39249 D O C U M E N T D E T R AVA I L D E L A B A N Q U E M O N D I A L E N O . 1 0 3 S É R I E : L E D É V E L O P P E M E N T H U M A I N E N A F R I Q U E Enseignement Supérieur en Afrique Francophone Quels leviers pour des politiques financièrement soutenables? BANQUE MONDIALE D O C U M E N T D E T R A V A I L D E L A B A N Q U E M O N D I A L E N O . 1 0 3 Enseignement Supérieur en Afrique Francophone Quels leviers pour des politiques financièrement soutenables? Pierre Antoine Gioan Département pour le Développement Humain de la Région Afrique BANQUE MONDIALE Washington, D.C. Copyright © 2007 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433 (États-Unis d'Amérique) Tous droits réservés Fabriqué aux États-Unis d'Amérique Premier tirage: mars 2007 Fabriqué de papier recyclé 1 2 3 4 5 09 08 07 Document de travail de la Banque mondiale sont publiés pour faire connaître les résultats des travaux de la Banque mondiale à la communauté de développement dans les meilleurs délais possibles. Ce document n'a donc pas été imprimé selon les méthodes employées pour les textes officiels. Centaines sources citées dans le texte peuvent être des documents officieux qui ne sont pas à la disposition du public. Les constatations, interprétations et conclusions qu'on trouvera dans le présent rapport n'engagent que les auteurs et ne doivent être attribuées en aucune manière à la Banque mondiale, à ses institutions affiliées ou aux membres de son Conseil d'Aministration, ni aux pays qu'ils représentent. 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Construire et conduire des politiques à moyen et à long terme : de la mise en place d'un dispositif de pilotage à la définition des responsabilités des acteurs 7 Une révision des modalités d'allocation des ressources 8 Une réelle autonomie des établissements 8 3. Améliorer la gestion et la planification des systèmes d'ESR : les principaux leviers pour des politiques d'enseignement supérieur financièrement soutenables 11 Maîtriser l'évolution des effectifs étudiants 12 La réduction des dépenses unitaires (par étudiant) 22 La mobilisation des ressources en faveur de l'enseignement supérieur 29 La mobilisation des ressources externes 31 4. Conclusion 33 Annexe : Quelques leviers possibles pour des politiques d'enseignement supérieur soutenables financièrement 35 iii Remerciements L a rédaction de cet article a été commanditée par la Banque mondiale, en prépara- tion de la Conférence sur "l'Enseignement Supérieur au coeur des Stratégies de Développement en Afrique Francophone : Mieux Comprendre les Clefs du Succès", qui a eu lieu à Ouagadougou, au Burkina Faso, du 13 au 15 juin 2006 et a été organisée en collaboration avec le Ministère français des Affaires Etrangères et l'Agence Universitaire de la Francophonie. Une version préliminaire a fait l'objet d'une présentation à cette occasion. Les propositions, interprétations et conclusions exprimées ici sont ceux de l'auteur uniquement et ne reflètent ni les points de vue des membres du conseil d'Administration de la Banque Mondiale, ni des gouvernements qu'ils représentent. L'auteur tient à remercier tout particulièrement William Experton (AFTH2) et Jamil Salmi (HDNED) pour leurs commentaires et suggestions et Chloë Fèvre (AFTH2) qui a activement contribué à la relecture de cet article. v Résumé L'enseignement supérieur face à des contraintes multiples 1. Depuis plus d'une décennie, l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) dans les pays francophones d'Afrique sont confrontés à une crise profonde dont l'origine se situe princi- palement dans le déséquilibre croissant entre les besoins nécessaires pour assurer un ensei- gnement de qualité et les ressources disponibles. L'objet de cet article est : i) de mettre en évidence les facteurs qui font que cette situation se rencontre dans la plupart de ces pays ; ii) d'identifier les conditions qui permettent d'inscrire les dispositifs d'enseignement supérieur et de recherche dans des évolutions mieux maîtrisées et soutenables financièrement et iii) de proposer des pistes pour améliorer le financement de ce secteur tout en préservant sa qualité. 2. Dans de nombreux pays, la situation se caractérise par : i) une administration de l'ESR peu ou mal outillée pour définir des politiques soutenables financièrement à moyen et à long terme ; ii) des partenaires au développement peu enclins à soutenir un secteur dont la visi- bilité est mal assurée ; iii) des établissements qui, tout en revendiquant une autonomie, n'ont pas les moyens de l'assumer en raison de leur dépendance financière quasi-totale à l'Etat. Dans ce contexte, les efforts déployés par les autorités politiques depuis les années 1990 ont eu tendance à se centrer en priorité sur la gestion et la prévention des crises et des conflits, au détriment de la définition et de la mise en oeuvre d'un cadre global de développement de l'ESR à moyen et à long terme qui soit équilibré et soutenable financièrement 3. Face à la triple contrainte d'une forte croissance des effectifs de l'enseignement supérieur, de marges budgétaires réduites et d'un marché de l'emploi peu porteur, les choix de politiques s'avèrent limités. Trois principes directeurs peuvent toutefois guider l'élaboration des poli- tiques dans ce contexte : i) renforcer l'utilité sociale et économique de l'ESR en adaptant au maximum l'offre de formation et de recherche aux besoins réels des pays ; ii) maîtriser l'évo- lution des effectifs étudiants dans des proportions compatibles avec les possibilités budgé- taires ; iii) optimiser l'utilisation des moyens disponibles en impliquant au mieux le secteur privé et en orientant le plus possible les ressources disponibles vers les dépenses pédagogiques et de recherche, ce qui impose de maîtriser voire plafonner les dépenses sociales. Les principaux leviers pour des politiques financièrement soutenables 4. Compte tenu de fortes contraintes budgétaires, qui diffèrent cependant selon les pays, les évolutions tendancielles des effectifs sur la base des dynamiques propres du système éducatif seront impossibles à soutenir financièrement au cours des dix prochaines années. Tout en procédant aux ajustements de l'offre de formation pour mieux correspondre à la demande économique, l'évolution des effectifs dans le secteur public devra être maîtrisée afin de la rendre compatible avec les moyens disponibles ou mobilisables. 5. Sans aller jusqu'aux mesures draconiennes susceptibles de créer des situations de crise, de multiples pistes sont envisageables : i) maîtriser l'évolution des flux qui parviennent au supé- rieur pour éviter un accroissement difficilement gérable des effectifs étudiants; ii) mieux cibler vii viii Résumé les aides sociales envers les plus démunis et/ou les plus méritants ; (iii) limiter la durée des études supérieures pour éviter une accumulation des effectifs étudiants dans les établisse- ments ; (iv) mieux orienter les étudiants vers les filières porteuses d'emplois et correspondant aux besoins de développement du pays ; (v) oeuvrer à la promotion d'un secteur privé d'enseignement supérieur par des mesures d'incitation fiscales et non fiscales ; (vi) réduire les coûts unitaires de formation ; (vii) mobiliser des ressources propres complémentaires. La com- binaison de ces mesures devrait permettre la mise en oeuvre d'un ESR efficace et acceptable socialement. 6. Dans les pays d'Afrique francophone, la part du budget national consacrée à l'ESR consti- tue la principale source stable de financement du secteur. Si des marges de manoeuvre exis- tent selon les pays, des augmentations budgétaires correspondant à la croissance prévisible des effectifs (20 % par an dans certains pays) seront difficilement envisageables. D'autres voies pour assurer un financement satisfaisant de l'ESR sont donc nécessaires. Une meilleure maî- trise de la croissance des effectifs étudiants dans le secteur public et la promotion du secteur privé offrent des possibilités non négligeables. De même en est-il d'une meilleure répartition des ressources internes au secteur de l'enseignement supérieur ainsi que la rationalisation de la gestion visant à diminuer les coûts unitaires de formation là où des marges de manoeuvre existent. 7. En moyenne, plus de 45 % des ressources consacrées au fonctionnement de l'enseigne- ment supérieur sont affectées aux aides sociales (bourses, restauration, logement, transport, etc.), limitant d'autant les disponibilités financières pour les autres postes de dépenses. Un des enjeux majeurs pour les systèmes d'enseignement supérieur est de pouvoir réguler au mieux la politique des aides sociales en jouant sur les différents instruments disponibles. Contenir les budgets affectés aux aides sociales et réallouer une part plus importante aux activités de formation et de recherche permettraient de garantir un meilleur fonctionne- ment du système. 8. Outre une meilleure maîtrise et un meilleur ciblage des aides financières directes (bourses, aides financières diverses), des marges de manoeuvre importantes existent sur l'hébergement et la restauration des étudiants. Ces postes représentent, dans certains cas, une part non négligeable du budget affecté aux oeuvres sociales. Les formules de rési- dences ou de restaurants universitaires classiques reviennent à des coûts prohibitifs se situant entre 5 et 10 fois les coûts constatés dans des formules d'habitat ou de restauration fournis par des promoteurs privés sur des standards plus proches des réalités locales. Une des voies pour limiter les charges sans sacrifier les prestations sociales consiste alors à créer les conditions favorables et le cadre incitatif qui permettront à des promoteurs privés d'offrir ces services aux étudiants à des coûts correspondant au mieux à leurs possibilités financières, permettant alors à l'Etat de se désengager de l'investissement et de la gestion directe de ces activités. 9. L'analyse de l'utilisation des ressources internes au secteur de l'enseignement supérieur montre qu'il est possible de réduire les dépenses unitaires de formation sans détériorer les conditions d'enseignement. Les principaux axes d'amélioration portent notamment sur la maîtrise de la masse salariale en se rapprochant des normes d'encadrement admises pour ce type de structures (personnels enseignants, administratifs et techniques), sur la diminution des charges de fonctionnement par la réalisation d'économies d'échelle (mise en commun Résumé ix de services et passation en commun de marchés de sous-traitance), sur la restructuration de l'offre de formation et sur un meilleur contrôle des procédures de dépenses. 10. Les établissements peuvent mobiliser des ressources propres, complémentaires aux res- sources publiques, notamment en offrant des formations supérieures professionnelles attractives, des formations continues (diplômantes ou pas) ou encore des prestations d'expertise. Afin que ce type d'activités génératrices de revenus se développe, une plus grande liberté d'initiative ainsi que des mesures incitatives, tant pour les fournisseurs que pour les clients de ces prestations, devraient être mises en place. 11. Des ressources externes (PTF) seront d'autant plus faciles à mobiliser si une politique à moyen terme est définie de façon réaliste, pertinente et soutenable financièrement. Des mécanismes incitatifs et compétitifs pourraient être mis en place pour que ces moyens addi- tionnels soient mis à disposition pour des thématiques ayant des effets d'entraînement sur l'amélioration des systèmes et qui contribueraient à susciter et accompagner des réformes structurelles sur le long terme. Construire et piloter des politiques viables à moyen et à long terme 12. Afin de construire des politiques socialement et financièrement soutenables, l'Etat doit mettre en place une capacité d'anticipation et de programmation prenant en compte les paramètres du système éducatif dans sa globalité et opérant les choix et les arbitrages en fonction des objectifs à atteindre et des contraintes rencontrées. Une fois dotée d'une vision de développement et d'un cadre de programmation à moyen et à long terme, l'Adminis- tration pourra alors inciter les établissements à se moderniser et réguler le développement du dispositif via, par exemple, des procédures contractuelles. Ce mode de pilotage, par lequel l'Administration d'une part, et les établissements d'ESR d'autre part, s'engagent sur des résultats à atteindre et des ressources à mobiliser, implique que l'Etat se donne les moyens de faire partager aux institutions d'enseignement supérieur et de recherche les objectifs qu'il s'est assignés dans le cadre de sa politique et se donne les outils pour allouer les ressources budgétaires sur des critères précis et en direction des actions qui répondent le mieux aux objectifs définis. 