REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES CONSACRÉES À LA PROTECTION SOCIALE AU NIGER Aperçu La présente revue répond à la demande formulée par le ministère de l’Emploi du Travail et de la Protection sociale d’obtenir un diagnostic de la structure et de la viabilité budgétaire des dépenses consacrées à la protection sociale et au travail au Niger. Il vise également à fournir des informations détaillées au Dispositif national de gestion et de prévention des crises alimentaires (DNPGCA) et à d’autres parties prenantes concernant les dépenses et la couverture des programmes entre 2008 et 2017. Il s’interroge finalement sur la façon de procéder pour accroître l’efficacité des dépenses publiques et leur contribution à la lutte contre la pauvreté et à la réponse aux chocs à travers la protection sociale réactive aux chocs. La présente revue couvre les principaux programmes de protection sociale du Niger, y compris les mécanismes de réponse aux chocs, que l’on peut classer dans quatre catégories : filets sociaux, assurance sociale, marché du travail et subventions générales. Les filets sociaux comprennent les transferts monétaires conditionnels et non conditionnels, les transferts en nature dont transferts de vivres, l’alimentation scolaire, les travaux publics, les programmes de nutrition et les exonérations de frais. L’emploi de l’expression « filets sociaux de base » y renvoie expressément à des transferts pluriannuels et prévisibles s’accompagnant généralement de mesures destinées à renforcer la résilience des populations au fil du temps. Le Niger se trouve confronté à de sérieux problèmes de pauvreté et de vulnérabilité… Le Niger enregistre de très faibles indicateurs de développement global : estimé à 895 dollars en 2015, son PIB par tête le classe parmi les pays les plus pauvres de la planète ; l’espérance de vie à la naissance se situe autour de 61 ans, le taux de mortalité des moins de 5 ans à 104 pour 1 000 naissances vivantes et le taux de mortalité maternelle à 553 pour 100 000 naissances vivantes ; seuls 52 pour cent des enfants reçoivent toutes les vaccinations requises ; environ sept Nigériens sur dix sont analphabètes, la durée moyenne de fréquentation scolaire est inférieure à six ans et les résultats scolaires figurent parmi les plus faibles de la région ; seules quatre écolières du primaire sur dix entrent dans le secondaire. Si l’incidence de la pauvreté au Niger n’a cessé de s’améliorer entre 2008 et 2014, le nombre absolu de pauvres y reste élevé. En 2014, 8,4 millions de Nigériens vivaient sous le seuil de pauvreté, contre 7,9 millions en 2005. Le nombre de pauvres continue d’augmenter, notamment sous l’effet d’une forte croissance démographique associée à un taux de fertilité élevé. La pauvreté chronique frappe un quart des Nigériens (25,8 pour cent) et touche davantage le milieu rural (32,6 pour cent) que le milieu urbain (5,5 pour cent). Entre 10 et 15 pour cent de la population nigérienne vit en situation permanente d’insécurité alimentaire et de dépendance à une aide alimentaire. Pendant les années de crise alimentaire, la part des ménages vivant en situation d’insécurité alimentaire passe à 50 pour cent environ de la population. Entre 2008 et 2017, le pays a été frappé par deux sécheresses dont la gravité a requis un appui international massif pour éviter une famine. Pendant la même période, la prévalence nationale de la malnutrition aiguë a oscillé entre 10 et 15 pour cent, un niveau situé entre les seuils internationaux d’alerte et d’urgence. La pauvreté est très largement concentrée dans les régions rurales où l’insécurité alimentaire est élevée et exacerbée par les effets du changement climatique. Environ deux tiers des Nigériens pauvres (5,3 millions de personnes) vivent dans les régions de Maradi, Dosso et Zinder, au sud du pays, où prédominent l’agriculture semi-intensive et 1 l’élevage. Trente pour cent d’entre eux se concentrent dans la seule région de Maradi, qui enregistre le plus fort taux d’incidence de la pauvreté (67 pour cent). Figure 1. Zones agro-écologiques et répartition spatiale de la pauvreté au Niger Sahel (pastoral/ trans-humant cattle herding) Desert AG ADEZ = share of all 1% Agro-pastoral (millet, poor people in Niger goat rearing, casual labor) TAHOUA DIFFA 12% 3% ZINDER TILAB ERI 14% 30% 25% MARADI NIAMEY 1% DOSSO Agricultural/ semi-intensive cultivation 15% Highest rates of poverty Source : Banque mondiale, évaluations de la performance des pays IDA Le secteur de la protection sociale a enregistré des progrès pendant la période de référence du présent examen… Le