Rapport No. 112733-ZR République démocratique du Congo Diagnostic systématique pays Priorités de politiques pour réduire la pauvreté et promouvoir la prospérité partagée dans un pays fragile sortant d’un conflit Mars 2018 Région Afrique Document de la Banque mondiale AID (Association SFI (Société AMGI (Agence Internationale pour le Financière Multilatérale de garantie Développement Internationale) des Investissements) Vice-Président : Makhtar Diop Snezana Stoiljkovic Keiko Honda Directeur : Jean-Christophe Carret Cheikh Oumar Seydi Merli Baroudi Chefs d’équipe de Emmanuel Pinto Moreira Adamou Labara Petal Jean Hackett projets (TTLs): Chadi Bou Habib Babacar Sedikh Faye Franck M. Adoho Ce rapport a été préparé par une équipe du Groupe de la Banque mondiale sous la direction d’Emmanuel Pinto Moreira (Économiste en chef et Coordonnateur de programme croissance équitable, finances et institutions et TTL). L’équipe comprenait Adamou Labara (Directeur pays et TTL), Babacar Sedikh Faye (Représentant résident et Co-TTL), Franck M. Adoho (Économiste principal et Co-TTL), Chadi Bou-Habib (Économiste en chef et Coordonnateur de programme croissance équitable, finances et institutions et Co-TTL), Laurent Debroux (Coordonnateur de programme), Luc Laviolette (Coordonnateur de programme), Andreas Schiessler (Spécialiste en chef des transports), Alexandre Dossou (Spécialiste principal des transports), Jérôme Bezzina (Économiste principal des questions règlementaires), Malcolm Cosgroves-Davies (Spécialiste de l’énergie), Pedro Sanchez (Spécialiste en chef de l’énergie), Manuel Luengo (Spécialiste principal de l’énergie), Anas Benbarka (Spécialiste principal de l’énergie), Jose Peres Caceres (Spécialiste de l’énergie), Alain Ouedraogo (Spécialiste de l’énergie), Francisco Igualada (Spécialiste principal des mines), Rachel Perks (Spécialiste principale des mines), Marie-Laure Lajaunie (Spécialiste en chef de la gestion des ressources en eau), Pierre Boulenger (Spécialiste principal de l’eau et assainissement), Madio Fall (Spécialiste principal de l’eau et assainissement), Aude-Sophie Rodella (Économiste principale), Maximilian Hirn (Économiste), Douglas Graham (Spécialiste principal de l’environnement senior), Daniela Goehler (Spécialiste principalement du financement carbone), Laurent Valiergue (Spécialiste principal des forêts), Julian Lee (Spécialiste environnement), Loic Braune (Spécialiste de la gestion des ressources naturelles), Esther Naikal (Économiste), Nora Kaoues (Économiste agricole principale), Diego Arias (Économiste agricole en chef ), Amadou Oumar Ba (Spécialiste agricole principale), Sara Mbago (Spécialiste principale de l’eau et assainissement), Joanne Gaskell (Économiste agricole), Sylvie Debomy (Spécialiste en chef du développement urbain), Mahine Diop (Ingénieur municipal principal), Christian Vang Eghoff (Spécialiste de l’urbanisme), Dina Ranarifidy (Spécialiste de l’urbanisme), Jean-Baptiste Migraine (Spécialiste principal de la gestion des risques de catastrophes naturelles), André Teyssier (Spécialiste principal de l’aménagement du territoire), Maurizia Tovo (Spécialiste en chef de la protection sociale), Maria Amelina (Spécialiste principale du développement social), Lucienne M'Baipor (Spécialiste principale du développement social), Patricia Fernandes (Spécialiste principale du développement social), Pia Peeters (Spécialiste principale du développement social), Benjamin Burckhart (Spécialiste du développement social), Louise Mvono (Spécialiste principale de l’éducation), Waly Wane (Économiste principal), Christophe Rockmore (Économiste principal), Dung-Kim Pham (Chargée principale des opérations), Diego Martin (Chargé principal des opérations), Hadia Samaha (Chargée principale des opérations), Serdar Yilmaz (Spécialiste en chef de la gestion du secteur public), Saidou Diop (Spécialiste principal de la gestion financière), Jean-Mabi Mulumba (Spécialiste principal du secteur public), Shomikho Raha (Spécialiste principal du secteur public), Denis Tshibombi Leta (Spécialiste de la gouvernance), Philippe M. Aguera (Spécialiste principal du secteur financier), Alain Tienmfoltien Traore (Spécialiste principal du secteur privé), Milaine Rossanaly (Spécialiste du secteur privé), Arthur Mambou (Chargé d’investissement principal), Olufunso Ayomide Fasetire (Chargé d’investissement), Richard Kasenga (Chargé d’investissement), Frank Douamba (Responsable de programme en chef), Sylvia Zulu (Chargée principale des opérations), Markus Scheuermaier (Chargé principal des opérations) ; Marina Diagou (Chargée d’investissement adjointe), Gcinisizwe Mdluli (Chargé des opérations adjoint), Moise Tshimenga Tshibangu (Économiste), Ephraim Kebede (Consultant), Bertrand Murguet (Consultant), Jean-Philippe Mukuaki (Consultant), Hugo De Vries (Consultant). L’équipe a bénéficié des conseils d’Ahmadou Moustapha Ndiaye, Directeur des opérations, de Cheikh Oumar Seydi, Directeur, et de Yisgedullish Amde, Coordonnateur du programme du pays, ainsi que de Matthias Cinyabuguma, Chargé principal des opérations. Amina Adele Temanda (Assistante de programme) et Balume Alpha Abonabo (Assistant de l’équipe) ont apporté l’appui logistique. Oscar Parlback a relu et édité le document. JPD Systems a assuré la traduction du document de l’anglais en français. Abréviations et Acronymes ANSER Agence nationale de service énergétique rural ARCA Autorité de régulation et de contrôle des assurances ARE Agence de régulation de l’électricité ARMP Autorité de régulation des marchés publics ASS Afrique subsaharienne BCC Banque centrale du Congo BTI Indice de transformation de Bertelmann (Bertelsmann Transformation Index) CDF Franc congolais CDN Contribution déterminée au niveau national CVM Congolaise des Voies Maritimes DSP Diagnostic systématique pays DSRP Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté, EFTP Enseignement et formation techniques et professionnels EAPE Exploitation artisanale et à petite échelle EDS Enquête démographique et de santé ENA Epargne nette ajustée EP Entreprise publique FSI Indice des états fragiles (Fragile State Index) GBM Groupe de la Banque mondiale Gécamines Générale des carrières et des mines GMB Gestion macroéconomique et budgétaire HCR Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ICCN Institut Congolais pour la Conservation de la Nature IDE Investissement direct étranger IDM Indicateurs de développement dans le monde IDMC Centre de surveillance des déplacements internes (Internal Displacement Monitoring Center) IGM Indicateurs de la gouvernance dans le monde IIAG Indice Ibrahim de la gouvernance africaine ITIE Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), km2 Kilomètre carré MONUSCO Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo MPME Micro, petites et moyennes entreprises NRC Comité norvégien pour les réfugiés (Norwegian Refugee Council) ONG Organisation non-gouvernementale PDI Personnes déplacées internes PIB Produit intérieur brut PME Petites et moyennes entreprises PPP Partenariat public-privé PPTE Pays pauvres très endettés RDC République démocratique du Congo REDD+ Réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts RDM Rapport sur le développement dans le monde RDP Revue des dépenses publiques RDPF Revue de la gestion des dépenses publiques et de la responsabilisation financière Regideso Régie de distribution d’eau RNBD Revenu national brut disponible SAEMAPE Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation Minière artisanale et à petite échelle SBC Solde de la balance courante SCC Solde du compte courant SCTP Société commerciale des transports et des ports SDE Service de développement des entreprises SNEL Société nationale d’électricité SSN Système statistique national TFT Taux de fécondité total TIC Technologies de l'information et de la communication 3Ts Tin, Tantalum, and Tungsten TVA Taxe sur la valeur ajoutée UN WPP United Nations World Population Prospects VBG Violence basée sur le genre ZP Zone Protégée Table des matières Avant-propos .................................................................................................................................. i Résumé exécutif ............................................................................................................................. 1 Chapitre 1. Progresser malgré les vulnérabilités, les risques et les incertitudes ............. 15 1.1. Perspective historique et contexte politique et de sécurité actuel, 1960-2016 ................................................. 15 1.2. Évolutions économiques récentes, 2010-2017.................................................................................................. 19 1.3. Faire face à de nouveaux défis et risques dans une économie mondiale en rapide mutation .......................... 23 Chapitre 2. Réduire la pauvreté et partager la prospérité ................................................ 26 2.1. La dynamique de la pauvreté et des inégalités ................................................................................................. 26 2.2. Dynamiques de la pauvreté : une perspective macroéconomique .................................................................... 30 2.3. Dynamique de la pauvreté : une perspective microéconomique ...................................................................... 31 2.4. Pauvreté rurale, agriculture, risques et vulnérabilité ...................................................................................... 33 2.5. Niveau d’instruction et pauvreté ...................................................................................................................... 35 Chapitre 3. Instabilité politique et échecs de la gouvernance : le défi des institutions politiques extractives .................................................................................................................. 37 3.1. Faiblesses persistantes des indicateurs de gouvernance ........................................................................... 37 3.2. La faiblesse de la gouvernance a de lourdes conséquences ....................................................................... 40 3.3. Symptômes de la faiblesse de la gouvernance dans la gestion fiscale et l’administration publique .......... 42 Chapitre 4. Le défi : Assurer une croissance durable et inclusive .................................... 45 4.1. Croissance : un rattrapage non inclusif ..................................................................................................... 45 4.2. Le chaînon manquant entre croissance et réduction de la pauvreté .......................................................... 46 4.3. Les obstacles à la croissance inclusive et durable ..................................................................................... 47 4.4. Le défi : mener des politiques publiques de croissance inclusive .............................................................. 52 Chapitre 5. Capital physique, naturel et humain ............................................................... 55 5.1. Capital physique : progrès et défis ............................................................................................................ 55 5.1.1. Les transports .................................................................................................................................... 55 5.1.2. L’énergie ........................................................................................................................................... 57 5.1.3. La distribution d’eau et l’assainissement ........................................................................................... 58 5.1.4. Les télécommunications .................................................................................................................... 59 5.2.5. Le développement urbain .................................................................................................................. 60 5.2.6. L’administration foncière .................................................................................................................. 61 5.2. Capital naturel : gérer l’abondance .......................................................................................................... 62 5.2.1. Pétrole et gaz ..................................................................................................................................... 62 5.2.2. Exploitation minière .......................................................................................................................... 63 5.2.3. Agriculture et agroalimentaire ........................................................................................................... 65 5.2.4. Forêts et biodiversité ......................................................................................................................... 66 5.2.5. Changement climatique ..................................................................................................................... 67 5.3. Capital humain : des progrès au milieu de la vulnérabilité ....................................................................... 68 5.3.1. Tendances démographiques ............................................................................................................... 68 5.3.2. Malnutrition ....................................................................................................................................... 70 5.3.3. Santé .................................................................................................................................................. 71 5.3.4. Éducation ........................................................................................................................................... 73 5.3.5. Emploi ............................................................................................................................................... 74 5.3.6. Identification ..................................................................................................................................... 75 5.3.7. Le genre ............................................................................................................................................. 76 5.3.8. Déplacement forcé ............................................................................................................................. 79 Chapitre 6. Les défis du secteur privé ................................................................................. 81 6.1. Manque d’une mise en œuvre effective des réformes ....................................................................................... 81 6.2. Faiblesse du système de justice commerciale ................................................................................................... 82 6.3. Faiblesses de l’infrastructure et de la réglementation financière .................................................................... 82 6.4. Pénurie de compétences sur le marché de l’emploi ......................................................................................... 83 6.5. Un marché des prestataires de services d’aide au développement des entreprises (SDE) qui reste étroit ...... 84 6.6. Difficultés d’accès aux marchés ....................................................................................................................... 84 Chapitre 7. Renforcer la résilience et la crédibilité du cadre macroéconomique............ 87 7.1. Renforcer la politique budgétaire et créer un espace budgétaire .............................................................. 87 7.2. Renforcer la politique monétaire afin de maintenir l’inflation à un faible niveau ..................................... 89 7.3 Mener des politiques macroprudentielles et anticycliques pour renforcer la résilience ............................ 90 7.4 Maintenir la stabilité du taux de change .................................................................................................... 91 7.5. Dédollariser l’économie pour gérer les chocs et les vulnérabilités ........................................................... 91 7.6. Diversifier l’économie pour renforcer la résilience et assurer une croissance soutenue .......................... 93 Chapitre 8. Renforcer les institutions et améliorer la gouvernance ................................. 94 8.1. Soutenir les institutions et les organisations inclusives ............................................................................. 94 8.2. Protection des plus faibles ......................................................................................................................... 95 8.3. Approches, interventions et outils pour le soutien des institutions et organisations inclusives et des plus faibles 97 Chapitre 9. Mobiliser les infrastructures, les ressources naturelles et l’agriculture ...... 98 9.1. Reconstruire les infrastructures pour assurer la résilience et soutenir une croissance inclusive ............. 98 9.1.1. Transport : accélérer la réforme de la gouvernance et les investissements ....................................... 98 9.1.2. Électricité : accélérer la réforme de la gouvernance et les investissements ....................................... 99 9.1.3. Eau et assainissement : reformuler le programme de réforme ......................................................... 100 9.1.4. Technologies de l’information et de la communication : accélérer la réforme................................ 102 9.1.5. Gérer les villes au profit du développement urbain et de la réduction de la pauvreté ..................... 102 9.1.6. Administration foncière ................................................................................................................... 103 9.2. Encourager une gestion plus durable des ressources naturelles et promouvoir le secteur agroalimentaire 104 9.2.1. Pétrole et gaz ................................................................................................................................... 104 9.2.2. Mines ............................................................................................................................................... 105 9.2.3. Agriculture et industrie agroalimentaires ........................................................................................ 106 9.2.4. Forêts et biodiversité ....................................................................................................................... 107 9.2.5. Changement climatique : adaptation et mitigation .......................................................................... 108 Chapitre 10. Résilience et croissance durable grâce au capital humain........................... 110 10.1. Créer les conditions préalables à un dividende démographique .................................................................. 110 10.2. Favoriser la productivité future en améliorant la nutrition ......................................................................... 111 10.3. Accroître l’accès à des services de soins de santé de bonne qualité ............................................................ 112 10.4. Formation en vue de l’employabilité et de l’exploitation du dividende démographique ............................. 114 10.5. Étendre les fruits de la croissance grâce au soutien à l’emploi ................................................................... 115 10.6. Mise en place d’un système de filets de sécurité pour favoriser la résilience et consolider les avantages du développement humain .......................................................................................................................................... 116 10.7. Modernisation du système national d’identification .................................................................................... 119 10.8. Réformes visant à renforcer le rôle des femmes dans la construction de l’avenir ....................................... 120 10.9. Gérer les répercussions du conflit ................................................................................................................ 121 Chapitre 11. Mobilisation du secteur privé : rôle des réformes du climat d’investissement et des institutions nécessaires au bon fonctionnement des marchés..................................... 125 11.1. Aller au-delà des réformes formelles : assurer la mise en œuvre effective des réformes et renforcer la gouvernance pour encourager plus d’investissements productifs ......................................................................... 125 11.2. Renforcement de la justice commerciale pour protéger les droits fonciers, commerciaux et contractuels .. 126 11.3. Améliorer l’infrastructure et la réglementation financière pour accroître l’accès des entrep rises aux services financiers ............................................................................................................................................................... 126 11.4. Répondre à la pénurie de compétences en mettant en place un programme d’éducation pertinent et en renforçant le marché de l’emploi .......................................................................................................................... 128 11.5. Développer le marché des prestataires de services d’aide au développement des entreprises (SDE) pour soutenir les entrepreneurs ..................................................................................................................................... 129 11.6. Faciliter l’accès aux marchés ...................................................................................................................... 129 11.7. L’impact de la sécurité et de la stabilité macroéconomique sur les investissements privés et le comportement du secteur privé ..................................................................................................................................................... 131 ANNEXES ................................................................................................................................. 132 Annexe A. Facteurs de conflit en République démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs ............................................................................................................................... 132 Annexe B. Migrations, transformations structurelles, économie informelle et réduction de l’offre d’emploi dans les secteurs agricole et minier.............................................................. 137 Annexe C. Différence entre la dynamique du produit intérieur brut et du revenu national brut disponible .......................................................................................................................... 140 Annexe D. Défis et dividendes de la transition démographique. .......................................... 143 Annexe E. Réponse de la politique du Gouvernement à la crise : Les 28 mesures ............. 145 Annexe F. Politiques macro-prudentielles et préparation aux récessions : exemples de la République tchèque, du Pérou et du Kenya. .......................................................................... 148 Annexe G. Dédollarisation – Leçons apprises (Basées sur l’analyse de Fischer, Lundren et Jahjah, 2013). ............................................................................................................................ 150 Annexe H : Défis de gouvernance et institutionnels examinés par secteur ......................... 153 Annexe I. Priorités du Diagnostic Systémique du Pays (DSP) et impact sur le genre. ....... 159 Annexe J. Défis en matière de développement des secteurs pétrolier et gazier en RDC .... 160 Annexe K. Cadre de développement de la statistique en RDC ............................................. 162 Annexe L : Vers une élimination de l’extrême pauvreté d’ici à 2030 ? ............................... 165 Bibliographie ............................................................................................................................. 167 Figures Figure 1.1 Performance de croissance par groupes de pays (pays choisis), 1995-2015 .............................................. 19 Figure 1.2 Structure du PIB et contributions sectorielles à la croissance, 2011-2015 (en % du total) ........................ 20 Figure 1.3 Taux d’imposition effectif sur les industries extractives, le secteur minier (axe de gauche) et le secteur pétrolier (axe de droite) ............................................................................................................................................... 23 Figure 2.1 Évolution de l’extrême pauvreté en RDC, 2005-2013 ............................................................................... 26 Figure 2.2 Pauvreté, par ancienne unité administrative locale de premier niveau, 2012 ............................................. 29 Figure 2.3 Type d’emploi par quintile de bien-être et de résidence, 2012 ................................................................... 30 Figure 2.4 Principaux facteurs de réduction de la pauvreté, 2005-2012 ..................................................................... 32 Figure 2.5 Évolution de la proportion de travailleurs dans le secteur minier, par l’unité administrative locale de premier niveau, 2005-2012 ....................................................................................................................................................... 33 Figure 2.6 Incidence de la pauvreté et pauvreté alimentaire par zone de subsistance rurale, 2012 ............................. 34 Figure 3.1 Indicateurs de gouvernance mondiaux, RDC 2005-2015 ........................................................................... 38 Figure 3.2 Comparaison des indicateurs de gouvernance mondiaux 2015 en Afrique subsaharienne ........................ 39 Figure 3.3 Rapport sur l’indice de transformation Bertelsmann, RDC 2006-2016 ..................................................... 40 Figure 4.1 RDC – Épargne nette ajustée (2015) .......................................................................................................... 50 Figure 4.2 Évolution de l’épargne nette rajustée entre 2005 et 2015........................................................................... 51 Figure 5.1 Technologies de l’information et de la communication ............................................................................. 60 Figure 5.2 Prévisions relatives aux tendances démographiques en RDC d ’ici 2050 .................................................. 69 Figure 7.1 Revenu de seigneuriage en RDC et au Pérou (en % du PIB) ..................................................................... 92 Figure 7.2 Dépôts en devises étrangères en % du total des dépôts entre 2001 et 2012 ............................................... 92 Figure 10.1 Le cycle de la pauvreté et de la malnutrition .......................................................................................... 111 Figure 10.2 Investissements et avantages annuels de la lutte contre la malnutrition ................................................. 112 Tableaux Tableau 4.1. Institutions et coût des affaires : Indicateurs de la RDC et des pays de comparaison ............................. 48 Tableau 10.1. Politiques visant à récolter le premier dividende démographique....................................................... 111 Encadrés Encadré 3.1. Évolution politique en RDC depuis 2013 ............................................................................................... 44 Encadré 11.1. Accompagner le secteur informel : l’entrepreneuriat au service de la lutte contre la pauvreté .......... 129 Avant-propos i. La République démocratique du Congo (RDC) émerge d’une longue période de conflits et d’instabilité politique, qui ont eu un impact dévastateur sur le pays, son économie et son tissu social. C’est à partir de ce constat qu’il nous a paru nécessaire de réaliser un Diagnostic systématique pays (DSP) pour la RDC. Dès lors, il convient de reconnaître que la RDC est toujours en phase post-conflit et un État fragile. ii. Dans ce contexte, les questions de développement doivent être examinées à l’aune d’une approche adéquate, permettant de concevoir les solutions les plus adaptées à des défis de développement complexes. L’équipe estime que le cadre d’analyse du rapport de la Banque mondiale paru en 2011 sur le développement dans le monde (RDM) et consacré « aux conflits, à la sécurité et au développement » (Banque mondiale 2011) est le plus pertinent pour relever les défis de développement en RDC. Pour autant, d’autres rapports seront pris en compte afin de compléter l’analyse et les préconisations politiques du RDM de 2011. Ce diagnostic systématique utilisera également les connaissances disponibles au sein de la Banque mondiale et en dehors. iii. Conformément au RDM 2011, cette approche reconnaît : (i) l’impératif de sélectivité et la nécessité d’identifier les défis de développement prioritaires dans le pays ; (ii) la difficulté de dégager des solutions de développement efficaces et bien ciblées dans un pays post-conflit avec un État fragile et connaissant une croissance démographique rapide ; (iii) la nécessité d’obtenir des résultats probants à court terme pour gagner la confiance de la population et restaurer la paix, tout en renforçant les institutions à long terme ; (iv) la difficulté de trouver une séquence adéquate des politiques dans un pays confronté à des défis de développement multiples ; et (v) la nécessité de persévérer, car l’effet des politiques ne se fera sentir que progressivement, et comme le souligne aussi le rapport RDM 2011 : « il ne faut pas s’attendre à trop, trop tôt ».1 iv. Établir les priorités requiert l’identification dans le DSP des contraintes les plus significatives à une croissance forte et soutenue. Dans un pays tels que la RDC, dont les besoins de développement sont immenses, toute contrainte est susceptible d’entraver le développement. En effet, chaque enjeu de développement a son importance, qu’il s’agisse de la stabilité macroéconomique, des institutions et de la gouvernance, du développement des infrastructures, du dividende démographique, du développement humain, ou encore du développement du secteur privé et du changement climatique. C’est pourquoi il est difficile de déterminer quels enjeux auront un impact optimal sur le développement de la RDC. Dans ce contexte, le DSP a choisi d’axer son analyse sur les domaines où les entraves au développement semblent être les plus contraignantes. v. Le DSP met l’accent sur la mobilisation des recettes, les institutions, la gouvernance et l’infrastructure comme éléments fondamentaux du développement en RDC. À cet égard, le rapport fait valoir que l’instabilité politique, la faiblesse des institutions, l’accaparement par les élites et la prédation expliquent la persistance de la pauvreté au sein de la population congolaise malgré l’abondance des ressources naturelles dans le pays. Des institutions dysfonctionnelles génèrent une mauvaise gouvernance et sapent la capacité du gouvernement à mettre en place les politiques et administrations capables de gérer les finances publiques, y compris en matière de 1 Rapport sur le développement dans le monde 2011. Banque mondiale. i mobilisation des recettes domestiques. À son tour, le manque de ressources empêche la consolidation de ces mêmes institutions et administrations ainsi que le développement des infrastructures économiques et sociales. Pour engager la RDC sur la voie du développement durable à long terme, il faudrait que ce cercle vicieux laisse la place à un cercle vertueux impliquant les mêmes éléments. vi. Faire des choix implique de faire des compromis entre des priorités concurrentes, des actions politiques contradictoires et des objectifs de développement à court et à long terme. Un biais de sélection peut survenir lorsqu’il s’agit de hiérarchiser les enjeux. Pour prévenir ce risque, l’équipe du DSP a consulté l’équipe de pays (octobre 2015). Diverses équipes et individus du groupe de la Banque mondiale ont participé activement à des réunions de cadrage des questions abordées dans ce DSP. Par la suite, une série de larges consultations a été organisée, notamment auprès du gouvernement, des acteurs de la société civile, des universitaires, des femmes et des jeunes. L’élaboration de ce rapport a mis à contribution toutes les branches de la Banque mondiale et les interlocuteurs gouvernementaux. En outre, l’équipe de pays a examiné le projet de rapport lors d’une réunion organisée en décembre 2016. Ce processus a permis à l’équipe de s’assurer que les questions et les sujets pertinents soient couverts. vii. Le DSP repose sur le principe suivant : le statu quo n’est pas envisageable dans un pays dont la population sera la 11e plus importante au monde en 2050. Bien que la population congolaise représente environ 1 % de la population mondiale, le pays abrite respectivement 7,2 % et 14,3 % de la population mondiale et d’Afrique subsaharienne qui vit dans l’extrême pauvreté2. Les résultats de la micro-simulation suggèrent que si la RDC reste sur sa trajectoire actuelle – avec une inégalité modérée – et si les schémas de croissance du PIB par habitant ne changent pas, un Congolais sur deux – soit environ 60 millions de personnes – vivra encore dans une pauvreté extrême en 2030. Ce DSP reconnaît également qu’aucune recette ne serait adaptée à un grand pays comme la RDC ni n’apporterait les meilleures solutions. Les recommandations de ce DSP en termes de politique tentent d’être précises et de proposer des solutions que les décideurs congolais pourront mettre en œuvre malgré les capacités limitées dont ils disposent. La mise en œuvre de certaines de ces politiques – notamment celles ayant trait à la gouvernance et à la loi – ainsi que leur adoption comme valeurs partagées par tous les Congolais prendront du temps. Comme l’a remarqué Gordon Brown, ancien Premier ministre du Royaume-Uni : « Quand il s’agit d’établir l’État de droit, les cinq premiers siècles sont toujours les plus difficiles. » viii. Les priorités identifiées dans le DSP sont conformes à l’analyse de l’évaluation de la pauvreté, aux évolutions économiques, à la Revue de la gestion des dépenses publiques et de la responsabilisation financière (RDPF), aux Revues des dépenses publiques (RDP) sectorielles et à la revue des performances et des connaissances acquises de 2016. Les recommandations d’actions politiques ont trait aux facteurs de transformation les plus importants de l’économie, qui aideront à atteindre un taux de croissance élevé et à progresser vers le double objectif de réduction de la pauvreté et de partage de la prospérité en RDC à l’horizon 2030. 2 Après le Nigéria, la RDC est, en Afrique subsaharienne, le pays comprenant le plus grand nombre de personnes vivant dans une pauvreté extrême. Il y a autant de personnes vivant dans l’extrême pauvreté en RDC qu’il n’y en a, cumulées, en Tanzanie, en Éthiopie et à Madagascar. ii ix. En dépit des nombreuses interactions avec l’équipe de pays et les parties prenantes impliquées dans la préparation du DSP, ce rapport ne peut pas répondre à toutes les questions soulevées. Des lacunes demeurent en termes de connaissances, et notamment celles liées à cinq domaines auxquels il convient de réfléchir davantage : a. Analyse macroéconomique. Des tensions sont nées entre l’analyse macroéconomique à court terme, principalement liée à la crise actuelle en RDC, et les tendances de développement du pays sur le long terme. Il a été décidé de mettre l’accent sur les enjeux structurels et à long terme tout en mettant en lumière les évolutions économiques récentes. Il faudrait analyser davantage la situation macroéconomique actuelle de la RDC. À cet égard, la quatrième édition de la revue économique de la RDC, achevée fin 2016, propose une analyse de ce type. En outre, l’équipe de gestion macroéconomique et budgétaire (GMB) s’intéresse aux implications multisectorielles de la crise actuelle. b. Analyse de la pauvreté et de ses tendances. Ce DSP utilise les enquêtes des ménages de 2005 et 2012 pour analyser les tendances en matière de pauvreté et identifier les facteurs de réduction de la pauvreté en RDC. Alors qu’il aurait été préférable d’utiliser des données récentes, nous pensons toutefois que les causes profondes de la pauvreté en RDC n’ont pas changé depuis 2012. Quoi qu’il en soit, l’équipe travaillant sur la pauvreté mène actuellement une analyse complémentaire afin d’identifier les instruments pertinents dans l’amélioration des politiques de lutte contre la pauvreté en RDC. En premier lieu, une cartographie de la pauvreté est en cours d’élaboration. Elle contribuera à améliorer le ciblage géographique des programmes de développement axés sur la pauvreté. Deuxièmement, et au regard du taux élevé de pauvreté urbaine et de l’urbanisation rapide du pays, une nouvelle enquête est en préparation pour fournir des informations sur les conditions de vie dans les zones urbaines, particulièrement à Kinshasa. Enfin, d’autres outils sont en cours de développement. Ils contribueront à analyser la pauvreté et les effets distributifs des chocs macroéconomiques. c. Décentralisation et développement économique. La RDC est un très grand pays, et la décentralisation permettrait un développement plus ciblé et plus proche de la population. Le récent passage de 11 à 26 provinces a accru les difficultés pour évaluer l’impact de la décentralisation sur le développement économique de la RDC. Toutefois, ce DSP ne traite pas de la décentralisation. L’équipe de gestion macroéconomique et budgétaire s’efforce actuellement de pallier ce manque de connaissances en conduisant une analyse économique au niveau infranational. En 2016, la Banque mondiale a largement diffusé auprès des autorités provinciales un rapport sur le potentiel et les défis du développement économique dans le Kongo central. Ce rapport, sera répliqué pour d’autres provinces et viendra compléter le DSP et combler le manque de connaissances. d. Instabilité politique, transition et développement. La transition politique actuelle pèse sur les perspectives de développement du pays. Il aurait été très intéressant, pour le DSP, d’analyser les divers scénarios possibles de la transition, ainsi que leurs issues. Le Cadre de partenariat pays (CPP) en cours de préparation devrait permettre de cerner la question de l’instabilité politique et de la transition difficile à venir, ainsi que leurs conséquences sur les perspectives de développement de la RDC. e. Les problèmes liés à l’insuffisance des données pour informer le choix et suivi des politiques. L’infrastructure statistique de la RDC reste faible et le pays n’a pas réalisé de iii recensement de la population et des habitations depuis 1984, alors que le dernier recensement agricole date de 1974 et le recensement des entreprises n’a jamais eu lieu. Ce manque de données de qualité sur la production industrielle et agricole réduit la fiabilité des estimations des agrégats macroéconomiques. L’absence de données sur la population affecte le système statistique et réduit la crédibilité de la planification et de la gestion du développement. De plus, elle est préjudiciable à la précision des statistiques qui dépendent de la taille de la population, qu’il s’agisse d’indicateurs macroéconomiques (tels que le PIB par habitant) ou de taux d’accès aux divers services. Toutefois, le gouvernement déploie des efforts importants, de même que la Banque mondiale et d’autres partenaires de développement, pour améliorer les statistiques. Par exemple, le projet de développement de statistiques a été approuvé par la Banque mondiale en août 2015. Ce projet fournit un soutien aux efforts du gouvernement pour reconstruire les capacités statistiques de la RDC en mettant l’accent sur le long terme tout en répondant aux besoins urgents de données. Pour répondre à ces besoins urgents, le projet soutient le développement d’infrastructures de base pour les opérations statistiques (cartographie pour le recensement de la population, enquêtes auprès des ménages …) pour s’assurer que les statistiques sont obtenues en conformité avec les normes internationales. Pour relever les défis des données en RDC, il convient de mettre en œuvre, sur le long terme, une approche holistique qui doit aller au-delà d’un projet ponctuel. iv Résumé exécutif 1. Exemple classique du « paradoxe de l’abondance », la RDC est particulièrement riche en ressources naturelles tandis que sa population est extrêmement pauvre. La RDC est dotée de ressources naturelles considérables. Avec une superficie d’environ 234 millions d’hectares (soit l’équivalent de celle de l’Europe occidentale), la RDC est aussi le plus grand pays d’Afrique subsaharienne (ASS). Sa population, estimée à 77 millions d’habitants, est la troisième plus importante d’Afrique après celles du Nigéria et de l’Éthiopie. Le bassin du Congo est la plus grande forêt contiguë d’Afrique et constitue la deuxième plus grande forêt tropicale au monde. Les ressources minérales du pays comptent parmi les plus abondantes et les plus diversifiées au monde. Elles comprennent de vastes gisements de cuivre, de cobalt, de coltan, de diamants, d’or, d’étain, de minerai de fer, de zinc et de pétrole3. En 2015, la production de cuivre s’est établie à 1 million de tonnes, faisant de la RDC le premier producteur de cuivre en Afrique, devant la Zambie. Le pays compte pour environ 16 % de la production mondiale totale de diamants et son potentiel pétrolier est largement inexploité. Outre sa richesse en minerais, la RDC jouit également d’un immense potentiel agricole avec près de 80 millions d’hectares de terres arables non fores tières, dont seulement 10 % sont actuellement cultivées. Si ces potentiels étaient correctement exploités, le pays pourrait devenir un exportateur net de produits alimentaires au lieu d’être un importateur4. 