13. En parallèle, donner aux établissements publics plus d'autonomie pour définir leurs stra- tégies et conduire leurs politiques (dans le cadre des orientations définies par l'Etat et des enga- gements contractés à moyen terme) permettrait de responsabiliser les acteurs sur les résultats à atteindre tout en conciliant progressivement les impératifs politiques et les impératifs tech- niques et pédagogiques, gage d'une plus grande efficacité du service public. Corollaire de cette autonomie, les établissements devraient alors se soumettre à une évaluation des résultats. 14. Malgré le poids des contraintes qui pèsent sur les systèmes d'enseignement supérieur, il n'est pas illusoire de vouloir construire des politiques équilibrées, pertinentes, soute- nables financièrement et acceptables socialement. Bien des leviers existent qui peuvent être mobilisés à cet effet en fonction des situations propres à chaque pays. Introduction D epuis plus d'une décennie, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR) dans les pays francophones d'Afrique est confronté à une crise profonde dont l'origine se situe principalement dans le déséquilibre croissant entre les besoins nécessaires pour assurer un enseignement de qualité et les ressources financières disponibles. Les solutions partielles parfois apportées n'ont pas permis d'entrevoir de solu- tions durables, capables de répondre aux principales questions qui se posent et qui sont les suivantes : i) Comment répondre à une demande sociale d'enseignement supérieur de plus en plus forte (doublement des effectifs étudiants tous les 4/5 ans dans certains pays francophones) dans un contexte de ressources financières déjà bien insuffisantes pour assurer l'existant ? ii) Comment gérer le paradoxe entre des effectifs d'étudiants pléthoriques en regard des capacités d'accueil et une proportion de classe d'âge accédant au supérieur parmi les plus faibles au monde (de l'ordre de 3 %) ? iii) Comment améliorer le rendement économique et social de l'enseignement supérieur dans un contexte où la demande du marché de l'emploi est bien inférieure aux flux de nouveaux diplômés ? iv) Comment responsabiliser au mieux les établissements d'enseignement supérieur afin qu'ils maîtrisent leur développement en termes d'évolution des flux et de ressources ? De la part des administrations concernées, les réponses immédiates consistent en général à satisfaire à la forte demande sociale sans pouvoir le faire toutefois dans de bonnes condi- tions, ce qui conduit inexorablement à des situations chaque année de plus en plus critiques 1 2 Document de Travail de La Banque Mondiale et à une dégradation progressive de la qualité du service public d'enseignement supérieur. Les dépenses moyennes par étudiant, exprimées en unités de PIB par habitant, ont été pra- tiquement divisées par deux depuis le début des années 1990 dans les pays francophones (de 4,20 unités de PIB par habitant au début des années 1990 à 2,80 unités de PIB par habitant pour les années les plus récentes1). Rares sont les pays qui ont pu élaborer des politiques équilibrées répondant à la fois aux aspirations sociales et aux besoins économiques, pre- nant en compte l'ensemble des contraintes et des paramètres du secteur de l'éducation tout en étant soutenables financièrement sur le moyen et le long terme. L'objet de ce document de travail est : i) de mettre en évidence les facteurs qui font que cette situation se rencontre dans la plupart des pays francophones d'Afrique, bien qu'à des degrés divers ; ii) d'identifier les conditions susceptibles d'inscrire les dispositifs d'enseignement supérieur dans des évolutions mieux maîtrisées et soutenables financièrement ; iii) de passer en revue les leviers sur lesquels agir pour assurer un financement durable de ce secteur et contribuer ainsi à en assurer la qualité et la pertinence. 1. Coût et Financement de l'Enseignement Supérieur en Afrique francophone, Borel Foko et Mathieu Bros- sard ; la Banque Mondiale, Mars 2007. C H A P I TR E 1 L'absence de politiques nationales d'ESR, équilibrées et soutenables financièrement à moyen terme Des facteurs structurels pénalisants A l'origine, les dispositifs d'enseignement supérieur mis en place dans la plupart des pays francophones d'Afrique ont été conçus pour former les cadres destinés à diriger les pays nouvellement indépendants. Ces dispositifs comportaient généralement une seule univer- sité, dite Université Nationale, et selon les pays, des Ecoles d'Ingénieurs sous tutelle de ministères techniques correspondant aux spécialités concernées (agriculture, administra- tion, formation d'enseignants, travaux publics, etc.) ou encore des écoles inter-Etats per- mettant de répondre à un souci d'économie d'échelle. La recherche, pour sa part, était le plus souvent menée dans des centres ou instituts rattachés administrativement à des minis- tères techniques en fonction de leurs spécialités (agriculture, santé pour l'essentiel). Les besoins en formation étant bien supérieurs à la demande et les perspectives de croissance économique étant alors optimistes, la question d'une régulation des flux et la nécessité d'une vision prospective à moyen et à long terme pour anticiper les évolutions ne se posait pas. Chaque établissement, sous tutelle d'une entité administrative diffé- rente, possédait sa propre logique de développement, guidée par le souci de répondre au mieux à la formation des ressources humaines nécessaires au développement national. Dans ce contexte, aucune pratique de pilotage centralisé pouvant permettre la conception de politiques globales de développement du secteur ne s'est avérée nécessaire durant bien des années. Si ce dispositif a joué pleinement son rôle entre les années 1960 et 1980, en pour- voyant notamment aux besoins de l'administration, une rupture s'est produite au début des années 1990, sous la conjonction d'un certain nombre de facteurs, parmi lesquels : i) la stagnation voire l'arrêt des recrutements dans la fonction publique ; ii) le peu de perspectives d'emploi offertes par le secteur productif privé ; iii) la forte croissance de la 3 4 Document de Travail de La Banque Mondiale demande sociale d'enseignement supérieur liée à l'expansion des niveaux primaire et secondaire. L'accroissement important des effectifs étudiants, surtout depuis le début des années 1990, a conduit progressivement à la diversification des structures de formation. Dans cer- tains pays, ce mouvement s'est accompagné de la déconcentration de l'Université Nationale alors que parallèlement, un secteur privé d'enseignement supérieur émergeait, prenant une place plus ou moins importante dans les dispositifs nationaux. Cette diversification reste cependant moins importante en Afrique que dans le reste du monde. Avec cette expansion et cette diversification du dispositif d'enseignement supérieur et de recherche, la mise en place d'une administration centrale chargée de programmer, de réguler et de piloter le développement du secteur dans toutes ses dimensions (enseigne- ment, recherche et oeuvres sociales pour les étudiants) est devenue nécessaire. Des services administratifs centraux ont été créés à cet effet, mais se sont tout de suite trouvés dans des situations très difficiles, marquées par : i) une autorité et un pouvoir d'intervention très limi- tés ; ii) une absence d'informations sur la gestion du dispositif d'ESR ; iii) une absence d'outils de planification et de programmation ; iv) des difficultés à allouer les moyens sur des bases planifiées car ne disposant ni des informations ni des outils pour le faire ; v) une quasi-impossibilité à élaborer des choix de politiques sur des bases chiffrées faute de pou- voir disposer des informations de nature à étayer les prises de décision. Dans ce contexte, l'administration centrale s'est retrouvée démunie dans la plupart des cas, sans réelle recon- naissance de légitimité de la part des structures sous tutelle et par conséquent, dans l'inca- pacité de développer une vision prospective cohérente et soutenable du développement du système et d'en coordonner la mise en oeuvre. La fausse autonomie des établissements d'enseignement supérieur Les établissements d'enseignement supérieur, et plus particulièrement les universités, ne disposent pas d'une réelle autonomie financière (bien que disposant en général d'une auto- nomie administrative conférée par leur statut d'établissement public), dans la mesure où ils dépendent à plus de 90% des ressources publiques et donc d'une allocation de ressources provenant de la tutelle administrative. Cette contrainte les a rendus fortement tributaires des décisions politiques, notamment en ce qui concerne l'accueil de nouveaux étudiants, le recrutement de nouveaux enseignants, les budgets de fonctionnement et d'investisse- ment. Les marges de manoeuvre se sont donc avérées étroites pour les établissements qui, bien qu'autonomes en théorie, n'ont pu définir leur politique de développement que dans les limites des moyens accordés par l'Etat. Or, en raison des limites évoquées ci-dessus, les tutelles administratives et financières rencontrent de fortes difficultés tant pour réaliser des arbitrages budgétaires fondés sur des paramètres techniques, que pour allouer les ressources sur la base de paramètres quantita- tifs et qualitatifs pertinents (nombre d'étudiants, programmes de recherche, objectifs qua- litatifs, etc.). L'affectation des ressources publiques aux établissements d'enseignement supérieur s'effectue le plus souvent sur la base d'un pourcentage affecté au budget de l'année précédente, indépendamment des charges réelles qu'aura à supporter l'établissement. Ces modalités peuvent toutefois varier en fonction du pouvoir de persuasion du responsable d'établissement et de sa capacité de dialogue avec l'autorité administrative. Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 5 Des difficultés à mobiliser des appuis externes Dans le même temps, les efforts de la majorité des partenaires techniques et financiers (PTF) en matière d'éducation se sont prioritairement orientés vers le secteur primaire dans le cadre des objectifs du millénaire. Le dialogue sur l'ESR entre les partenaires au développement et les gouvernements se sont confrontés, durant cette période, à l'absence de vision à moyen et à long terme du développement du secteur et à l'appréciation divergente de l'utilité, pour les économies des pays concernés, de certaines formations supérieures. Dans un contexte où le retard par rapport à la scolarisation primaire universelle exi- geait des efforts de rattrapage importants et où un nombre croissant de diplômés de l'en- seignement supérieur rencontraient des difficultés d'insertion professionnelle, les PTF se sont le plus souvent positionnés contre les risques de dérapages budgétaires de l'ESR, dont le rendement économique et social s'avérait plus faible que les autres niveaux d'en- seignement. Le manque de politiques à moyen terme et l'absence de visions prospectives partagées ont également conduit certains PTF à limiter leur soutien à des initiatives innovantes, à des projets pédagogiques et de recherche ciblés, à des projets d'amélioration de la gouvernance des établissements ou à des projets de centres d'excellence régionaux, sans d'ailleurs que soient toujours prises en compte la cohérence d'ensemble de ces initiatives et leur soute- nabilité dans le temps. Le soutien à ces projets ciblés a été privilégié au détriment de l'éla- boration de politiques nationales globales et de la gouvernance d'ensemble des dispositifs nationaux. Dans ce contexte où se conjuguent à la fois : i) des administrations de l'enseignement supérieur peu ou mal outillées pour définir des politiques cohérentes et soutenables finan- cièrement ; ii) des établissements qui n'ont pas les moyens d'assumer l'autonomie reven- diquée en raison de leur dépendance financière quasi totale à l'Etat ; iii) des partenaires au développement peu enclins à investir dans un secteur aux orientations peu lisibles et à la gestion mal assurée, la tendance observée dans la plupart des pays depuis des années a consisté à accueillir à chaque rentrée universitaire un nombre de plus en plus élevé d'étu- diants dans des conditions de plus en plus critiques. Les administrations ont alors centré leurs efforts sur la prévention des crises et des conflits, que cette situation génère inévita- blement, plutôt que sur la construction d'un cadre de développement équilibré et soute- nable à moyen et à long terme. C'est ainsi que les arbitrages budgétaires, plus imposés que choisis, se sont souvent effectués en faveur des aides sociales, destinées à une population étudiante croissante et exprimant avec de plus en plus de force ses revendications, au détriment du maintien de la qualité de l'enseignement et de la recherche. C H A P I TR E 2 Construire et conduire des politiques à moyen et à long terme De la mise en place d'un dispositif de pilotage à la définition des responsabilités des acteurs R enverser la tendance observée suppose que se construisent des politiques à moyen et à long terme, bâties sur des choix prenant en compte les différents paramètres du système éducatif dans leur globalité et opérant les arbitrages en fonction des objectifs à atteindre et des contraintes rencontrées. Pour cela, les dispositifs d'ESR devraient se doter d'une « capacité » à anticiper, à définir et à conduire ces politiques. Pour être effi- cace, cette « capacité » devrait être positionnée à un niveau institutionnel pertinent lui donnant une véritable autorité d'arbitrage en matière de réformes et d'allocation des ressources. La construction de cette capacité à définir et à conduire des politiques passe par : i) la mise en place d'un système d'information capable de fournir les données de gestion indis- pensables sur le système : effectifs, coûts unitaires, ratios de gestion, comportement des cohortes d'étudiants en fonction des types de formation, évolution du marché de l'emploi, taux d'insertion des diplômés, etc. ; ii) l'utilisation d'outils de programmation permettant de simuler les évolutions en fonction de différentes options et/ou de réformes projetées et de programmer les besoins budgétaires en fonction de ces évolutions, des normes de coût et des ratios de gestion ; iii) la mise en place de mécanismes d'allocation des ressources sur des bases maîtrisées et/ou négociées dans le cadre, par exemple, de procédures contractuelles qui prennent en compte la réalisation d'objectifs déclinés des politiques nationales ; iv) une plus grande autonomie des établissements pour libérer l'initiative et responsabiliser les acteurs ; v) une évaluation des résultats. 