Résumé Analytique i. Depuis l’Indépendance, le développement oscillé dans une fourchette allant de 7,5 à politique du Liban a été influencé princi- 10 pour cent tandis que le seuil supérieur palement par l’évolution de son système de pauvreté a oscillé autour de 28 pour cent confessionnel. Initialement établi pour de la population. La répartition de la pau- maintenir l’équilibre entre les intérêts des vreté a également été inégale avec des communautés religieuses locales, ce système niveaux qui sont plus élevés dans le nord et est toutefois perçu de plus en plus comme le sud du pays, ainsi que dans certaines un obstacle à une gouvernance efficace, dans banlieues de grandes villes, reflétant ainsi la mesure où il a entraîné une paralysie au le caractère inégal de la croissance écono- niveau de la prise de décision et un blocage mique et du développement. La faible élas- général de l’Etat. Le système confessionnel ticité de la croissance de l’emploi est un des du Liban s’est avéré également extrêmement principaux facteurs contribuant à l’absence perméable aux influences externes, ce qui a d’une croissance économique inclusive. Au nourri et exacerbé les conflits et la violence Liban, la création d’emplois a été inférieure internes. à la croissance de la population active, et ii. L’économie libanaise s’est développée à un les emplois ont généralement été de faible rythme modéré au cours des dernières qualité. Plus récemment, la pauvreté et décennies, mais la croissance a été inégale l’emploi ont probablement été affectés par en raison de chocs importants et fré- le conflit syrien et, en particulier, par l’af- quents, notamment “politiques”, aux- flux massif de réfugiés. Le manque d’em- quels l’économie a été résiliente. Le PIB plois de qualité dans le pays contribue à réel a augmenté en moyenne d’environ 4,4 l’expatriation de nombreux Libanais, en pour cent de 1992 à 2014, mais ce rende- particulier les jeunes diplômés. ment masque l’impact de nombreux chocs iv. Dans ce contexte, le Groupe de la Banque (nationaux, internationaux, politiques et/ Mondiale a mis en place un Diagnostic ou confessionnels) auxquels le Liban a fait Systématique du Pays (DSP) afin d’identi- face au cours de cette même période. Le fier les contraintes auxquelles le Liban est dernier choc est le conflit en cours en Syrie, confronté dans ses efforts de création qui, compte tenu des liens étroits entre les d’emplois. L’emploi est reconnu dans le deux pays voisins, génère d’importantes pays comme la voie primordiale à la réduc- retombées négatives sur le Liban. Il n’en tion de l’extrême pauvreté et à l’accès à une demeure pas moins que le cadre macroéco- prospérité partagée (ce sont les deux objec- nomique du pays a pu résister à tous les tifs du Groupe de la Banque Mondiale). Le chocs importants auxquels il a été jusqu’à DSP est basé sur une analyse complète des présent confronté. données disponibles (en tenant compte des iii. Avec une croissance de faible qualité, le carences des données existantes) et a béné- Liban a peiné à réduire son large taux de ficié, entre autres, de consultations appro- pauvreté et à générer une croissance par- fondies avec des experts Libanais, des tagée (trop peu d’emplois créés et peu représentants du secteur privé, des membres productifs). L’incidence de la pauvreté a d’ONG, ainsi qu’avec le gouvernement été élevée et globalement inchangée au Libanais. cours des 25 dernières années. Depuis la v. Le DSP fait état de deux contraintes fin de la guerre civile, l’extrême pauvreté a dominantes générales se renforçant 4 Résumé Analytique mutuellement, et qui sont à l’origine de Ces contraintes nichées affectent le poten- l’incapacité du Liban à générer une crois- tiel du Liban à assurer une croissance sance inclusive et forte en emplois. économique forte et durable; elles com- ­ Première contrainte  : l’accaparement des prennent l’instabilité macroéconomique, ressources par une élite qui se cache der- un environnement des affaires difficile, une rière le voile du confessionnalisme / gou- insuffisance des investissements au niveau vernance confessionnelle. Deuxième des infrastructures (notamment dans les contrainte : les conflits et la violence (attri- régions qui accusent un retard au niveau du buables en partie à la dynamique générale développement), un déséquilibre des com- de conflit au Moyen-Orient). Ces deux pétences par rapport aux besoins du mar- contraintes dominantes générales sont un ché du travail, des institutions et un cadre lourd fardeau pour l’économie. Par exemple, réglementaire faibles. Le DSP part du prin- le coût annuel de la gouvernance confes- cipe qu’en l’absence de l’impact déstabilisa- sionnelle est estimé à 9 pour cent du PIB. teur de la gouvernance confessionnelle et Les activités illégales ne sont pas sanction- des conflits nationaux et régionaux, ces nées par l’Etat lorsqu’elles impliquent des sous-contraintes imbriquées auraient net- personnalités ayant des connections confes- tement moins de conséquences qu’elles ne sionnelles/politiques et/ou étant riches, ce le sont actuellement. Ainsi, ces deux qui exacerbe l’accaparement des ressources contraintes dominantes ont des consé- par une élite et renforce le favoritisme quences négatives au niveau des secteurs omniprésent. Ce sont l’influence des parte- (par exemple, l’électricité, l’éducation) et naires économiques et les liens personnels rendent toute réforme au niveau sectoriel (appelés “Wasta”) qui sont le plus suscep- particulièrement difficile. tibles d’influer sur l’exécution des politiques vii. Pour établir un classement des obstacles et l’application des lois. L’accaparement des