Niger a manifesté une forte volonté politique de placer la protection sociale au cœur du programme de développement national. En 2010, le pays a inscrit dans sa Constitution le droit à la protection sociale pour tous. En 2011, il a adopté sa Politique Nationale de Protection Sociale (PNPS). Dans le sillage du Forum national sur la protection sociale de 2013, un processus de dialogue a été lancé pour créer un socle de protection sociale bien coordonné. En 2018, le Niger a adopté une loi fixant les principes fondamentaux de la protection sociale. Le Niger a progressivement mis au point un solide système de prévention et de gestion des crises alimentaires géré par le Dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires (DNPGCA), qui coordonne la collecte et la diffusion des informations relatives à la vulnérabilité alimentaire, à la prévention et à la gestion des catastrophes, mais aussi le suivi et l’évaluation. La mission du DNPGCA s’est par ailleurs étendue à la coordination des Systèmes d’alerte précoce (SAP), de la prévention, des filets sociaux et de l’aide humanitaire. Effectué en 2017, la dernière réorganisation du DNPGCA visait à intégrer la Cellule de Filets Sociaux (CFS). Différentes parties prenantes considèrent qu’il s’agit d’une étape déterminante pour atteindre un meilleur équilibre entre les réponses aux chocs et les filets sociaux de base. Les dépenses de protection sociale ont plus que doublé depuis 2008 . L’année 2012 a constitué un tournant : la stabilisation de la situation politique a fait revenir les donateurs internationaux et marqué le lancement d’importants programmes de filets sociaux. Les programmes de nutrition ont quant à eux commencé à privilégier une approche plus préventive que curative, axée sur la recherche de solutions pérennes contre la malnutrition chronique et ses causes profondes. Sur la même période, les politiques publiques ont réduit leurs subventions générales sur les produits de base au profit de programmes d’assistance sociale ciblée. Respectivement lancés en 2011 et 2014, le Projet de filets sociaux (PFS) et le programme de résilience du PAM constituent les principaux programmes de filets sociaux de base du pays. Depuis 2011, le PFS a versé des transferts monétaires mensuels sur une période de 24 mois à un total de 80 000 ménages. Dans les zones affectées par des chocs répétés, le PFS a également mené des activités de travail contre rémunération ciblant chaque année 15 000 ménages en situation d’extrême pauvreté. Depuis 2014, le PAM a ciblé chaque année 2 en moyenne 45 000 ménages en situation de vulnérabilité qui ont bénéficié de transferts saisonniers pendant la période de soudure puis d’activités de constitution d’actifs menées pendant trois ans. En 2017, ces deux principaux programmes de filets sociaux ont respectivement couvert 6,5 et 10,9 pour cent de la population nigérienne vivant sous le seuil de pauvreté et en situation de pauvreté chronique. Figure 2. Évolution des dépenses de protection sociale(2008-2017) 350 300 250 General subsidies billion F CFA 200 Labor Market Social security 150 Safety nets Total 100 50 0 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Source : figure élaborée par les auteurs Les filets sociaux de base ont été étendus pour répondre à des chocs. Le projet national de filets sociaux a fait l’objet d’une expansion horizontale répondant à l’afflux des retournés du a la crise libyenne à Tahoua (2012-2013), à la crise sécuritaire provoquée par Boko Haram à Diffa (2016-2017) et à des pertes de bétail à Agadez (2017). Ces expériences démontrent la possibilité d’utiliser les filets sociaux de base existants pour accroître la rapidité et l’efficacité des réponses aux chocs. L’initiative de scolarisation des filles (SCOFI) fournit quant à elle un exemple d’expansion verticale, dans la mesure où elle a complété les transferts accordés par le projet national de filets sociaux en versant des prestations supplémentaires aux ménages comprenant des adolescentes inscrites dans le primaire et le secondaire. Cette synergie a permis d’accroître l’efficacité du ciblage et des coûts de mise en œuvre. Les dépenses consacrées aux programmes d’alimentation scolaire ont été multipliées par quatre depuis 2008 et le nombre d’écoliers recevant des repas scolaires a augmenté de 30 pour cent en 2011-2012. Le budget total alloué à l’alimentation scolaire est passé de 2,3 milliards de FCFA (≈2,2 millions de dollars) à 10,7 milliards de FCFA (≈12,7 millions de dollars) entre 2008 et 2017. Environ 209 000 écoliers ont bénéficié de repas scolaires en 2017. En situation de crise, le