7 8 Document de Travail de La Banque Mondiale Schéma n° 1. Construire et conduire des politiques à moyen et à long terme CONSTATS LEVIERS CONSTRUIRE UNE CAPACITE A DEFINIR ET A METTRE EN OEUVRE DES - Le secteur est gouverné POLITIQUES PERTINENTES ET SOUTENABLES par la demande sociale FINANCIEREMENT A MOYEN ET A LONG TERME ET LA FAIRE EXISTER - La décision est souvent INSTITUTIONNELLEMENT : motivée par l'urgence - CAPACITE de recueil et d'analyse des informations pédagogiques, budgétaires - Les informations de et sur l'emploi; gestion sont peu ou pas disponibles - CAPACITE de planification programmation ­ budgétisation; - Le développement - CAPACITE d'allocation des du dispositif n'est pas ressources sur des bases planifiées; programmé - CAPACITE de suivi/ évaluation, de régulation et de prise de décision Une révision des modalités d'affectation des ressources Dotée d'une vision de développement et d'un cadre de programmation à moyen et à long terme, l'Administration sera alors dans la mesure d'allouer les ressources aux établisse- ments en fonction des paramètres les plus pertinents (comme, par exemple, le nombre d'étudiants par type de filières, les ratios d'encadrement pour les enseignants et les per- sonnels administratifs et techniques, les activités de recherche, etc.). Elle pourra également inciter les établissements à se moderniser (amélioration de l'information scientifique et technique, politique de maintenance, mise en place d'une démarche qualité etc.) et pourra réguler le développement du dispositif par des procédures contractuelles par exemple. Ce mode de pilotage, par lequel à la fois l'Administration et les établissements d'ESR s'enga- gent sur des résultats à atteindre et des ressources à mobiliser, implique que l'Etat se donne les moyens de faire partager aux institutions d'ESR les objectifs qu'il s'est assignés dans le cadre de sa politique et se donne les outils pour orienter les ressources budgétaires en direc- tion des actions qui répondent le mieux aux objectifs ainsi définis. Une réelle autonomie des établissements Donner aux établissements publics, dans le cadre des orientations définies par l'Etat et des engagements contractés (objectifs et moyens), la possibilité de définir leurs stratégies et de conduire leurs politiques en assumant leurs choix permet de responsabiliser les acteurs sur les résultats à atteindre. Dans l'espace francophone, certains établissements (notamment les Grandes Ecoles ou certaines Universités) définissent leurs critères d'admission et maî- trisent ainsi l'évolution des effectifs étudiants, d'autres parviennent à fixer des frais d'ins- cription plus en rapport avec la réalité des coûts ou encore maîtrisent totalement la gestion Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 9 Schéma n° 2. Les principes d'un pilotage du dispositif d'ESR Etablissements PILOTAGE SYSTEME Agir sur l'ensemble des - Anticiper - Responsabiliser paramètres du système - Réguler - Inciter pour rechercher le meilleur - Allouer les - Stimuler compromis entre ressources (concurrence) - offre de formation / - Réglementer recherche et besoins - Contrôler - gestion des flux - Décider - allocation des ressources - Evaluer Autonomie des .Services centraux Établissements .Instances spécialisées - Effectifs étudiants - Ressources humaines Négocier - Enseignants - Procédures contractualiser - Auto-financement - Outils - Programmes - Moyens financiers de leurs ressources humaines. Toutefois, la plupart des Universités ne bénéficient pas de ces marges de manoeuvre et sont soumises aux décisions de la tutelle sans que les moyens correspondants ne leur soient forcément accordés. Combiner une approche contractuelle où l'Etat se donnerait les moyens de faire par- tager ses orientations à moyen terme avec une plus grande autonomie des établissements, permettrait de concilier progressivement les impératifs politiques et les impératifs tech- niques et pédagogiques, gage d'une plus grande efficacité du service public. Corollaire de cette autonomie, les établissements devraient alors se soumettre à une évaluation des résultats. C H A P I TR E 3 Améliorer la gestion et la planification des systèmes d'ESR Les principaux leviers pour des politiques d'enseignement supérieur financièrement soutenables U ne fois le dispositif de pilotage mis en place et les responsabilités/moyens d'action de chacun des acteurs clairement définis, les gouvernants et établisse- ments d'ESR pourront s'attaquer aux contraintes qui pèsent sur le développement du secteur. Celles-ci se retrouvent à des degrés divers dans l'ensemble des pays francophones d'Afrique : i) une forte demande sociale d'enseignement supérieur induite par la dynamique interne du système éducatif ; ii) un marché de l'emploi peu demandeur en diplômés de l'enseignement supérieur ; iii) des possibilités budgétaires offrant des marges de manoeuvre réduites. Dans ce contexte triplement contraignant, les choix de politiques sont délicats. L'élaboration des politiques peut tout de même être guidée par trois principes directeurs, consistant à : i) renforcer l'utilité sociale et économique de l'ESR en adaptant au maximum l'offre de formation et de recherche aux besoins réels du pays ; ii) maîtriser l'évolution des effectifs étudiants dans des proportions compatibles avec les possibilités budgétaires ; iii) optimiser l'utilisation des moyens disponibles en impliquant au mieux le secteur privé et en orientant le plus possible les ressources en direction des dépenses pédagogiques et de recherche, ce qui imposerait de plafonner les dépenses sociales. Ce document de travail portant essentiellement sur le financement de l'enseignement supérieur, nous n'aborderons pas les problèmes de l'adaptation qualitative de l'offre de for- mation aux besoins économiques et sociaux, bien que celle-ci ait des conséquences impor- tantes en matière de coût économique et social et de coût de fonctionnement de l'ESR. En effet, si satisfaire à la demande sociale immédiate d'enseignement supérieur permet d'obtenir un statu quo fragile quoique difficile à maintenir avec des moyens limités, cela ne règle en rien 11 12 Document de Travail de La Banque Mondiale les problèmes inévitables qui surgiront au moment de la sortie des diplômés confrontés alors aux difficultés de l'insertion dans l'emploi. Par ailleurs, on constate que beaucoup de pays se trouvent confrontés au paradoxe consistant à avoir, d'une part, des effectifs étu- diants pléthoriques en regard des faibles possibilités d'insertion dans l'emploi et, d'autre part, un déficit important du potentiel humain pour s'engager dans la voie du développe- ment durable. Au carrefour de cette problématique, l'ESR ne doit pas se contenter de four- nir une réponse à la demande sociale d'enseignement supérieur en accueillant des flux toujours plus importants d'étudiants dans des filières sans issue. En effet, il lui faut appor- ter des réponses adaptées à cette situation, en proposant notamment une offre de forma- tion plus professionnalisée, en rapport avec la réalité des besoins économiques et sociaux nationaux, et en orientant les effectifs étudiants vers les filières porteuses d'emploi. Le travail essentiel du planificateur consiste à rechercher le meilleur compromis pos- sible et acceptable entre les trois variables clés que sont : l'évolution des effectifs étudiants, les coûts unitaires de formation et les moyens mobilisables en faveur du secteur de l'ESR. L'objectif est de parvenir progressivement à un équilibre qui satisfasse à la fois la demande sociale, la réalité économique, les contraintes budgétaires et les exigences pédagogiques. Les points suivants essaieront de montrer quelles sont les marges de manoeuvre qui peu- vent être dégagées pour optimiser ce travail de planification. Maîtriser l'évolution des effectifs étudiants L'évolution du nombre d'étudiants constitue une donnée essentielle pour la programmation des dispositifs d'enseignement supérieur dans la mesure où les besoins pédagogiques, humains et financiers sont en liaison directe avec le nombre d'étudiants à former. Dans le contexte des pays concernés, les budgets accordés aux aides sociales pour les étudiants, com- posante majeure des budgets alloués au secteur, sont également directement liés au nombre d'étudiants. Deux approches s'opposent lorsque l'on se livre à cet exercice de prospective : d'une part, une approche permettant d'estimer l'évolution des effectifs étudiants à partir de la dynamique propre du système éducatif et d'autre part, une approche plus utilitariste qui consiste à programmer une évolution des effectifs étudiants sur la base des données pros- pectives relatives à l'évolution du marché de l'emploi et à mettre en place des mécanismes pour limiter le nombre d'étudiants en fonction des effectifs retenus comme cible (cas de la Tunisie par exemple). Sur les bases tendancielles liées aux dynamiques propres des systèmes éducatifs et sans envisager de mesures de sélection à l'entrée du supérieur, les estimations réalisées dans divers pays francophones d'Afrique de l'Ouest montrent qu'au cours des prochaines années on devrait assister à des accroissements d'effectifs très importants (doublement tous les 5 ans dans certains pays, voir graphique 1 ci-après). S'en tenir par contre aux stricts besoins du marché de l'emploi, outre le fait que les pré- visions dans ce domaine restent fortement aléatoires surtout dans une situation où le sec- teur moderne d'emploi représente en général moins de 5 % de la population active, reviendrait, dans bien des cas, à instaurer une limitation drastique de l'accès à l'enseigne- ment supérieur, difficilement acceptable socialement, surtout dans le contexte franco- phone où l'obtention du baccalauréat donne en principe un droit d'accès automatique à Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 13 l'enseignement supérieur. Cela nécessiterait également un réajustement qualitatif complet de l'offre de formation qui, compte tenu de la structure actuelle des dispositifs d'ESR, ne pourrait s'envisager que de manière progressive (suppression de filières, reconversion des enseignants, flexibilité pour une adaptation permanente de l'offre à la demande, investisse- ments pour de nouvelles filières plus professionnalisées, etc.). Graphique 1. Evolution des effectifs d'étudiants et projection de la demande sociale dans les pays francophones d'Afrique:2 1991- 2004 Tendance de la demande sociale 1 800 000 1 600 000 1 400 000 1 200 000 1 000 000 800 000 600 000 400 000 200 000 0 1990 1995 2000 2005 2010 2015 Par ailleurs, quelles que soient les contraintes rencontrées et quels que soient les pays, l'élévation générale du niveau de formation des populations constitue, dans un monde en inter-relations de plus en plus étroites et dans une société du savoir en construction, une aspiration largement partagée et un besoin profondément exprimé par toutes les couches sociales. C'est pourquoi, la tendance à l'accroissement des effectifs étudiants représente, quel que soit le besoin économique national, l'expression d'une demande sociale forte et constitue en cela une donnée quasiment inéluctable bien que l'équation qui en découle soit des plus ardues à résoudre. En effet, outre le problème aigu de l'insertion des diplômés, se pose avec acuité la ques- tion des moyens mobilisables pour faire face à l'augmentation des effectifs étudiants telle qu'elle apparaît dans les projections tendancielles. Compte tenu des contraintes budgétaires inévitables, mais variables selon les pays, les évolutions tendancielles des effectifs sur la base des dynamiques propres du système éduca- tif seront toutefois impossibles à soutenir financièrement au cours des dix prochaines années. Dans la mesure où le financement du secteur est assuré en grande partie par les ressources publiques, comme l'ont montré Borel Foko et Mathieu Brossard dans l'étude sur les coûts et 2. Coût et Financement de l'Enseignement Supérieur en Afrique francophone, Borel Foko et Mathieu Bros- sard ; la Banque Mondiale, Mars 2007. 14 Document de Travail de La Banque Mondiale financement de l'enseignement supérieur en Afrique francophone, l'écart entre les prévisions de possibilités budgétaires et les besoins de fonctionnement des dispositifs d'enseignement supérieur calculés sur la base d'une évolution tendancielle des effectifs étudiants et de coûts unitaires constants est évalué à plus de 3 milliards d'US$ de 2004 pour un ensemble de 18 pays francophones sur la période 2004­2015. Outre les besoins budgétaires pour le fonctionnement des structures d'enseignement supérieur, une telle augmentation des effectifs étudiants nécessiterait également la forma- tion d'un nombre très élevé d'enseignants et des investissements très importants. Sur la base d'un taux d'encadrement moyen constant de 1 enseignant pour 22 étudiants, les besoins en enseignants devraient passer d'environ 35 000 à 82 000 au cours de la période 2006­2015, soit un nombre d'enseignants nouveaux à former d'environ 58 000, si l'on tient compte des départs à la retraite et autres défections estimés à 30 % sur la période. Cela signifie que dans les dix prochaines années, il serait nécessaire de former presque deux fois plus d'enseignants que le nombre d'enseignants formés entre les années 1970 et 2005. Ceci nécessiterait un effort budgétaire considérable qui viendrait s'ajouter à l'effort budgétaire nécessaire pour le fonctionnement des structures. Graphique 2. Estimation du nombre d'enseignants à former sur la période 2006­2015 90 000 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 82 000 58 000 30 000 20 000 35 000 10 000 0 0 2005 2015 Nombre d'enseignants A former Dans la quasi-totalité des pays concernés, des programmes d'extension du dispositif d'enseignement supérieur sont en cours et se traduisent dans plusieurs cas par une décon- centration des structures universitaires en dehors de la capitale. Les partenaires techniques et financiers traditionnels ne participant que marginalement à la réalisation de ces pro- grammes, ceux-ci sont financés essentiellement sur les ressources nationales ou par des emprunts consentis dans le cadre d'accords bilatéraux (de plus en plus avec des pays asia- tiques ou du Moyen Orient). Le programme d'urgence pour l'enseignement supérieur mené en Côte d'Ivoire au cours des années 1990 par exemple, qui a notamment permis la Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 15 création de quatre nouvelles structures universitaires déconcentrées, a été financé à 100 % par des ressources nationales. Si l'on estime à 3 600 US$ de 2006 le coût moyen de la construction d'une nouvelle place dans un établissement d'enseignement supérieur (ce montant comprenant les coûts de via- bilisation, de construction des structures pédagogiques et administratives, des aménagements et des équipements),3 les besoins cumulés en investissement pour faire face à la croissance tendancielle des effectifs étudiants serait de 4 milliards de US$ pour la période 2006­15. Sur la base d'une évaluation des capacités d'investissement financées par les ressources nationales de l'ordre de 80 millions de US$ annuels pour l'ensemble des pays concernés (esti- mation) et d'une augmentation de ces capacités de 5 % par an, les capacités nationales d'in- vestissement pour les 20 pays concernés pourraient être, dans le meilleur des cas, de l'ordre de 1 milliard de US$ sur la même période. Les besoins complémentaires de financement pourraient être alors estimés à 3 milliards de US$ pour la période 2006­15. Graphique 3. Estimation cumulée des besoins et des capacités nationales d'investissement sur la période 2006­2015 en US$ 4 500 000 000 4 000 000 000 3 500 000 000 3 000 000 000 2 500 000 000 2 000 000 000 1 500 000 000 1 000 000 000 500 000 000 - 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Besoins en investissements (cumulés) en US $ Possibilités d'investissement (cumulées) en US $ Compte tenu des fortes contraintes ci-dessus évoquées et tout en procédant aux ajus- tements de l'offre de formation pour mieux répondre à la demande économique, il est inévitable de s'orienter vers des stratégies permettant de maîtriser l'évolution des effectifs étudiants dans le secteur public dans des volumes compatibles avec les moyens publics comme privés pouvant de manière réaliste être mobilisés. A cet effet, trois pistes sont envi- sageables : i) maîtriser l'évolution des flux d'élèves qui parviennent au supérieur pour évi- 3. Ce montant moyen est calculé en référence au programme d'investissement réalisé en Côte d'Ivoire entre 1994 et 2001. Plus de 50 milliards de F CFA d'investissements ont été réalisés pour la création d'une capacité d'environ 40 000 places (le coût moyen est actualisé à 2006). 16 Document de Travail de La Banque Mondiale ter un accroissement quasiment impossible à gérer des effectifs étudiants ; ii) réduire le temps passé pour obtenir un diplôme du supérieur afin d'éviter une accumulation des effectifs ; et iii) oeuvrer à la promotion d'un secteur privé d'enseignement supérieur qui pourrait constituer une alternative crédible et complémentaire au secteur public. La maîtrise des flux d'entrée dans le supérieur La question de la sélection à l'entrée de l'enseignement supérieur se pose de manière récur- rente. Le baccalauréat étant le passeport d'entrée dans l'enseignement supérieur, il importe tout d'abord de veiller à garantir son niveau et éviter qu'une dévalorisation de ce diplôme, outre des conséquences fâcheuses en termes de comparaisons internationales, conduise à un accroissement immodéré des flux dans le supérieur. Dans ce domaine, les tentations sont grandes qui poussent à rechercher des taux de réussite flatteurs sans rapport avec la qualité réelle des candidats. A part les écoles à effectifs limités et à recrutement par concours, les pays francophones n'ont pas été à même d'instaurer une sélection à l'entrée à l'université (à l'exception de l'Université de Niamey au Niger et de l'Université d'Antananarivo à Mada- gascar). La Tunisie, quant à elle, a opté pour une régulation à travers des standards plus éle- vés demandés pour l'obtention du baccalauréat, complétés par un système d'orientation obligatoire en fonction des résultats géré par le Ministère. Des marges de manoeuvre par rapport à la dynamique interne des systèmes éducatifs ne peuvent apparaître qu'avec l'instauration en amont d'une régulation des effectifs dans l'enseignement secondaire (deuxième cycle général), un effort de contrôle de la qualité des admissions au baccalauréat et l'orientation d'un maximum d'élèves vers des filières secon- daires technologiques (courtes) plus en rapport avec la demande potentielle du secteur économique et la structure des emplois dans les pays concernés. L'impact d'une meilleure régulation des flux dans le secondaire sur l'évolution des effectifs dans le supérieur peut, en effet, être très important. Les simulations réalisées en 2005 dans un des pays d'Afrique de l'Ouest (Mali)4 montrent que si la croissance du sec- teur secondaire était limitée à 4 % par an au lieu des 11 % constatés en 2005, les effectifs dans le supérieur seraient évalués à l'horizon 2015 à 95 000 étudiants, au lieu des 150 000 projetés sur des bases tendancielles. Il y a donc là une marge de manoeuvre importante qu'il convient de prendre en considération dans la recherche du meilleur compromis possible entre évolution des effectifs, demande économique et ressources financières. La durée des études supérieures Contrairement à l'enseignement primaire et secondaire où la durée réglementaire des études est la même pour chaque élève, la durée des études dans l'enseignement supérieur peut être très variable. Un diplôme terminal peut s'acquérir en 2 ans, 3 ans, 5 ans ou 8 ans, voire plus dans le cas de spécialisations. A ces durées s'ajoutent les redoublements et les changements d'orientation éventuels, ce qui fait qu'il n'est pas rare de trouver des étudiants dont les études s'étalent sur 10 ans voire 12 ans ou 14 ans. L'évolution du nombre d'étudiants dans le système étant non seulement fonction du nombre d'entrants chaque année mais également du nombre de sortants, plus la durée des études est longue, plus la 4. Etude relative à l'élaboration des orientations de politique nationale en matière d'enseignement supérieur et de recherche scientifique pour le Mali ; Pierre Antoine GIOAN (Edufrance), novembre 2005. Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 17 Graphique 4. Impact d'une régulation des flux au secondaire sur le nombre d'étudiants (Exemple du Mali) 180 000 160 000 140 000 120 000 100 000 tendanciel 80 000 + 4% au secondaire 60 000 40 000 20 000 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 croissance des effectifs dans les établissements devient importante, indépendamment du nombre de nouveaux entrants. Le cas théorique présenté ci-dessous illustre ce constat et montre l'importance que peut revêtir ce mécanisme sur l'accroissement des effectifs. Dans notre exemple théorique, on considère des flux d'entrée en croissance de 1 000 étudiants par an, et quatre cas de figure : i) une durée d'études de 10 ans pour l'ensemble des étudiants ; ii) une durée d'études de 7 ans ; iii) une durée d'études de 5 ans et iv) une durée d'études de 3 ans. Au bout de quinze ans, on constate qu'avec le même nombre de nouveaux entrants dans chacun des cas de figure, pour une durée d'études de 3 ans, le nombre d'étudiants dans le système serait de 42 000, alors que pour une durée d'études de 10 ans, le nombre d'étudiants dans le système serait de 105 000, soit 2,5 fois plus. Graphique 5. Evolution du nombre d'étudiants en fonction de la durée des études 120 000 100 000 80 000 flux d'entrée i) durée 10 ans 60 000 ii) durée 7 ans iii) durée 5 ans 40 000 iv) durée 3 ans 20 000 - N N+5 N+10 N+15 18 Document de Travail de La Banque Mondiale Des simulations ont également été réalisées au Mali pour mesurer l'impact sur l'évo- lution du nombre d'étudiants de la création d'une offre de formations professionnelles courtes à l'Université. En prévoyant de créer progressivement une capacité d'accueil de 3 000 étudiants en Licence professionnelle (3 ans de formation) à l'horizon 2015, et en aug- mentant progressivement la capacité d'accueil dans des formations professionnelles courtes de type DUT (2 ans de formation) pour la porter de 1 500 en 2005 à 8 000 en 2015, la dimi- nution de l'effectif global d'étudiants à l'Université serait de l'ordre de 20 % en 2015 par rap- port à une évolution tendancielle des effectifs. Cela suppose bien évidemment que le passage au schéma LMD (Licence-Maîtrise-Doctorat) ne fasse pas disparaître les filières technolo- giques courtes (2 ans) adaptées aux besoins des économies locales. La création relativement récente des Licences professionnelles permet pour sa part d'offrir une qualification profes- sionnelle et une sortie vers le marché du travail après 3 ans d'études (alors qu'il fallait attendre cinq (5) ans avec les Diplômes d'Etudes Supérieures Spécialiseés, DESS) et introduit une possibilité de régulation pour les poursuites éventuelles d'études au niveau du Master. A cet effet mécanique du développement d'une offre de formation qui conjugue l'avan- tage d'être mieux adaptée à l'emploi et de limiter la durée des études, peut se combiner la mise en place de règles de scolarité limitant les redoublements et les changements répétitifs d'orien- tations dans le dispositif public d'enseignement supérieur. Des progrès importants ont été réa- lisés sur ce point depuis la fin des années 1990, mais des marges de manoeuvre restent encore possibles selon les pays, les établissements et les niveaux de formation pour éviter que les étu- diants ne se « sédentarisent » dans les universités. La limitation du nombre d'années d'études donnant droit à une attribution de bourse peut également favoriser la réduction de la durée moyenne des études. En Côte d'Ivoire, par exemple, le décret de 1996 portant réglementation des bourses d'études pour l'enseignement supérieur prévoit notamment que la bourse est attri- buée pour une année universitaire en fonction : i) du budget disponible ; ii) d'un quota par filière de formations prioritaires pour l'Etat et de niveau d'étude ; iii) du classement du pos- tulant par rapport à des critères académiques (notes au baccalauréat) et des critères sociaux. Le renouvellement éventuel de cette bourse l'année suivante est lié au classement obtenu par le postulant sur la base des mêmes critères à l'issue de chaque année de formation. L'obten- tion d'une bourse liée essentiellement aux résultats incite les étudiants à réussir leurs examens et donc à ne pas prolonger indéfiniment la durée de leurs études. La promotion de l'enseignement supérieur privé Un secteur privé de l'enseignement supérieur a commencé à se développer dans les pays francophones depuis les années 1990. Son développement a été plus ou moins rapide selon les pays, celui-ci étant fortement lié aux politiques de promotion mises en place par l'Etat. Ainsi, le poids de ce secteur peut varier de moins de 10 % à plus de 30 % des effectifs étu- diants. On constate que le développement de ce secteur plafonne rapidement lorsqu'il est livré à la seule loi du marché. En effet, les moyens financiers de la plupart des familles ne leur permettent pas de financer des études dans les établissements privés, tandis que pour les familles les plus aisées la solution de la formation à l'étranger reste une voie privilégiée. De nombreuses réticences, voire des oppositions de principe (parfois dogmatiques), exis- tent toutefois quant à l'implication financière de l'Etat dans ce secteur. L'adoption de mesures d'incitations financières en faveur du secteur privé peut pourtant comporter un certain nombre d'avantages. Tout d'abord, un avantage économique. En effet, pour certaines formations et notamment les formations professionnelles courtes, on peut Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 19 constater que les coûts unitaires de formation dans les structures privées sont parfois bien plus faibles que les coûts de formation pour des formations équivalentes dans les structures publiques. Des audits budgétaires peuvent mettre en évidence ces écarts qui s'avèrent non négligeables dans certains cas (écart pouvant atteindre un rapport de 1 à 10). Les pouvoirs publics ont donc, dans ces conditions, avantage à encourager les étudiants à se diriger vers les formations offertes par le secteur privé, quitte à subventionner les coûts de formation pour un certain nombre d'entre eux. Un deuxième avantage est d'instituer une relation de type « contractuelle » permettant à l'Etat, en échange des incitations financières accordées, d'im- poser ses exigences notamment en matière de qualité, de conditions d'enseignement, de résul- tats, ce qui permet de mieux réguler le développement de ce secteur et de lui donner une plus grande crédibilité. Un dernier avantage est qu'en accordant des incitations financières et/ou même fiscales, les charges des établissements privés se réduisent et les frais d'inscription peu- vent s'orienter à la baisse. Ce qui facilite l'accès à ces établissements pour un plus grand nombre d'étudiants et donc réduit la pression démographique sur les établissements publics. Le cas évoqué ci-après est un exemple réel de naissance et de développement très rapide du secteur privé d'enseignement supérieur dans un autre pays d'Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire). Inexistant au début des années 1990, le secteur privé s'est fortement développé dans ce pays sous l'impulsion des pouvoirs publics qui, soucieux de diversifier les voies d'accès à l'Enseignement Supérieur, de réduire la pression démographique à l'entrée de l'Université et de promouvoir les formations professionnelles courtes de type BTS, ont mis en place une poli- tique de subvention sous la forme de prise en charge des frais de scolarité des étudiants par l'Etat. Cette politique de subvention s'est traduite par un succès certain car les nouveaux bache- liers, après avoir boudé dans un premier temps ces formations moins prestigieuses que les for- mations universitaires, ont progressivement et massivement fait acte de candidature pour s'y inscrire. Au bout de la septième année de fonctionnement, près de 13 000 bacheliers sur un total de 20 000, se portaient candidats pour une orientation dans un établissement d'ensei- gnement supérieur privé. Le montant de la subvention budgétisé à cet effet permettait, cette année-là, de financer les frais de scolarité pour seulement 6 000 nouveaux bacheliers (ce qui conduisait à instaurer une sélection des meilleurs étudiants pour les établissements privés !). L'aide de l'Etat a été conçue, au départ, comme un élément d'impulsion capable de faire naître des initiatives privées et de constituer ainsi progressivement une alternative crédible au secteur public. Au bout de sept années, environ 30 % des étudiants étaient inscrits dans une structure d'enseignement supérieur privé. Si l'aide financière consentie par l'Etat consti- tuait au départ 100 % des sources de revenus des établissements, l'évolution sur les sept pre- mières années montre que la proportion d'étudiants payant par eux-mêmes les frais de scolarité a progressé pour atteindre plus de 40 % des étudiants au bout de 5 ans Comme le montrent les courbes présentées sur le graphique ci-dessous (courbes rame- nées à une échelle comparable à celle de l'évolution du nombre d'établissements), les évo- lutions font apparaître des corrélations assez fortes entre le niveau de subvention de l'Etat, le nombre d'établissements créés, les effectifs étudiants inscrits dans un établissement privé et le nombre d'étudiants payant eux-mêmes leurs frais de scolarité. Choisir de soutenir le développement de l'enseignement privé par des mécanismes de subvention peut représenter un coût budgétaire relativement important comme le montre l'exemple ci-dessus ; de ce fait bien des responsables hésitent à s'engager dans cette voie. Il y a lieu cependant d'en mesurer les avantages pour l'Etat. La comparaison entre les coûts unitaires de formation dans le public et ceux du privé constitue un argument de poids pour la décision. A cet argument se rajoute celui du coût des aides sociales (bourses, logement, 20 Document de Travail de La Banque Mondiale Tableau 1. Evolution des principaux paramètres relatifs à l'enseignement supérieur privé en Côte d'Ivoire sur la période 1990­1998 Années 1990­91 1991­92 1992­93 1993­94 1994­95 1995­96 1996­97 1997­98 Subvention 0,02 0,166 0,422 1,23 2,06 3,39 5 5,9 (frais de scolarité) milliards FCFA Nb d'établisse- 1 4 12 17 21 30 38 54 ments Effectifs 40 917 1 806 7 205 9 081 14 231 20 555 27 980 étudiants % par rapport 0% 3% 5% 14% 17% 24% 23% 27% aux effectifs globaux Nb d'étudiants 0 0 326 2 402 3 910 5 737 7 708 12 108 payant leur scolarité % étudiants 0% 0% 18% 33% 43% 40% 38% 43,2% payant la scolarité etc.) lorsque les étudiants du secteur privé ne bénéficient pas des mêmes avantages que les étudiants du secteur public. Globalement, l'analyse des coûts/bénéfices peut montrer que l'Etat a avantage à subventionner certains types de filières de formation qu'il offre à des coûts unitaires beaucoup plus élevés que ceux du privé. On constate d'ailleurs, en l'absence de politique de subvention à l'enseignement privé, que des mécanismes indirects de sub- vention existent tout de même dans certains pays où l'on peut voir des étudiants s'inscrire dans les établissements publics pour percevoir une aide financière de l'Etat (bourse) et détourner cette aide pour financer leurs frais de formation dans des établissements privés. Graphique 6. Corrélations entre les différents paramètres relatifs à l'Enseignement privé en Côte d'Ivoire 45 40 35 Subvention (frais de scolarité) 30 Nb d'établissements 25 Effectifs étudiants 20 Nb d'étudiants payant 15 leur scolarité 10 5 0 1990-91 1991-92 1992-93 1993-94 1994-95 1995-96 1996-97 Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 21 Outre les subventions orientées pour inciter le secteur privé à ouvrir des filières de for- mation inexistantes dans le secteur public, mais dont la pertinence pour l'économie natio- nale est reconnue, d'autres mesures d'incitations fiscales (régime fiscal plus attractif pour des établissements reconnus d'utilité publique, taxes douanières réduites, etc.) ou non fis- cales (mise à disposition de terrains ou de locaux, accès à des prêts, etc.), ou encore la reconnaissance nationale des diplômes, peuvent être mises en place dans le but de soute- nir le développement de ce secteur et y attirer des promoteurs. La combinaison des différents leviers pour maîtriser l'évolution des effectifs étudiants Les différents leviers évoqués ci-dessus peuvent, voire doivent être combinés. L'exercice de simulation réalisé récemment au Mali montre que laisser croître les effectifs sur la base des tendances observées en 2005 aboutirait à une véritable explosion des effectifs étudiants, qui passeraient de 34 000 dans le secteur public en 2004­05 à 150 000 en 2015 et à l'impossi- bilité de mobiliser les ressources nécessaires pour y faire face (plus de 250 milliards de F CFA d'investissement à réaliser en dix années et un budget de fonctionnement qui devrait passer sur la période de 13 % à 30 % du budget de l'éducation). Le même exercice, réalisé en introduisant dans le modèle de simulation : i) des régulations au niveau secondaire (limitation de la croissance des effectifs à 4 % par an) ; ii) une plus forte promotion du sec- teur privé (qui absorberait progressivement 20 % des nouveaux bacheliers au lieu de 6 % en 2005) ; et iii) la multiplication de filières professionnelles courtes de type DUT ou licence professionnelle, aboutirait à un effectif de 74 000 étudiants dans les structures publiques en 2015, soit moins de la moitié que les prévisions du scénario tendanciel. Graphique 7. Impact de la combinaison de différents leviers sur l'évolution des effectifs étudiants (Mali 2005) 180 tendanciel 160 Milliers + 4 % au secondaire 140 120 20% ES privé 100 création filières professionnelles 80 60 40 20 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 22 Document de Travail de La Banque Mondiale Bien que cette évolution des effectifs soit plus mesurée que dans l'hypothèse tendancielle, la question de savoir si les ressources budgétaires permettront d'accueillir ces étudiants dans de bonnes conditions de formation se doit d'être posée. Dans la négative, il serait alors néces- saire de rechercher d'autres solutions comme par exemple une contribution financière plus importante des bénéficiaires ou l'instauration d'une sélection à l'entrée du supérieur. En permettant d'éclairer les responsables sur les impacts des mesures (ou de l'absence de mesures) susceptibles d'être prises, l'exercice de simulation constitue une aide indispen- sable à la décision quant à l'évolution des effectifs. Il permet également de mesurer les impacts financiers et donc d'apprécier la faisabilité budgétaire des politiques qui seront conduites. Le graphique ci-après permet de comparer l'évolution des besoins financiers dans le cas d'une évolution tendancielle des effectifs et dans le cas d'une régulation des flux, tels que simulée dans l'exemple du Mali ci-dessus. Globalement les besoins financiers annuels en fonctionnement et investissement atteindraient plus de 100 milliards de F CFA en 2015 (200 millions de US$ de 2006) si les évolutions tendancielles constatées en 2005 étaient maintenues. Ce montant serait ramené à 40 milliards de F CFA (80 millions de US$ de 2006) dans l'hypothèse d'une régulation des flux telle que présentée ci-dessus. Graphique 8. Evolution des besoins financiers annuels (fonctionnement et investissement) dans le cadre d'une évolution tendancielle des effectifs et dans le cas d'une régulation des flux tels que simulée dans le graphique précédent (Mali 2005) 120 CFA F de 100 tendanciel avec régulation des flux milliards 80 60 40 20 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 La réduction des dépenses unitaires (par étudiant) Faire face à l'augmentation des effectifs étudiants, à budget constant, ou en faible aug- mentation, nécessite une réduction des dépenses unitaires de formation. Si cette réduction peut être produite automatiquement par cet effet mécanique (augmentation du nombre d'étudiants sans augmentation des budgets), l'enjeu primordial consiste à préserver la qua- Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 23 lité tout en contrôlant les dépenses. L'analyse de l'utilisation des ressources internes au sec- teur de l'enseignement supérieur montre que d'importantes marges de manoeuvre existent permettant de réduire de manière significative les dépenses unitaires de formation sans détériorer les conditions d'enseignement. Trois postes se partagent les ressources internes du secteur de l'enseignement supé- rieur : les charges de personnel, les dépenses sociales en faveur des étudiants, les charges d'exploitation et dépenses à caractère pédagogiques. Une analyse de la répartition entre ces trois postes principaux de dépense montre que, dans la plupart des pays francophones, la part la plus importante est affectée aux dépenses à caractère social. On constate en moyenne, et ce chiffre est sans doute sous-estimé, que plus de 45 % des ressources consa- crées à l'enseignement supérieur y sont affectées, et peuvent même atteindre 70 % dans certains pays comme le Niger par exemple, ce qui limite d'autant les disponibilités finan- cières pour les autres postes de dépenses.5 Les aides sociales Satisfaire à une demande d'aide sociale qui s'accroît d'autant plus que les effectifs étudiants augmentent fait courir un risque réel de dérapage budgétaire, au détriment des missions premières d'enseignement, de formation et de recherche. Il y a là un frein majeur au déve- loppement des systèmes d'enseignement supérieur, mais en même temps, une grande marge de manoeuvre qui mérite d'être exploitée au mieux afin d'orienter une part plus importante des ressources internes en direction des activités de formation et de recherche. Il s'agit là d'un point particulièrement sensible car les exigences des étudiants sont fortes en ce domaine et il s'avère difficile de revenir sur des avantages acquis et chèrement défendus. L'enjeu majeur pour un avenir équilibré des systèmes d'enseignement supérieur consistera pourtant à pouvoir réguler au mieux la politique des aides sociales en jouant sur les différents instruments disponibles afin de rester dans des proportions compatibles avec le bon fonctionnement du système de formation et de recherche. Les aides sociales étant quasi exclusivement accordées par l'Etat aux étudiants de l'Enseignement Supérieur, un autre enjeu majeur sera, dans un souci d'équité, de repen- ser l'attribution des aides sociales dans l'ensemble du système éducatif afin de permettre à des élèves défavorisés, qui ne peuvent poursuivre une scolarité normale en raison de leur niveau de ressources, d'accéder à ce niveau d'enseignement (voire dans un premier temps à l'enseignement secondaire ou à la formation professionnelle). L'Etat dispose de plusieurs instruments pour sa politique d'aides sociales aux étudiants. Outre les aides financières directes (bourses, aides, prêts, indemnités diverses), les pouvoirs publics aident également les étudiants en subventionnant le logement, la restauration, le transport et, comme nous l'avons vu plus haut, en prenant en charge les frais d'inscription de certains étudiants dans les établissements privés. On constate toutefois que selon les pays, des politiques différentes en matière d'aides sociales sont mises en oeuvre. Dans certains cas, 5. L'étude de Borel Foko et Mathieu Brossard montre le poids que représentent les aides sociales dans les pays francophones d'Afrique. Les auteurs notent, à juste raison, que ces montants sont sous-estimés dans la mesure où de nombreuses dépenses échappent au calcul. Outre les exemples évoqués dans cette étude, on peut citer : i) les montants de bourses affectés budgétairement au secondaire mais en réalité attribués au supérieur ; ii) les équipements pédagogiques attribués sous forme d'allocation financière aux étudiants ; iii) les personnels affectés aux oeuvres sociales mais comptabilisés dans le personnel péda- gogique ; etc. 24 Document de Travail de La Banque Mondiale ce sont les aides financières directes qui sont privilégiées (bourses, aides, prêts) pour la quasi- totalité des étudiants, comme par exemple au Sénégal. Dans d'autres cas, la proportion d'étudiants bénéficiant d'une aide financière directe est très faible (de l'ordre 10 % des étu- diants), comme par exemple en Côte d'Ivoire. Dans ce dernier cas, on constate que ce sont les autres instruments qui se sont plus fortement développés et notamment, le logement en résidences universitaires, la restauration, ou encore la prise en charge des frais d'inscription dans les établissements privés. Entre ces différents instruments d'aide aux étudiants, il y a lieu d'effectuer les choix optimaux qui, tout en permettant d'aider les étudiants les plus démunis, permettront de préserver la qualité de la formation et de la recherche. Les aides financières directes. En ce qui concerne les aides financières directes (bourses, aides financières), les critères d'attribution ne permettent pas toujours de cibler les étudiants les plus défavorisés ni d'inciter les étudiants à s'orienter vers les filières de formation les plus utiles au développement national. Dans bien des cas, les critères adoptés ne permettent pas non plus de respecter les enveloppes budgétaires correspondantes, là où la législation ne prévoit pas des quotas destinés à limiter le nombre de bénéficiaires. Dans ce cas, une révision des réglementations s'impose (Cf. l'exemple de la Côte d'Ivoire), sous peine de voir chaque année s'accumuler les dérapages budgétaires et de voir le poids des bourses et autres aides financières peser davantage dans le budget de l'enseignement supérieur. En fonction de l'effort que l'Etat se propose de consentir pour promouvoir les plus défavorisés et orienter les étudiants vers ses besoins prioritaires, des quotas devraient pouvoir être définis chaque année. Dans la plupart des pays du monde, le nombre de bourses accordées annuellement est strictement limité en fonction des capacités budgétaires et sont accordées suivant la conception de l'équité qui prévaut dans leur politique. Les bénéficiaires sont sélectionnés (i) suivant leur mérite, par exemple, ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats à l'examen de fin de cycle secondaire ou aux tests d'entrée dans l'enseignement supérieur ; (ii) suivant leur situation économique et sociale ; ou (iii) par une combinaison d'une sélection au mérite et de critères ou quotas reflétant la situation économique ou sociale ou l'apparte- nance à un groupe défavorisé ou discriminé. En ce qui concerne plus particulièrement les bourses à l'étranger (qui peuvent repré- senter plus de 10 % des aides sociales en fonction des pays et dont les montants unitaires sont beaucoup plus élevés que les bourses nationales), on peut constater que les bénéfi- ciaires sont le plus souvent issus des couches sociales les plus favorisées et que leurs condi- tions d'attribution sont bien souvent opaques. Contrôler le poids de cette catégorie de bourses dans les budgets nécessite d'en limiter strictement le bénéfice aux études docto- rales ou post-doctorales ou aux études spécifiques n'existant pas dans le pays et représen- tant un intérêt majeur pour le développement national. En ce qui concerne les prêts d'études remboursables une fois que les diplômés sont insérés dans la vie active, ils peuvent constituer d'intéressantes formules de partage de coûts si les fonds nécessaires sont mis à la disposition des étudiants et si des systèmes de recou- vrement de coûts sont organisés. Le Burkina a été pionner en Afrique de l'Ouest en insti- tuant des prêts d'études, mais ce type d'opération n'a pu rencontrer le succès attendu car les mécanismes de recouvrement se sont révélés inefficaces et les institutions bancaires pri- vées peu intéressées par ce genre de produits. Cependant, si un partenariat entre les banques privées et l'Etat était mis en place afin de limiter les risques des entrepreneurs pri- vés et de garantir le recouvrement des prêts, ce système de prêts aux étudiants pourrait connaître en Afrique francophone le même succès que dans d'autres régions du monde. Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 25 Les autres formes d'aides sociales. Des économies substantielles peuvent être réalisées en matière d'hébergement et de restauration des étudiants qui, dans certains cas, représentent une part non négligeable du budget affecté aux oeuvres sociales. Les formules de résidences ou de restaurants universitaires classiques reviennent à des coûts prohibitifs qui représentent entre 5 et 10 fois les coûts constatés dans des formules d'habitat ou de restauration fournis par des promoteurs privés sur des standards plus proches des réalités locales. Une des voies pour limiter les charges sans sacrifier aux prestations sociales consiste alors pour l'Etat à se désengager de l'investissement et de la gestion directe de ces activités et à créer les conditions favorables et le cadre incitatif qui permettront à des promoteurs privés d'offrir, sous contrôle, ces services aux étudiants à des coûts correspondant au mieux à leurs possibilités financières. Dans le cadre de la déconcentration des structures universitaires, la mise en place de ces conditions peut même, sous certaines conditions, être confiée aux collectivités locales. Une étude réalisée en 2005 dans un des pays francophones d'Afrique de l'Ouest (Bur- kina Faso)6 montre qu'un programme de logements pour étudiants, financé essentielle- ment par des petits promoteurs privés, induirait un gain important pour l'Etat, même si celui-ci devait en contrepartie renoncer à des ressources fiscales et contribuer à une partie des investissements (l'étude estimait les gains nets pour l'Etat en investissement et en charges d'exploitation à environ 160 millions de US$ sur 10 ans, pour un programme visant à loger 35 % des étudiants). Impliquer le secteur privé dans le logement étudiant suppose toutefois que des mesures suffisamment attractives puissent être proposées pour représenter une sorte de Graphique 9. Comparaison entre le coût d'un programme de logement étudiant financé à 100 % par l'Etat et le coût des mesures d'incitation à accorder par l'Etat pour le même programme financé par des promoteurs privés.7 250 200 68 150 charges exploitation Investissements 100 130 50 11 18 - investissement 100% état Mesures incitation 100% privé 6. Etude relative à la formulation d'une politique de logement pour étudiant impliquant le secteur privé ; Pierre Antoine GIOAN et Philippe RACAMIER; Mars 2005. 7. Dans les deux cas, il s'agit d'offrir une capacité d'accueil permettant de loger 35% des étudiants. Le coût des programmes comprend les investissements et les charges d'exploitation pour la période 2006­2015. Dans les deux cas, l'étudiant paie un loyer « social ». 26 Document de Travail de La Banque Mondiale prime de risque sécurisant la rentabilité de l'investissement et permettant de pourvoir en quantité à la demande. Deux types de mesures d'incitation peuvent être envisagés et com- binés à cet effet: i) des mesures d'incitation non fiscales (terrain, viabilisation, aménage- ments des espaces communs, aides diverses, crédits bonifiés, prise en charge d'une partie du coût de loyer pour garantir un coût de loyer « social », etc.) et ii) des mesures d'incitations fiscales aussi bien pour les investisseurs que pour les promoteurs lors de la construction et de l'exploitation (matériaux, impôts fonciers, fiscalité sur les revenus, etc.). L'implication du privé et de ses critères (coût d'opportunité, rentabilité, sécurisation du patrimoine) ne signifie pas un désengagement total de l'Etat. Dans ce type de formule, celui-ci doit notam- ment jouer un rôle de facilitateur et de régulateur (définition de normes d'habitat et de prix conventionnés, mesures incitatives, suivi, contrôle). Par ailleurs, attirer de petits investisseurs privés, réduire les coûts unitaires d'investis- sement et réduire les charges récurrentes d'exploitation suppose des programmes nova- teurs par rapport aux formules les charges récurrentes d'exploitation suppose des programmes novateurs par rapport aux formules classiques de résidences universitaires. Un exemple possible est celui d'espaces résidentiels de type « villages universitaires » consti- tués de petits modules (pour 4/5 étudiants) pouvant chacun être financés par des petits investisseurs, comportant les aménagements habituels d'un espace universitaire (espace de restauration, centre de santé, terrain de sport, etc.). En ce qui concerne la restauration des étudiants, les formules traditionnelles de res- taurants universitaires gérés par des structures publiques ont montré les mêmes limites que les résidences universitaires (des coûts de revient par repas pouvant atteindre 5 à 10 fois les coûts « normaux »). Même avec des formules de gestion privatisée adoptées par certains pays, le montant de la subvention que l'Etat y consacre constitue toujours une charge dif- ficilement supportable compte tenu des contraintes budgétaires nationales et de l'accrois- sement de la demande. Des expériences novatrices ont été tentées dans ce domaine (en Côte d'Ivoire notam- ment) pour impliquer de petits opérateurs privés dans la restauration étudiante sans par- ticipation financière de l'Etat. Sur des espaces aménagés à cet effet (assainissement, eau, électricité), les opérateurs privés sont autorisés à s'installer sous réserve de respecter un cahier des charges fixé par l'administration. Le cahier des charges peut, dans ce cas, définir le plan type d'installation à réaliser, les prestations autorisées, les obligations d'ouverture, les conditions de qualité à respecter ainsi que l'obligation à fournir au moins un plat à un coût minimum correspondant au prix payé par l'étudiant dans un restaurant universitaire classique. Le rôle des pouvoirs publics consiste alors essentiellement à créer le cadre et à s'assurer que le cahier des charges est respecté. Les autres postes de dépenses Sur les autres postes de dépenses, faute d'informations de gestion structurées