au développement du Liban, l’équipe ressources par une élite et la corruption DSP a conçu une méthodologie de vote sont ainsi endémiques et compromettent la permettant de saisir de manière transpa- réalisation des objectifs doubles  de réduc- rente et robuste la complexité des tion de l’extrême pauvreté et l’accès à une contraintes libanaises. Ce processus de prospérité partagée au Liban. Parallèlement, priorisation comprend les étapes suivantes: le coût du conflit et de la violence est impor- (1) établir une liste exhaustive des obs- tant et récurrent ; ceux-ci incluent la guerre tacles spécifiques, sur la base du travail civile de 1975-1990, qui a réduit de moitié d’analyse effectué dans le DSP; (2) deman- la taille de l’économie, le conflit de 2006 der à chaque expert du Groupe de la avec Israël qui provoqué des dégâts directs Banque Mondiale qui a travaillé sur le DSP estimés à 2,8 milliards de dollars et indi- Liban de classer chacun des obstacles pré- rects évalués à 700 millions de dollars, et, cédents sur la base de cinq critères (impact plus récemment le conflit syrien qui aurait sur l’objectif; durée de l’impact; conditions coûté à l’économie libanaise 7,5 milliards de préalables; complémentarités; force de la dollars en perte de production et creusé le preuve); (3)  ­ classement des notes des déficit budgétaire de 2,6 milliards de dollars experts en fonction de la moyenne des de 2012 à 2014. notes obtenues pour chaque contrainte vi. Le DSP fait état d’autres (mais plus tradi- individuelle de sorte que l’ordre de priorité tionnelles) contraintes imbriquées dans résultant de ce processus est effectué sur les deux principales dominantes que sont une marge intensive, ce qui permet aux l’accaparement des ressources par une réformateurs de s’attaquer directement aux élite, et la fragilité et les conflits. goulots d’étranglement spécifiques du pays. Résumé Analytique 5 Comme des thèmes et des secteurs com- l’accès à  l’information, la promotion d’une muns sont apparus dans la liste des stabilité politique, d’une réforme institu- contraintes, une autre liste de 11 domaines tionnelle et du développement. Des jugés prioritaires a été établie. Celle-ci exemples de la deuxième stratégie incluent : comprend les deux contraintes principales une analyse de la politique économique et que sont la gouvernance confessionnelle et de la vulnérabilité des secteurs concernés les conflits et la violence, huit autres sec- face aux conflits, un ensemble de réformes, teurs sous-jacents, et une contrainte fon- une approche opportuniste, une action damentale qui est la disponibilité des autour de l’accaparement des ressources par données et leur qualité. Finalement (4) une une élite, un engagement social ‘horizontal’, analyse de sensibilité/vérification de la et la transformation de la présence impor- solidité des données a été effectuée et a tante de réfugiés syriens en opportunité. permis de constater, de manière rassu- ix. Sous réserve de concevoir des réformes qui rante, que les priorités identifiées étaient tiennent compte des deux contraintes robustes a différentes méthodes d’agréga- dominantes du Liban, les actions suivantes tion des votes individuels. pourraient sensiblement améliorer le viii. Même si les deux contraintes fondamen- développement du pays: (1) réduire les vul- tales du Liban sont profondément nérabilités macro-budgétaires; (2) ­ améliorer ancrées, il existe des moyens susceptibles la gouvernance et l’efficacité des institutions de les atténuer. Ceux-ci peuvent être ­classés publiques; (3) combler les carences énergé- dans deux types de stratégies: (1) ­s’attaquer tiques afin d’améliorer la productivité du directement aux contraintes dominantes secteur privé et de réduire le fardeau macro- pour les réduire; (2) travailler sur la réduc- budgétaire; (4) renforcer le secteur des tion des contraintes sous-jacentes à travers ­ télécommunications ce qui connecterait la conception d’un programme de réformes pleinement le Liban à l’économie mon- qui tient compte des contraintes domi- diale  et pourrait développer des emplois; nantes existantes. La première stratégie (5) moderniser le secteur de l’éducation pour véhicule un potentiel de réussite important former des jeunes ayant les qualifications au niveau du développement, mais, étant requises par les employeurs; (6) améliorer le donné la nature profonde et symbiotique climat des affaires afin d’alléger le fardeau des deux contraintes dominantes, cette stra- administratif entravant la création d’entre- tégie prendra du temps avant de porter ses prises; (7) accroitre les investissements dans fruits. La deuxième stratégie est plus adap- le secteur du transport pour faciliter la tée pour donner des résultats à court terme, mobilité des personnes et les échanges com- mais étant donné le poids des deux merciaux; et (8) régler les problèmes écolo- contraintes dominantes, ces résultats sont giques afin de protéger les ressources susceptibles d’être de portée plus limitée. naturelles du Liban, y compris l’eau. Les Des exemples de la première stratégie réformes dans ces domaines doivent être incluent la mise en œuvre d’éléments clés de traitées rapidement si le Liban veut générer l’accord de Taëf jusqu’à présent suspendus : le nombre et la qualité des emplois souhaités l’adoption d’une loi sur la décentralisation par la population, stopper la détérioration administrative, la création d’une chambre du bien-être de bon nombre de ses citoyens basse du parlement qui serait élue sur une et, surtout, pouvoir gérer les pressions base non confessionnelle, l’amélioration de résultant des conflits régionaux. ­ 6 Résumé Analytique