PAM et le Gouvernement collaborent pour distribuer des repas scolaires visant à satisfaire les besoins nutritionnels de base des enfants et à les renvoyer rapidement à l’école. En 2017, plus de 21 000 écoliers vivant dans des zones affectées par des conflits et des chocs ont reçu des repas scolaires. L’adoption d’une approche préventive explique le maintien d’un niveau élevé de dépenses de nutrition entre 2013 et 2017 (environ 0,6 pour cent du PIB), principalement couvertes par l’aide extérieure. Les interventions relevant directement de la nutrition menées dans le secteur de la santé représentent 20 pour cent des efforts déployés pour prévenir et traiter la malnutrition ; les 80 pour cent restants sont alloués à des interventions relevant indirectement de la nutrition menées dans d’autres secteurs tels que l’agriculture, l’environnement, l’éducation, l’eau et l’assainissement. Une attention particulière est portée aux approches communautaires visant à responsabiliser les communautés à travers 3 la communication sur les changements comportementaux et sociaux (SBCC, social and behaviour change communication). Les programmes de nutrition couvrent près de 90 pour cent des enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition. Entre 2008 et 2017, les dépenses de subventions générales ont perdu 78 pour cent. Des subventions à l’essence et des exonérations de taxes alimentaires à l’importation ont été adoptées en réaction au pic mondial du cours des produits de base en 2008; leur suspension entre 2009 et 2012 peut en partie s’expliquer par l’effet régressif de ces politiques et par le fait que le Niger soit devenu producteur de pétrole. Constatant l’inefficacité de la distribution de produits abordables aux agriculteurs, le Gouvernement a par ailleurs récemment réduit ses subventions aux intrants agricoles. Il reste malgré tout des défis de taille à relever en matière d’efficacité, de couverture et de coordination… Les dépenses publiques de protection sociale sont principalement allouées à des programmes très inefficaces qui ne ciblent pas nécessairement les plus pauvres et les plus vulnérables et doivent faire l’objet d’importantes réformes. L’assurance sociale, les subventions agricoles générales ainsi que les allocations et bourses universitaires, qui absorbent environ 48 pour cent des dépenses totales de protection sociale et 70 pour cent des dépenses du Gouvernement en protection sociale, profitent principalement au secteur structuré et à la classe moyenne. Les réformes prévues du régime de retraite public (FNR) et des subventions générales aux engrais pourraient générer des gains d’efficacité et des économies susceptibles d’être réinjectées dans des programmes ciblant les pauvres. Le système de sécurité sociale contributive offre une sécurité de revenu à une proportion relativement réduite de la population. La couverture effective de la pension de vieillesse au Niger s’élève à 1,5 pour cent de la population en âge de travailler, mais ne couvre pas les travailleurs du secteur non structuré, dont la part est pourtant estimée à 93 pour cent de la main d’œuvre. Ce système se compose de deux régimes : la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et le Fonds national des retraites (FNR), respectivement destinés aux employés du secteur privé et aux fonctionnaires. En 2017, la CNSS a enregistré 37 milliards de FCFA de cotisations et couvert 1,5 pour cent de la population ayant atteint l’âge de toucher une retraite complète (60 ans). Les dépenses annuelles du FNR s’élèvent quant à elles à 62 milliards de FCFA1, dont 8 milliards proviennent des caisses publiques ; au moment de l’examen, les données disponibles se sont avérées insuffisantes pour déterminer le nombre exact de pensionnaires du FNR. Le régime de retraite public (FNR) affiche un manque d’efficacité criant en matière de gestion administrative et financière. Conjuguée à la complexité du système, la gestion manuelle des dossiers entrave leur traitement. L’absence de SIG peut par ailleurs aisément générer des erreurs de paiement et de gestion, et en dernier lieu entraver l’analyse de la viabilité du système. En 2012, la Caisse autonome des retraités du Niger (CARENI) a été créée par le Gouvernement pour reprendre la gestion complète du FNR, mais cette réforme n’a jamais été menée à terme. Le système de subvention des engrais ne s’est avéré ni efficace ni viable. Le Gouvernement nigérien subventionne la vente d’engrais aux agriculteurs à travers la CAIMA (Centrale d’approvisionnement en intrants et matériels agricoles), mais la distribution est limitée sur le plan géographique et ne permet pas de satisfaire les besoins de tous les agriculteurs. Le fonds repose principalement sur des subventions publiques, tandis que les 1L’un des principaux obstacles rencontrés a été l’impossibilité d’obtenir des informations exhaustives sur les dépenses du système public de sécurité sociale, dont le relevé total des prestations versées s’élevait en 201 7 à 266,7 milliards de FCFA, sur lesquels plus de 50 milliards provenaient de cotisations salariales de l’État et des employés. 