l’hydroélectricité sur le déficit quasi budgétaire dans l’année de référence de chaque pays Burkina Faso Burundi Cameroun Cap-Vert Comores Congo, Rép. Côte d’Ivoire Éthiopie Gabon Gambie Ghana Guinée Kenya Lesotho Liberia Madagascar Malawi Mali Maurice Mauritanie Mozambique Niger Ouganda République centrafricaine Rwanda São Tomé-et-Principe Sénégal Seychelles Sierra Leone Soudan Swaziland Tanzanie Togo Zambie Zimbabwe −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 % du PIB dans l’année de référence Déficit quasi Déficit avec prix Déficit avec réduction de 30 % budgétaire courant du pétrole 2015 de l’énergie hydroélectrique Source : Trimble et al. 2016. Note : Les trois barres représentent i) le déficit quasi budgétaire dans le cadre de performance actuel ; ii) le déficit après réé- valuation au prix du pétrole de 2015 ; et iii) le déficit après réévaluation en supposant une réduction de 30 % de la produc- tion hydroélectrique, ces calculs reposant tous sur les données de l’année de référence particulière de chaque pays. Dans les pays où les effets du pétrole et de l’hydroélectricité ont été étudiés, l’impact du prix du pétrole est évalué en premier, et l’effet de la baisse de la production d’origine hydroélectrique est ajouté ensuite. La différence dans les déficits quasi bud- gétaires en pourcentage du PIB entre l’hydroélectricité et le pétrole correspond à l’effet isolé de la seule réduction de l’hydroélectricité sur le déficit. Les données sur la production à base de pétrole à Madagascar n’étaient pas disponibles. V iabilité financi è re du secteur 15 Te nd a nces gé né r a les des déf icit s qu asi  budgét aires Des données sur trois ans ou plus sont disponibles dans  23  pays. Généralement, les déficits quasi budgétaires évoluent de manière cohérente au fil du temps dans les différents pays (amé- lioration, dégradation, ou maintien). La plupart des pays avec de faibles déficits quasi  budgé- taires les voient diminuer ou se stabiliser au fil du temps ; la plupart de ceux qui ont des déficits quasi budgétaires élevés les voir se maintenir constamment à un niveau élevé. Des augmentations des tarifs combinées à une amélioration des performances ont contribué à réduire les déficits quasi budgétaires aux Seychelles, en Tanzanie et en Ouganda. Toutefois, les comparaisons entre pays dans l’ensemble de la région ne laissent pas prévoir de baisse des déficits quasi budgétaires. En résumé, seuls deux pays couvrent tous les coûts dans le secteur de l’électricité dans l’année de référence de l’analyse, tandis qu’un grand nombre ne sont même pas en mesure de couvrir les dépenses d’exploitation. En l’absence d’une amélioration de la performance financière, les opé- rateurs ne peuvent pas se permettre de maintenir ou d’introduire des subventions pour rendre l’électricité abordable pour les pauvres, à moins de restructurer profondément les subventions avec un ciblage beaucoup plus pointu, d’accroître les subventions croisées en faveur des pauvres, d’augmenter les déficits quasi  budgétaires, ou de mettre en œuvre une combinaison de ces mesures. Dans le contexte actuel de hausse de la demande, la réduction des pertes n’est guère capable d’éliminer à elle seule les coupures de courant dans beaucoup de pays. Le manque de capacité de production appelle à faire des investissements dans de nouvelles capacités, or les entreprises qui affichent des déficits aussi importants ne sont pas en posture de pouvoir enga- ger des investissements. En particulier, les risques élevés associés aux activités financières de ces opérateurs risquent d’induire un coût très élevé du capital. Les coupures de courant causées par l’incapacité de payer les carburants — le gaz naturel par exemple au Ghana et au Nigeria — seront tout aussi difficiles à combattre tant que les recettes encaissées ne sont pas suffisantes pour couvrir les paiements des factures de carburant. 16 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Utilisation résidentielle de l’électricité L ’utilisation résidentielle de l’électricité en Afrique reflète la faible consommation d’électricité dans l’économie. Les taux d’accès à l’électricité sont bas pour différentes raisons : les ménages estiment que les coûts de branchement, voire la facture mensuelle, sont trop élevés ; le manque de fiabilité de la distribution d’électricité n’incite guère à se raccorder au réseau ; et un grand nombre d’habitants vit dans des zones où il n’y a pas de réseau d’électricité. Pour surmonter le défi de l’abordabilité, des subventions supplémentaires seraient nécessaires, ce qui pose la ques- tion de l’abordabilité de telles subventions pour les opérateurs. Afin de quantifier ces questions, cette section aborde les points suivants : ⦁⦁ De quelle manière l’accès à l’électricité est-il affecté par le revenu et le lieu de résidence ? ⦁⦁ Dans quelle mesure les tarifs de l’électricité sont-ils abordables pour les ménages ? L’abor- dabilité et l’accès à l’électricité sont-ils fortement corrélés  ? Existe-t-il des facteurs qui risquent de biaiser les calculs de l’abordabilité basés sur les grilles tarifaires ? Que faut-il faire pour que le prix de l’électricité en réseau soit abordable pour tous les ménages ? ⦁⦁ Comment se comparent les habitudes de dépenses observées aux factures mensuelles d’une consommation de subsistance d’électricité ? ⦁⦁ Existe-t-il des données objectives permettant de savoir si les ménages dirigés par une femme sont plus, ou moins, susceptibles d’utiliser l’électricité que ceux qui sont dirigés par un homme ? Voulant répondre à ces questions, cette étude a utilisé les grilles tarifaires en vigueur en juil- let 2014 dans 39 pays (dont 33 ont été étudiés dans l’analyse du déficit quasi budgétaire) et les enquêtes nationales sur les dépenses des ménages réalisées depuis  2008 dans  22  pays. Les sources de données et la méthodologie sont décrites à l’annexe B. Accès à l ’é le c t ricité et a bord a bilité Les questionnaires d’enquête varient d’un pays à l’autre, de même que le niveau de détail dispo- nible pour permettre de tirer des conclusions sur le type d’électricité (raccord au réseau, auto- production, panneaux solaires) utilisée par les ménages interrogés. Les taux d’accès à l’électricité par zone, quintile de revenu et situation de pauvreté sont présentés dans le tableau 2, en utilisant 17 Tableau 2  Pourcentage de personnes ayant accès à l’électricité en utilisant la définition la plus large de l’accès Personnes considérées Population totale comme pauvres Quintile Quintile Zone Zone inférieur supérieur Zone Zone Pays urbaine rurale Total (Q1) (Q5) urbaine rurale Total Afrique du Sud 94 81 89 78 99 87 77 81 Angola 75 14 47 8 85 40 6 16 Botswana 63 23 46 15 79 42 11 25 Burkina Faso 47 3 13 2 38 14 2 3 Côte d’Ivoire 88 31 57 41 38 14 2 3 Éthiopie 96 12 22 7 45 86 6 10 Ghana 89 47 68 37 91 74 32 41 Madagascar 38 6 12 1 44 12 3 4 Malawi 38 4 9 1 31 8 0 1 Mali 92 57 65 49 80 86 50 52 Mozambique 47 2 16 1 51 11 1 2 Niger 61 6 15 2 47 20 3 4 Nigeria 93 48 64 33 88 88 38 48 Ouganda 39 7 15 3 42 6 4 4 Rwanda 48 6 12 1 46 6 1 1 São Tomé-et-Principe 69 48 59 49 72 62 44 53 Sénégal 93 32 59 36 84 84 26 44 Sierra Leone 42 2 17 3 43 25 1 8 Swaziland 70 30 40 4 83 45 16 19 Tanzanie 52 9 20 4 58 7 4 4 Togo 80 10 37 6 76 65 6 19 Zambie 59 16 31 8 78 19 11 12 Médiane 66 13 34 7 65 33 6 11 Source : Analyse des enquêtes auprès des ménages des services de la Banque mondiale. Note : Les quintiles inférieur et supérieur se réfèrent au quintile de revenu le plus bas et au quintile de revenu le plus élevé. L’accès à l’électricité tel que défini ici comprend ceux qui déclarent être raccordés au réseau ; ceux qui utilisent l’électricité distribuée par le réseau, des générateurs, des panneaux solaires, ou l’énergie solaire comme leur principale source d’énergie pour l’éclairage ou la cuisson ; ceux qui possèdent des générateurs ou des panneaux solaires ; et ceux qui indiquent que leurs dépenses en électricité sont supérieures à zéro. la définition la plus large de l’accès à l’électricité (niveau 5 ; voir l’annexe B). En raison d’un manque de données sur le revenu, la dépense totale du ménage utilisée dans les calculs des statistiques officielles de la pauvreté sert de variable de substitution pour le revenu dans la présente étude. Les conclusions sur l’accès à l’électricité sont conformes aux observations largement acceptées : le pourcentage de la population utilisant l’électricité reste faible en Afrique, la consommation d’électricité est beaucoup plus répandue dans les zones urbaines que rurales, et l’adoption de l’électricité et les quantités consommées augmentent très nettement avec le revenu. Que coûterait un accès abordable à l’électricité pour tous ? La réponse à cette question dépend de la quantité d’électricité consommée et de ce qui est considéré comme abordable. La présente étude définit l’abordabilité de l’électricité en se basant sur le niveau de subsistance (encadré 1) 18 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Encadré 1  Consommation de subsistance et définition de la pauvreté énergétique Le cadre élaboré par l’Initiative Énergie durable pour tous en vue de définir et de mesurer l’accès à l’énergie estime que le niveau de consommation de subsistance pour de l’électricité fournie par le réseau s’établit à 30 kWh par mois ; il considère le prix de l’électricité comme abordable si, pour une consommation mensuelle de 30 kWh, un ménage ne paye pas plus de 5 % de son revenu mensuel (Banque mondiale et AIE, 2015). En conséquence, les pauvres en situation de « pauvreté énergétique » sont définis dans la présente étude comme ceux qui vivent dans des ménages ayant un accès poten- tiel au réseau pour lesquels le prix d’une consommation mensuelle de 30 kWh est inabordable. Par exemple, si l’achat de 30 kWh coûte 5 dollars, le revenu mensuel du ménage minimal nécessaire pour payer l’électricité sera de 100 dollars : ainsi, toutes les personnes vivant dans des ménages dont le revenu combiné est inférieur à 100 dollars sont classées dans la catégorie de pauvreté énergétique. L’indice numérique de pauvreté énergétique est la proportion de la population d’un pays en situation de pauvreté énergétique. Cet indice précise qui est en situation de pauvreté énergétique, mais ne donne pas d’indication sur le niveau de pauvreté. Pour évaluer la profondeur de la pauvreté, l’écart de pauvreté énergétique (des ménages raccordés au réseau) doit être calculé  : il mesure la diffé- rence entre la facture mensuelle d’électricité qui dépasse 5 % du revenu d’un ménage et le montant que représente 5 % des revenus du ménage, cet écart étant exprimé en pourcentage de la facture du ménage. La somme des écarts de pauvreté énergétique de l’ensemble de cette catégorie de ménages (multipliée par la facture mensuelle de 30 kWh) indique quel est le montant de la sub- vention nécessaire pour permettre à chacun d’accéder au niveau de consommation de subsistance d’électricité, en supposant que les transferts de subvention peuvent être parfaitement ciblés. Ainsi, par exemple, si chaque ménage dans un pays gagne 60 dollars par mois, une dépense men- suelle de 5 dollars pour l’électricité ne peut pas être considérée comme abordable (5 % de 60 dollars = 3 dollars). Dans cette hypothèse, toute la population est énergétiquement pauvre et l’indice numé- rique de pauvreté énergétique atteint 100 %. Mais l’écart de pauvreté est de 40 %. Il est obtenu en divisant 2 dollars (la différence entre 5 dollars et 3 dollars) par 5 dollars qui correspondent à la facture mensuelle pour 30 kWh. L’écart de pauvreté n’atteindrait 100 % que dans un cas de figure où chaque personne dans un ménage n’a aucun revenu. La subvention hypothétique nécessaire pour rendre l’électricité abordable pour l’ensemble de la population serait de 2 dollars par ménage, multipliée par le nombre total de ménages dans le pays. c’est-à-dire un maximum de 5 % du revenu mensuel du ménage utilisé pour payer une consom- mation de 30 kWh par mois. Le tableau 3 présente les résultats des calculs estimant le montant des subventions nécessaires pour permettre à tous les ménages dans le pays de ne pas consacrer plus de 5 % de leurs revenus à l’achat de 30 kWh par mois. Ces hypothèses de subventions se réfèrent à un monde parfait dans lequel il est possible d’obtenir un ciblage précis des subventions, ajusté pour chaque individu dans chaque ménage. Les pays sont classés en ordre décroissant de l’écart de pauvreté énergé- tique (personnes raccordées au réseau). U tilisation résidentiellede l’ électricité 19 Tableau 3  Statistiques relatives aux pauvres en situation de pauvreté énergétique, à l’accès à l’électricité et aux subventions dans un cadre de consommation mensuelle de 30 kWh Subvention nécessaire Subventiona % de pauvreté Accès à 30 kWh en % de (millions de Indice l’élec- en % du Recettes dollars) numé- tricité revenu du encais- Zone Zone Pays Écart rique (%) ménage DQB sées PIB urbaine rurale Madagascar 30 71 11 9,6 2,6 6,4 0,06 0 0 Rwanda 27 63 11 8,9 7,3 6,3 0,08 0 1 Burkina Faso 24 60 11 8,8 7,2 3,5 0,07 14 58 Togo 15 39 34 6,9 2,6 0,9 0,04 1 2 Sierra Leone 9 33 13 5,1 2,7 3,4 0,02 0 1 Zambie 7 24 22 4,1 0,3 0,2 0,00 0 1 Ouganda 7 22 9 4,4 −2,1 0,1 0,02 10 60 Botswana 5 12 43 3,7 0,0 0,0 0,00 0 1 Sénégal 2 8 53 2,9 0,1 0,1 0,00 0 0 Niger 2 10 10 3,6 1,8 0,7 0,01 0 1 Swaziland 2 3,2 38 1,9 0,0 0,0 0,00 0 7 Mozambique 1,4 4,6 15 2,3 0,1 0,1 0,00 0 0 Côte d’Ivoire 0,9 2,5 57 1,8 0,0 0,0 0,00 5 61 Malawi 0,6 2,9 9 2,2 0,1 0,1 0,00 0 0 Tanzanie 0,6 2,5 16 1,9 0,2 0,0 0,00 1 4 Ghana 0,3 1,1 66 1,4 0,1 0,0 0,00 2 10 Afrique du Sud 0,2 0,9 87 1,2 0,0 0,0 0,00 1 1 Éthiopie 0,2 0,8 19 1,3 0,0 0,0 0,00 0 0 São Tomé-et-Principe 0,2 0,9 56 1,7 0,0 0,0 0,00 0 0 Mali 0,1 0,4 22 1,4 0,0 0,0 0,00 4 15 Nigeria 0,0 0,0 56 0,3 0,0 0,0 0,00 6 44 Angola 0,0 0,0 41 0,1 — — — 1 12 Source : Kojima et al. 2016. Note : Un coefficient de pondération de la population est utilisé pour mesurer le nombre des pauvres en situation de pauvreté énergétique et l’accès à l’électricité, et un coefficient de pondération des ménages pour mesurer les autres variables. Les subventions sont les montants nécessaires pour compenser la différence entre une facture mensuelle de 30 kWh et le montant que représente 5 % du revenu total du ménage pour tous les ménages où la différence est positive. Lorsqu’il y a plusieurs grilles tarifaires applicables à une consommation de 30 kWh, c’est la facture mensuelle la plus basse — tous impôts et charges applicables inclus — qui est sélectionnée. L’accès à l’électricité désigne le taux d’accès des ménages à l’électricité distribuée par le réseau ou, lorsque les informations sur le raccordement au réseau ne sont pas disponibles, à l’électricité, sans prendre en compte les batteries, l’énergie solaire ni les générateurs de secours (s’ils ont été comptabilisés séparément dans l’enquête). DQB = déficit quasi budgétaire ; — = non disponible. a. Subvention annuelle nécessaire en millions de dollars courants dans l’année de l’enquête, ou si les tarifs sont entrés en vigueur plus tard, la première année d’application des tarifs. Comme prévu, les classements de l’écart de pauvreté énergétique et de l’indice numérique de pauvreté énergétique sont semblables. L’accès à l’électricité a tendance à augmenter avec la diminution de la pauvreté énergétique mais la relation n’est pas forte ; elle est faible aux niveaux inférieurs de l’écart de pauvreté énergétique et de l’indice numérique de pauvreté énergétique. En prenant comme exemple les 10 derniers pays du tableau, les factures mensuelles de 30 kWh sont abordables pour plus de 97 % de l’ensemble des populations, mais certains pays — l’Éthiopie, le Malawi, le Mali et la Tanzanie — ont de faibles taux d’accès, allant de 22 % à 9 % de la population. 