DOCUMENT D’ORIENTATION Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture C U R E Publié en 2018 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, 7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France et la Banque Mondiale, 1818 H Street, NW Washington, DC 20433, États-Unis d’Amérique © UNESCO et la Banque Internationale pour la reconstruction et le développement / La Banque Mondiale 2018 ISBN 978-92-3-200161-0 Cette publication est disponible en libre accès sous la licence Attribution-ShareAlike 3.0 IGO (CC-BY-SA 3.0 IGO) (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/igo/). Les utilisateurs du contenu de la présente publication acceptent les termes d’utilisation de l’Archive ouverte de libre accès UNESCO (www.unesco.org/open-access/ terms-use-ccbysa-fr). Titre original : Culture in City Reconstruction and Recovery Publié en 2018 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture et la Banque Mondiale. Les désignations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO ou de la Banque mondiale aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les idées et les opinions exprimées dans cet ouvrage sont celles des auteurs ; elles ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l’UNESCO, de la Banque mondiale, de leurs Conseils d’administration ou des gouvernements qu’ils représentent, et n’engagent en aucune façon ces organisations. (*) Les images marquées d’un astérisque ne relèvent pas de la licence CC-BY-SA et ne peuvent pas être utilisées ou reproduites sans le consentement préalable des détenteurs du droit d’auteur. Photo de couverture : © caro images / Stefan Trappe*. Utilisée avec l’autorisation de caro images / Stefan Trappe. Une autorisation devra être demandée pour toute réutilisation. Traduction : Traducteo Conception graphique : Jean-Luc Thierry Imprimé par l’UNESCO à Paris (France). La publication a été financée par la Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR) et le Tokyo Development Learning Center. DOCUMENT D’ORIENTATION Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture C U R E Avant-propos Avant-propos Le rythme et l’ampleur de l’urbanisation actuelle sont inédits dans l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, les citadins représentent près de 55 % de la population mondiale, chiffre que les prévisions portent à plus de 66 % à l’horizon 2050. Parallèlement, on constate une augmentation de la fréquence et de l’inten- sité des catastrophes naturelles qui touchent de manière disproportionnée les zones urbaines. Plus de 200 millions de personnes sont chaque année victimes de tempête, d’inondations et de tremblements de terre, et la situation empire sous l’effet du changement climatique Ernesto Ottone R. Ede Ijjasz-Vasquez Dans le même temps, les conflits armés sont de plus en plus destructeurs Sous-Directeur général Directeur principal dans les zones urbaines. Dans de nombreuses villes, la mémoire collective pour la culture, UNESCO du pôle Développement des habitants et les symboles de leurs identités culturelles – éléments du © UNESCO social, urbain, rural, patrimoine culturel matériel et immatériel – ont été volontairement endom- et Résilience, Groupe magés ou détruits lors de conflits, car c’est un moyen de briser les liens de la Banque mondiale qui unissent les individus à leur communauté. Cette pratique a de terribles © Le Groupe de la Banque mondiale répercussions sur le secteur culturel. Pour limiter les effets de ces crises – qu’elles résultent d’une catastrophe naturelle, d’un conflit armé ou d’une situation de grande détresse urbaine – il faut des réponses qui tiennent compte des besoins de tous les groupes sociaux pour favoriser l’inclusion sociale et le développement économique, tout en reconnaissant les besoins spécifiques, les priorités et l’identité de chaque communauté concernée. C’est pour cela que la culture, à travers le patrimoine culturel matériel et immatériel et la créativité, est à la fois un atout et un outil pour la reconstruction et le relèvement des villes. Pour restaurer efficacement le tissu physique et social des villes, il est indispensable de placer la culture au cœur des stra- tégies et des procédés de reconstruction et de relèvement. Ce document d’orientation propose un cadre pour la Culture dans la recons- truction et le relèvement des villes (CURE) ainsi que des conseils opération- nels à l’intention des responsables politiques et des praticiens chargés de la planification, du financement et de la mise en œuvre des opérations de reconstruction et de relèvement des villes après une crise. L’UNESCO et la Banque mondiale s’engagent à placer la culture au cœur des processus de reconstruction et de relèvement des villes confrontées à des crises. Cette volonté se traduit par l’intégration et la valorisation du patrimoine culturel matériel et immatériel, ainsi que par la promotion de la créativité et de la diversité des expressions culturelles en tant qu’éléments centraux des stratégies et des opérations de reconstruction et le relèvement des villes. La culture étant une base qui associe des politiques centrées sur l’humain à des politiques basées sur l’environnement, elle doit être le fil rouge de toutes les phases des projets, de l’évaluation des dommages et des besoins à la mise en œuvre en passant par l’élaboration des politiques et le financement. Ce document reflète également un objectif plus large de l’UNESCO et de la Banque mondiale : l’intégration de la culture dans le développement urbain, en particulier pendant la reconstruction et le relèvement de villes touchées par des crises qui mettent en péril leur identité, afin de créer des villes ouvertes à tous, plus sûres, plus résilientes et plus durables. Ernesto Ottone R. Ede Ijjasz-Vasquez 3 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Remerciements Ce document d’orientation est le fruit d’une réflexion commune de l’Organisa- tion des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et la Banque mondiale, menée par : Sameh Naguib Wahba, Francesco Bandarin, Ahmed Eiweida, Lazare Eloundou Assomo, Dorine Dubois, Cristina Iamandi, Christianna Johnnides Brotsis, Rana Amirtahmasebi, Yuna Chun, Barbara Minguez Garcia, Sara García de Ugarte et Inel Massali. Plusieurs documents de référence et études de cas ont nourri cette réflexion. Ils ont été préparés par : Changmo Ahn (étude de cas sur Séoul), Howayda Al-Harithy (étude de cas sur Beyrouth), Rana Amirtahmasebi (article sur les phases de la reconstruction après une crise), Lazare Eloundou Assomo (étude de cas sur Tombouctou), Tom Avermaete (article sur les stratégies de reconstruction urbaine en Europe après la Seconde Guerre mondiale), Ursula Bianca Baigorria Köppel (étude de cas sur Medellín), Wesley Cheek (article sur les principaux cadres politiques internationaux en matière de reconstruction urbaine et de relèvement des villes), Amra Hadžimuhamedović (étude de cas sur Sarajevo), Yuko Okazawa (étude de cas sur Tokyo), Mizuko Ugo (étude de cas sur Tokyo), Santiago Uribe Rocha (étude de cas sur Medellín), Robert Wrobel (article sur le redressement socio-économique et l’inclusion), Soo Yeon Lim (étude de cas sur Séoul) et Jez Foster (étude de cas sur Katmandou). Ce document a bénéficié des conseils des relecteurs suivants : Raja Arshad, Laura Bailey, Christina Cameron, Ellen Hamilton, Eric Huybrechts et Mike Turner. Nous remercions les collaborateurs des deux organisations et les experts extérieurs qui ont apporté une contribution essentielle à la rédaction de ce document. Pour l’UNESCO : Ernesto Ottone R., Mechtild Rössler, Lynne Patchett, Giovanni Boccardi, Nada Al-Hassan, Tim Curtis, Yonca Erkan, Youmna Tabet, Sophie Abraham, Alyssa Barry, Léonie Evers et Caroline Munier. Pour la Banque mondiale : Margaret Arnold, Senait Nigiru Assefa, Maitreyi Bordia Das, Markus Kostner, Jolanta Kryspin-Watson, Guido Licciardi, James Newman, Zheng Jia et Zuzana Stanton-Geddes. Nous adressons tout particulièrement nos remerciements à Jennifer Semakula- Musisi, Directrice exécutive de la ville de Kampala (Ouganda), José Manuel Corral, Maire de la ville de Santa Fe (Argentine) et Catherine Cullen, Conseillère spéciale pour la culture et les villes durables des Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), qui ont participé à la conférence consultative organisée lors de la 9e session du Forum urbain mondial à Kuala Lumpur en février 2018. 4 Remerciements, Acronymes et abréviations Acronymes et abréviations BCD Centre-ville de Beyrouth (Beirut Central District) BM Banque mondiale CAH Cadre d’action de Hyogo CICR Comité international de la Croix-Rouge CURE Cadre « La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes » DaLA Évaluation des dommages et des pertes (Damage and Loss Assessment) DoA Département d’archéologie (Department of Archaeology) DRF Cadre de relèvement post-catastrophe (Disaster Recovery Framework) FMI Fonds monétaire international GRC Gestion des risques de catastrophe IAP2 Association internationale pour la participation publique ICCROM Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels ICOMOS Conseil international des monuments et des sites KMC Métropole de Katmandou (Kathmandu Metropolitan City) LVC Récupération des plus-values foncières (Land Value Capture) MINUSMA Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali NPV Nouveau Programme pour les villes OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques ODD Objectifs de développement durable ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies ONU-Habitat Programme des Nations Unies pour les établissements humains PCNA Évaluations des besoins post-conflit (Post-Conflict Needs Assessment) PDD Programme de développement durable PDNA Évaluations des besoins post-catastrophe (Post-Disaster Needs Assessment) PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PPP Partenariats public-privé RPBA Évaluations pour le relèvement et la consolidation de la paix (Recovery and Peacebuilding Assessment) RRC Réduction des risques de catastrophe SIG Système d’information géographique UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture UNISDR Stratégie internationale des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (United Nations International Strategy for Disaster Reduction) 5 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Liste des encadrés Définir la culture, la reconstruction et le relèvement 1. 2. Définition du paysage urbain historique 3. La culture et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 L’humain, l’environnement et les politiques (les « 3 P ») : 4.  une approche du développement urbain fondée sur la culture 5. Créer une « culture citoyenne » pour lutter contre la détresse urbaine à Medellín, Colombie 6. Le patrimoine culturel immatériel : les connaissances et pratiques locales comme piliers du relèvement 7. Consolider la paix et favoriser la réconciliation grâce à des interventions culturelles à Banda Aceh, Indonésie 8. Tirer parti du tourisme culturel pour stimuler le développement local à Séoul, République de Corée 9. Promouvoir la réconciliation grâce à la préservation du patrimoine culturel à Nicosie, Chypre Reconstruire l’identité multiculturelle d’une ville à travers la reconstruction symbolique du pont de Mostar, 10.  Bosnie-Herzégovine Impliquer les communautés dans la restauration du patrimoine culturel matériel et immatériel pour favoriser 11.  la cohésion sociale et la réconciliation à Tombouctou, Mali 12. Partenariats public-privé : la nécessité d’une approche équilibrée à Beyrouth, Liban Évaluation de la vulnérabilité des sites prioritaires du patrimoine culturel face à de multiples dangers 13.  aux Philippines La créativité et les technologies numériques comme moteurs d’un réel engagement communautaire 14.  pour le relèvement après une catastrophe : l’exemple de Christchurch, Nouvelle-Zélande 15. Bâtir une ville plus sûre grâce à la planification participative à Medellín, Colombie 16. Promouvoir une approche multidisciplinaire de la planification du relèvement à Sarajevo, Bosnie-Herzégovine 17. Améliorer la gestion des risques de catastrophe sur les sites du patrimoine culturel de Bagan, Myanmar Adopter un modèle de gestion hybride pour la reconstruction après une catastrophe : 18.  l’exemple de Kobe, Japon 19. La sauvegarde du patrimoine comme vecteur de résilience communautaire à Katmandou, Népal Conservation et réhabilitation du patrimoine culturel après un séisme dans la vieille ville de Lijiang, 20.  République populaire de Chine 6 Sommaire Sommaire Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Acronymes et abréviations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Résumé analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Chapitre 1. Relier la culture aux cadres de reconstruction et de relèvement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Chapitre 2. Un Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Chapitre 3. Mise en œuvre du Cadre CURE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 7 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Résumé analytique Alors que les villes s’étendent et se développent à un Par la suite, plusieurs outils ont été mis au point pour rythme effréné à travers le monde, elles font de plus en combler les lacunes des cadres précédents, améliorer la plus souvent les frais des crises, des catastrophes et des gestion des risques de catastrophe et renforcer la résilience conflits – toujours plus nombreux, plus graves et plus des nations et des communautés. Parmi ceux-ci, citons le complexes – qui touchent notre planète. La convergence Cadre d’action de Hyogo 2005-2015 et son successeur, de ces deux tendances – l’urbanisation croissante et le Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques la multiplication des crises – réclame l’adoption d’une de catastrophe 2015-2030, qui guide aujourd’hui les inter- approche de la reconstruction et du relèvement des villes ventions de la communauté internationale en matière de plus efficace, qui s’articule autour de la culture. Élaboré par RRC – Réduction des risques de catastrophe. la Banque mondiale et l’UNESCO, ce document d’orienta- En 2008, la Banque mondiale, la Commission européenne tion présente une telle approche : le Cadre pour la culture et l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont signé une dans la reconstruction et le relèvement des villes (ci-après Déclaration commune sur les évaluations des besoins dénommé Cadre CURE). après une crise et la planification du relèvement. Ces trois Le Cadre CURE est une approche fondée sur l’intégration entités se sont ainsi engagées à collaborer sur une approche de la culture dans les processus de reconstruction et de commune de la gestion des suites d’une catastrophe ou relèvement des villes dans des situations de détresse urbaine, d’un conflit. Cette déclaration a donné naissance à deux après un conflit ou après une catastrophe. Il tient compte outils principaux  : les évaluations des besoins après une des besoins, des valeurs et des priorités des individus. Il catastrophe (Post-Disaster Needs Assessments, PDNA) fournit une feuille de route pour le développement écono- et les évaluations pour le relèvement et la consolidation de mique et la gestion des transformations sociales, spatiales la paix (Recovery and Peacebuilding Assessments, RPBA). et économiques complexes après une crise. Le cadre CURE S’appuyant sur le Programme de développement durable s’attache également à combler les lacunes des mécanismes à l’horizon 2030, le Nouveau Programme pour les villes actuels de reconstruction et de relèvement pour les rendre des Nations Unies ainsi que sur d’autres instruments plus efficaces et plus durables. Le Cadre CURE s’appuie internationaux tels que la Recommandation de l’UNESCO sur les cadres et outils existants pour la reconstruction et concernant le paysage urbain historique (2011), plusieurs le relèvement en milieu urbain. Il associe des approches directives et recommandations spécifiques ont été mises centrées sur l’humain à des approches s’articulant autour au point ces dix dernières années afin d’intégrer la culture de l’environnement physique pour former des politiques dans les démarches de reconstruction et de relèvement, intégrées qui ont toutes la culture pour fil rouge. dont un volume consacré à la prise en compte de la culture Ce document se veut un guide pour encourager les dans les PDNA. acteurs du développement – en particulier les équipes de Toutefois on constate encore une déconnexion entre les la Banque mondiale et de l’UNESCO agissant sur le terrain, stratégies fondées sur l’environnement physique et celles ainsi que les autorités nationales et locales, les urbanistes centrées sur l’humain dans les efforts de reconstruction et les organisations internationales - à intégrer la culture et de relèvement. La culture occupe encore une place dans toutes les phases de la reconstruction et du relèvement insuffisante dans ces processus  ; le présent document des villes, aussi bien comme un atout que comme un outil. d’orientation entend justement combler ces lacunes. Il comporte trois parties : une analyse de l’évolution des cadres de reconstruction et de relèvement au cours des La culture dans la reconstruction et le relèvement des dernières décennies, une présentation détaillée du Cadre villes : le Cadre CURE dédié au rôle de la culture pour la reconstruction et le Ce document d’orientation propose un cadre visant à inclure relèvement des villes et à ses principes, et des directives la culture dans les efforts de reconstruction et de relève- opérationnelles pour leur mise en œuvre. ment des villes après des crises, en utilisant des politiques fondées aussi bien sur l’humain que sur l’environnement L’évolution des cadres de reconstruction et de relève- physique. Le Cadre CURE prend en compte la culture dans ment : le rôle de la culture tous les secteurs et domaines d’intervention, et tout au long La période de reconstruction qui a suivi la Seconde Guerre des différentes phases du processus de reconstruction et mondiale a permis de tirer des enseignements fondamen- de relèvement : évaluation des besoins, définition du champ taux sur la reconstruction et le relèvement des villes après d’application, planification, financement et mise en œuvre. un conflit, sur le plan non seulement matériel mais aussi Alors que les stratégies actuelles fondées sur l’environnement social. Cela étant, les premiers cadres d’action internatio- physique donnent la priorité à la reconstruction des biens naux complets datent seulement des années 1970, et c’est matériels, l’intégration de la culture renforce le sentiment surtout la multiplication des catastrophes naturelles qui d’appartenance à une communauté ainsi que l’habitabilité a motivé leur élaboration. La Stratégie et le Plan d’action de l’environnement bâti. La culture peut également favoriser de Yokohama pour un monde plus sûr, adoptés en 1994, la réconciliation, notamment grâce à la (re)construction des mettaient l’accent sur la prévention et la préparation aux monuments culturels et des lieux ayant une forte valeur catastrophes, l’atténuation de leurs effets et les secours. symbolique pour les communautés. Dans le même temps, 8 Résumé analytique les stratégies centrées sur l’humain sont essentielles pour des évaluations susmentionnées en plans et en règles renforcer le sentiment d’appropriation des communautés d’aménagement, au terme d’une démarche participative et accélérer le redressement socio-économique des villes. dans laquelle les parties prenantes et les communautés Cela suppose de donner la priorité à la sauvegarde et à la sont pleinement impliquées. promotion des normes, des traditions, des connaissances – 3. Financement. Cette phase inclut l’identification des locales, de l’artisanat et des industries culturelles dans les modalités de financement de la reconstruction et du processus de reconstruction et de relèvement. relèvement, notamment en ce qui concerne le recours à Le Cadre CURE repose sur sept principes directeurs, des fonds publics et privés ainsi qu’à d’autres sources fruits d’une analyse rigoureuse d’études de cas portant de financement, la gestion des ressources foncières sur différentes régions du monde et différentes périodes. et l’élaboration d’outils de financement et de mesures incitatives. – Principe 1. Reconnaître que la ville est une « construc- tion culturelle » dans laquelle les structures bâties et les – 4. Mise en œuvre. Cette phase, essentielle à la réussite espaces ouverts sont étroitement liés au tissu social. et à la pérennité des efforts de reconstruction et de relè- vement, est celle de la mise en place d’institutions et de – Principe 2. Amorcer le processus de réconciliation en (re) structures de gouvernance efficaces. C’est aussi la phase construisant les monuments culturels et les lieux porteurs qui met en œuvre des politiques de gestion des risques d’identité pour les communautés locales. et des stratégies de communication et d’engagement. – Principe 3. Favoriser les expressions culturelles afin d’offrir De manière générale, le Cadre CURE doit être vu comme aux communautés touchées les moyens de surmonter un processus souple et itératif (plutôt que séquentiel et leurs traumatismes et de se réconcilier. linéaire) qui ne peut être mené à bien sans une connaissance – Principe 4. Donner la priorité à la culture dès le début précise du contexte d’intervention, et doit être adapté aux de la planification, en commençant par l’évaluation des spécificités socio-économiques de chaque ville. Le Cadre besoins et la mise en œuvre d’interventions d’urgence qui CURE doit s’appliquer à toute une ville et non seulement aux reflètent véritablement les priorités des communautés. territoires historiques, lesquels nécessitent des outils et des techniques d’intervention spécifiques. Sa mise en œuvre – Principe 5. Impliquer les communautés et les gouver- doit tenir compte de l’urgence de certaines situations, tout nements locaux dans chaque étape du processus de en laissant aux parties prenantes le temps nécessaire pour relèvement. consulter les individus concernés afin que leurs priorités – Principe 6. Utiliser des modèles financiers qui concilient soient identifiées et respectées. Ces considérations sont les besoins immédiats/à court terme et le développement d’autant plus importantes qu’après une crise, le relèvement à moyen/long terme des plans de reconstruction. et la reconstruction peuvent prendre plusieurs dizaines d’années. – Principe 7. Garantir une gestion efficace du processus de reconstruction en tenant compte à la fois des besoins Ce qu’il faut retenir des habitants et de la nécessité de redonner à une ville son caractère historique. Le Cadre CURE et ses sept principes directeurs reflètent l’en- gagement commun de la Banque mondiale et de l’UNESCO : Mise en œuvre du Cadre CURE placer la culture en première ligne des processus de recons- truction et de relèvement des villes dans des situations de Adaptée du Cadre de relèvement post-catastrophe (Disaster détresse urbaine, après un conflit ou après une catastrophe. Recovery Framework, DRF), la mise en œuvre du Cadre Cette démarche commune peut être résumée ainsi : CURE comporte quatre phases : La culture joue un rôle essentiel dans les processus de – – 1. Évaluation des dommages, des besoins et du champ d’ap- reconstruction et de relèvement après une crise. plication. Cette phase consiste à évaluer les dommages et les impacts des catastrophes sur le patrimoine culturel La culture doit être reconnue comme le fondement qui – matériel et immatériel, les industries culturelles et créatives, permet d’intégrer à la fois des politiques centrées sur le parc immobilier et foncier et le secteur du tourisme. Elle l’humain et des politiques s’articulant autour de l’envi- permet d’évaluer également les pertes pour la population, ronnement physique. du fait de l’interruption des services et de l’impossibilité Pour être efficaces, les programmes de reconstruction – d’utiliser les actifs économiques. Le champ d’application et de relèvement doivent intégrer la culture dans leurs du Cadre est ensuite défini à partir des résultats de cette différentes phases  : évaluation des dommages et des première évaluation, au cours d’un processus qui suppose besoins, définition du champ d’application, élaboration des de collecter des données, de cartographier les actifs, de politiques et stratégies, financement et mise en œuvre. repérer les parties prenantes et d’élaborer une vision de la reconstruction et du relèvement de la ville concernée. En intégrant la culture aux politiques de développement urbain durable tenant compte de l’impact des crises urbaines, – 2. Politiques et stratégies. Cette phase est celle de la le Cadre CURE vise à rendre les villes ouvertes à tous, plus conception de politiques, stratégies et processus de sûres, plus résilientes et plus durables. planification qui traduisent cette vision et les conclusions 9 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Introduction 10 Introduction Le contexte actuel : L e rythme et l’ampleur de l’urbanisation actuelle sont inédits dans l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui près de 55 % de la population mondiale vit dans des villes et urbanisation rapide, selon les prévisions, ce chiffre devrait passer à 70  % à l’horizon 2050 1. Cette urbanisation effrénée s’accompagne multiplication des d’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles qui touchent de manière dispro- portionnée les zones urbaines. Plus de 200 millions de catastrophes et personnes sont chaque année victimes de tempêtes, d’inondations et de tremblements de terre - phénomènes évolution des conflits qui se sont multipliés sous l’effet du changement climatique. D’ici 2030, on s’attend à ce que chaque année ces catas- trophes coûtent aux villes du monde plus de 314 milliards d’USD de dommages et pertes. C’est presque deux fois plus que la moyenne constatée ces 15 dernières années2. Dans le même temps, les conflits armés sont de plus en plus complexes : ils impliquent les acteurs endogènes et entraînent souvent la destruction de vastes zones urbaines3. Les conflits armés ont toujours eu un effet dévastateur sur la culture, notamment car les belligérants cherchent à détruire la mémoire collective des populations et à ternir les symboles de leurs identités culturelles. Ces dernières décennies, le patrimoine culturel est particulièrement visé car c’est un moyen de briser les liens qui unissent les indi- vidus à leurs communautés, leurs villes et leurs nations. Des destructions ciblées ont également pour but de détruire la diversité culturelle et le pluralisme pour priver les victimes de leurs droits culturels et de leurs libertés fondamentales. Conséquences de ces événements, il y a aujourd’hui dans le monde 68,5 millions de personnes déplacées dont 19,9 millions de réfugiés, parmi lesquels 60 % vivent dans des villes 4. Face à la multiplication des catastrophes et des conflits, on s’attend à une forte augmentation du nombre de personnes déplacées. Les catastrophes et les conflits soumettent des villes subissant déjà une urbanisation rapide et incontrôlée à une pression supplémentaire. La difficulté des États fragilisés à créer des politiques urbaines et des systèmes de gouvernance appropriés, entraîne la prolifération des bidonvilles et l’expansion chaotique des villes, sans prise en compte des questions de développement durable et des risques potentiels. Des stratégies de développement urbain inefficaces, auxquelles se sont ajoutées des crises économiques, ont accéléré la dégradation urbaine, la densi- fication excessive, l’augmentation du nombre de logements 1. Nations Unies, 2018. 