43058 OFFRIR DES SERVICES DE SANTÉ 2007 AUX POPULATIONS DÉFAVORISÉES Cambodge Sous-traiter des services de santé destinés aux populations rurales pauvres La démarche consistant à sous-traiter à des ONG la gestion une expérience de grande envergure consistant à confier à du système de santé primaire a été jugée constituer un moyen des ONG la prestation de ces services de soins primaires efficace pour augmenter la couverture des services et mettre dans le cadre du plan de couverture global. En 1997, préa- en place une prestation de soins au profit des pauvres des lablement à la construction d'établissements de santé et à zones rurales du Cambodge. Au milieu des années 90, la l'achat d'équipements, une enquête de référence précontrac- guerre et les bouleversements politiques qui avaient secoué le tuelle a été conduite auprès des ménages de douze districts pays avaient fragilisé l'infrastructure de santé, surtout dans de santé ruraux opérationnels. L'expérience de cinq ans a été les régions rurales. Les effectifs paramédicaux et administra- engagée au début de 1999, et une étude d'évaluation finale tifs étaient suffisants, mais la formation et la qualité des soins a été réalisée à la fin de 2003. étaient irrégulières, et le moral était au plus bas. Le système Les districts participant à l'expérience se sont vus assigner de soins primaires était incapable de délivrer un niveau de au hasard l'un des trois modèles de prestation de soins ci- services adéquat. Les services de base, tels que la vaccination, après : n'étaient pas assurés, et le taux de mortalité infantile demeu- rait très élevé. i) la sous-traitance externe, en vertu de laquelle les sous-trai- tants étaient pleinement responsables de la gestion du sys- tème de prestation de services, y compris du recrutement Le « plan de couverture » et du licenciement du personnel, de l'établissement des Pour remédier à ces problèmes, le Ministère de la santé pro- salaires, de l'achat et de la distribution des médicaments et posa de sous-traiter à des ONG la gestion du système de fournitures essentiels, et de l'organisation et de la dotation santé public à l'échelon des districts, dans le cadre d'un en effectifs des établissements de santé publics ; contrat fondé sur les résultats de manière à en surveiller les ii) la sous-traitance interne, dans le cadre de laquelle les sous- progrès. Le contrat exigeait des ONG qu'elles apportent un traitants travaillaient au sein du Ministère de la santé pour soutien administratif et technique pour aider le système de renforcer la structure administrative existante au niveau santé public à fonctionner correctement et à délivrer des ser- des districts et apporter au personnel de santé des médica- vices de soins primaires équitables aux populations rurales. ments et consommables fournis par l'État ; le dispositif Étant donné le caractère innovant de cette démarche, un pro- prévoyait un budget supplémentaire nominal destiné à jet pilote a dans un premier temps été mis en place. financer les incitations au personnel et les dépenses d'ex- Le Ministère de la santé a élaboré un « plan de couver- ploitation ; et ture » qui définissait un nombre minimal d'activités de ser- vices, préventifs et curatifs notamment, comme la vaccina- iii)l'administration publique, modèle selon lequel l'équipe tion, la planification familiale, les soins prénataux, et la gouvernementale de gestion de la santé des districts fourniture d'oligo-éléments. Grâce à un financement de la demeurait responsable de la gestion des services, des médi- Banque asiatique de développement, le Ministère a conduit caments et consommables fournis par l'État et disposait www.worldbank.org/wbi/healthandaids du même supplément budgétaire nominal pour le finance- Les sous-traitants ment des incitations au personnel et des dépenses d'exploi- tation que celui dont bénéficiaient les districts sous contrat Les sous-traitants, sélectionnés au travers d'un appel d'offres de sous-traitance interne. international, se sont vu octroyer des contrats d'une durée de quatre ans, à un prix annuel fixe par habitant, pour la pres- Les trois districts candidats restants n'ont pas été mis sous tation de services de soins primaires spécifiques. Tous les contrat, et n'ont pas été officiellement inclus dans l'expé- adjudicataires étaient des ONG internationales qui avaient rience. Ils sont restés sous administration gouvernementale, déjà acquis une expérience au Cambodge. mais n'ont pas reçu de supplément budgétaire. Ils servent Les