Rapport No. AAA68 - MG Madagascar Après Trois Ans de Crise : Evaluation de la Vulnérabilité et des Politiques Sociales et Perspectives d’Avenir (En Deux Volumes) Volume I : Rapport Principal 29 mai 2012 Unité de Protection Sociale Développement Humain Région Afrique Document de la Banque Mondiale Tous droits réservés : Le présent rapport a été établi par les services de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale et les constatations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement celles de ses administrateurs ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données figurant dans la présente publication. 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Madagascar Devise (Taux de Change au 31 décembre 2011) Unité Monétaire = Ariary 1 $US = 2 273 Ar Année Fiscale du Gouvernement 1er janvier – 31 décembre Poids et Mesures Système Métrique Abréviations et Acronymes AFAFI « Protégeons la santé de la famille » (mutuelle de santé à Antananarivo) BNGRC Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes CCPREAS Cellule de Coordination des Projets pour la Relance Economique et des Activités Sociales CEFor Crédit Epargne et Formation CNaPS Caisse Nationale de Prévoyance Sociale CNGRC Conseil National de Gestion des Risques et des Catastrophes CNLS Comité National de Lutte contre le SIDA CPR Caisse de Prévoyance de Retraite CRCM Caisse de Retraite Civile et Militaire CRENA Centres de Récupération Nutritionnelle Ambulatoire CRENI Centres de Récupération Nutritionnelle Intensive CRS Catholic Relief Services (association humanitaire de l’église catholique des Etats -Unis) EDS Enquête Démographique et de Santé EFSRP Emergency Food Security and Reconstruction Project (Projet de Sécurité Alimentaire et de Reconstruction d’Urgence) EPM Enquête Périodique auprès des Ménages EPT Education pour Tous FANOME Fonds d’Approvisionnement Non-stop en Médicaments Essentiels FE Fonds d’Equité FEH Fonds d’Equité Hospitalier FID Fonds d’Intervention pour le Développement FPCU Fonds de Prise en Charge Universelle FRAM Fikambanan’ny Ray aman-drenin’ny Mpianatra (association de parents) GIZ Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (agence allemande de coopération internationale) GRET Groupe de Recherches et d’Echanges Technologiques HIMO Travaux Publics à Haute Intensité de Main d’Oeuvre INSTAT Institut National de la Statistique IRA Infection Respiratoire Aiguë LEAP Livelihood Empowerment against Poverty (programme du revenu de subsistance contre la pauvreté au Ghana) MAP Plan d’Action pour Madagascar McRAM Multi-cluster Rapid Assessment Mechanism (Mécanisme Rapide d’Evaluation Multi- secteur) MENRS Ministère de l’Education Nationale et de la Recherche Scientifique OIT Organisation Internationale du Travail ONG Organisation Non Gouvernementale ONN Office National de Nutrition PAM Programme Alimentaire Mondial PPTE Pays Pauvres Très Endettés PSA Programa de Subsídios de Alimentos (Programme de Subvention Alimentaire) PTF Partenaires Techniques et Financiers SALAMA Centrale d’Achats de Médicaments Essentiels et de Matériels médicaux de Madagascar SALOHI Strengthening and Accessing Livelihoods Opportunities for Household Impact (renforcer et accéder aux opportunités de vie pour un impact au niveau des ménages) TCE Transferts Conditionnels en Espèces UE Union Européenne UNFPA United Nations Population Fund (Fonds des Nations Unies pour la Population) UNICEF United Nations Children’s Fund (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) U5MR Under 5 Mortality Rate (taux de mortalité des moins de 5 ans) Vice Président : Makhtar Diop Directeur Pays : Haleh Bridi Directeur Sectoriel : Ritva Reinikka Responsable Pays : Adolfo Brizzi Responsable Sectoriel : Lynne Sherburne-Benz Chargé de Projet : Philippe Auffret Le présent rapport est le fruit d’un travail collaboratif entre la communauté internationale des donateurs impliqués dans la protection sociale à Madagascar et la Banque Mondiale. Il a été préparé sur une période de un an, de janvier 2011 à janvier 2012, au cours de laquelle Madagascar a été traité selon la Politique Opérationnelle OP 7.30 « Relations avec les gouvernements de facto », adoptée à la suite de la crise politique qui a éclaté en 2009. Le gouvernement de Madagascar n’a donc pas été impliqué dans la préparation de ce rapport. Cependant, le rapport a été élaboré en coopération étroite avec les partenaires et les équipes techniques du gouvernement ; en particulier, des membres du personnel et des consultants de la Banque Mondiale ont effectué plusieurs missions à Madagascar et les donateurs ont été consultés à de nombreuses reprises. Une première version du rapport a vu le jour en juillet 2011 ; plusieurs sessions de discussion avec les organismes de développement partenaires ont eu lieu au cours du reste de l’année 2011 et le rapport a été terminé en janvier 2012. Après une série de révisions internes, il a été finalisé en mars 2012 et présenté au groupe de travail sur la protection sociale, qui s’est réuni à Antananarivo le 21 mars 2012 sous la direction de Christine Weigand (UNICEF). Une présentation plus générale à la société civile et aux organismes de développement partenaires est prévue à la mi-2012. La préparation de ce rapport a été dirigée par Philippe Auffret. Le premier volume s’inspire d’un ensemble de documents de référence rédigés au cours du premier semestre de 2011 par une équipe composée de Anthony Hodges, Francis Hary Soleman Kone, Jimmy Rajaobelina, Josiane Robiarivony Rakotomanga, Maminirinarivo Ralaivelo, Brigitte Jalasoa Randrianasolo, Tahiana Randrianatoandro, Niaina Randrianjanaka, Rachel Ravelosoa et Tiaray Razafimanantena. Ces documents de référence ont été regroupés pour former le second volume du rapport. Steven Farji Weiss et Joséphine Gantois ont contribué à l’élaboration de ce rapport. Nadège Nouviale et Ana Makiesse Lukau ont également fourni un appui éditorial et logistique essentiel. Joséphine Gantois a traduit en Français le premier volume de ce rapport. Des commentaires sur les versions préliminaires du rapport ont été formulés par le groupe de travail sur la protection sociale, créé par les organismes de développement partenaires pour servir de plate-forme de discussion sur la protection sociale à Madagascar. Ce groupe comprend Charlotte Adriaen (Union Européenne), Miaro-zo Hanoa Andrianoelina (GIZ), Nicolas Babu (Programme Alimentaire Mondial), Danny Denolf (GIZ), Pablo Isla Villar (Union Européenne), Dorothée Klaus (UNICEF), Louis Muhigirwa (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), Joelle Rajaonarison (Union Européenne), Adria Rakotoarivony (Programme Alimentaire Mondial), et Olga Ramaromanana (UNICEF). En particulier, le rapport a bénéficié de l’atelier de partage d’expériences et de réflexions sur la protection sociale qui a eu lieu à Antananarivo en mai 2011.1 Des membres du Fonds d’Intervention pour le Développement (FID), dont Rasendra Ratsima (Directeur Général) et Mamisoa Rapanoelina, ont aussi contribué à la réalisation de ce rapport. Le rapport a également bénéficié de commentaires formulés par des collègues de la Banque Mondiale. Maureen Lewis, Conseillère en Développement Humain pour la Région Afrique, a apporté des contributions essentielles à une version antérieure du rapport. Celui-ci a largement bénéficié de commentaires fournis par des collègues dont John Elder, Jacques Morisset, Nadine Poupart et Ruslan Yemtsov. Des observations ont également été émises par Harisoa Danielle Rasolonjatovo Andriamihamina, Fadila Caillaud, Qaiser Khan, Jumana Qamruddin, Maryanne Sharp et Voahirana 1 Cet atelier a été parrainé conjointement par l’Union Européenne (UE), l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (United Nations Children’s Fund, ou UNICEF), le Fonds d’Intervention pour le Développement (FID), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et l’agence allemande de coopération internationale Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ). Hanitriniala Rajoela. Antoine Simonpietri a revu et commenté le chapitre sur les risques et la vulnérabilité. Lyne Sherburne-Benz, Responsable Sectoriel, et Yasser El-Gammal, Spécialiste Sectoriel, ont fourni une aide et un encadrement important au cours de la préparation. Le rapport a été élaboré sous la direction de Haleh Bridi, Directrice Pays, Adolfo Brizzi, Responsable Pays, et Ritva Reinikka, Directrice du Secteur Développement Humain. Le rapport incorpore les résultats des recherches sur la vulnérabilité réalisées par l’INSTAT. Nous sommes particulièrement reconnaissants au Directeur Général de l’INSTAT, Paul Gérard Ravelomanantsoa, qui a gracieusement mis à notre disposition l’Enquête auprès des Ménages de 2010. D’importants progrès ont été réalisés au cours des 25 dernières années dans la protection des individus affectés par des chocs défavorables, avec le développement dans de nombreux pays de programmes de protection sociale ciblant les ménages vulnérables. Cependant, de nombreuses disparités existent au niveau des familles et des pays : si certains ménages parviennent à atténuer l’impact des chocs, d’autres demeurent incapables de contrer les conséquences néfastes de ces imprévus, et courent ainsi le risque de connaître la faim, l’indigence ou la mort. A Madagascar, la situation est devenue critique. Certes, une large frange de la population connaît depuis toujours des chocs fréquents liés aux catastrophes naturelles, aux chocs économiques internationaux, à la malnutrition ou à la maladie ; mais la situation s’est considérablement détériorée à la suite de la crise politique de 2009. A l’heure actuelle, la crise gouvernementale fait des ravages au sein d’une population qui se trouve déjà dans le besoin. Qui sont ces Malgaches touchés par la crise politique qui persiste ? Voici les témoignages de certains d’entre eux : Mme Herifanja Rajaomampianina vit dans le fokontany2 d’Andranomanalina à Antananarivo. « Je suis mariée et nous avons trois enfants. Mon mari travaillait comme informaticien dans une entreprise de la zone franche de Forello, mais l’entreprise a fermé en février 2010. Il a cherché un autre travail, puis a été embauché dans un hôtel. Le nombre de clients et de touristes a progressivement diminué. Trois mois plus tard, l’hôtel a fermé et mon mari a de nouveau perdu son travail. Nous avons alors décidé de déménager dans la région d’Andranomanalina où les loyers sont moins chers. Nous avons également transféré nos enfants dans une école primaire publique puisque nous ne pouvions plus nous permettre de les envoyer en école privée. Aujourd’hui, payer le loyer est notre priorité. Il nous est extrêmement difficile de nous procurer suffisamment de nourriture. Les enfants ne mangent pas avant d’aller à l’école. Ils mangent seulement à midi, et parfois le soir quand nous pouvons nous le permettre. Sinon, ils vont se coucher sans avoir mangé. Quand nous tombons malades, nous allons au centre de santé de base d’Isoty, mais nous pouvons rarement nous permettre d’acheter les médicaments. » Mme Voahirana Radriamilanja vit dans le fokontany d’Ankisana, également à Antananarivo. « Je suis mariée et nous avons sept enfants âgés de 8 à 24 ans. Nous ne possédons pas de maison et devons payer un loyer. Auparavant, nous pouvions nous permettre d’envoyer nos enfants à l’école, de voir M. Claude, le docteur local, et d’acheter des médicaments quand nous étions malades. Nous pouvions également manger trois fois par jour. Avant la crise, j’avais une petite boutique et je prévoyais de développer mes activités. Cependant, à cause de la crise et des difficultés qu’elle a entraînées, j’ai fait faillite et j’ai dû fermer ma boutique. Dorénavant , nous mangeons seulement une fois par jour. Nous pouvons seulement nous permettre d’envoyer notre plus jeune enfant à l’école. Les six autres n’y vont plus. Quand nous sommes malades, nous pouvons seulement nous procurer les médicaments de base contre la fièvre et la malaria. » Mme Farasoa Ravaonirina vit dans une zone périurbaine située au nord d’Antananarivo. « Je suis mariée et j’ai deux fils qui vont à l’école. Nous vivons à Ilafy où nous menons une vie difficile parce que nous louons. Nos conditions de vie étaient plus ou moins acceptables avant la crise. Je 2 A l’origine, un fokontany était un village malgache traditionnel. Aujourd’hui, il existe plus de 17 500 fokontany et ils représentent la plus petite unité administrative à Madagascar. travaillais pour un patron chinois. Cependant, il est rentré chez lui lorsque la crise de 2009 est survenue. C’est là que les difficultés ont commencé. Depuis, nos conditions de vie se sont considérablement détériorées. Notre enfant a subi une opération et il est malade. Je suis souvent malade aussi. Je dois 20 000 Ar au docteur. Nous ne l’avons pas encore payé et nous devons le rembourser progressivement. Nous avons dû demander un délai à notre propriétaire car nous ne pouvons pas payer le loyer à l’heure actuelle, nous essayons de payer en priorité les frais scolaires. Avant la crise, nous mangions normalement, et nous prévoyions même d’acheter un petit terrain pour y construire une maison. Nous avons hâte que cette crise ce termine car nous en souffrons beaucoup. » M. Jean-Claude Randrianasolo est un charpentier qui vit à Toamasina (Tamatave). « J’ai 57 ans. Je suis marié et j’ai trois enfants. Tous vont à l’école pour le moment. Malgré un e petite aide versée par des membres de ma famille, les dépenses scolaires sont de plus en plus difficiles à supporter. Avant la crise, je travaillais comme homme à tout faire dans une entreprise, mais j’ai été licencié à cause de la crise. Depuis, la vie est devenue très difficile pour nous. Ma femme est couturière mais elle gagne très peu d’argent. De mon côté, j’ai de plus en plus de mal à trouver un travail. Je recherche à l’heure actuelle des emplois temporaires en tant que charpentier. Le peu que je gagne sert à acheter du riz et à payer l’éducation des enfants. Nous avons di t aux enfants que nous devions vivre avec parcimonie. Avant la crise, nous voulions acheter un petit terrain et y construire une maison, mais maintenant nous ne pouvons même pas réparer notre maison qui a été endommagée par un cyclone. De plus, il est plus difficile d’obtenir du crédit, et quand on en obtient, il faut le rembourser très rapidement. Nous vivons au jour le jour et nous ne pouvons plus faire de plans à long terme. » M. Eugène Noro vit à Toamasina (Tamatave). Il est actuellement au chômage. « J’ai 57 ans. Je suis marié et j’ai sept enfants. Je vis de petits emplois occasionnels. Nous vivons dans des conditions déplorables, sans accès à l’eau et sans source de revenu fixe. Ma femme ne gagne pas sa vie non plus, elle s’occupe des enfants. Je gagne environ 2 000 Ar par jour, ce qui nous sert à acheter du riz, du charbon pour cuisiner et quelques autres produits de base. Entre 1978 et 1989 je travaillais dans une petite entreprise, mais elle a fermé. J’ai réussi à acheter un petit terrain et j’ai essayé de me mettre à l’agriculture, mais il y a eu une sécheresse puis une inondation dans la région d’Ampasimbe Manantsatrana qui a endommagé tous les bananiers que nous avions plantés. Nous sommes donc revenus en ville. J’aimerais élever des poules pour produire des œufs, mais il est peu probable que j’y parvienne si la situation politique ne s’améliore pas. » M. Arinesta vit dans la commune d’Ampanihy au sud-ouest de Madagascar. « Je suis marié. J’ai cinq enfants. J’ai 48 ans. J’étais menuisier mais je suis maintenant le chef du fokontany. A Ampanihy, il y a une crise alimentaire et un cyclone nous a récemment frappés. Presque toutes les activités ont été affectées, dont la menuiserie puisque les gens ne peuvent plus acheter de meubles. La crise est en train de s’aggraver dans le sud de Madagascar. J’avais six zébus mais j’ai dû en vendre quatre. Les deux qui restent me permettent de gagner un peu d’argent en transportant des pierres et du bois à Ampanihy. Mes cinq enfants fréquentaient une école catholique privée, mais désormais seulement deux y vont, les trois autres vont à l’école publiques. Avant, nous mangions du manioc à midi, et du riz le soir. Maintenant nous mangeons du manioc midi et soir. Le matin, nous ne mangeons pas. » Mme Haova vit dans le fokontany d’Erada Ambaninato dans la commune d’Ambovombe, dans la région d’Androy au sud de Madagascar. « J’ai 46 ans. J’ai cinq enfants et je suis une mère célibataire. Mon aîné a 16 ans. Ce n’est pas facile d’être une mère célibata ire. Je ne cultive pas de terres. J’ai un petit étal est je vends du bois mort que je ramasse dans les environs. Quand un programme argent-contre-travail est disponible, j’essaie de participer et la vie s’améliore un peu. J’achète de la nourriture et un peu de matériel scolaire car mes cinq enfants vont à l’école. Quand j’ai un peu d’argent, j’achète des patates douces. Le matin, nous nous levons et nous n e mangeons rien. C’est difficile. Le soir, nous nous couchons sans manger si je n’ai rien gagné pendant la journée. Parfois, je me dépêche d’aller chercher dans les champs des feuilles de manioc que j’écrase et que je cuis, et c’est tout ce que nous mangeons pour le dîner. » SOMMAIRE RESUME ANALYTIQUE .............................................................................................................................................. I INTRODUCTION ........................................................................................................................................................ 1 1. CADRE THEORIQUE .............................................................................................................................................. 3 A. Chocs, risques et bien-être ............................................................................................................................. 3 B. Protection sociale ........................................................................................................................................... 3 2. RISQUES ET VULNERABILITE................................................................................................................................ 5 A. Prévalence des chocs et réponses des ménages ............................................................................................. 5 B. Risques systématiques ................................................................................................................................... 7 C. Risques individuels ...................................................................................................................................... 10 D. Risques de basculement dans la pauvreté extrême ...................................................................................... 18 3. POLITIQUES, INSTITUTIONS ET FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE ...................................................... 25 A. Politiques de protection sociale ................................................................................................................... 25 B. Institutions responsables de la protection sociale ........................................................................................ 27 C. Dépenses de protection sociale .................................................................................................................... 29 4. PROGRAMMES DE PROTECTION SOCIALE ........................................................................................................... 35 A. Mesures d’atténuation des chocs systématiques .......................................................................................... 35 A.1 Gouvernance .......................................................................................................................................... 35 A.2 Cours internationaux des produits de base ............................................................................................ 36 B. Subventions à la consommation : le programme Tsena Mora ..................................................................... 38 C. Programmes de protection sociale ............................................................................................................... 39 C.1 Sécurité sociale ...................................................................................................................................... 39 C.2 Programmes de protection sociale liés à l’éducation ............................................................................. 40 C.3 Programmes de protection sociale liés à la santé et à la nutrition .......................................................... 43 C.4 Travaux publics à haute intensité de main d’œuvre ............................................................................... 47 C.5 Programmes de reconstruction post-catastrophe .................................................................................... 51 C.6 Programmes sociaux pour les groupes vulnérables ............................................................................... 51 D. Prestations de protection sociale par le biais de la décentralisation............................................................ 54 5. PRINCIPES, PRIORITES ET ACTIONS VISANT A RENFORCER LA PROTECTION SOCIALE ....................................... 57 A. Principes fondamentaux d’une stratégie de protection sociale efficace ....................................................... 57 B. Priorités pour traduire ces principes en actions ........................................................................................... 58 B.1 Résoudre les problèmes de gouvernance ............................................................................................... 58 B.2 Mise en œuvre de réformes économiques visant à renforcer la protection sociale et à réduire la vulnérabilité .................................................................................................................................................. 59 B.3 Définition d’une stratégie de protection sociale .................................................................................... 60 B.3.i Définition et renforcement des institutions responsables de la protection sociale ......................... 60 B.3.ii Hiérarchisation des groupes vulnérables ....................................................................................... 60 B.3.iii Evaluation, rationalisation et augmentation des dépenses de protection sociale ......................... 61 B.4 Décentralisation et renforcement de la participation des communautés ................................................ 64 B.5 Développement et utilisation de mécanismes de ciblage pour atteindre les groupes prioritaires .......... 65 B.6 Suivi de la vulnérabilité et de la mise en œuvre de la stratégie de protection sociale ............................ 67 C. Feuille de route des actions clés à entreprendre dans l’immédiat pour la protection sociale ....................... 67 C.1 Développement des programmes de travaux publics ............................................................................. 68 C.2 Compléter l’action des travaux publics par un programme de transfert en espèces aux ménages dépourvus de main d’œuvre ......................................................................................................................... 70 C.3 Lancement d’un programme de transfert conditionnel en espèces ........................................................ 70 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................................................... 73 CARTE GEOGRAPHIQUE .......................................................................................................................................... 78 LISTE DES TABLEAUX Tableau 2.1 : Indicateurs de Santé ............................................................................................................................... 11 Tableau 2.2 : Indicateurs d’Education .......................................................................................................................... 13 Tableau 2.3 : Indicateurs de Développement Humain par Quintile ............................................................................. 15 Tableau 2.4 : Difficultés d’Accès aux Services de Santé en Cas de Maladie Citées par les Femmes (%) ................... 15 Tableau 2.5 : Risques Individuels par Tranche d’Age, Principaux Indicateurs et Nombre de Personnes Touchées .... 18 Tableau 2.6 : Déterminants de la Pauvreté Extrême .................................................................................................... 22 Table 2.7 : Déterminants de la Consommation Par-Tête ............................................................................................. 23 Tableau 3.1 : Dépenses Publiques de Protection Sociale, sur la Base des Engagements (2007-10) ............................ 31 Tableau 3.2 : Dépenses du Ministère de la Population et des Affaires Sociales, sur la Base des Engagements (millions d’Ariary) ....................................................................................................................................................... 32 Tableau 3.3 : Montant Estimé des Dépenses de Protection Sociale Effectuées par le Gouvernement, les Bailleurs de Fonds et les ONG (millions $US) ............................................................................................................................... 33 Tableau 4.1 : Ventes Subventionnées de Produits Alimentaires de Base par Tsena Mora .......................................... 38 Tableau 4.2 : Nombre des Employeurs et Employés Affiliés à la CNaPS (2006-08) .................................................. 39 Tableau 4.3 : Subventions aux Enseignants FRAM (2008/09-2010/11) ...................................................................... 40 Tableau 4.5 : Emplois Créés par des Programmes de Travaux Publics à Haute Intensité de Main d’Œuvre (2007 -10) ..................................................................................................................................................................................... 49 Tableau 4.6 : Responsabilités des Gouvernements Locaux ......................................................................................... 55 Tableau 5.1 : Groupes Vulnérables Prioritaires ........................................................................................................... 61 LISTE DES FIGURES Figure 2.1 : Prévalence des Chocs – Ménages Touchés (%) .......................................................................................... 5 Figure 2.2 : Réponses des Ménages aux Chocs (%) ....................................................................................................... 6 Figure 2.3 : Répartition de la Population selon la Pauvreté Chronique, la Vulnérabilité à la Pauvreté Transitoire et la Non-vulnérabilité à la Pauvreté (%) ............................................................................................................................. 24 LISTE DES GRAPHIQUES Graphique 2.1 : PIB par habitant et Pauvreté (1960-2011) ............................................................................................ 9 Graphique 4.1 : PIB Par Habitant à Madagascar et dans les Pays Sélectionnés (1960-2010) ...................................... 36 Graphique 4.2 : Prix Domestique du Riz et Prix de Parité à l’Importation du Riz (jan. 2008 -sept. 2011)................... 37 Graphique 4.3 : Prix Domestique et International du Pétrole (mars 2005-déc. 2010) ................................................. 37 LISTE DES ENCADRES Encadré 2.1 : Mesures de la Pauvreté et Problèmes Associés ...................................................................................... 10 Encadré 4.1: Expérience de Transferts Conditionnels en Espèces Dirigée par une ONG : Cas du Programme d’Appui à l’Action Scolaire ....................................................................................................................................................... 42 Encadré 5.1 : Education à Distance et Instruction Radiophonique Interactive ............................................................ 63 Encadré 5.2 : Mutuelles de Santé et Régime National d’Assurance Maladie .............................................................. 65 Encadré 5.3 : Méthodes de Ciblage .............................................................................................................................. 66 MADAGASCAR APRES TROIS ANS DE CRISE : EVALUATION DE LA VULNERABILITE ET DES POLITIQUES SOCIALES ET PERSPECTIVES D’AVENIR LA POPULATION MALGACHE EST EXPOSEE A DES RISQUES TRES DIVERS, QUI ONT ETE ACCENTUES PAR LA PROFONDE CRISE POLITIQUE QUI SE PROLONGE DEPUIS DEBUT 2009… 1. A Madagascar, une très grande partie de la population connaît des chocs fréquents. Madagascar est très exposée aux catastrophes naturelles, dont des cyclones à répétition, des inondations, des sécheresses, des invasions de criquets et des épidémies animales et végétales, tandis que le réchauffement de la planète est responsable de dérèglements climatiques qui aggravent la vulnérabilité de la population. Madagascar est également exposée à des chocs économiques internationaux qui ont un impact considérable sur le bien-être des ménages. La flambée des prix des denrées alimentaires sur le marché mondial a des répercussions négatives sur une partie importante de la population, en particulier lorsqu’il s’agit du riz, l’aliment de base, ou du pétrole. 2. Toutefois, l’histoire montre que la récurrence de crises internes de gouvernance est sans doute le principal risque systématique auquel la population malgache est exposée. L’expérience socialiste sous Ratsiraka (1975-1991) a entraîné une chute du PIB réel par habitant. Depuis, trois crises politiques majeures se sont produites (en 1991, 2002 et 2009) et ont gravement perturbé les activités économiques du pays. Ainsi, le PIB par habitant a diminué au cours des deux dernières décennies tandis que la pauvreté a augmenté. En 2010, le taux de pauvreté de 77 pour cent (ce qui représente 15,6 millions d’individus) a hissé Madagascar au rang de pays ayant le taux de pauvreté le plus élevé au monde avec Haïti, sur la base des seuils de pauvreté nationaux. 3. Outre les risques systématiques, la population malgache est sujette à des risques individuels considérables. Les maladies surviennent fréquemment et touchent en particulier les nourrissons et les jeunes enfants. Le risque de carence alimentaire est également très élevé. A l’heure actuelle, près de la moitié de la population est sous-alimentée, c’est-à-dire que l’apport calorique des individus est inférieur au minimum requis. Les enfants âgés de 6 à 14 ans sont exposés au risque de déficit de développement du capital humain, de travail des enfants et de malnutrition. Les risques liés à l’accouchement sont également très élevés et aggravés par certaines pratiques discriminatoires qui accroissent la vulnérabilité des femmes. Le chômage et le sous-emploi sont répandus, tandis que les personnes âgées courent le risque de ne bénéficier d’aucun soutien leur permettant d’assurer leur survie. La situation déjà critique de la vulnérabilité a été aggravée par la profonde crise politique qui a suivi le changement de gouvernement en février 2009. 4. Le risque de tomber dans l’extrême pauvreté est une réalité quotidienne pour une frange importante de la population. La pauvreté extrême correspond à un état de dénuement dans lequel un individu ne peut pas se procurer suffisamment de calories pour pouvoir être actif. A Madagascar, la pauvreté extrême touche 57 pour cent de la population. Elle est associée à la situation géographique, à la taille du ménage, à la présence de jeunes enfants, à la présence d’une femme à la tête du ménage et à des niveaux moindres ou une utilisation restreinte d’actifs clés, tels que le travail, l’éducation, les biens physiques, les services de base, le crédit et le capital social. Historiquement, les sociétés traditionnelles ont développé un certain type de protection sociale contre la pauvreté extrême, sous la forme de normes sociales et de systèmes de soutien. Ces systèmes ont toutefois tendance à s’effondrer avec la modernisation, la croissance démographique, l’urbanisation, la migration et l’ouverture à de nouveaux i marchés. Les interventions de l’Etat ont donc un rôle crucial à jouer pour compenser la disparition de ces mécanismes de soutien traditionnels. L’ENGAGEMENT POLITIQUE DE MADAGASCAR ENVERS LA PROTECTION SOCIALE N’A JAMAIS ETE PLEINEMENT OPERATIONNEL… 5. Avant le déclenchement de la crise politique actuelle début 2009, la stratégie de protection sociale de Madagascar était décrite dans le Plan d’Action pour Madagascar (MAP) 2007-12, tandis qu’une Stratégie de Protection Sociale et de Gestion des Risques avait été esquissée pour guider la traduction des objectifs politiques en actions sur le terrain, mais jamais adoptée. Depuis début 2009, le MAP, associé à l’ancien régime, a cessé de servir de référence pour guider les actions du gouvernement, et l’engagement du gouvernement envers les stratégies précédemment liées à la protection sociale, comme la Politique Nationale de Nutrition ou la Politique Nationale de Gestion des Risques et des Catastrophes, reste incertain. 6. La responsabilité institutionnelle de la protection sociale n’a jamais été pleinement effective non plus. Le Ministère de la Population, de la Protection Sociale et des Loisirs, l’un des ministères les plus faibles en termes de capacités, d’influence et de ressources, était responsable de la protection sociale. Lors du remaniement du gouvernement en janvier 2007, cette responsabilité a été confiée à une Direction de la Protection Sociale au sein du nouveau Ministère de la Santé, de la Famille et de la Protection Sociale. Cependant, cette fusion a été annulée à la suite du changement de gouvernement en 2009, ce qui a donné lieu à la création du Ministère de la Population et des Affaires Sociales. Ce dernier reste peu efficace pour ce qui est de diriger la conception et la mise en œuvre d’une stratégie globale de protection sociale. DE SORTE QUE LES INTERVENTIONS RELATIVES A LA PROTECTION SOCIALE ONT ETE DEVELOPPEES DE FAÇON PONCTUELLE, SOUVENT A L’INITIATIVE DES BAILLEURS DE FONDS. 7. L’absence d’autorité gouvernementale en matière de protection sociale n’a pas été sans conséquences. Premièrement, des forums de discussion, appelés « clusters », ont été mis en place par les bailleurs de fonds dans le but d’examiner et de coordonner certains programmes de protection sociale. Par exemple, il existe un cluster pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance et un cluster pour la protection sociale. Ces clusters fournissent un cadre utile pour la discussion et la coordination entre les bailleurs de fonds, les ONG et autres acteurs ; leur pouvoir de décision est cependant limité et ils ne peuvent pas se substituer à des actions du gouvernement. Deuxièmement, les interventions en matière de protection sociale ont été développées hors de tout cadre d’orientation global, souvent à l’initiative des bailleurs de fonds. Par conséquent, les programmes de protection sociale se sont retrouvés disséminés entre divers ministères et agences et dépendent du financement et des priorités des organismes donateurs. 8. Cette situation s’est empirée avec la crise politique. Comme les bailleurs de fonds ne reconnaissent pas l’autorité de transition, les activités sont financées indépendamment du gouvernement. Ceci a défait de nombreux progrès réalisés antérieurement avec la mise en application de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, et contribue grandement à la dégradation des systèmes nationaux. Une autre conséquence a été l’accroissement du rôle des ONG, qui sont devenues des acteurs clés de la mise en œuvre des programmes de protection sociale financés par les bailleurs de fonds. 9. De plus, la crise politique a interrompu le processus de décentralisation. Début 2009, les communes devaient gagner en responsabilité dans la prestation des programmes sociaux fondamentaux, dont la prestation des services de bases (écoles, postes de santé, réseaux d’alimentation en eau, routes communales). Avec la suspension de l’aide versée par les donateurs, non seulement le processus de décentralisation ne s’est pas matérialisé, mais le soutien financier considérable escompté au niveau des ii communes a également été suspendu. En pratique, Madagascar reste un état très centralisé, avec peu de services publics fournis au niveau local. 10. Paradoxalement, la crise politique a renforcé le rôle des communautés (fokontany). Le pouvoir de facto et l’influence des communautés se sont accrus depuis 2009, en particulier du fait du transfert de l’aide extérieure aux services locaux via les ONG, qui travaillent en étroite collaboration avec les communautés. Ces structures jouent donc un rôle majeur dans la mise en œuvre des programmes de protection sociale. Les fokontany émettent par exemple des cartes de solidarité aux plus démunis, qui leur donnent accès à des médicaments gratuits et à des denrées de base à des prix subventionnés dans le cadre du programme récent Tsena Mora. SI LES DEPENSES TOTALES EN MATIERE DE PROTECTION SOCIALE ONT TOUJOURS ETE FAIBLES A MADAGASCAR, ELLES ONT ETE DRAMATIQUEMENT REDUITES DEPUIS L’EMERGENCE DE LA CRISE POLITIQUE ACTUELLE, ETANT DONNE QUE LA LEGERE AUGMENTATION DE L’AIDE EXTERIEURE DESTINEE A LA PROTECTION SOCIALE A ETE LARGEMENT CONTREBALANCEE PAR LA REDUCTION DRASTIQUE DES DEPENSES PUBLIQUES. 11. A Madagascar, les dépenses publiques en matière de protection sociale sont extrêmement faibles par rapport aux autres pays d’Afrique. Certes, les comparaisons entre les pays sont difficiles compte tenu des différentes définitions de la protection sociale, mais dans neuf autres pays d’Afrique, les dépenses de protection sociale représentaient tout de même 4,4 pour cent du PIB en 2007, avec une tendance à la hausse au cours de la dernière décennie, contre seulement 1,5 pour cent en 2008 à Madagascar, un an avant la crise politique. 12. Les dépenses publiques de protection sociale ont de plus dramatiquement chuté depuis l’émergence de la crise politique (elles sont passées d’environ 145 millions $US en 2008 à 56 millions $US en 2010), étant donné que le gouvernement s’efforce de maintenir globalement une certaine stabilité budgétaire, dans un contexte de forte réduction des recettes nationales et des subventions. La part relative de la protection sociale dans les dépenses totales a également chuté, passant de 13,4 pour cent en 2007 à 2,9 pour cent en 2010, ce qui suggère qu’une priorité moindre a été accordée à la protection sociale. 13. De plus, la composition des dépenses publiques en matière de protection sociale a profondément changé depuis le début de la crise. Depuis 2009, les dépenses publiques de protection sociale sont constituées quasiment exclusivement des paiements aux régimes publics de retraite, tandis que les autres dépenses de protection sociale ont été fortement réduites, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. En 2010, le financement par l’Etat des régimes publics de retraite représentait 86 pour cent des dépenses totales de protection sociale, comparé à 44 pour cent seulement en 2007. 