2. Banque mondiale, 2016a. 3. Dans un récent rapport intitulé Chemins pour la paix, la Banque mondiale et l’ONU identifient plusieurs tendances inquiétantes. En 2016 par exemple, le nombre de pays touchés par un conflit violent a atteint un niveau inédit depuis 30 ans. Cette violence récente se concentre surtout dans les zones urbaines et les espaces publics, et le nombre de civils tués lors de conflits de ce type a doublé Mosquée Al-Nouri, Mossoul, Iraq. entre 2010 et 2016. © UNESCO 4. UNHCR, 2018. 11 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes insalubres et de bâtiments délabrés, la pauvreté urbaine et Le rôle de la Banque mondiale et de l’UNESCO des bouleversements sociaux majeurs. De plus, l’urbani- dans la reconstruction et le relèvement des villes sation rapide et la décentralisation des fonctions menées Créée pour favoriser la reconstruction et le développement parallèlement, rendent encore plus urgent le renforcement après la Seconde Guerre mondiale, la Banque mondiale a du rôle et des capacités des gouvernements locaux. une grande expérience des interventions dans ce domaine. Les crises engendrées par une détresse urbaine aiguë Depuis la fin des années 1990, la Banque mondiale investit doivent donner lieu à des réactions qui tiennent compte toujours plus dans le patrimoine culturel et met à la disposition des besoins de tous les groupes sociaux et favorisent les des parties prenantes une assistance technique visant à le opportunités d’inclusion sociale et de progrès économique protéger. À ce jour, elle a financé plus de 300 opérations qui reconnaissent les besoins, priorités et identités des de prêts et hors prêts qui participent à la régénération des différentes communautés, en particulier des jeunes. C’est territoires urbains historiques et la préservation du patri- pour cela que la culture, représentée notamment par le moine culturel. Seule agence des Nations Unies à disposer patrimoine culturel et la créativité, est à la fois un atout et d’un mandat explicite dans le domaine culturel, l’UNESCO un outil pour la reconstruction et le relèvement des villes. met en avant le rôle de la culture pour le développement Si la culture est absente des stratégies de reconstruction durable, et ses programmes soulignent l’importance du et de relèvement, leur mise en œuvre risque de perturber développement urbain. C’est ce qui a encouragé l’adop- davantage les tissus urbains et sociaux. L’émergence tion de la Recommandation de 2011 concernant le paysage de la société civile, stimulée par les médias sociaux et la urbain historique, ainsi que l’intégration de la culture dans connectivité, renforce l’impact de la dimension culturelle le Programme de développement durable à l’horizon 2030 sur les processus de reconstruction et de relèvement. et le Nouveau Programme pour les villes. Définir la culture, la reconstruction et le relèvement 1 Dans le présent document sont employées les définitions Cette définition de la culture englobe également les suivantes, car il est préférable d’utiliser un vocabulaire industries culturelles et créatives ; c’est-à-dire l’ensemble commun aux différents contextes et acteurs. des infrastructures, ressources et procédés nécessaires La culture est considérée comme « l’ensemble des traits à la production, la distribution et la vente de biens créatifs distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui et culturels – musique, produits artisanaux et audiovisuels, caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, théâtre, cinéma, livres – dans le cadre des économies outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de formelles et informelles. vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les Les définitions de la reconstruction et du relèvement croyances5 ». Cette définition globale de la culture renvoie utilisées ici sont celles formulées dans la Stratégie inter- au patrimoine culturel sous toutes ses formes mais aussi nationale des Nations Unies pour la prévention des catas- à la créativité et à la diversité des expressions culturelles. trophes (UNISDR). La reconstruction est définie comme Il faut souligner que le patrimoine culturel rassemble des le rétablissement et la rénovation durable à moyen et long éléments aussi bien matériels qu’immatériels. Le terme termes des infrastructures essentielles, des services, des « patrimoine culturel matériel » est appliqué non seulement logements, des installations et des moyens de subsistance aux bâtiments et structures ayant une signification culturelle, indispensables au bon fonctionnement d’une communauté mais aussi aux aires naturelles protégées. On entend par ou d’une société touchée par une catastrophe, en veillant à patrimoine culturel immatériel l’ensemble des pratiques, améliorer leur résilience. Le relèvement implique le rétablis- représentations, expressions, savoir-faire et connaissances sement ou l’amélioration des moyens de subsistance et des traditionnels reconnus par les communautés comme faisant services de santé ainsi que des systèmes, activités et biens partie intégrante de leur patrimoine culturel transmis d’une économiques, physiques, sociaux, culturels et environne- génération à l’autre. Le terme s’applique aussi aux systèmes mentaux d’une communauté ou d’une société touchée par de gestion de ces éléments. Souvent négligé, le patrimoine une catastrophe. Ces deux définitions englobent également culturel immatériel est pourtant particulièrement utile dans le respect des principes du développement durable et le contexte du relèvement et de la reconstruction. En effet, l’idée selon laquelle il faut « reconstruire en mieux6 » afin il facilite la réparation du tissu social, entretient la diversité de prévenir ou de réduire les futurs risques de catastrophe. culturelle, favorise le dialogue interculturel et permet un suivi efficace des évolutions culturelles dans les situations de post-conflit. « Reconstruire en mieux », en anglais “Build Back Better”, c’est 6.  « organiser des phases de relèvement, de remise en état et de reconstruction après une catastrophe pour accroître la résilience des pays et des communautés, en intégrant des mesures de réduction des risques de catastrophe aux processus de rétablis- sement des infrastructures physiques et du système social et de revitalisation des moyens de subsistance, de l’économie et de 5 UNHCR, 1982. l’environnement. » (Assemblée générale des Nations Unies, 2016). 12 Introduction Toutes deux convaincues que la culture est essentielle Définition du paysage urbain 2 à la mise en place d’un développement urbain durable et à historique la réussite des efforts de reconstruction et de relèvement après une crise, la Banque mondiale et l’UNESCO ont décidé de rédiger conjointement le présent document d’orientation (Extraite de la Recommandation de l’UNESCO pour proposer un cadre amélioré pour la reconstruction et concernant le paysage urbain historique, 2011) le relèvement des villes, fondé sur la culture et associant Une nouvelle compréhension du paysage urbain des approches centrées sur l’humain à des approches historique est au cœur de cette approche. Tel que basées sur l’environnement physique. défini par la Recommandation, « le paysage urbain historique s’entend du territoire urbain conçu Portée et structure comme la résultante d’une stratification historique Ce document d’orientation a pour sujet la reconstruction et de valeurs et d’attributs culturels et naturels, le relèvement des villes marquées par la détresse urbaine dépassant les notions de « centre historique » ou ou touchées par des catastrophes et des conflits. Cela d’« ensemble historique » pour inclure le contexte étant, il dépasse l’idée d’une séquence bien définie de urbain plus large ainsi que son environnement processus menés pendant et après les crises et adopte géographique. Ce contexte plus large comprend une approche souple de ces temporalités. Dans le contexte notamment la topographie, la géomorphologie, actuel, ces phases peuvent durer plusieurs décennies, être l’hydrologie et les caractéristiques naturelles du concomitantes ou se recouper ; il n’est donc plus possible site ; son environnement bâti, tant historique que de les considérer indépendamment. Les crises sont rare- contemporain ; ses infrastructures de surface et ment linéaires. Les crises économiques peuvent durer souterraines ; ses espaces verts et ses jardins ; ses plusieurs décennies. Les catastrophes sont de plus en plus plans d’occupation des sols et son organisation de fréquentes et graves, et les populations peuvent vivre dans l’espace ; les perceptions et les relations visuelles ; des situations de conflit plus ou moins intense pendant et tous les autres éléments constitutifs de la struc- plusieurs années. Par conséquent, malgré d’éventuels ture urbaine. Il englobe également les pratiques accords politiques, il est difficile de dater précisément la et valeurs sociales et culturelles, les processus fin d’un conflit et donc le début de la période post-conflit. économiques et les dimensions immatérielles C’est pourquoi, même si ce document traite surtout de du patrimoine en tant que vecteur de diversité et situations post-crise, il inclut également les processus de d’identité. » (UNESCO, 2011) reconstruction et de relèvement qui débutent alors que les crises ne sont pas terminées. Si une attention particulière est accordée à la recons- truction et au relèvement des territoires urbains historiques, ce document d’orientation s’intéresse aux villes entières Le chapitre 2 présente le Cadre CURE, qui souligne l’im- en tant qu’élément du paysage urbain historique, c’est-à- portance de l’intégration de la culture dans les stratégies et dire en tant que construction culturelle tenant compte de politiques basées sur l’humain et l’environnement physique la stratification des valeurs et des attributs : l’ancien et le pour parvenir à un changement durable. Reprenant le cadre nouveau, le matériel et l’immatériel, le culturel et le naturel. «  Humain – Environnement – Politiques  » structurant le À la fois politique et directive opérationnelle, ce docu- Rapport mondial de l’UNESCO, Culture  : Futur urbain, le ment d’orientation vise à aider les décideurs politiques et Cadre CURE se veut une réponse aux principales difficultés les praticiens – notamment les membres du personnel rencontrées pendant la reconstruction et le relèvement de la Banque mondiale et de l’UNESCO travaillant dans des villes après une crise. ce domaine – à mettre en place des processus efficaces Le chapitre 3 traduit le Cadre CURE en une série de recom- de reconstruction et de relèvement des villes fondés sur mandations pour la reconstruction et le relèvement des la culture. villes. Il propose pour cela une approche liée au cycle des Ce document est structuré comme suit : projets – évaluation des besoins, définition du champ d’ap- plication, planification, financement et mise en œuvre – et Le chapitre 1 fait le point sur l’évolution des cadres inter- s’appuie sur des instruments existants, parmi lesquels les nationaux de reconstruction et de relèvement post-crise évaluations en vue du relèvement et de la consolidation de la depuis la création des Nations Unies en 1945, en présentant paix (RPBA), les évaluations des besoins post-catastrophe les différents mécanismes et acteurs des processus qui (PDNA) et la Recommandation de l’UNESCO concernant en découlent. Il mentionne les récents efforts entrepris le paysage urbain historique (HUL). pour établir un lien entre la culture et les initiatives de reconstruction et de relèvement, notamment les cadres et outils développés dans le secteur culturel à ce titre. Il met en avant la nécessité de combler les lacunes des cadres actuels. 13 1 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes 14 1. Relier la culture aux cadres de reconstruction et de relèvement Relier la culture À l’échelle mondiale, la réponse aux catastrophes et aux conflits a considérablement évolué depuis les premiers efforts de coopération internationale datant de aux cadres de la fin du XIXe siècle. Les premières stratégies en la matière portaient principalement sur les secours et l’atténuation des effets de ces événements. C’est seulement à partir reconstruction des années 1990 qu’elles ont commencé à prendre en compte la reconstruction et le relèvement post-catas- trophe et post-conflit. La coopération internationale s’est et de relèvement ensuite renforcée autour d’une approche commune et d’un consensus sur l’importance d’une meilleure reconstruc- tion après les catastrophes et sur la priorité à donner à la consolidation de la paix, à la culture et à la réconciliation après un conflit, l’accent étant mis en particulier sur la participation des communautés concernées. Cependant les liens entre ces différentes approches de la reconstruction et du relèvement, notamment celles centrées sur l’humain et l’environnement physique, méritent d’être renforcés. Les premiers cadres internationaux de gestion des situations de post- catastrophe et de post-conflit Les premiers cadres de reconstruction et de relèvement après une catastrophe ou un conflit relevaient surtout d’ap- proches locales définies au cas par cas par chaque pays confronté à un événement particulier 7. La Seconde Guerre mondiale a déclenché la mise en place de mécanismes d’intervention post-conflit visant à stabiliser les marchés financiers mondiaux et à lancer la reconstruction des pays touchés. Par conséquent, la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et d’institutions découlant des accords de Bretton Woods – telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) – s’est révélée vitale pour faire face à l’état du monde après-guerre et marque la naissance des politiques contemporaines de reconstruction. Ces institutions, collaborant avec d’autres organisations multilatérales et bilatérales, ont formé un mécanisme de coopération internationale pour le développement en vue de la reconstruction et du relèvement post-crise. Cette coopération reste un élément du système international actuel, même s’il est en constante évolution. Le système de reconstruction et de relèvement mis en place après la Seconde Guerre mondiale avait pour principal objectif la stabilisation économique. Il s’est ensuite progres- sivement transformé en un système surtout utilisé pour 7. Il n’existait aucun système global de coopération internationale avant que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) lance un appel aux dons nationaux et internationaux pour faciliter le travail des Plâtrage de la Mosquée Djingareyber à Tombouctou, secours et la reconstruction après l’inondation qui a détruit la muni- cipalité rurale de Johnstown (Pennsylvanie) en 1899. L’action du CICR Mali, février 2017. a posé les bases d’un changement de paradigme et d’une transition © UNESCO / Modibo Bagayoko vers la coopération internationale. 15 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes faire face aux catastrophes naturelles, ciblant la réduction aux moyens de subsistance et à la santé des personnes, des risques et le relèvement. Plus récemment cependant, et d’atteinte aux biens économiques, physiques, sociaux, la communauté internationale s’est à nouveau retrouvée culturels et environnementaux des personnes, des entre- confrontée aux impacts des conflits sur les communautés prises, des collectivités et des pays ». Il identifie explicitement locales et à leurs répercussions sur les pays voisins. Après les inégalités et la pauvreté comme des facteurs directs un conflit, les problématiques de la reconstruction et du de vulnérabilité et établit clairement la culture comme un relèvement ne sont pas les mêmes qu’après une catas- élément de la gestion des risques de catastrophe. trophe. Les tensions sociales, les gouvernements nationaux et locaux affaiblis ou remis en cause et l’instabilité interne peuvent aggraver les conflits, ce qui complique grandement Cadres et outils internationaux la reconstruction et le relèvement. actuels pour la reconstruction Le nombre de catastrophes naturelles se produisant et le relèvement chaque année dans le monde a plus que quadruplé depuis Aujourd’hui, la communauté internationale s’appuie sur les années  1970. Face à la multiplication des désastres, une série de cadres et d’outils qui portent principalement la communauté internationale a d’abord mis l’accent sur sur l’amélioration de la résilience, l’atténuation des effets les secours et l’atténuation des effets des catastrophes. des catastrophes et le renforcement de la coopération L’ONU a créé en  1971 le Bureau du Coordinateur des internationale pour qu’elle réponde efficacement aux Nations Unies pour les secours en cas de catastrophe, situations de conflit et agisse en faveur du relèvement et ayant pour mission de prédire les catastrophes, de limiter de la paix durable. leurs impacts dévastateurs et de faciliter les efforts de relèvement. Pour stimuler la coopération internationale et Un protocole d’action commun pour les évaluations post- le partage de connaissances techniques, l’ONU a désigné crise et la planification du relèvement : une zone touchée les années 1990 Décennie internationale de la prévention par une catastrophe devient un environnement complexe des catastrophes naturelles. et difficile qui doit pouvoir bénéficier d’un soutien efficace et bien coordonné de la part d’une grande variété d’acteurs En 1994, la première Conférence mondiale sur la réduc- nationaux et internationaux. Par le passé cependant, les tion des risques de catastrophe s’est tenue à Yokohama, évaluations post-catastrophe et la planification du relève- au Japon. Elle a donné lieu à l’adoption d’une Stratégie ment étaient caractérisées par une multitude de démarches et d’un Plan d’action, la Stratégie de Yokohama pour un menées en parallèle par des agences et des donateurs monde plus sûr, qui mettait l’accent sur la prévention et divers. Pour mieux tirer profit des synergies et apporter un la préparation aux catastrophes, l’atténuation de leurs soutien coordonné aux acteurs nationaux, la Commission effets et les secours. Elle insistait sur l’importance de européenne, l’ONU et la Banque mondiale ont signé en 2008 l’engagement communautaire et de l’autonomisation des une Déclaration commune sur les évaluations des besoins femmes et d’autres groupes sociaux défavorisés, acteurs post-crise et la planification du relèvement. L’objectif de essentiels du relèvement, et rassemblait la communauté cette déclaration était de mettre au point une approche internationale autour des notions plus larges de vulnérabilité commune des évaluations post-crise et de la planification et de participation inclusive. Si la Stratégie de Yokohama a du relèvement. Cet engagement est le fruit de quatre ans consolidé l’idée selon laquelle il est de la responsabilité de d’un travail collaboratif visant à affiner et mettre à jour les la communauté internationale de soutenir les pays touchés cadres d’intervention en situation de post-conflit et de par une catastrophe, elle n’abordait pas les questions liées post-catastrophe. La Déclaration commune s’appuyait à la reconstruction et au relèvement. sur plusieurs expériences distinctes de la communauté Pour combler cette lacune, la communauté internationale internationale, et en particulier sur deux instruments  : la s’est à nouveau réunie pour mettre au point le Cadre d’action mise au point et l’utilisation des PDNA et des cadres de de Hyogo 2005-2015 : Pour des nations et des collectivités relèvement issus des évaluations des dommages et pertes résilientes face aux catastrophes (CAH). Le CAH faisait de la (DaLA) d’une part  ; et les évaluations des besoins post- diversité culturelle un élément essentiel d’une planification conflit (PCNA) et les matrices des résultats transitoires, et d’une reconstruction efficaces. Il soulignait également utilisées dans les situations de post-conflit, d’autre part. l’importance de la prise en compte des questions de genre Le but était de rassembler les parties prenantes natio- pour la reconstruction et le relèvement et précisait que nales et internationales pour harmoniser les efforts de les inégalités aggravent les effets des catastrophes sur relèvement de manière coordonnée et efficace. Les DaLA/ les populations vulnérables (dommages plus importants PDNA comme les PCNA sont des méthodologies visant et bilan humain plus lourd). à obtenir des informations consolidées sur un certain nombre de questions majeures  : les impacts physiques À l’heure actuelle, les interventions de la communauté inter- d’une catastrophe ou d’un conflit, le poids économique des nationale dans ce domaine sont régies par le Cadre d’action dommages et des pertes, l’aggravation de la pauvreté et de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe de la vulnérabilité des populations touchées, les besoins 2015-2030, qui s’inscrit dans la continuité de la Stratégie prioritaires de reconstruction après une catastrophe ou de de Yokohama et du CAH. Le Cadre de Sendai appelle à consolidation de la paix et de l’État après un conflit et les « la réduction substantielle des pertes et des risques liés besoins et priorités connexes en matière de relèvement. aux catastrophes en termes de vies humaines, d’atteinte 16 1. Relier la culture aux cadres de reconstruction et de relèvement En 2015, face à une demande croissante appelant à la mise La culture et le Programme 3 au point d’un cadre résilient pour le relèvement post-catas- de développement durable trophe, les trois institutions se sont inspirées des PDNA pour à l’horizon 2030 publier un Guide de préparation de cadres de relèvement post-catastrophe qui aide les décideurs politiques et les autres parties prenantes à élaborer de tels cadres à moyen L’adoption des 17 Objectifs de développement durable et long terme. Cette méthodologie a notamment été appli- (ODD) en 2015 a marqué la première intégration de la quée au patrimoine culturel après le séisme qui a touché le culture dans un programme de développement inter- Népal en 2015. Le Cadre de relèvement post-catastrophe national. Le Programme de développement durable adopté alors faisait de la restauration et de l’adaptation des à l’horizon 2030 reconnaît le rôle fondamental de la structures et bâtiments historiques une priorité. culture dans la réalisation d’un grand nombre des ODD, Renforcer les efforts internationaux en matière de relèvement parmi lesquels ceux concernant l’éducation de qualité et de consolidation de la paix : dans le cadre de la Déclaration (ODD 4), la croissance économique et les modes de commune de 2008 sur les évaluations des besoins post-crise consommation et de production durables (ODD 8 et et la planification du relèvement, les trois institutions ont 12), la préservation de l’environnement (ODD 14 et décidé de fournir ensemble un soutien en vue d’un engage- 15), l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à ment plus efficace et coordonné dans les pays qui se relèvent tous (ODD 16), l’égalité des genres (ODD 5), la sécurité d’un conflit ou d’une crise politique. Cet accord tripartite alimentaire (ODD 2) et la santé (ODD 3). est mis en œuvre par le biais du mécanisme des évaluations La culture est explicitement mentionnée dans l’Ob- communes pour le relèvement et la consolidation de la paix jectif 11 – Faire en sorte que les villes et les établisse- (RPBA), auparavant dénommées évaluations des besoins ments humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients post-conflit (PCNA). Les RPBA favorisent l’appropriation et durables – qui identifie le patrimoine culturel et nationale du processus de relèvement et de consolidation naturel comme un levier essentiel pour la promotion de la paix et permettent d’identifier les besoins immédiats du développement durable (Cible 11.4). Par-delà et à moyen terme en la matière pour mieux y répondre, le patrimoine culturel, les industries culturelles et tout en posant les bases de l’élaboration d’une stratégie créatives font partie de celles qui connaissent la plus de relèvement et de consolidation de la paix plus durable forte croissance dans le monde actuel. Le patrimoine dans un pays en situation de conflit ou en voie de sortie culturel immatériel est une source de résilience et de d’une crise. Les RPBA aident les gouvernements nationaux connaissances utiles pour relever les grands défis que à « identifier, hiérarchiser et programmer les activités de sont la pauvreté et le relèvement après une catas- relèvement et de consolidation de la paix, à mettre en place trophe. Le dialogue interculturel et le respect de la un processus inclusif qui stimule le dialogue politique et la diversité culturelle sont des outils puissants pour la participation des différents acteurs, et à coordonner l’aide réconciliation et l’avènement de sociétés pacifiques. internationale par le biais d’une démarche et d’un système Par tous ses aspects, du patrimoine culturel au de suivi communs. » tourisme durable, en passant par les industries culturelles et créatives et les institutions culturelles, Au cours des dix années qui ont suivi la Déclaration commune la culture favorise et stimule les dimensions sociales, de  2008, d’importants investissements ont été réalisés environnementales et économiques du développement afin d’analyser les facteurs et les dynamiques de conflit durable. C’est un facteur essentiel de cohésion sociale et de violence et mieux y réagir. L’accent n’est désormais et de lutte contre la pauvreté. Parce qu’elle soutient plus mis sur les cadres, s’articulant autour d’un événe- le progrès dans des domaines transversaux tels que ment, qui supposent que, dans la plupart des cas, c’est un l’éducation, le développement durable et l’égalité accord de paix qui signe la fin d’un conflit. La réalité est des genres, la culture permet également d’atteindre toute autre : une grande variété de situations qui fluctuent pleinement les objectifs de développement. Il est entre fragilité, conflit et violence, engendre des cercles aujourd’hui admis que la culture ne peut plus être vertueux ou vicieux. Cette nouvelle perspective mondiale considérée comme un dividende du développement. s’est traduite dans le Rapport de la Banque mondiale sur le Au contraire, c’est un prérequis indispensable à sa développement dans le monde de 2011 : Conflits, sécurité mise en œuvre. et développement, ainsi que dans le rapport Chemins pour la paix, publié en 2018 par la Banque mondiale et l’ONU. Le patrimoine culturel est intégré à certains des méca- nismes internationaux susmentionnés, mais la culture sous toutes ses formes, en tant qu’élément sous-jacent et transversal, n’est pas encore prise en considération dans tous les cadres de reconstruction et de relèvement et dans l’approche « Reconstruire en mieux ». 