districts faisant appel à la sous-traitance externe ainsi de groupe de comparaison avec les neuf autres districts, devaient acheter leurs propres fournitures et assumer les sous contrat et sous gestion publique. coûts de main d'oeuvre. Ces postes étaient prévus au budget Le Ministère de la santé a eu recours à une procédure d'ap- du Ministère de la santé alloué aux districts sous contrat et à pel d'offres pour sélectionner les ONG en fonction de la qua- ceux relevant de l'administration publique. Dans les neuf dis- lité des offres techniques et du coût. Des indicateurs objecti- tricts pilotes, les travaux de construction, de rénovation, vement vérifiables des services de santé ont été établis pour les l'ameublement et l'équipement ont été fournis par le Minis- douze districts à partir des données de l'étude de référence, et tère et n'ont pas été imputés aux budgets contractuels. des objectifs précis ont été spécifiés pour chacun d'eux en Le tableau 1 donne la moyenne des dépenses annuelles matière d'amélioration de la couverture et de couverture des récurrentes par personne sur une période de deux ans et demi pauvres. Les indicateurs retenus sont les suivants : immunisa- pour les trois dispositifs. Le montant supérieur des dépenses tion infantile et vitamine A, soins prénataux, naissances assis- des districts faisant appel à la sous-traitance externe est en tées par un accoucheur qualifié, accouchements dans un éta- grande part imputable à l'assistance technique des ONG blissement de santé, connaissance et utilisation des méthodes apportée par les responsables de district et aux salaires plus d'espacement des naissances, et recours aux établissements de élevés du personnel. santé en cas de maladie. Un objectif d'équité visant à orienter Les contraintes budgétaires, les chiffres de référence en les services sur les 50 % les plus démunis de la population a matière de couverture et de distribution des services et, éven- également été imposé à tous les districts. De nouveaux centres tuellement, les effectifs démographiques des responsables de de soin ont été construits, et les anciens rénovés. Chaque cen- district étaient différents, ce qui a peut-être influé sur les déci- tre desservait 10 000 personnes. sions relatives à l'affectation des ressources. Parmi les neuf districts participant officiellement à l'expé- rience, deux faisaient appel à la sous-traitance externe, trois Les indicateurs de santé à la sous-traitance interne, et quatre relevaient de l'adminis- tration publique. Les douze districts, avec les trois ne partici- Les indicateurs employés pour évaluer la couverture des ser- pant pas officiellement à l'expérience, étaient répartis dans vices concordaient avec les priorités énoncées dans les objec- trois provinces différentes, chacun couvrant de 100 000 à tifs du Millénaire pour le développement (OMD) et dans les 200 000 habitants. Au début de l'expérience, en 1999, ils documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). comptaient plus de 1,5 million de personnes au total. Ils portent sur les soins préventifs aux enfants et les soins Tableau 1. Moyenne des dépenses récurrentes annuelles par habitant Catégorie de dépenses Sous-traitance externe Sous-traitance interne Administration publique Assistance technique des ONG 1,28 0,77 0,0 Salaires du personnel 1,32 0,55 0,53 Médicaments, fournitures 1,28 1,08 1,12 et dépenses d'exploitation Total 3,88 2,40 1,65 Source : Schwartz et Bhushan 2005, tableau 8.2 Tableau 2. Indicateurs des services de santé : définitions et objectifs de couverture Indicateur Définition et couverture Objectif (%) Vaccination totale des enfants Vaccination totale des enfants âgés de 12 à 23 mois 70 (VTE) Vitamine A (VITA) Administration de deux doses de vitamine A aux enfants âgés de 6 à 59 mois 70 au cours des 12 derniers mois Soins prénataux (SPN) Deux visites prénatales au moins, avec prise de tension une fois au minimum, 50 pour les femmes ayant accouché au cours de l'année précédente Naissances assistées par un Les femmes ayant accouché au cours de l'année écoulée ont été assistées par 50 accoucheur qualifié (NAAQ) un accoucheur qualifié (infirmier, sage-femme, médecin ou auxiliaire médical) Accouchement dans un Les femmes ayant donné naissance au cours de l'année précédente ont accouché 10 établissement spécialisé dans un établissement de santé public ou privé (ADES) Recours aux méthodes Femmes ayant un enfant en vie âgé de 6 à 23 mois et faisant appel à une 30 modernes d'espacement méthode