Précis D É P A R T E M E N T D E L É V A L U A T I O N D E S O P É R A T I O N S P R I N T E M P S 1 9 9 9 N U M É R O 1 9 2 Réforme du secteur de l'électricité en Bolivie L ORSQUE LA BANQUE MONDIALE EN A APPROUVÉ LE financement en 1987, le Projet de réhabilitation du secteur de l'électricité bolivien devait seulement améliorer l'exploitation de l'Empresa Nacional de Electricidad S.A. (ENDE), entreprise publique d'électricité. Une évaluation récente de l'OED montre que les relations opérationnelles établies dans le cadre du projet ont en outre permis à la Banque de participer à une réforme radicale du secteur bolivien de l'électricité, sous la forme d'un programme de privatisation qui a accru l'efficience du secteur. Les objectifs du projet -- réhabilitation des réforme, jugeant que le secteur était déjà équipements de l'entreprise, amélioration de efficace. Le secteur de l'électricité bolivien l'efficience financière et administrative, et était en effet plus performant que celui des préparation d'un plan directeur pour le pays voisins. La Bolivie n'a jamais connu développement du secteur à l'horizon les pénuries et les pannes qui ont poussé à la 2010 -- avaient déjà été pratiquement privatisation dans d'autres pays d'Amérique atteints en 1992. Pendant les deux dernières latine (notamment en Argentine et au années du projet, l'élection d'un Pérou). Avec l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement réformiste a fourni à la nouveau gouvernement en 1993, toutefois, Banque l'occasion d'élargir le dialogue la résistance au changement a cessé, et la sectoriel avec les pouvoirs publics et de réforme est devenue possible. L'idée en avait contribuer ainsi au lancement d'une vaste été lancée en 1991 à Cocoyoc (Mexique), réforme. lors d'une conférence organisée conjointement par la Banque et l'OLADE Apologie de la réforme (Organisation latino-américaine de La Banque avait recommandé à la Bolivie l'énergie) à l'intention des ministres de privatiser le secteur de l'électricité dès d'Amérique latine responsables du secteur 1989, mais sans grand succès. À l'époque, de l'électricité. Dans les années qui ont le gouvernement résistait à l'idée d'une suivi, la Banque a continué d'apporter à la 2 Département de l'évaluation des opérations de la Banque mondiale Bolivie un solide appui technique, qui a culminé en Le 28 octobre 1994, une autre loi a défini le mode de mai 1993 avec l'organisation d'un séminaire sur la réforme réglementation de divers secteurs en créant des organes de du secteur de l'électricité, avec la participation de hauts contrôle distincts pour l'électricité, les télécommunications, responsables gouvernementaux et des dirigeants de toutes les hydrocarbures, le transport et l'eau tandis que les entreprises boliviennes concernées. Pendant toute cette le 21 décembre 1994, une troisième loi fixait les conditions période, les missions de supervision du Projet de d'exploitation du secteur de l'électricité. D'autres régimes réhabilitation du secteur de l'électricité ont plaidé en faveur réglementaires ont été mis en place pour le secteur finan- de l'élargissement des objectifs du projet pour appuyer les cier, la foresterie, les terres agricoles et les ressources efforts de réforme du gouvernement. renouvelables. En application de la nouvelle structure sectorielle, les Avant la réforme actifs d'ENDE ont été partagés entre trois sociétés de pro- Jusqu'en 1994, le secteur de l'électricité était régi par le duction qui ont été vendues à des investisseurs privés : Código de Electricidad (Code de l'électricité) promulgué Corani, Valle Hermoso et Guaracachi. Les actifs de par décret en 1968 et amendé par la suite. La politique de COBEE ont eux aussi été répartis entre plusieurs sociétés l'énergie relevait du ministère de l'Énergie et des distinctes de production et de distribution, vendues à des Hydrocarbures, qui était également responsable de la soumissionnaires privés. ENDE a également créé une réglementation du secteur par l'intermédiaire de la société de transport qu'elle a ensuite privatisée. Les filiales Dirección Nacional de Electricidad (DINE). Plusieurs de distribution d'ENDE et de COBEE ont été totalement entreprises d'électricité opéraient dans le pays : ENDE était privatisées. Il est prévu que ENDE sera liquidée dans deux chargée de la production et du transport, et COBEE, ans environ après que les installations restantes -- qui société privée américaine, était responsable de la produc- servent Sucre, Potosí, Tarija, Cobija et d'autres systèmes tion et de la distribution dans la région de La Paz et ruraux -- auront été progressivement privatisées. d'Oruro. Deux coopératives rurales privées contrôlaient la La Bolivie a suivi pour la privatisation des entreprises distribution à Santa Cruz et à Sucre. Deux filiales d'ENDE publiques du secteur de l'électricité un modèle original. étaient chargées de la distribution à Cochabamba et à Elle a vendu à des investisseurs privés 50 % des actions des Potosí. sociétés publiques nouvellement créées et environ 2 % au Plusieurs problèmes freinaient le développement du personnel des entreprises. Le reste des actions a servi à secteur. Les structures institutionnelles et le régime créer deux fonds pour le paiement de pensions aux citoyens réglementaire n'étaient pas de nature à inciter les de plus de 65 ans. Ce modèle incluait également un contrat entreprises de production et de distribution à devenir plus permettant aux investisseurs privés de prendre le contrôle efficaces et à fixer leurs tarifs en fonction du coût marginal, de la gestion des entreprises et autorisant les sociétés à promouvoir la concurrence et à encourager la participa- privatisées à conserver