17 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Intégrer la culture l’insécurité économique, la pauvreté, les inégalités et les aux cadres de reconstruction discriminations. Ils favorisent également la compréhension mutuelle et le dialogue entre les différents groupes sociaux et de relèvement des villes qui constituent une communauté. De nombreuses études et initiatives ont souligné le rôle de la culture en tant que ressource pour le développement Cadres et outils fondés sur durable.8 Pourtant, c’est seulement en 2015 que la culture a été intégrée pour la première fois dans un cadre inter- la culture pour la reconstruction national d’action collective. À cet égard, l’adoption par et le relèvement l’Assemblée générale des Nations Unies du Programme L’intégration de la culture dans toutes les phases des de développement durable à l’horizon 2030 représente un processus de reconstruction et de relèvement permet grand pas en avant, car la culture est désormais placée au de combler les lacunes existantes : dans les situations de cœur des politiques de développement internationales9. post-catastrophe, la culture peut accroître l’efficacité et la Cette reconnaissance de la culture comme élément essen- durabilité des programmes de relèvement et renforcer les tiel du développement urbain par le Programme 2030 a été capacités de préparation et de réaction. Dans les situations étayée par le Nouveau Programme pour les villes adopté de post-conflit, la culture peut contribuer au relèvement à lors de la Troisième Conférence des Nations Unies sur le long terme en favorisant la cohésion sociale et la résilience, logement et le développement urbain durable (Habitat III), tout en créant des passerelles propices à la réconciliation. tenue à Quito (Équateur) en 2016. Ce Programme propose La culture, facteur essentiel de la réduction des risques un nouveau modèle de développement urbain durable qui de catastrophe et de la préparation : l’adoption du Cadre promeut l’équité, le bien-être et la prospérité partagée. de Sendai a été une étape majeure de la reconnaissance Il place la culture et la diversité culturelle au cœur du de la culture en tant que facteur essentiel de la réduction développement durable des villes en encourageant l’en- des risques de catastrophe. Ce cadre a également mis gagement civique et la participation active aux processus en lumière la nécessité de protéger le patrimoine culturel de développement. matériel et immatériel, perçu comme un atout pour favo- Le rôle transformateur de la culture au service d’un déve- riser la résilience. Il préconise notamment : (i) l’intégration loppement urbain durable est également reconnu dans de la culture dans toutes les politiques et pratiques  ; (ii) le Rapport mondial de l’UNESCO intitulé Culture : Futur la compréhension de l’impact du patrimoine culturel lors urbain.10 À partir d’études de cas représentant toutes d’événements à risque ; (iii) la protection des institutions les régions du monde, ce rapport complet propose une culturelles et des sites d’intérêt historique, culturel ou approche reposant sur trois piliers (les « 3 P 11 ») – l’humain, religieux ; (iv) l’utilisation des connaissances et pratiques l’environnement et les politiques – qui identifie le patrimoine traditionnelles, autochtones et locales susceptibles de culturel et la créativité comme des éléments essentiels au compléter les connaissances scientifiques en matière développement urbain durable. d’évaluation des risques de catastrophe. Cette approche des « 3 P » est très utile pour la reconstruc- Recommandation concernant le paysage urbain historique : tion et le relèvement des villes car elle permet de combler ayant pour objectif de préserver la qualité de l’environne- les lacunes des cadres actuels qui se concentrent sur la ment humain, la Recommandation concernant le paysage qualité de l’environnement bâti et la résilience aux futures urbain historique adoptée par l’UNESCO en 2011 promeut catastrophes, parmi lesquels « Reconstruire en mieux  ». une approche intégrée de la gestion des ressources patri- Dans les villes touchées par des conflits, la culture favorise moniales se trouvant dans des environnements urbains la consolidation de la paix, la tolérance et l’inclusion sociale. dynamiques et changeants. Conçue à l’origine pour orienter Toute la richesse des expressions culturelles témoigne du le rôle de la culture dans le développement urbain en temps pouvoir de la culture pour la réconciliation. Elle permet de de paix, cette recommandation fournit toutefois des outils recréer des liens entre les différentes communautés impli- qui peuvent être utilisés pour évaluer, planifier, financer quées dans des conflits, les aide à mieux se comprendre et mettre en œuvre la reconstruction et le relèvement des et encourage les jeunes à s’informer sur l’histoire et le villes12. L’approche choisie pour identifier, préserver et patrimoine culturel immatériel de leur ville. Les biens du gérer les territoires historiques dans leur contexte urbain patrimoine culturel, tout comme les industries créatives et élargi, repose sur une relation équilibrée et durable entre culturelles, peuvent faire (re)naître un sentiment d’iden- l’environnement bâti et le cadre naturel, entre les valeurs tité et de fierté au sein des communautés touchées par du patrimoine culturel matériel et celles du patrimoine culturel immatériel, et entre les besoins des générations 8. Disponibles sur  : http://openarchive.icomos.org/1763/ présentes et futures et l’héritage du passé. Elle met Préambule du Programme 2030 : « Nous avons conscience de la 9.  diversité naturelle et culturelle du monde et savons que toutes les 12. Voir le paragraphe 20 de la Recommandation de 2011 concernant le cultures et toutes les civilisations peuvent contribuer au dévelop- paysage urbain historique : « Les mutations des territoires urbains pement durable, dont elles sont les indispensables partenaires. » historiques peuvent également être la conséquence de catastrophes Disponible à l’adresse : http://undocs.org/fr/A/RES/70/1 soudaines ou de conflits armés. Ces événements sont parfois de 10. Culture : Futur urbain. Rapport mondial sur la culture pour le déve- courte durée, mais ils peuvent avoir des effets durables. L’approche loppement urbain durable. UNESCO, Paris, 2016. centrée sur le paysage urbain historique peut aider à gérer et à 11. En anglais “3P approach” :  People, Places and Policies. atténuer ces impacts. » 18 1. Relier la culture aux cadres de reconstruction et de relèvement L’humain, l’environnement et les politiques (les « 3 P ») : 4 une approche du développement urbain fondée sur la culture Le Rapport mondial de l’UNESCO intitulé Culture : Futur de décisions qui reflètent les réalités contextuelles et les urbain (2016) propose une approche culturelle du dévelop- conditions locales bien mieux que les initiatives descen- pement urbain reposant sur les trois affirmations suivantes : dantes. De ce point de vue, l’identification et l’évaluation 1. Les villes centrées sur l’humain sont des espaces précises des conditions locales et des caractéristiques centrés sur la culture. pertinentes sont essentielles. 2.  L’aménagement urbain basé sur l’environnement Les politiques fondées sur l’environnement physique physique doit tenir compte de l’histoire et de la culture donnent des conseils utiles non seulement pour la recons- locales. truction et la régénération des territoires urbains histo- 3. Les politiques intégrées font de la culture un outil en riques, mais aussi pour la planification et la conception faveur du développement durable et de la résilience. de ceux qui doivent être entièrement rebâtis. Il y a de nombreux enseignements à tirer du patrimoine urbain, Les individus, leurs besoins, leurs valeurs et leurs pratiques notamment en ce qui concerne la prise en compte de la sociales sont au cœur des approches centrées sur l’humain. résilience dès les phases de planification et de conception, Ce modèle de développement vise à améliorer l’autonomie la création d’espaces publics inclusifs qui renforcent les des communautés locales et favorise la justice sociale et liens entre les individus, la relation étroite qui existe entre la prise de décisions participatives, tout en veillant à ce l’environnement bâti et le cadre naturel, la construction que les minorités ne soient pas laissées de côté et à ce à échelle humaine, la mixité des usages, l’utilisation de que l’égalité des genres soit respectée. Le développement matières premières locales, l’adaptation aux conditions durable est donc à la fois un élément constitutif et un climatiques et l’efficacité énergétique. En reconnaissant objectif explicite du développement centré sur l’humain. et en mettant en valeur la diversité culturelle des habitants Généralement, les approches et politiques centrées sur d’une ville, on peut renforcer chez ces résidents le senti- l’humain sont privilégiées pour le relèvement après une ment d’identité et d’appartenance à une communauté. Le crise, alors que les processus de reconstruction s’appuient patrimoine culturel a le pouvoir d’unifier des communautés surtout sur des approches basées sur l’environnement autour de lieux historiques que les individus, y compris les physique. Cela étant, ces deux modèles peuvent tout à personnes socialement exclues, associent à un sentiment fait être utilisés parallèlement lorsque des activités de d’appartenance communautaire et d’identité partagée. reconstruction et de relèvement sont menées simulta- Dans les villes touchées par des crises, en particulier par nément. Les efforts de reconstruction et de relèvement les catastrophes, une approche basée sur l’environnement sont centrés sur l’humain s’ils impliquent les membres des physique suppose d’accorder une plus grande importance communautés locales dans les quatre phases du processus au contexte local, notamment à l’architecture autochtone de relèvement (voir le chapitre 3). Dans la phase « Politique et à sa relation avec la nature. et stratégie », cette approche peut faire appel aux citoyens Les politiques intégrées permettent de résoudre les pour identifier les bâtiments à reconstruire en priorité et problèmes de gouvernance et de placer le patrimoine les éléments du patrimoine culturel immatériel à revitaliser, culturel et la créativité au cœur du développement urbain en fournissant un forum propice au rassemblement des durable. La participation des gouvernements locaux est membres des communautés autour d’objectifs communs. indispensable pour la conception, la mise en œuvre et le Pendant la phase « Financement », les politiques centrées suivi des politiques. Elle permet aussi de s’assurer que sur l’humain peuvent compter sur les actifs communautaires les valeurs du patrimoine culturel sont préservées et de – campagnes de levée de fonds, dons en nature – pour promouvoir les industries culturelles et créatives. Le rôle investir dans la reconstruction et le relèvement. Pendant des communautés dans ce modèle de gouvernance basé la phase « Mise en œuvre », de telles politiques peuvent sur la culture suppose un engagement, une collaboration mobiliser l’énergie déployée par les citoyens pour des et une coordination entre les parties prenantes à tous travaux de reconstruction de base et des opérations de les niveaux. Enfin, les politiques intégrées basées sur la sensibilisation, en faisant appel à la mémoire culturelle, culture nécessitent la mise en place de modèles financiers aux valeurs et aux attributs des communautés. innovants et durables qui garantissent un soutien suffisant Le développement urbain basé sur l’environnement pour contribuer pleinement au développement socio-éco- physique renvoie à la nécessité de s’appuyer sur les nomique et à l’habitabilité urbaine. L’approche du paysage contextes locaux et de tirer parti des caractéristiques urbain historique mise en avant par la Recommandation de locales. Cette approche du développement remplace l’UNESCO en la matière adoptée en 2011, reflète la prise en progressivement les stratégies centralisées qui se révèlent compte de l’humain, de l’environnement et des politiques, souvent inefficaces lorsqu’il s’agit de répondre aux problé- en reconnaissant le rôle fondamental du patrimoine culturel matiques du développement local. Les partisans de ces et du paysage pour le développement local durable, tout politiques considèrent que la responsabilisation des parties en soulignant l’opportunité d’adapter le patrimoine aux prenantes locales est un moyen d’optimiser le développe- besoins actuels des sociétés. ment urbain en mettant en place des processus de prise 19 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes également en place des mécanismes participatifs pour la Parmi les initiatives récentes en faveur d’une prise en gestion du patrimoine urbain, lesquels donnent une voix compte de la culture dans les réponses aux crises, citons aux communautés et aux parties prenantes locales en les la Stratégie de renforcement de l’action de l’UNESCO pour impliquant dans les processus de prise de décisions. Selon la protection de la culture et la promotion du pluralisme cette approche, la culture locale et le patrimoine, ainsi que culturel en cas de conflit armé14 (2015) et son Addendum les valeurs qu’ils véhiculent, sont au cœur de la prise de relatif aux situations d’urgence associées à des catas- décisions. Ces différents aspects nécessitent l’utilisation trophes dues à des aléas d’origine naturelle ou humaine d’une série d’instruments spécifiques adaptés aux contextes (2017)15. Cette Stratégie préconise une approche globale et locaux  : des outils de participation civique, des outils de systématique du relèvement des biens culturels et met en connaissance et de planification, des systèmes de régle- avant le rôle de la diversité culturelle et du pluralisme dans mentation et des outils financiers, dont l’élaboration doit se les situations de post-conflit ou de post-catastrophe. Elle faire avec la mobilisation des parties prenantes concernées. souligne également la nécessité de renforcer la coopération avec les autres secteurs et notamment avec les acteurs de Directives relatives aux évaluations des besoins post-ca- l’aide humanitaire, de la sécurité et de la consolidation de la tastrophe dans le secteur de la culture : pour compléter paix, en particulier dans le cadre d’évaluations communes les PDNA, des directives spécifiques concernant les (PDNA et RPBA). Elle met aussi en lumière l’importance de évaluations sectorielles ont été mises au point en 2013 pour la sensibilisation du grand public et tout particulièrement couvrir les impacts - spécifiques à chaque secteur - que des jeunes. peut avoir une catastrophe sur le plan social, économique et gouvernemental. Le volume PDNA-Culture rassemble En 2017, le Conseil international des monuments et des sites les directives conçues spécialement pour l’évaluation du (ICOMOS) a publié des Orientations pour le rétablissement secteur culturel dans les processus de reconstruction et et la reconstruction post-traumatiques des biens culturels de relèvement. Une compréhension globale et complète du du patrimoine mondial16. Ces orientations portent sur les contexte culturel contribue à l’efficacité et à la pérennité des biens du patrimoine mondial mais présentent également programmes de relèvement. L’expérience a d’ailleurs montré les facteurs sociaux, environnementaux et économiques que la résilience des systèmes sociaux face aux crises est plus généraux à prendre en compte dans les processus profondément influencée par des facteurs culturels. Enfin, de relèvement. En 2013, le Conseil international d’études le volume PDNA-Culture favorise des procédures de mise pour la conservation et la restauration des biens culturels en œuvre qui impliquent des hommes et femmes de tous (ICCROM) a lancé une initiative multipartite à long terme âges, y compris des représentants des minorités, dans sur la prévention des conflits et des catastrophes et l’atté- la prise de décisions, tout en promouvant des pratiques nuation de leurs effets. Elle vise à renforcer les capacités respectueuses des droits de l’Homme et une plus grande des nations et à favoriser des interventions locales effi- équité sociale. Les PDNA portant sur la culture posent caces pour la protection du patrimoine dans les situations les bases d’une remise en état et une consolidation de ce d’urgence les plus complexes. Cette initiative a été suivie secteur, ainsi que d’une reconstruction durable qui passe en 2017 d’une série de recommandations concernant les par la prise en charge des faiblesses ou des lacunes iden- approches durables à mettre en œuvre pour la reconstruc- tifiées par l’évaluation13. Depuis 2015, plusieurs PDNA du tion des villes historiques détruites ou endommagées, qui secteur culturel ont été menées, notamment en Équateur sont une source de conseils pour les professionnels, les (octobre 2016), à Haïti (décembre 2016) et à Antigua-et- réseaux, les décideurs et les institutions responsables de Barbuda (octobre 2017). la protection du patrimoine culturel en péril. Généraliser la prise en compte de la culture dans le relève- Tirant profit des initiatives susmentionnées, la Recomman- ment et la consolidation de la paix : on distingue deux grands dation de Varsovie sur le relèvement et la reconstruction du moyens par lesquels les RPBA peuvent intégrer la culture : patrimoine culturel17 (2018) énonce un certain nombre de la participation de représentants du secteur culturel d’une principes mettant en avant : a) la nécessité de comprendre part, et l’inclusion d’éléments d’identité culturelle en tant les valeurs d’un site du patrimoine et les attributs qui véhi- que facteurs de réconciliation d’autre part. Cela permet culent ces valeurs avant de prendre une décision sur une de renforcer les liens entre les principaux acteurs des proposition de relèvement et de reconstruction, d’intégrer RPBA, qui peuvent ainsi peser sur la prise de décisions les valeurs identifiées par les communautés locales et et participer à l’élaboration commune de futurs plans de d’inclure les nouvelles valeurs résultant des événements réponses aux crises. L’intégration du secteur culturel dans traumatisants de sa destruction ; b) la nécessité d’adopter les mécanismes d’intervention facilite l’évaluation des une approche centrée sur la population et de faire participer impacts d’une crise et la hiérarchisation des priorités, étant pleinement les communautés locales et l’ensemble des entendu que cela détermine la planification à long terme acteurs concernés au processus de reconstruction et de dans les villes touchées par des conflits armés. relèvement ; c) l’importance d’une documentation et d’un 14. Disponible à l’adresse : http://unesdoc.unesco.org/ 13. Ces dernières années, l’UNESCO a piloté plusieurs PDNA du secteur images/0023/002351/235186f.pdf culturel. Cela a permis wde démontrer que cet outil n’est pas suffi- samment connu et que les pays concernés manquent des capacités 15. Disponible à l’adresse : http://unesdoc.unesco.org/ nécessaires à son utilisation. Le déploiement d’un programme de images/0025/002598/259805f.pdf formation préparé par l’UNESCO et visant à renforcer les capacités 16. Document disponible à l’adresse : http://openarchive.icomos.org/1763/ dans ce domaine, est donc fortement recommandé. 17. Disponible à l’adresse : https://whc.unesco.org/document/168800 20 1. Relier la culture aux cadres de reconstruction et de relèvement inventaire adéquats ; d) la nécessité de mettre en place un Puisque la reconstruction suppose la remise en état des système de gouvernance solide fondée sur un processus biens physiques (infrastructures, logements et patrimoine participatif et reposant notamment sur des mécanismes de culturel matériel) et la restauration des services dans les coordination entre les acteurs nationaux et internationaux ; communautés touchées par des crises, ce processus est e) l’adoption de l’approche du paysage urbain historique nécessairement à moyen ou long terme. Cela permet de pour définir une stratégie de planification globale de la s’assurer que la planification répond aux besoins et aux reconstruction et du relèvement, qui considère le patri- attentes des communautés et de dûment veiller à la qualité moine culturel dans le cadre plus large du développement de la conception et la construction. Les pressions politiques urbain ; et f) le rôle de l’éducation et de la sensibilisation et sociales incitant à accélérer ce processus pour un retour pour promouvoir la reconnaissance, l’appréciation et le le plus rapide possible à la normale, auxquelles s’ajoutent respect de la diversité culturelle. des contraintes liées à l’obtention des ressources, risquent d’empêcher une participation pertinente des communautés Écueils rencontrés dans la mise et une planification adéquate. Dans une telle situation, les acteurs peuvent être influencés dans leurs décisions par en œuvre des cadres existants de la nécessité de contrôler les coûts et risquent de négliger reconstruction et de relèvement ce qui doit être fait pour « reconstruire en mieux » et pour créer des infrastructures et des biens urbains résilients. En dépit des réussites évoquées ci-dessus et des résultats L’urgence et l’exigence de rentabilité peuvent également globalement positifs des cadres actuels, on constate en nuire à une reconstruction de qualité. Il est important pratique un certain nombre de limites conceptuelles et d’identifier rapidement les valeurs et les attributs du de lacunes, résumées ci-dessous, qui justifient la mise patrimoine qui doivent être préservés de la démolition. en place d’un cadre plus efficace et mieux adapté pour Un processus de reconstruction, comme d’ailleurs toute répondre aux nouveaux défis actuels. autre stratégie basée sur l’environnement physique, qui ne placerait pas l’humain au centre deviendrait une occasion Déconnexion entre la reconstruction et le relèvement ainsi manquée pour que ses résultats (infrastructures, biens, qu’entre les stratégies basées sur l’environnement physique services, etc.) soient acceptés par les communautés, qu’ils et celles centrées sur l’humain : dans les situations de reflètent les priorités sociétales et qu’ils soient utilisés, post-conflit et de post-catastrophe, on constate parfois le exploités et gérés de manière durable. La reconstruction manque de liens entre les activités de reconstruction et le et le relèvement constituent aussi des opportunités de relèvement. Cela conduit à mettre en place des stratégies réconcilier différentes communautés par le biais d’initiatives distinctes centrées sur l’humain ou sur l’environnement créatives. Les grands espaces libérés par les démolitions, physique. De fait, les mérites de ces différentes stratégies par exemple, peuvent donner l’occasion de réinvestir dans font souvent l’objet de débats. Les partisans des straté- les territoires urbains à travers des projets culturels divers : gies centrées sur l’humain estiment que cette approche expositions, festivals, etc. favorise les choix individuels et offre aux bénéficiaires la possibilité de trouver les lieux et les services qui répondent Dans la mesure où le relèvement suppose la restauration le mieux à leurs besoins, ce qui donne de meilleurs résultats des moyens de subsistance et des structures socio-éco- en matière de développement. À l’inverse, les critiques nomiques d’une société touchée par une catastrophe ou un mettent en avant les répercussions négatives sur les struc- conflit, il ne peut se faire sans une compréhension appro- tures communautaires et l’érosion du capital social, deux fondie de la culture, des valeurs, des normes, des traditions facteurs susceptibles de nuire à l’obtention des résultats et des priorités de cette société – éléments essentiels au attendus. Pour les partisans des stratégies basées sur développement des identités sociétales et du sentiment l’environnement physique, il est important d’investir dans d’appartenance à une communauté. Les appels à traiter les lieux pour préserver les structures communautaires, le d’urgence les besoins de relèvement à grande échelle et capital social et les moyens de subsistance des individus. à répondre rapidement aux problématiques rencontrées Les critiques voient à cette approche plusieurs inconvé- sur le terrain – pauvreté, vulnérabilité, déplacement massif nients : elle perpétue l’existence de lieux où se concentre des populations, destruction des biens et des moyens de la pauvreté, et ne donne pas aux individus la possibilité de subsistance – peuvent parfois orienter les choix des acteurs prendre un nouveau départ dans des lieux/communautés et les amener à sous-estimer l’importance de la culture. qui correspondent mieux à leurs attentes. En pratique, les Pour combler les lacunes des cadres existants, il est néces- activités de reconstruction et de relèvement doivent intégrer saire d’adopter un cadre amélioré faisant de la culture un ces deux approches, en ayant préalablement repéré les facteur et un moteur de la reconstruction et du relèvement problématiques sous-jacentes, les facteurs contextuels et des villes après une crise, qui orientera efficacement les les conditions qui permettront à chacune de porter leurs actions relatives au renforcement de l’État et des institutions fruits. De même, on observe parfois des tensions entre et celles relatives à la réconciliation sociétale. les activités pilotées par des acteurs extérieurs et celles menées par les communautés touchées, qui s’appuient sur la culture et les connaissances locales. 