20 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Les subventions supplémentaires nécessaires qui rendraient abordable le niveau de consomma- tion d’électricité de subsistance pour tous les ménages dans les pays sont étonnamment faibles dans le cadre des tarifs actuellement en vigueur. Elles ne représenteraient que 6 % des recettes encaissées par les opérateurs. Dans la pratique, les tarifs actuels sont presque toujours trop bas pour pouvoir étendre le réseau électrique et raccorder chaque ménage rural. Le coût par kWh livré serait beaucoup plus élevé que dans le système actuel et pourrait également être supérieur à ce qu’offrent les mini-réseaux et les autres techniques de production hors réseau. En Afrique, où 63 % de la population totale vit en milieu rural, la base de clientèle nécessaire pour interfinan- cer les ménages ruraux par d’autres catégories de clients n’est pas suffisamment importante. Pour ces raisons, les indicateurs de pauvreté énergétique et les estimations des subventions nécessaires basées sur les tarifs actuels sont moins susceptibles d’être applicables aux zones rurales. Celles-ci sont mieux adaptées à l’électrification hors réseau (bien que le niveau de ser- vice dans les systèmes hors-réseau soit inférieur à celui qu’offrent les services du réseau). Dans l’hypothèse où de nombreux ménages seront servis par l’électrification hors réseau, le niveau de subvention requis pour l’électrification du réseau diminuerait, en revanche les subventions nécessaires à l’électrification hors réseau pourraient être substantielles. Les subventions néces- saires pour rendre l’électricité abordable pour tous les ménages urbains plafonnent à un niveau plus bas. Pour eux, les subventions annuelles supplémentaires nécessaires seraient inférieures à 1 million de dollars dans 15 pays et à 5 millions de dollars dans 19 pays. Même dans l’hypothèse maximum, ceci représente moins de 1 % des recettes encaissées par les opérateurs. Parmi les  10 premiers pays figurant dans le tableau 3, seuls le Niger, le Togo et l’Ouganda ne souffrent pas d’une sous-tarification. En d’autres termes, ils disposent d’un espace budgétaire suffisant pour appliquer des tarifs plus élevés aux clients aisés ou grands consommateurs et ainsi interfinancer par des subventions croisées les ménages dans le besoin. Tous les autres pays resteront en situation de sous-tarification, même après avoir atteint la performance de réfé- rence en matière d’efficacité opérationnelle. Les déficits quasi budgétaires actuels ne sont pas insignifiants dans les trois premiers pays : 2,2 % du PIB à Madagascar, et 1,0 % au Burkina Faso et au Rwanda. Ces constatations mettent en lumière les défis auxquels font face les pays avec des écarts de pauvreté énergétique élevés et des taux d’accès à l’électricité faibles. Quel est le coût d’un branchement au réseau ? En analysant l’abordabilité, il est aussi important d’examiner le coût initial de l’accès aux services du réseau facturé aux ménages. La figure 7 offre une comparaison entre la facture mensuelle la plus basse pour 30 kWh et les frais de branche- ment les plus bas existants, exprimés en pourcentage du revenu mensuel du ménage. Les pays dans lesquels une consommation mensuelle de 30 kWh est déjà trop coûteuse pour les pauvres ont tendance à avoir des frais de branchement élevés. Le coefficient de corrélation entre les parts des dépenses de la consommation mensuelle d’électricité et des coûts de branchement les plus bas s’élève à 0,58 (ce qui est statistiquement significatif dans un test avec un seuil de signi- fication de 5 %). Madagascar, où les frais de raccordement les plus bas s’élèvent à 165 dollars et la facture pour 30 kWh à 3,70 dollars, arrive en tête dans tous les cas de figure : écart de pauvreté énergétique (ménages raccordés au réseau), indice numérique de pauvreté énergétique et part du revenu du ménage consacrée à la facturation mensuelle et aux frais de branchement. U tilisation résidentiellede l’ électricité 21 Figure 7  Facture mensuelle pour 30 kWh et frais de branchement en pourcentage du revenu mensuel du ménage 10 400 Facture mensuelle, % du revenu mensuel Frais de branchement, % du revenu mensuel Facture mensuelle Frais de branchement 9 360 8 320 7 280 6 240 5 200 4 160 3 120 2 80 1 40 0 0 Afrique du Sud Madagascar Niger Angola Botswana Burkina Faso Côte d’Ivoire Éthiopie Ghana Malawi Mali Mozambique Nigeria Ouganda Rwanda São Tomé-et-Principe Sénégal Sierra Leone Swaziland Tanzanie Togo Zambie Source : Kojima et al. 2016. Note : Des coefficients de pondération des ménages sont utilisés pour les calculs. Au Nigeria, le coût des matériels nécessaires est facturé aux ménages. En Afrique du Sud, les ménages peuvent être exemptés des frais de branchement et de la facture mensuelle en fonction de critères variant selon la commune de résidence. Si l’abordabilité est définie par un niveau de consommation de subsistance de 30 kWh par mois, la mesure de la pauvreté énergétique peut être calculée pour une consommation mensuelle. Les résultats de ces calculs donnent une idée du nombre de personnes capables d’acheter des quan- tités variables d’électricité et des subventions nécessaires pour rendre ces montants abordables pour tous les ménages dans une hypothèse de ciblage parfait. Quelle est la mesure de la pauvreté énergétique, le cas échéant, la mieux corrélée avec l’accès à l’électricité ? Bien que les mesures de la pauvreté énergétique à 30 kWh par mois semblent être l’indicateur d’abordabilité le plus direct, la variance considérable des taux d’accès à l’électricité à des niveaux de grande pauvreté énergétique suggère que ce n’est pas le cas. Les taux d’accès vont de 9 % à 87 % pour des indicateurs de pauvreté énergétique inférieurs à 3 %, ce qui ne per- met pas de conclure à une relation significative entre les deux variables. L’examen des relations entre l’accès et les deux mesures de la pauvreté montre que l’écart de pauvreté à 250 kWh et l’indice numérique de pauvreté à 100 kWh sont les meilleurs prédicteurs de l’accès à l’électricité. Même ainsi, la puissance de prédiction est très éloignée de celle obtenue en considérant l’écart de pauvreté tel que mesuré à 3,10 dollars par personne et par jour. Des indicateurs de pauvreté énergétique élevés signalent que le revenu est trop faible par rapport aux tarifs en vigueur. Face à l’incapacité de tant de ménages à payer pour l’électricité, les autorités de régulation peuvent-elles maintenir les tarifs à un niveau relativement bas par 22 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E rapport à ce qu’ils devraient être, même si, ce faisant les déficits quasi budgétaires  augmen- tent ? Une façon de vérifier cette question est d’examiner les relations entre les indicateurs de pauvreté énergétique et les déficits quasi budgétaires. Les statistiques de corrélation montrent que les indicateurs de la pauvreté énergétique pour 30 kWh ne sont pas bien corrélés avec les déficits quasi budgétaires, ce qui suggère que de rendre le niveau de consommation d’électricité de subsistance abordable n’est pas un facteur de déficit. La sous-valorisation des tarifs (déficits quasi budgétaires en performance de référence) présente les coefficients de corrélation les plus élevés avec les indicateurs de pauvreté énergétique, mais à des volumes de consommation lar- gement supérieurs au niveau de subsistance : les coefficients de corrélation les plus élevés cor- respondent à l’indice numérique de pauvreté énergétique à 250 kWh, suivi par l’écart de pauvreté énergétique à 250 kWh et par l’indice numérique de pauvreté énergétique à 100 kWh. Dans tous les cas, le signal est négatif, comme prévu : plus le degré de sous-tarification par rapport au PIB, aux factures envoyées ou aux recettes encaissées est faible, plus l’électricité devient inabordable en fonction de l’augmentation de la consommation. Comment les factures mensuelles pour 30 kWh se comparent-elles aux dépenses réelles des ménages ? La figure 8 compare les dépenses réelles d’électricité avec le coût de la consomma- tion de 30 kWh par mois. Les statistiques se limitent aux ménages qui déclarent des dépenses d’électricité positives ; la part des dépenses réelles d’électricité serait très inférieure si elle était Figure 8  Les dépenses d’électricité en pourcentage du revenu mensuel du ménage 12 Tous clients Clients classés officiellement Coût de 30 kWh % du revenu mensuel du ménage comme pauvres par mois 10 8 5% 6 4 2 0 Afrique du Sud Madagascar Niger Angola Botswana Burkina Faso Côte d’Ivoire Éthiopie Ghana Malawi Mali Mozambique Nigeria Ouganda Rwanda São Tomé-et-Principe Sénégal Sierra Leone Swaziland Tanzanie Togo Zambie Source : Kojima et al. 2016. Note : Des coefficients de pondération des ménages sont utilisés dans les calculs. Les trois ensembles de données ont été limités aux ménages qui ont déclaré des dépenses positives d’électricité, en incluant les générateurs solaires et les générateurs de secours, mais en excluant les piles ou les lampes alimentées au kérosène ou au gaz de pétrole liquéfié. Ceux qui ont indiqué des valeurs pour l’électricité gratuite sont exclus. Les pauvres sont définis en fonction de la défi- nition officielle de la pauvreté établie par les gouvernements respectifs. U tilisation résidentiellede l’ électricité 23 calculée en moyenne sur l’ensemble des ménages, car un grand nombre d’entre eux n’utilisent pas d’électricité et ont déclaré n’avoir aucune dépense d’électricité. Pour diverses raisons, le montant du dépassement de la part des dépenses effectives d’élec- tricité par rapport à la part des dépenses à  30  kWh n’est pas nécessairement une indication du supplément de consommation des ménages. Mis à part les erreurs de mémoire — dans un sondage comportant des centaines de questions, dont une seule concerne les dépenses d’élec- tricité, la réponse donnée présente une large marge d’erreur — de nombreux ménages pauvres n’ont pas accès au tarif le plus bas pour 30 kWh. Le Nigeria est un cas extrême, avec la moitié des consommateurs dépourvus de compteurs et peu de ménages pouvant bénéficier du tarif social exceptionnellement bas pour les pauvres. Comme indiqué ci-dessous, les raccordements mul- tiples à un seul compteur sont répandus dans de nombreux pays africains, privant les consom- mateurs des avantages des blocs tarifaires croissants. Le Botswana, le Swaziland et la Zambie se distinguent par des parts de dépense moyenne d’électricité dépassant largement 5 %. Quand il s’agit des pauvres, les statistiques ne sont pas nécessairement représentatives, car le nombre d’utilisateurs est très faible et la taille de l’échantillon total de ceux qui rapportent des dépenses positives est très faible dans certains pays. Mé n ages dirigés pa r une fe m m e La proportion des ménages dirigés par des femmes en Afrique a augmenté au cours des deux dernières décennies (Milazzo et van de Walle 2015). Si les ménages dirigés par une femme sont soumis à des désavantages économiques non mesurés — telles que des difficultés plus impor- tantes d’accès au crédit ou l’absence de titre de propriété foncière — leur capacité à dépenser des liquidités au même niveau de dépense totale du ménage tel que défini dans la présente étude sera limitée. Existe-t-il des preuves que les ménages dirigés par des femmes ont plus de difficul- tés à avoir accès à l’électricité, ou qu’elles en utilisent moins quand elles y ont accès ? Pour étudier cette question, l’étude a comparé l’accès à l’électricité et les dépenses d’électricité des ménages dirigés par une femme et par un homme. L’analyse de régression montre que lorsque le revenu (par habitant et ménage) et le lieu de rési- dence (urbain et rural) sont comptabilisés séparément, les ménages dirigés par des femmes ne sont pas moins susceptibles de se raccorder à l’électricité que leurs homologues masculins  ; les femmes ont en fait plutôt tendance à être plus susceptibles de le faire. Les résultats sur les dépenses en électricité montrent de même qu’il n’y a aucun désavantage apparent pour les ménages dirigés par une femme. Toutefois, les ménages dirigés par des femmes ont tendance à être plus pauvres. Ces résultats suggèrent qu’en se concentrant sur une politique d’électri- cité abordable pour les pauvres, il faudra beaucoup d’efforts pour augmenter la consommation d’électricité dans les ménages dirigés par une femme. G rilles t a rif aires e t r a ccorde m e nt s multiples Des informations ont été recueillies pour cette étude sur les grilles des tarifs résidentiels en vigueur en juillet 2014 dans 39 pays. Leurs caractéristiques dans le cas des connexions monophasées ou 24 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E des connexions simples et triphasées là où elles ne sont pas distinguées dans les grilles tarifaires, sont présentées dans le tableau 4. Parmi les  37  pays où l’information sur le type de tarif est disponible (dernière colonne),  17 ne disposent que des blocs tarifaires croissants ; 10 n’ont que des tarifs à bloc unique ; 3 n’ont que des tarifs différenciés par le volume ; 3 ont des tarifs différenciés par le volume pour les deux premiers blocs, suivis par des blocs tarifaires croissants ; 3 ont une combinaison de blocs uniques et de blocs tarifaires croissants pour deux ou plusieurs blocs  ; et  1  