2. Pourtant, le pays figure parmi les plus pauvres au monde et n’a atteint aucun des objectifs du Millénaire pour le développement en 2015. En RDC, la pauvreté est généralisée et supérieure à la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Environ deux tiers de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le Chapitre 2 du DSP montre qu’entre 2005 et 2012, la proportion de personnes vivant sous ce seuil est tombée de 69,3 % à 64 %. Cependant, le nombre de pauvres a augmenté de 7 millions. Près de 14 % de la population (une personne sur six) touchée par l’extrême pauvreté en Afrique subsaharienne vit en RDC. Le léger recul de la pauvreté n’a pas été enregistré de manière homogène à travers les régions. En effet, tous les indicateurs de pauvreté se sont améliorés dans les provinces du Nord-Kivu et Orientale, notamment une réduction de l’incidence de la pauvreté et du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. En parallèle, les conditions de vie se sont détériorées à Maniema et dans les deux Kasaïs où l’incidence de pauvreté a augmenté entre 2005 et 2012. Dans le dernier cas, on observe une forte corrélation entre cette augmentation et la chute de l’emploi dans les mines, en particulier dans les exploitations artisanales et à petites échelles (EAPE). Certains groupes sont particulièrement vulnérables et ont besoin de programmes de protection sociale, notamment les enfants, les personnes souffrant de handicap, les populations déplacées, les femmes, les personnes âgées et les peuples autochtones. Les veuves et les femmes chefs de ménage sont généralement plus vulnérables et affichent de plus forts taux de pauvreté et d’extrême pauvreté, en partie à cause de la perte d’actifs et de ressources due à l’absence des hommes, notamment les terres et l’emploi. Si les tendances démographiques et économiques se poursuivaient, le nombre de pauvres pourrait augmenter de 8 millions en 2030. 3 RDC : Stratégie d’aide-pays, 2013. Washington, DC. Groupe de la Banque mondiale, et Natural Resource Governance Institute (NRGI), 2015, Country Strategy Note : République démocratique du Congo 4 RDC : Mémorandum économique, 2012. Résilience d’un géant africain : accélérer la croissance et promouvoir l’emploi en République démocratique du Congo Washington, DC. Groupe de la Banque mondiale. 1 Le produit intérieur brut (PIB) par habitant en dollars US constants de 2010 était estimé à 387 pour 2016. C’est environ 40 % de sa valeur en 1970. 3. Les tendances démographiques, renforcées par la discrimination fondée sur le genre et l’absence de politiques sociales, ont contribué à maintenir la pauvreté à des niveaux relativement élevés. Le taux de fécondité était de 6,6 enfants par femme en 2014, en hausse par rapport à 2010, lorsqu’il s’établissait à 6,3 (Enquête démographique et de santé - EDS, 2014). Dans les 20 à 25 prochaines années, la population devrait doubler, plaçant la RDC devant de nouveaux défis alors même que ses indicateurs de développement humain sont déjà faibles. Dans des domaines tels que l’éducation, la santé, l’accès à l’eau et la mortalité infantile, les indicateurs sociaux ont montré certaines améliorations depuis 2010. Ils demeurent cependant insatisfaisants, les inégalités d’accès à l’éducation, à la santé et aux infrastructures de base restant importantes. L’inégalité entre les genres sous-tend la dynamique négative caractérisée par une fécondité élevée, une forte dépendance et une prépondérance des jeunes dans la population globale. Plus particulièrement, les femmes sont confrontées à une inégalité de traitement pour ce qui est de leur participation au marché du travail et d’accès à la propriété foncière, mais aussi en matière de représentation politique. Les violences sexuelles et sexistes se sont propagées pour devenir un phénomène social large, entravant considérablement l’engagement des femmes dans la vie socioéconomique. Environ 52 % des femmes ont subi des violences physiques dès l’âge de 15 ans et 27 % ont été victimes de violences sexuelles, dont 16 % d’entre elles au cours des 12 derniers mois (EDS, 2014). En dépit des niveaux élevés de vulnérabilité et de l’existence de nombreux groupes présentant des besoins spéciaux, la RDC ne dispose d’aucun système national de protection sociale pour offrir une assistance ciblée aux plus pauvres et aux plus vulnérables. 4. Le mauvais état des infrastructures est une contrainte majeure à la croissance durable et inclusive dans le pays5. Malgré certaines améliorations, telles que l’augmentation de 30 % de la production d’eau en zone urbaine entre 2006 et 2013 et de 28 % de la fourniture d’électricité entre 2007 et 2014, le pays se positionne en bas du classement pour presque toutes les mesures d’accès à l’infrastructures, y compris selon les normes qui prévalent en ASS6. Les déficiences sont particulièrement importantes dans le transport routier, la fourniture d’électricité et l’accès à des sources d’eau améliorées7. Le pays est presque entièrement enclavé, et le mauvais état des infrastructures de transport aggrave son isolation géographique ainsi que les inégalités socioéconomiques entre les provinces et entre les zones urbaines et rurales. La production d’électricité est l’un des plus gros problèmes d’infrastructure : seuls 15 % de la population ont accès à l’électricité et les entreprises estiment que l’approvisionnement en électricité est une contrainte majeure. Se posent, en outre, des problèmes de fiabilité de la distribution d’électricité, et les pénuries d’électricité se produisent en moyenne 10 jours par mois. Le taux de pénétration d’Internet s’établit à seulement 1,7 utilisateur pour 100 habitants. Le pays accuse un retard par rapport à la plupart des autres de la région en termes d’accès à Internet et aux services de téléphonie fixe ou mobile. Dans l’ensemble du pays, 52,4 % de la population a accès à des sources d’eau améliorées (81,1 % en zones urbaines et seulement 31,2 % en zones rurales). Quant aux installations sanitaires améliorées, seuls 28,7 % y ont accès. 5 Mémorandum économique, vol. 3, 2012. 6 IDM (Indicateurs de développement dans le monde) (base de données), Banque mondiale, Washington, DC, http://data.worldbank.org/data-catalog/world-development-indicators. 7 Voir Foster et Benitez (2010). 2 Pourquoi la pauvreté, les inégalités et les vulnérabilités sont-elles aussi répandues dans un pays qui possède de telles richesses naturelles ? 5. L’instabilité politique, la mauvaise gouvernance et la faiblesse des institutions publiques sont les principaux facteurs qui expliquent la persistance de la pauvreté au sein de la population congolaise. La RDC est un pays fragile en situation de post-conflit, avec une population en croissance rapide. L’histoire tumultueuse du pays, conjuguée à une gouvernance faible, a considérablement limité la capacité des gouvernements successifs à établir des institutions stables et à améliorer les conditions de vie de la population. Pendant plus de 57 ans après l’indépendance en juin 1960, les transferts de pouvoir se sont effectués à travers des assassinats ou des coups d’État. Le Premier ministre élu pour la première fois a été renversé et assassiné après seulement dix semaines en fonction. À la suite de l’indépendance, les provinces du Kasaï et Katanga ont cherché à faire sécession. Le pays a vécu deux périodes de guerre dans les années 1990 (1996-1997 et 1998-2002) qui ont coûté la vie à des millions de personnes et dévasté les infrastructures physiques et sociales. Si la guerre a officiellement cessé avec la signature de l’Accord global et inclusif de Sun City en 2002, le pays continue néanmoins à souffrir de ses impacts. La violence et la crainte de violences restent une réalité de la vie quotidienne en RDC. 6. Cette instabilité politique prolongée a également empêché l’émergence d’une coalition stable des élites. L’absence d’une telle coalition a empêché le pays d’établir des institutions stables et inclusives pour soutenir un programme de développement crédible et permettre la croissance économique. Les élites ne sont pas parvenues à s’entendre sur l’objectif stratégique de paix, de sécurité et de prospérité pour tous. Même si elles y parvenaient, ces élites divergeraient sur les mécanismes de mise en œuvre les plus adaptés. Actuellement, l’évolution erratique de la situation politique est la manifestation évidente du caractère chancelant des institutions étatiques marquées par l’absence de mécanisme d’équilibre des pouvoirs, l’accaparement par les élites et un niveau élevé de corruption. L’absence de consensus et de coalitions stables, mais aussi la faiblesse de la gouvernance et des institutions, se sont traduites par une carence dans l’engagement des officiels, une mauvaise coordination des politiques publiques et une faible coopération avec les agences internationales. Comme le Rapport sur le développement du monde (RDM) de 2017 sur la gouvernance et la loi aurait pu l’indiquer dans le contexte de la RDC, l’absence d’engagement, de coordination et de coopération dans un contexte de faible capacité a conduit à la mise en œuvre de politiques publiques inefficaces. 7. En outre, les élites politiques et socio-économiques ont accaparé les ressources du pays et les ont détournées à leur profit8. Cet accaparement se manifeste par un système qui tend à détourner le processus de prise de décision au profit de certains individus ou groupes appartenant aux secteurs public comme privé. L’un des aspects de cet accaparement est visible dans les processus réglementaires, juridiques et exécutifs. À titre d’exemple, le Parlement a été incapable 8 Le rapport de The Sentry sur la RDC (Country Profile), suggère que l’accaparement des richesses de la RDC implique des acteurs nationaux, régionaux et internationaux. Selon ce rapport, la richesse du pays a été « pillée par les élites du Congo, du Rwanda, de l’Ouganda et d’autres pays voisins, mais aussi d’ailleurs ». Il indique que « même les concessions industrielles s’engagent dans des pratiques qui occasionnent une perte se chiffrant à plusieurs milliards de dollars pour le Trésor congolais » et que les « multinationales ont eu recours à la corruption et à d’autres manœuvres frauduleuses dans le cadre de leur activité quotidienne ». https://thesentry.org/wp- content/uploads/2015/07/19103553/Country-Brief_DRC.pdf 3 de débattre des amendements du Code minier, bien que le gouvernement les ait approuvés et renvoyés devant la chambre en mars 2015. Ces amendements visent, entre autres, à modifier la distribution de la rente minière en faveur de la RDC. C’est seulement suite à un changement de dynamique à l’intérieur même de l’élite, motivé par les difficultés budgétaires et économiques, que les discussions des amendements ont débuté en septembre 2017 et ont abouti à l’adoption d’un Code révisé. En dépit de nombreux efforts, notamment la publication de plusieurs contrats 9 et la conformité à l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE)10, des zones d’ombre demeurent dans la gestion de la chaîne de valeur des industries extractives, allant de l’adjudication des contrats jusqu’au suivi des opérations, de la collecte des recettes et de la gestion de ces dernières11. Ces faits ont été mis en évidence par la Fondation Carter12, Global Witness13, l’ITIE14 et l’Africa Progress Panel15. En témoigne aussi le salaire de base légalement approuvé des parlementaires en RDC qui correspond à 150 à 200 fois le PIB par habitant (70 fois au Nigéria, 20 fois au Rwanda et 3 fois aux États-Unis)16. En outre, une multitude d’exonérations affaiblit le système fiscal. Pour résumer, la RDC se trouve dans une situation où les connexions politiques sont utilisées pour détourner des ressources qui sont, à leur tour, exploitées pour perpétuer les dominations politiques et sociales. 8. L’accaparement des ressources par les élites induit une corruption à tous les niveaux, grevant lourdement la capacité des services publics à offrir les services de base 17. La corruption continue d’entraver les perspectives de développement de la RDC. L’accaparement par 9 Voir : Ministère des Mines http://mines-rdc.cd/fr/index.php/contrats-des-ressources-naturelles/contrats-miniers. 10 Voir : ITIE-RDC. http://www.itierdc.net/. 11 À titre d’exemple, bien que la RDC ait rejoint le programme de l’ITIE qui exige la publication de la propriété effective des compagnies pétrolières, gazières et minières, une récente évaluation indique qu’il existe des défis de taille pour se procurer ces publications. Ce fait est dû à l’absence d’exigences légales pour que les compagnies extractives publient les noms de leurs de leurs propriétaires effectifs. Voir le rapport d’évaluation à l’adresse https://eiti.org/sites/default/files/documents/evaluation_report.pdf 12 « Le Centre Carter exhorte la RDC, Freeport, et Lundin à publier le contrat TFM révisé et à déclarer les paiements versés à l’entreprise publique minière Gécamines. » 19 janvier 2017. https://www.cartercenter.org/news/pr/drc- 011917.html 13 « Le Congo cède un potentiel de redevances du projet Glencore pouvant atteindre jusqu’à 880 millions à une société offshore appartenant à un ami du président congolais », 15 novembre 2016. https://www.globalwitness.org/en/press- releases/le-congo-c%C3%A8de-les-royalties-du-projet-glencore-pouvant-g%C3%A9n%C3%A9rer-jusqu%C3%A0- 880-millions-de-dollars-%C3%A0-une-soci%C3%A9t%C3%A9-offshore-appartenant-%C3%A0-un-ami-du- pr%C3%A9sident-congolais/ 14 Rapport ITIE, 2015, Section 7. https://drive.google.com/file/d/0B1C1Aj5TqAgvcHVfTks2dWZudDQ/view et rapport ITIE, 2014, paragraphe 4.3.6. http://www.itierdc.net/wp-content/uploads/2016/03/rapport-ITIE-RDC-2014- Final-signé.pdf. 15 « Entre 2010 et 2012, la RDC a perdu au moins 1,36 milliard de dollars US en recettes à cause de la sous-évaluation des actifs miniers cédés à des sociétés offshore ». Africa Progress Report 2013, page 55. http://www.africaprogresspanel.org/wp- content/uploads/2013/08/2013_APR_Equity_in_Extractives_25062013_ENG_HR.pdf. 16 « RDC : pauvres députés ! », Jeune Afrique, 25 octobre 2012. http://www.jeuneafrique.com/139553/politique/rdc- pauvres-d-put-s/, and « Africa: How Ugandan MPs' Pay Compares with Counterparts' Worldwide ». The Observer (Kampala), 3 octobre 2016. http://allafrica.com/stories/201610030730.html. Voir également l’étude du syndicat interparlementaire sur les salaires et indemnités des parlementaires à l’adresse http://www.asgp.co/sites/default/files/documents/UQRDHUMQZLGUSEVKDUFLUIVVNFEEMD.pdf 17 Selon un rapport de 2014 de Transparency International, la « corruption imprègne tous les niveaux de l’appareil de l’État, impliquant de nombreux acteurs, depuis les petits fonctionnaires jusqu’aux membres les plus hauts placés du gouvernement ». http://www.transparency.org/files/content/corruptionqas/Country_Profile_DRC_2014.pdf 4 les élites, les incertitudes et les conflits répétés conduisent au développement de pratiques de corruption à différents niveaux des organes dirigeants et de l’administration publique. L’instabilité politique installée depuis des décennies, en l’absence d’un système exécutif fort capable d’imposer des sanctions efficaces, a aggravé la situation. Aux strates inférieures, le problème est exacerbé par les niveaux extrêmement faibles des salaires des fonctionnaires et leur paiement irrégulier. Le consensus général est que, à moins qu’une action décisive ne soit menée, la RDC ne serait pas capable de rompre avec le cycle de corruption qui aggrave la fragilité des institutions et la pauvreté. 9. Les institutions faibles du pays ont échoué à bâtir les fondations d’une économie résiliente et à absorber les chocs externes, exposant ainsi la société à des cycles de violence et d’appauvrissement. Dès lors, la lourde dépendance du pays vis-à-vis de ses ressources naturelles le rend très vulnérable aux chocs externes. Comme le Rapport sur le développement du monde (RDM) de 2011 aurait pu l’indiquer au sujet de la RDC : « Les pays dont les institutions sont faibles sont disproportionnellement vulnérables aux crises externes ». Entre 1960 et 1980, le pays a vécu dans une prospérité relative grâce au prix élevé du cuivre et d’autres matières premières18. Le PIB par habitant en dollars US constants de 2010 était estimé à 1016 en 1970 et à 804 en 1980. Cependant, les politiques qui prévalaient à cette époque n’étaient plus viables lorsque le prix des matières premières s’est effondré dans les années 1980. De fait, il est admis que la guerre des années 1990 résultait de l’incapacité des entreprises et des institutions publiques à absorber le choc du prix des matières premières. En d’autres termes, il n’existait aucun mécanisme efficace pour faire face à l’incertitude et à la volatilité associées aux recettes tirées des ressources naturelles. Le PIB par habitant en dollars US constants de 2010 s’est effondré, passant de 668 en 1990 à 276 en 2000. Cette détérioration dramatique des conditions de vie est le résultat de la guerre et d’un cadre de politiques inadéquat. Ce résultat est cohérent avec les conclusions du RDM de 2011 qui énonce que : « Les effets de la violence sont durables. Pour les pays qui ont subi la guerre civile, 14 années de paix sont nécessaires pour renouer avec les niveaux de croissance originaux. Jusqu’en 1990, le Burkina Faso et le Burundi avaient les mêmes sentiers de revenus et de croissance. Avec l’irruption de la guerre civile au Burundi, les revenus réels ont chuté jusqu’aux niveaux de 1970. » 10. Les performances macroéconomiques se sont améliorées jusqu’à la mi -2015, illustrant les résultats des réformes (bonnes politiques) dans un contexte de super cycle des matières premières (bonne chance) et de flux d’aide massifs (bonne chance et bonnes politiques). Alors que l’inflation dépassait 500 % en 2001, elle a chuté à un chiffre vers 2010. Avec la dollarisation de l’économie, ces fluctuations de l’inflation se sont également traduites par d’importantes variations du taux de change. Jusqu’en 2015, l’inflation est restée en deçà de l’objectif à moyen terme de 3,5 % défini par les autorités. L’inflation moyenne était de 1,2 % et 0,7 % en 2014 et 2015, respectivement. Cette faible inflation a été tirée par les améliorations des politiques monétaires et budgétaires. À partir de 2009, la croissance de la masse monétaire s’est ralentie. Le déficit budgétaire a été considérablement réduit et les autorités ont respecté l’ ancrage budgétaire en évitant de financer le déficit par la banque centrale. Ceci a permis un léger excédent en 2014. 11. L’amélioration de ces performances macroéconomiques a aussi été caractérisée par une forte croissance économique dans un pays en situation de post-conflit qui lutte pour reconstruire ses infrastructures. Entre 2002 et 2008, le taux de croissance économique 18 RDC : CEM, op. cit. 5 s’établissait entre 5,6 % et 6,2 %. Ces performances en matière de croissance sont principalement dues au développement du commerce et du secteur minier ainsi qu’aux investissements massifs dans les infrastructures. Bien que l’économie ait subi un revers en 2009 lorsque le taux de croissance a chuté pour s’établir à 2,8 % à cause de la crise financière mondiale, il a de nouveau augmenté pour atteindre 9,5 % en 2014, tiré par la production de cuivre et le secteur des services (notamment les télécommunications, le commerce et le transport)19. Le taux de croissance s’est établi en moyenne à 7,5 % entre 2010 et 2015. 12. Pour autant, ces fortes performances macroéconomiques ne se sont pas traduites par une réduction significative de la pauvreté et des inégalités. L’indice de Gini s’est légèrement amélioré, passant de 38 en 2005 à 35 en 2012. Une grande partie de la population reste néanmoins piégée dans l’extrême pauvreté avec, bien souvent, aucun espoir d’amélioration de ses conditions de vie dans un futur proche. L’absence d’opportunités d’emploi pour la jeunesse ainsi que le grand nombre de jeunes dépourvus de compétences suffisantes pour intégrer le marché du travail ont laissé des milliers de jeunes Congolais dans la rue, nourrissant dès lors des poches de violence. Par conséquent, les taux élevés du chômage des jeunes et de sous-emploi dans le pays indiquent clairement que la croissance enregistrée ces dernières années n’a pas été inclusive, de telle sorte qu’elle est susceptible de conduire à une agitation sociale accrue dans le contexte d’un pays fragile et en situation de post-conflit. En outre, la structure d’âge de la population en RDC comprend un large nombre d’enfants dépendants (45 % de la population a moins de 15 ans). Cette situation peut avoir un impact négatif sur les perspectives de sortie des Congolais du piège de la pauvreté et d’amélioration des indicateurs du développement humain du pays. Pourquoi les récentes performances économiques n’ont-elles pas davantage bénéficié à la population congolaise ? 13. Plusieurs facteurs ont empêché les Congolais de tirer parti des récentes performances économiques. Premièrement, la forte croissance de la décennie passée en RDC relevait davantage d’un effet de rattrapage que d’une dynamique de croissance. Cette situation est caractéristique des pays en situation de post-conflit qui s’efforcent à reconstruire leurs infrastructures dévastées. Les périodes postérieures à un conflit présentent des opportunités économiques, comme le précise Collier (2009). Par exemple, dans les périodes post-conflit, il est possible d’observer des retours élevés sur les investissements dans les infrastructures après les destructions provoquées par la guerre, ainsi que de forts potentiels de croissance dans l’exportation de matières premières et l’extraction des ressources naturelles. En dépit de l’acceptation générale de l’idée que les efforts de reconstruction après une période d’instabilité entraînent une croissance plus rapide, cette croissance n’est généralement pas suivie de grands progrès sociaux (Cerra et Saxena, 2008). Comme le soulignent Collier et Hoeffler (2002, 2) : « Les circonstances économiques des sociétés en situation de post-conflit se distinguent à plusieurs égards. Généralement, les opportunités de reprise permettent une phase de croissance exceptionnelle. La nécessité de restaurer les infrastructures, en même temps que la chute des recettes, tendent à rendre l’aide inhabituellement productive »20. 19 Banque mondiale, 2015. 20 Paul Collier et Anke Hoeffler. 2002. « Aid, Policy, and Growth in Post-conflict Societies. » Document de travail sur les politiques de développement 2902, Banque mondiale, Washington, DC. 6 14. Deuxièmement, le lien entre croissance et pauvreté est faible en RDC, et la forte croissance économique ne s’est pas traduite par une réduction significative de la pauvreté. Les sources de croissance, principalement dominées par le secteur minier, ne se prêtent généralement guère à l’inclusion. En effet, à l’apogée du cycle de matières premières, la croissance du PIB par habitant s’est établie en moyenne à 4,2 % en 2010-2014 tandis que le revenu national disponible brut (RNDB) s’élevait en moyenne à 2,7 %. Cette situation est due à la croissance rapide des paiements de revenus des facteurs versés au reste du monde, pour rémunérer les investissements directs étrangers dans les industries extractives. En outre, les transformations structurelles étaient inadéquates ou inexistantes et les efforts insuffisants pour renforcer les capacités productives et créer des opportunités d’emploi dans le pays. De plus, les faibles liens, en amont et en aval, du secteur minier avec le reste de l’économie ne sont pas propices à la croissance inclusive. Enfin, bien que la production agricole ait considérablement augmenté, la productivité du secteur, qui est le principal réservoir de création d’emploi, reste faible. 15. Troisièmement, les politiques mises en œuvre avaient principalement vocation à stabiliser l’économie plutôt qu’à générer une croissance inclusive. En effet, plusieurs contraintes majeures à la croissance durable et inclusive perdurent, notamment la faiblesse de la gouvernance et des institutions, l’accès limité aux infrastructures de base, l’absence d’inclusion et d’infrastructures financières, une faible dotation en ressources humaines et des biais de genre, ainsi qu’un climat des affaires défavorable à la croissance du secteur privé. 16. Quatrièmement, les pouvoirs publics ont échoué à réaliser les investissements nécessaires pour partager les gains de la croissance récente avec les pauvres. L’investissement dans la fourniture de services sociaux de qualité (santé et éducation) demeure extrêmement faible. Par exemple, le niveau de dépenses de santé correspond en RDC à 1/10 e de la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne. En outre, le manque d’efficience des ressources investies s’est traduit par des programmes d’investissement public non destinés aux pauvres. Les problèmes de sélection, d’exécution, de suivi et d’évaluation des projets gouvernementaux sont les principales causes de l’inefficacité des programmes d’investissement public en RDC. 17. Le très grand nombre de défis auxquels la RDC est confrontée n’est pas insurmontable. Les processus de développement se cumulent, la réussite dans un domaine ouvrant la voie aux opportunités dans d’autres. Pourtant, la RDC reste un pays en situation de post- conflit et un État fragile dans un contexte socioéconomique et politique complexe. S’appuyant sur les conclusions du RDM de 2011, les recommandations de politiques de ce DSP tiennent compte de cet environnement et reconnaissent que du temps et de la persévérance seront nécessaires pour renforcer la résilience et apporter la paix et la sécurité au peuple congolais. 18. Cependant, les tendances de pauvreté actuelles et projetées appellent des actions urgentes (mesures à effet rapide) pour offrir des solutions à court terme aux besoins urgents des Congolais tout en concevant des politiques à moyen et long terme pour engager la RDC sur la voie d’une croissance forte et du développement durable. En outre, les disparités de genre prononcées nécessitent des actions spécifiques et rapides. Ne pas agir aujourd’hui ou s’en tenir au statu quo a un coût élevé et est susceptible d’accroître les tendances de pauvreté et d’inégalités dans un pays en situation de post-conflit confronté à des chocs exogènes négatifs. 7 19. En RDC, les disparités de genre figurent parmi les pires dans la région, comme l’ont mesuré de nombreux indices (PNUD, 2012 et 2016). En dépit de gains importants dans des secteurs tels que la santé et l’éducation, mais aussi des politiques et des lois qui traitent de l’égalité des genres, des disparités socioculturelles persistantes restreignent les femmes dans leur accession à un statut social et excluent leur participation aux sphères publique et politique et au processus de prise de décision. Le nouveau Code de la famille (2016) a supprimé plusieurs dispositions discriminatoires comme la nécessité d’obtenir la permission de son mari pour signer un contrat, enregistrer une propriété au cadastre ou immatriculer une société, voire même pour travailler hors du domicile. Il a également porté l’âge minimum légal du mariage de 15 à 18 ans pour les filles. Il reste encore bien plus à faire pour garantir que les nouvelles lois seront mises en application. La participation des femmes à la politique est limitée. Elles occupent actuellement 8 % des sièges au Parlement – Assemblée nationale et Sénat confondus – contre 20,6 % en moyenne dans les autres pays à faibles revenus. Les normes sociales et culturelles, l’absence d’éducation et de r essources économiques, mais aussi les structures de pouvoir qui perpétuent la domination des hommes figurent parmi les principales contraintes. Quels domaines ont été choisis comme priorités émergentes et quelle est la séquence des actions politiques la plus adéquate ? 20. Le rapport identifie cinq opportunités émergentes majeures et domaines prioritaires pour lesquels les actions de politiques pourraient offrir des mesures à effet rapide et développer des cycles vertueux cumulés pour soutenir la croissance inclusive et encourager la résilience ainsi que la prospérité partagée au cours de la prochaine décennie : (1) bâtir la résilience du cadre macroéconomique ; (2) bâtir les institutions inclusives et renforcer la gouvernance ; (3) tirer parti des ressources naturelles, des infrastructures et de l’agriculture ; (4) bâtir le capital humain ; et (5) tirer parti du secteur privé en mettant en place des réformes efficaces pour améliorer le climat d’investissement, et en renforçant les institutions qui soutiennent les marchés. 21. Le choix de ces domaines comme priorités émergentes reflète leur importance pour restaurer la paix et la sécurité ainsi que de leurs interactions dynamiques. Comme le souligne le RDM de 2011, dans un pays en situation de post-conflit, une priorité fondamentale pour les pouvoirs publics est le rétablissement de leur crédibilité. En RDC, cela implique de trouver des mesures à effet rapide pour gagner la paix et restaurer l’espoir parmi les populations congolaises pauvres. En outre, les interactions dynamiques qui existent entre ces domaines prioritaires créeront des cercles vertueux à effets cumulatifs pour soutenir la croissance et promouvoir la résilience et la prospérité au cours de la prochaine décennie. De meilleures politiques, gouvernance et institutions dans les domaines des ressources naturelles et des industries extractives contribueraient à mobiliser davantage de recettes. Elles permettraient de constituer les réserves budgétaires et de changes nécessaires à la stabilité macroéconomique. Une meilleure mobilisation des recettes fournirait également des financements durables pour renforcer les infrastructures et les projets sociaux. Le Chapitre 10 soutient que promouvoir le développement humain via une amélioration de la qualité de l’enseignement fournirait les compétences nécessaires à l’emploi, améliorerait la productivité du travail et favoriserait la croissance tirée par le secteur privé. Investir dans les infrastructures contribuerait à combler le déficit de la RDC en la matière et abaisserait les coûts unitaires de 8 l’activité du secteur privé. En outre, les investissements dans les infrastructures favoriseront le développement humain dans le pays. À titre d’exemple, un meilleur accès à l’électricité et à l’eau potable améliorera les conditions de vie et les indicateurs de santé. 22. C’est dans ces domaines prioritaires que les politiques ont porté leurs fruits dans les pays où la croissance a été rapide dans l’après-guerre. En effet, selon le rapport de la Commission croissance de la Banque mondiale (2008), depuis 1950, 13 économies ont connu une croissance moyenne d’au moins 7 % par an pendant une durée égale ou supérieure à 25 ans. Selon la Commission, un examen plus approfondi de ces 13 cas révèle cinq points communs : (i) ils ont pleinement tiré parti de l’économie mondiale ; (ii) ils ont maintenu la stabilité macroéconomique ; (iii) ils ont dégagé des taux élevés d’épargne et d’investissement ; (iv) ils ont mis en place des institutions de marché en mesure d’assurer une allocation efficiente des ressources ; et (v) ils ont pu s’appuyer sur des pouvoirs publics engagés, crédibles et aptes21. Tous ces points sont identifiés comme des domaines prioritaires pour les politiques d’intervention envisagées dans ce DSP. 23. Enfin, ces domaines prioritaires sont conformes aux objectifs de la Stratégie de la Banque mondiale pour l’Afrique. Cette stratégie se concentre sur quatre objectifs : (i) améliorer l’efficacité de l’État aux niveaux central et local et promouvoir une meilleure gouvernance tout en renforçant l’impact en matière de développement des opérations de la Banque mondiale ; (ii) stimuler la compétitivité de l’économie en accélérant la croissance tirée par le secteur privé qui créera ainsi de l’emploi ; (iii) améliorer la fourniture de services sociaux pour accroître les indicateurs de développement humain ; et (iv) combler les déficits en matière de développement qui contribuent à la fragilité et aux conflits dans les provinces orientales de la RDC. Le genre et le changement climatique sont traités comme des questions transversales et abordés à travers les quatre objectifs stratégiques ci-dessus, en fonction de leur pertinence. 24. Le DSP ne minimise pas la difficulté d’agir simultanément sur plusieurs fronts. Il reconnaît également que certaines des politiques proposées nécessiteraient du temps avant de donner des résultats. Il propose donc d’axer chaque domaine d’intervention sur des actions à effet rapide, capables de générer des résultats dans un avenir proche pour promouvoir la paix et apporter la sécurité aux populations congolaises pauvres compte tenu de l’urgence de la situation, et réalistes pour tenir compte de la capacité limitée du pays, tout en renforçant les institutions et systèmes à moyen et long terme. Ce qui suit décrit la priorité et la séquence des politiques pour soutenir la croissance, renforcer la résilience et la prospérité partagée en RDC au cours des prochaines décennies. • Renforcer la résilience du cadre macroéconomique. Le DSP estime que renforcer la résilience du cadre macroéconomique est la priorité n° 1 pour la RDC (Chapitre 7) afin de préserver les gains socioéconomiques réalisés jusqu’à la mi-2015 et restaurer la paix et la sécurité pour le peuple congolais. Le renforcement de la politique fiscale par le biais d’un rééquilibrage des dépenses publiques vers les secteurs sociaux et les infrastructures productives et la création d’un espace budgétaire par une plus grande mobilisation des recettes domestiques sont nécessaires pour financer les objectifs de développement de la RDC et créer un cadre macroéconomique résilient qui soit favorable aux pauvres et propice à la croissance tirée par le secteur privé. Les 21 Ces 13 pays sont : le Botswana, le Brésil, la Chine, Hong Kong (Chine), l’Indonésie, le Japon, la République de Corée, la Malaisie, Malte, Oman, Singapour, Taïwan (Chine) et la Thaïlande. 