21 2 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes 22 2. Un Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE) Un Cadre pour M ettre la culture au service d’un changement profond des villes suppose d’investir dans l’humain, l’environ- nement physique et les politiques afin de créer un futur la culture dans la urbain durable18. S’inspirant de cette approche, le présent document d’orientation propose un cadre d’action dans des situations de détresse, après un conflit ou après une reconstruction catastrophe : le Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE), qui améliore les cadres existants en matière de reconstruction des villes (tels que et le relèvement « Reconstruire en mieux ») et de redressement socio-éco- nomique des moyens de subsistance, en intégrant la culture sous toutes ses formes dans les processus de recons- des villes (CURE) truction et de relèvement. Dans ce Cadre, la culture est ce qui fait le lien entre les politiques centrées sur l’humain et celles basées sur l’environnement physique. La culture dans la reconstruction et le relèvement des ville : vers un cadre amélioré Le Cadre CURE (Figure 1) présenté ici fait de la culture un élément central de la reconstruction et du relèvement des villes, essentiel à la mise en place d’un futur urbain durable. Il adapte l’approche Humain–Environnement–Politiques aux défis spécifiques de la reconstruction et du relèvement des villes touchées par des catastrophes, des conflits armés ou une détresse urbaine intense, en s’appuyant sur les présupposés suivants : – Une approche centrée sur l’humain doit être au cœur des stratégies basées sur l’environnement physique : pour tirer le meilleur parti des stratégies de reconstruction, qu’elles concernent les infrastructures, le logement, les services et/ou les biens du patrimoine culturel, il faut veiller à ce que les personnes concernées et les gouver- nements locaux soient placés au cœur du processus. Les lieux touchés par des traumatismes, des déplacements massifs et des bouleversements socio-économiques peuvent acquérir pour les habitants de nouvelles valeurs et de nouvelles significations. Les processus de recons- truction et de relèvement doivent rendre compte de cette évolution. L’engagement et la participation des communautés doivent être pris en compte tout au long du processus de reconstruction : conception (sélection des sites, décisions de rendre leurs formes et leurs fonctions antérieures aux biens détruits), hiérarchisation des priorités (compte tenu des contraintes budgétaires), mise en œuvre (main-d’œuvre et supervision des travaux de reconstruction) et suivi après exécution (utilisation, exploitation et entretien des biens). C’est seulement cette participation concrète qui permettra à la communauté de Mini cirque mobile pour enfants, Bamiyan, Afghanistan. © Seth Bloom / Mobile Mini Circus For Children 18. UNESCO, 2016a. 23 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Figure 1. Cadre CURE « La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes » Renforce le sentiment d’appropriation des commu- nautés ; permet de rendre compte des priorités sociétales et de développer des infrastructures, POLITIQUES CENTRÉES des logements, et des SUR L’HUMAIN installations durables en lien Consultation des communautés avec la culture et l’identité et participation significative des individus Intégrant le patrimoine immatériel et les industries REDRESSEMENT culturelles et créatives RECONSTRUCTION SOCIO-ÉCONOMIQUE PHYSIQUE Moyens de subsistance, Infrastructures, logements et créativité et structures patrimoine culturel matériel Tenant compte des normes, des socio-économiques traditions et des perceptions du patrimoine matériel par les communautés Permet de comprendre la culture, les valeurs, les normes, les traditions et les priorités d’une société comme POLITIQUES BASÉES des éléments indispensables SUR L’ENVIRONNEMENT pour développer une identité Relèvement des infrastructures, culturelle et un sentiment des logements et des installations d’appartenance à un lieu 24 2. Un Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE) s’approprier réellement les biens reconstruits, et leur Créer une « culture citoyenne » 5 utilisation, leur exploitation et leur entretien n’en seront pour lutter contre la détresse qu’optimisés. Il est également essentiel de placer les urbaine à Medellín, Colombie industries créatives et culturelles et le patrimoine culturel immatériel (notamment les méthodes et les matériaux traditionnels) au cœur des processus pour remettre en état ou reconstruire les infrastructures, les installations et les logements qui renforcent l’identité culturelle des individus. Cela doit se réaliser tout en prenant en compte la nécessité d’améliorer la conception, l’utilisation, la capacité ou les fonctions de ces biens et de « reconstruire en mieux  » pour répondre aux nouvelles priorités de la communauté et aux exigences en matière de résilience. – Une approche basée sur l’environnement doit être au cœur des stratégies centrées sur l’humain : dans les stratégies de relèvement post-crise, qu’elles soient dédiées à la restauration des moyens de subsistance ou au redresse- ment des structures socio-économiques d’une société, il est essentiel que le sentiment d’appartenance à un lieu soit bien pris en compte. C’est ce qui permet de veiller au respect des identités, des valeurs, des normes, des Medellín , Colombie. traditions et des priorités des communautés concernées. © Antoine Barthelemy/Shutterstock.com* Cela suppose de donner la priorité à la restauration et au renforcement des structures sociétales, des traditions Membre du réseau des 100 villes résilientes, Medellín, (par exemple par l’appropriation du patrimoine bâti et des en Colombie, doit faire face à des chocs et des situa- ressources naturelles et la mobilisation/action collective tions de détresse causés par la violence et les activités pour le bien de tous), de l’artisanat et des industries criminelles. Elle est aussi régulièrement confrontée à culturelles et créatives, sans oublier d’assurer la viabilité des catastrophes naturelles telles que des glissements du patrimoine culturel immatériel. Le patrimoine culturel de terrain et des inondations. Le concept de cultura immatériel et le sentiment d’appartenance sont deux ciudadana (culture citoyenne) y a été développé dans facteurs essentiels pour redonner aux individus leur les années 1990 afin de lutter contre l’extrême violence identité, ce qui est particulièrement important lorsque qui régnait dans la ville. Les quatre principaux objec- des violences ou des conflits ont divisé une société. tifs de cette initiative sont  : (i) d’améliorer le respect – La culture, lien fondamental entre les stratégies basées sur des normes d’interaction civique  ; (ii) d’augmenter le l’environnement physique et celles centrées sur l’humain : nombre de citoyens engagés en faveur du respect de l’adoption d’une approche intégrée dans laquelle la ces normes  ; (iii) de multiplier les cas de résolution culture est à la base des processus de reconstruction et pacifique des litiges s’articulant autour d’une vision de relèvement est essentielle pour relier les stratégies commune de la ville  ; et (iv) de donner davantage basées sur l’environnement physique et celles centrées aux citoyens la possibilité de communiquer à travers sur l’humain. Cela garantit que les besoins, les priorités, l’art, la culture, les loisirs et le sport. Le concept de les attentes et les traditions des communautés occupent culture citoyenne repose sur l’harmonisation des trois une place centrale dans les activités de reconstruction systèmes réglementaires qui gouvernent les compor- et de relèvement, et par conséquent cela améliore les tements humains : la loi, la morale et la culture. Cette résultats. En effet les communautés s’approprient plus harmonisation est passée par une collaboration avec facilement les infrastructures, les biens et les éléments les institutions gouvernementales et les communautés, du patrimoine culturel matériel et immatériel restaurés afin de lutter contre les justifications morales et cultu- qui correspondent davantage à leurs valeurs et à leurs relles des comportements illégaux et d’augmenter le traditions. Le rôle central de la culture dans les processus soutien à l’État de droit par le biais de la culture et de de reconstruction et de relèvement est également parti- la morale. La culture et les normes sociales ont donc culièrement important car il influence non seulement été repensées. Cela a permis de responsabiliser les la gouvernance et les politiques mais aussi les cadres citoyens et de renforcer les droits et devoirs civiques institutionnels et réglementaires de ces processus. qui orientent les activités nationales et locales. 25 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Le patrimoine culturel immatériel : les connaissances et pratiques locales 6 comme piliers du relèvement Le patrimoine culturel immatériel joue un rôle essentiel résiliente. Les connaissances locales jouent un rôle essen- dans les processus de reconstruction et de relèvement tiel dans les mécanismes de préparation des stratégies des villes, notamment parce que les connaissances et visant à assurer la sécurité alimentaire des populations. les pratiques locales qu’il véhicule en font une source Elles permettent en effet de compenser l’instabilité de de résilience indispensable et une sorte de relais entre la production alimentaire et de surmonter les difficultés les moyens de subsistance des communautés et leur causées par les cyclones et les sécheresses. environnement. Dans le domaine du relèvement et de Pendant une catastrophe et dans les jours qui suivent, la reconstruction post-catastrophe, les connaissances les réseaux intercommunaux apportent un soutien immé- locales représentent un outil essentiel pour améliorer la diat aux populations touchées. Les ressources inter- résilience et lutter contre la vulnérabilité19. Aujourd’hui, communales peuvent être mobilisées pour répondre aux les spécialistes en la matière reconnaissent le rôle des besoins les plus urgents en matière d’hébergement et mécanismes de transmission de l’histoire, de la mémoire d’accès aux soins et la nourriture22. Le relèvement d’une et des connaissances. Ils sont essentiels pour le transfert communauté dépend de sa capacité à se préparer et à intergénérationnel des stratégies d’atténuation des effets réagir à une catastrophe, mais aussi de l’assistance que des catastrophes. L’intérêt des activités sociales en tant peuvent offrir l’État ou la société au sens large. Plusieurs que mécanismes favorisant le relèvement est également enseignements ont pu être tirés de la période de séche- admis 20. resse et de famine qui a touché la Papouasie-Nouvelle- En ce qui concerne la gestion des risques de catas- Guinée en 1997-1998 ainsi que du tsunami de 2004 dans trophe, la prise en compte du concept de patrimoine l’océan Indien. Il est avéré que la prise en compte des culturel immatériel se limite souvent aux connaissances risques de catastrophe dans la gestion des logements locales et traditionnelles. La transmission intergénération- et des approvisionnements alimentaires réduit les effets nelle est fréquemment négligée, de même que la signifi- immédiats d’un cyclone et permet un relèvement plus cation socioculturelle et le contexte des connaissances rapide et plus économe en ressources. Là où les tech- et pratiques locales. Pourtant, ces deux aspects – la niques de récolte et de préparation d’aliments de substitu- transmission d’une part et les contextes et la signification tion, permettant de lutter contre la famine, sont transmises socioculturelle d’autre part – sont essentiels pour péren- de génération en génération, les communautés supportent niser les efforts de prévention et de relèvement. bien mieux les répercussions d’une catastrophe23. Les PDNA ont récemment mis en lumière le rôle et le Les connaissances locales que représentent les potentiel du patrimoine culturel immatériel et des indus- croyances et les valeurs culturelles jouent un rôle fonda- tries créatives pour le relèvement et la reconstruction mental dans le processus de relèvement24. Les systèmes après une catastrophe. Les PDNA sont non seulement de croyances favorisent la résilience, tout en stimulant la des sources de revenus pour les populations locales, mais cohésion communautaire et une approche proactive des ils permettent aussi de mobiliser des artisans maîtrisant activités de relèvement. Après le tsunami qui a touché les matériaux et les connaissances nécessaires pour Samoa en 2009, plusieurs aspects du mode de vie samoan réhabiliter et souvent revitaliser les connaissances et les (fa’a Sāmoa) se sont révélés essentiels pour le relèvement pratiques locales  21 . Outre les PDNA, il existe quelques des communautés. La tradition d’hospitalité, associée au directives sur l’intégration du patrimoine immatériel dans concept de l’āiga (cellule familiale élargie), a favorisé la les processus de reconstruction et de relèvement. Il constitution d’un réseau social et familial solide pour le convient de mettre en place un cadre complet englobant partage et l’optimisation des ressources25. l’humain, l’environnement et les politiques, et intégrant le Le patrimoine culturel immatériel, qui inclut notam- patrimoine culturel immatériel, dans ces processus. Ce ment des connaissances techniques locales permettant cadre doit fournir des orientations permettant d’évaluer d’atténuer les effets des catastrophes, doit être intégré l’impact du patrimoine culturel immatériel sur les effets aux systèmes élargis mis en place pour le relèvement et des catastrophes et de promouvoir son rôle en tant qu’outil la reconstruction des villes. Le potentiel de ce patrimoine essentiel de l’atténuation de ces effets. est encore largement inexploité dans les opérations de S’agissant des phénomènes saisonniers comme les relèvement et de reconstruction, alors qu’il permet par crues ou les cyclones, des mesures préparatoires profon- exemple de comprendre la valeur d’un site traditionnel en dément ancrées dans les pratiques culturelles améliorent tant que mesure d’atténuation ou de promouvoir le rôle la résilience des communautés. L’architecture autochtone, positif de la musique et des spectacles pour le relèvement notamment celle associée aux structures communautaires des communautés. les plus importantes sur le plan social, est par essence 22. Terrell et al., 2011. 19. UNISDR, 2008 ; Mercer et al., 2009 ; Wonesai et al., 2015. 23. Clinton, 2006 ; Allen et Bourke, 2009. 20. Dekens, 2008 ; Wonesai et al., 2015. 24. McGeehan, 2012 : 18-19 ; McGeehan, 2014. 21. Throsby, 2015. 25. McGeehan 2012, p. 78. 26 2. Un Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE) Appliquer le Cadre CURE L’intégration de la culture dans les processus de recons- pour créer des villes ouvertes à tous, truction et de relèvement contribue à la résilience des villes. La transmission intergénérationnelle des systèmes résilientes et durables de connaissances traditionnelles et de leurs significations socioculturelles pour la communauté (patrimoine immaté- La réussite des opérations de reconstruction et de relève- riel) ainsi que des biens culturels bâtis (patrimoine matériel) ment repose en grande partie sur l’engagement des donne des moyens de se prémunir contre les risques communautés locales et des gouvernements locaux en environnementaux potentiels et favorise la préparation et faveur de l’appropriation communautaire et de la durabilité. la résilience face aux catastrophes. Les stratégies liées Pour améliorer l’efficacité de ces opérations, les activités à la culture visant à améliorer la résilience des villes sont culturelles peuvent être utilisées comme des références diverses  : renforcement de la structure du patrimoine identitaires et des facteurs de dignité susceptibles de bâti pour le protéger des futurs impacts du changement sensibiliser les citoyens aux processus de reconstruction climatique  ; et mise en place de programmes relatifs au et de relèvement. Les gouvernements, le secteur privé et la patrimoine et aux arts pour que les citoyens participent communauté internationale doivent faire de la reconstruc- aux efforts de relèvement post-catastrophe. La résilience tion des communautés et de la réhabilitation des gouverne- communautaire permet non seulement aux individus de ments locaux une priorité et un élément indispensable de surmonter les impacts physiques des conflits, mais aussi leurs efforts visant à améliorer durablement la résilience de se remettre de leurs traumatismes, de se réconcilier socio-économique des villes. Consolider la paix et favoriser la réconciliation grâce à des interventions culturelles 7 à Banda Aceh, Indonésie Dans un contexte marqué par la fragilité des communautés et les divisions sociales et politiques profondes causées par 30 ans de conflit opposant les séparatistes et les unionistes, le tsunami qui a frappé la ville de Banda Aceh s’est révélé une occasion de résoudre ce conflit armé. Le gouvernement indonésien a mis en œuvre une stratégie de reconstruction de plus de 6 milliards $ US, à laquelle s’est ajouté un programme de relèvement post-conflit évalué à 890 millions de $ US. Le processus de reconstruction a été l’un des principaux facteurs d’union des populations. Il a permis de mettre un terme aux combats entre le gouverne- ment indonésien et le mouvement indépendantiste Gerakan Aceh Merdeka, ce qui a donné lieu en 2005 à la signature d’un protocole d’accord entérinant la fin des hostilités. La transparence et l’engagement communautaire dans les processus de reconstruction et le relèvement étaient Vue de la mosquée Baiturrahman après le séisme et le indispensables pour contrer les sources de désinformation tsunami qui ont frappé la ville de Banda Aceh, Indonésie, susceptibles de raviver les tensions. en décembre 2004. © Frans Delian/Shutterstock.com* « Unis dans la diversité » : ce principe sous-tend l’iden- tité nationale indonésienne et fournit un point d’entrée « théâtre forum » et ont bénéficié du soutien financier d’une pour diffuser des informations sur la reconstruction et le petite caisse de subventions. Les troupes se sont produites processus de paix  ainsi que pour consulter les populations dans des camps de réfugiés ainsi que dans le Parc culturel concernées. La Banque mondiale et d’autres agences de de Banda Aceh. La plupart des pièces ont été jouées en développement ont soutenu le gouvernement indonésien aceh, la langue locale. La technique du « théâtre forum » a dans ses efforts de communication et d’information, en favorisé les interactions entre les acteurs et le public, qui favorisant la mise en œuvre d’interventions culturelles était ravi de pouvoir s’exprimer sur les thèmes abordés dans par plusieurs partenaires du système des Nations Unies chaque pièce. Des stratégies communautaires créatives ou de la société civile. Par exemple, les responsables s’appuyant sur les médias et les arts peuvent mettre à profit des opérations de reconstruction ont collaboré avec des la richesse et la diversité des expressions culturelles locales troupes de théâtre locales pour qu’elles écrivent et jouent pour (a) orienter la reconstruction post-catastrophe et les de nouvelles pièces favorisant le dialogue autour de la processus de paix, (b) consulter les citoyens et (c) impli- reconstruction et de la consolidation de la paix à Banda quer les groupes vulnérables ou à risque pour améliorer Aceh. Les participants ont été formés aux techniques du leur résilience. 27 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes et d’éviter les futurs conflits. La culture est une source préalables complètes portant sur les dimensions culturelles de dignité qui permet la création ou la renaissance d’une des vulnérabilités et des tensions. C’est ce qui permet identité culturelle commune et pluraliste. La culture joue d’adopter une approche tenant compte des causes des un rôle crucial dans ce processus car elle intervient dans conflits, dans laquelle la culture est utilisée de manière la restauration et la reconstruction des bâtiments symbo- appropriée pour favoriser la réconciliation et l’appréciation liques et religieux et dans la remise en état de quartiers de la diversité culturelle. urbains spécifiques qui reflètent l’identité des commu- L’intégration de la culture dans la reconstruction et le nautés locales. La culture intervient aussi dans les activités relèvement contribue à la compétitivité des villes concer- artistiques – expositions, films, etc. – qui mobilisent les nées. En effet, la culture représente une occasion unique communautés. de revitaliser les économies locales après une crise, en Les destructions entraînent souvent le déplacement d’une s’appuyant sur le patrimoine culturel et les industries grande partie des populations locales et bouleversent créatives pour en faire de nouveaux secteurs compétitifs le tissu socio-économique d’une ville. Par conséquent, et des facteurs de croissance économique. certains biens culturels peuvent acquérir de nouvelles La première priorité du redressement économique est valeurs et de nouvelles significations alors que d’autres l’amélioration des conditions de vie, qui permet aux popula- sont définitivement détruits. Les migrants arrivant dans tions locales de profiter d’une urbanisation respectueuse une ville après une crise peuvent y implanter de nouvelles du patrimoine. Pour que le redressement économique traditions culturelles et remplacer celles des résidents soit efficace, les responsables de sa planification doivent évacués. Dans ce processus, la culture peut être un (a) maîtriser les tenants et aboutissants des traditions et moteur et un facteur d’inclusion sociale et d’adaptation à des dynamiques locales, (b) comprendre le potentiel de la un nouvel environnement local. Une approche culturelle revitalisation des industries culturelles et créatives locales de la résilience respecte et soutient les droits culturels de et (c) développer une stratégie claire et transparente pour tous les résidents, tout en contribuant au redressement mobiliser les agents locaux en vue du relèvement de ces politique, social et économique des villes touchées. Sa industries. bonne mise en œuvre ne peut se faire sans des analyses Tirer parti du tourisme culturel pour stimuler le développement local à Séoul, 8 République de Corée Après la guerre de Corée, l’accent a été mis pendant de longues années sur le développement économique du pays, et une reconstruction basée sur la culture a parfaitement su tirer parti du tourisme et du relèvement culturel local. Dans les années 1990, soit une quarantaine d’années après le début du processus de relèvement, le 600e anniversaire de la désignation de Séoul comme capitale a donné un nouvel élan aux efforts de restauration du patrimoine culturel et historique de la ville. Le Projet de célébration du sixième centenaire de Séoul incluait la restauration de palais anciens et la mise en place de parcours historiques et culturels autour des remparts de la vieille ville. Ces efforts ont créé un lien entre le « vieux Séoul » et le « Séoul contemporain », notamment grâce à des projets communautaires de restauration et de mise en valeur du patrimoine culturel. Les parcours historiques et culturels autour des remparts de la ville construits 600 ans plus tôt sont devenus des atouts exceptionnels pour Séoul, République de Corée. le tourisme culturel. Ils suivent le sentier qui serpente © Daengpanya Atakorn / Shutterstock.com* dans les montagnes environnantes et permettent de relier harmonieusement la vieille ville à la métropole moderne locales. Les visiteurs peuvent profiter de l’hospitalité tradi- qu’est Séoul aujourd’hui. Pour les touristes comme pour tionnelle et assister à des cérémonies tout en contribuant les habitants, cette juxtaposition illustre parfaitement à l’économie locale. Ce sont des projets culturels de ce l’histoire dynamique de la ville et ses caractéristiques type qui permettent à Séoul de maintenir l’équilibre entre géographiques uniques. De plus, les revenus de ces tradition et modernité. activités touristiques sont investis dans les communautés 28 2. Un Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE) Principes directeurs du Cadre CURE Promouvoir la réconciliation 9 Les études de cas préparées pour ce document d’orien- grâce à la préservation du patrimoine tation mettent au jour les sept principes directeurs indis- culturel à Nicosie, Chypre pensables à la bonne mise en œuvre du Cadre CURE après une crise. Ils font tous de la culture le pilier des processus de reconstruction et de relèvement, tout au long des diffé- rentes phases : évaluation des dommages et des besoins, définition du champ d’application, politiques et stratégies, financement et mise en œuvre. Principe 1 : Reconnaître que la ville est une « construction culturelle » dans laquelle les structures bâties et les espaces ouverts sont étroitement liés au tissu social. Pour que la reconstruction et le relèvement après une catastrophe ou un conflit soient efficaces, les gouvernements, le secteur privé et la communauté internationale doivent reconnaître que la ville est une «  construction culturelle  » constituée de structures bâties, d’espaces ouverts et de tissus sociaux entremêlés, conformément à la définition énoncée Rue Ledra, vieille ville de Nicosie, Chypre. dans la Recommandation de 2011 concernant le paysage © FrimuFilms / Shutterstock.com* urbain historique. Pour surmonter le traumatisme de la destruction et réconcilier les communautés, les autorités Dans la ville de Nicosie, à Chypre, une stratégie évolu- responsables de la reconstruction doivent faire appel à la tive reposant sur la préservation du patrimoine culturel mémoire collective de la ville, inscrire la reconstruction immobilier a été mise en œuvre pour promouvoir la dans la vie quotidienne des résidents, tenir compte des réconciliation et mettre un terme aux divisions. Après représentations culturelles et régénérer le paysage urbain le conflit de 1974, l’un des premiers contacts positifs en conséquence. Fondamentalement, ce principe place entre les deux communautés avait pour objet la préser- la culture en première ligne. Elle n’est plus mise de côté vation du patrimoine culturel commun dans la vieille jusqu’à ce qu’une ville puisse à nouveau « se permettre » ville fortifiée de Nicosie. Grâce à l’expérience acquise des investissements dans ce domaine. au fil des décennies, la mise en œuvre de projets dont l’objectif initial était la sauvegarde du patrimoine s’est Principe 2 : Amorcer le processus de réconciliation en (re) transformée en une stratégie qui préserve activement construisant les monuments culturels et les lieux porteurs la mémoire collective de la ville et favorise le relèvement d’identité pour les communautés locales. Les grands sites social en reconstituant le tissu urbain. La rénovation culturels (structures ou bâtiments publics ou religieux, des biens patrimoniaux à proximité de la zone-tampon territoires urbains historiques, etc.) incarnent l’identité des Nations Unies a permis de faire revenir des familles des communautés locales. Ils peuvent donc être traités et des entreprises dans des quartiers dévastés et en priorité lors des opérations de reconstruction, car ce abandonnés après le conflit. Les bâtiments histo- sont des éléments centraux du processus de relèvement riques de la rue Ledra ont été réhabilités. Cette artère social. Ils représentent également une base commune qui relie les deux côtés de la ville est donc redevenue à partir de laquelle peuvent se développer des modèles une zone commerciale florissante, même si elle est de cofinancement public-privé. L’expérience montre que encore coupée par des checkpoints. Ces efforts ont lorsque des biens culturels, en particulier les monuments, eu deux principaux résultats  : la reconstitution d’un sont volontairement visés par les acteurs d’un conflit ou tissu social dans ce qui était une zone de guerre et la détruits par une catastrophe, les communautés perdent de préservation des liens, aussi ténus soient-ils, entre les leur résilience et les villes deviennent plus vulnérables, ce communautés. qui augmente le risque d’un retour à l’instabilité. Principe 3 : Favoriser les expressions culturelles afin d’offrir aux communautés touchées les moyens de surmonter leurs traumatismes et de se réconcilier. S’ils intègrent à tous les niveaux le patrimoine immatériel et les industries cultu- relles et créatives, les processus de reconstruction et de relèvement peuvent être plus durables, plus inclusifs et pleinement assimilés par les communautés. Le patrimoine culturel immatériel joue un rôle essentiel dans la gestion et la préservation de la diversité culturelle. Par ailleurs, il favorise le dialogue interculturel et permet le suivi efficace des évolutions culturelles dans les situations de post-crise. Dans le même temps, les artistes et les institutions cultu- relles sont des acteurs indispensables pour garantir 29 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes la liberté d’expression et stimuler un dialogue inclusif. de la planification des villes, les évaluations des besoins Dans les sociétés touchées par des conflits, les activités doivent donner la priorité à l’appréciation du patrimoine culturelles et l’expression artistique peuvent contribuer à et à la promotion de la créativité. Il est aussi important guérir les blessures du passé et à restaurer un sentiment d’analyser les valeurs et les significations sociales et de normalité. économiques du patrimoine pour les citoyens. Le public peut être impliqué dans le choix des futurs aménagements Principe 4 : Donner la priorité à la culture dès le début urbains, par exemple grâce à des concours, des débats et de la planification, en commençant par l’évaluation des des expositions. Ces nouveaux plans peuvent devenir des besoins et la mise en œuvre d’interventions d’urgence qui outils de réconciliation et de réintégration des différents reflètent véritablement les priorités des communautés. groupes qui composent la population. Les résidents et Un groupe de travail dédié au patrimoine culturel doit citoyens peuvent être consultés et collaborer avec leurs être formé le plus rapidement possible pour prévenir la voisins et les professionnels du développement urbain pour destruction du patrimoine matériel. Tout processus de définir les priorités en matière de reconstruction. Autre reconstruction doit tenir compte de cette étape essen- point tout aussi important pour la réussite des opérations tielle. L’évaluation des besoins consiste à répertorier les de reconstruction et de relèvement  : les interventions dommages physiques mais aussi les pertes économiques d’urgence – remise en service des systèmes de fourniture pour les ménages, les entreprises et les marchés touchés d’eau et d’électricité, reconstruction des voies d’accès, etc. par la détresse urbaine, une catastrophe et/ou un conflit. – doivent correspondre aux priorités des communautés. Cette phase étudie également les effets de telles crises Les évaluations d’impact (sur la société, l’environnement sur les organisations et les structures communautaires, et le patrimoine) qui sont souvent menées en parallèle le capital social et le patrimoine culturel immatériel. Pour des évaluations des besoins, sont une autre occasion que la culture fasse partie intégrante de la conception et d’inclure la culture dans le processus de relèvement. Reconstruire l’identité multiculturelle d’une ville à travers la reconstruction 10 symbolique du pont de Mostar, Bosnie-Herzégovine Vue du pont Stari Most et de la vieille ville de Mostar, Mostar, Bosnie-Herzégovine. © Asiastock / Shutterstock.com* Pour les habitants de Mostar, le pont était une icône cultu- eux, cette reconstruction symbolisait le rétablissement de relle, véritable symbole de l’identité de la ville. Lorsqu’il a été valeurs qui avaient été profanées pendant la guerre26 ». détruit en 1993, pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine, La communauté a fait passer un message clair  Une : «  les citoyens ont demandé à ce qu’il soit reconstruit avant personne tuée, c’est l’une d’entre nous ; le Pont c’est notre leurs logements, ce qui donne une indication de sa valeur communauté tout entière27 ». Cet exemple met en lumière pour la communauté. Les habitants ont exigé « la recons- le rôle fondamental de la culture et de l’identité dans le truction complète du pont à l’endroit où il se trouvait, dans processus de relèvement pour les habitants de Mostar. son exact état antérieur et avec les matériaux d’origine. Pour 26. Hadzimuhamedovic, 2018. 