pays comporte des blocs tarifaires croissants, décroissants ou un bloc unique en fonction de la grille tarifaire. Lorsqu’il existe plusieurs blocs, dans tous les cas, à l’exception d’une grille tarifaire en Côte d’Ivoire, le coût du kWh d’énergie augmente en fonction de l’augmentation de la consommation. Les coûts de l’électricité fournie, en revanche, diminuent avec l’augmentation de la consommation. De nombreux pays ont mis en place des tarifs sociaux, c’est-à-dire des tarifs réduits basés sur la consommation d’électricité des ménages et destinés à aider les ménages pauvres consommant peu d’électricité par un mécanisme de subventions croisées. Dans les 39 pays africains étudiés, le bloc social le plus utilisé est de 50 kWh par mois (8 pays), suivi par des blocs de 25, 75 et 100 kWh (dans 3 pays chacun). Huit pays ont des blocs sociaux de 40 kWh et cinq se situent à 25 kWh ou moins — c’est-à-dire en dessous du niveau mensuel de consommation d’électricité de subsis- tance de 30 kWh. Parmi ces cinq derniers pays, tous, à l’exception du Bénin, pratiquent une tari- fication par blocs tarifaires croissants. L’Afrique du Sud (et en particulier, Johannesburg) a adopté un premier bloc exceptionnellement ample, elle est suivie par la Gambie. Il existe cependant des dispositions spéciales en Afrique du Sud qui permettent aux pauvres de bénéficier d’une tranche gratuite d’électricité du réseau — jusqu’à 25, 50, 60, 100 ou 150 kWh par mois, — en fonction de critères d’éligibilité (par exemple, des clients en régime de prépaiement consommant moins de tant de kWh par mois, en se basant sur la moyenne de la consommation des 12 derniers mois) variant selon leurs communes de résidence. Les charges fixes pénalisent les ménages dont la consommation est faible. Par exemple, dans 15 pays, les charges fixes induisent des tarifs uni- taires (prix du kWh) plus élevés pour une consommation mensuelle à 30 kWh qu’à 50 kWh. Les tarifs sociaux subventionnés ne s’appliquent que pour une consommation plafonnée dans la tranche correspondante dans neuf pays (Bénin, Cap-Vert, Cameroun, Gabon, Ghana, Mozam- bique, Nigeria, São Tomé-et-Principe et Togo), avec un passage à un tarif plus élevé dès que les ménages franchissent le seuil de la tranche suivante s’appliquant à l’intégralité du volume consommé. Ceci produit le même effet que les tarifs différenciés en fonction du volume du Gabon, du Mozambique et du Nigeria. C’est un dispositif particulièrement dur pour les pauvres qui perdent l’accès au tarif social dès qu’ils franchissent, ne serait-ce que d’1 kWh, la limite de la tranche tarifaire lorsque le bloc tarifaire est relativement faible (par exemple, moins de 50 kWh). L’augmentation médiane du coût unitaire effectif de l’énergie d’une consommation qui dépasse la limite du premier bloc s’élève à 65 %. Les variations entre les pays sont cependant fortes : les plages d’augmentation vont de 4 % en Gambie et 7 % au Sénégal à 340 % à Madagascar et 450 % au Kenya et au Zimbabwe. Quelle est l’ampleur des branchements multiples ? La tarification progressive n’est efficace que si la consommation de chaque client individuel est précisément mesurée afin de déterminer U tilisation résidentiellede l’ électricité 25 Tableau 4  Grilles des tarifs résidentiels en vigueur en juillet 2014 Nbre de Pays kWha Ratiob grilles Nbre de blocsc Type de tarif Afrique du Sud d 500 1,14 7 5 ou heure de consommation saisonnière BTC Angola 50 3,19 2 2/1 BTC Bénin 20 1,65 1 3 TDV/BTCe Botswana 200 1,31 1 2 — Burkina Faso 75 1,71 7 3 BTC Burundi 50 2,03 1 3 BTC Cameroun 110 1,72 1 5 TDV Cap-Vert 60 1,23 2 2 TDV Comores s.o. s.o. 2 1 s.o. Côte d’Ivoire 40 2,05 3 2/1/2 BTC/s.o./BDT Éthiopie 25 1,31 1 9 BTC Gabon 120 1,62 9 1 s.o. Gambie 300 1,04 2 4/1 BTC/s.o. Ghana 50 2,01 1 4 TDV/BTCe Guinée 60 2,58 1 3 BTC Kenya 50 5,47 1 3 BTC Lesotho s.o. s.o. 1 1 s.o. Liberia s.o. s.o. 1 1 s.o. Madagascar 25 4,4 2 2 BTC Malawi s.o. n,a, 2 1 s.o. Mali 50 1,58 17 4 pour tarif social prépayé, sinon 2 BTC Maurice 25 1,39 1 8 BTC Mauritanie s.o. 1,92 8 1 s.o. Mozambique 100 2,34 3 1/3/1 s.o./BTC/s.o. Namibie s.o. s.o. 4 1 s.o. Niger 50 1,33 1 2 BTC Nigeria 50 3,68 2 1 s.o. Ouganda 15 3,45 1 2 BTC Rwanda s.o. s.o. 1 1 s.o. São Tomé-et-Principe 100 1,47 2 3 TDV Sénégal 75 1,07 2 3/1 BTC/s.o. Seychelles 200 1,19 2 5 BTC Sierra Leone 30 1,43 1 3 BTC Swaziland s.o. s.o. 2 1 s.o. Tanzanie 75 3,5 2 2/1 BTC/s.o. Tchad 150 1,47 1 2 — Togo 40 1,57 1 4 TDV/BTCe Zambie 100 2,07 2 3/1 BTC/s.o. Zimbabwe 50 5,5 3 3/1/3 BTC/s.o./BTC Source : Kojima et al. 2016. Note  : Les noms des pays disposant de données d’enquête auprès des ménages sont indiqués en caractères gras. BTC = « blocs tarifaires croissants ; TDV = tarif différencié en fonction du volume ; BTD = blocs tarifaires décroissants ; TOU = tarif « time of use » (temps d’utilisation) ; — = non disponible (l’information n’a pas pu être obtenue) ; s.o. = sans objet (il n’y a qu’un seul bloc). a. Le volume de consommation mensuelle d’un tarif relevant d’un tarif social, ou la taille du premier bloc lorsqu’il y a deux ou plusieurs blocs tarifaires. Certains pays ont plusieurs grilles tarifaires, chacune ne comprenant qu’un seul bloc. La taille des blocs de consommation au Sénégal est définie sur deux mois et divisée par 2. b. Le ratio de la charge énergétique effective, incluant les taxes ad valorem, telles que la taxe à la valeur ajoutée, mais excluant les coûts fixes, entre le deuxième bloc (ou le deuxième niveau de service, s’il y a plusieurs grilles tarifaires ne comprenant qu’un seul bloc, chacun avec une capacité de production installée croissante) et le premier bloc. c. Quand il y a plusieurs grilles tarifaires, mais un seul chiffre pour le nombre de blocs, chaque grille a le même nombre de blocs. d. Ces chiffres s’appliquent à Johannesburg. En fonction des critères d’éligibilité, les ménages pauvres reçoivent 50, 100 ou 150 kWh d’électricité gratuite par mois dans cette commune. e. Volume différencié pour le bloc 2, augmentant par la suite. 26 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E dans quelle tranche se situe la consommation du ménage. Dans les six  pays où les données provenant des enquêtes sur les ménages et des opérateurs étaient disponibles pour estimer si les ménages avaient leurs propres compteurs — Côte d’Ivoire, Éthiopie, Malawi (bien qu’il ait des tarifs unitaires indépendants de la consommation), Mali, Sénégal et Sierra Leone — les branche- ments multiples à un compteur unique étaient très fréquents. En Côte d’Ivoire, Éthiopie et Sierra Leone, c’est moins de la moitié des ménages qui indique avoir son propre compteur. L’Éthiopie affiche probablement le pourcentage le plus élevé de ménages ayant des compteurs partagés : le nombre de ménages ayant déclaré un raccordement au réseau dans l’enquête auprès des ménages dépasse de 150 % le nombre de clients résidentiels recensés par la société de services d’électricité. Les pratiques en matière de partage d’un compteur varient : au Sénégal et en Sierra Leone, le partage du compteur est plus fréquent chez les pauvres ; en Côte d’Ivoire, la part de partage ne varie pas beaucoup avec le revenu du ménage ; en Éthiopie, le partage du compteur semble plus fréquent chez les riches que les pauvres. Un recours extensif au partage des compteurs annule l’objectif recherché par les blocs tari- faires croissants. Il n’y a guère de doute que la justification première du partage des compteurs est de couvrir le coût élevé du branchement initial. Sans surprise, le pays ayant le moins de comp- teurs partagés est le Sénégal, qui ne facture pas le raccordement si un ménage se trouve à moins de 40 mètres de la ligne électrique la plus proche. Les informations sur les frais de branchement ne sont pas disponibles au Mali, mais dans tous les autres pays il en coûte en moyenne au moins un mois de dépenses des ménages pour se brancher au réseau (figure 7). Les « taxes informelles » perçues lors du branchement initial s’ajoutent au défi l’abordabilité (encadré 2). Encadré 2  Pots-de-vin pour le raccordement au réseau électrique La corruption sous la forme de pots-de-vin augmente le coût de l’électricité. Le Malawi et le Nigeria ont demandé aux ménages raccordés au réseau s’ils avaient dû payer une « redevance informelle » en sus des frais de branchement officiels pour obtenir le raccordement. La corruption est plus répan- due au Nigeria, où plus de la moitié des ménages ont déclaré avoir payé un pot-de-vin. Au Malawi, le nombre de ménages dans la tranche inférieure des groupes de revenu n’était pas suffisant pour établir des statistiques, mais au Nigeria il y avait suffisamment de ménages raccordés au réseau dans tous les groupes de revenus. Le pourcentage de ménages déclarant des paiements informels était plus faible dans la tranche de 40 % inférieure et plus élevé dans la tranche de 40 % supérieure — ce qui signifie que ceux qui avaient des moyens financiers plus importants étaient également plus sus- ceptibles d’être sollicités pour un pot-de-vin et de le payer.. Quelle marge de manœuvre existe-t-il pour interfinancer davantage les ménages à faible revenu  ? Pour pouvoir atteindre l’accès universel en Afrique, les pauvres devront être interfi- nancés dans un avenir prévisible afin d’assurer l’abordabilité des frais de branchement et de la consommation de subsistance d’électricité. Les subventions croisées sont plus faciles à mettre en œuvre si les opérateurs ne souffrent pas d’une sous-tarification importante et si la consom- mation des ménages pauvres ne représente qu’une petite fraction de la consommation totale. Sur les 39 pays dans lequel des informations ont pu être recueillies auprès des opérateurs, 11 pays U tilisation résidentiellede l’ électricité 27 ont donné des informations par catégorie de consommateurs, en distinguant les clients résiden- tiels. Cinq autres pays ont fait la distinction entre les clients basse tension et haute tension. Le ratio des tarifs résidentiels par rapport aux autres tarifs — et, en l’absence d’informations sur les clients résidentiels, des tarifs basse tension par rapport aux tarifs haute tension — donne une idée du niveau déjà atteint dans l’interfinancement des tarifs résidentiels. La part du total des kWh facturés aux clients résidentiels donne une autre indication de la marge de renforcement de l’interfinancement disponible. En Afrique, la part de la consomma- tion résidentielle a tendance à être élevée. À des fins de comparaison avec un secteur de l’élec- tricité mature offrant des informations détaillées et comportant une part relativement élevée de consommation résidentielle, les États-Unis ont été sélectionnés comme modèle de comparai- son. Le tableau 5 résume les constatations. Le Cap-Vert, le Gabon, le Liberia, le Niger et l’Ouganda ne pratiquent pas la sous-tarification, ni la sous-tarification à effet négatif (figure 5), ce qui indique qu’il existe une certaine marge de manœuvre d’interfinancement des pauvres. Toutefois, la part importante du total de kWh fac- turé aux clients résidentiels (Niger) et aux clients basse tension (Gabon) augmente le coût unitaire de l’électricité fournie et rend plus difficile l’ajout d’un plus grand nombre de clients résidentiels Tableau 5  Comparaison des tarifs résidentiels ou basse tension et de la consommation avec d’autres catégories Ratio de tarifs R ou BT, % de Accès en 2012, % Pays R/C R/I R/NR BT/MT BT/HT total kWh de la population Botswana 0,8 1,1 s.o. s.o. s.o. 27 53 Burundi 1,3 1,3 s.o. s.o. s.o. 50 7 Kenya 0,8 1,3 s.o. s.o. s.o. 24 23 Lesotho 1,3 1,6 s.o. s.o. s.o. 32 17a Malawi 0,6 0,8 s.o. s.o. s.o. 42 10 Maurice 0,8 1,6 s.o. s.o. s.o. 33 100 Ouganda 1,0 1,3 s.o. s.o. s.o. 24 18 São Tomé-et-Principe 0,4 0,7 s.o. s.o. s.o. 49 60 Cap-Vert s.o. s.o. 1,2 s.o. s.o. 47 71 Liberia s.o. s.o. 1,0 s.o. s.o. 41 10 Niger s.o. s.o. 1,0 s.o. s.o. 65 14 Gabon s.o. s.o. s.o. 1,3 s.o. 64 89 Guinée s.o. s.o. s.o. 0,2 s.o. 78 26 Mali s.o. s.o. s.o. 1,3 s.o. 62 26 Mauritanie s.o. s.o. s.o. 1,0 s.o. 57 22 Sénégal s.o. s.o. s.o. 1,2 1,8 61 57 Médiane 0,8 1,3 1.0 1,2 s.o. 41b 18 États-Unis 1,2 1,8 s.o. s.o. s.o. 37 100 Source : AIE et Banque mondiale 2015 pour l’accès ; Calculs des services de la Banque mondiale à l’aide de données des opérateurs et AIE US 2016 pour tous les autres. Note : Les calculs reposent sur les valeurs et les kWh facturés. R = résidentiel ; C = commercial ; I = industriel ; NR = non résidentiel ; BT = basse tension ; MT = moyenne tension ; HT = haute tension ; s.o. = sans objet. a. Le taux d’accès au Lesotho est pour 2010, l’année des données transmises par la société de services d’électricité. b. La médiane est celle des 11 premiers pays donnant des informations distinctes sur la consommation résidentielle. 