9 pouvoirs publics doivent également renforcer la politique monétaire pour retrouver une stabilité permanente des prix qui bénéficie principalement aux pauvres. La poursuite de politiques prudentielles et contra-cycliques renforcerait un secteur banquier et financier chancelant au bénéfice des pauvres qui sont actuellement exclus des services financiers. La restauration, en premier lieu, de la stabilité des taux de change puis la dé-dollarisation progressive de l’économie sont essentielles pour renforcer la résilience macroéconomique de la RDC. À long terme, le renforcement de la résilience et le soutien à une croissance forte pour réduire considérablement la pauvreté et les inégalités dépendront de la diversification de l’économie, en particulier celle des exportations. Le niveau élevé des exportations (35 %) et leur concentration par marché (40 % vers la Chine) et par produit (90 % dans les secteurs pétrolier et minier) exposent l’économie à la volatilité des prix des matières premières et à la fluctuation du PIB des partenaires commerciaux. En conséquence, réduire ces vulnérabilités nécessite une diversification à la fois géographique et des produits. Cette diversification pourrait avoir lieu au sein de la chaîne de valeur des secteurs minier, agricole, manufacturier, des services et du commerce en général, à condition que le pays améliore son climat d’investissement. • Bâtir des institutions inclusives et renforcer la gouvernance. L’amélioration de l’efficacité des pouvoirs publics est une condition essentielle pour que la RDC tire parti de ses ressources naturelles exceptionnelles au profit d’une croissance à long terme durable et d’une réduction de la pauvreté (Chapitre 8). Il existe trois domaines où les actions politiques et les interventions des bailleurs de fonds, pour améliorer la gouvernance et les institutions, pourraient renforcer la résilience économique et favoriser la croissance et la réduction de la pauvreté : (i) soutenir les institutions et les organisations inclusives, notamment les coopératives et les organisations non gouvernementales (ONG) ; (ii) renforcer et autonomiser la population, en particulier les plus pauvres et les plus vulnérables pour promouvoir la transparence et la responsabilisation ; et (iii) renforcer les cadres juridiques et réglementaires. Ces domaines d’intervention sont valables aux niveaux national et infranational et le succès de la décentralisation repose essentiellement sur la capacité des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds à aborder ces domaines au niveau local. Pour être efficaces, les interventions en faveur du développement de la RDC devront tenir compte des nombreux problèmes politiques, sociaux, culturels et économiques. • Mobiliser les ressources naturelles, l’agriculture et les infrastructures. Ce DSP considère que les ressources naturelles exceptionnelles de la RDC ont le potentiel de générer de meilleurs emplois et revenus. Améliorer la gouvernance du secteur des ressources naturelles est essentiel pour que la RDC réussisse son développement socioéconomique. Faire appliquer le Code minier (une mesure à effet rapide) donnerait un signal fort sur la volonté des pouvoirs publics d’améliorer la gouvernance des ressources naturelles et créerait les conditions nécessaires pour obtenir des gains importants à divers horizons, notamment en termes de recettes domestiques supplémentaires tirées des industries extractives. Ensemble avec l’amélioration des infrastructures et le développement du secteur agricole, les ressources naturelles permettraient de renforcer la résilience et soutenir une croissance inclusive (Chapitre 9). Accélérer les réformes en matière de gouvernance et d’investissements dans les transports, l’alimentation en eau et l’assainissement et les technologies de l’information et de la communication garantirait que les infrastructures jouent un rôle clé au service du développement du secteur privé et d’une croissance inclusive et durable. • Bâtir le capital humain. Le DSP soutient que le renforcement de la résilience et de la croissance économique durable à long terme nécessite que le pays augmente le stock et la 10 qualité du capital humain (Chapitre 10). Il recommande que les politiques des pouvoirs publics se concentrent sur plusieurs points : (i) moderniser le système d’identité nationale ; (ii) établir les conditions préalables à un dividende démographique ultérieur ; (iii) poser les bases de la productivité future en améliorant la nutrition de la population ; (iv) améliorer la qualité de l’enseignement pour garantir l’employabilité ; (v) autonomiser les femmes en leur offrant les moyens et les opportunités de contribuer au développement du pays et d’en bénéficier ; (vi) augmenter l’accès à des services de santé de qualité pour renforcer le capital humain ; (vii) mettre en place un système de filet de sécurité sociale pour consolider les bénéfices de l’investissement dans le capital humain et favoriser la résilience des ménages ; (viii) étendre les bénéfices de la croissance grâce à des mesures de soutien à l’emploi des jeunes ; et (ix) remédier a ux effets des conflits sur la population. • Mobiliser le secteur privé en réformant le climat d’investissement et en renforçant les institutions qui soutiennent le marché (Chapitre 11). En dépit de son immense potentiel et de ses ressources naturelles considérables, la RDC peine à attirer des investissements privés responsables de long terme dans les secteurs où le capital et l’expertise sont les plus nécessaires (agroalimentaire, infrastructures et industrie manufacturière). Encourager l’esprit d’entreprise et développer des petites et moyennes entreprises (PME) durables et prospères semble inatteignable. Pour aller de l’avant, la RDC devrait : (i) réduire les incertitudes sur la législation et la réglementation et renforcer les institutions auxquelles il incombe de les faire appliquer ; (ii) aller au-delà de la simple introduction de réformes formelles pour garantir leur mise en œuvre effective, y compris hors des principaux centres urbains ; (iii) mettre en place et renforcer les institutions qui soutiennent les marchés et promouvoir la formalisation des entreprises ; et (iv) réduire davantage les risques pour les entrepreneurs, tant physiques, politiques que macroéconomiques. Des institutions fortes qui soutiennent les marchés – et notamment un secteur financier bien régulé et inclusif – ainsi que la réduction des incertitudes rassureraient les entreprises et les encourageraient à avoir une vision à long terme et à accepter davantage de risques dans les secteurs prioritaires. Dans ce cas seulement, le rôle de l’entrepreneuriat, les compétences et la compétitivité prévalent pour garantir la réussite de l’entreprise, par opposition à la quête de réseaux (sociaux, politiques et autres connexions) et/ou au recours à la corruption. 25. Le DSP reconnaît que les actions pour permettre à la RDC de tirer un dividende démographique de la forte croissance de sa population pourraient accroitre les chances des politiques identifiées dans les domaines prioritaires de générer des cycles de croissance vertueux et dynamiques. Le dividende démographique se définit comme l’accélération potentielle de la croissance économique résultant d’opportunités créées par les modifications de la structure d’âge de la population. L’accélération de la transition démographique et la concentration de la structure d’âge de la population autour de l’âge de travailler peuvent générer un premier dividende. Une population composée d’une part plus importante de personnes en âge de travailler tend à produire un taux de croissance par habitant plus élevé, si ces personnes sont employables et si la demande de travail sur le marché est forte. La deuxième phase se produit plus tard, lorsque les ménages sont en mesure d’accroître leur épargne parce qu’ils ont moins d’enfants à charge, un revenu disponible plus élevé et de meilleures perspectives de longévité. Il est possible pour la RDC de récolter tous les bénéfices de ce dividende démographique, de sortir les Congolais du piège de la pauvreté, de renforcer sa résilience et de se placer sur la voie d’une croissance et d’un développement durables. 11 26. Le graphique suivant présente une synthèse des interactions identifiées dans le DSP. Le point de départ pour que la RDC progresse vers la voie d’un développement durable serait d’améliorer la mobilisation des recettes domestiques en général et de celles provenant des industries extractives en particulier. Pour ce faire, il faudrait mettre en œuvre des réformes de la politique et de l’administration de la mobilisation des recettes et des industries extractives. Ces recettes seront utilisées pour éliminer les goulots d’étranglement dans les infrastructures, améliorer l’accumulation de capital humain et renforcer l’administration publique en lui donnant les ressources dont elle a besoin pour fonctionner. L’amélioration des infrastructures physiques et du capital humain stimulera le secteur privé et améliorera les indicateurs sociaux, conduisant à une prospérité partagée, une réduction de la pauvreté et une stabilité générale. Un secteur privé dynamique et prospère nouera en retour des partenariats avec les pouvoirs publics et injectera davantage de recettes dans le budget. L’amélioration du capital humain dans les secteurs sociaux (santé et éducation) contribuera à son tour à améliorer le capital humain et les indicateurs sociaux. Le résultat global dépendra des cadres institutionnels et des processus – d’où l’importance des réformes institutionnelles et de gouvernance, notamment au niveau sectoriel (voir Annexe H) – mais aussi de l’amplitude des retombées positives entre les différents secteurs et indicateurs. 12 Synthèse des interactions identifiées par le DSP Améliorer la mobilisation des Réformer les institutions, les recettes domestiques Interactions : de meilleures recettes impliquent administrations et les processus davantage de ressources pour financer les réformes de gouvernance qui en retour aux niveaux national, contribuent à générer des recettes plus élevées infranational et sectoriel Augmentation des niveaux et de l’efficacité des dépenses publiques Amélioration du capital humain Amélioration des infrastructures/services • Améliorer le système de santé via un régime universel de publics soins de santé ; Interactions : l’amélioration des infrastructures • Améliorer l’accès aux services d’assainissement • Améliorer l’enseignement et le système de stimulent les indicateurs sociaux et celle du capital et d’eau en zones urbaines et rurales ; développement des compétences pour répondre aux humain offre les compétences pour des services • Développer les réseaux de transport et l’accès aux besoins du marché du travail ; meilleurs services de transport ; • Améliorer les filets de sécurité sociale. • Développer l’accès à l’électricité et les Télécom. Éliminer les goulots d’étranglement dans les infrastructures et les ressources humaines et promouvoir la diversification et le développement Dynamique renouvelée du secteur privé et de l’agriculture et création d’emplois Effets en retour : PPP dans les infrastructures, augmentation de l’assiette fiscale et des recettes domestiques, augmentation de la demande de compétences Amélioration des indicateurs sociaux : baisse de la mortalité, amélioration des indicateurs d’éducation et de santé, diminution de la fécondité, réduction des violences liées au genre, diminution du travail des enfants Effets en retour : offre de compétences qualifiées pour les secteurs sociaux qui améliorent l’accumulation de capital humain Réduction de la pauvreté, prospérité partagée, stabilité économique, sociale et politique 13 PARTIE I. ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE DE LA PAUVRETÉ DANS UN PAYS POST-CONFLIT ET FRAGILE PRINCIPAUX MESSAGES La RDC émerge d’une longue période de conflits et de mauvaise gestion des ressources, qui ont eu un impact dévastateur sur ses institutions, son économie et son tissu social . La violence et l’insécurité continue s, conjuguées à l’absence d’un système juridique et réglementaire fonctionnel, ont déchiré le tissu social du pays. En 2016, le PIB réel par habitant représentait à peine 40 % de son niveau de 1970. Plus de 3,5 millions d’habitants ont perdu la vie depuis que la guerre a commencé en 1998, dont près de la moitié était des enfants de moins de cinq ans. Dans les provinces orientales, environ 2 000 000 d’enfants n’ont pas accès à l’éducation parce que le conflit a détruit ou endommagé des écoles dans ces régions. La violence sexiste est très répandue, et, bien que la majorité des crimes sexuels en 2012 aient été commis par des civils non combattants (58 %), la violence sexuelle et sexiste reste corrélée au climat de violence et d’insécurité qui règne dans le pays, en particulier dans ses provinces orientales. Malgré tout cela, la RDC a réalisé d’immenses progrès au cours de la dernière décennie , dont témoignent ses remarquables performances économiques entre 2010 et 2015 qui reflètent le super cycle des prix des matières premières (« bonne chance »), l’allégement de la dette (« bonne chance »), et des réformes (« bonnes politiques »). L’édition d’octobre 2016 du rapport Africa’s Pulse classe la RDC dans le groupe des pays « qui se sont améliorés ». Cependant, la RDC est confrontée à de nouveaux défis dans une économie mondiale en évolution rapide. La fin du super cycle des prix des matières premières (« malchance »), le ralentissement économique de la Chine (le principal partenaire commercial de la RDC) et le resserrement des conditions financières mondiales pèsent lourdement sur la croissance de la RDC (« malchance »). De plus, au cours du super cycle, la RDC n’a pas su tirer parti des revenus issus des ressources naturelles, ni créer des réserves budgétaires et en devises suffisantes ou financer l’accumulation d’un capital physique et humain de base indispensable pour encourager une croissance diversifiée («  mauvaises politiques »). La croissance s’est ralentie en 2016 à des niveaux considérablement inférieurs aux performances des cinq années précédentes. En conséquence, Africa’s Pulse d’avril 2017 a déclassé la RDC dans le groupe de pays « coincés au milieu ». La croissance économique en RDC a réduit la pauvreté et a fait chuter la profondeur et la sévérité de la pauvreté, bien que de façon variable selon les régions. Pourtant, cette croissance n’a pas été inclusive . La pauvreté reste répandue et le nombre de pauvres a augmenté de près de 7 millions. Des segments importants de la population restent coincés dans une pauvreté extrême, souvent sans espoir de voir leurs conditions de vie s’améliorer dans un avenir proche. L’inégalité se manifeste par un manque d’accès des pauvres aux services sociaux de base (éducation, santé et infrastructures). La RDC n’a atteint aucun de ses objectifs du millénaire pour le développement. Jusqu’en 2016, le pays se classait 176e sur 188 sur l’indice de développement humain. De nombreux défis doivent être relevés, et ce à plusieurs niveaux, y compris : (i) l’identification ; (ii) l’éducation ; (iii) la santé ; (iv) la malnutrition ; (v) l’évolution démographique ; (vi) l’inégalité des sexes ; et (vii) l’emploi des jeunes. Bien que l’égalité des genres soit inscrite dans les politiques et les lois, l’inégalité entre les genres compte toujours parmi les facteurs majeurs qui ralentissent le développement économique et social de la RDC. L’interaction de plusieurs facteurs avec les dynamiques de la pauvreté et de l’inégalité empêche le peuple congolais de bénéficier des ressources naturelles enviables de la RDC. L’instabilité politique et la faiblesse des institutions d’État figurent parmi les plus importants de ces facteurs. De plus, l’incapacité des décideurs publics de mettre la RDC sur un sentier de croissance dynamique, la faiblesse du lien entre croissance et pauvreté, la nature des sources de croissance, les contraintes qui pèsent sur la croissance, et les choix de politiques ont empêché la croissance de se traduire par une réduction significative de la pauvreté et de l’inégalité dans le pays. 14 Chapitre 1. Progresser malgré les vulnérabilités, les risques et les incertitudes 27. La RDC sort d’une longue période de conflits et de mauvaise gestion qui a eu des effets dévastateurs sur les institutions, l’économie et le tissu social. Pour comprendre les résultats économiques du pays et leurs incidences sur les perspectives de développement, ce chapitre aborde trois dimensions du développement : (1) l’approche historique, en mettant l’accent sur l’héritage de décennies de mauvaise gestion économique et sur la persistance de la fragilité et des conflits ; (2) les progrès socio-économiques jusqu’en 2015 ; (3) les défis considérables à relever et les nombreux risques à venir dans un contexte d’incertitudes. 28. La fragilité du pays et sa vulnérabilité aux chocs nuisent au climat d’investissement et à la compétitivité de l’économie. Si le PIB est, depuis 2010, en constante augmentation, le score du pays à l’Indice des États fragiles (FSI – Fragile State Index) ne s’est pas sensiblement amélioré. Selon le FSI de 2017, la RDC est un État très fragile au regard des pressions sociales, économiques, politiques et de la sécurité – autant de critères pris en compte pour évaluer le risque de fragilité.22 Septième pays le plus fragile sur 178, la RDC est classée comme un État en « alerte élevée ». Cette situation résulte, en grande partie, de déséquilibres économiques et de pressions sociopolitiques. 1.1. Perspective historique et contexte politique et de sécurité actuel, 1960-2016 29. Marquée par les sécessions, l’autoritarisme et les pillages, l’histoire coloniale et postcoloniale de la RDC est tumultueuse. Après que le pays a acquis son indépendance le 30 juin 1960, les provinces riches en diamants du Kasaï et en cuivre du Katanga ont aussitôt tenté de faire sécession. Le premier gouvernement élu de Patrice Lumumba était alors au pouvoir depuis moins de trois mois. Les forces des Nations Unies et du gouvernement congolais sont parvenues à reconquérir les provinces sécessionnistes du Kasaï (en décembre 1961) et du Katanga (en janvier 1963). En 1965, le colonel Joseph Mobutu (Mobutu Sese Seko) a pris le contrôle du pays et s’est autoproclamé président pour une durée de cinq ans. Celui-ci a rapidement consolidé son pouvoir et a été élu président sans opposition en 1970. Il a présenté un plan de développement décennal, initié dans le cadre d’une proclamation de transformation de la RDC visant à en faire un pays industriel. Trois ans plus tard, Joseph Mobutu a engagé la politique de zaïrianisation, nationalisant les entreprises étrangères. La politique de radicalisation a succédé à la zaïrianisation et s’est traduite par une concentration massive des ressources du pays entre les mains du président Mobutu et de ses acolytes. Ces politiques ont eu des effets désastreux sur l’économie dont témoignent la faible production agricole, l’hyperinflation, le chômage et les pénuries des produits de base.23 30. Au début des années 1990, le pays s’est enfoncé dans une guerre de grande ampleur aux conséquences humanitaires dévastatrices. Les pillages opérés par l’armée à Kinshasa en 22 FSI 2017 (base de données de l’Indice des États fragiles 2017), Fonds pour la paix, Washington, DC, http://fundforpeace.org/fsi/data/. 23 Voir Meditz et Merril (1994). 15 1991 et 1993, conjugués à l’incapacité du président Mobutu à enrayer l’effondrement des services publics, ont affaibli le gouvernement, porté atteinte aux investissements privés et détruit le peu de capacités de production dont le pays disposait. Les tensions sociales et politiques dans les pays voisins se sont propagées à la RDC. En 1997, Laurent-Désiré Kabila est devenu le nouveau président de la RDC après avoir renversé Joseph Mobutu. Le président Kabila a changé le nom du Zaïre qui est devenu la RDC. À la suite du changement de régime, une guerre, souvent appelée la Première Guerre mondiale africaine, s’est déclenchée, provoquant la mort de millions de personnes. Laurent-Désiré Kabila fut assassiné en 2001 et son fils, Joseph Kabila Kabange, lui a succédé. En 2002, la signature de l’Accord global et inclusif a permis de ramener la paix. En 2006, Joseph Kabila Kabange remporte les premières élections démocratiques et pluralistes et devient président. 31. La persistance de la violence et de l’insécurité, conjuguée à l’absence d’un système juridique et réglementaire opérationnel, a déchiré le tissu social du pays. Plus de 3,5 millions de personnes ont perdu la vie dans la guerre qui a éclaté en 1998, dont près de la moitié était des enfants de moins de 5 ans. Dans les provinces de l’Est, environ 2 millions d’enfants n’ont pas accès à l’éducation, car le conflit a détruit ou endommagé les écoles. La violence sexiste est très répandue : si les non-combattants ont commis la majorité des crimes sexuels en 2012 (58 %), la violence sexuelle et sexiste reste corrélée à la violence et à l’insécurité, particulièrement dans les provinces de l’Est. L’accès aux services sociaux et économiques essentiels est limité. La population est particulièrement vulnérable aux maladies, car les services d’assainissement sont inadaptés et l’accès aux services de santé fait défaut. Le manque d’infrastructures de transport adéquates figure parmi les principaux obstacles à la croissance et au développement. 32. Dans l’Est du pays, le conflit continue de générer des déplacements et des besoins humanitaires importants. Il existe plus de 1,9 million de personnes déplacées internes (PDI), essentiellement en raison des attaques violentes et des conflits armés. La RDC abrite également pas moins d’un demi-million de réfugiés provenant des pays voisins. Les Nations Unies estiment que 7,3 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire en RDC en 2017. Parmi les principaux besoins figurent les services de base – dont le manque entraîne une mortalité excessive – ainsi que la sécurité et la protection des personnes. Les pays de la région des Grands Lacs disposent de politiques et de cadres juridiques relativement solides pour protéger les personnes déplacées. Toutefois dans les faits, c’est la réalité du terrain qui détermine la situation des personnes déplacées, bien plus que l’existence de cadres juridiques de protection. 33. Les PDI – aussi bien ceux qui se sont installées en RDC que ceux qui en proviennent – demeurent fortement tributaires de l’aide humanitaire. Dans ce contexte, les principaux défis de développement pour les personnes déplacées incluent : (i) la représentation et la gouvernance, la société civile étant sous-développée, de même que les structures formelles pour communiquer avec les autorités locales et nationales et les consulter ; (ii) l’accès aux services sociaux, avec, en particulier, un faible accès à l’éducation ; et (iii) un risque important de violence sexiste et de perturbation des rôles liés au genre. Parmi les PDI, les sous-groupes dits « vulnérables » sont confrontés à ces défis de manière encore plus aiguë. Ces groupes comprennent les ménages dirigés 16 par des femmes, les personnes âgées, les personnes ayant des difficultés psychologiques et les personnes en situation de handicap24. 34. La stabilisation de l’Est du pays exigera une solution régionale impliquant l’ensemble des pays des Grands Lacs – le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, en particulier. Depuis 2004, des groupes armés ont été intégrés, en plusieurs vagues, à l’armée nationale de RDC. Toutefois, plusieurs groupes, dont les Maï-Maï, sont parvenus à maintenir une partie de leurs combattants, continuent de harceler des civils et se battent les uns contre les autres ou co ntre l’armée, souvent pour le contrôle de ressources minérales. La sécurité est fragile compte tenu du climat de méfiance qui règne dans la région. La signature, par les 11 pays de la région, le 24 février 201325, de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC a fait naître l’espoir du peuple congolais et de la région de voir s’achever prochainement une longue période de conflit s et d’insécurité. 35. Fin 2016, d’importantes poches d’insécurité subsistaient tandis que la violence a atteint les anciennes provinces du Kasaï, soulignant ainsi le besoin d’engagements régionaux et internationaux permanent pour la paix. La violence est répandue dans les provinces de l’Est : de nombreux groupes armés sont actifs dans les provinces du Sud et Nord-Kivu, de l’Ituri, du Bas et Haut-Uele, de Tanganyika et du Nord-Kivu. La violence s’est développée rapidement dans les anciennes provinces du Kasaï-Occidental et du Kasaï-Oriental, poussant des dizaines de milliers de déplacés sur les routes à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de la RDC. Le gouvernement a privilégié une réponse militaire au dialogue, accentuant les problèmes humanitaires. La militarisation des zones rurales a généré des déplacements de population, exacerbé les tensions et aggravé les violations des droits de l’homme perpétrées par toutes les parties. L’afflux de réfugiés provenant du Burundi depuis mai 2015 a aussi accentué les tensions. La Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) reste en place. La Banque mondiale travaille en étroite collaboration avec la MONUSCO et le gouvernement pour appuyer la mise en œuvre de la troisième phase de la stratégie de désarmement, démobilisation et réintégration. Cependant, aussi longtemps que les revendications fondamentales, souvent relatives à la terre et à l’identité, ne seront pas traitées, la région restera vulnérable aux conflits. Il serait aussi nécessaire de coupler les efforts de dialogue aux opérations militaires, de renforcer la coordination avec la MONUSCO et d’avancer sur la réforme du secteur de la sécurité. 36. La dynamique des conflits et de l’instabilité dans la région des Grands Lacs est profondément enracinée dans l’histoire et possède plusieurs dimensions. Le rapport de 2013 de la Banque sur l’Initiative pour la région des Grands Lacs 26 a identifié les causes profondes du conflit dans la région des Grands Lacs, en général, et en RDC, en particulier. Selon ce rapport, la dynamique des conflits et de l’instabilité est déterminée par une combinaison complexe de facteurs politiques, sociaux, économiques et de sécurité au niveau national, notamment en RDC, ainsi qu’à l’échelle régionale. Le rapport ajoute que le conflit en RDC est entretenu par la faiblesse de l’État et son incapacité à assurer la sécurité et à fournir des services publics de base ; des tensions 24 Déplacements forcés de populations dans la région des Grands Lacs. Washington, DC : Banque mondiale, 2015. 25 Une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée le 28 mars 2013, a mis en place une force d’intervention forte de 2 500 hommes dans le cadre de la MONUSCO, avec pour mandat le désarmement des groupes armés et la lutte contre leurs menaces. 26 Faire revivre la région des Grands Lacs. Initiative du Groupe de la Banque mondiale en faveur de la paix, de la stabilité et du développement économique. Banque mondiale, région Afrique, mars 2013. 17 ethniques de longue date, exacerbées par le manque de transparence et l’insécurité qui caractérisent la propriété foncière ; la présence continue de groupes armés étrangers et congolais et leur participation à des activités minières illicites ; et la grave vulnérabilité socio-économique de la population locale. L’annexe A du présent DSP fournit une analyse détaillée des causes profondes du conflit dans la région des Grands Lacs et en RDC. 37. La RDC demeure un pays post-conflit et fragile, et renforcer sa résilience dans ce contexte demeure un défi. Comme l’explique le RDM 2011 : conflits, sécurité et développement (Banque mondiale, 2011), les pays post-conflit sont confrontés à trois défis majeurs : (1) conclure des accords pour initier le changement s’avère difficile, car les élites ne se font pas confiance, et la confiance en l’État est minimale ; (2) maintenir les accords est difficile aussi, car un changement institutionnel est susceptible d’accroître, à court terme, les risques de violence en raison de la réaction des groupes ayant perdu le pouvoir ou leurs avantages économiques ; et (3) les périodes sensibles de transformation institutionnelle exposent les pays fragiles à des menaces de sécurité ou des chocs économiques externes qui peuvent annuler les progrès éventuels. 38. Le coût exorbitant des conflits nuit à l’activité économique des entreprises et des ménages. Dès lors, renforcer la résilience requiert du temps et exige de la persévérance. Contrairement aux catastrophes naturelles ou aux cycles économiques, un épisode de violence majeur peut réduire à néant toute une série de progrès économiques. Selon le RDM 2011, le taux de pauvreté d’un pays ayant subi de graves violences entre 1981 et 2005 est, en moyenne, supérieur de 21 points de pourcentage à celui d’un pays qui n’en a pas subi. Le coût d’une guerre civile est estimé à près de 30 ans de croissance du PIB pour un pays en développement à revenu intermédiaire. Après des épisodes de violence majeurs, 20 ans sont nécessaires pour redresser les échanges commerciaux. En outre, les entreprises en ASS perdent un pourcentage plus élevé des ventes en raison de la criminalité et elles dépensent sur la sécurité un pourcentage de leurs chiffres d’affaires plus élevé que dans toute autre région. Enfin, l’expérience montre qu’il faut 27 ans pour juguler la corruption, et cela même parmi les pays se rétablissant le plus rapidement. En somme, il n’existe pas de voie facile pour favoriser la résilience de la RDC. Selon le RDM 2011, « un pays qui connaît des violences majeures pendant trois ans (morts dans des combats ou nombre excessif de morts par homicide équivalant à une guerre majeure) va accuser un retard de 2,7 points de pourcentage dans la réduction de la pauvreté ». 39. La Constitution de 2006 définit la RDC comme un État unitaire et décentralisé, mais le processus de décentralisation demeure inachevé. Les onze (anciennes) capitales provinciales se situent, en moyenne, à 1 700 kilomètres de Kinshasa ; la capitale provinciale la plus proche, Matadi, se trouve à 346 kilomètres. Le cadre de la décentralisation prévoyait un transfert de responsabilité pour les soins de santé, l’enseignement primaire et secondaire et l’agriculture aux provinces. En contrepartie, les provinces devaient recevoir 40 % des recettes fiscales perçues par les autorités nationales. Le nombre de provinces a augmenté de 11 à 26. Les frontières de Kinshasa et de quatre autres provinces n’ont pas changé. Les provinces ne jouissent que de capacités limitées pour assumer leurs responsabilités. Malgré des augmentations récentes, les revenus des provinces ont toujours été inférieurs au 40 % prévu. Cette situation a suscité des tensions entre les autorités nationales et provinciales. En effet, les faibles capacités institutionnelles et la redevabilité limitée des autorités provinciales ont entravé la prestation des services de base, atténuant ainsi les bénéfices escomptés de la décentralisation. 18 1.2. Évolutions économiques récentes, 2010-2017 40. Des politiques crédibles ont soutenu la remarquable performance économique de la RDC entre 2010 et 2015. La croissance du PIB réel s’est accélérée pour atteindre un rythme moyen annuel de 7,5 % sur la période 2010-2015, dépassant la moyenne de l’ASS de 3 points de pourcentage. L’édition d’octobre 2016 d’Africa’s Pulse classe la RDC dans le groupe des pays « en progression ». Ce groupe comprend les pays dont le taux de croissance du PIB est inférieur à celui du tercile supérieur des pays de l’ASS sur la période 1995-2008, mais dont le taux de croissance en 2014-2015 est supérieur à celui du tercile supérieur. Ces pays « en progression » sont le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la RDC, le Kenya, la Namibie, le Sénégal et le Togo. Ces pays ont vu leur taux de croissance du PIB augmenter de 3,2 % en 1995-2008 à 6,5 % en 2014- 2015. Parmi ces pays « en progression », la plus forte accélération de la croissance a été enregistrée par la Côte d’Ivoire et la RDC (avec une augmentation du taux de croissance du PIB qui a dépassé 600 points de base entre les deux périodes).27 Figure 1.1 Performance de croissance par groupes de pays (pays 41. L’inflation est choisis), 1995-2015 également restée faible, à seulement 0,7 % en 2015, grâce à des politiques macroéconomiques prudentes et à la mise en œuvre de réformes structurelles. Ainsi, la RDC a atteint le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) mi- 2010, et a bénéficié d’un allégement de dette de 12 milliards de dollars US – le montant le plus élevé parmi les Source : Calculs basés sur les données de la Banque mondiale. 27 Les trois autres groupes comprennent : (i) les pays établis. Ce groupe de pays a enregistré un taux de croissance annuel moyen qui dépasse le tercile supérieur sur les deux périodes (1995-2008 et 2014-2015). Le groupe des pays établis se compose de cinq pays : l’Éthiopie, le Mali, le Mozambique, le Rwanda et la Tanzanie ; (ii) les pays en recul. Il s’agit d’un groupe de pays connaissant un ralentissement du taux de croissance du PIB ; autrement dit, leur taux de croissance annuel moyen du PIB en 1995-2008 a dépassé le tercile inférieur de la répartition des taux de croissance en ASS, mais le taux enregistré en 2014-2015 est tombé en dessous du tercile inférieur. Neuf pays font partie de ce groupe en recul : le Botswana, Cap Verde, la Guinée équatoriale, la Gambie, le Libéria, Madagascar, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud et le Soudan ; et (iii) les pays distancés. Ce groupe d’économies affiche la trajectoire de croissance la plus faible sur la période 1995-2008 ainsi qu’en 2014-2015 ; autrement dit, la croissance de leur PIB n’est parvenue à dépasser le tercile inférieur sur aucune des deux périodes. Ce groupe comprend principalement des États fragiles, ainsi que des petits pays (continentaux et insulaires), à savoir : le Burundi, la République centrafricaine, les Comores, la Guinée, les Seychelles, le Swaziland et le Zimbabwe. 19 pays bénéficiaires. La dette publique extérieure a diminué, passant de 118 % du PIB en 2009 à 21 % en 2011. 42. Des turbulences extérieures et des difficultés internes pèsent lourdement sur les activités économiques du pays. La fin du super-cycle des prix des matières premières, le ralentissement économique en Chine (principal partenaire commercial de la RDC) et le resserrement des conditions financières mondiales nuisent à la croissance de la RDC. À ces difficultés s’ajoute la décision de Glencore – une société multinationale anglo-suisse – de suspendre la production minière dans le pays pendant 18 mois à compter de septembre 2015, ce qui porte préjudice à la croissance économique du pays à court terme. Les estimations montrent un ralentissement de la croissance pour la RDC, qui est passée de 9,5 % en 2014 à 6,9 % en 2015. Les projections pointent un ralentissement supplémentaire en 2016, et le gouvernement a révisé ses prévisions de croissance à 2,4 % à la fin de l’année 2016. La croissance devrait rebondir en 2017 et 2018, mais elle pourrait ne pas atteindre les niveaux observés au cours de la période 2010- 2015. Par conséquent, l’Africa’s Pulse d’avril 2017 a déclassé la RDC à la catégorie des pays « coincés au milieu ».28 Figure 1.2 Structure du PIB et contributions sectorielles à 43. Les industries la croissance, 2011-2015 (en % du total) extractives, qui sont l’une des principales sources de 10.0 croissance économique du pays, représentent environ 9.0 20 % de la croissance du PIB 8.0 réel (Figure 1.2). Dans les 7.0 industries extractives, la valeur 6.0 ajoutée a augmenté de 19,6 % 5.0 en moyenne entre 2010 et 4.0 fin 2014. Selon les chiffres 3.0 provisoires, celle-ci a augmenté 2.0 de 4,8 % en 2015. Le secteur 1.0 minier (industriel et artisanal) 0.0 emploie près de 4,0 % des 2011 2012 2013 2014 2015 travailleurs congolais. Dans le Contribution Industries manufacturières Contribution autres secteurs Contribution Extractives secteur agricole, le taux de croissance s’est élevé, en Source : Calculs basés sur les données de la Banque mondiale. moyenne, à 3,8 % entre fin 2010 et fin 2014. Ce secteur emploie 62 % de la population en âge de travailler, d’après l’enquête 1-2- 3. L’agriculture de subsistance et l’autoconsommation continuent de prévaloir, et l’isolement persistant de vastes zones du pays constitue le principal obstacle au commerce. Dans le secteur manufacturier, le taux de croissance a atteint 4,8 % en moyenne ; les industries agroalimentaires en constituaient la composante la plus dynamique. Le secteur tertiaire – à savoir le commerce, les services, les transports, les télécommunications et autres services – a enregistré une hausse moyenne de 3,9 % entre 2010 et 2014. 28 Ce groupe comprend : le Burkina Faso, le Cameroun, la RDC, le Ghana, la Guinée-Bissau, Madagascar, le Mozambique, le Niger et l’Ouganda. 20 44. L’inflation s’est accélérée en 2016, après être restée faible et en dessous des objectifs à moyen terme fixés par les autorités. L’inflation est restée basse en 2014-2015, et l’indice des prix à la consommation a connu une croissance moyenne de 1,2 % en 2014 et 0,7 % en 2015. Ces chiffres contrastent nettement avec les taux enregistrés précédemment, dont la hausse de 45 % observée en 2009. L’indice des prix alimentaires a augmenté, en moyenne, de 1,4 % en 2014 et de 0,8 % en 2015. Cependant, l’année 2016 montre une accélération de l’inflation, à hauteur de 3,1 %, en moyenne, et de 3,3 % pour les produits alimentaires. À Kinshasa, ces taux s’élevaient tous les deux à 3,2 %29. 45. Les faibles taux d’inflation reflétaient des politiques monétaires crédibles et une gestion budgétaire prudente. La croissance de la masse monétaire s’est ralentie à 10,4 % en 2015, contre 13,8 % et 18,1 % en 2014 et 2013 respectivement. La réduction du déficit budgétaire et l’engagement des autorités à respecter les objectifs budgétaires – c’est-à-dire à ne pas recourir à la Banque centrale du Congo (BCC) pour financer des déficits budgétaires à moyen terme, ont contribué à juguler l’inflation. Si l’on prend en compte les créances nettes du secteur bancaire sur le gouvernement – qui étaient négatives en 2014 –, les dépôts des banques commerciales auprès de la BCC, les bons BCC et les réserves obligatoires, la stérilisation a atteint environ 23 % de la masse monétaire en 2014 ; nettement plus que les 8,4 % observés en 2009. La situation a évolué en 2016, car les recettes ont chuté et les déficits ont augmenté, et les créances nettes sur le secteur public sont devenues positives en 2016, reflétant ainsi une injection de liquidités. 46. Le secteur bancaire se développe lentement avec la croissance des prêts et dépôts, mais le coût du crédit demeure élevé. En 2015, les crédits au secteur privé ont augmenté de 14,5 %, contre 20,2 % l’année précédente et les dépôts bancaires ont crû de 11,6 %, contre 15,5 % en 2014. L’accès aux services bancaires reste limité ; les crédits au secteur privé et les dépôts de ce dernier se situent à des niveaux faibles, représentant respectivement 6,8 % et 11,2 % du PIB en 2015. Le taux d’intérêt effectif en 2015 a atteint 19 % pour les prêts libellés en monnaie nationale, alors que les intérêts sur les prêts en devises étrangères s’élevaient à 14,2 %. Les taux d’intérêt sur les dépôts ont atteint 3,3 % pour les dépôts en monnaie nationale et 3,2 % pour ceux en devises étrangères. Malgré ce large écart entre les taux sur les crédits et les dépôts, les rendements de l’actif avant impôts restaient faibles, estimés à 0,85 % en 2012, (FSAP, 2014). Des soucis suscités par la solvabilité des banques et la crainte d’une saisie des dépôts par les inspecteurs des impôts conformément à la pratique des avis à tiers détenteurs, font obstacle à l’expansion des dépôts (FSAP, 2014). Les dépôts restent fortement dollarisés, à hauteur de 87 % en 2016, contre 83 % en 2015 et 85 % en 2014. 47. Le solde du compte courant était déficitaire en 2015 et les réserves de devises, déjà faibles, chutent. Le solde du compte courant du pays a enregistré un déficit estimé par le FMI à 3,9 % du PIB. Pour 2016, le déficit est estimé à 3,4 % du PIB. Les estimations montrent que les exportations de cuivre, qui représentent 53 % des exportations de la RDC, ont baissé de 18,4 % en 2015 et de 13,6 % en 2016. Les investissements directs étrangers (IDE), qui atteignaient, en 29 Il s’agit ici de l’inflation calculée en utilisant l’indice des prix à la consommation de l’INS ( http://ins-rdc.org/). L’utilisation de l’indice calculé par la BCC donne les résultats suivants : 1,2 % en 2014, 1,3 % en 2015 et 5,7 % en 2016 pour l’indice global, et 1,5 %, 1,7 % et 6,7 % pour les prix alimentaires. À Kinshasa, l’inflation globale en 2016 était de 7,1 % et alimentaire de 8,2 %. 21 moyenne, 5,5 % du PIB en 2011-2015, ont contribué à compenser le déficit des comptes courants et à accumuler des réserves de devises étrangères. Les réserves ont atteint leur plus haut niveau en mars 2014, à hauteur de 1,9 milliard de dollars US (10 semaines d’importations), avant de retomber à 0,9 milliard en décembre 2016, soit 3,9 semaines d’importations. Ces réserves assurent une bonne couverture de la masse monétaire en monnaie nationale (61 % en décembre 2016), permettant ainsi au secteur bancaire de gérer les risques de change. Toutefois, la couverture des dépôts en devises étrangères ne s’élevait qu’à 29 % et s’inscrivait dans le cadre d’une tendance à la baisse depuis les 72 % observés en mars 2014. Cela signifie que la marge de manœuvre pour se prémunir contre le risque d’un retrait des dépôts en devises étrangères s’amenuise, mettant en évidence les risques systémiques liés à la forte dollarisation. Le taux de change est resté stable au cours de la période 2010-2015, variant entre 915 et 927,8 CDF pour un dollar, mais s’est dégradé pour atteindre 1 200 CDF en décembre 2016. 48. À partir de 2011, les dépenses publiques ont d’abord stagné en raison de l’assainissement budgétaire puis ont diminué à cause d’une mobilisation insuffisante des recettes. Le gouvernement a recours à des plans de trésorerie trimestriels, qui constituent la base des plafonds des engagements de dépenses. La part des dépenses publiques en pourcentage du PIB a atteint son plus haut niveau en 2011, à hauteur de 17,9 %, pour ensuite diminuer progressivement dans un contexte d’assainissement budgétaire. Ensuite, les dépenses sont passées de 14,4 % du PIB en 2014 à 13,6 % en 2015 et à 9,4 % en 2016. Dans ces circonstances, le déficit budgétaire national s’est creusé, augmentant entre 2015 et 2016 de 0,2 % à 0,7 % du PIB, hors paiements ou accumulation d’arriérés. Le gouvernement a utilisé ses dépôts auprès du secteur bancaire pour financer des déficits grandissants. L’insuffisance des recettes place le gouvernement face à un choix difficile : renoncer à la viabilité budgétaire en enregistrant des déficits et en empruntant à l’étranger, ou poursuivre la politique de réduction des dépenses en compromettant l’exécution des dépenses dans les secteurs des infrastructures et sociaux. En effet, la crédibilité du budget demeure une source d’inquiétude majeure, compte tenu du faible taux d’exécution, qui s’élevait en moyenne à 55 % entre 2012 et 201430 et n’a pas dépassé 59 % en 2015. Ce taux est plus faible encore dans les secteurs sociaux et des infrastructures (31 % en 2014 et 38 % en 2015). Les faibles niveaux de dépenses et d’exécution montrent que les recettes publiques ne permettent pas de faire face aux défis du développement. 