14. Le programme Tsena Mora est désormais le principal programme de protection sociale du gouvernement. Ce programme a été lancé en octobre 2010, avec pour objectif de fournir des denrées alimentaires de base à des prix subventionnés aux populations pauvres des six principaux centres urbains. La Présidence a initialement alloué 12 millions $US au programme Tsena Mora en 2011. Cependant, le programme a été considérablement réduit depuis juillet 2011 à cause de contraintes financières. 15. La réduction des dépenses publiques depuis 2009 a été très partiellement compensée par un accroissement des aides extérieures. Les décaissements d’aide pour la protection sociale ont augmenté de 26 millions $US environ en 2008 à 37 millions $US en 2010, en particulier grâce à l’accroissement des aides destinées aux programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. ETANT DONNE QUE LA VULNERABILITE DE LA POPULATION S’EST FORTEMENT AGGRAVEE ET QUE LES PRESTATIONS DE PROTECTION SOCIALE ONT ETE iii BRUTALEMENT REDUITES, LE GOUVERNEMENT QUI SERA AU POUVOIR UNE FOIS LA CRISE POLITIQUE RESOLUE CHERCHERA PEUT-ETRE A DEVELOPPER DE TOUTE URGENCE UNE STRATEGIE GLOBALE DE PROTECTION SOCIALE. 16. A Madagascar, le manque d’importance accordée à la protection sociale au sein du gouvernement et des différents ministères implique qu’une quantité considérable de risques résiduels doit être supportée par l’individu Malgache moyen, au lieu que ces risques soient atténués par des programmes efficaces et effectifs administrés par le gouvernement. Les bailleurs de fonds et les ONG ont tenté de combler ce manque de protection sociale, ce qui a résulté en un grand nombre d’initiatives dispersées et généralemen t de faible ampleur, dépendant du financement et des objectifs des bailleurs. 17. Dans ce contexte, le gouvernement de l’après-crise pourrait chercher à développer une stratégie globale de protection sociale fondée sur des principes solides, accompagnés d’objectifs et de priorités claires pour traduire cette stratégie en actions concrètes. La préparation d’une telle stratégie, sous la direction du gouvernement et suivant une démarche participative, pourrait signaler clairement à la population l’engagement politique du nouveau gouvernement envers la protection sociale. 18. La stratégie de protection sociale proposée dans ce rapport est conçue de manière à accroître la protection de la population dans son ensemble tout en diminuant sa vulnérabilité, en tenant compte des programmes déjà en vigueur et des différents degrés d’exposition des divers groupes de la population. La définition d’une stratégie de protection sociale pourrait s’appuyer sur un certain nombre de principes fondamentaux, tels que : (i) la résolution de la crise politique actuelle à court terme et des problèmes plus profonds de gouvernance à plus long terme, (ii) la stabilité macroéconomique, de manière à jeter les bases d’une croissance économique forte et durable, (iii) l’adoption de mesures visant à accroître les recettes nationales, de manière à générer les ressources financières nécessaires au financement d’une stratégie de protection sociale efficace, (iv) la mise en œuvre de réformes économiques permettant une croissance économique diversifiée et durable afin d’améliorer la protection sociale et de réduire la vulnérabilité, (v) la définition d’une stratégie de protection sociale comprenant la hiérarchisation des groupes de pauvreté, l’évaluation et la rationalisation des programmes de protection sociale en vigueur , la redistribution des fonds correspondants en faveur des groupes prioritaires et l’adoption de mesures d’atténuation, (vi) la décentralisation du pouvoir de décision et des ressources financières destinées à la prestation de services sociaux, (vii) la création de liens entre le secteur public et le secteur privé, (viii) le développement et la mise en pratique de mécanismes de ciblage pour atteindre les groupes prioritaires ciblés, et (ix) le suivi de la vulnérabilité et de la mise en œuvre de la stratégie elle-même. 19. La résolution de la crise politique actuelle et la mise en place d’un contrat social plus adapté entre les groupes ethniques et géographiques sont des conditions préalables fondamentales pour l’amélioration de la gouvernance. Une fois les difficultés de gouvernance résolues, des réformes structurelles pourraient être mises en œuvre afin de promouvoir une croissance économique diversifiée, réduire la vulnérabilité et minimiser les déficiences institutionnelles et politiques dans le domaine de la protection sociale. Le programme des réformes visant à stimuler la croissance économique est vaste : il englobe des réformes de modernisation de l’état, des réformes destinées à améliorer le climat des investissements commerciaux, à améliorer la gestion des infrastructures et des services de base et des réformes visant à créer les conditions nécessaires au développement du tourisme vers une île considérée comme l’une des destinations les plus diversifiées au monde sur le plan géographique. La mise en œuvre de réformes économiques clés en temps opportun peut susciter une croissance économique soutenue sur une longue période et ainsi avoir un impact considérable sur la pauvreté, comme divers pays en ont fait l’expérience à travers le monde. 20. Etant donné que dans l’immédiat, les ressources financières sont limitées alors que les besoins sont considérables, toute stratégie de protection sociale nécessiterait de hiérarchiser les groupes vulnérables en termes de priorité. Le gouvernement pourrait établir un tel ordre de priorité en s’appuyant sur le degré d’exposition au risque et la probabilité de tomber dans la pauvreté extrême. la première priorité pourrait être accordée aux populations rurales extrêmement pauvres et très vulnérables – en iv particulier les individus vivant dans l’extrême sud du pays –, à tous les enfants malgaches souffrant de malnutrition, aux mères chefs de famille extrêmement pauvres vivant en zone urbaine et à tous ceux ayant été frappés par une catastrophe naturelle comme un cyclone. La deuxième priorité pourrait être attribuée au combat contre l’extrême pauvreté au sein des populations pauvres des zones périurbaines, aux personnes âgées extrêmement pauvres et aux enfants à risque ayant quitté le système éducatif formel. Enfin, la troisième priorité pourrait être donnée aux programmes qui ciblent tous les autres individus extrêmement pauvres vivant en milieu urbain et aux individus extrêmement pauvres qui sont au chômage. 21. Les dépenses publiques de protection sociale pourraient être rationnalisées à court terme puis augmentées à moyen terme. Une stratégie solide de protection sociale nécessitera à moyen terme un accroissement des ressources publiques globales, mais un tel accroissement devrait avoir lieu uniquement dans un contexte de modernisation globale de l’Etat. La décentralisation des prestations de services et la participation des communautés à ces prestations pourraient améliorer l’efficacité des interventions de protection sociale. La stratégie de protection sociale pourrait ainsi mettre l’accent sur la décentralisation des services au niveau communautaire afin d’améliorer l’efficacité de la prestation des services de protection sociale. Ceci nécessiterait une définition claire des missions et du financement des gouvernements locaux (les régions et les communes, et éventuellement les provinces) comme des organismes déconcentrés des institutions du gouvernement central, ainsi qu’un recours accru au Fonds de Développement Local (FDL) pour transférer les fonds aux niveaux infranationaux. 22. Le suivi de la vulnérabilité de la population et de la mise en œuvre de la stratégie de protection sociale est nécessaire, et des ressources suffisantes devraient être consacrées à ces tâches. Le gouvernement pourrait développer un système de surveillance des risques pour contrôler les sources de vulnérabilité et fournir les données nécessaires à l’évaluation de l’impact des interventions. Il pourrait également contrôler de près la mise en œuvre de sa stratégie de protection sociale. EN ATTENDANT QUE LA CRISE POLITIQUE SOIT ENTIEREMENT RESOLUE, DES MESURES POURRAIENT ETRE ADOPTEES DANS L’IMMEDIAT EN VUE DE RENFORCER LA PROTECTION SOCIALE. 23. La vulnérabilité de la population malgache ne cessera pas de se détériorer aussitôt qu’une solution politique sera trouvée. Une fois un accord politique conclu, cela pourrait prendre du temps de mettre en place des élections, puis pour le gouvernement de s’installer, et de développer et d’adopter une stratégie de protection sociale. Le gouvernement et ses partenaires techniques et financiers pourraient entreprendre certaines actions dans l’immédiat, en attendant une résolution à la crise politique, notamment : (i) le développement des programmes de travaux publics à plus grande échelle, (ii) l’ajout d’un programme de transferts en espèces aux programmes de travaux publics, visant les personnes n’étant pas en mesure de travailler, et (iii) le lancement d’un programme de transferts en espèces conditionnels dans les régions périurbaines. v Introduction MADAGASCAR APRES TROIS ANS DE CRISE : EVALUATION DE LA VULNERABILITE ET DES POLITIQUES SOCIALES ET PERSPECTIVES D’AVENIR 1. Contexte. Depuis février 2009, Madagascar est en proie à une crise politique, causée par le passage du pouvoir des mains de Marc Ravalomanana (qui s’est vu contraint à l’exil) à celles d’Andry Rajoelina (alors maire de la capitale Antananarivo). La communauté internationale a rejeté ce changement anticonstitutionnel du pouvoir. En mars 2009, la Banque Mondiale a décidé d’agir selon la Politique Opérationnelle OP 7.30 « Relations avec les gouvernements de facto » ; après une première période où tous les décaissements de fonds ont été suspendus, la Banque Mondiale a progressivement repris les déboursements en décembre 2009, dans le cadre de ses programmes déjà existants. La crise a toutefois interrompu la mise en œuvre de la Stratégie d’Aide-Pays (SAP) lancée en avril 2007 et destinée à couvrir la période de juin 2007 à juin 2011 ; à l’exception du Financement Additionnel du Projet d'Appui au Troisième Programme Environnemental, aucun nouveau projet n’a été approuvé depuis début 2009, tandis que l’évaluation des activités économiques et l’assistance technique fournies par la Banque Mondiale dans le cadre de ses Activités d’Analyse et de Conseil (AAC) ont été adaptées pour rendre compte du nouveau contexte politique. 2. Objectifs. L’objectif global du rapport est d’évaluer l’impact de trois ans de crise sur la protection sociale et de contribuer à définir la stratégie de protection sociale qu’un gouvernement proprement élu pourrait chercher à développer, une fois la crise politique résolue. Plus précisément, les objectifs sont les suivants : (i) analyser les risques et la vulnérabilité à Madagascar ; (ii) passer en revue les conséquences des trois dernières années de crise sur les prestations de protection sociale du gouvernement malgache, de la communauté internationale des organismes donateurs et des ONG ; (iii) identifier les contraintes-clés pesant sur l’offre et la demande en protection sociale ; et (iv) exposer les principes phares d’une stratégie de protection sociale comprenant des possibilités d’intervention à court terme ainsi qu’une fois la crise politique résolue, quand les bailleurs de fonds devraient pouvoir de nouveau s’engager pleinement à Madagascar. 3. Sources de Données Quantitatives et Qualitatives. Ce rapport s’inspire d’un certain nombre d’études et sondages. Le point de départ du rapport est la Stratégie Nationale de Gestion des Risques et de Protection Sociale, développée conjointement par la Banque Mondiale et le gouvernement de Madagascar (Banque Mondiale, 2007). L’objectif principal de ce document était d’orienter les politiques publiques et les dépenses vers la réduction de la vulnérabilité et d’aider les autorités dans leurs efforts de réduction de l’extrême pauvreté. Ce rapport s’appuie sur le chapitre de ce document dédié à la protection sociale « Madagascar : Vers un Agenda de Relance Economique » écrit par la Banque Mondiale en collaboration avec d’autres donateurs début 2010 (Banque Mondiale, 2010a). Ce chapitre avait pour but d’identifier les principaux risques sociaux, d’analyser la stratégie de protection sociale à Madagascar et d’identifier les principaux défis en matière de protection sociale après un an de crise. Le présent rapport repose également sur un ensemble d’analyses des conditions du marché de l’emploi à Madagascar depui s 2005 (Banque Mondiale, 2010b) et il utilise les résultats de l’Enquête Périodique auprès des Ménages (EPM) de 2010, réalisée par l’Institut National de la Statistique de Madagascar (INSTAT) entre le 15 juin et le 15 octobre 2010, à partir d’un échantillon représentatif de la population.3 Le questionnaire de l’enquête comprend des informations quantitatives sur divers aspects relatifs aux conditions de vie, comme la structure du ménage, le logement, l’infrastructure, la santé, la nutrition, l’éducation, les activités économiques (emploi), la vulnérabilité, les dépenses et la consommation, la source et le niveau de revenus, l’épargne, le crédit et les 3 L’échantillon final compte 12 460 ménages localisés dans 623 zones couvrant les 22 régions du pays. Voir INSTAT (2011b) pour plus de détails. 1 Introduction transferts. De plus, le rapport s’inspire de l’Enquête Démographique et de Santé (EDS) réalisée en 2008/2009, qui comporte des données sur la démographie, la population et la santé, et s’appuie sur les résultats d’enquêtes McRAM (évaluations reposant sur des Mécanismes Rapides d’Evaluation Multi- secteur) réalisées par l’UNICEF dans les zones périurbaines d’Antananarivo et de Tuléar. Ces enquêtes rapides ont été initiées en juillet 2010 dans le but d’évaluer rapidement l’impact de la crise en milieu périurbain. Le rapport intègre également les résultats d’enquêtes réalisées par le Réseau des Observatoires Ruraux pour évaluer l’impact économique et social de la crise politique en milieu rural , ainsi que l’Analyse Globale de la Sécurité Alimentaire et de la Vulnérabilité, réalisée par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et l’UNICEF en 2010 et qui s’intéresse particulièrement au milieu rural malgache. Enfin, le rapport s’inspire d’Evaluations Rapides de la Sécurité Alimentaire effectuées par l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et le PAM. 4. Impact Politique du Rapport. Un processus politique de recherche d’une issue à la crise est actuellement en cours à Madagascar, sous la direction de la Communauté Sud-Africaine de Développement (SADC). La stratégie de protection sociale esquissée dans ce rapport pourrait contribuer amplement au développement d’une stratégie de protection sociale par le gouvernement lui-même une fois la paix et la prospérité revenues. 5. Organisation du Rapport. Le rapport comporte deux volumes. Le premier volume correspond au contenu principal du rapport et il est organisé comme suit. Le Chapitre 1 fournit un cadre théorique pour l’analyse des risques et de la vulnérabilité, ainsi qu’une définition de la protection sociale. Le Chapitre 2 évalue les principaux risques auxquels la population malgache est confrontée et sa situation en termes de vulnérabilité. Le Chapitre 3 passe en revue les politiques de protection sociale mises en œuvre à Madagascar, les institutions chargées de la protection sociale et les ressources financières qui lui sont allouées par le gouvernement, les bailleurs de fonds et les ONG. Le Chapitre 4 poursuit avec la description et l’analyse des principaux programmes de protection sociale en cours d’exécution à Madagascar. Le Chapitre 5 s’appuie sur les chapitres précédents ainsi que sur l’expérience d’autres pays à faible revenu, en particulier des pays d’Afrique. Il expose les principes essentiels d’une stratégie de protection sociale et les actions à entreprendre en priorité, en particulier dès que la crise politique actuelle sera résolue. Ainsi, ce rapport vise à contribuer à la formulation et à la mise en œuvre d’une stratégie de protection sociale par les gouvernements à venir. 6. Le second volume regroupe un certain nombre de rapports de fond qui ont été réalisés dans le cadre de la préparation de ce rapport. Ces rapports sont les suivants : Conseils Stratégiques pour la Protection Sociale à Madagascar de Anthony Hodges (Strategic Directions for Social Protection in Madagascar) ; Pauvreté, Vulnérabilité et Sources de Risques de Tiaray Razafimanantena ; Evaluation de la Vulnérabilité des Ménages de l’INSTAT ; Revue des Programmes de Protection Sociale à Madagascar de Julia Rachel Ravelosoa ; Analyse des Dépenses Publiques en Protection Sociale à Madagascar de Maminirinarivo Ralaivelo ; Programme Tsena Mora de Maminirinarivo Ralaivelo ; Etude des Dépenses des ONG en Matière de Protection Sociale à Madagascar de Francis Hary Soleman Kone ; Partage d’Expériences sur la Protection Sociale : Transfert d’Espèces et Autres Formes de Soutien Scolaire en Faveur d’Enfants et Jeunes Scolarisés issus de Familles Pauvres de Brigitte Lalasoa Randrianasolo ; et Protection Sociale et Filets de Sécurité – Etude de Mécanismes de Paiement pour la Mise en Application d’un Transfert Monétaire en Espèces aux Pauvres à Madagascar de Josiane Robiarivony Rakotomanga. 2 Cadre Théorique 7. Au cours de leur vie, les individus sont confrontés à des chocs susceptibles de diminuer leur bien- être. La protection sociale correspond à l’ensemble des politiques et des mesures visant à réduire l’impact de ces chocs. Le présent chapitre présente brièvement les fondements conceptuels de la protection sociale ainsi qu’une typologie simple des programmes de protection sociale. A. Chocs, risques et bien-être 8. Depuis l’instant où ils sont conçus jusqu’à leur naissance, et tout au long de leur vie, les individus sont confrontés à des risques et subissent des chocs susceptibles d’altérer leur bien-être. Chacun de ces chocs peut être caractérisé par son origine, sa probabilité d’apparition et ses coûts en termes de bien-être. Les origines des chocs sont multiples : ils peuvent être politiques (coup d’état), économiques (crise des prix des produits pétroliers ou alimentaires), environnementaux (tsunami) ou médicaux (maladie) par exemple. La probabilité d’apparition varie considérablement selon le type de choc considéré, pouvant aller de l’ordre d’une fois sur plusieurs siècles (tremblement de terre) jusqu’à plusieurs fois par an (maladie). De plus, des chocs différents ont des conséquences très variées sur le bien-être de la population : certains chocs comme les tremblements de terre, les tsunamis ou les famines peuvent résulter en un état de détresse avancée (pertes humaines, réduction des biens financiers ou destruction des biens physiques) tandis que d’autres, tels que les accidents mineurs ou certaines maladies, peuvent avoir des conséquences beaucoup moins graves. L’impact d’un choc sur le bien-être peut également être temporaire ou permanent. Par exemple, l’impact d’une maladie peut être temporaire tandis qu’un grave accident peut entraîner un handicap à vie. 9. Les individus sont en général averses au risque. Ils préfèrent une source de revenu stable à une source de revenu susceptible de subir des fluctuations. En particulier, ils se méfient du risque de se retrouver anéantis suite à un unique imprévu, qui serait susceptible de leur faire connaître durablement la faim, la misère ou la mort. B. Protection sociale 10. L’aversion au risque génère une demande considérable en termes de mécanismes permettant de réduire l’impact des chocs. Dans les sociétés traditionnelles, ce besoin de protection contre les aléas pousse les ménages à s’auto-assurer en diversifiant leurs activités ou l’emplacement de leurs activités ; ils espèrent ainsi qu’une activité chanceuse compensera une activité qui l’est moins. Ce besoin explique aussi le réseau très dense des engagements conclus entre les individus ou les ménages, comme par exemple la répartition des tâches au sein des ménages et les arrangements de mariages. Avoir des enfants constitue une autre forme de protection sociale, particulièrement en vue de la vieillesse. Les sociétés traditionnelles développent également des normes comportementales et des règles de réciprocité qui fournissent des mécanismes implicites d’assurance. Au sein des communautés, il existe en général un système d’assurance mutuelle en cas de maladie, d’échec de la production ou de malchance en général. Ce système repos e habituellement sur une répartition bien établie du pouvoir et des responsabilités, sur l’assimilation de normes sociales ou sur des interactions répétées. 11. Cependant, les mécanismes traditionnels ne génèrent pas un niveau optimal de protection sociale. L’échange des risques au sein d’une communauté est soumis à de nombreuses contraintes, dues aux asymétries d’information et autres défaillances du marché. Les marchés d’assurance sont donc soit très restreints, soit inexistants. Par exemple, un risque qui affecte tous les membres d’une communauté ne peut être échangé ou réparti entre les différents membres par le biais de diversifications. Les individus demeurent donc exposés au risque de manière bien plus importante que ce qui serait socialement optimal. 12. La protection sociale est généralement définie comme l’ensemble des politiques et des mesures officielles qui réduisent l’impact des chocs et fournissent un niveau de protection bien plus avancé que celui généré par les mécanismes traditionnels. Les politiques de protection sociale peuvent être traduites en lois protégeant certains groupes de la population comme les travailleurs, les enfants, les femmes ou les 3 Cadre Théorique handicapés. Les mesures peuvent être publiques ou privées, contributives ou non contributives, subordonnées à des actions imposées aux bénéficiaires ou sans condition, ainsi que ciblées sur certains groupes spécifiquement vulnérables ou non ciblées. 13. Les mesures de protection sociale peuvent être divisées en trois grandes catégories : (i) les mesures de prévention cherchant à atténuer l’impact des chocs ex-ante ; (ii) les mesures de protection visant à faire face aux conséquences des chocs une fois que ceux-ci se sont produits ; et (iii) les mesures de promotion qui cherchent principalement à faire sortir les individus de leur situation d’extrême pauvreté et d’indigence (dans laquelle ils sont très vulnérables à tout choc négatif) et ce durablement. Des documents stratégiques essentiels de la Banque Mondiale, dont la Stratégie de Protection Sociale en Afrique 2011-21 (Africa Social Protection Strategy 2011-21, Banque Mondiale, 2011e) et la Stratégie de Protection Sociale et du Travail (Social Protection and Labor Strategy 2012-22, Banque Mondiale, 2012) fournissent un cadre théorique pour cette catégorisation Prévention, Protection et Promotion (Prevention, Protection and Promotion, ou 3P). 4 Risques et Vulnérabilité 14. La population malgache est confrontée à une grande diversité de risques et connaît des chocs fréquents. Certains chocs tels que les cyclones ou les hausses à l’échelle internationale des prix du pétrole et des produits alimentaires affectent simultanément toute ou une grande partie de la population. D’autres ont des conséquences spécifiques à l’échelle individuelle ; tout individu risque de tomber malade ou de se retrouver au chômage par exemple. Enfin, une partie de la population court un risque réel de basculer dans l’extrême pauvreté ou l’indigence, dont les répercussions négatives sur le bien-être sont considérables et persistent au-delà des générations. Le présent chapitre passe ces risques en revue ainsi que leur impact sur la population. Il examine également si ces risques ont augmenté ou non à la suite de la crise politique qui a éclaté début 2009. La description des risques et de la vulnérabilité ainsi exposée dans ce chapitre servira de référentiel pour l’analyse de la pertinence et de l’efficacité des programmes de protection sociale dans le reste du rapport. A. Prévalence des chocs et réponses des ménages 15. A Madagascar, une proportion très élevée de la population connaît des chocs fréquents, en particulier des chocs d’origine environnementale. D’après l’EPM 2010, 93 pour cent des ménages ont été affectés par des chocs en 2009/2010 (Figure 2.1). Les ménages interrogés ont rapporté que ces chocs avaient pour origine des catastrophes naturelles (cyclones, inondations, sécheresses, invasions de criquets, épidémies végétales), un manque de sécurité, des difficultés économiques ou encore des maladies.4 Les chocs environnementaux ont davantage touché la population en milieu rural qu’en milieu urbain (83 pour cent contre 63 pour cent). L’insécurité et les chocs économiques ont chacun touché enviro n un tiers de la population, sans grande différence entre les milieux ruraux et urbains. En conséquence de ces chocs, 25 pour cent des ménages ont connu des pertes de biens et 83 pour cent des pertes de revenus. Sans surprise, le taux de pauvreté était plus élevé chez les ménages affectés par des chocs (78 pour cent) que chez ceux épargnés par les chocs (59 pour cent). Figure 2.1 : Prévalence des Chocs – Ménages Touchés (%) 100% Urbain Rural Total 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Climat et Insécurité Maladie ou Problèmes Autres Tous les Chocs Environnement Mort Economiques Source : EPM 2010, INSTAT. 16. Les ménages disposent de moyens limités pour se protéger face aux répercussions des chocs. Les transferts entre les ménages sont certainement source de soutien en cas d’épreuves (en 2010, 47 pour cent des ménages ont réalisé un transfert et 36 pour cent en ont bénéficié). Cependant, ces transferts ne 4 Les ménages interrogés devaient choisir parmi une liste de chocs qui ne comprenait pas les chocs de nature politique. 5 Risques et Vulnérabilité constituent généralement pas un moyen de protection adéquat et font largement défaut lorsque tout le réseau des ménages associés est lui-même frappé par un choc. Sur la question des stratégies de réponse aux chocs adoptées, 48 pour cent des ménages ont répondu avoir travaillé plus, 11 pour cent ont réduit leur consommation, 10 pour cent ont vendu leurs biens, dont leur bétail, tandis que moins de 4 pour cent ont contracté des prêts, ce qui peut être expliqué par les lourdes contraintes qui pèsent sur les ménages lorsqu’ils cherchent à accéder à du crédit (Figure 2.2). Le secteur informel, qui représente 65 pour cent de l’emploi (contre 53 pour cent en 2001), constitue la plus grande source d’opportunités lorsqu’un indivi du cherche à travailler davantage. Réduire la consommation est source d’un stress intense, notamment lié à des problèmes de carences nutritionnelles, pour une population qui connaît déjà de grandes difficultés. Quant à la vente de biens de production, elle diminue davantage la capacité déjà limitée qu’ont les ménages à survivre à des chocs futurs.5 La migration est également une stratégie répandue, utilisée comme mesure proactive ou en conséquence de chocs intenses tels que des cyclones ou des sécheresses. L’ensemble de ces mécanismes sont toutefois largement insuffisants pour réduire l’impact des chocs : trois ménages sur quatre ayant connu un choc disent ne toujours pas s’en être relevé un an plus tard (EPM 2010). Figure 2.2 : Réponses des Ménages aux Chocs (%) 100% 90% 80% 70% 60% Urbain 50% 40% Rural 30% Total 20% 10% 0% Travail Obtention d'un Vente de bien Réduction de la Pas de réponse au supplémentaire prêt ou de crédit (dont du bétail) consommation choc Source : EPM 2010, INSTAT. 17. Les données disponibles suggèrent que la crise politique actuelle a un impact négatif considérable sur les ménages. Entre mai et novembre 2010, la grande majorité des ménages vivant à Antananarivo dépendaient de leur famille proche (pour 60 pour cent), d’amis (pour 15 pour cent), de voisins (pour 14 pour cent) ou de collègues de travail (pour 8 pour cent) pour faire face aux conséquences des chocs les affectant. Très peu de ménages dépendaient d’ONG (environ 1 pour cent) ou d’églises (environ 0,6 pour cent) (Système des Nations Unies, 2011). L’absence de soutien supplémentaire externe sous forme de transferts de fonds, ou de ressources provenant de donateurs extérieurs ou d’ONG est manifestement problématique étant donné le contexte actuel, puisque cela force les ménages à dépendre les uns des autres alors même qu’ils sont tous affectés par la crise politique actuelle. Dans cette situation, il n’est pas surprenant qu’un nombre grandissant de ménages avoue ne pas être capable d’obtenir quelque support que ce soit pour faire face aux chocs négatifs provoqués par la crise politique (Système des Nations Unies, 2011). Une telle incapacité à atténuer les chocs est susceptible d’avoir des effets négatifs considérables sur la population actuelle ainsi que sur les générations futures. 5 Certains agriculteurs se sont vus obligés de vendre des terres pour faire face à des chocs, d’où une répartition des terres encore plus inégale (INSTAT, 2011). 6 Risques et Vulnérabilité B. Risques systématiques 18. Certains chocs affectent simultanément toute la population ou une grande partie de celle-ci. Le risque sous-jacent est appelé risque systématique et ne peut être surmonté par répartition au sein de la population elle-même – tout le monde étant affecté. Les principaux risques systématiques auxquels la population malgache est exposée sont liés aux catastrophes naturelles, aux chocs économiques internationaux et à la récurrence de crises gouvernementales, dont la crise politique actuelle. 19. Catastrophes naturelles. Madagascar est très exposée aux catastrophes naturelles, qui comptent des cyclones à répétition, des inondations, des sécheresses, des invasions de criquets et des épidémies animales et végétales. Madagascar a connu au moins 50 catastrophes naturelles au cours des 35 dernières années. Environ un quart de la population vit dans des zones régulièrement touchées par des chocs climatiques. La côte est, où vit plus d’un tiers de la population, est exposée chaque année aux cyclones qui se forment dans l’Océan Indien entre les mois de décembre et avril. Les inondations affectent principalement les zones littorales sud-est et ouest. Ces chocs répétés infligent des dégâts physiques considérables aux infrastructures du pays, dont les routes et les écoles, et aux capacités de production et dégradent les moyens d’existence de la population. Ainsi, trois cyclones consécutifs ont frappé Madagascar début 2008, touchant 17 des 22 régions : une analyse exhaustive des dégâts, pertes et besoins a évalué les dégâts totaux à 174 millions $US (gouvernement de Madagascar, 2008). D’un autre côté, le sud est sujet à des sécheresses récurrentes, car les précipitations y sont les plus faibles. Des précipitations insuffisantes et irrégulières depuis 2008 dans trois régions du sud a eu un impact dévastateur sur les récoltes de 2010, laissant de nombreux ménages vulnérables dans le besoin (Programme Alimentaire Mondial et UNICEF, 2011). L’exposition à ces risques se trouve accrue par le faible niveau de mesures d’atténuation (structures de protection contre les inondations, normes de construction, mesures anti- érosion). Les épidémies animales et végétales ainsi que les invasions de criquets constituent des risques systématiques supplémentaires. 20. Le réchauffement climatique aggrave également l’exposition aux risques de la population, car il engendre des perturbations climatiques toujours plus rigoureuses. Bien que le nombre annuel de cyclones frappant Madagascar n’ait pas changé de manière significative au cours des 25 dernières années, l’intensité des cyclones a nettement augmenté depuis 1994 (Programme Alimentaire Mondial et UNICEF, 2011). Les prévisions à long-terme indiquent une augmentation de 2,5 degrés de la température moyenne au cours des 50-100 prochaines années, accompagnée par une diminution du niveau annuel des précipitations ponctuée par des pics d’augmentation pendant la saison des pluies. 21. Chocs économiques internationaux. Madagascar est exposée à des chocs économiques internationaux qui peuvent avoir un impact considérable sur le bien-être des ménages. Une augmentation soudaine et conséquente des prix internationaux des produits alimentaires – en particulier du prix du riz, l’aliment de base – touche à la fois la population urbaine et les très nombreux ménages ruraux qui sont des consommateurs nets de produits alimentaires ou qui connaissent des déficits saisonniers en nourriture par manque d’équipements de stockage adéquats.6 Bien que 68 pour cent des ménages produisent du riz, plus de deux tiers de ces ménages ont besoin d’en acheter à un moment donné au cours de l’année (INSTAT, 2011a). Les prix sont les plus hauts pendant la période de soudure précédant les récoltes, lorsque les stocks sont au plus bas et que le transport est perturbé par de fortes pluies dans de nombreuses régions (décembre-mars). Bien que les calendriers agricoles varient géographiquement, les agriculteurs ont tendance à vendre à bas prix en juin, après la récolte de riz de mars-mai, puis à acheter de la nourriture à des prix plus élevés, qui culminent en février (Programme Alimentaire Mondial et UNICEF, 2011). 6 La tendance à la hausse à long terme des prix réels du riz peut ne pas menacer le bien-être de la population de manière trop importante, puisque sur une longue période producteurs et consommateurs peuvent ajuster leurs tendances de production et de consommation. 7 Risques et Vulnérabilité 22. Madagascar ne produit pas de pétrole, ce qui rend le pays également vulnérable à toute hausse du prix du pétrole à l’échelle internationale.7 Des prix plus élevés de l’énergie engendrent des prix plus élevés des produits dérivés directement consommés par les ménages (électricité, essence, kérosène, diesel) et qui comptent pour 2,6 pour cent des dépenses des ménages (3,5 pour cent pour les ménages du quintile le plus pauvre) (Andriamihaja and Vecchi, 2007). Les tendances de consommation de l’énergie varient considérablement en fonction de la richesse : le kérosène compte pour 92 pour cent des dépenses totales en énergie pour les ménages du quintile le plus pauvre, alors qu’il compte pour 41 pour cent des dépenses totales en énergie pour les ménages du quintile le plus riche, qui dépensent 46 pour cent en électricité et 10 pour cent en essence. Des prix plus élevés du pétrole engendrent également des prix plus élevés des biens et des services qui requièrent l’utilisation de produits pétroliers au cours de leur production. Andriamihaja and Vecchi (2007) estiment que 60 pour cent environ de l’augmentation des dépenses (44 pour cent dans le quintile le plus pauvre et 67 pour cent dans le quintile le plus riche) est dû à ces effets indirects, principalement à cause de l’augmentation des prix des produits alimentaires et des transports. Cependant, les conséquences des chocs des prix du riz et du pétrole ont été largement atténuées historiquement par l’adoption de mesures à l’échelle nationale (voir le Chapitre 4). 23. Madagascar souffre également de la perte de son traitement préférentiel sur les marchés étrangers pour les produits manufacturés, surtout les textiles. Plus de 30 000 ouvriers ont été licenciés dans des entreprises de textile et de vêtements lorsque Madagascar a perdu en janvier 2010 son droit au traitement de faveur instauré par la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique ( African Growth and Opportunity Act, ou AGOA) (Banque Mondiale, 2011f). De nombreux emplois ont été supprimés en milieu urbain depuis que l’industrie textile ne peut plus bénéficier des avantages de l’AGOA, en conséquence du changement de pouvoir anticonstitutionnel qui est à l’origine de la crise politique de 2009. 24. Crises gouvernementales. Les crises gouvernementales à répétition constituent un risque systématique majeur pour la population malgache. L’expérience socialiste lors de la période Ratsiraka (1975-1991) a conduit à une baisse considérable du PIB par habitant en valeurs réelles, qui a diminué d’environ deux tiers pendant cette période (il est passé de 400 $US environ en 1975 à 250 $US environ en 1991).8 Depuis, trois crises politiques majeures ont éclaté à Madagascar (en 1991, 2002 et 2009) et ont profondément bouleversé les activités économiques : les PIB a diminué de 6,3 pour cent en 1991, de 12,4 pour cent en 2002 et de 3,7 pour cent en 2009 (Graphique 2.1). Bien que la réduction des activités économiques ait été moins drastique lors de la crise actuelle, cela fait maintenant trois ans que la crise dure, et le PIB par habitant a chuté d’environ 10 pour cent depuis début 2009. Au cours de la dernière décennie, le PIB par habitant est resté globalement stable à un très bas niveau, étant donné que les gains accumulés au cours d’une année étaient compensés par des pertes l’année suivante. Compte tenu de cette croissance médiocre, Madagascar n’a fait aucun progrès en termes de pauvreté au cours des 20 dernières années. La pauvreté est même passée de 70% en 1993 à 77% en 2010, le nombre total des individus pauvres ayant augmenté de 9,9 millions à 15,6 millions et celui des individus extrêmement pauvres de 8,4 millions à 11,5 millions.9 L’indice d’écart de la pauvreté, qui est un indice de l’intensité de la pauvreté et mesure la distance des individus pauvres au seuil de pauvreté, est resté stable autour de 35 pour cent depuis 1993 (Encadré 1.1). En 2010, les pauvres consommaient en moyenne 35 pour cent de moins que le seuil de pauvreté (EPM 2010). A l’heure actuelle, Madagascar présente le taux de pauvreté le plus élevé au monde avec Haïti (d’après les seuils de pauvreté et dépenses de consommation au niveau national) (Banque Mondiale, 2011d). 7 Cette situation risque de changer lorsque le gisement pétrolier Tsimiroro, dont on estime qu’il contient 3,5 milliards de barils d’huile lourde, entrera en production. Les possibilités d’exploitations minière et pétrolière à Madagascar suscitent un grand intérêt. Ce domaine pourrait devenir une source de revenu supplémentaire considérable dans les années à venir. 8 Bien que le PIB par habitant soit une valeur d’ensemble, ce chiffre peut raisonnablement servir d’indicateur du bien -être général d’un individu. 9 La population de Madagascar était estimée à 14,1 millions en 1993 et 20,0 millions en 2009. 