28 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E à tarif bas et consommation faible, dont le raccordement serait coûteux en raison de l’absence d’économies d’échelle. Au Malawi et en Guinée, deux pays qui souffrent d’une importante sous-ta- rification, les clients résidentiels (Malawi) et basse tension (Guinée) sont déjà fortement subven- tionnés. Il n’est pas surprenant de voir que le Malawi affiche un écart et un indice numérique de pauvreté énergétique élevés (tableau 3). Dans de tels cas, le secteur de l’électricité devrait envi- sager de cibler prioritairement l’expansion de l’accès pour des clients aptes à payer des tarifs plus élevés. La Guinée fait face à un défi supplémentaire avec les trois quarts de ses clients desservis en basse tension. Le Mali et la Mauritanie sont les deux autres pays à faibles taux d’accès à l’élec- tricité dans lesquels les clients basse tension représentent plus de la moitié de la consommation totale. Au Niger et en Mauritanie, ces petits clients sont déjà convenablement interfinancés. Le Lesotho se place à l’autre extrémité du spectre avec des statistiques comparables à celles du secteur de l’électricité des États-Unis. Cependant, le Lesotho souffre d’une certaine sous-tari- fication (0,15 % du PIB), ce qui suggère que les niveaux tarifaires ont besoins d’être relevés dans toutes les catégories de clients. Les statistiques médianes dans le tableau  5 indiquent qu’en général les clients résidentiels ont tendance à être davantage interfinancés en Afrique qu’aux États-Unis et dans d’autres pays à revenu élevé, limitant les effets d’un interfinancement. Fia bilité Le manque de fiabilité des services d’électricité en Afrique est sans doute un problème aussi grave que le faible taux d’accès et de consommation d’énergie par habitant. En fin de compte, les problèmes sont liés et témoignent des graves insuffisances du secteur de l’énergie. Sept enquêtes auprès des ménages — Éthiopie, Madagascar, Malawi, Mali, Niger, Nigeria et Sénégal — ont posé des questions sur la fréquence, la durée (ou les deux) des pannes d’électricité. Les cou- pures de courant sont courantes dans les sept pays et graves au Malawi (où six ménages sur sept ont signalé des coupures de courant quotidiennes au cours des 12 mois précédents), au Niger, au Nigeria et au Sénégal. Au Nigeria, où 57 % des ménages signalent des coupures de courant quoti- diennes, certains ont cité le manque de fiabilité comme justificatif de leur non-raccordement au réseau et tous sauf un ont leur propre générateur. Malgré la sévérité des interruptions de service, très peu d’opérateurs dans la région semblent mesurer la qualité du service à l’aide des deux indicateurs internationalement acceptés  : l’in- dice de durée moyenne d’interruption du système (SAIDI) et l’indice de fréquence moyenne des interruptions du système (SAIFI). Les opérateurs produisent des rapports annuels d’activité dans les 39 pays, mais seuls 16 d’entre eux ont mentionné des mécanismes de mesure des interrup- tions du système ; au sein de ceux-ci, seuls ceux du Cameroun, du Liberia, du Mozambique et de l’Afrique du Sud ont cité dans leurs rapports le SAIDI et le SAIFI. Les opérateurs de 12 autres pays ont indiqué quelle était la durée moyenne d’une coupure de courant, le nombre total d’heures de coupure, ou le nombre d’interruptions du système (la Guinée, par exemple, a signalé 1 962 cou- pures par an liées à des pannes). La durée moyenne des coupures de courant est la donnée de mesure de la fiabilité qui a été la plus fréquemment citée. Les opérateurs de cinq pays ont précisé où se sont produites les coupures de courant — lignes moyenne tension en Sierra Leone et Mauritanie et système de transmission au Zimbabwe — tandis que sept autres n’ont fourni aucune information supplémentaire. Même les quatre pays qui ont cité le SAIDI et le SAIFI, n’ont U tilisation résidentiellede l’ électricité 29 en fait donné que des statistiques nationales, sans transmettre les relevés dans les segments basse tension au niveau de l’utilisateur final. Sans connaître la durée et la fréquence des inter- ruptions de service au niveau des clients individuels, il est difficile d’évaluer les performances des opérateurs. L’amélioration de la fiabilité du service est l’un des éléments les plus critiques en complément d’une réforme des tarifs, parce qu’aucun client ne voudra payer plus cher un service qui reste de mauvaise qualité. L’absence généralisée de mesure des indices SAIDI et SAIFI est en elle-même une indication de la distance considérable à parcourir pour mener la lutte contre le manque de fiabilité. Sans un suivi systématique, il sera difficile de mesurer les progrès et l’efficacité des mesures prises pour améliorer la fiabilité. 30 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Conclusions et conséquences Il est utile de mettre en évidence les obstacles rencontrés par la présente étude — en termes d’ampleur et de disponibilité des données — avant de résumer ses principales conclusions et ses répercussions politiques potentielles. ⦁⦁ L’étude ne couvre pas l’électrification rurale hors réseau. Plus des trois cinquièmes de la population en Afrique vivent encore en milieu rural. L’accès universel par la seule extension des réseaux serait trop coûteux et peu pratique, en raison de la faible densité géographique des clients couplée à une faible consommation d’électricité dans de nombreuses régions rurales. L’électricité hors réseau, surtout à partir de sources renouvelables, bien que coûteuse, le sera moins qu’une extension du réseau. Le coût net pour le secteur de l’électricité du raccorde- ment des zones rurales — non pris en compte dans le présent rapport — sera considérable. ⦁⦁ L’étude n’a pas pris en compte l’extension du système, les coûts des subventions des intrants non déclarées, les coûts de l’amélioration des performances opérationnelles et de la résolution des problèmes créés par les retards dans les investissements de main- tenance. Le coût marginal de l’extension du système de transport sera probablement plus élevé quand les lignes seront déployées dans des régions moins densément peuplées. Le coût unitaire de l’expansion de la capacité de production peut être supérieur ou inférieur selon le type et la taille des capacités de production. Par exemple, tirer parti des économies d’échelle peut réduire les coûts unitaires, alors que l’ajout d’une capacité de production d’électricité à base de gaz dans un secteur dominé par la production d’électricité au char- bon pourrait augmenter les coûts. Tous les autres facteurs augmenteront les déficits quasi budgétaires par rapport à ceux présentés ici. ⦁⦁ L’étude n’a pas pris en compte les économies potentielles tirées d’une optimisation du mix de production électrique ou d’une expansion des échanges transfrontaliers d’élec- tricité. L’optimisation du système est un processus à long terme qui doit commencer dès aujourd’hui. Sur le long terme, elle offre un grand potentiel de diminution des coûts uni- taires des services d’électricité aux utilisateurs finaux et aide à réduire les déficits quasi budgétaires et l’ampleur des majorations tarifaires nécessaires à la viabilité financière du secteur de l’électricité. De même, les échanges transfrontaliers peuvent réduire les coûts pour toutes les parties en exploitant les économies d’échelle et privilégiant le recours aux sources d’électricité les moins coûteuses. 31 ⦁⦁ À l’égard de l’accès des ménages à l’électricité du réseau, il n’existe aucune information sur la distance à la ligne de distribution la plus proche. Les frais de raccordement ont tendance à augmenter rapidement avec l’éloignement de la ligne électrique, et pourtant les informations sur l’éloignement des réseaux les plus proches ne sont pas disponibles. Le raccordement au réseau peut être impraticable, même pour un grand nombre de ceux qui vivent dans des collectivités électrifiées. Du côté de la demande, les informations sur le revenu et sur les ressources disponibles en espèces ne sont pas disponibles et sont rempla- cées dans les statistiques officielles de la pauvreté par les dépenses des ménages. Ces carences d’information représentent des domaines importants d’études futures et d’ana- lyses plus approfondies au niveau des pays. Il est important de garder ces limites à l’esprit dans l’interprétation des conclusions suivantes et de leurs implications politiques  ; elles sont résu- mées dans le tableau suivant. Les principales conclusions de l’étude et leurs implications politiques sont résumées ci-dessous. Constatations Implication politique et options Thème essentielles de réponse Avantages prévus ⦁⦁ En l’absence d’une ⦁⦁ Accorder une haute priorité à ⦁⦁ Les coûts futurs sont optimisation géné- l’optimisation générale du sys- réduits au minimum. rale du système, très tème avec un plan de dévelop- peu de pays africains pement au moindre coût. couvrent intégrale- ment les coûts. ⦁⦁ L’élimination des ⦁⦁ Donner la priorité absolue à la ⦁⦁ Les coûts sont diminués, carences dans la réduction des pertes liées au avec une perte de bien- conduite des opéra- réseau et au recouvrement des être réduite. tions pourrait per- factures dans tous les pays. ⦁⦁ Le chiffre d’affaires des mettre de couvrir les ⦁⦁ Installer des compteurs à opérateurs augmente. coûts dans environ un prépaiement comme moyen tiers des pays africains. d’améliorer l’encaissement des recettes. Couver- ⦁⦁ Dans les deux-tiers ⦁⦁ Cibler les hausses des tarifs ⦁⦁ Les hausses tarifaires ture des restants, outre l’élimi- d’abord sur les clients les plus génèrent des revenus coûts et nation des carences aisés qui représentent de larges avec une perte minimale viabilité dans la conduite des parts de la consommation totale. de bien-être. finan- opérations, tant l’op- ⦁⦁ Envisager des hausses réduites ⦁⦁ L’acceptation publique cière timisation du système et fréquentes au lieu d’augmen- des augmentations tari- des opé- que les hausses des tations lourdes et espacées. faires s’élargit. rateurs tarifs sont nécessaires. ⦁⦁ Communiquer à l’avance claire- ⦁⦁ Les opérateurs sont plus ment et de façon transparente responsables. le calendrier d’augmentation des tarifs et l’appliquer confor- mément au calendrier annoncé. ⦁⦁ Des événements exté- ⦁⦁ Tirer parti de la faiblesse ⦁⦁ Une hausse automatique rieurs hors du contrôle actuelle des cours mondiaux n’est pas comparable du secteur de l’électri- du pétrole pour introduire une à un choc pétrolier, la cité (volatilité des prix hausse automatique en fonction rendant plus acceptable du pétrole et des taux des variations des prix du carbu- pour le public. de change, variabilité rant et des taux de change. ⦁⦁ Minimiser la dépendance à des précipitations) ont ⦁⦁ Se préparer à l’avance à de lon- l’égard des coûteuses loca- des effets importants gues périodes de sécheresse en tions de sources d’énergie, sur la viabilité financière. optimisant le mix de production. réduisant les coûts. 32 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Constatations Implication politique et options Thème essentielles de réponse Avantages prévus ⦁⦁ Dans la moitié des pays ⦁⦁ Accorder une haute priorité ⦁⦁ Le chiffre d’affaires aug- d’Afrique, les pertes à la réduction de la consom- mente avec une perte liées au réseau et au mation sans compteur et aux minimale de bien-être. recouvrement des pertes sur le recouvrement des ⦁⦁ Les relevés des comp- factures représentent factures des clients de taille teurs, facturation, la majorité des déficits moyenne et grande. recouvrement des fac- quasi budgétaires des ⦁⦁ Réduire les pertes techniques. tures, branchement et opérateurs. déconnexion sont tous ⦁⦁ Installer des systèmes de gestion des informations améliorés, de même que commerciales. le service client. ⦁⦁ La fiabilité du ser- ⦁⦁ Commencer par réduire la ⦁⦁ Ces mesures à court vice est médiocre et durée des interruptions du terme « donnent du rarement mesurée de service et améliorer le service à temps » pour engager façon systématique. la clientèle en matière de paie- des mesures à plus long ment des factures. terme d’amélioration de la qualité du service. ⦁⦁ Gagner l’appui du public à d’autres mesures de Améliorer réforme. la gestion ⦁⦁ Établir systématiquement des ⦁⦁ La fiabilité du service des opé- statistiques de fiabilité du ser- est améliorée parce que rateurs vice au niveau de l’utilisateur le choix des mesures final. correctives à prendre est plus clair. ⦁⦁ Examiner les avantages et les ⦁⦁ Ne pas les rendre obli- inconvénients de l’obligation gatoires tant que la des compteurs à prépaiement qualité du service n’est si la qualité du service est pas améliorée. Ainsi les médiocre. clients ne paient pas à l’avance des services non fournis quand ils sont nécessaires. ⦁⦁ Lorsque la facturation est basée sur la consomma- tion estimée et qu’une surfacturation se produit faute d’électricité livrée à cause de coupures de courant fréquentes, les compteurs prépayés réduisent les paiements. ⦁⦁ Les frais de branche- ⦁⦁ Optimiser les modalités tech- ⦁⦁ Les frais de branchement ments ne sont pas niques et financières de tous peuvent être adaptés à Aborda- abordables dans de les aspects de l’électrification la capacité contributive bilité de nombreux pays. et renoncer à une facturation des clients ; les frais de l’électri- distincte du branchement pour branchement collectés cité four- les nouveaux clients. peuvent être transférés nie par le à un fonds d’électrifica- réseau tion dédié et consacré à l’accélération de l’électrification. Conclusions et conséquences 33 Constatations Implication politique et options Thème essentielles de réponse Avantages prévus ⦁⦁ Les branchements ⦁⦁ Les avantages des tarifs ⦁⦁ La qualité du service est multiples à un comp- sociaux échappent aux pauvres. améliorée. teur unique sont très ⦁⦁ Éliminer la pratique des bran- ⦁⦁ Les pauvres bénéficient répandus. chements multiples résiden- pleinement des tarifs tiels, en les remplaçant par des sociaux. compteurs individuels. ⦁⦁ La moitié environ des ⦁⦁ Raffiner les tarifs à blocs tari- ⦁⦁ Les subventions pays africains offrent faires croissants afin d’accroître deviennent plus efficaces. un premier bloc de l’abordabilité et en même taille réduite à un tarif temps développer des mesures social bas. de protection sociale plus ⦁⦁ Les factures men- ciblées. suelles d’électricité ⦁ ⦁ Installer des compteurs à ⦁⦁ Les clients pauvres sont inabordables pour prépaiement. peuvent payer lorsqu’ils certains dans la confi- disposent de liquidités et Aborda- guration actuelle. non pas quand ils sont bilité de facturés mensuellement. l’électri- cité four- ⦁⦁ Les clients pauvres nie par le ne risquent pas de réseau déconnexion. ⦁⦁ Dans la plupart des ⦁⦁ Installer plus des compteurs ; ⦁⦁ L’électricité est abor- pays, les subventions l’abordabilité dépend essen- dable pour davantage de supplémentaires tiellement du relevé précis de personnes et les subven- nécessaires qui ren- la consommation de chaque tions nécessaires sont draient l’électricité ménage. réduites. du réseau abordable pour tous les ménages urbains sont faibles. ⦁⦁ La médiocrité de la ⦁⦁ Un secteur de l’électricité ⦁⦁ L’accès universel est situation financière financièrement viable et opé- atteint plus rapidement. de nombreux opé- rationnel est essentiel pour rateurs rend difficile rendre l’électricité abordable à d’autres mesures plus large échelle. d’interfinancement des pauvres. Principa les cons t at ations L’Afrique affiche un retard comparativement à toutes les autres régions en ce qui concerne l’accès des ménages à l’électricité, même en tenant compte de son niveau de développement économique. Avec le même niveau de revenu, l’Asie du Sud affiche des taux d’accès à l’électricité beaucoup plus élevés. À l’heure actuelle, le simple fait de vivre en Afrique réduit la probabilité d’avoir accès à l’électricité. G es t io n d es o p é r ate u rs d ’é le c t ricité La mauvaise gestion empoisonne le secteur de l’électricité dans de nombreux pays. Lorsque les pertes de transport et de distribution sont élevées, les pertes sur le recouvrement des fac- tures tendent aussi à être élevées, ce qui suggère que les insuffisances opérationnelles ne se limitent pas à des segments isolés de la chaîne d’approvisionnement, mais sont omniprésentes 34 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E dans le secteur. Les pertes