49. Les recettes domestiques du gouvernement sont contraintes par un écart fiscal important et par une mobilisation insuffisante de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des revenus tirés des ressources naturelles. Le pays fonctionne en dessous de sa capacité fiscale,31 et la mobilisation des recettes est inférieure à la moyenne de l’ASS (21 % du PIB en 2013). Des estimations conservatrices de la Banque mondiale ont conclu à un écart fiscal de 5,3 % du PIB, dont 2,3% sont dus aux dépenses fiscales et exonérations, souvent accordées à titre personnel sans justification économique claire. En outre, des pays à fort potentiel en ressources naturelles semblable à celui de la RDC enregistraient des ratios recettes/PIB d’environ 25 % en 2014. Une mobilisation faible et inefficace de la TVA contribue à freiner la dynamique des recettes. 32 La TVA a remplacé l’impôt sur le chiffre d’affaires en 2012 et est devenue une composante 30 RDPF, Volume 1 (2015). 31 « Tax Revenues and Tax Efforts around the World », Bayraktar, Le et Moreno-Dodson, Banque mondiale, octobre 2012. 32 Voir FMI (2015). 22 importante de la structure des recettes du pays. Après avoir atteint un maximum de 4,5 % du PIB en 2012, elle a oscillé entre 3,5 et 3 % en 2014 et 2013. La mauvaise performance de la TVA est due à : (1) la persistance de procédures longues et fastidieuses en matière de TVA ; et (2) le faible contrôle des portefeuilles des contribuables, ce qui affecte le processus de perception de la taxe (FMI, 2013). Selon le dernier rapport de l’ITIE (ITIE, 2015), les recettes du secteur des industries extractives (mines et pétrole) ont atteint 4,5 % du PIB en 2015, dont 66 % ont été allouées au budget, soit 24,3 % du total des recettes fiscales domestiques. Figure 1.3 Taux d’imposition effectif sur les industries 50. La contribution du extractives, le secteur minier (axe de gauche) et le secteur secteur des ressources pétrolier (axe de droite) naturelles aux efforts de mobilisation des recettes et de développement dans le pays reste modeste. La production minière s’accélère depuis 2007 et les exportations du secteur ont doublé entre 2009 et 2015. En 2015, l’exploitation minière et pétrolière représentait 98 % des exportations du pays et 26 % du PIB. Comme le montre le dernier rapport de l’ITIE (2015), les recettes tirées des secteurs minier et pétrolier que percevaient les Source : Initiative pour la transparence dans les industries extractives, FMI, entités gouvernementales dans Article IV, 2015 et calculs du personnel de la Banque mondiale. leur ensemble s’élevaient à 1,7 milliard d’USD. La mobilisation des recettes issues de ces industries a atteint 17,1 % de la valeur globale de la production exportée. Bien qu’il s’agisse d’une augmentation substantielle par rapport aux 9,6 % enregistrés en 2010, la mobilisation des recettes reste faible au regard de la nature rentière des revenus dans ces secteurs. Une analyse montre que les recettes tirées du secteur du pétrole représentaient 55 % de la valeur des exportations pétrolières en 2015, alors que les recettes provenant du secteur minier ne représentaient que 15,5 % de la valeur des exportations minières (Figure 1.3). Cet écart des taux effectifs d’imposition entre les secteurs pétrolier et minier met en lumière le potentiel inexploité du secteur minier. 1.3. Faire face à de nouveaux défis et risques dans une économie mondiale en rapide mutation 51. La baisse des cours des matières premières soulève de sérieuses questions sur les perspectives économiques de la RDC. Après une décennie de hausse régulière des prix, le marché international des principaux produits de base est entré dans un nouveau cycle de baisse des prix, aggravé par le ralentissement de la croissance et le rééquilibrage en Chine. Les prix des matières premières se sont maintenus à un niveau faible depuis janvier 2014, principalement à cause d’une offre vigoureuse et d’une demande plus faible. Les cours du pétrole brut ont chuté de 46 % en 23 moyenne entre 2014 et 2015, à la suite des chocs de demande (tels que le ralentissement de la croissance de la Chine) et dans un contexte de production de pétrole excédentaire. Le prix a encore reculé de 16 % en 2016. Dans le même temps, les cours internationaux des produits agricoles, des métaux et des minéraux ont baissé constamment. Le prix du cuivre, le principal produit d’exportation du pays, a suivi la même tendance, en diminuant de 19,7 % en 2015 et de 12 % en moyenne en 2016. 52. Les déséquilibres macroéconomiques et les vulnérabilités de l’économie risquent de s’aggraver. Des prix bas et volatils peuvent persister33 compte tenu des chocs qui ont sous-tendu la chute des prix des produits de base. La décision de Glencore de suspendre la production minière pendant 18 mois à compter de fin août 2015 en RDC et en Zambie a exacerbé les répercussions du ralentissement du super-cycle des cours des matières premières.34 La Banque mondiale estime que la décision de Glencore aurait créé un manque à gagner pour les exportations de 1,2 milliard de dollars US en 2016. Il s’agit d’un choc pour la balance des paiements qui représente 3,1 % du PIB avec un coût de 500 et 700 millions de dollars US en réserves de changes.35 53. Le ralentissement de la croissance de la Chine a nui à l’économie de la RDC. La Chine a été le principal marché d’exportation pour la RDC au cours de la dernière décennie, remplaçant l’Union européenne. A elle toute seule, la Chine représentait 41 % des exportations du pays en 2013. Les exportations de la RDC vers la Chine ont augmenté à un rythme annuel moyen de plus de 102,9 % entre 2000 et 2013. Le ralentissement en Chine a affecté la demande mondiale de minéraux, et s’est répercuté à son tour sur l’économie de la RDC.36 La croissance du PIB estimée pour la RDC était de 6,9 % en 2015, soit 2,6 points de pourcentage de moins que le niveau de 2014 (9,5 %). Les réserves du pays ont baissé de 100 millions de dollars US en 2014, de 240 millions en 2015 et de 560 millions en 2016. L’incidence budgétaire du ralentissement chinois et de la décision de Glencore représentent un manque à gagner pour les recettes de l’année 2016 estimé à 720 millions d’USD – soit 0,9 % du PIB, ce qui correspond plus ou moins à l’estimation du déficit réalisée par le FMI. 54. Les tensions politiques prolongées, associées aux projections économiques mondiales moroses, pèsent sur les perspectives économiques à moyen terme de la RDC. En 2016, la croissance aurait au plus atteint 2,5 % en raison de la chute de la demande de produits de base, de la baisse des investissements publics et du ralentissement général de l’activité économique. Pour 2017-2018, les prévisions sont plus optimistes, avec une croissance économique à 3 % en moyenne – un taux supérieur au niveau de 2016, mais nettement en deçà à la moyenne observée en 2010- 2015. La croissance en 2017-2018 pourrait bénéficier d’une reprise progressive des industries extractives dans un contexte de redémarrage de la demande de produits de base et de l’expansion 33 Voir Banque mondiale, Africa’s Pulse, octobre 2015, vol. 12, p. 4. 34 KCC, la filiale de Glencore en RDC, a produit 17 % du cuivre et 5 % du cobalt du pays au cours de la première moitié de 2015. Selon le FMI (2015), ces deux minéraux représentaient 78 % des exportations de la RDC en 2014. 35 En 2014, KCC a contribué aux recettes minières à hauteur de 19 % et à 3 % du total des recettes nationales du Trésor, soit 0,4 % du PIB. Le gouvernement attendait des augmentations des revenus provenant du secteur minier en 2015 et 2016, y compris de KCC. La période d’amortissement accéléré dont ont bénéficié les investissements mini ers grâce au Code minier prenait fin pour certains d’entre eux en 2015-2016, y compris pour Glencore. Les recettes devaient donc augmenter de 0,4 % du PIB chaque année en 2015 et 2016. 36 Des simulations montrent qu’un ralentissement de 1 % en Chine entraînerait une baisse de 0,3 % du PIB de la RDC, une détérioration similaire du déficit des comptes courants et une chute des réserves de 107 millions d’USD (Bou- Habib & Kebede, 2016). 24 de l’agriculture et des services. Cependant, les tensions politiques prolongées risquent de peser sur les perspectives de reprise de la croissance qui pourrait alors se maintenir au niveau estimé pour 2016. 55. Des investissements dans les infrastructures et le capital humain sont nécessaires pour libérer le potentiel de croissance à long terme de la RDC. Diversifier les produits et les marchés d’exportation de la RDC et développer différentes échelles de la production minière favoriseraient les objectifs de développement à long terme et amélioreraient la résilience du pays. La diversification de l’économie exige d’éliminer les goulots d’étranglement dans les infrastructures et de renforcer le capital humain. Ces investissements seront difficiles à maintenir sans améliorer la mobilisation des recettes domestiques, qui aideraient le gouvernement à accroître les dépenses publiques et à établir les institutions pour les surveiller. Mobiliser et utiliser les revenus provenant de la communauté des bailleurs de fonds et du secteur des ressources naturelles s’avère également essentiel pour réduire les vulnérabilités macroéconomiques et améliorer la décentralisation. Il est peu probable que cette mobilisation des recettes domestiques se produise, à moins que le pays n’adopte et ne mette en œuvre des cadres juridiques, administratifs et institutionnels crédibles. 56. Dans l’immédiat, la baisse continue des recettes provenant des industries extractives constitue le principal risque pour l’économie, notamment en raison de son impact sur la stabilité macroéconomique. La diminution des réserves en devises étrangères peut entraîner une pénurie de devises qui fera de l’importation de produits de base un véritable défi. Cela pourrait se traduire par des hausses de prix préjudiciables pour les pauvres. En outre, le déclin des réserves entraînerait de nouvelles détériorations du taux de change, ce qui accentuerait les pressions inflationnistes. Fin 2016, le taux de change s’est déprécié de 24 et 26 % respectivement sur les marchés officiel et parallèle. Cet environnement, caractérisé par un ralentissement de la croissance économique et une augmentation de l’inflation, peut entraîner des tensions sociales. En parallèle, les tensions politiques suscitées par le sort de l’élection présidentielle sont fortes. Ainsi, le défi immédiat pour le RDC consiste à réduire l’incertitude politique et à atténuer les déséquilibres macroéconomiques afin d’éviter une situation où les tensions risquent de s’alimenter mutuellement et de déboucher sur l’instabilité et le déclin de l’activité économique. 57. À plus long terme, le pays doit avancer sur le programme de réformes et gérer ses ressources naturelles dans une optique d’équité intergénérationnelle. La paralysie du programme de réformes observée en 2015-2016 met en péril des initiatives importantes, notamment au niveau de la décentralisation et la diversification. Jusqu’à présent, la création des nouvelles provinces reste formelle, et il est peu probable que le processus de décentralisation prenne son élan compte tenu des contraintes importantes de capacité à différents niveaux. En outre, la diversification est indispensable pour surmonter les vulnérabilités associées à l’exposition des exportations de la RDC à la volatilité des cours des matières premières et aux fluctuations des PIB des partenaires commerciaux. Comme l’indique le RDM 2014 : « la gestion des risques peut être un puissant outil de développement » et « pour saisir les opportunités, il faut faire face aux risques » (Banque mondiale, 2013, 6). La diversification peut également aider la RDC à modérer ou inverser les tendances de l’épargne nette ajustée qui indiquent que le pays épuise son stock de capital national (y compris l’énergie, les minéraux et les forêts) et qu’il se trouve sur une trajectoire insoutenable. Ce point est analysé plus en détail au Chapitre 4. 25 Chapitre 2. Réduire la pauvreté et partager la prospérité 58. Ce chapitre analyse la dynamique de la pauvreté et des inégalités dans le pays, en mettant l’accent sur les aspects spatiaux et multidimensionnels de la pauvreté. Il vise à déterminer dans quelle mesure la croissance sans précédent de la RDC en 2010-2015 a été inclusive et a contribué à réduire la pauvreté et à permettre un partage de la prospérité entre toutes les couches de la population. Il examine également les principaux facteurs de réduction de la pauvreté dans le pays en soulignant le rôle spécifique des marchés du travail, de l’éducation, des activités minières, de l’agriculture et de l’exode rural. Enfin, ce chapitre analyse, sur la base des modèles de consommation, la vulnérabilité des ménages aux chocs négatifs, dont ceux résultant de choix de politiques publiques et ceux liés aux conflits et aux problèmes climatiques. 2.1. La dynamique de la pauvreté et des inégalités 59. La croissance économique de la RDC a entraîné une réduction du taux de pauvreté, permettant ainsi une diminution de la profondeur et de la gravité de la pauvreté, bien que des disparités interrégionales demeurent. Entre 2005 et 2012, la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté a baissé, passant de 69,3 % à 64 %. Pour autant, le nombre de personnes pauvres a, lui, augmenté de 7 millions. La baisse de la pauvreté s’est avérée plus importante en milieu rural (5,6 points de pourcentage) que dans les zones urbaines (4,1 points). La profondeur et la gravité de la pauvreté ont également diminué de 4,3 et 3 points de pourcentage en 2012 (partant de 29,7 % à 16,1 % en 2005 respectivement). Le recul de la profondeur de la pauvreté (c’est-à-dire l’écart de pauvreté) dénote une amélioration de la consommation moyenne des pauvres qui se sont rapprochés du seuil de pauvreté. Dans les provinces du Nord-Est (Nord- Kivu et Orientale), tous les indicateurs de pauvreté se sont améliorés, avec une réduction de l’incidence de la pauvreté et de la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Cependant, l’écart et l’incidence de pauvreté se sont détériorés dans les provinces du Kasaï - Oriental, du Kasaï-Occidental et de Maniema. En 2015, les provinces du Kasaï comptaient 4 millions de pauvres supplémentaires par rapport à 2012, suivies de Kinshasa, avec 1,2 million. Figure 2.1 Évolution de l’extrême pauvreté en RDC, 2005- 60. Bien qu’elle baisse, 2013 l’extrême pauvreté demeure élevée au regard des normes Variations en points de pourcentage de l’extrême pauvreté nationales ou internationales. 23.3 25.0 14.0 L’incidence de l’extrême 15.0 8.6 pauvreté (pauvreté alimentaire) 5.0 est passée de 33,8 % en 2005 à -5.0 -1.1 27 % en 2012. Le niveau de vie -15.0 -8.0 -6.7 des ménages s’est -25.0 -20.5 -15.9 considérablement amélioré dans les provinces de l’Équateur, du Kivu et de l’Orientale. En témoigne la baisse significative Source : RDC, Évaluation de la pauvreté, 2016. de l’extrême pauvreté, estimée à entre 16 et 21 points de pourcentage. Dans le même temps, les provinces du Kasaï-Oriental, du Kasaï-Occidental et de Maniema ont, pour leur part, enregistré une hausse de l’incidence de la 26 pauvreté (Figure 2.1). Le taux de pauvreté tel qu’il est défini par la norme internationale (à savoir le nombre de personnes vivant avec moins de 1,90 $ US par jour) a baissé, passant de 94,3 % en 2005 à 76,9 % en 2012. Ce taux reste cependant nettement supérieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne qui est de 42,6 %. 61. Les provinces des Kasaï et Kivu ont suivi des trajectoires différentes, caractérisées par la désindustrialisation (Kasaï) d’une part et l’économie de la guerre (Kivu), d’autre part. Ces dernières décennies, les deux Kasaïs (Occidental et Oriental) ont subi un processus de désindustrialisation rapide. La production de diamants – qui constitue la principale industrie dans les deux provinces du Kasaï – a fortement régressé. Avec la clôture de MIBA (Société Minière du Bakwanga) – le principal producteur industriel de diamants dans le Kasaï – et l’épuisement des couches accessibles à l’exploitation minière artisanale, les revenus générés par l’extraction du diamant ont chuté (Garett, Levin et Mitchell, 2008). La fermeture de la frontière par l’Angola a également limité le trafic de diamants et d’autres échanges transfrontaliers. De plus, la fermeture du chemin de fer reliant le Kasaï Occidental à Lubumbashi et Kinshasa et la détérioration des routes ont exacerbé l’isolement économique de la région. Le dernier producteur industriel – une brasserie – a fermé en 2013, conduisant à une paupérisation des travailleurs et à une baisse générale du niveau de vie. Le ralentissement de l’économie régionale a entraîné l’exode des groupes les plus aisés et les plus éduqués vers Kinshasa ou l’étranger, enclenchant ainsi le cercle vicieux de la désindustrialisation, la perte de capital humain et l’appauvrissement accéléré de la population (Banque mondiale, 2011). 62. En revanche, les opportunités économiques se sont développées dans les provinces du Kivu par rapport à 2005. La baisse du niveau de fragilité et de l’ampleur du conflit a favorisé une production agricole plus constante sur l’un des territoires les plus fertiles du pays. L’exploitation minière légale et illégale, ainsi que l’échange transfrontalier de diverses ressources naturelles à forte valeur ajoutée (or, cassiterite, coltan, wolfram), constituent la source de la richesse relative de la région (Spittaels et coll., 2014). L’attention portée à la fragilité de la région offre un « avantage » spécifique, à savoir la présence d’un grand nombre d’organisations internationales et d’Organisations Non-Gouvernementales - ONG (estimées à plus de 200 à Goma, la capitale du Nord-Kivu). Ce réseau constitue une source d’emplois à revenus moyens. En outre, la présence des forces de l’ONU, des organisations internationales et des ONG a un effet d’entraînement sur le marché du logement et des services. Autre facteur positif, la plus grande cohésion sociale observée parmi certaines ethnies de la région soutient les chaînes de distribution formelles et informelles et la prestation de services privés (Kabamba, 2013). Ce concours de circonstances et cette combinaison de facteurs créent, dans les provinces des Kivus, des conditions favorables à une génération de revenus plus rapide et une réduction de la pauvreté mieux répartie. 63. En matière de consommation, le niveau d’inégalité s’avère modéré et relativement stable dans le temps. L’indice de Gini est passé de 38 à 35 entre 2005 et 2012, mais l’inégalité globale est restée stable. En effet, les 20 % les plus riches de la population représentaient environ 44 % de la consommation totale en 2005 et en 2012. Les 40 % les plus pauvres ne constituaient que 16,7 % de la consommation totale en 2012, un niveau en baisse de 1,1 % depuis 2005. Même si la RDC est divisée en trois régions (Kinshasa, villes secondaires et zones rurales), la décomposition de l’inégalité en matière de consommation montre que 99 % de l’inégalité totale 27 est imputable à l’inégalité intrarégionale. Les inégalités interrégionales n’ont, pour leur part, entraîné que 1 % d’inégalité de consommation globale37. 64. Selon les indicateurs socio-économiques non monétaires, la performance économique positive observée récemment ne semble pas se traduire par une amélioration significative du bien-être des ménages. La pauvreté englobe plusieurs dimensions de la privation qui affecte le bien-être. Le manque d’accès aux services de santé, aux infrastructures de base, à l’éducation, à la nutrition, à l’eau potable et à l’électricité sont des exemples de privations caractéristiques de la pauvreté, au-delà des considérations monétaires. Les indicateurs de santé se sont améliorés pour les différents groupes de revenus entre 2007 et 2014. Par exemple, la proportion d’enfants non vaccinés a chuté, passant de 17,6 à 6,0 % entre 2007 et 2014. 65. La pauvreté multidimensionnelle reste élevée, divisant ainsi la population en quatre groupes. La pauvreté multidimensionnelle est passée de 80,2 % en 2005 à 71 % en 2012. En 2005, elle touchait 87,5 % des populations rurales et 63,4 % des citadins. En 2012, ces taux ont chuté à 80,2 % et 56,3 %, respectivement. En prenant en compte les dimensions monétaires et non monétaires de la pauvreté, la population peut être subdivisée en quatre groupes : (1) les personnes les plus aisées, c’est-à-dire celles qui ne sont pas pauvres selon les normes monétaires ou non monétaires (approche multidimensionnelle) ; (2) les personnes ayant des dépenses de consommation de ménage par adulte supérieures au seuil de pauvreté et considérées comme pauvres de manière « multidimensionnelle », mais pas selon les normes monétaires ; (3) les pauvres « transitoires » qui sont financièrement pauvres, mais pas de manière multidimensionnelle ; et (4) les pauvres chroniques, dont la pauvreté est monétaire et non monétaire. Les personnes chroniquement pauvres représentaient 65,4 % de la population en 2005 et 57,5 % en 2012, et la proportion des personnes plus aisées est passée de 15,8 à 22,5 % entre 2005 et 2012, respectivement. 66. Kinshasa et d’autres centres urbains affichent des taux de pauvreté moyens inférieurs ainsi que les zones situées le long de la frontière orientale, notamment dans l’extrême nord- est du pays. En 2012, 52,8 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté nationale à Kinshasa et 55,2 % dans la province Orientale. En dehors des provinces les plus urbanisées du Kongo Central et de Kinshasa, les taux de pauvreté les plus extrêmes étaient enregistrés dans les parties centrale et occidentale du pays (Bandundu, Équateur et Kasaï) (Figure 2.2. b). À l’Est, les provinces du Katanga, du Maniema, Orientale et du Sud-Kivu étaient moins pauvres et le taux de pauvreté a chuté dans la province de l’extrême est du Nord-Kivu. De nombreuses provinces enregistrent une diversité des taux de pauvreté qui est occultée par les moyennes provinciales (Figure 2.2. a). Par exemple, la Province Orientale comprenait à la fois des régions à fort et à faible niveau de pauvreté qui, ensemble, enregistrent une moyenne intermédiaire. 67. Dans l’Est, des zones de conflit s’avèrent être des zones moins pauvres, reflétant les complexités de « l’économie de la guerre ». Des études ont permis d’apporter des informations sur les diverses sources de revenus que différents groupes ont réussi à s’approprier dans le contexte 37 La pauvreté est répandue et les coefficients de Gini ne sont pas significativement différents entre les régions – la ville de Kinshasa (32,4 %), les autres zones urbaines (36,0 %) et rurales (35,0 %) –, ce qui explique pourquoi l’inégalité totale résulte de l’inégalité intrarégionale. 28 institutionnel incertain qu’est celui des économies fragiles en général, et dans l’Est de la RDC en particulier (Anten et coll. 2012, Mokose, Manapo Tebello, et Hussein Solomon, 2016).38 Comme expliqué ci-dessus, l’exploitation minière légale et illégale et le commerce de toutes sortes de marchandises, outre la présence de missions de maintien de la paix et des ONG, ont créé des conditions plus favorables à l’éradication de la pauvreté dans les Kivus et dans l’est de la Province Orientale. Figure 2.2 Pauvreté, par ancienne unité administrative locale de premier niveau, 2012 a. Ratio de pauvreté b. Taux de pauvreté (%) Source : RDC, Évaluation de la pauvreté, 2016. 68. Le plus grand nombre de pauvres vit dans des régions où les taux de pauvreté sont relativement faibles et les ménages pauvres tendent à vivre isolés et à avoir des taux de dépendance élevés. Certaines provinces affichent des taux de pauvreté élevés, mais enregistrent un nombre moins important de pauvres en raison de leur faible densité de population. À l’inverse, le nombre de pauvres est plus élevé dans certaines provinces plus peuplées dont les taux de pauvreté sont pourtant moindres. En effet, les provinces à faible taux de pauvreté – dont Kinshasa, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu – comptent le plus grand nombre de pauvres en raison de leur population totale importante. Elles abritaient près de 25 % des 44 millions de pauvres du pays. Les ménages les plus pauvres ont un nombre moyen de 6,8 membres contre 3,6 chez les plus riches. Ces chiffres sont restés stables entre 2005 et 2012. Le nombre d’enfants par membre de ménage en âge de travailler était de 1,3 chez les pauvres contre 0,8 chez les non-pauvres. La RDC est un pays à prédominante rurale et la pauvreté est concentrée dans les forêts tropicales humides. Plus de 60 % des pauvres (26 millions) vivent dans les forêts qui couvrent 55 % à 60 % du territoire national. Les zones forestières, qui abritent 43 % de la population, rencontrent de graves problèmes 38 Anten, Louise et. coll.: The Political Economy of State-building in Situations of Fragility and Conflict: from Analysis to Strategy; A synthesis paper based on studies of Afghanistan, Democratic Republic of Congo, Guatemala, Kosovo and Pakistan; Mokose, Manapo Tebello rt Hussein Solomon: How the war economy centered in the eastern region of the Democratic Republic of the Congo is fueling the conflict in the Great Lakes Region (1998-2016), Acta Academica, 2016 48(2): 1-20. 29 de connectivité. Par ailleurs, les peuples autochtones, qui représentent 1 % de la population globale, constituent un groupe particulièrement vulnérable qui dépend presque exclusivement des ressources de la terre pour leur subsistance. Plus précisément, il s’agit de nomades qui vivent de la chasse et de produits non ligneux. 69. Les pauvres travaillent majoritairement à leur propre compte dans le secteur informel, et la plupart des pauvres en milieu urbain sont des travailleurs indépendants qui exercent dans les services et le commerce, alors qu’en milieu rural, ils travaillent dans l’agriculture (voir Annexe B). En 2012, environ 71 % des pauvres étaient des travailleurs indépendants dans le secteur informel et le travail indépendant représentait 80 % du total des emplois dans les différents groupes sociaux. En milieu urbain, près de la moitié des pauvres était des salariés ou des employeurs tandis que les travailleurs indépendants constituaient l’autre moitié (Figure 2.3 a). La proportion d’employés salariés ou d’employeurs augmente de façon constante avec le niveau de bien-être. À Kinshasa, la moitié des pauvres travaille dans le secteur des services (52,8 %) et un peu plus d’un quart dans celui du commerce (26,5 %). Dans les villes secondaires, le secteur agricole et les services emploient, chacun, un tiers des pauvres. L’agriculture reste le plus grand pourvoyeur d’emploi, occupant 62 % de la population en âge de travailler. Comme l’on pouvait s’y attendre, les pauvres travaillent essentiellement dans le secteur agricole. Plus précisément, 81,2 % des pauvres actifs en milieu rural évoluaient, en 2012, dans ce secteur contre 10,6 % dans le secteur des services. En milieu rural, les trois quarts des 40 % des travailleurs les plus pauvres étaient ouvriers agricoles à leur propre compte, 2,8 % étaient salariés ou employeurs agricoles ; et environ 3,0 % exerçaient en qualité d’aides familiales dans les activités liées à l’agriculture (Figure 2.3 b). Figure 2.3 Type d’emploi par quintile de bien-être et de résidence, 2012 a. Zones urbaines b. Zones rurales Source : RDC, Évaluation de la pauvreté, 2016. 2.2. Dynamiques de la pauvreté : une perspective macroéconomique 70. La très bonne performance économique du pays n’a eu que peu d’impact sur l’incidence de la pauvreté. En 2005-2012, l’élasticité de l’extrême pauvreté à la croissance du PIB était de -0,34, alors que l’élasticité de la pauvreté à croissance du PIB se limitait à seulement 30 -0,27. Cette rigidité de la pauvreté est due aux sources de la croissance et à la gestion des ressources naturelles (voir Chapitre 4). 71. Néanmoins, la bonne performance économique s’est révélée salutaire pour la consommation des 40 % les plus pauvres entre 2005 et 2012. En ce qui concerne le taux de croissance moyen de la consommation des ménages par équivalent d’adulte en 2005-2012, nous notons une croissance de 1,24 % dans l’ensemble de la distribution. Le taux moyen pour les pauvres était de 1,58 % par an et de 0,62 % pour les non-pauvres. Parmi les 10 % les plus pauvres, le taux de croissance moyen de la consommation des ménages s’élevait à 1,7 % contre seulement 0,23 % parmi les 10 % les plus riches. Cette croissance s’avère pour chaque centile, à l’exception des 5 % les plus riches. Ces derniers ont enregistré une baisse annuelle de la consommation de 0,34 %. Ce type de croissance modérée de la consommation favorable aux pauvres se retrouve à l’échelle nationale, en particulier dans les villes secondaires et les zones rurales. Cependant, à Kinshasa, la croissance de la consommation était proche de zéro parmi les pauvres et négative chez les non-pauvres. 72. La croissance de la consommation et la redistribution ont contribué presque à égalité à la réduction du taux de pauvreté de 69,3 à 64 % entre 2005 et 2012. Sur la baisse de 5,3 points de pourcentage de la pauvreté, la croissance de la consommation y a contribué à hauteur de 2,8 points39 contre 2,5 points pour la composante de redistribution. Ces résultats varient considérablement selon les zones. À Kinshasa, la réduction de la pauvreté de 3,5 points de pourcentage résultait de la redistribution et du recul des inégalités, alors que la consommation était négative et qu’elle aurait, à elle seule, entraîné une augmentation de la pauvreté. En effet, si l’inégalité à Kinshasa n’avait pas reculé entre 2005 et 2012, la pauvreté aurait augmenté de 1 point en 2012. Dans les zones rurales, la redistribution a davantage contribué que la croissance à réduire la pauvreté. En milieu rural, le recul des inégalités représentait 57 % de la baisse totale de la pauvreté de 5,6 points de pourcentage. Ce n’est que dans les villes secondaires que la croissance de la consommation a contribué à 98 % à la réduction de la pauvreté. 2.3. Dynamique de la pauvreté : une perspective microéconomique 73. La baisse de la fécondité et l’amélioration des résultats scolaires ont été les principaux facteurs de réduction de la pauvreté. Entre 2005 et 2012, l’évolution de la démographie familiale et la réduction de la taille des ménages ont contribué à 33 % de la différence observée dans les taux de pauvreté. Les structures démographiques des ménages ont légèrement changé. Les taux de dépendance ont diminué dans les zones rurales et urbaines. En 2012, le nombre de grands ménages était moindre qu’en 2005, avec une taille moyenne décroissante observée tant dans les zones urbaines que rurales. Ces résultats suggèrent que l’augmentation du taux de fécondité observée entre 2010 et 2014 (voir Chapitre 5) risque d’éroder la réduction de la pauvreté observée entre 2005 et 2012. 74. Au cours de la période 2005-2012, le niveau d’instruction global s’est considérablement amélioré – indépendamment du groupe de revenu – et a ainsi contribué à 39 La méthode de décomposition de la croissance et de l’inégalité élaborée par Datt et Ravallion (1992) a été utilisée pour évaluer la contribution de la croissance économique et de la variation des inégalités à la réduction de la pauvreté en RDC entre 2005 et 2012. La méthode divise l’évolution de la pauvreté en un effet de croissance neutre sur la distribution, un effet de redistribution et un effet résiduel interprété comme un terme d’interaction. 31 réduire la pauvreté. La contribution globale de l’éducation à la réduction du taux de pauvreté a été estimée à 30,8 %. Le pourcentage de membres des ménages, âgés de six ans ou plus, sans instruction a diminué tandis que les taux d’achèvement des cycles primaire et secondaire ont considérablement augmenté sur cette même période de sept années. Par ailleurs, le pourcentage de membres de ménage de 22 ans ou plus avec un niveau d’éducation postsecondaire a augmenté. D’autres facteurs ont favorisé la réduction de la pauvreté, parmi lesquels : la sortie progressive de la main-d’œuvre du secteur agricole, accompagné d’un plus grand nombre d’emplois salariés, d’une meilleure connectivité (dont témoigne l’augmentation de l’accès aux routes) et l’accès croissant aux terres arables (Figure 2.4). En revanche, la croissance rapide de la population urbaine, l’accès réduit aux marchés et un faible entreprenariat non agricole ont tendance à entraîner une augmentation du taux de pauvreté. Dans l’ensemble, les facteurs ayant contribué à la réduction de la pauvreté l’ont emporté sur ceux qui l’ont exacerbée. Figure 2.4 Principaux facteurs de réduction de la pauvreté, 2005-2012 Source : RDC, Évaluation de la pauvreté, 2016. 75. La sortie de la main d’œuvre du secteur agricole au profit d’emplois salariés est une caractéristique distinctive de la transformation structurelle de la RDC dont ont bénéficié tous les groupes sociaux (voir Annexe B). La sortie de la main d’œuvre du secteur agricole et l’augmentation des emplois salariés ont contribué à réduire la pauvreté à hauteur de 0,5 point entre 2005 et 2012. L’emploi salarié a augmenté de 2,3 points parmi les 40 % les plus pauvres et trois fois plus parmi les 60 % les plus riches. Le taux d’emploi s’est amélioré chez les femmes, et la proportion des employées salariées a augmenté de 3,4 points, pour atteindre 8 % en 2012. La structure de l’emploi a évolué entre 2005 et 2012. Elle se caractérise désormais par davantage d’emplois salariés, au détriment de l’auto-emploi et des travailleurs familiaux non rémunérés, dans tous les quintiles sociaux. La proportion des salariés a atteint 20 % en 2012, à la faveur d’une augmentation de 6 points de pourcentage depuis 2005. De même, la proportion des travailleurs salariés au sein des ménages pauvres a augmenté de 5 points, pour atteindre 17 % en 2012. 76. L’accès amélioré au réseau routier a contribué à hauteur de 13,2 % à la réduction de la pauvreté entre 2005 et 2012. La proportion des ménages vivant à moins de 5 kilomètres de la route la plus proche est passée de 23,6 % en 2005 à 33,8 % en 2012. En 2012, les pauvres étaient donc moins isolés, et l’accès aux routes a augmenté respectivement de 15,3 et 7,7 % pour les trois derniers et les deux premiers quintiles. 32 77. L’accès amélioré aux terres arables apparaît également comme l’un des facteurs de réduction de la pauvreté en RDC. Au cours de la période 2005-2012, l’augmentation de la propriété des terres arables par les membres des ménages représentait 0,04 point de pourcentage dans la réduction du taux de pauvreté à l’échelle nationale (soit 8 % du total de cette réduction). L’accès à la terre est important, mais la terre seule ne suffit pas à améliorer le bien-être des ménages ruraux. La taille des terres cultivées ainsi que l’utilisation des engrais et des semences améliorées est essentielle pour améliorer la productivité. Figure 2.5 Évolution de la proportion de travailleurs dans le 78. Au niveau local, les secteur minier, par l’unité administrative locale de premier provinces ayant subi un niveau, 2005-2012 déclin de l’emploi dans le secteur informel de l’EMAPE ont enregistré une hausse des taux de pauvreté. Même si le taux de pauvreté national a diminué de 5,3 points, les tendances n’ont pas été uniformes au niveau local. Certaines provinces ont enregistré des baisses de taux de pauvreté allant jusqu’à 20 points de pourcentage (Nord-Kivu) tandis que d’autres se sont distinguées par de fortes hausses. Dans le Kasaï Oriental (Kasaï-Oriental, Source : Calculs basés sur les données des enquêtes 1-2-3, 2005, 2012. Lomami et Sankuru), le Kasaï Occidental (maintenant Kasaï et Kasaï Central) et Maniema, le taux de pauvreté a augmenté de 14 à 26 points de pourcentage. En 2005, deux de ces anciennes provinces étaient fortement impliquées dans l’EMAPE, avec un grand nombre de travailleurs dans le secteur. Elles ont, par la suite, subi de lourdes pertes d’emplois dues au déclin global de l’emploi dans le secteur (Figure 2.5). Outre ces pertes directes, la disparition des revenus émanant de l’EMAPE et de ses travailleurs a mené à la baisse de la demande de biens et services non-échangeables. À leur tour, les ménages participant à la production de ces biens et services ont vu une baisse de leurs emplois et revenus. 2.4. Pauvreté rurale, agriculture, risques et vulnérabilité 79. La pauvreté et l’incidence de la pauvreté alimentaire prédominent dans les zones rurales malgré l’immense potentiel agricole de la RDC. L’incidence de la pauvreté est élevée, atteignant 76 % dans les zones de subsistance où la population s’adonne à des activités agricoles et agropastorales de subsistance. En 2012, ces zones abritaient la moitié de toute la population pauvre, soit 22 millions. Certaines de ces zones affichent un taux élevé de pauvreté alimentaire (Figure 2.6). En effet, 81 % des habitants de la zone de production excédentaire en maïs, dans 33 l’ancienne province du Katanga, et 70 % des habitants de la zone de production et de commercialisation des cultures vivrières, dans les anciennes provinces du Kasaï, sont pauvres en nourriture. Cette situation s’explique notamment par la faible productivité par rapport aux autres pays de l’ASS. La valeur ajoutée agricole par travailleur et le rendement céréalier par hectare ont évolué très légèrement entre 2000 et 2013. En 2013, ces indicateurs s’établissaient respectivement à 224 dollars US et 767 kilogrammes par an contre des moyennes de 706 dollars et 1 433 kilogrammes en ASS. Le retrait de l’appui gouvernemental à l’agriculture a amené les agriculteurs à utiliser des équipements rudimentaires et à éviter les intrants modernes tels que les semences améliorées, les engrais et les pesticides (Otchia, 2014). Il existe différents systèmes agricoles en RDC, parmi lesquels de petits agriculteurs de subsistance, de petits agriculteurs commerciaux et de grandes plantations. Les contraintes auxquelles ils sont confrontés sont spécifiques aux différentes zones écologiques du pays. Figure 2.6 Incidence de la pauvreté et pauvreté alimentaire par zone de subsistance rurale, 2012 a. Incidence de la pauvreté b. Pauvreté alimentaire Source : Calculs basés sur les données des enquêtes 1-2-3, 2005,2012. 80. Les contraintes à la production agricole et à sa commercialisation par les petits exploitants en RDC comprennent le manque d’accès aux intrants, une taille moyenne réduite des parcelles, le manque d’infrastructure et d’accès au marché et l’exposition a ux risques agricoles. Les risques les plus fréquents incluent : l’élévation du niveau d’eau des fleuves et des lacs et les inondations soudaines pendant la saison des pluies, les maladies transmises par les ravageurs, l’érosion et la sécheresse. Ces risques peuvent entraîner la famine. Par exemple, en 2012, environ 50 % des ménages vivant dans des zones de subsistance agricole ont déclaré des cas de décès imputables à la sécheresse et à la famine. L’impact de ces risques sur le bien-être des ménages agricoles ruraux a entraîné une insécurité alimentaire en raison de la faiblesse des actifs au niveau de ces ménages (capital social, physique, humain et économique). Les ménages agricoles ruraux représentent un groupe vulnérable car souffrant de niveaux de revenus chroniquement bas, qui se traduisent par une consommation volatile. 