27. Drakulic, 1993. 30 2. Un Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE) Impliquer les communautés dans la restauration du patrimoine culturel matériel et 11 immatériel pour favoriser la cohésion sociale et la réconciliation à Tombouctou, Mali Relèvement de Tombouctou, Mali. © MINUSMA-Tiecoura N’DAOU / Flickr.com* À Tombouctou, les communautés locales ont participé Faisant appel à la miséricorde divine pour maintenir la activement à toutes les étapes de la reconstruction et du paix, la cohésion et la tranquillité, cette cérémonie était la relèvement, de la planification à la mise en œuvre. Après le dernière étape de la renaissance culturelle de Tombouctou conflit de 2012, les partenaires de développement ont lancé après la destruction des mausolées. des actions concertées pour sauvegarder le patrimoine Les communautés ont aussi transféré la plupart des culturel malien. Étaient impliqués dans ces processus non manuscrits anciens qui s’y trouvaient à Bamako, et cet seulement des experts locaux et internationaux mais aussi effort collectif a grandement contribué à leur sauvegarde. des responsables de sites culturels et les communautés Par ailleurs, des formations et plusieurs activités de sensi- locales de Tombouctou. Les travaux entrepris dans chacun bilisation ont été organisées à l’attention des communautés des treize mausolées détruits, ainsi que la restauration du locales pour renforcer leur sentiment d’appropriation, leur minaret endommagé et le renforcement du mur d’enceinte résilience et la pérennité des processus mis en œuvre. de la mosquée Djingareyber, ont été confiés à des maçons La durabilité est le fondement de l’approche globale locaux plutôt qu’à des entrepreneurs du bâtiment. Les adoptée pour ce projet de reconstruction concernant le habitants de Tombouctou ont activement participé à ces patrimoine culturel matériel et immatériel. La mise en avant travaux, sous la supervision de la corporation des maçons. des connaissances et savoir-faire traditionnels lors des Les travaux de plâtrerie, interrompus en 2012 à cause du travaux de rénovation et lors des opérations de revitali- conflit, ont stimulé l’unité et la cohésion sociale. Ils sont sation des pratiques culturelles, associée à une approche devenus un symbole fort de la paix retrouvée. Ensuite, une participative réunissant des experts et les communautés cérémonie a rendu à ces lieux leur caractère sacré, et les locales, a permis aux populations touchées de retrouver familles ont donc pu reprendre possession des mausolées. leur identité culturelle, leur fierté et leur dignité. 31 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Partenariats public-privé : la nécessité d’une approche équilibrée à Beyrouth, Liban 12 Place Nejmeh, centre-ville de Beyrouth, Liban. © Conseil du développement et de la reconstruction (Beyrouth, Liban) Pendant la période de reconstruction de Beyrouth qui a le réseau routier principal, qui sont autant de barrières suivi la guerre civile (1975-1990), deux approches distinctes restreignant son accès. Le contraste était saisissant entre la ont été mises en œuvre. La première, aux résultats mitigés, typologie architecturale choisie (vastes pâtés de maisons et est celle appliquée au centre-ville de Beyrouth (Beirut immeubles hauts) et les bâtiments bas et denses qui carac- Central District, BCD). Ce projet lancé dès la fin de la guerre térisaient le centre-ville avant-guerre. Les communautés est une mise en garde contre les effets négatifs d’une qui occupaient cette zone avant-guerre en ont été exclues ; approche rigide et centralisée. Initialement, une évaluation elles ont été incitées à échanger leurs titres de propriété insuffisante a permis à un groupe de parties prenantes, en contre des parts de la société immobilière. Motivée par la l’occurrence le secteur privé, de mettre la main sur l’inté- recherche de profit, cette reconstruction s’est faite sans gralité du processus de reconstruction et de relèvement participation du public et sans implication adéquate du du BCD. Plaçant le développement économique au cœur gouvernement dans la prise de décisions et dans le suivi. de sa stratégie, la société immobilière privée Solidère s’est Récemment encore, le BCD comptait d’une part des vue confier la reconstruction de ce territoire. La première espaces réservés à certains groupes socio-économiques priorité de Solidère a été d’attirer des investisseurs étran- et des zones sécurisées dont les barrières étaient des gers pour financer la construction de bureaux et d’appar- freins au développement, et d’autre part des apparte- tements luxueux dans un cadre architectural exceptionnel. ments vides et des entreprises qui périclitaient. Il y a Elle a également transformé les anciens souks en zones peu, reconnaissant qu’une approche plus équilibrée était commerciales dénuées de toute vie communautaire. Ce indispensable, le gouvernement libanais a proposé une modèle plaçait l’aménagement urbain au-dessus de la parti- vision plus globale pour résoudre ces difficultés, et a lancé cipation communautaire, le profit au-dessus de l’inclusion plusieurs actions concrètes pour renforcer les liens entre sociale et de la diversité. le BCD et les communautés locales. Des événements Par conséquent, le BCD est devenu une enclave, très culturels, des concerts et des expositions très appréciés bien conçue mais réservée à une élite, dont l’achèvement des communautés locales contribuent à la redécouverte de a été retardé par les tensions régionales qui ont ralenti la ce territoire. Ces efforts portent leurs fruits car ils reposent reprise économique. Avant la guerre civile, le BCD était un sur un partenariat plus équilibré entre le secteur public et grand pôle de transport. Sa capacité à réunir des personnes le secteur privé. de milieux socio-économiques différents a été très forte- ment réduite. Le BCD est devenu une enclave séparée des quartiers environnants par des infrastructures, telles que 32 2. Un Cadre pour la culture dans la reconstruction et le relèvement des villes (CURE) Principe 5 : Impliquer les communautés et les gouvernements culturel et la remise en état des biens culturels garantit locaux dans chaque étape du processus de relèvement. la bonne coordination du processus de reconstruction. Les approches participatives sont essentielles pour que Dans le même temps, la planification doit impliquer les les systèmes de gouvernance puissent efficacement acteurs du processus de co-construction dès le début, planifier, mettre en œuvre et financer les stratégies de pour que le présent et l’avenir puissent être gérés le plus reconstruction et de relèvement, en veillant à l’implication efficacement possible. totale de leurs bénéficiaires et à la prise de responsabilité de toutes les parties prenantes. La prise en compte des cultures des communautés et individus concernés est essentielle à la bonne marche d’une approche participative. Les communautés peuvent également participer, moyen- nant rémunération, à certaines activités (de déblaiement, par exemple) dans le cadre de programmes de travail qui permettent aux citoyens de subsister et stimulent la reprise économique. La collecte et la préservation d’éléments du patrimoine historique – matériaux de construction, objets divers – peuvent raviver l’esprit communautaire et devenir une première étape importante pour la coopération et la réconciliation des citoyens. À cet égard, le partage des connaissances et le renforcement des capacités jouent aussi un rôle majeur. Une telle approche participative doit être soutenue par les gouvernements locaux responsables de la mise à disposition des services de base. Cela permet d’institutionnaliser la relation entre les populations et les gouvernements locaux. Principe 6 : Utiliser des modèles financiers qui concilient les besoins immédiats/à court terme et le développement à moyen/long terme des plans de reconstruction. Les modèles financiers doivent intégrer les contributions économiques et matérielles des différents acteurs urbains : citoyens, société civile, marché et/ou État. La réussite des processus de reconstruction et de relèvement dépend de la capacité de ce modèle à couvrir aussi bien les court/ moyen termes que le long terme. Pour être efficaces, les modèles financiers doivent concilier les besoins à court terme – hébergement d’urgence, commerces, infrastruc- tures et services communaux temporaires – et la volonté de s’engager dans le processus plus long et souvent plus ardu de la redéfinition de l’identité culturelle d’une ville. Principe 7 : Garantir une gestion efficace du processus de reconstruction en tenant compte à la fois des besoins des habitants et de la nécessité de redonner à une ville son caractère historique. Il est particulièrement important de trouver le bon équilibre entre les besoins de reconstruc- tion immédiate des logements détruits et les démarches liées à la reconstruction dans le contexte du patrimoine culturel. Des mesures doivent être prises pour éviter un processus chaotique qui pourrait avoir des répercussions négatives sur le tissu urbain et son patrimoine culturel et/ ou sur l’intégrité structurelle des bâtiments historiques. En plus d’être difficile à faire respecter, un moratoire sur la reconstruction risque de créer des tensions au sein des communautés et de ne pas être suffisamment soutenu par les autorités locales. D’un autre côté le laissez-faire, qu’il soit dû à un manque de capacités ou à une volonté politique, peut causer des dégâts irréversibles qui détériorent le tissu urbain et risquent de remettre en cause les valeurs des biens et le potentiel touristique des villes. Le déploiement rapide de directives concernant la protection du patrimoine 33 3 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes 34 3. Mise en œuvre du Cadre CURE Mise en œuvre C e chapitre traduit le Cadre CURE en une série de directives opérationnelles pour la reconstruction et le du Cadre CURE relèvement des villes, reposant sur une approche cyclique des projets. Destiné aux décideurs et aux praticiens, il fournit des outils opérationnels pour intégrer la culture dans toutes les phases des processus de reconstruction et de relèvement. Le présent document propose une première feuille de route pour la mise en œuvre du Cadre CURE. Pour garantir l’application de ce cadre par l’ensemble des parties prenantes, il sera utile d’élaborer de manière participative des directives plus détaillées. Ces directives opérationnelles s’appuient sur plusieurs mécanismes et outils existants, dont la Recommandation concernant le paysage urbain historique de l’UNESCO (2011), les directives consacrées à la prise en compte de la culture dans les PDNA (volume PDNA-Culture28), les RPBA, les DRF et la Stratégie pour le renforcement de l’action de l’UNESCO en matière de protection du patrimoine culturel et de promotion du pluralisme culturel en cas de conflit armé. Dans ce chapitre, ces différents instruments ont été adaptés pour correspondre aux processus de reconstruc- tion et de relèvement à l’échelle d’une ville. Les quatre phases du Cadre CURE La mise en œuvre du Cadre CURE s’articule autour de quatre phases présentées ci-dessous et comptant chacune plusieurs composants (cf. Figure 229). 1. Évaluation des dommages, des besoins et du champ d’ap- plication. Cette phase consiste à évaluer les dommages et les impacts des catastrophes sur le patrimoine culturel matériel et immatériel, les industries culturelles et créatives, le parc immobilier et foncier et le secteur du tourisme. Les pertes pour la population, du fait de l’interruption des services et de l’impossibilité d’uti- liser les actifs économiques, sont également prises en compte. Le champ d’application du Cadre est ensuite défini à partir des résultats de cette première évaluation, au cours d’un processus qui suppose de collecter des données, de cartographier les actifs, de repérer les parties prenantes et d’élaborer une vision de la reconstruction et du relèvement de la ville concernée. Politiques et stratégies. Cette phase définit les poli- 2.  tiques, stratégies et processus de planification qui traduisent cette vision et les conclusions des évaluations 28. Directives PDNA Volume B Le DRF comporte six phases : a) évaluation des besoins, b) définition 29.  des politiques et stratégies, c) cadre institutionnel, d) financement, e) modalités d’exécution et f) renforcement des systèmes de Des travailleurs locaux reconstruisent un temple à Pokhara, Népal. relèvement. Dans ses grandes lignes, les quatre phases du Cadre © Yurakrasil / Shutterstock.com* CURE couvrent ces six phases. 35 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Figure 2. Les quatre phases du Cadre CURE Composant 1.1: Patrimoine culturel matériel Composant 1.2: Patrimoine culturel immatériel Évaluation des dommages Composant 1.3: Industries créatives et culturelles et des besoins Composant 1.4: Tourisme culturel PHASE 1 Composant 1.5: Parc immobilier et foncier historique Composant 1.6: Collecte et analyse de données Composant 1.7: Cartographie des actifs Définition du champ d’application Composant 1.8: Repérage des parties prenantes Composant 1.9: Élaboration d’une vision Composant 2.1: Élaboration du processus de planification Définition des politiques PHASE 2 Composant 2.2: Mécanismes réglementaires et stratégies Composant 2.3: Engagement civique Composant 3.1: Identification des sources de financement Composant 3.2: Gestion des ressources foncières PHASE 3 Financement Composant 3.3: Récupération des plus-values foncières Composant 3.4: Réajustement foncier Composant 3.5: Outils de financement gérés par les villes Composant 4.1: Dispositions institutionnelles PHASE 4 Mise en œuvre Composant 4.2: Gestion des risques Composant 4.3: Stratégie de communication et d’engagement 36 3. Mise en œuvre du Cadre CURE susmentionnées en plans et en règles d’aménagement, Phase 1. Évaluation des au terme d’une démarche participative dans laquelle les parties prenantes et les communautés sont pleinement dommages, des besoins et impliquées. du champ d’application 3. Financement. Cette phase inclut l’identification des Cette phase démarre par un exercice d’évaluation des modalités de financement de la reconstruction et du dommages et des besoins post-crise, qui suppose d’une relèvement, notamment en ce qui concerne le recours part de dresser l’inventaire des dommages physiques et à des fonds publics et privés ainsi qu’à d’autres sources des pertes économiques, et d’autre part de répertorier les de financement, la gestion des ressources foncières besoins. Elle se poursuit avec la définition plus précise du (indispensables pour les villes) et l’élaboration d’outils champ d’application, étape qui reprend les conclusions de de financement et de mesures incitatives. l’évaluation des besoins et inclut la collecte de données, la cartographie des actifs, le repérage des parties prenantes 4. Mise en œuvre. Cette phase, essentielle à la réussite et et le développement d’une vision pour la reconstruction à la pérennité des efforts de reconstruction et de relè- et le relèvement. vement après une crise, est celle de la mise en place d’institutions et de structures de gouvernance efficaces, C’est aussi la phase qui met en œuvre des politiques de Évaluation des dommages gestion des risques et des stratégies de communication et d’engagement. et des besoins La première étape de cette phase consiste à évaluer les Ces phases donnent aux décideurs et aux praticiens une dommages et leurs impacts sur les biens du patrimoine approche systématique et intégrée pour la conception et culturel matériel et immatériel, les industries culturelles la mise en œuvre d’une stratégie participative de recons- et créatives et le tourisme culturel, mais aussi les pertes truction et de relèvement qui s’articule autour de la culture. pour la population, du fait de l’interruption des services Bien évidemment, le relèvement et la reconstruction sont et de l’impossibilité d’utiliser les actifs économiques. des processus à long terme qui peuvent durer plusieurs L’utilisation des PDNA est la méthodologie privilégiée dizaines d’années. Immédiatement après une crise, les pour évaluer les dommages, les pertes et l’impact sur les premières actions concernent surtout la distribution de économies touchées, mais aussi pour identifier les besoins nourriture, les services élémentaires et l’hébergement. de relèvement et de reconstruction à court, moyen et long Une fois l’urgence passée, les efforts de reconstruction terme30. Cette phase relie la période d’évaluation au début et de relèvement peuvent commencer. du projet de relèvement. Il faut préciser que ces quatre phases ne sont pas conçues L’évaluation des dommages porte sur les dégâts physiques pour être mises en œuvre de manière linéaire ou séquen- et sur l’ampleur des opérations nécessaires pour réhabiliter, tielle. Au contraire, elles se recoupent et s’inscrivent dans restaurer ou reconstruire des biens historiques. L’évaluation un processus itératif dépendant de l’état de chaque ville, des pertes s’intéresse quant à elle davantage aux réper- de l’étendue des dégâts, des capacités techniques, de cussions économiques (revenus, productivité, etc.) d’une l’économie politique et des dispositions institutionnelles. crise31. Étant donné que les territoires historiques font partie Évolutives par nature, les crises ont tendance à se prolonger d’une agglomération urbaine plus vaste, les évaluations et il est rare de pouvoir identifier clairement leur début et doivent rendre compte de l’impact de la crise sur la ville leur fin. Le Cadre doit donc pouvoir s’appliquer à toutes tout entière. Par exemple, si le territoire historique touché les circonstances particulières rencontrées. Il est aussi se trouve dans un quartier d’affaires ou une importante conçu pour couvrir une ville tout entière et pas seulement zone touristique, les pertes doivent être évaluées pour les territoires historiques, lesquels nécessitent des outils la ville dans son ensemble, et non pas seulement pour le et des techniques d’intervention spécifiques. L’influence territoire, car les dommages ont des répercussions écono- de différents facteurs, tels que la rapidité et le coût de la miques sur une plus grande partie de la population. Dans reconstruction et du relèvement, varie également d’une ville la méthodologie des RPBA utilisée en cas de conflit, cette à l’autre. La mise en œuvre des interventions d’urgence première phase peut être complétée par une analyse des est essentielle pour mobiliser les parties prenantes autour causes premières, des facteurs, des parties prenantes et de ce processus. Dans le même temps, il est indispen- des dynamiques du conflit, ainsi que par un inventaire des sable de laisser à ces dernières le temps nécessaire pour capacités locales en matière de consolidation de la paix. En consulter les individus concernés afin que leurs priorités effet, ces informations éclairent l’évaluation des besoins soient identifiées et respectées. de la communauté et permettent de définir ce qui doit être reconstruit en priorité et de quelle manière. Tout au long du processus, les territoires historiques et non historiques doivent être bien délimités pour qu’à chacun 30. Voir https://www.gfdrr.org/sites/default/files/publication/drf-guide- francais.pdf 31. Voir https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/19047 37 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Évaluation de la vulnérabilité 13 corresponde une approche adaptée de la reconstruction des sites prioritaires du patrimoine et du relèvement. Dans de nombreux pays, les territoires urbains historiques sont inscrits à l’inventaire national ou culturel face à de multiples dangers local des lieux historiques ou même sur la Liste du patri- aux Philippines moine mondial de l’UNESCO. À ces sites classés est souvent associée une mine d’informations sur les significations historiques et culturelles mais aussi sur les mécanismes de gestion. Un plan de gestion inclut généralement une évaluation des valeurs des différents sites et des attributs qu’ils véhiculent, ainsi qu’un inventaire complet de tous les biens du patrimoine culturel matériel – mobilier et immo- bilier – détaillant leur emplacement et leur état. Lorsque des plans de gestion existent, les évaluations des besoins et les phases suivantes doivent tenir compte des éléments pertinents qui s’y trouvent. Cette phase inclut des évaluations du patrimoine culturel matériel. Ces dernières portent notamment sur les monu- ments, les édifices religieux, le tissu urbain historique, les infrastructures urbaines, les sites archéologiques, le Tacloban, Philippines, après le typhon Haiyan de novembre patrimoine culturel mobilier (œuvres d’art, manuscrits, 2013. © Ymphotos / Shutterstock.com* archives etc.) et les infrastructures culturelles (musées, bibliothèques, théâtres, etc.). L’encadré 13 résume la réali- En 2013, les Philippines ont subi deux catastrophes sation d’évaluations de ce type aux Philippines. naturelles majeures : un séisme de magnitude 7,2 et le typhon de catégorie 5 Haiyan. Plusieurs monuments Par ailleurs, les évaluations doivent porter sur les pratiques culturels ont été gravement endommagés. Avec l’aide du patrimoine culturel immatériel et identifier notamment de la Banque mondiale, le ministère du Tourisme, les besoins des communautés dans ce domaine. Il convient l’Intramuros Administration et les agences culturelles aussi d’examiner l’état des industries culturelles et créa- philippines (parmi lesquelles la Commission nationale tives, c’est-à-dire les infrastructures, les ressources et pour la culture et les arts et le Musée national) ont les processus nécessaires à la production, la distribution lancé une grande évaluation de la vulnérabilité du et la vente de biens culturels créatifs (musique, produits patrimoine culturel existant et endommagé face à de artisanaux et audiovisuels, films, livres, etc.). Enfin, les multiples dangers. éléments touristiques doivent aussi faire l’objet d’évaluations. Cet exercice a donné lieu à des enquêtes sur le terrain On distingue cinq composants de la phase d’évaluation des et à des collectes de données. Des formations et des dommages et des besoins, détaillés ci-dessous. ateliers ont été proposés aux parties prenantes pour Composant 1.1. Patrimoine culturel matériel (patrimoine  favoriser le développement et la diffusion de la métho- bâti, sites culturels, biens mobiliers, collections et archives dologie utilisée. Cette méthodologie doit être intégrée patrimoniales) : ce composant concerne l’évaluation aux normes philippines en matière de conservation32. sur site des dommages constatés sur les structures et Sans une telle initiative, ces normes n’auraient pas pris leur contenu. Les experts qui réalisent ce type d’éva- en compte les risques de catastrophe. La protection luation s’appuient sur des documents historiques, des des biens historiques et culturels contre les effets des photographies et des informations concernant la valeur catastrophes constitue une nouvelle approche pour économique des structures ayant perdu leur fonction. les Philippines. Les efforts ne portent plus seulement Pour que les pertes puissent être correctement esti- sur les établissements publics essentiels tels que les mées, cette évaluation doit couvrir l’ensemble des biens écoles et les hôpitaux. Cette contribution représente immobiliers du patrimoine culturel matériel. Les dégâts un progrès significatif car la réduction des risques de peuvent être plus ou moins importants : ils peuvent être catastrophe sera désormais intégrée aux démarches de limités aux façades et aux éléments de décoration et conservation des biens du patrimoine culturel financées d’ornementation, ou bien mettre en péril la structure du par des ressources publiques et privées, au-delà des site au point de lui faire perdre sa fonction. évaluations de vulnérabilité mises au point pour les Lorsque la réparation et la reconstruction de biens trois sites pilotes. culturels endommagés sont possibles et souhaitables, les frais associés – englobant la main-d’œuvre, les maté- riaux et la gestion – doivent être calculés sur la base des 32. S’inscrivant dans le Cadre des indicateurs de résultats tarifs actuels pratiqués par le secteur public et le secteur du Deuxième prêt à l’appui des politiques de privé. En ce qui concerne les structures historiques, ces développement pour la réduction des risques de frais doivent prendre en compte les particularités de ces catastrophes assorti d’une option de tirage différé pour les risques liés aux catastrophes. travaux complexes, qui n’ont rien de comparable avec le remplacement d’un bâtiment moderne. 