combinées de transport, distribution et recouvrement des factures représentent plus de la moitié des déficits quasi budgétaires dans 21 pays et plus des trois quarts dans 13 pays. La fiabilité du service est médiocre et rarement mesurée de façon systématique. Dans cer- tains pays, les ménages interrogés lors des enquêtes nationales ont indiqué que les coupures de courant étaient quotidiennes, et le manque de fiabilité est attesté par les indicateurs de Doing Business. Mis à part les inconvénients et l’inconfort, le coût pour l’économie du défaut de fiabilité des services d’électricité est important — conduisant parfois même à une fuite des investisse- ments dans l’économie vers d’autres pays ou régions. En effet, 40 % des entreprises interrogées en Afrique citent l’électricité comme une contrainte majeure ou grave pour faire des affaires (Banque mondiale 2016d). Et pourtant seuls quelques opérateurs mesurent systématiquement la fiabilité à l’aide des indicateurs internationalement reconnus : quatre rapports annuels seulement font état des statistiques SAIDI et SAIFI, et même dans ces cas, seules les moyennes nationales sont mentionnées. Les moyennes nationales, par définition, ne font pas la distinction entre les régions à haute fiabilité des services et celles qui souffrent de coupures de courant fréquentes, ce qui complique l’évaluation des performances des opérateurs. Les SAIDI et SAIFI ne sont pas non plus mesurés au niveau des clients individuels. En soi, l’absence de telles statistiques risque de signaler aux investisseurs que le secteur n’est pas encore à un stade où les statistiques, même les plus fondamentales, sont recueillies, ce qui contribue à décourager l’investissement dans l’économie. V i a bilité f in a n ciè re d es o p é r ate u rs d ’é le c t ricité La viabilité financière des services publics d’électricité dans de nombreux pays africains est précaire. Des 39 pays étudiés, seuls les Seychelles et l’Ouganda couvrent pleinement les coûts de l’électricité fournie, sans prendre en compte l’extension du système. Les déficits quasi -budgé- taires dépassent 100 % des recettes encaissées par les opérateurs dans 11 pays. Dans 20 pays les dépenses d’exploitation ne sont même pas couvertes ; sur les 19 autres, cinq seulement couvrent la moitié ou plus de leurs investissements. Les gains d’efficacité opérationnelle peuvent potentiellement mettre le secteur de l’électri- cité sur une voie durable dans environ un tiers des pays africains. Si les pertes combinées de transport, distribution et recouvrement des factures pouvaient être ramenées à  10  % (ce qui correspond à la définition du niveau de référence d’efficacité des opérateurs) et le sureffectif contrôlé, 11 autres pays verraient disparaître les déficits quasi budgétaires, ce qui porterait à 13 le nombre total de pays exempts de déficit. En pratique, l’atteinte de cet objectif nécessite du temps et des ressources financières, avec de possibles déficits quasi budgétaires résiduels, alors même que les pertes sont ramenées aux niveaux de référence. Dans les deux autres tiers des pays africains, la viabilité financière exige une optimisation du système, des augmentations de tarifs, ou — plus probablement — les deux. Dans les 26 autres pays cette étude conclut, à l’instar de l’AICD, que le déficit de financement ne peut être comblé entièrement en éliminant les insuffisances opérationnelles. Dans ces pays, la médiane des défi- cits quasi budgétaires en performance de référence est de 0,7 % du PIB, ce qui n’est pas rien. Conclusions et conséquences 35 L’Afrique du Sud se range parmi les déficits les plus élevés, à 2,8 % du PIB et elle se trouve égale- ment être le seul pays de l’échantillon qui fournit gratuitement branchement et électricité à ceux qui satisfont à des critères d’éligibilité. Dans tous ces pays, en l’absence d’une optimisation du mix de production et d’échanges transfrontaliers d’électricité, les tarifs devront être rehaussés. Des événements extérieurs peuvent améliorer ou aggraver les perspectives de viabilité finan- cière. Alors que l’efficacité opérationnelle est entièrement sous le contrôle du secteur de l’élec- tricité — de même que les ajustements tarifaires, à des degrés divers — d’autres événements ne le sont pas. La volatilité des devises, des précipitations et du prix du pétrole sont trois occur- rences externes qui peuvent consolider ou menacer la viabilité financière du secteur de l’élec- tricité. Une réduction de 30 % de l’hydroélectricité peut susciter une augmentation des déficits quasi budgétaires de plus de 2 % du PIB dans trois pays. Pour les pays fortement tributaires de la production d’électricité à base de produits pétroliers, en l’absence d’un effondrement de la monnaie congruente, le niveau bas des prix actuels du pétrole donne une marge de manœuvre budgétaire pour améliorer l’efficacité opérationnelle tout en réduisant les pressions contraires aux corrections des sous-tarifications. A bo rd a bilité po u r les m é n a g es d e l ’é le c t ricité fo u rnie pa r le ré se a u La moitié environ des pays africains offre un premier bloc tarifaire de taille réduite à un tarif social bas. Sur les  39  pays ayant fourni des renseignements détaillés sur les tarifs pour cette étude, six ont des blocs au tarif social de 30 kWh par mois (le niveau de consommation d’élec- tricité de subsistance établi par l’initiative Énergie durable pour tous) ou moins, l’Ouganda ayant le plus petit bloc, limité à 15 kWh. Les nombres de pays correspondant respectivement à 50, 75 et  100  kWh ou moins sont  16,  21 et  24. Sur les  24  pays où le plafond du premier bloc se situe à  100  kWh,  17 pratiquent des tarifs par blocs tarifaires croissants  ; les  7 autres ont des tarifs différenciés en fonction du volume ou un équivalent. L’augmentation du tarif unitaire en cas de dépassement du seuil du premier bloc va de 4 % en Gambie à 450 % au Kenya et au Zimbabwe en juillet 2014. Le partage des branchements entre plusieurs ménages est une pratique répandue. Les infor- mations recueillies dans les enquêtes nationales auprès des ménages, combinées aux données des opérateurs, montrent que le partage des compteurs est fréquent chez les ménages en Afrique dans tous les pays. En Éthiopie, où les frais de branchement les plus bas de 76 dollars représentent  130  % du revenu mensuel du ménage, le nombre de foyers raccordés au réseau dépasse de deux fois et demie celui des clients de l’opérateur. Sans surprise, le Sénégal, qui ne facture pas les frais de branchement si un ménage se trouve à moins de 40 mètres de la ligne électrique, a le taux de branchements partagés le plus faible. Les branchements partagés anni- hilent l’objectif des tarifs par blocs tarifaires croissants. Dans de nombreux pays où les taux d’accès à l’électricité sont bas, le niveau de consommation d’électricité de subsistance semble en théorie abordable pour la grande majorité de la popu- lation. L’électricité est considérée comme abordable si  30  kWh par mois ne coûtent pas plus de 5 % du revenu des ménages. Si les tarifs en vigueur pouvaient être parfaitement appliqués 36 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E (ce qui implique des relevés exacts des compteurs de chaque foyer raccordé au réseau) et si un ciblage parfait était possible, les écarts et les indices numériques de pauvreté énergétique seraient inférieurs à 5 % dans plus de la moitié des 22 pays disposant de données d’enquêtes auprès des ménages. Combler l’écart de financement pour une facture mensuelle de  30  kWh avec un seuil de dépenses d’électricité à  5  % du revenu des ménages pour tous les ménages urbains coûterait moins de 1 million de dollars par an dans 15 pays et moins de 5 millions de dollars par an dans 19 pays et ne représenterait que 1 % des recettes encaissées par les opérateurs dans ces 22 pays. Dans ce contexte, une extension du réseau serait probablement l’option la moins coûteuse. Une analyse plus détaillée par pays de cet aspect de l’abordabilité serait utile. Les frais de branchement élevés et les pots-de-vin forment d’autres obstacles à l’élargisse- ment de l’accès des ménages à l’électricité. Si les branchements sont gratuits pour certains ménages au Mozambique, au Sénégal et en Afrique du Sud, ils peuvent représenter plusieurs mois de revenus des ménages dans d’autres. Les frais de branchement coûteux conduisent les ménages à choisir de ne pas se raccorder et incitent à partager les branchements. Les demandes de branchement sur le réseau suscitent également de la part du personnel peu scrupuleux des opérateurs des demandes de paiements informels (pots-de-vin) pour obtenir rapidement (ou pas si rapidement que ça) un branchement. Ces malversations contribuent à réduire plus encore l’abordabilité de l’électricité pour les pauvres. Im plic ations politiq ues Dans le secteur de l’électricité, l’approche par l’économie politique souligne l’importance d’échelonner les priorités des mesures de réforme en fonction des risques politiques. Les mesures qui réduisent l’ampleur des hausses tarifaires nécessaires, qui améliorent de manière sensible la qualité des services à la clientèle et qui évitent à ceux qui affrontent des problèmes d’abordabilité des difficultés indues, peuvent aider à gagner l’acceptation du public et élargir l’accès à l’électricité tout en guidant le secteur vers une meilleure viabilité financière. Dans l’inter- prétation de ce qui suit, il est important de garder à l’esprit que la séquence exacte des mesures et la conception d’une feuille de route dans chaque pays seront fonction du contexte particulier du secteur de l’électricité, du contrôle de l’État et de ses intérêts, des relations du public avec le secteur et d’autres facteurs propres à chaque pays. A m é lio re r l a g es t io n d es o p é r ate u rs d ’é le c t ricité Il y a des mesures qui peuvent améliorer la qualité des services à court terme. L’amélioration de la qualité des services exige du temps et des investissements, mais l’expérience dans d’autres régions montre que des progrès rapides sont possibles en répondant de manière diligente aux plaintes des clients en cas de coupures de courant et autres incidents, en rétablissant les ser- vices d’électricité dans des délais aussi brefs que possible et en facilitant le paiement des fac- tures (via les téléphones portables, les guichets de retrait automatique, les supermarchés et d’autres entités facilement accessibles offrant des heures d’ouverture prolongées). Les systèmes de gestion des coupures de courant (ou autres incidents) aident à traiter les plaintes des clients concernant les incidents liés à la qualité de l’offre d’électricité tandis que les systèmes de gestion Conclusions et conséquences 37 des informations commerciales aident à améliorer le comptage, la facturation, le recouvrement, le branchement et la déconnexion et permettent aux opérateurs d’être pleinement attentifs aux demandes des clients. L’amélioration de la qualité du service n’exige pas d’investissement important, mais elle nécessite d’intégrer ces systèmes d’information dans les modalités d’exploi- tation de l’entreprise pour être utilisés convenablement. La mise en place de centres d’appels et l’utilisation d’un site Web et des réseaux sociaux pour recevoir les plaintes et y répondre — et un état d’esprit plus orienté vers le client, font partie de ces améliorations (Antmann 2009). L’expé- rience mondiale montre que de telles améliorations initiales donnent aux opérateurs le temps nécessaire (environ deux ou trois ans) pour mettre en place des solutions plus durables liées à l’exécution de projets d’investissements destinés à remettre en état, moderniser et élargir les infrastructures de l’électricité. La réduction des pertes mérite d’être hautement prioritaire. Il est beaucoup plus important de réduire les pertes liées à la consommation non comptabilisée et au recouvrement inefficace des factures — et de maintenir dans la durée cette réduction des pertes — que de régler les pro- blèmes de sureffectifs, tout particulièrement dans un contexte d’augmentation de la demande et de besoin d’expansion rapide des capacités dans tous les pays. Les statistiques de fiabilité doivent être mesurées au niveau de l’utilisateur final. Très peu d’opérateurs mesurent les indices SAIDI et SAIFI, et ceux qui le font n’enregistrent que les inci- dents dans les segments de haute et moyenne tension, ignorant ce qui se passe dans les réseaux basse tension, et ne calculent les indices SAIDI et SAIFI que sur cette base. Mais les interruptions du service subies par les clients comptent. S’ils étaient correctement mesurés, les indices SAIDI et SAIFI seraient beaucoup plus élevés, parce que les segments en basse tension sont le siège de nombreuses interruptions. En l’absence de mesure systématique de la qualité du service, il n’est pas possible d’évaluer la performance des opérateurs ni de comparer les tarifs entre les pays d’une manière significative. Les branchements partagés ne peuvent qu’aggraver la mauvaise qualité du service. Les bran- chements multiples à un seul compteur de faible capacité peuvent signifier que la demande s’accroît et dépasse la valeur prévue de puissance souscrite, ce qui détériore la qualité du service pour ceux qui y sont raccordés. C’est une raison supplémentaire de lutter contre la pratique répandue des compteurs partagés. Un comptage précis de la consommation de chaque client présente un double avantage. Un comptage précis de la consommation de tous les clients — et plus encore des clients de moyenne et grande taille — est un objectif incontournable dans tout programme de protec- tion du revenu d’un opérateur. Les opérateurs pratiquant des blocs tarifaires croissants per- dront quelques recettes avec la disparition des compteurs partagés, mais cette perte minime de revenus n’a que peu de chances d’être problématique. L’absence de compteurs individuels et la tolérance à l’égard des branchements multiples (illégaux) créent un environnement permissif favorisant d’autres pratiques abusives, telles que le vol d’électricité et les pots-de-vin exigés par le personnel des opérateurs. Les compteurs individuels signifient que les clients à faible revenu bénéficient pleinement des blocs tarifaires croissants, tout en donnant à l’opérateur une chance d’en améliorer l’efficacité. 