Findings - Africa Region 31260 N° 71 Août 2004 IK Notes fournit des rapports périodiques sur les Initiatives en matière de développement des Savoirs Locaux (IK) en Afrique Sub- Saharienne et occasionnellement sur des initiatives similaires en dehors de la Région. Il est publié par le Africa Region's Knowledge and Learning Center dans le cadre d'un partenariat évolutif entre la Banque mondiale, les communautés, les ONG, les institutions de développement et les organisations multilatérales. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles des auteurs et ne devraient en aucun cas être attribuées au Groupe de la Banque mondiale ou ses partenaires dans cette initiative. Une page web sur les IK est disponible à l'adresse : / / www.worldbank.org/afr / ik/default.htm Vidéo Participative: Les habitants des zones rurales documentent leurs savoirs et leurs innovations Les savoirs locaux et les initiatives locales sont habituellement documentés et diffusés par des étrangers, qui font leurs propres interprétations du processus. La vidéo participative (VP) offre une occasion aux habitants des zones rurales de documenter leurs propres connaissances et expériences et d'exprimer leurs besoins et leurs espoirs selon leurs propres points de vue. Le processus de la VP Le processus de la VP est, essentiellement, extrêmement simple, et l'équipement nécessaire est de plus en plus largement disponible et accessible. Voici comment fonctionne ce processus: ·Les paysans des zones rurales apprennent rapidement comment utiliser l'équipement vidéo grâce à des jeux et à des exercices facilités par des animateurs venus d'ailleurs; ·Les animateurs aident les groupes locaux à identifier et à analyser des questions importantes dans leur communauté et à planifier comment montrer cela dans le film vidéo; ·Les messages vidéo sont exécutés et filmés par ces groupes locaux; ·Les séquences sont montrées à l'ensemble de la communauté lors de projections quotidiennes, mettant ainsi en marche un échange dynamique des idées et des perceptions. Tous les membres d'une communauté, quel que soit leur niveau d'éducation formelle, peuvent utiliser la vidéo pour communiquer leurs points de vue. La VP est un complément potentiellement très efficace des mécanismes existants de communication entre agriculteurs et entre communautés pour échanger des informations, telles que l'art de conter des histoires et les marchés locaux. Les films réalisés peuvent être utilisés pour promouvoir la sensibilisation et l'échange au sein de la même communauté ou dans d'autres communautés. La VP offre aux agriculteurs un moyen de communiquer leurs idées, leurs innovations, leurs théories et leurs décisions non seulement entre eux mais également aux chercheurs formels et aux agents de développement. Les films peuvent également être utilisés à des fins de lobbying et de plaidoyer en les montrant aux décideurs en matière de politique au niveau local, national ou même international. http://www.worldbank.org/afr/ik/french/friknt71.htm (1 of 5)12/12/2005 10:09:14 AM Findings - Africa Region La VP offre une vue " de l'intérieur " d'une manière vivante. Les films peuvent être facilement compris et peuvent stimuler l'intérêt des gens à tous les niveaux. Le médium de la vidéo est facilement transportable et facilement partagé; en d'autres termes, il a une grande " capacité de diffusion ". Exemple de Turkménistan Un exemple récent de VP est le projet Insight exécuté en 2003 au Turkménistan, Asie centrale, avec l'appui de l'ambassade britannique et en association avec le programme Tacis de l'Union Européenne. Entre 2001 et 2003, Tacis avait mis sur pied cinq associations volontaires d'agriculteurs (VFAs). L'objectif des activités de la VP était d'aider à renforcer ces organisations communautaires à la base encore jeunes. L'approche était de permettre à des membres de deux des VFAs d'expliquer ce qu'il fallait faire pour le lancement d'une telle association et ce qu'ils considéraient comme des avantages à en retirer. En expliquant les buts et les objectifs des VFAs d'une manière claire aux décideurs locaux et nationaux en matière de politique, aux chercheurs et aux donateurs internationaux, l'idée de l'innovation par les fermiers fut promue et le soutien du concept des VFAs fut gagné. Ce processus a également aidé