54994 No. 136 mars 2000 Findings rend parfois compte d'initiatives de développement ne bénéficiant pas du concours de la Banque mondiale. C'est le cas du présent article. Les points de vue exprimés ici ne correspondent pas nécessairement à ceux du Groupe de la Banque mondiale, du gouvernement ghanéen ou des banques ou ONG mentionnées. Ghana : Services financiers assurés aux femmes chefs d'entreprise dans le secteur informel (traduit de l'Anglais) Généralités Le réseau de recherche sur les établissements de microfinancement du Ghana (EMF) rassemble des organisations désireuses de fournir des services financiers aux pauvres de ce pays. Avec le concours de la Banque, ce réseau a réalisé une étude qui décrit brièvement les innovations que des EMF informels, semi-structurés et structurés ont conçues pour fournir des services financiers aux femmes chefs d'entreprise du Ghana. Il formule également des recommandations sur la manière dont ces services peuvent être renforcés et améliorés. Mécanismes de prestation de services financiers ciblés sur les femmes Pour des raisons socio-culturelles et autres, les femmes ont difficilement accès à l'éducation et celles qui ont été scolarisées n'ont qu'un faible niveau d'instruction. De ce fait, et également en raison de leur faible taux d'alphabétisation, elles ne sont guère en mesure : · d'acquérir les compétences techniques qu'exige un travail indépendant ; · d'accéder à des informations sur les services de soutien disponibles pour améliorer leurs activités professionnelles ; et · de s'assurer un revenu et commencer ainsi un processus d'accumulation du capital. Compte tenu de ces handicaps, les femmes rurales se livrent essentiellement à des activités agricoles de subsistance et à des activités ne générant qu'un faible revenu alors que des femmes pauvres habitant en milieu urbain exploitent des microentreprises dans le secteur informel. Ces activités assurent un retour sur l'investissement faible, voire négatif, du fait que les possibilités d'expansion sont limitées sinon inexistantes pendant la durée de vie de leur propriétaire. En conséquence, les femmes jouent un rôle prédominant au sein des couches pauvres de la population et constituent la majorité des clients des EMF, dont certains visent spécifiquement les femmes pauvres qui sont productives car cela s'est avéré le moyen le plus direct pour faire reculer la pauvreté et améliorer les conditions de toute la famille. Dans le cadre des programmes EMF qui s'adressent aussi bien aux hommes qu'aux femmes, le montant moyen des prêts accordés à des entreprises dirigées par une femme est plus faible que celui dont bénéficient les hommes. Dans les zones rurales, les EMF sont assez peu nombreux à accorder des prêts aux femmes chefs d'entreprise. Sauf lorsque les EMF prévoient expressément de réserver une part importante de leurs prêts aux femmes, le volume des prêts accordés à des hommes est toujours supérieur à celui dont bénéficient les femmes. Toutefois, le taux de remboursement des femmes est souvent supérieur à celui des hommes. Parmi les sources de services financiers offerts aux femmes figurent des prestataires informels tels que les collecteurs susu et les tontines, et des prestataires semi-structurés tels que des ONG et des organisations communautaires (OC). Parmi les prestataires de type formel figurent les organismes d'épargne et de crédit, les banques rurales et communautaires et les coopératives de crédit. De plus, les programmes du secteur public offrent des services financiers et non financiers à leurs bénéficiaires. Services financiers et non financiers La mobilisation de l'épargne et l'octroi de prêts constituent les principaux services fournis par ces divers établissements. Les intérêts versés sur les comptes d'épargne sont de l'ordre de 25 à 35 % par an. Les taux d'intérêt sur les prêts commencent à 20 % s'ils sont subventionnés et peuvent atteindre 50 % dans le cas des taux commerciaux. Des services non financiers tels que la formation à la gestion d'entreprise, la promotion de l'esprit d'entreprise ou le renforcement des compétences et des services de protection familiale comme le planning familial sont fournis par certains de ces EMF. Ceux-ci se donnent pour but, en