34 81. L’insuffisance de la production agricole intérieure contribue à la volatilité des prix des denrées alimentaires et à l’insécurité alimentaire tandis que les conflits pèsent sur les systèmes de production agricole. Alors que la population travaille principalement dans le secteur agricole, seul un tiers des aliments consommés dans le pays est produit localement. La RDC est un importateur net dans chaque catégorie de produit agricole. La population n’est pas autosuffisante sur le plan alimentaire et n’est pas en mesure de produire suffisamment pour couvrir ses propres besoins de consommation. Ce constat est flagrant au regard des taux élevés de pauvreté, des pertes post-récolte, de la faim et de l’absence de réserves alimentaires – cette dernière situation affectant particulièrement les agriculteurs de subsistance. De légères perturbations – telles que celles des transports, en raison d’inondations et des conflits – pourraient influer sur les prix au détail des aliments sur les marchés et avoir des conséquences majeures, notamment pour les pauvres. Par ailleurs, l’insécurité des actifs pour les pauvres (accès à la terre et au bétail), qui est l’un des principaux facteurs de conflits – surtout dans l’Est de la RDC –, a un effet d’entraînement sur l’insécurité alimentaire et la vulnérabilité. L’afflux de réfugiés dans les provinces de l’Est a entraîné une flambée des prix des denrées alimentaires et une crise alimentaire aiguë dans cette région. 2.5. Niveau d’instruction et pauvreté 82. L’amélioration du niveau d’instruction des membres du ménage a eu un impact positif sur la réduction de la pauvreté. Le niveau d’instruction s’est considérablement amélioré entre 2005 et 2012, indépendamment du statut de la population sur le plan de la pauvreté. Fait important, la proportion de membres d’un ménage âgés de 22 ans et plus ayant atteint un niveau d’instruction postsecondaire a également augmenté. Selon une analyse des retombées de l’éducation sur la base des données des enquêtes 1-2-3 auprès des ménages, en 2012, une année d’études supplémentaire était associée à une baisse de 2,5 et 6,2 % du taux de chômage des hommes et des femmes, respectivement. Par ailleurs, une année supplémentaire de scolarité augmente les chances d’obtenir un emploi salarié et de participer à des entreprises familiales non agricoles. 83. L’instruction dispensée au niveau post-primaire manque de pertinence et ne fournit pas de compétences adéquates en sciences, en ingénierie et en technologie. En conséquence, seuls 20 % des élèves du secondaire optent pour des filières scientifiques. Non réglementé, l’enseignement technique et professionnel secondaire et tertiaire est obsolète et ne tient pas suffisamment compte des besoins du secteur privé. Les effectifs des étudiants sont faibles dans les filières de l’enseignement supérieur qui pourraient les orienter vers les secteurs importants pour la croissance économique de la RDC. Les défaillances du système éducatif sont essentiellement dues à une mauvaise gouvernance et une utilisation inefficace des ressources. 84. En dépit d’une amélioration modérée du niveau d’instruction, le pays reste à la traîne par rapport à la plupart des pays d’ASS ; et des écarts subsistent entre les sexes dans les taux de scolarisation et de réussite dans l’enseignement secondaire. Des progrès ont été réalisés en termes d’amélioration de l’accès des filles à l’école primaire. En 2007, la proportion moyenne de femmes inscrites dans l’enseignement primaire était de 44,8 % en RDC contre 47,1 % en ASS. En 2013, cette proportion avait augmenté en RDC pour atteindre un taux de 47,2 %, restant toutefois inférieur de 0,4 point à la moyenne de l’ASS. Si le ratio des femmes inscrites dans l’enseignement secondaire s’améliore, il reste faible en RDC par rapport aux autres pays d’ASS. La proportion 35 des femmes a atteint 38,1 % dans les écoles secondaires en RDC contre une moyenne de 45,7 % en ASS. 85. Les adolescentes abandonnent l’école principalement pour des raisons liées au mariage et aux grossesses alors que les adolescents quittent l’école à cause de difficultés financières. Les raisons principales de la non-fréquentation scolaire des femmes âgées de 15 à 22 ans seraient le mariage et les grossesses. En RDC, le taux de fécondité des adolescentes de 15 à 19 ans est élevé. En 2013, pour 1 000 femmes de 15 à 19 ans, le pays enregistrait 122,9 naissances vivantes contre 105,6 en ASS. Dans les écoles secondaires, aussi bien publiques que privées, le coût de la scolarisation d’un enfant est considérable. En effet, il représente, pour chaque enfant, 17 % des dépenses par tête du ménage. Les taux élevés de fécondité des adolescentes ont des conséquences importantes sur le développement, car ils amplifient la mortalité maternelle à l’accouchement. La maternité précoce réduit également le taux d’instruction et compromet les possibilités futures de formation et d’emploi. 86. Preuve que les interventions stratégiques peuvent être efficaces, les exemptions et la baisse des frais de scolarité permettent aux adolescentes du quintile de richesse le plus bas de rester à l’école. Même si les taux de pauvreté sont plus élevés dans les provinces où les frais de scolarité sont bas, les taux de scolarisation dans ces provinces n’affichent pas de différences liées au genre au niveau des différents quintiles. En revanche, les écarts entre les genres dans les taux de scolarisation chez les adolescents âgés de 13 ans ou plus sont importants dans le quintile le plus bas dans les provinces où les frais de scolarité sont élevés. Les provinces pauvres ont tendance à offrir des exemptions de frais de scolarité, et le coût de l’éducation tend à être plus faible dans ces provinces que dans celles affichant un faible taux de pauvreté. Dans les anciennes provinces de Bandundu, Équateur, Kasaï-Oriental, Kasaï-Occidental et Maniema, 30 % des ménages ayant des enfants de plus de 6 ans ne paient pas de frais de scolarité dans les établissements publics. Dans les provinces à faible taux de pauvreté du Kongo-Central, du Katanga et du Sud-Kivu, 90 % des ménages ayant des enfants de plus de 6 ans paient des frais de scolarité dans les écoles publiques. Dans les provinces où les frais de scolarité sont bas, 21 % des enfants du groupe d’âge de 6 à 12 ans du quintile le plus pauvre ont bénéficié d’exemptions de frais de scolarité en 2012. Dans les provinces à frais de scolarité élevés, seuls 4 % du quintile le plus pauvre bénéficient de ce type d’exemptions. 36 Chapitre 3. Instabilité politique et échecs de la gouvernance : le défi des institutions politiques extractives 87. La RDC a été en proie à de nombreuses crises qui ont conduit à des années de mauvaise gestion, de dysfonctionnement et d’effondrement de l’administration publique ainsi qu’à des problèmes socioéconomiques. Le pays a été confronté à des conflits armés, une détérioration de son économie et des crises politiques et économiques. Dans ce contexte, le cadre de gouvernance actuel manque de transparence, offre peu d’accès à l’information, octroie un important pouvoir discrétionnaire à l’administration et crée un climat d’incertitude sur le plan réglementaire conjugué à une faiblesse globale des mécanismes de redevabilité. Ces problèmes sont perceptibles jusqu’au niveau sectoriel (voir Annexe H). Les mauvais résultats de la RDC en matière de croissance, de création d’emploi et de réduction de la pauvreté s’expliquent notamment par des groupes d’intérêts bien établis. Ces groupes se sont saisis du processus de prise de décision et réglementaire pour préserver et étendre leurs privilèges. 88. En RDC, le caractère patrimonial de la gouvernance entrave les progrès susceptibles de réduire la pauvreté et de mieux partager la prospérité. Selon un rapport de Transparency International publié en 2010, diverses formes de favoritisme politique et de clientélisme sont pratiquées en RDC : « les postes clés de l’administration sont attribués sur la base d’une politique de clientélisme et de favoritisme plutôt que sur le mérite »40. Les efforts visant à lutter contre la corruption qu’évoque ce même rapport ne semblent pas avoir porté leurs fruits. En effet, un rapport de Business Anti-Corruption publié en 2016 indique que « le clientélisme, la recherche de la rente et le favoritisme politique ont eu des effets dévastateurs sur la concurrence loyale, en particulier dans les secteurs impliqués dans les marchés publics et dans les industries extractives ». Et d’ajouter : « l’élite dirigeante a un intérêt direct dans l’économie du pays et oriente souvent les activités économiques en fonction de ses intérêts personnels. » Ce même rapport reconnaît qu’il existe, en RDC, un cadre juridique institué par le Code pénal pour lutter contre la corruption, mais note qu’il n’est pas convenablement mis en œuvre41. En somme, la relation entre l’État et la société civile se caractérise par une relation patron-client avec des institutions formelles faibles et une fusion des sphères privées et publiques. La création et l’entretien d’un réseau formé par une même classe socioéconomique confère à ce groupe une forme d’influence. La répartition des ressources est principalement motivée par des relations et une loyauté d’ordre personnel et se traduit par des faveurs personnelles. L’appartenance ethnique et tribale est souvent utilisée comme alibi pour justifier cette relation patron-client. 3.1. Faiblesses persistantes des indicateurs de gouvernance 89. Au cours de la dernière décennie, la RDC a amélioré sa gouvernance. Selon les Indicateurs de gouvernance mondiaux de 2015 (IGM), la RDC a enregistré un score de 3,85 pour 40 Source : Transparency International, Anticorruption Resource Center et CHR. Institut Michelson : “Overview of corruption and anti-corruption in the Democratic Republic of Congo (DRC)” (Aperçu de la corruption et de la lutte contre la corruption en République démocratique du Congo (RDC)), 8 octobre 2010. http://www.transparency.org/files/content/corruptionqas/257_Corruption_and_anti_corruption_in_the_DRC.pdf 41 Source : Portail GAN Business Anti-Corruption : “DR Congo Corruption Report” (Rapport sur la corruption en République démocratique du Congo), août 2016. http://www.business-anti-corruption.com/country- profiles/democratic-republic-of-the-congo 37 son efficacité gouvernementale (en hausse contre 2,93 en 2005) ; de 6,25 pour la qualité de la réglementation (en hausse contre 3,92 en 2005) ; de 3,37 pour son État de droit (en baisse contre 3,83 en 2005) ; et de 3,81 pour sa stabilité politique et l’absence de violence (en hausse contre 1,45 en 2005) (Figure 3.1). La RDC a légèrement amélioré les principes de participation et la redevabilité, passant d’un IGM de 6,25 en 2005 à un IGM de 12,81 en 2015. Selon l’indice Ibrahim de la gouvernance africaine de 2016, ce même indicateur a connu une augmentation cumulée de plus de 12 points au cours de la dernière décennie – ce gain à deux chiffres est le plus élevé que le pays connaisse. Cette amélioration s’explique, en partie, par le processus de transition vers la décentralisation initié (bien que lentement) par les pouvoirs publics ainsi que par les efforts déployés pour soutenir les réformes des finances publiques et la redevabilité financière (budget participatif). En matière de lutte contre la corruption, l’IGM du pays s’est amélioré, passant de 4,39 en 2005 à 9,13 en 2015. Avec un score de 22 sur 100, la RDC se positionnait cependant au 147e rang sur les 168 pays de l’Index de la perception de la corruption dans le monde publié en 2015. Ce résultat indique que la corruption demeure répandue dans le pays. Figure 3.1 Indicateurs de gouvernance mondiaux, RDC 2005-2015 Source : Banque mondiale, Indicateurs de gouvernance mondiaux 90. Malgré les progrès réalisés au cours de la dernière décennie, les notes de gouvernance de la RDC sont parmi les plus basses au monde et nettement inférieures à la moyenne de l’ASS. Sur l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine 2016 (IIAG), la RDC se positionne au 46e rang sur 54 pays africains, avec un score global de gouvernance de 35,8 sur 100. De 2005 à 2015, la RDC est demeurée parmi les 10 derniers pays du classement de l’IIAG, avec une détérioration importante de la sécurité et de l’État de droit, mais aussi de la participation politique et des droits 38 de l’homme42. Le schéma 3.2 sur l’IGM de 2015 illustre cette tendance. La RDC se positionne au percentile 3,85 en termes d’efficacité des pouvoirs publics, tandis que la moyenne de l’ASS pour la même période est de 27. En comparaison à d’autres pays africains – tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal et l’Île Maurice, qui se positionnent respectivement aux percentiles 28, 39 et 81 –, la RDC accumule un retard considérable. Sur l’indicateur de l’État de droit, la RDC enregistre un score de 3,37 tandis que la moyenne de l’ASS est de 31. Figure 3.2 Comparaison des indicateurs de gouvernance mondiaux 2015 en Afrique subsaharienne Source : Banque mondiale, Indicateurs de gouvernance mondiaux 91. L’amélioration de la performance institutionnelle de l’économie de la RDC et des systèmes de participation politique a stagné en raison de la faiblesse de la gouvernance du pays. Les données de l’indice de transformation de Bertelsmann (BTI) – qui suit les évolutions démocratiques et économiques des pays à la lumière de leur performance institutionnelle – corroborent une tendance à la baisse dans la performance des institutions démocratiques et économiques de la RDC, comme l’ont souligné les indicateurs précédents. Le schéma 3.3 du rapport BTI 2016, qui compare les performances du pays de 2006 à 2016, souligne une détérioration dans le domaine des droits de propriété au cours des dix dernières années en raison des dysfonctionnements de l’administration publique et du système judiciaire. Le rapport met aussi en évidence le faible engagement du pays à l’égard de la promotion des institutions démocratiques, notant que « les institutions clés de la démocratie et de l’État de droit – telles que la constitution, 42 2015 Ibrahim Index of African Governance, Democratic Republic of Congo Country Insights (Index Ibrahim de la gouvernance africaine 2015, République démocratique du Congo, informations pays). accédé le 10 janvier 2017. 39 les élections et les référendums – sont souvent utilisées pour renforcer l’emprise des élites dirigeantes sur le pouvoir », renforçant ainsi la corruption systémique. Figure 3.3 Rapport sur l’indice de transformation Bertelsmann, RDC 2006-2016 Source : Indice de transformation Bertelsmann, 2016. 3.2. La faiblesse de la gouvernance a de lourdes conséquences 92. En RDC, les règlements politiques résultent de la compétition entre plusieurs personnalités43 et les initiatives visant à améliorer la gouvernance nécessitent d’être soigneusement planifiées. Dans le pays, les règlements politiques s’effectuent dans le cadre d’une compétition personnalisée, où la politique est compétitive44 mais les règles régissant à la fois la politique et l’économie demeurent personnalisées45. Dans les pays où prédomine la compétition 43 Un règlement politique qui établit les règles formelles et informelles de gestion des relations politiques et économiques est compétitif lorsqu’il est structuré autour d’une trêve au cours de laquelle les forces rivales s’accordent sur les règles de la compétition politique. Au Congo, le socle de la formation de coalitions politiques est la relation personnalisée qui se traduit par une combinaison de négociations et de répartition des rentes entre les élites. Au cours de la période postérieure à l’indépendance, la relation personnalisée entre les élites ( les évolués) a joué un rôle important dans l’élaboration des négociations politiques et l’établissement d’une relation mutuellement bénéfique en en termes de consolidation et de survie politiques. 44 Les alliances et partis politiques comprennent la Majorité présidentielle (alliance au pouvoir composée de nombreux partis plus petits), le Mouvement pour la libération du Congo (dirigé par Jean-Pierre Bemba), le Parti Lumumbiste unifié (Antoine Gizenga), le Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (Parti présidentiel), le Rassemblement congolais pour la démocratie (Azarias Ruberwa), le Rassemblement congolais pour la démocratie- Kisangani/le Mouvement de libération (Mbusa Nyamwisi), l’Union des démocrates Mobutistes (Nzanga Mobutu), l’Union pour la nation congolaise (Vital Kamerhe) et l’Union pour la démocratie et le progrès social (Félix Tshisekedi). Le pays compte en tout près de 400 partis politiques. 45 Op. Cit. Lecoq, B. 2014. Working with the Grain: Integrating Governance and Growth in Development Strategies, Oxford University Press, New York. 40 personnalisée, la politique est organisée autour d’interactions personnalisées et les rentes sont distribuées entre les élites. En RDC, il est très important de séquencer les réformes de gouvernance, car les réformes ayant vocation à perturber les équilibres existants sont susceptibles d’être contestées et/ou sabotées. Dans les premiers temps d’un processus de réforme, il y aura une résistance aux réformes globales de la gestion du secteur public car elles visent à limiter le pouvoir discrétionnaire et personnalisé. 93. L’exclusion des plus faibles des processus décisionnels a d’importantes conséquences pour une population qui pâtit de la quasi-inexistence des services publics. L’effondrement de l’État a duré pendant plusieurs décennies et la fonction publique n’est aujourd’hui pas en mesure de fournir des services convenables. Des millions de Congolais n’ont pas accès à l’eau, à l’assainissement, à des routes praticables en toutes saisons et à l’électricité. Beaucoup ne peuvent avoir accès à une éducation et à des soins de santé de qualité. Autrefois exportateur de produits alimentaires, la RDC peine désormais à satisfaire les besoins nutritionnels de base de ses citoyens. L’activité des milices et les conflits ethniques dans plusieurs régions du pays, l’insécurité dans l’Est et les abus commis par la police et les forces de sécurité exposent la population à la violence et à l’insécurité. 94. Les femmes constituent un important groupe vulnérable. Les femmes sont largement en charge de la survie et de la cohésion de la famille et elles sont devenues des actrices importantes de l’économie informelle dominante. Cependant, elles sont souvent marginalisées dans les processus de prise de décisions, tant au sein de la famille qu’au niveau politique national. À titre d’exemple, seuls 8 des 67 membres du gouvernement Samy Badibanga (décembre 2016-avril 2017) étaient des femmes. La représentation politique des femmes dans les deux chambres du Parlement reste faible. Ces dernières ne représentent que 8,9 % de la composition de l’Assemblée nationale, occupant 44 sièges sur 492, et seulement 4,6 % du Sénat, avec 5 sièges sur 108. Plus grave encore, la révision de la loi électorale adoptée en 2015 a supprimé une disposition prévoyant un quota de 30 % pour la représentation des femmes au niveau national. Cette mesure risque de nuire aux acquis en matière de participation politique des femmes46. 95. Le manque de confiance et de redevabilité est la principale caractéristique de la relation entre l’État et la société civile. Refuser d’accorder des droits et compromettre l’égalité des chances, la participation et l’accès aux ressources et aux services sont des éléments caractéristiques des règles qui, en RDC, régissent la relation entre l’État et la société civile. Le pays n’a jamais mis en place de contrat social fondé sur la redevabilité vis-à-vis des citoyens. Les relations entre l’État et son peuple relèvent communément de l’exploitation et de la prédation47. La disponibilité des revenus tirés des ressources naturelles réduit la motivation des législateurs de répondre aux intérêts exprimés par la société et aux enjeux de l’économie en général. La population ne profite pas des retombées des rentes provenant des ressources naturelles 48. Les décisions 46 Voir http://www.ipu.org/wmn-e/classif.htm 47 De nombreux rapports ont documenté la longue tradition de gestion prédatrice des ressources naturelles. En particulier, Global Witness a montré comment les richesses naturelles considérables de la RDC sont exploitées au profit d’un petit nombre d’acteurs commerciaux et politiques, au détriment de la population. Consultez le rapport à http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/8A6BAC4CBE4F056785256ECA00130FF8-gw-cod-30jul.pdf 48 Un rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC décrit l’ampleur des pertes et des fuites de revenus provenant des ressources naturelles. Consultez le rapport à https://www.srwolf.com/reports/UNCONGO.pdf 41 relatives à l’attribution des concessions et les accords de partenariat, notamment avec les entreprises étrangères et les multinationales, sont prises au plus haut niveau de l’État. Les dispositions formelles régissant le flux des ressources issues des ressources naturelles et à destination des communautés locales ne sont pas appliquées. De nombreux Congolais se retrouvent au cœur de relations de pouvoir complexes où le pouvoir de l’État est utilisé pour l’extorsion et l’exclusion. Fréquemment, les agents du gouvernement perçoivent l’impôt de manière informelle et illégale et le public n’est souvent pas en mesure de savoir s’il s’agit de prélèvements légaux (Afoaku 2010 et Lamer et al. 2013)49. 96. L’évolution erratique de la situation politique résulte de la prédominance des institutions économiques et politiques extractives et de la défaillance des institutions étatiques. Les institutions économiques et politiques de la RDC ne sont pas encore en mesure d’encourager la réalisation d’un programme de développement inclusif du pays. Des tensions persistent au niveau du respect des droits de propriété, et la population attend toujours que ses besoins en services publics de base soient satisfaits, en vue d’un progrès économique et social durable. Au sein des institutions, le débat est permanent entre, d’une part la vision d’une gestion des ressources au service du développement durable et, d’autre part, la tendance à utiliser ces ressources en fonction des intérêts économiques et politiques immédiats. Comme Acemoglu et Robinson (2012, 368, 372) auraient pu le faire remarquer dans le contexte de la RDC : « La raison la plus commune qui explique pourquoi les nations échouent aujourd’hui, c’est qu’elles ont des institutions extractives ... Les nations échouent aujourd’hui parce que leurs institutions économiques extractives ne créent pas les incitations nécessaires pour que les gens puissent épargner, investir et innover. Des institutions politiques extractives soutiennent ces institutions économiques en renforçant le pouvoir de ceux qui bénéficient de l’extraction. Les institutions économiques et politiques extractives, bien que leurs spécificités varient selon les circonstances, sont toujours à la base de cet échec. » 97. L’absence d’institutions à même d’arbitrer les contentieux fonciers et miniers – et les griefs sous-jacents – constitue une source majeure de conflits en RDC. Pendant des décennies, les acteurs politiques et les groupes armés ont manipulé les identités ethniques et communautaires dans les provinces orientales. Cette manipulation de l’appartenance ethnique et de l’identité a entraîné des conflits armés et des migrations dans la région des Grands Lacs qui ont engendré l’exclusion sociale et politique et une perte d’identité, entretenant ainsi l’instabilité et déclenchant le déplacement forcé d’un grand nombre de personnes. Cette manipulation se reflète aussi dans la compétition pour l’occupation des terres, qui conduit à une privation des droits et à des conflits. 3.3. Symptômes de la faiblesse de la gouvernance dans la gestion fiscale et l’administration publique 98. En RDC, l’assiette restreinte des recettes fiscales ne permet pas aux pouvoirs publics de mobiliser les revenus nécessaires pour financer leurs propres activités et fournir des services publics. Seule une petite part de la population paie des impôts. Cette base étroite résulte 49 Afoaku, O. (2010) Countries at the Crossroads (Pays aux carrefours). Freedom House. Lamer, M. Laudati, A. et Clark, J.F. (2013) “Neither war nor peace in the Democratic Repub lic of Congo: profiting and coping amid violence and disorder” (Ni guerre ni paix en République démocratique du Congo : profiter de la violence et du désordre et y faire face) Review of African Political Economy, 40: 135, 1-12. 42 de la structure économique de la RDC – laquelle se caractérise par une forte dépendance à l’égard des ressources naturelles et la prévalence du secteur informel. Elle s’explique aussi par le cadre juridique du pays, lequel accorde aux investisseurs des exonérations fiscales et des privilèges qui ne relèvent pas du Code général des impôts. En outre, l’utilisation discrétionnaire excessive des exonérations fiscales portant sur la plupart des revenus fiscaux – tels que l’impôt sur le revenu des particuliers, l’impôt sur les sociétés, la TVA et les droits d’accise – engendre un rétrécissement additionnel de l’assiette fiscale. La faiblesse de l’administration fiscale et, par voie de conséquence, l’évasion fiscale, réduisent encore davantage l’assiette fiscale. 99. Le budget national est minime au regard de la taille du pays, de sa population et de sa richesse en ressources naturelles. En dépit de la faiblesse du budget dont ils disposent, les pouvoirs publics luttent pour le mettre en œuvre. La gestion des dépenses publiques et des marchés publics est confrontée à des goulots d’étranglement qui réduisent le taux d’exécution du budget et l’efficacité des dépenses publiques dans les secteurs prioritaires. Entre 2012 et 2014, le taux global d’exécution du budget oscillait autour de 55 %, pour atteindre 59 % en 201550. Il est nécessaire de renforcer la capacité budgétaire des ministères concernés. L’exécution du budget affecté par : (1) des étapes redondantes et longues dans les processus d’exécution du budget, notamment les nombreuses interventions politiques dans l’approbation des engagements et des paiements ; (2) de l’abus dans l’utilisation de procédures exceptionnelles ou d’urgence ; (3) de la centralisation excessive de l’autorité de l’exécution du budget aux ministères des Finances et du Budget ; et (4) de l’utilisation inefficace des procédures et des entités de passation des marchés publics, en particulier des unités de passation des marchés qui ne sont pas encore pleinement opérationnelles. 100. Le recours au pouvoir discrétionnaire s’est généralisé en raison de la faiblesse des institutions formelles chargées de la surveillance des finances publiques. Certains éléments indiquent que ces institutions ont été délibérément affaiblies en les privant de fonds. C’est le cas notamment de la Cour des comptes, de l’Inspection générale des finances et de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP). Progressivement affaibli, le rôle des comptables publics a laissé place à des formes plus légères de compte-rendu (reporting) financier. L’Assemblée nationale a toujours reçu un financement adéquat, mais elle a montré très peu d’intérêt à jouer son rôle en matière de surveillance financière. Cette faiblesse peut, en partie, s’expliquer par les contraintes de capacité du Parlement. Cependant, les parlementaires ne sont guère incités à contrôler l’action de l’exécutif puisque le Parlement est dominé par des partis politiques qui font partie de la majorité présidentielle. 101. Les progrès des réformes administratives sont limités et fragiles en l’absence d’une appropriation par les acteurs locaux et en raison d’une compréhension réduite des réalités locales par les bailleurs de fonds. Selon l’évaluation professionnelle des spécialistes travaillant sur les réformes administratives en RDC, les structures qui font l’objet de projets de réforme sont généralement très faibles et désorganisées. Par conséquent, ces réformes nécessitent beaucoup de patience et de soutien pratique, ainsi qu’une compréhension des réalités locales (Saint-Martin 2008, Marchal et coll. 2007, Iyaka 2010). Saint-Martin (2008) soutient que les réformes administratives ne peuvent se limiter à la mise en place de cadres juridiques, à une nouvelle rédaction des règles et des règlements ainsi qu’à la conception de nouveaux organigrammes et 50 République démocratique du Congo : Rapport de suivi de la situation économique et financière. Banque mondiale, 2016. 43 plans de travail. Il souligne que, pour être efficaces, les réformes doivent se confronter aux valeurs et à la culture locales et révolutionner les mentalités. Encadré 3.1. Évolution politique en RDC depuis 2013 En décembre 2013, le président Kabila a signé l’ordonnance 13/078 qui régit la création, l’organisation et le fonctionnement d’une série de consultations nationales. La plupart des dirigeants politiques et des partis ont accueilli favorablement cette l’initiative, à l’exception du principal chef de l’opposition, Étienne Tshisekedi. Dans ces circonstances, le président a annoncé, plus d’un an après les consultations nationales, la formation d’un nouveau gouvernement composé de 42 ministres – dont 7 venaient de l’opposition. Augustin Matata Ponyo Mapon a été confirmé dans ses fonctions de Premier ministre. Au début de l’année 2015, l’opposition a estimé que l’adoption d’une loi – qui exigeait un recensement national avant toute nouvelle élection – visait à retarder les élections prévues en 2016. Des manifestations ont éclaté à Kinshasa et ailleurs, et il s’en est suivi une modification de la loi. L’opposition a également demandé qu’un nouveau calendrier électoral soit établi. Le 14 septembre 2015, un groupe de sept dirigeants des partis d’opposition représentés au gouvernement a adressé une lettre au président Kabila lui demandant d’indiquer clairement qu’il respecterait la constitution de 2006. Il s’en est suivi un remaniement ministériel. Le second mandat du Président Kabila a expiré en décembre 2016 et les élections ont été reportées avec un engagement de les tenir avant la fin de 2017. Les problèmes relatifs aux élections ont entraîné des tensions internes et un retard dans la mise en œuvre des réformes clés. Des manifestations ont éclaté le 19 septembre 2016, et en parallèle, la relation de la RDC avec certains pays s’est détériorée. L’Union européenne et les États-Unis ont imposé des sanctions financières contre de hauts responsables du gouvernement et de l’armée. Le 31 décembre 2016, des pourparlers engagés par les évêques catholiques ont abouti à un accord politique. Plus tôt, en octobre 2016, le président Kabila a nommé un nouveau Premier ministre, après avoir conclu un accord avec une partie de l’opposition. Le nouveau Premier ministre, M. Samy Badibanga, ancien membre de l’UDPS, principal groupe d’opposition, a formé un gouvernement composé de 67 membres. Le 5 avril 2017, le président Joseph Kabila, dans son allocution aux chambres basse et haute du Parlement, a annoncé qu’il nommerait un nouveau Premier ministre dans le cadre de l’accord politique conclu en décembre 2016. Il a alors nommé M. Bruno Tshibala, un membre de l’UDPS ne reconnaissant pas l’autorité de Félix Tshisekedi (fils du feu Étienne Tshisekedi), au poste de Premier ministre. Celui-ci a présenté son cabinet le 9 mai 2017. Il compte 53 ministres, dont seulement trois sont nouveaux et de l’opposition. En Novembre 2017, les autorités ont publié un calendrier électoral fixant les élections au 23 Décembre 2018. La principale coalition d’opposition, dirigée par Félix Tshisekedi, a rejeté ce calendrier et continue de contester la légitimité du gouvernement. Source : Équipes de la Banque mondiale, en se basant sur les dernières évolutions à fin 2017. 44 Chapitre 4. Le défi : Assurer une croissance durable et inclusive 102. La principale question qui se pose est de savoir pourquoi les bonnes performances économiques de la RDC observées entre 2010 et 2015 ne se sont pas traduites par une amélioration des conditions de vie de la majorité de la population. Les politiques engagées par le gouvernement au cours de cette période ont assuré la stabilisation macroéconomique. Cependant, il existe un point de vue qui considère que la croissance au cours de cette même période n’a pas été inclusive. Le présent chapitre vise donc à souligner ce qui suit : (1) la forte croissance enregistrée ces dernières années résulte davantage d’une convergence des revenus vers les revenus moyens de l’économie mondiale (par l’effet de rattrapage) que du rythme d’une croissance dynamique qui aurait pu mener à une réduction sensible de la pauvreté ; (2) le lien entre croissance et réduction de la pauvreté est faible en RDC ; (3) en règle générale, les sources de la croissance ne favorisent pas l’inclusion ; de plus, les choix politiques et la mauvaise gestion des industries extractives renforcent cette tendance ; (4) plusieurs contraintes pèsent sur la croissance durable et inclusive ; et (5) les politiques qui ont été mises en œuvre visent, en priorité, à stabiliser l’économie plutôt qu’à rendre la croissance inclusive. 4.1. Croissance : un rattrapage non inclusif 103. Les taux de croissance élevés qu’a connus le pays ces dernières années sont le reflet d’un effet de rattrapage. L’effet de rattrapage a résulté d’un super-cycle des matières premières (conjoncture favorable), de la mise en œuvre de politiques économiques saines et de réformes structurelles (bonnes politiques), et d’une aide étrangère massive (conjoncture favorable)51. Avant que les autorités ne commencent, en 2001, à remédier aux conditions économiques et sociales extrêmes, la mauvaise gestion économique, le conflit et l’absence générale de gouvernance avaient fait perdre quatre décennies au pays. Le Programme intérimaire renforcé (juin 2001-mars 2002) du gouvernement a produit des résultats remarquables. Il a notamment mis un coup d’arrêt à l’hyperinflation, renforcé les finances publiques et créé les conditions de la reprise de la croissance. En 2002, et pour la première fois en 13 ans, l’économie enregistrait une croissance de 2,9 % ; partant d’une faible base (PIB nominal de près de 7,4 milliards de dollars en 2001 contre 35,7 milliards en 2016). Cependant, le PIB par habitant représentait, en 2016, moins de 40 % de son niveau en 1970 (387 dollars contre 1016 en dollars constants de 2010)52. 104. Des flux massifs de ressources ont été consacrés à la consolidation de la paix, à la reconstruction des infrastructures du pays et à la revitalisation de l’industrie minière. Les investissements dans les projets d’infrastructure et dans le secteur minier ont été les moteurs d’une croissance qui s’établissait à près de deux chiffres. Les grandes industries minières qui avaient fermé dans les années 1980 et 1990 ont rouvert, bien que l’EAPE, essentiellement informelle, continue à produire53 et à employer près d’un million de personnes (4 % de la tranche d’âge des 15-64 ans), y compris des femmes. La reprise des activités minières à grande échelle s’explique 51 À la suite des progrès réalisés dans la mise en œuvre de politiques économiques saines et de réformes structurelles soutenues par la Banque mondiale et le FMI au cours de la dernière Stratégie d’aide au pays (désormais Cadre de partenariat pays), la RDC a atteint le point d’achèvement de l’Initiative PPTE et, en juillet 2010, elle a bénéficié d’une annulation de sa dette à hauteur de 12,3 milliards de dollars, la plus importante de l’histoire de l’Initiative PPTE. 52 Source : base de données des IDM (WDI database). 53 La révision des comptes nationaux révèle que l’activité minière informelle ( EAPE pour l’essentiel), génère plus de 50% de la valeur ajoutée du secteur de l’extraction, (INS 2013). 45 par la création de joint-ventures entre des entreprises publiques (EP) – notamment le géant des mines Gécamines – et des entreprises étrangères. En 2010, l’extension d’une mine de grande ampleur (Tenke Fungurume Mining, une joint-venture entre Freeport McMoran et Gécamines) a accéléré la croissance du secteur minier de 25 %. 105. La croissance économique que connaît le pays depuis 2002 ne s’est pas accompagnée d’un niveau de création d’emplois équivalent et d’un partage des revenus au profit des populations les plus pauvres et les plus vulnérables. Les périodes suivant la fin d’un conflit social présentent des opportunités économiques. Comme Collier et Hoeffler (2002, 2) l’ont fait remarquer : « les situations économiques des sociétés sortant de conflits sont différentes, à plusieurs égards… En général, les opportunités de reprise favorisent une phase de croissance supranormale. La nécessité de remettre en état les infrastructures et l’effondrement des recettes tendent à rendre l’aide exceptionnellement productive »54. Toutefois, ce type de croissance ne s’accompagne habituellement pas de progrès sociaux majeurs (Cerra et Saxena, 2008). En témoigne la faible amélioration des indicateurs de développement social en RDC (voir chapitre 5). En effet, le rattrapage rapide semble être, par nature, non inclusif. Dès lors, l’accès d’une partie plus large de la population aux bénéfices de la croissance dépend de son caractère durable et de son dynamisme structurel ultérieurs. 4.2. Le chaînon manquant entre croissance et réduction de la pauvreté 106. Bien qu’elle progresse, la contribution du secteur extractif du pays à la croissance inclusive reste inférieure à son potentiel. Premièrement, le développement de l’exploitation minière industrielle et fortement capitaliste ne crée que peu d’emplois, contrairement à l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EAPE) qui contribue, elle, à l’emploi et aux moyens de subsistance des populations rurales. Deuxièmement, une grande partie des revenus de l’extraction est soit transférée à l’étranger, soit accaparée par des groupes d’intérêt sans qu’elle parvienne aux pauvres et aux personnes vulnérables. Troisièmement, la contribution du secteur extractif au budget du gouvernement est faible en raison des exemptions, traitements de faveur, régimes spéciaux, dysfonctionnements institutionnels et de la faiblesse de la capacité administrative. Par conséquent, les ressources allouées aux secteurs prioritaires sociaux et des infrastructures sont limitées, et ce particulièrement au regard des défis considérables de développement du pays. Quatrièmement, les externalités environnementales et sociales négatives des projets d’extraction posent des défis importants à la croissance inclusive. La gestion de ces externalités exige de redoubler d’efforts pour réguler les activités extractives et de donner aux citoyens les moyens de jouer leur rôle de supervision et de plaidoyer. 107. La persistance de la pauvreté, en dépit d’une croissance vigoureuse, s’explique à la fois par les sources de cette croissance et la gestion des ressources naturelles. Au cours de la décennie écoulée, l’élasticité moyenne de la pauvreté par rapport à la croissance du PIB n’était que de -0,27. En effet, grâce au développement de l’exploitation minière industrielle, le secteur minier a représenté plus de la moitié de la croissance du pays jusqu’à la fin du super-cycle des matières premières en 2015. Toutefois, comme souligné au chapitre 2, le développement de l’exploitation minière a eu une incidence contradictoire sur l’emploi et la pauvreté. Les mines 54 Paul Collier et Anke Hoeffler. 