Rapport no89837-NE REPUBLIQUE DU NIGER TENDANCES DE LA PAUVRETÉ, L’INÉGALITÉ ET LA CROISSANCE, 2005-2011 Août 2014 Réduction de la pauvreté et gestion économique 4 Région Afrique Document of the World Bank __________________________ MONNAIE ET ÉQUIVALENT Unité monétaire = franc CFA ouest-africain (CFA) 1 dollar EU = 492,00 francs CFA (6 août 2014) EXERCICE DE L’ÉTAT er 1 janvier au 31 décembre POIDS ET MESURES Système métrique SIGLES ET ABRÉVIATIONS (Franc) CFA Franc de la Communauté Financière Africaine ECVMA Enquête Nationale sur les Conditions de Vie des Ménages et l’Agriculture ENBC Enquête Nationale sur le Budget et la Consommation des Ménages FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine INS Institut National de la Statistique Vice-président : Makhtar Diop Directeur pays : Paul Noumba Um Directeur secteur : Marcelo Giugale Chef secteur : Miria Pigato Chef de l’équipe de projet : Johannes Herderschee ii République du Niger : Document sur la pauvreté Tendances de la pauvreté, l’inégalité et la croissance, 2005-2011 Table des matières REMERCIEMENTS ......................................................................................................................................... IV INTRODUCTION ............................................................................................................................................. 1 CHAPITRE 1 : CROISSANCE ECONOMIQUE ET REDUCTION DE LA PAUVRETE .............................................. 4 CHAPITRE 2 : INEGALITE ET STRUCTURE DE LA CONSOMMATION DES MENAGES ...................................... 8 CONCLUSION............................................................................................................................................... 12 ANNEXE A : SANTE PUBLIQUE ET PAUVRETE AU NIGER ............................................................................. 14 Tableaux TABLEAU 1 : DONNEES DE LA CONSOMMATION DES MENAGES ET TAUX DE CROISSANCE DU PIB ..................................... 4 TABLEAU 2 : TENDANCES DES INDICATEURS DE PAUVRETE, 2005-2011* ................................................................... 5 TABLEAU 3 : CROISSANCE DU PIB PAR SECTEUR, 2005-2011................................................................................... 7 TABLEAU 4 : DISTRIBUTION DE LA CONSOMMATION DES MENAGES PAR DECILE .......................................................... 10 TABLEAU 5 : INDICATEURS D’INEGALITE BASES SUR LA CONSOMMATION ANNUELLE MOYENNE PAR HABITANT ................. 11 Figures FIGURE 1 : ÉLASTICITE DE LA PAUVRETE PAR RAPPORT A LA CROISSANCE ..................................................................... 6 Encadrés ENCADRÉ 1 : INDICATEURS D’INEGALITE ................................................................................................................ 9 iii Remerciements Ce rapport a été préparé par Prospère Backiny-Yetna et Diane Steele. Les auteurs souhaitent remercier Sebastien Dessus, Janet Owens et Sean Lothrop pour leurs importantes contributions à cette analyse. L’appui logistique a été assuré par Judite Fernandes. Les estimations présentées dans ce document ont été envoyées pour information aux autorités du Niger. iv Introduction 1. La capacité de suivre avec exactitude les tendances de la pauvreté est essentielle pour assurer l’adoption de politiques de lutte contre la pauvreté efficaces et pour évaluer les progrès en direction de la réalisation des objectifs nationaux de développement. Des données non fiables ou des techniques de mesure sans cohérence peuvent occulter d’importants changements dans la nature et les caractéristiques de la pauvreté. Toutefois, si des statistiques crédibles sont nécessaires pour évaluer les tendances de la pauvreté, la façon dont ces statistiques sont interprétées par les décideurs politiques est tout aussi essentielle, étant donné que cette interprétation détermine en grande partie la façon dont les données sur la pauvreté vont éclairer les futures décisions en matière de politiques. 2. Au Niger, les efforts visant à évaluer la dynamique de la pauvreté entre 2005 et 2011 sont compliqués par les différences méthodologiques entre les trois enquêtes auprès des ménages menées durant cette période, en 2005, 2007/2008 et 2011. Une analyse méthodologique réalisée en même temps que le présent rapport1 examine comment les différentes techniques d’enquête influencent les tendances de la pauvreté observées et tente de remédier à l’incompatibilité entre les enquêtes. La technique d’imputation d’enquête à enquête basée sur l’enquête de 2011 révèle que le taux de pauvreté a chuté de 5,5 points de pourcentage entre 2005 et 2011, passant de 53,7 % à 48,2 %. Toutefois, les indicateurs de profondeur et de gravité de la pauvreté (c.-à-d. l’écart de pauvreté et le carré de l’écart de pauvreté) ont affiché une réduction moins marquée pendant cette période. 