les villageois à identifier les défis actuels et les opportunités de développement existantes et à explorer des idées pour l'avenir. Un des principaux problèmes identifiés par les villageois était que bon nombre d'entre eux étaient peu familiers avec le concept d'exploitation agricole familiale. Pendant 70 ans, un système centralisé de fermes d'Etat avait été pratiqué, dans lequel la tâche de chaque personne avait été très spécialisée. Avec l'effondrement de l'Union Soviétique en 1991 et le démantèlement progressif des fermes d'Etat, les villageois louent maintenant la terre de l'Etat et sont responsables de chaque aspect du processus d'exploitation, y compris la réparation des systèmes d'irrigation et la culture, la récolte et la vente des produits sur le marché libre nouvellement créé. Les villageois ont souligné la nécessité d'apprendre des agriculteurs locaux plus expérimentés et de redécouvrir les méthodes traditionnelles de conservation de l'eau, de stockage des produits, de séchage des fruits, etc... Ces connaissances traditionnelles existent toujours, mais sont détenues par seulement un petit nombre d'individus. Il y a également quelques individus dans les villages qui ont été formés à un haut niveau dans leur domaine particulier pendant la période soviétique et qui appliquent maintenant ces connaissances dans leurs propres lopins d'exploitation familiale. Les membres des VFAs ont très vite apprécié la capacité de la vidéo à enregistrer et diffuser les différents types de connaissances plus largement et à donner aux agriculteurs moins expérimentés la chance d'apprendre des " experts " villageois, des innovateurs et des détenteurs de connaissances traditionnelles. En très peu de temps, ils ont planifié et tourné leurs propres courts métrages de formation, de présentation d'outils qu'ils avaient développés eux-mêmes, expliquant comment ils étaient faits, donnant des suggestions et des conseils sur la manière d'entretenir certaines plantes particulières, et ainsi de suite. Ils ont également décidé de faire un film avec un ancien du village qui était hautement considéré comme un innovateur et un spécialiste de la culture des fleurs pour les vendre sur le marché local (voir l'encadré). Le film de Babakuly Babakuly voulait tourner un court métrage faisant participer ses voisins, ses amis et ses parents pour explorer les avantages d'utiliser des serres afin de maximiser la production sur de petits lopins de terre d'exploitation familiale. Il commença son film par interviewer son oncle, le premier dans la région à construire une serre (il y a 30 ans) et qui maintenant cultivait avec succès des roses et coupait les fleurs pour les vendre au marché local. L'oncle expliqua l'importance de partager les expériences puisqu'il y avait tellement à apprendre. Il souligna également la nécessité pour les agriculteurs d'accéder à une plus grande compréhension scientifique: " Nous devons analyser la composition de nos sols. Si nous savions faire cela, nous pourrions ajuster le type et la quantité d'engrais à utiliser et nous pourrions accroître la productivité jusqu'à trois fois plus! " Babakuly organisa ensuite un débat filmé entre lui et un voisin, dans lequel ils calculent qu'un cinquième de tout http://www.worldbank.org/afr/ik/french/friknt71.htm (2 of 5)12/12/2005 10:09:14 AM Findings - Africa Region le revenu annuel tiré des produits cultivés en serre (qui se vendent à cinq fois plus le prix des légumes saisonniers) peut couvrir tous les coûts associés. Babakuly termine son film en expliquant que, en dépit des avantages financiers évidents, beaucoup d'agriculteurs ne peuvent pas utiliser des serres en raison soit du manque des connaissances requises, soit du manque de fonds pour les matériaux de construction. Il suggère alors que des films vidéo localement produits soient utilisés pour donner l'information requise aux agriculteurs, et que de petits prêts à court terme leur soient offerts pour les aider à démarrer. Durant le processus de production de ces courts métrages, les séquences ont régulièrement été montrées à l'ensemble de la communauté lors de projections tests le soir. Les villageois étaient fiers de se voir ainsi que leurs voisins dans les films et avaient le sentiment que leurs connaissances et leur expérience étaient reconnues et