38 3. Mise en œuvre du Cadre CURE Une fois l’ampleur des dommages connue, il faut évaluer la scène ou encore l’interruption de certaines pratiques le coût des réparations ou du remplacement des structures culturelles ou religieuses. et des objets concernés, étant entendu qu’il s’agit seule- Les membres des communautés locales doivent être en ment d’une estimation. Il est particulièrement difficile de première ligne pour identifier les éléments du patrimoine donner un prix actuel à des ressources culturelles irrem- culturel immatériel touchés et évaluer l’impact des catas- plaçables, car les biens culturels véhiculent d’importantes trophes. Pour la réussite du processus, il est essentiel valeurs non marchandes (spirituelles, symboliques, etc.) que les groupes concernés déterminent eux-mêmes la impossibles à traduire en termes financiers. Par ailleurs, valeur de leur patrimoine culturel immatériel, qui ne doit même s’il est parfois techniquement envisageable, le pas faire l’objet de jugements extérieurs35. remplacement de certains biens culturels ne peut se Composant 1.3. Industries créatives et culturelles : cette  faire qu’au détriment de leur authenticité. catégorie inclut notamment les établissements fournissant Les pertes économiques causées par l’interruption ou produisant des biens et services culturels. Les effets de l’accès aux biens culturels et aux institutions doivent des crises sur ce secteur se traduisent par la suspen- également être calculées. Par exemple, certaines struc- sion des ventes ou de l’exportation de biens culturels tures à la valeur architecturale moins importante peuvent ou encore par l’interruption des services associés au être des bâtiments résidentiels ou commerciaux. Les tourisme culturel. monuments et les bâtiments les plus « précieux » sur le Lors de l’évaluation de l’impact des catastrophes ou des plan architectural abritent souvent des musées ou des conflits armés, il convient d’identifier les connaissances, centres culturels qui accueillent de nombreux visiteurs les compétences et les savoir-faire qui ont été perdus. nationaux et internationaux. Les pertes économiques Il est également important de déterminer si des écoles doivent donc être estimées en fonction des revenus qui ou des lieux dédiés à la formation artisanale informelle ne seront pas générés tant que ces sites ne pourront ont été touchés et si des artisans (en particulier ceux pas rouvrir leurs portes. reconnus comme des maîtres dans leur domaine) font Puisque l’ampleur des pertes dépend du temps néces- partie des personnes déplacées. Il ne faut pas négliger saire à une remise en service complète et des capacités les aspects institutionnels tels que l’existence d’autorités du secteur à mettre en œuvre les mesures utiles, l’éva- de régulation ou de délivrance de licences. L’évaluation luation de leur valeur économique doit être basée sur un doit aussi rendre compte des pertes économiques indi- scénario post-catastrophe réaliste incluant un délai et la rectes pour les agences chargées du marketing et de la possibilité d’adopter certaines solutions temporaires33. promotion des industries créatives et culturelles locales. Composant 1.2. Patrimoine culturel immatériel : le patri-  Les impacts des catastrophes et des conflits armés moine culturel n’est pas seulement formé de monuments, sur les industries créatives doivent inclure tout ce qui de sites et de collections d’objets. Il englobe aussi concerne les structures, les équipements et les matières les traditions et les expressions vivantes transmises premières, et il faut utiliser la méthode des coûts de de génération en génération34. Le patrimoine culturel remplacement pour calculer les montants nécessaires à immatériel est essentiel à la préservation des identités la reconstruction de ces structures ou de ces industries. culturelles des communautés et à la diversité culturelle Du fait de la taille et de la typologie des établissements à travers le monde. Après une crise, les ressources situés dans les territoires historiques touchés, il est culturelles immatérielles peuvent jouer un rôle crucial parfois difficile de comprendre l’impact des crises sur pour la cohésion sociale et la résilience communautaire ; l’industrie manufacturière. deux éléments indispensables à la réussite du processus Dans ce cas, l’évaluation doit prendre en compte l’état de reconstruction. Les consultations qui s’appuient sur antérieur des installations et des marchés où s’écoulaient les connaissances historiques locales apportées par les les produits relevant du patrimoine culturel. Des données communautés elles-mêmes plutôt que sur une expertise de référence doivent être collectées quant au nombre, extérieure, seront plus utiles pour identifier les princi- au type et à la taille des établissements de fabrication et pales pratiques culturelles susceptibles de contribuer de vente. Il est aussi nécessaire d’obtenir des informa- à la réconciliation. Une attention toute particulière doit tions sur leurs équipements, leur production annuelle, être accordée à la revitalisation des pratiques culturelles leur valeur en dollars et les destinataires des produits qui auraient été interdites ou interrompues pendant un manufacturés. Des données concernant la consommation conflit. S’il est très important de bien évaluer les impacts locale ou nationale et la valeur des exportations de biens des catastrophes ou des conflits armés sur le patrimoine culturels sont également indispensables. Ce processus culturel immatériel, il est difficile de les répertorier de collecte de données permet de dresser un état des précisément car ils se manifestent au fil du temps et lieux pré/post-crise incluant les typologies, les tailles et perturbent le mode de vie des populations touchées. Il le poids de la production et de la vente. est moins aisé de repérer la destruction de ce patrimoine, Composant 1.4. Secteur du tourisme culturel : le secteur  mais les signes à prendre en compte peuvent être par culturel englobe l’ensemble des activités productives exemple l’arrêt d’un festival ou d’un spectacle d’arts de répondant principalement aux besoins de visiteurs36. Pour plus d’informations sur l’estimation de la valeur économique 33.  des dommages, voir les Directives PDNA Volume B (Culture), p. 16-17. 35. Voir https://ich.unesco.org/fr/ethique-et-pci-00866 34. Voir https://ich.unesco.org/fr/artisanat-traditionnel-00057 36. Voir http://www.oecd.org/fr/cfe/tourisme/TSA_FR.pdf 39 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Pour les résidents de nombreuses villes historiques, le La créativité et les technologies 14 tourisme est une importante source d’activité écono- numériques comme moteurs d’un réel mique. Leurs revenus proviennent des dépenses que engagement communautaire pour le relè- font les touristes pour se loger, se déplacer, se nourrir et accéder aux services et biens culturels. Il est important vement après une catastrophe : l’exemple que l’évaluation couvre à la fois l’offre et la demande, car de Christchurch, Nouvelle-Zélande le calendrier de reconstruction des installations touris- tiques (offre) doit correspondre au nombre de visiteurs attendus (demande) pendant la phase de relèvement.37 Pour relancer la demande après la crise, il faut prévoir le lancement de campagnes d’information et de marketing visant à rassurer les visiteurs nationaux et internationaux. Composant 1.5. Parc immobilier et foncier historique :  le logement est l’un des aspects les plus importants de la reconstruction des villes après une crise. L’évaluation des dommages doit tenir compte du statut des bâtiments résidentiels historiques et des terrains sur lesquels ils se trouvent. En effet, les droits de propriété ne sont pas toujours clairs car les logements sont parfois construits sur des terrains appartenant à la commune, à des insti- tutions religieuses ou à des acteurs publics ou privés. Il Peinture d’une ballerine à l’arrière de l’Isaac Theatre arrive également que les règles d’occupation ne soient Royal, détruit par le séisme de 2011 à Christchurch, pas précisément définies ou ne reposent pas sur des Nouvelle-Zélande. © Jocelyn Kinghorn / Flickr.com documents officiels. Il est crucial d’inclure les locataires et les résidents occupant des lieux de manière infor- En septembre 2010 et en février 2011, la ville de Christ- melle à l’évaluation, qu’ils aient ou non des droits sur church a été touchée par deux séismes dévastateurs. les terrains concernés. Toute évaluation des dommages Pour stimuler la participation de la communauté, dans le secteur du logement suppose de consulter les environ dix semaines après la deuxième catastrophe, directives et les règlements antérieurs à la crise en ce le conseil municipal a mis en ligne une plateforme sur qui concerne les territoires historiques, l’occupation laquelle les résidents étaient invités à faire part de des sols, les contraintes architecturales, les réglemen- leurs idées concernant le réaménagement de la ville. tations locales et nationales en matière de logement et Plus de 58 000 personnes se sont rendues sur le site les méthodes de financement. dans les six semaines qui ont suivi son lancement. Une exposition communautaire, qui a accueilli plus Définition du champ d’application de 10 000 visiteurs, a été organisée pour présenter les résultats de cette consultation au public. Cette étape débute lorsque les activités de secours d’ur- gence ont déjà bien avancé ou sont terminées. En effet, il faut que la situation soit relativement stable pour que le processus de reconstruction puisse commencer. S’appuyant diverses interprétations de leur signification historique et sur les estimations des dommages et des pertes, sur la liste mémorielle peuvent donner lieu à des tensions. La définition préliminaire des besoins de reconstruction et de relève- du champ d’application comporte quatre composants : ment et sur des informations concernant l’état antérieur et Composant 1.6. Collecte et analyse de données : même si  actuel des territoires historiques, le processus de définition le territoire historique couvre seulement une partie d’une du champ d’application consiste à réunir l’ensemble des ville, c’est souvent le point d’ancrage autour duquel la parties prenantes pour répertorier leurs besoins et établir structure civique de la ville actuelle s’articule. Les terri- une vision commune de la reconstruction et du relèvement. toires historiques doivent être associés aux schémas Cela suppose d’analyser les données afin de dresser un de développement généraux et aux dynamiques de état des lieux général et de définir des objectifs pertinents croissance de la ville dans son ensemble. La collecte de adaptés aux caractéristiques et aux conditions locales. données doit se faire aussi bien à l’échelle de ce terri- En situation de post-crise, l’identification des parties toire restreint qu’au niveau de la ville tout entière. Des prenantes peut être difficile. Le bilan humain des conflits données de référence sur chaque secteur sont utiles ou des catastrophes (nombre de personnes décédées ou pour comprendre les liens qui unissent la ville concernée déplacées) doit être pris en compte pour la bonne marche avec sa région et son pays. Les données de référence de cette phase. L’implication des parties prenantes locales collectées avant une crise sont très utiles, mais elles est d’autant plus importante pour la reconstruction des sont souvent très difficiles à obtenir. Lorsqu’elles sont lieux ayant une grande valeur historique et culturelle, car les disponibles, elles doivent constituer une base à partir de laquelle sont établis les principes permettant de 37. Ibid. « reconstruire en mieux ». La démarche de collecte doit 40 3. Mise en œuvre du Cadre CURE englober des informations sur les biens du patrimoine Bâtir une ville plus sûre grâce 15 culturel et naturel, sur les dynamiques de croissance et à la planification participative sur les obstacles à la croissance, ainsi que des données à Medellín, Colombie socio-économiques et des évaluations des marchés. Composant 1.7. Cartographie des actifs : cet exercice  consiste à répertorier les ressources humaines, sociales, culturelles, économiques et physiques des zones touchées par les crises. Lesdites ressources peuvent inclure les infrastructures et les services mis à la disposition des communautés, les centres communautaires, les insti- tutions, les savoir-faire locaux et les réseaux sociaux. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour collecter des informations sur les ressources des communautés, mais il est important de consulter les membres concernés pour bien comprendre la valeur des différents actifs et garantir une approche globale. Ce processus peut être utile pour identifier des pratiques culturelles spécifiques susceptibles de contribuer aux efforts de consolidation de la paix. Les gouvernements peuvent se lancer dans une carto- graphie des actifs culturels en identifiant les ressources Comuna 13, Medellín , Colombie. culturelles d’une communauté et en collectant des © Casal Partiu / Flickr.com données sur chaque actif. Pour cela, un système d’in- formation géographique (SIG) basé sur les données La ville de Medellín, en Colombie a su se détacher collectées lors d’enquêtes sur le terrain peut être utile. de son passé violent pour devenir une municipalité Les cartes numériques obtenues grâce au SIG peuvent exemplaire, et la planification participative a tenu un être complétées par d’autres données sur les dangers, rôle clé dans le processus de réconciliation. À l’échelle la démographie, l’activité économique et les transports des quartiers, des forums communautaires ont été afin d’enrichir l’état des lieux et d’éclairer le processus de mis en place pour que les besoins en matière de planification. Si les technologies nécessaires ne sont pas reconstruction puissent être correctement identifiés. disponibles, les données rassemblées lors d’enquêtes Chaque communauté a ainsi pu signaler ses problèmes sur le terrain peuvent être exploitées manuellement ou à et proposer des solutions adaptées au contexte local. l’aide d’un logiciel libre pour établir des cartes. Plus de 1 000 personnes et quelque 430 organismes sociaux ont participé à ces forums, véritables espaces Composant 1.8. Repérage des parties prenantes : l’iden-  de débats autour des enjeux locaux et municipaux. tification et l’implication de la communauté dans le processus de reconstruction garantit sa pérennité et sa continuité. L’équipe doit tenir compte des principales problématiques et dynamiques qui caractérisaient la société touchée avant la crise et sous-tendront sa toutes les parties prenantes, mais aussi cartographier reconstruction après. Les organisations locales doivent les dynamiques et les relations entre chacune d’elles. être répertoriées et consultées. Par ailleurs, les groupes Composant 1.9. Élaboration d’une vision : c’est l’étape  défavorisés qui ne s’impliquent généralement pas dans principale de la phase de définition du champ d’applica- le processus de planification doivent être identifiés et tion. Cette vision, indispensable pour orienter et articuler encouragés à y participer. le processus de reconstruction, doit être inspirante et Pour concevoir le processus d’engagement, l’équipe fournir des références claires permettant de mesurer doit commencer par identifier les acteurs pertinents. Ce les progrès accomplis. À l’issue de ce processus, cette processus doit inclure des parties prenantes directement vision partagée par l’ensemble des parties prenantes doit concernées par la reconstruction et les décisions à pouvoir guider l’avenir de la ville. Elle donne aux maires prendre, c’est-à-dire des responsables communautaires, et aux administrations locales un capital politique pour des représentants des groupes ethniques et religieux, des communiquer avec les citoyens et tenir compte de leurs acteurs du secteur privé, des propriétaires, des locataires, points de vue. L’élaboration de la vision est aussi une des membres de la communauté informelle, des jeunes garantie de continuité entre les différentes administrations et des femmes. En outre, un deuxième groupe de parties politiques. Deux facteurs sont essentiels à la réussite de prenantes participant à l’élaboration et à l’exécution de la ce processus. D’abord il doit être inclusif, ouvert à toutes reconstruction doit être impliqué. Il doit rassembler des les parties prenantes et en particulier aux minorités, aux représentants des établissements d’enseignement, des femmes et aux jeunes. Ensuite, il doit s’appuyer sur toutes fonctionnaires du gouvernement local, des professionnels les données empiriques disponibles, collectées avant et de la planification et de l’élaboration de politiques et des après la crise. experts techniques. L’équipe doit identifier et inclure 41 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Phase 2. Définition des 16 Promouvoir une approche multidisci- 16 politiques et stratégies plinaire de la planification du relèvement à Sarajevo, Bosnie-Herzégovine Cette phase consiste à définir les actions traduisant les besoins, les conclusions des évaluations et la vision en un plan applicable. Dans les jours qui suivent une catastrophe, les gouvernements locaux et provinciaux sont rarement en mesure de fonctionner efficacement. La planification de la reconstruction est un moyen de repositionner les gouvernements locaux dans le cadre institutionnel et de leur redonner une légitimité vis-à-vis de la population. Cette phase comporte trois composants : dans un premier temps, l’équipe doit élaborer un processus de planification clair en s’appuyant sur les contributions de toutes les parties prenantes. Ensuite, des mécanismes de régulation doivent être définis pour veiller à ce que les principes permettant de « reconstruire en mieux » soient appliqués. Et enfin, un processus d’engagement civique doit être établi pour que le relèvement et la reconstruction se fassent avec le soutien Bâtiment détruit à Sarajevo pendant la guerre civile de tous les acteurs et soient donc véritablement durables. de 1992-1995, Bosnie-Herzégovine. © akturer / Shutterstock.com* Composant 2.1. Élaboration du processus de planifica-  tion : le processus de planification de la reconstruction Dans les six mois qui ont suivi la fin de la guerre de post-crise doit être inclusif, transparent et objectif. Un Bosnie-Herzégovine, la ville de Sarajevo s’est lancée processus transparent permet aux parties prenantes dans la mise au point d’une stratégie de relèvement et publiques, privées et communautaires de collaborer en de développement. Comme souvent, cet exercice a été vue de l’élaboration et de la mise en œuvre des activités l’occasion d’inviter la communauté internationale à parti- de reconstruction. Ces interactions posent les bases ciper à la définition d’une stratégie de développement. d’une reconnaissance commune de la diversité culturelle Le processus d’élaboration de cette vision incluait une et du rôle de la culture en tant que source de dignité. analyse des lois commerciales applicables, le renfor- Elles encouragent également la participation culturelle cement des capacités de gestion de la municipalité et et l’accès du public au patrimoine, conditions préalables une réflexion sur l’évolution du système économique. Il a au relèvement d’une société stable et résiliente. Dans aussi permis d’analyser les relations entre les secteurs certains cas, plusieurs plans sectoriels sont mis en œuvre économiques, de garantir le financement essentiel au concomitamment. Ce n’est pas une situation idéale, mais fonctionnement municipal, d’établir un marché foncier, cette difficulté peut être résolue en mettant en place une de délimiter les zones commerciales et de définir les entité ou une plateforme de coordination centralisée, ainsi systèmes de gestion des biens appartenant à la ville, que des institutions chargées de superviser la mise en des investissements étrangers et des intérêts des œuvre de ces différents plans, de les harmoniser et de entreprises publiques. contrôler leur conformité. Par exemple, le Plan urbain de Sarajevo pour la période 1986-2015 a été conçu pour améliorer les conditions de vie dans la ville en s’adaptant projets sont approuvés et peuvent remettre en cause le aux évolutions spatiales, sociales, économiques et géopo- bien-fondé des résultats attendus38. Pour être plus effi- litiques. Autre instrument de planification, la Stratégie caces, les réglementations en matière de reconstruction de développement du canton de Sarajevo a été mise au peuvent être adaptées aux objectifs propres à chaque point par 18 institutions pour traiter 48 priorités, dont le zone touchée et intégrer des mécanismes d’approbation. renforcement du tissu économique et l’amélioration du cadre de vie. Le mécanisme réglementaire le plus courant en milieu urbain est un processus de planification de l’utilisation Composant 2.2. Mécanismes réglementaires : la recons-  des sols et de l’aménagement du territoire. Il inclut truction post-crise est une bonne occasion de réviser généralement un cadre de hiérarchisation des priorités les réglementations existantes et de mettre en place des permettant aux décideurs, aux citoyens et aux autres codes du bâtiment qui permettront de créer à l’avenir des parties prenantes d’identifier les besoins les plus urgents, villes plus durables et plus résilientes. Ces réglemen- d’évaluer les risques et les compromis et d’organiser les tations ne doivent pas seulement concerner l’évolution projets en fonction de ces priorités. Une telle planification physique des territoires historiques. Il est important peut favoriser une politique d’occupation des sols qui qu’elles comportent des dispositions relatives aux problé- tient compte des préoccupations environnementales. matiques sociales et environnementales. Après une Elle peut également permettre de concilier les intérêts catastrophe, l’absence de réglementations claires peut être une source d’inquiétude et de méfiance pour les communautés qui ne savent pas comment les différents 38. Amirtahmasebi et al., 2016. 42 3. Mise en œuvre du Cadre CURE sectoriels et les différents usages potentiels. C’est aussi politiques régissant un domaine particulier (génération un moyen de sécuriser l’occupation des sols et de clarifier d’un territoire urbain historique, etc.). les pratiques coutumières en matière d’occupation des Plans de zonage et codes municipaux. Si les plans – terrains communaux39. La planification de l’utilisation des d’occupation des sols sont des instruments larges et sols doit être un procédé souple, transparent et ouvert à tournés vers l’avenir, les plans de zonage et les codes toutes les suggestions. Bien exécutée, cette planification municipaux sont à l’inverse des systèmes réglemen- peut également orienter le financement de la reconstruc- taires immédiats et précis qui s’appliquent à tous les tion et du relèvement. En fonction de leurs capacités et terrains de la zone concernée. Dépendant du plan de leur structure organisationnelle, les villes peuvent d’utilisation des sols, le code de zonage renvoie aux choisir entre plusieurs types de plans après une crise : objectifs généraux de la reconstruction. Si le plan définit Les plans stratégiques. Les plans stratégiques peuvent – un territoire comme étant à haut risque par exemple, être mis au point pour préciser les réponses à des le code de zonage détaille les modalités d’utilisation problématiques spécifiques telles que les scénarios de chaque bien et établit des normes architecturales de catastrophes ou les interventions de secours. précises. Le code de zonage contient généralement Larges et complets, ils abordent les relations entre des informations sur la structure des bâtiments, les les dimensions économiques, physiques, sociales, marges d’isolement, le nombre d’étages, les mesures de culturelles et institutionnelles de tout programme de sécurité et les critères esthétiques, entre autres. Alors reconstruction. Contrairement aux plans traditionnels, que les plans directeurs adoptent une vue d’ensemble les plans stratégiques sont conceptuels et ne portent du territoire, les codes de zonage et les autres codes pas en détail sur tous les éléments favorisant la crois- municipaux définissent des normes pour chaque bien sance à long terme d’une ville. Les plans stratégiques immobilier et chaque usage. doivent identifier les ressources culturelles et inclure Pour les territoires urbains historiques, les systèmes la question de leur gestion. réglementaires incluent des ordonnances, lois ou décrets Les plans directeurs. Un plan directeur est un instru- – spéciaux relatifs à la gestion du patrimoine urbain matériel ment réglementaire tourné vers l’avenir et couvrant et immatériel, qui tiennent compte des valeurs sociales plusieurs années, qui oriente de manière systématique et environnementales de ce patrimoine. Le cas échéant, l’évolution et le développement. Il peut porter sur un les systèmes traditionnels et coutumiers doivent être territoire tout entier (ville ou région), ou bien sur une reconnus et renforcés. Après une crise, les systèmes zone plus restreinte en cours de réaménagement. Qu’ils réglementaires fournissent les moyens juridiques de concernent la revitalisation d’un quartier ou d’un territoire protéger les territoires urbains historiques face à des tout entier, les plans d’utilisation des sols ont en commun litiges éventuels liés à des questions complexes d’hé- une structure et certains éléments. Ils évaluent tous les ritage et de droits de propriété (dotations religieuses, conditions actuelles par le biais d’analyses économiques absence des propriétaires, etc.). Ils régissent également et sociales, de cartes et de statistiques. Ils anticipent les la pression exercée par le secteur privé et les intérêts futures difficultés auxquelles sera confrontée la région, de ses acteurs. proposent des objectifs et des solutions politiques à Le Plan d’aménagement spatial de Sarajevo 2003-2023 est moyen et long termes et préparent leur mise en œuvre un bon exemple de plan directeur incluant la reconstruction sur une période de trois à dix ans. Il faut souligner que des territoires historiques. Considérant les coutumes et pour être solide, un plan directeur doit inclure à la fois l’identité culturelle comme des atouts essentiels pour le les tissus physiques et sociaux du territoire concerné développement urbain, il souligne l’importance du cœur en tenant compte aussi bien des besoins (par exemple historique de la ville et la nécessité de préserver en en matière d’amélioration des systèmes de transport) urgence ses caractéristiques spatiales (image, structure que du caractère de ce territoire. Un plan directeur et forme). Le plan distingue trois zones : (a) le territoire s’attache notamment à créer des espaces publics urbain historique élargi, qui correspond à la zone inscrite nécessaires au rassemblement communautaire, mais sur la Liste indicative du patrimoine mondial, (b) le cœur aussi à répondre aux besoins des différents secteurs de urbain historique et (c) la vieille ville, protégée par la l’économie locale. Une planification solide et proactive règlementation la plus stricte. Le Plan d’aménagement s’appuie sur l’idée que les besoins humains peuvent spatial de Sarajevo dresse également la liste de 891 stimuler la reconstruction physique. biens du patrimoine culturel se trouvant sur le territoire Les plans spécialisés. Les plans d’utilisation des sols – des municipalités de Stari Grad et Centar40. Un autre sont souvent liés à d’autres efforts de planification. exemple de plan adopté après une catastrophe à Bagan, Des plans régionaux ou nationaux couvrant plusieurs au Myanmar, est présenté dans l’encadré 17. territoires sont souvent créés pour améliorer la coordi- Composant 2.3. Engagement civique : absolument essen-  nation gouvernementale et la coopération entre diffé- tielle, la participation des communautés à toutes les rentes villes et/ou leurs zones périurbaines. Des plans activités de reconstruction et de relèvement est à la spécialisés doivent être mis au point pour orienter les fois un moyen et une fin. Au cours de la planification, 39. Metternicht, 2017. 40. Gouvernement du canton de Sarajevo, 2006. 43 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Améliorer la gestion des risques de 17 l’équipe doit évaluer les dynamiques, les capacités et catastrophe sur les sites du patrimoine le capital social des communautés touchées par une crise afin d’identifier la manière dont elles peuvent être culturel de Bagan, Myanmar impliquées dans les processus de reconstruction et de relèvement. Cette démarche d’évaluation doit donc faire appel à une grande variété de parties prenantes. Il s’agit de leur donner les moyens d’identifier les valeurs fondamentales de leur territoire urbain, de développer des visions qui rendent compte de leur diversité, de fixer des objectifs et de choisir les actions qu’elles mettront en œuvre pour protéger leur patrimoine et promouvoir le développement durable. Ces outils, qui font partie intégrante de la dynamique de gouvernance urbaine, stimulent le dialogue interculturel : en effet, ils favorisent le partage de connaissances sur l’histoire, les traditions, les valeurs, les besoins et les aspirations des différentes communautés et ils facilitent la médiation et la négociation entre des groupes aux intérêts parfois divergents. Si en cas de danger grave et immédiat la simple diffu- sion d’informations aux communautés peut suffire, dans la plupart des situations il convient de leur donner les moyens d’agir. D’ailleurs, depuis quelques années la participation communautaire fait progressivement place à un véritable engagement41. Il est nécessaire d’encourager des interactions authen- Vue de la vieille pagode à Bagan, Myanmar, toujours tiques, au cours desquelles les citoyens sont incités à en reconstruction après le séisme de 2016. s’exprimer et voient leurs points de vue pris en compte, © Boyloso / Shutterstock.com* à condition toutefois que leur sécurité immédiate soit garantie. Une telle démarche participative peut être difficile à mettre en place lorsque les autorités nationales, souvent Après le séisme qui a frappé le Myanmar en 2016, représentées par un gouvernement de transition non élu, l’UNESCO et la Banque mondiale se sont associées revendiquent le droit de définir les priorités en matière de à d’autres partenaires pour soutenir les efforts de relèvement. Les consultations communautaires doivent relèvement pilotés par le Département d’archéologie et être aussi solides que possible pour que de nouveaux des musées nationaux, entité du ministère des Affaires schémas de confiance puissent émerger. religieuses et de la Culture. Le Plan de gestion des risques de catastrophe de Bagan, premier instrument de ce type adopté par le Myanmar, a été développé Phase 3. Financement avec le soutien de la Banque mondiale et du gouver- Après une crise, l’obtention et la gestion de fonds peuvent nement du Japon. Permettant de mieux comprendre être de véritables défis. Pendant la reconstruction et le les risques auxquels est exposée la ville de Bagan, il relèvement, les fonds disponibles fluctuent et il est donc propose des cadres de gestion pertinents et met en difficile de gérer efficacement la trésorerie. Pour financer pratique les mesures actuelles en matière de gestion la reconstruction, les villes doivent s’appuyer sur des fonds des risques de catastrophe (GRC). L’élaboration de publics et privés. Le processus commence habituellement ce plan a rassemblé un grand nombre de parties grâce à un important investissement immédiat du secteur prenantes  : ministères de gouvernements, agences public pour la réhabilitation des infrastructures et des sous-nationales, experts internationaux et nationaux, logements. Puis il faut faire appel à des investissements communautés locales et représentants du secteur gouvernementaux et à des actifs publics pour attirer des privé chargés d’assurer à l’avenir la gestion et la investisseurs du secteur privé. Les investissements dans protection de Bagan. la résilience urbaine sont plus ou moins rentables. Certains sont des investissements directs dans des biens publics par les gouvernements ou des donateurs ; ils ne génèrent pas directement de retours viables sur le marché. Toutefois ils peuvent avoir un effet positif indirect sur la croissance économique de la ville et renforcer la confiance du secteur L’expérience montre que lorsque les membres des communautés 41.  sont traités comme les destinataires passifs d’une campagne d’information, ils le ressentent comme une atteinte supplémentaire à leur pouvoir d’autodétermination et d’action, déjà remis en cause par le conflit lui-même. 44 3. Mise en œuvre du Cadre CURE privé vis-à-vis du processus de reconstruction. D’autres les registres fonciers disparaissent. Par conséquent la investissements ne sont pas assez transparents ou sûrs gestion des ressources foncières des territoires urbains pour attirer les capitaux du secteur privé. Dans ce cas, le après une crise est un pilier de toute stratégie de recons- gouvernement ou les donateurs internationaux peuvent truction. Dans ce domaine, la culture a un rôle important mettre en place des mécanismes de transfert de risque à jouer car il faut pouvoir compter sur les institutions ou de rehaussement/garantie des crédits pour créer un locales (notaires, etc.), sur les mécanismes traditionnels climat plus propice aux investissements. Autre possibilité, de résolution des litiges et sur la participation efficace le gouvernement peut s’appuyer sur des financements des communautés. assortis de conditions libérales en renversant l’équilibre Dans les villes comptant de nombreux établissements risque-retour sur investissement et en réduisant les risques informels, les crises peuvent devenir une occasion de grâce un capital souple et à des conditions favorables. normaliser le régime de propriété foncière. Cette norma- Enfin, dans les dernières phases de la reconstruction, les lisation, reposant sur la délivrance de titres de propriété, investissements peuvent donner lieu à des retours viables a d’importantes répercussions sociales, économiques et sont donc susceptibles d’attirer le secteur privé. Il faut et politiques. Elle permet notamment d’améliorer les pour cela un climat suffisamment stable et solide, qui ne revenus, la productivité, l’accès aux crédits, les investis- revient généralement que plusieurs années après la crise42. sements dans la construction résidentielle et l’éducation. On distingue trois composants au financement des projets Après une catastrophe, alors qu’une grande partie de la de reconstruction et de relèvement, détaillés ci-dessous. population est déplacée, le chaos peut régner dans les communautés et les droits des locataires et des résidents Composant 3.1. Identification des sources de financement :  d’établissements informels peuvent être remis en cause. une fois que les sources de financement ont été identi- La normalisation du régime de propriété foncière est un fiées et que des fonds fiables ont été mis à la disposition élément important dans toute politique de reconstruction de la ville pour commencer sa reconstruction, un plan et de relèvement à long terme qui se veut durable, car d’investissement en capital peut être mis au point. Après elle garantit sécurité et stabilité aux résidents. des catastrophes naturelles ou des conflits majeurs, Selon leurs capacités de gouvernance et les moyens c’est généralement une agence nationale qui supervise le techniques dont elles disposent, les villes se dotent décaissement des fonds nécessaires à la reconstruction parfois de registres de propriété numériques. Il arrive locale. C’est ce qui se fait habituellement dans la plupart toutefois qu’ils soient détruits pendant des catastrophes des pays en développement où les gouvernements natio- ou des conflits. Dans les cas les plus graves, les villes qui naux ou régionaux ont plus de pouvoir que les autorités conservent des registres sur papier peuvent en perdre locales. Cela étant, les gouvernements locaux doivent toute trace si leurs archives sont détruites par un incendie disposer de systèmes de gestion des finances publiques ou un incident causant d’importants dégâts matériels. fiables s’ils veulent utiliser ces fonds efficacement et Même lorsqu’ils existent, ces registres sur papier sont dans les délais prévus. généralement écrits à la main et souvent contestables. Le calendrier de financement de la reconstruction post- L’absence de preuve formelle de propriété complique crise peut reprendre le format d’un plan d’investissement la mise en œuvre de la stratégie de reconstruction car en capital. Cependant, le processus de reconstruction il est plus difficile de savoir à qui accorder des subven- ne suit généralement pas les cycles et les procédures tions ou des prêts pour reconstruire des structures budgétaires classiques. Du fait de l’urgence, le processus endommagées. Il est important de mettre au point des de reconstruction post-crise doit être plus rapide et plus systèmes d’administration foncière capables de soutenir souple. Cette souplesse est très utile car dans les situa- les marchés fonciers et les systèmes de contrôle de tions post-crise, les conditions changent si rapidement l’utilisation des sols. En particulier après une catastrophe qu’il est impossible d’attendre que le gouvernement de grande ampleur, des systèmes efficaces de gestion central prenne les décisions budgétaires qui s’imposent, de la propriété foncière peuvent avoir des avantages sous peine de causer des retards inacceptables43. socio-économiques importants, parmi lesquels l’amé- Composant 3.2. Gestion des ressources foncières : dans  lioration de l’inclusion sociale et de l’accès au crédit, la de nombreuses villes des pays en développement, les simplification de la résolution des litiges fonciers et la terrains sont possédés par diverses entités et les droits de réduction de la pauvreté44. propriété ne sont pas toujours aussi clairement définis que L’Indonésie a donné récemment un bon exemple de dans des pays plus avancés. L’installation d’établissements gestion efficace des ressources foncières. Plus de 3 000 informels, l’absentéisme des propriétaires, la présence familles vivaient aux abords du volcan Merapi, dans une de locataires et les dotations religieuses sont autant zone à risque. Le programme REKOMPAK a permis de de facteurs qui rendent cette question de la propriété reloger 2  516 d’entre elles en très peu de temps, sur foncière très complexe. La situation se complique encore la base du volontariat. Les gouvernements locaux ont davantage après une crise, car la plupart des résidents participé aux démarches liées à l’achat et à l’échange déménagent ou sont forcés à quitter leurs logements. de terrains. Plus de 1  600  familles touchées ont reçu Il est également fréquent que les actes de propriété et des actes de propriété pour des terres cultivables45. Le 42. Banque mondiale, 2016a. 44. Amirtahmasebi et al., 2016. 43. Fengler et al., 2008. 45. Kurniawan et al., 2017. 45 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes programme REKOMPAK a été conçu de manière à donner réglementaires nationaux et locaux en vigueur et/ou le aux communautés les moyens de diriger elles-mêmes droit coutumier. Une fois la période de relèvement initial les efforts de reconstruction et de relogement et de terminée, la ville entre dans la phase de reconstruction à collaborer efficacement avec les gouvernements locaux. long terme et les praticiens peuvent commencer à faire appel à des investissements du secteur privé pour la Composant 3.3. Récupération des plus-values foncières :  financer, en s’appuyant sur des redevances d’impact, des La récupération des plus-values foncières (ou LVC, pour contributions des promoteurs, des quartiers d’affaires, land value capture) est un terme générique utilisé pour des prélèvements sur les plus-values et des évaluations décrire plusieurs mécanismes de financement utilisés par spéciales le cas échéant. Il est de règle de faire preuve de les villes pour exploiter la valeur du foncier et financer les prudence et de respecter le contexte local pour utiliser infrastructures urbaines. L’objectif est de capter, le cas ces outils, afin de préserver des valeurs patrimoniales échéant, une partie des plus-values foncières résultant importantes. des investissements publics dans les infrastructures ou les modifications réglementaires (changement d’affecta- Composant 3.4. Réajustement foncier : Le réajustement  tion des terrains, densification, etc.). Il est entendu que foncier est le principe qui permet aux propriétaires terriens ces plus-values foncières découlant de l’action publique de mettre en commun leurs terres afin de lancer un projet doivent être partagées entre les propriétaires des terrains de réaménagement, avec le soutien du gouvernement et la population générale. C’est pourquoi elles peuvent local. Celui-ci utilise habituellement une partie de ces être utilisées pour financer les infrastructures des villes. terres mutualisées pour développer des infrastructures La LVC ne fonctionne que si le marché foncier est en qui augmentent par conséquent la valeur des terrains cours de normalisation, si elle est soutenue par un cadre restant, lesquels sont ensuite restitués aux propriétaires de réglementation et de gouvernance approprié et si les d’origine. À l’issue de ce processus, chaque propriétaire registres de propriété sont disponibles. Les produits de la obtient donc une plus petite parcelle, mais sa valeur est LVC peuvent être particulièrement utiles pour financer les désormais plus élevée car elle accueille des infrastruc- investissements culturels, notamment ceux concernant tures et permet un réaménagement plus dense. Par le patrimoine culturel, les infrastructures et les industries conséquent, le gouvernement local n’a pas besoin de culturelles et créatives. consacrer des moyens importants à l’achat de terrains pour On distingue en général deux catégories de LVC : les la construction d’infrastructures. Le réajustement foncier instruments de récupération des plus-values à base fiscale doit reposer sur un processus transparent qui garantit ou forfaitaire d’une part ; et d’autre part les instruments une protection adéquate aux propriétaires d’origine et aux de récupération des plus-values fondés sur le dévelop- occupants, car les conflits et les catastrophes entraînent pement. Les premiers modèles de LVC appartenaient à souvent le déplacement des premiers résidents. la première catégorie. Ils prenaient la forme de frais ou Ce mécanisme présente un avantage majeur : il peut d’évaluations destinés à couvrir tout ou partie des coûts être mis en œuvre quel que soit le régime de propriété d’amélioration des infrastructures. Citons par exemple foncière en vigueur dans les villes concernées (formel parmi ces instruments les prélèvements sur les plus-va- ou informel). S’il est appliqué dans une ville dont les lues, les districts d’évaluation spéciale et les taxes sur résidents n’ont pas de droit officiel sur les terrains qu’ils l’impact. Surtout utilisés en Asie, les instruments de LVC occupent, le gouvernement local peut passer un accord fondés sur le développement reposent davantage sur avec eux pour mutualiser les terrains, construire des l’esprit d’entreprise. Contrairement à leurs homologues infrastructures et transférer ensuite les droits de propriété nord-américaines, les compagnies ferroviaires privées à la communauté. Au Japon et en Europe, où des cadres de Hong Kong et du Japon ont pu financer et gérer des juridiques et institutionnels plus sophistiqués ont été aménagements de grande ampleur autour des principales mis en place, le réajustement foncier peut être utilisé plateformes de transit. Elles se sont pour cela appuyées pour les projets plus poussés, consistant par exemple sur des mécanismes de LVC tels que le réajustement à étendre les infrastructures à de nouvelles zones de foncier et la vente de droits d’aménagement46. la ville en échange de réglementations permettant une Le processus de reconstruction post-crise est l’oc- densité plus forte dans d’autres, ce qui représente une casion pour les villes d’utiliser certains de ces outils, hausse des plus-values foncières pour les propriétaires. le cas échéant. Cependant, comme cela a été dit plus Puisque les projets de réajustement foncier supposent haut, ces outils ne sont pas appropriés pour la période généralement la mise en commun de plusieurs lots de qui suit immédiatement la crise, pendant laquelle la terres, ils peuvent endommager les schémas fonciers principale préoccupation des villes et des communautés traditionnels qui caractérisent certains territoires histo- est de fournir les services les plus élémentaires et un riques. Dans de telles zones, ce mécanisme doit donc être hébergement d’urgence aux personnes déplacées. Ils ne réservé à des cas exceptionnels : lorsque les parcelles conviennent pas non plus dans les territoires historiques sont de forme inhabituelle ou résultent de divisions caractérisés par un tissu urbain qui ne permet pas la récentes, par exemple. La priorité doit rester la conser- densification ou le changement d’affectation des terrains. vation du patrimoine architectural et urbain et du tissu Ces instruments doivent également respecter les cadres urbain traditionnel. Par exemple, à Séoul, les projets de réajustements fonciers ont entraîné la disparition des allées traditionnelles, structures patrimoniales importantes qui 46. Suzuki et al., 2015 46 3. Mise en œuvre du Cadre CURE témoignaient de la croissance de Séoul et de son identité. structure historique à des fins spécifiques, par exemple La vieille ville de Séoul s’est développée selon un plan pour financer des travaux d’entretien ou de réhabilitation. précis, mais elle avait pour particularité de respecter Elles peuvent aussi être accordées à des ONG agissant le cadre naturel dans lequel elle s’inscrivait. Au lieu de pour la préservation et la conservation des monuments respecter un plan en damier, les routes et les bâtiments historiques. Elles peuvent prendre la forme de dotations traditionnels n’étaient pas orientés au sud-ouest mais globales versées aux propriétaires, ou bien de dotations suivaient le sens des cours d’eau47. En outre, les allées affectées versées aux organismes de mise en œuvre. se trouvant derrière les routes principales avaient des Dans le cas des dotations globales, le propriétaire d’une tracés irréguliers car elles ont été formées progressi- structure historique peut faire une demande de subvention vement par les résidents eux-mêmes48. Cette structure visant à préserver ou à réhabiliter son bien, quand elle ne particulière a néanmoins été perdue lorsque les terres lui est pas versée par défaut. Ces subventions montrent et les routes ont été réorganisées en ligne droite. Même que le gouvernement considère les propriétaires de si le réajustement foncier a permis d’améliorer le réseau structures historiques comme des dépositaires de l’intérêt routier public, cela s’est fait au détriment d’une partie du général. Le processus d’attribution de ces subventions patrimoine urbain de Séoul. doit être transparent et responsable. Le gouvernement local peut, dans une démarche similaire, accorder des Composant 3.5. Outils de financement gérés par les villes :  prêts à taux réduit pour la conservation des bâtiments si la plupart des ressources financières et des décisions historiques appartenant à des particuliers. politiques concernant la reconstruction à grande échelle Les incitations indirectes fonctionnent de la même proviennent du gouvernement central, les gouvernements manière que les incitations directes, mais elles ne reposent locaux peuvent également user de leur pouvoir régle- pas sur un transfert de fonds entre l’État et le proprié- mentaire pour faciliter et encourager le développement taire du bien concerné. Elles prennent surtout la forme pendant la reconstruction. Les autorités municipales d’incitations fiscales (réduction de la taxe foncière ou de peuvent mettre en place des mesures incitatives ou l’impôt sur le revenu du propriétaire, par exemple). Les des règlements pour créer des marchés immobiliers avantages fiscaux sont de bons outils pour favoriser le attractifs et stimuler le réaménagement après une crise, développement post-crise lorsque le marché foncier n’est notamment lorsque le marché privé n’est pas encore pas suffisamment solide. Des incitations fiscales soigneu- suffisamment solide pour investir à nouveau. Les respon- sement choisies et bien conçues peuvent se révéler très sables municipaux peuvent également accompagner le utiles pour absorber des capitaux du secteur privé et marché jusqu’au moment où les dynamiques marchandes les réinjecter dans la reconstruction. Elles peuvent être retrouvent leur force. Les instruments politiques à mettre accordées à des promoteurs du secteur privé ou à des en place dans ce domaine ne supposent pas d’échange particuliers propriétaires de bâtiments dans les quartiers de fonds entre le gouvernement et le secteur privé. Par historiques, afin de stimuler le marché immobilier. Cela conséquent, ils ne nécessitent pas de dépenses de étant, cet outil fonctionne uniquement dans les villes trésorerie immédiates. Ils permettent simplement de disposant de plans clairs, d’un cadre réglementaire solide stimuler le marché et d’inciter les propriétaires terriens et de systèmes fiscaux efficaces. privés à investir dans la reconstruction post-crise. D’un D’autres types d’incitation indirecte existent, parmi autre côté, les mesures fiscales facilitent l’échange de lesquels les prêts et les garanties. Le calcul de ces inci- fonds entre le gouvernement et la communauté pour tations doit être basé sur des équations tenant compte promouvoir la reconstruction. des montants nécessaires à la réalisation de projets de Le transfert des droits d’aménagement est l’un des outils reconstruction, de la part prise en charge par les gouver- innovants dont dispose le gouvernement local. Les droits nements locaux et nationaux et de la part couverte par d’aménagement peuvent faire l’objet d’une transaction les propriétaires. De telles incitations peuvent transférer entre un propriétaire, dont les possibilités sont limitées le risque d’un niveau de gouvernement à un autre. par la valeur historique de la structure concernée, et un promoteur qui aura plutôt tendance à aménager une parcelle de terrain dans un autre quartier de la ville où Phase 4. Mise en œuvre les densités autorisées par le code de zonage sont plus Une fois achevées toutes les étapes précédentes – inventaire élevées. Dans ce cas de figure, la surface utile autorisée des dommages et pertes, engagement de la communauté, mais non bâtie couverte par des bâtiments historiques peut élaboration d’une vision, identification des besoins et être transférée dans d’autres quartiers à la densité plus préparation des plans de financement – un cadre de mise élevée. De cette manière, les coûts liés à la conservation en œuvre peut être développé. La phase de mise en œuvre sont supportés par plus de parties prenantes et non pas rassemble tous les éléments des phases antérieures du seulement par le propriétaire de la structure historique. cycle de reconstruction. Pour cela il faut mettre en place un Les incitations directes ou indirectes sont d’autres cadre institutionnel qui garantit la pérennité du processus outils permettant d’encourager le développement post- et divise la mise en œuvre en une séquence logique d’acti- crise. Les incitations directes les plus courantes sont les vités. L’élaboration d’un procédé de mise en œuvre clair est subventions. Elles sont allouées aux propriétaires d’une essentielle pour la réussite des opérations de reconstruction et de relèvement post-crise. La phase de mise en œuvre 47. Seoul Development Institute, 2005. 48. Ibid. compte trois composants décrits ci-dessous. 47 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Composant 4.1. Dispositions institutionnelles : Une structure  Adopter un modèle de gestion hybride 18 de gestion de la reconstruction et du relèvement doit être pour la reconstruction après une établie en adoptant une vision à long terme. Elle doit piloter catastrophe : l’exemple de Kobe, Japon toutes les activités, de la prise en charge des urgences au retour à la gouvernance normale et à une situation stable en passant par la phase de relèvement49. Certaines villes gèrent en interne le processus de reconstruction en réorganisant les bureaux et les organismes existants pour les intégrer au cadre actuel de gouvernance urbaine. Dans d’autres cas, une agence gouvernementale centrale disposant de compétences d’urgence prend en charge les premières étapes du processus avant de passer la main progressivement aux municipalités locales. Parfois, les villes s’appuient sur des agences de développement ou d’aménagement qui possèdent déjà les compétences nécessaires à une reconstruction efficace et qui maîtrisent les mécanismes d’autorisation et de développement50. Monument commémoratif du tremblement de terre de Une étude récente a examiné plusieurs processus de Hanshin, Kobe, Japon. © Tishomir /Shutterstock.com* reconstruction et de relèvement à travers le monde51. Le rapport qui en découle présente ces pratiques mondiales L’expérience de la reconstruction de la ville de Kobe, en fonction de leurs dispositions institutionnelles et de au Japon et du corridor urbain reliant le sud de la leurs structures de gestion. Confrontés à des catas- préfecture de Hyogo et la baie d’Osaka après le trophes de grande ampleur qui dépassent les frontières séisme de 1995, est un bon exemple de gestion régionales et nationales, les gouvernements centraux hybride. Pour gérer le relèvement, le gouvernement ne se chargent pas seulement de mobiliser une grande national a créé une Division de la restauration sous variété de ressources financières provenant des réserves tutelle du cabinet du Premier ministre, qui rassemblait nationales et de donateurs internationaux. Ils sont égale- plusieurs ministres du gouvernement. Chaque minis- ment activement impliqués dans la gestion du processus tère a joué un rôle dans le financement et l’exécution de relèvement et créent pour cela des organisations au des politiques et la Division a assuré une fonction niveau national. Après le séisme qui a frappé la région de contrôle. La mise en œuvre de ces politiques a de Wenchuan (Chine) en  2008, une Division générale toutefois été décentralisée, ce sont les gouvernements pour les secours en cas de séisme a été établie au sein locaux qui s’en sont chargés. Par ailleurs un conseil du gouvernement chinois. Son mandat lui a été confié consultatif national a été mis en place, rassemblant par les plus hautes sphères du pouvoir. Ce mécanisme des urbanistes, des universitaires, des représen- a permis une reconstruction physique rapide. Cela étant, tants du monde de l’entreprise, le maire de Kobe et la reprise économique s’est avérée inégale et inéquitable le gouverneur de la préfecture de Hyogo. Au niveau car le gouvernement local n’était pas représenté lors de local, la ville de Kobe a créé une Division consacrée au la prise de décisions et les communautés n’ont pas été relèvement, placée sous l’égide du maire, ainsi qu’un suffisamment impliquées dans les activités de relèvement. comité de planification du relèvement comptant 27 À l’inverse, un modèle décentralisé de gestion du membres, dont des fonctionnaires et des spécialistes relèvement mobilise plusieurs organisations à différents de disciplines diverses. Cette structure a évolué au niveaux du gouvernement. Les systèmes décentralisés fil de la planification puisque la ville a ensuite créé un de gestion de la construction font de l’élaboration de conseil de planification de la restauration composé de politiques locales une priorité. Ils bénéficient pour cela 100 parties prenantes et universitaires. Ce groupe a du soutien du gouvernement national, notamment en traduit la vision et les directives en un projet de plan matière de coordination des démarches. L’Inde, l’Indo- de relèvement53. nésie et les États-Unis d’Amérique ont privilégié cette approche lorsqu’ils ont été touchés par des catastrophes. 