3. Alors que le taux global de pauvreté du Niger a significativement diminué entre 2005 et 2011, les changements dans l’incidence de la pauvreté sont très inégaux selon les types de localisation2. Les taux de pauvreté ont baissé plus rapidement dans les centres urbains que dans les zones rurales. En ce qui concerne les indicateurs de pauvreté non monétaire, les zones urbaines ont enregistré le même type d’amélioration, tandis que les conditions de vie sont restées pratiquement inchangées en milieu rural. En outre, compte tenu de la dépendance de l’économie rurale vis-à-vis de l’agriculture pluviale, imprévisible par nature, il est difficile de déterminer si la baisse du taux de pauvreté rural reflète des gains de productivité structurels ou simplement une augmentation temporaire des rendements annuels due à de très bonnes saisons de récolte. Néanmoins, la baisse de 4 points de pourcentage du taux de pauvreté rural au cours de la période 2005-2011 est clairement liée au taux moyen annuel de 6,7 % de la croissance du secteur agricole. 4. Malgré la baisse modérée des taux de pauvreté rural et national depuis 2005, la pauvreté reste très généralisée et grave au Niger. Parmi les principales causes de cette pauvreté persistante figurent la très faible diversification économique du pays et son infrastructure agricole extrêmement limitée, en raison desquelles la majorité des ménages nigériens continuent à dépendre d’une production agricole et animale très vulnérable. En outre, le taux extrêmement élevé de croissance démographique du 1 Banque mondiale (2014) « Mesure des tendances de la pauvreté au Niger : Questions méthodologiques et analytiques. » Washington, DC : la Banque mondiale 2 La diminution de l’indice numérique de pauvreté entre 2005 et 2011 est statistiquement significative au niveau national et dans les zones urbaines et rurales. 1 pays constitue un sérieux obstacle à la réduction durable de la pauvreté. Le Niger présente non seulement l’un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde, mais la fécondité y est inversement proportionnelle au niveau de revenu. En d’autres termes, les segments de la population croissant le plus rapidement sont les plus pauvres, et la tendance à la baisse du taux national de pauvreté est continuellement contrecarrée par l’accroissement régulier du nombre absolu de Nigériens vivant dans la pauvreté. 5. Les enquêtes auprès des ménages du Niger révèlent néanmoins des améliorations du bien- être, modestes mais significatives, entre 2005 et 2011. La pauvreté monétaire (mesurée par la consommation des ménages) a diminué de 5,5 points de pourcentage au cours de la période, avec une réduction de la pauvreté plus rapide chez les ménages urbains que ruraux. La pauvreté non monétaire (mesurée en termes de conditions de vie des ménages) suit une évolution similaire, s’améliorant de manière plus marquée pour les populations urbaines, étant donné que l’élévation des niveaux de consommation des ménages ruraux n’a pas été accompagnée d’une augmentation proportionnelle de la fourniture de biens et services publics essentiels (voir l’Annexe A). Malgré les améliorations observées, le rythme de la réduction de la pauvreté reste néanmoins très en deçà des objectifs de développement de l’État et le Niger n’est pas en voie d’atteindre ses objectifs du Millénaire pour le développement liés à la pauvreté d’ici à 2015. La compréhension de l’évolution de la pauvreté au Niger permettra aux responsables politiques d’améliorer la portée et l’impact de leur agenda de croissance économique et de réduction de la pauvreté. 6. Au moins quatre grands facteurs ont influencé les récentes tendances de la pauvreté au Niger. Le premier est la croissance économique, qui stimule la consommation des ménages dans l’ensemble du pays. Durant la période 2005-2011, le taux de croissance du PIB par habitant au Niger était faible et instable, mais la consommation moyenne des ménages a augmenté sensiblement au cours de cette période. Toutefois, si une plus grande activité économique a contribué à la diminution globale de l’incidence de la pauvreté au cours de la période 2005-2011, l’accroissement de la consommation des ménages n’a pas été uniforme à travers les régions, types de localisation ou niveaux de revenu. En outre, de nombreux ménages nigériens sont hautement vulnérables aux chocs économiques, en particulier les ménages ruraux et à plus faible revenu, et les larges améliorations de la consommation globale peuvent occulter des tendances plus ambiguës au niveau de la profondeur et la gravité de la pauvreté. 7. Le deuxième facteur, étroitement lié à l’évolution de la pauvreté, est l’inégalité qui semble être en augmentation3. L’évolution de l’inégalité est particulièrement marquée dans les groupes de revenus les plus élevés et les plus bas, la consommation augmentant le plus rapidement chez les premiers et de peu chez les seconds. La vulnérabilité aux chocs imprévisibles approfondit la pauvreté des ménages déjà à faible revenu. Si la prospérité croissante des groupes à revenu plus élevé n’est pas en soi un problème, certains signes indiquent néanmoins que l’inégalité peut affaiblir le lien entre la croissance et la réduction de la pauvreté, dans la mesure où les Nigériens aisés accaparent une part de plus en plus 3 L’accroissement des inégalités entre 2005 et 2011 doit être interprété avec prudence. Les données de 2011 sont des données d’enquêtes, tandis que celles de 2005 et de 2007/2008 sont des valeurs imputées. Les queues de distribution étant difficile à imputer, cela pourrait contribuer à une sous-estimation de l’inégalité en 2005 et 2007/2008, et par conséquent, à une surestimation de l’augmentation des inégalités sur l’ensemble de cette période. 