38 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Milite r e n f ave u r d e l a co uve r tu re d es co ût s Le séquençage a un rôle important à jouer dans l’orientation du secteur de l’électricité vers des perspectives financièrement plus durables. Augmenter les tarifs quand les coupures de courant se répètent sans répit risque fortement de provoquer des réactions brutales. Il convient de considérer comme un problème urgent toute perception selon laquelle les clients les plus aisés bénéficient de faveurs injustes — par le biais de subventions importantes des prix offertes aux industries « stratégiques » ou, pire, par l’exploitation du pouvoir informel discrétionnaire des employés ou des cadres corrompus d’un opérateur qui manigancent avec de grands clients des réductions de leurs factures. Un programme de protection des revenus devrait donner la priorité à l’action sur les ventes à des clients de grande et moyenne consommations, qui recèlent géné- ralement la part la plus importante des pertes commerciales et des pertes sur le recouvrement des factures. La réduction des coûts contribue à réduire les hausses des tarifs nécessaires pour couvrir les coûts. La première étape consiste à éliminer les pertes inutiles. Le public peut être plus disposé à accepter des hausses tarifaires s’il constate qu’à court terme, la priorité est don- née à l’amélioration de la qualité du service et de l’efficacité de la facturation et du recouvrement des factures. Une réduction de la dépendance à la production d’électricité au diesel — y compris en cas de location de capacités de production de secours — et le passage à des formes moins coûteuses de production pourraient réduire dans l’ensemble l’incitation à rehausser les tarifs. La poursuite de l’optimisation à long terme dans l’ensemble du secteur est cruciale. Avec des tarifs bas d’accès à l’électricité, il sera plus facile de s’attaquer à la sous-tarification, à condition toutefois que la qualité du service s’améliore. La majeure partie du total des ventes et du chiffre d’affaires provient de ceux qui peuvent payer leur électricité — industries, entreprises et ménages à revenus moyens ou supérieurs. Dans la plupart des pays africains, les tarifs d’accès à l’électricité pour les pauvres sont faibles ; en outre, si les pauvres sont raccordés au réseau, ils consomment peu. De ce fait, la viabilité financière des opérateurs dépend de l’application de grilles tarifaires permettant de couvrir les coûts de prestations de services efficaces aux clients les plus aisés qui constituent la part la plus importante de l’électricité vendue. Si la sensibilité politique de ces clients aux augmentations des tarifs ne doit pas être ignorée, il ne faut pas non plus la surestimer. Face aux importants déficits quasi budgétaires et à la faiblesse des taux d’ac- cès à l’électricité, il n’y a aucune raison impérieuse impliquant de subventionner ceux qui peuvent payer davantage. Le cas échéant, ils pourraient être invités à interfinancer des clients à faible revenu, tant que la consommation totale de ces derniers ne représente qu’une petite fraction de l’ensemble de l’électricité vendue. Des exemples de réussite des réformes du secteur de l’énergie dans les pays émergents d’autres régions montrent que les clients à revenu moyen ou élevé dans toutes les catégories tarifaires acceptent généralement que les tarifs reflètent les coûts, à condition que la qualité des services d’électricité soit bonne. En conséquence, outre la réduction des pertes de transport, distribution et recouvrement des factures, la priorité absolue des opé- rateurs devrait donc être d’atteindre un niveau acceptable de qualité du service pour s’engager dans une trajectoire menant à la couverture des coûts par les recettes telles que définies par la grille tarifaire. Des augmentations faibles et fréquentes peuvent être mieux acceptées que des chocs de prix importants. Un nombre appréciable de pays gèlent les tarifs des années durant, et découvrent Conclusions et conséquences 39 des déficits croissants non viables les contraignant à mettre en œuvre des augmentations de tarifs amples et ponctuelles, suivies d’une autre longue période de gel des tarifs. Une manière d’éviter ces fortes hausses est de permettre des ajustements tarifaires limités et fréquents. D’ail- leurs plusieurs pays africains procèdent à des examens des tarifs réguliers et fréquents, mais les ajustements tarifaires ne sont pas nécessairement mis en application en raison des considéra- tions socio-économiques professées. L’exemple de la gestion des subventions aux prix des car- burants de l’Inde et la Thaïlande est intéressant : elles ont relevé les prix régulièrement chaque mois par petits paliers annoncés à l’avance, jusqu’à ce que le niveau de couverture des coûts soit atteint. Il est important d’annoncer de façon claire et transparente à l’avance toutes les étapes et le calendrier de l’augmentation des tarifs visant à la couverture des coûts et d’en appliquer les étapes conformément au calendrier annoncé. La prévisibilité des mesures couplée à des aug- mentations faibles et gérables peut faire beaucoup pour faciliter l’acceptation au sein du public, contrairement à des hausses rares, lourdes et conjoncturelles. Les compteurs à prépaiement sont utiles tant pour les opérateurs que pour les clients. Pour les ménages à faible revenu avec des contraintes de trésorerie, pouvoir payer par petites tranches permet de régler le problème classique de l’indivisibilité des paiements des factures d’électricité : effectuer des paiements relativement importants une fois par mois peut être beaucoup plus difficile que de faire plusieurs petits paiements pendant le mois. En leur évitant le risque de déconnexion pour non-paiement, les compteurs à prépaiement aident aussi les ménages à éviter les frais de rebranchement parfois considérables dans certains pays. Pour les opérateurs, les compteurs à prépaiement améliorent le recouvrement des recettes. En revanche, selon le degré de fiabilité des services d’électricité et le mode de facturation des clients, les compteurs à pré- paiement signifient que les clients paient à l’avance des services d’électricité non fournis quand ils en ont besoin. Il peut être injuste d’obliger les clients à payer d’avance des services d’électri- cité non fiables. Toutefois, alors que les factures mensuelles de certains clients sont basées sur la consommation estimée et que la surfacturation d’électricité non fournie est fréquente en raison de coupures de courant généralisées, les compteurs à prépaiement aident à réduire les paiements. Pour la société de services d’électricité, les compteurs à prépaiement ne sont cepen- dant pas suffisants pour garantir que l’électricité consommée sera payée, car ils peuvent être trafiqués par ceux qui sont déterminés à voler de l’électricité. Les gouvernements pourraient tirer parti de la faiblesse actuelle des cours mondiaux du pétrole pour introduire une hausse automatique liée aux prix du carburant. Le contrôle des prix de l’énergie par l’État — et tout particulièrement la répercussion des hausses du coût des intrants sur les prix de vente de l’énergie — est un sujet politiquement sensible. La faiblesse des cours mondiaux du diesel et du fioul offre une bonne occasion de mettre en place un mécanisme d’ajustement de prix automatique sans provoquer de fortes augmentations des tarifs. À titre d’exemple, la structure tarifaire au Kenya permet de répercuter automatiquement les variations des prix du pétrole et les fluctuations monétaires. Il n’y a pas de meilleur moment que mainte- nant pour franchir cette étape. L’optimisation du système à l’aide d’un plan de développement au moindre coût est encore plus cruciale face à d’importants déficits quasi budgétaires. Bien que la présente étude, n’aborde pas ce thème, une optimisation du système peut réduire considérablement les coûts par rapport à 40 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E des investissements dans les infrastructures non coordonnés. Dans une région où les besoins d’investissements dépassent de loin les fonds disponibles et où la couverture des coûts reste un objectif à long terme pour beaucoup, il est crucial de maximiser l’efficacité technique et écono- mique. Une réduction des coûts facilite la réalisation de la viabilité financière. Et à son tour, un secteur de l’électricité financièrement viable, correctement exploité, est essentiel pour mener à bien un programme d’expansion de l’accès à l’électricité basée sur le réseau. Re n d re l ’é le c t ricité fo u rnie pa r le rése a u a bo rd a b le p o u r les pa uvre s La fréquence de l’usage de branchements multiples à un compteur unique nuit à l’abordabilité. La tarification progressive vise à faire payer davantage les riches. En l’absence d’informations sur le revenu de chaque ménage client, la pratique courante dans les pays en développement est d’utiliser la consommation mensuelle comme une variable de substitution du revenu. Quand plusieurs ménages à faible revenu se raccordent à un seul compteur, ils sont considérés par la société de services d’électricité comme un seul ménage «  riche  », consommant beaucoup d’électricité. Le tarif unitaire moyen des ménages à branchements multiples peut être large- ment supérieur à celui de chaque ménage décompté individuellement et les ménages pauvres peuvent finir par payer beaucoup plus pour leurs usages essentiels de l’électricité. Certes, les branchements multiples permettent de cumuler des ressources financières limitées pour activer le branchement au réseau ; en outre, si un ménage ne peut pas payer un mois, les autres peuvent compenser pour éviter la déconnexion, en présumant qu’ils seront en fin de compte remboursés. En revanche, si le ménage officiellement abonné ne paie pas, pour une raison quelconque — tout le monde risque d’être déconnecté, y compris ceux qui ont payé rapidement et complètement. Et la difficulté de déterminer qui consomme quoi peut créer une situation de parasitisme, dans laquelle certains ménages paient moins qu’ils ne le devraient au détriment des autres. L’approche de la définition des frais d’installation du branchement mérite un examen plus approfondi. Des frais de branchement élevés encouragent les branchements multiples. Il est économiquement inefficace d’isoler l’installation des nouveaux branchements des autres com- posantes d’un projet d’électrification (réseaux en faible, moyenne et haute tension). Il n’y a aucun argument convaincant en faveur d’une distinction entre les actifs du réseau et les branchements au service. Il est beaucoup plus efficace de construire toutes les infrastructures nécessaires pour brancher de nouveaux utilisateurs dans le cadre d’un projet unique, permettant d’optimiser les modalités techniques et financières. En procédant de la sorte, il est toujours possible de prévoir le paiement de frais de branchement en plusieurs tranches par les utilisateurs en fonction de leur capacité contributive et le produit peut être transféré à un fonds dédié visant spécifiquement à accélérer les programmes d’électrification. Si l’utilisateur paie la totalité des actifs nécessaires pour le branchement (comme dans les zones urbaines du Pérou, où la propriété des actifs revient à l’utilisateur), ces actifs devraient être exclus de l’assiette des actifs utilisée par l’autorité de régulation pour déterminer les tarifs d’électricité applicables. Peaufiner la progressivité des tarifs, tout en élaborant dans le même temps des mesures plus ciblées de protection sociale, peut produire des résultats plus efficients. Les subventions supplémentaires nécessaires pour rendre le niveau de subsistance d’électricité abordable pour Conclusions et conséquences 41 tous les ménages vivant dans les zones où le raccordement au réseau est possible ne sont pas importantes. Les résultats de l’étude suggèrent qu’il doit être possible de parvenir à un tarif abordable en analysant plus finement les tarifs sociaux et les subventions croisées. La définition du tarif social et de la taille du bloc exige de faire des compromis. Des blocs tarifaires croissants bénéficient autant aux riches qu’aux pauvres, rendant les subventions inefficaces. En dehors des problèmes liés aux compteurs partagés, les tarifs différenciés en fonction du volume peuvent pénaliser les pauvres, car dès qu’ils franchissent la limite du bloc, ne serait-ce que d’1 kWh, ils sont catapultés dans le bloc suivant avec un tarif unitaire qui risque d’être beaucoup plus élevé. Une solution consiste à appliquer la taille de bloc aux moyennes mobiles des mois précédents, mais ceci nécessiterait une modernisation des systèmes de comptage et de facturation. En mainte- nant à une taille réduite le premier bloc — par exemple de 30 à 50 kWh par mois — les riches ne pourront pas bénéficier de façon disproportionnée de tarifs unitaires fortement subventionnés. Pour protéger les familles à faible revenu des factures d’électricité anormalement élevées, il pour- rait être prévu un second bloc tampon de taille réduite n’entraînant pas une forte augmentation du tarif unitaire. Les tarifs différenciés en fonction du volume mériteraient en particulier d’être examinés sous cet angle. Dans tous les cas, quel que soit le soin apporté à l’encadrement de la consommation, elle n’est pas nécessairement une variable de substitution efficace du revenu. À moyen et à long terme, l’objectif devrait être de passer des subventions à un programme de protection sociale global et intégré offrant des aides en numéraire pour répondre aux besoins fondamentaux des pauvres — dont l’électricité n’est qu’une des composantes. Les progrès technologiques représentent une opportunité, mais aussi un défi pour les pauvres. Grâce aux progrès récents, le niveau de consommation d’électricité de subsistance a diminué. L’AICD considérait  50  kWh par mois comme un niveau raisonnable  ; une décennie plus tard, c’est 30 kWh. Avec les appareils les plus économes en énergie, 15 kWh par mois pourraient même suffire pour allumer chaque soir pendant quatre heures quatre ampoules à diode électrolumines- cente, recharger un téléphone portable, regarder une petite télévision économe en énergie et faire tourner un grand ventilateur. Cependant, les appareils à faible consommation énergétique sont plus chers, et l’argent pour payer des coûts initiaux plus élevés est précisément ce qui manque aux pauvres. Il s’agit là encore d’une autre dimension de l’abordabilité, et les ressources nécessaires pour relever ce défi dépassent sans doute le secteur de l’électricité. L’électrification hors réseau est un élément crucial dans la réalisation de l’accès universel en Afrique. Les progrès techniques enregistrés au cours des dernières années ont réduit les coûts de l’énergie solaire, justifiant davantage son adoption. Si le coût initial de l’installation des pan- neaux solaires représente encore un enjeu de taille, l’utilisation de l’énergie solaire ne nécessite aucun achat de carburant, ce qui en fait une option très attrayante en termes de dépenses d’exploitation évitées. Au Mali, un quart des foyers ruraux ont indiqué recourir à l’énergie solaire pour l’éclairage. Si les systèmes solaires à usage domestique et certaines lanternes solaires ne peuvent pas offrir le même niveau de service que le réseau électrique, ils représentent une pre- mière étape importante dans l’accès à l’électricité, répondant aux besoins immédiats des per- sonnes actuellement dépourvues d’accès. 