appréciées. Ces projections communautaires généraient également un échange local d'idées et d'expériences et encourageaient d'autres à participer au projet de VP. Travail avec les femmes Dans un pays islamique tel que le Turkménistan, il est souvent difficile d'inclure les femmes dans les processus de recherche action communautaire. L'équipe qui animait le processus de la VP comprenait une stagiaire venue d'Ashgabat, la capitale de l'Etat. Sa conclusion était que les méthodes de VP pouvaient produire des résultats dans des situations où d'autres méthodes d'évaluation rurale participative (PRA) avaient échoué. Elle donna comme exemple le premier atelier auquel les femmes locales ont assisté. " Les femmes ne voulaient rien dire ni discuter d'aucun sujet. Elles nous ont dit qu'elles étaient trop occupées et voulaient rentrer chez elles. Nous avons alors commencé à utiliser des outils de vidéo participative et elles sont devenues très enthousiastes. Nous avons joué le " jeu des noms ", où chaque personne a l'opportunité d'interviewer et de filmer une autre personne et parler face à la caméra. Lorsque nous avons visionné le film ensemble, elles l'ont trouvé drôle et étaient fières de ce qu'elles avaient réalisé. Cela a vraiment rompu la glace et elles sont devenues plus confiantes et intéressées par notre projet. Le jour suivant elles nous ont invités chez elles et ont réuni plus de femmes." Les femmes du village commencèrent bientôt à promener l'équipement vidéo dans tout le village et à interviewer d'autres villageois (généralement des femmes). Elles produisirent également des courts métrages. Un de ces courts métrages était centré sur la petite unité de production laitière installée par Tacis. La production et la transformation du lait est de plus en plus un moyen important de génération de revenus. Ce ne sont pas toutes les femmes qui savent produire des denrées de haute qualité et beaucoup n'ont aucune expérience sur la manière de répondre aux besoins et aux opportunités du marché libre. Une fois encore, la vidéo entre les mains de personnes locales à permis d'illustrer et de partager les manières dont les connaissances anciennes et nouvelles sont d'égale importance dans le Turkménistan post-soviétique. Cela et beaucoup d'autres aspects essentiels de la vie au village et des savoirs locaux n'auraient pas pu être représentés sans la pleine participation des femmes locales. Utilisation des films vidéos comme outils d'atelier En l'espace d'un mois, l'animateur du processus de la VP au Turkménistan a compilé une collection éditée des courts métrages vidéos. Cette version a d'abord été montrée aux villageois des communautés où les films avaient été tournés. Elle a ensuite été utilisée dans d'autres villages comme outil pour susciter l'auto-évaluation et l'analyse de la situation. Les villageois pouvaient s'identifier avec les messages vidéos tournés par des gens se trouvant dans la même situation qu'eux. Il y avait un murmure d'approbation parmi les hommes dans l'assistance lorsqu'un agriculteur dans le film vidéo montrait les outils qu'il avait développés pour travailler dans ses serres. Des discussions animées suivaient la partie du film où une femme décrit à son mari derrière la caméra comment elles empêchent les mouches d'abîmer les raisins stockés en les fumant avec une plante http://www.worldbank.org/afr/ik/french/friknt71.htm (3 of 5)12/12/2005 10:09:14 AM Findings - Africa Region spéciale (il s'est avéré que cette méthode n'avait pas été pratiquée, ou avait peut-être été oubliée, dans cet autre village). Des copies des vidéos furent laissées avec des personnes importantes dans les villages ainsi qu'avec certaines boutiques locales de location de films vidéos. Le personnel d'Insight et de Tacis continuera à suivre et à évaluer l'impact de ce travail au niveau local. A Ashgabat, la capitale du Turkménistan, l'animateur de la VP organisa une projection du film réalisé à l'intention de 30 invités à la résidence de l'ambassadeur britannique. Ceux-ci comprenaient des représentants de haut niveau d'un certain nombre d'agences de donateurs internationaux, d'ambassades et d'organisations locales travaillant dans le secteur agricole. Leur réaction était unanimement positive, une discussion animée s'en est suivie et plusieurs agences de donateurs