L’AFRIQUE SE TRANSFORME Plus de financements pour viser plus haut VOLUME 2 4 L’AFRIQUE SE TRANSFORME Plus de financements pour viser plus haut VOLUME 2 84 60 22 16 74 30 32 78 62 82 46 66 58 24 54 44 10 76 68 72 42 12 34 26 52 14 28 70 40 56 36 80 50 20 18 48 Table des matières RENFORCER RENFORCER DÉVELOPPER LE CAPITAL HUMAIN LES MARCHÉS LES INFRASTRUCTURES 10 BÉNIN 40 BURUNDI 66 BURKINA FASO Oser tous les métiers Protéger l’environnement Un meilleur accès à l’eau 12 CAMEROUN 42 CÔTE D’IVOIRE 68 ÉTHIOPIE Aide humanitaire et aide Une agriculture disruptive Énergie et égalités hommes-femmes au développement 44 GHANA 70 KENYA 14 RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE Vers une agriculture durable Promouvoir l’investissement privé DU CONGO 46 GUINÉE 72 LIBÉRIA Lutter contre les violences Investir dans la productivité Étendre l’accès à l’électricité faites aux femmes agricole 16 GAMBIE 74 MALI 48 LESOTHO Favoriser la mobilité rurale La technologie au service Soutenir les petits exploitants de l’éducation 76 RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE agricoles 18 MADAGASCAR Produire de l’énergie solaire 50 MALAWI à grande échelle Vers une réforme de l’éducation Développer l’irrigation nationale 78 SÉNÉGAL 52 RÉPUBLIQUE DU CONGO Un meilleur accès à l’eau 20 MOZAMBIQUE Encourager l’agrobusiness L’obligation de résultat 80 ZAMBIE dans la santé et l’éducation 54 SIERRA LEONE Une énergie solaire à grande échelle Un secteur minier plus 22 NIGER 82 AFRIQUE DE L’OUEST transparent Apprendre un métier aux jeunes Lutter contre l’érosion côtière 56 TANZANIE 24 NIGÉRIA AFRIQUE SUBSAHARIENNE Un tourisme écoresponsable 84 Éradiquer la polio Moderniser les services météo 58 TOGO 26 OUGANDA Révolutionner l’industrie Réfugiés : un soutien renouvelé de la volaille 28 RWANDA 60 AFRIQUE DE L’OUEST Aider à sortir de la pauvreté Faciliter l’accès à la propriété 30 TCHAD 62 AFRIQUE DE L’OUEST Accueillir et intégrer Transformer le paysage les réfugiés énergétique 32 AFRIQUE DE L’OUEST ET SAHEL Autonomisation des filles 34 AFRIQUE DE L’OUEST ET AFRIQUE CENTRALE Former les chercheurs africains 36 AFRIQUE SUBSAHARIENNE Anticiper les pandémies ENSEMBLE, TRANSFORMONS L’AFRIQUE De l’innovation de pointe dans les services financiers mobiles à la conversion à grande échelle aux énergies renouvelables, en passant par le renforcement du capital humain : aux quatre coins de l’Afrique, des pays poursuivent des objectifs de développement ambitieux. La Banque mondiale accompagne leurs aspirations, avec le soutien sans faille des partenaires au développement. Dans le cadre de la 18e reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement (IDA), le fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres, une enveloppe de 45 milliards de dollars a été allouée à 39 pays d’Afrique subsaharienne. IDA-18 marque un montant record de contributions et fait de l’IDA une source primordiale d’aide au développement. Surtout, elle traduit l’engagement inébranlable pris par l’institution, devant ses clients et ses partenaires, de catalyser la transformation et d’accélérer les progrès. Nous nous sommes immédiatement mis au travail. Dès la première année du cycle d’IDA-18, nous avons investi 15,4 milliards de dollars dans des nouveaux projets et programmes en Afrique, soit un montant supérieur de 50 % à la moyenne annuelle d’IDA-17. Jamais nous n’avions engagé autant de ressources en une seule année. Nous avons mobilisé de nouveaux financements pour aider des pays comme ■  tablie au Nigéria et au É Madagascar à renforcer les systèmes éducatifs et sanitaires afin de donner aux plus Kenya, la société Andela jeunes un bon départ dans la vie. Nous soutenons les efforts des pays du Sahel pour participe au dynamisme faire reculer les mariages précoces et donner aux filles et aux femmes, à travers de l’économie numérique l’éducation et les soins de santé génésique, les moyens de leur autonomisation. en Afrique en formant des développeurs de logiciels Plus largement, nous contribuons à renforcer les compétences et l’employabilité qui sont ensuite détachés de la jeunesse africaine dans des métiers en tension susceptibles d’alimenter la comme salariés dans des diversification économique et une économie numérique en plein essor. entreprises du monde entier. © Dominic Chavez / Société  financière internationale 5 Avec IDA-18, nous apportons une aide dédiée aux réfugiés et aux communautés d’accueil dans de nombreux pays, comme le Cameroun et l’Ouganda. Nous soutenons aussi les pays ravagés par les conflits et les violences pour qu’ils puissent reconstruire leurs infrastructures essentielles et leurs services sociaux et, ce faisant, renforcer la productivité et offrir plus de perspectives économiques à leur population. Nous aidons les pays à atténuer les changements climatiques et à s’y adapter en augmentant le niveau d’investissements dans une agriculture climato-intelligente, la lutte contre l’érosion côtière et le développement des services hydrométéorologiques. L’an dernier, un niveau record de nouveaux engagements a permis d’atteindre un taux de 25 % d’avantages climatiques indirects dans l’ensemble de nos opérations, bien au-delà de notre cible initiale. Nos efforts pour faire face aux conséquences du changement climatique ont un impact mondial, comme l’illustre le programme de gestion du littoral ouest-africain. Nous développons également les marchés des énergies renouvelables pour apporter une réponse durable aux graves pénuries d’énergie. La République centrafricaine et la Zambie inaugurent leurs toutes premières centrales solaires à grande échelle tandis que le Kenya assure désormais plus de la moitié de son approvisionnement énergétique de manière écoresponsable. Les progrès sont encourageants, mais nous devons accélérer nos efforts et être encore plus ambitieux. Malgré le recul du taux de pauvreté en Afrique, l’accroissement rapide de la population, de 2,6 % par an, est à l’origine d’une hausse en valeur absolue du nombre de pauvres. La région reste confrontée à des défis impressionnants, et l’IDA est plus sollicitée que jamais. En travaillant en amont et en atténuant les risques pays grâce à notre approche de maximisation des financements, nous permettons au secteur privé d’investir davantage dans le développement de l’Afrique. Cette publication revient sur les multiples activités financées par les ressources d’IDA-18, qu’il s’agisse d’étendre des approches qui ont fait leurs preuves ou de soutenir de nouvelles initiatives ambitieuses particulièrement prometteuses. Nous vivons un moment capital pour l’Afrique et, avec le soutien réaffirmé de l’IDA, nous parvenons à faire la différence et, ensemble, à construire un avenir meilleur pour le continent. HAFEZ GHANEM ■  C e géomètre mozambicain Vice-président de la Banque effectue un relevé pour mondiale pour l’Afrique surveiller le niveau de l’eau d’un canal, afin d’anticiper et d’atténuer les risques d’inondations et de sécheresse aux alentours de la ville Xai Xai, capitale de la province de Gaza. © CIF 2014 RENFORCER LE CAPITAL HUMAIN ■ L  es investissements de l’IDA soutiennent la scolarisation et l’autonomisation socioéconomique des filles en Afrique subsaharienne. © Arne Hoel / Banque mondiale BÉNIN Ces filles qui s’imposent dans des « métiers d’hommes » ■  e plus en plus de D Dans des secteurs traditionnellement réservés jeunes filles optent aux hommes, comme le bâtiment et la pour des formations professionnelles qui les réparation automobile, la demande de main- préparent à des métiers en forte demande, d’œuvre qualifiée est forte. Grâce à la formation comme la plomberie. technique et professionnelle, les filles font fi des © Stephane Brabant / stéréotypes de genre pour saisir leur chance. Banque mondiale 10 Sur le toit d’un immeuble en construction au Camp Guézo, un quartier de Cotonou, Jaëlle Hounkanrin et ses camarades apprentis installent avec dextérité des conduites entre les « Je suis la seule fille sur le chantier mais je fais le travail qu’on me confie, comme fers à béton d’une future dalle. Très fière d’apprendre le métier de plombier, la jeune femme explique avec assurance : les garçons, et j’adore ça. « Je suis la seule fille sur le chantier mais je fais le travail » qu’on me confie, comme les garçons, et j’adore ça. » Jaëlle Hounkanrin, apprentie plombière à Cotonou Cette ancienne décrocheuse scolaire vit désormais au Centre de formation et d’apprentissage de Pahou, avec une trentaine d’autres filles qui, comme elle, apprennent des Développer le sens des affaires, métiers « masculins » et bravent ainsi les normes sociales. mais pas seulement Ce centre est l’un des 73 établissements de formation professionnelle du Bénin qui bénéficient du projet pour Au-delà de l’apprentissage, le projet accorde de petites l’emploi des jeunes, une opération financée par la Banque subventions aux jeunes pour renforcer leurs compétences mondiale à hauteur de 35 millions de dollars. Ce projet a déjà commerciales et les aider à s’insérer sur le marché du travail. aidé environ 3 500 jeunes, dont une moitié de filles, à obtenir Ainsi, 7 500 jeunes, dont une moitié de filles, ont déjà reçu leur certificat de qualification professionnelle. 200 000 francs CFA par personne (l’équivalent de quelque 370 dollars). De nombreuses filles ont été formées à des métiers « masculins ». Pour renforcer leurs effectifs, le projet Des formations ouvrant sur des débouchés propose désormais à 500 filles une formation technique et à la création de microentreprises dans des secteurs non Titulaire d’un certificat en électricité bâtiment et industrielle, traditionnels, assortie d’une aide au démarrage pour qu’elles Chantal Médégnon a choisi cette formation professionnelle puissent créer et développer leur activité. pour accéder à de meilleurs débouchés. Quand elle a arrêté ses études, au collège, elle aurait pu s’orienter comme tant Les financements qui seront alloués à trois nouveaux projets d’autres vers la coiffure ou la couture, mais elle n’a pas été au titre d’IDA-18 permettront d’entretenir cette dynamique. très emballée par ces métiers encombrés : « Au moins, dans le bâtiment, il y a toujours de la demande et on passe d’un Le projet d’éducation pour l’emploi poursuivra les activités site à l’autre », explique-t-elle. engagées en aidant davantage de jeunes, dont des filles, à acquérir les compétences recherchées dans les secteurs Si les jeunes Béninoises sont encore peu nombreuses à prioritaires de l’économie, où la demande de main-d’œuvre travailler dans la mécanique auto, l’électricité, le froid et qualifiée est en constante augmentation. Le projet d’inclusion la climatisation, le soudage et même le bâtiment, celles des jeunes mettra l’accent sur les services dans le but de qui ont fait ce choix excellent dans les filières de formation favoriser l’insertion économique et sociale de la jeunesse professionnelle et font des émules. dans diverses communautés. Enfin, le Bénin rejoindra un autre projet axé sur l’autonomisation économique des « Nous voulons nous débarrasser des normes sociales qui, femmes et le dividende démographique au Sahel qui, entre cumulées, dissuadent les filles de se lancer dans des métiers autres formes de soutien, aide les filles à accéder aux études habituellement occupés par des hommes. Le parcours scientifiques et technologiques et aux secteurs prioritaires de celles qui ont suivi ces formations nous conforte dans de l’économie. notre volonté d’inciter les femmes à avoir confiance en elles et à exploiter au mieux leur potentiel », souligne Maxime Sogbossi, coordinateur du projet. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 11   CAMEROUN Associer aide humanitaire et développement local ■  adjidjatou et six H Pour aider les pays pauvres à répondre aux de ses dix enfants, besoins des réfugiés comme des communautés à Kouba, dans la région de l’Est du Cameroun. d’accueil, la Banque mondiale a débloqué une  Odilia Hebga / © enveloppe de 2 milliards de dollars dans le cadre Banque mondiale d’un nouveau sous-guichet régional pour les réfugiés mis en place au titre d’IDA-18. En mai 2018, le Cameroun a été le premier pays à bénéficier de ce mécanisme. 12 Hadjidjatou Djibrilla vit dans la pauvreté, comme la plupart des habitants de la commune de Kouba, dans la région Est du Cameroun. Cette Centrafricaine de 38 ans est réfugiée « Je me sens en sécurité ici et mes enfants grandissent en paix. La guerre depuis 12 ans. Elle a été contrainte de fuir son pays lorsque les combats entre les troupes gouvernementales et les n’est pas finie chez moi, alors pourquoi forces rebelles se sont intensifiés. rentrer ? » Le Cameroun est le 13e plus grand pays d’accueil de Hadjidjatou Djibrilla, réfugiée vivant à Kouba réfugiés au monde et le septième en Afrique. Pratiquement 350 000 réfugiés étaient recensés sur son territoire en février 2018, les Centrafricains représentant 20 % de la population dans la région Est et 6 % dans la région de supplémentaires spécialement dédiées aux réfugiés et aux l’Adamawa. La plupart ne rentreront probablement jamais communautés d’accueil « permettront de cibler directement chez eux. ces personnes dans les projets en cours, mais aussi d’aider des pouvoirs publics bien souvent dépassés par l’afflux des « Je ne veux plus repartir », confie Hadjidjatou, émue. « Je me réfugiés au niveau régional ». sens en sécurité ici et mes enfants grandissent en paix. La guerre n’est pas finie chez moi, alors pourquoi rentrer ? » Kouassi Lazare Etien, représentant du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Cameroun, Plus de la moitié des réfugiés dans le monde le sont depuis estime que « cette nouvelle approche montre que la présence plus de quatre ans. Il ne s’agit donc plus de traiter cette de réfugiés peut également contribuer au développement situation comme une crise humanitaire ponctuelle mais des communautés hôtes ». bien d’apporter une solution durable, qui permette d’offrir un nouveau départ à ces hommes, femmes et enfants, tout en atténuant les pressions auxquelles sont soumises les Aider les réfugiés et les communautés communautés d’accueil, elles-mêmes très pauvres. d’accueil Un nouveau mécanisme de financement Ainsi, la troisième phase du Programme national de développement participatif permettra d’améliorer les Pour aider les pays pauvres à répondre aux besoins des activités de développement communautaire et de renforcer réfugiés comme des communautés d’accueil, la Banque les capacités de gestion et d’accueil des administrations mondiale a débloqué une enveloppe de 2 milliards de dollars locales. Il s’agit de prendre en compte les préoccupations dans le cadre d’un nouveau sous-guichet régional pour les des réfugiés dans les décisions municipales, pour intervenir réfugiés mis en place au titre d’IDA-18. sur les questions délicates telles que les violences faites aux femmes ou l’accès au foncier. En mai 2018, le Cameroun a été le premier pays à bénéficier de ce mécanisme, qui lui versera 274 millions de dollars Les activités au titre du projet de filets sociaux seront pour intégrer la question des réfugiés et des populations intensifiées dans les régions d’accueil, pour permettre d’accueil dans le financement de quatre projets existants aux réfugiés d’accéder au système national de protection dans les secteurs du développement communautaire, de la sociale, à des aides à l’emploi et autres services, en leur protection sociale, de l’éducation et de la santé. Il fait partie délivrant notamment une pièce d’identité. des huit pays pilotes sélectionnés (République du Congo, Djibouti, Éthiopie, Niger, Ouganda, Pakistan et Tchad) pour Enfin, le projet d’appui à la réforme de l’éducation soutiendra tester ce nouveau soutien intégré. les efforts du ministère de l’Éducation de base pour aider les écoles de ces régions à réintégrer les enfants dans un cursus Elisabeth Huybens, directrice des opérations de la Banque normal ou dans des programmes d’éducation spéciale, mondiale pour l’Angola, le Cameroun, la Guinée équatoriale, le déployer davantage d’enseignants rémunérés par l’État et Gabon et Sao Tomé-et-Principe, explique que ces ressources accroître le nombre de manuels scolaires disponibles. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 13 RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Lutter contre les violences faites aux femmes ■ Séance de Dans la région africaine des Grands Lacs, musicothérapie la Banque XXX mondiale intensifie son action à la Maison Dorcas, un centre communautaire pour aider les femmes victimes de violences dépendant de l’hôpital de Panzi. et pour endiguer ce phénomène. L’accent est désormais mis sur la prévention et l’implication © Naama Haviv / Hôpital et fondation de Panzi des communautés pour faire évoluer les normes sociales. 14 Les femmes de la région des Grands Lacs payent un lourd tribut aux conflits qui sévissent dans cette partie de l’Afrique de l’Est. Dans l’est de la République démocratique « Il est absolument vital de donner des moyens d’action aux organisations du Congo (RDC), l’insécurité fait partie du quotidien et les services publics sont limités. Le Burundi a progressé sur la communautaires et de les mobiliser voie de la paix, mais les niveaux de pauvreté sont toujours dans la lutte contre les violences élevés et les violences sexuelles et sexistes sont monnaie courante. Mais au Rwanda, des avancées spectaculaires sexistes. ont été réalisées depuis le milieu des années 90 et le pays Jean‑Christophe Carret, directeur des opérations prévoit de redoubler d’efforts pour lutter contre les violences de la Banque mondiale pour la République à l’égard des femmes et des enfants. » centrafricaine, la RDC et la République du Congo En 2014, le projet d’urgence consacré à la prise en charge des violences sexuelles et sexistes et de la santé des femmes dans la région des Grands Lacs a été la première opération République centrafricaine, la RDC et la République du Congo. de la Banque mondiale en Afrique à proposer des services « L’absence d’autonomie économique étant l’une des causes intégrés aux femmes victimes de violences. Depuis, la RDC, des violences à l’encontre des femmes, le projet s’efforcera, le Burundi et le Rwanda ont reçu 107 millions de dons de à travers l’épargne et des activités rémunératrices à l’échelle l’IDA pour mettre en place des services de santé, de conseil, communautaire, de créer des moyens de subsistance et des et d’assistance juridique afin de soutenir l’autonomisation débouchés économiques. » économique des victimes. Le projet avait aussi pour but de renforcer les services de santé pour les femmes pauvres et vulnérables de la région. Des services pour les victimes, un soutien pour tous L’affaire de tous Ce nouveau projet concernera directement 795  000 Rien qu’en RDC, 40 000 personnes dont 29 000 femmes ont bénéficiaires au cours des quatre prochaines années, dont bénéficié de ces services, mais il reste beaucoup à faire pour 400 000 femmes et filles. endiguer le fléau des violences sexistes. C’est pourquoi, en août 2018, la Banque mondiale a décidé d’allouer un nouveau Le projet prévoit le déploiement d’un nombre important financement de 100 millions de dollars provenant de l’IDA à d’acteurs locaux (hommes et femmes), qualifiés et reconnus la RDC pour prévenir les violences faites aux femmes dans dans leur domaine : assistants juridiques, travailleurs le pays. sanitaires et sociaux, enseignants et responsables religieux. Ces équipes mettront en œuvre des activités de prévention Le nouveau projet de prévention et de lutte contre les dans les régions ciblées de quatre provinces de l’est du violences sexistes confortera les acquis du projet régional pays. Par ailleurs, des lieux communautaires sûrs seront des Grands Lacs et visera à faire évoluer les normes sociales créés pour les femmes et les filles, où les victimes pourront en promouvant l’égalité hommes-femmes et en suscitant des accéder à une aide psychosociale et d’autres services de changements de comportement. Il s’appuiera à cette fin sur soins spécifiques. une collaboration étroite avec les organisations de la société civile. Dans un pays où 75 % des femmes et 60 % des hommes En outre, le projet s’appuiera sur l’expertise des centres trouvent normal qu’un mari batte sa femme, l’implication d’excellence existants — l’hôpital et la fondation de Panzi des hommes et des garçons permettra de démontrer que dans le Sud-Kivu et Heal Africa dans le Nord-Kivu — qui ces violences ne sont pas simplement une affaire « d’ordre ont une expérience confirmée du traitement des violences privé », mais qu’elles concernent toute la collectivité. sexuelles en situation d’urgence. Ces deux établissements gèrent des dispensaires itinérants dans les zones isolées, où « Il est absolument vital de donner des moyens d’action aux l’insécurité et les violences sexuelles sont endémiques. organisations communautaires et de les mobiliser dans la lutte contre les violences sexistes », souligne Jean‑Christophe Carret, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 15 GAMBIE Quand la technologie transforme l’enseignement des mathématiques et des sciences ■ G  râce à l’introduction d’outils technologiques, comme les tableaux Les écoles de Gambie testent un programme interactifs et les boîtiers de réponse, novateur qui allie outils technologiques, et en améliorant la formation des maîtres, supports didactiques et méthodes l’enseignement des pédagogiques pour améliorer l’enseignement mathématiques et des sciences devient des mathématiques et des sciences dans le plus attrayant et les résultats s’améliorent. secondaire. Les résultats aux examens ayant confirmé son efficacité, le programme est © New Jersey Center  for Teaching and Learning étendu dans le cadre d’IDA-18. 