53. Ibid. Habituellement, le gouvernement national (ou le gouver- nement de l’État concerné dans le cas de l’Inde) assure différents niveaux du gouvernement mais restent sous une fonction de coordination et de soutien qui s’étend l’égide du gouvernement central. aux différents niveaux du gouvernement et aux autres Plus tard, à mesure que la situation des villes se stabilise, institutions participant à la gestion du relèvement52. Il le secteur privé peut prendre une place plus importante existe aussi des modèles hybrides qui associent des dans les activités de reconstruction. Il peut interagir avec systèmes centralisés et décentralisés. Ils impliquent le secteur public dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) qui peuvent aller de simples contrats de gestion où 49. Johnson, 2014. le secteur privé tient le rôle de prestataire de services à 50. Ibid. des modèles « conception – construction – exploitation 51. Johnson et Olshansky, 2016. – transfert », sans oublier les co-entreprises. 52. Ibid. 48 3. Mise en œuvre du Cadre CURE Dans certaines circonstances une société d’aménage- potentiels liés à la conception et à la mise en œuvre du ment urbain peut être constituée pour prendre en charge processus de reconstruction : dépassement des budgets les efforts de reconstruction, à condition qu’elle agisse et des délais, etc. Les risques financiers sont aussi sous le contrôle des gouvernements locaux. Ces sociétés multiples. Ils sont liés à la variabilité des taux d’intérêt doivent disposer de solides compétences techniques, et des taux de change ainsi qu’à d’autres facteurs qui notamment dans les domaines de la culture, du patrimoine influent sur les charges financières. Les retards éventuels, et de la communication. Semi-autonomes, elles travaillent notamment pendant la phase de conception du projet en dehors des cadres juridiques restrictifs régissant la de reconstruction, constituent un autre risque, car ils fonction publique (notamment en ce qui concerne le peuvent entraîner le retrait de certains acteurs. Sources recrutement et l’approvisionnement). Par conséquent de déception pour les résidents et les communautés, leur action n’est pas entravée par la bureaucratie qui ces retards mettent également en péril la pérennité d’un ralentit parfois les efforts de reconstruction pilotés par projet de reconstruction. La perte d’authenticité ou de le secteur public. Les sociétés d’aménagement sont sens est un autre risque inhérent au processus. Dans habilitées à travailler dans un territoire géographique le domaine de la conservation urbaine, le recours à des spécifique porteur de valeurs historiques et/ou culturelles techniques et à des matériaux de construction traditionnels importantes. Elles traitent les problèmes et les obstacles peut contrarier les objectifs politiques qui privilégient la qui perturbent la reconstruction et le relèvement dans rapidité de la reconstruction. C’est pourquoi la recons- les territoires historiques, tout en créant un mécanisme truction ne devrait pas suivre le même rythme dans les permettant aux différentes parties prenantes de partager quartiers modernes et dans les quartiers historiques. Il les coûts mais aussi les retombées positives de ces efforts. est important de faire participer à la mise en œuvre des Les territoires urbains historiques ciblés doivent être artisans maîtrisant les techniques traditionnelles. délimités assez largement pour englober les principaux Pendant la reconstruction post-crise, les enjeux sont monuments, les structures et les bâtiments significatifs, encore plus grands car une partie du capital humain et les jardins et les espaces ouverts, les schémas d’utilisation social a été détruite et les habitants sont encore marqués des sols et d’organisation spatiale, les perceptions et les par les traumatismes subis. Plusieurs risques peuvent rapports visuels entre ces éléments ainsi que tous les mettre à mal les travaux de construction pendant la mise autres aspects pertinents de la structure urbaine. Lors en œuvre du projet, notamment le mécontentement de de la délimitation du champ d’application du projet, il certains groupes communautaires et organisations de la faut également tenir compte des pratiques et des valeurs société civile. Après une crise, l’instabilité politique et les sociales et culturelles, du fonctionnement de l’économie bouleversements réglementaires peuvent être à l’origine de et des dimensions immatérielles du patrimoine concer- risques politiques supplémentaires. Il est donc important nant la diversité et l’identité, afin de garantir l’efficacité que dans le cadre de partenariats public-privé-société de la stratégie de reconstruction et de l’aménagement civile les risques soient biens répartis et pèsent sur les urbain choisi. entités qui sont les mieux à même de les gérer54. Toutefois, L’étape suivante consiste à créer la société d’aména- ce partage des risques peut-être très compliqué dans gement et à définir son mandat. Une fois constituée, une des contextes marqués par des tendances économiques société peut représenter toute une variété de parties fondamentales fluctuantes, des tensions sociales et une prenantes  : habitants des territoires concernés, inves- stabilité encore précaire. tisseurs extérieurs, gouvernements locaux, etc. Cette Composant 4.3. Stratégie de communication et d’enga-  représentation peut prendre des formes diverses : parts gement : les programmes de reconstruction et de relè- vendues à des actionnaires, formation d’un conseil d’ad- vement doivent être définis par l’ensemble des parties ministration ou d’autres structures organisationnelles prenantes - y compris les gouvernements nationaux et qui permettent la participation et la coopération des locaux, les institutions internationales, les agences de différents partenaires. L’expérience de la reconstruction développement, la société civile, les organisations pour du centre-ville de Beyrouth montre bien que l’exclusion la jeunesse et les communautés concernées - afin d’in- de la population locale de la zone concernée peut avoir suffler un sentiment d’appropriation et d’appartenance des effets contre-productifs. Il est donc essentiel de tout au long des processus de planification et d’élabo- déterminer dès le départ la manière dont la population ration des politiques. Une stratégie de communication et le gouvernement local garderont le contrôle sur le et d’engagement efficace passe par : projet. Les sociétés d’aménagement sont habilitées à préserver le patrimoine urbain de la zone concernée, La cartographie des initiatives existantes sur le terrain et – tout en veillant au respect des codes de la construction des bonnes pratiques, afin d’identifier des partenaires - en réhabilitant les infrastructures et en restaurant les institutionnels et financiers potentiels. services. Dans certains cas, elles ont aussi un pouvoir La reconnaissance de l’importance des espaces publics – d’expropriation et de gestion des processus de reloca- et civiques pour la réussite du processus collectif lisation et de compensation. d’apaisement après un conflit. Composant 4.2. Gestion des risques : tout projet de  construction de grande ampleur comporte des risques. Les risques de construction sont tous les problèmes 54. Lindfield, 1998. 49 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes La sauvegarde du patrimoine comme vecteur de résilience communautaire à Katmandou, 19 Népal et la police, pour qui la priorité était de sortir les survivants des décombres, se sont très peu intéressées aux structures patrimoniales ; et l’absence de protocoles clairs en matière de protection du patrimoine a aggravé cette situation. Trois ans plus tard et grâce à l’action d’un gouvernement consolidé, les PDNA et leurs solutions ont pu être améliorées et mises à jour. L’Autorité pour la reconstruction du Népal est désormais bien établie et elle exécute un vaste programme qui inclut la reconstruction des sites du patrimoine. En janvier 2018, 79 chantiers étaient achevés et 314 se poursuivent. Place Bhaktapur, Katmandou, Népal. Il reste cependant des défis à relever. Le Département © filmlandscape / Shutterstock.com* d’archéologie a tenté d’imposer des directives strictes concernant la reconstruction du patrimoine, mais certaines Après le tremblement de terre de 1934 qui a tué plus de villes ne les ont pas respectées. La ville de Katmandou est 12 000 personnes, les séismes qui ont frappé le Népal le vivement critiquée par la communauté car elle n’a pas suivi 25 avril et le 12 mai 2015 ont été les plus puissants jamais ces directives  : elle a par exemple utilisé du béton pour connus dans le pays. En 2015, 200 personnes ont perdu la reconstruire l’étang Rani Pokhari, monument historique. vie dans l’effondrement de la Tour Dharhara, monument Le relèvement culturel a été un facteur d’unité pour la du XIXe siècle qui avait déjà été partiellement détruit par le communauté, mais sa mise en œuvre a été pour le moins tremblement de terre de 1934. De même, la place Durbar désordonnée. La communauté internationale peut tirer de de Katmandou a dû être reconstruite plusieurs fois après ces expériences plusieurs enseignements fondamentaux qui les secousses sismiques. vont au-delà de l’adoption de techniques de conservation Les répercussions de cette destruction du patrimoine sur innovantes. Il est crucial d’établir des services dédiés au la communauté locale sont apparues clairement au cours patrimoine culturel au sein des agences de protection civile des évaluations structurelles menées immédiatement après et de constituer un réseau de partage de connaissances les séismes de 2015. La rénovation des biens iconiques du favorisant la formation et la collaboration. À ce titre, les patrimoine est devenue un facteur d’unité qui a ravivé l’es- travaux du Forum européen de protection civile et le Défi du poir et encouragé l’action individuelle et communautaire, en partenariat des villes, lancé dans le cadre du Pacte mondial particulier chez les jeunes. La communauté internationale des Nations Unies, pourraient faire apparaître comme une s’est mobilisée pour fournir une aide d’urgence, secondée véritable priorité la résilience fondée sur le patrimoine et par des petites fondations et des ONG. Cependant l’armée pilotée par les communautés. – L’action en faveur d’une collaboration accrue entre moyens d’action55. Fondamentalement, une stratégie d’en- les institutions, les organisations de la société civile, gagement des parties prenantes doit faire en sorte que le les responsables des politiques publiques relatives à public soit bien informé sur les processus et les décisions la culture et aux arts et les porteurs d’initiatives pour prises. Les personnes intéressées peuvent être invitées la jeunesse. à des réunions publiques ou recevoir des informations de manière virtuelle. Après un conflit ayant entraîné la La prise en compte de l’évolution de la population des – relocalisation des groupes de population dans des zones territoires historiques et de l’émergence de nouvelles différentes, les médias de masse, les SMS et Internet communautés locales sous l’effet des conflits. sont de bons moyens de garantir l’accès à l’information. L’arbitrage entre des opinions contradictoires quant à la – La révolution numérique stimule fortement l’engagement valeur du patrimoine pour les différentes communautés et l’autonomisation des communautés. Les sites internet dans un contexte marqué par des tensions politiques et les réseaux sociaux peuvent faire partie intégrante de et identitaires, car la reconstruction peut également la stratégie de communication mise en œuvre autour des déclencher des conflits lorsqu’une communauté/auto- projets de reconstruction. Si l’accès à Internet est difficile, rité revendique des droits sur son patrimoine et rejette d’autres outils plus simples peuvent être utilisés pour celui des autres communautés. informer les communautés. Les kiosques et les recueils de données sont très utiles pour toucher un large public. La participation du public ne doit pas être réduite à une Lorsque le nombre de parties prenantes rend ces méca- simple démarche d’information des communautés. Il faut nismes plus difficiles à gérer, des communiqués de presse privilégier des modèles reposant sur la consultation, et des documents imprimés peuvent être distribués sur site. l’implication, la collaboration et la mise à disposition de 55. Association internationale pour la participation publique (IAP2) 50 3. Mise en œuvre du Cadre CURE Conservation et réhabilitation du patrimoine culturel après un séisme dans la vieille ville 20 de Lijiang, République populaire de Chine Lijiang, ville établie il y a plus de 800 ans au sud-ouest de la République populaire de Chine, est célèbre pour ses rues, ses ponts et ses bâtiments historiques bien préservés ainsi que pour son patrimoine culturel immatériel, et notamment celui de ses minorités. En février 1996, un séisme de magni- tude 7,0 a fait 309 morts et a endommagé de nombreuses infrastructures dont 410 000 habitations. Pourtant, grâce à des efforts importants de relèvement et de conservation du patrimoine culturel, la vieille ville de Lijiang a été inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO tout juste un an plus tard, en 1997. Vieille ville de Lijiang, Yunnan, République populaire de Chine. En réponse à ce séisme, la Banque mondiale a mobilisé © Chensiyuan 30 millions de $US de crédit pour la reconstruction des infrastructures et des logements, ainsi que 7 millions de $US processus de reconstruction et de relèvement mettaient pour la réhabilitation des biens du patrimoine culturel confor- à l’honneur l’engagement communautaire ; des comités de mément aux critères de sélection du patrimoine mondial. résidents ont évalué les programmes de réhabilitation des Ces investissements ont permis de réaliser d’importants logements et des groupes communautaires ont participé travaux, notamment : (i) le relèvement et l’amélioration des aux travaux de réparation. infrastructures endommagées, en respectant l’harmonie L’inscription de Lijiang sur la Liste du patrimoine mondial du paysage urbain  ; (ii) la réparation et la reconstruction a fait de la ville une véritable attraction touristique (près des habitations endommagées pour qu’elles soient plus de 40 millions de visiteurs s’y sont rendus en 2017) et a résistantes aux futurs séismes, sans que cela ne diminue fortement dynamisé l’économie locale. Les Plans de conser- leur valeur culturelle ; et (iii) la restauration, la réutilisation vation et de développement économique, tout comme les opportune et la gestion durable de la résidence de la famille Réglementations pour la conservation et la gestion de la Mu, l’un des emblèmes de la ville, pour accueillir les touristes vieille ville de Lijiang, faisaient état des dangers d’une crois- et préserver le patrimoine immatériel. Ces investissements sance trop rapide du tourisme. On constate en effet depuis ont aussi permis d’offrir une assistance technique : (i) évalua- quelques années qu’une trop forte fréquentation nuit à la tion des dommages ; (ii) mise au point des directives tech- qualité de vie des résidents et à l’expérience des touristes. niques pour la conception et la construction des habitations Avec l’aide de la Division provinciale du patrimoine culturel et à Lijiang ; et (iii) conseils pour favoriser le développement de l’Administration nationale du tourisme, le gouvernement du tourisme durable. de Lijiang a entrepris de réviser le plan de conservation et Aujourd’hui le relèvement de la vieille ville de Lijiang, de gestion de la ville, ainsi que le plan de développement et en particulier les directives de conception découlant économique et les réglementations relatives aux activités des du programme de la Banque mondiale, sont reconnus à entreprises. Ces mesures visent à équilibrer la conservation l’échelle internationale comme des pratiques exemplaires du patrimoine culturel et les différents besoins des parties en matière d’intégration de la conservation du patrimoine prenantes, mais aussi à développer un secteur touristique culturel dans la reconstruction post-catastrophe. Les qui fait passer la qualité avant la quantité. Par-delà la diffusion d’informations élémentaires, cette Pour consulter les communautés et collaborer avec elles, démarche est essentielle pour favoriser la collaboration entre l’équipe chargée du relèvement doit utiliser des outils qui les communautés et les équipes chargées de la recons- permettent aux habitants concernés de s’exprimer. Ainsi, la truction. Lorsque de grands groupes de parties prenantes communauté peut participer à la prise de décisions, partager diverses sont présents et prêts à s’engager, les équipes des informations et faire entendre son opinion. Parmi ces de reconstruction collaborent avec la communauté pour outils, citons les ateliers de discussion, les entretiens, les proposer des solutions et des scénarios alternatifs et les forums communautaires, etc. Pour obtenir la contribution évaluer. Dans le meilleur des cas, la communauté dispose des communautés, les nouvelles technologies peuvent être de moyens suffisants pour faire jouer son pouvoir de prise d’une grande aide. Il existe toute une variété d’outils qui de décisions. Pour qu’une communauté atteigne ce niveau permettent des interactions en ligne entre les membres d’autonomie dans la prise de décisions, il faut qu’un réseau des communautés et l’équipe responsable du projet. Par de leaders communautaires et d’organisations soit déjà exemple, de nombreuses parties prenantes peuvent parti- en place pour faire la liaison avec l’entité publique. Dans ciper en temps réel à des réunions publiques virtuelles un tel cas, les différents groupes culturels doivent avoir grâce à des systèmes de consultation électronique.  la possibilité de participer en étant sur un pied d’égalité. 51 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Conclusion 52 Conclusion C es dernières années, de nombreuses villes à travers le monde ont dû faire face à des chocs et des tensions intenses, qui les ont amenées à vivre des traumatismes et des problèmes humanitaires majeurs. À mesure qu’elles surmontent ces crises, les villes doivent réconcilier les communautés, promouvoir le développement écono- mique et gérer des transformations sociales, spatiales et économiques complexes. Les territoires historiques, autour desquels s’articulent les identités locales et qui représentent des atouts importants pour la vie économique, sont généralement touchés. L’expérience montre qu’il est particulièrement difficile d’œuvrer pour la réconciliation et la cohésion sociale dans les zones en conflit et de renforcer la résilience des communautés après un choc. Source essentielle de résilience, la culture peut stimuler d’autres secteurs de développement lorsqu’elle est intégrée à la planification, au financement et à la mise en œuvre de la reconstruction et du relèvement après une catastrophe ou un conflit. Les industries culturelles et créatives contribuent à la croissance économique, favorisent l’inclusion sociale et renforcent l’image d’une ville. Le patrimoine culturel, quant à lui, est une ressource indispensable pour le relè- vement d’une ville, la cohésion sociale et la réconciliation. Le patrimoine culturel d’une ville est ce qui fait sa particu- larité. Facteur d’attractivité et de compétitivité, il participe à son redressement économique. La culture joue donc un rôle essentiel dans les processus de reconstruction et de relèvement après une crise. S’inspirant du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et du Nouveau Programme pour les villes qui reconnaissent le rôle transformateur de la culture pour le développement urbain durable, ce document d’orientation affirme que la culture sous toutes ses formes est un outil efficace pour soutenir les programmes et les politiques de reconstruction et de relèvement. S’appuyant sur l’expérience de la Banque mondiale et de l’UNESCO en matière de reconstruction et de relèvement, ce document propose avec le Cadre CURE un modèle qui fait de la culture un pilier de la reconstruction et du relève- ment après une crise, en conciliant les approches centrées sur l’humain et les approches basées sur l’environnement physique dans un cadre complet. Le Cadre CURE adopte une approche fondée sur la culture pour veiller à ce que les besoins, les valeurs et les priorités des communautés soient au cœur des processus de relève- ment et de reconstruction. Il permet aussi de sauvegarder le patrimoine culturel immatériel, de favoriser l’inclusion sociale, de promouvoir la créativité et l’innovation et de stimuler le dialogue et les initiatives de consolidation de la paix. Les Ahwar du sud de l’Iraq : reconstruction à l’aide de techniques de construction traditionnelles et de matériaux locaux. © Jasim Al-Asady 53 La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes Trois grands messages peuvent se dégager du Cadre CURE intégrées s’appuyant sur ces stratégies vont promouvoir proposé dans ce document d’orientation: des démarches participatives fondées sur la culture et renforcer le rôle des communautés dans la gouvernance La culture joue un rôle essentiel dans les processus de 1.  locale. reconstruction et de relèvement après une crise : les instruments précédents encadrant la reconstruction La Banque mondiale et UNESCO souhaite que le Cadre et le relèvement post-crise ne tenaient pas pleine- CURE sous-tende largement la coopération politique et ment compte du rôle central de la culture dans ces opérationnelle entre ces deux institutions et soit utilisé processus. Ce document d’orientation et le Cadre CURE comme une source de directives opérationnelles et de visent justement à combler cette lacune. Essentielle au principes généraux importants. Ce Cadre servira de base redressement socio-économique, la culture est aussi à des directives techniques détaillées qui sont vouées à indispensable à une reconstruction physique durable, être élaborées avec l’ensemble des parties prenantes, dont et c’est pourquoi elle doit être intégrée à ce processus des agences de développement actives dans le domaine dès le début. Après une crise, la culture d’une commu- de la reconstruction et du relèvement, des organisations nauté – c’est-à-dire son patrimoine culturel matériel et culturelles internationales, des gouvernements nationaux immatériel et sa créativité – lui permet de reconstituer et locaux, des ONG et des communautés locales. son identité, de renforcer le tissu social urbain et de Pour conclure, ce document d’orientation soutient que promouvoir l’inclusion. Les processus de reconstruc- l’intégration de la culture dans les politiques de dévelop- tion et de relèvement doivent donc s’appuyer sur les pement urbain durable – s’appuyant sur le Cadre CURE connaissances et les savoir-faire traditionnels des pour gérer l’impact des crises urbaines – permettra de communautés locales et favoriser la transmission de faire émerger des villes ouvertes à tous, plus sûres, rési- leurs valeurs socioculturelles. Enfin, la culture peut lientes et durables. être, pour les villes, une ressource économique non négligeable, notamment grâce au tourisme durable et à l’économie créative. La culture doit être reconnue comme le fondement qui 2.  permet d’intégrer à la fois des politiques centrées sur l’humain et des politiques s’articulant autour de l’environ- nement physique : l’adoption d’une approche intégrée basée sur la culture garantit que les besoins, les valeurs et les priorités des communautés sont au cœur des processus de reconstruction et de relèvement. Cette approche intégrée favorise la réconciliation, la stabilité et le retour à une situation normale. Placer les individus au centre des stratégies basées sur l’environnement physique est un moyen de renforcer l’appropriation de ces processus par les communautés, de faire en sorte que les priorités sociétales soient bien prises en compte et de promouvoir le développement durable en reliant les infrastructures, les logements et les installations à la culture et aux identités des habitants amenés à s’en servir. Une telle démarche doit être soutenue par un gouvernement local solide. Concilier les approches centrées sur l’humain et les approches basées sur l’envi- ronnement physique aide à comprendre la culture d’une société, sa structure organisationnelle, ses normes, ses traditions, ses valeurs et ses priorités ; autant d’éléments indispensables pour préserver les identités culturelles et renforcer le sentiment d’appartenance à un lieu. 3. Pour être efficaces, les programmes de reconstruction et de relèvement des villes doivent intégrer la culture dans toutes leurs phases : évaluation des dommages et des besoins, définition du champ d’application, planifica- tion, financement et mise en œuvre. Les instruments de reconstruction et de relèvement existants peuvent être améliorés en y ajoutant la dimension culturelle, qui reconnaît les systèmes de valeurs des individus concernés et permet d’adapter les processus à leurs besoins et à leurs pratiques sociales. Les politiques 54 Bibliographie Bibliographie Agence italienne de coopération pour le développement. Banque mondiale. Multi-stakeholder review of post- Cultural Heritage and Urban Development in Lebanon conflict programming in Aceh: identifying the foundations (CHUD), 2016. for sustainable peace and development in Aceh (Vol. 2) : http://www.aicsbeirut.org/portal/en-US/cultural- Rapport complet (en anglais). 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S’appuyant sur l’expérience combinée de la Banque mondiale et de l’UNESCO, le document d’orientation «La culture dans la reconstruction et le relèvement des villes» fournit une feuille de route pour une réponse plus efficace aux situations de crise urbaine, post-conflit ou post-catastrophe, qui prend en compte les besoins, les valeurs et les priorités des individus. Le résultat est le cadre CURE, une approche innovante, qui intègre des approches centrées sur les personnes et basées sur le lieu dans des politiques intégrées partageant un fil culturel commun. Cette approche vise à guider les praticiens du développement, les autorités nationales et locales, les planificateurs et les organisations internationales à intégrer la culture, à la fois comme un atout et comme un outil, dans toutes les phases de la reconstruction et du relèvement de la ville. 9 789232 001610 62