4 contributions privées sont faibles ou inexistantes. Situé en moyenne à 10 milliards de FCFA entre 2012 et 2014, l’apport public annuel a toutefois été divisé par deux à partir de 2015. Une évaluation du secteur a suscité un accord sur l’adoption d’une réforme établissant un Fonds de déroulement d’acquisition d’engrais qui devrait permettre de réduire progressivement les contributions du budget public et d’accroître la viabilité de la CAIMA grâce aux bénéfices tirés des ventes et de la participation du secteur privé. Les dépenses de protection sociale consacrées à l’éducation ne sont pas équilibrées: les allocations et bourses universitaires enregistrent des dépenses supérieures de 38 pour cent aux programmes ciblant les établissements primaires et secondaires. La couverture des écoliers s’élevait respectivement à 11,4 et 7,6 pour cent dans le primaire et le secondaire, tandis que les mesures d’incitation destinées aux étudiants d’université sont universelles. L’appui à la poursuite des études devrait constituer une priorité, notamment au passage entre le primaire et le secondaire, où le risque de décrochage augmente ; la plupart des transferts monétaires conditionnels (TMC) sont toutefois conçus comme des programmes pilotes à faible couverture qui n’accompagnent pas leurs bénéficiaires jusqu’au secondaire, en particulier les TMC financés par des donateurs extérieurs. Les dépenses de filets sociaux sont insuffisantes pour contribuer à la lutte contre la pauvreté. En termes relatifs, elles se sont respectivement maintenues autour de 6,5 et 26 pour cent du PIB et des dépenses publiques totales, bien qu’elles aient culminé pendant les années de crise. Elles ont toutefois baissé à 3,2 pour cent du PIB en 2017, un pourcentage inférieur aux 5 pour cent estimés nécessaires au Niger pour hisser les ménages vulnérables aux sécheresses au-dessus du seuil de pauvreté2, un niveau supérieur à celui d’autres pays en raison du faible PIB par tête et de la forte population de ses régions sèches. En 2017, le nombre de bénéficiaires de transferts prévisibles à long terme ne représentait que 6,5 pour cent des Nigériens vivant sous le seuil de pauvreté et 10,9 pour cent des Nigériens vivant en situation d’extrême pauvreté, une couverture insuffisante dans un pays où l’incidence de la pauvreté s’élève à 45,6 pour cent. Les filets sociaux de base distribuant des ressources prévisibles à long terme visent à lutter contre la pauvreté chronique et à consolider la résilience ; leur expansion permettrait de réduire le besoin d’interventions de réponse aux chocs. Les dépenses de filets sociaux se caractérisent par une inefficace combinaison de transferts prévisibles à long terme et de réponses aux chocs. Les dépenses de filets sociaux de base ne représentent qu’un tiers des dépenses de réponses aux chocs, même pendant les années normales caractérisées par l’absence de crises majeures. À l’inverse, la mise en œuvre des mêmes réponses aux chocs ciblant chaque année les mêmes régions et bénéficiaires ne permet pas de lutter efficacement contre la pauvreté chronique et les causes profondes des crises alimentaires récurrentes. Il conviendrait de revoir la distribution des ressources entre ces deux types de programmes, car les filets sociaux de base devraient constituer la principale réponse apportée en période normale. Dans l’idéal, les trois quarts des dépenses de filets sociaux devraient en effet être alloués à des transferts prévisibles à long terme versés aux populations vivant en situation d’insécurité alimentaire chronique et/ou de pauvreté chronique. La combinaison de ces instruments contribuerait à lisser la consommation tout en renforçant le capital humain et la résilience. 