le produit de la vente de leurs ac- tion du secteur privé. Les procédures d'octroi et de tions, généralement à des acheteurs étrangers, à condition renouvellement des autorisations d'exploitation de l'affecter à de nouveaux projets commerciaux. manquaient de transparence. Il y avait conflit entre les La restructuration du secteur a créé un nouveau cadre divers rôles d'ENDE, puisque celle-ci était à la fois le institutionnel plus solide. La Surintendance de l'électricité, régulateur de facto (du fait de la faible capacité de la organisme autonome doté de son propre budget, est DINE), le planificateur du système et le principal chargée d'assurer le respect de la réglementation sectorielle producteur. Relevant des municipalités, le processus et d'approuver les tarifs. Le Surintendant général contrôle d'approbation des tarifs s'était politisé, d'où des distorsions l'efficience de tous les secteurs réglementés, dont tarifaires entre les différentes régions et catégories l'électricité, et tranche en appel les cas qui n'ont pu être d'usagers. Même si, d'une manière générale, ENDE résolus par le Surintendant de l'électricité. Le Comité na- exploitait le système de production et de transport tional de répartition de la charge (Comité Nacional de d'électricité avec efficacité et un degré raisonnable de Despacho de Carga), composé de cinq représentants des fiabilité, certains signes avaient commencé au début des sociétés de production, de transport et de distribution, des années 90 à témoigner d'une dégradation de l'efficience usagers non réglementés et de la Surintendance de (pertes de 16,6 % en 1990, contre 11,6 % en 1986). l'électricité, est chargé de la planification à moyen terme (quatre ans) et de la répartition hebdomadaire et Les clés du succès quotidienne de la production. La répartition est faite La clé du succès de la réforme du secteur de l'électricité se suivant le principe du coût marginal. Le comité national trouve dans le cadre juridique et réglementaire mis en est aussi chargé de soumettre tous les six mois au place en 1994. La loi sur les capitalisations du 21 mars Surintendant de l'électricité des propositions de prix de 1994 a ouvert les entreprises étatiques aux capitaux privés. base pour la production d'électricité. Précis 3 La nouvelle structure institutionnelle a effectivement s Les usagers n'ont pas vu les tarifs d'électricité permis de décentraliser le contrôle du secteur, et le nouveau augmenter (exception faite d'ajustements pour tenir régime réglementaire a mis en place un secteur compte de l'inflation et des prix des combustibles) et indépendant, privatisé. Bien que le nouveau système peuvent désormais s'adresser directement aux sociétés n'existe que depuis peu de temps, les observateurs, tant en d'électricité par l'intermédiaire de bureaux chargés de Bolivie qu'à l'extérieur, estiment que la réforme du secteur traiter les réclamations des consommateurs. On s'attend de l'électricité est un succès. à une amélioration considérable de la qualité du service une fois que la nouvelle réglementation de la qualité Les gagnants et les perdants sera pleinement appliquée dans les trois années à venir. La réforme du secteur de l'électricité a fait cinq gagnants : Les principaux perdants sont jusqu'ici les zones s L'économie bolivienne y a gagné de nouveaux apports rurales. La réforme n'a pas conduit à une amélioration tan- de capitaux étrangers. Les investisseurs privés ont payé gible de la situation dans ces régions, dont environ 1 600 millions de dollars pour obtenir le l'approvisionnement en électricité continue de dépendre de contrôle de toutes les entreprises mises en vente. l'administration centrale et locale. Les sociétés privées s Le Trésor bolivien a vu les recettes fiscales provenant du semblent actuellement réticentes à étendre leurs services à secteur de l'électricité (impôts sur le chiffre d'affaires et des zones économiquement peu attrayantes, à moins que le sur les bénéfices) augmenter de 247 % en trois ans gouvernement soit prêt à fournir des subventions sous une (environ 42 millions de dollars en 1997 contre 17 mil- forme ou une autre. lions de dollars en 1994). En outre, le service de la dette d'ENDE garantie par l'État (environ 61 millions de dol- Leçons lars) a été transféré aux sociétés privées. Comme le montre clairement le projet, pour attirer des s Les investisseurs privés ont bénéficié de taux annuels de capitaux privés, la taille du secteur ou le développement rentabilité allant jusqu'à 14 % et vu le prix de leurs ac- relatif du pays compte moins que l'existence d'un système tions monter substantiellement. Par exemple, le prix du réglementaire en bonne et due forme, d'institutions fortes et petit volume d'actions de Corani cotées à la bourse autonomes pour faire appliquer ce système, et d'un bolivienne est passé de 100 bolivianos par action en gouvernement résolu à respecter ses engagements. En 1994 (juste après la privatisation) à 215 bolivianos en outre, le projet démontre la nécessité d'inclure dans la 1998. Le cours des actions de COBEE est passé de réforme des mesures spécifiquement adaptées aux régions 25 dollars en 1994 à 43 dollars en 1996. périurbaines et rurales qui n'ont pas encore l'électricité. s Les personnes âgées reçoivent désormais une petite S'en remettre aux administrations centrales et locales pour pension annuelle grâce aux fonds créés dans le cadre assurer l'approvisionnement de ces zones peut ne pas être de la privatisation. En 1997, chacune a reçu 248 une solution satisfaisante si l'on n'a pas mis en place des dollars. modalités de financement viables. D'après le travail d'évaluation effectué par Alain Barbu et Luis Luzuriaga pour l'OED en 1998.