16 Soucieux de former des scientifiques et des ingénieurs capables de relever les défis de développement du pays et de soutenir ses ambitions socioéconomiques, le gouvernement « On observe un changement dans le déroulement des cours, au niveau de Gambie a fait appel à la Banque mondiale et d’autres partenaires pour améliorer la qualité de son enseignement de la pédagogie, de la compréhension en mathématiques et en sciences. En 2012, un programme et de la répartition du temps. pilote a introduit l’initiative pour l’enseignement progressif des sciences et des mathématiques (PSI-PMI) dans Samuel Koidia, professeur de mathématiques » 24 établissements secondaires de premier et deuxième et de physique au lycée Nursat de Serrekunda cycles. Conçue par le New Jersey Center for Teaching and Learning, cette approche adaptative facilite la participation des élèves et leurs apprentissages en s’appuyant sur la technologie. Les deux enseignants ont constaté un bond dans les performances et un nouvel enthousiasme pour leurs Les vieux tableaux noirs ont été remplacés par des tableaux matières. Ansumana Jobarteh, en 11e année au lycée Nursat, blancs interactifs et les classes équipées de panneaux le confirme : « avant l’introduction de la méthode PSI-PMI, je solaires pour palier les pannes d’électricité récurrentes. Les m’en sortais bien, mais maintenant que je peux comparer mes enseignants ont été formés et ont eu accès à des supports résultats, j’apprécie beaucoup plus la physique qu’avant. » de cours en ligne afin d’harmoniser les programmes et mieux les centrer sur les élèves. La distribution de boîtiers Des évaluations préliminaires indépendantes montrent que, de réponse permet aux élèves de suivre les cours selon un lors d’un examen de mathématiques, les élèves bénéficiant mode participatif et ludique, et aux enseignants d’évaluer de la méthode expérimentale ont obtenu des résultats 21 % leur compréhension en temps réel. supérieurs à ceux des élèves d’un niveau équivalent dans des classes hors initiative. Un impact véritable sur l’apprentissage Étendre l’initiative PSI-PMI Pour Samuel Koidia, professeur de mathématiques et de physique au lycée Nursat de Serrekunda, la plus grande ville Le gouvernement de Gambie souhaite étendre l’initiative du pays, la méthode PSI-PMI et la technologie ont eu des PSI-PMI grâce au nouveau programme de soutien au secteur effets indiscutables : de l’éducation. Avec un don de 30 millions de dollars au titre d’IDA-18 et de 5 millions de dollars du Partenariat mondial « On observe un changement dans le déroulement des pour l’éducation (GPE), le programme devrait bénéficier à cours, au niveau de la pédagogie, de la compréhension et plus de 400 000 enfants d’âge scolaire, y compris dans les de la répartition du temps », explique-t-il. « Dans un cours écoles religieuses (majalis). conventionnel, l’enseignant doit faire 80 % du travail tandis que l’élève ne dispose que de 20 % du temps pour interagir. En plus d’étendre l’initiative PSI-PMI aux niveaux supérieurs, Aujourd’hui, c’est l’inverse et cela permet aux élèves de le projet permettra d’améliorer globalement la formation mieux maîtriser les concepts. » des enseignants et d’étendre les interventions à la petite enfance. Les programmes des matières principales dans les Usman Kuraisy, enseignant en sciences à la Charles écoles et les collèges seront par ailleurs remis à plat et des Jow Memorial Academy, toute proche, estime que les manuels révisés seront imprimés et distribués à tous les boîtiers utilisés par les élèves pour répondre aux questions établissements du pays. améliorent la dynamique de classe et l’apprentissage : « Je peux évaluer les enfants en un clin d’œil. Je vois comment tous progressent, les plus faibles et les plus forts, et je sais quand je dois revenir sur un point et quand je peux poursuivre mon cours. » L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 17 MADAGASCAR Un financement record pour lancer la réforme de l’éducation nationale ■ O bligé d’abandonner ses études à cause des difficultés Dans le sillage de la crise politique de 2009, financières de ses parents, Justin est les dépenses publiques d’éducation ont heureux de retrouver l’école après deux chuté, plombées par la baisse drastique des ans d’absence. financements extérieurs. Plusieurs milliers © Diana Styvaney / d’enfants couraient le risque d’être déscolarisés. Banque mondiale Une aide d’urgence a permis de mobiliser des financements supplémentaires et de réorganiser l’enseignement de base. 18 Justin a 14 ans, mais il est encore en cinquième année du primaire, alors que ses amis ont déjà rejoint le premier cycle secondaire. Il a dû abandonner l’école en 2014, lorsque ses « J’ai beaucoup de choses à rattraper. Tous mes copains sont déjà au collège, parents n’ont plus eu les moyens de payer sa scolarité. Après la crise politique qui a secoué la Grande Île en 2009, mais ce n’est pas grave. Je suis content la famille n’arrivait plus à joindre les deux bouts. de retourner à l’école. « Mon mari est maçon et le travail est devenu très rare. Justin, élève de 14 ans à l’école primaire » Moi, je suis couturière mais, en période de crise, les gens Ankadindambo n’achètent plus de vêtements, et le quotidien devient plus dur. J’ai cinq enfants à nourrir et c’est ma priorité. J’ai donc dû retirer Justin de l’école », explique sa maman. Mis en œuvre sur quatre ans, le projet a été déployé dans En 2016, son école reçoit des fonds qui vont permettre à 12 régions et a bénéficié directement à plus de 2 millions de Justin de reprendre sa scolarité gratuitement. Mais il aura personnes. Près de 1,9 million d’enfants ont été scolarisés, perdu deux ans. 20 000 enseignants ont été payés et plus de 5 millions de kits scolaires ont été distribués. Dans les trois régions du « J’ai beaucoup de choses à rattraper. Tous mes copains sud de l’île frappées par la sécheresse, le projet a assuré des sont déjà au collège, mais ce n’est pas grave. Je suis content repas à la cantine scolaire pour plus de 100 000 enfants. de retourner à l’école. J’aimerais bien devenir enseignant », Plus de 260 classes ont été construites et plus de confie-t-il avec un grand sourire. 50 000 enseignants formés. Préserver la scolarité des enfants Un financement record en faveur L’école primaire Ankadindambo dans la région de l’éducation d’Analamanga, où est scolarisé Justin, fait partie des Le projet a par ailleurs ouvert la voie à une autre opération nombreux établissements bénéficiaires du projet d’appui également financée par la Banque mondiale et le GPE. d’urgence à l’éducation pour tous. Lancé en 2013 par Doté d’une enveloppe de 100 millions de dollars, le projet la Banque mondiale avec le Partenariat mondial pour d’appui à l’éducation de base vise à améliorer les résultats l’éducation (GPE), il cherche à remettre sur pied un système scolaires dans les deux premières années d’enseignement. éducatif en ruines. Ce financement, dont 55 millions de dollars sont alloués au Plombées par l’effondrement des financements extérieurs, titre d’IDA-18, est le plus important soutien jamais consenti les dépenses publiques d’éducation étaient en chute à l’éducation à Madagascar. Il appuiera le déploiement libre depuis 2010. À l’échelle du pays, ce sont autant des réformes annoncées dans le plan sectoriel pour de nouvelles écoles qui ne sont pas construites, de l’éducation 2018-22 et devrait toucher plus de 4,7 millions fournitures pédagogiques qui ne sont pas distribuées et de bénéficiaires, dont 4,6 millions d’élèves du primaire et d’établissements qui sont privés d’aides publiques. 80 000 enfants en préprimaire. Il permettra aussi de former Le projet avait pour objectif de protéger la scolarité 35  000 instituteurs, 6  500 éducateurs communautaires d’un maximum d’écoliers, en faisant baisser les coûts préscolaires, 4 000 membres des conseils communautaires supportés par les familles, en octroyant des allocations scolaires et 20 000 directeurs et inspecteurs locaux. aux enseignants et en distribuant des kits scolaires aux élèves. Il a aussi soutenu l’apprentissage en formant les enseignants et les directeurs, en distribuant des manuels scolaires, en construisant des classes et des cantines scolaires et en subventionnant les écoles. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 19 MOZAMBIQUE Promouvoir une logique de résultats pour financer et réformer des secteurs clés ■  D es professionnels de la santé dans un dispensaire de Au Mozambique, les problèmes de gestion la province rurale de Nampula, au des finances publiques perturbent la chaîne Mozambique. d’approvisionnement en médicaments et nuisent © Gustavo Mahoque / aux performances des établissements scolaires. Banque mondiale L’expérimentation d’un financement conditionné aux résultats a permis d’améliorer les systèmes d’éducation et de santé et de mobiliser les ressources disponibles. 20 Le secteur médical du Mozambique était en grande difficulté. Des problèmes de planification, de passation des marchés publics, de stockage et de distribution des « Les médicaments n’ont d’intérêt que s’ils parviennent en temps voulu médicaments étaient à l’origine de pénuries récurrentes. Les vols des médicaments étaient monnaie courante, aux patients qui en ont besoin. comme les problèmes de qualité. Et, faute de médicaments, certains sites ne pouvaient plus assurer les soins ni João Grachane, haut responsable au ministère les traitements. Le système éducatif ne se portait guère mieux : la faiblesse de la gouvernance scolaire, la participation limitée de la Santé du Mozambique » des communautés, l’inefficacité de la supervision et Maputo, explique comment, avant le projet, le fonctionnement l’absentéisme élevé, ainsi que les retards d’acheminement de l’établissement était constamment perturbé par les ou le détournement des fonds destinés aux écoles, nuisaient retards dans l’envoi des fonds destinés à l’achat de matériel à la scolarisation des enfants, à l’achèvement des cycles pédagogique de base et à l’accompagnement des enfants les scolaires et aux apprentissages. plus fragiles. C’est pour remédier à ces défis qu’en 2014, les autorités ont « Aujourd’hui, nous recevons les fonds au début de l’année lancé leur programme de soutien à la gestion des finances scolaire et c’est un vrai plus, parce que cela nous permet de publiques dans le secteur de la santé et de l’éducation, afin mieux planifier le reste de l’année », souligne-t-elle. d’introduire plus de transparence et d’efficacité dans les dépenses et les modes de gestion de ces deux secteurs. Le Les 1 300 écoles primaires couvertes par le projet sont dans programme reposait sur un nouvel instrument financier de le même cas. la Banque mondiale prévoyant le décaissement progressif des fonds en fonction de la réalisation de cibles définies Travailler ensemble à la recherche à l’avance. de solutions Ce projet novateur financé par l’IDA a ouvert la voie à Le projet, arrivé dans sa phase finale, a offert une structure l’introduction d’incitations spécifiques pour faire évoluer de soutien unique en son genre pour créer un réseau les comportements à l’échelon infrarégional et chez les d’incitations mutuelles. Le volet axé sur le renforcement différents acteurs de la santé et de l’éducation. des capacités a permis à tous les partenaires du secteur de mieux collaborer avec les organismes chargés de la Des progrès sensibles gestion des finances publiques afin de récupérer les fonds nécessaires à la fourniture des services et d’améliorer le « Les médicaments n’ont d’intérêt que s’ils parviennent savoir-faire institutionnel. en temps voulu aux patients qui en ont besoin », estime João Grachane, haut responsable au ministère de la Santé « Le projet a opté pour une approche innovante, itérative du Mozambique, qui a pu constater comment le projet et centrée sur le problème », explique Humberto Cossa, parvenait à déplacer davantage l’attention des personnels spécialiste en santé à la Banque mondiale. « Les agents de concernés sur les résultats que sur les moyens, avec, à la terrain se sont efforcés d’identifier les obstacles à l’atteinte clé, une nette amélioration de la chaîne d’approvisionnement des résultats dans leurs secteurs, permettant ainsi à en médicaments. tous les acteurs de participer ensemble à la recherche de solutions intégrées. » Parmi les avancées les plus notables, une hausse importante des médicaments essentiels pour les soins maternels dans Fort de ce succès, le Mozambique a lancé un nouveau les dispensaires, de 79 à 86 % entre 2013 et 2015, et un programme destiné à améliorer les soins de santé primaires. recul marqué du nombre de sites de traitement en pénurie Ce projet, qui bénéficie d’un financement conditionné aux d’antirétroviraux, de 27 à 5 % sur la même période. résultats de 105 millions de dollars, dont 80 millions au titre d’IDA-18, a pour but d’améliorer la santé de la reproduction, Le système d’éducation va bien mieux lui aussi : Matilde de la mère, de l’enfant et de l’adolescent(e) ainsi que les Xilume, directrice de l’école primaire Tres de Fevereiro à services de nutrition dans les zones mal desservies. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 21 NIGER Un apprentissage sur mesure favorise l’emploi des jeunes ■  Roumanatou Kailou Chaque année, 350 000 jeunes Nigériens (à gauche) a suivi une entrent sur le marché du travail mais, dans formation gratuite de deux ans pour devenir leur écrasante majorité (90 %), ils n’ont pas coiffeuse. les qualifications correspondant aux postes © Djamilou Oumarou / disponibles. Le Niger entend fournir à sa Banque mondiale jeunesse les compétences dont elle a besoin pour trouver du travail et réussir sa vie professionnelle. 22 À 25 ans, Roumanatou Kailou vit et travaille à Niamey, la capitale du Niger. Elle est coiffeuse. Comme beaucoup de jeunes gens du pays, elle a dû abandonner ses études à la fin « J’ai été recrutée par une grosse entreprise agroalimentaire parce que du secondaire, faute de pouvoir financer ses études. Un peu plus tard, quand elle a commencé à chercher du travail, elle j’y avais effectué un stage et qu’ils s’est aperçue que son horizon professionnel était limité, avec avaient vu comment je travaillais. le sentiment d’être un poids pour sa famille. Hamsatou Idi Moussa, ancienne stagiaire » « Je passais mes journées sans rien faire, à part dormir et d’un programme PRODEC manger. Sans travail, je ne pouvais pas aider ma famille », se souvient-elle. C’est alors qu’elle a entendu parler de formations Un déficit de compétences encore aggravé par le fait que professionnelles gratuites pour les jeunes non scolarisés la plupart des jeunes actifs ont arrêté leurs études après ou ayant décroché. Ces formations étant destinées à le primaire. Selon l’UNESCO, plus de 197 000 enfants ont leur apprendre des métiers qualifiés, comme la coiffure, quitté l’enseignement primaire de manière prématurée l’esthétique-cosmétique, la menuiserie ou la charpenterie. en 2013, contre 55 000 en 1999. L’Institut national de la Roumanatou a sauté sur l’occasion. statistique indique un taux de scolarisation de 76 % en 2016 (70 % pour les filles et 82 % pour les garçons). « J’ai suivi pendant deux ans un cours de coiffure pour femmes. La formation alternait cours théoriques et stages pratiques. Nous touchions une subvention pour les frais de De l’école au travail transport, ce qui nous permettait d’aller dans les salons qui nous accueillaient », explique la jeune femme. En plus de soutenir des programmes en faveur des jeunes déscolarisés comme Roumanatou, le PRODEC s’emploie Aujourd’hui, peigne et sèche-cheveux en mains, elle se plaît également à améliorer la transition entre l’école et le travail. à appliquer ce qu’elle a appris, espérant bien à terme ouvrir Environ 3 500 jeunes diplômés de l’enseignement technique son propre salon. secondaire et supérieur (dont une moitié de femmes) ont bénéficié des programmes de stage mis en place dans ce cadre pour rapprocher les étudiants des employeurs Développer les compétences pour soutenir potentiels. Selon une étude de l’Agence nationale pour la la croissance promotion de l’emploi de 2017, 70 % des stagiaires pouvaient, grâce à l’expérience ainsi acquise, décrocher un emploi à Roumanatou fait partie des 13 000 jeunes Nigériens (dont temps plein. 43 % de femmes) bénéficiaires du projet de développement des compétences pour la croissance (PRODEC) de la Banque Après avoir obtenu sa licence de logistique, Hamsatou Idi mondiale, lancé en 2014 et financé à hauteur de 30 millions Moussa, 25 ans, avait du mal à trouver un emploi. Un stage de dollars par l’IDA. Le but est d’améliorer l’efficacité de va changer la donne : « J’ai été recrutée par une grosse la formation technique et professionnelle formelle, des entreprise agroalimentaire parce que j’y avais effectué un formations courtes de développement des compétences stage et qu’ils avaient vu comment je travaillais », explique- et des programmes d’apprentissage dans des secteurs t-elle. prioritaires comme le génie civil et la construction, la transformation des aliments, l’hôtellerie, l’agriculture et les Pour entretenir la dynamique initiée par le PRODEC et télécommunications. étendre les offres de formation aux secteurs de l’agriculture et de l’élevage, les autorités du Niger et la Banque mondiale Le PRODEC entend remédier à l’inadéquation des ont signé un accord en juin 2018 pour un financement compétences et des emplois, véritable frein à l’employabilité additionnel de l’IDA d’un montant de 50 millions de dollars. des jeunes et au développement. Sur les 350 000 jeunes qui se présentent chaque année sur le marché du travail, 90 % n’ont pas les qualifications requises pour les postes disponibles. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 23 NIGÉRIA Protéger les plus jeunes grâce à la vaccination Étendre la couverture vaccinale courante est indispensable pour améliorer la santé des enfants et faire reculer la mortalité infantile. L’intégration des vaccins (contre la polio notamment) dans la palette de soins primaires permet de protéger davantage d’enfants de moins de cinq ans. ■  B lessing Sunday et son fils attendent leur tour au dispensaire de Karu à Nasarawa.  Chuka Agu / © Banque mondiale 24 « Une de mes amies était très contente des soins qu’elle avait reçus au dispensaire, alors je suis venue pour les visites prénatales, très bien organisées », explique Blessing Sunday « Je respecte le calendrier de vaccination de ma fille, parce que je sais que c’est dans la salle d’attente du dispensaire de Karu à Nasarawa, au Nigéria. Désormais, elle vient régulièrement faire vacciner comme ça qu’elle restera en bonne son fils. santé. » Comme Blessing, des millions de femmes du Nigéria Bilkisu Awal, qui vient d’avoir son premier enfant bénéficient de l’amélioration des soins de santé maternelle et infantile. Depuis 2012, la Banque mondiale œuvre en partenariat avec les autorités, qui se sont engagées à améliorer les services de santé maternelle et infantile à fort également sur des équipes mobiles de sensibilisation impact et la demande pour ce type de soins. L’IDA a mobilisé chargées de vacciner les enfants déplacés et vivant dans les plus de 900 millions de dollars pour financer des projets villages libérés. comme le programme du Nigéria pour sauver un million de vies, le projet d’investissement dans la santé entrepris au niveau des États ou le projet d’appui à l’éradication de Les vaccins intégrés aux soins primaires la polio. À l’échelle nationale, la couverture vaccinale courante La décision récente de l’IDA d’approuver 150 millions de contre la polio atteint 80 %, un taux que l’on retrouve même dollars de financements additionnels donnera au projet dans 98 % des zones à haut risque, où sévit pourtant une pour l’éradication de la polio le coup de fouet nécessaire insécurité permanente. Près de 50 millions d’enfants ont pour endiguer la résurgence de la maladie dans le pays été ainsi vaccinés dans le cadre du projet. Il a fallu pour et optimiser la couverture vaccinale courante grâce à des cela battre en brèche des croyances et préjugés religieux vaccins oraux et ce, dans le but de parvenir à une couverture largement répandus dans la population, grâce notamment de 85 % en 18 mois. à l’intégration des vaccins et d’autres mesures d’incitation dans la palette de soins primaires. À terme, tous les enfants de moins de cinq ans seront vaccinés, ce qui permettra de Vers l’éradication de la poliomyélite réduire la mortalité infantile. Le chemin pour éradiquer la polio au Nigéria a été semé Bilkisu Awal, qui vient d’accoucher, a fait le choix de ne pas d’embûches. En 2006, le pays dénombrait 1  222 cas aller à l’hôpital, malgré la qualité des soins prénataux dont confirmés, un record mondial. Grâce à des efforts concertés elle avait bénéficié dans cette structure. Mais elle retourne sur le plan national, le nombre de cas avait été ramené à au dispensaire avec son bébé : un en 2014 et, en 2015, l’Organisation mondiale de la santé certifiait que le pays était exempt de poliomyélite. Mais « Dans ma famille, les femmes accouchent à la maison et avec quatre nouveaux cas confirmés en 2016 dans l’État c’est ce que j’ai fait, même si je suis allée au dispensaire de Borno, au nord-est du pays, théâtre d’un violent conflit, avant l’accouchement. Mais je respecte le calendrier de l’espoir d’une éradication totale s’est évanoui. vaccination de ma fille, parce que je sais que c’est comme ça qu’elle restera en bonne santé », explique-t-elle. Même si aucun nouveau cas n’a été notifié depuis, le Nigéria entend utiliser le nouveau financement de l’IDA pour améliorer la couverture vaccinale et l’accessibilité des vaccins dans les zones d’insécurité et de conflit et optimiser la gestion de son programme de vaccination contre la polio. Le gouvernement fait appel à des groupes d’intervention conjointe, composés de militaires et de civils, pour faire remonter les informations dans les zones inaccessibles et assurer la sécurité des campagnes de vaccination, voire effectuer eux-mêmes les vaccins dans les zones partiellement accessibles. Il s’appuie L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 25 OUGANDA Une aide ciblée pour les communautés qui accueillent des réfugiés ■ L’Ouganda s’est engagé à maintenir une approche progressiste Avec 1,5 million de réfugiés sur son sol, de la gestion des réfugiés et à améliorer l’Ouganda est la première nation d’accueil la résilience et les capacités d’adaptation d’Afrique et la troisième du monde. Souvent de ces populations négligées par l’aide humanitaire, les et des communautés d’accueil. communautés hôtes pauvres bénéficient  Dorte Verner / © d’une attention et d’un soutien accrus Banque mondiale pour améliorer leurs conditions de vie. 26 Edith Kwarisima vit à Kyarugaju, un village pauvre situé à proximité du camp de réfugiés de Nakivale dans le district d’Isingiro, au sud du pays. Ce camp accueille des réfugiés « Nous comptons tous beaucoup sur ce depuis les années 60 et Edith, qui a aujourd’hui 52 ans, a projet pour que les choses s’améliorent. » grandi à côté d’eux. Robert Kyomuhendo, habitant de Kyarugaju En assurant aux réfugiés un accès gratuit aux soins médicaux et à l’éducation dans les camps et en leur permettant de se déplacer et de travailler librement dans le Ces ressources proviennent du sous-guichet régional pour pays, la loi sur le statut des réfugiés est considérée comme les réfugiés et les communautés d’accueil, créé dans le l’une des plus progressistes et