8 Risques et Vulnérabilité Graphique 2.1 : PIB par habitant et Pauvreté (1960-2011) 500 100.0% Pauvreté Extrême Pauvreté 450 90.0% PIB par Habitant (référence : 2000 $US) 400 80.0% Taux de Pauvreté % 350 70.0% 300 60.0% 250 50.0% 200 40.0% 150 30.0% 100 20.0% 50 10.0% 0 0.0% 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Sources : INSTAT, Indicateurs du Développement dans le Monde (World Development Indicators, ou WDI) et FMI. 9 Risques et Vulnérabilité Encadré 2.1 : Mesures de la Pauvreté et Problèmes Associés Le seuil de pauvreté extrême est défini comme le coût du panier de consommation standard dont un individu a besoin pour satisfaire ses besoins minima en énergie. A Madagascar, cela correspond au coût d’un panier de consommation fournissant un apport calorique journalier de 2 133 kcal par personne. En 2010, le coût d’un tel panier de consommation était évalué à 382 162 Ar par an, soit l’équivalent de 157 $US (EPM 2010). Le seuil de pauvreté est obtenu en ajoutant à ce coût du panier alimentaire l’estimation du coût de la consommation non alimentaire, maintenue dans des limites raisonnables. En 2010, le seuil de pauvreté était évalué à 468 800 Ar par an, soit l’équivalent de 224 $US (EPM 2010). Une mesure naturelle de la pauvreté consiste à compter le nombre d’individus se situant en dessous du seuil de pauvreté ou du seuil de pauvreté extrême. Il s’agit donc tout simplement d’un recensement. En 2010, 15,6 millions de Malgaches étaient considérés comme pauvres et 11,5 millions comme extrêmement pauvres. Pour obtenir l’incidence relative de la pauvreté, le nombre d’individus pauvres peut être divisé par la population totale. En 2010, le taux de pauvreté était de 76,5 pour cent à Madagascar, tandis que le taux de pauvreté extrême était de 56,5 pour cent (EPM 2010). Une limite évidente du taux de pauvreté (respectivement du taux de pauvreté extrême) provient du fait que ce taux ne mesure pas à quel point les individus se situent en dessous du seuil de pauvreté (respectivement du taux de pauvreté extrême). Ainsi, un gouvernement qui chercherait à réduire l’incidence de la pauvreté pourrait adopter des mesures favorisant les individus proches du seuil de pauvreté, étant donné qu’il est moins coûteux de les faire sortir de la pauvreté que ceux qui en sont plus éloignés. L’indice d’écart de la pauvreté (poverty gap ratio, PGR) pallie à cet inconvénient en mesurant directement l’intensité de la pauvreté. Le PGR correspond au manque à gagner des individus pauvres (respectivement extrêmement pauvres) par rapport au revenu moyen (ou à la consommation moyenne), en pourcentage du seuil de pauvreté (respectivement du seuil de pauvreté extrême). Formellement, l’indice d’écart de la pauvreté est défini par : ∑ où désigne le seuil de pauvreté, le revenu (ou la consommation) d’un individu i et la somme porte sur tous les individus se situant en dessous du seuil de pauvreté. En 2010, l’indice d’écart de la pauvreté était de 34,9 pour cent, ce qui signifie que la consommation des pauvres était en moyenne de 145,80 $US (34,9 pour cent de moins que le seuil de pauvreté). L’indice d’écart de la pauvreté extrême était de 20,8 pour cent, d’où une consommation des individus extrêmement pauvres de 124,30 $US. Chaque individu extrêmement pauvre manquait donc de 32,70 $US pour pouvoir se procurer le panier de consommation alimentaire minimum. Cependant, le taux de pauvreté comme l’indice d’écart de la pauvreté présentent un défaut en tant qu’objectifs politiques : ils ne rendent pas compte du phénomène essentiel de dénuement relatif au sein des pauvres. En effet, un transfert de ressources entre des individus pauvres ne modifie pas ces deux mesures, tant que les individus demeurent en dessous du seuil de pauvreté. Les économistes ont développé d’autres mesures de la pauvreté tenant compte de ce phénomène, c’est-à-dire telles qu’un transfert de revenu d’un individu pauvre à un individu plus pauvre – qui ne modifie pas l’ensemble des pauvres – diminue la pauvreté. Foster, Greer et Thorbecke (1984) proposent un ensemble de mesures qui rendent compte de cette question de répartition. Source : Auteur (année). C. Risques individuels 25. Cette partie décrit les principaux risques individuels auxquels la population malgache est exposée. Il est important de constater pour commencer que la population malgache est très jeune, la moitié des individus ayant moins de 22 ans et 5 pour cent seulement plus de 60 ans. Il est également utile de signaler que, bien que Madagascar présente le taux de pauvreté le plus élevé au monde avec Haïti (77 pour cent), l’espérance de vie (de 66 ans) y est plus élevée que dans la plupart des pays d’Afrique. De plus, peu de gens meurent de faim, probablement parce que la plupart des individus peuvent consommer du riz produit 10 Risques et Vulnérabilité par leurs soins, et possèdent un toit. Le Tableau 2.5 décrit les risques individuels par tranche d’âge, certains indicateurs d’évaluation de l’impact de chaque risque ainsi que le nombre d’individus touchés. 26. Morbidité. Les maladies constituent des risques majeurs qui peuvent faire obstacle à la croissance des enfants et à leur développement équilibré. La morbidité est très élevée à Madagascar. Selon l’EPM 2010, 12,4 pour cent des individus interrogés ont dit avoir été malade au cours des deux semaines précédant l’enquête (Tableau 2.1). Le taux d’incidence de la maladie atteignait 22,0 pour cent chez les enfants de moins de un an et 21,8 pour cent dans la région la plus pauvre d’Androy, située dans le sud. Fièvre, malaria, maladies diarrhéiques et infections respiratoires sont les maladies les plus courantes, en particulier chez les jeunes enfants. Cette observation est particulièrement inquiétante, sachant que les maladies contractées au cours de la petite enfance marquent profondément les individus et constituent la plus grande menace pour les enfants, au vu des conséquences permanentes sur leur développement cognitif, ainsi que sur leur bien-être et leur productivité futurs en tant qu’adultes.10 De plus, la morbidité a nettement augmenté, passant de 7,2 pour cent en 2005 à 12,4 pour cent en 2010, probablement en conséquence de la crise qui dure depuis plus de trois ans. En cas de maladie, seul un tiers des individus interrogés ont consulté un professionnel de santé en 2010, contre 40 pour cent en 2005. Parmi ceux qui estimaient que leur état était suffisamment grave pour avoir recours aux services de santé, la moitié environ n’a pas consulté de professionnel de santé à cause de contraintes financières, tandis qu’un autre quart a évoqué le problème de l’éloignement des services de santé. Cependant, des problèmes du côté de l’offre sont également en cause : 40 des femmes avouent craindre que le professionnel de santé ne soit pas disponible, tout comme les médicaments nécessaires (DHS 2008/9). Environ un tiers de ceux qui n’ont pas consulté ont essayé l’automédication et ont dépensé en moyenne 3000 Ar en médicaments. La moitié de ceux qui ont consulté se sont rendus à un Centre de Santé de Base (CSB) tandis qu’un cinquième est allé dans un cabinet privé, avec de grandes disparités selon les quintiles de revenu : deux tiers se sont rendus dans un CSB dans le quintile le plus bas tandis que 10 pour cent seulement ont vu un docteur dans le privé. En 2010, ceux qui ont consulté ont dépensé en moyenne 17 800 Ar en médicaments (contre 6193 Ar en 2005). Tableau 2.1 : Indicateurs de Santé Indicateurs 2005 2010 Individus ayant indiqué avoir été malades au cours des deux dernières semaines 7,2% 12,4% Incidence de la maladie chez les enfants de moins de un an 15,6% 22,0% Taux de consultation 40,2% 32,7% Parmi les individus présentant une condition sérieuse, causes de non consultation (% du total): Coût 50,8 53,0 Eloignement des professionnels de santé 20,0 24,4 Autre cause 29,2 22,6 Taux d’automédication 72,4% 64,1% Coût moyen du traitement par automédication 1 436 Ar 3 000 Ar Etablissement fréquenté pour les consultations (% du total): Centre de Santé de Base 63,1 52,6 Docteur du secteur privé 15,7 19,2 Autre établissement 21,2 28,2 Coût moyen du traitement (pour les individus ayant consulté) 6 193 Ar 17 800 Ar Source : EPM 2005 et EPM 2010, INSTAT. 10 Pour plus d’informations à ce sujet, voir Walker et al. (2011) qui montre comment le développement au cours de la petite enfance affecte le développement à un stade ultérieur. 11 Risques et Vulnérabilité 27. La population malgache est exposée à de nombreuses maladies, notamment des maladies infectieuses et parasitiques chez les enfants. Une maladie répandue est le manque de fer chez les femmes enceintes et allaitantes. Environ 40 pour cent des femmes ne consomment pas de fer supplémentaire pendant leur grossesse, tandis que 43 pour cent seulement prennent de la vitamine A après leur accouchement (DHS 2008/9). De plus, seule la moitié des ménages possède du sel contenant suffisamment d’iode, élément essentiel pour un métabolisme cellulaire normal. Le faible niveau d’hygiène (plus de la population ne dispose pas de latrines) et d’accès à l’eau potable (plus de la moit ié de la population boit de l’eau des rivières, des lacs ou d’autres sources non protégées) entraîne des infections diarrhéiques, cause centrale de morbidité et de mortalité chez les nourrissons et les enfants qui retarde systématiquement la croissance (EPM 2010). Bien que les vaccinations se soient répandues au cours de la dernière décennie, seuls 62 pour cent des enfants entre 12 et 23 mois étaient complètement immunisés en 2008/9, tandis que 13 pour cent (plus de 100 000 enfants) n’avaient reçu aucune vaccination (DHS 2008/9). La vaccination des enfants s’est également détériorée depuis début 2009. Alors que le risque de handicap ou de maladie chronique est peu connu, le risque de contracter le VIH/SIDA est un problème beaucoup moins préoccupant que dans d’autres parties d’Afrique subsaharienne, grâce au faible taux de prévalence du virus du VIH (moins de 1 pour cent). 28. Malnutrition. Le risque de carence alimentaire est très élevé. A l’heure actuelle, plus de la moitié des individus sont sous-alimentés (leur apport calorique est inférieur au minimum requis).11 Une bonne alimentation est également un élément clé de la croissance dès la petite enfance. La taille-pour-l’âge et le poids-pour-l’âge d’un enfant sont de bons indicateurs de son état de santé et par la même occasion de son état nutritionnel.12 Les enfants malgaches sont les plus exposés au risque de retard de croissance (dû à la malnutrition) parmi tous les pays d’Afrique subsaharienne où les données sont disponibles (Banque Mondiale, 2011d). Le taux de malnutrition chez les enfants de moins de 3 ans était de 46 pour cent en 2009 (DHS 2008/9), ce qui signifie que plus de 1,2 millions d’enfants de moins de 3 ans souffraient de malnutrition chronique. Le taux de cachexie était de 14,1 pour cent en 2004, ce qui signifie que plus de 350 000 enfants étaient émaciés (DHS 2003/4).13 La malnutrition a peu évolué au cours des 20 dernières années : 50,1 pour cent des enfants de moins de 5 ans présentaient un retard de croissance en 2008/9 contre 56,4 pour cent en 1992, d’après les données des DHS. 29. Mortalité. La population malgache est fréquemment sujette à des épidémies, qui menacent particulièrement les nourrissons et les enfants. Cependant, la mortalité a diminué de manière significative. Malgré un taux de malnutrition qui demeure élevé, la mortalité infantile et juvénile a diminué de moitié au cours des 20 dernières années.14 La mortalité infantile est passée de 117 décès sur 1 000 enfants nés vivants au milieu des années 1980 à 58 pour la période 2000-2004 et 48 pour la période 2003-08 (DHS 2003/04 et DHS 2008/09), alors qu’elle est de 81 décès pour 1 000 naissances vivantes en Afrique subsaharienne (Banque Mondiale, 2011d). La mortalité chez les enfants de moins de 5 ans est passée de 157 décès sur 1 000 enfants nés vivants pendant la période 1992-97 à 94 en 2000-2004 et 72 pour la période 2003-08, alors qu’elle est de 130 décès pour 1 000 naissances vivantes en Afrique subsaharienne 11 Le taux de pauvreté extrême calculé à partir des enquêtes auprès des ménages évalue le pourcentage d’individus qui ne peuvent pas se procurer un apport énergétique minimum de 2 133 kcal. Ainsi, la pauvreté extrême était de 59,2 pour cent en 1993 et de 56,5 pour cent en 2010 (EPM 2005 et EPM 2010). 12 La taille-pour-l’âge est une mesure représentative de l’historique nutritionnel d’un individu et des maladies qu’il a contractées. Le poids-pour-l’âge est, quant à lui, représentatif de son état nutritionnel actuel. Les personnes présentant un poids-pour-l’âge anormalement faible sont dites émaciées (atteintes de cachexie) dans la littérature biomédicale, et celles présentant une taille- pour-l’âge anormalement faible sont dites rachitiques. 13 Le rapport DHS 2008/09 ne présente pas les taux d’émaciation. 14 La mortalité infantile est définie comme le rapport du nombre d’enfants morts avant l’âge de un an sur le nombre total d’enfants nés vivants, exprimé pour 1 000 naissances. C’est un bon indicateur de l’état de nutrition et d’hygiène aux premiers stades de la vie. Cette statistique est également liée à l’état de santé de la mère et à la durée de l’allaitement. La mortalité juvénile est définie comme le nombre de décès chez les enfants âgés de 1 à 4 ans, pour 1 000 enfants appartenant à cette catégorie. C’est un bon indicateur de l’état de nutrition et d’hygiène d’un enfant après son sevrage (qui survient en général à un an, ou légèrement plus tard) et après qu’il a été exposé à différents types d’apports nutritionnels. 12 Risques et Vulnérabilité (Banque Mondiale, 2011d). Cependant, le crise politique actuelle est susceptible d’avoir interrompu voire inversé cette tendance. 30. Mortalité maternelle. Les risques associés à l’accouchement sont également très élevés. Etant donné le taux de mortalité maternelle évalué à 498 morts sur 100 000 accouchements pour la période 2002-09, une femme a une chance sur 38 de décéder de causes liées à la maternité durant la grossesse ou suite à l’accouchement (DHS 2008/09). Ce taux n’a globalement pas changé depuis la période 1998-2003, au cours de laquelle il a été évalué à 469 morts sur 100 000 accouchements. Il soutient la comparaison avec le taux moyen de 646 décès sur 100 000 accouchements en Afrique subsaharienne (Banque Mondiale, 2011d). 31. Risques liés à l’éducation. Les principaux risques auxquels les enfants sont confrontés sont un faible développement du capital humain, le travail des enfants et la marginalisation. Le taux d’alphabétisation est de 71 pour cent, tandis que 37 pour cent de la population n’ont jamais été scolarisés (EPM 2010) (Tableau 2.2). Le manque d’éducation résulte en un salaire moindre dans le futur, étant donné que l’éducation est un facteur déterminant pour l’emploi dans tous les secteurs, sauf l’agriculture. D’après l’enquête auprès des ménages réalisée en 2010, le taux net de scolarisation au niveau primaire était de 73 pour cent (EPM 2010). L’enquête signale également des taux élevés d’abandon scolaire et de redoublement (respectivement de 6 pour cent et de 15 pour cent au niveau primaire), confirmés par les données administratives. Cette difficulté de progression scolaire est particulièrement marquée au sein des ménages ruraux et à faible revenu, mais ne présente pas de grande disparité selon le genre (EPM 2010). Ainsi, le taux d’achèvement de l’école primaire était évalué à 61 pour cent en 2010/11 (Ministère de l’Education, 2011). Une minorité d’enfants passe au niveau secondaire. Le taux net de scolarisation, de 22,7 pour cent au niveau du collège, tombe à 6,3 pour cent au niveau du lycée (EPM 2010). Tableau 2.2 : Indicateurs d’Education Indicateurs 2005 2010 Taux d’alphabétisation 62,9% 71,4% Pourcentage de la population sans instruction 33,8% 37,0% Taux net de scolarisation au niveau primaire 83,3% 73,4% Taux de redoublement (niveau primaire) 19,7% 14,9% Taux de déscolarisation (niveau primaire) 7,1% 6,3% Frais scolaires annuels par enfant 38 589 Ar Taux net de scolarisation au niveau du collège 19,1% 22,7% Taux net de scolarisation au niveau du lycée 4,4% 6,3% Source : EPM 2005 et EPM 2010, INSTAT. 32. Depuis 2005, la réussite scolaire s’est dégradée, et la crise politique de 2009 a renforcé cette tendance. D’après le Ministère de l’Education, le taux net de scolarisation au niveau primaire est passé de 83 pour cent en 2005 à 73 pour cent en 2010 (EPM 2010). Le taux d’achèvement du cycle primaire est passé de 66 pour cent pour l’année scolaire 2008/09 à 61 pour cent pour l’année 2010/11, ce qui signifie que le nombre total d’enfants en âge d’être scolarisés n’allant pas à l’école est passé de 260 000 en 2008/09 à environ 400 000 en 2010/11 (Ministère de l’Education, 2011). Le risque de déscolarisation a également augmenté au cours de cette période. En réalité, la crise politique et économique de 2009 a entraîné une diminution des dépenses du gouvernement allouées à l’éducation, tandis que les parents éprouvent de plus en plus de difficultés à couvrir les frais scolaires. En 2010, les frais scolaires moyens par enfant étaient évalués à 38 579 Ar (soit l’équivalent de 19 $US), dont la moitié correspond aux frais de nourriture et de transport, tandis que le reste des dépenses comprend le matériel scolaire, les manuels 13 Risques et Vulnérabilité scolaires et les contributions au FRAM (EPM 2010).15 L’absence de résolution de la crise politique met donc en péril l’éducation de la nouvelle génération. 33. Les indicateurs de développement sont moins bons pour les ménages des quintiles les plus bas, bien que beaucoup d’indicateurs soient mauvais même dans les quintiles les plus hauts (Tableau 2.3). Le taux de mortalité des moins de 5 ans (Under 5 Mortality Rate, ou U5MR) présente des disparités frappantes selon les déciles de revenu, étant donné que les enfants du quintile de richesse le plus pauvre ont deux fois plus de chance de mourir avant l’âge de 5 ans que les enfants du quintile le plus riche (106 contre 48 décès pour 1 000 naissances vivantes). De la même manière, les enfants du quintile le plus pauvre présentant des symptômes d’Infection Respiratoire Aiguë (IRA) ont deux fois moins de chance d’être emmenés chez un professionnel de santé pour être traité que les enfants du quintile le plus riche. Les disparités sont encore plus marquées pour certains indicateurs de santé maternelle ; par exemple, le nombre de femmes du quintile le plus pauvre accouchant en présence de personnel qualifié représente le quart de celui des femmes du quintile le plus riche. Le retard de croissance dû à la malnutrition fait toutefois exception à la règle, étant très élevé dans tous les quintiles et sans corrélation apparente avec le niveau de richesse du ménage, ce qui suggère que les pratiques alimentaires déterminées par la culture (faible niveau d’allaitement exclusif et manque de diversité alimentaire) sont des facteurs plus importants que les différences de richesse. Il existe des disparités similaires pour le taux de scolarisation, qui est fortement corrélé avec le niveau des dépenses de consommation. Le taux net de scolarisation au niveau primaire est de loin le plus faible pour le quintile des dépenses de consommation le plus bas (59 pour cent) puis croît progressivement jusqu’à atteindre 87 pour cent pour le quintile le plus riche. La grande majorité des enfants des quintiles les plus pauvres sont exclus du cycle secondaire. 15 FRAM signifie Fikambanan’ny Ray Amandrenin’ny Mpianatra, et désigne des associations parents-professeurs qui recrutent des enseignants vacataires, appelés enseignants FRAM. 14 Risques et Vulnérabilité Tableau 2.3 : Indicateurs de Développement Humain par Quintile 1er 2ème 3ème 4ème 5ème Total Données issues du DHS 2008/09 * (Quintiles de Richesse) Taux de mortalité des moins de 5 ans (pour 1 000 naissances vivantes) 106 93 84 64 48 72 Retard de croissance dû à la malnutrition (% enfants < 5) 47,6 54,0 52,5 51,0 43,6 50,1 Naissances assistées par du personnel qualifié (%) 21,9 28,3 42,9 60,1 90,0 43,9 Naissances dans des établissements de santé (%) 17,7 24,4 37,0 48,0 66,4 35,3 Enfants présentant des symptômes d’IRA emmenés en consultation 32,5 29,2 39,4 51,5 68,0 42,0 (%) Enfants atteints de fièvre emmenés en consultation (%) 33,2 32,2 35,2 48,2 64,8 41,4 Données issues du CSFVA+N 2010 (Milieu Rural uniquement ; Quintiles de Richesse) Cachexie (% enfants <5) 6,7 5,7 6,1 3,8 2,5 5,4 Enfants de 6 à 23 mois ayant une alimentation suffisamment 10,4 9,8 9,5 10,7 39,4 14,4 diversifiée (%) Enfants de 6 à 23 mois ayant une alimentation acceptable (%) 9,1 8,6 10,9 9,9 30,6 12,3 Incidence de la maladie chez les enfants < 5 (%, sur les 2 semaines 52,6 48,6 40,8 41,6 37,7 44,0 précédant l’enquête) Consultation pour les enfants malades (%) 17,1 23,4 25,2 31,9 32,4 26,0 Données issues de l’EPM 2010 (Quintiles de Dépenses de Consommation) Taux net de scolarisation au niveau primaire (%) 58,8 72,0 76,3 81,8 86,7 73,4 Taux net de scolarisation au collège (%) 8,1 12,6 20,5 30,0 48,1 22,7 Taux net de scolarisation au lycée (%) 0,6 1,1 2,1 5,7 20,7 6,3 Source : DHS 2008/09 (INSTAT et ICF Macro, 2010) ; CFSVA+N 2010 (PAM et UNICEF, 2011) ; EPM 2010 (INSTAT, 2011). Note : * Pour les 5 ans précédant le DHS 2008/09 ; les données par quintiles couvrent les 10 ans précédant l’enquête. 34. Les ménages pauvres révèlent devoir surmonter des obstacles considérables pour accéder aux services de santé. Devoir payer presque tous les services de santé et médicaments constitue un obstacle de taille pour tous les ménages. Les contraintes pèsent particulièrement sur les ménages du quintile le plus bas. D’après le DHS 2008/09, les principales contraintes du côté de la demande sont le manque de ressources financières (cité par 65 pour cent des femmes du quintile le plus bas) et le manque de transports (42 pour cent) (Tableau 2.4). Les contraintes du côté de l’offre sont également considérables, 55 pour cent des femmes exprimant leur crainte que ni un professionnel de santé ni les médicaments ne soient disponibles. Ces problèmes sont particulièrement vifs pour les ménages ruraux. Tableau 2.4 : Difficultés d’Accès aux Services de Santé en Cas de Maladie Citées par les Femmes (%) Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Rural Urbain Total Manque d’argent 65,0 62,0 62,7 53,7 37,9 56,9 46,1 55,0 Eloignement des services de santé 55,1 51,6 51,4 36,8 21,9 46,0 21,9 41,8 Manque de transport 41,8 36,3 37,7 28,3 17,9 34,2 17,8 31,4 Refus de s’y rendre seule 31,9 31,1 33,5 25,4 22,4 29,6 22,5 28,4 Crainte que le professionnel de santé soit indisponible 46,6 47,3 46,4 41,8 32,6 44,1 33,4 42,3 Crainte que les médicaments soient indisponibles 48,4 46,7 47,1 42,7 34,2 44,9 35,1 43,2 Crainte que le professionnel de santé ne soit pas une femme 18,7 19,0 20,0 16,3 11,8 17,6 12,9 16,8 Non autorisée 18,7 18,1 17,8 12,5 10,0 15,7 11,6 15,0 Source : DHS 2008/09 (INSTAT et ICF Macro, 2010). 15 Risques et Vulnérabilité 35. Travail des enfants. La participation des enfants à des activités génératrices de revenu est considérable à Madagascar. En 2010, environ un quart des enfants âgés de 5 à 17 ans étaient économiquement actifs, sans différence significative selon le sexe (26 pour cent chez les garçons et 23 pour cent chez les filles). Un quart environ participaient à des activités présentant des risques pour la santé (Organisation Internationale du Travail, 2007). La proportion des enfants économiquement actifs augmente avec l’âge : de 10 pour cent pour les enfants de moins de 10 ans, elle passe à 26 pour cent pour les 10-14 ans et à 59 pour cent pour les 15-17 ans (EPM 2010). Le travail des enfants est beaucoup plus fréquent en milieu rural qu’en milieu urbain, ce qui reflète l’implication des enfants dans les activités agricoles familiales (27 pour cent contre 17 pour cent). Cependant, le travail des enfants est peu corrélé au niveau des dépenses du ménage, sauf pour les ménages du quintile le plus riche (les 20 pour cent les plus riches en termes de revenu) (EPM 2010). Le travail des enfants est passé de 29 pour cent en 2007 à 24 pour cent en 2010. Cette évolution peut être expliquée par le fait que la diminution des opportunités de travail a été plus importante que l’augmentation de la demande de travail (dont celle des enfants), à cause de la nécessité de compenser la perte de recettes depuis début 2009. 36. Marginalisation des enfants. Un certain nombre d’enfants âgés de moins de 15 ans courent le risque d’être marginalisés. Bien que le nombre d’enfants se trouvant actuelle ment dans cette situation soit difficile à évaluer, il est estimé aux environs de 50 000. Ces enfants travaillent dans des mines, se livrent à la prostitution, vivent dans la rue ou sont gravement handicapés. Certaines sources estiment qu’il existe environ 3 000 enfants se livrant la prostitution, 1 000 travaillant dans des mines, 32 000 sévèrement handicapés, 7 500 vivant dans la rue et presque 400 en prison. De plus, les orphelins, qui représentent près de 7 pour cent de la population des moins de 15 ans, risquent davantage de ne pas aller à l’école ou de ne pas terminer le cycle primaire. Enfin, un quart environ des nouveau-nés ne sont pas déclarés à la naissance, ce qui limite leur accès à certains services publics de base dont l’éducation.16 37. Sexisme. Les femmes sont touchées par des pratiques culturelles discriminatoires, dont certaines sont spécifiques à une région ou à un groupe ethnique. Dans le sud par exemple, les femmes sont traditionnellement exclues de l’héritage et des droits de propriété sur les terres. Dans la région de Mahajanga, les femmes sont soumises à la pratique de moletry, qui consiste à les marier successivement à différents partenaires pour maximiser le revenu issu des dots. De manière générale, les jeunes filles sont exposées aux risques de mariage précoce, de grossesse précoce et les dangers associés pour leur santé génésique. En effet, le sexisme commence à un très jeune âge. Des différences de traitement dans l’alimentation des jeunes enfants sont visibles : moins de garçons que de filles bénéficient d’une période d’allaitement exclusif, ce qui résulte en un taux plus élevé de retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans pour les garçons (53 pour cent) que pour les filles (45 pour cent) (PAM et UNICEF, 2011). En cas de maladie, il y plus de chances qu’un traitement soit recherché pour un garçon que pour une fille (28 pour cent contre 23 pour cent). 38. Trafic de personnes. Madagascar est un pays source pour le travail forcé et le trafic du sexe des femmes et des enfants. Des rapports indiquent que le trafic du sexe et le trafic du travail ont augmenté, en particulier à cause du manque de développement économique et de l’affaiblissement de l’état de droit provoqués par la crise politique actuelle (Département d’Etat des Etats-Unis, 2011). 39. Chômage et sous-emploi. Bien qu’il n’y ait presque pas de chômage (l’enquête auprès des ménages de 2010 indique un taux de chômage de 3,5 pour cent), le taux de sous-emploi est très élevé.17 En 16 La citoyenneté est obtenue dès que l’un des parents la possède, même si un enfant né d’une mère citoyenne et d’un père étranger doit exprimer son désir de citoyenneté avant l’âge de 18 ans. Le pays ne possède pas de système d’inscription à la naissance uniforme ; historiquement, les enfants non déclarés n’ont pas pu fréquenter l’école ou bénéficier de soins de santé. Le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (United Nations Children’s Fund, ou UNICEF) a travaillé en coopération avec le gouvernement pour fournir des certificats de naissance aux nouveau-nés et aux enfants n’en ayant pas reçu à leur naissance. L’UNICEF estime que 25 pour cent des enfants de moins de 5 ans n’ont pas été déclarés. 17 Le chômage est défini comme la proportion des individus économiquement actifs (âgés de 15 à 64 ans) se trouvant au chômage pendant la semaine précédant l’enquête, ayant recherché activement un emploi et étant prêts à travailler sans délai (EPM 2010 ). 16 Risques et Vulnérabilité 2010, un quart des Malgaches étaient sous-employés (20 pour cent chez les hommes et 35 pour cent chez les femmes). L’intensification de la compétition a fait baisser les salaires dans le secteur informel : ils ont chuté de 4,1 pour cent en termes réels entre 2001 et 2010 (INSTAT, 2011). La crise politique de 2009 a entraîné des pertes d’emploi en quantités considérables, à cause des fermetures et du désengagement des entreprises, en particulier dans l’industrie textile. Depuis, les investisseurs seraient revenus à Madagascar, de sorte que l’emploi dans les zones franches a retrouvé début 2012 son niveau d’avant la crise. 40. Vieillesse. Le principal risque auquel les personnes âgées sont exposées est l’absence combinée de soutien familial et communautaire avec un revenu faible ou inexistant : une telle association diminue les chances de survivre décemment. En 2002, seuls 2,3 pour cent des individus en âge de travailler étaient affiliés à un régime de retraite.18 En réalité, moins d’un quart des employés du secteur formels sont couverts par un régime de retraite, bien que leur affiliation soit légalement obligatoire. Le sous-emploi est défini comme la proportion des individus économiquement actifs travaillant moins de 35 heures par semaine et disant vouloir travailler davantage. 18 Dans le secteur privé, la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNaPS) couvre les retraites, tandis que l’Organisation Sanitaires Inter-Entreprises (OSIEs) s’occupe de la santé. Les employés du secteur public cotisent à la Caisse de Retraite Civile et Militaire (CRCM) et à la Caisse Autonome de Prévoyance et de Retraite (CPR). Des compagnies d’assurance privées offrent une protection complémentaire (Organisation International du Travail, 2004). 17 Risques et Vulnérabilité Tableau 2.5 : Risques Individuels par Tranche d’Age, Principaux Indicateurs et Nombre de Personnes Touchées Principaux Risques Principaux Indicateurs Valeur de l’Indicateur (%) Nombre de Personnes Touchées Morbidité Immunisation des enfants (âgés 52,9% (DHS 2003/04) 320 000 âgés de 12 à 23 mois ne de 12 à 23 mois) 61,6% (DHS 2008/09) sont pas entièrement immunisés Prise d’un supplément de fer 34,3% (DHS 2003/04) 350 000 femmes enceintes ne pendant la grossesse 59,8% (DHS 2008/09) prennent pas de supplément de fer Prise postnatale d’un 19,1% (DHS 2003/04) 500 000 femmes ne prennent pas de supplément de vitamine A 43,1% (DHS 2008/09) vitamine A après l’accouchement Ménage disposant de sel avec 52,6% (DHS 2008/09) 10 millions d’individus ne disposent un niveau en iode adéquat pas de sel ayant un niveau en iode adéquat Accès à l’eau potable 50,3% (EPM 2005) 2,3 millions d’enfants de moins de 5 45,8% (EPM 2010) ans n’ont pas accès à l’eau potable Malnutrition Taux de retard de croissance 44,8% (DHS 2003/04) 1,2 millions d’enfants de moins de 3 (taille-pour-l’âge) 45,5% (DHS 2008/09) ans présentent un retard de (enfants de moins de 3 ans) croissance dû à la malnutrition Taux de cachexie (poids-pour- 14,2% (DHS 2003/04) 350 000 enfants de moins de 3 ans l’âge) sont émaciés (enfants de moins de 3 ans) Mortalité Taux de mortalité maternelle 469 pour 100 000 (DHS 2003/04) Décès de 20 000 femmes par an 498 pour 100 000 (DHS 2008/09) Taux de mortalité infantile 57,8‰ (DHS 2003/04) 40 000 morts par an 48‰ (DHS 2008/09) Taux de mortalité juvénile 93,4‰ (DHS 2003/04) 60 000 morts par an 72‰ (DHS 2008/09) Risques liés à Taux net de scolarisation au 73,4% (EPM 2010) Environ 1,2 millions d’enfants âgés l’Education niveau primaire de 6 à 14 ans ne fréquentent pas l’école primaire Taux d’achèvement du cycle 61,3% (MoE 2010/11) 1,8 millions d’enfants âgés de 6 à 14 primaire ans ne terminent pas le cycle primaire Travail des Enfants Taux de travail des enfants 24,7% (EPM 2010) 1,5 millions d’enfants âgés de 7 à 14 (âgés de 5 à 17 ans) ans travaillent Sous-emploi Taux de sous-emploi 25% (EPM 2010) 5 millions de personnes sont sous- employées Source : Auteur (année). D. Risques de basculement dans la pauvreté extrême 41. Cette partie examine le risque de basculement dans la pauvreté extrême. La pauvreté extrême correspond à un état de dénuement où l’individu ne peut pas se procurer suffisamment d’énergie pour être actif. Historiquement, les sociétés traditionnelles ont développé un certain type de protection sociale contre la pauvreté extrême, sous la forme de normes comportementales et de systèmes de soutien. Cependant, ce type de système tend à s’effondrer avec la modernisation, la croissance démographique, l’urbanisation et la migration, et l’ouverture à de nouveaux marchés. Le Chapitre 5 défendra l’idée qu’un des rôles primordiaux de l’Etat est de compléter les institutions existantes et de concevoir et mettre en œuvre des mesures de protection sociale protégeant les individus contre la pauvreté extrême. 18 Risques et Vulnérabilité 42. Cette partie examine également les facteurs déterminants de la pauvreté extrême à partir de données issues de l’enquête auprès des ménages de 2010. Cette analyse sert d’abord à confirmer le rôle de divers facteurs dans la détermination de la pauvreté extrême, puis à évaluer comment des mesures de protection sociale peuvent contribuer à modifier ces facteurs, tous les autres facteurs étant fixés. Ainsi, cette partie constitue une base pour la conception d’une stratégie de protection sociale efficace contre la pauvreté extrême qui sera développée dans les chapitres suivants. 43. Il est important de commencer par noter les limites de cette analyse. Tout d’abord, elle ne rend pas compte de l’impact dynamique de certaines causes sur l’indigence. L’impact du déclin économique depuis l’indépendance (Graphique 2.1) – probablement un facteur clé de l’extrême pauvreté – ne peut en particulier pas être évalué par le modèle statique et transversal proposé. De plus, l’analyse est restreinte aux variables disponibles au niveau des ménages issues de l’enquête auprès des ménages de 2010. D’autres facteurs – tels que les conditions sociales comme le crime et la violence, les interactions sociales comme l’appartenance à des organisations communautaires ou les conditions physiques comme les changements climatiques ou l’accès aux marchés – n’ont pas pu être inclus par manque de données. Enfin, bien que la théorie soutienne que de nombreuses variables incluses dans l’analyse contribuent effectivement à la pauvreté extrême, les relations de causalité devraient être interprétées avec prudence puisque la causalité peut avoir lieu dans les deux sens pour certaines variables. 44. La pauvreté extrême est manifestement associée à un niveau plus faible ou une utilisation limitée de certains biens fondamentaux dont le travail, l’éducation, les biens physiques, les services de base, le crédit et le capital social. L’emplacement géographique et la taille du ménage s’avèrent également être fortement corrélés avec la pauvreté extrême. Le Tableau 2.6 présente l’effet marginal de chaque variable d’intérêt sur la probabilité d’être extrêmement pauvre, en milieu rural et en milieu urbain.19 Le Tableau 2.7 complète l’analyse en présentant certains facteurs clé des dépenses par habitant. 45. La situation géographique est un facteur explicatif majeur de la pauvreté extrême à Madagascar. La pauvreté extrême, qui touche 57 pour cent de la population, est beaucoup plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain (62 pour cent contre 35 pour cent). Sur les 11,4 millions d’individus considérés comme extrêmement pauvres, environ 90 pour cent (soit 10 millions de personnes) vivent en milieu rural. Vivre dans les zones rurales des provinces du sud (Fianarantsoa et Toliara) accroît la probabilité d’être extrêmement pauvre, après inclusion de certaines variables de contrôle. Cette découverte corrobore le fait que 2 des 22 régions se distinguent, avec des taux de pauvreté extrême supérieurs à 50 pour cent selon l’enquête auprès des ménages de 2010 : il s’agit d’Androy (61 pour cent) dans le sud et d’Atsimo Atsinana (51 pour cent) dans le sud-est. Les zones rurales sont désavantagées de manière générale, tout particulièrement les zones les plus isolées qui sont les plus distantes des marchés et des services publics, et ce problème est accentué par le mauvais état des infrastructures de transport dans de nombreuses régions. Par conséquent, toute stratégie de protection sociale devrait prêter une attention particulière aux zones rurales dans ces régions. 46. Les ménages ayant des enfants, et en particulier de jeunes enfants, ont tendance à être plus démunis. A cause d’un taux de fertilité plus élevé au sein de la population extrêmement pauvre , de très nombreux enfants ne consomment pas suffisamment de calories pour vivre sainement. Ainsi, 66 pour cent des enfants de moins de 5 ans (ce qui représente environ 2,6 millions d’enfants) et 64 pour cent des enfants de moins de 15 ans (environ 6,3 millions d’enfants) vivent dans la pauvreté extrême. Dans l’ensemble, chaque enfant supplémentaire âgé de moins de 14 ans augmente la probabilité d’être extrêmement pauvre pour un ménage d’environ 5 pour cent, tandis qu’un enfant supplémentaire âgé de moins de 1 an augmente la probabilité d’être extrêmement pauvre pour un ménage d’environ 7 points de pourcentage. La taille et la composition du ménage sont manifestement corrélées de manière importante à 19 L’effet marginal est la variation de la probabilité d’être extrêmement pauvre (variable expliquée) entraînée par une variatio n de l’une des variables explicatives. 19 Risques et Vulnérabilité la pauvreté extrême, ce qui suggère que les interventions de planning familial pourraient jouer un rôle important. 47. Les ménages dirigés par des femmes ont tendance à être plus démunis. Les autres facteurs étant fixés, les ménages ruraux dirigés par une femme sont plus susceptibles de 11 pour cent d’être extrêmement pauvres que les ménages ruraux dirigés par un homme (8 pour cent en milieu urbain). Ceci pourrait être dû aux pratiques discriminatoires et à l’absence de programmes de planning familial adéquats et de garderies. Ces observations suggèrent que la direction du ménage par une femme pourrait être utilisée comme indicateur pour cibler les mesures de politique sociale. 48. La présence de personnes âgées (de plus de 66 ans) au sein du ménage n’est pas associée à la pauvreté extrême. Cette observation peut refléter le fait que la survie à cet âge est plus élevée chez les ménages plus aisés, où les personnes âgées sont moins exposées au risque de perte de soutien familial, de maladie, d’isolement et de handicap et peuvent bénéficier d’une retraite. 49. L’éducation est un atout important pour réduire le risque d’extrêmement pauvreté.20 Plus le niveau d’éducation atteint par le chef de ménage est élevé, moins le ménage est susceptible d’être extrêmement pauvre. Dans l’ensemble, si le chef de ménage a terminé le cycle primaire, le ménage a une probabilité d’être extrêmement pauvre inférieure de 10 pour cent à celle d’un ménage dont le chef n’a pas d’éducation. L’éducation au niveau secondaire diminue cette probabilité d’environ 13 points de pourcentage, tandis que l’éducation à un niveau supérieur diminue cette probabilité d’environ 20 pour cent, sans différence significative entre les zones rurales et urbaines. L’éducation constitue véritablement le meilleur moyen d’atténuer le risque de tomber dans l’indigence. 50. Travailler dans le secteur agricole est corrélé avec la pauvreté extrême. Au total, 81 pour cent des ménages travaillent dans le secteur agricole, qu’il s’agisse d’une activité principale ou secondaire, et cette proportion atteint 89 pour cent en milieu rural (EPM 2010). La grande majorité de ces activités s’apparente à de l’agriculture de subsistance, présentant de faibles niveaux technologiques et de productivité. Ce dernier constat est dû à des défauts dans les équipements, engrais et autres facteurs de production, à la dégradation de l’environnement, aux rendements d’échelle négatifs, au manque de titres fonciers, au faible accès au crédit, aux équipements de stockage inadéquats et aux mauvaises infrastructures de transport qui entravent l’accès aux marchés et augmentent les coûts . De plus, de nombreux agriculteurs sont très exposés aux sécheresses, cyclones et inondations. Après inclusion d’autres caractéristiques du ménage, les ménages dirigés par un agriculteur ont une consommation par tête inférieure (Tableau 2.7). Le fait qu’un ménage qui possède des terres agricoles soit plus susceptible d’être extrêmement pauvre peut paraître surprenant (Tableau 2.6). En réalité, la possession de terres agricoles constitue probablement un bon indicateur des ménages dirigés par un agriculteur, étant donné que 82 pour cent des agriculteurs possèdent leurs propres terres (PAM et UNICEF, 2011).21 51. Cultiver une plus grande surface diminue la probabilité de tomber dans l’extrême pauvreté. Le morcellement des terres agricoles, accentué par la forte croissance démographique, est un des principaux problèmes structurels de l’agriculture malgache.22 Le manque de sécurité dans la propriété foncière constitue un autre frein au développement de l’agriculture. Des mesures ont été prises depuis 2005 afin de permettre aux agriculteurs de protéger leurs droits fonciers, mais la participation des agriculteurs est faible à cause des frais de certification des terres, trop élevés pour les ménages très 20 L’analyse s’appuie sur le niveau d’éducation atteint par le chef de ménage. Puisque le niveau d’éducation atteint par le chef de ménage précède son statut économique actuel, il pourrait être considéré comme un facteur de causalité de l’état de pauvreté extrême (alors que les niveaux d’éducation atteints par les jeunes dépendants du ménage peuvent être bas car la pauvreté ne leur permet pas d’accéder à de plus hauts niveaux d’éducation). 21 La location de terres agricoles a lieu principalement dans les régions occidentales et les exploitations des grandes plaines, et le métayage est concentré dans les hautes terres du centre. 22 En 2010, 52 pour cent des ménages agricoles cultivaient moins de 1 hectare, tandis que la superficie moyenne des terres était de 1,2 ha (PAM/UNICEF, 2010). La proportion d’agriculteurs considérés comme des petits exploitants – avec moins de 1,5 ha de terres – est évalué à 72 pour cent (EPM 2010). 20 Risques et Vulnérabilité pauvres en milieu rural, ainsi que la crainte de devoir payer des taxes pour certains agriculteurs. Depuis début 2009, la perte de fonds versés par les bailleurs a compromis le financement de la réforme. 52. Cultiver du riz diminue la probabilité d’être extrêmement pauvre pour un ménage. Ceci peut être expliqué par le fait que la production de riz est une activité agricole centrale à Madagascar (70 pour cent des ménages produisent du riz, comme évoqué plus haut). La production de maïs diminue également la probabilité qu’ont les ménages d’être extrêmement pauvres, en milieu rural comme en milieu urbain. Cependant, les autres cultures (manioc et pommes de terre) ne semblent pas avoir le même impact. La possession de bétail réduit aussi le risque d’être extrêmement pauvre. 53. Travailler dans le secteur informel est corrélé avec la pauvreté extrême. Les ménages qui tirent leur revenu du secteur informel ont des dépenses de consommation par tête inférieures à celles des ménages qui travaillent dans les secteurs formels privé et public, à cause des salaires qui sont plus bas, aux conditions de travail qui sont moins bonnes et à l’absence de couverture sociale. 54. La pauvreté extrême est fortement corrélée avec l’absence de services de base. L’absence d’accès à l’eau et l’électricité est fortement liée à la probabilité d’être extrêmement pauvre, bien que le sens de la causalité ne soit pas aisément discernable à travers la régression. L’accès à l’eau potable diminue la probabilité d’être extrêmement pauvre de 10 points de pourcentage en milieu rural (7 pour cent en milieu urbain). L’accès à l’électricité diminue considérablement la probabilité d’être extrêmement pauvre. En milieu rural, un ménage qui dispose d’électricité a une probabilité d’être extrêmement pauvre inférieure de 39 pour cent à celle d’un ménage qui n’y a pas accès (27 pour cent en milieu urbain). Les ménages ayant accès à l’eau potable sont également moins susceptibles d’être extrêmement pauvres. Ces résultats suggèrent que l’accès aux infrastructures de base pourrait être utilisé comme indicateur pour cibler les interventions de protection sociale. Il est intéressant de remarquer que la possession d’une radio diminue considérablement la probabilité d’être extrêmement pauvre (de 13 pour cent en milieu urbain et de 21 pour cent en milieu rural). La possession d’un téléphone portable a un impact similaire. La causalité peut aller dans les deux sens : soit les ménages achètent une radio ou un téléphone portable dès qu’ils en ont les moyens, soit une radio et un téléphone portable donnent accès aux ménages à des informations qui leur permettent d’être moins vulnérables. 55. L’adhésion à un régime de sécurité réduit la probabilité d’être extrêmement pauvre pour un ménage. Les ménages qui bénéficient d’une couverture de sécurité sociale23 ont une probabilité d’être extrêmement pauvre inférieure de 11 pour cent à celle des ménages qui n’en bénéficient pas. Il est important de remarquer que l’assurance sociale couvre un nombre limité d’employés du secteur formel ainsi que les personnes qu’ils ont à charge, mais exclut la grande majorité de la population (voir le Chapitre 4). 23 Une couverture de sécurité sociale est fournie par trois institutions : la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNaPS) pour les employés du secteur privé, la Caisse de Retraite Civile et Militaire (CRCM) pour les fonctionnaires et le personnel des forces armées, et la Caisse de Prévoyance de Retraite (CPR) pour le personnel auxiliaire du secteur public. Des services médicaux sont fournis à un petit nombre d’employés du secteur formel par les Services Médicaux Inter Entreprises (SMIE). 21 Risques et Vulnérabilité Tableau 2.6 : Déterminants de la Pauvreté Extrême Estimations probit Variables Urbain Rural Total Taux de pauvreté extrême 34,6 62,1 56,5 Caractéristiques démographiques du ménage Taille du ménage 0,054 * 0,063 * 0,096 * Ratio de dépendance (membres actifs/ membres inactifs) 0,010 * 0,034 * 0,275 * Age du chef de ménage -0,008 * -0,009 * -0,006 * Age du chef de ménage au carré 0,006 * 0,009 * 0,000 Enfants Nombre d’enfants de moins de 1 an 0,012 0,067 * 0,011 Nombre d’enfants de 1 à 5 ans 0,013 0,060 * 0,002 Nombre d’enfants de 6 à 9 ans 0,015 0,013 -0,036 * Nombre d’enfants de 10 à 14 ans 0,019 0,007 -0,039 * Nombre d’enfants dans le ménage 0,044 * 0,051 * 0,022 Vieillesse Nombre de personnes âgées de plus de 66 ans 0,010 -0,017 Nombre de personnes âgées de plus de 55 ans -0,011 Sexe/Situation de Famille Femme chef de ménage 0,076 * 0,114 * 0,063 * Chef de ménage marié dans une tradition monogame 0,071 * 0,065 * 0,062 * Chef de ménage marié dans une tradition polygame 0,002 0,135 * 0,061 Concubinage monogame 0,031 0,080 * 0,030 Divorcé (e) 0,050 -0,146 0,023 Séparé (e) 0,036 0,065 0,074 * Veuf (Veuve) 0,053 * 0,003 0,117 * Célibataire 0,027 -0,018 0,014 Niveau d’Education (Chef du Ménage) Education primaire -0,104 * -0,083 * -0,094 * Education secondaire -0,139 * -0,125 * -0,120 * Niveau universitaire -0,198 * -0,273 * -0,213 * Santé Problème de santé apparu au cours des 2 dernières semaines 0,016 -0,009 0,072 * Activités Surface totale cultivée (riz, maïs, manioc, pommes de terre) 0,000 * -0,001 * 0,000 * Producteur de riz -0,056 * -0,077 * -0,093 * Producteur de maïs -0,053 * -0,028 * 0,030 * Producteur de manioc 0,010 0,035 0,004 Producteur de pommes de terre -0,021 0,009 0,003 Eleveur de bétail -0,039 * -0,074 * -0,015 Possession de terres agricoles 0,116 * 0,101 * 0,130 * Pêche -0,005 0,082 -0,020 Possession de commerce non agricole -0,060 * -0,100 * -0,079 * Chef de ménage au chômage ou inactif 0,036 -0,089 * 0,087 * Accès à la sécurité sociale/aux services/aux biens Chef de ménage bénéficiant de sécurité sociale -0,113 * Chef de ménage membre d’un syndicat -0,132 * Accès à l’électricité -0,268 * -0,389 * -0,306 * Accès à l’eau potable -0,073 * -0,099 * -0,082 * Possession d’une radio -0,127 * -0,206 * -0,108 * Possession d’un téléphone portable -0,236 * Membre d’une coopérative de crédit -0,053 -0,015 Province Fianarantsoa 0,040 * 0,078 * Toamasina 0,092 * 0,054 * Mahajanga -0,085 * -0,072 * Tuléar 0,019 0,058 * Diégo -0,052 * -0,046 * Antananarivo rural 0,067 * Fianarantsoa urbain 0,070 * Fianarantsoa rural 0,148 * Toamasina urbain 0,149 * Toamasina rural 0,117 * Mahajanga urbain -0,102 * Mahajanga rural -0,035 Tuléar urbain 0,044 Tuléar rural 0,100 * Diégo urbain -0,042 Diégo rural 0,027 Statistiques Nombres d’observations 6 320 6 140 12 689 Pseudo R-squared 0,38 0,26 0,36 Chi-squared 2 975 2 260 6 240 Source : EPM 2010, INSTAT. Note : * Coefficient significatif au seuil de 5 pour cent. 22 Risques et Vulnérabilité Table 2.7 : Déterminants de la Consommation Par-Tête (Variable dépendante: Log de la consommation par-tête – Moindre Carrés Généralisés) Variables Coefficient Caractéristiques Démographiques du Ménage Taille du ménage (personnes) -0.1105 *** Nombre d’enfants de moins de 5 ans -0.0855 *** Caractéristiques du Chef de Ménage Age (années) 0.0182 *** Age au carré -0.0167 *** Femme seule à la tête du ménage -0.2054 *** Capital Humain Enfants ne fréquentant pas l’école -0.1391 *** Adultes handicapés -0.0460 Education primaire (chef du ménage) 0.1415 *** Education secondaire (chef du ménage) 0.2562 *** Niveau universitaire (chef du ménage) 0.6247 *** Caractéristiques Economiques du Ménage Agriculteur à la tête du ménage -0.2261 *** Nombre d’employés dans le secteur informel 0.0101 ** Nombre d’employés dans le secteur public 0.2186 *** Nombre d’employés dans le secteur formel 0.1321 *** Possession de commerce non agricole 0.1204 *** Transferts reçus par personne (Log) 0.0243 *** Accès à l’eau potable 0.1482 *** Biens Agricoles Bétail (nombre) 0.0013 *** Superficie totale (are équivalent à 10 000 mètres carrés) 0.0006 *** Caractéristiques Géographiques Milieu rural -0.1493 *** Infrastructure (nombre) 0.0123 *** Zone cyclonique de la côte est -0.1469 *** Zone sèche du sud -0.4554 *** Constantes 6.0923 *** Nombre d’observations 12,460 R-squared 0.9929 Source : 2010 EPM, INSTAT. Note : *** Coefficient significatif au seuil de 1 pour cent, ** Coefficient significatif au seuil de 5 pour cent, * Coefficient significatif au seuil de 10 pour cent. 56. Si la pauvreté est source de vulnérabilité, il faut également remarquer que certains ménages non pauvres sont vulnérables à la pauvreté. Bien qu’une large proportion des ménages soit dans une situation de pauvreté (structurelle) chronique, d’autres entrent et sortent de la pauvreté selon l’ampleur des chocs temporaires qui les affectent. L’INSTAT (2011a) a estimé que, tandis que 77 pour cent de la population se trouvaient en dessous du seuil de pauvreté en 2010, 87 pour cent de la population avaient plus de 50 pour cent de chances de devenir pauvres l’année suivante. D’après leur analyse, en 2010, 71 pour cent de la population étaient dans une situation de pauvreté chronique, 16 pour cent étaient vulnérables à une pauvreté transitoire et seuls 13 pour cent n’étaient pas vulnérables à la pauvreté.24 La grande majorité de la population rurale (78 pour cent) vivait dans un état de pauvreté chronique, ce qui était moins vrai en milieu urbain (51 pour cent pour les centres urbains secondaires et 19 pour cent pour les principaux centres urbains), comme le montre la Figure 2.3. 24 Ces estimations sont fondées sur la méthodologie développée par Harttgen et Günther (2006). 23 Risques et Vulnérabilité Figure 2.3 : Répartition de la Population selon la Pauvreté Chronique, la Vulnérabilité à la Pauvreté Transitoire et la Non-vulnérabilité à la Pauvreté (%) 100% 13.1% 7.5% 90% 27.2% 14.5% 80% 16.1% 70% 58.2% 60% 22.1% 50% 40% 78.0% 70.8% 30% 23.1% 50.8% 20% 10% 18.6% 0% National Grands Centres Urbains Centres Urbains Rural Secondaires Pauvre Chronique Vulnérable à la Pauvreté Transitoire Non-vulnérable à la Pauvreté Source : EPM 2010, INSTAT. 24 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale 57. Le Chapitre 2 montre que la population malgache est exposée à de très nombreux risques. Il met en évidence l’impact négatif considérable des chocs systématiques et individuels sur le bien-être de la population et montre que les quelques moyens dont les individus disposent pour atténuer l’impact de ces chocs restent très limités, si bien que le niveau de risque résiduel auquel ils sont exposés est extrêmement élevé. Il montre également que le niveau de vulnérabilité, déjà élevé avant 2009, a été aggravé par la profonde crise politique qui s’éternise. Il analyse le risque crucial de tomber dans le dénuement, ainsi que les relations entre les disparités en termes d’actifs et la probabilité de tomber dans l’indigence. 58. Le présent chapitre passe en revue les politiques de protection sociale mises en œuvre à Madagascar, les institutions responsables de la protection sociale et les ressources financières alloués aux programmes de protection sociale par le gouvernement, les bailleurs de fond et les ONG. Le chapitre suivant décrit plus en détail les principaux programmes et mesures de protection sociale actuellement en œuvre à Madagascar. A. Politiques de protection sociale 59. Avant que la crise politique actuelle n’éclate début 2009, la politique générale de développement du gouvernement de Madagascar était définie dans un document intitulé Plan d’Action pour Madagascar (MAP). A la suite de la profonde crise politique de 2002, qui a duré six mois, le nouveau gouvernement en place s’est lancé dans un programme de développement ambitieux décrit dans un premier Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) en 2003, suivi par un second DSRP en 2006 : le Plan d’Action pour Madagascar (MAP) 2007-12. Le MAP réaffirmait l’engagement du gouvernement en faveur de la protection sociale. Il décrivait une stratégie destinée à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et à aider les couches les plus pauvres et les plus vulnérables de la population. La protection sociale était l’un de 8 engagements du MAP, désignée sous le nom général de « solidarité nationale ». Cet engagement concernait quatre « défis », le dernier étant d’« améliorer le soutien aux individus très pauvres et vulnérables » par : (i) l’amélioration de la gestion de la protection sociale et de l’accès aux services sociaux de base pour les groupes vulnérables ; (ii) l’amélioration du ciblage et du suivi des dépenses de protection sociale et de leur impact sur le bien- être des différents groupes de la population ; (iii) la réponse aux catastrophes et l’atténuation de leur impact ; et (iv) la garantie d’un cadre juridique équitable pour les individus vulnérables. La Haute Autorité de la Transition (HAT) établie début 2009 n’a pas rejeté le MAP, qui demeure théoriquement en application jusqu’à son expiration en 2012. Cependant, dans la pratique, le MAP est associé au régime de Ravalomanana et a cessé de servir de référence pour guider les actions du gouvernement. 60. A l’heure actuelle, il n’existe aucune stratégie de protection sociale pour guider le développement des programmes de protection sociale et l’allocation des ressources. Si le MAP fournissait un cadre général pour le renforcement de la protection sociale, il devait être complété par une stratégie de protection sociale plus détaillée. En 2007, une Stratégie de Protection Sociale et de Gestion des Risques a été esquissée pour fournir un cadre général d’orientation de la protection sociale. Son objectif était d’« aider les ménages à mieux gérer les risques qui entraînent des pertes humaines ou des pertes de bien irréversibles et d’améliorer l’accès aux services sociaux de base pour les couches les plus vulnérables de la population » (République de Madagascar et Banque Mondiale, 2007, Vol. 1, pp. 12-13). L’élaboration de la stratégie était menée par le Comité Technique sur la Protection Sociale (CTPS) , créé en avril 2002 avec le soutien technique de la Banque Mondiale, des ministères concernés, des organisations de la société civile et des bailleurs de fonds. Cependant, elle n’a jamais été adoptée officiellement à cause d’un manque d’appropriation politique aux niveaux les plus élevés. La crise politique de 2009 a éloigné davantage la protection sociale de l’ordre du jour. 25 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale 61. Ceci étant dit, un certain nombre de stratégies plus spécifiques et de plans comportant des aspects relatifs à la protection sociale existent – l’engagement du gouvernement actuel envers ces stratégies reste malgré tout incertain. Il s’agit entre autres de : i. La Politique Nationale de Nutrition et le Plan National d’Action pour la Nutrition 1 (2005- 2009). La Politique Nationale de Nutrition comprend une large gamme de stratégies, allant de mesures destinées à améliorer la sécurité alimentaire au suivi de la croissance des enfants, en passant par la communication de bonnes pratiques alimentaires aux mères, l’utilisation préventive de l’alimentation complémentaire et des interventions thérapeutiques ciblant les jeunes enfants atteints de malnutrition aigüe sévère. Le premier Plan National d’Action pour la Nutrition possède quatorze composantes, dont deux (la composante numéro 6 sur le renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages vulnérables et la composante numéro 10 sur les interventions post-catastrophe) constituent la base du programme de travaux publics mis en œuvre par l’Office National de Nutrition (ONN).25 Un deuxième Plan National d’Action pour la Nutrition est actuellement en cours de préparation ; ii. La Politique Nationale de Gestion des Risques et des Catastrophes, établie par la loi en 2003, fournit un cadre exhaustif pour la gestion des catastrophes ; elle est complétée par des directives opérationnelles, dont le plan national de contingence sur les cyclones et les inondations (voir ci- dessous) ; iii. La Politique Nationale de l’Emploi, établie par la loi en 2005, et le Programme National de Soutien à l’Emploi visent en particulier à améliorer les opportunités de travail et le revenu des groupes défavorisés et vulnérables ; iv. Le Plan Education pour Tous (EPT), adopté en 2005, comprend un ensemble de mesures agissant sur la demande, destinées à alléger les charges de scolarisation pesant sur les parents, enrayer l’abandon scolaire et parvenir à un enseignement primaire universel d’ici 2015 ; v. Le Programme National de Développement Rural, adopté en 2005, vise à accroître la productivité agricole et les revenus du secteur agricole en améliorant les infrastructures rurales, l’accès au microcrédit et la gestion des catastrophes naturelles ; vi. La Stratégie Nationale de Microfinance pour 2008-2012 vise à améliorer le cadre juridique et institutionnel de la microfinance, à développer la microfinance et à étendre sa couverture géographique ; vii. Diverses politiques, plans et cadres juridiques pour l’inclusion sociale et l’autonomisation des groupes vulnérables spécifiques, dont la Politique Nationale de Promotion de la Femme et le Plan d’Action National Genre et Développement associé, ainsi que la Loi No. 97-044 sur les Droits des Personnes Handicapées. 62. La Loi No. 2007-038 sur la Lutte contre la Traite des Personnes interdit toute forme de trafic d’êtres humains. Pourtant, d’après le Département d’Etat des Etats-Unis (2011), le gouvernement de facto de Madagascar ne respecte pas complètement les normes minimales nécessaires à l’élimination de la traite des personnes et ne déploie pas d’efforts significatifs pour s’y conformer. 63. Madagascar a également ratifié les principales conventions internationales relatives à la protection sociale. Celles-ci comprennent la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) et la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes (Convention on the Elimination of all Forms of Discrimination Against Women, CEDAW). Madagascar a signé mais pas encore ratifié la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapées. Bien que l’essentiel du cadre juridique protecteur soit en place, sa mise en œuvre effective reste un défi majeur. De plus, un projet de loi sur les personnes âgées, approuvé par les deux chambres parlementaires en 2006-07, 25 Le Chapitre 4 fournit une description des programmes de travaux publics en cours d’exécution à Madagascar. 26 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale n’a pas encore été promulgué, par crainte semblerait-il des conséquences financières des concessions accordées aux personnes âgées, qui visent à leur assurer un accès subventionné aux transports publics, aux services de santé et d’autres services. B. Institutions responsables de la protection sociale 64. Bien que le MAP aborde le thème de la protection sociale, la responsabilité globale de ce secteur n’a jamais été pleinement assurée. Avant même la crise de 2009, l’appropriation politique du processus de développement d’une stratégie de protection sociale était affaiblie par le fait que le ministère de référence, le Ministère de la Population, de la Protection Sociale et des Loisirs (créé en 2004) était l’un des ministères les plus faibles en termes de capacité, d’influence et de ressources. A la dissolution de ce ministère en janvier 2007 suite à un remaniement gouvernemental, la responsabilité de la protection sociale a été confiée à la Direction de la Protection Sociale au sein du nouveau Ministère de la Santé, du Planning Familial et de la Protection Sociale. A la suite du changement de gouvernement en 2009, cette fusion a été annulée, ce qui a donné lieu à la création de l’actuel Ministère de la Population et des Affaires Sociales. Celui-ci a pour mandat d’exécuter la politique du gouvernement sur la population et les affaires sociales, ainsi que l’action humanitaire destinée à assurer la protection sociale et l’inclusion de la population, en particulier des groupes vulnérables et marginalisés, dans le cadre du processus de développement économique et social (République de Madagascar, 2010). Tant avant que depuis sa dissolution et son rétablissement, ce ministère s’est concentré principalement sur des interventions de soutien de certains groupes vulnérables, à court terme et à petite échelle. Pour ce qui est de diriger l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie d’ensemble de la protection sociale, il demeure largement inefficace. En particulier, il est présent dans seulement 80 pour cent des départements environ (Madagascar en compte 110) et n’est pas présent en dessous du niveau des départements. 65. Le gouvernement a créé des institutions pour faire face aux catastrophes naturelles, dont les cyclones. La Cellule de Prévention et Gestion des Urgences (CPGU), qui relève du Bureau du Premier Ministre, et le Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC), créé en 2006 (Décret No. 2006-904), qui relève du Ministère de l’Intérieur, sont les principales agences responsables de la gestion des risques de catastrophe à Madagascar. La CPGU est responsable de la coordination stratégique et technique au nom du Conseil National de Gestion des Risques et des Catastrophes (établi en 2005) et elle est présidée par le Premier Ministre. Le BNGRC est responsable de la préparation et de la réaction d’urgence aux catastrophes. En 2007, il a organisé un entraînement efficace aux activités d’alerte rapide et de préparation préalable des communautés au niveau départemental. Un Plan National d’Urgence a été préparé en octobre 2007 par le Comité de Réflexion des Intervenants en Cas de Catastrophes (CRIC), la plateforme locale d’aide humanitaire gérée par la BNGRC. A la suite de la saison des cyclones de 2008,26 le gouvernement et les bailleurs de fond ont reconnu la nécessité d’éloigner leur stratégie de la réponse aux catastrophes naturelles et de l’axer davantage sur une gestion plus efficace des catastrophes à répétition, à travers l’adoption et la mise en œuvre de mesures d’atténuation (normes de construction résistant aux cyclones, campagnes de sensibilisation et d’information et systèmes d’alerte rapid e) et la mise en œuvre de dispositifs d’urgence pour atténuer les effets immédiats les plus dévastateurs en cas d’événement catastrophique.27 Cependant, la capacité du BNGRC et de ses unités au niveau régional, départemental et communal s’est affaiblie depuis l’émergence de la crise politique. Fin 2011, le Centre d'Etudes, de Réflexion, de Veille et d'Orientation (CERVO), financé par l’Agence Française de Développement (AFD), a été créé au sein du BNGRC pour renforcer ses capacités. 26 Le 17 février 2008, la côte est de Madagascar a été frappée par le cyclone Ivan, un cyclone de catégorie 4 avec des vents violents dépassant 230 km/h. Début 2008, deux autres cyclones (Fame et Jokwe) ont frappé la côte ouest de Madagascar. 27 Pour plus d’informations, voir le rapport « Evaluation des Dégâts, Pertes et Besoins pour le Relèvement et la Reconstruction Post-catastrophe après la Saison des Cyclones de 2008 à Madagascar » (Damage, Loss, and Needs Assessment for Disaster Recovery and Reconstruction after the 2008 Cyclone Season in Madagascar) préparé par le gouvernement de Madagascar avec le soutien de Nations Unies et de la Banque Mondiale (mai 2008). 27 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale 66. L’absence d’une direction efficace du gouvernement en matière de protection sociale a entraîné la création de forums ad hoc, appelés clusters, par les bailleurs de fonds. Une coordination efficace est particulièrement importante en protection sociale, du fait de son caractère proprement transversal et multisectoriel – divers organismes gouvernementaux sont impliqués, de même que de nombreux acteurs non gouvernementaux financés par des bailleurs de fonds. Etant donné l’absence d’une direction ferme du gouvernement, les interventions de protection sociale se sont développées ponctuellement, souvent à l’initiative de bailleurs de fonds. En conséquence, elles se sont retrouvé disséminées entre divers ministères et agences et n’ont pas été coordonnées. Pour combler cette lacune, des forums ad hoc appelés « clusters » ont été créés sous la direction de bailleurs de fonds, afin d’analyser et de coordonner les programmes de protection sociale sélectionnés. Il existe un cluster pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance, coordonné par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), un cluster pour la protection sociale dirigé par l’UNICEF, et d’autres clusters dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, de l’éducation, des refuges, de la logistique, de la nutrition et de la santé. Ces clusters offrent un cadre pour la discussion et la coordination entre les bailleurs, les ONG et autres acteurs. Par exemple, le cluster pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance a permis de définir les priorités géographiques et de répartir les zones d’intervention entre les agences, notamment pour les programmes de type argent-contre-travail et nourriture-contre-travail. Toutefois, le pouvoir décisionnel de ces clusters reste limité et ils ne peuvent se substituer à une action gouvernementale. 67. La coordination entre le gouvernement et ses partenaires, notamment en protection sociale, a souffert de l’interruption du dialogue politique entre le gouvernement et les bailleurs de fonds depuis 2009. Théoriquement, il existe quatorze groupes de travail sectoriels et thématiques pour analyser et coordonner les stratégies, programmes et projets. En pratique, l’absence de dialogue politique entre le gouvernement et les bailleurs de fonds depuis l’émergence de la crise politique, ainsi que la faiblesse du leadership politique, ont accentué les difficultés de coordination. Certains groupes de travail sectoriels et thématiques qui existaient avant la crise, comme le groupe sur l’emploi et la protection sociale, sont désormais inactifs ; la participation du gouvernement à ces groupes est rare, même au niveau technique. Le Groupe de Concertation des Partenaires Techniques et Financiers a récemment été relancé et tente de redonner un nouveau souffle aux groupes sectoriels : il est difficile de savoir ce à quoi ce groupe peut parvenir, au-delà de la coordination entre les partenaires, en l’absence de discussions politiques directes avec un gouvernement reconnu par la communauté internationale. L’élan pour l’adoption de mesures d’atténuation de l’impact des cyclones, pour la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation et d’information et pour le développement de systèmes d’alerte précoce est retombé avec le retrait des organismes moteurs de la mise en œuvre et du financement de cette stratégie – à savoir les bailleurs de fonds – suite au déclenchement de la crise politique actuelle. Début 2012, le Fonds d’Intervention pour le Développement (FID) était la seule institution possédant la capacité institutionnelle et les ressources financières disponibles pour faire face aux destructions causées par les cyclones.28 68. En conséquence de la crise politique, les bailleurs de fonds contournent le gouvernement, ce qui affaiblit davantage le système national. Les capacités gouvernementales étaient déjà faibles dans de nombreux domaines et la crise a affaibli davantage les systèmes nationaux, ce qui a entraîné un manque d’orientation stratégique, des coupes budgétaires, la démoralisation du personnel de la fonction publique et le développement de systèmes parallèles financés par l’aide internationale. La non-reconnaissance de l’autorité de transition a conduit les bailleurs de fonds à financer des activités de manière indépendante, ce qui a défait les progrès réalisés antérieurement avec la mise en application de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement et les risques conduisant à une importante dégradation des systèmes nationaux (Banque Mondiale, 2011a). La protection sociale est fortement affectée, à cause de sa dépendance sur l’aide extérieure. Les bailleurs de fonds, en particulier USAID, ont cessé de financer directement le gouvernement central et emploient des ONG pour gérer leurs programmes et fournir des 28 Sur les 40 millions $US du Projet de Sécurité Alimentaire et de Reconstruction d’Urgence, financé par l’IDA, 8 millions $US sont alloués à la reconstruction post-cyclone. 28 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale services à la population. Si cela fournit des solutions partielles à court terme, cela soulève également des préoccupations quant à la fragmentation de la fourniture de services qui en découle, l’affaiblissement des systèmes publics et la viabilité des services financés sous forme de projets. 69. La crise politique a également stoppé le processus de décentralisation, ce qui a des conséquences importantes pour la protection sociale. La décentralisation est en cours à Madagascar depuis le début des années 1990 ; elle se concentre principalement sur les quelques 1 500 communes, mais a également porté plus récemment sur les 22 régions créées en 2004. Dans le cadre du processus de décentralisation, les communes devaient avoir davantage de responsabilités dans la fourniture de programmes sociaux fondamentaux, dont la prestation des services de base (écoles, centres sanitaires, systèmes de gestion de l’eau, routes communales, etc.). Cependant, le processus de décentralisation, dont le transfert de ressources financières supplémentaires aux communes qui devait avoir lieu début 2009, ne s’est pas matérialisé puisque les bailleurs de fonds ont suspendu leurs contributions financières à Madagascar.29 En conséquence, Madagascar reste dans la pratique un état très centralisé, où les communes disposent de ressources très limitées et où les quelques services publics fournis au niveau local sont gérés par les représentations déléguées des ministères compétents. 70. En pratique, la crise politique a renforcé le rôle des autorités locales. Le pouvoir de facto et l’influence des fokontany, qui sont au nombre de 17 500 environ, ont augmenté depuis 2009 du fait de l’affaiblissement progressif du gouvernement central et de l’acheminement des ressources extérieures vers les fokontany et les communautés à travers les ONG. Ces structures jouent un rôle croissant dans la mise en œuvre des programmes de protection sociale qui sont toujours en cours d’exécution, tels que l’émission de cartes de solidarité pour l’obtention de médicaments gratuits dans les Centre de Santé de Base (CSB), l’approbation de projets de travaux publics locaux et le ciblage des bénéficiaires de Tsena Mora (voir le Chapitre 4). Le rôle des communes s’est affaibli, étant donné que le mandat des maires expire le 31 décembre 2012 et qu’une loi récente leur interdit de réaliser quelque nouvel investissement que ce soit. C. Dépenses de protection30 sociale 71. Des problèmes de définition affectent la mesure les dépenses de protection sociale. Il n’existe pas de définition universelle et uniforme des dépenses en protection sociale. La définition de la protection sociale qui correspond à la « classification des fonctions du gouvernement » (Classification of the Functions of Government, ou COFOG) adoptée à l’échelle internationale et utilisée par les Nations Unies, le FMI et la Banque Mondiale pour les comptes nationaux et les statistiques de finances publiques, exclut les dépenses liées à l’éducation, la santé ou l’agriculture, quand bien même ces dépenses présentent des caractéristiques qui s’apparentent à la protection sociale. 72. Il existe également des difficultés techniques pour mesurer les dépenses de protection sociale. Tout d’abord, aucune classification fonctionnelle des dépenses au niveau budgétaire n’est en place à Madagascar ; le gouvernement lui-même ne produit donc pas de données liées à la protection sociale – en tant que fonction. Pour contourner cette difficulté, Ralaivelo (2011a) a examiné les dépenses relatives à chaque programme ainsi que leur classification administrative, et en a déduit les dépenses liées à la protection sociale. Cependant, le fait que la nature ou l’objet de nombreuses dépenses ne soit pas clairement défini vient compliquer cette analyse. De plus, les lignes budgétaires ne comprennent pas systématiquement les mêmes dépenses d’une année sur l’autre, ce qui rend difficile la comparaison des dépenses au cours du temps ; les budgets des programmes excluent les frais généraux d’administration qui ne peuvent pas facilement être attribués à des programmes précis ; et certaines dépenses effectuées par des bailleurs internationaux ne sont pas incluses dans les comptes du gouvernement. Heureusement, il existe 29 Début 2009, plusieurs bailleurs de fonds dont la Commission Européenne, la Banque Mondiale et la coopération suisse finalisaient la préparation d’un programme important visant à renforcer les capacités des communes et à transférer des subventions globales à toutes les communes malgaches pour promouvoir l’investissement. Ce programme devait être mis en œuvre par le Fonds de Développement Local (FDL). La préparation de ce Programme d’Appui au Développement des Communes à 130 millions $US a été interrompue à la suite de la crise politique. 30 Cette partie s’inspire de Ralaivelo (2011a). 29 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale une base de données complète sur les flux d’aide gérée par le Secrétariat Technique Permanent pour la Coordination de l’Aide (STP-CA), qui est placé sous la tutelle du Premier Ministre (Primature, 2010 et Banque Mondiale, 2011a). Cependant, cette base de données inclut seulement les principaux bailleurs de fonds et ne prend pas en compte les flux de financements associés à une myriade de petites ONG et d’organisations confessionnelles. Compte tenu de ces difficultés, le total des dépenses des secteurs sociaux présenté dans cette partie a été obtenu en ajoutant : (i) les estimations des dépenses dans les secteurs sociaux tirées des documents budgétaires, telles qu’indiquées dans le rapport complémentaire de Ralaivelo (2011a) ; (ii) les estimations des décaissements effectués par les bailleurs de fonds externes rapportées dans la base de données sur les flux d’aide, telles qu’indiquées dans le rapport complémentaire de Ravelosoa (2011) ; et (iii) les estimations des dépenses des ONG qui ne sont pas incluses dans la base de données sur les flux d’aide, telles qu’indiquées dans le rapport complémentaire de Kone (2011). 73. D’après les estimations obtenues comme décrit ci-dessus, les dépenses du gouvernement en matière de protection sociale ont chuté considérablement depuis l’émergence de la crise politique. A partir les documents budgétaires, Ralaivelo (2011a) estime que les dépenses publiques de protection sociale (sur la base des engagements) sont passées de 145 millions $US en 2008 à 56 millions $US en 2010 (Tableau 3.1).31 Ceci reflète en partie la réduction générale des dépenses publiques effectuées par un gouvernement qui s’est employé à éviter l’apparition de déséquilibres budgétaires majeurs , dans un contexte de forte réduction des recettes et de l’aide due à la crise politique. La véritable chute de la part relative de la protection sociale dans les dépenses totales du gouvernement (de 13,7 pour cent en 2007 à 2,9 pour cent en 2010) suggère également que la protection sociale a été considérée comme moins prioritaire que d’autres domaines lors des réductions de budget. Le caractère incomplet des données, notamment pour ce qui est du financement du programme Tsena Mora, est peu susceptible d’être à l’origine de ces conclusions (voir le Chapitre 4). 74. Par conséquent, les dépenses de l’Etat en matière de protection sociale sont faibles au regard des normes internationales. Les dépenses de Madagascar en protection sociale, qui représentaient 0,6 pour cent du PIB en 2010 (contre 1,5 pour cent en 2008), sont faibles selon les normes internationales (Tableau 3.1). Les comparaisons entre les pays doivent être interprétées avec prudence, compte tenu des difficultés manifestes de quantification des dépenses de protection sociale et de comparaison de ces données entre les pays.32 Toutefois, les dépenses en filets de sécurité représentent typiquement 1 à 2 pour cent du PIB, voire moins, dans les pays en développement, tandis que les dépenses moyennes ont tendance à être plus élevées dans les pays à revenu intermédiaire que dans les pays à faible revenu.33 Les dépenses varient également selon les régions, les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du sud dépensant moins que ceux d’Amérique latine et des Caraïbes, tandis que les pays d’Europe de l’est et centrale et le Moyen - Orient dépensent relativement plus (Grosh et al., 2008, p. 63). Weigand et Grosh (2008) chiffrent la part moyenne des dépenses à 1,9 pour cent du PIB et la part médiane à 1,4 pour cent du PIB, en utilisant des données issues de 87 pays entre 1996 et 2006.34 31 Par manque de données, le Tableau 3.1 n’inclut pas trois catégories essentielles des dépenses de protection sociale : (1) les dépenses salariales, qui ne sont pas comptabilisées dans les budgets des programmes à partir desquels les données ont été tirées ; (2) certaines dépenses hors-budget financées par les bailleurs de fonds ; et (3) certaines dépenses publiques de protection sociale qui ne sont pas bien « visibles » dans les comptes du gouvernement, notamment le programme Tsena Mora mis en œuvre par la Présidence. 