2 importante des fruits de la croissance économique. Cela se reflète dans une baisse inquiétante de l’élasticité de la croissance par rapport à la pauvreté au cours de la période. 8. Le troisième facteur est la volatilité de la production dans le secteur agricole. Le secteur de l’agriculture principalement non irriguée du Niger est très sensible aux sécheresses, aux inondations et aux organismes nuisibles. Les chocs agricoles constituent le plus fort déterminant des changements négatifs dans la profondeur et la gravité de la pauvreté, et les dommages économiques qu’ils infligent au secteur rural ralentissent le rythme de la réduction de la pauvreté et aggravent les inégalités. Les variations de la production agricole d’une saison à l’autre compliquent également la mesure de la pauvreté. Les ménages agricoles constituent la plus grande partie de la population pauvre du Niger, et les taux de pauvreté sont, par conséquent, très sensibles aux fluctuations de la production agricole. La distinction entre l’impact cyclique de la variabilité des récoltes et les tendances structurelles sous-jacentes de la pauvreté est un défi analytique majeur, mais elle est essentielle pour la détermination exacte de l’évolution à long terme des taux de pauvreté. 9. Enfin, le quatrième facteur est le taux extrêmement élevé de la croissance démographique du Niger, combiné à une corrélation inverse entre la taille du ménage et le niveau de revenu. Au Niger, les taux de fécondité extrêmement élevés des pauvres génèrent une augmentation constante de leur nombre total, ce qui ralentit considérablement la baisse du taux national de pauvreté. La croissance rapide de la population rurale est particulièrement problématique, dans la mesure où l’accès de plus en plus limité à des terres agricoles de qualité entraîne une expansion insoutenable de la superficie cultivée, ce qui représente un risque sérieux à long terme pour la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et l’intégrité environnementale. 10. En outre, la relation entre la croissance démographique et la migration rurale-urbaine a des implications importantes sur les tendances de la pauvreté. Les taux de fécondité urbains sont moins élevés que dans les campagnes et ont diminué au cours du temps, alors qu’en milieu rural, ils restent à la fois extrêmement élevés et relativement stables. À long terme, l ’urbanisation pourrait avoir l’avantage supplémentaire de ralentir la croissance de la population à l’échelle nationale. Toutefois, cette dynamique serait grandement accélérée par une amélioration indépendante des conditions associées à des taux de natalité plus bas dans les zones rurales, notamment un accroissement soutenu des revenus des ménages, de larges améliorations des indicateurs d’éducation, en particulier chez les femmes, et un accès plus étendu aux établissements de santé et aux services de planning familial (voir l’Annexe A). 3 Chapitre 1 : Croissance économique et réduction de la pauvreté 11. En principe, les statistiques sur les comptes nationaux devraient être alignées sur les résultats des enquêtes auprès des ménages, étant donné que les unes et les autres sont conçues pour refléter la même réalité économique sous-jacente. Mais tel n’est pas toujours le cas, car chacune de ces deux sources de données a ses propres points forts et faiblesses. Dans le cas des enquêtes auprès des ménages, les problèmes liés à la collecte des données comprennent les biais potentiels d’échantillonnage et les erreurs d’enquête, tandis que, dans les comptes nationaux, le calcul de la consommation par habitant peut varier en fonction de la méthodologie utilisée. Le point de vue de chaque approche est également différent : les comptes nationaux traitent l’ensemble du pays comme un ensemble unique, tandis que les enquêtes cherchent à tenir compte des disparités dans les situations économiques locales. Les différences dans les techniques de comptabilisation ainsi que les périodes de référence et finales peuvent également influencer les résultats. 12. En gardant ces réserves à l’esprit, nous présentons ci-après un résumé de la consommation des ménages par habitant et du PIB par habitant. Le taux de croissance de la consommation des ménages par habitant est substantiellement supérieur au taux de croissance du PIB par habitant pour l’ensemble de la période. Pour la période 2005 à 2008/2009, la consommation par habitant des ménages a grimpé de 5,8 %, tandis que le PIB par habitant n’augmentait que de 1,3 %. La croissance observée de la consommation des ménages par habitant est ensuite descendue à 4,6 % durant la période 2007/2008 à 2011, tandis que le taux de croissance du PIB par habitant grimpait à 2,5 %. Malgré la réduction de cet écart, la différence entre les taux de croissance observés reste frappante. Tableau 1 : Données de la consommation des ménages et taux de croissance du PIB 2005 2007/2008 2011 Consommation moyenne par habitant (francs CFA de 2011) Urbaine 298 689 361 957 377 095 Rurale 184 146 188 153 193 390 Totale 203 375 215 138 225 103 Taux de croissance pour la période 5,8 4,6 Taux de croissance annuel moyen 