2002. Aid, Policy, and Growth in Post-conflict Societies. Document de travail de recherche politique 2902, Banque mondiale, Washington, DC. 46 industrielles ont créé des emplois dans quelques régions (notamment l’ancienne province du Katanga) et l’EAPE est restée forte dans les provinces du Kivu et dans la partie est de la province Orientale. En revanche, les deux anciennes provinces du Kasaï ont enregistré des pertes massives d’emplois dans l’EAPE alors que, dans le même temps, les taux de pauvreté augmentaient. 108. Les revenus des ressortissants de la RDC – tant ceux du secteur public que du secteur privé – n’ont pas suivi le rythme élevé de la croissance du PIB. En dépit de la forte contribution de l’industrie minière à la croissance économique globale, la RDC n’a pas été en mesure de conserver dans l’économie nationale une part substantielle des revenus et richesses générés par le secteur minier. Ce constat est vrai pour les revenus des employés de l’EAPE, dont le nombre est en baisse alors qu’ils continuent d’être sous-rémunérés et à travailler dans des conditions épouvantables. Cela est également vrai pour l’exploitation minière industrielle à forte intensité capitalistique, dont les transferts de revenus vers le secteur public restent inférieurs à leur potentiel. En effet, au plus fort du cycle des matières premières, les paiements du revenu des facteurs au reste du monde pour rémunérer les investissements directs étrangers dans le secteur de l’extraction ont augmenté rapidement. Cela signifie qu’une grande partie de la valeur ajoutée générée dans le secteur n’a pas bénéficié à la RDC. Ainsi, alors que la croissance du PIB par habitant s’élevait, en moyenne, à 4,2 % en 2010-2014, la croissance du RNBD par habitant se limitait à une moyenne de 2,7 % (voir Annexe C pour plus de détails). Comme le RNBD est la contrepartie en ressources de la demande agrégée domestique, sa progression à un rythme plus lent que celle du PIB signifie que le modèle de croissance n’a profité à la population que partiellement en termes d’amélioration de son bien-être et d’augmentation de sa consommation. 109. La croissance du secteur minier ne s’est pas traduite par une augmentation importante des recettes publiques, ce qui explique, en partie, la progression insuffisante du RNDB. La RDC combine l’un des ratios de rentes des ressources naturelles au PIB les plus élevés au monde (38 % du PIB en 2014 et 7e place) avec l’un des ratios de recettes domestiques au PIB les plus bas (13,3 % du PIB : 92e sur 99 pays en 2014). Le Trésor public a collecté des recettes qui représentaient 13,6 % du PIB en 2015, dont 3,1 % du PIB provenaient des industries extractives et constituaient 22,8 % des recettes budgétaires. En somme, la contribution du secteur au partage des revenus est restée en deçà de son potentiel, privant le secteur public des ressources dont il a besoin pour augmenter sa propre capacité et financer les dépenses sociales et en infrastructure indispensables pour réduire la pauvreté. 4.3. Les obstacles à la croissance inclusive et durable 110. La faiblesse de la gouvernance et des institutions constitue l’obstacle le plus important à la croissance inclusive en RDC55. Comme le montre l’expérience des pays d’Asie de l’Est, il existe un lien étroit entre, d’une part, la gouvernance et le renforcement des institutions et, d’autre part, une croissance durable et qui favorise la réduction de la pauvreté. Le Tableau 4.1 compare la 55 Albassam 2013 ; Furubotn et Richter 2005 ; Kaufman et Kraay 2008 ; Mantzavinos 2001, établissent clairement que la bonne gouvernance et des institutions fortes sont essentielles pour créer une croissance économique durable et inclusive. Acemoglu et Robinson (2012) cherchent, pour leur part, à comprendre pourquoi et comment la gouvernance exerce une influence sur le développement économique. Kaufmann et Kraay (2002) font valoir qu’il existe une corrélation positive entre la qualité de la gouvernance et la croissance économique. Dans leur dernière évaluation des Indicateurs de la gouvernance dans le monde de 1996 à 2002, ils constatent que « les revenus par habitant et la qualité de la gouvernance sont fortement et positivement corrélés dans les différents pays » (Kaufmann et Kraay 2002, 1). 47 situation de la RDC en 2014 avec les niveaux de développement de ces pays asiatiques avant l’accélération de leur croissance. La RDC obtient un meilleur score en termes de scolarisation et d’institutions politiques. Cela signifie que le système éducatif de la RDC est relativement bien placé pour maintenir la croissance, à condition que les autres facteurs de croissance inclusive et durable soient pris en compte. Pour les institutions politiques, c’était également le cas en 2014, mais la situation pourrait avoir changé depuis. Pour les autres dimensions, tels que les institutions économiques, la gouvernance et le coût de la création d’entreprise, les scores de la RDC en 2014 sont, de loin, inférieurs à ceux des pays d’Asie de l’Est au début de leur phase de croissance. Tableau 4.1. Institutions et coût des affaires : Indicateurs de la RDC et des pays de comparaison Score Indicateur Pays ayant une croissance RDC-2014 soutenue Institutions politiques Forme de gouvernement 5,0 2,2 Institutions économiques Risque économique b 21,8 31,7 Risque lié à l’investissement 6,0 7,1 Gouvernance Contrôle de la corruption 1,0 3,4 Développement humain Taux de scolarisation au primaire (% brut) 110,9 84,0 Taux de scolarisation au secondaire (% brut) 43,3 18,4 Taux de scolarisation au niveau supérieur (% 8,2 2,8 brut) Coût des affaires Temps pour payer les impôts (en heures par an) 346 348 Montant total de l’impôt à payer (% of de la 54,6 44,0 marge brute) Coût d’accès (mesuré en % du revenu par 29,3 25,0 habitant) Coût à l’exportation 3.365 558 Coût à l’importation 4.290 641 a. Le forme de gouvernement fait référence à une démocratie institutionnalisée (l’existence de contraintes institutionnalisées sur l’exercice du pouvoir) et à une autocratie institutionnalisée (tous systèmes politiques qui ont pour dénominateurs communs l’absence de compétition politique basée sur des règles et de préoccupation pour les libertés politiques). Les scores vont de +10 (très démocratique) à −10 (très autocratique). b. Les scores pour le risque économique vont de 1 à 50. Plus le score est élevé, moins le risque l’est. Pour les pays ayant une croissance soutenue, les données concernent l’année 1984, et pour la RDC, 2014. c. Les scores pour le risque lié à l’investissement vont de 1 à 12. Pour les pays ayant une croissance soutenue, les données portent sur l’année 1996, et pour la RDC, l’année 2014. 111. La corruption est un facteur de blocage en RDC, et il faut la combattre pour créer un environnement efficace. Sur une échelle allant de 0 (corruption élevée) à 6, la RDC a obtenu le score de 1 tandis que les pays de comparaison enregistraient un score de 3,4. En outre, en 2015, le 48 pays était classé 147e sur un total de 167 pays évalués par l’Indice de perception de la corruption de Transparency International. Il a obtenu un score de 22 sur une échelle allant de 0 (très corrompu) à 100 (très peu corrompu).56 En 2015, la Malaisie, l’un des pays qui affichent une croissance soutenue, a obtenu le score de 85 et s’est classée en 8e position sur 167 pays. Ces résultats sont corroborés par le fait que 75 % des répondants au Baromètre mondial de la corruption 2011 estimaient que la corruption avait augmenté durant les trois années précédant l’enquête (Transparency International, 2011). 112. Fort de ces résultats, le gouvernement devrait faire du renforcement de la gouvernance et des institutions une priorité s’il veut parvenir, dans les années à venir, à une croissance inclusive. Dans la plupart des pays ayant maintenu une croissance soutenue, l’amélioration des institutions économiques est intervenue au début de l’accélération de la croissance. À titre d’exemple, en 1960, la Corée, la Thaïlande et l’Indonésie se situaient en dessous de la moyenne pour ce qui est du risque d’investissement avant de la dépasser en 1984. La Banque mondiale (1993) a noté que le climat des investissements en Chine s’était spectaculairement amélioré, et ce relativement tôt, au cours de la phase d’accélération de la croissance du pays. 113. Le mauvais état des infrastructures constitue aussi un obstacle majeur à la croissance durable et inclusive du pays57. Même comparée à l’ASS, la RDC se situe en bas du classement de la quasi-totalité des indicateurs de dotation en infrastructures58. Les écarts sont particulièrement importants en ce qui concerne le transport routier, l’approvisionnement en électricité et l’accès à des sources d’eau améliorées59. Alors que le pays est presque totalement enclavé, le mauvais état des infrastructures de transport ne fait qu’aggraver son isolement géographique et les inégalités sociales et économiques dans les différentes provinces ainsi qu’entre les zones urbaines et rurales. La production d’électricité constitue l’un des plus grands défis en matière d’infrastructure. Seuls 15 % de la population a accès à l’électricité, contre 35 % en moyenne en ASS. En outre, les entreprises considèrent la fourniture d’électricité comme une contrainte majeure, ce à quoi s’ajoutent des problèmes de fiabilité de la distribution de l’électricité. Les coupures se produisent en moyenne dix fois par mois. Le taux de pénétration d’Internet n’est que de 1,7 utilisateur pour 100 habitants, et le pays est à la traîne de la plupart des pays de comparaison dans la région en termes d’accès à Internet et aux services de téléphonie fixe et mobile. L’accès à des sources d’eau améliorées se situe à 52,4 % (81,1 % dans les zones urbaines et seulement 31,2 % dans les zones rurales), tandis que l’accès à des installations sanitaires améliorées est de 28,7 %. 114. Améliorer la qualité des infrastructures relèvera les niveaux de production et augmentera les connectivités nationale, régionale, et globale du marché, accélérant ainsi la croissance économique. Selon Ulloa, Scheuermaier et Baissac (2012), la mauvaise qualité des infrastructures et l’accès limité au financement sont les principaux obstacles à la croissance agricole. Parmi les freins à la croissance non agricole figurent une fourniture d’électricité peu fiable, un accès limité au financement et un fonctionnement insatisfaisant de l’État. Par conséquent, les projets d’infrastructure jouent un rôle important, car ils amplifient la demande 56 IPC (Indice de perception de la corruption) (base de données), Transparency International, Londres. http://www.transparency.org/research/cpi/overview 57 Mémorandum économique, vol. 3, 2012. 58 Indicateurs du développement dans le monde (base de données), Banque mondiale, Washington, DC, http://data.worldbank.org/data-catalog/world-development-indicators 59 Voir Foster et Benitez (2010). 49 globale et l’emploi et desserrent les goulots d’étranglement qui entravent la croissance et la réduction de la pauvreté (BAD, JBIC et Banque mondiale 2005 ; Chatterjee et al. 2004). L’enclavement dû aux mauvaises infrastructures de transport a un effet négatif manifeste sur la diversification de l’agriculture, les prix à la production et la réduction de la pauvreté. Les projets de transport qui augmentent la disponibilité des biens et réduisent les coûts de transport font baisser les prix des matières premières et des intrants essentiels pour les agriculteurs et par conséquent, réduisent la pauvreté. L’amélioration des infrastructures stimule la productivité des entreprises et leur permet de bénéficier d’une main-d’œuvre abondante. Cela contribue également au développement humain en améliorant l’accès à des sources d’eau améliorées et à de meilleurs services de santé, ainsi qu’à l’électricité dans les écoles et les hôpitaux. Ces résultats se renforcent mutuellement. Conjugués aux avancées en matière de gouvernance et à des mesures visant à améliorer significativement l’environnement des affaires et la qualité de la main-d’œuvre, ils promeuvent, à terme, une transformation structurelle plus profonde encore de l’économie (voir chapitres 5 et 9 pour en savoir plus sur le problème d’infrastructures en RDC). 115. Afin de déterminer si la croissance d’une économie est véritablement durable, il faut aussi tenir compte de l’épuisement du capital naturel. L’épargne nette ajustée (ENA) d’un pays tient compte de l’amortissement du capital fixe, de la contribution positive des dépenses d’éducation, de la baisse des stocks de ressources naturelles consommées (y compris énergie, minerais, forêts), et des dommages causés par la pollution. La figure 4.1 ci-dessous présente le calcul de l’épargne nette rajustée en 2015 pour la RDC60. Alors que l’épargne nationale brute en pourcentage du RNB était de 6,8 %, l’épargne nette rajustée était de -16,4 %. Figure 4.1 RDC – Épargne nette ajustée (2015) Source : Calculs du personnel de la Banque mondiale. 116. L’épargne nette rajustée a été constamment négative ces dix dernières années en RDC. La figure 4.2 présente la tendance sur la période. Une ENA positive indique un investissement dans l’avenir – qu’une nation accumule les actifs nécessaires pour bâtir sa richesse 60 IDM, 2017. 50 et garantir sa croissance économique sur le long terme. À l’inverse, une ENA négative est le signe que le pays est en train d’épuiser son stock de capital et embrasse une trajectoire de croissance non durable. Cet épuisement du capital naturel ne s’est pas traduit en une accumulation significative de capital humain et de capital physique. Au contraire, et comme cela a été souligné précédemment, le développement du secteur minier et l’envolée des cours des matières premières ont conduit à l’augmentation rapide des paiements nets de revenus des facteurs au reste du monde. Figure 4.2 Évolution de l’épargne nette rajustée entre 2005 et 2015 Source : Calculs du personnel de la Banque mondiale. 117. La faiblesse du capital humain a pour corollaire une faible qualité de la main-d’œuvre et de la productivité. Elle constitue également un obstacle majeur au développement durable à long terme du pays. La pénurie de compétences est un obstacle à la croissance. Le système éducatif de la RDC est de faible qualité à beaucoup d’égards. L’efficience est une préoccupation majeure. Le déficit de compétences et l’inadéquation entre les compétences des personnes formées par le système éducatif et les besoins du marché du travail contribuent au chômage des jeunes. L’enseignement technique et professionnel dans le secteur de l’agriculture est faible, et le pays n’est pas doté d’un système de vulgarisation agricole qui permette de transmettre efficacement les connaissances aux agriculteurs. Dans le domaine de l’éducation comme dans celui de la santé, la mauvaise qualité du capital physique (à savoir, l’insuffisance des équipements – écoles et dispensaires) et la faible dotation en capital humain (pénurie d’enseignants et de professionnels de la santé compétents) ne permettent pas l’accumulation d’un capital humain supplémentaire. Les déficiences, au cours des premières années de la vie (malnutrition des enfants en bas âge, environnement dangereux pour les enfants, possibilités d’apprentissage précoces inadéquates), entravent la formation d’un capital humain. Il sera presque impossible de corriger ces lacunes plus tard au cours de la vie et il est donc nécessaire de les éviter aussi tôt que possible. En somme, l’ensemble de ces facteurs peuvent limiter les retours sur les investissements productifs en RDC. 51 118. Le mauvais état de l’infrastructure financière et le manque d’inclusion financière entravent la croissance économique de la RDC et son développement social. Moins de 1 % de la population a accès aux banques commerciales et seulement 7 % des entreprises commerciales s’appuient sur les banques pour financer leurs investissements. Une grande partie de la population de la RDC n’a pas accès au crédit, car elle ne dispose pas de garanties ou d’antécédents de crédit pour obtenir des prêts. Les opérations garanties et les registres des garanties collatérales n’existent pas encore. Par conséquent, les demandes de prêts par les petites et moyennes entreprises en RDC sont généralement rejetées en raison de l’insuffisance des garanties ou des biens qu’elles peuvent utiliser comme garantie pour obtenir des prêts. 119. Les contraintes transversales à l’investissement du secteur privé découragent nombre d’entreprises de démarrer une activité ou de l’amplifier. Selon l’Enquête réalisée auprès des entreprises 2013 du GBM, le secteur privé à davantage tendance à mentionner l’électricité comme étant le plus grand obstacle à son fonctionnement quotidien, suivi de l’accès au financement, l’instabilité politique, les pratiques des concurrents du secteur informel et la corruption. Plus récemment, les entreprises ont massivement signalé, et à plusieurs reprises, le « harcèlement des autorités publiques » comme étant le plus grand risque pour leurs opérations, en même temps qu’il décourage l’entrepreneuriat61. Ces agents publics « prédateurs » travaillent dans plusieurs agences gouvernementales (nationales et provinciales) où la corruption est répandue, y compris les autorités fiscales, douanières, du travail, environnementales et commerciales. 120. Dans l’état actuel de la réglementation, les entrepreneurs congolais locaux ont du mal à créer ou gérer une PME. Malgré quelques efforts de réformes récents louables, la RDC ne se retrouve qu’à la 184ème position sur 190 pays pour l’indice de facilité de faire des affaires du rapport Doing Business 2017 du GBM. Ceci témoigne des défis auxquels font face les PME du secteur formel du pays62. Les difficultés sont plus importantes encore pour les femmes entrepreneurs qui se heurtent à des obstacles supplémentaires63. En RDC, les entreprises sont ainsi confrontées à plusieurs défis dans les domaines suivants : la création d’entreprise (96ème) ; l’obtention d’un permis de construire (114ème) ; le raccordement à l’électricité (175ème) ; le transfert de propriété ; (156ème) ; l’obtention de prêts (139ème) ; la protection des investisseurs minoritaires (162ème) ; le paiement des taxes et impôts (177ème) ; le commerce transfrontalier (188ème) ; l’exécution des contrats (171ème) ; et le règlement de l’insolvabilité (169ème). Le pays doit donc déployer des efforts considérables pour obtenir des améliorations significatives qui aient un impact sur tous les domaines mesurés par le rapport. 4.4. Le défi : mener des politiques publiques de croissance inclusive 121. Les politiques gouvernementales peuvent promouvoir une croissance inclusive et accroître l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance. Les politiques publiques peuvent favoriser une croissance inclusive si elles encouragent la création d’emplois chez les travailleurs qualifiés et non qualifiés et si elles contribuent à la réduction de la pauvreté et des inégalités (Kireyev 2013). De plus, des travaux de recherche ont montré que les inégalités sont susceptibles de restreindre l’impact de la croissance économique sur la pauvreté (Ravallion 2004). 61 Consultations de la Banque mondiale avec les parties prenantes en février et mars 2016 ; FEC. 62 Base de données Doing Business http://www.doingbusiness.org/. 63 « Advancing Opportunities for Women-led SMEs in the DRC », Banque mondiale, août 2016. 52 Les inégalités peuvent aussi freiner la croissance dès lors que le potentiel des moins chanceux est sous-exploité. L’analyse comparative entre pays montre que l’inégalité a des incidences négatives sur la croissance, surtout dans les pays en développement (Barro 2000, 2008). Les indicateurs suivants permettent de suivre et d’évaluer le caractère inclusif de la croissance : (1) le nombre d’emplois créés par an ; (2) le niveau général des dépenses sociales ; (3) les mesures prises en vue d’augmenter le revenu des personnes pauvres ; et (4) l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de filets de sécurité sociale. 122. Le nombre d’emplois créés reste faible et insuffisant en RDC, preuve que la progression de l’emploi a été en deçà de celle de la croissance. Sur les 9 000 diplômés estimés, moins de 100 (soit moins de 1 %) trouvent un emploi correspondant à leurs aptitudes et à leurs compétences. Le deuxième Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP-2) pour la période 2012-2016 prévoyait la création de 900 000 emplois chaque année. Cependant, l’objectif s’est avéré trop ambitieux et difficile. D’après les estimations de la Banque mondiale, le pays doit créer 2 à 4 millions d’emplois chaque année pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail et réduire la pauvreté. Le gouvernement doit s’engager à promouvoir l’emploi des jeunes s’il entend mener des politiques visant à leur donner accès à de nouvelles opportunités d’emploi. Pour assurer la stabilité sociale en RDC, des opportunités d’emplois productives et satisfaisantes pour les jeunes devront être disponibles. 123. Le gouvernement a entrepris des efforts pour concilier les dépenses publiques et la réduction de la pauvreté, mais d’importants besoins restent à satisfaire, exigeant une mobilisation significative des ressources. Comme le suggèrent les expériences de différents pays, les États affichant des niveaux de dépenses relativement plus élevés en capital humain, en soins de santé, en pensions de retraite et d’autres aspects du filet de sécurité sociale, tendent à jouir d’une croissance plus inclusive. La RDC a alloué davantage de ressources budgétaires aux dépenses en faveur des pauvres64, y compris pour l’éducation et la santé. Le gouvernement a lancé des programmes pour promouvoir l’accès des personnes pauvres et vulnérables aux services publics. Les taux d’exécution des dépenses en faveur des pauvres et les dépenses publiques dans l’éducation ont doublé entre 2007 et 2013. La hausse des salaires des enseignants et la gratuité de l’éducation primaire ont permis d’augmenter le taux de scolarisation et de fréquentation scolaire des enfants pauvres. Toutefois, les dépenses publiques sur l’éducation financées par le budget national et par l’aide ne représentaient que 1,8 % du PIB et étaient trois fois inférieures à la moyenne de l’ASS. Dans le domaine de la santé, les dépenses financées sur le budget national et par l’aide ont atteint 2,1 % du PIB en 2013, soit seulement la moitié de la moyenne des pays les moins avancés. À titre d’exemple, les dépenses totales de santé de la RDC (toutes sources confondues : gouvernement, bailleurs, secteur privé et ménages) ne représentent qu’un dixième de la moyenne de l’ASS. 124. Toutefois, le simple fait d’augmenter les dépenses gouvernementales consacrées à l’éducation et à la santé ne garantit pas de meilleurs résultats (Dreher, Nunnemkamp, et Thiele 2008, Filmer et Pritchett 1999, Banque mondiale 2003, et Filmer 2017). Les recherches 64 La classification des dépenses pro-pauvres a été introduite en 2003, puis mise à jour en 2005, pour surveiller l’utilisation de l’épargne générée à travers le mécanisme d’allègeme nt de la dette PPTE. Ce système permet de bien suivre les allocations budgétaires aux secteurs prioritaires car la quasi-totalité des dépenses passe par le processus régulier d’exécution du budget. 53 montrent que les dépenses ont davantage d’impact sur les pauvres (Bidani et Ravallion 1997) lorsqu’elles interviennent dans le contexte d’une meilleure gouvernance (Rajkumar et Swaroop 2008)65. « Des investissements stratégiquement ciblés – notamment ceux qui établissent des bases solides de capital humain sur lesquelles on peut bâtir de nouvelles compétences – et une attention particulière aux facteurs qui améliorent l’efficacité des dépenses sont importants pour transformer les investissements supplémentaires obtenus grâce aux richesses du secteur des ressources naturelles en développement humain »66. 125. Le système de protection sociale de la RDC, n’assure qu’une faible couverture fragmentée et il est largement financé par les partenaires extérieurs du développement. Si les programmes sociaux existants offrent certaines prestations, il faut davantage de volume et de cohérence pour favoriser une croissance inclusive. Le DSRP-2 visait à mettre en place un système de protection sociale complet à l’échelle nationale, à l’horizon 2025, y compris des filets de sécurité sociale garantissant un revenu minimum, l’accès aux soins de santé de base et à l’éducation, des pensions de vieillesse, la sécurité alimentaire et des soins de santé maternelle et infantile. Toutefois, en 2014, une évaluation des filets de sécurité sociale appuyée par la Banque mondiale – la toute première dans le pays – estimait le montant total de leur financement à environ 0,7 % du PIB, soit moins que la moyenne des pays d’Afrique à faible revenu. Les dépenses de personnel représentaient près de 60 % des dépenses du ministère des Affaires sociales. Ainsi, l’absence de dépenses affectées aux budgets de fonctionnement (autre que le personnel) et aux transferts sociaux limite l’impact et réduit la qualité des services publics d’aide sociale. Le nombre croissant de personnes vivant avec un handicap et ceux que l’on appelle « les enfants des rues » dans les grandes villes comme Kinshasa sont les preuves visibles de la détérioration de la situation sociale dans le pays. D’après une étude réalisée par Caritas Congo, le nombre d’enfants des rues à Kinshasa était estimé à environ 30 000 filles et garçons. Enfin, l’écart entre les sexes reste important en dépit des efforts du gouvernement, et l’égalité des droits et des opportunités pour les femmes demeure hypothétique (pour plus de détails, voir chapitre 5). 126. En RDC, la faible mobilisation des recettes implique qu’il n’existe pas de syst ème de redistribution des revenus au profit des groupes les plus vulnérables. Les ménages les plus pauvres ainsi que certains groupes vulnérables spécifiques (les enfants vivant dans des conditions difficiles, les personnes en situation de handicap, les populations déplacées, femmes, les personnes âgées et les populations autochtones) ne reçoivent pas le soutien dont ils ont besoin pour sortir de la pauvreté. La RDC ne dispose pas de système de redistribution des revenus à grande échelle (par exemple des programmes de transfert de fonds) qui permettent de redistribuer les fruits de la croissance et de réduire la pauvreté. 65 Andrew Sunil Rajkumar, Vinaya Swaroop. Public spending and outcomes: Does governance matter? Journal of Development Economics 86 (2008) 96–111. Les auteurs se penchent sur le rôle de la gouvernance –mesurée par le niveau de corruption et la qualité de la bureaucratie–pour déterminer l’efficacité des dépenses publiques dans l’amélioration des résultats relatifs au développement humain. Ils montrent empiriquement que les différences en matière d’efficacité des dépenses publiques peuvent s’expliquer dans une grande mesure par la qualité de la gouvernance. Les dépenses publiques de santé diminuent les taux de mortalité infantile davantage dans les pays ayant une bonne gouvernance. De même, les dépenses publiques consacrées à l’éducation primaire augmente nt le niveau des études primaires plus efficacement dans les pays ayant une bonne gouvernance. Plus généralement, les dépenses publiques n’ont quasiment aucun impact sur les résultats en matière de santé et d’éducation dans un pays mal gouverné. 66 From Mines and Wells to Well-Built Minds. Turning Sub-Saharan Africa’s Natural Resource Wealth into Human Capital. Groupe de la Banque mondiale. Directions in Development. Human Development. Mai 2017. P. 11. 54 Chapitre 5. Capital physique, naturel et humain 127. La RDC affiche de graves lacunes en matière de capital physique et humain et n’a atteint aucun des objectifs du Millénaire pour le développement. Des efforts de réparation et de reconstruction sont en cours dans la plupart des secteurs. Les défis persistent toutefois dans des secteurs tels que le transport, l’électricité, l’eau et l’assainissement, les télécommunications. Avant 2015, le pays se classait au 186e rang sur 187 pays sur l’indice de développement humain. De nombreux défis de développement humain doivent être relevés, notamment dans l’éducation et la santé. La faiblesse combinée des ressources humaines et physiques du pays l’empêche d’exploiter ses ressources naturelles pour un développement durable à long terme. Par conséquent, même si l’agriculture emploie 62 % de la population active, elle demeure, pour l’essentiel, une activité de subsistance exposée aux changements climatiques et qui contribue à la déforestation. Le caractère cyclique des cours du pétrole et des minerais rend indispensables la diversification de l’économie, la transformation locale des produits, l’amélioration de la gouvernance et l’accroissement de l’efficience. 5.1. Capital physique : progrès et défis 128. Après des décennies d’instabilité politique, la plupart des infrastructures et des institutions se trouvent aujourd’hui dans un état de délabrement. Les entreprises publiques, jouent toujours un rôle prépondérant dans l’économie, mais peinent à améliorer leur efficacité et à mettre en œuvre les réformes. Des efforts de réhabilitation et de reconstruction sont en cours dans la plupart des secteurs. La gestion de l’urbanisation rapide et la participation à l’économie numérique sont devenues des priorités. Cette section examine les défis actuels et les perspectives offertes dans les secteurs des transports, de l’énergie, de la distribution de l’eau et de l’assainissement, des télécommunications et de la gestion foncière et urbaine. 5.1.1. Les transports 129. À l’origine, le système de transport a été conçu comme un réseau multimodal intégré de routes, de rivières et de voies ferrées reliant toutes les parties du pays . L’érosion des fonctions politiques et réglementaires du gouvernement depuis les années 1970 a conduit à une dégradation du système de transport. Moins de 5 % du réseau routier national de 58 000 kilomètres est revêtu et la densité de ce réseau n’est que de 25 kilomètres pour 1 000 kilomètres carrés, soit 0,9 kilomètre pour 1 000 habitants, contre une moyenne respective de 204 kilomètres et de 3,4 kilomètres en ASS. Seules quatre des vingt-six nouvelles capitales provinciales sont atteignables par la route depuis la capitale nationale. Dotés d’un réseau de 3 500 kilomètres au Sud et de 400 kilomètres à l’Ouest, les chemins de fer sont dans un état de délabrement dû à la vétusté des infrastructures et à des pratiques de gestion défaillantes. Fortes de 25 000 kilomètres navigables, les voies de navigation pourraient constituer la colonne vertébrale du système de transport, mais des obstacles institutionnels empêchent le développement d’un secteur de transport fluvial. Au fil du temps, les infrastructures aéroportuaires se sont délabrées et l’espace aérien de la RDC présente des risques importants pour la navigation aérienne. 130. Dans le domaine des transports, la faible performance du pays fait obstacle au commerce et constitue l’une des principales causes de la persistance de la pauvreté. En 2014, le pays a été classé 159e sur 160 pays à l’indice de performance logistique – devançant uniquement 55 la Somalie, en dernière position. Le tarif de transport d’une tonne de marchandises sur un kilomètre est en moyenne de 0,20 dollar US en RDC contre seulement 0,05 dollar en Afrique du Sud. Le temps d’immobilisation à quai des conteneurs dans le port de Matadi s’élève, en moyenne, à 25 jours – soit cinq fois la moyenne régionale. La mobilité et l’accessibilité sont des problèmes majeurs dans les zones urbaines comme dans les zones rurales. Plus de 60 % de la population rurale ne jouit pas d’une accessibilité satisfaisante ; définie comme le fait de résider dans un rayon de deux kilomètres d’une route praticable en toutes saisons. Des problèmes majeurs de mobilité urbaine existent à Kinshasa, où 80 % des déplacements sont effectués à pied, réduisant considérablement l’accès aux possibilités d’emploi. Par ailleurs, la densité de routes revêtues à Kinshasa est inférieure à celles des autres villes de la sous-région. Alors qu’Addis Abeba et Dar es-Salaam ont plus de 120 mètres de route revêtue pour 1 000 habitants, Kinshasa n’en compte que 54 mètres (contre 318 mètres en ASS et 1 000 mètres dans d’autres pays en développement). 131. Le bilan est particulièrement médiocre en matière de sécurité des transports et les défis à relever sont considérables pour établir des normes satisfaisantes. Les problèmes de sécurité sont importants dans la navigation fluviale, la circulation routière et le transport aérien. Toutes les compagnies aériennes basées dans le pays figurent sur la liste noire établie par l’Union européenne. En outre, le système d’aviation civile ne répond qu’à 26 % des normes et pratiques internationales recommandées en matière de sécurité67. Le financement nécessaire pour combler les lacunes les plus pressantes sur le plan des infrastructures et rattraper les autres pays en développement est estimé à 1,4 milliard de dollars US par an pendant dix années. Les obstacles à la reconstruction des capacités institutionnelles et techniques sont plus importants encore. Au terme de décennies de mauvaise gestion, la main-d’œuvre est vieillissante dans le secteur public et dans les différentes entreprises publiques de transport. Il n’existe pratiquement pas de jeunes cadres avec des qualifications suffisantes, en particulier dans les domaines spécialisés tels que l’aviation civile, les chemins de fer, les voies de navigation et les transports urbains. 132. La corruption et des problèmes de gouvernance continuent d’entraver les perspectives de développement du secteur des transports. La corruption de certains fonctionnaires du secteur pèse sur la capacité des pouvoirs publics à fournir les services clés. Au niveau le plus élevé, la corruption a été aggravée durant les périodes de conflits et de transition politique, au cours desquelles l’absence d’un exécutif fort a empêché que des sanctions effectives soient imposées. À un niveau moins élevé, la faiblesse des salaires des agents publics et des épisodes de paiement irrégulier ont exacerbé les problèmes de gouvernance (voir annexe H). 133. Les groupes d’intérêts liés aux entreprises publiques définissent l’économie politique qui sous-tend les opérations et réformes du secteur des transports. Ces groupes varient selon : (i) la localisation géographique des activités des entreprises publiques, à savoir l’endroit où l’argent et l’emploi sont générés et la province la plus concernée (l’ancienne province de Katanga pour la Société nationale des chemins de fer du Congo - SNCC) ; le Kongo Central pour la Congolaise des Voies Maritimes - CVM) et la Société Commerciale des Transports et des Ports - SCTP ex-ONATRA) ; (ii) le pouvoir de corrompre ou d’attirer les groupes d’intérêt en fonction du niveau des recettes générées par chaque entreprise publique (les faibles recettes de la Régie des voies fluviales - RVF) ne suscitent pas beaucoup d’intérêt, contrairement aux recettes plus 67 Audit de l’Organisation de l’aviation civile internationale https://www.icao.int/safety/iStars/Pages/API-Data- Service.aspx 56 importantes de la SCTP) ; (iii) les liens croisés avec d’autres industries génératrices de revenus (les mines pour les chemins de fer ; l’expédition de fret, la gestion et la taxation des importations et des exportations pour les ports et les aéroports) ; (iv) le pouvoir du favor itisme politique lié au contrôle de l’État sur les entreprises publiques, qui offrent des salaires moyens allant de 4 000 à 8 000 dollars US par an et par employé (15 000 dollars et plus pour les postes élevés) par rapport à des salaires inférieurs à 1 500 dollars pour les agents publics ordinaires ; (v) la redevabilité sur les résultats des ministères de tutelle et des gestionnaires des entreprises publiques ; (vi) le pouvoir de chaque entreprise publique (une grève au Port de Matadi géré par la SCTP peut paralyser l’activité économique de Kinshasa). 134. La résistance aux réformes s’accompagne de tentatives de la part de certains membres du personnel de plusieurs organismes de soutirer de l’argent aux opérateurs du secteur privé. Ces pratiques se produisent souvent sans qu’un service ne soit fourni en échange. Des lois et des règlements caducs sont utilisés pour créer des positions de rentes. À titre d’exemple, les opérateurs de barges fluviales du secteur privé doivent payer près de 48 droits et taxes de toutes sortes à de multiples organismes, avant de pouvoir commencer un voyage (moins qu’en 2014, lorsqu’il y en avait plus de 70). Ils doivent également régler des « péages » le long du fleuve à diverses autorités civiles et militaires. Le positionnement des autorités hiérarchiques vis-à-vis de ce comportement varie en fonctions des institutions et des personnes en charge. Certains organismes du secteur des transports n’exécutent aucune fonction réelle (par exemple, la Congolaise des Voies Maritimes), mais conservent le droit de facturer contre des services qu’ils ne fournissent plus. 5.1.2. L’énergie 135. Le taux d’accès à l’électricité de 15,2 % est bien inférieur à la moyenne de 35 % de l’ASS, et connait des disparités importantes entre zones urbaines et rurales. En milieu rural, le taux d’accès ne s’élève qu’à 1 % alors qu’il atteint jusqu’à 35 % dans les zones urbaines. Les quelques ménages et entreprises qui sont raccordés au réseau subissent des coupures d’électricité de plus de trois heures par jour en moyenne, et cela plus de 180 jours par an. Le pays est actuellement un importateur net d’électricité, ce qui aggrave les contraintes financières des entreprises qui doivent recourir à des groupes électrogènes d’appoint très coûteux. 136. Avec une capacité potentielle de 100 gigawatts, l’énergie hydroélectrique est le pilier du secteur énergétique du pays. L’énergie hydroélectrique pourrait avoir des retombées immenses et transformationnelles pour le développement économique du pays et du continent. Bien que cette énergie soit abondante, résiliente à la saisonnalité, bon marché et propre, seuls 2,5 % du potentiel hydroélectrique sont exploités. En outre, la Société Nationale d’Electricité (SNEL), qui domine le secteur, est confrontée à d’importants problèmes institutionnels, réglementaires et techniques. Citons notamment : 1) des institutions inefficaces et des problèmes de gouvernance caractérisés par l’absence de planification stratégique et d’investissements, et une corruption omniprésente ; 2) des pertes considérables dues à des tarifs inférieurs au coût de revient dans les zones urbaines et les secteurs tels que l’exploitation minière, et à une collecte faible ou inexistante ; 3) le faible taux d’accès à l’électricité et la qualité médiocre de l’électricité ; 4) des répercussions négatives sur le développement économique puisque, par exemple, les entreprises minières sont de plus en plus confrontées au défi de la mauvaise qualité de l’électricité. 57 137. Les ménages dépendent fortement de la biomasse et du bois, qui fournissent environ 80 % de l’énergie de cuisson domestique à Kinshasa et probablement davantage en zone rurale. En 2015, la biomasse solide couvrait plus de 90 % des besoins énergétiques des ménages (principalement pour la cuisson à l’aide d’appareils ayant environ 10 % d’efficacité énergétique). Cette utilisation de la biomasse exacerbe la déforestation du pays au rythme de 350 000 hectares par an (0,3 % des stocks de carbone), avec des points critiques autour des grandes villes. Par ailleurs, en raison de la qualité médiocre des appareils et des systèmes de cuisson, les maladies respiratoires et les décès prématurés sont fréquents, principalement chez les femmes et les enfants. 