matière de renforcement des capacités, de soutenir les chefs de micro et petites entreprises, de leur permettre d'utiliser plus efficacement les prêts décaissés et d'être mieux à même de les rembourser, et d'améliorer dans l'ensemble les conditions de vie des pauvres. Points forts des programmes actuels Pour être viables et pour pouvoir répondre aux besoins de leurs clients, les EMF fournissent leurs services en utilisant un certain nombre de méthodes. Il s'agit notamment des méthodes de groupes, de la pression exercée par le groupe, de mécanismes de décaissement adaptés et d'épargne sous forme de garanties en espèces. Grâce à ces stratégies, les taux de remboursement des prêts de la part des clients sont élevés et le portefeuille de prêts des EMF est de bonne qualité. Contraintes pesant sur les programmes actuels La majorité des EMF se heurtent à des contraintes opérationnelles qui ne leur permettent guère d'assurer des services financiers sur une plus grande échelle. Parmi ces contraintes figurent leur faible base de capital, la qualité médiocre des systèmes de gestion du portefeuille de prêts, des systèmes d'information de gestion inadéquats, des fonds limités pour accorder des prêts et l'absence du soutien logistique nécessaire pour assurer une supervision et un suivi efficaces. Stratégies rurales et stratégies urbaines Pour faire face aux problèmes liés à la satisfaction des clientes et à leur viabilité financière, il faut faire une distinction, d'une part, entre les stratégies appliquées pour desservir les femmes rurales et urbaines et, d'autre part, entre celles qu'utilisent les EMF dans le nord et le sud du pays. Méthodes suivies dans les zones rurales Les institutions microfinancières qui ciblent les femmes rurales utilisent comme mécanisme des prêts collectifs pour assurer une responsabilité conjointe en ce qui concerne les prêts. Cette stratégie a un bon rapport coût-efficacité pour ce qui est d'améliorer le nombre de clients par employé chargé des prêts. Cela est important pour réduire le coût des activités en faveur des communautés rurales isolées. La formation de groupe permet également aux femmes rurales d'être mieux à même de prendre des décisions et d'avoir le sens de l'initiative. Elles choisissent les membres du groupe, prennent des décisions en matière de prêt et sont actives dans le cadre des opérations des EMF. Méthodes suivies en milieu urbain En milieu urbain, les EMF ont tendance à se concentrer sur l'octroi de prêts individuels étant donné que les communautés n'y sont pas aussi unies qu'en milieu rural. Les clients des EMF urbains demandent généralement des services financiers mais, dans les zones rurales, ce sont le plus souvent les EMF qui s'adressent aux communautés. C'est la raison pour laquelle les coûts de transaction sont plus faibles pour les EMF urbains. EMF du nord et du sud du pays On trouve aussi bien dans le nord que dans le sud du Ghana toutes les catégories de prestataires informels, semi-structurés et structurés de services financiers et de programmes du secteur public. Les EMF privés à but lucratif, tels que les coopératives d'épargne et de crédit, sont cependant prédominants dans le sud du pays. Cela est dû à la forte densité de la population et des activités économiques, ce qui assure des coûts de transaction peu élevés. Dans le nord du pays, on trouve une concentration plus forte de programmes publics subventionnés. Innovations Lier les collecteurs susu aux banques Les collecteurs susu opèrent en tant qu'agents indépendants dans l'ensemble des zones rurales et urbaines du Ghana. Ce sont traditionnellement des hommes, mais on compte cependant parmi eux quelques femmes, bien que l'on ne dispose pas d'informations sur leur nombre ou le pourcentage qu'elles représentent. L'Association ghanéenne des collecteurs de coopératives susu (GCSCA), créée en 1990, s'efforce de mobiliser, d'organiser et de réglementer les opérations de collecteurs susu, dont les activités sont parfois frauduleuses. La GCSCA a identifié comme suit les objectifs des collecteurs susu : · fournir des services mobiles de collecte de l'épargne à des particuliers et à des groupes en milieux urbain et rural ; · assurer une intermédiation financière appropriée