et accessibles, il s'avère difficile d'agir pour réduire les écarts de coûts et optimiser les dépenses. La réali- sation d'audits budgétaires et opérationnels d'établissements d'ESR permet toutefois de remédier à cet inconvénient et de fournir une base de données structurante pour les ges- tionnaires. Les audits budgétaires et opérationnels des Grandes Ecoles et Universités de Côte d'Ivoire réalisés au début des années 1990 montrent, par exemple, que des gains d'ef- ficacité existent. Les axes principaux d'amélioration portent notamment sur : i) la maîtrise Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 27 de la masse salariale en se rapprochant des normes d'encadrement admises pour ce type de structures (personnels enseignants, administratifs et techniques) ; ii) la diminution des charges de fonctionnement par la réalisation d'économies d'échelle (mise en commun de services et passation en commun de marchés de sous-traitance) ; iii) la restructuration de l'offre de formation ; iv) le renforcement des postes de dépenses liés à la maintenance ; et v) l'amélioration des procédures des suivis des dépenses. En ce qui concerne le personnel enseignant, il n'est pas rare de constater des situations où des taux d'encadrement de 1 enseignant pour plus de 100 étudiants dans les filières de for- mation générale coexistent avec des taux d'encadrement de 1 enseignant pour 4 à 5 étudiants dans des filières de formation plus spécialisée ou technologique, alors qu'un taux d'enca- drement moyen de 1 enseignant pour 10 à 12 étudiants serait plus conforme à la norme pour ce type de filières. Corriger ces écarts nécessite la mise en place de procédures de recrutement et d'affectation d'enseignants sur la base d'une programmation des besoins réalisée à partir de normes d'encadrement et de charges horaires statutaires annuelles.8 D'autres leviers pour une meilleure maîtrise de la masse salariale sont envisageables. Ils consistent, d'une part, à faire appel plus systématiquement à des enseignants vacataires (notamment pour des enseignements professionnels ou très spécifiques et là où l'emploi d'un enseignant à plein temps ne se justifie pas) et à définir des charges horaires plus adap- tées pour les enseignements technologiques et professionnels. En effet, si les enseignants uni- versitaires cumulent des obligations d'enseignement et des obligations de recherche, les enseignants des instituts technologiques et professionnels ne sont pas forcément soumis aux mêmes obligations de recherche. Un statut spécifique pour ces catégories d'enseignants per- met alors de définir des charges d'enseignement plus importantes, limitant ainsi le coût de fonctionnement des filières technologiques et professionnelles (la Tunisie, par exemple, a créé le corps des enseignants technologues pour les ISETs dont les horaires de cours sont plus élevés que ceux des professeurs d'université). Une autre possibilité est de recourir à un statut d'enseignant contractuel par lequel les conditions de salaire et les obligations d'enseignement sont négociées en fonction des contraintes et des situations rencontrées. En ce qui concerne le personnel administratif et technique, les sur-effectifs pourraient être corrigés, dans certains établissements, par l'adoption de normes plus réalistes et par un appel plus systématique à la sous-traitance pour un certain nombre d'activités (gar- diennage, nettoyage, maintenance, restauration, etc.). Une meilleure structuration de l'offre de formation, tout en permettant progressive- ment de supprimer les filières dont l'utilité pour le développement des pays est manifes- tement réduite (dans le cadre, par exemple, de la réforme dite « LMD » engagée par les pays concernés), pourrait conduire à des économies d'échelle, ne serait-ce qu'en regroupant les formations redondantes ou celles dont les effectifs étudiants sont trop faibles. Il y a là des marges de manoeuvre pour recentrer les moyens disponibles et leur donner plus d'efficacité. A titre d'exemple, le plan de rationalisation de la gestion des Grandes Ecoles de Côte d'Ivoire, mis en place à la suite des audits réalisés au début des années 1990, prévoyait un 8. Les charges horaires des enseignants sont bien souvent définies en charges hebdomadaires, ce qui revient à attribuer des heures supplémentaires chaque fois qu'un enseignant dépasse, pour une semaine donnée, sa charge statutaire. En raisonnant en charges statutaires annuelles, les heures effectuées sont comptabilisés pour une année (ou un semestre) donnée et le lissage ainsi effectué permet un gain impor- tant d'heures supplémentaires. 28 Document de Travail de La Banque Mondiale ensemble de mesures qui devaient aboutir en quatre années à réduire de plus de 50 % les dépenses unitaires de formation et donc à permettre, à budget constant, d'accueillir deux fois plus d'étudiants. Ce plan de rationalisation, qui reste un cas d'école intéressant de politique volontariste pour réduire les dépenses unitaires, a été réalisé conformément aux objectifs. Tableau 2. Plan de rationalisation de la gestion des Grandes Ecoles de Côte d'Ivoire : principaux indicateurs de résultats Indicateurs (1990­91) Objectifs (1995­96) Nombre d'étudiants 2748 4636 Nombre d'enseignants permanents 621 478 (dont assistants techniques) 203 61 % de cours en vacation 9% 20% Nombre d'agents administratifs et 992 591 techniques. Ratios: Rapport enseignants/étudiants 1 pour 3,9 1 pour 7,5 Rapport administratifs/étudiants 1 pour 2,8 1 pour 7,9 Nombre d'heures d'enseignement 5,6 h/semaine 9 h/semaine moyen par semaine Ressources propres 204 millions F CFA 804 millions F CFA Budget de fonctionnement 8 milliards F CFA 8 milliards F CFA Dépense unitaire (non compris le 2,91 millions de F 1,72 millions de coût de l'assistance technique) CFA/étudiants F/CFA/étudiant (9700 US$ de 1991) (5700 US$ de 1991) Dépense unitaire (y compris le coût 4,76 millions de F 2,06 millions de de l'assistance technique) CFA/étudiant F/CFA/étudiant (15 800 US$ de 1991) (6 800 US$ de 1991) Source : «Enseignement Supérieur en Côte d'Ivoire », deux années de réforme : PA GIOAN septembre 1993. La réduction des dépenses unitaires passe également par une plus grande rigueur dans la gestion des dépenses. Les audits portant sur l'exécution des dépenses révèlent bien sou- vent des lacunes dans la régularité des procédures (conformité des procédures d'appel d'offres, contrôle des livraisons, etc.). Des possibilités existent là aussi pour réduire les coûts unitaires et assurer une meilleure efficacité de la dépense publique. Mieux utiliser les ressources disponibles nécessite que l'on puisse progresser aussi bien dans la connaissance de l'efficacité de la dépense que dans la connaissance de sa régularité. A cet égard, il est nécessaire que l'administration se dote de systèmes d'information fiables, d'indicateurs et de normes de référence, et que des mécanismes réguliers de contrôle et d'évaluation soient mis en place. L'enseignement à distance L'enseignement à distance se développe très rapidement dans toutes les régions du monde, notamment parce qu'il offre une flexibilité d'apprentissage incomparable (permettant, Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 29 entre autres, de promouvoir l'éducation tout au long de la vie), mais aussi parce qu'il per- met, sous certaines conditions, de répondre à une forte croissance des effectifs avec un coût marginal beaucoup plus faible que l'enseignement en présentiel. Cela exige tout de même que les lourds investissements initiaux (notamment pour la formation des personnels et l'adaptation des matériaux pédagogiques) puissent être amortis, que la demande estu- diantine soit au rendez-vous et que les coûts de connexion électronique soient modérés. En Afrique, l'enseignement à distance pourrait participer à la réduction des coûts unitaires à condition que le fonctionnement des réseaux s'améliore et que le prix de la connexion diminue drastiquement. La mobilisation des ressources en faveur de l'enseignement supérieur Dans les pays d'Afrique francophone, l'essentiel des ressources budgétaires des établisse- ments publics provient de l'Etat. La contribution des étudiants aux coûts de la formation reste marginale. Les nombreuses tentatives d'augmentation des frais d'inscription se sont le plus souvent soldées par des échecs ou des crises sociales. Dans bien des pays, le mon- tant des frais d'inscription à l'Université n'a pas varié depuis plus de 15 ans. Les autres res- sources (entreprises, fondations, partenaires techniques et financiers, etc.) restent limitées et ne peuvent avoir un caractère permanent. Sous certaines conditions, les recettes propres générées par les établissements peuvent toutefois constituer un complément de ressources non négligeable. La part du budget national consacrée à l'enseignement supérieur consti- tue toutefois la principale source stable de financement du secteur et des évolutions radi- cales sont difficilement envisageables à court terme sur ce point. Les situations des différents pays sont très contrastées, mais une analyse des tendances structurelles permet d'appréhender les possibles marges de manoeuvre. Quatre éléments principaux sont à considérer : i) les ressources globales de l'Etat, ii) la part de l'Education dans le budget de l'Etat ; iii) la part du budget de l'enseignement supérieur dans le budget global de l'Education ; iv) et enfin, la répartition interne des dépenses au sein du secteur de l'enseignement supérieur. Les marges de manoeuvre par rapport aux ressources nationales Globalement, pour les pays francophones d'Afrique subsaharienne, la part des dépenses courantes consacrées à l'Education varie dans une fourchette comprise entre 15 % et 30 % (21% en moyenne). Les ressources de l'Etat (mobilisation des ressources internes) se situent, pour leur part, dans une fourchette comprise entre 10 % et 20 % du PIB selon les pays (15 % en moyenne). Si pour les pays qui se situent dans la partie haute de la four- chette, les marges de manoeuvre sont étroites pour accroître les ressources globales en faveur du secteur de l'éducation, pour les pays qui se situent au bas de la fourchette, des marges de manoeuvre existent, ne serait-ce que pour se rapprocher des moyennes obser- vées pour des pays à structure économique comparable. Dégager des marges de manoeuvre nécessite toutefois : i) un accroissement de la pres- sion fiscale, et dans ce domaine, les évolutions ne peuvent être que très progressives vu leur dépendance vis-à-vis de la croissance économique ; ii) des arbitrages budgétaires en faveur du secteur de l'éducation, mais ceux-ci se feront inévitablement au détriment d'autres sec- 30 Document de Travail de La Banque Mondiale Schéma n° 3. Marge de manoeuvre en fonction des pays pour la mobilisation de ressources en faveur de l'Education Possibles marges Mobilisation des de Part allouée à Pays Ressources manoeuvre l'Education Internes Sur la Niger FAIBLE FORTE mobilisation des Burkina < 15% > 20% ressources Madagascar internes Guinée Sur la part de Tachad RCA FAIBLE FAIBLE l'éducation et les Congo RDC < 15% < 20% ressources Rwanda internes Côte d'Ivoire Sénégal FORTE FORTE Faibles marges Bénin - Togo > 15% > 20% de manoeuvre Comores Burundi - Mali Sur la part Cameroun FORTE FAIBLE allouée à Mauritanie > 15% < 20% l'éducation Gabon - Congo Source : Etude sur le financement de l'enseignement supérieur dans les pays francophones : Borel Foko et Mathieu Brossard. teurs, qui revêtent également dans bien des cas un caractère prioritaire (santé, sécurité, agriculture, etc.). Là encore, des changements brusques sont difficiles à réaliser, sous peine de déséquilibrer les autres secteurs et ne peuvent qu'être le fruit de négociations réussies avec les autres départements ministériels. Les marges de manoeuvre par rapport à la répartition interne au secteur de l'éducation Pour les pays francophones, la part du budget de l'enseignement supérieur dans le budget de l'éducation est comprise dans une fourchette variant de 15 % à 30 % (20% en moyenne). Pour les pays dont la part du budget se situe au bas de la fourchette, les marges de manoeuvre seront d'autant plus importantes que ces pays auront atteint les objectifs de « l'Education pour Tous » (EPT). Le document de synthèse « Education pour Tous » pré- paré en 2005 par le Pôle de Dakar, montre toutefois qu'une proportion importante des pays francophones d'Afrique subsaharienne aura beaucoup de difficultés à atteindre les objectifs de la scolarisation primaire universelle à l'horizon 2015. Compte tenu des modestes résultats obtenus en matière de scolarisation universelle, il faut s'attendre à ce que les efforts budgétaires dans la plupart des pays francophones s'orientent prioritairement pour de nombreuses années encore vers l'enseignement pri- maire, puis progressivement vers l'enseignement secondaire dont les flux, même avec des mesures de régulation importantes, auront de manière mécanique tendance à croître et enfin vers l'enseignement secondaire professionnel et technique. Le graphique 10 montre que des situations très différentes existent en Afrique en matière d'arbitrage entre la priorité accordée à la scolarisation primaire universelle et la Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 31 Graphique 10. Part de l'enseignement supérieur dans le budget de l'éducation et position des pays par rapport à la SPU, année 2003 ou proche. 