5.1.3. La distribution d’eau et l’assainissement 138. La régie de distribution d’eau, la Regideso, est le plus important distributeur d’eau dans les zones urbaines, mais son efficacité a décliné de 1990 à 2009. La Regideso dessert 97 centres urbains, mais 75 % des recettes sont concentrées dans les trois villes de Kinshasa, Lubumbashi et Matadi. Après 1990, la Regideso a commencé à pâtir des effets de la guerre, du manque d’investissements et de maintenance ainsi que de la suspension de l’aide. En conséquence, la couverture de la distribution d’eau dans les zones urbaines a considérablement chuté et l’eau non comptabilisée a atteint 40 % de l’approvisionnement en eau assurée par la régie. Un programme de réformes n’a pas réussi à rétablir la viabilité financière de la Regideso. Premièrement, les augmentations incontrôlées des salaires – jusqu’à 30 % – ont atténué les effets du plan social de 2010, qui a réduit de 450 le nombre des employés (sur 4 600). Deuxièmement, le gouvernement a payé moins de 10 % de sa consommation d’eau par an depuis le règlement des arriérés publics sur les factures d’eau en 2012. En 2016, les arriérés publics s’élèvent à 87 millions de dollars environ (trois ans de factures d’eau de l’État). La qualité de l’eau à la consommation est mauvaise et il existe un risque de pollution de l’eau par le secteur minier et par les grandes villes. 139. Le secteur de l’assainissement est l’un des secteurs les moins performants de la RDC. Ce secteur manque d’une politique de priorisation et d’un cadre juridique et institutionnel adéquat. En outre, le secteur pâtit de la déficience des infrastructures de base et de l’insuffisance du financement. L’assainissement urbain est un problème majeur et non résolu dans le pays. Même les estimations les plus optimistes montrent que le taux d’accès urbain à un assainissement amélioré a baissé depuis 2000 et n’atteignait que 28,5 % en 201568. Il n’existe actuellement aucun système public de tout-à-l’égout, et ce dans aucune ville de la RDC. Il n’existe pas même de sites sûrs pour l’élimination des matières fécales provenant des latrines. Cette situation constitue une véritable crise de santé publique qui se reflètent dans les taux élevés de diarrhée et de malnutrition. 140. Les réformes institutionnelles dans le secteur de l’eau et de l’assainissement sont entravées par des contraintes générales liées à la fragilité de l’État et à la mauvaise gouvernance (voir annexe H). Dans ce secteur, la fragilité de l’État et les problèmes de gouvernance expliquent la faible efficacité, les capacités insuffisantes, les risques liés à la passation des marchés et le niveau élevé des frais généraux. Dans ce contexte, le secteur de l’eau et assainissement est confronté aux questions fondamentales de la fragmentation institutionnelle, de l’insuffisance des capacités – notamment à l’échelon décentralisé –, du biais au niveau des 68 Programme commun OMS / UNICEF de suivi de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement (JMP) ; chiffres pour 2015. 58 services et des financements, et de la mauvaise gouvernance. Ces éléments affaiblissent la capacité du secteur à s’adapter aux changements socio-économiques et démographiques rapides. 141. Dans les zones rurales, le cadre institutionnel des services de distribution d’eau manque de clarté organisationnelle et l’assainissement demeure un défi. Seulement 31,2 % de la population a accès à l’eau potable. Dans les bourgs, les villages et la périphérie des grandes villes, la majorité des ménages n’ont pas accès aux services d’approvisionnement en eau. La plupart des investissements publics sont affectés aux zones urbaines, tandis que les interventions réalisées en milieu rural sont majoritairement soutenues par des organismes humanitaires, avec un appui de l’État limité. De nombreux acteurs participent à l’élaboration de systèmes communautaires d’approvisionnement en eau, qui sont importants pour donner accès à l’eau potable dans les zones rurales. Néanmoins, ces acteurs n’ont pas les capacités nécessaires pour suivre et coordonner leurs interventions ; par ailleurs, les organismes publics ont peu d’informations sur ces systèmes autonomes et participent rarement à leur mise en place. En ce qui concerne l’assainissement, le gouvernement a mis en œuvre le programme « Village assaini » pour réduire la morbidité et la mortalité liées aux maladies hydriques et au manque d’assainissement de base. Cependant, la défécation en plein air est encore une pratique courante. 5.1.4. Les télécommunications 142. Les télécommunications représentent une part croissante du PIB et le développement de la téléphonie mobile constitue un véritable succès. En 2015, les prévisions de recettes des quatre principaux opérateurs de téléphonie mobile privés sont passées à 2 milliards de dollars, soit 5,3 % du PIB, un chiffre en hausse par rapport à 3,6 % en 2012 (mais inférieur aux pourcentages respectifs de 11 % et 6 % du Sénégal et de la Côte d’Ivoire). Au regard des expériences des autres pays de l’ASS, un potentiel important reste à exploiter en RDC. La pénétration des services de téléphonie mobile est passée de 2,2 millions d’abonnés en 2005 à plus de 22 millions en 2015. La télé-densité du pays (nombre d’abonnés pour 100 habitants) est de 42,8 % contre 78,2 % au Kenya, 79,6 % au Nigéria, 89,6 % en République du Congo et 112,3 % en Côte d’Ivoire. En termes d’accès à la bande passante, le pays reste bien loin derrière le reste de l’ASS avec une bande passante internationale de l’Internet de 800 Mbit/s en 2013, par rapport à 12 000 Mbit/s en Côte d’Ivoire, 21 500 au Sénégal, 227 200 au Nigéria et 447 061 au Kenya (Figure 5.1). 143. En RDC, les télécommunications contribuent significativement à réduire l’isolement, compte tenu, notamment, de l’état médiocre des infrastructures. Plusieurs programmes démontrant les avantages sociaux et économiques de la messagerie mobile ont été menés en RDC. La téléphonie mobile peut améliorer les perspectives économiques et l’inclusion sociale des pauvres, comme l’ont démontré les récentes conclusions sur les effets de la banque mobile sur la réduction de la pauvreté au Kenya, en particulier chez les femmes pauvres (Suri et Jack, 2016)69. Les opérations de développement ainsi que les politiques sociales et économiques favorables aux pauvres devraient donc inclure plus systématiquement les applications produites par les technologies de l’information et de la communication (TIC). 69 Tavneet Suri et William Jack, « The Long-Run Poverty and Gender Impact of Mobile Money ». Science, décembre 2016. 59 Figure 5.1 Technologies de l’information et de la communication a. Taux de pénétration d’abonnés uniques, Afrique b. Pénétration de l’Internet mobile et de la 3G, Afrique c. Bande passante Internet internationale (bit/s) par d. Bande passante Internet internationale internaute en 2013 Mbit/s en 2013 5.2.5. Le développement urbain 144. La RDC connaît une urbanisation rapide et non-planifiée, et les principales régions économiques opèrent comme des systèmes urbains isolés. Estimée à 42 % en 2015, la proportion urbaine de la population du pays est la troisième en ASS, après l’Afrique du Sud et le Nigéria. Au cours des dix dernières années, le taux moyen de croissance urbaine s’est élevé à 4,1 %, donnant lieu à une augmentation annuelle d’un million de citadins dans les villes congolaises. La population de Kinshasa compte environ 12 millions d’habitants. Avec 400 000 nouveaux habitants chaque année, Kinshasa deviendra probablement la plus grande ville d’Afrique d’ici 2030, devant Le Caire et Lagos. Des régions économiques se sont développées autour des centres urbains ; certaines d’entre elles ont des liens plus étroits avec les pays voisins qu’avec les autres régions de la RDC en raison du manque d’infrastructures de transport et de l’absence d’entretien des routes. 60 145. Une gestion foncière inefficace a conduit les citadins pauvres à vivre dans des habitats inadéquats, exacerbant leur vulnérabilité et leur exposition aux chocs climatiques et économiques. Le décalage entre la croissance rapide de la population urbaine et la médiocrité des prestations de services et des infrastructures exacerbe la pauvreté urbaine et nuit à l’habitabilité des villes. Des facteurs de répulsion (par exemple, les conflits et les risques) plutôt que des facteurs d’attraction (par exemple, les possibilités d’emploi) ont déclenché la plupart des migr ations vers les villes de la RDC. C’est la principale raison pour laquelle la pauvreté reste élevée à 62,5 % (enquête 1-2-3) dans les zones urbaines. Les logements, les infrastructures de base et d’autres dépenses d’investissement font défaut en milieu urbain (Banque mondiale, 201670). Il n’existe pas non plus de documents de planification pour guider la croissance urbaine ni de fonds suffisants consacrés aux investissements urbains. De plus, en l’absence d’autorités locales élues, les responsabilités en matière de gestion urbaine ne sont pas clairement définies. 146. Seules quelques villes ont un schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, alors que les zones urbaines sont exposées aux risques naturels, en particulier à l’érosion et aux inondations. Kinshasa a un schéma directeur depuis 2015. Néanmoins, les capacités de planification institutionnelle et technique font défaut dans l’ensemble de la RDC. Dès lors, des habitats spontanés surgissent sur des terres non aménagées. En outre, la responsabilité de l’aménagement et du développement urbain à l’échelle nationale est répartie entre plusieurs ministères et organismes. Les provinces jouent également un rôle dans ce système décentralisé très complexe qui ne facilite pas la coordination. Il n’existe pas de secteur organisé de l’habitat et la pénurie de logements est estimée à environ un million d’unités. Des habitats spontanés se construisent sur des terrains mal desservis et exposés aux inondations, et la population à risque s’accroît. Kinshasa et Bukavu ont été gravement touchées par la saison des pluies en 2015. Les éruptions volcaniques qui ont eu lieu à Goma, une ville d’un million de personnes située à côté du volcan actif de Nyiragongo, ont endommagé la ville deux fois au cours des quinze dernières années. 147. Le processus inachevé de décentralisation laisse les provinces et les entités locales avec des moyens et des capacités insuffisants pour s’acquitter de leurs fonctions. Les premières élections locales, initialement prévues en octobre 2015, n’ont toujours pas eu lieu. En attendant, les villes sont gérées par les maires désignés, tandis que la planification des investissements et la gestion urbaine continuent d’être assurées depuis Kinshasa ou par les gouverneurs provinciaux. En général, les villes opèrent avec du personnel placé par le gouverneur provincial ou avec des employés contractuels. Même les villes les plus grandes – avec une population supérieure à un demi-million d’habitants – ne comptent généralement pas plus de 75 employés. Elles ont un budget limité, qui s’explique par le manque de régularité des transferts du gouvernement central, des capacités limitées en matière de recouvrement des impôts locaux et un système de gestion financière inadéquat. Le budget des villes avoisine généralement un à trois dollars US par habitant, un niveau de ressources insuffisant pour fournir des services de base. 5.2.6. L’administration foncière 148. L’administration foncière est lourde et inefficace ; la précarité des droits fonciers affecte les moyens de subsistance et entrave la planification urbaine et les investissements 70 Revue de l’urbanisation en RDC. 61 dans l’agriculture et d’autres secteurs. Le système d’administration foncière en RDC possède quatre caractéristiques. Premièrement, le régime foncier est double (statutaire et coutumier) et il est couvert par des lois qui se chevauchent. L’attribution des droits d’utilisation des sols par les autorités coutumières est la plus répandue, alors qu’elle n’est pas officiellement reconnue71. Deuxièmement, les capacités des autorités de l’administration foncière sont faibles, et il y a peu de droits fonciers formels en raison du caractère peu fiable du traitement des informations et du stockage des données. Ceci génère des revendications contradictoires sur l'utilisation des terres qui créent un potentiel de conflit social et de violence, engendrent des incertitudes pour les investissements et perturbent les entreprises. De plus, les femmes sont largement exclues du processus de formalisation des droits fonciers. Troisièmement, les communautés locales en général, et les populations autochtones en particulier, sont les plus marginalisées en ce qui concerne les droits fonciers en zone rurale. Quatrièmement, les violences qui persistent dans les zones post-conflit à l’Est, ainsi que dans d’autres parties du pays, sont principalement liées à des litiges fonciers. En effet, la rivalité pour le contrôle des terres est liée à l’identité des communautés et au sentiment de cohésion sociale. Cette rivalité a servi d’outil de recrutement pour les groupes armés. Cinquièmement, des lois sectorielles distinctes, chacune ayant sa propre juridiction sur certaines utilisations, régissent actuellement la gestion des terres et des biens fonciers de l’État. Ainsi, plusieurs ministères ont leurs propres plans d'attribution des terres, ce qui crée souvent des chevauchements des responsabilités. 5.2. Capital naturel : gérer l’abondance 149. La RDC dispose de ressources exceptionnelles en minéraux, en terres, en eau et forestières. Bien que souvent mal gérées, ces ressources fournissent des moyens de subsistance à des millions de pauvres. Elles seraient susceptibles de générer de meilleurs emplois et revenus si elles étaient gérées de manière efficace. L’agriculture emploie 62 % de la population en âge de travailler (enquête 1-2-3) tandis que les activités minières en emploient près de 4 % (principalement dans les EAPE). Compte tenu du caractère cyclique des cours du pétrole et des minerais, les pouvoirs publics doivent encourager la diversification de l’économie, privilégier le contenu local, améliorer la gouvernance et accroître l’efficience. Le pays – et surtout son agriculture – est exposé au changement climatique, tandis que les forêts pourraient contribuer au stockage de carbone à l’échelle globale. 5.2.1. Pétrole et gaz 150. Le pays détient des réserves considérables de pétrole brut et de méthane qui pourraient être utilisées pour la production d’énergie ou au profit d’autres industries. Avec des revenus de 211 millions de dollars en 2015, le secteur pétrolier représente 4 % des revenus budgétaires et 18 % de la contribution du secteur extractif aux revenus budgétaires. La production se fait essentiellement en mer, mais des réserves de pétrole brut supplémentaires dans la Cuvette- Centrale et au Albertine Graben présentent un potentiel qui pourrait multiplier la production par dix. Pour libérer ce potentiel, il importerait notamment de moderniser le cadre législatif afin d’attirer les investissements étrangers. Le président a approuvé le nouveau code des hydrocarbures 71 L’administration centrale repose sur un cadre national qui est difficile à mettre en application. En effet, l’administration foncière est réglementée par différentes lois et autres textes, qui parfois se chevauchent, voire se contredisent, et sont mis en application par différentes parties de l’administration. Il s’agit notamment des lois foncières, des lois agricoles, des lois sur les mines et les hydrocarbures et des lois environnementales. 62 en juillet 2015. Le lac Kivu dispose de réserves estimées à 60 milliards de mètres cubes, représentant un réel potentiel économique si elles sont extraites correctement. En effet, le méthane pourrait générer près de 1 000 mégawatts d’électricité. Sur la rive rwandaise du lac, un projet pilote destiné à produire 25 mégawatts d’électricité grâce au méthane est en cours de développement. Une autre source de production d’électricité est le gaz torché de la production en mer. Le gaz naturel torché associé à la production pétrolière de Muanda pourraient fournir près de 150 mégawatts d’électricité. 151. De nombreux signes d’opacité et de manque de transparence se manifestent dans le secteur. Ainsi, les liens internet relatifs aux contrats pétroliers, accessibles sur le site du ministère du secteur, sont inactifs et ne fournissent aucune information. Il n’est pas certain que cette situation résulte d’un problème technique, puisqu’elle persiste depuis plusieurs mois et est restée inchangée alors que la rédaction de ce rapport touchait à sa fin. De plus, les entreprises émettent des statistiques indiquant que la production s’est maintenue à une moyenne de 25 000 barils par jour sur plusieurs années avec de faibles variations, ce qui semble plutôt inhabituel. Davantage de détails sur les statistiques relatives à la production ne semblent pas accessibles. 5.2.2. Exploitation minière 152. La géologie du pays est exceptionnelle au regard de la diversité des minéraux et de leur accessibilité. Le RDC est riche d’une variété de minéraux, dont le cuivre, le cobalt, le zinc, le diamant, l’or et les terres rares. Les gisements souterrains pour les diamants, le cuivre, le cobalt et l’or sont parmi les plus riches du monde, et attirent d’importants investissements industriels étrangers. De plus, les gisements souterrains et superficiels de minéraux sont accessibles aux activités minières artisanales et à petite échelle, ce qui facilite l’extraction informelle des minéraux par les populations rurales. Ainsi le secteur minier offre-t-il des opportunités spécifiques de croissance inclusive pour le pays. 153. Tandis que la croissance du PIB s’élevait, en moyenne, à 7,5 % entre 2010 et 2015, celle de l’industrie extractive atteignait 19,6 % sur la même période. Un déclin majeur du secteur minier a été observé lors de la crise financière mondiale de 2008-2009, suivi d’une reprise solide et rapide, confirmant ainsi l’attractivité du secteur. Cependant, la RDC n’a pas bénéficié pleinement du « boom » minier de 2010-2014 en raison de divers contraintes et dysfonctionnements, administratifs, institutionnels et de politiques. Amorcée à la fin de l’année 2015, la baisse de la demande et des prix, en particulier pour le cuivre, a contribué à un ralentissement général du PIB en 2015 et 2016. Bien que ce ralentissement soit susceptible d’avoir des implications économiques locales sur les zones qui ont bénéficié des activités d’extraction, il est difficile de les quantifier. 154. Conscient de la nécessité d’accroître les bénéfices des industries extractives, le gouvernement a orienté sa réforme des politiques minières dans deux directions depuis le début de l’année 2017. Tout d’abord, le gouvernement a élaboré une Politique minière nationale qui appelle à un plus grand partage des bénéfices au niveau local via le développement de filiales et la participation locale dans les chaînes d’approvisionnement de l’économie minière. Ensuite, le gouvernement a préparé une Stratégie nationale des activités minières artisanales et à petite échelle qui reconnaît l’importance de ce sous-secteur dans l’emploi et les revenus ruraux, et qui accorde une place prioritaire à la formalisation du secteur qui reste largement informel. Ces efforts de 63 politiques définissent des orientations propices au développement des activités locales dans le secteur minier ainsi qu’au renforcement des opportunités de développement des EAPE – dont les implications pour la population en termes d’emplois et de richesse partagée diffèrent de celles des activités minières industrielles. Les politiques d’extraction/minières en RDC doivent encore explorer d’autres dimensions, notamment l’équité intergénérationnelle et la gestion durable des ressources non renouvelables. 155. Bien que les contrats miniers soient généralement accessibles sur le site du ministère du secteur concerné,72 la gestion générale du secteur présente des lacunes (voir annexe H). En témoigne, notamment, le retard pris dans la révision du Code minier. Les révisions ont débuté en 2012 et le gouvernement a approuvé et transmis les révisions au parlement en mars 2015. Mais la discussion n’a commencé que dans la seconde moitié de 2017. Les retards sont le reflet d’un lobbying intense au profit d’intérêts puissants, mené souvent par d’anciens officiels de haut rang, locaux ou étrangers, alors même que le pays ne dispose pas de législation sur les conflits d’intérêts. Un autre symptôme concerne l’existence de conventions comprenant un traitement spécial pour certains investisseurs, souvent signées dans les années 1990, lorsque le chaos politique prévalait en RDC. Ces conventions accordent des droits exclusifs sur des zones qui, dans certains cas, peuvent s’étendre sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, créant ainsi des tensions avec les populations locales. Les entreprises peuvent bénéficier de taux de redevance avantageux, un cas notable étant celui d’une convention fixant le taux de redevance pour l’or à 1 %, ce qui est en dessous même des 2,5 % de l’ancien Code minier de 2002 et des moyennes de l’ASS de 4 à 5 %. Un troisième symptôme concerne les transactions opaques impliquant la Gecamines, l’importante EP minière. Ces faits ont été soulignés dans plusieurs rapports internationaux et nationaux, dont le Rapport sur les progrès en Afrique (2013) et le dernier rapport de l’ITIE sur la RDC pour 201573. 156. L’EAPE reste un important secteur d’emplois formels et informels en RDC, off rant souvent un filet de sécurité lors des crises économiques. Le récent épisode de récession sur le marché des matières premières confirme la résilience relative des EAPE. La récession n’a pas affecté les EAPE, même celles dont les minéraux ont fait face aux baisses de prix les plus importantes. En réalité, les récessions globales du marché de l’industrie minière affectent l’emploi dans les grandes mines industrielles et poussent les chômeurs vers les EAPE. Il s’agit d’un phénomène global commun à tous les environnements des EAPE et non spécifique à la RDC. À ce stade, seules les informations non confirmées sont disponibles. Dans le sud du Katanga, par exemple, les licenciements récents dans les mines de cuivre semblent avoir poussé 15 000 nouvelles personnes dans les EAPE autour de Kolwezi. De plus, une baisse du prix des matières premières pour un minéral pousse les mineurs artisanaux vers d’autres matières premières. Les mineurs des EAPE sont davantage prêts à se déplacer d’un minéral à un autre que d’abandonner complètement les activités minières. Cela a été le cas lors de l’effondrement du diamant bien documenté de 2008 en RDC et lorsque l’étain, le tantale et le tungstène (en anglais, 3Ts, pour Tin, Tantalum, and Tungsten) se sont effondrés en 2010. Dans les deux cas, les mineurs artisanaux se sont simplement déplacés vers l’or. 72 Consultez le site du ministère des Mines sur http://mines-rdc.cd/fr/index.php/contrats-des-ressources- naturelles/contrats-miniers 73 Voir Rapport ITIE-RDC 2015, http://www.itierdc.net/rapport-itie-rdc-2015/ 64 157. Le secteur minier artisanal comporte aussi certaines problématiques de genre. Un récent rapport de la Banque mondiale souligne que les travailleurs des EAPE sont davantage des populations migrantes avec de faibles niveaux d’éducation, poussées par la pauvreté et le manque d’opportunités d’emploi dans d’autres secteurs. L’étude a également montré que les femmes migrent vers des régions minières qui leurs sont étrangères plus souvent que les hommes. Ces femmes représentent souvent la seule source de revenus de la famille en raison de la perte du mari ou du parent masculin ou de la perte d’opportunités traditionnelles de revenus (Hayes et Perks 2012 ; Banque mondiale et HHI 2015). Cette migration contribue souvent à des taux plus élevés de vulnérabilité, qui vont du manque de connexion à des groupes et réseaux sociaux de soutien au manque d’informations sur la disponibilité des biens et services. Bien que les femmes représentent des acteurs essentiels du secteur minier, elles sont également plus vulnérables à la prédation sexuelle et économique, elles perçoivent fréquemment des salaires inférieurs à ceux des hommes et sont exclues des principaux organes de décision et de partage des bénéfices (Banque mondiale et HHI 2015). 5.2.3. Agriculture et agroalimentaire 158. La RDC possède la réserve de terres arables la plus importante d’Afrique, un climat propice à l’agriculture et des ressources hydrauliques abondantes tout au long de l’année. L’irrigation ne constitue pas un problème majeur en RDC, la plus grande partie des cultures étant alimentées par les eaux pluviales. Cependant, Seuls 10 % des 80 millions d’hectares de terres arables sont utilisés. Diverses zones agro-écologiques permettent une variété de cultures vivrières de base et marchandes ainsi que des productions laitières, l’élevage et la pêche. Près de la moitié des ménages ruraux élève du bétail afin de diversifier les revenus. Il serait possible, d’une part, d’associer une agriculture de petite échelle (incluant les coopératives) à l’industrie agroalimentaire de grande échelle par le biais d’une agriculture sous contrat et, d’autre part, de soutenir les opérateurs de taille moyenne dans des chaînes de valeurs et régions pertinentes. Dans le secteur de l’élevage, les pâturages sont abondants et le potentiel de pêche intérieure est trois fois supérieur à la production actuelle. Le pays offre d’immenses opportunités de développement de l’agriculture commerciale par la modernisation du secteur agricole pour les fermes de petite échelle et les fermes agroindustrielles de plus grande taille. Actuellement, le portefeuille agricole de la Banque est engagé dans le soutien aux efforts du gouvernement dans cette direction à travers le soutien aux chaînes de valeur de l’agriculture commerciale, la promotion des investissements dans le développement de ces chaînes de valeur et la création d’un environnement favorable au développement de l’agroalimentaire. Pour créer un environnement favorable, des réformes urgentes sont nécessaires afin de tenir compte de facteurs qui ne dépendent pas uniquement du secteur agricole. 159. L’agriculture continue de représenter le principal vivier d’emplois. 61 % de la population vivent dans des zones rurales et l’agriculture emploie 62 % de la population en âge de travailler – bien que la plupart de ces emplois permettent seulement de satisfaire les besoins de subsistance. Le secteur n’est pas en mesure de subvenir aux besoins en nourriture de la population : plus de 6 millions de personnes sont touchées par l’insécurité alimentaire et la malnutrition est largement répandue. Le pays présente un déficit commercial alimentaire de 1,5 milliard de dollars US par an, représentant 9 % de la consommation alimentaire totale et 23 % des importations totales en moyenne entre 2010 et 2014. Le secteur agroalimentaire dispose d’un immense potentiel dans la création d’emplois de qualité et durables d’un bout à l’autre des chaînes de valeur, en particulier 65 pour les jeunes et les femmes. L’élimination des barrières principales liées à la gouvernance du secteur est la clé pour faire de ceci une réalité et assurer la stabilité sociale. 160. Le développement agricole est freiné par un accès limité aux intrants, à la technologie et aux marchés, par un manque de transparence du régime foncier, par une infrastructure rurale insuffisante, par de faibles capacités institutionnelles et des goulots d’étranglement administratifs le long de la chaîne de valeur. Ainsi, le système de transport fluvial et routier, sévèrement dégradé et non fonctionnel, demeure une contrainte majeure. En effet, tant que les agriculteurs n’auront pas accès aux marchés, il n’y aura pas d’incitations à l’augmentation de la production. Les technologies de production, encore rudimentaires, limitent sévèrement la productivité. La relance des services de vulgarisation et de recherche faciliterait grandement l’acquisition de connaissances plus approfondies et un meilleur accès à des matériels de plantation et à un équipement agricole améliorés. De tels services permettraient également de transmettre des informations sur les opportunités du marché. Des capacités institutionnelles faibles et/ou inexistantes ont contribué à entretenir le cercle vicieux d’une faible productivité agricole et de la pauvreté rurale. La fourniture inadaptée de services agricoles de base – dont la recherche, la vulgarisation, les services vétérinaires et la lutte intégrée contre les parasites ; le manque d’accès aux services liés au marché – tels que les informations sur les marchés, l’identification de nouveaux marchés et le financement, la gestion du risque et le manque d’accès au crédit agricole, menace la croissance agricole. Un défi supplémentaire concerne les compétences et les niveaux de qualification extrêmement faibles des femmes et des jeunes par rapport à celles et ceux des autres pays de l’ASS. Les femmes sont également confrontées aux contraintes socioculturelles qui limitent leur accès aux revenus, aux ressources et aux terres qui pourraient générer une meilleure production et des rendements supérieurs. Les politiques agricoles créent un environnement qui n’est pas propice à la réalisation du potentiel du secteur et limitent sa reprise significativement. Cela est dû en partie à la faible participation des organisations d’agriculteurs et des représentants du secteur privé dans le processus de prise de décision. 5.2.4. Forêts et biodiversité 161. Près de 35 millions de personnes résident ou dépendent des 148 millions d’hectares de forêts du pays. Les revenus forestiers soutiennent la consommation, constituent un filet de sécurité en cas de choc et peuvent aider les ménages à trouver un moyen de sortir de la pauvreté. Par conséquent, la gestion forestière non durable constitue un défi pour les populations pauvres des zones rurales. Les forêts fournissent également près de 8,7 milliards de dollars US en produits alimentaires et autres produits forestiers, dont les produits du bois évalués à 1,8 milliard de dollars par an. Le secteur forestier fournit l’équivalent de 519 000 emplois environ à plein temps, dont 97 % sont informels. La production de bois – de chauffe, en particulier – domine le secteur, et représente 99,7 % de la valeur économique du secteur. La dégradation et la déforestation ont fait passer le pays au 35e rang mondial en termes d’émissions de gaz à effet de serre. En 2012, le pays a émis l’équivalent de 202 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Les émissions émanant du changement d’affectation des terres et de la foresterie représentent 82 % du total, c’est-à-dire un équivalent de 165 tonnes métriques de dioxyde de carbone, plaçant le pays à la quatrième position mondiale. Cependant, les forêts congolaises demeurent un puits de carbone d’importance mondiale. Agir sur les facteurs de la déforestation et de la dégradation des forêts permettrait au pays de bénéficier de la finance carbone, pour lesquels 360 millions de dollars US ont été mobilisés. 66 162. La biodiversité riche de la RDC en fait l’un des 17 pays « méga-divers » du monde. Le pays est doté de nombreuses zones de conservation prioritaires d’importance mondiale. Destiné à protéger la biodiversité riche du pays, le réseau national des zones protégées (ZP) couvre 11 % du territoire, est constitué de sept parcs nationaux et de 57 réserves naturelles et de chasse, pour un total de 22 millions d’hectares. L’ICCN (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature) est l’agence gouvernementale chargée de l’administration des ZP. L’ICCN gère le réseau des ZP avec le soutien de nombreux partenaires, dont des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ainsi que des organisations de conservation nationales et internationales. La situation financière de l’ICCN est précaire et dépend largement des bailleurs de fonds. De nombreux parcs à travers le pays font face à une crise continue de perte de biodiversité due à des faiblesses institutionnelles, à un manque de fonds et aux menaces que les conflits font peser sur les parcs. Selon l’UNESCO, les cinq sites faisant partie du patrimoine mondial sont en péril.74 5.2.5. Changement climatique 163. Les impacts du changement climatique sont visibles à travers tout le pays par ses effets négatifs qui posent un risque pour le développement durable. La RDC connait des pluies intenses et des inondations qui érodent et dégradent les sols, un prolongement de la saison sèche et une augmentation des périodes de sécheresse lors des saisons des pluies. Ces effets sont susceptibles d’influer sur la productivité agricole, d’augmenter les feux de brousse et d’endommager les infrastructures, générant ainsi des situations catastrophiques dans des villes mal planifiées. Les petits agriculteurs et les populations pauvres urbaines seront les plus vulnérables aux impacts prévus du changement climatique, lesquels incluent : (1) une augmentation vraisemblable des températures, le Bassin du Congo s’étant réchauffé à une moyenne de 0,2 °C– 0,3 °C par décennie lors du dernier quart du 20e siècle (cette tendance menacerait les groupes vulnérables, en particulier les nourrissons et les personnes âgées, et accroitrait les maladies hydriques, la malaria et la trypanosomiase) ; (2) une augmentation possible de la fréquence et de l’étendue des précipitations extrêmes et des inondations ; (3) une fréquence plus élevée des sécheresses et la perturbation du calendrier agricole ; et (4) une augmentation continue du niveau de la mer, en plus de l’augmentation de 21 centimètres observée en 2009 par rapport à 1880. 164. S’agissant, en particulier, des forêts tropicales congolaises – dont l’étendue est la seconde plus importante au monde après la forêt amazonienne –, plusieurs observations font état d’un brunissement intervenu au cours de la dernière décennie 75 et attribuable, en partie, à la tendance à l’assèchement, sur le long terme, de l’Afrique centrale causée par le changement climatique. Pour les forêts congolaises, ils y auraient des seuils critiques de disponibilité en eau sous lesquels les forêts à canopée fermée et riches en biomasse pourraient se transformer en forêts moins denses à biomasse inférieure. Les changements dans la composition et la structure de ces forêts seront susceptibles d’avoir des impacts majeurs sur la biodiversité, les ressources forestières et les communautés dépendant de la forêt, outre les pertes significatives en capacité de séquestration du carbone au niveau mondial. 165. Le changement climatique affecte diversement les hommes et les femmes dont les capacités à répondre aux impacts du changement climatique diffèrent. La RDC doit 74 http://whc.unesco.org/en/danger 75 L. Zhou, et al., 2014. « Widespread decline of Congo rainforest greenness in the past decade », Nature 10:1038. 67 impérativement intégrer davantage la problématique du genre et renforcer sa réactivité pour mettre en œuvre le programme d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ce changement à travers : (i) la conduite d’une analyse permettant de comprendre les différences liées au genre quant aux impacts du changement climatique et aux réponses à ce changement ; (ii) l’assurance d’une inclusion des femmes dans les consultations des parties prenantes à tous les niveaux ; (iii) l’identification et la résolution des obstacles pour un partage équitable entre les hommes et les femmes des bénéfices des ressources obtenues à travers le financement climatique ; (iv) la mobilisation du financement climatique pour le soutien au développement et à la distribution d’une nouvelle génération de foyers améliorés ; et (v) le soutien à l’engagement futur du secteur privé dans le financement climatique en RDC. 166. Dans l’ensemble, notre compréhension du climat en Afrique centrale et des changements prévus est plus faible que celle dont nous dispo sons pour d’autres régions du monde. Il est urgent de reconstruire un réseau de surveillance climatique en Afrique, en mettant en relation les stations météorologiques et les réseaux mondiaux de rapport et en intégrant les observations satellites. De même, il est nécessaire de moderniser et de reconstruire le réseau hydrométéorologique afin de comprendre les implications des changements à venir sur la météo et les débits fluviaux. 5.3. Capital humain : des progrès au milieu de la vulnérabilité 167. Malgré l’évolution de plusieurs indicateurs du développement humain, la RDC n’a atteint aucun de ses objectifs du Millénaire pour le développement. Le taux de mortalité des enfants âgés de moins de 5 ans a diminué de 30 % entre 2010 et 2014. Le pays se classait au 186e rang sur 187 pays sur l’indice de développement humain, avant de prendre la 176e place en 2015. Pour autant, de nombreuses difficultés persistent à plusieurs niveaux, dont : (1) les tendances démographiques ; (2) la malnutrition ; (3) la santé ; (4) l’éducation ; (5) l’emploi chez les jeunes ; (6) l’identification ; (7) les questions de genre et (8) les déplacements forcés. 5.3.1. Tendances démographiques 168. La RDC est faiblement peuplée et a connu de grandes crises démographiques au cours du siècle passé se traduisant par de fortes pertes de population. La densité de la population nationale est de 34,8 personnes au kilomètre carré (km2), classant la RDC au 178e rang mondial sur 246 pays ou territoires dépendants. De plus – et sans compter la saignée démographique liée à l’esclavage à partir du 15e siècle –, le pays a subi trois fortes crises démographiques au cours du siècle passé, dont deux sont directement liées aux politiques coloniales. En effet, l’État indépendant du Congo (1885-1908) avait imposé un système de travail forcé dans des conditions effroyables, entraînant, directement et indirectement des décès massifs dont l’ampleur est toujours débattue entre les chercheurs76. Par la suite, les épidémies de la « maladie du sommeil » – dont la propagation est associée à la colonisation de l’Afrique77 – ont provoqué, de manière récurrente, 76 Voir la controverse entre Adam Hochschild (auteur de « Les Fantômes du roi Léopold ») et Jean-Luc Vellut (professeur émérite de l’Université catholique de Louvain) sur l’étendue des pertes humaines (12 janvier 2006). « In the Heart of Darkness ». The New York Review of Books. http://www.nybooks.com/articles/2006/01/12/in-the-heart- of-darkness/ 77 “La propagation rapide de la maladie du sommeil comme conséquence de “l’ouverture de l’Afrique” a suivi 68 des pertes de population. La dernière crise démographique est intervenue avec les guerres ravageant le pays entre 1996 et 2002, coûtant la vie à des millions de Congolais. Ces faits sont profondément ancrés dans la mémoire des Congolais. Ceux-ci estiment que le discours sur leurs taux de fécondité ne tient pas compte du passé et attribue leur pauvreté à leur fécondité plutôt qu’au modèle économique et à l’économie politique qui le sous-tend. Figure 5.2 Prévisions relatives aux tendances démographiques en RDC d’ici 2050 a. Taux de fécondité total b. Proportion de la population infantile (pourcentage) Source : Les calculs se basent sur les données des enquêtes 1-2-3, 2005, 2012. 169. Alors que les questions démographiques restent délicates, une démarche prospective montre que les taux élevés de fécondité représentent un défi pour le développement de la RDC. Au cours des 10 à 15 prochaines années, la structure de la population nationale évoluera de manière significative. L’État et la société doivent se préparer à y répondre. Le taux de fécondité de la RDC est le 6e plus élevé au monde ; il est passé de 6,3 par femme en 2010 à 6,6 en 2014. La croissance démographique annuelle est de 2,8 %. Dans ce contexte, la population devrait doubler d’ici environ 25 ans. Le volet a du diagramme 5.2 indique les prévisions du taux de fécondité total de la RDC d’ici 2050. 