32 Pour plus d’informations sur les comparaisons entre les pays, voir le chapitre 3 dans Grosh et al. (2008). 33 Par comparaison, les dépenses représentent 2 à 4 pour cent du PIB dans les pays industrialisés (Atkinson, 1995). 34 La moyenne de 3,5 pour cent du PIB indiquée pour l’Afrique subsaharienne n’est pas un chiffre robuste, puisqu’elle s’appuie sur six observations seulement et inclut les financements externes (Grosh et al., 2008, p. 65). 30 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale Tableau 3.1 : Dépenses Publiques de Protection Sociale, sur la Base des Engagements (2007-10) 2007 2008 2009 2010 Dépenses Publiques de Protection Sociale En millions d’Ariary 171 000 247 650 189 550 116 550 En millions de $US 91,3 145,0 96,9 55,8 % du PIB 1,2 1,5 1,1 0,6 % des dépenses totales 10,1 13,4 9,3 2,9 Dépenses Publiques de Protection Sociale (% des dépenses totales) Sécurité sociale des fonctionnaires 55,7 44,3 65,4 86,0 Santé et nutrition 10,2 5,6 11,0 1,1 Education 21,4 31,8 11,6 4,0 Travaux publics 4,1 7,9 2,6 5,8 Catastrophes naturelles 4,0 8,4 5,5 2,8 Groupes vulnérables 4,6 2,0 3,8 0,3 Source : Ralaivelo (2011a). 75. La composition des dépenses du gouvernement en matière de protection sociale a également radicalement changé depuis le début de la crise. Au cours des trois dernières années, le gouvernement s’est efforcé de payer la sécurité sociale des fonctionnaires tout en réduisant dramatiquement toutes les autres dépenses de protection sociale, ce qui a soulevé des préoccupations importantes en termes d’équité.35 La part des dépenses de protection sociale allouées à la sécurité sociale des fonctionnaires est passée de 44 pour cent en 2007 à 86 pour cent en 2010 (Tableau 3.1). Par conséquent, en dehors des paiements destinés à couvrir les retraites des fonctionnaires, le gouvernement a dépensé seulement 7,8 millions $US en protection sociale en 2010 (soit l’équivalent de 0,4 $US par personne). 76. Les dépenses publiques pour des mesures de protection sociale liées à la santé ont été drastiquement réduites.36 Le gouvernement finance une très faible partie des mesures de protection sociale qui sont en en place et qui visent à faciliter l’accès aux services de santé. D’après les procédures FANOME, les fonds d’équité des CSB sont entièrement financés par une déduction fixe de 3 pour cent sur la marge de 35 pour cent réalisée sur les ventes de médicaments. Par conséquent, ce sont ceux qui achètent ces médicaments (i.e. uniquement les individus malades et qui ont recours à des professionnels de santé) qui financent majoritairement la protection sociale dans le secteur de la santé.37 En effet, ni les individus non malades ni le gouvernement ne financent ce mécanisme, ce qui contribue à expliquer pourquoi sa couverture reste si faible. Les fonds d’équité dans les hôpitaux sont quelque peu différents dans la mesure où le gouvernement assure environ la moitié de leur financement, mais l’équilibre est obtenu par des déductions fixes sur les marges réalisées sur les ventes de médicaments et les consultations, ce qui pèse encore une fois sur les malades qui fréquentent les hôpitaux publics.38 Des fonds hospitaliers au niveau régional qui permettent un accès gratuit aux urgences obstétriques et aux soins pédiatriques sont entièrement financés par des aides (Banque Mondiale et UNFPA) mais les décaissements ont été suspendus début 2009. Les mutuelles de santé, lorsqu’elles existent, sont entièrement financées par leurs membres sur la base de contributions, même si les bailleurs de fonds aident à payer les frais administratifs 35 Ralaivelo (2011a) inclut une description détaillée des programmes. 36 Le Chapitre 4 fournit une description détaillée de ces mesures. 37 Bien que le mécanisme de financement du fonds d’équité introduise le principe de solidarité entre les non -pauvres qui financent le système et les bénéficiaires pauvres identifiés, il n’introduit pas de principe de solidarité entre les malades et les non -malades (Poncin and Le Mentec, 2009). De plus, ceux qui ont recours à des professionnels de santé dans le privé ne font pas partie de l’ensemble des cotisants. 38 Par exemple, le financement assuré par le gouvernement représentait respectivement 44 pour cent et 51 pour cent des dépenses des CHU de Mahajanga et Fianarantsoa en 2008 (Poncin et Le Mentec, 2009). 31 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale et de lancement, comme c’est le cas pour l’initiative AFAFI « Protégeons la Santé de la Famille » (voir le Chapitre 4). 77. Les dépenses des programmes de protection sociale liés à l’éducation ont également été largement réduites.39 La loi de révision du budget de septembre 2010 a entraîné d’importantes coupes budgétaires dans les dépenses du Ministère de l’Education Nationale relatives à la protection sociale. Le budget total du ministère a été réduit de 56 pour cent par rapport au montant alloué dans le budget initial pour 2010. Parmi les conséquences de cette réduction figurent l’annulation de la distribution de kits scolaires gratuits au début de l’année scolaire 2010/11, et une importante diminution des transferts aux caisses écoles, destinés à alléger le poids des frais et autres charges scolaires qui pèsent sur les parents. 78. De plus, les dépenses du gouvernement dans des programmes de travaux publics ont cessé à cause de la fermeture du fonds d’allègement de la dette PPTE, qui constituait la principale source de financement. Les dépenses de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre, financées principalement par l’Office National de Nutrition (ONN), sont passées de 3,2 milliards Ar (soit 1,9 millions $US) en 2008 à 10 millions Ar (moins de 5 000 $US) en 2010. 79. Les montants alloués au Ministère de la Population et des Affaires Sociales ont également chuté depuis 2009. Les données d’exécution budgétaire du Ministère de la Population et des Affaires Sociales, l’agence gouvernementale « centrale » responsable de la protection sociale depuis 2009, montrent que les engagements en matière de dépenses ont fortement chuté en 2010 (Tableau 3.2). Sur la base des engagements, la part des dépenses du Ministère de la Population et des Affaires Sociales dans les dépenses totales du gouvernement est tombée de 1,4 pour cent en 2009 à seulement un quart de un pour cent en 2010 (environ 4,8 millions $US). Cependant, toutes les dépenses n’ont pas été réduites : si les investissements ont chuté, les dépenses relatives aux salaires ont augmenté en 2010. Tableau 3.2 : Dépenses du Ministère de la Population et des Affaires Sociales, sur la Base des Engagements (millions d’Ariary) 2009 2010 Salaires 1 990 2 403 Dépenses récurrentes hors salaires 4 372 3 119 Investissement 21 005 2 594 Total 29 375 10 127 Note % des engagements totaux de dépenses budgétaires 1,44 0,25 Source : Documents budgétaires, Ministère des Finances et du Budget. 80. Tsena Mora constitue désormais le principal programme de protection sociale du gouvernement. Lancé en octobre 2010 pour fournir des denrées alimentaires de base à des prix subventionnés aux populations urbaines défavorisées,40 le programme vise à atténuer l’impact négatif de la crise politique, dont les pertes d’emploi, dans les zones périurbaines. Bien qu’aucune donnée ne soit disponible concernant les dépenses effectives de Tsena Mora, le programme aurait bénéficié d’un montant de 25 milliards Ar (soit 12 millions $US environ), ce qui dépasse le montant total des dépenses publiques de protection sociale pour l’année 2010 (Ralaivelo, 2011b). Ce programme est uniquement mis en œuvre dans les grandes villes, ce qui signifie que la majorité des individus extrêmement pauvres, qui vivent en milieu rural, n’en bénéficient pas. L’exécution de Tsena Mora aurait été suspendue depuis juillet 2011, à l’exception du sous-programme Vary Mora (riz bon marché) qui a été mis en œuvre au cours de la dernière saison de 2011. 39 Le Chapitre 4 fournit une description détaillée de ces mesures. 40 Le Chapitre 4 inclut une description détaillée du programme Tsena Mora. 32 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale 81. Les dépenses totales de protection sociale du gouvernement, des bailleurs de fonds et des ONG ont considérablement diminué depuis l’émergence de la crise politique en 2009. Comme mentionné ci-dessus, les dépenses publiques de protection sociale ont considérablement diminué depuis le début de la crise politique (Tableau 3.3). Cette baisse a été compensée très partiellement par une augmentation des aides. Selon le Secrétariat Technique Permanent pour la Coordination de l’Aide, sous tutelle du Premier Ministre, le montant des aides pour la protection sociale est passé de 26 millions $US en 2008 à 37 millions $US en 2010 (Banque Mondiale, 2011a). Ce montant inclut les mesures de protection sociale dans le secteur de l’éducation, qui sont désormais principalement financées par les bailleurs de fonds, notamment par le biais du Fonds Catalytique de l’Initiative pour une mise en œuvre accélérée du Programme Education pour tous (Initiative Fast Track) géré par l’UNICEF, et grâce au support du PAM pour l’alimentation scolaire. De plus, le renforcement de l’aide pour des projets de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre, notamment en provenance de la Banque Mondiale via le FID, a plus que compensé la forte baisse du financement du gouvernement (à travers l’ONN), ce qui a permis d’élargir la couverture des travaux publics. En revanche, les ressources supplémentaires fournies par les ONG sont tombées à 5,1 millions $US en 2010 (Kone, 2011). En fin de compte, les dépenses totales de protection sociale sont passées de 1,9 pour cent du PIB en 2008 à 1,1 pour cent en 2010.41 Tableau 3.3 : Montant Estimé des Dépenses de Protection Sociale Effectuées par le Gouvernement, les Bailleurs de Fonds et les ONG (millions $US) 2007 2008 2009 2010 Dépenses de Protection Sociale Effectuées par Le Gouvernement 91,3 145,0 96,9 55,8 Les Bailleurs de Fonds n.d. 26,0 40,7 36,8 Les ONG 6,8 8,0 7,2 5,1 Total n.d. 179,0 144,8 97,7 Note Total, en pourcentage du PIB 1,9% 1,7% 1,1% Source : Ravelosoa (2011), Ralaivelo (2011a) et Kone (2011). 41 Certaines dépenses déclarées par les bailleurs sont comptabilisées dans les documents budgétaires, tandis que certaines ressources provenant d’ONG sont également comptabilisées dans la base de données sur les aides, puisque la plupart des ONG agissent principalement pour des agences d’aide officielles. Ainsi, le total des dépenses qui figure dans le Tableau 3.3 est une limite supérieure. 33 Politiques, Institutions et Financement de la Protection Sociale 34 Programmes de Protection Sociale 82. Le Chapitre 3 montre qu’avant 2009, la politique globale de protection sociale de Madagascar était décrite dans le Plan d’Action pour Madagascar 2007-12, tandis que le mécanisme permettant de traduire ces politiques en actions sur le terrain, à savoir la Stratégie de Protection Sociale et de Gestion des Risques, avait été esquissée mais jamais adoptée officiellement. Depuis l’émergence de la cris e politique début 2009, le MAP, associé à l’ancien régime, a cessé de guider les actions du gouvernement, et les ressources publiques nécessaires à sa mise en œuvre ne sont plus disponibles. Les dépenses totales de protection sociale ont considérablement diminué, bien que la forte baisse des dépenses publiques ait été très partiellement compensée par une augmentation des aides versées par certains donateurs, au moins jusqu’à 2010. 83. Le présent chapitre passe en revue les interventions de protection sociale à Madagascar. Tout d’abord, il décrit et analyse les principales politiques visant à réduire l’impact des chocs systématiques majeurs décrits au Chapitre 2, dont l’impact des crises internationales des prix des produits de base. Il examine ensuite le programme Tsena Mora, un programme de subvention à la consommation qui a été introduit en octobre 2010 par la Haute Autorité de Transition (HAT) en tant que programme phare d’atténuation de l’impact de la crise sur les populations défavorisées en milieu urbain. Enfin, il enquête sur les autres programmes de protection sociale en cours d’exécution à l’heure actuelle à Madagascar, notamment sur leurs coûts, leur couverture et leur efficacité. A partir de cette analyse, le chapitre suivant décrit les principes fondamentaux d’une stratégie de protection sociale et recommande les actions à entreprendre en priorité en vue de sa mise en œuvre. A. Mesures d’atténuation des chocs systématiques A.1 Gouvernance 84. Comme évoqué au Chapitre 2, les chocs les plus critiques qui affectent la population malgache sont les crises gouvernementales à répétition. Ces crises sont profondément ancrées dans la structure politique de la société et révèlent des alliances changeantes entre les familles les plus privilégiées. Il en résulte non seulement une absence de développement économique mais également, ce qui est pire, un déclin économique progressif et régulier sur le long terme : le PIB par habitant a chuté de 40 pour cent entre 1960 et 2010. Cette situation fait de Madagascar le troisième pays le moins performant sur 29 pays d’Afrique subsaharienne pour lesquels les données sont disponibles (après le Liberia et la République Démocratique du Congo – tous deux affectés par des guerres civiles) et le pays le moins performant parmi les pays qui sont en paix. Analyser les facteurs qui empêchent la croissance dépasse le cadre de ce rapport ; cependant, alléger ces contraintes serait le moyen le plus efficace de sortir la population de la pauvreté extrême et de générer les ressources financières nécessaires au financement d’une stratégie de protection sociale efficace. Si Madagascar s’attaque correctement à ces problèmes profonds de gouvernance, le pays devrait parvenir à inverser la tendance à la baisse de son économie et croître au moins autant que certains pays avoisinants, comme le Sri Lanka, dont le PIB par habitant était comparable à celui de Madagascar en 1960, ou le Cap Vert, une île située sur la côte ouest de l’Afrique (Graphique 4.1). 35 Programmes de Protection Sociale Graphique 4.1 : PIB Par Habitant à Madagascar et dans les Pays Sélectionnés (1960-2010) 2000 1800 PIB Par Habitant (Référence : 2000 $US) 1600 1400 Mozambique 1200 Kenya 1000 Madagascar Tanzanie 800 Cap Vert 600 Sri Lanka 400 200 0 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Source : Indicateurs du Développement dans le Monde (2011). A.2 Cours internationaux des produits de base 85. Cours du Riz. L’économie malgache est caractérisée par une très forte dépendance sur le prix du riz (voir le Chapitre 2). Le riz étant la principale denrée de base,42 la moindre augmentation de son prix sur le marché mondial est susceptible d’avoir des répercussions considérables sur le bien-être des ménages malgaches.43 Ainsi, la politique du gouvernement sur le riz est une composante essentielle de toute stratégie de protection sociale. Depuis les années 1970, Madagascar est un importateur structurel de riz. De 2000 à 2004, les importations de riz étaient soumises à la fois à un tarif douanier de 20 pour cent et à une taxe ad valorem de 21 pour cent, d’où une taxe totale de 45 pour cent. En 2005, le tarif douanier a été abaissé à 10 pour cent. Ces taxes sur les importations de riz faisaient grimper le prix domestique du riz au- delà des prix mondiaux, et constituaient principalement une subvention aux producteurs nets de riz, financée par une taxe sur les consommateurs nets de riz. En 2007, le gouvernement a supprimé le tarif douanier sur les importations de riz et fixé la taxe ad valorem à 18 pour cent.44 Cette première mesure a probablement engendré des gains considérables en termes d’efficacité ; ceux-ci ont principalement accru aux ménages les plus riches, les perdants étant les vendeurs nets de riz issus de la population pauvre. En juillet 2008, le gouvernement a supprimé la taxe ad valorem sur les importations de riz pour atténuer la pression sur les prix domestiques d’un pic des prix internationaux des denrées alimentaires. Depuis, la politique d’élimination du tarif douanier et de la taxe ad valorem sur les importations de riz a été maintenue et les prix domestiques ont été globalement alignés sur les prix de parité à l’importation (Graphique 4.2). 42 La consommation de riz par tête à Madagascar, qui s’élève à 114 kg par habitant et par an, est l’une des plus élevées au monde (Carimentrand, 2011). 43 Les autres cultures principales de Madagascar (maïs et manioc) ne font pas l’objet d’échanges internationaux, ni l’objet de taxes ou de subventions. 44 La taxe ad valorem a été augmentée à 20 pour cent en janvier 2008. 36 Programmes de Protection Sociale Graphique 4.2 : Prix Domestique du Riz et Prix de Parité à l’Importation du Riz (jan. 2008-sept. 2011) Prix Local (Prix de Détail) Prix de Parité à l'Importation (Pak 25%) 2500 2000 1500 Ariary/Kg 1000 500 0 Source : INSTAT. 86. Cours du Pétrole. L’économie malgache est également caractérisée par une très forte dépendance sur le prix mondial du pétrole (voir le Chapitre 2) : une hausse des prix pétroliers engendre une hausse des prix non seulement des produits pétroliers eux-mêmes, mais également des très nombreux biens et services qui utilisent le pétrole comme bien intermédiaire, pour le transport par exemple. Les prix domestiques des produits pétroliers fluctuent en fonction des prix mondiaux, du taux de change et des taxes domestiques (Graphique 4.3). Le taux de taxation, dont l’accise et la TVA, sur les produits pétroliers (1,1 pour cent pour le kérosène, 27 pour cent pour le diesel et 38 pour cent pour l’essence) se situe autour de la moyenne internationale (FMI, 2007). Le fait que le kérosène soit si faiblement taxé alors qu’il représente 90 pour cent des dépenses énergétiques des ménages pauvres montre que la taxation des produits pétroliers est largement redistributive. Graphique 4.3 : Prix Domestique et International du Pétrole (mars 2005-déc. 2010) 3000 2500 2000 Ariary/Litre 1500 1000 500 0 2005M04 2006M01 2006M08 2007M03 2008M05 2008M12 2009M06 2010M01 2010M12 Kérosène (Prix domestique) Essence (Prix domestique) Pétrole (WTI) (Prix international) Source : INSTAT. 37 Programmes de Protection Sociale B. Subventions à la consommation : le programme Tsena Mora45 87. Description. Tsena Mora a été lancé en octobre 2010, en tant que programme phare de la Haute Autorité de Transition (HAT) destiné à atténuer l’impact de la crise politique sur les populations défavorisées en milieu urbain, particulièrement touchées par la crise. Le programme a un statut de coopérative et il est placé sous la responsabilité directe de la Présidence ; il fournit des produits alimentaires de base à des prix subventionnés aux pauvres en milieu urbain. Des points de vente spécifiques au programme Tsena Mora ont été mis en place à Antananarivo et dans les cinq autres anciens chefs lieux de province.46 Comme le Tableau 4.1 l’indique, Tsena Mora vise à fournir du riz, de l’huile et du sucre à un prix environ égal à la moitié du prix du marché. Il semblerait que le programme Tsena Mora, à l’exception du sous-programme Vary Mora (riz bon marché), ait été interrompu depuis juillet 2011. Tableau 4.1 : Ventes Subventionnées de Produits Alimentaires de Base par Tsena Mora Produit Prix des Ventes Taux de Subvention Quantité Vendue par Subventionnées (% du Prix de Vente Moyen) Bénéficiaire (1 Fois Toutes 2010 2011 (jan.-mai) les 2 Semaines) Riz 500 Ar par kg 57% 64% 2-5 kg Huile 2 500 Ar par litre 43% 44% 1 litre Sucre 1 000 Ar par kg 56% 63% 1 kg Source : Ralaivelo (2011b) ; données sur les prix issues de l’INSTAT. 88. Couverture. Tsena Mora couvre largement les six chefs lieux de province où le programme est mis en œuvre. Les bénéficiaires sont sélectionnés par le personnel des points de vente, à partir de listes des habitants vulnérables préétablies par les autorités des fokontany.47 Des partenariats ont été mis en place avec des ONG opérant dans les quartiers pauvres afin de compléter ces informations préexistantes par des enquêtes locales. Officiellement, le programme vise les ménages ayant à charge trois à cinq personnes n’étant pas en âge de travailler, les ménages ayant un revenu instable issu d’emplois occasionnels ou du secteur informel, ainsi que les femmes qui travaillent dans le secteur informel. 89. Coût. Le programme aurait reçu en 2011 25 milliards d’Ariary de la part du gouvernement (soit environ 13 millions $US), bien que cette allocation n’ait pas été incluse dans le budget (Ralaivelo, 2011b). Des données récentes suggèrent que le programme a été considérablement réduit à cause de contraintes financières. 90. Efficacité. Par la subvention de denrées alimentaires de base, Tsena Mora vise à améliorer la sécurité alimentaire et à réduire la vulnérabilité dans les chefs lieux des six provinces où le programme est en place. Les ménages des centres urbains secondaires et des zones rurales (où se concentre la pauvreté) n’ont pas accès au programme, ce qui pose des problèmes d’équité. De plus, les données disponibles laissent penser que Tsena Mora bénéficie à de nombreux individus non pauvres. Ralaivelo (2011b) estime que 250 000 ménages ont bénéficié de Tsena Mora (soit 6 pour cent de l’ensemble des ménages, ou deux tiers des ménages dans les six chefs lieux concernés). Etant donné que le taux de pauvreté en milieu urbain est de 54 pour cent et que le taux de pauvreté extrême y est de 35 pour cent (voir le Chapitre 2), ceci suggère des « fuites » importantes en faveur des non pauvres. Les données disponibles sur les bénéficiaires, sur la mise en œuvre du programme et sur l’efficacité du ciblage sont limitées. D’après des enquêtes réalisées auprès d’un petit nombre de bénéficiaires, Ralaivelo (2011b) rapporte que Tsena Mora a probablement subventionné un tiers environ des dépenses totales en riz des bénéficiaires. Vers la mi- 2011, les bénéficiaires ont exprimé de manière générale un niveau élevé de satisfaction à l’égard du 45 Pour plus de détails sur le programme Tsena Mora, voir le rapport complémentaire écrit par Ralaivelo (2011b). 46 A Antananarivo, tous les 192 fokontany (quartiers) sont couverts. 47 En 2004, chaque fokontany avait établi une liste des personnes les plus démunies, en vue de leur assurer un accès gratuit aux services de santé de base (voir ci-dessous). 38 Programmes de Protection Sociale programme, malgré des critiques liées au manque de transparence, aux soupçons de détournement de certains stocks de denrées alimentaires vers le marché informel et à l’approvisionnement insuffisant en produits subventionnés, l’huile en particulier. C. Programmes de protection sociale 91. Cette partie décrit les principaux programmes de protection sociale en cours d’exécution à Madagascar et analyse pour chacun sa couverture, son coût et son efficacité. Ces programmes comprennent les régimes publics de sécurité sociale ainsi que les programmes de protection sociale liés à l’éducation, la santé et la nutrition, les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre, la reconstruction post-catastrophe et les programmes visant des groupes vulnérables spécifiques dont les handicapés, les jeunes à risque, les enfants et les personnes âgées. La fin de cette partie porte sur le processus de décentralisation à Madagascar, qui pourrait constituer un mécanisme efficace de mise en œuvre de la protection sociale une fois la situation politique revenue à la normale. C.1 Sécurité sociale 92. Description. A Madagascar, trois institutions fournissent une couverture de protection sociale : la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNaPS) pour les employés du secteur privé, la Caisse de Retraite Civile et Militaire (CRCM) pour les fonctionnaires et le personnel militaire, et la Caisse de Prévoyance de Retraite (CPR) pour le personnel auxiliaire du secteur public. Cependant, ces régimes protègent les adhérents contre un nombre limité de risques. La CNaPS couvre seulement un sous-ensemble des neuf types de risque énoncés par la Convention de l’Organisation Internationale du Travail de 1952 concernant la sécurité sociale (norme minimum), à savoir les accidents du travail, la retraite, le handicap, les prestations de survivants et les allocations familiales. L’assurance médicale et l’assurance chômage ne sont pas couvertes, bien que certains services médicaux soient fournis à un petit nombre d’employés du secteur formel à travers les Services Médicaux Inter Entreprises (SMIE), des associations à caractère géographique situées dans les six chefs lieux de province.48 Les fonctionnaires et le personnel des forces armées bénéficient également de certaines prestations médicales. 93. Couverture. Ces régimes de sécurité sociale couvrent un nombre limité d’employés du secteur formel ainsi que les personnes qu’ils ont à charge ; ils excluent la grande majorité de la population. Avec 500 000 adhérents environ, le nombre d’individus couverts par la CNaPS peut être estimé à 2,4 millions49 d’individus, soit 12 pour cent de la population (Tableau 4.2). La CNaPS fournit également des allocations familiales à environ 220 000 enfants. D’après l’enquête auprès des ménages de 2010, seuls 3,1 pour cent des travailleurs malgaches cotisent à un régime de sécurité sociale, dont 35 pour cent sont dans le secteur privé et 65 pour cent dans le secteur public. Ainsi, bien que la CNaPS et les régimes pour les fonctionnaires fournissent une retraite et d’autres bénéfices à ceux qui y souscrivent, ils excluent la grande majorité de la population. Les SMIE couvrent seulement une infime proportion de leur population provinciale. Par exemple, la couverture dans la province d’Analamanga atteint 7 pour cent de la population et elle est bien plus élevée que dans toutes les autres provinces (CGA, 2009). Tableau 4.2 : Nombre des Employeurs et Employés Affiliés à la CNaPS (2006-08) 2006 2007 2008 2009 2010 Nombre des employeurs affiliés 18 601 18 279 22 429 Nombre des employés affiliés 487 627 472 099 517 610 526 700 Source : Donati et al., (2011). 48 Malgré l’absence d’assurance chômage, la CNaPS a adopté certaines mesures visant à alléger l’épreuve en cas de perte récente d’emploi dans secteur formel à cause de la crise politique, notamment l’extension de la couverture pour six mois après une pe rte d’emploi et le parrainage d’un programme de réorientation, en partenariat avec l’entreprise minière canadienne Sheritt. La CNaPS a également conclu un partenariat avec les institutions de microfinance pour effectuer les paiements des retraites et facilit er l’accès au microcrédit pour les retraités (Donati et al., 2011 ; CNaPS, 2011). 49 Ceci suppose une taille moyenne des ménages de 4,8 membres. 39 Programmes de Protection Sociale C.2 Programmes de protection sociale liés à l’éducation 94. Description. En 2003, le gouvernement nouvellement établi du Président Ravalomanana cherchait à réduire les obstacles financiers à l’éducation : il a supprimé les frais de scolarité officiels et commencé la distribution de kits scolaires. En 2005, le gouvernement a adopté son premier plan Education pour Tous et a obtenu par la suite un soutien financier considérable dans le cadre de l’Initiative pour une mise en œuvre accélérée (Initiative Fast Track) et de son Fonds Catalytique. Ceci a permis de financer une série de mesures relatives à l’éducation, aussi bien du côté de l’offre que de la demande et visant à accroître la scolarisation et à réduire l’abandon scolaire. 95. Les principaux programmes de protection sociale dans le domaine de l’éducation sont les suivants : i. Réduction des contributions parentales aux salaires des enseignants communautaires. Une des caractéristiques du système malgache de l’enseignement public est la proportion élevée et croissante des enseignants qui ne sont pas formellement employés par le gouvernement, mais recrutés et payés par des associations parentales locales (FRAM). Ces « enseignants communautaires » représentaient deux tiers du personnel enseignant au niveau primaire en 2010/11, contre 56 pour cent en 2007/08 (Tableau 2.3). Le gouvernement, avec le support du Fonds Catalytique, a subventionné les salaires d’un grand nombre d’enseignants FRAM. Par exemple, pour l’année scolaire 2009/10, 70 pour cent des salaires des enseignants FRAM ont été subventionnés à la hauteur de 46,3 milliards Ar (soit 22,9 millions $US), dont 23,2 milliards par le gouvernement et 18,6 milliards par le Fonds Catalytique. Les fonds devaient également subventionner les salaires des enseignants dans les écoles privées, dans la même optique d’allégement du fardeau des parents, mais le programme n’a pas été mis en application en 2010 à cause de restrictions budgétaires. Les décaissements du Fonds Catalytique étaient lents, en partie à cause du retard pris par le gouvernement dans le paiement de sa participation aux salaires des enseignants.50 Tableau 4.3 : Subventions aux Enseignants FRAM (2008/09-2010/11) 2008/09 2009/10 2010/11 Nombre d’enseignants dans les écoles primaires publiques, dont: 69 613 82 954 78 632 Enseignants employés par le gouvernement 28 611 27 498 26 385 Enseignants FRAM 41 002 55 456 52 247 Enseignants FRAM (pourcentage du total) 58,9 66,9 66,4 Enseignants FRAM subventionnés 35 886 38 583 39 885* Enseignants FRAM subventionnés (pourcentage du total des enseignants FRAM) 87,5 69,6 76,3* Source : MEN, 2011. Note : * Prévu. ii. Distribution de kits scolaires gratuits. Les kits scolaires sont distribués gratuitement aux élèves en début d’année scolaire, mais leur composition et leur couverture sont relativement limitées. En 2009/10, ils étaient constitués de cartables (pour les élèves de CP) et de cahiers d’exercices pour les élèves de CP, CE1 et CM2. Cependant, aucun kit n’a été distribué au début de l’année scolaire 2010/11 à cause d’une réduction drastique dans le budget alloué au Ministère de l’Education, introduite dans le budget révisé adopté en septembre 2010 (MEN, 2011). 50 L’accord prévoit que le gouvernement paye six mois de salaire tandis que l’Initiative Fast Track paye les quatre mois restants. 40 Programmes de Protection Sociale iii. Fonds scolaires. Les fonds scolaires sont des crédits budgétaires alloués aux écoles sur la base des effectifs, destinés à couvrir les coûts de fonctionnement de base des écoles. Ils étaient initialement censés compenser les écoles pour la suppression des frais d’inscription et empêcher la multiplication de dépenses scolaires informelles. Cependant, ces fonds ont été considérablement réduits à la suite des coupes budgétaires post-crise : la révision du budget adoptée en septembre 2010 a entraîné une forte réduction des allocations par élève, qui sont tombées de 3 000 Ar pour l’année scolaire 2009/10 à 800 Ar pour 2010/11 (Ministère de l’Education, 2011). Des fonds supplémentaires destinés à couvrir l’achat de matériel scolaire pour les élèves très vulnérables, en plus du matériel d’enseignement, d’autres fournitures et des coûts de réparation et d’entretien de l’école, ont été versés par le Fonds Catalytique aux écoles se situant dans les régions présentant les indicateurs d’éducation les plus faibles (Ministère de l’Education, 2011). Ces déboursements ont été plus lents que prévus. iv. Alimentation scolaire. Les programmes d’alimentation scolaire constituent une motivation supplémentaire pour les ménages vivant dans l’insécurité alimentaire à envoyer leurs enfants à l’école. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) fournit des repas scolaires dans la plupart des régions du sud de Madagascar. Le PAM touche à l’heure actuelle environ 200 000 élèves dans 1 150 écoles, par la fourniture de repas tout au long de l’année scolaire. Le gouvernement met en œuvre un système de moindre ampleur qui consiste à distribuer des rations alimentaires à un peu plus de 60 000 élèves en périphérie d’Antananarivo (MEN, 2011). Il existe d’autres programmes d’alimentation scolaire, dont l’ampleur reste toutefois limitée. v. Transferts en espèces et bourses. Les expériences de transferts conditionnels en espèces sont limitées. Certaines initiatives locales tentent de conditionner les versements d’allocations sur l’assiduité scolaire des enfants. D’autres programmes ont octroyé des bourses aux filles passant du cycle primaire au cycle secondaire, en particulier dans les zones dépourvues de collèges où elles sont obligées de loger hors de leur domicile. Un rapport complémentaire décrit un tel programme (Encadré 4.1). 41 Programmes de Protection Sociale Encadré 4.1: Expérience de Transferts Conditionnels en Espèces Dirigée par une ONG : Cas du Programme d’Appui à l’Action Scolaire L’association Jeunesse du Troisième Age (JTA) est l’une des premières ONG à Madagascar à avoir entrepris un programme novateur de transferts en espèces conditionnés sur la performance académique des élèves. Grâce au support financier et technique des membres expérimentés de la JTA, le Programme d’Appui à l’Action Scolaire (PAAS) a été lancé en 2005. Après une analyse minutieuse des établissements d’enseignement dans certains des quartiers les plus pauvres de Madagascar, le programme à sélectionné deux écoles primaires : une école publique située dans la banlieue d’Antananarivo et une école privée située en milieu rural. Certes, le programme est limité dans son ampleur et sa portée, mais il illustre comment des initiatives locales peuvent favoriser le développement humain au sein des communautés. A chaque début d’année scolaire, le programme offre différentes formes d’incitations financières et matérielles aux élèves ayant de très bons résultats scolaires. De ce point de vue, ce programme est atypique ; les programmes visent habituellement à réduire l’abandon scolaire et non à améliorer les performances. Même si l’ensemble des prestations proposées varie selon l’école concernée, il comprend en général une subven tion destinée à couvrir les frais scolaires pour l’école primaire, ainsi qu’une bourse en espèces pour couvrir les frais d’éducation supplémentaires. Les élèves qui obtiennent des résultats académiques satisfaisants peuvent être assistés financièrement pendant les premier et deuxième cycles du niveau secondaire. Une fois que les bénéficiaires du PAAS ont terminé l’école primaire, la JTA surveille leur évolution tout au long du cycle secondaire. Le nombre de bénéficiaires reste limité : depuis sa création, le PAAS a versé des prestations à 902 élèves. Le programme a toutefois réussi à créer une atmosphère de compétition qui n’existait pas auparavant et dans laquelle le succès académique est récompensé. Les différentes modalités de transferts d’espèces sont co nditionnées par les résultats de l’élève, sa réussite globale du cycle primaire, son inscription au lycée et de manière plus progressive, ses résultats au lycée. Le tableau suivant présente les montants moyens de transferts d’espèces par élève : Tableau : Montant Moyen des Transferts en Espèces par Elève et par An (Ariary) Ecole Primaire Ecole Secondaire Ecole Secondaire Premier Cycle Second Cycle Frais de 18 000 107 000 96 000 scolarité/d’inscription Bourses 56 000 9 000 La mise en œuvre du programme a rencontré un certain nombre de difficultés. Il est arrivé que des incohérences soient observées en comparant les données de la JTA et celles des écoles partenaires, que les prestations rencontrent des obstacles, voire souffrent d’abus, et que des résultats d’élèves soient faussés. Cependant, le système conjoint de partage des responsabilités et de collecte des données s’est amélioré avec les années. Malgré les efforts et la bonne volonté de la JTA, les résultats des élèves dans le secondaire accusent une tendance à la baisse. Par exemple, 17 pour cent des élèves ayant obtenu une bourse pour poursuivre leurs études au niveau secondaire (soit 4 élèves sur 23) ont abandonné l’école. De nombreux bénéficiaires réussissent moins bien lorsqu’ils progressent de niveau. Ceci suggère que les mesures d’allègement des coûts de l’éducation du côté de la demande ne suffisent pas à elles seules à améliorer le niveau d’éducation. Source : Rapport complémentaire par Randrianasolo (2011). 96. Efficacité. Bien que les mesures décrites ci-dessus n’aient pas été évaluées, les bénéfices initiaux ont probablement été neutralisés par les retombées de la crise actuelle. L’abolition des frais de scolarité formels en 2003, ainsi que l’introduction des mesures évoquées ci-dessus, a sans doute contribué à la croissance rapide du taux net de scolarisation dans les écoles primaires, qui est passé de 72 pour cent en 2002/03 à 86 pour cent en 2004/05 (Schüring, 2005). Cependant, d’autres mesures, comme la construction de salles de classe, ont également aidé à remédier aux goulets d’étranglements du côté de l’offre, tandis que la réduction de la pauvreté au cours de cette période a pu alléger le fardeau des parents et améliorer le rendement espéré de l’éducation. De la même manière, le renversement partiel des gains en termes de taux de scolarisation depuis 2009 peut être le reflet de l’aggravation de la pauvreté, ainsi que de la forte baisse des dépenses publiques. La plupart des mesures du côté de la demande (l’abolition des frais scolaires 42 Programmes de Protection Sociale formels, la distribution de kits scolaires, etc.) sont universelles et profitent à tous les élèves, dont ceux issus de ménages non pauvres. La subvention des enseignants FRAM n’est pas non plus ciblée, bien que le nombre d’enseignants concernés soit ajusté selon un système de quotas visant à égaliser le rapport élèves- enseignants sur l’ensemble du pays à 50 pour 1. Le PAM cible son programme d’alimentation scolaire sur les quartiers présentant des indicateurs faibles en matière d’éducation et de sécurité alimentaire, à l’aide de cartes de vulnérabilité dans ces deux domaines. En réalité, tous les élèves fréquentant les écoles assistées bénéficient du programme. Il est difficile de savoir si les transferts du Fonds Catalytique aux écoles ont été utilisés pour aider les élèves les plus vulnérables et si c’est le cas comment ces élèves ont été identifiés. C.3 Programmes de protection sociale liés à la santé et à la nutrition 97. Description. En 1998, le gouvernement de Madagascar a supprimé les soins de santé élémentaires gratuits et a introduit un système de recouvrement des coûts sur les médicaments.51 En 2002, le gouvernement du Président Ravalomanana a supprimé les frais afférents aux soins de santé primaires. En conséquence, la demande de services de santé a explosé et a rapidement dépassé l’approvisionnement en médicaments et autres intrants essentiels. Les frais d’utilisation ont été réintroduits en 2004 dans le cadre d’un nouveau système de gestion des médicaments, le Fonds d’Approvisionnement Non-stop en Médicaments Essentiels (FANOME). 