2,3 1,8 PIB par habitant (francs CFA de 2006) Taux de croissance pour la période 1,28 2,52 Taux de croissance annuel moyen 0,51 0,72 Source : Calculs des auteurs basés sur CWIQ-2005, ENBC-2007/2008 et ECVMA-2011 et sur les chiffres des comptes nationaux de l’INS 13. Selon les enquêtes auprès des ménages, pendant la période de 2005 à 2007/2008, la consommation des ménages par habitant a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 2,3 %. Au cours de la période de 2007/2008 à 2011, la croissance s’est toutefois ralentie pour atteindre une moyenne annuelle d’environ 1,8 %. Bien que modestes, ces taux de croissance étaient significativement 4 supérieurs à ceux obtenus à partir des recensements nationaux, à savoir un taux de croissance annuel du PIB par habitant respectivement de 0,5 % et 0,7 % pour les deux périodes. Les taux de croissance plus élevés de la consommation par habitant des ménages enregistrés au cours des deux périodes sont, de manière générale, prometteurs, étant donné que le PIB par habitant est une mesure relativement brute du revenu réel. Toutefois, du point de vue des politiques en faveur des pauvres, la question centrale est de savoir comment la croissance de la consommation par habitant influence les taux de pauvreté. Cela dépend de l’élasticité de la pauvreté par rapport à la consommation par habitant, également connue comme l’indicateur de bien-être. Tableau 2 : Tendances des indicateurs de pauvreté, 2005-2011* 2005 2007/2008 2011 Urbaine Rurale Totale Urbaine Rurale Totale Urbaine Rurale Totale P0 29,6 58,6 53,7 21,8 58,3 52,6 17,9 54,6 48,2 (3,07) (1,78) (1,53) (2,25) (1,98) (1,73) (2,18) (2,24) (1,97) P1 6,9 16,6 15,0 5,0 16,6 14,8 3,6 15,0 13,1 (0,87) (0,60) (0,52) (0,65) (0,87) (0,73) (0,49) (0,93) (0,79) P2 2,4 6,5 5,8 1,7 6,5 5,8 1,1 5,7 4,9 (0,38) (0,31) (0,27) (0,29) (0,45) (0,38) (0,18) (0,46) (0,39) % de la population 16,8 83,3 100 17,6 82,1 100 17,3 83 100 % des pauvres 9,3 90,7 100,0 6,4 93,6 100,0 6,4 93,6 100,0 bre n des pauvres 624 513 6 123 432 6 747 945 452 724 6 591 040 7 043 764 511 016 7 452 615 7 963 631 Source : Calculs des auteurs basés sur l’ECVMA/INS, Niger 2011. * Les erreurs types des indicateurs sont entre parenthèses 14. Pour concevoir des politiques efficaces de développement en faveur des pauvres, il est fondamental de déterminer dans quelle mesure la croissance économique se traduit par une réduction de la pauvreté. Comme indiqué plus haut, le taux de pauvreté du Niger est étroitement lié à son secteur agricole volatile. En raison de l’extrême concentration de la pauvreté au sein de la population rurale, la croissance de la production agricole a un impact direct sur la pauvreté. Ce lien va toutefois dans les deux directions : les bonnes récoltes peuvent entraîner une réduction rapide des taux de pauvreté, tandis que les récoltes médiocres et les chocs exogènes imprévisibles (conditions météorologiques défavorables, invasions d’organismes nuisibles, etc.) peuvent avoir un impact dévastateur sur les pauvres. 15. Au Niger, la pauvreté a tendance à être relativement sensible à la croissance, ce qui suggère que l’environnement économique global du pays et le cadre des politiques publiques sont généralement favorables aux pauvres. Ceci est particulièrement vrai pour le secteur de l’agriculture et le secteur informel urbain qui, ensemble, réunissent l’écrasante majorité des pauvres du pays. En 2005, l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance était estimée à -1,03 pour l’ensemble de la période. Avec un taux de pauvreté de 53,2 %, une augmentation de 1 % de la consommation par habitant des ménages avait entraîné une baisse de la pauvreté d’environ 0,5 point de pourcentage. En outre, la croissance a non seulement eu un impact très positif sur l’incidence de la pauvreté, mais a généré une amélioration encore plus significative des indicateurs de profondeur et de gravité de la pauvreté. 5 Figure 1 : Élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance Indice numérique de pauvreté Écart de pauvreté Carré de l’écart de pauvreté Source : Les calculs des auteurs basés sur CWIQ-2005, ENBC-2007/2008 et ECVMA-2011 16. Le secteur agricole a connu une forte croissance globale au cours de la période 2005-2011, mais en 2004 et en 2008, de graves chocs liés à la sécheresse ont eu un impact profondément négatif sur les pauvres. Les indicateurs généraux de croissance sectorielle étaient très positifs. La production agricole a augmenté à un taux annuel moyen de 6,7 % et, en raison de son importance économique globale, l’agriculture est le secteur qui a le plus contribué à la croissance du PIB durant cette période. En outre, la diminution de 4 points de pourcentage observée dans la pauvreté rurale est directement imputable aux solides performances de l’agriculture. Alors que le secteur dans son ensemble s’est bien comporté durant toute la période (à l’exception des deux années de sécheresse), le secteur de l’élevage est resté à la traîne. La production animale a augmenté à un taux annuel moyen de seulement 3 % entre 2005 et 2011, alors que le secteur représente pas moins de 12,5 % du PIB. Le potentiel du secteur de l’élevage reste largement inexploité. Le Nigeria et d’autres pays de la région disposent de marchés de consommation importants et en croissance, mais la combinaison des restrictions commerciales, des coûts de transaction élevés et d’une infrastructure de transport médiocre limite grandement les exportations de bétail. 