170. La société doit baisser son taux de fécondité pour récolter les fruits du dividende démographique. Selon la classification du Global Monitoring Report 2015/2016, la RDC est en situation de pré-dividende démographique78. Par dividende démographique, on entend l’accélération potentielle de la croissance économique résultant des opportunités créées par des changements dans la structure d’âge de la population au cours d’une transition démographique (consulter l’Annexe D pour en savoir plus). Même si la RDC parvenait à conserver une grande partie de ses ressources naturelles dans le pays et à l’utiliser pour l’accumulation de son capital humain et physique, les perspectives du développement humain et la croissance économique exactement le rythme de l’invasion Européenne le long du fleuve Congo jusqu’aux bords du lac Victoria”. Consulter : De Raadt, Peter, the History of Sleeping Sickness, WHO 2005. http://www.who.int/trypanosomiasis_african/country/history/en/index5.html 78 Banque mondiale. 2016. Global monioring report 2015/2016 : Development Goals in an Era of Demographic Change. Washington, DC. 69 demeureraient limitées par le taux de fécondité. En effet, ce taux constamment élevé conduirait à une structure d’âge de la population relativement plus concentrée chez les enfants à charge (45 % de la population a moins de 15 ans). Le volet b du diagramme 5.2 indique que même si les taux de fécondité chutent de moitié, plus d’un tiers de la population en RDC serait des enfants d’ici 2050. La proportion d’adolescents oscille autour de 24 %. 171. L’inégalité entre les genres entretient la dynamique négative résultant d’une fécondité élevée, renforce la dépendance et maintient la prépondérance des jeunes dans la population globale. Les travaux récemment menés sur la dynamique démographique en Afrique indiquent que la promotion de l’égalité hommes-femmes est au cœur d’une nouvelle réflexion sur la politique démographique. Environ 40 % de filles sont mariées et 25 % sont enceintes avant l’âge de 18 ans. En RDC, des investissements importants seront nécessaires pour permettre à la population jeune croissante d’avoir accès à une couverture minimale des services de base – notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. Ces investissements appelleront une hausse de la demande de ressources budgétaires. Avec des taux de fécondité élevés, il sera donc difficile pour la RDC d’atteindre des objectifs universels pour le développement durable (couverture universelle en matière de santé et d’éducation). La création d’emplois et la transmission des compétences sont indispensables pour l’insertion professionnelle mais sont de plus en plus difficiles à mettre en place avec un nombre de jeunes qui ne cesse de croître. 5.3.2. Malnutrition 172. En RDC, la malnutrition est la première cause de près de 48 % des décès des enfants de moins de 5 ans. Certains facteurs communs contribuant à la malnutrition se sont légèrement améliorés, dont l’accès à l’eau potable, qui est passé de 49 % de la population en 2005 à 52,4 % en 201279. Ces légères améliorations n’ont toutefois eu qu’un impact limité. La prévalence de la malnutrition chez les femmes enceintes et les moins de 5 ans demeure la plus élevée d’Afrique. L’état nutritionnel des femmes et des enfants représente encore une situation alarmante, 43 % des moins de 5 ans souffrant de retard de croissance, 8 % de malnutrition aiguë et 23 % présentant une insuffisance pondérale (DHS 2014)80. Chez les femmes, les taux élevés de malnutrition augmentent les risques d’accoucher d’un bébé de faible poids et perpétuent donc le cycle de la malnutrition intergénérationnelle. Élevés dans tout le pays, les taux de malnutrition chroniques dépassent 50 % dans certaines provinces (Nord-Kivu, Sud-Kivu et l’ancienne province du Kasaï Occidental). Le niveau scolaire des mères constitue un bon indicateur de la malnutrition de leurs enfants, ce qui souligne l’importance de la scolarisation des filles. 173. La malnutrition cause des pertes irréversibles en capital humain et contribue à des pertes de productivité économique. L’insuffisance pondérale à la naissance est associée à une chute de 5 points du quotient intellectuel ; le retard de croissance de l’enfant à une réduction de 5 à 11 points, et les carences en iode à une réduction de 10 à 15 points. Les enfants bien nourris fréquentent l’école pendant 1 ou 2 ans de plus, présentent une progression scolaire plus rapide et obtiennent des résultats plus élevés à leurs tests de compréhension écrite et à leurs tests pour 79 Programme de surveillance commun OMS/UNICEF pour l ’eau et l’assainissement (2005 et 2015). 80 Tout comme dans de nombreux autres pays, la plupart du temps, la malnutrition se manifeste entre la conception et l’âge de deux ans. Cela coïncide avec la période du développement du cerveau la plus importante, ce qui explique les liens entre la malnutrition et les problèmes de développement cognitif altéré et irréversible. 70 l’évaluation cognitive non verbale81. Les enfants et les adultes souffrant de malnutrition sont plus susceptibles d’être malades, hospitalisés et de séjourner plus longtemps à l’hôpital82. Cette situation conduit à une déperdition scolaire et des pertes d’emploi chez les enfants et les adultes. La malnutrition aboutit également à des taux de mortalité plus élevés, une plus grande fréquence des maladies et des effets à plus long terme sur les aptitudes cognitives et les résultats scolaires. Selon les estimations, les carences en vitamines et en minéraux en RDC s’élèvent globalement à une perte approximative de plus de 100 millions de dollars US en PIB, chaque année. Le gouvernement alloue actuellement environ 7,5 % du budget total à la santé, dont une fraction seulement est affectée à la nutrition. L’apport total des bailleurs de fonds aux interventions en matière de nutrition est également faible, mais il a progressivement augmenté, d’environ 20 millions de dollars US par an en 2007 à 25 millions en 2012. 5.3.3. Santé 174. Les indicateurs de la santé, en général, et les indicateurs de la santé maternelle et infantile, en particulier, demeurent insatisfaisants malgré des améliorations significatives. Le taux de mortalité maternelle était estimé à 846 décès pour 100 000 naissances vivantes en 201483. Le taux de mortalité infantile est passé de 92 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2010 à 58 en 2013 et le taux de mortalité des moins de 5 ans est passé de 148 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2010 à 104 en 201384. Alors que la RDC ne représente que 1 % de la population mondiale, le pays figure parmi les cinq pays qui comptent près de la moitié des décès des moins de cinq ans à l’échelle mondiale (OMS 2012). Le pays fait face au lourd fardeau des maladies transmissibles : il est l’un des 22 pays les plus touchés par la tuberculose et l’un des 27 pays qui portent 85 % du fardeau mondial de la tuberculose multirésistante (OMS, 2013). La prévalence du VIH s’est stabilisée à environ 1,2 % de la population depuis 2012 et l’accès aux traitements a considérablement progressé. Le nombre de patients recevant un traitement antirétroviral est passé de 64 219 (25 %) à 101 089 (46 %) entre 2007 et 2014. Dans le même temps, la RDC a éradiqué la polio, mais d’autres maladies infectieuses font toujours rage. Environ 97 % de la population vit dans des zones touchées par un paludisme endémique. Ces dernières années, l’usage de moustiquaires imprégnées d’insecticide à effet prolongé a été encouragé. Avec un taux de couverture de 72 %, ces moustiquaires ont permis de réduire le taux de mortalité des moins de 5 ans de 33 %85, selon les données de 2013-2014 issues des Enquêtes démographiques et de Santé (EDS). 175. La RDC est prédisposée aux épidémies, lesquelles sont gérées de façon ad hoc. Le virus Ebola a été découvert en RDC en 1976, et s’est ensuite manifesté à sept reprises, surtout dans des zones rurales relativement éloignées. L’épidémie la plus récente a été enrayée en 2014, avec 66 cas de contamination, dont 49 décès. Une épidémie d’une ampleur bien supérieure peut toutefois 81 Maluccio, Jahn A. et coll. 2009, “The Impact of Improving Nutrition during Early Childhood on Education among Guatemalan Adults.” Economic Journal 119 (537): 734–63. 82 L’analyse du fardeau mondial des maladies indique que l’insuffisance pondérale chez les jeunes enfants demeure le principal facteur de risque pour le fardeau des maladies chez les adultes et chez les enfants en Afrique de l ’Est, en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et le quatrième facteur de risque en importance en Asie du Sud. Consulter : Murray, Christopher J. L., et al. et coll. 2012, “GBD 2010 : A Multi-investigator Collaboration for Global Comparative Descriptive Epidemiology.” Lancet 380 (9859) : 2055–58. 83 D’après les données des EDS, 2014. 84 Comparaison de l’EDS de 2013-14 et de l’Enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS) de 2010. 85 UNICEF, 2013–2014, rapport d’analyse de l’EDS II. 71 survenir en milieu urbain, au risque d’accroître le nombre de victimes et d’entraîner une propagation dans les pays voisins. En 2016, la RDC a fait face à une épidémie de fièvre jaune et de choléra. L’État a réagi promptement pour gérer et éradiquer les épidémies, mais n’a pas mobilisé suffisamment de moyens financiers et d’assistance techniques pour renforcer la stratégie, la rentabilité et la stabilité d’un système de riposte et de surveillance des maladies. 176. Les faibles taux d’utilisation des services de santé s’expliquent par la faiblesse des infrastructures, le manque de clarté sur les zones desservies et les obstacles financiers (consulter l’Annexe H). Deux tiers des patients ne disposent pas d’un régime de soins de santé formel en raison du manque de services, des longs déplacements pour accéder aux soins, de la qualité médiocre des services et de la charge financière des soins. Les principaux problèmes de qualité sont les suivants : (1) les faibles performances des travailleurs de la santé (absentéisme, qualité insuffisante des soins cliniques, manque de compétences dans les relations interpersonnelles) ; (2) l’insuffisance des ressources financières dans les centres de santé pour garantir la disponibilité des médicaments et des fournitures médicales ; (3) le choix limité des services disponibles dans les centres de santé ; et (4) le caractère inadéquat des services (horaires d’ouverture peu pratiques, longs déplacements), notamment les services d’accueil hospitaliers, comme les repas et le linge. Même si l’usage de services préventifs est élevé (par exemple, les moustiquaires), celui d’autres services généralement fournis par des plateformes sociales et communales (par exemple, la planification familiale et le changement des comportements pour la prévention de la malnutrition) est insuffisant. 177. Il est nécessaire d’accroître significativement les ressources de la santé publique pour répondre aux besoins de la population et réduire les inégalités. Le gouvernement ne consacre qu’environ 1 dollar US par habitant et par an aux soins de santé (Comptes nationaux de la santé, 2016), soit un des taux de financement de la santé les plus bas au monde. Dans les établissements de santé publics, les frais sont relativement élevés et comparables à ceux du secteur privé. Cette situation s’explique, en partie, par le caractère limité des subventions gouvernementales au secteur de la santé dont les établissements ne disposent pas de budgets suffisants pour couvrir les coûts réels des soins. Des établissements de santé sont fréquemment en sureffectifs, dans les zones rurales comme urbaines. À ce problème s'ajoute celui de la rémunération des personnels de santé, car 70 % d'entre eux ne reçoivent pas de salaire. En outre, certains auraient dû prendre leur retraite depuis longtemps. Enfin, de nombreux employés doivent recevoir des formations additionnelles. Les établissements disposeraient en moyenne de 30 % des médicaments essentiels. Cependant, la disponibilité de médicaments abordables varie d'un établissement de santé à l'autre. Compte tenu de la performance médiocre du système public de distribution de médicaments, les établissements de santé se procurent des médicaments auprès d'un ensemble diversifié de sources, y compris des distributeurs du secteur privé. Il existe en effet un sous-système parallèle pour l'approvisionnement en médicaments, créant des problèmes de coordination, d'harmonisation, de niveau de livraison et de logistique. En somme, cette situation a débouché sur : (1) des ruptures de stock dans certaines zones de santé et un sur-stockage dans d'autres, entraînant la conservation de médicaments au-delà de leur date de péremption ; et (2) le transport inefficace de médicaments et de fournitures par divers sous-systèmes vers les mêmes zones de santé, avec pour effet d'augmenter les coûts logistiques. Même si les prix sont relativement bas sur le marché pharmaceutique privé, celui-ci n'est pas bien réglementé et l'assurance de la qualité fait défaut. 72 5.3.4. Éducation 178. L’état actuel de ’accumulation du capital humain en RDC ne permet pas d’assurer le développement socioéconomique du pays. Le système éducatif peine à doter le pays d’une population active compétente, capable de le transformer en un pays industrialisé d’ici 2030 (voir Annexe H). Presque la moitié de la population en âge de travailler dans le pays86 n’a aucune instruction (28 %) ou n’a pas atteint un niveau d’instruction primaire (19 %). Cette situation suggère que des programmes destinés à améliorer la qualité de l’enseignement sont nécessaires. 179. Le taux d’achèvement au primaire est passé de 65 % en 2005 à 70 % en 2014. Malgré des progrès notables, la RDC n’a toutefois pas réussi à universaliser l’accès à l’enseign ement primaire et 4,9 millions d’enfants en âge d’être scolarisé ne fréquentent pas l’école primaire, dont près de 3 millions n’ont jamais été scolarisés. Le taux d’abandon scolaire est important au cours de la première année. L’écart entre les garçons et les filles se rétrécit, mais celles-ci continuent d’obtenir des résultats aux tests inférieurs à ceux des garçons à la fin de l’école primaire. Les enfants sont mal préparés à l’entrée à l’école, sous l’effet conjugué des taux élevés de malnutrition chronique et du faible accès à l’enseignement préscolaire. La qualité de l’enseignement et les résultats de l’apprentissage doivent être améliorés. 180. L’enseignement post-primaire est insuffisant et la qualité et la pertinence de l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) font défaut. La qualité de l’enseignement secondaire n’est pas adaptée aux ambitions de développement socioéconomique de la RDC. Le taux de réussite en mathématiques et en sciences à la fin du cycle avoisine les 50 %. De nombreux programmes scolaires sont obsolètes et l’on constate une pénurie de matériel pédagogique. De plus, la réputation et l’attrait des formations techniques et professionnelles se sont progressivement érodés. Au secondaire, plus de 80 % d’étudiants sont inscrits dans des formations générales ou d’enseignants, sans perspective d’emploi. En 2012, la proportion d’étudiants dans l’EFTP secondaire représentait à peine 18,5 % des inscriptions totales. Ces chiffres sont préoccupants, car cette filière est cruciale pour fournir les compétences et le savoir- faire indispensables au marché du travail et ainsi parvenir à une croissance tirée par les investissements. 181. Le secteur de l’enseignement supérieur a besoin d’importants bonds qualitatifs et d’un usage plus efficace des ressources. La moitié des étudiants inscrits à l’université abandonne leurs études avant la troisième année. Le taux d’achèvement des études oscille autour de 60 %. En 2011, une évaluation visant à déterminer la viabilité du système d’enseignement supérieur a mis en exergue les difficultés qui affaiblissent le cadre d’apprentissage et la prestation des programmes, notamment sur le plan de la qualité : (1) l’expansion incontrôlée des établissements de qualité discutable, surtout dans le secteur privé ; (2) l’insuffisance des normes de gouvernance et de redevabilité ; (3) les bâtiments vétustes et l’équipement obsolète ; (4) l’espace limité et les salles de cours combles ; (5) une inadéquation entre les programmes d’enseignement et la demande du marché ; et (6) une pénurie de personnel enseignant disposant des compétences recherchées. Dans l’enseignement secondaire public, seul 1 professeur pour 80 étudiants possède les compétences nécessaires, et 1 pour 850 dans l’enseignement secondaire privé. La moyenne d’âge du personnel compétent est de 65 ans. Les programmes qui ciblent les compétences 86 Compétences pour le redressement économique et la croissance partagée en RDC (P153289). 73 complémentaires nécessaires aux secteurs clés pour la croissance économique du pays n’attirent que peu d’étudiants. 5.3.5. Emploi 182. En RDC, l’emploi est essentiellement agricole et les zones urbaines affichent des taux de chômage disproportionnellement élevés. Le secteur agricole emploie la grande majorité de la population active (plus de 16 millions de personnes), suivi de loin par le commerce avec à peine plus de 3 millions de travailleurs. Les femmes représentent 70 % de la main-d’œuvre dans l’agriculture, mais pour des activités de subsistance (FAO 2015). La croissance de l’emploi a été beaucoup plus rapide dans le commerce et les services, ces derniers ayant doublé entre 2005 et 2012. En revanche, les emplois n’ont augmenté que de 12 % au cours de la même période dans le secteur agricole. Malgré l’expansion de l’emploi, les taux de chômage – évalués selon la définition internationale87 – ont augmenté, passant de 2,5 % en 2005 à 3,2 % en 2012. En utilisant une définition plus large du chômage, qui inclut également les personnes découragées et restées sans emploi, il s’élève à 17,7 % à l’échelle nationale, à 31 % dans les zones urbaines et à 39 % à Kinshasa88. Plus de 80 % du chômage sévit dans les zones urbaines, même si cette proportion a diminué parallèlement à l’expansion des taux de chômage dans les zones rurales. Les femmes qui pourraient exercer une activité professionnelle continuent de faire face à des obstacles spécifiques liés au marché de l’emploi. D’ailleurs, leur taux élevé d’inactivité (21 % par rapport à 16 % pour les hommes) suggère qu’un grand nombre d’entre elles ont probablement abandonné leur recherche d’emploi. Par ailleurs, le travail des enfants est très fréquent ; un quart des enfants âgés de 13 ans travaillent en même temps qu’ils sont scolarisés. Le nombre d’enfants de 5 à 14 ans qui ne fréquentent pas l’école et travaillent se maintient aux alentours de 3 à 4 %. 183. Chaque année, un million de jeunes Congolais entrent sur le marché du travail avec des perspectives d’emploi particulièrement limitées, comme l’indiquent les taux élevés de sous-emploi et de chômage. Une proportion élevée de jeunes (22 %) n’exercent aucune activité professionnelle et sont déscolarisés. Kinshasa affiche les taux les plus élevés de ces catégories de jeunes dans le pays (plus de 40 %), ce qui suggère un lien avec la croissance des gangs urbains (kuluna). La définition de la jeunesse en RDC englobe une classe d’âge très large (tranche d’âge de 15 à 35 ans), alors que la plupart des statistiques internationales sur l’emploi des jeunes utilise la tranche d’âge réduite des 15-24 ans. Ainsi, pour les 15-24 ans, le taux de participation sur le marché du travail est beaucoup moins élevé que les 15-35 ans (35 % contre 55 %) ; en revanche, le taux de fréquentation scolaire est beaucoup plus élevé (49 % contre 30 %). Le taux de chômage des jeunes est presque trois fois supérieur à celui des adultes. Des différences significatives existent entre les provinces. À Kinshasa et au Sud-Kivu, 27 % et 14 %, respectivement, des jeunes recherchent activement du travail, contre 3 % en moyenne dans d’autres provinces. 184. Le développement du capital humain est faible chez de nombreux jeunes . La qualité de l’enseignement fondamental est insuffisante. Les résultats d’apprentissage obtenus sont 87 La définition internationale du chômage selon l ’OIT englobe les personnes suivantes : sans travail, désireux de trouver un emploi, à la recherche d’un emploi de manière active au cours des quatre dernières semaines et qui sont disponibles pour travailler au cours des deux prochaines semaines ; ou sans travail, mais ont accepté un emploi devant commencer dans les quinze jours suivants. 88 Source : 1-2-3 Survey. 74 médiocres et ne préparent pas à l’entrée sur le marché du travail. Les graves faiblesses de l’EFTP89 contribuent à ce décalage entre les préférences d’emploi des jeunes (secteur formel ou secteur informel, public ou privé) et les emplois offerts (en grande partie dans le secteur informel). Cette situation risque d’attiser le mécontentement, voire le désespoir, ressenti par de nombreux jeunes congolais. Les services de placement de l’Office Nationale de l’Emploi ne sont à la disposition que d’une fraction infime de personnes au chômage. Par ailleurs, le manque de ressources de l’Office fait qu’il est pratiquement impossible de mettre en relation les chercheurs d’emploi avec les offres d’emploi. Quelques programmes visant à encourager l’entrepreneuriat, surtout chez les femmes et les jeunes, sont mis en œuvre avec l’aide de bailleurs de fonds, mais leur portée est minime et se limite souvent aux zones urbaines principales. 5.3.6. Identification 185. En RDC, les déclarations de naissance sont en baisse et l’inégalité d’accès à une identité reconnue et déclarée officiellement se creuse. L’enregistrement des enfants à la naissance et de l’identité de leurs parents constituent la première étape dans l’établissement des identités personnelles. Le taux d’enregistrement des naissances ne dépasse toutefois pas 25 % et seulement la moitié des enfants enregistrés reçoit des actes de naissance (UNICEF 2015). L’absence de déclaration est élevée chez les pauvres. Entre 2001 et 2013-2014, la proportion de naissances déclarées chez les ménages du quintile le plus pauvre est tombée de 37,9 % à 15,7 % ; en revanche, parmi les ménages du quintile le plus riche, cette proportion est passée de 31,7 % à 38,4 % sur la même période. En outre, cette proportion a baissé pour les trois quintiles moyens au cours de cette période. En 2013, le ratio d’enregistrement des naissances entre les quintiles les plus riches et les plus pauvres en RDC était de 2,45 ; et se situait au-dessus des moyennes des pays les moins développés (1,96) et des pays de l’ASS (2,42). Malgré une prorogation de 30 jours du délai de la déclaration, les parents les plus pauvres en RDC ne peuvent assumer les frais exorbitants de ce processus (officiellement 32 dollars US, mais pouvant atteindre plus de 100 dollars US avec les formalités supplémentaires). Ces familles ne parviennent pas à apprécier l’importance de la déclaration de naissance ou ne connaissent pas d’autres moyens de déposer leur déclaration. 186. La RDC a besoin d’un système d’identification régulier, sûr et rentable, car l’émission de nouveaux certificats d’identité tous les cinq ans est onéreuse et ne fonctionne pas. Dahan et Gelb soulignent également que les processus répétés d’inscription des électeurs, à l’instar de ceux utilisés en RDC (processus géré par le Programme des Nations Unies pour le développement avec un coût de 203 millions de dollars US en 2011), ne renforcent pas nécessairement les systèmes d’identification. À ce sujet, la RDC est un cas particulièrement pertinent. En effet, alors que deux campagnes d’enregistrement biométrique ont été menées, le manque de continuité de l’enregistrement fait que les personnes qui n’étaient pas encore en âge de voter ne pourront vraisemblablement pas prouver leur identité pendant encore au moins cinq ans, indépendamment de leur âge réel. Comme l’indiquent Gelb et Diofasi (2016), « l’inscription répétée des électeurs, qui entraîne des gaspillages, est un exemple clair » de la concurrence entre institutions et du manque de coordination entre les acteurs, aussi bien nationaux qu’internationaux. 89 Consulting en Développement communautaire et en gestion d ’Entreprises, « Diagnostic et recommandations pour l’adéquation formation emploi et production (ADEP) de la main -d’œuvre qualifiée en RDC », version de mars 2016. 75 187. L’identité de la personne est un droit humain fondamental et le socle du développement national. L’identité importe à bien des égards et pourrait aider la RDC à réduire sa pauvreté et sa vulnérabilité. Dahan et Gelb (2015)90 ont identifié dix groupes d’objectifs de développement durable (ODD) qui pourraient bénéficier de systèmes d’identification plus efficaces. Parmi ceux-ci figure la mise en œuvre d’un système adéquat de protection sociale – lequel nécessite une solide gestion de l’identité pour s’assurer que les fonds sont utilisés à bon escient. Ces systèmes permettent aussi d’accroître l’inclusion financière des plus vulnérables en effectuant des paiements directement sur les comptes bancaires (ou à l’aide d’un téléphone mobile). En matière de services financiers, les avantages de l’identification incluent la facilitation de l’accès au crédit, une meilleure réglementation des marchés ainsi que la réduction de la fraude et du blanchiment d’argent. 188. Compte tenu des niveaux de pauvreté et de sa profondeur en RDC, les secteurs sociaux peuvent largement tirer avantage des systèmes de gestion d’identité. Un solide régime de protection sociale peut contribuer à augmenter la résilience et réduire la pauvreté par le biais de transferts ciblés. Dans l’enseignement, les systèmes d’identification sont essentiels pour suivre les progrès des élèves, noter leur entrée, observer leur progrès et constater leur sortie du système scolaire à des fins de ciblage et de vérification des diplômes et titres de compétence. Un système d’identification efficace pourrait également aider à repérer les élèves non scolarisés. Dans le secteur de la santé, l’identité consoliderait la gestion et le ciblage d’un régime universel de soins de santé. Les statistiques sur les causes de décès, recueillies dans le cadre des processus en fin de vie, renforceraient le ciblage d’environ 40 à 50 % des dépenses totales en soins de santé financées par l’État ou par des sources externes91. 5.3.7. Le genre 189. Les structures originelles de la société congolaise, à la fois patriarcale et matriarcale, ont été remplacées par un modèle familial patriarcal unique sous l’effet de la colonisation. Le modèle patriarcal de la famille, de l’autorité et de la hiérarchie s’est maintenu après l’indépendance de la RDC. Aujourd’hui, plusieurs indicateurs du développement social, économique et humain affichent des disparités saisissantes entre les genres. Les indicateurs de l’inégalité entre les genres –en matière de santé, d’autonomisation et d’économie – figurent parmi les plus faibles de la région. En 2012, l’Indice de l’inégalité entre les genres du pays s’élevait à 0,673 – soit le plus faible des cinq pays d’Afrique examinés (PNUD 2012). De même, l’Indice du développement entre les genres se situe à 0,833 – autrement dit, les femmes affichent un niveau de développement humain équivalant à environ 83 % de celui des hommes (PNUD 2016). Malgré d’importants progrès, notamment dans le secteur de la santé et de l’éducation, des disparités persistantes indiquent que les normes socioculturelles limitent la condition sociale de la femme, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, et contribuent à son exclusion des sphères de prise de décision politique et publique. Il est crucial d’identifier ces disparités et d’y prêter attention : la réduction des disparités entre les genres dans la santé et l’éducation est essentielle pour promouvoir la formation du capital humain et élargir les perspectives économiques ; une plus 90 Gelb, Alan et Mariana Dahan (2015), “The Role of Identification in the post-2015 Development Agenda”, Center for Global Development Promoteur Essays, 1 July 2015. https://www.cgdev.org/sites centre/default /files/CGD- Essay-Dahan-Gelb-Role-Identification-Post-2015.pdf. 91 Banque mondiale (2015), « Investing in Universal Health Coverage », Rapport 103444. 76 grande égalité entre les genres et une diversité accrue peut aussi renforcer la productivité, améliorer les résultats du développement et permettre aux entreprises et aux institutions de fonctionner plus efficacement. 190. Bien que le cadre politique et législatif de la RDC inclut des dispositions spécifiques aux questions d’égalité entre les genres, les disparités hommes-femmes continuent de poser un sérieux défi. En vertu des articles 14 et 15 de la Constitution de 2006, l’homme et la femme sont égaux en droit. Plusieurs dispositions discriminatoires figuraient dans le précédent code de la famille, entravant les activités d’entreprise et l’inclusion financière des femmes. Par exemple, les femmes mariées devaient obtenir l’aval de leurs maris pour faire certifier un document, signer un contrat, immatriculer une société, ouvrir un compte bancaire, obtenir un prêt, aller au tribunal ou travailler hors du domicile. Le nouveau code de famille (adopté par l’Assemblée nationale en juillet 2016) supprime la majorité de ces restrictions et porte de 15 à 18 l’âge minimum légal du mariage pour les filles. Il reste cependant beaucoup à faire pour l’application des nouvelles lois. 191. En RDC, le taux de participation et de représentation des femmes dans la vie politique est limité. Leur participation politique est réduite et les femmes n’occupent actuellement qu’à peu près 8 % des sièges de l’Assemblée nationale et du Sénat contre 20,6 % en moyenne dans les pays à faible revenu. Les changements apportés à la loi électorale en 2015 ont supprimé le quota de représentation fixé à 30 % pour les femmes et pourraient réduire davantage les taux de participation. Les principaux facteurs qui limitent le rôle et la participation des femmes à la prise de décision relèvent de normes sociales et culturelles. Plus généralement, le manque d’éducation et de ressources économiques et les structures de pouvoir patriarcales perpétuent la domination des hommes. 192. En RDC, aucune différence significative entre les genres n’a été observée en matière de développement humain au cours des premières années de la vie. La baisse du taux de mortalité des moins de cinq ans entre 2007 et 2013 et le niveau de ce taux sont identiques pour les petites filles et les petits garçons. De même, aucune différence n’a été observée entre les filles et les garçons pour la malnutrition chronique de l’enfant ou pour l’accès pendant la petite enfance aux services de santé, tels que la vaccination. Le ratio filles et garçons des inscriptions au primaire (parité entre les genres) est passé de 0,81 en 2007 à 0,96 en 2013. 193. Cependant, des écarts importants entre les genres se forment après la petite enfance, notamment dans les domaines suivants : éducation, soins de santé, activité économique, condition sociale, droit foncier et droit de propriété, pratiques successorales et pouvoir de décision. En 2013, le ratio au secondaire de 0,62 est inférieur à la moyenne de 0,77 dans les pays à faible revenu. Certes, des progrès ont été réalisés dans les soins de santé. Pour autant, le taux de mortalité maternelle reste élevé et des pénuries subsistent dans l’accès aux services de planification familiale et dans l’aide à l’accouchement par des intervenants compétents. L’écart de condition sociale entre les genres est lié aux mauvais résultats de développement ; par exemple, les filles sont moins nombreuses à fréquenter le secondaire ; les femmes sont moins nombreuses à détenir des entreprises ; la gestion des biens matrimoniaux tend à être confiée au mari ; et le taux d’accès à un compte bancaire est moins élevé chez les femmes (Banque mondiale, 2016)92. Leur pouvoir de décision au sein du ménage a tendance à être restreint ; la décision leur revient dans seulement 92 Women, Business, and the Law 2016: Getting to Equal. Banque mondiale, 2016. 77 11 % dans des cas relatifs aux questions de leur santé. Dans 53 % des cas, la décision revient à l’homme et, dans 36 % des cas, les décisions sont prises en commun (DHS 2013-14). Sur les 173 économies couvertes dans le rapport de la Banque mondiale, la RDC figure parmi les 28 pays qui présentent dix disparités ou plus en matière de statut juridique. Dans les pays d’ASS, seuls la Mauritanie et le Soudan imposent aux femmes un nombre plus élevé de restrictions. 194. Sur le plan économique, les femmes travaillent principalement dans l’agriculture et dans les petites entreprises du secteur informel. Les femmes actives n’ont souvent pas accès à la terre ou aux ressources financières, ce qui limite leurs investissements dans les nouvelles technologies et les moyens de production, notamment l’achat de semences, d’outils et d’engrais de meilleure qualité. Bien que des lois existent contre la discrimination dans les salaires et l’emploi, 63 % des femmes gagnaient moins de 30 000 CDF par mois contre 43 % des hommes en 2012, pour des conditions et temps de travail analogues93. Elles sont moins nombreuses que les hommes à avoir accès à la propriété ou à la terre (DHS 2013-14) en raison d’une dynamique socioculturelle qui limite le droit de propriété des femmes et leur héritage foncier. La base de données sur le soutien en faveur de l’inclusion financière (Findex) montre, par exemple, le faible accès à la bancarisation et l’écart entre les genres en RDC ; le nombre de femmes âgées de 15 ans ou plus détentrices d’un compte est inférieur de 40 % à celui des hommes. 195. Les femmes congolaises sont exposées à des taux élevés de violence sexiste, au-delà de la violence sexuelle en période de conflit dans l’Est du pays dont les médias ont abondamment parlé. D’après l’EDS de 2013-2014, plus de la moitié (52 %) des femmes ont subi, au cours de leur vie, des actes de violence physique depuis l’âge de 15 ans ; et plus d’un quart (27 %) ont été victimes de violences physiques au cours des 12 mois précédents. Le conflit dans les provinces de l’Est contribue fortement aux taux élevés de violence sexuelle et sexiste. En effet, les groupes armés ont perpétré la majorité des crimes sexuels au Nord-Kivu et au Sud-Kivu94. Les causes de la violence ne sont toutefois pas totalement liées au conflit et la majorité des crimes sexuels sont à imputer aux non-combattants en 2012 (58 %). La violence perpétrée par un partenaire intime constitue un problème particulièrement répandu : parmi les femmes mariées ou vivant avec un conjoint, 57 % ont subi des violences exercées par leur partenaire – notamment physiques ou sexuelles –, soit un taux nettement supérieur à la moyenne régionale de 38 % (OMS 2013). 196. Les taux de violence basée sur le genre (VBG) varient fortement entre les provinces. Ces taux sont particulièrement élevés en Équateur, au Maniema, au Katanga, au Kasaï Oriental et au Kasaï Occidental95. De plus, l’acceptabilité de la violence conjugale est particulièrement élevée en RDC. En général, cette acceptabilité est élevée en ASS et atteint 30 % en moyenne, soit plus que le double de la moyenne des pays en développement. L’acceptabilité de la violence conjugale 93 République Démocratique du Congo, Rapport de Suivi de la Situation économique, 2 e Édition : Renforcer l’État et transformer la Richesse minière en vecteur de Croissance, de Développement et de Cohésion nationale (Banque mondiale, 2014) 94 Ministère du Genre, de la Famille et de l’Enfant et le Fonds des Nations Unies pour la population, Ampleur des Violences sexuelles en RDC et actions de lutte contre le phénomène de 2011 à 2012, juin 2013. 95 Pour ces provinces, l’occurrence de la violence physique et de la violence sexuelle étaient respectivement : Équateur, 58,8 % et 27,4 % ; Maniema, 57,8 % et 34 % ; Katanga, 49 % et 22,7% ; Kasaï Oriental, 57,4 % et 30,5 % ; Kasaï Occidental, 61,8 % et 36,3 %. Ces chiffres proviennent de l’enquête EDS de 2014 qui ne prenait en compte que le découpage suivant les anciennes 11 provinces et ne couvrait que la violence conjugale (physique et sexuelle). Ces chiffres ne contiennent pas d’informations sur les violences physiques et sexuelles infligées par des personnes autres que le partenaire. 78 en RDC est la plus élevée de la région avec 74,8 % des femmes et 59,5 % des hommes (âgés de 15 à 49 ans) qui pensent que battre son épouse est justifiée pour au moins une raison spécifique. 197. La VBG a un impact négatif sur la santé mentale, la cohésion sociale et la stabilité au sein de la collectivité et de la famille. De plus, dans un contexte où aussi bien le taux de la VBG que son acceptabilité sociale sont élevés, les projets de développement, y compris les projets d’infrastructure, risquent d’exacerber ce type de violence. L’afflux de main-d’œuvre associé aux grands projets d’investissement, dans un contexte où les normes et valeurs sociales toléreraient la VBG, pourrait exposer les groupes vulnérables aux agressions sexuelles, au commerce sexuel, au viol et au mariage forcée ou prématuré. En outre, elle engendre des coûts économiques, allant des dépenses de soin à la charge des victimes, à l’impact sur la formation du capital humain, en passant par la perte de productivité et de revenu96. Ainsi, assurer la sécurité et le bien-être des femmes et des enfants est autant une question de sécurité et de gouvernance cruciale qu’un impératif de développement pour la RDC et il faut donc en faire une priorité absolue. 198. La loi de 2006 sur la violence sexuelle a élargi la définition de l’agression sexuelle. En vertu de cette loi, le viol, l’esclavage sexuel, le harcèlement sexuel et la grossesse forcée sont désormais des infractions pénales. La violence sexuelle est un phénomène social en expansion. La RDC est un signataire (2009) de la Convention de l’Union africaine pour la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique. L’État a également avalisé la Stratégie de lutte contre la VBG (2009), laquelle vise à soutenir l’efficience des mécanismes de coordination pour la prévention, la protection et les efforts d’intervention en faveur des survivants. En juin 2014, le Président a nommé un conseiller spécial sur la violence sexuelle et sexiste, mais les poursuites judiciaires sont généralement rares et l’impunité demeure un problème sérieux. 5.3.8. Déplacement forcé 199. En Afrique, la RDC est le quatrième pays à accueillir le plus grand nombre de réfugiés, après l’Éthiopie, le Kenya et l’Ouganda (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés - HCR 2016). En décembre 2016, la RDC accueillait près de 452 000 réfugiés, dont 245 000 en provenance de Rwanda, 102 000 de Centrafrique, 67 000 du Soudan du Sud et 36 000 du Burundi. En RDC, la quasi-totalité des réfugiés vit en milieu rural (98,7 %) tandis qu’une minorité vit dans les zones urbaines de Kinshasa, Lubumbashi, Goma et Bukavu (HCR 2016). Parmi les déplacés, 52 % sont des femmes et la majorité (64,4 %) se compose de jeunes et d’enfants de moins de 18 ans (HCR 2016). 200. Les conflits prolongés et l’instabilité en RDC, notamment deux guerres congolaises, ont entraîné un déplacement interne massif et des flux de réfugiés. Le nombre de déplacés internes en RDC était estimé, fin 2016, à 2 millions. Plus de 90 % des déplacés internes sont concentrés dans les provinces de l’Est du Nord-Kivu, