BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD PERSPECTIVES ET DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES, OCTOBRE 2012 QUEL AVENIR APRÈS UNE ANNÉE DE TRANSITION ? Perspectives et développements économiques 2012 – Quel avenir après une année de transition ? RÉSUMÉ ANALYTIQUE L’Égypte, la Tunisie, la Libye et le Yémen se redressent après une période de ralentissement de leur croissance économique associée aux soulèvements du Printemps arabe de 2011. La reprise économique a été relativement rapide, la production industrielle a redémarré en l’espace de quelques mois et, s’agissant de l’Égypte et de la Tunisie, les creux de croissance de 2011 ont été moins profonds que les ralentissements moyens observés autour de l’année de transition lors d’anciens épisodes de passage à la démocratie. L’important est que les ralentissements et la reprise de la croissance ont eu lieu dans un environnement mondial atone marqué par des événements dans la zone euro qui posent des problèmes particuliers à la Tunisie et, dans une moindre mesure, à l’Égypte. Dans ces pays, le processus de transition a débuté à la fin 2010 par un soulèvement en Tunisie, lequel a été rapidement suivi par des mouvements de protestation dans les trois autres pays au début 2011. Dans chacune de ces quatre économies, les soulèvements sont nés du mécontentement de populations privées du droit d’expression face à des dirigeants refusant de répondre de leur politique, de l’absence d’emplois et d’opportunités – en particulier pour les jeunes, et d’une multitude de problèmes de gouvernance – notamment de corruption – qui ont compromis les opportunités d’entreprises ne disposant pas des contacts appropriés. Le processus de transition est maintenant en cours à un rythme variable mais loin d’être achevé. Les incertitudes concernant le processus et les résultats des réformes continuent de peser sur l’investissement privé. En conséquence, dans la plupart des économies de la région qui viennent de vivre une révolution, la croissance post-transition est inférieure à son potentiel et à ce qu’elle était juste avant les soulèvements du Printemps arabe, avec pour conséquences préjudiciables chômage et pauvreté. Les fondamentaux macroéconomiques se sont affaiblis dans les quatre pays avec la contraction de la croissance, et les pouvoirs publics ont réagi aux exigences sociales en adoptant des politiques budgétaires expansionnistes qui ont creusé les déficits jusqu’à des niveaux insupportables, alourdi la charge de la dette publique et exercé des pressions haussières sur les taux d’intérêt réels. Les réserves de change officielles ont diminué, de façon vertigineuse dans certains cas, les pouvoirs publics tentant d’éviter une dépréciation de leur devise alors que les exportations, en particulier les recettes du tourisme, se contractaient et que les investisseurs restaient sur la touche. Le haut niveau des prix du pétrole a soutenu la Libye et le Yémen, mais exacerbé les déséquilibres du solde extérieur courant et les déficits budgétaires de l’Égypte et de la Tunisie. Les tensions internes conjuguées à un environnement mondial difficile et aux répercussions des événements régionaux ont lourdement pesé sur les performances économiques 2012 de certains pays importateurs de pétrole tels que la Jordanie, le Liban et le Maroc. La faiblesse de la 2 Perspectives et développements économiques 2012 – Quel avenir après une année de transition ? croissance mondiale – en particulier dans la zone euro – a eu un effet préjudiciable sur les recettes d’exportation, les revenus du tourisme et les flux d’IED. Parallèlement au niveau élevé des prix internationaux du pétrole et des denrées alimentaires, cette atonie a de surcroît affaibli leur solde extérieur. En particulier, la Jordanie et le Liban ont souffert du conflit en Syrie alors que le Maroc était pénalisé par de maigres récoltes. Les déficits budgétaires devraient perdurer car la croissance s’infléchit et les engagements budgétaires gonflent les dépenses publiques. Les prix élevés du pétrole ont soutenu la croissance économique dans les pays du CCG et en Iraq. En 2012, la croissance économique des pays du CCG exportateurs de pétrole devrait s’établir à 5,1 % en moyenne et celle de l’Iraq atteindre un peu plus de 11 %. En tant que groupe, les pays en développement exportateurs de pétrole autres que ceux qui se redressent suite aux récents troubles devraient afficher un rythme de croissance beaucoup plus faible de seulement 0,5 %, lequel traduit l’impact des restrictions à l’exportation vers l’Iran. L’augmentation des dépenses publiques a toutefois considérablement relevé le niveau des prix du pétrole nécessaire à l’équilibre budgétaire, ce qui laisse les comptes des pays du CCG vulnérables – à différents degrés – à un choc négatif des prix pétroliers. Les perspectives de croissance de la région pour 2013 tiennent compte d’une activité économique mondiale plus faible, en particulier dans l’UE, et d’une modération des prix du pétrole. L’activité économique régionale devrait enregistrer une croissance moyenne de 5,5 % en 2012 et de 3,5 % en 20131. Le ralentissement prévu de la croissance pour l’an prochain traduit dans une large mesure une activité beaucoup plus faible dans les pays exportateurs de pétrole – dont l’expansion devrait s’établir en moyenne à 3,4 % en 2013, en recul par rapport aux 6,5 % attendus pour 2012. La Libye affichera sans doute une croissance plus rapide que la moyenne des pays exportateurs de pétrole, mais celle-ci s’infléchira en 2013 par rapport à son niveau de 2012. À l’inverse, la croissance économique des pays importateurs de pétrole pourrait s’accélérer d’un niveau prévu de 2,6 % pour 2012 à un niveau estimé à 3,7 % pour 2013 ; cependant, l’Égypte et la Tunisie devraient afficher des taux inférieurs à la moyenne de leur groupe. La persistance des incertitudes politiques et stratégiques et des troubles politiques et sociaux constitue un risque majeur susceptible d’affaiblir ces perspectives macroéconomiques. L’incertitude est un obstacle substantiel à l’investissement et au commerce, en particulier au commerce des services. En pleine expansion avant 2011, les exportations de services sont restées un secteur relativement soutenu pour la région MENA, mais les inquiétudes relatives à la sécurité ont entraîné une contraction importante des arrivées de touristes dans la région, ce qui a conduit à une envolée du chômage dans des pays tels que l’Égypte et la Tunisie. Le chômage a par ailleurs augmenté dans ces pays parce que les travailleurs migrants ont quitté les zones affectées par des troubles, notamment la Libye, pour rentrer chez eux. Un renforcement des fondamentaux destiné à soutenir la stabilité macroéconomique sera aussi essentiel pour la 1 Les perspectives macroéconomiques de la région excluent la Syrie où la situation évolue rapidement et où l’on ne dispose pas d’informations sur les principaux paramètres macroéconomiques. Perspectives et développements économiques 2012 – Quel avenir après une année de transition ? croissance dans tous les pays en développement de la région MENA, alors que le niveau élevé des prix internationaux des matières premières alimentaires demeure un sujet de préoccupation. 4