2 Del Ninno 2016 5 Figure 3. Dépenses de filets sociaux de Figure 4. Dépenses idéales de filets sociaux de base/réponse aux chocs (2008-2017) base/réponse aux chocs 200 200 180 180 160 160 140 140 billion FCFA 120 120 100 100 80 80 60 60 40 40 20 Shock 20 0 0 Response to schock Core safety net Core safety net Response to shock Source : figure élaborée par les auteurs La distribution de vivres constitue la modalité de réponse employée par défaut par le Gouvernement pour lutter contre l’insécurité alimentaire. La raison sur laquelle repose le choix de la modalité et du volume de céréales à injecter chaque année n’est pas clairement définie. Cette modalité prenant la forme de distributions ciblées et de ventes de céréales subventionnées représente 60 pour cent des dépenses totales de filets sociaux, contre 34 pour cent pour la modalité des transferts monétaires. La couverture des distributions de vivres varie au fil du temps et culmine pendant les années de crise. Pendant les cinq dernières années, les distributions de vivres ont couvert plus de deux millions de Nigériens vivant en situation d’insécurité alimentaire, y compris pendant des années considérées normales ou bonnes, couvrant ainsi près de 90 pour cent des ménages vivant en situation d’insécurité alimentaire. La proportion d’assistance fournie au travers de la modalité monétaire a progressivement augmenté depuis le lancement en 2011 du programme national de filets sociaux monétaires, bien qu’elle n’ait atteint qu’un tiers des dépenses de filets sociaux. Pour jauger le volume de céréales susceptible d’être injecté sur les marchés locaux sans produire d’effets négatifs sur les agriculteurs locaux, le Gouvernement et ses partenaires financiers devraient tenir compte de facteurs tels que le rapport coût/efficacité, la fonctionnalité du marché, la disponibilité et les prix des aliments. Figure 5. Évolution des dépenses de filets sociaux par modalité (2018-2017) 100% 90% 80% 70% 60% Other in-kind (% total) 50% Cash (% total) 40% Food (% total) 30% 20% 10% 00% 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Source : figure élaborée par les auteurs Au Niger, le secteur de la protection sociale manque d’un solide système d’information et de coordination. Les programmes empruntent différents canaux 6 gouvernementaux et non gouvernementaux pour toucher différentes populations cibles et les informations relatives à leurs dépenses et à leur couverture sont rares. Plusieurs institutions sont investies de rôles et de responsabilités qui se chevauchent et l’insuffisante coordination des partenaires de développement qui financent bon nombre de ces programmes en exacerbe la fragmentation et l’inefficacité. Le manque d’information limite considérablement le dialogue et l’élaboration de politiques de protection sociale adaptées. Les programmes de filets sociaux nigériens ne s’inscrivent pas dans un système cohérent et coordonné. La plupart d’entre eux emploient des processus similaires de communication, de collecte d’information, d’évaluation des bénéficiaires potentiels et d’inscription des candidats à des programmes précis. Les différents mécanismes de ciblage employés en parallèle pour évaluer l’admissibilité des candidats consomment des ressources publiques et génèrent des doublons et des lacunes de couverture, réduisant ainsi l’efficacité des dépenses de protection sociale. Le DNPGCA a mené un processus de consultation pour instaurer un Registre social unifié (RSU) destiné au programme de filets sociaux. Les efforts déployés pour intégrer des plateformes comme des registres sociaux, des systèmes d’information de gestion interopérables ou des systèmes de paiement communs peuvent contribuer à réduire les coûts administratifs, mais aussi faciliter la planification et la coordination. Pour relever ces défis, le Niger doit… 1. Étendre la couverture des programmes ciblant les pauvres en réallouant les budgets consacrés à des programmes inefficaces : en achevant les réformes prévues du système de retraite public (FNR) et des subventions agricoles générales, il serait possible de libérer d’importantes ressources susceptibles d’être réinjectées dans des programmes ciblant les pauvres, en particulier des filets sociaux prévisibles et à long terme. 1.1. Achever la réforme institutionnelle du Fonds national des retraites (FNR) en transférant notamment les responsabilités de gestion du ministère des Finances à la CARENI; intégrer à cette réforme la numérisation de la base de données et de l’ensemble du Système d’information de gestion (SIG). 1.2. Achever la réforme du système de subvention des engrais (CAIMA) en créant un fonds renouvelable alimenté par les bénéfices des ventes, permettant ainsi au fonctionnement de la CAIMA de ne plus dépendre des subventions publiques (5 milliards de FCFA par an au cours de la dernière décennie). 1.3. Revoir le mécanisme de remboursement du système de santé gratuit pour le simplifier, le décentraliser et le rendre plus transparent. Le circuit de remboursement est partiellement entravé par ses laborieuses procédures administratives, comptables et de vérification. 2. Améliorer la coordination des programmes grâce à la mise au point d’un système d’information commun comprenant des fonctions de suivi et un registre social unifié : la mise au point d’un tel système devrait faire participer tous les acteurs, notamment les ministères concernés. 2.1. Pour guider ce processus, le METPS devrait élaborer une feuille de route établissant clairement la mission institutionnelle, la portée, la fonction, la viabilité financière ainsi que la base politique et juridique du système d’information de la protection sociale. Cette feuille de route devrait comprendre une analyse des coûts que représenteraient l’établissement et le maintien de ce système ainsi que les engagements nécessaires pour garantir sa viabilité à long terme. 7 2.2. Dans le cadre de ce processus, le DNPCGA et ses partenaires techniques devraient achever la conception et la mise en œuvre d’un registre social unifié susceptible de donner le jour à une base de données unique et commune contenant des informations structurées et organisées sur les bénéficiaires actuels et potentiels des filets sociaux. 2.3. Les structures de coordination de la protection sociale devraient déterminer la façon dont communiqueront les différents systèmes d’information et si le plus vaste système d’information de la protection sociale remplira également les fonctions d’une base de données de registre social. Il conviendrait au moins d’assurer l’interopérabilité et le partage des données entre les différents systèmes. 3. Parvenir à un meilleur équilibre entre les filets sociaux de base et les réponses aux chocs : le Gouvernement et ses partenaires techniques et financiers devraient engager un dialogue sur l’appui à apporter à la mission du DNPGCA pour atteindre un équilibre optimal entre les filets sociaux de base et les réponses aux chocs, mais aussi sur l’harmonisation et les synergies requises entre les programmes. 3.1. Assouplir le mécanisme de financement existant pour lui permettre de s’adapter aux changements de situation. 3.2. Appuyer les discussions actuelles sur la réévaluation des ventes de céréales et l’augmentation progressive du financement des programmes de filets sociaux de base sur la période 2020-2025. L’objectif devrait être de réallouer au moins 20 pour cent des fonds publics actuellement consacrés à la protection sociale (15 milliards de FCFA) pour couvrir 500 000 bénéficiaires vivant en situation d’extrême pauvreté (10 pour cent de la population vivant en situation d’extrême pauvreté chaque année), qui viendront s’ajouter aux contributions provenant des partenaires techniques et financiers. Cet objectif devrait être progressivement réalisé, parallèlement à la réévaluation de la vente subventionnée de céréales et aux réformes majeures du système d’assurance sociale et des subventions générales. 3.3. Poursuivre la mise en place d’un système de protection sociale adaptative capable de réagir rapidement et efficacement aux chocs. Les partenaires techniques et financiers devront fournir une assistance technique au DNPGCA, mais aussi renforcer sa capacité analytique et opérationnelle à répondre aux crises au moyen des programmes existants et à assouplir les mécanismes de réponse existants. 4. Mettre à jour les stratégies et la politique de protection sociale 4.1. Poursuivre le dialogue national nécessaire à la mise en place d’un socle de protection sociale. Les consultations actuellement menées devraient viser la définition d’un ensemble de garanties minimales abordable, son coût et son accessibilité financière. Étant donné la valeur initialement estimée de cet ensemble (8-10 pour cent du PIB), très élevée et hors de portée du budget public actuellement alloué à la protection sociale, il conviendrait d’envisager des mécanismes de financement novateurs pour assurer une extension progressive de cet ensemble de garanties minimales à la population la plus pauvre dans l’optique ultime d’une couverture universelle. 4.2. Mettre à jour la Politique nationale de protection sociale. De nombreux enseignements ont été tirés et de nombreux changements sont intervenus depuis l’élaboration de la PNPS en 2011, exigeant la mise à jour de ce document d’orientation, dont la révision doit reposer sur les enseignements tirés des nombreux efforts déployés pour que la mise en œuvre de la protection sociale soit plus efficace, efficiente et viable. L’environnement semble propice à cette révision, qui devrait fournir des orientations fraîches pour l’avenir. 8