42 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Annexe A : Sources des données et méthodologie de calcul du déficit quasi budgétaire C ette annexe fournit une vue d’ensemble des sources des données, des caractéristiques des opérateurs et de la méthodologie utilisée. Voir Trimble et al. (2016) pour plus de détails. Sources des don né es Cette étude tient compte de plus de 300 indicateurs couvrant les aspects techniques, commer- ciaux et financiers des secteurs de l’énergie en Afrique. Les principales sources de données sont les états financiers et rapports annuels des opérateurs, complétés par des données recueillies directement auprès des opérateurs ou tirées de documents de référence disponibles (tels que les études des coûts des services, études tarifaires, rapports sur le secteur de l’énergie, sources de l’industrie, documents réglementaires, documents descriptifs de projets et données locale- ment disponibles fournies par des spécialistes de la Banque mondiale travaillant dans le secteur). Lorsque les données des différentes sources se contredisent, la priorité a été généralement don- née aux données des opérateurs. Les 39 pays inclus dans cette étude représentent 95 % de la capacité de production installée, 86 % de la population et 85 % du PIB de l’ensemble des 48 pays d’Afrique en 2014. Neuf pays restants ont été exclus de l’analyse en raison de l’insuffisance des données : Angola, Guinée équatoriale, Érythrée, Guinée Bissau, Namibie, Somalie et Soudan du Sud, Tchad et République démocratique du Congo. L’année de référence de l’analyse est définie comme l’année la plus récente pour laquelle un ensemble complet de données critiques est disponible (états financiers, ventes d’électricité et mix énergétique de la puissance installée). Les rapports des opérateurs couvrent un exercice budgétaire. Si un exercice couvre 12 mois à cheval sur deux années civiles, l’année de référence est l’année civile comportant la part la plus importante en mois de l’exercice. Si l’exercice comporte six mois dans deux années civiles successives, la deuxième année civile est considérée comme l’année de référence. Ainsi, l’année de référence pour un exercice allant de juillet 2011 à juin 2012 est  2012, mais l’année de référence pour un exercice allant d’avril  2011 à mars  2012 est  2011. À l’exception du Lesotho (2010) et du Kenya (2015), l’année de référence pour la plupart des pays se situe entre 2012 et 2014, 2014 étant l’année de référence pour la majorité des pays (tableau A.1). 43 Tableau A.1  Répartition des années de référence Année de référence 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Total Nombre de pays 1 0 6 9 22 1 39 Source : Trimble et al. 2016. C a r a c té ris tiq ues des op é r ate urs Le tableau A.2 présente les informations caractéristiques de chaque société de services d’électri- cité par pays. La figure A.1 montre comment les opérateurs et les autres acteurs se positionnent dans le secteur de l’électricité de chaque pays. Tableau A.2  Informations de base relatives aux opérateurs Année États États de Services finan- audités réfé- Société de services Fin de couverts par ciers dispo- Pays rence d’électricité de référence l’ex. l’opérateur publiés nibles Afrique du Électricité 2014 Eskom 31 mar. Oui Oui Sud uniquement SBEE (Société béninoise Électricité Bénin 2013 31 déc. Non Non d’énergie électrique) uniquement BPC (Botswana Power Électricité Botswana 2013 31 mar. Oui Oui Company) uniquement Sonabel (Société nationale Électricité Burkina Faso 2014 31 déc. Non Non d’électricité du Burkina) uniquement Burundi 2014 Regideso 31 déc. Électricité & eau Non Non Électricité Cameroun 2014 Energy of Cameroon 31 déc. Oui Non uniquement ELECTRA (Empresa de Cap-Vert 2012 31 déc. Électricité & eau Oui Oui Electricidade e Água) MAMWE (Madji na Mwendje ya Comores 2012 31 déc. Électricité & eau Non Non Komori) SNE (Société nationale Électricité Congo, Rép. 2012 31 déc. Non Non d’électricité) uniquement CIE (Compagnie ivoirienne Électricité Côte d’Ivoire 2014 31 déc. Non Non d’électricité) uniquement Ethiopia Electric Power Électricité Éthiopie 2012 30 juin Non Non Company uniquement SEEG (Société d’énergie Gabon 2014 31 déc. Électricité & eau Oui Oui électrique du Gabon) NAWEC (National Water and Électricité, eau & Gambie 2014 31 déc. Non Oui Electricity Company) assainissement ECG (Electricity Company of Électricité Ghana 2013 31 déc. Oui Oui Ghana) uniquement Électricité Guinée 2013 Électricité de Guinée 31 déc. Non Non uniquement Électricité Kenya 2015 Kenya Power Limited Company 30 juin Oui Oui uniquement 44 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Année États États de Services finan- audités réfé- Société de services Fin de couverts par ciers dispo- Pays rence d’électricité de référence l’ex. l’opérateur publiés nibles Électricité Lesotho 2010 Lesotho Electricity Company 31 mar. Oui Oui uniquement Électricité Liberia 2014 Liberia Electricity Company 30 juin Non Non uniquement Madagascar 2014 JIRAMA (Jiro Sy Rano Malagasy) 31 déc. Électricité & eau Oui Oui Escom (Electricity Supply Électricité Malawi 2014 30 juin Oui Oui Corporation of Malawi) uniquement Électricité Mali 2014 Énergie du Mali 31 déc. Oui Oui uniquement Électricité Maurice 2013 CEB (Central Electricity Board) 31 déc. Oui Oui uniquement SOMELEC (Société Électricité Mauritanie 2013 31 déc. Non Oui mauritanienne d’électricité) uniquement EDM (Electricidade de Électricité Mozambique 2014 31 déc. Oui Oui Moçambique) uniquement Nigelec (Société nigérienne Électricité Niger 2014 31 déc. Oui Non d’électricité) uniquement Électricité Nigeria 2014 MYTO model 31 déc. Non Non uniquement Électricité Ouganda 2014 Umeme 31 déc. Oui Oui uniquement EWSA (Electricity, Water and Rwanda 2013 30 juin Électricité & eau Non Oui Sanitation Authority) São Tomé- EMAE (Empresa de Água e 2014 31 déc. Électricité & eau Non Non et-Principe Electricidade) SENELEC (Société nationale Électricité Sénégal 2013 31 déc. Non Oui d’éléctricité du Sénégal) uniquement PUC (Public Utilities Électricité, eau & Seychelles 2014 31 déc. Oui Oui Corporation) assainissement Électricité Sierra Leone 2012 NPA (National Power Authority) 31 déc. Non Non uniquement République Électricité centrafri- 2014 Enerca (Énergie centrafricaine) 31 déc. Non Non uniquement caine Sudan Electricity Distribution Électricité Soudan 2014 31 déc. Non Non Company uniquement Électricité Swaziland 2014 Swaziland Electricity Company 31 mar. Oui Oui uniquement TANESCO (Tanzanie Electricity Électricité Tanzaniea 2014 30 juin Oui Oui Supply Company) uniquement CEET (Compagnie énergie Électricité Togo 2013 31 déc. Non Non électrique du Togo) uniquement ZESCO (Zambie Electricity Électricité Zambie 2014 31 déc. Non Oui Supply Company) uniquement Zimbabwe Transmission and Électricité Zimbabwe 2012 31 déc. Non Oui Distribution Company uniquement Source : Examen des données des opérateurs et des publications par les services de la Banque mondiale. Note : ex. = exercice ; États financiers publiés = états financiers accessibles au public ; MYTO = Arrêté tarifaire plurian- nuel (pas un opérateur). a. L’année de référence de la Tanzanie va de janvier 2014 à juin 2015. A nne x e A : S ources des données et m ét h odolo g ie de calcul du déficit quasi bud g étaire 45 Figure A.1  Structures du secteur de l’électricité en Afrique Groupe 1 : Une société publique Groupe 2: Une société de services Groupe 3: Une société de services d’électricité Groupe 4: Dégroupage Groupe 5 : Dégroupage de services d’électricité d’électricité principale intégrée principale intégrée verticalement et vertical partiel, parfois vertical complet, parfois intégrée verticalement verticalement et des entreprises d’autres opérateurs avec d’autres opérateurs avec dégroupage (19 pays) de production (15 pays) (7 pays) (3 pays) horizontal (4 pays) • Bénin 2a : Principale société de services Afrique du Sud Zambie Kenya Ghana P • Burkina Faso d’électricité publique et une entreprise D D DP • Burundi publique de production D P P D D DP P G P T P P P P • Éthiopiea • République du Congo D • Malawi T T T T T • Mauritanie T • Rép. dém. du Congo D D T D D D D D 2b : Principale société de services Non interconnecté : Namibie Angola Zimbabweb Nigeria d’électricité publique et quelques unités D • Comores (non interconnecté) DP D D P de production privées D D • Érythrée P P G • Gambie • Botswana P • Guinée-Bissau D D P • Mali T T P • Rwanda a T T • Guinée équatoriale T D • Liberia • Sénégal D DD D D D • Swaziland D D D • République centrafricaine D • Seychelles • Togo • Sierra Leonea Tanzanie Niger Lesotho Ouganda • Somalie Non interconnecté : D DP • Cap-Vert D DP P P P • Soudan du Sud P P • Guinée • Tchad T T T T • Madagascar T • Maurice D D T • São Tomé-et-Principe D D D D 2c : Principale société de services d’électricité sous concession Mozambique Clé : Soudan privée, avec société(s) privée(s) de production d’électricité P = activités de production D G P • Côte d’Ivoire DP P G T = activités de transport D DP P D = activités de distribution Non interconnecté : T T Société de services d’électricité à participation T T majoritaire de l’État • Cameroun D Société de services d’électricité à participation D • Gabon majoritaire du secteur privé D Note : Les pays dont le nom est souligné sont exclus de l’analyse principale présentée dans la présente étude en raison de données insuffisantes. Les sociétés de services des pays en italiques fournissent aussi d’autres services tels que l’eau et l’assainissement. Les pays sont interconnectés avec un ou plusieurs autres pays, sauf indication contraire. Le terme « inter- connexion » désigne l’infrastructure à haute tension facilitant les exportations et importations d’énergie et exclut les ventes transfrontalières d’électricité en moyenne et basse tension à des communautés locales à la frontière. L’étude exclut 75 entreprises publiques de production d’électricité exploitant des petites centrales (moins de 15 mégawatts) qui desservent généralement des systèmes d’électrification de zones rurales isolées ou des entités gouvernementales spécifiques, et les entreprises de distribution qui représentent moins de 5 % des ventes à l’utilisateur final, tant reliées au réseau (par exemple, Sénégal, Ouganda, Zambie) que hors réseau. a. Les secteurs en Éthiopie, au Rwanda et en Sierra Leone ont été réformés après leur année de référence, et les structures de leur secteur énergétique ont évolué par rapport à ce qui figure dans l’étude. b. La ligne pointillée représente la société mère qui possède les deux sociétés dans le secteur. Méthodologie Un déficit quasi budgétaire est la différence entre le chiffre d’affaires net d’un opérateur efficient (Rréférence) et les recettes courantes nettes (Rcourant) ; capex désigne les dépenses d’investissement de référence, opex désigne les dépenses d’exploitation de référence, et Q désigne la quantité d’électricité dispatchée en kWh. Le tarif à la performance de référence, tarifréférence, dans la pré- sente étude est (capex + opex) / 0,9Q et le chiffre d’affaires d’un opérateur efficient est tarifréfé- rence  x 0,9Q, où 0,9 représente les pertes combinées de transport, distribution et facturation à 10 % (le niveau considéré comme la performance de référence). Le chiffre d’affaires net d’un opérateur efficient est Rréférence − coût = Rréférence − (capex + opex) = 0, signalant que le chiffre d’affaires couvre intégralement les coûts. Le chiffre d’affaires en performance actuelle est en revanche tarifac- tuel  x Q x (0,9 − PTD) x (1 − PF ), où PTD sont les pertes de transport et de distribution dépassant 10 % et PF sont les pertes de recouvrement des factures, tandis que le coût actuel est capex + opex + coût des sureffectifs. En utilisant ∆ pour désigner la sous-tarification unitaire (tarifréférence − tarifactuel), le déficit quasi budgétaire devient Rréférence − (capex + opex) − (Rcourant − capex − opex − sureffectif) = Sureffectif + tarifréférence × 0,9Q − tarifactuel × Q × (0,9 − PTD) × (1 − PF ) = Sureffectif + tarifréférence × 0,9Q − (tarifréférence − ∆) × Q × (0,9 − PTD) × (1 − PF ). Le déficit quasi budgétaire peut être décomposé en quatre composantes de coûts cachés comme ∆×Q×(0,9 − PTD)×(1 − PF ) + tarifréférence×Q×PTD + tarifréférence×Q×(0,9 − PTD)× PF + sureffectif. ⏟ Sous-tarification ⏟ Pertes de transport ⏟ Pertes de recouvrement & distribution des factures À la performance de référence, les trois derniers termes sont nuls, laissant seulement la sous-tarification. Cette étude évalue les coûts d’exploitation à l’aide de l’état financier de la société de services d’électricité principale figurant dans le tableau A.2, et les coûts en capital sont basés sur les actifs existants appartenant à l’État dans l’année de référence. Cette méthode signifie que la structure du secteur a un effet significatif sur le calcul des coûts d’investissement et d’exploitation. La figure A.1 montre comment les structures sont classées en cinq groupes. Les différents para- mètres utilisés dans l’analyse sont expliqués ci-dessous. ⦁⦁ Le chiffre d’affaires (montants facturés) est tiré des états financiers de la société de ser- vices d’électricité et ne comprend que les revenus directement liés à des ventes d’électricité retenues par la société de services d’électricité. Les subventions sous forme de transferts directs de l’État ou de bailleurs de fonds internationaux sont exclues. Les revenus non directement liés à la vente d’électricité sont exclus, tels que ceux tirés de la vente de l’eau pour les opérateurs qui fournissent les deux services. ⦁⦁ Les dépenses d’exploitation comprennent tous les coûts fixes et variables d’opération et de maintenance et les impôts ne donnant pas lieu à un abattement comme l’impôt sur les A nne x e A : S ources des données et m ét h odolo g ie de calcul