17. Les industries extractives ont également connu une croissance solide durant la période, avec des taux de croissance particulièrement élevés enregistrés après 2009. Bien que les industries extractives aient tendance à être à haute intensité de capital, dépendantes des importations et orientées vers l’exportation, les ménages urbains continuent de bénéficier, à la fois directement et indirectement, de la croissance du secteur. Les industries extractives stimulent la croissance dans le secteur des services non marchands et génèrent des recettes publiques substantielles, qui ont permis à l’État d’accroître ses dépenses d’investissement, d’augmenter les salaires du secteur public et d’élargir l’offre de services sociaux. Dans tous les cas, ces avantages ont principalement bénéficié aux résidents urbains. 6 Tableau 3 : Croissance du PIB par secteur, 2005-2011 Au cours de la période Moyenne annuelle 2005- 2007/2008- 2005- 2005- 2007/2008- 2005- 2007/2008 2011 2011 2007/2008 2011 2011 Secteur primaire 24,7 9,3 36,3 9,2 2,6 5,3 Agriculture 36,9 8,1 48,0 13,4 2,2 6,7 Élevage 12,1 6,3 19,2 4,7 1,8 3,0 Foresterie et pêche -1,8 25,7 23,5 -0,7 6,8 3,6 Secteur secondaire 3,3 33,0 37,3 1,3 8,5 5,4 Activités extractives -1,0 77,4 75,5 -0,4 17,8 9,8 Activités manufacturières 4,7 19,3 24,8 1,8 5,2 3,8 Électricité, gaz et eau -10,7 32,7 18,5 -4,4 8,4 2,9 Construction 11,5 28,6 43,5 4,5 7,5 6,2 Secteur tertiaire 3,7 18,7 23,1 1,5 5,0 3,5 Commerce 5,4 17,8 24,1 2,1 4,8 3,7 Transports et communications 5,0 27,7 34,1 2,0 7,2 5,0 Autres services -6,3 8,5 1,6 -2,6 2,4 0,3 Administration publique 12,2 23,7 38,8 4,7 6,3 5,6 PIB par rapport aux coûts des facteurs 13,0 15,7 30,7 5,0 4,3 4,6 Source : Calculs des auteurs basés sur les données de l’INS 18. À moyen terme, les industries extractives devraient apporter une contribution de plus en plus importante à la croissance du Niger. La production de pétrole a commencé en 2011 et devrait s’accélérer, tandis que l’ouverture de deux nouvelles mines d’uranium en 2013/2014 devrait faire du Niger le deuxième producteur mondial d’uranium. Même si les industries extractives entraînent une dynamique positive de l’emploi et des revenus, le secteur n’est pas aussi structurellement favorable aux pauvres que l’agriculture. Ce sont plutôt les politiques publiques qui constituent le principal mécanisme permettant à la croissance dans les industries extractives de se traduire en une réduction de la pauvreté. 19. Le modèle de croissance économique au Niger entre 2005 et 2011 explique en grande partie les tendances de la pauvreté observées. La robuste production agricole a stimulé les revenus ruraux et réduit la pauvreté monétaire dans les zones rurales, même si la portée limitée des services publics dans les zones rurales a contribué à maintenir la pauvreté non monétaire essentiellement inchangée. En même temps, la combinaison d’une croissance du secteur des services urbains et d’une expansion de l’administration publique (les emplois du secteur public ont augmenté de 5,6 % au cours de la période) a généré des améliorations dans les conditions de vie en milieu urbain, qui ont induit un recul de la pauvreté urbaine non monétaire. 7 Chapitre 2 : Inégalité et structure de la consommation des ménages 20. L’élément clé manquant dans cette évaluation est l’inégalité. Lors de l’analyse des tendances de l’inégalité, il est important de garder à l’esprit que les différents indicateurs ont chacun leurs propres avantages et inconvénients. L’indicateur d’inégalité le plus populaire, l’indice de Gini, mesure les changements dans la distribution globale des revenus. D’autres indices statistiques se concentrent sur des intervalles spécifiques de la distribution des revenus. Les indicateurs d’inégalité-classe d’indices d’entropie généralisée varient en fonction d’un paramètre α, dont la valeur détermine les propriétés de l’indicateur. Pour α = 0, l’indicateur est égal au logarithme moyen de la variance et est sensible aux variations entre les faibles revenus. Pour α = 1, l’indicateur est égal à l’indice de Theil et est sensible aux variations dans la distribution des revenus. Pour α = 2, l’indicateur est sensible aux variations des revenus élevés (Ferreira et Litchfield, 1999). Compte tenu de la complémentarité des propriétés des indicateurs d’inégalité, tous les quatre sont utilisés dans cette analyse afin de mieux comprendre l’évolution des inégalités au Niger. 21. L’analyse de la distribution de la consommation par déciles révèle des caractéristiques importantes des tendances de l’inégalité au Niger. Comme le montre le 8 22. ci-dessous, au cours de la période 2005-2011, la consommation des ménages par habitant a diminué pour les trois déciles inférieurs, et fortement augmenté pour les trois déciles supérieurs. Cette tendance soutient les évaluations précédentes indiquant que la profondeur et la gravité de la pauvreté ne s’amélioraient pas malgré le recul de l’incidence globale de la pauvreté4. La situation qui était stable au cours de la période 2005 à 2007/2008 a même empiré au cours de la période 2007/2008 à 2011, lorsque les niveaux moyens de consommation par habitant des ménages les plus pauvres ont diminué alors qu’on enregistrait une hausse considérable parmi les plus riches. Il est intéressant de noter que les 10 % les plus aisés ont enregistré la croissance la plus importante de la consommation des ménages. 