généreuses au monde. cadre d’IDA-18. À ce jour, deux opérations engagées par Les réfugiés se sont vus octroyer une parcelle de terre pour l’Ouganda ont bénéficié du financement de ce sous-guichet : s’installer et cultiver de quoi vivre, ce qui a amélioré leur le programme de développement des infrastructures autosuffisance et leur intégration dans les communautés municipales, doté de 50 millions de dollars et conçu pour d’accueil. améliorer l’aménagement des terres, les droits de propriété et les petites infrastructures ; et le projet de gestion et Pour les populations locales, les retombées sont positives, de développement intégrés de l’eau, doté de 58 millions puisque la demande de biens et de services augmente, de dollars, pour améliorer l’accès aux services d’eau et créant des emplois et des revenus supplémentaires. Mais, d’assainissement dans plusieurs communautés d’accueil à cause des conflits dans les pays voisins de l’Ouganda, rurales et urbaines. l’afflux constant de réfugiés depuis 2016 commence à peser lourdement sur des services sociaux déjà tendus et sur Deux nouveaux financements sont en cours de préparation : l’environnement, ainsi que sur les capacités d’adaptation le projet d’amélioration de l’enseignement secondaire des communautés d’accueil. et le projet d’aide au développement en réponse aux conséquences des déplacements de population (DRDIP). Jusqu’ici, les efforts des autorités et des organisations Ce dernier est un programme régional qui couvre la Corne humanitaires ont largement porté sur les réfugiés. Il de l’Afrique et s’emploie à développer les infrastructures est désormais temps de faire plus pour ceux qui les ont économiques et sociales existantes ainsi que les activités accueillis et leur ont offert un nouveau foyer. rémunératrices pour les réfugiés comme pour les populations locales. « Les réfugiés ont des dispensaires de qualité et facilement accessibles et peuvent obtenir des médicaments quand ils en ont besoin. Nous n’avons pas autant de chance », explique Répondre aux besoins des communautés Edith. « Se faire soigner ici est un véritable cauchemar. On d’accueil ne peut même pas appeler les urgences parce qu’il n’y a pas de réseau téléphonique. » En Ouganda, le DRDIP s’efforce de protéger les intérêts des communautés d’accueil dans onze districts, donc celui où vit Edith. Il bénéficie d’un don de l’IDA de 50 millions Étendre les programmes de soutien de dollars. Comme les autres habitants de Kyarugaju, pour tous Edith se réjouit du démarrage des travaux pour un nouveau dispensaire et, comme eux, elle attend avec Le gouvernement ougandais espère remédier à cette impatience que d’autres installations sortent de terre, à situation en s’employant à améliorer les services, multiplier l’image des nouvelles salles de classe qui permettront de les débouchés économiques, rénover les infrastructures limiter la surpopulation scolaire. Pour son voisin, Robert municipales et accroître l’accès à l’eau, à la santé et à Kyomuhendo, « nous comptons tous beaucoup sur ce projet l’éducation dans les districts accueillant des réfugiés. pour que les choses s’améliorent ». Un financement additionnel de 283 millions de dollars va soutenir cet objectif en apportant des ressources Robert Limlim, le directeur du DRDIP, le confirme : « Avec supplémentaires à des projets financés par la Banque ce surcroît d’aide, nous allons améliorer le quotidien de mondiale et déjà en cours d’exécution. tous ceux qui accueillent les réfugiés. » L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 27 RWANDA Quand le désespoir laisse la place à l’optimisme ■  G râce aux emplois, Le Rwanda a mis en place un vaste aux prêts et aux programme de travaux publics et de formations fournis par le programme de protection sociale pour donner à sa population protection sociale rwandais (VUP), la possibilité de travailler et les moyens de Gaudance Mukagasana sortir durablement de l’extrême pauvreté. a pu construire une maison et améliorer le Ce programme, qui a déjà employé quotidien de sa famille. 800 000 ménages à l’échelle nationale, ©  Rogers Kayihura / est appelé à s’étendre. Banque mondiale 28 Gaudance Mukagasana vit à Nduba, dans le centre du Rwanda. Lorsque son mari l’a quittée et qu’elle s’est retrouvée seule pour élever ses trois enfants, la jeune femme « L’aide la plus précieuse a été pour moi la formation... Elle m’a fait découvrir était complètement perdue. Sans emploi, elle s’est installée chez sa mère et a essayé péniblement de gagner sa vie en les nombreux services et opportunités. cultivant le petit lopin de terre familial. » Gaudance Mukagasana, habitante de Nduba « Mon mari était notre seule source de revenu. C’était comme si le monde s’était écroulé devant moi », se souvient cette mère de famille âgée aujourd’hui de 40 ans. Une aide qui se poursuit à l’échelle nationale Ce qui l’a sauvée, c’est le programme Vision 2020 Umurenge (VUP), l’initiative phare du gouvernement rwandais pour la Depuis la création du VUP en 2008, son volet « travaux protection sociale. Appuyé par la Banque mondiale dans le publics » a employé plus de 800 000 ménages et généré plus cadre du projet d’appui au système de protection sociale, de 40 millions de jours de travail rémunérés dans le cadre ce programme vise à mettre fin à l’extrême pauvreté et à la de 2 200 projets. Il a été élargi en 2016 afin de permettre malnutrition tout en renforçant la résilience des ménages et aux ménages qui doivent s’occuper d’enfants de bénéficier en favorisant la transformation socioéconomique du pays. d’horaires de travail plus souples tout au long de l’année. Ces chantiers concernent actuellement environ 13  000 ménages, dirigés principalement par des femmes, répartis dans Donner aux plus démunis les moyens 80 secteurs. En outre, l’aide directe apportée par le VUP de sortir de la pauvreté sous forme d’allocations monétaires couvre désormais l’intégralité du pays, soit plus de 96 000 ménages en 2017. Gaudance Mukagasana a commencé à prendre part au programme de travaux publics du VUP en 2013. Dans le Selon Yasser El Gammal, responsable des opérations de la cadre de ce dispositif qui fournit un emploi rémunéré à des Banque mondiale pour le Rwanda, « la collaboration entre adultes valides issus de ménages extrêmement pauvres, elle la Banque et le gouvernement rwandais a été cruciale pour a travaillé à la construction de terrasses pour l’agriculture. mettre en place un système de protection sociale intégré au Grâce à son salaire, elle a pu subvenir aux besoins Rwanda et faire de ce pays un chef de file mondial dans ce élémentaires de sa famille et même mettre un peu d’argent domaine ». de côté. Un micro-crédit de 60 000 francs rwandais (environ 70 dollars), ainsi qu’une formation commerciale de base, lui Alors que ce projet a pris fin en 2017, la Banque mondiale ont ensuite permis de se lancer dans la culture de légumes, a réaffirmé son soutien au développement de la protection et gagner un revenu complémentaire. sociale au Rwanda avec un nouveau financement de 80 millions de dollars alloué au titre d’IDA-18. Le projet de « L’aide la plus précieuse a été pour moi la formation », renforcement du système de protection sociale, qui bénéficie affirme la bénéficiaire du VUP. « Elle m’a donné confiance de 23 millions de dollars supplémentaires mobilisés auprès en moi, elle m’a fait découvrir les nombreux services et d’autres sources, s’attache à aider les autorités à améliorer opportunités auxquels je pouvais accéder et elle m’a appris à encore davantage la couverture, la qualité et la prestation les utiliser pour améliorer mes conditions de vie. » de ces services. Il vise en priorité à étendre le VUP et à introduire des dispositifs innovants tels que l’accueil des De fait, Gaudance Mukagasana ne s’est pas arrêtée là. Elle enfants à domicile, ainsi qu’une aide directe à l’appui des a pris les devants pour monter une coopérative d’élevage objectifs de santé infantile et de nutrition, en particulier de chèvres. Une initiative qui s’est révélée payante : pour la lutte contre les retards de croissance. l’agricultrice a réussi à bâtir sa propre maison, avec tout le confort indispensable, et à envoyer ses enfants à l’université. Elle ne compte plus parmi les bénéficiaires d’un programme auquel elle doit son autonomie financière et qui l’a profondément sécurisée. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 29 TCHAD Permettre aux réfugiés et aux communautés d’accueil de cohabiter en harmonie ■  S cène de théâtre : Elise Morembaye, XXX de l’association Avec plus de 643 000 réfugiés, personnes féminine Mekoulom, à Goré, appelle déplacées et demandeurs d’asile recensés sur les partenaires au développement son territoire par le HCR en avril 2018, le Tchad à l’aide, au nom continue de faire face à des flux migratoires de la population locale accueillant importants. Un financement d’IDA 18 va les réfugiés. améliorer les conditions de vie des réfugiés © Edmond et de ceux qui les accueillent. Dingamhoudou / Banque mondiale 30 Quelque 8 000 personnes tentent de refaire leur vie dans le camp de réfugiés de Dar-es-Salaam, situé à Bagassola, sur les rives du lac Tchad. Éparpillées sur des kilomètres de « Le projet veut créer les conditions propices à l’intégration progressive tentes en bâches estampillées aux couleurs de l’ONU, elles se remettent difficilement des traumatismes infligés par le des réfugiés. groupe Boko Haram. Soukeyna Kane, directrice des opérations Plus loin, à l’extrême Sud du pays, la préfecture de Goré de la Banque mondiale pour la Guinée, le Mali, croule également sous le poids des réfugiés. « Ici, les rapatriés et les réfugiés ayant fui la guerre en République centrafricaine représentent la moitié de la population autochtone », explique Augustin Gongtar, ancien préfet. le Niger et le Tchad » Le PARCA va améliorer l’accès aux soins et à l’éducation La région du Sila, à cheval sur la frontière avec le Soudan, grâce à des investissements pour réhabiliter ou construire accueille depuis plus d’une décennie des réfugiés du des infrastructures publiques dans les régions d’accueil. Darfour et, plus récemment, de RCA. L’ancien gouverneur Il contribuera également à l’extension du système de de la région, le général Moussa Haroun Tirgo, dépeint lui protection sociale, pour intégrer les ménages pauvres aussi une situation intenable : « Nous accueillons environ parmi les communautés hôtes et les réfugiés, à travers 54 000 réfugiés dans des conditions de vie difficiles, sans des programmes de transferts monétaires ou un soutien accès à l’eau ni aux services sociaux de base. Sans compter aux activités productives. Enfin, il appuiera la Commission qu’à cause des inondations, nous sommes coupés du monde nationale d’aide aux réfugiés et aux rapatriés et les pendant cinq mois de l’année. » dispositifs nationaux pour protéger, enregistrer et suivre les réfugiés. Améliorer l’accès aux services sociaux Un nouveau partenariat pour apporter En septembre 2018, la Banque mondiale a approuvé un une réponse globale don de l’IDA de 60 millions de dollars pour aider le Tchad à améliorer l’accès aux services sociaux de base et aider Le projet a été conçu par une commission technique les réfugiés et les communautés hôtes à survivre. Le projet interministérielle présidée par le ministère de l’Économie et d’appui aux réfugiés et aux communautés d’accueil (PARCA) de la Planification du développement en collaboration avec permettra aussi de renforcer les systèmes nationaux de le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés gestion des réfugiés. (HCR), le Programme alimentaire mondial, la Direction générale de l’aide humanitaire et de la protection civile de Ce projet devrait bénéficier, directement et indirectement, l’Union européenne et d’autres organisations compétentes. à quelque 1,1 million de personnes, dont 30 à 50 % sont des réfugiés vivant dans les camps de l’est et du sud du pays et « Le HCR se réjouit de ce financement accordé par la à proximité du lac Tchad. Banque mondiale au gouvernement du Tchad au titre du nouveau cadre de réponse globale à la crise des réfugiés « Ce don vient compléter l’aide que les communautés locales, et du continuum aide humanitaire-aide au développement. le gouvernement du Tchad et les organismes internationaux Nous sommes déterminés à faire de ce nouveau modèle de fournissent déjà à près de 450 000 réfugiés. Le projet veut partenariat une réussite qui pourra être reproduire ailleurs », créer les conditions propices à l’intégration progressive des affirme le représentant du HCR, Mbili Ambaoumba. réfugiés dans le tissu socioéconomique du pays et renforcer le système national de gestion des réfugiés », souligne Soukeyna Kane, directrice des opérations de la Banque mondiale pour la Guinée, le Mali, le Niger et le Tchad. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 31   AFRIQUE DE L’OUEST ET SAHEL Renforcer le capital humain en favorisant l’autonomie des filles ■  Les gouvernements africains souhaitent XXX favoriser l’autono- Les femmes représentent un incroyable atout misation des filles afin qu’elles pour la région du Sahel. Elles pourraient contribuent également à l’avenir économique contribuer davantage et de manière innovante de leur pays. aux ressources du ménage et à la croissance ©  Dorte Verner / économique nationale, à condition de pouvoir Banque mondiale suivre une scolarité continue, espacer leurs grossesses. 32 Dans les pays du Sahel, une fille aura du mal à poursuivre sa scolarité. Et même après plusieurs années d’école primaire, elle saura probablement à peine lire et écrire en raison de la piètre « Le non-respect des préceptes de la religion, qui accordent la même qualité des enseignements. À l’adolescence, ses parents verront peut-être dans le mariage un moyen de la protéger contre priorité à l’enseignement des garçons l’exclusion sociale engendrée par une grossesse hors mariage. et des filles, est un des freins à l’épanouissement des filles. Les parents considèrent qu’ils ont le devoir moral d’installer leurs filles dans un nouveau foyer, et le mariage apparaît comme la Saadani Marakchi, ancien ministre des Affaires meilleure solution pour leur offrir un avenir. islamiques et de l’Enseignement originel, Ce qui explique que le Sahel affiche l’un des taux de mariage d’enfants les plus préoccupants du monde. Au Niger, 77 % des femmes âgées de 25 à 49 ans ont été mariées avant leur Mauritanie » 18ème anniversaire. Contribuer à l’autonomisation des femmes et des filles Le mariage d’enfants est haram Ce n’est là que l’une des multiples interventions que les pays En mai 2018, dans le cadre du projet axé sur l’autonomisation participant au SWEDD ont engagées dans le but de défendre économique des femmes et le dividende démographique les droits des femmes et des filles. Conçu à l’initiative des au Sahel (SWEDD, selon son acronyme anglais), des présidents du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de personnalités influentes parmi les intellectuels musulmans la Mauritanie, du Niger et du Tchad, le projet travaille en et chefs religieux de sept pays se sont réunies à Nouakchott, collaboration avec des ministères de chaque pays, selon en Mauritanie. L’objectif ? Élaborer des plans d’actions en une approche sectorielle, transversale et transnationale vue d’organiser un dialogue au sein des communautés sur qui intègre également divers groupes de parties prenantes. les difficultés auxquelles se heurtent les adolescentes et, ce Il aidera plus de 100 000 filles vulnérables à poursuivre leur faisant, améliorer la santé et la productivité des familles. scolarité, acquérir des compétences pratiques et accéder à des débouchés économiques. La Banque mondiale soutient Cette manifestation, organisée par le ministère des Affaires ce projet avec un financement de 205 millions de dollars islamiques et de l’Enseignement originel et par les oulémas de l’IDA, tandis qu’un apport supplémentaire prévu au titre de Mauritanie, était précédée d’un débat théologique, animé d’IDA-18 permettra d’accompagner le Bénin et d’autres par l’université Al-Azhar. L’objet de la discussion était de pays voisins. rappeler la position de l’islam sur l’ensemble des questions qui concernent la condition féminine : les mariages précoces, Le projet SWEDD porte déjà ses fruits : quatre pays se sont la santé maternelle et infantile, la planification familiale, appuyés sur les analyses produites dans ce cadre pour réviser l’éducation des filles, les violences à l’encontre des femmes et leurs plans de développement national et mettre davantage leur émancipation économique et sociale. Dans son dialogue l’accent sur des politiques socioéconomiques et des mesures avec des intellectuels musulmans du Sahel, le Grand imam en faveur de l’égalité hommes-femmes dans le but d’installer d’Al-Azhar a délivré un message parfaitement clair : aux yeux un environnement propice à la concrétisation du dividende de l’islam, le mariage précoce est haram (interdit par Allah). démographique. Les participants ont convenu d’instituer un réseau Six pays ont adopté un programme scolaire normalisé et regroupant les plus grands intellectuels du pays et les chefs coordonné, adapté aux besoins des élèves ayant un faible religieux établis au plus près des communautés, afin de niveau d’alphabétisation et des adolescentes des régions favoriser l’autonomisation sociale et économique des filles pauvres. Des dizaines de milliers d’hommes et de jeunes dans les régions rurales du Sahel. Dans un deuxième temps, garçons dans la région sont aussi associés au projet pour les responsables chrétiens et les chefs traditionnels y seront sensibiliser ces frères, ces maris et ces pères à l’indispensable associés, en tant que moteurs d’un changement positif. autonomisation des filles et des femmes. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 33 AFRIQUE DE L’OUEST ET AFRIQUE CENTRALE Former des chercheurs africains qui relèveront les défis de l’Afrique En formant de jeunes diplômés dans des domaines très prisés tels que ceux de l’ingénierie chimique, l’agronomie, les sciences et les technologies, les Centres d’excellence africains stimulent les économies du continent, créent des emplois et soutiennent la recherche dans des secteurs clés. ■  Les visiteurs du tout premier salon de l’enseignement supérieur se pressent pour découvrir les innovations mises au point par les étudiants des Centres d’excellence africains pour relever les défis de développement les plus urgents du continent. © Manivelle 34 Au printemps dernier, un événement inédit en Afrique s’est tenu sur le campus de l’Institut international de l’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE), à Ouagadougou, capitale « Nos étudiants trouvent rapidement un emploi à l’issue de la formation, du Burkina Faso : le tout premier salon de l’enseignement supérieur. À cette occasion, les 22 centres d’excellence basés car ils sont innovants et compétitifs dans les universités de neuf États d’Afrique de l’Ouest et aussi bien au niveau national que d’Afrique centrale se sont réunis pour célébrer la réussite de régional et international. leurs étudiants et présenter au public les innovations résultant de leurs recherches. Harouna Karambiri, enseignant à 2iE Pour Olivier Yaméogo, cette rencontre, organisée dans le cadre du projet de développement de Centres d’excellence africains, a été à la fois un lieu d’échange de connaissances et une source et coordinateur du projet CEA » d’inspiration. Cet étudiant en ingénierie électrique a conduit Les organismes d’accréditation sont notamment l’Agence un projet de recherche sur le pompage solaire susceptible allemande d’assurance qualité et d’accréditation des études d’améliorer l’approvisionnement en eau des régions pauvres. (AQAS), la Société royale de biologie au Royaume-Uni et le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement « Jusqu’à présent, je pensais qu’il n’existait pas d’enseignement supérieur en France. scientifique de pointe ailleurs qu’à l’étranger, notamment en Europe. Mais le travail réalisé au Centre d’excellence de 2iE Depuis leur création, les formations proposées par les centres prouve que nous n’avons rien à envier à ces formations », se sont enrichies de 35 nouveaux programmes. Au total, on affirme-t-il. compte plus de 6 500 étudiants en master et 1 600 doctorants tandis que près de 17 000 élèves (originaires du pays ou de ceux avoisinants) suivent des formations courtes. Par ailleurs, Le projet CEA le projet s’est attaché à attirer les femmes vers les disciplines scientifiques : plus de 4 000 d’entre elles sont inscrites en Initié en 2014, le projet de « Centres d’excellence africains » master, doctorat ou encore à une formation courte dans (CEA) a bénéficié d’un financement de l’IDA de 165 millions de ce domaine. dollars en vue d’implanter 22 centres de recherche dans neuf pays : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Nigéria, Sénégal et Togo. L’enjeu ? Doter l’Afrique des Phase suivante compétences indispensables pour accélérer son développement. Suite à ces résultats encourageants, la Banque mondiale va Si chaque CEA est unique, tous ont pour point commun d’être renforcer son aide en faveur de la création de nouveaux centres des pionniers de la recherche appliquée. L’objectif est de d’excellence et débloquer des ressources supplémentaires former une cohorte de spécialistes de haut niveau dans des à destination des CEA particulièrement performants sur les domaines scientifiques et techniques allant de la génomique plans régional et international. et des maladies infectieuses jusqu’à l’environnement durable et l’ingénierie en passant par l’eau et l’assainissement, la Un nouveau projet est en cours de préparation, qui bénéficiera biotechnologie ou encore la santé reproductive et l’agriculture. d’un financement alloué au titre d’IDA-18. Ce projet qui met l’accent sur l’impact des formations et la productivité donnera Grâce à des partenariats solidement établis avec des universités l’opportunité aux universités d’élargir le cadre de leurs et des industriels africains ou non, les étudiants bénéficient activités et d’explorer de nouvelles pistes. Avec toujours en d’équipements ultramodernes ainsi que des meilleurs professeurs ligne de mire l’enrichissement du capital humain dont l’Afrique du continent et de la diaspora. a tant besoin pour accélérer son développement. Dix-huit programmes répartis dans sept centres ont obtenu une accréditation internationale au terme d’un processus exigeant qui garantit que le contenu des formations, l’organisation de l’enseignement, les compétences visées ainsi que les méthodes pédagogiques répondent aux spécifications internationales. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 35   AFRIQUE SUBSAHARIENNE Anticiper les pandémies pour mieux les prévenir ■  A u plus fort de Après l’épidémie d’Ebola dans la région du fleuve l’épidémie d’Ebola, Mano, en Afrique de l’Ouest, la communauté en 2014/15, de nombreux patients internationale a compris l’importance d’avoir ont été examinés au Redemption Hospital une approche coordonnée pour anticiper et de Monrovia, au Libéria. gérer les urgences de santé publique à l’échelle planétaire. IDA-18 contribue à améliorer la © Dominic Chavez / Banque mondiale préparation aux pandémies. 36 Après l’épidémie Ebola qui a touché la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone en 2014/15, faisant 11 000 victimes et coûtant à la région 2,2 milliards de dollars, la Banque mondiale et les « L’expérience de la RDC montre bien qu’il faut continuer de privilégier pays africains se sont juré qu’un tel drame ne se reproduirait plus. La Banque mondiale a tenu son engagement de renforcer la préparation aux pandémies. les systèmes de veille sanitaire et d’organisation de la riposte nationale et régionale aux épidémies, en s’appuyant John Paul Clark, spécialiste senior de la santé, » notamment sur les ressources d’IDA-18 pour répondre au plus Banque mondiale vite aux besoins des pays. Des plans d’action nationaux Investir dans les mécanismes pour la sécurité sanitaire de préparation régionaux La plupart des pays d’Afrique subsaharienne ont des plans Les financements d’IDA-18 aideront aussi les pays et de préparation aux situations d’urgence, mais ces derniers les institutions régionales à améliorer la prévention, la sont souvent obsolètes ou incomplets et ne présentent guère détection et la riposte en cas d’urgences de santé publique. d’utilité en cas d’épidémie majeure. Le déploiement d’un plan Le programme régional d’amélioration des systèmes de de préparation exige également des mesures coordonnées de veille sanitaire en Afrique de l’Ouest va notamment prendre planification, de surveillance et de détection, parallèlement à une nouvelle ampleur : le Bénin, le Mali, la Mauritanie et le une riposte multisectorielle (santé et autres, services publics, Niger en bénéficieront désormais, grâce à un financement acteurs privés) impliquant différents niveaux de gouvernement additionnel de 120 millions de dollars au titre d’IDA-18, ce qui (national, provincial et communautaire) ainsi que des porte les engagements de l’IDA en faveur de ce programme à partenaires régionaux et internationaux. 377 millions de dollars au total, au profit de onze pays. Pour améliorer la cohérence du processus, des financements La Banque mondiale prépare dans le cadre d’IDA-18 un projet d’IDA-18 aident 17 pays d’Afrique à élaborer des plans de similaire de veille sanitaire régionale pour certaines régions préparation aux pandémies étayés par des données probantes d’Afrique centrale, dont l’Angola, le Tchad et la République et à mettre en place les cadres de gouvernance et institutionnels démocratique du Congo (RDC), qui a récemment dû affronter nécessaires à leur application. de nouvelles flambées d’Ebola. Le Libéria, l’Ouganda et le Sénégal ont déjà finalisé leur « plan Tirant les leçons de l’épidémie qui a touché l’Afrique de d’action national pour la sécurité sanitaire », qui s’appuient l’Ouest, la RDC et ses principaux partenaires se sont sur les conclusions d’une évaluation externe des capacités mobilisés sans perdre de temps pour élaborer un plan de nationales de prévention, de détection et de riposte aux riposte conjoint à Ebola, d’une durée de trois mois et doté de épidémies. L’assistance technique de la Banque mondiale 57 millions de dollars, intégralement financé en deux jours contribue à l’élaboration des plans, l’estimation des coûts et par les autorités congolaises et les bailleurs de fonds. La la conception d’une stratégie de financement pour les mettre Banque mondiale a réaffecté au nouveau plan de riposte 15 en œuvre. millions de dollars d’un projet de veille sanitaire en cours et 12 millions de dollars du nouveau Mécanisme de financement Le plan d’action national sert de plateforme de coordination d’urgence en cas de pandémie, dont c’était la toute première pour recenser les informations et assurer l’interaction entre opération financière. les différents secteurs et avec d’autres dispositifs, à tous les échelons administratifs. L’enjeu est de mettre en place des Pour John Paul Clark, spécialiste senior de la santé à la dispositions institutionnelles adaptées à une anticipation Banque mondiale, « la dernière épidémie d’Ebola en RDC multisectorielle des urgences sanitaires. Pour cela, la Banque nous a rappelé que les pandémies peuvent frapper dans des mondiale participe à la révision et au renforcement des contextes de fragilité, de conflit et de violences, qui rendent mécanismes existants de coordination et à la création de difficile la prévention et l’aide d’urgence. C’est pour cela qu’il nouveaux dispositifs si nécessaire. est important de continuer à se préparer aux pandémies. » L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LE CAPI TAL H UM AI N 37 RENFORCER LES MARCHÉS ■  Au Rwanda, le climat des affaires favorable, attire les entreprises manufacturières, crée des emplois et contribue à augmenter les investissements directs étrangers, tels que cette usine d’assemblage Volkswagen à Kigali. © Urugwiro Village BURUNDI La protection de l’environnement, moteur de la croissance Dans un pays où 90 % de la population ■ L  ’IDA soutient la restauration de dépend des ressources naturelles pour 90 000 hectares de terres au profit se nourrir, gagner de l’argent et travailler de 80 000 ménages — en particulier grâce à la caféiculture — qui pourront ainsi augmenter leur les initiatives de restauration des paysages productivité. dégradés redonnent également l’espoir  ©  Dave Proffer / d’un avenir meilleur. Wikimedia Commons 40 Le café occupe une place centrale au Burundi : il fait vivre plus de 600 000 familles, soit pratiquement la moitié des ménages burundais, et rapporte 90 % des devises du pays. « Avant, nous étions des ennemis de la réserve forestière de Bururi. L’importante dégradation des terres a cependant entraîné une forte baisse de la production, qui a chuté de 40 000 à Aujourd’hui, nous sommes ses meilleurs 5 700 tonnes entre le milieu des années 90 et 2003. Selon la protecteurs. Banque mondiale, ce phénomène ampute le PIB du Burundi de 4 % par an et a eu de graves conséquences pour des Odette Nkurikiye, membre de la communauté » populations déjà exposées aux catastrophes naturelles, à la Batwa pollution et aux tensions sociopolitiques. Gérer le patrimoine naturel ensemble Le projet a également lancé à titre pilote un programme d’agrotourisme communautaire axé sur la caféiculture Un projet financé par le Fonds pour l’environnement mondial durable et soutenu l’écotourisme, encore peu développé. à hauteur de 4,2 millions de dollars a permis d’expérimenter La réserve naturelle de Bururi, dans le sud du pays, a des méthodes innovantes qui améliorent à la fois l’envi- recruté des membres de la communauté Batwa vivant à ronnement et les conditions de vie des cultivateurs. Mis proximité pour protéger les chimpanzés et travailler comme en œuvre par le ministère burundais de l’Environnement, guides touristiques, tout en leur accordant le droit de de l’Agriculture et de l’Élevage, le projet d’aménagement récolter des aliments et des plantes médicinales dans la durable des zones de caféiculture a bénéficié de la colla- forêt. Grâce à l’argent gagné, la communauté a pu épargner boration de différents organismes pour mener à bien tout suffisamment pour acheter des terres, ce qui constitue l’éventail des activités concernées : certification du café, un degré d’autonomie financière sans précédent pour les gestion des réserves naturelles, soutien à la production sous Batwas du Burundi. couvert forestier, réglementation du secteur, recherche et formation. Ensemble, ces organismes ont donné des moyens « Avant, nous étions des ennemis de la réserve forestière de d’action aux communautés, qui peuvent à présent influer sur Bururi. Aujourd’hui, nous sommes ses meilleurs protecteurs », les modes de gestion du patrimoine naturel du pays. se réjouit Odette Nkurikiye, membre de la communauté Batwa. « Grâce à nos emplois, nous avons même pu acheter « Les communautés locales ont été pleinement impliquées des terres. Nous voulons profiter des débouchés que nous dans la gestion et la préservation de leur environnement offrent ces paysages restaurés pour sortir durablement de naturel et savent désormais qu’elles en sont les premiers la pauvreté. » bénéficiaires », explique Leonidas Nzigiyimpa, responsable des aires protégées à l’Office burundais pour la protection de l’environnement et lauréat du prix National Geographic/ Continuer de renforcer la résilience Buffett 2018 du « Leadership pour la protection de l’environnement ». « L’avenir du Burundi dépendra de la Le Burundi et la Banque mondiale entendent bien prolonger préservation de ses richesses naturelles. » les réussites de ce projet, qui s’achève en 2018. Le projet de régénération des paysages et de renforcement de la Depuis 2013, le projet a concerné plus de 18 700 personnes résilience, auquel est alloué un financement de 30 millions et permis de gérer durablement plus de 4 000 hectares de de dollars au titre d’IDA-18, permettra d’étendre les efforts terres. Plus de 9 600 ménages, dont la moitié sont dirigés de restauration et de soutenir la gestion durable de la par des femmes, cultivent désormais leurs caféiers à l’ombre réserve forestière de Bururi et des parcs nationaux de Kibira d’autres arbres. Ce mode de polyculture offre de multiples et de Ruvubu. Cette nouvelle opération contribuera à la bienfaits en termes d’environnement mais il contribue aussi restauration de 90 000 hectares de terres et bénéficiera à à améliorer la fertilité des sols, diversifier la production 80 000 ménages avec, à la clé, des gains de productivité des agricole et renforcer les revenus et la sécurité alimentaire. terres de 20 % dans les zones concernées. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 41 CÔTE D’IVOIRE Une technologie de rupture pour transformer l’agriculture ■  U ne meilleure En Côte d’Ivoire, les services numériques sont en connectivité numérique plein essor et le pays souhaite en faire profiter aidera les petits agriculteurs à obtenir les petits agriculteurs. En effet, étendre la en temps utile les informations dont couverture mobile et la rendre plus abordable ils ont besoin et à permettra de disposer d’informations sur les augmenter ainsi leur productivité marchés agricoles et la météo qui optimiseront  Dasan Bobo / © la productivité et renforceront la résilience des Banque mondiale exploitations. 42 La Côte d’Ivoire est le premier producteur et exportateur mondial de fèves de cacao et de noix de cajou brutes. Son secteur agricole compte pour 22 % du PIB et plus de 75 % « Ce projet permettra aux agriculteurs d’accéder rapidement à des des exportations, mais de multiples obstacles en freinent la croissance : faible productivité, coût élevé des intrants, informations clés pour leur activité. énormes pertes après récolte, absence ou utilisation inadéquate des techniques agricoles modernes, entre Pierre Laporte, directeur des opérations autres. Par ailleurs, le dernier recensement national agricole de la Banque mondiale pour le Bénin, le Burkina remonte à 2001, d’où un manque de données précises et actualisées dans ce secteur. Faso, la Côte d’Ivoire et le Togo » Pour tenter de combler ces lacunes, le gouvernement ivoirien a lancé une stratégie nationale en faveur de l’« Connecter les agriculteurs aux services e-agriculture ». Celle-ci consiste à s’appuyer sur l’essor d’information des services numériques dans le pays et à exploiter les technologies de l’information et de la communication (TIC) En mai 2018, la Banque mondiale a approuvé un crédit pour moderniser le secteur agricole, réduire les importations de 70 millions de dollars de l’IDA pour financer le projet de denrées alimentaires et doper les exportations (de cacao « e-agriculture », qui vise notamment à moderniser et de café notamment). l’infrastructure et les équipements numériques, à adapter les systèmes d’information agricoles et à développer des applications pour l’agriculture. Ce projet devrait bénéficier Une agriculture numérique moderne à plus de six millions de petits exploitants, qui représentent près d’un quart des 24 millions d’habitants que compte En 2012, la Côte d’Ivoire était l’un des pays du monde les le pays. plus à la traîne dans le domaine des TIC et se situait au 130e rang sur 142, selon le classement mondial établi par Selon Pierre Laporte, directeur des opérations de la Banque le Forum économique mondial. Quatre ans plus tard, le pays mondiale pour le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire grimpe à la 72e place (sur 139) et s’impose comme un chef et le Togo, l’agriculture est l’un des piliers de l’économie de file en Afrique grâce à des lois et des réglementations ivoirienne, mais ce secteur n’a eu que peu d’impact sur plus favorables au développement des TIC dans l’économie la hausse des revenus et la réduction de la pauvreté en nationale. Le taux de pénétration de la téléphonie mobile milieu rural, car il est trop exposé aux aléas des cours (nombre de cartes SIM divisé par la population totale) atteint internationaux. 126 % fin 2017, contre 89 % dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et 77 % en Afrique subsaharienne. « Ce projet permettra aux agriculteurs d’accéder rapidement à des informations clés pour leur activité, Cependant, si beaucoup d’Ivoiriens ont deux ou trois comme notamment les prix sur le marché des semences. téléphones mobiles, le réseau n’est toujours pas accessible Quant aux autorités, elles disposeront de données pour dans certaines régions rurales. La stratégie nationale mieux piloter leurs politiques et leurs stratégies en faveur a donc pour but de tirer parti de la forte croissance de l’agriculture et du monde rural », ajoute Pierre Laporte. numérique du pays pour étendre les services mobiles et de partage de données aux petits agriculteurs. En améliorant Grâce à une meilleure connectivité, les agriculteurs pourront l’accès en temps réel aux informations sur les marchés et accéder à différents services hydrométéorologiques pour les conditions météorologiques dont ils ont besoin pour adapter leurs pratiques, tandis que les services publics prendre des décisions essentielles en matière de plantation et les communautés exposées aux effets du changement et de vente, les agriculteurs seront en mesure d’améliorer climatique auront la possibilité de surveiller en temps réel leur productivité, leur résilience aux aléas climatiques et les systèmes d’alimentation en eau. leurs revenus. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 43 GHANA Une agriculture commerciale durable au service des emplois et de la croissance ■ L  a récolte mécanisée du riz sur les exploitations GADCO s’inscrit dans Le Ghana s’est lancé dans la modernisation de un processus efficace de transformation et son secteur agroalimentaire afin de réduire sa de conditionnement des produits commer- dépendance aux denrées importées et de satisfaire cialisés sous les l’augmentation de la demande alimentaire marques Aduanehene et COPA. grâce à la production locale. Les entreprises  © Geoff Anno / GCAP nationales et internationales, tout comme les petits exploitants auprès desquels elles s’approvisionnent, bénéficient d’investissements visant à améliorer l’irrigation et les rendements. 44 Tous les commerces et marchés du Ghana proposent les produits à base de riz Aduanehene et COPA. De la rizière aux étals, ces marques 100 % locales illustrent de manière « Cette aide m’a permis de tirer un meilleur revenu de mon activité éclatante les efforts consentis par le pays pour renforcer les capacités de production des entreprises agroalimentaires et et de construire une maison. des petits agriculteurs. Bernice Atakli, petite exploitante et habitante » La société Global Agri-Development Company Ghana Ltd. de Fieve (GADCO) produit, transforme et distribue ces marques. Elle sous-traite la production à des petits exploitants, qui alimentent ses usines de transformation. Les sous-traitants bénéficient ainsi d’un débouché immédiat pour leurs cultures À ce jour, plus de 6 000 hectares de terres agricoles ont et n’ont plus à se préoccuper de la commercialisation ou des été ainsi optimisés avec, à la clé, une hausse sensible des risques de pertes après la récolte. rendements : en 2017, la production de riz a atteint 3,8 tonnes l’hectare, contre un niveau de référence de 1,5 tonne. De nouveaux dispositifs d’irrigation et des entrepôts post- Mieux irriguer pour augmenter récolte ont été construits, tandis que plus de 9 300 petits les rendements exploitants (dont 40 % de femmes) ont pu améliorer leurs pratiques agricoles grâce à des « agriculteurs-relais ». Dans le district de Tongu-Sud, dans la région de la Volta, GADCO possède 1 500 hectares de terres dont 300 sont cultivés par des sous-traitants de la localité voisine de Fieve. Agriculteurs et agro-industriels tirent En 2014, l’entreprise a bénéficié de l’assistance financière de leur épingle du jeu la Banque mondiale, à travers le projet sur le développement de l’agriculture commerciale au Ghana, dans le but de À Fieve, les habitants et l’entreprise GADCO ont profité renforcer ses opérations dans cette région. des subventions du projet. GADCO a pu ainsi développer 120 hectares de terres, construire des installations de Les ressources sont allouées à travers un dispositif de stockage, raccorder son usine locale de transformation financement de contrepartie, qui accorde des subventions à l’électricité, installer une station de pompage pour aux entreprises agroalimentaires éligibles faisant appel assurer l’irrigation des rizières et renforcer les capacités de à des sous-traitants pour préparer les sols et leur assurer 90 sous traitants. des fonds de roulement. L’une des grandes missions du projet consiste à inciter ces entreprises nationales et Les témoignages des petits exploitants sont positifs. Bernice internationales à investir dans les systèmes d’irrigation Atakli, qui produit du riz, du maïs, des poivrons et du manioc rénovés dans ce cadre et, ce faisant, stimuler la productivité sur un terrain de cinq hectares, explique que cette aide lui et la production de céréales essentielles (riz, maïs ou soja) a permis de tirer un meilleur revenu de son activité et de et d’autres produits à forte valeur ajoutée destinés aux construire une maison. Pour Gabriel Djamesi, qui cultive deux marchés locaux et d’exportation. hectares de terres, relate quant à lui que grâce au soutien du projet et de GADCO, il a pu acheter deux vaches laitières qui Le projet, qui bénéficie d’un crédit de l’IDA de 150 millions lui procurent une autre source de revenu. de dollars, dont un financement additionnel de 50 millions alloué au titre d’IDA-18, devrait permettre d’étendre les Et grâce aux investissements et mesures de sauvegarde terres irriguées de plus de 8  000 hectares et profiter sociales associés au projet, les tensions entre GADCO et à une trentaine de moyennes et grandes entreprises les habitants se sont dissipées. L’injection de capitaux a agroalimentaires en plus des 14  000 petits paysans encouragé l’entreprise à changer d’échelle et à intégrer travaillant dans les zones ciblées. davantage de sous-traitants. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 45 GUINÉE Investir dans l’agriculture : un pari gagnant ■  G râce à ses revenus Le riz est un aliment de base pour les Guinéens agricoles, Ousmane mais, faute de rendements suffisants, le pays Diallo a pu diversifier ses activités et dépend d’importations qu’il n’a pas les moyens possède aujourd’hui une entreprise de de financer. L’amélioration des semences et conditionnement et les innovations dans la gestion des cultures de distribution d’eau potable. bénéficient à l’ensemble de la population et © Vincent Tremeau / en particulier aux agriculteurs. Banque mondiale 46 Ousmane Diallo a 35 ans. Cet universitaire diplômé en sociologie possède une exploitation de huit hectares à Mandiana, l’un des endroits les plus reculés de Guinée (à « Les gens pensaient que j’étais fou de me lancer dans l’agriculture, mais plus de 700 kilomètres à l’est de Conakry, la capitale) et plus connu pour ses activités d’extraction que pour son les résultats m’ont donné raison. agriculture. Plus de 80 % de la population locale travaillent dans le secteur minier. Mais pas Ousmane. Comme il ne trouvait pas d’emploi après ses études, il a Ousmane Diallo, entrepreneur agricole à Mandiana » décidé d’investir dans l’agriculture, conscient du « potentiel Les opérations de commercialisation ont permis de dégager agricole de la région ». une recette d’environ 10 milliards de francs guinéens Ses premières récoltes, en 2014 (riz, maïs et légumes, très (1,1 million de dollars). L’utilisation de semences améliorées demandés sur les marchés), le déçoivent : les graines qu’il a a produit un excédent de plus de 85 000 tonnes de riz utilisées ne permettent pas d’avoir de bons rendements. Il non décortiqué, d’une valeur de 14 millions de dollars, soit se tourne alors vers le Programme de productivité agricole l’équivalent de 10 % des importations annuelles de riz de en Afrique de l’Ouest (PPAAO), financé par la Banque la Guinée. mondiale. Aujourd’hui, Ousmane produit deux tonnes de riz par hectare, contre moins de la moitié il y a quatre ans Cultiver la richesse (800 kilogrammes). Grâce aux revenus tirés de l’agriculture, Ousmane s’est diversifié. Après avoir obtenu un prêt de 26 millions de Améliorer les semences de riz francs guinéens (2 800 dollars), il a acheté une entreprise de et les rendements conditionnement d’eau et alimente désormais en eau potable plusieurs entreprises minières. Il emploie des dizaines de La Guinée fait partie des 13 pays d’Afrique de l’Ouest personnes, à temps plein ou en saison. participant au PPAAO, un projet régional qui vise à développer et diffuser de meilleures techniques agricoles « Les gens pensaient que j’étais fou de me lancer dans et à augmenter leur adoption dans les filières considérées l’agriculture, mais les résultats m’ont donné raison. Je comme prioritaires. Pour la Guinée, c’est le riz. voudrais que d’autres jeunes suivent mon exemple et pouvoir les former », affirme Ousmane, qui projette d’industrialiser Depuis 2011, le PPAAO a aidé les Guinéens à introduire de ses activités et de se lancer dans l’élevage de bétail. nouvelles variétés, améliorer les pratiques de gestion des récoltes et moderniser les techniques de transformation La Guinée consolide ses gains dans le secteur du riz et alimentaire à petite échelle. Il a également optimisé les s’intéresse désormais à d’autres filières agricoles : manioc, systèmes nationaux de production et de distribution de cultures maraîchères, soja, élevage de chèvres et de volaille semences pour mettre à disposition des graines certifiées et pisciculture. La Banque mondiale lui a accordé dans ce et de qualité. but un financement supplémentaire de 23 millions de dollars au titre d’IDA-18. Grâce à un don initial de l’IDA de 9 millions de dollars, le programme a amélioré les conditions de vie des semenciers, qui ont vu leurs gains augmenter de 4 millions de francs guinéens (440 dollars) par hectare de riz et par saison — une somme non négligeable quand on sait que le salaire minimum mensuel est de 440 000 francs guinéens (45 dollars). Plus de 120 000 bénéficiaires directs (dont 40 % de femmes) ont vu leurs revenus s’accroître de 30 %, auxquels s’ajoutent les bénéficiaires indirects, ouvriers et artisans locaux qui, au-delà des frontières, ont bénéficié de plus de débouchés professionnels. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 47 LESOTHO Créer des débouchés viables pour les petits exploitants agricoles ■ M alisema Masheane, heureuse propriétaire de l’exploitation porcine Plus de la moitié des habitants du Lesotho de Serumula. vivent dans des zones rurales, et la majorité ©  Elita Banda / Banque mondiale d’entre eux pratiquent une agriculture de subsistance. L’économie urbaine ayant une capacité limitée à absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail, le renforcement de la productivité agricole et de la rentabilité de cette activité sont primordiaux. 48 Ntuba Masena possède une entreprise de séchage de fruits et de légumes à Hlotse, la capitale commerciale du Lesotho, située dans le nord du pays. Ses affaires sont florissantes. « Des tas de gens, hommes et femmes, sont impressionnés par ce que j’ai fait... À l’approche de la retraite, cette ancienne infirmière voulait s’assurer des revenus supplémentaires. Lors d’un atelier sur Je les pousse à chercher des créneaux l’agriculture, elle découvre le principe du séchage. Séduite dans la filière afin que, tous ensemble, par l’idée de se lancer dans une activité lucrative, elle achète nous puissions vivre de cette activité. alors quelques sacs de pommes et un trancheur à fruits. Commence alors son apprentissage de l’entrepreneuriat. Malisema Masheane, propriétaire de l’exploitation Au début, Ntuba séchait ses fruits au soleil. Mais les caprices de la météo ont perturbé son activité. Ayant sollicité et obtenu une subvention du projet de développement des porcine de Serumula » petites exploitations agricoles, elle s’achète alors un Étendre l’aide à d’autres districts dessiccateur. Ce nouvel appareil lui permet de réduire les temps de séchage — et d’augmenter ses profits puisque Au Lesotho, l’agriculture joue un rôle central dans l’emploi et désormais les pommes sont séchées en quatre heures, l’alimentation. Plus de la moitié des habitants vivent dans contre un jour et demi auparavant. des zones rurales, et la majorité d’entre eux pratiquent une agriculture de subsistance. L’économie urbaine ayant une capacité limitée à absorber les nouveaux entrants sur le Améliorer la productivité et les perspectives marché du travail, l’agriculture joue un rôle majeur dans la commerciales stratégie de développement du pays. Depuis 2012, ce projet propose une combinaison de Le projet a démontré que l’agriculture pratiquée par les petits subventions et d’assistance technique dans le but d’améliorer exploitants a un réel potentiel commercial et ce, d’autant plus la productivité et les perspectives commerciales des petits que l’urbanisation, l’exposition au changement climatique et exploitants et des entrepreneurs agricoles comme Ntuba. l’évolution des modes de consommation obligent le secteur Plus de 55 000 personnes dans quatre des dix districts du agricole à s’adapter. En 2018, le projet d’un montant de Lesotho ont profité de ce projet. Sur les 16 800 bénéficiaires 24,5 millions de dollars a reçu un financement additionnel de subventions, la moitié sont des femmes qui se sont de l’IDA de 10 millions de dollars dans le but d’étendre le lancées dans l’élevage de porcs ou de volailles, la production dispositif à trois nouveaux districts et d’y ajouter un volet de légumes et d’autres activités agricoles à petite échelle. sur la production climato-intelligente et les initiatives agro- industrielles. C’est le cas de Malisema Masheane. Depuis longtemps, elle rêvait d’élever des cochons. Obligée d’exercer deux emplois Pour le ministre de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire, pour survivre, elle manquait toujours de temps et d’argent Molapo Mahala, qui considère qu’une étape importante a été pour se lancer. Après avoir entendu parler du projet, elle franchie pour promouvoir la commercialisation des produits demande une subvention en 2016 et l’obtient. Avec les de la petite agriculture, « ces fonds supplémentaires 21 000 dollars, elle achète dix truies et un verrat, construit serviront à renforcer les capacités des agriculteurs du une porcherie et se raccorde à un forage. Maintenant que son Lesotho et à bâtir des systèmes d’agriculture commerciale rêve est devenu réalité, Malisema envisage de développer plus productifs et à l’épreuve du changement climatique ». son activité et encourage les autres à suivre son exemple. « Des tas de gens, hommes et femmes, sont impressionnés par ce que j’ai fait et voudraient bien avoir leur propre porcherie. Je les pousse à chercher des créneaux dans la filière afin que, tous ensemble, nous puissions vivre de cette activité », explique-t-elle. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 49 MALAWI Miser sur le potentiel agricole en investissant dans l’irrigation Dans la vallée du Shire, le plus gros investissement jamais réalisé au Malawi par l’IDA va transformer la productivité agricole grâce à l’irrigation, poser les bases d’une agriculture commerciale et améliorer la gestion des ressources naturelles. ■  P lus de 48 000 ménages, dont près de 200 000 habitants de la vallée du Shire, au Malawi, devraient bénéficier de meilleurs services agricoles et d’irrigation. © ILRI / Mann 50 Quatre-vingt-cinq pour cent des 17,6 millions d’habitants que compte le Malawi vivent en milieu rural et pratiquent pour la plupart une agriculture pluviale peu productive. Ces « Notre vallée va enfin pouvoir devenir la région agricole la plus productive petits exploitants assurent 75 % de la production agricole du pays, l’agriculture contribuant à hauteur de 30 % au du pays. » PIB national. Chef suprême du district de Chikwawa Le quotidien et les moyens de subsistance des habitants sont tributaires d’une saison des pluies qui ne dure que de novembre à mars. Lorsque les précipitations arrivent trop production agricole, assurer des services d’eau potable et tard, sont trop violentes ou ne durent pas assez longtemps, améliorer la gestion des ressources naturelles, y compris des la production agricole et la sécurité alimentaire de tout le zones humides et des aires protégées, tout en confortant le pays sont menacées. Le pays a beau posséder des cours potentiel touristique de la région. d’eau et abriter le deuxième lac d’Afrique, la disponibilité et la fiabilité des eaux de surface varient d’une année sur « Ce projet, nous l’avons attendu toute notre vie... et l’autre et entre la saison sèche et la saison humide. Les grâce à lui, notre vallée va enfin pouvoir devenir la région infrastructures de stockage de l’eau sont rares, même pour agricole la plus productive du pays, ce qui profitera aux la région. 48 000 ménages concernés », se réjouit le chef suprême du district de Chikwawa. La nécessité de surmonter les conséquences économiques des chocs climatiques et hydriques revêt une importance cruciale pour la vallée du Shire : dans cette région du sud du Au-delà de l’agriculture de subsistance pays, particulièrement exposée aux catastrophes naturelles, 80 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté Grâce à ce soutien et à la sécurisation de l’accès à l’eau, national, tandis que les inondations et les sécheresses le Malawi espère faire passer l’agriculture d’une activité récurrentes font planer le spectre de la famine. de subsistance à une activité commerciale lucrative afin d’extraire durablement les populations de la pauvreté. Libérer le potentiel de la vallée du Shire « L’intérêt de ce programme, c’est qu’il va inciter les petits paysans à se moderniser et à commercialiser leurs Les sols fertiles de la vallée du Shire représentent pourtant produits. À terme, le gain pour l’économie devrait ressortir un véritable potentiel, que les grandes exploitations à 500 millions de dollars », explique Joseph Mwanamvekha, commerciales de canne à sucre peuvent exploiter grâce aux ministre malawien de l’Agriculture, de l’Irrigation et du réseaux d’irrigation. Les autorités du Malawi souhaitent Développement de l’eau. favoriser le développement de la région et tirer meilleur parti de la présence d’acteurs privés et de la proximité avec les Dans sa première phase, le programme va mettre en place pôles commerciaux de Blantyre et Tete, mais également de des services d’irrigation modernes et durables ainsi que des la voie ferrée de Nacala, au Mozambique. services de soutien à l’agriculture, l’aquaculture et l’élevage. Il aidera les agriculteurs à sécuriser les droits d’utilisation des Le programme de transformation de la vallée du Shire cherche terres et de l’eau et à développer une activité commerciale. à stimuler la productivité agricole par l’irrigation, poser les La diversification des cultures dans d’autres secteurs bases d’une agriculture commerciale et améliorer la gestion que la canne à sucre devrait créer des débouchés pour les des ressources naturelles dans les districts de Chikwawa entreprises agroindustrielles et les négociants. et Nsanje. La première des trois étapes de ce programme prévu pour durer 14 ans, et dont le coût total est estimé à 560 millions de dollars, bénéficie d’un crédit de 160 millions de dollars alloué au titre d’IDA-18 et d’un financement de 5,6 millions du Fonds pour l’environnement mondial. Le programme va permettre d’irriguer plus de 40 000 hectares de terres en substituant un système par gravité aux pompes électriques qui puisent l’eau du Shire. Il va ainsi renforcer la L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 51   RÉPUBLIQUE DU CONGO Du mortier au broyeur mélangeur : parcours d’un combattant agriculteur ■  usty Guembo et son R associé Gervais Kondo sont parvenus à Les investissements en faveur de la transformer leur petite exploitation aviaire productivité agricole et des infrastructures en une entreprise agroindustrielle d’accès aux marchés ont aidé plus de florissante. 360 000 éleveurs et agriculteurs congolais. © Franck Bitemo / Le nouveau financement IDA 18 cible Banque mondiale 500 000 exploitants supplémentaires à travers la promotion de l’agro-industrie et le soutien aux entrepreneurs agricoles. 52 «  J’ai toujours rêvé d’être mon propre patron ». Rusty Guembo assume ses ambitions dans une société où il est de bon ton d’être fonctionnaire. À 45 ans, cet ingénieur « Notre plus grande fierté c’est d’avoir réussi à développer une vision et à congolais, diplômé de l’Institut de développement rural de Brazzaville, dirige avec son associé Agro 4, une coopérative défendre des valeurs qui nous tiennent de maraîchers et d’éleveurs de poules. à cœur. Rusty Guembo, co-fondateur de Agro 4 » Comprendre le potentiel du secteur privé à Brazzaville et persévérer Une aventure qu’il a débutée en 2000 avec trois amis en aménageant un poulailler de fortune dans une pièce sur un terrain octroyé par le gouvernement, à la périphérie de sa maison. Les débuts sont difficiles ! « Pour nourrir sud de la capitale. Elle possède enfin un parc automobile quotidiennement nos poules, on utilisait un mortier pour pour collecter et transporter les intrants et distribuer piler les céréales qu’on filtrait ensuite avec un tamis, avant ses produits. En 2017, la fabrique de nourriture d’élevage de les mélanger à d’autres ingrédients à l’aide d’une pelle », affichait un chiffre d’affaire d’environ 700 millions de francs raconte-t-il. « Quatre ans durant, nous avons travaillé CFA (environ 1,2 millions d’euros). sans faire le moindre bénéfice. » Deux de ses coéquipiers renoncent. Mais la plus grande fierté de Rusty et Gervais c’est d’avoir réussi à « développer une vision et à défendre des valeurs Lui et le dernier de ses compagnons, Gervais Kondo, qui nous tiennent à cœur, notamment la promotion d’une persévèrent et, entre 2004 et 2006, ils formalisent leur production locale de qualité et abordable pour que les coopérative et obtiennent de petits financements qui leur Congolais puissent avoir les moyens de bien se nourrir. » permettent d’augmenter leur élevage et leur capacité de production artisanale de nourriture pour volaille. Augmenter la productivité agricole de manière responsable Un coup de pouce déterminant Le Projet de développement agricole et de réhabilitation des C’est en 2010 que s’opère le tournant décisif lorsqu’ils pistes rurales (PDARP), d’un montant global de 50,5 millions reçoivent une dotation du Projet de développement agricole de dollars, dont 28 millions proviennent du gouvernement et de réhabilitation des pistes rurales (PDARP), financé par et 22,5 millions de l’Association internationale de la Banque mondiale, qui leur permet de faire l’achat d’un développement (IDA), a été mis en œuvre entre 2008 et 2017. broyeur mélangeur incliné d’une valeur de 5 millions de Plus de 360 000 personnes en ont bénéficié dont 51,30 % de francs CFA et d’une capacité de 1 250 kg par heure. « Cet femmes. Il a contribué à doubler le rendement de certaines outil a révolutionné notre travail ! », explique Rusty Guembo. cultures vivrières. Dans sa lignée, le nouveau Projet « En quatre mois, nous avons triplé notre production de d’appui au développement de l’agriculture commerciale nourriture pour volaille qui est passée à 60 tonnes par (PADAC) vise à poursuivre ces résultats prometteurs en mois. » La fabrication de nourriture de bétail s’impose alors favorisant une approche innovante. Financé entièrement comme l’activité majeure d’Agro 4. En 2012, les économies par l’IDA à hauteur de 100 millions de dollars échelonnés réalisées leur permettent d’acquérir une deuxième machine sur cinq ans, il vise à améliorer la productivité agricoles pour faire face à une demande croissante. et l’accès aux marchés des groupes de producteurs et des micros, petites et moyennes entreprises agroindustrielles. Leur coopérative compte aujourd’hui 10 éleveurs et emploie Il cible 500 000 agriculteurs et éleveurs dans différents des dizaines de tâcherons. Elle est propriétaire des locaux départements de la République du Congo. de son siège, installé au cœur d’un des plus grands marchés du sud de Brazzaville. Elle dispose de succursales à Pointe- « Le PADAC doit contribuer à changer le regard des Noire, mais aussi dans les départements de la Bouenza Congolais sur l’agriculture, afin qu’ils ne la considèrent et des Plateaux où la coopérative a acquis des terres et plus seulement comme une activité de subsistance mais développe des activités agricoles. Agro 4 est également comme une activité entrepreneuriale prometteuse », en train d’installer une grande ferme avicole et porcine insiste Rusty Guembo. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 53 SIERRA LEONE Accroître la transparence et la confiance dans le secteur minier ■  U n mineur tamise soigneusement le gravier et les roches La Sierra Leone dispose de ressources en quête de diamants. minérales et pétrolières qui pourraient soutenir © Roy Maconachie / University of Bath une croissance beaucoup plus forte de son PIB. De nouvelles politiques et de nouveaux règlements améliorent la transparence de l’industrie minière, ce qui permet au gouvernement de superviser ces activités et aux mineurs artisanaux de renforcer leurs capacités. 54 Ishmael Sesay dirige Youth in Mining, un groupement de jeunes qui travaillent dans des petites mines artisanales dans le district diamantifère de Kono, à l’est de la Sierra « Si vous trouvez une grosse pierre, mais que vous ne savez pas ce qu’elle vaut, Leone. Il a créé cette association avec des amis après avoir terminé ses études secondaires. c’est comme si vous en faisiez cadeau. «  Nous étions huit et nous nous sommes réunis pour Ishmael Sesay, mineur artisanal dans le district commencer à chercher des diamants. Il y avait énormément de concurrence, mais nous étions déterminés à tirer notre épingle du jeu, car l’exploitation minière était notre seule de Kono » source de revenus », raconte le jeune mineur. Structurer l’exploitation minière artisanale Comme beaucoup de mineurs artisanaux du district de Kono, Ishmael Sesay et son équipe n’avaient pas les compétences À Kono et dans d’autres districts, la plupart des activités nécessaires pour estimer la valeur de leurs découvertes. En minières artisanales s’exercent dans l’illégalité. C’est 2017, ils ont participé à un atelier de formation organisé par pourquoi des organisations comme l’Initiative Diamant et la Banque mondiale en collaboration avec le ministère des Développement (DDI)-Sierra Leone intervient pour structurer Mines et des Ressources minérales de Sierra Leone. le secteur et sortir ses acteurs de l’économie informelle. L’organisation enseigne aux mineurs comment se conformer « Nous avons appris à estimer la valeur de nos diamants aux normes internationales régissant la production et la avant de les vendre », explique Ishmael. « Parce que si vous commercialisation des diamants. trouvez une grosse pierre, mais que vous ne savez pas ce qu’elle vaut, c’est comme si vous en faisiez cadeau. » « Notre objectif est de réglementer le secteur minier pour faire en sorte que l’État puisse percevoir les taxes nécessaires au fonctionnement de l’administration publique », précise Jeter les bases d’une meilleure gouvernance Joseph S. Mboka, responsable de programme à la DDI. « En régularisant les activités minières, nous voulons aussi La formation, axée sur les technologies et méthodes éviter que la contrebande de diamants ne vienne alimenter d’exploitation minière durables, était organisée dans le cadre des conflits. Si une réglementation est en place et que l’État du projet d’assistance technique aux industries extractives, peut enregistrer chaque diamant extrait, nous savons que les financé par la Banque mondiale. Pendant la première phase pierres seront mises sur le marché de façon responsable ». de ce projet (2009-2016), la Sierra Leone a posé les bases d’une meilleure gouvernance dans le secteur minier. Le projet finance aussi la réalisation d’une étude de fond sur les exploitations artisanales et les mineurs concernés La réalisation la plus remarquable a été la création de l’Agence ainsi qu’une campagne de géophysique aéroportée sur tout nationale des minerais, responsable de la réglementation le territoire. Le but de ces travaux est de dresser des cartes du secteur et des études géologiques. De nouvelles géologiques plus modernes de la Sierra Leone et, ainsi, de politiques et de nouveaux dispositifs réglementaires ont contribuer à une approche plus stratégique de la prospection également été déployés pour régler les questions de prix de minière. transfert, de gestion des recettes, de règlement des litiges, d’harmonisation des politiques foncières, de développement Les Sierraléonais et, parmi eux, en particulier, les mineurs des compétences et d’amélioration de la gestion artisanaux, bénéficieront d’une meilleure gestion de environnementale dans le secteur des industries extractives. l’environnement et d’une protection sociale renforcée, ainsi que d’une répartition plus équitable des richesses provenant La deuxième phase du projet est en cours, avec un don de des activités minières, y compris un meilleur accès à l’emploi. 20 millions de dollars alloué au titre d’IDA-18 et destiné à renforcer encore davantage les cadres juridique et réglementaire, à améliorer les connaissances géologiques et à soutenir les exploitations artisanales. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 55 TANZANIE Le tourisme peut tirer la croissance économique et favoriser la protection ■ de la nature  a Tanzanie affiche l’un L des taux de recettes touristiques les plus élevés par visiteurs, en Afrique subsaharienne. La Tanzanie, l’une des destinations touristiques © Daniel Mira-Salama / les plus fréquentées d’Afrique du fait de sa Banque mondiale faune exceptionnelle, envisage de développer son Circuit austral pour diversifier le secteur, renforcer la protection du patrimoine nature et promouvoir de nouvelles sources de croissance économique dans la région. 56 La Tanzanie a développé une industrie touristique prospère grâce à ses ressources naturelles et une faune exceptionnelle. Elle abrite de nombreux parcs et réserves forestières, « La sensibilisation des communautés à l’importance de la protection marines et animalières dont le parc national du Serengeti, réputé dans le monde entier. En 2015, près de 1,2 million de de la nature et au rôle qu’elles doivent touristes étrangers se sont rendus en Tanzanie, soit plus du jouer pour y contribuer fait partie double des 500 000 entrées enregistrées en 2000. Le secteur des initiatives que nous engagerons a rapporté 8,4 milliards de dollars de revenu (l’équivalent de 10 % du PIB environ) et est la principale source de devises dans le cadre du projet. dans le pays. Hamisi Kigwangalla, ministre des Ressources Aujourd’hui, l’activité touristique est essentiellement concentrée dans le Circuit septentrional, avec le Serengeti, les parcs nationaux du Kilimandjaro et l’aire de conservation naturelles et du Tourisme » du Ngorongoro. Mais les premiers signes de pression et les Ce projet, qui vient compléter d’autres opérations dans problèmes de capacités d’accueil dans ces destinations les transports, les TIC, l’agriculture et le développement commencent à mettre à mal la stratégie du gouvernement urbain, améliorera la gestion des ressources naturelles et le visant à promouvoir un tourisme haut de gamme, loin du patrimoine touristique dans le sud de la Tanzanie et aidera les tourisme de masse. habitants à accéder à de nouvelles activités rémunératrices. Développer le Circuit austral Près de 20  000 ménages vivant en lisière des aires protégées devraient en bénéficier. L’optimisation des Afin d’attirer les touristes dans le sud du pays et accroître méthodes d’irrigation et de production profitera à quelque la contribution du secteur à l’économie, les autorités se 20  000 familles d’agriculteurs dans le bassin de la sont engagées dans un projet de développement du Circuit rivière Ruaha. austral. Plusieurs parcs nationaux jalonnent l’itinéraire, dont le parc national de Ruaha, le plus vaste d’Afrique de l’Est, Le projet prévoit aussi des activités pour renforcer les et la réserve animalière du Selous, classée au patrimoine capacités des organismes publics et des fonctionnaires mondial de l’UNESCO. chargés des questions d’eau, d’agriculture et de gestion foncière, de la faune, du tourisme et des aires protégées. Les atouts sont là, mais le manque d’infrastructures et un Les opérateurs touristiques et les entreprises apparentées réseau routier peu développé fragilisent le projet, en plus devraient voir leurs revenus augmenter, sachant que la des problèmes de braconnage et de mauvaise gestion des priorité sera accordée aux femmes et aux jeunes. ressources en eau en amont du parc national du Ruaha, sans oublier l’absence de retombées économiques pour les Hamisi Kigwangalla, ministre des Ressources naturelles et communautés locales. Comme le reste de la Tanzanie, la région du Tourisme, estime que le projet contribuera non seulement est en proie à des conflits autour des ressources naturelles, à diversifier et à renforcer l’industrie touristique mais la population, toujours plus nombreuse, dépendant vivant également à inciter les communautés à participer aux principalement de l’agriculture. D’autant que le changement efforts de protection de la nature. climatique et la rareté des ressources naturelles accentuent « La région d’Iringa, au sud, connaît de gros problèmes, avec les pressions sur les précieux écosystèmes du pays. le braconnage et l’empoisonnement des animaux sauvages. La sensibilisation des communautés à l’importance de la Stimuler la croissance et préserver protection de la nature et au rôle qu’elles doivent jouer pour la nature y contribuer fait partie des initiatives que nous engagerons dans le cadre du projet », souligne-t-il. C’est pour remédier à ces difficultés que le gouvernement met en œuvre un projet axé sur la gestion durable des ressources naturelles au service du tourisme et de la croissance (REGROW en anglais), financé à hauteur de 150 millions de dollars par l’IDA depuis juin 2018. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 57 TOGO Révolutionner le secteur avicole africain ■  es étudiants du Centre L Alors que la production mondiale d’œufs d’excellence régional et de viande de volaille a explosé ces deux sur les sciences aviaires (CERSA) espèrent dernières décennies, l’Afrique ne fournit que que leurs travaux déboucheront sur des 4 % des produits aviaires vendus dans le monde applications pratiques et affiche des niveaux de consommation qui transformeront le quotidien des éleveurs particulièrement bas. Le CERSA compte changer et producteurs avicoles. la donne avec l’ambition de renforcer le secteur © Eric Kaglan / avicole africain grâce à une recherche de pointe Banque mondiale dans les sciences aviaires. 58 L’Afrique abrite 15 % de la population mondiale, mais ses habitants comptent parmi les plus faibles producteurs et consommateurs de volailles au monde. Un Africain « Nous offrons un programme d’études spécialisé qui couvre tous consomme en moyenne 45 œufs et 3 kilos de volaille par an, contre 145 œufs et 14 kilos dans le reste du monde ! les aspects scientifiques, techniques Le secteur avicole africain souffre de financements et technologiques de la filière avicole. insuffisants, du manque d’expertise technique de pointe et de problèmes d’intrants. Le Centre d’excellence régional sur les sciences aviaires (CERSA) de l’université de Lomé, au Togo, compte bien Kokou Tona, directeur du CERSA » renverser cette tendance. Créé en 2014 dans le cadre d’une Georges Sanvee est convaincu que ce type d’innovation peut opération financée par la Banque mondiale (le projet des révolutionner le secteur. Selon cet éleveur de volaille, les Centres d’excellence africains), cet établissement cherche à producteurs comptent beaucoup sur les travaux du CERSA renforcer et promouvoir le secteur avicole — et à améliorer pour améliorer leurs méthodes et obtenir ainsi de meilleurs ainsi la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest et centrale résultats. — en investissant dans la recherche et la formation et en nouant des partenariats avec des industriels. Il a lui-même bénéficié d’une courte formation pratique dispensée par le CERSA grâce à laquelle il a appris comment mieux nourrir ses volailles et accroître la production des Le seul institut de recherche dédié aux poules pondeuses. sciences aviaires en Afrique En mars 2018, signe de l’impact de son action et de la Le CERSA est le seul établissement de la région proposant qualité de ses activités, le CERSA a reçu une accréditation des formations de haut niveau (master et troisième cycle) internationale sans réserve pour cinq ans auprès du Haut et des activités de recherche fondamentale et appliquée Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement dans les sciences aviaires. Il comptait en juin 2018 25 supérieur (HCERES), une autorité administrative doctorants (dont six femmes) et 76 étudiants en master indépendante basée en France. (dont 15 femmes) originaires de 11 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Au-delà de la recherche « Nous offrons un programme d’études spécialisé qui couvre Le CERSA, dont l’objectif est aussi de moderniser et tous les aspects scientifiques, techniques et technologiques industrialiser l’aviculture en Afrique, s’emploie pour cela à de la filière avicole : production, transformation, nouer des partenariats stratégiques avec des industriels biotechnologie, génétique et commercialisation. Nous européens. Il s’agit notamment d’identifier les races de prévoyons d’intégrer prochainement un nouveau cursus volailles les plus adaptées à la région, d’améliorer la qualité pour couvrir aussi les questions sociologiques », indique le de l’alimentation animale et de renforcer les systèmes de professeur Kokou Tona, qui dirige le centre. production. Le CERSA prévoit également de collaborer avec Alors que les produits avicoles sont souvent considérés l’entreprise avicole sénégalaise SEDIMA afin de promouvoir comme un luxe en Afrique, Tekando Komlan et Agblékpé le partage de connaissances et les échanges Sud-Sud. Agbessi ont voulu s’attaquer à cette idée fausse en se Toute cette dynamique devrait concourir à augmenter la consacrant à la recherche sur la transformation des œufs et productivité et l’offre de produits avicoles, notamment de la viande de volaille. au profit des consommateurs pauvres. Un financement « Une alimentation pauvre en micronutriments est une additionnel de 4 millions de dollars au titre d’IDA-18 aidera cause de malnutrition chez beaucoup d’enfants. Nous avons le CERSA à renforcer encore davantage son action en faveur orienté nos recherches sur la transformation des œufs du développement du secteur en Afrique. en poudre comme remède aux carences en calories et en protéines », explique Tekando Komlan. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 59 AFRIQUE DE L’OUEST Permettre aux plus défavorisés de devenir propriétaires ■  G râce à des crédits Dans les huit pays francophones qui constituent immobiliers plus l’Union économique et monétaire ouest-africaine abordables, les habitants de la région (UEMOA), les logements sont rares, la demande seront plus nombreux à devenir propriétaires. explose et les prix s’envolent. La Banque mondiale s’emploie à élargir l’accès au crédit © Arne Hoel / Banque mondiale immobilier des ménages à faible revenu. 60 D’ici 20 ans, la population de l’UEMOA va pratiquement doubler, en particulier dans les zones urbaines. Une tendance qui accentue les défis liés au logement, dont souffriront « Le financement de l’IDA ainsi que l’investissement récent de l’IFC dans principalement les ménages modestes dans une région où la pauvreté est très répandue. Il faudrait construire la Caisse régionale de refinancement 800  000 nouveaux logements chaque année, mais les hypothécaire consolident notre modèle banques de l’UEMOA n’octroient qu’environ 15 000 nouveaux d’affaires et notre capacité à mobiliser prêts immobiliers par an. des ressources durables pour élargir l’accès au financement de logements Développer une compagnie hypothécaire abordables. régionale Christian Agossa, directeur général de la Caisse » Pour développer le financement de l’habitat dans la région, régionale de refinancement hypothécaire la Banque mondiale apporte une palette de services et d’investissements à la Caisse régionale de refinancement hypothécaire (CRRH). Créée en 2012, la CRRH est une société régionale à capitaux majoritairement privés. Elle privé. En 2017, avec le concours du guichet pour la promotion émet des obligations à long terme pour prêter des fonds aux du secteur privé d’IDA-18, l’IFC a investi 5 milliards de FCFA établissements financiers qui peuvent ainsi accorder des prêts (9 millions de dollars) dans une émission obligataire de 12 ans immobiliers à leurs clients. Elle compte parmi ses actionnaires en monnaie locale de la CRRH d’un montant de 25 milliards de 54 banques commerciales et des institutions de financement FCFA (45 millions de dollars). La CRRH a pu ainsi rallonger la du développement comme la Banque ouest-africaine de maturité de ses refinancements aux institutions financières développement (BOAD), qui est l’actionnaire principal. qui ont pu proposer des crédits immobiliers plus longs et améliorer l’accessibilité des logements. En 2017, l’IDA a approuvé un crédit de 130 millions de dollars en faveur de la BOAD et rétrocédé à la CRRH, concrétisant L’IFC envisage de soutenir une émission obligataire de 15 ans ainsi la première utilisation par une organisation régionale du pour appuyer les efforts de la CRRH afin de porter l’échéance Mécanisme de financement complémentaire (SUF) de l’IDA. Ce de ses refinancements à 20 ans d’ici 2020. Les services de faisant, la CRRH va pouvoir refinancer des prêts immobiliers conseil de l’IFC aideront également les institutions membres de inférieurs à 26 000 dollars et les banques vont bénéficier de la CRRH à améliorer leurs prêts et processus de souscription. financements de long terme à des taux inférieurs au marché, ce qui les incitera à se tourner vers les ménages modestes. Améliorer l’accessibilité du logement L’assistance de l’IDA permet également à la CRRH de refinancer les prêts de moins de 17 000 dollars octroyés par En janvier 2018, la CRRH avait émis sept obligations en des institutions de microfinance qui n’avaient auparavant monnaie locale avec une échéance de 10 ou 12 ans sur les pas accès à ses services et ne disposent pas de fonds à marchés financiers régionaux ; depuis sa création, elle a long terme. Ces établissements s’adressent aux ménages refinancé près de 8 000 crédits bancaires immobiliers. Un travaillant dans le secteur informel, qui pourront désormais modèle montre que l’allongement de la durée des prêts emprunter pour acheter un logement. immobiliers, de 8 ans actuellement à 15 ans, réduit les mensualités de remboursement de 46 % ; avec une durée de Un autre don de l’IDA, de 25 millions de dollars, accompagnera 20 ans, la baisse est de 72 %. la réforme de la politique du logement et étendra l’offre dans les pays de l’UEMOA. L’assistance technique de La Banque mondiale prévoit que pour chaque dollar investi l’IDA permettra d’accélérer le rythme de construction de dans le renforcement de la CRRH, 5 dollars de financements logements bon marché et de lever les freins à l’activité des privés seront mobilisés à travers le marché obligataire. promoteurs privés. Quelque 50 000 entreprises et ménages devraient obtenir des crédits immobiliers, 200 000 personnes devraient disposer L’intervention de l’IDA est couplée à des investissements de la d’un meilleur abri et près de 250 000 emplois devraient être Société financière internationale (IFC), la branche du Groupe créés dans le secteur du logement. de la Banque mondiale chargée des opérations avec le secteur L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 61 AFRIQUE DE L’OUEST L’électricité solaire hors réseau transforme le paysage énergétique ■  Les systèmes solaires individuels qui alimentent les En Afrique de l’Ouest, près de la moitié de la foyers non raccordés au réseau électrique population (environ 200 millions de personnes) permettent de recharger facilement n’ont pas accès à l’électricité. Les taux les téléphones d’électrification des lieux publics, comme les portables. écoles et les dispensaires, sont encore faibles. © Azuri Technologies Ltd. La technologie solaire hors réseau pourrait véritablement changer la donne. 62 Toutes les personnes privées d’accès à une source moderne d’énergie ne peuvent que travailler ou étudier pendant les heures d’éclairage naturel. La vie quotidienne et la santé « Avant, nous nous éclairions avec des lampes à kérosène. Aujourd’hui, nous en souffrent. Les moyens utilisés pour s’éclairer, comme les lampes à kérosène, coûteux, polluants et peu efficaces, avons des lampes solaires de qualité. dégagent des fumées toxiques qui peuvent entraîner de Et il fallait marcher deux bonnes heures graves problèmes de santé, tandis que les achats récurrents pour recharger nos téléphones en ville, de carburant grèvent des budgets déjà tendus. contre 3 ou 4 birr. Maintenant, nous En Afrique de l’Ouest, près de 75 % de la population rurale n’est le faisons à la maison. pas raccordée au réseau — et ne le sera peut-être jamais, ou alors dans des années, en raison du coût de déploiement Tafete Belete, habitant de Werota, Sud Gondar, des infrastructures. Mais il existe des solutions modernes et de qualité, indépendantes du réseau, grâce auxquelles les habitants ne sont plus dépendants de la lumière du jour ni exposés aux émanations des lampes à kérosène. Un système Éthiopie, Afrique de l’Est » solaire individuel de base offre désormais les mêmes services en place d’un environnement économique porteur pour qu’un raccordement au réseau tandis que des installations les produits aux normes de qualité vérifiées, des études autonomes de plus grande taille peuvent alimenter les lieux de marché, la sensibilisation des consommateurs et publics (écoles ou dispensaires notamment), voire servir à l’accès aux financements. Parmi les activités en amont, la des fins productives (au pompage de l’eau par exemple). conception d’initiatives pilotes pour électrifier les écoles, les dispensaires, les pompes à eau et l’éclairage public au Niger et au Nigéria. Lighting Africa met le cap à l’ouest Depuis 2009, le programme Lighting Africa, financé Être en phase avec les avancées conjointement par la Société financière internationale technologiques (IFC) et la Banque mondiale, contribue au déploiement de solutions solaires hors réseau pour éclairer et alimenter Le projet ROGEP s’efforce de reproduire les solutions l’Afrique subsaharienne, en soutenant le développement de fonctionnelles mises en place en Afrique de l’Est et de les ces marchés. Aujourd’hui, près de 29 millions d’habitants, améliorer. Il mettra l’accent sur le soutien aux entreprises pour l’essentiel en Afrique de l’Est, parviennent à satisfaire locales, pour leur permettre de tirer profit de ce marché en leurs besoins élémentaires avec des produits conformes plein essor, et prévoit une aide dédiée aux entrepreneurs aux normes de qualité du programme. Le remplacement des défavorisés, comme les femmes. solutions à base d’hydrocarbures par ces produits, a permis d’éviter le rejet de 3,7 millions de tonnes de gaz à effets Le programme Lighting Africa est en phase avec les avancées de serre. Cela équivaut à retirer près de 800 000 voitures technologiques qui permettent d’offrir des solutions encore circulant sur les routes chaque année. inenvisageables il y a peu de temps. En plus des lanternes solaires basiques et bon marché qui transforment déjà IDA-18 contribue à ces résultats positifs en allouant quelque le quotidien des habitants en se substituant aux lampes 150 millions de dollars à des projets d’accès à l’électricité par à kérosène aux émanations toxiques, le projet ROGEP le biais de solutions solaires autonomes dans cinq pays, pour permettra de déployer des systèmes autonomes de la plupart en Afrique de l’Est. Mais elle soutient également plus grande envergure afin d’alimenter les écoles ou des le déploiement du programme Lighting Africa vers l’ouest équipements vitaux dans les dispensaires. du continent et prépare actuellement un programme visant à créer un marché régional unique rassemblant 19 pays Pour toutes celles et ceux qui vivent encore dans le noir, d’Afrique de l’Ouest. le projet ROGEP va révolutionner le quotidien en leur permettant d’accéder à ces nouvelles technologies. Le projet régional d’électrification hors réseau (ROGEP) va travailler selon plusieurs axes pour donner une impulsion décisive au marché, notamment en soutenant la mise L’AFRIQUE S E T RANS FORME | RENFORCER LES  M ARCH ÉS 63 DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTURES ■  Afin d’atténuer les risques d’inondations et d’éboulements de terrain liés aux intempéries violentes, le Burundi a engagé des chantiers de travaux publics pour construire des routes et des systèmes de drainage plus résistants, tels que ce canal sur la rivière Nyabagere. © Banque mondiale BURKINA FASO Des services d’eau et d’assainissement accessibles à tous ■  A ujourd’hui, 90 % des zones urbaines ont accès à l’eau potable, Le Burkina Faso s’efforce d’assurer un accès mais l’urbanisation rapide complique les universel et équitable à des services d’eau et raccordements et les régions rurales sont d’assainissement améliorés. Le financement bien moins équipées. substantiel alloué dans le cadre d’IDA-18  Dominic Chavez / © (300 millions de dollars) viendra soutenir les Banque mondiale efforts entrepris pour améliorer les services et garantir une gestion efficace des ressources hydriques. 66 Depuis 40 ans, Rasmané Compaoré vit dans la même maison en torchis à la périphérie de Ouagadougou. Sa famille a longtemps dû payer une redevance journalière pour aller chercher de l’eau « Ce programme va mobiliser des financements privés en à la fontaine municipale, à un kilomètre de là. direction du secteur de l’eau et « En pleine sécheresse, il arrivait que mes enfants fassent de l’assainissement en recourant la queue toute la journée en vain, parfois avec plusieurs à des incitations destinées à améliorer centaines d’autres personnes », raconte le vieil homme. Mais aujourd’hui, dans la cour de sa maison, près de la cuisine, et pérenniser les services. il y a un robinet en laiton rutilant. À 82 ans, il a enfin l’eau Cheick Kanté, responsable des opérations » courante chez lui. de la Banque mondiale pour le Burkina Faso Rasmané est l’un des 50 000 clients qui ont opté pour un raccordement domestique souscrit auprès de l’Agence nationale de l’eau et de l’assainissement. C’est là le résultat « Grâce à son concept innovant, ce programme va mobiliser d’un plan national ambitieux d’extension du réseau de des financements privés en direction du secteur de l’eau et distribution d’eau et d’amélioration de la gestion de l’eau de l’assainissement en recourant à des incitations destinées dans les zones urbaines. Et un exemple des nombreux projets à améliorer et pérenniser les services, y compris sur le financés par la Banque mondiale dans le secteur de l’eau et plan opérationnel et de l’entretien des infrastructures, de de l’assainissement : au cours des vingt dernières années, la récupération des coûts et du renforcement du capital la Banque, en collaboration avec d’autres partenaires humain », souligne Cheick Kanté, responsable des opérations du développement, a mobilisé plus de 260 millions de de la Banque mondiale pour le Burkina Faso. financements de l’IDA et de fonds fiduciaires pour offrir de meilleurs services d’eau et d’assainissement à plus de 1,7 million de Burkinabé. Un accès universel et équitable Le programme va favoriser l’inclusion sociale et économique La plus importante opération jamais en fournissant des services d’eau et d’assainissement dans financée par des bailleurs de fonds des zones urbaines et rurales particulièrement mal équipées. au Burkina En effet, malgré les progrès déjà réalisés, seule une personne En juin 2018, la Banque mondiale a encore renforcé son sur cinq dans tout le pays a accès à des installations soutien au Burkina Faso en approuvant un financement sanitaires correctes et trois personnes sur quatre font leurs d’une ampleur sans précédent pour le pays : le programme besoins en plein air. À l’école, dans les dispensaires ou sur d’amélioration des services d’eau et d’assainissement, qui les marchés, les latrines publiques sont rares ou, quand elles relève d’un financement axé sur les résultats, est doté de existent, mal entretenues et souvent laissées à l’abandon. 300 millions de dollars alloués par l’IDA. En outre, plus d’un tiers de la population rurale n’a pas accès Cette opération, qui s’appuie sur les systèmes de gestion à une source d’eau saine et protégée contre les risques de environnementale et sociale du pays, permettra de fournir contamination, en particulier par des matières fécales. Sur ce un meilleur accès à l’eau à plus de 1,1 million d’habitants et plan, les zones urbaines sont mieux loties (avec un taux d’accès d’offrir des services d’assainissement améliorés à 1,3 million de plus de 90 %), mais le rythme soutenu de l’urbanisation de personnes. Elle s’attachera par ailleurs à améliorer les constitue un défi de taille pour assurer ces services. connaissances sur les ressources en eau pour en optimiser la gestion et à renforcer le capital humain pour la fourniture des La réalisation de l’accès universel à des services améliorés services. Cela passera notamment par des partenariats entre d’approvisionnement en eau et d’assainissement est une les organismes publics, les collectivités locales et les centres priorité nationale pour soutenir la croissance de l’économie de recherches et une offre de formation professionnelle, en du Burkina Faso (5,5 % du PIB par an en moyenne) et celle de particulier pour les femmes, afin de leur donner davantage sa population, qui devrait atteindre 29 millions de personnes voix au chapitre et de favoriser leur participation. en 2030 contre 18 millions actuellement. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRAS TRUCTUR ES 67 ÉTHIOPIE Remédier aux inégalités hommes-femmes dans le secteur de l’énergie L’Éthiopie teste un modèle inédit pour promouvoir l’égalité hommes- femmes dans le secteur de l’énergie et généraliser l’accès à l’électricité à l’horizon 2025. Le programme, soutenu par des financements d’IDA-18, facilite le quotidien des femmes, crée des institutions plus équitables et étend le réseau électrique du pays. ■  Le programme ELEAP aide les Éthiopiennes à surmonter les inégalités et à se forger un avenir meilleur.  Arne Hoel / © Banque mondiale 68 Melkam Tamiru vit à Keya Gebriel, dans la région Amhara. « J’adore aller à l’école et apprendre des choses, mais chez moi et dans mon quartier, nous n’avons pas l’électricité », se « L’ELEAP finance plus d’un million de raccordements. C’est la plus plaint-elle. À 12 ans, la jeune fille rêve de devenir médecin. Pour pouvoir finir ses devoirs avant la nuit, elle expédie au grosse opération jamais organisée plus vite les corvées ménagères. « Le fourneau sur lequel par la Banque mondiale dans le maman cuisine n’éclaire pas assez et je m’abîme les yeux à domaine de l’électrification. lire », poursuit-elle. » Rahul Kitchlu, responsable du projet ELEAP L’Éthiopie, champion africain de la croissance économique depuis dix ans, est pénalisée par un approvisionnement électrique inefficace et peu fiable, qui ampute son PIB de 2 % par an. Avec plus de 70 millions d’Éthiopiens privés d’éclairage (soit environ 70 % de la population), elle se classe Promouvoir l’égalité hommes-femmes parmi les trois pays du monde les plus mal lotis en termes Le projet se distingue également par son ambition de d’accès à l’énergie. Ses performances sur le front de l’égalité promouvoir l’égalité entre les sexes dans le cadre plus large hommes-femmes ne sont guère meilleures, puisque le pays des objectifs énergétiques. Grâce à une approche sectorielle se situe au 109e rang sur 143 pays dans l’édition 2016 du qui a permis d’identifier les principales inégalités auxquelles Global Gender Gap Report. se heurtent les femmes, de consulter les parties prenantes, de rassembler des conseils stratégiques de haut niveau et Des objectifs énergétiques ambitieux de mobiliser un volume important de ressources financières auprès de la Banque mondiale, un modèle unique en son Pour améliorer la situation et aider les autorités à réaliser genre a émergé pour promouvoir l’égalité des sexes dans le leur objectif d’accès universel à l’énergie d’ici 2025, la secteur de l’énergie. Banque mondiale a soutenu le lancement du programme national d’électrification en 2017. C’est la première fois en Les initiatives en ce sens déployées à travers le projet Afrique qu’un programme de ce type adopte une approche s’attaquent à la discrimination sexuelle dans les métiers du véritablement globale : il définit des cibles et des calendriers secteur, qui compte plus de 14 000 employés, et cherchent pour le déploiement d’un réseau intégré et de solutions hors à soutenir la carrière des femmes dans ces entreprises. réseau, établit un « prospectus d’investissement » pour Elles promeuvent également l’entrepreneuriat féminin sur le mobiliser des financements, détaille les mesures à prendre marché des solutions hors réseau. dans le secteur de l’énergie pour remédier aux inégalités hommes-femmes et propose une palette complète de Pour surmonter l’un des obstacles majeurs au travail réformes sectorielles à engager. des femmes, des structures d’accueil des enfants sont actuellement créées dans les locaux des opérateurs Pour appuyer la mise en œuvre du programme, la Banque d’électricité des onze régions du pays. Les mesures de mondiale a approuvé en mars 2018 un financement de l’IDA prévention et de réponse aux violences à l’encontre des de 375 millions de dollars en faveur de l’ELEAP, un projet femmes sur le lieu de travail et dans les sites du projet d’électrification axé sur l’obtention de résultats. bénéficient également d’un surcroît de ressources. « L’ELEAP finance plus d’un million de raccordements. C’est L’ELEAP s’attachera à garantir l’accès à l’électricité aux la plus grosse opération jamais organisée par la Banque ménages dirigés par des femmes tout en s’attaquant au mondiale dans le domaine de l’électrification, qui va servir problème du coût des services. La population féminine de référence pour toute l’Afrique », explique Rahul Kitchlu, tirera d’autant plus parti de services électriques modernes responsable du projet à la Banque mondiale. qu’elle souffre de manière disproportionnée de la pauvreté énergétique. Pour les jeunes filles comme Melkam, étudier le soir deviendra plus facile et la profession de leurs rêves semblera nettement plus accessible. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 69    KENYA Savoir exploiter le potentiel de l’investissement privé pour développer les infrastructures ■  e service en charge L des PPP au sein de l’administration Sa croissance économique et démographique kenyane traite plus de 70 projets, dont celui soutenue a poussé le Kenya à moderniser et du développement du port de Shimoni, développer ses infrastructures afin d’améliorer qui a pour objectif de la circulation des personnes et des biens, stimuler les échanges et le tourisme. mais aussi les débouchés possibles. Les © Kenya Ports Authority  investissements privés sont la clé pour installer une croissance tirée par les infrastructures à l’horizon 2030. 70 Les autorités du Kenya ont engagé depuis 25 ans un processus de retrait progressif de l’État dans l’économie nationale, ouvrant la voie aux opérateurs privés. Des partenariats « Les PPP potentiels dans les infrastructures constituent une public-privé (PPP) ont vu le jour dans les télécommunications, le transport, l’aviation et la distribution, à la faveur de la perspective à la fois enthousiasmante libéralisation des marchés, d’introductions en bourse et de et nouvelle qui devraient permettre contrats de concession. au Kenya de devenir un modèle pour Les dirigeants ont compris l’intérêt de laisser les opérateurs le reste de l’Afrique. privés assumer les coûts et les risques liés aux grandes entreprises et aux projets d’envergure, afin de canaliser les Rachel Muthoga, responsable adjointe du dialogue ressources publiques vers les dépenses sociales. Parallèlement, public-privé au sein de la Kenya Private Sector le Kenya a étoffé son appareil législatif et réglementaire pour encourager l’entreprise et les investissements privés. Une politique qui lui a valu une amélioration de son classement Alliance » dans l’indice Doing Business sur la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale, passant du 136e rang sur 189 pays en L’extension de l’autoroute entre Nairobi et Nakuru fait partie 2014 au 80e rang en 2017. des 70 projets en cours d’élaboration et mis sur le marché par le service PPP, tout comme le développement du port de Shimoni, où les opérateurs privés devront injecter des Faciliter les PPP fonds supplémentaires pour l’amélioration des équipements portuaires et des infrastructures auxiliaires et la surveillance En 2018, le Kenya a dévoilé son « Big Four », un plan économique des opérations. axé sur quatre grandes priorités — logement abordable, industrie manufacturière, éducation et santé —, et appelé ses Rachel Muthoga, responsable adjointe du dialogue public- partenaires de développement et le secteur privé à soutenir privé au sein de la Kenya Private Sector Alliance estime que ses efforts pour concrétiser des projets de développement et « les PPP potentiels dans les infrastructures constituent des initiatives de renforcement des capacités estimés à 70 une perspective à la fois enthousiasmante et nouvelle qui milliards de dollars. devraient permettre au Kenya de devenir un modèle pour le reste de l’Afrique ». La Banque mondiale a octroyé un financement additionnel de 50 millions de dollars au titre d’IDA-18 en faveur du projet de partenariats public-privé pour le financement des Faire le lien entre les innovateurs infrastructures. Initialement lancé en 2012, ce projet alloue ces et l’industrie nouvelles ressources à l’assistance technique afin de définir des cadres et des méthodologies pour les PPP et de mettre En complément de ce projet, le Kenya s’emploie aussi à en place des services de conseil en appui à l’élaboration des développer les compétences de son secteur privé, encore projets et la passation des marchés associés. Un projet connexe trop restreintes. Un financement additionnel de 50 millions permettra parallèlement d’apprécier l’utilité d’accorder ou non de dollars au titre d’IDA-18 viendra soutenir le projet pour des garanties aux investissements privés dans des opérations l’industrie et l’entrepreneuriat au Kenya, qui entend combler élaborées dans le cadre des financements de l’IDA. le fossé entre les industriels, les innovateurs et le monde académique. Les autorités et les experts de la Banque mondiale ont pu s’appuyer sur les textes existants, à savoir la loi de 2013 sur Des initiatives sont en cours pour intégrer les intermédiaires, les PPP et le nouveau service dédié à ces partenariats dans comme les incubateurs et les espaces collaboratifs de travail, l’administration kenyane, pour instituer un cadre juridique, et évaluer leurs besoins et les solutions permettant de réglementaire et institutionnel robuste dont les effets renforcer leur base opérationnelle. Le but est de développer commencent à se faire sentir. les compétences sociales des innovateurs, entrepreneurs et autres startupeurs pour qu’ils soient plus efficaces dans la « Nous disposons désormais d’un cadre et de méthodologies formulation de leur plan d’activité, la présentation de leurs de calibre international pour les PPP, mais aussi d’un vivier projets aux investisseurs et la mise en place d’équipes solides. de compétences solides au sein de l’administration et d’un Quelque 33 000 personnes et pratiquement 2 400 entreprises portefeuille de projets sérieux », souligne Shyamala Shukla, devraient en bénéficier. spécialiste des PPP à la Banque mondiale. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 71 LIBÉRIA Étendre l’accès à l’électricité pour relancer l’économie En quête de diversification économique et soucieux de doper les échanges et les investissements, le Libéria s’emploie à développer en priorité son secteur énergétique. L’extension des services électriques et la réduction des coûts pour les entreprises et les ménages pourraient stimuler la croissance économique et la création d’emplois, et faire reculer la pauvreté. ■  D es techniciens de la Liberia Electricity Corporation font des heures supplémentaires pour raccorder un maximum de clients au réseau national. © Ben Fomba, Jr.  72 À la tête de l’entreprise Kpassakoi Trading Corporation (KTC), qui gère un hôtel de 15 chambres et une galerie commerciale dans le centre très animé de Monrovia, Yassah « Je dépense beaucoup moins d’argent qu’avant, avec les groupes Kpassakoi se félicite de son nouveau raccordement au réseau national. Finis les coûteux groupes électrogènes électrogènes. Notre marge bénéficiaire qu’elle devait enclencher le soir pour éclairer ses locaux et a augmenté et nous allons pouvoir continuer à travailler. développer notre activité. « Je dépense beaucoup moins d’argent qu’avant, avec les Yassah Kpassakoi, propriétaire de Kpassakoi » groupes électrogènes. Notre marge bénéficiaire a augmenté Trading Corporation à Monrovia et nous allons pouvoir développer notre activité », se réjouit elle. Yassah fait partie des milliers d’habitants de la capitale Le projet d’interconnexion régionale soutiendra la libérienne qui jouissent d’une alimentation électrique plus construction de lignes à très haute tension (225 kilovolts) fiable et meilleur marché grâce aux initiatives visant à pour intégrer les quatre pays participants au marché développer les services et les rendre plus accessibles, pour régional de l’énergie du PEAO. Ce faisant, le Libéria pourra les ménages comme pour les entreprises. vendre sur le marché régional l’énergie hydroélectrique excédentaire de la centrale du Mount Coffee et des futures centrales. Quant aux utilisateurs commerciaux, qui, à Accroître l’offre d’électricité l’instar des grandes plantations et des entreprises minières, à un prix abordable produisent actuellement leur propre électricité, ils pourront s’approvisionner directement sur le marché. La nouvelle ligne Le gouvernement du Libéria s’est donné pour objectif permettra par ailleurs d’alimenter les communautés situées d’accroître l’approvisionnement électrique ainsi que sa dans un rayon d’un kilomètre. fiabilité tout en s’affranchissant progressivement des modes de production au diesel, trop coûteux. Il opte pour cela pour des sources thermiques comme le fuel lourd, moins cher, et Étendre l’accès à l’électricité augmente la part des énergies renouvelables, notamment l’hydroélectricité. Les investissements dans les capacités de Le Libéria investit également dans ses infrastructures production ont ramené le prix du kilowattheure de 0,54 à nationales de transport d’électricité pour raccorder 0,39 dollar — une baisse importante mais insuffisante par davantage de communautés rurales et urbaines au réseau. rapport aux tarifs pratiqués dans la région. Malgré les progrès déjà accomplis, le pays continue d’avoir l’un des plus faibles taux d’accès d’Afrique : 4,9 % à l’échelle Le Libéria entend réduire encore la facture en important de du pays et 20 % à Monrovia. l’électricité meilleur marché grâce au projet sous-régional d’interconnexion entre la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Sierra Le projet d’expansion accélérée du réseau d’électricité Leone et la Guinée (CLSG). Ce projet — l’un des volets majeurs au Libéria prévoit de raccorder plus de 47 000 foyers et du Pool énergétique d’Afrique de l’Ouest (PEAO) — bénéficie petites entreprises et 400 gros clients. Il bénéficie d’un du soutien de la Banque mondiale, qui vient de lui allouer financement de l’IDA de 95 millions de dollars. À ce jour, 45 millions de dollars de financement additionnel au titre plus de 17 200 clients ont été raccordés, principalement d’IDA-18. L’objectif est d’instituer un mécanisme coopératif à Monrovia. Ce projet finance également la construction de mise en commun de l’énergie pour permettre aux citoyens de 110 kilomètres de lignes à haute tension (66 kilovolts) de la Communauté économique des États d’Afrique de et 2 000 kilomètres de lignes de transport à Monrovia et l’Ouest (CEDEAO) de bénéficier d’un approvisionnement plus dans les départements périphériques. Par ailleurs, une sous- stable, plus fiable et meilleur marché. station sera rénovée et cinq nouvelles autres verront le jour. Enfin, le projet a financé la construction d’une installation de transport et de stockage du fuel lourd qui va permettre à la Liberia Electricity Corporation de s’approvisionner sur les marchés internationaux. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 73 MALI Rapprocher les habitants des services et des débouchés économiques ■  G râce au nouveau pont construit sur la route entre Blendio et Les difficultés d’accès aux marchés et aux Kounia, de nombreux villages sont désormais services entravent le développement des zones accessibles toute l’année agricoles du Mali, où vivent la majorité des pauvres du pays. Un projet d’amélioration de la © Ahmadou Bissan / Banque mondiale mobilité en milieu rural engagé au titre d’IDA-18, qui prévoit la remise en état de 1 700 kilomètres d’axes routiers vitaux, devrait améliorer considérablement la productivité agricole. 74 Les habitants de Zanina, une commune rurale du sud du Mali située à quelque 350 kilomètres de la capitale Bamako, se réjouissent de la construction de pas moins de trois ponts « Grâce à ces travaux, nous pouvons vendre nos produits à temps et en dur, qui vont relier les communautés entre elles et aux autres régions. Aujourd’hui, véhicules, motos, piétons et en toute saison sur les marchés bergers avec leurs troupeaux empruntent ces structures alentours. solides et suffisamment larges, et des villages comme Débéla semblent revivre. Avant, en cas de pluies violentes, Chata Diarra, membre de l’association les six kilomètres qui le séparaient de la route principale étaient pratiquement infranchissables. Désormais, quel que soit le temps, la circulation reste possible. des femmes de Débéla » Pour Chata Diarra, membre de l’association des femmes « Ils ont été forcés d’attendre sur l’autre rive que l’eau de Débéla, ce nouveau pont rime avec sécurité financière reflue et sont arrivés trop tard au marché. Les agriculteurs accrue et tranquillité d’esprit. ont perdu leurs produits périssables et les éleveurs ont dû décaler d’une semaine la vente de leurs bêtes », explique-t-il. « Grâce à ces travaux, nous pouvons vendre nos produits à temps et en toute saison sur les marchés alentours. Et puis Heureusement, le chantier de reconstruction du tronçon de nous n’avons plus à nous inquiéter pour les enfants partis 84 kilomètres qui relie Blendio à Kounia et sur lequel est travailler dans les champs ou faire paître le bétail. Les situé ce pont, a déjà débuté, parallèlement aux portions de ponts leur permettent de rentrer facilement à la maison », la route nationale 7 dans la région méridionale de Sikasso. explique-t-elle. Un accès amélioré aux services Un accès fiable aux marchés et aux emplois Comme d’autres infrastructures de ce type, ces ponts En plus de stimuler la productivité agricole, l’amélioration relèvent du projet d’amélioration de l’accessibilité rurale au du réseau routier permettra de mieux relier les habitants Mali, financé par l’IDA à hauteur de 70 millions de dollars. aux services de base (écoles, dispensaires et bureaux L’objectif est de remettre en état près de 1 700 kilomètres administratifs notamment). Il financera par ailleurs de de routes rurales dans les régions de Koulikoro (zone aride) petites installations communes, telles que des puits, de et Sikasso (dans le Sud), pour le bénéfice direct de quelque petits entrepôts ou des jardins potagers pour promouvoir 650 000 personnes vivant principalement de l’agriculture. la cohésion sociale et une plus grande autonomisation des femmes. « L’agriculture est le moteur de l’économie malienne, et l’accès routier fait partie d’une approche intégrée visant à Sans compter que les chantiers de rénovation des routes remédier à la faible productivité des agriculteurs », souligne donnent des emplois à la main-d’œuvre locale. En cinq Soukeyna Kane, directrice des opérations de la Banque ans, environ 144 000 emplois seront créés, et devraient mondiale pour la Guinée, le Mali, le Niger et le Tchad. réduire la pauvreté dans les zones concernées. Des équipes communautaires seront également constituées pour assurer Dans la petite commune de Blendio, Alou Diallo est bien l’entretien du réseau remis en état. En associant les habitants placé pour savoir à quel point les routes jouent un rôle à ces travaux, le Mali ouvre la voie à une gestion plus essentiel dans ces zones rurales pour faciliter la circulation participative et responsable de ses infrastructures vitales. des personnes, des biens et des services. Il n’a pas oublié ce jour, encore récent, où des pluies torrentielles ont rendu impraticable le pont étroit et délabré, bloquant tous les marchands. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 75 RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Quand le solaire permet de relancer le secteur énergétique ■  Tandis que l’utilisation informelle et indivi- duelle de l’énergie Pénalisée par l’un des plus faibles taux solaire gagne du terrain en RCA, la centrale de d’accès à l’énergie d’Afrique et un réseau de Danzy, d’une capacité de 25 MW, sera la transport d’électricité insuffisant, la République première installation centrafricaine a décidé d’investir dans le de production d’énergie photovoltaïque à secteur de l’énergie pour stimuler la croissance. grande échelle. La construction de la première centrale solaire ©  Eskinder Debebe / commerciale éclaire l’avenir du pays. ONU Photo 76 Mai 2018, à une vingtaine de kilomètres de la capitale Bangui, une cérémonie réunit les plus hauts dignitaires de la République centrafricaine (RCA), leurs partenaires de « Ce projet de 40 MW avec une capacité de stockage équivalente constitue une développement et des industriels. Ensemble, ils posent la première pierre de la centrale de Danzy : l’infrastructure première en Afrique puisqu’il s’agit photovoltaïque sera connectée au réseau et aura une de déployer des batteries de même capacité de production de 25 mégawatts (MW) et une puissance que les panneaux solaires. capacité de stockage équivalente. Jean‑Christophe Carret, directeur des opérations « Les entreprises centrafricaines souffrent cruellement du de la Banque mondiale pour la RCA, la République » manque d’électricité, parce qu’elles ne peuvent ni stocker ni transformer leurs produits », a souligné le président de la démocratique du Congo et la République du Congo République, Faustin Archange Touadera. « L’énergie solaire fait partie des solutions préconisées pour remédier à cette pénurie. Je tiens à remercier la Banque mondiale d’avoir Renforcer le secteur de l’énergie accepté de financer la construction d’un parc solaire de 70 hectares. » Pour le secteur énergétique centrafricain, très en retard, cet investissement dans la ferme solaire de Danzy revêt Une première pour la RCA, une première une importance critique. Gontran Djono Ahaba, ministre du Développement de l’énergie et des Ressources hydrauliques, pour l’Afrique rappelle comment « les crises politico-militaires récurrentes, qui ont émaillé l’histoire de la République centrafricaine, ont La Banque mondiale s’apprête à financer la première phase considérablement biaisé tous les efforts de développement du projet dans le cadre d’IDA-18. L’objectif est de construire économique et social engagés, qui se traduisent par 40 ans une centrale solaire de 25 MW, avec une capacité de de retard d’investissement en matière d’infrastructures de stockage équivalente, mais aussi de renforcer les réseaux production et de distribution d’électricité. » de transport et de distribution et de soutenir les réformes sectorielles. Le taux d’accès de la population à l’électricité s’établit en moyenne à 8 %, mais il n’atteint que 2 % dans les zones rurales Le projet couvrira également les aménagements et grimpe à 35 % à Bangui, où vivent un million d’habitants. indispensables à la deuxième phase, qui porte sur Les capacités installées sont d’à peine 23 MW, dont 19 MW l’installation de 15 MW de capacités supplémentaires, et provenant des centrales hydroélectriques de Boali 1 et 2. s’attachera à assainir la situation financière de l’entreprise publique Énergie centrafricaine (ENERCA). Les opérations Par ailleurs, plus d’un tiers du courant produit est perdu d’assistance technique soutiendront le développement de pendant son transport et le taux de recouvrement des solutions solaires dans les villes secondaires et les zones factures ressort à 65 % pour les 30 000 ménages abonnés rurales, à travers notamment une évaluation de l’utilisation de Bangui. À 0,14 dollar (soit 65 FCFA) le kilowattheure, le de panneaux photovoltaïques chez les particuliers et sur les prix facturé est trop faible pour permettre à l’ENERCA de bâtiments publics. couvrir ses coûts de fonctionnement, ce qui contraint le gouvernement à subventionner l’entreprise. « Ce projet de 40 MW avec une capacité de stockage équivalente constitue une première en Afrique puisqu’il Avec la construction du parc solaire de Danzy, la RCA s’agit de déployer des batteries de même puissance que les espère ouvrir son marché de l’énergie solaire et attirer des panneaux solaires. Il permettra en outre d’améliorer le réseau investisseurs privés pour les futurs projets d’extension. de transport au départ de Boali et le réseau de distribution à Bangui », souligne Jean‑Christophe Carret, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la RCA, la République démocratique du Congo et la République du Congo. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 77 SÉNÉGAL De nouveaux forages d’eau font jaillir beaucoup de bienfaits ■  G rand succès pour les Dans les environs de Dakar, et bientôt dans tests de forage dans le les zones rurales, les habitants commencent à village de Ndour-Ndour. bénéficier de services d’alimentation en eau et  Idrissa Sane / © Banque mondiale d’assainissement plus modernes. De nouveaux forages parsèment le paysage, qui apportent aux villageois l’espoir d’une amélioration de leurs conditions de vie et moyens de subsistance. 78 À l’entrée du village de Ndour-Ndour, à 70 kilomètres de la capitale sénégalaise, se dresse un tout nouveau forage. Dans sa maison située juste en face, Astou Ggning s’occupe « Nous n’avions pas besoin de nous lever avant l’aube pour aller chercher de des enfants et des tâches ménagères. Ce forage est pour elle une nouveauté bienvenue, synonyme d’un peu de repos. l’eau... et nos filles ont eu plus de temps pour aller à l’école. En effet, les femmes et les filles sont les premières victimes » du manque d’eau, car ce sont elles qui doivent en général Astou Ggning, habitante du village de Ndour-Ndour aller chercher la précieuse ressource là où elle se trouve. Selon une étude menée par la Banque mondiale et l’Agence française de développement, elles récupèrent l’eau plusieurs fois par jour dans des bidons en plastique de 18 à 20 litres, perte importante de revenus. Le rythme de la croissance voire 35 litres. Avec une distance moyenne de 200 mètres démographique est cependant un véritable défi pour entre la maison et la source d’eau, une femme ou une fille ce secteur. peut donc transporter plus de 200 kilos chaque jour. Dans la commune de Nguékhokh qui a bénéficié du Astou Ggning raconte le sentiment de « libération » éprouvé renforcement des infrastructures, le maire Pape Songhé par les femmes pendant la période de test du forage. « Nous Diouf explique qu’il n’y avait auparavant qu’une seule borne- avions le temps de faire d’autres choses. Nous n’avions pas fontaine, installée en 1984 quand le village comptait moins besoin de nous lever avant l’aube pour aller chercher de l’eau. de 1 000 habitants. C’est aujourd’hui une commune de Nous en avions en permanence sur place. Et nos filles ont eu 60 000 habitants, dont 80 % n’avaient pas accès à l’eau il y plus de temps pour aller à l’école », explique-t-elle. a encore peu de temps. Et le maire d’ajouter : « La Banque mondiale nous a apporté Améliorer l’accès à l’eau la vie, car l’eau c’est la vie… Pouvoir y accéder a des effets bénéfiques sur d’autres secteurs de l’économie. » Astou Ggning et tous les habitants de Ndour-Ndour attendent avec impatience la mise en service définitive du forage, qui Les localités à l’est de Dakar ressentent aussi les effets de a été réalisé dans le cadre du projet d’approvisionnement ces améliorations, même si l’eau n’y coule pas encore : une en eau et d’assainissement en milieu urbain. Ce projet, route en gravier menant au village de Kissane se termine à financé par la Banque mondiale, bénéficie d’une enveloppe l’endroit du forage récemment installé, après avoir traversé supplémentaire de 30 millions de dollars allouée dans le les villages de Birbirame et Ndiass-Palam, où les bornes- cadre d’IDA-18, qui permettra d’accélérer les travaux à fontaines font maintenant partie du paysage. Dakar et dans la Petite Côte. Le chef du village de Ndiass-Palam, Diama Ndoye, a hâte Un autre crédit de 130 millions de dollars a été approuvé en de voir fonctionner les bornes-fontaines, mais comme il le juin 2018 pour financer un projet similaire en milieu rural, souligne : « Nous bénéficions déjà d’une plus grande facilité qui permettra à 1,5 million de Sénégalais d’accéder à l’eau de déplacement entre nos villages. » courante et à des installations sanitaires améliorées dans la zone du bassin arachidier, qui couvre le centre-ouest du pays et abrite un tiers de sa population rurale. Bien plus que de l’eau Pour le Sénégal, l’amélioration des infrastructures d’accès à l’eau et d’assainissement est un facteur essentiel de développement et d’inclusion sociale, puisqu’elle permet notamment de réduire les maladies liées à une mauvaise qualité de l’eau qui entraînent un taux élevé d’absentéisme à l’école et au travail, et génèrent des frais médicaux et une L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 79   ZAMBIE Développer à grande échelle une énergie solaire bon marché En Zambie, où moins d’un tiers de la population ■  La construction de la première centrale a accès à l’électricité et où la sécheresse solaire de Zambie connectée au réseau a fragilisé les centrales hydroélectriques, bat son plein à l’augmentation des capacités de production Bangweulu. fait partie des urgences. L’initiative Scaling © NEOEN Solar du Groupe de la Banque mondiale entend favoriser la production d’électricité solaire par le secteur privé et permettre un déploiement rapide. 80 Les sécheresses de ces dernières années en Afrique australe ont fortement perturbé la production d’électricité dans les centrales hydroélectriques de Zambie, forçant de nombreux « Scaling Solar marque un tournant habitants à vivre dans le noir. Les coupures de courant et les pour la Zambie et les autres pays délestages ont déstabilisé l’économie nationale et incité les confrontés à des pénuries d’électricité. autorités à lancer un appel d’offres pour la production de Madalo Minofu, représentante résidente de » 600 mégawatts (MW) d’énergie solaire photovoltaïque avec, pour objectif, un niveau global de production de 6 000 MW la Société financière internationale (IFC) en Zambie à l’horizon 2030. Bénéficiant d’un ensoleillement exceptionnel et d’un « Scaling Solar marque un tournant pour la Zambie et les emplacement géographique propice, la Zambie a pourtant autres pays confrontés à des pénuries d’électricité », indique tous les atouts pour intégrer le solaire dans son mix Madalo Minofu, représentante résidente de la Société énergétique, jusqu’ici dominé par l’hydroélectricité et donc financière internationale (IFC) en Zambie. exposé aux aléas climatiques. Le gouvernement a conclu un partenariat avec la Banque mondiale en 2015, au titre de l’initiative Scaling Solar, afin de lancer la première phase de Plus de courant, moins de frais son plan national pour l’énergie solaire. L’objectif est d’attirer des producteurs indépendants capables de construire Les chantiers des premiers projets, à Bangweulu (financé par jusqu’à six centrales solaires de 50 MW et d’installer ainsi le français NEOEN) et à Ngonye (financé par la multinationale 300 MW de nouvelles capacités. Enel), ont démarré avec un financement de l’IFC, filiale du Groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, et des lettres de crédit couvertes par des garanties partielles L’initiative Scaling Solar de risque de l’IDA. La Zambie entend s’engager dans un deuxième cycle de projets sous l’égide du programme « La Zambie est le premier pays à mettre en œuvre Scaling Solar ; le développement de ces nouvelles centrales Scaling Solar, un programme qui réunit les services et les bénéficiera également de garanties de paiement et de prêt instruments financiers du Groupe de la Banque mondiale en au titre d’IDA-18, en complément des financements de l’IFC. une seule opération visant à créer des marchés viables pour l’installation de centrales solaires raccordées au réseau », Pour le ministre de l’Énergie Mathew Nkhuwa, ces projets explique Ina Ruthenberg, responsable des opérations de la vont non seulement limiter les coupures de courant et Banque mondiale pour la Zambie. offrir une source d’énergie complémentaire au système hydroélectrique du pays, mais ils permettront aussi « à S’appuyant sur une approche ouverte et concurrentielle, l’État de réduire l’achat d’électricité auprès des centrales au Scaling Solar veut favoriser le développement de centrales diesel et de baisser ainsi ses factures ». solaires à capitaux privés en Afrique subsaharienne. Elle permet aux pouvoirs publics et aux opérateurs de se procurer Selon des hypothèses de départ, la Zambie pourrait de l’énergie solaire en toute transparence et au meilleur prix. économiser quelque 163 millions de dollars en 25 ans par Grâce aux appels d’offres organisés par le programme, la centrale ayant une capacité de production de 50 MW. Les Zambie a pu attirer des promoteurs du monde entier pour ses deux premières installations augmenteront les capacités du deux premiers projets et obtenir le plus bas tarif de rachat pays de 5 % et contribueront à restaurer le niveau d’eau dans (à l’époque) de toute l’Afrique, au prix de respectivement ses barrages hydroélectriques. 0,06 et 0,78 cents par kilowattheures, garanti pendant 25 ans. L’initiative Scaling Solar se distingue aussi par sa réactivité : la Zambie a conclu les deux projets en un temps record. Les premières centrales sont sorties de terre dans des délais qui auraient été impossibles à tenir si le pays avait suivi les procédures classiques de passation des marchés publics. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 81 AFRIQUE DE L’OUEST Un barrage contre l’Atlantique Chaque année, les habitants du littoral ouest- africain perdent du terrain face à l’océan ■  À Saint-Louis du Atlantique. L’érosion, les inondations et les Sénégal, alors que la plupart des ondes de tempête détruisent les habitations habitants vivent de et anéantissent les moyens de subsistance. la pêche, l’érosion côtière détruit peu Ensemble, les pays concernés s’efforcent de à peu les maisons et les moyens trouver de nouvelles solutions pour protéger de subsistances les plus vulnérables. des pêcheurs. © Ibrahima BA Sané / Banque mondiale 82 À Saint-Louis, ancienne cité phare du Sénégal classée au patrimoine mondial de l’Unesco, l’érosion côtière gagne rapidement du terrain, emportant tout sur son passage : « Notre préoccupation, c’est de préserver le territoire et faire en sorte terres, moyens de subsistance, habitations et infrastructures. La mer avance chaque année de cinq mètres, et 200 familles que les habitants de Saint-Louis, en ont déjà dû abandonner leurs maisons et leurs biens. Un millier particulier les pêcheurs de la Langue d’autres sont menacées de subir le même sort. de Barbarie, puissent vivre et travailler Le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer sans se mettre en danger. qui en découle expliquent certes une telle situation d’urgence, Amadou Mansour Faye, maire de Saint-Louis » mais l’érosion côtière est aussi la conséquence d’un manque de planification urbaine qui a permis la construction de et ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement maisons, d’hôtels et d’infrastructures sur des zones littorales devenues dangereuses. « Ce projet est une réponse collective au besoin urgent de lutter « Notre préoccupation, c’est de préserver le territoire et faire contre la dégradation du littoral selon une approche régionale en sorte que les habitants de Saint-Louis, en particulier les et intégrée. Cette opération va permettre de renforcer la pêcheurs de la Langue de Barbarie, puissent vivre et travailler résilience des populations ouest-africaines et transformer sans se mettre en danger », explique Amadou Mansour Faye, leurs moyens de subsistance », résume Makhtar Diop, vice- maire de Saint-Louis et ministre de l’Hydraulique et de président de la Banque mondiale pour les infrastructures. l’Assainissement. Pour lui, si le niveau de la mer s’élève, engloutissant cette Se mettre au vert et au gris péninsule sableuse, « des pans entiers du territoire à l’intérieur des terres seront menacés ». À l’échelle de la région, le programme WACA entend endiguer l’érosion côtière par le déploiement d’infrastructures Aussi inquiétante soit-elle, la situation de la ville de Saint- classiques, dites « grises » (murs, digues et épis de rochers), Louis n’est pas exceptionnelle. Les provinces côtières tout en réparant et préservant les infrastructures « vertes ». produisent environ 40 % du PIB de l’Afrique de l’Ouest Ce qui consiste à agir sur les écosystèmes qui jouent un rôle et abritent pratiquement un tiers de la population. Les clé dans la préservation des côtes, à savoir fixer les dunes, habitants paient au prix fort un aménagement mal pensé et restaurer les zones humides et les mangroves, et recharger les dérèglements du climat, à l’origine d’une grave érosion et les plages. d’inondations récurrentes. Les inondations seront limitées grâce à la remise en état des lagunes et des systèmes de drainage et l’amélioration Une solution régionale à un problème régional de la gestion des bassins versants. Des interventions auront également pour but de lutter contre la pollution par un meilleur Les pays d’Afrique de l’Ouest, de la Mauritanie au Gabon, traitement des déchets marins, industriels ou municipaux et unissent leurs efforts pour affronter ensemble et de manière des déversements d’hydrocarbures. plus intégrée les menaces pesant sur leur littoral commun. Lancé à l’initiative des gouvernements de la région et Le programme WACA collaborera avec l’Union économique soutenu par la Banque mondiale et d’autres partenaires, le et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et trois autres Programme de gestion du littoral ouest-africain (connu sous organisations régionales pour assurer le partage des son acronyme anglais « WACA » pour West Africa Coastal informations, mais aussi le suivi de l’évolution de la situation Areas Program) entend resserrer la coopération entre pays et et les interventions nécessaires à l’échelon régional. D’autres instances régionales. partenaires devraient se joindre à cette initiative à mesure que le programme renforcera le transfert de connaissances, En avril 2008, la Banque mondiale a approuvé un financement mobilisera des sources de financement supplémentaires et de l’IDA de 190 millions de dollars en faveur du premier projet facilitera le dialogue politique entre les pays. d’investissement dans la résilience entrepris dans le cadre du programme WACA. Le projet concerne six pays — Bénin, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal et Togo —, mais, à terme, le programme WACA pourrait réunir les 17 pays partageant le littoral ouest-africain. L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 83 AFRIQUE SUBSAHARIENNE Investir dans les services hydrométéorologiques pour un développement climato-résilient ■ Le financement de l’IDA va permettre d’augmenter la Responsable d’à peine 4 % des émissions mondiales recherche et les services hydro de gaz à effet de serre, le continent africain est météorologiques au Burkina Faso. pourtant particulièrement exposé aux effets du changement climatique. « Hydromet en Afrique » ©  Dominic Chavez / International Finance est un programme régional qui fournit des Corporation informations et des services en temps réel sur les conditions météorologiques, hydrologiques et climatiques, au profit des populations, des industries et, plus généralement, des pays de l’ensemble du continent. 84 Tesfaye cultive des céréales et des légumes à Chanco, au nord d’Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie. Alors qu’il emmène paître son bétail, il s’arrête en chemin pour observer le ciel. « L’Hydrométéorologie nous fournit des données, des prévisions et des Pour lui, savoir à l’avance le temps qu’il va faire est capital, mais les prévisions ne sont pas toujours fiables. informations grâce auxquelles nous pouvons anticiper les événements « Cette année, la météo a été favorable, mais l’an dernier extrêmes et mettre au point des il n’a pas assez plu pour arroser mes plants de tef, d’orge et de lentilles », explique-t-il. « Si je pouvais anticiper les gros stratégies efficaces de résilience orages, je pourrais m’organiser pour semer et récolter au bon climatique à court et long termes. moment. » Jerry Lengoasa, directeur général des services Des prévisions fiables fournies par les services hydrométéorologiques seraient très précieuses pour de nombreux fermiers comme Tesfaye. météorologiques d’Afrique du Sud » risques de catastrophes naturelles et le relèvement (GFDRR) Des informations vitales pour tous et d’autres partenaires ont lancé en 2015 le programme Hydromet en Afrique afin de soutenir les efforts conjoints de Au carrefour de l’hydrologie et de la météorologie, modernisation des services hydrométéorologiques en Afrique. l’hydrométéorologie fournit des informations en temps réel sur les conditions météorologiques, hydrologiques et Le programme aborde de manière globale les besoins de climatiques ainsi que des signaux d’alerte et des prévisions modernisation, en intervenant à l’échelon national, sous- permettant aux populations d’anticiper les aléas naturels régional et régional. Il s’agit notamment de remettre et de s’y préparer. L’hydrométéorologie apporte aussi des à niveau les infrastructures d’observation, pour des données utiles pour les prévisions météorologiques et prévisions fiables réalisées en temps utile afin d’anticiper différents services liés à l’observation climatique. Chaque les catastrophes et les risques imminents. Pour sa première jour, des écoliers, des agriculteurs et même de grands phase, le programme soutient 15 pays d’Afrique et quatre secteurs d’activité comme l’aviation et l’énergie bénéficient centres climatiques régionaux. des services hydrométéorologiques. Dans la perspective des nouveaux financements alloués au À l’heure actuelle, moins de 20 % des pays d’Afrique titre d’IDA-18, la Banque mondiale envisage d’étendre ce subsaharienne fournissent des services hydrométéorologiques soutien au Burkina Faso mais aussi de lancer en Afrique de fiables à leurs populations et leurs acteurs économiques. Les l’Ouest et au Sahel un nouveau programme régional échelonné. pouvoirs publics doivent souvent arbitrer entre plusieurs Dans un premier temps, le programme viendra renforcer les priorités d’investissement et, faute de financements services hydrométéorologiques, le partage d’informations suffisants, les services météorologiques et hydrologiques et la coordination au Mali, au Tchad, au Togo et au sein nationaux ont du mal à promouvoir un développement à d’organismes météorologiques régionaux, pour optimiser les l’épreuve du climat et planifier des mesures d’adaptation. dispositifs d’alerte précoce, la réponse aux catastrophes et les filets sociaux, ainsi que les services agricoles. Avec des services hydrométéorologiques optimisés, les pays africains pourraient pourtant limiter l’impact d’aléas Jerry Lengoasa, directeur général des services météorolo- climatiques prévisibles et, de ce fait, éviter de perdre les giques d’Afrique du Sud, estime que les citoyens sont les bénéfices des investissements qu’ils ont réalisés dans les bénéficiaires directs des services hydrométéorologiques : infrastructures, l’éducation et le développement, brisant ainsi la spirale infernale des catastrophes et des opérations « L’hydrométéorologie est précieuse pour la vie de tous les de reconstruction. jours », explique-t-il. « Elle nous fournit des données, des prévisions et des informations grâce auxquelles nous pouvons Le programme Hydromet en Afrique anticiper les événements extrêmes et mettre au point des stratégies efficaces de résilience climatique à court et long Face à ces enjeux prioritaires pour le développement, la termes, ce qui est indispensable pour atteindre nos objectifs Banque mondiale, la Facilité mondiale pour la prévention des de développement. » L’AFRIQUE S E T RANS FORME | DÉVELOPPER LES INFRASTRUCTUR ES 85 Remerciements Cet ouvrage est l’aboutissement d’un travail collectif réalisé par l’équipe Communication externe et partenariats de la Région Afrique (AFREC), sous la direction de Haleh Bridi et Steven Shalita. La constitution de ce corpus d’articles illustrant les transformations à l’œuvre en Afrique n’aurait pas été possible sans les efforts déployés au quotidien par les responsables-pays et chefs d’équipe qui assurent la mise en œuvre de projets et programmes vitaux en Afrique, ni la détermination des chargés de communication qui assurent leur promotion. Nous remercions plus particulièrement Lionel Yaro, Innocent Nsabimana, Mademba Ndiaye, Carlyn Hambuba, Edmond Dingamhoudou, Franck Bitemo, Odilia Hebga, Olufunke Olufon, Rogers Kayihura, Sheila Kulubya, Gelila Woodeneh, Sylvie Nenonene, Elita Banda, Habibatou Gologo, Vera Rosauer, Diana Styvanley, Zeria Banda, Rafael Saute, Moses Kargbo, Enoh Ndri, Kennedy Fosu, Mamadou Bah, Michael Sahr, Loy Nabeta, Benoit Cormier, Zirra Banu, Jennifer Lynch, Caroline Torres, Ryoko Wilcox, Alison Grimsland, Caroline Cerruti et David Bontempo. Nous adressons également nos remerciements à Leslie Ashby, Catherine Bond, Elena Queyranne, Anne Senges, Daniella Van Leggelo Padilla, Amelody Lee, Alexandre Hery, Stephanie Crockett, Selena Batchily, Ahmad Omar, Marisa Simone, Manuella Lea Palmioli, Greg Wlosinski et Adam Broadfoot pour leur contribution à la réalisation de cette publication. © Banque mondiale www.banquemondiale.org/afrique Novembre 2018 | 41298