98. A l’heure actuelle, les utilisateurs payent eux-mêmes pour la grande majorité des services de santé dont les consultations médicales (au-delà du niveau de base), les médicaments, les tests en laboratoire et autres services. Les principales exceptions sont les consultations médicales dans les centres de santé de base et certains services de prévention (notamment la vaccination des enfants pendant les campagnes de vaccination), le traitement thérapeutique de la malnutrition aigüe sévère chez les jeunes enfants, certains services de planning familial et le traitement de certaines maladies chroniques (comme la tuberculose, le VIH/SIDA, la lèpre et la bilharziose) qui sont dispensés gratuitement. C’est aussi le cas des moustiquaires traitées à l’insecticide qui sont distribuées gratuitement dans les centres de santé aux femmes enceintes et aux ménages ayant à charge des enfants de moins de 5 ans, alors qu’elles sont en général vendues à un prix subventionné. Ceci dit, la plupart de ces programmes sont fortement dépendants des financements versés par les bailleurs de fonds et leur couverture reste limitée.52 99. Quelques autres programmes de protection sociale ont été introduits pour faciliter l’accès aux services de santé, dont : i. Des dispenses de frais sur les médicaments grâce à des fonds d’équité dans les centres de santé pour les plus pauvres. Les fonds d’équité ont été créés en 2005 dans les Centres de Santé de Base (CSB) pour fournir des médicaments gratuits aux individus pauvres enregistrés dans ces centres, et ils sont financés entièrement par une déduction de 3 pour cent sur la vente de médicaments par les pharmacies des CSB (voir le Chapitre 3). Puisque les consultations médicales sont gratuites au niveau élémentaire, les fonds d’équité sont destinés à fournir un accès gratuit aux soins de santé élémentaires aux plus pauvres en leur assurant un accès gratuit aux médicaments. Cependant, le système est financé par une part de 3 pour cent sur le revenu brut des ventes de médicaments, ce qui limite considérablement leur couverture (voir ci- dessous) ; 51 Depuis les années 1970, l’UNICEF et plusieurs bailleurs de fonds bilatéraux ont soutenu des expériences réalisées dans les pharmacies gérées au niveau communautaire, dans le but de faire face aux pénuries de médicaments dans les centres de santé publics. 52 Par exemple, si le traitement thérapeutique des enfants affectés de malnutrition aigüe sévère, dans les Centres de Récupération Nutritionnelle Ambulatoire (CRENA) et les Centres de Récupération Nutritionnelle Intensive (CRENI) du Ministère de la Santé, est théoriquement gratuit, les services sont souvent effectivement disponibles seulement dans les quartiers bénéficiant de l’appui d’organismes extérieurs, comme l’UNICEF ou la Banque Mondiale. 43 Programmes de Protection Sociale ii. Des fonds d’équité dans les hôpitaux destinés à dispenser les frais des plus pauvres. En 2007, le Ministère de la Santé et du Planning Familial a lancé un système pilote de mise en place de fonds d’équité dans les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et les Centres Hospitaliers Régionaux de Référence (CHRR) dans 10 des 22 régions. Les fonds visent à accroître l’utilisation des services hospitaliers par les individus les plus démunis en couvrant tous les coûts d’hospitalisation, dont les médicaments, les procédures médicales, l’hébergement et les repas. Comme décrit au chapitre précédent, chaque fonds est financé par la vente de médicaments fournis gratuitement aux hôpitaux par la centrale d’achats de médicaments (SALAMA), par 6 pour cent des profits sur les autres ventes de médicaments et par 5 pour cent du revenu provenant des frais de consultation ; iii. Le Fonds de Prise en Charge Universelle (FPCU). Entre 2007 et 2009, la Banque Mondiale a financé, par le biais du Projet de Développement Durable du Système de Santé, un système de tiers payant géré par une organisation confessionnelle contractante fournissant un accès gratuit aux services hospitaliers des urgences obstétriques, néonatales et pédiatriques dans trois régions (Diana, Boeny et Atsimo Andrefana). Le FPCU couvrait tous les coûts hospitaliers. Le financement a cessé quand le projet s’est terminé en décembre 2009. Un système similaire était appuyé par l’UNFPA à Toliara est il est également terminé ; iv. Mutuelles de Santé. Des initiatives locales pour mettre en place des mutuelles de santé sont apparues dans les années 1970, en particulier à Fianarantsoa, en réponse aux ruptures de stocks de médicaments dans les établissements de santé publics. Ces mutuelles de santé géraient des stocks alternatifs de médicaments, sur la base d’un recouvrement des coûts, à une époque où les médicaments étaient théoriquement gratuits mais souvent non disponibles en pratique dans les centres de santé publics. Après l’introduction du recouvrement des coûts dans le système de santé public en 1998, ces structures ont commencé à disparaître. D’après le Ministère de la Santé, des efforts sont actuellement déployés pour relancer les mutuelles de santé, mais les informations ne sont pas aisément accessibles, hormis sur le développement de mutuelles en milieu urbain en association avec du microcrédit. Cette dernière approche est appuyée par l’ONG française Inter Aide grâce à un financement de l’Union Européenne et de l’Agence Française de Développement.53 v. Il existe d’autres programmes de protection sociale dans le domaine de la santé, mais ils sont en général de faible ampleur ou temporaires. Par exemple, le fonds d’urgence conjoint OMS- UNFPA-UNICEF a fourni gratuitement certains médicaments pendant six mois aux enfants de moins de 5 ans et aux femmes enceintes, dans huit quartiers du sud de Madagascar. 53 Cette initiative a commencé en 2009 dans les quartiers pauvres d’Antananarivo avec la mise en place d’AFAFI (« Protégeons la santé de la famille »). AFAFI est associée à l’institution de microfinance Crédit Epargne et Formation (CEFor). Les emprunteurs sont automatiquement inscrits à la mutuelle, considérée par CEFor comme un moyen de réduire les risques liés à la maladie. Les primes sont de 6,5 € en moyenne par famille et par an , mais varient selon le montant du prêt et sont automatiquement déduits de ce montant. AFAFI fournit un remboursement de 100 pour cent des frais hospitaliers, dont le transport et les repas, à hauteur de 300 000 Ar par personne et par an (environ 150 $US), par un mécanisme de tiers payant, ainsi que le remboursement des frais de consultation facturés par les centres de santé accrédités et les médecins privés. Les médicaments ne sont pas couverts, mais des réductions des prix ont été négociées avec les pharmacies locales. Environ 30 professionnels de santé ont été accrédités à Antananarivo. Inter Aide adopte une démarche participative à l’égard du développement et de la gestion des mutuelles de santé, et dispense des formations pour la gestion du système et des séances d’information sur les pratiques préventives en matière de s anté. Des initiatives analogues sont prévues par Inter Aide à Antsirabe et à Mahajanga (Inter Aide et AFAFI, 2011). 44 Programmes de Protection Sociale 100. Les initiatives de protection sociale dans le secteur de la santé sélectionnent leurs bénéficiaires de différentes manières : i. Avec les fonds d’équité des CSB, le Ministère de la Santé et du Planning Familial vise officiellement à atteindre seulement 1 pour cent de la population, un objectif très modeste. Les critères de sélection, tels qu’exposés par le ministère, sont généraux et flexibles, ce qui permet aux communes de les définir plus précisément.54 Chaque fokontany est chargé de proposer une liste de bénéficiaires et de l’envoyer aux autorités de la commune, qui émettent des « cartes de solidarité » aux bénéficiaires éligibles. Cependant, dans de nombreuses communes, ce processus de sélection n’a jamais été mis en œuvre ou seulement partiellement, à cause de facteurs combinés dont le manque de formation, l’incertitude à propos des critères d’éligibilité et le manque de temps. De plus, l’état d’indigence est tellement stigmatisé dans la culture malgache que même les couches les plus pauvres de la population sont réticentes à accepter et à utiliser les cartes de solidarité, en particulier dans les zones rurales au nord du pays. Au final, même le modeste objectif d’une couverture de 1 pour cent n’a pas été atteint (Poncin et Le Mentec, 2009) ; ii. Dans le cas des fonds d’équité des hôpitaux, il n’existe pas de règles précises pour la sélection des bénéficiaires, de sorte que les processus de sélection varient selon les hôpitaux. Les hôpitaux exonèrent généralement les patients possédant une carte de solidarité de CSB, mais ils ont également tendance à exonérer au cas par cas les patients qui n’ont pas moyen de payer la totalité de leurs frais d’hospitalisation. De plus, les fonds sont utilisés pour couvrir les frais des patients traités en urgence mais ayant quitté l’hôpital sans régler leur facture. Comme pour les cartes de solidarité des CSB, les préoccupations culturelles relatives à la stigmatisation limitent l’utilisation de ces fonds par la population (Poncin et Le Mentec, 2009) ; iii. Compte tenu de l’objectif du Fonds de Prise en Charge Universelle de réduction de la mortalité maternelle et néonatale, toutes les femmes ayant besoin de soins obstétriques d’urgence et tous les enfants de moins de six mois nécessitant des soins néonatals et pédiatriques d’urgence étaient éligibles au système. Aucun critère de sélection socioéconomique n’a été utilisé. Poncin et Le Mentec (2009) soutiennent qu’il s’agit d’un avantage majeur du FPCU, puisque cela permet d’éviter les difficultés connues par les fonds d’équité des CSB et des hôpitaux, tout en répondant à un enjeu majeur de santé publique ; iv. Enfin, dans le cas des mutuelles de santé, AFAFI œuvre dans les quartiers pauvres d’Antananarivo et cible les individus qui ne sont pas en mesure d’obtenir une assurance maladie par les mécanismes du secteur formel (SMIE). Il est toutefois peu probable que cette mutuelle de santé atteigne les plus démunis et les plus vulnérables, étant donné qu’elle concentre son attention sur ceux qui peuvent s’endetter par du microcrédit. 101. Les initiatives de protection sociale dans le secteur de la santé sont loin d’être en mesure de donner accès aux soins de santé à une grande partie de la population : i. Pour ce qui est des services assurés gratuitement ou fortement subventionnés, Ravelosoa (2011) soutient que les plus pauvres sont les moins susceptibles de les utiliser, à cause des coûts de transport et des heures de travail perdues, ainsi que des contraintes de distance et du manque d’information. Ces conclusions sont corroborées les enquêtes démographiques et de 54 Les directives nationales suggèrent, à titre d’indication, que les bénéficiaires remplissent quatre des six critères suivants : être sans abri, au chômage, privé de moyens d’existence, handicapé ou atteint d’une maladie chronique, appartenir à un ménage de plus de sept membres ou à un ménage dont le chef a plus de 60 ans. 45 Programmes de Protection Sociale santé les plus récentes (DHS 2008/09) et par l’enquête auprès des mé nages de 2010 (EPM 2010) (voir le Chapitre 2) ; ii. Les fonds d’équité des CSB sont fortement sous-utilisés et profitent à une très faible proportion seulement des individus pauvres. Une étude portant sur un échantillon de communes révèle « une sous-utilisation massive et globale des fonds d’équité » (Poncin et Le Mentec, 2009 : 14) causée par des problèmes de ciblage cités plus haut, par la réticence à utiliser les cartes de solidarité liée à la stigmatisation de l’indigence, par le manque de publicité (afin d’éviter une demande trop forte) et par diverses règles restrictives imposées par les communes sur l’utilisation des fonds. L’utilisation des services d e santé par les détenteurs de cartes est particulièrement basse dans les zones rurales, peut-être en raison d’autres barrières (recours à la médecine traditionnelle, distance) ainsi que de la stigmatisation. Le Ministère de la Santé et du Planning Familial reconnaît qu’au niveau national les fonds bénéficient à une partie de la population largement plus faible que le 1 pour cent visé ;55 iii. En ce qui concerne les fonds d’équité des hôpitaux, Poncin et Le Mentec (2009) ont trouvé que 2,0 à 3,4 pour cent des hospitalisations étaient couvertes par les fonds et qu’une quantité considérable des fonds était inutilisée. Ils ont attribué ces observations : (i) aux préoccupations des patient relatives à la stigmatisation ; (ii) à l’incertitude de la direction de l’hôpital quant aux fonds disponibles, étant donné que le réapprovisionnement dépend de subventions incertaines du gouvernement à SALAMA ; (iii) au fait que le personnel des hôpitaux n’est pas suffisamment incité à utiliser les fonds ; et (iv) à la non-inclusion des coûts de transport, qui constituent une contrainte d’accès majeure pour ceux qui vivent dans des régions reculées ;56 iv. Puisque le Fonds de Prise en Charge Universelle couvre tous les soins obstétriques, néonatals et pédiatriques d’urgence, sans référence au statut économique, ce fonds évite les problèmes de stigmatisation et couvre une proportion bien plus importante des patients. Cependant, comme dans le cas des fonds d’équité des hôpitaux, les coûts de transport ne sont pas remboursés, ce qui en pratique restreint l’accès aux patients qui vivent dans un rayon relativement faible de l’hôpital. Le fait que ces mécanismes soient en place dans quatre régions seulement (sur 22) restreint aussi l’accès. Poncin et Le Mentec (2009) soutiennent également que le système de taux de remboursement fixe ne couvre pas tous les coûts de manière adéquate, notamment la marge réalisée par l’hôpital, et que le système est affaibli par les ruptures de stocks de médicaments qui obligent les patients à se procurer des médicaments dans le secteur privé ; v. Etant donné que les activités de mutuelles de santé semblent limitées à une unique initiative récente à Antananarivo, le nombre de bénéficiaires est encore extrêmement faible. Fin 2010, AFAFI avait 9 219 membres répartis dans 2 838 familles (Inter Aide et AFAFI, 2011). Il n’est pas certain qu’AFAFI parviendra à conserver ses membres une fois qu’ils ne seront plus des emprunteurs de microcrédit.57 De plus, le faible montant de la prime annuelle moyenne est susceptible d’en limiter la portée, en particulier quand des médicaments coûteux et des procédures en laboratoire ou soins spécialisés sont nécessaires. 55 Le taux de consultation des détenteurs de la carte de solidarité était de 48 pour cent en 2008, par rapport à 30 pour cent pour l’ensemble de la population, ce qui constitue une preuve supplémentaire des contraintes d’accès aux services de santé du côté de la demande (Ravelosoa, 2011). 56 Quatre-vingt cinq pour cent des bénéficiaires viennent de lieux situés dans un rayon de 30 km des hôpitaux. 57 A ce jour, environ 20 pour cent des anciens emprunteurs sont restés dans le système, d’après Inter Aide. 46 Programmes de Protection Sociale C.4 Travaux publics à haute intensité de main d’œuvre 102. Description. Plusieurs programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) sont en cours d’exécution à l’heure actuelle à Madagascar. Tous ces programmes fournissent un salaire (en espèces ou en nature) en échange d’une participation à des travaux publics. Si les modalités spécifiques varient selon les programmes, tous les programmes partagent l’objectif commun d’améliorer le revenu et la sécurité alimentaire des participants, tout en produisant des biens publics de base à haute intensité de main d’œuvre. A Madagascar, des microprojets typiques comportent la construction, la réparation et l’entretien d’infrastructures simples (routes de desserte rurales, petits ponts, greniers, réseaux d’alimentation en eau, systèmes d’irrigation, digues, coupe-vent), la reforestation, le ramassage des déchets, le nettoyage de canaux et la construction de latrines, tout un ensemble d’activités nécessitant une main d’œuvre abondante et simples d’un point de vue technologique. Les programmes HIMO sont également bien adaptés pour faire face aux besoins de redressement immédiats post-catastrophe. Bien que le contenu des travaux effectués varie selon les programmes et les types de microprojets, les rémunérations des bénéficiaires représentent environ 65 à 80 pour cent des coûts totaux d’un projet (Andrianjaka and Milazzo, 2008). 103. Plus précisément, les programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre actuellement en cours d’exécution à Madagascar sont les suivants (Tableau 4.5) : i. La composante argent-contre-travail du Projet de Sécurité Alimentaire et de Reconstruction d’Urgence financé par l’IDA. Ce projet de 40 millions $US d’une durée de trois ans comporte une composante argent-contre-travail de 12,3 millions $US. Il est mis en œuvre par le Fonds d’Intervention pour le Développement (FID) qui a été créé en 1993 en tant qu’organisme indépendant.58 Le projet doit se terminer en juin 2013. Cette composante cherche à accroître l’accès à des emplois à court terme dans des régions exposées à l’insécurité alimentaire. En fournissant des emplois à court terme, principalement pendant la période de soudure avant les récoltes, cette composante a pour objectif d’augmenter le revenu disponible et donc d’améliorer la consommation alimentaire des groupes vuln érables, notamment des femmes. Les projets de travaux publics sont sélectionnés par les autorités locales en consultation avec les communautés et se concentrent sur la prévention de l’érosion des sols et l’entretien et la réparation des petits systèmes d’irrigation, des routes de desserte et de petits ponts. Cette composante vise à fournir 7,8 millions de jours-personnes de travail manuel en argent-contre-travail à des individus pauvres, dont la moitié sont des femmes, dans des régions exposées à l’insécurité alimentaire et à mener à bien 1 600 projets de travaux publics (Banque Mondiale, 2008). Plus récemment, le programme a remplacé certaines journées de travail requises par une participation obligatoire à des programmes de sensibilisation sur le planning familial, le VIH/SIDA, l’hygiène et l’utilisation de l’eau et la protection environnementale, organisés par des ONG spécialisées. De plus, le Ministère de la Santé travaille avec le FID pour mettre en place des mesures d’immunisation et de nutrition pour les enfants à l’échelle des communautés, pendant le déroulement des microprojets argent-contre-travail ; ii. Le programme vivres-contre-travail de l’Intervention Prolongée de Secours et de Redressement du PAM. Le PAM met en œuvre un programme vivres-contre-travail dans le cadre de sa réponse d’urgence aux catastrophes naturelles (sécheresses, inondations, cyclones), réalisé au sein de son Intervention Prolongée de Secours et de Redressement (IPSR) pour 2010-12 ; 58 Le FID a commencé à mettre en œuvre des programmes de travaux publics en 2002, dans le cadre d’un financement additionnel accordé au Projet de Développement Communautaire, qui visait à reconstruire et réhabiliter les infrastructures de base à la suite de deux cyclones majeurs. 47 Programmes de Protection Sociale iii. Le programme vivres-contre-travail du programme de pays (Country Program) du PAM. Ce programme, connu sous le nom de « sécurité alimentaire et protection de l’environnement », est une composante du programme de pays du PAM pour la période 2005- 13. Il se concentre sur les régions sud de Madagascar qui sont touchées par des sécheresses de manière chronique. Le but est de fournir un emploi temporaire pendant la période de soudure (octobre-avril) et de mettre en place des moyens d’existence durables, à travers des projets vivres-contre-travail pour la reforestation, les réseaux d’alimentation en eau, les coupe-vent et d’autres infrastructures. Le projet vise également à renforcer la capacité de résistance de la population et il est considéré comme une approche préventive de la gestion des risques liés aux catastrophes ; iv. La composante vivres-contre-travail du programme SALOHI financé par USAID. SALOHI signifie « Renforcer et Accéder aux opportunités de vie pour un impact au niveau des ménages » (Strengthening and Accessing Livelihoods Opportunities for Household Impact). Il s’agit d’un programme de développement intégré de 85 millions $US sur cinq ans, qui a commencé en 2009 avec pour objectif de réduire l’insécurité alimentaire et d’améliorer les opportunités de vie, la santé et la nutrition de 98 500 ménages vulnérables dans 21 quartiers de l’est et du sud régulièrement touchés par des cyclones, des inondations et des sécheresses. Le programme comporte une petite composante vivres-contre-travail qui vise à renforcer la capacité de résistance aux chocs.59 Le programme est mis en œuvre par un consortium de quatre ONG internationales (Catholic Relief Services, Adventist Development and Relief Agency, CARE et Land O’Lakes) ; v. Le programme argent/nourriture/semences-contre-travail de l’Office National de Nutrition (ONN). L’Unité de Prévention et de Sécurité Nutritionnelle de l’ONN gère un programme de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre avec un triple objectif : (i) améliorer les conditions de vie des ménages les plus vulnérables par la création d’emplois temporaires sous forme de travaux publics rémunérés en espèces, en vivres et en semences ; (ii) améliorer la capacité de production et la santé des communautés par la construction ou la réhabilitation d’infrastructures hydro-agricoles, de greniers communautaires, de réseaux d’alimentation en eau, de latrines et autres infrastructures communautaires ; et (iii) atténuer les conséquences des catastrophes naturelles sur la nutrition par des interventions d’urgence, dont des travaux communautaires. Les microprojets sont proposés par les communautés elles- mêmes et doivent en principe être inscrits dans leur plan de développement communal. Il s’agissait d’un programme d’envergure jusqu’en 2009, où il a été drastiquement réduit à cause de l’expiration du financement issu de l’allègement de la dette par l’initiative PPTE, sa principale source de financement ; vi. Le programme HIMO communal de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Ce programme, mis en œuvre en 2006-09, visait majoritairement la région méridionale d’Anosy à cause de son niveau d’insécurité alimentaire élevé, tout en investissant dans le développement de la capacité des acteurs locaux à mettre en place des travaux publics à haute intensité de main d’œuvre ; vii. Autres. D’autres organisations sont impliquées dans les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre, dont la Cellule de Coordination des Projets pour la Relance Economique et des Activités Sociales (CCPREAS), supervisée administrativement par le Ministère des Finances et le Ministère de l’Agriculture. La mise en œuvre des microprojets de travaux publics à l’échelle des individus est systématiquement déléguée par les organismes responsables à des ONG. 59 Le programme comporte des volets en matière de santé et de nutrition, ainsi que pour le développement des moyens de subsistance (à travers le regroupement des agriculteurs en organisations paysannes). 48 Programmes de Protection Sociale Tableau 4.5 : Emplois Créés par des Programmes de Travaux Publics à Haute Intensité de Main d’Œuvre (2007-10) 2007 2008 2009 2010 Nombre de Bénéficiaires IDA : Programme argent-contre-travail (mis en œuvre par le FID) 14 850 12 450 2 930 222 995 PAM : Vivres-contre-travail (IPSR) 66 939 45 276 92 665 68 301 PAM : Vivres-contre-travail (programme de pays) 9 646 6630 14 685 12 005 USAID : Vivres-contre-travail (SALOHI) 0 0 16 400 16 400 ONN : Argent/vivres/semences-contre-travail 54 060 47 468 45 777 2 354 OIT : HIMO communal 1 134 1 134 1 134 0 Total 146 629 112 958 127 814 319 701 Nombre de Jours-Personnes de Travail Créés IDA : Programme argent-contre-travail (mis en œuvre par le FID) 411 119 178 523 24 576 4 102 350 PAM : Vivres-contre-travail (IPSR) 2 556 519 1 802 147 2 662 174 3 585 800 PAM : Vivres-contre-travail (programme de pays) 214 609 119 826 262 815 161 926 USAID : Vivres-contre-travail (SALOHI) 0 0 n.d. n.d. ONN : Argent/vivres/semences-contre-travail 1 036 126 884 787 852 974 31 174 OIT : HIMO communal n.d. n.d. n.d. n.d. Total 4 218 373 2 985 283 3 802 539 7 881 250 Nombre Moyen de Jours de Travail par Bénéficiaire IDA : Programme argent-contre-travail (mis en œuvre par le FID) 27,7 14,3 8,4 18,4 PAM : Vivres-contre-travail (IPSR) 38,2 39,8 28,7 52,5 PAM : Vivres-contre-travail (programme de pays) 22,2 18,1 17,9 13,5 USAID : Vivres-contre-travail (SALOHI) ... ... n.d. n.d. ONN : Argent/vivres/semences-contre-travail 19,2 18,6 18,6 13,2 OIT : HIMO communal n.d. n.d. n.d. n.d. Moyenne (tous les programmes) 28,8 26,4 29,8 24,7 Source : Ravelosoa (2011) et FID. 104. Couverture. Bien que les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre constituent l’une des plus importantes composantes de la protection sociale, leur portée est limitée. Les principaux programmes soutenus par l’IDA, le PAM, USAID, l’ONN et l’OIT ont créé environ 4 millions jours -personnes de travail par an entre 2007 et 2009 et presque 8 millions en 2010. Ce dernier chiffre est dû à la mise en œuvre du Projet de Sécurité Alimentaire et de Reconstruction d’Urgence financé par l’IDA qui a commencé à la mi-2010 et qui comporte une composante argent-contre-travail très importante (Tableau 4.5). Les programmes ont directement profité à environ 130 000 bénéficiaires par an entre 2007 et 2009 et 320 000 en 2010.60 En supposant 150 000 bénéficiaires par an, une taille moyenne des ménages de sept personnes parmi les bénéficiaires et une allocation des ressources optimale au sein des ménages, le nombre total de bénéficiaires des programmes argent-contre-travail peut être estimé à 1 million, soit l’équivalent de 6,4 pour cent des individus pauvres ou 8,7 pour cent des individus extrêmement pauvres.61 60 Le grand nombre des bénéficiaires du projet IDA est dû au fait que le FID permettait initialement une rotation des travailleurs, de manière à répartir les bénéfices. Cette pratique a été interrompue en juillet 2010. A partir de cette date jusqu’à l’accomplissement du projet en juillet 2013, le nombre de bénéficiaires devrait avoisiner les 120 000 par an. 61 Le nombre des individus pauvres et extrêmement pauvres a été estimé respectivement à 15,6 millions et 11,5 millions en 2010 (voir le Chapitre 2). 49 Programmes de Protection Sociale Cependant, le montant des ressources transférées aux bénéficiaires (environ 25 jours de travail rémunéré) est largement insuffisant pour les sortir de la pauvreté. 105. Sélection des microprojets. Tous les programmes de travaux publics emploient des méthodes participatives pour la sélection des microprojets de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. Les programmes requièrent typiquement que les communautés identifient leurs propres priorités, en général par le biais d’assemblées générales, que les projets soient inclus dans les plans de développement de la communauté et que les projets obtiennent l’accord préalable des autorités locales. Sauf dans les zones urbaines, les projets de travaux publics sont systématiquement mis en œuvre pendant la période de soudure (octobre-avril) ou à la suite d’une catastrophe naturelle, comme un cyclone. Les projets de travaux publics contribuent également à améliorer la capacité de résistance à long terme des communautés, en mettant l’accent sur la protection de l’environnement et les infrastructures qui favorisent la production agricole. 106. Ciblage. Les programmes de travaux publics s’appuient sur un mécanisme de ciblage en plusieurs étapes, dont : (i) la sélection des zones géographiques les plus vulnérables, (ii) au sein de chaque zone géographique, la sélection des départements, communes et communautés les plus vulnérables (typiquement au niveau des fokontany, qui sont des groupes de villages ruraux ou de quartiers urbains), (iii) l’auto-ciblage des participants par l’annonce du taux de rémunération et du nombre de jours de travail requis, qui en principe attirent uniquement les couches les plus pauvres de la population, et (iv) lorsque la demande de travail excède l’offre, la sélection des ménages bénéficiaires par la communauté elle-même, au cours d’un processus de consultation avec les dirigeants communautaires ( dont les enseignants et les représentants des ONG). Le ciblage géographique s’appuie sur une analyse de la vulnérabilité fondée sur l’ensemble des enquêtes disponibles et utilisant les indicateurs de pauvreté, de sécurité alimentaire et de nutrition. Si certains organismes, dont le FID et l’ONN, interviennent dans les 22 régions, d’autres, comme le PAM, SALOHI et l’OIL concentrent leurs actions dans des régions spécifiquement atteintes de carences alimentaires endémiques, principalement dans le sud et le sud-est. Le ciblage des programmes de vivres-contre-travail mis en place à la suite de catastrophes naturelles, comme c’est le cas pour les programmes du PAM, de l’IPSR ou du FID, est déterminé par la localisation des catastrophes et répond donc principalement à la sécheresse dans le sud, aux cyclones le long de la côte est et aux inondations dans le sud-est. Les organismes d’exécution se lient entre eux de manière informelle et au sein du cluster humanitaire des Nations Unies sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance, afin de maximiser les synergies et d’éviter les interventions redondantes. De plus, le FID et le PAM privilégient la participation des femmes. Par exemple, le programme argent-contre-travail mis en œuvre par le FID exige que 50 pour cent des bénéficiaires soient des femmes et, pour ce faire, assure un service de garde d’enfants sur site. 107. Taux de rémunération. En 2009, le gouvernement a adopté un décret fixant le salaire journalier minimum pour les programmes argent-contre-travail à 2 000 Ar (environ 1 $US) pour cinq heures de travail. Bien que ce taux de rémunération soit supérieur au salaire journalier de 1 500 Ar payé aux ouvriers non qualifiés en milieu rural,62 il n’introduit pas de distorsions dans le marché local du travail. Premièrement, la sélection transparente des bénéficiaires par les représentants de la communauté assure que les pauvres, qui sont les plus touchés par le chômage, soient sélectionnés. Deuxièmement, les bénéfices des travaux publics sont limités (la durée moyenne de l’emploi par bénéficiaire était de 25 jours en 2010), de sorte que toute incitation à quitter son travail pour bénéficier du programme est réduite. De fait, l’accès aux programmes argent-contre-travail est tellement limité qu’il est peut probable que ces programmes modifient le comportement des individus en matière d’emploi. 108. Efficacité. Les données disponibles suggèrent que ces programmes sont des instruments efficaces pour faciliter l’accès à des emplois à court terme et accroître le revenu disponible pour les groupes 62 Le salaire journalier des ouvriers non qualifiés en milieu rural était de 1 500 Ar environ avant la crise politique de 2009. Cependant, les ouvriers bénéficiaient en plus de ce salaire d’un déjeuner estimé à 200 Ar par ouvrier. A la suite de la crise politique, certains employeurs ont cessé de fournir ce déjeuner, ce qui a entraîné une diminution des gains nets des ouvriers. 50 Programmes de Protection Sociale vulnérables dans les régions exposées à l’insécurité alimentaire. Des enquêtes rapides réalisées par le FID auprès des bénéficiaires montrent que le mécanisme de ciblage est adéquat pour atteindre la population ciblée. Le fait que les bénéficiaires utilisent presque tout le revenu additionnel pour leur consommation alimentaire confirme l’efficacité du ciblage. Cependant, les projets de travaux publics ne sont pas les meilleurs instruments pour atteindre les plus vulnérables étant donné qu’ils excluent, de par leur nature même, certaines des couches les plus démunies de la population, notamment les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les orphelins et les femmes célibataires chefs de famille (bien que le FID assure un service limité de garde d’enfants sur site au cours de la réalisation des travaux publics). De plus, œuvrer dans toutes les régions comme le font le FID et l’ONN peut ne pas être socialement optimal étant donné que certaines régions, dans le sud en particulier, sont dans une situation critique tandis que d’autres sont relativement plus prospères. Enfin, les méthodes de ciblage elles-mêmes sont contestables. Les critères de ciblage varient grandement selon les programmes et sont mis en application avec des degrés divers de participation de la communauté. L’ONN donne par exemple la priorité aux ménages ayant des enfants de moins de 5 ans, aux familles nombreuses, aux ménages comptant des personnes handicapées ou âgées, aux ménages très pauvres et aux travailleurs recevant au mieux un bas salaire occasionnellement. Le PAM favorise les femmes chefs de ménage, les familles nombreuses et les ménages cultivant moins de un hectare, entre autres. Comme des données statistiquement valables et suffisamment actualisées ne sont pas disponibles pour la plupart des indicateurs, la capacité des programmes à affiner le ciblage au niveau des communes ou des fokontany est mise en cause. En l’absence d’évaluations d’impact robustes, il n’est pas possible à l’heure actuelle de dire à quel point les critères de sélection des organismes ont été appliqués en pratique et s’ils parviennent à identifier les plus vulnérables. Il est reconnu qu’un système de rotation est souvent utilisé pour distribuer les bénéfices des projets HIMO au plus de personnes possible et ainsi satisfaire le niveau élevé de la demande. Enfin, la qualité et la durabilité des infrastructures créées ou réhabilitées par certains programmes ont été critiquées, à cause du faible niveau de compétences techniques des petites ONG locales employées comme agent d’exécution par les organismes gérant les projets (Andrianjaka and Milazzo, 2008). C.5 Programmes de reconstruction post-catastrophe 109. Comme évoqué au Chapitre 3, la plupart des programmes de reconstruction post-catastrophe sont élaborés à la suite de catastrophes. Une exception notable est la composante réhabilitation et reconstruction post-catastrophe du Projet de Sécurité Alimentaire et de Reconstruction d’Urgence financé par l’IDA. En plus du programme argent-contre-travail décrit ci-dessus, ce projet comporte une composante de 12,8 millions $US pour rétablir l’accès aux services sociaux et économiques (école, centres de sante, petites routes, réseaux d’alimentation en eau, etc.) à la suite de catastrophes. Le mécanisme de ciblage comporte : (i) l’élaboration par le Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC) d’une liste des zones touchées par une catastrophe ; (ii) l’identification par le BNGRC de toutes les infrastructures nécessitant d’être réhabilitées ou reconstruites ; (iii) la hiérarchisation de ces infrastructures par un processus transparent de consultation avec les autorités aux niveaux de la région, du département et de la commune, dont les autorités responsables de la gestion des catastrophes ; et (iv) la réhabilitation et la reconstruction des infrastructures hautement prioritaires. Le mécanisme comprend également une limite sur le nombre d’infrastructures réhabilitées par commune, afin d’aider à répartir les bénéfices. C.6 Programmes sociaux pour les groupes vulnérables 110. Un certain nombre d’interventions de protection sociale à petite échelle ciblent des groupes spécifiques, hautement vulnérables : i. Transferts en nature relatifs à la nutrition. Plusieurs agences, dont le PAM, USAID (via le programme SALOHI – voir ci-dessus) et le Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques (GRET), soutenu par l’AFD et l’UE, fournissent des aliments complémentaires aux fe mmes enceintes et allaitantes et aux très jeunes enfants, à titre préventif et en complément de dépistages 51 Programmes de Protection Sociale nutritionnels et d’activités de communication. Le PAM et l’Office National de Nutrition (ONN) soutiennent également la distribution de rations alimentaires composées de riz, de légumineuses, d’huile et de farine enrichie aux patients atteints de tuberculose pendant deux mois après leur sortie de l’hôpital, afin d’augmenter leur observance du traitement TB et les taux de guérison. ii. Transferts en espèces conditionnels. L’UNICEF a expérimenté les premiers transferts conditionnels en espèces (TCE) à Madagascar, à très petite échelle, grâce à des fonds de projets à court terme. Deux projets pilotes ont été mis en place. Le premier, qui a duré un an à partir de février 2009, effectuait des transferts de 40 000 Ar par famille et par mois (environ 20 $US) à environ 500 familles dans deux quartiers d’Antananarivo, à condition que leurs enfants fréquentent l’école (UNICEF, n.d.). Le second petit projet, également à Antananarivo, a commencé en 2010 et effectue des transferts sur des périodes de deux ans à 150 familles qui gagnent leur vie en recyclant des déchets ; il est lié à la scolarisation (qui est passée de 22 pour cent en 2010 à 58 pour cent en 2011), à l’inscription à l’état civil des enfants et assure un accès facilité aux installations médicales (UNICEF/ATD Quart Monde, n.d.). iii. Accès gratuit à l’eau potable pour les populations pauvres en milieu urbain. Une autre expérience pilote, initiée par l’UNICEF en 2010, consiste en un système qui permet un accès gratuit aux robinets d’eau de la communauté pour les familles pauvres des quartiers périphériques d’Antananarivo. Les bénéficiaires sont sélectionnés sur des critères développés par le PAM et sont alors dotés de « cartes d’eau ». iv. Services pour les enfants et les femmes vulnérables. Un grand nombre de projets fragmentés, supportés par des organisations confessionnelles et des bailleurs de fonds et exécutés par des ONG, fournit une assistance aux enfants et aux femmes très vulnérables, parfois en partenariat avec le Ministère de la Population et des Affaires Sociales, qui détient le mandat officiel pour coordonner ces types de programmes d’assistance. Ces projets sont trop nombreux pour pouvoir tous être cités dans ce rapport, mais certains exemples de services de protection sociale fournis sont donnés ci-dessous :  Le PAM fournit des vivres et autres formes d’aide telles que des soins de santé, des aides à la réintégration en école primaire et des formations professionnelles pour les orphelins et les enfants vulnérables non scolarisés des zones urbaines, par le biais d’ONG qui œuvrent dans près de 150 centres accrédités par le Ministère de la Population et des Affaires Sociales ;  L’association humanitaire de l’église catholique des Etats-Unis (Catholic Relief Services, ou CRS), soutenue par USAID à travers le programme SALOHI (voir ci-dessus), offre un soutien aux mères célibataires vulnérables dans 15 centres à Antananarivo, Tamatave et Fianarantsoa. Ce programme associe des aides alimentaires avec des services de conseil, une assistance médicale, la préparation de « plans de vie » individuels, des formations, la mise en place de petits groupes d’épargne et de prêts, l’enregistrement des titres foncie rs, des liens avec d’autres services (écoles et centres de santé) et le développement d’activités génératrices de revenu ;  L’UNFPA a aidé le Ministère de la Population et des Affaires Sociales à mettre en place des centres de conseil et d’assistance juridique pour les filles et les femmes victimes de violences et d’autres violations de droits ;  L’UNICEF soutient des « réseaux de protection des enfants » dans 700 communes environ, en partenariat avec le Ministère de la Population et des Affaires Sociales. Ces activités visent à protéger les enfants contre les risques de violence et d’exploitation et à impliquer les autorités des communes et des fokontany, la police, les ONG locales, les écoles, les centres de santé et autres services locaux. Cependant, le système n’a jamais été pleinement institutionnalisé et, 52 Programmes de Protection Sociale selon l’UNICEF, les réseaux ont été affaiblis pas une perte de motivation générale de la part des autorités locales depuis l’émergence de la crise politique en 2009. v. Services pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Malgré le nombre croissant de personnes âgées vivant dans l’isolement sans soutien familial, en particulier dans le sud, et les risques d’exclusion sociale et de marginalisation auxquels les handicapés sont confrontés, les initiatives sont très limitées dans ce domaine et elles sont principalement menées par les églises. Un projet de loi sur la protection des personnes âgées, dont l’émission d’une « carte verte » qui leur donnerait accès aux services médicaux, aux médicaments, aux transports publics et autres besoins fondamentaux à des prix réduits, a été élaboré, mais ce projet de loi n’a pas encore été adopté. Le gouvernement a mis en place des centres de loisirs pour les personnes âgées et fournit un support financier modeste pour l’intégration socioéconomique des personnes handicapées. 111. Couverture. Les programmes de protection sociale dédiés à des groupes vulnérables sont de faible ampleur et dépendent largement de l’aide versée par les donateurs. Le soutien apporté par le PAM aux orphelins et aux enfants vulnérables dans les centres d’assistance sociale profite à 22 000 enfants, mais il est limité aux principaux centres urbains. Les activités d’alimentation complémentaire du PAM profitent à 52 000 mères et jeunes enfants environ, principalement dans les régions méridionales et urbaines. Le système de cartes d’eau de l’UNICEF bénéficie actuellement à 9 000 résidents des quartiers pauvres d’Antananarivo. La plupart des autres projets, comme les transferts conditionnels en espèces de l’UNICEF et l’appui intégré du CRS aux mères célibataires, sont extrêmement limités, avec souvent seulement quelques centaines de bénéficiaires. Le pourcentage des individus étant dans l’incapacité de travailler qui sont touchés par les programmes pour les handicapés est estimé à 3 pour cent (Ravelosoa, 2011). 112. Ciblage. Les transferts en nature en matière de nutrition ont tendance à cibler les zones géographiques exposées à une grande insécurité alimentaire. Par exemple, l’alimentation complémentaire du PAM pour les mères et les jeunes enfants cible les zones à haut risque du sud. La distribution de rations alimentaires par le PAM aux patients tuberculeux est également concentrée dans le sud et le sud-est. Dans les deux cas, il n’y a aucun ciblage socioéconomique des bénéficiaires, étant donné que les critères nutritionnels sont primordiaux.63 Certains programmes visent les groupes vulnérables dans les principales zones urbaines, pour des raisons majoritairement liées semble-t-il à la facilité d’exécution du programme. Le soutien du PAM aux orphelins et aux enfants vulnérables est fourni par l’intermédiaire de centres sociaux dans les zones urbaines, principalement à Antananarivo, Tamatave, Toliara et Fianarantsoa. Le programme du CRS qui consiste à renforcer l’autonomie des mères célibataires et le projet de cartes d’eau et TCE de l’UNICEF sont limités à la capitale. La sélection individuelle des individus est fondée, pour beaucoup de ces programmes, sur les listes préétablies des ménages hautement vulnérables gérées par les autorités des fokontany et les églises, et complétées par des critères de ciblage supplémentaires.64 113. Efficacité. Il n’y a pas eu d’évaluation formelle de ces programmes ; leur efficacité est toutefois probablement élevée dans l’ensemble, étant donné qu’ils fournissent une aide vitale à leurs bénéficiaires. Il n’est pas clair si les critères de sélection des bénéficiaires sont les plus appropriés et comment ils sont appliqués en pratique. Cependant, il ne fait pas de doutes que ceux qui reçoivent les services en ont cruellement besoin. Les programmes en matière de nutrition fournissent une alimentation complémentaire en prévention aux jeunes enfants et aux femmes enceintes et allaitantes, en particulier pendant la période 63 Cependant, le PAM prévoit d’introduire des rations alimentaires pour les foyers de patients tuberculeux, sur la base d’une évaluation de la sécurité alimentaire des ménages, à commencer de janvier 2012, afin de compléter les rations individuelles existantes. 64 Dans le cas du CRS, les critères sont les suivants : ménages dirigés par une femme, familles nombreuses, grand nombre d’enfants, revenu faible, logement de mauvaise qualité et dépendance vis-à-vis de travaux journaliers. Les TCE de l’UNICEF liés à l’éducation ont utilisés différents critères de sélection dans les deux districts couverts , dont un revenu du ménage inférieur à 2000 Ar par jour (dans les deux districts), les ménages monoparentaux, les ménages avec des orphelins, les ménages avec plus de huit membres et les ménages ne recevant pas d’autre forme d’aide. 53 Programmes de Protection Sociale de soudure, et contribuent à réduire la malnutrition. Les programmes de transferts en espèces conditionnels améliorent l’accès à l’école primaire et dissuadent l’abandon scolaire. Bien qu’elle soit limitée géographiquement à la capitale, la délivrance de cartes d’eau répond également à un besoin bien réel.65 D. Prestations de protection sociale par le biais de la décentralisation 114. Alors que Madagascar s’est engagée dans un processus de décentralisation dans les années 1990, et malgré l’amélioration de la prestation des services au niveau local que la décentralisation peut engendrer, peu de progrès concrets ont été réalisés. En novembre 2004, le gouvernement a adopté une Lettre de Politique sur la Décentralisation et la Déconcentration (LP2D) ambitieuse (gouvernement de Madagascar, 2005), suivie par un programme de mise en œuvre pour la période 2007-08 (gouvernement de Madagascar, 2006). Le programme décrivait une stratégie de décentralisation reposant sur trois principes fondamentaux. Premièrement, les gouvernements locaux, à savoir environ 1 550 communes et 22 régions, seraient placés au centre du processus de développement, et seraient responsables de la prestation de services sociaux et économiques de base au niveau local. Deuxièmement, les Services Techniques Déconcentrés (STD), c’est-à-dire les représentations locales des ministères centraux, seraient renforcés pour soutenir les gouvernements locaux. Troisièmement, des partenariats entre les gouvernements locaux et le secteur privé seraient encouragés pour améliorer la prestation de services au niveau local. 115. Avant l’émergence de la crise début 2009, des mesures ont été prises pour mettre en application le LP2D, dont : (i) la création en janvier 2005 du Ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire (MDAT) 66 ; (ii) la simplification du paysage institutionnel de façon à ce que les communes et les régions soient les seuls niveaux de gouvernement infranationaux67 ; (iii) le développement d’une stratégie de décentralisation fiscale comprenant la création de guichets fonciers dans les communes ; (iv) l’adoption de mesures visant à déconcentrer l’appareil étatique et à établir des liens entre les Services Techniques Déconcentrés (STD) et les Collectivités Territoriales (CT), notamment par la création pilote de Centres d’Appui aux Communes (CAC) destinés à fournir une assistance technique aux communes ; (v) la création de cellules de décentralisation et de décentralisation (cellules 2D) dans les ministères clés pour accompagner le processus de décentralisation ; et (vi) la création en 2007 du Fonds de Développement Local (FDL), une agence publique destinée à renforcer la capacité des communes et à transférer des subventions aux communes pour qu’elles investissent dans des services économiques et sociaux de base, dont des écoles, des centres de santé et des réseaux d’approvisionnement en eau, au cours de leur mandat (Tableau 4.6). 65 D’après l’enquête McCRAM II réalisée à Antananarivo en novembre 2010, 13,6 pour cent des habitants d’Antananarivo ne sont pas dans la mesure d’accéder à un approvisionnement en eau adéquat (UNICEF, 2011). 66 En septembre 2011, le Ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire a été scindé en deux pour former le Ministère de la Décentralisation et la Vice Primature chargée du Développement et de l’Aménagement du Territoire. 67 Ceci évolue à l’heure actuelle car les six provinces sont en train d’être réintégrées. 54 Programmes de Protection Sociale Tableau 4.6 : Responsabilités des Gouvernements Locaux Responsabilités Régions  Développement économique ;  Collèges et lycées ;  Routes régionales ;  Centres Hospitaliers de District (CHD) Communes  Services sociaux et économiques de base dont : o La construction et la maintenance des Ecoles Publiques Primaires (EPP) o La construction et la maintenance de Centres de Santé de Base (CSB) o La construction et la maintenance de routes communales o La construction et la maintenance de systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement o La construction et la maintenance d’autres travaux publics co mmunaux (petits ponts, marchés, places publiques, etc.)  Emission de permis de construire et de permis de développement de sites de construction 116. Le Fonds de Développement Local (FDL) est destiné à être un mécanisme majeur pour la prestation de services sociaux et économiques, et possède deux fonctions principales : (i) développer les capacités des communes dont la gestion des finances publiques, et (ii) fournir des subventions aux communes pour construire les infrastructures sociales de base qui relèvent de leur mandat (Tableau 4.6). Le gouvernement de Madagascar a également créé le FDL pour harmoniser l’appui des bailleurs en matière de décentralisation ; cet appui est fourni par le biais de programmes tels que ACORDS financé par la CE, SAHA par l’Agence Suisse pour le Développement et la Coopération (DDC) et le FID par l’IDA. En 2010, le gouvernement a décidé d’octroyer des ressources domestiques au FDL pour mettre en place des travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. Le FDL est actuellement opérationnel et développe les capacités des communes, dans la mesure où son financement limité le lui permet. Cependant, le montant élevé du financement (de l’ordre de 140 millions $US) que les bailleurs avaient prévu de fournir début 2009 n’a jamais vu le jour à cause de l’émergence de la crise. Par conséquent, le FDL n’achemine pas à l’heure actuelle de subventions à l’investissement aux communes. 55 Programmes de Protection Sociale 56 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale 117. Le Chapitre 2 montre que la population malgache est exposée à de très nombreux risques, tandis que les Chapitres 3 et 4 fournissent la preuve que les mesures de protection sociale et les programmes financés par le gouvernement, les bailleurs de fonds et les ONG sont largement insuffisants pour atténuer les effets dévastateurs de ces risques sur une population déjà très fragilisée – les risques résiduels auxquels les individus sont exposés sont considérables et se sont aggravés depuis l’émergence de la crise politique actuelle. Le présent chapitre s’appuie sur les chapitres précédents, ainsi que sur l’expérience d’autres pays à faible revenu, en particulier des pays d’Afrique. Il expose les principes essentiels d’une stratégie de protection sociale et recommande les actions à entreprendre en priorité, notamment dès que la crise sera résolue. Ainsi, ce chapitre vise à aider les futurs gouvernements à formuler et à mettre en œuvre eux- mêmes une stratégie de protection sociale. A. Principes fondamentaux d’une stratégie de protection sociale efficace 118. A Madagascar, les gouvernements successifs ne sont pas parvenus jusqu’à présent à fournir une protection sociale à la population. En 2002, le gouvernement nouvellement investi du Président Ravalomanana a lancé un programme de développement ambitieux, qu’il a décrit en 2003 dans un premier Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP), suivi en 2006 par un second DSRP: le Plan d’Action pour Madagascar (MAP) 2007-12. Le MAP confirmait l’engagement du gouvernement en faveur de la protection sociale. En 2007, une stratégie de traduction des politiques de protection sociale en actions concrètes a été esquissée mais jamais officiellement adoptée. De plus, la dissolution en janvier 2007 du ministère responsable de la définition des politiques sociales, le Ministère de la Santé, de la Famille et de la Protection Sociale, a affaibli davantage les normes de protection sociale. Depuis l’émergence de la crise politique début 2009, le MAP a cessé d’orienter les mesures gouvernementales et les ressources financières ont été considérablement réduites, de sorte qu’aucune stratégie de protection sociale n’oriente les mesures gouvernementales à l’heure actuelle. 119. Les Chapitres 3 et 4 ont fournit la preuve que les interventions de protection sociale sont ponctuelles, dispersées dans un certain nombre de ministères et organismes et manquent de coordination. Le Ministère de la Population, de la Protection sociale et des Loisirs mettait en œuvre un certain nombre d’interventions à petite échelle ciblant les groupes vulnérables. Lors de sa dissolution en janvier 2007, ces interventions ont été réparties entre divers ministères. A l’heure actuelle, la Présidence est responsable du principal programme de protection sociale du gouvernement : le programme Tsena Mora a été lancé en 2010 dans le but de fournir des denrées alimentaires de base à des prix subventionnés dans les chefs-lieux des six provinces. Le Ministère de la Santé est responsable des fonds d’équité et autres mesures visant à améliorer l’accès des individus extrêmement pauvres aux services de santé ; l’Office National de Nutrition (ONN), qui dépend administrativement de la Primature, est responsable de la coordination du Plan National d’Action pour la Nutrition et gère directement certains programmes, dont les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre ; le Ministère de l’Education nationale et de la Recherche Scientifique est responsable des mesures agissant sur la demande en matière d’accès à l’éducation, dans le cadre du plan Education pour Tous (EPT) ; le Ministère de l’Intérieur supervise le Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC) tandis que le Premier Ministre préside le Conseil National de Gestion des Risques et des Catastrophes (CNGRC). Le Ministère des Finances joue un rôle important dans les allocations budgétaires, qui peuvent varier considérablement d’une année sur l’autre, tandis que le Ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement Territorial (maintenant divisé en deux ministères – voir le chapitre précédent) est responsable du renforcement des autorités locales (provinces, régions et communes) et du transfert de fonds destinés au développement local. L’Institut National de la Statistique (INSTAT), responsable de l’analyse de la vulnérabilité, est également peu coordonné avec le gouvernement, de même que la Présidence et les ministères concernés au sein même du gouvernement. Par exemple, l’EPM 2010 n’a pas été conçue pour analyser les 57 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale programmes de protection sociale existants et l’analyse technique de la vulnérabilité réalisée par l’INSTAT ne s’inscrit pas dans un processus d’élaboration politique. 120. Etant donné les besoins considérables en matière de protection sociale, les programmes en vigueur sont extrêmement utiles, malgré leurs faiblesses. La population continue à être confrontée à des risques résiduels dont l’ampleur dépasse largement la capacité totale des programmes en vigueur. Les bailleurs de fonds et les ONG ont tenté de pallier à ce manque, ce qui a résulté en un grand nombre d’initiatives généralement modestes et dispersées, principalement sous l’impulsion des bailleurs eux- mêmes. Les dépenses des nombreux programmes varient considérablement d’une année sur l’autre ; régulièrement, de nouveaux programmes sont lancés, tandis que d’autres sont progressivement terminés ; et la coordination des programmes reste un problème, tandis que leur efficacité demeure largement inconnue. L’absence de communication entre les bailleurs de fonds et le gouvernement depuis 2009 a affaibli davantage les prestations de protection sociale. 121. Par conséquent, le gouvernement d’après-crise pourrait chercher à développer une stratégie globale de protection sociale, fondée sur des principes solides associés à des objectifs et des priorités claires pour traduire cette stratégie en actions concrètes. 122. La stratégie de protection sociale proposée dans ce rapport vise à accroître la protection sociale de la population dans son ensemble tout en diminuant sa vulnérabilité, en tenant compte des programmes existants et des différents degrés d’exposition au risque. Les principes fondamentaux d’une telle stratégie pourraient inclure :  La résolution de la crise politique actuelle à court terme et des problèmes plus profonds de gouvernance à plus long terme,  La stabilité macroéconomique, avec un déficit intérieur (budgétaire) et un déficit extérieur (balance des paiements) faibles et une inflation faible de manière à jeter les bases d’une croissance économique forte et durable,  L’adoption de mesures visant à accroître les revenus domestiques, de manière à générer les ressources financières nécessaires au financement d’une stratégie de protection sociale efficace,  La mise en œuvre de réformes économiques permettant une croissance économique diversifiée et durable afin d’améliorer la protection sociale et de réduire la vulnérabilité,  La définition d’une stratégie de protection sociale comprenant l’adoption de mesures d’atténuation, la hiérarchisation des groupes de pauvreté, l’évaluation et la rationalisation des programmes de protection sociale en vigueur et la redistribution des fonds correspondants en faveur des groupes prioritaires,  La décentralisation du pouvoir de décision et des ressources financières destinées à la prestation de services sociaux,  La création de liens entre le secteur public et le secteur privé,  Le développement et la mise en pratique de mécanismes de ciblage pour atteindre les groupes prioritaires ciblés, et  La surveillance de la vulnérabilité et la mise en œuvre de la stratégie elle-même. 123. La stratégie comprend également un plan d’ensemble des interventions dans les domaines clés, dont l’éducation, la santé, la nutrition, les programmes de protection sociale et les infrastructures de base. B. Priorités pour traduire ces principes en actions B.1 Résoudre les problèmes de gouvernance 124. Comme les chapitres précédents en attestent, les crises politiques à répétition sont peut-être le seul risque systématique majeur auquel la population malgache est exposée. Ces crises sont 58 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale profondément ancrées dans la structure politique de la société, marquée par des alliances changeantes entre certaines des familles les plus puissantes.68 La résolution de la crise politique actuelle et la mise en place d’un contrat social plus adapté entre les groupes ethniques et géographiques sont des conditions préalables fondamentales pour l’amélioration du bien-être de la population et pour empêcher un retour en arrière sur les réformes initiées par un gouvernement mais non poursuivies par le suivant. B.2 Mise en œuvre de réformes économiques visant à renforcer la protection sociale et à réduire la vulnérabilité 125. Une fois les problèmes de gouvernance résolus, la mise en œuvre de réformes structurelles est indispensable pour encourager une croissance économique diversifiée, réduire les sources de vulnérabilités décrites au Chapitre 2, et surmonter les lacunes institutionnelles et politiques en matière de protection sociale, identifiées aux Chapitres 3 et 4, qui affectent négativement la population. Le programme des réformes visant à stimuler la croissance économique est vaste : il englobe des réformes de modernisation de l’état, notamment de la gestion des finances publiques, des réformes destinées à améliorer le climat des investissements commerciaux, à améliorer la gestion des infrastructures et des services de base et des réformes visant à créer les conditions nécessaires au développement du tourisme vers une île considérée comme l’une des destinations les plus diversifiées au monde sur le plan géographique.69 La mise en œuvre de réformes économiques clés en temps opportun p eut susciter une croissance économique soutenue sur une longue période et ainsi avoir un impact considérable sur la pauvreté, comme divers pays en ont fait l’expérience à travers le monde. Certaines réformes structurelles clés visant à réduire les facteurs de vulnérabilité sont les suivantes :  Modernisation de l’Etat. La mise en œuvre d’une stratégie de modernisation de l’Etat est un pré requis indispensable au renforcement de la capacité de l’Etat à fournir une protection sociale à ses citoyens. La stratégie pourrait chercher à transformer le rôle du gouvernement et sa relation avec la société civile, notamment avec les plus démunis, par le biais de la redéfinition et de la transformation des institutions publiques. Conformément au Plan d’Action pour Madagascar (MAP), certaines initiatives destinées à améliorer l’efficacité et la transparence du gouvernement et de certains services publics ont été lancées à Madagascar en 2004, bien que de façon imparfaite. Ces initiatives ont été abandonnées en conséquence de la crise politique.  Renforcement de la protection sociale. L’accroissement des investissements dans la protection sociale pourrait être le fruit d’efforts concertés de mobilisation des recettes nationales, d’accroissement de l’aide versée par les donateurs et de création d’un environnement propice aux investissements étrangers directs. Augmenter les recettes fiscales est particulièrement important à Madagascar, étant donné que les recettes nationales représentent seulement 10 pour cent du PIB, ce qui constitue l’une des proportions les plus faibles au monde. Les performances médiocres du système fiscal malgache sont profondément liées à la complexité de ce système et à la faiblesse de l’administration fiscale.  Mise en œuvre de mesures d’atténuation. Chaque catastrophe naturelle, comme les cyclones et les sécheresses, a des répercussions majeures sur la population, en particulier sur les couches les plus vulnérables. Le gouvernement pourrait mener des campagnes actives de sensibilisation et d’information, définir des normes anticycloniques, faire respecter la conformité des infrastructures publiques et privées avec ces normes de construction et se tenir prêt à mettre en 68 Madagascar est divisée en dix-huit ou vingt groupes ethniques, chacun possédant son propre territoire. La société malgache est également divisée entre ceux que l’on appelle les « côtiers », les gens qui vivent dans les zones côtières, et ceux qui vivent dans les terres centrales. Le clivage entre les habitants des terres centrales et les côtiers a gagné en importance parmi les sources de compétition sociale et politique, tandis que l’influence des identités ethniques a diminué . 69 Madagascar abrite une faune et une flore endémiques extrêmement variées, dont sept des neuf espèces de baobabs, arbres emblématiques, qui existent au monde et des lémuriens, tous originaires de l’île. 59 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale œuvre des dispositifs d’urgence en cas de catastrophe naturelle, de manière à en atténuer les effets immédiats les plus dévastateurs. B.3 Définition d’une stratégie de protection sociale B.3.i Définition et renforcement des institutions responsables de la protection sociale 126. Le nouveau gouvernement d’après-crise pourrait développer une stratégie de protection sociale. L’élaboration d’une telle stratégie, sous la direction du gouvernement et suivant une démarche participative, pourrait signaler clairement à la population l’engagement politique du nouveau gouvernement envers la protection sociale. Le Cabinet du Premier Ministre voire même la Présidence pourraient endosser la responsabilité de la définition d’une stratégie de protection sociale , étant donné la position privilégiée dont ils bénéficient pour coordonner les multiples institutions œuvrant dans la protection sociale. Le Ministère de la Population et des Affaires Sociales pourrait alors être responsable de la régulation de la protection sociale et de la mise en œuvre de programmes de protection sociale spécifiques. 127. L’élaboration de cette stratégie pourrait bénéficier des contributions des clusters de protection sociale et des groupes de travail organisés par les bailleurs de fonds décrits au Chapitre 3. Pendant l’absence de dialogue politique entre le gouvernement et les bailleurs au cours des trois dernières années, ces forums se sont avérés être des mécanismes utiles de coordination entre les programmes de protection sociale. Par exemple, le groupe de travail sur la protection sociale qui a été relancé en mai 2011 pourrait apporter des contributions utiles à l’élaboration d’une stratégie de protection sociale. De plus, le cluster pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance pourrait contribuer à l’élaboration des aspects de cette stratégie relatifs aux travaux publics, compte tenu de ses connaissances relatives à la définition des salaires et aux méthodes de ciblage. 128. La stratégie pourrait également déboucher sur la mise en place d’un cadre pour les futures contributions des bailleurs de fonds à la protection sociale. La stratégie pourrait être élaborée en coordination proche avec les organisations de la société civile (les ONG et les églises) et les bailleurs de fonds. Une telle coordination pourrait permettre de mobiliser des ressources financières externes et conduire tous les bailleurs à adapter leur aide aux priorités fixées par le gouvernement, ainsi qu ’à harmoniser les programmes et les contributions d’ensemble à la protection sociale. B.3.ii Hiérarchisation des groupes vulnérables 129. Si les besoins sont considérables, les ressources sont limitées, d’où la nécessité de hiérarchiser les groupes vulnérables au sein de la stratégie de protection sociale. Des calculs rapides donnent une idée de l’ampleur des efforts à effectuer : compte tenu du taux de pauvreté de 76,5 pour cent en 2010, de l’indice d’écart de la pauvreté de 34,9 pour cent et du seuil de pauvreté à 468 800 Ar par an (224 $US), sortir tous les Malgaches de la pauvreté70 coûterait 1,2 milliards $US par an (l’équivalent de 14,1 pour cent du PIB) – un montant qu’il serait irréaliste d’attendre entièrement sous forme d’aide extérieure.71 Compte tenu du taux de pauvreté extrême de 56,5 pour cent, de l’indice d’écart de la pauvreté extrême de 20,8 pour cent et du seuil de pauvreté extrême à 328 200 Ar par an (157 $US), sortir tous les Malgaches de la pauvreté extrême – c’est-à-dire leur assurer l’accès à un panier de consommation leur procurant un apport énergétique minimum – coûterait environ 380 millions $US par an (l’équivalent de 4,3 pour cent du PIB). En réalité, les ressources sont considérablement limitées (bien en-deçà de 4,3 pour cent du PIB), ce qui implique que toute stratégie crédible de protection sociale ne peut prétendre à éliminer la pauvreté extrême à court terme. La priorité devrait plutôt être donnée aux groupes les plus vulnérables au sein de la population extrêmement pauvre. 70 Ceci suppose l’existence d’un mécanisme permettant d’identifier parfaitement les pauvres et de leur transférer des montants forfaitaires. 71 Ce chiffre est obtenu comme suit : population (20,5 millions) x taux de pauvreté (76,5%) x seuil de pauvreté (224 $US) x indice d’écart de la pauvreté (34,9 %) = 1 226 millions $US. 60 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale 130. Le gouvernement pourrait donner la priorité aux groupes vulnérables au sein de la population extrêmement pauvre en fonction de la gravité de leur état de pauvreté et de leur exposition au risque (Tableau 5.1). D’après l’analyse de la vulnérabilité réalisée au Chapitre 2, la première priorité pourrait être accordée aux populations rurales extrêmement pauvres et très vulnérables, en particulier les individus vivant dans l’extrême sud du pays, à l’ensemble des enfants souffrant de malnutrition, aux mères chefs de famille extrêmement pauvres vivant en zone urbaine et à tous ceux ayant été frappés par une catastrophe naturelle comme un cyclone. La deuxième priorité serait accordée au combat contre l’extrême pauvreté au sein des populations pauvres des zones périurbaines, aux personnes âgées extrêmement pauvres et aux enfants à risque ayant quitté le système éducatif formel. Enfin, la troisième priorité pourrait être donnée aux programmes qui ciblent tous les autres individus extrêmement pauvres vivant en milieu urbain et aux individus extrêmement pauvres qui sont au chômage. Tableau 5.1 : Groupes Vulnérables Prioritaires Groupes Géographiques Priorité  Populations rurales extrêmement pauvres, avec une attention particulière pour l’extrême *** sud du pays. Une grande partie de la population rurale est extrêmement pauvre et vulnérable. La population rurale de l’extrême sud du pays est particulièrement vulnérable. Le Système d’Alerte Précoce (SAP) pourrait servir à identifier les départements et les communautés susceptibles d’être les plus touchées.  Individus extrêmement pauvres ayant été touchés par une catastrophe naturelle, comme *** un cyclone.  Populations extrêmement pauvres des zones périurbaines. Les pauvres des zones ** périurbaines représentent un groupe important. La vulnérabilité en milieu urbain a toutefois tendance à être moins extrême et moins grave dans l’ensemble que la pauvreté en milieu rural. Groupes Démographiques et Economiques Priorité  Enfants atteints de malnutrition. Près de la moitié des enfants de moins de cinq ans *** souffrent de malnutrition chronique. Le niveau de développement de ces enfants les rend extrêmement vulnérables au risque de vivre dans un environnement défavorable perpétuant ainsi le cycle de la pauvreté. L’enfance est l’étape de la vie où le rythme du développement physique, cognitif et psychosocial est le plus soutenu et où un développement anormal est le plus susceptible de se produire en cas de pauvreté.  Ménages extrêmement pauvres dirigés par une femme célibataire, en particulier les *** ménages vivant en milieu urbain.  Enfants ne fréquentant pas le système éducatif. La vulnérabilité est fortement corrélée au ** manque d’éducation. Cependant, réintégrer les enfants dans le système scolaire après qu’ils en sont sortis est coûteux.  Personnes âgées extrêmement pauvres. Certes, une proportion moins élevée des personnes ** âgées est pauvre, mais ceci est principalement dû à leur faible espérance de vie. A l’heure actuelle, aucun programme d’assistance des citoyens âgés qui sont exclus du système d’assistance sociale et ne peuvent s’appuyer sur des dons de le urs voisins ou famille n’est en place.  Populations urbaines extrêmement pauvres et individus extrêmement pauvres au * chômage. L’analyse de la vulnérabilité identifie ces groupes comme prioritaires . En effet, la vulnérabilité est fortement corrélée avec la pauvreté extrême et le chômage, en particulier chez les femmes vivant en milieu urbain et les jeunes. Bien que ces individus soient probablement inclus dans les groupes prioritaires susmentionnés, ils peuvent également avoir des besoins spécifiques. Note : *** = Première priorité, ** = Deuxième priorité, * = Troisième priorité. B.3.iii Evaluation, rationalisation et augmentation des dépenses de protection sociale 131. Les dépenses publiques de protection sociale pourraient être rationnalisées à court terme puis augmentées à moyen terme. Une solide stratégie de protection sociale nécessitera à moyen terme un accroissement des ressources publiques globales, mais un tel accroissement devrait avoir lieu uniquement 61 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale dans un contexte de modernisation globale de l’Etat. En effet, l’absence de systèmes d’information, des mécanismes inadéquats de surveillance des dépenses du gouvernement, un processus d’allocation et d’administration des ressources excessivement centralisé, des pratiques d’acquisition dépassées, ainsi qu’un manque de mécanismes de ciblage des populations vulnérables, rendent peu probable que des fonds supplémentaires parviennent à eux seuls à réduire efficacement la vulnérabilité des groupes prioritaires. Par conséquent, il serait souhaitable d’augmenter la taille de l’Etat uniquement si des efforts importants sont entrepris simultanément pour améliorer la capacité d’exécution. 132. Dans ce contexte, une évaluation approfondie des programmes de protection sociale en vigueur, dans l’esprit du Chapitre 4, suivie de la rationalisation des dépenses de protection sociale et de la réallocation des ressources vers les groupes prioritaires, pourrait être une priorité majeure pour la mise en œuvre d’un programme conséquent de protection sociale. Un examen approfondi des dépenses publiques de protection sociale pourrait guider la rationalisation des programmes existants et générer des économies, quoique potentiellement modestes. Par exemple, le système de sécurité sociale pour les fonctionnaires pourrait être revu. Le programme Tsena Mora pourrait également être évalué, en tenant compte du fait que les couches les plus vulnérables de la société, qui vivent en milieu rural, n’en bénéficient pas. Le gouvernement pourrait réallouer les économies ainsi réalisées vers les programmes qui profitent aux groupes ciblés, accélérer le recouvrement des coûts pour les services utilisés par la population du quintile le plus haut (enseignement supérieur et services de santé) et améliorer l’efficacité des prestations de service. Le développement de mécanismes de ciblage (voir ci-dessous) pourrait également assurer que davantage de ressources sont transférées aux plus vulnérables. L’analyse de l’enquête auprès des ménages de 2010, sur laquelle ce rapport est partiellement fondé , fournit déjà un aperçu de la réallocation des ressources limitées allouées à la protection sociale vers les populations cibles. 133. Les dépenses publiques en matière d’éducation pourraient chercher à réduire les charges des enseignants FRAM et autres frais de scolarité pour les ménages extrêmement pauvres. Le Chapitre 2 fournit la preuve que les risques liés à l’éducation sont des causes fondamentales de la vulnérabilité des enfants, tandis que le Chapitre 3 montre que les dépenses publiques pour des programmes de protection sociale dans le domaine de l’éducation ont drastiquement diminué depuis le début de la crise de 2009. Faire en sorte que les enfants restent scolarisés est peut-être le principal moyen de réduire la vulnérabilité, dans un contexte où les charges scolaires pèsent de plus en plus lourdement sur les ménages et où les enfants vulnérables quittent le système scolaire. Dans ce contexte, les actions suivantes pourraient permettre de réduire la vulnérabilité :  Réduire la charge des frais d’embauche des enseignants FRAM recrutés au niveau de la communauté pour les ménages les plus vulnérables. L’octroi de subventions aux enseignants FRAM par le gouvernement et le plan Education pour Tous – Fonds Catalytique de l’Initiative pour une mise en œuvre accélérée (initiative Fast Track) officiellement devenu le Partenariat Mondial pour l’Education – pourrait jouer un rôle important dans la protection sociale. Garantir un enseignement primaire gratuit en pratique nécessiterait de supprimer progressivement le système d’enseignants communautaires en intégrant les enseignants FRAM qualifiés dans le corps enseignant régulier, de façon à ce que leurs coûts n’incombent plus aux parents ;  Octroyer des subventions proportionnelles adéquates aux caisses écoles afin d’alléger les coûts pour les ménages du matériel scolaire, des manuels et autres frais liés à l’éducation ;  Distribuer des kits et manuels scolaires gratuitement pour réduire davantage les frais scolaires supportés par les ménages ;  Mettre en place des programmes d’alimentation scolaire dans les zones fortement exposée s à l’insécurité alimentaire, afin de pousser les familles à envoyer leurs enfants à l’école, tout en améliorant la nutrition ;  Lancer un programme pilote de transferts d’espèces conditionnés par l’assiduité scolaire, de façon à maintenir davantage les enfants les plus vulnérables dans le système scolaire (voir ci-dessous). 62 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale 134. L’éducation à distance peut également constituer une alternative viable (Encadré 5.1). Encadré 5.1 : Education à Distance et Instruction Radiophonique Interactive Au niveau primaire, l’éducation à distance constitue rarement une solution appropriée en tant que telle, puisqu’elle repose sur la capacité des élèves à gérer leur propre apprentissage. Là où l’éducation à distance s’est révélée efficace chez les jeunes enfants, comme dans les régions reculées de l’Australie des années 1950, les parents fournissaient une surveillance essentielle à la réussite. Cependant, il existe de nombreuses alternatives au soutien de parents éduqués : par exemple, la radio est généralement disponible jusque dans les régions les plus isolées de Madagascar. Les programmes d’éducation primaire qui associent des cours de grande qualité diffusés à la radio avec un suivi local des progrès réalisés par les enfants, ont été rigoureusement évalués et se sont avérés stimuler l’apprentissage. Le programme le plus évalué au monde est l’instruction radiophonique interactive, qui a diffusé des cours élaborés par des professionnels aux enfants des régions isolées du Belize, de la Bolivie, du Cap Vert, du Costa Rica, de la République Dominicaine, du Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Lesotho, de la Papouasie Nouvelle Guinée, de l’Afrique du Sud, de la Thaïlande et du Venezuela. Les leçons enseignent les matières scolaires de base ; chaque cours est élaboré selon des principes de conception pédagogique dont l’efficacité a été démontrée ; et chaque leçon de 30 minutes intègre des principes pédagogiques de base, comme la participation active des élèves. Des évaluations aléatoires ont montré que ces programmes accroissent l’apprentissage de 2,1 écarts-type chez les enfants en milieu rural, comparé à 2,8 écarts-type pour un an de scolarité classique, avec un rapport coût/efficacité meilleur de 70 pour cent. Malgré son efficacité et sa rentabilité avérées, l’instruction radiophonique interactive était largement soutenue par les bailleurs de fonds, ce qui signifie que son utilisation a été réduite quand le versement d’aide par les bailleurs a pris fin. Source : Lewis et Lockheed (2006, p. 125) 135. Des mécanismes de financement des soins de santé plus équitables pourraient être mis en place pour réduire la vulnérabilité. Le Chapitre 2 montre que la population malgache est exposée aux risques de morbidité, de malnutrition et de mortalité et que ces risques se sont accrus depuis 2009. D’après le Chapitre 3, Madagascar dispose d’un système de financement des soins de santé extrêmement régressif depuis la réintroduction en 2004 de recouvrement des coûts dans le système de santé, et les dépenses publiques allouées à des mesures de protection sociale liées à la santé ont été drastiquement réduites à la suite de la crise politique. Aujourd’hui, très peu de services de santé sont assurés gratui tement et les dispenses de frais accordées au plus démunis grâce aux fonds d’équité des centres de santé et des hôpitaux n’atteignent qu’une infime proportion (moins de un pour cent) des individus extrêmement pauvres. Ceci est dû en partie aux moyens financiers limités, mais également au faible niveau d’utilisation causé par la stigmatisation des dispenses de frais liées à la pauvreté (voir les Chapitres 3 et 4). Finalement, les coûts élevés des soins de santé sont la principale cause de la non-utilisation des services de santé. Ces coûts constituent en particulier un obstacle de taille à l’utilisation des soins secondaires et tertiaires (hôpitaux de quartier et universitaires) dont les coûts sont beaucoup plus élevés (Ravelosoa, 2011). Afin de réduire les risques liés à la santé, le gouvernement pourrait envisager les mesures suivantes :  La suppression des frais de santé pour les groupes vulnérables prioritaires. Quelques pays d’Afrique – le Sierra Leone, l’Ouganda et la Zambie (et récemment la Côte d’Ivoire ) – ont supprimé tous les frais de santé à leur indépendance, et n’ont jamais réintroduit de recouvrement des coûts. D’autres pays ont supprimé les frais de services spécifiques, tels que le traitement de la malaria, les accouchements, les césariennes ou les soins fournis aux groupes à très haut risque (les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes). Cependant, la suppression des frais de santé pour les groupes vulnérables devrait être soigneusement planifiée pour composer avec l’augmentation probable des taux d’utilisation, afin d’éviter que les problèmes connus lors de la suppression des frais en 2002-04 ne se reproduisent ;  Des services obstétriques, néonatals et pédiatriques d’urgence. Le gouvernement pourrait envisager une extension à l’échelle nationale des services d’urgence obstétriques, néonatals et pédiatriques gratuits qui ont été mis à l’essai dans quatre régions, à travers le FPCU et financés 63 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale par la Banque Mondiale et l’UNFPA (Chapitre 4). En adoptant une approche universelle, fondée sur des critères médicaux plutôt que socioéconomiques, ce système a permis de répondre à des besoins médicaux urgents, tout en évitant les problèmes de ciblage rencontrés par les fonds d’équité ;  L’extension des dispenses de frais aux services de santé maternelle et infantile. Une extension sélective des dispenses de frais visant à réduire la mortalité maternelle et des moins de 5 ans pourrait être envisagée, à condition que les ressources financières nécessaires soient disponibles. Ici encore, la suppression des frais devrait être soigneusement planifiée pour éviter des services de santé débordés. 136. Ni la mise en commun des risques au niveau communautaire par le biais des mutuelles de santé, ni un régime national d’assurance maladie plus conséquent ne constituent des solutions viables pour la réduction des coûts des risques de santé, au moins à court et moyen termes (Encadré 5.2). B.4 Décentralisation et renforcement de la participation des communautés 137. La décentralisation des prestations de services et la participation des communautés à ces prestations pourraient améliorer l’efficacité des interventions de protection sociale. Les chapitres précédents ont mis en évidence un manque de capacités et de ressources financières au niveau local qui entrave la prestation efficace de services. La stratégie de protection sociale pourrait mettre l’accent sur la décentralisation des services au niveau communautaire afin d’améliorer l’efficacité de la prestation des services de protection sociale. La stratégie pourrait également insister sur l’importance de la participation communautaire, afin de stimuler l’appropriation locale et la satisfaction des clients, de mobiliser des ressources supplémentaires, de renforcer la responsabilité des prestataires de services de protection sociale et de bâtir un capital social. Certaines mesures clés sont les suivantes :  Clarification des missions et du financement des gouvernements locaux (les régions mais également les communes et potentiellement les provinces) et des organismes déconcentrés des institutions du gouvernement central, tels que le Ministère de la Population et des Affaires Sociales, de manière à rendre efficaces la répartition des responsabilités, les modalités de financement et la mise en œuvre des programmes au niveau local ;  Renforcement des capacités locales afin d’améliorer la prestation de services de protection sociale dans tous les secteurs ;  Un recours accru au Fonds de Développement Local (FDL) pour renforcer les capacités des communes et transférer des subventions globales à l’investissement aux communes, destinées à des projets sociaux et d’infrastructure inscrits dans leur Plan Communal de Développement. La capacité du FDL à répondre aux demandes des communes pourrait permettre d’atténuer les risques majeurs liés à l’insuffisance de l’offre des services sociaux essentiels (écoles, centres de santé, réseaux d’approvisionnement en eau, etc.) qui aggrave la vulnérabilité de la population. 64 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale Encadré 5.2 : Mutuelles de Santé et Régime National d’Assurance Maladie Mutuelles de santé. Les mutuelles de santé, peu développées en Afrique, sont des systèmes communautaires ou professionnels de micro-assurance, où les gens paient des frais d’assurance maladie et sont partiellement remboursés pour leurs dépenses de santé. L’ampleur des mutuelles de santé reste restreinte en Afrique. La couverture de la population dépasse rarement les 4 pour cent (Mali) est elle est inférieure à 1 pour cent dans les plupart des pays (Ouattara and Soors, 2007). De nombreux régimes communautaires souffrent de problèmes de gestion et nécessitent une assistance technique considérable de la part des « fondateurs » bénéficiant d’aides financières. Régime national d’assurance maladie. Une autre approche consiste à mettre en place des régimes nationaux d’assurance maladie, subventionnés par l’Etat. Deux pays d’Afrique subsaharien ne ont réalisés des progrès considérables dans ce domaine : le Rwanda, où la couverture de la population était de 76 pour cent en 2007 (OPM, 2011) et le Ghana avec une couverture de 62 pour cent en 2010 (Autorité Nationale d’Assurance -Maladie, 2011). Cette approche s’appuie sur trois arguments. Premièrement, contrairement à la suppression des frais, le modèle d’assurance nationale vise à accroître l’efficacité en créant une distinction entre les fonctions des prestataires de santé (publics et privés) et les fonctions des contribuables (organisme d’assurance) (voir Witter et Garshong, 2009, pour le cas du Ghana). Deuxièmement, ces régimes sont obligatoires, ce qui évite les problèmes de sélection négative, bien que la mise en application soit impossible en pratique dans le secteur informel. Troisièmement, les subventions de l’Etat permettent de réduire les cotisations à des montants plus abordables, d’introduire des dispenses pour les groupes les plus vulnérables ou d’élargir la gamme des services couverts. Le régime national d’assurance maladie du Ghana, par exemple, est principalement financé par une taxe spéciale, la taxe pour l’assurance maladie nationale (National Health Insurance Levy), qui représente 2,5 pour cent de la valeur des biens et services, couvre environ 95 pour cent des services de santé (dont les frais complets d’hospitalisation) et accorde des exemptions importantes de cotisation pour les enfants de moins de 18 ans, les femmes enceintes, les personnes âgées (de plus de 70 ans) et les individus extrêmement pauvres. Cependant, même ce système présente une couverture plus faible dans les quintiles les plus bas (NPDC, 2009), et suscite des préoccupations liées à la viabilité financière du système à long terme. D’autres pays ayant tenté de mettre en place des systèmes similaires, comme la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Nigéria, y ont largement échoué. Il est en effet extrêmement difficile sur le plan administratif d’obtenir un niveau élevé de couverture de la population dans des pays dotés de larges secteurs informels ; les ménages et les individus doivent être inscrits un par un, et la déduction des cotisations à la source est impossible. Ces difficultés administratives seraient immenses dans un pays comme Madagascar doté d’un secteur informel très développé et de faibles capacités administratives. Source : Rapport complémentaire, Hodges (2011). B.5 Développement et utilisation de mécanismes de ciblage pour atteindre les groupes prioritaires 138. Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes pour s’assurer que les ressources des programmes sont consacrées à la population ciblée. Une méthode efficace de ciblage améliore la rentabilité et l’impact d’un programme. Les principaux mécanismes de ciblage utilisés à l’heure actuelle à Madagascar comprennent des ciblages par catégorie, des ciblages géographiques, de l’auto ciblage et des ciblages communautaires (Encadré 5.3). 65 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale Encadré 5.3 : Méthodes de Ciblage Madagascar est un pays qui présente très peu de différences en termes de bien-être économique entre les déciles, si ce n’est au plus haut de la distribution. En effet, il s’agit d’un pays où la pauvreté est généralisée et où les individus presque pauvres sont seulement légèrement mieux nantis que les pauvres. Dans ces conditions, tout mécanisme de ciblage risque d’entraîner des erreurs d’exclusion importantes (non sélection de ceux qui devraient en principe être éligibles) ainsi que des erreurs d’inclusion (inclusion de ceux qui devraient en principe ne pas être éligibles). Cet encadré examine brièvement les méthodes de ciblage à disposition et leurs avantages et inconvénients relatifs dans le contexte malgache. Evaluation des revenus. Considérée comme la référence en matière de ciblage (Coady et al., 2004), cette méthode, qui requière une vérification directe des revenus à partir des bulletins de salaire ou autres documents, est impossible à utiliser dans des pays comme Madagascar, où la grande majorité des pauvres travaille au sein d’exploitations agricoles familiales et dans d’autres parties du secteur informel où les pièces justificatives de revenu font défaut. Evaluation indirecte des revenus. En l’absence de documents justificatifs de revenu, certains pays en développement – mais pas encore Madagascar – ont conçu des méthodes déterminant l’éligibilité par le biais d’indicateurs de la vulnérabilité, de la pauvreté et de la pauvreté extrême. Ces indicateurs sont des caractéristiques observables des ménages (biens, documents du ménage, composition du ménage, etc.) qui permettent d’identifier les ménages vivant en-dessous d’un certain seuil d’éligibilité. Les seuils sont en général obtenus en effectuant des régressions sur les données d’enquêtes nationales auprès des mé nages et ils sont ensuite pondérés dans une formule qui peut être utilisée pour la sélection des bénéficiaires. Comme les variables utilisées dans la formule correspondent à des caractéristiques observables, elles peuvent en principe être contrôlées par des travailleurs sociaux, et les informations peuvent être reportées sur un formulaire standard, utilisé pour étayer les demandes d’éligibilité. En pratique, il est difficile d’élaborer à partir des indicateurs une formule qui identifie précisément les ménages ciblés, en particulier dans les pays où les différences entre les déciles sont ténues. Les erreurs d’exclusion et d’inclusion ont tendance à être élevées. Cependant, cette méthode est en général plus précise que celle qui consiste à utiliser un petit nombre de critères purement catégoriques non pondérés. Le principal inconvénient de cette méthode est la capacité administrative élevée qui est nécessaire à la collecte et au traitement des informations. Ciblage par catégorie (démographique). Cette méthode consiste à sélectionner les ménages ou les individus sur la base de simples caractéristiques démographiques, telles que la taille du ménage, la présence de membres handicapés ou atteints de maladies chroniques, le manque de main d’œuvre, la présence d’une femme à la tête du ménage, d’enfants en-dessous d’un certain âge ou de personnes âgées. Ces critères de sélection sont fréquemment utilisés à Madagascar, parfois en plus d’un ciblage géographique ou communautaire, mais les critères varient selon les programmes. Le risque de commettre d’importantes erreurs d’exclusion et d’inclusion est élevé. Ciblage géographique. Cette méthode est également fréquemment utilisée à Madagascar, où de nombreux programmes se concentrent principalement sur certaines régions, comme dans le sud où la pauvreté et l’insécurité alimentaire sont en général les plus graves. Le ciblage géographique a également tendance à exclure, étant donné que la vulnérabilité n’est que légèrement supérieure dans les zones ciblées par rapport aux autres régions. Par exemple, un programme qui se concentre principalement dans le sud, comme l’alimentation scolaire, exclut automatiquement les écoliers très vulnérables qui vivent dans d’autres régions. Ciblage communautaire. La participation des communautés dans la sélection des bénéficiaires a été utilisée à Madagascar, en particulier en complément de l’auto sélection sur la base du salaire dans les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. Les communautés ont une connaissance particulière des caractéristiques de leurs membres et peuvent jouer un rôle important dans la légitimation des décisions de sélection. Cependant, cette méthode de ciblage peut être affectée par un accaparement des ressources par les élites locales, ou par une tendance des communautés à répartir les bénéfices du programme le plus largement possible pour éviter d’avoir à sélectionner les bénéficiaires, comme c’est le cas dans certains projets de travaux publics avec les rotations de postes. Le ciblage communautaire peut être utile, mis en œuvre conjointement avec d’autres méthodes telles que l’auto-sélection ou l’évaluation indirecte des revenus. Auto-sélection. Cette méthode est utilisée dans les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. L’auto - sélection est obtenue en principe en fixant les salaires en dessous du salaire minimum en vigueur sur le marché local, de façon à ce que seuls les plus démunis postulent. Cependant, le salaire constitue rarement un moyen de sélection parfait, d’où la nécessité de compléter l’auto -sélection par d’autres méthodes, qui font en général intervenir un certain degré de participation communautaire. Source : Rapport complémentaire, Hodges (2011). 66 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale 139. La mise en œuvre d’une stratégie efficace de protection sociale pourrait bénéficier de la création d’un registre commun des individus démunis. Ce registre pourrait servir à déterminer l’éligibilité à différents programmes de protection sociale, tels que les travaux publics, les dispenses de frais dans les centres de santé (cartes de solidarité), l’obtention de kits scolaires et l’accès gratuit à l’e au (carte d’eau). La mise en place d’un tel registre consisterait essentiellement à étendre et à formaliser les listes des individus démunis établies par chaque fokontany. Cependant, la tâche risque de se révéler difficile à Madagascar, étant donné que la pauvreté extrême est très étendue, et que les différences de niveau de vie entre les individus pauvres et les individus extrêmement pauvres sont infimes. B.6 Suivi de la vulnérabilité et de la mise en œuvre de la stratégie de protection sociale 140. Contrôler la vulnérabilité de la population et la mise en œuvre de la stratégie de protection sociale est nécessaire, et des ressources suffisantes devraient être consacrées à ces tâches. La stratégie de protection pourrait comporter deux volets principaux :  Suivi de la vulnérabilité. Il serait souhaitable que le gouvernement développe un système de surveillance des risques pour contrôler les sources de vulnérabilité et fournir les données nécessaires à l’évaluation de l’impact des interventions. Le système pourrait servir à calibrer les enquêtes auprès des ménages qui pourraient être réalisées deux fois par an. L’enquête auprès des ménages pourrait inclure des éléments clés fournissant des informations sur la situation des groupes à risque, ainsi que sur les résultats du ciblage et l’efficacité des principaux programmes sociaux. L’impact et la couverture de tous les programmes de protection sociale, dont les programmes de subventions alimentaires, les programmes de travaux publics, les transferts en matière de santé et tous les nouveaux programmes, pourraient être incluses dans l’enquête. L’enquête pourrait également surveiller certains groupes particulièrement vulnérables ;  Suivi et évaluation de la stratégie de protection sociale. Une fois une stratégie de protection sociale adoptée, le gouvernement pourrait adopter un certain nombre de mesures pour contrôler sa mise en œuvre, dont l’élaboration d’un plan d’action comprenant des interventions spécifiques et un calendrier, et le développement d’indicateurs de suivi qui pourraient être surveillés par chaque organisme d’exécution. Afin de surveiller la vulnérabilité dans son ensemble, des questions spécifiques à chaque programme pourraient être incluses dans l’enquête. Comme décrit plus haut, une institution spécifique pourrait être responsable de la mise en œuvre de la stratégie de protection sociale : l’INSTAT pourrait s’occuper du suivi de la situation de la vulnérabilité dans son ensemble, tandis que chaque ministère ou organisation pourrait être responsable de la mise en œuvre de ses propres programmes de protection sociale. Des ressources pourraient également être mises à disposition pour évaluer l’impact d’interventions spécifiques – notamment leurs coûts et leur efficacité – et en tirer des leçons pour améliorer la conception des programmes. C. Feuille de route des actions clés à entreprendre dans l’immédiat pour la protection sociale 141. Il est urgent d’adopter des mesures immédiates de renforcement de la protection sociale. Le retour à la normale de la situation politique peut être long. Même une fois qu’un accord politique aura été conclu, cela prendra du temps de tenir des élections et pour le gouvernement de s’installer, et de développer et adopter une stratégie de protection sociale. En attendant, la vulnérabilité de la population s’aggrave régulièrement. Le gouvernement et ses partenaires techniques et financiers pourraient chercher à entreprendre certaines actions dans l’immédiat, en attendant une résolution à la crise politique, notamment : (i) le développement des programmes de travaux publics à plus grande échelle, (ii) l’ajout d’un programme de transferts en espèces aux programmes de travaux publics, visant les personnes n’étant pas en mesure de travailler, et (iii) le lancement d’un programme de transferts conditionnels en espèces dans les régions périurbaines. Le reste du chapitre examine ces propositions, tandis que les rapports complémentaires fournissent des détails supplémentaires sur la mise en œuvre. 67 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale C.1 Développement des programmes de travaux publics 142. Développer davantage les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre pourrait être le meilleur moyen de réduire la vulnérabilité des groupes identifiés précédemment comme prioritaires. Les principaux arguments en faveur de cette approche sont les suivants : i. L’extension de ce type d’emploi présente un potentiel considérable. D’un côté, le niveau de sous- emploi au sein de la population rurale pauvre est extrêmement élevé et le nombre de ceux qui cherchent un emploi dans les micro-projets à haute intensité de main d’œuvre dépasse largement le nombre d’emplois offerts. De l’autre, la couverture des programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre est actuellement très restreinte. Le Chapitre 2 a montré, selon des hypothèses raisonnables, que les programmes de travaux publics touchent moins de 10 pour cent de la population extrêmement pauvre ; ii. En tant qu’instrument de protection sociale, les programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre ciblent deux des groupes vulnérables hautement prioritaires identifiés (Tableau 5.1). Les programmes de travaux publics peuvent fournir une aide aux individus extrêmement pauvres dans les zones rurales. Ils peuvent également cibler certaines zones géographiques, comme l’extrême sud du pays ou les régions touchées par une catastrophe naturelle comme un cyclone ; iii. Les programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre pourraient également servir à cibler les individus extrêmement pauvres vivant dans les zones périurbaines, qui constituent un groupe moyennement prioritaire (Tableau 5.1) ; iv. Les programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre peuvent être planifiés de manière à intervenir pendant la période soudure avant les récoltes, lorsque l’insécurité alimentaire et les risques de malnutrition sont les plus élevés ; v. Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre possèdent la capacité de réduire la vulnérabilité, en réduisant l’exposition aux risques environnementaux (reforestation, coupe-vent, entretien des digues, etc.) tout en améliorant la productivité et l’accès aux marchés et aux services, en plus de garantir un revenu à court terme aux ménages ; vi. Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre contribueraient à répondre à des besoins essentiels de développement en milieu rural : la construction et l’entretien de routes de desserte, de systèmes d’irrigation et d’autres infrastructures rurales, ainsi que le besoin régulier de reconstruction post-cyclone dans les régions côtières de l’est et les micro-projets de protection de l’environnement cités plus hauts. Les micro-projets pourraient contribuer à relever le défi de la gestion de l’eau pour l’agriculture et à accroître la productivité ; vii. Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre sont acceptés sur le plan culturel à Madagascar ; ils n’entraînent pas le risque de stigmatisation qui entrave l’utilisation des fonds d’équité par exemple ; viii. Il existe un support politique pour les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre, dû en partie à l’exigence de travail imposée aux bénéficiaires et au fait que les micro-projets contribuent au développement ; ix. L’expérience en termes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre est vaste, notamment du point de vue du gouvernement. Plusieurs organismes gouvernementaux ont acquis de 68 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale l’expérience dans ce domaine, notamment l’ONN et la Cellule de Coordination des Projets de Relance Economique et d’Action Sociale (CCPREAS), tandis que ce type de programme a été soutenu à la fois par le MAP et par le Programme National de Soutien à l’Emploi ; x. Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre pourraient être élargis relativement rapidement, puisque des structures de gestion des programmes sont déjà en place ; xi. Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre peuvent être combinés avec des formations sur le VIH/SIDA, le planning familial, la nutrition et la protection de l’environnement, et constituent ainsi un bon moyen de développer des synergies avec d’autres activités et programmes au niveau des communautés. 143. Le gouvernement pourrait également chercher à harmoniser les programmes de travaux publics existants. L’adoption d’un manuel commun de procédures pourrait permettre d’éviter les recoupements entre les projets, d’harmoniser les méthodes de ciblage des bénéficiaires, la sélection des micro-projets et la sélection des organismes d’exécution de ces micro-projets, d’uniformiser les salaires, les normes de qualité et autres aspects de la gestion des programmes. L’objectif final serait de mettre en place une agence nationale destinée à mettre en œuvre les programmes de travaux publics, soutenue si possible par un fonds commun destiné à mobiliser les ressources des donateurs pour compléter le financement public. 144. Mécanisme de ciblage. Le mécanisme de ciblage pour le programme argent-contre-travail pourrait continuer à suivre une procédure en plusieurs étapes : (i) identification des zones d’intervention par le cluster pour la sécurité alimentaire, à l’aide des instruments disponibles,72 (ii) validation de la liste des zones affectées par une catastrophe naturelle par le Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC) 73, (iii) identification, au sein de chaque zone, des communautés les plus touchées, par un processus transparent de consultation avec les autorités de la région, des départements et des communes, dont celles responsables de la gestion des catastrophes, et (iv) ciblage des ménages les plus touchés au sein de chaque communauté, par un processus de consultation avec les chefs de la communauté (dont les enseignants et les représentants des ONG), tout en s’assurant que les femmes sont représentées équitablement parmi les bénéficiaires. 145. Sélection des sous-projets. Le programme pourrait continuer à financer les sous-projets à haute intensité de main d’œuvre sélectionnés par les communautés. Les sous-projets bénéficieraient à la population cible et recevraient l’approbation préalable des autorités locales (communes et fokontany). 146. Salaire et durée. Il n’existe pas de recette facile pour définir le taux de rémunération et la durée du programme argent-contre-travail appropriés. Cependant, étant donné que les bénéficiaires des programmes argent-contre-travail sont sélectionnés au sein de la population extrêmement pauvre, un objectif politique pourrait être de faire en sorte que le paiement total effectué soit juste suffisant pour sortir les bénéficiaires de la pauvreté extrême. L’enquête auprès des ménages de 2010 indique que le montant moyen nécessaire pour hisser les individus extrêmement pauvres au-dessus du seuil de pauvreté extrême est de 33 $US (Encadré 1.1). Avec un salaire journalier de 2 000 Ar (environ 1 $US) pour cinq heures de travail, 30 jours de travail seraient nécessaires pour sortir les bénéficiaires de la pauvreté extrême. Ces paramètres correspondent environ à ceux utilisés par le FID pour la mise en œuvre de son programme argent-contre-travail (30 jours de travail rémunérés à hauteur de 1 $US par jour). Comme expliqué au 72 Ces instruments comprennent le Système d’Alerte Précoce (SAP) dans le sud, les évaluations reposant sur des Mécanismes Rapides d’Evaluation Multi-secteur (McRAM) réalisées par l’UNICEF dans les zones périurbaines d’Antananarivo et de Tuléar ; les enquêtes réalisées par le Réseau des Observatoires Ruraux en milieu rural ; l’Analyse Globale de la Sécurité Alimentaire et de la Vulnérabilité, réalisée par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et l’UNICEF ; et les Evaluations Rapides de la Sécurité Alimentaire effectuées par l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et le PAM. 73 Le BNGRC est le bureau national responsable de l’identification officielle des zones affectées par les catastrophes. 69 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale Chapitre 4, les programmes argent-contre-travail ont une portée tellement limitée qu’ils ne peuvent pas perturber le marché local de l’emploi. 147. Modalités de mise en œuvre. L’organisme responsable du programme pourrait gérer la coordination, la gestion et le financement de cette activité. Il emploierait des agences d’exécution (ONG ou organisations confessionnelles) pour mettre en œuvre les sous-projets sur le terrain et notamment s’occuper des paiements des bénéficiaires. C.2 Compléter l’action des travaux publics par un programme de transfert en espèces aux ménages dépourvus de main d’œuvre 148. Les programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre pourraient être complétés par un programme de transfert en espèces aux ménages dépourvus de main d’œuvre ou présentant un taux de dépendance élevé. Les ménages dépourvus de main d’œuvre, comme ceux où tous les adultes sont des personnes âgées, atteintes de maladie chronique ou handicapées, et les ménages dirigés par une femme ayant des enfants, ne peuvent pas participer aux travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. Certains transferts sociaux ont été conçus spécifiquement dans le but d’aider ces ménages- là. En Ethiopie par exemple, 20 pour cent du budget consacré aux salaires du Programme de Filet de Sécurité Productif est réservé aux transferts sociaux destinés aux ménages où aucun membre ne peut travailler (Samson et al., 2006). Les programmes sociaux de transfert en espèces au Malawi et en Zambie ciblent précisément les ménages extrêmement pauvres dépourvus de main d’œuvre ou présentant un taux de dépendance élevé, en tablant sur le fait que les autres ménages peuvent être assistés par des méthodes de protection sociale ‘productives’, comme les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre (Schubert, 2008). Le Programme de Subvention Alimentaire (Programa de Subsídios de Alimentos, ou PSA) est le principal programme de protection sociale du gouvernement du Mozambique et il se concentre sur les ménages où les adultes sont des personnes âgées, handicapées ou atteintes de maladies chroniques et ne disposant pas d’autres formes de soutien (Hodges et Pellerano, 2010). Le gouvernement de Madagascar pourrait envisager des programmes similaires de transfert d’espèces ciblant deux des groupes moyennement prioritaires, les ménages dirigés par une femme et les personnes âgées (Tableau 5.1). C.3 Lancement d’un programme de transfert conditionnel en espèces 149. Enfin, le gouvernement de Madagascar pourrait chercher à introduire à titre expérimental un programme de transfert conditionnel en espèces (TCE) visant à fournir une aide aux ménages extrêmement pauvres, conditionnée sur certaines décisions du ménage (assiduité à l’école, alimentation et vaccination des enfants par exemple). Ce type de programme pourrait accroître la probabilité que les enfants sortis du système scolaire, qui constituent un groupe identifié comme prioritaire (Tableau 5.1), ne quittent pas ou retournent à l’école. 150. Les facteurs suivants appuient la création d’un programme de transfert conditionnel en espèces à titre expérimental : i. Les transferts conditionnels en espèces pourraient stimuler l’investissement dans le capital humain et contribuer à réduire la vulnérabilité à long terme. Les transferts en espèces aux individus extrêmement pauvres, qu’ils soient associés ou non à des conditions imposées aux bénéficiaires, pourraient permettre aux ménages d’accroître leur investissement dans la nutrition, l’école et la santé de leurs enfants. Cela pourrait s’avérer particulièrement adapté au contexte actuel où l’abandon scolaire s’est aggravé en conséquence de la crise politique (voir le Chapitre 2). Les transferts conditionnels en espèces pourraient accroître le capital humain à toutes les étapes ultérieures de la vie et contribuer à briser la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre (Samson et al., 2006; Barrientos et De Jong, 2004) ; ii. Il apparaît de plus en plus clairement, en Afrique ou à travers le monde, que les programmes de TCE ont un impact positif sur un certain nombre d’indicateurs de développement humain. D’après 70 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale des expériences observées en Amérique Latine, Rawlings et Rubio (2005) ont constaté que les programmes de TCE ont des répercussions positives sur les taux de scolarisation, de nutrition et de vaccination.74 Des évaluations de transferts non conditionnels en espèces mis en œuvre en Afrique, au Malawi par exemple (voir Miller et al., 2008), ont également mis en évidence un impact positif sur le développement humain ; iii. Des programmes de TCE ont déjà été expérimentés à Madagascar, quoiqu’à très petite échelle. L’UNICEF a lancé deux petits dispositifs pilotes de transferts en espèces (voir le Chapitre 4). Certaines ONG comme l’Association JTA ont également utilisé des transferts en espèces conditionnés aux résultats scolaires des élèves (Encadré 4.1) ; iv. A Madagascar, des travaux préparatoires ont déjà été entrepris. Avant la crise politique de 2009, la GTZ, l’UNICEF et la Banque Mondiale, entre autres bailleurs de fonds, ont lancé la conception d’un programme de transfert en espèces visant à promouvoir l’accès aux services sociaux de base et l’investissement dans le capital humain pour les ménages hautement vulnérables, à titre expérimental. Cette initiative est née des expériences internationales positives de TCE, en particulier en Amérique Latine. En 2005, une étude de faisabilité a été réalisée à Madagascar, consacrée en particulier à l’impact des TCE sur les taux de scolarisation et d’abandon scolaire au niveau primaire (Schüring, 2005). En 2008, l’UNICEF a fait réaliser une étude pour le développement d’une proposition de dispositif pilote de transfert en espèces (Ayala Consulting, 2009) ; v. Comme le prouve le rapport complémentaire réalisé par Rakotomanga (2011), un certain nombre de méthodes de paiement pourraient être utilisées pour remettre l’argent aux bénéficiaires : le réseau de la poste, les institutions de microfinance, les transferts par téléphone mobile, les cartes à puce et les points de paiement mobiles. Chacun présente des avantages et des inconvénients en termes d’accessibilité, de flexibilité et des coûts administratifs, ce qui suggère que différents mécanismes de paiement pourraient être testés au cours de la phase pilote du programme, selon les caractéristiques des bénéficiaires. 151. Le gouvernement de Madagascar pourrait également vouloir prendre en compte les facteurs suivants, en particulier s’il décide de développer à plus grande échelle un programme de TCE : i. Les transferts conditionnels en espèce peuvent être efficaces à court terme, étant donné que les ménages ont retiré leurs enfants de l’école et diminué leur fréquentation des services de santé , en conséquence de la crise politique qui a entraîné une réduction du revenu disponible. Cependant, à moyen terme, les TCE nécessitent d’être accompagnés de réformes destinées à accroître l’offre. Par exemple, les ménages peuvent envoyer leurs enfants à l’école à condition que les écoles puissent accueillir des élèves supplémentaires. A Madagascar, il se peut que l’offre réagisse automatiquement compte tenu du fait que les transferts en espèces peuvent être utilisés par les ménages pour payer les salaires des enseignants FRAM ; ii. Le ciblage peut poser problème étant donné l’étendue de la pauvreté. Comme il a été souligné au Chapitre 2, l’incidence de la pauvreté à Madagascar est plus élevée que dans tous les pays d’Afrique subsaharienne. De plus, les indicateurs de développement humain sont souvent faibles dans les quatre quintiles les plus bas, plutôt que de l’être particulièrement dans le quintile le plus pauvre, comme c’est le cas pour les pays d’Amérique Latine. Dans un tel contexte, le ciblage risque de poser des problèmes d’équité (les bénéficiaires risquent de se retrouver beaucoup mieux nantis que certains non bénéficiaires) et de viabilité financière. De plus, cibler les zones périurbaines peut s’avérer contestable, étant donné que les individus extrêmement pauvres sont principalement localisés dans les zones rurales. Les TCE sont peut-être davantage appropriés au 74 Il n’est toutefois pas clair si c’est le transfert ou le fait qu’il soit conditionnel (ou les deux) qui est responsable des c hangements observés (Barrientos et DeJong, 2004). 71 Principes, Priorités et Actions Visant à Renforcer la Protection Sociale ciblage d’un sous-groupe particulier de la population extrêmement pauvre (comme les TCE de l’UNICEF qui ciblent les familles tirant leur unique revenu du recyclage des déchets – voir Chapitre 4) ; iii. Il y a un risque qu’un transfert conditionnel en espèces réservé aux plus démunis soit source de stigmatisation. Etre considéré comme indigent ou extrêmement pauvre est culturellement source d’antipathie dans la société malgache, comme l’a révélé le faible taux d’utilisation par la population extrêmement pauvre des cartes de solidarité permettant des dispenses de frais dans les centres de santé. Ce phénomène pourrait de même dissuader les plus démunis de s’inscrire au programme de transfert en espèces ; iv. Les capacités administratives de mise en œuvre d’un TCE sont limitées. Les transferts conditionnels en espèces requièrent une capacité administrative considérable, en particulier pour ce qui est du ciblage, de l’inscription des bénéficiaires, des systèmes de gestion des données, des paiements, du suivi et de l’évaluation du programme. L’existence de conditions imposées aux bénéficiaires nécessité des capacités supplémentaires considérables pour le contrôle du respect de ces exigences, non seulement au niveau de l’organisme d’exécution mais aussi au niveau des écoles et des centres de santé, alors qu’il n’est pas forcément aisé pour le personnel de consacrer une part de son temps à cet effet. Cependant, les capacités administratives sont faibles dans l’ensemble à Madagascar, en particulier pour ce qui est du déploiement de travailleurs sociaux au niveau local. Les capacités nécessaires pourraient être mobilisées pour un projet pilote, mais il serait extrêmement difficile d’étendre ce projet à l’échelle nationale sans investir à long terme dans le recrutement de personnel dans toutes les agences intervenant dans la mise en œuvre. 72 Andriamihaja, N., et G. Vecchi (2007). An Evaluation of the Welfare Impact of Higher Energy Prices in Madagascar. Africa Region Working Paper Series No. 106. Washington, DC : Banque Mondiale. Andrianjaka, N.H., et A. Milazzo (2008). Travaux publics à haute intensité de main d’oeuvre (HIMO) pour la protection sociale à Madagascar: problèmes et options de politique, Africa Region Working Papers Series No. 117. Washington, DC : Banque Mondiale. Atkinson, A. (1995). Incomes and the Welfare State: Essays on Britain and Europe. Cambridge, UK : Cambridge University Press. Ayala Consulting (2009). Common Social Protection Database and Cash Transfer Pilot Proposal, rapport pour l’UNICEF, Antananarivo, avril. 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