4 Ibid . 9 Encadré 1 : Indicateurs d’inégalité Considérant une distribution (consommation, dépenses ou revenus) par ménages ou individus , pour une population de taille , nous appelons ( ) la moyenne de cette distribution. L’indice de Gini est l’indice d’inégalité le plus communément utilisé. Il est obtenu par la formule suivante : ∑ | | ( ) L’indice de Gini n’a aucune propriété essentielle et ne peut être décomposé entre les différents sous- groupes d’une population. En revanche, les indices d’entropie généralisée ont cette propriété et sont calculés à l’aide de la formule générale suivante : ( ) [ ∑( ) ] ( ) Pour les valeurs du paramètre α égales à 0 et 1, la règle de L’Hôpital est utilisée pour obtenir la formule. Pour les valeurs supérieures ou égales à 2, la formule est directe. Pour α = 0, nous obtenons donc : ( ) ( ) ∑ ( ) Pour α=1, nous avons l’indice de Theil avec la formule suivante : ( ) ∑ ( ) ( ) ( ) Et enfin, pour α = 2, nous avons : ( ) ∑[ ( )] ( ) 23. Au terme de la période 2005-2011, la consommation par habitant avait modérément augmenté pour les ménages vivant dans l’extrême pauvreté (les 30 % les plus pauvres), alors que les niveaux de consommation avaient augmenté plus rapidement dans tous les autres groupes de revenu. Le décile le plus élevé enregistrait une fois de plus la plus forte augmentation de la consommation, et la structure générale de la consommation s’était déplacée en faveur des ménages du décile supérieur, au détriment de ceux de la moitié inférieure de la distribution de la consommation. En 2005, les 30 % les plus pauvres de la population partageaient près d’un sixième de la consommation totale. Six ans plus tard, cette part était descendue à un septième. Par contre, la part de la consommation des 30 % du groupe de revenu le plus élevé avait grimpé de 49 % à plus de 51 %. 10 Tableau 4 : Distribution de la consommation des ménages par décile Consommation moyenne par habitant Décile de Structure de la consommation (francs CFA de 2011) consommation 2005 2007/08 2011 2005 2007/08 2011 1 83 988 83 205 88 123 4,1 3,9 3,9 2 111 785 111 989 118 396 5,5 5,1 5,3 3 129 776 130 976 137 856 6,4 6,1 6,1 4 148 669 149 894 155 042 7,3 7,0 6,9 5 166 339 168 327 175 708 8,2 7,8 7,8 6 185 532 188 085 198 686 9,1 8,8 8,8 7 209 191 212 728 227 515 10,3 9,9 10,1 8 240 000 248 467 262 668 11,7 11,5 11,6 9 287 425 307 749 323 767 14,1 14,3 14,4 10 471 764 550 666 564 339 23,1 25,6 24,9 Total 203 375 215 138 225 103 100,0 100,0 100,0 Source : Calculs des auteurs basés sur CWIQ-2005, ENBC-2007/2008 et ECVMA-2011 24. Cette analyse des tendances de la consommation confirme d’autres mesures montrant que l’inégalité a augmenté au Niger entre 2005 et 2011. Tous les indicateurs d’inégalité ont augmenté au cours de la période. L’inégalité s’est accentuée dans l’ensemble de la distribution de la consommation et les changements ont été particulièrement marqués entre les groupes de revenus les plus élevés et les plus bas. La question fondamentale n’est donc pas tant de savoir si l’inégalité au Niger est en hausse, mais plutôt de connaître ce qui la détermine. 25. Les tendances de l’inégalité à court et moyen terme reflètent souvent l’impact des politiques publiques ou des chocs exogènes qui affectent les revenus de certains ménages ou influencent les prix de certains types de biens. La constitution de capital humain et l’intégration économique nationale ont tendance à avoir des effets à plus long terme. La compréhension des liens entre la croissance et l’inégalité peut aider les décideurs politiques à mettre en place une stratégie et un cadre des politiques de développement soutenant une répartition plus équitable des avantages de la croissance. 26. Un certain nombre de facteurs ont affecté l’évolution de la dynamique de la consommation et de l’inégalité depuis 2005. En 2008, une flambée des prix mondiaux des produits alimentaires et pétroliers a entraîné un pic d’inflation. Entre 2007 et 2008, les prix alimentaires ont augmenté de plus de 20 % au Niger et les prix moyens des biens de consommation de plus de 10 %. Les zones urbaines ont été les principales victimes des hausses de prix, étant donné que l’économie rurale est moins monétisée : les ménages ruraux sont plus susceptibles de consommer leurs propres produits et des accords de troc ou de contrepartie se substituent souvent au commerce monétaire. En 2010 et 2011, les prix du pétrole ont augmenté, avant de chuter à la fin 2011, lorsque le Niger a commencé à produire et raffiner son propre pétrole.5 Ces hausses successives des prix des denrées alimentaires et des carburants ont contribué à accentuer l’inégalité, en particulier dans les zones urbaines. 5 Le démarrage de la production de pétrole est trop récent pour avoir un impact significatif sur la période examinée dans cette analyse. 11 27. Des changements dans la politique fiscale semblent également avoir contribué à l’augmentation de l’inégalité au cours de la période. En 2010, l’État a réduit le taux marginal de l’impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) de 45 % à 35 %. Cette réduction a bénéficié aux employés salariés qui ont tendance à faire partie des travailleurs les plus aisés du pays. Le caractère régressif de cette réduction fiscale est un facteur probable de l’élargissement de l’inégalité observé dans la tranche supérieure de la distribution de la consommation. 28. Enfin, les chocs périodiques infligés au secteur agricole du Niger continuent d’affecter de manière disproportionnée les citoyens les plus pauvres du pays. La vulnérabilité des petits exploitants agricoles aux sécheresses récurrentes – ainsi qu’aux inondations, maladies, organismes nuisibles et autres menaces sporadiques pesant sur la production agricole – est vraisemblablement à l’origine de l’accroissement de l’inégalité dans la tranche inférieure de la distribution de la consommation. L’aide humanitaire et le secours apportés par l’État et ses partenaires au développement peuvent atténuer les effets les plus immédiats des chocs environnementaux sur la consommation des ménages, mais la perte à plus long terme de capital humain et physique peut s’avérer nettement plus difficile à compenser. Bien que l’augmentation de la consommation chez les ménages les plus aisés semble davantage contribuer à l’accroissement de l’inégalité que la baisse de la consommation chez les plus pauvres, du point de vue du développement, c’est ce dernier phénomène qui est le plus inquiétant. Tableau 5 : Indicateurs d’inégalité basés sur la consommation annuelle moyenne par habitant 2005 2007/08 2011 Urbaine Rurale Totael Urbaine Rurael Totale Urbaine Rurale Totale Moyenne 298 689 184 146 203 375 361 957 188 153 215 138 377 095 193 390 225 103 Médiane 247 022 167 260 176 247 287 154 168 665 177 829 304 059 173 492 186 016 Gini 33,2 24,6 28,6 34,1 26,0 31,3 25,1 34,0 31,4 EG(0) 17,9 9,9 13,4 19,0 10,9 16,0 10,2 19,0 16,0 EG(1) 19,0 10,1 14,7 19,6 11,4 17,8 10,3 19,5 17,9 EG(2) 24,4 11,5 19,8 24,2 13,4 24,7 11,6 24,4 25,1 Source : Calculs des auteurs basés sur CWIQ-2005, ENBC-2007/2008 et ECVMA-2011 12 CONCLUSION 29. Bien que le taux global de pauvreté du Niger ait diminué au cours des dernières années, les progrès du pays dans ce domaine sont fragiles : la pauvreté reste extrêmement répandue et de nombreux ménages nigériens sont hautement vulnérables aux chocs imprévisibles et dévastateurs. En outre, malgré la baisse de l’incidence de la pauvreté observée depuis 2005, le nombre absolu de personnes pauvres continue d’augmenter au Niger en raison de la rapide croissance démographique du pays, particulièrement élevée chez les ménages les plus pauvres. En 2005, quelque 6,7 millions de Nigériens vivaient en dessous du seuil de pauvreté ; en 2011, ils étaient près de 8 millions. Bien que les modestes améliorations à la fois dans la pauvreté de revenu et certains indicateurs sociaux soient encourageantes, ces tendances ne seront pas suffisantes pour permettre au Niger d ’atteindre ses objectifs du Millénaire pour le développement liés à la pauvreté d’ici à 2015. 30. Il y a de nombreuses causes à la persistance des hauts niveaux de pauvreté au Niger. La faible diversification de l’économie du pays et sa dépendance vis-à-vis de l’agriculture pluviale constituent un facteur contributif majeur. Le secteur agricole est très volatile, et même si la croissance de la productivité a tendance à être largement favorable aux pauvres, la vulnérabilité du secteur aux chocs exogènes représente une menace constante pour la soutenabilité des revenus ruraux. Les faibles niveaux de diversification restreignent aussi les opportunités économiques disponibles pour les personnes, et de nombreux travailleurs ruraux subissent une situation chronique de sous-emploi saisonnier. Les faiblesses de l’infrastructure de base contribuent également à cette étroitesse de l’activité économique. Enfin, les taux de fécondité élevés du Niger, en particulier chez les ménages ruraux pauvres, ont tendance à exacerber à la fois la pauvreté et l’inégalité. 31. La persistance de taux élevés de pauvreté n’est pas inévitable et, au cours des dernières années, les autorités ont lancé une série d’initiatives visant à transformer l’économie nationale. Parmi les initiatives les plus ambitieuses figure le projet de barrage de Kandadji, qui devrait assurer à la fois l’électrification et l’irrigation d’une large partie des campagnes. De son côté, le programme « 3N » (« Les Nigériens Nourrissent les Nigériens ») propose une stratégie de développement rural multidimensionnelle, même si elle n’a pas encore été complètement mise en œuvre. Le taux de fécondité élevé du pays non seulement limite la croissance du revenu par habitant, mais exerce également une pression constante sur les infrastructures et les services publics, et les efforts de développement de l’État devraient être renforcés par un plan complet de gestion de la croissance démographique tant à moyen qu’à long terme. Dans ce contexte, les décideurs politiques doivent continuer à travailler pour améliorer la qualité de l’éducation et des soins de santé et élargir l’accès à ces services, en particulier dans les communautés rurales éloignées. 