du déficit quasi bud g étaire 47 bénéfices des sociétés. Tous les coûts connexes aux coûts en capital sont exclus parce qu’ils sont remplacés par des coûts en capital annualisés calculés pour les actifs existants. Tous les remboursements de prêt — les paiements des intérêts sont généralement enregistrés dans le compte de résultat et les remboursements du capital sont généralement enregis- trés dans les états de trésorerie — sont considérés comme des coûts en capital. Les autres exclusions comprennent les amortissements, les pertes sur les dettes libellées en devises, les coûts non directement liés à des ventes d’électricité (par exemple, la fourniture de ser- vices d’eau) et les coûts des activités extraordinaires. ⦁⦁ Les investissements (dépenses en capital) sont calculés en tant que valeur de rempla- cement à neuf des actifs publics de production, transport et distribution déclarés dans les rapports annuels des opérateurs, amortis sur la durée de vie économique des actifs. Les secteurs dégroupés (groupes  2 à  5 dans la figure A.1) exigent une approche légère- ment différente. À l’exception du Nigeria, dont le secteur a été récemment dégroupé et où les données du Décret pluriannuel sur les tarifs 2015 ont remplacé les états financiers de la société de services d’électricité, les sociétés publiques de distribution d’électricité dominent comme principale source d’information. Pour capturer tous les remboursements des prêts dans la chaîne de valeur, en particulier dans le cas des investissements de pro- duction qui représentent généralement les principales dépenses, les remboursements des prêts enregistrés dans les états financiers des entreprises publiques en amont de la distri- bution sont identifiés et inclus. Le coût des achats d’énergie de la société de distribution est réduit du même montant pour éviter une double comptabilisation. Aucun opérateur ne disposait d’informations fiables sur les lignes de distribution inférieures à 1 kilovolt. Les investissements dans ces lignes à basse tension se basent sur l’analyse des coûts enga- gés au Pérou pour l’établissement des tarifs sur la période de cinq ans 2013 – 2017. C’est un comparateur adéquat avec des données facilement disponibles, distinguant les zones urbaines et rurales, à condition d’y ajouter un surcoût de 25 % pour tenir compte des coûts plus élevés en Afrique. ⦁⦁ Les tarifs moyens sont calculés en divisant le montant par le nombre de kWh facturés tel que rapporté par les opérateurs au cours de l’année de référence. ⦁⦁ Les sureffectifs sont estimés en se référant au niveau de référence des effectifs dans la production, le transport et la distribution d’électricité respectivement. L’analyse la plus approfondie est effectuée pour la production en tenant compte du type et de la taille de la centrale de production. Le niveau de référence quant au nombre des employés que doivent avoir les lignes de transport et de distribution est défini par la longueur des lignes élec- triques ayant une tension supérieure à 1 kV et par le nombre de clients. Le nombre total des employés déclarés dans les rapports annuels des opérateurs est comparé avec l’effectif dans trois groupes d’opérateurs d’électricité d’Amérique latine ayant un nombre similaire de clients et de longueur des lignes de transport et distribution d’électricité. 48 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Annexe B : Sources de données et méthodologie pour l’analyse des enquêtes auprès des ménages C ette étude utilise des enquêtes nationales sur les dépenses des ménages menées depuis 2008 dans 22 pays ; elle se réfère aux grilles tarifaires en vigueur à partir de juillet 2014 dans 39 pays, en incluant notamment les 22 pays disposant d’enquêtes auprès des ménages. Les grilles tarifaires prennent en compte les coûts fixes et toutes les taxes. Pour plus de détails, voir Kojima et al. (2016). Paie me nt s me nsue ls e t fr ais de br a nch e m e nt Pour évaluer l’abordabilité, les factures à payer par les ménages pour une consommation men- suelle de 30, 50, 100 et 250 kWh sont basées sur le tarif le plus bas possible pour chaque niveau de consommation donné où plus d’une grille tarifaire existe. De même, les coûts de branchement initiaux sont au prix le plus bas possible là où il y a plusieurs prix possibles. Si l’enquête a été réalisée alors qu’une grille tarifaire différente était en vigueur, les dépenses nominales par habi- tant mensuelles sont augmentées du même taux que le PIB nominal par habitant en monnaie nationale à l’année où les tarifs en vigueur en juillet 2014 sont entrés en vigueur. Les dépenses totales des ménages sont calculées en multipliant la dépense ajustée par habitant par la taille du ménage. Si la grille tarifaire en vigueur en juillet 2014 était en vigueur avant la date de l’enquête, les dépenses des ménages n’ont pas été ajustées parce que les tarifs dans l’année de l’enquête sont connus. La date à laquelle les frais de branchement sont entrés en vigueur en juillet 2014 peut être différente, auquel cas différents facteurs correctifs sont appliqués aux dépenses totales des ménages. Les frais de branchement ont été communiqués pour tous les pays sauf le Mali, le Nigeria (où les frais de branchement sont nuls, mais les nouveaux clients doivent acheter le matériel nécessaire pour le branchement initial) et São Tomé-et-Principe. Si la date de l’entrée en vigueur des frais de branchement n’était pas connue, elle a été considérée comme étant la même que celle de la grille tarifaire. Le tableau B.1 résume les mensualités, les frais de branchement et les facteurs correctifs par pays. 49 Tableau B.1  Coûts de consommation mensuelle de 30 à 250 kWh et frais de branchement initial, et facteurs de correction des dépenses Facteur Dépenses mensuelles d’élec- Facteur de de cor- tricité, USD 2014 Frais de bran- correction rection 30 50 100 250 chement des bran- Pays Enquête Tarifs des tarifs kWh kWh kWh kWh USD 2014 chements Afrique du Sud 2011 2014 1,23 3,02 5,03 10,07 25,17 107 1,00 Angola 2008 2012 1,84 0,36 0,59 2,32 9,48 52 2,02 Botswana 2009 2014 1,52 4,76a 6,28a 10,07a 22,53a 679/141a 1,00 270 capitales/ Burkina Faso 2009 2008 1,00 8,46 12,26 25,47 70,71 1,37 70 provinces Côte d’Ivoire 2008 2012 1,12 3,15 5,57 13,80 42,25 212 1,38 Éthiopie 2013 2006 1,00 0,66 0,94 2,19 6,39 76 1,13 Ghana 2013 2014 1,23 2,07 3,19 12,31 29,20 87 1,21 Madagascar 2010 2012 1,13 3,67 9,84 17,18 42,06 166 1,25 Malawi 2013 2014 1,30 2,28 3,81 7,61 19,04 101 1,30 Mali 2014 2014 1,00 3,65 6,09 15,79 59,47 Non disponible Mozambique 2009 2009 1,00 1,03 1,72 3,44 22,83 0 1,50 Niger 2011 2012 1,03 5,54 8,20 16,89 46,09 19 1,19 Nigeria 2013 2014 1,09 0,78 1,30 14,06 28,34 0 1,09 Ouganda 2012 2014 1,27 6,00 10,64 22,26 57,10 101 1,22 Rwanda 2010 2012 1,21 6,93 11,55 23,11 57,77 82 1,46 São Tomé-et- 2010 2012 1,32 2,83 4,68 9,28 33,95 53 1,30 Principe Sénégal 2011 2009 1,00 6,76 11,26 23,34 64,71 0 1,05 Sierra Leone 2011 2008 1,00 5,62b 9,33b 18,59b 52,47b 233/118b 1,00 Swaziland 2009 2014 1,26 2,63 4,38 8,75 21,88 13 1,63 197 urbain/ Tanzanie 2013 2014 1,12 2,20 3,67 11,93 50,46 1,00 110 rural Togo 2011 2011 1,00 6,54 13,99 24,32 58,97 244 1,26 Zambie 2010 2014 1,66 4,41 4,99 6,44 15,45 125 1,66 Source : Calculs des services de la Banque mondiale basés sur des données fournies par les opérateurs. a. 141 dollars est le montant du premier versement dans un plan de paiements périodiques sur 18, 60 ou 180 mois. Pour le plan de 180 mois, la dépense mensuelle augmente de 4,98 dollars dans les 179 mois restants. 141 dollars est le montant utilisé pour les frais de branchement dans la figure 7. b. 118 dollars est le montant du premier versement dans un plan de paiements périodiques sur 18 mois, la dépense men- suelle augmente de 6,72 dollars dans les 17 mois restants. 118 dollars est le montant utilisé pour les frais de branchement dans la figure 7. D éf inir l ’a ccès à l ’é le c t ricité Les enquêtes sur les dépenses des ménages ne permettent pas de procéder à une analyse sys- tématique de l’accès à l’électricité parce que les questions posées ne sont pas uniformes. Toutes les enquêtes nationales, à l’exception de celle de l’Afrique du Sud, demandaient quelle était la source principale d’énergie pour l’éclairage. Dans 16 pays figure une question sur le branchement au réseau et l’enquête du Togo demandait si le ménage avait payé des charges d’électricité du réseau dans les deux mois précédents. En conséquence, la définition de l’accès à l’électricité utilisée dans le présent rapport comprend tous les ménages indiquant qu’ils utilisent l’électri- cité comme source principale d’énergie pour l’éclairage ou la cuisson, qu’ils ont eu des dépenses 50 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E positives d’électricité et qu’ils possèdent des générateurs ou des panneaux solaires. Selon les enquêtes, il est possible d’identifier un ou plusieurs des niveaux suivants d’accès à l’électricité : 1. Personnes vivant dans un ménage déclarant être raccordé au réseau 2. Personnes disposant de l’accès à l’électricité du niveau 1 auxquelles s’ajoutent les personnes vivant dans un ménage déclarant qu’il utilise l’électricité — à l’exclusion des générateurs et de l’énergie solaire s’ils sont décomptés séparément — comme source principale d’énergie pour l’éclairage, la cuisson ou les deux 3. Personnes du niveau 2, auxquelles s’ajoutent les personnes vivant dans un ménage décla- rant qu’il utilise des générateurs ou du diesel comme source principale d’énergie pour l’éclairage ou la cuisson, ou indiquant posséder des générateurs 4. Personnes du niveau 3, auxquelles s’ajoutent les personnes vivant dans un ménage décla- rant qu’il utilise des panneaux solaires comme source principale d’énergie pour l’éclairage ou la cuisson ; ou déclarant qu’il est propriétaire de panneaux solaires ; ou déclarant qu’il utilise l’énergie solaire comme source principale d’énergie si les informations sur l’énergie solaire sont les seules disponibles. 5. Personnes du niveau  4, auxquelles s’ajoutent les personnes déclarant des dépenses non nulles d’électricité Le niveau 5 offre la définition la plus large de l’accès à l’électricité. C’est celle qui a été retenue pour créer le tableau 2. Éca r t de pa uvreté é ne rg é tique (m é n ag es r a ccordés a u résea u) et subve ntions L’écart de pauvreté pour les ménages raccordés au réseau de distribution d’électricité est calculé ainsi :   paiement mensuel nécessaire − 5 % du total des dépenses mensuelles du ménage i  ∑ i=p / N, i=1 paiement mensuel exigible où le paiement mensuel nécessaire est la facture mensuelle incluant les taxes et autres charges qu’un ménage doit payer pour consommer la quantité correspondante d’électricité, P est la popu- lation totale vivant dans des ménages pour lesquels le paiement mensuel exigible dépasse 5 % du total des dépenses mensuelles du ménage (y compris les aliments gratuits et d’autres éléments), et N est la population totale du pays. Quand la facture mensuelle d’électricité est supérieure à la part de 5 %, l’électricité est considérée comme inabordable ; le degré d’inabordabilité pour un ménage est le montant de l’écart entre la facture à payer et la part de 5 % lorsque cet écart est positif, sinon zéro. Si la consommation mensuelle de 30 kWh est la base pour définir l’aborda- bilité, l’écart de pauvreté est également calculé pour 50, 100 (niveau 4 du cadre multi-niveaux) et  250  kWh (niveau  5 du cadre multi-niveaux) par mois pour voir combien de personnes sont capables de payer une consommation plus élevée. Cette étude prend aussi le numérateur dans l’équation ci-dessus et agrège l’écart d’abordabilité (là où il est positif) de tous les ménages en A nne x e B : S ources de données et m ét h odolo g ie pour l’analy se des enqu ê tes aupr è sdes m énag es 51 utilisant la pondération des ménages. La somme est le montant de la subvention nécessaire pour permettre à chaque ménage de maintenir ses dépenses d’électricité à un niveau égal ou inférieur à 5 % des dépenses totales du ménage. Mé n ages dirigés pa r une fe m m e Cette étude réalise une analyse de régression simplifiée pour voir si — après comptabilisation des dépenses totales et prise en compte de la localisation (urbaine ou rurale) — les ménages dirigés par des femmes sont plus susceptibles de consommer de l’électricité que les ménages dirigés par des hommes, et si les dépenses d’électricité sont différentes. Des régressions pro- bit (pour les trois premières variables énumérées ci-dessous) et aux moindres carrés ordinaires (pour la dernière) sont calculées pour les ménages urbains et ruraux séparément sur les variables dépendantes suivantes : ⦁⦁ Variable muette de dépenses pour les dépenses positives d’électricité (1 si positif, 0 si nul ou manquant) ⦁⦁ Variable muette d’électricité pour la citation d’électricité sous toutes les formes, y compris les générateurs et l’énergie solaire comme source principale d’énergie pour l’éclairage ou la cuisson (1 si l’électricité a été utilisée pour l’éclairage ou la cuisson, 0 sinon) ⦁⦁ Variable muette de réseau (1 si le ménage a un accès à l’électricité correspondant au niveau 1 ou 2, 0 sinon) ⦁⦁ Logarithme de dépenses (log dépenses) d’électricité pour les ménages qui ont déclaré des dépenses positives et en répétant la régression avec l’échantillon limité seulement à ceux qui sont raccordés au réseau conformément au niveau 1 Les variables explicatives suivantes sont testées à l’aide d’un test avec un seuil de signification de 5 % (autrement dit, la probabilité que le coefficient de la variable indépendante soit en fait à zéro lorsque la régression montre une valeur non nulle, est inférieure à 5 %) : ⦁⦁ Logarithme de dépenses des ménages par habitant ⦁⦁ Logarithme de taille du ménage ⦁⦁ Variable muette pour les ménages dirigés par les femmes et les hommes (1 pour femmes, 0 pour hommes) 52 V E R S U N E É L E C T R I C I T É A B O R DA B L E E T D E S O P É R AT E U R S V I A B L E S E N A F R I Q U E Bibliographie AIE (Agence internationale de l’énergie) 2016. « OCDE - Capacité électrique nette, » AIE Electricity Information Statistics (base de données). http://dx.doi.org/10.1787/data-00460-en Antmann, Pedro. 2009. «  Reducing Technical and Non-Technical Losses in the Power Sector.  » Document d’information pour la stratégie du secteur de l’énergie du Groupe de la Banque mondiale. http://siteresources.worldbank.org/EXTESC/Resources/Background_paper_ Reducing_losses_in_the_power_sector.pdf Banque mondiale. 2015. 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