moderne d'espacement des naissances des naissances (MMEN) Connaissance des méthodes Femmes ayant accouché au cours des 24 mois précédents, connaissant au 70 modernes d'espacement minimum quatre méthodes modernes d'espacement des naissances et sachant des naissances (CMMEN) où se les procurer Recours aux établissements Recours aux établissements de soins publics des districts (hôpitaux ou centres Augmentation de santé en cas de maladie de soins primaires) en cas de maladie au cours des quatre semaines précédentes (RESM) Source : Schwartz et Bhushan 2005, tableau 8.4 maternels (tableau 2). L'objectif d'équité visant à orienter les de soins prénataux, d'accoucheurs qualifiés, et de méthodes services sur les 50 % les plus pauvres de la population était modernes d'espacement des naissances. De manière générale, obligatoire pour l'ensemble des districts. les écarts les plus prononcés entre les taux de couverture obtenus par les districts sous contrat et ceux sous gestion publique concernent les services en établissement spécialisé Résultats (soins prénataux, accoucheurs qualifiés, naissances en éta- Une augmentation appréciable des taux de couverture des blissement de soins, et recours aux établissements publics en services de santé a été observée dans les douze districts, sous cas de maladie) plutôt que sur les programmes de santé publi- contrat et sous gestion publique, les premiers affichant néan- que verticaux (vaccination, vitamine A et utilisation de moins des taux de couverture nettement supérieurs à ceux méthodes contraceptives modernes). Des évaluations indé- des seconds. Dans les districts faisant appel à la sous-trai- pendantes ont par ailleurs indiqué que la qualité des services tance externe, le taux de couverture vaccinale est ainsi passé fournis dans les établissements de santé gérés par les sous- de 25,3 % en 1997 à 82 % en 2003, soit une hausse de 56,7 traitants a davantage progressé que dans ceux placés sous points de pourcentage (graphique 1). À une exception près gestion publique au cours de la même période. (les naissances assistées par un accoucheur qualifié dans les districts à sous-traitance externe), la hausse des taux de cou- Avantages pour les pauvres verture dans les districts sous contrat a été supérieure à celle des districts sous gestion publique. Ces derniers ont amélioré Les districts sous contrat ont généralement obtenu de meil- le taux de couverture de tous les services de santé, mais ces leurs résultats que ceux sous administration publique, la dis- hausses ont été inférieures à celles des districts sous contrat et tribution des services de santé évoluant vers un schéma plus n'ont pas atteint les objectifs visés en matière de vitamine A, équitable et favorable aux pauvres. Avant l'expérience, les Figure 1. Augmentation des taux de couverture des soins (en points de pourcentage) 1997 ­ 2003 80 70 Sous-traitance externe 60 Sous-traitance interne e Administration publique ag 50 entc Contrôle ourp 40 de ntsiop 30 20 10 0 VTE VITA SPN NAAQ ADES MMEN CMMEN RESM Notes : VTE = vaccination totale des enfants; VITA = vitamine A; SPN = soins prénataux; NAAQ = naissances assistées par un accoucheur qualifié; ADES = accouchement dans un établissement spécialisé; MMEN = méthodes modernes d'espacement des naissances; CMMEN = connaissance des méthodes modernes d'espacement des naissances; RESM = recours aux établissements de santé en cas de maladie Figure 2. Évolution des indices de concentration, 1997 ­ 2003 0,250 0,200 0,150 0,100 0,050 VTE VITA MMEN CMMEN RESM 0,000 SPN NAAQ ADES -0,050 -0,100 -0,150 -0,200 -0,250 Sous-traitance externe Sous-traitance interne Administration publique Contrôle Notes : VTE = vaccination totale des enfants; VITA = vitamine A; SPN = soins prénataux; NAAQ = naissances assistées par un accoucheur qualifié; ADES = accouchement dans un établissement spécialisé; MMEN = méthodes modernes d'espacement des naissances; CMMEN = connaissance des méthodes modernes d'espacement des naissances; RESM = recours aux établissements de santé en cas de maladie populations non pauvres étaient plus susceptibles de faire moyenne à 2,50 dollars environ par habitant ont amené une appel aux services de santé publique dans les douze districts. baisse de quelque 4,50 dollars des dépenses privées par habi- Selon les indices de concentration, la prestation de services tant. Qui plus est, le total des dépenses publiques et privées de santé dans les districts sous contrat était devenue plus dans les districts sous contrat a été inférieur à celui des dis- équitable et favorable aux pauvres à l'issue des cinq années tricts sous administration publique. Le remplacement des de l'expérience que dans les districts sous administration dépenses privées par les dépenses publiques dans les districts publique (graphique 2). Cette évolution est observable pour sous contrat a davantage profité à ceux qui disposaient de tous les services de santé dans les districts sous contrat, à moyens financiers plus limités pour payer des services de deux exceptions près (vitamine A pour ceux faisant appel à santé que dans les districts sous administration publique ; la sous-traitance externe, et accouchements en établissement l'efficience du système de santé dans les premiers a en outre spécialisé pour ceux faisant appel à la sous-traitance interne). été supérieure à celle observée dans les seconds. Les districts sous gestion publique, en revanche, n'ont amé- lioré la prestation de services aux pauvres qu'en ce qui Conclusion concerne les programmes verticaux (vaccination, vitamine A, et méthodes modernes d'espacement des naissances) ; ces En résumé, il ressort de l'expérience de passation de contrats améliorations ont en outre été plus modérées que celles avec des ONG dans les zones rurales au Cambodge que si apportées par les districts sous contrat. Dans les districts sous tous les districts ont augmenté les taux de couverture des ser- administration publique, la distribution des services en éta- vices de santé, les districts sous contrat ont obtenu de meil- blissement de soins est devenue encore moins favorable aux leurs résultats à cet égard que les districts sous administration pauvres, notamment en ce qui concerne les soins prénataux, publique, et ont mis en place une distribution des services les naissances assistées par un accoucheur qualifié, les nais- plus favorable aux pauvres. Par ailleurs, les dépenses de santé sances en établissement spécialisé et le recours aux établisse- privées dans les districts sous contrat ont diminué, ce qui a ments publics en cas de maladie. nettement bénéficié aux habitants disposant des moyens Il n'est donc pas étonnant que les districts sous contrat financiers les plus restreints. Les ONG semblent plus soucieu- aient affiché des dépenses publiques annuelles récurrentes par ses de satisfaire aux obligations contractuelles consistant à habitant considérablement supérieures à celles des districts assurer des services de santé efficaces et équitables que les ser- sous administration publique (tableau 3). L'assistance techni- vices publics classiques auxquels les mêmes objectifs avaient que à la gestion des districts apportée par les ONG et les été assignés. Globalement, il apparaît que la sous-traitance salaires versés au personnel de santé expliquent en grande des soins de santé primaires peut offrir un moyen efficient et partie ces différences. Il apparaît toutefois que les dépenses efficace d'augmenter les taux de couverture des soins de publiques se sont substituées dans une plus grande mesure à santé, et de mieux orienter ces services sur les pauvres. la participation financière directe des usagers (dépenses pri- vées) dans les districts sous contrat que dans ceux sous admi- La présente fiche a pour objectif de résumer les bonnes pratiques en nistration publique. À la fin de l'expérience, les dépenses pri- matière de santé, de nutrition et de démographie. Il s'agit d'une adapta- vées étaient nettement inférieures dans les premiers que dans tion de l'article « Contracting Health Care Services for the Rural Poor ­ the Case of Cambodia », de J. Brad Schwartz, Indu Bhushan, Erick les seconds. Ainsi, les dépenses publiques dans les districts Bloom et Benjamin Loevinsohn paru dans le numéro de mai 2005 de la faisant appel à la sous-traitance externe étaient supérieures publication Development Outreach de la Banque mondiale, et du chapi- de 3,09 dollars par habitant à celles des districts sous admi- tre 8 de Reaching the Poor with Health, Nutrition, and Population Ser- vices: What Works, What Doesn't, and Why », Davidson R. Gwatkin, nistration publique, mais elles allaient de pair avec des dépen- Adam Wagstaff, et Abdo S. Yazbeck, dir.pub. (Washington, DC: Banque ses privées inférieures de 5,57 dollars. Pour l'ensemble des mondiale, 2005) ; les opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas districts sous contrats, des dépenses publiques supérieures en nécessairement celles de la Banque mondiale. www.worldbank.org/wbi/healthandaids