32. Les mesures visant à stabiliser le secteur agricole et à stimuler sa capacité de production seront cruciales pour la réduction durable de la pauvreté. La dépendance écrasante des ménages pauvres, ainsi que de ceux vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté, vis-à-vis d’un secteur agricole structurellement volatile constitue une grave menace pour les progrès modestes, mais néanmoins importants, réalisés par le Niger dans la réduction de la pauvreté. L’investissement dans les infrastructures rurales, en particulier l’irrigation, et les services de vulgarisation peuvent contribuer à atténuer les chocs 13 infligés à la production agricole, mais le climat imprévisible du Niger et ses ressources en eau limitées continueront à restreindre la productivité. En outre, la croissance de la population dans le secteur rural constitue également un grave problème à long terme, dans la mesure où les terres agricoles les plus productives sont déjà cultivées et où l’expansion continue de la population rurale contraint les agriculteurs plus jeunes à se tourner vers des terres de plus en plus marginales. Si rien n’est fait pour remédier à la situation, cette tendance aura des conséquences profondément préoccupantes pour la pauvreté, la sécurité alimentaire et l’avenir des écosystèmes sahéliens fragiles du Niger. 33. En fin de compte, les industries extractives du Niger pourraient constituer l’opportunité la plus valable du pays pour une croissance durable. Avec la mise en production des nouvelles mines d’uranium et la poursuite de l’exploitation des gisements pétroliers du pays, ce secteur pourrait se convertir en une source d’emploi importante et apporter à l’État les ressources nécessaires pour financer l’expansion des infrastructures et services essentiels. Toutefois, ces effets positifs ne peuvent être considérés comme acquis et les autorités du Niger doivent continuer à renforcer le cadre institutionnel et des politiques pour la gestion des ressources naturelles, si elles souhaitent exploiter le potentiel du secteur pour promouvoir une croissance inclusive diversifiée et une réduction durable et généralisée de la pauvreté. 14 Annexe A : Santé publique et pauvreté au Niger Dans cette étude, les variables de santé n’ont pas été prises en compte dans le calcul de l’indicateur de bien-être, mais elles peuvent fournir une mesure importante du bien-être des ménages et révéler une dimension clé de la pauvreté. En 2005, environ 60 % des personnes interrogées signalaient avoir été récemment malades, mais n’avoir pas recherché des soins de santé. En 2011, cette part était descendue à 50 % des personnes interrogées. Un accès insuffisant aux soins de santé peut être dû à des contraintes du côté de l’offre, à savoir une disponibilité limitée exacerbée par un taux élevé de croissance de la population et par des déficiences dans l’infrastructure complémentaire. Il peut toutefois aussi refléter des limitations du côté de la demande, dans la mesure où même lorsque les services sont disponibles, les ménages peuvent ne pas avoir les moyens de se les payer. De même, de longues durées de déplacement, des services de mauvaise qualité et d’autres facteurs peuvent dissuader les personnes d’utiliser les installations de santé. D’un autre côté, l’accès des femmes enceintes aux soins de santé a considérablement augmenté. Le nombre des femmes enceintes ayant déclaré avoir subi un examen prénatal est passé de 60 % en 2005 à environ 82 % en 2011. Toutefois, le pourcentage des naissances réalisées dans les centres de santé ou assistées par un personnel de santé officiellement formé demeure très bas (moins de 1 naissance sur 3), exposant ainsi les femmes et les nourrissons à des risques accrus de mortalité maternelle et infantile. En 2006, le taux de mortalité maternelle atteignait en moyenne 648 décès pour 100 000 naissances vivantes au cours de la période de neuf ans précédant l’étude. Des chiffres plus récents ne sont pas encore disponibles. La portée et la disponibilité des services du système de santé nigérien sont extrêmement limitées. Selon la Banque mondiale (2005), un manque généralisé de personnel de santé, en particulier de médecins et de sages-femmes, ainsi que d’accès aux services des soins de santé, surtout en milieu rural, comptait parmi les principaux obstacles à l’amélioration des performances du système de santé. L’étude a révélé que le personnel médical était fréquemment indisponible. Seuls 20 % des patients rencontraient un médecin lors d’une visite, tandis que 17 % des femmes enceintes voyaient une sage-femme et à peine 53 % une infirmière. En outre, le groupe relativement réduit des professionnels qualifiés de la santé du Niger préfère nettement travailler dans les villes, en particulier à Niamey, tandis que les zones rurales éloignées éprouvent beaucoup de difficultés à attirer des professionnels de la santé de qualité. En 2006/2007, le budget de la santé publique du Niger allouait 25 dollars par personne et par an, alors que la dépense durant cette même période n’atteignait que 9,4 dollars par personne et par an. Le budget de la santé s’élevait à 121,8 millions de dollars en 2008 et était pratiquement au même niveau en 2010. 15