promirent de continuer à soutenir le développement des VFAs à travers tout le Turkménistan. Le jour suivant la projection du film, l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) invita l'animateur de la VP à participer à un groupe de discussion où il fut projeté d'organiser un programme de micro- crédit dans ces VFAs et d'autres communautés d'exploitants agricoles. Cette initiative était en grande partie motivé par le film de Babakuly (voir l'encadré). Le film fut également montré à deux hauts fonctionnaires du ministère de l'agriculture du Turkménistan. Ils étaient très intéressés par les réalisations du programme Tacis et exprimèrent leur soutien à la poursuite de la diffusion du modèle VFA. Le potentiel de la VP pour la promotion de l'innovation locale La VP est un médium basé sur la communication visuelle et verbale. En tant que tels, elle offre de grandes possibilités de renforcement des moyens locaux de communication ­ qui sont également en grande partie visuels et verbaux. De toute évidence, il faut un équipement spécial pour produire et montrer des films vidéos, mais un nombre de plus en plus important d'ONG et même d'organisations communautaires à la base possèdent maintenant leurs propres lecteurs vidéo, et certaines possèdent également des caméras vidéos. Les films vidéos peuvent également être facilement copiés sur CD-ROMs et peuvent alors être regardés sur un ordinateur portable ou sur le Web. De cette manière, la VP peut mettre les expériences et les savoirs locaux sur un réseau mondial, permettant ainsi à tous les acteurs appropriés d'apprendre les uns des autres. Principales leçons apprises ·Le projet réalisé au Turkménistan a montré que les populations locales peuvent rapidement prendre le contrôle du processus de la VP et reconnaître son potentiel comme outil de partage de l'expérience et des savoirs locaux entre différents groupes d'agriculteurs. ·La VP peut être utilisée comme moyen de collecte, de validation et de diffusion des technologies développées par des agriculteurs auprès d'audiences transnationales, que ce soit des agriculteurs, des chercheurs ou des décideurs en matière de politique. ·Le fait d'avoir une femme dans l'équipe d'animation de la VP a beaucoup facilité le travail avec les femmes dans un pays islamique et ainsi, d'introduire les points de vue des femmes dans l'analyse faite par la communauté de la situation et des possibilités. ·Les films produits par la VP sur les innovations et l'expérimentation réalisées par des agriculteurs peuvent aider à faire entendre la voix des agriculteurs et porter leurs images à la connaissance des décideurs de politique en matière de recherche et de développement agricole (ARD). C'est là un moyen d'introduire les perspectives des agriculteurs dans les plate-formes multipartites sur le sujet, une approche qui peut inciter d'autres groupes de parties prenantes à ouvrir ces plate-formes directement aux agriculteurs chercheurs. De cette manière, les agriculteurs pourront exercer une plus grande influence dans la prise de décision au sujet des programmes de ARD. Cet article a été écrit par Chris Lunch de Insight, une organisation basée en Grande Bretagne qui utilise la vidéo participative comme puissant outil de recherche et de développement. Elle a plus de 15 ans d'expérience dans l'animation des projets à la base, dans le travail avec les communautés, les ONG et les organisations http://www.worldbank.org/afr/ik/french/friknt71.htm (4 of 5)12/12/2005 10:09:14 AM Findings - Africa Region gouvernementales en Asie centrale, au Mali, à Cuba, au Zimbabwe, en Afrique du Sud, au Népal et en Grande Bretagne. Les participants comprenaient des réfugiés, des utilisateurs de services de santé mentale, des enfants de la rue, des éleveurs et des coopératives d'agriculteurs. Pour plus d'informations, contacter : clunch@insightshare.org Notes CA intéresserait également: Nom ________________________ Institution ____________________ Adresse ______________________ Les lettres, commentaires, et demandes de publications doivent être adressées à: Editor: IK Notes Knowledge and Learning Center Africa Region, World Bank 1818 H Street N.W., Room J5-055 Washington, D.C. 20433 E-mail: pmohan@worldbank.org http://www.worldbank.org/afr/ik/french/friknt71.htm (5 of 5)12/12/2005 10:09:14 AM