40% Rwanda Lesotho 35% RDC budget le 30% Burundi Sénégal Congo dans Guinée Guinée 25% Bissau Sierra Mozambique Bénin Leone Nigeria supérieur 20% Tchad Moyenne Zambie Cap Vert Burkina Faso l'Education Mauritanie Afrique Togo Madagascar de Mali Cameroun 15% Côte Niger d'Ivoire l'enseignement 10% de Comores Part 5% 0% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Taux d'Achèvement du Primaire Source: Pôle de Dakar-UNESCO BREDA, Education pour Tous en Afrique, Rapport Dakar + 6, UNESCO-BREDA, 2006. part de l'enseignement supérieur dans le budget de l'éducation. Si des marges de manoeuvre existent selon les pays, les possibilités d'accroître de manière significative en proportion, et même en volume, le budget consacré à l'enseignement supérieur seront encore réduites voire inexistantes au cours des prochaines années. Dans tous les cas, il sera quasiment impossible de prévoir des évolutions budgétaires en rapport avec les prévisions tendancielles d'évolution des effectifs (20 % par an dans certains pays). Il y a donc néces- sité à trouver d'autres voies pour assurer un financement satisfaisant de l'ESR. La mobilisation des ressources externes Les recettes propres La mobilisation, par les établissements, de ressources propres et complémentaires aux res- sources publiques est envisageable notamment : i) dans le cadre d'une offre de formation supérieure professionnelle particulièrement attractive pour laquelle les postulants n'hési- tent pas à participer aux coûts de la formation quand celle-ci leur assure l'accès à un emploi à la sortie; ii) dans le cadre d'une offre de formation continue (diplômante ou pas) pour laquelle l'entreprise et/ou l'individu y trouvent un intérêt et sont prêts à investir, iii) dans le cadre d'expertises commandées par le secteur privé aux chercheurs ou spécia- listes universitaires. Réaliser un partage des coûts entre l'Etat, l'individu et l'entreprise s'avère même possible lorsque l'offre de formation est de qualité et particulièrement adap- tée aux besoins de l'économie. De nombreux établissements, et notamment les Grandes Ecoles en Afrique francophone, parviennent à générer un volume non négligeable de res- 32 Document de Travail de La Banque Mondiale sources financières grâce à ces activités, pour peu que leur soit accordée une plus grande autonomie de gestion (voir comme exemple l'Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar). Faire en sorte que ces activités génératrices de revenus pour l'établissement se dévelop- pent nécessite en effet une plus grande liberté d'initiative, mais également la mise en place de mesures incitatives de nature à mobiliser aussi bien les acteurs de ces prestations que l'ins- titution. Il apparaît ainsi, comme condition nécessaire, que des clés de répartition des res- sources ainsi générées soient établies, permettant une redistribution équilibrée et profitable à la fois aux acteurs engagés dans ces activités, aux établissements et enfin à l'Etat.9 Les aides extérieures La mobilisation d'aides extérieures, notamment auprès des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) sera, quant à elle, d'autant plus facile à réaliser qu'une politique à moyen terme réaliste, pertinente et soutenable financièrement sera définie, et que des garanties suffisantes seront données sur la gestion durable des investissements qui pourraient être réalisés (budgets de maintenance adéquats par exemple). Ces apports extérieurs, qui ne pourront toutefois représenter que des ressources additionnelles, devraient pouvoir être ciblés sur des thématiques ayant des effets d'entraînement sur l'amélioration globale des systèmes et pouvant susciter et accompagner des réformes structurelles sur le long terme. Outre l'amélioration du pilotage du système afin d'en garantir une meilleure soute- nabilité dans le temps, les financements extérieurs pourraient utilement être mobilisés pour soutenir la qualité de la formation et de la recherche ainsi que l'amélioration de la gestion des établissements. La mise à disposition de ces ressources selon des mécanismes incitatifs et compétitifs comportant des procédures adaptées (cas des fonds compétitifs), devrait permettre de susciter et de faire aboutir les meilleures initiatives. 9. La mise en place de telles mesures avait permis de faire progresser les recettes propres de 200 mil- lions de F CFA environ à 800 millions de F CFA pour les Grandes Ecoles de Côte d'Ivoire au cours des années 1990. C H A P I TR E 4 Conclusion M algré les contraintes très fortes qui pèsent sur les systèmes d'enseignement supérieur dans les pays francophones d'Afrique, des politiques équilibrées, soutenables financièrement et acceptables socialement peuvent être définies et mises en place sous réserve qu'un certain nombre de leviers soient actionnés. L'annexe 1 ci-après résume les différents leviers évoqués dans document de travail tout en évaluant les niveaux de difficultés techniques et les niveaux de difficultés politiques que leur mise en oeuvre suppose, ainsi que leur poids financier. Quel que soit le choix des mesures qui seront prises, inscrire l'enseignement supérieur dans une perspective de soutenabilité financière à moyen et à long terme supposera tou- tefois : i) la mise en place d'un mode de pilotage qui, tout en donnant une plus grande capacité d'anticipation et une meilleure visibilité sur le développement du dispositif global d'enseignement supérieur, responsabilise au mieux les structures opérationnelles. Cela nécessite notamment : quelesadministrationsconcernéessedonnentlesmoyensd'analyse,deplanifi- cation et de programmation leur permettant d'appréhender les différentes évo- lutions possibles compte tenu des réalités nationales et d'arrêter les scénarios les plus réalistes et soutenables financièrement à moyen et à long terme ; quelesadministrationsconcernéessedonnentlesmoyensd'impulser,decoor- donner et de réguler la mise en oeuvre des politiques arrêtées, par des méca- nismes d'arbitrage budgétaire permettant une allocation des ressources sur des critères maîtrisés, et dans un cadre de nature à renforcer l'initiative et la res- ponsabilité des établissements ; 33 34 Document de Travail de La Banque Mondiale qu'uneplusgrandeautonomiesoitconféréeauxétablissementsd'ESRpourleur permettre, dans le cadre des orientations définies, de mettre en oeuvre les stra- tégies les plus efficaces afin de parvenir aux résultats attendus ; que la pratique de l'évaluation soit systématisée afin d'apprécier l'efficacité de la dépense publique. ii) l'utilisation des leviers qui permettront d'assurer un développement équilibré et soutenable financièrement de l'ESR. Cela suppose notamment : quelesdifférentesmesurespermettantdemaintenirunéquilibreentrel'évolu- tion des effectifs et des ressources soient mises en oeuvre, sans forcément ins- taurer des ruptures de nature à créer des situations de crise ; que le développement de l'enseignement supérieur ne soit pas envisagé indé- pendamment des autres niveaux d'enseignement, mais comme un élément indissociable du système éducatif avec lequel les interactions structurelles sont déterminantes, notamment avec l'enseignement secondaire et la formation professionnelle; que des solutions novatrices qui favorisent l'investissement privé pour l'enseignement mais également pour les services sociaux aux étudiants puis- sent être développées. La mise en place par l'administration de cadres incita- tifs et attractifs pourra alors favoriser l'apport de financements privés, compléments nécessaires aux financements publics dans la situation actuelle des pays concernés ; quelesdépensessocialessoientlimitéesàunplafondacceptableafindenepas compromette la qualité de la formation et de la recherche; quedesmesuresderationalisationdelagestionsoientmisesenplacepourper- mettre de réduire les dépenses unitaires de formation, là où cela est possible ; quelesétablissementssoientincitésàgénérerunepartplusimportantederes- sources propres. A N N E X E Quelques leviers possibles pour des politiques d'enseignement supérieur soutenables financièrement 35 36 Document de Travail de La Banque Mondiale Coût de Difficulté Difficulté réalisation Objectifs Mesures technique politique de la mesure 1--Améliorer le Construction d'une capacité ++ 0 + management d'anticipation du secteur Construction d'un système ++ 0 + d'information de gestion Autonomisation des + + + établissements Mécanisme rationnel d'allocation + 0 + des ressources Mécanisme de contractualisation ++ + + Dispositif d'évaluation ++ ++ + institutionnelle 2--Rechercher un Maîtrise des flux dans 0 + 0 équilibre entre les le secondaire effectifs étudiants, Mise en place de filières courtes ++ 0 ++ les ressources à l'Université disponibles et les besoins Limitation du nombre 0 + 0 de redoublements Promotion de l'enseignement + 0 + supérieur privé Sélection à l'entrée au supérieur 0 ++ 0 Limitation des durées 0 + 0 d'attribution des bourses Mise en place d'un dispositif ++ 0 ++ d'enseignement à distance 3--Réduire les Rationalisation de l'architecture ++ 0 ++ depenses des filières de formation par étudiant Révision des règles d'attribution 0 + 0 des heures complémentaires Réduction des budgets de 0 + 0 bourses à l'étranger Révision des critères d'allocation 0 ++ 0 des bourses pour limiter leur croissance Privatisation de la gestion + + + des oeuvres universitaires (restauration--transport- logement) Rationalisation de l'utilisation + + + des personnels enseignants et non enseignants Rationalisation de la gestion des ++ 0 + établissements Contrôle de l'utilisation des + + + dépenses Enseignement Supérieur en Afrique Francophone 37 Coût de Difficulté Difficulté réalisation Objectifs Mesures technique politique de la mesure 4--Améliorer le Elaboration d'un cadre de déve- ++ 0 + niveau de loppement global du secteur de financement l'éducation du secteur Augmentation du montant des 0 ++ 0 frais d'inscription pour les natio- naux Augmentation du montant des 0 0 0 frais d'inscription pour les étran- gers Mise en place d'un dispositif de + 0 0 prêt aux étudiants Amélioration du niveau de res- + 0 + sources propres des établissements Mise en place de fonds + 0 + compétitifs Légende : 0 : pas de difficulté particulière et pas de coût financier pour la mise en oeuvre de la mesure + : des difficultés moyennes et un coût moyen pour la mise en oeuvre de la mesure ++ : des difficultés importantes et un coût important pour la mise en oeuvre de la mesure Eco-Audit Environmental Benefits Statement The World Bank is committed to preserving Endangered Forests and natural resources. We print World Bank Working Papers and Country Studies on 100 percent postconsumer recy- cled paper, processed chlorine free. The World Bank has formally agreed to follow the rec- ommended standards for paper usage set by Green Press Initiative--a nonprofit program supporting publishers in using fiber that is not sourced from Endangered Forests. For more information, visit www.greenpressinitiative.org. In 2006, the printing of these books on recycled paper saved the following: Trees* Solid Waste Water Net Greenhouse Gases Total Energy 203 9,544 73,944 17,498 141 mil. * Pounds Gallons Pounds CO2 Equivalent BTUs 40" in height and 6-8" in diameter Enseignement Supérieur en Afrique Francophone: Quels leviers pour des politiques financièrement soutenables? fait partie de la série des documents de travail de la Banque mondiale. Ces documents sont publiés pour diffuser les travaux de recherche de la Banque mondiale et contribuer au débat public. Depuis plus d'une décennie, l'enseignement supérieur et la recherche dans les pays francophones d'Afrique sont confrontés à une crise profonde dont l'origine se situe principalement dans le déséquilibre entre les besoins nécessaires pour assurer un enseignement de qualité et les ressources disponibles. L'objet de cette publication est: de mettre en évidence les facteurs qui font que cette situation se rencontre dans la plupart de ces pays, d'identifier les conditions qui permettent d'inscrire les dispositifs d'enseignement supérieur et de recherche dans des évolutions mieux maîtrisées et soutenables financièrement, et de proposer des pistes pour améliorer le financement de ce secteur tout en préservant sa qualité. Les documents de travail de la Banque mondiale sont dispo- nibles à l'unité ou par souscription, en format imprimé ou en ligne sur Internet (www.worldbank.org/elibrary). ISBN 0-8213-7074-X BANQUE MONDIALE 1818 H Street, NW Washington, DC 20433 USA Teléphone: 202 473-1000 Site web: www.worldbank.org E-mail: feedback@worldbank.org