aux micro et petites entreprises (MPE) et aux entreprises du secteur informel qui ne peuvent effectuer les démarches elles-mêmes ; · inculquer le sens de l'épargne aux pauvres des zones rurales et urbaines ; · offrir une possibilité d'intermédiation financière entre le secteur bancaire formel et les chefs de micro et petites entreprises ; · offrir à des particuliers des possibilités de travail indépendant en tant que collecteurs susu. Mobilisation de l'épargne Pour mobiliser l'épargne, la procédure normale est la suivante : les collecteurs susu perçoivent chaque jour ou chaque semaine une somme fixée à l'avance. À la fin d'un cycle d'une trentaine de jours, le montant accumulé est payé au client, déduction faite d'un jour de dépôt à titre de commission. Pour tenter d'assurer un service personnalisé, la plupart des collecteurs susu commencent à recueillir les dépôts quotidiens à partir de midi chaque jour. Cela permet aux clients d'effectuer des opérations et de gagner un peu d'argent avant de l'épargner. Cette stratégie est tout à fait adaptée aux femmes pauvres des zones rurales et urbaines qui ont un revenu insuffisant pour pouvoir déposer de grosses sommes d'argent dans des établissements bancaires de type formel. Les villes marchés sont des endroits caractérisés par une forte densité d'entreprises, exploitées en particulier par des femmes. Elles offrent d'importantes opportunités aux collecteurs susu moyennant un coût de transaction limité. Les fonds qu'ils mobilisent chaque jour sont déposés chez eux dans des coffres-forts et déposés chaque jour dans une banque commerciale proche. Les collecteurs susu accordent parfois une avance à leurs clients qui épargnent régulièrement. Ces avances sont généralement nécessaires pour combler un déficit immédiat de fonds de roulement ou pour faire face à des dépenses personnelles telles que le règlement de droits de scolarité, de frais médicaux, etc. Collaboration avec des établissements financiers Un certain nombre d'établissements financiers et d'ONG mettent actuellement au point les modalités d'une collaboration avec les collecteurs susu. Parmi ces établissements figurent la Nsoatreman Rural Bank, l'Agricultural Development Bank, Citi Savings and Loans et Action Aid Ghana. Nsoatreman Rural Bank (NRB) Dans le cadre de son système expérimental, la NRB accorde des prêts à un taux de faveur à un certain nombre de collecteurs susu qui rétrocèdent ensuite les fonds à leurs clients en recevant une commission de la NRB pour ce service. La NRB et les collecteurs susu se mettent d'accord sur le montant de la commission prélevée sur le taux d'intérêt payé sur l'épargne de déposants. Dans le cadre de son projet pilote initial de rétrocession de 1997, la NRB a accordé, en 1997, 1,5 million de cedis (soit environ 732 dollars) à chacun des quatre collecteurs susu. Agricultural Development Bank (ADB) Par l'intermédiaire de son agence de Sunyani dans la région de Brong Ahafo, l'ADB a conclu un accord avec Tata Susu Special (TSS). L'épargne mobilisée par la TSS est déposée à la Banque qui offre un guichet spécial aux collecteurs aux heures d'ouverture normales. Il est actuellement prévu d'étendre cet arrangement aux collecteurs susu des grandes villes situées dans les zones rurales proches de Sunyani. Citi Savings and Loans Company Limited Citi Savings and Loans a sa place dans le programme pilote de rétrocession avec l'agence de la GSCSA de l'agglomération d'Accra. Dans le cadre de ce programme, les collecteurs susu ayant des comptes dans n'importe laquelle des trois agences de Citi Savings and Loans d'Accra peuvent obtenir des prêts à court terme. Ces prêts servent à fournir les fonds nécessaires pour répondre aux demandes d'avance de leurs clients. Action Aid Ghana L'accord de collaboration entre Action Aid et les collecteurs susu du nord du Ghana fournit une stratégie permettant d'assurer une intermédiation financière informelle dans les communautés rurales. Suivant ce système, les communautés participant au programme de crédit d'Action Aid à Bawku, Cheriponi et Tamale choisissent les collecteurs susu, qui offrent à leurs clients des services à domicile pour épargner et rembourser les prêts décaissés par Action Aid. Organisations non gouvernementales Campagne mondiale contre la faim (CMCF) Campagne mondiale contre la faim est une ONG internationale qui collabore avec six EMF ghanéens mettant en oeuvre des programmes de lutte contre la pauvreté fondés sur le crédit et ciblés sur les femmes. Les critères de sélection sont les suivants : · l'EMF doit avoir le minimum de compétences gestionnelles et administratives reconnues que nécessite le programme ; · l'EMF doit avoir en place ou être disposé à mettre en place un mécanisme de contact adapté aux besoins des femmes qui n'ont généralement pas accès au crédit institutionnalisé ; · l'EMF doit être disposé à laisser ses chargés de prêts recevoir une formation au crédit bancaire villageois selon les méthodes éducatives recommandées par la CMCF. Les six établissements avec lesquels collabore la CMCF sont les suivants : Lower Pra Rural Bank - Région de l'Ouest Brakwa Rural Bank - Région du centre du pays Nsoatreman Rural Bank - Région de Brong Ahafo Nandom Rural Bank - Région du Nord-Ouest Women's World Banking/Ghana - Agglomération d'Accra Builsa Community Bank - Région du Nord-Est Objectifs Les objectifs du programme de la CMCF sont de : · permettre aux femmes les plus pauvres d'accéder au crédit ; · leur assurer une éducation sanitaire et nutritionnelle ; · leur fournir une éducation et des informations en matière de planning familial ; · renforcer les capacités des EMF locaux par la formation et une assistance technique. Clientèle visée Le programme de la Campagne mondiale contre la faim exécuté en collaboration avec ces EMF vise uniquement les femmes pour les raisons suivantes : i) la pauvreté touche surtout les femmes ; ii) l'augmentation des revenus des femmes aura davantage d'impact sur la famille ; et iii) les activités génératrices de revenu menées par des femmes nécessitent de faibles investissements. Mécanisme opérationnel La Campagne mondiale contre la faim assure une formation dans les domaines suivants aux chargés de prêts des EMF qui collaborent : développement des microentreprises, éducation sanitaire et nutritionnelle, planning familial, gestion financière, budgétisation et planification. Quant à eux, les EMF identifient des groupes de femmes et leur assurent une formation ainsi que d'autres services de soutien. Les membres du groupe sont tenus d'épargner un montant minimum fixé par le groupe pendant au moins six semaines. Les prêts accordés aux femmes sont assortis d'un taux d'intérêt commercial annuel compris entre 48 et 51 %. Leurs dépôts d'épargne servent de garantie en espèces. Le prêt est remboursable en 16 semaines, en 16 versements hebdomadaires égaux. Si l'on considère l'ensemble des opérations menées en collaboration avec des EMF, le taux annuel des remboursements respectant les échéances dans les banques villageoises est de 98 à 100 %. Normes de résultats et EMF ghanéens D'une façon générale, ce sont surtout les EMF structurés qui respectent des normes légales de résultats telles que des ratios d'adéquation du capital. La plupart des EMF informels et semi- structurés n'ont pas fixé de normes de performance. Ces établissements reconnaissent cependant de plus en plus qu'il est important de respecter des normes de performance pour assurer leur propre viabilité. En ce qui concerne les questions relatives aux évaluations d'impact, certains EMF procèdent périodiquement à un suivi et à des évaluations internes pour déterminer l'impact de leurs opérations sur la clientèle visée. Problèmes auxquels se heurtent les EMF Les établissements de microfinancement du Ghana se heurtent à un certain nombre de problèmes pour assurer des services financiers appropriés et adaptés aux pauvres, en particulier aux femmes. Ces problèmes concernent le contexte macroéconomique, les questions relatives au développement institutionnel et l'accès aux fonds des prêts. Mais un autre problème important tient à la nécessité de mettre au point des mécanismes de prestation appropriés et adaptés aux besoins des femmes chefs d'entreprise. Pour de plus amples renseignements sur cette question, veuillez contacter Shimwaayi Muntemba, Bureau J3-101, Banque mondiale, 1818 H Street NW, Washington D.C. 20433. Tél. : (202) 458-7370 ; email : Smuntemba@worldbank.org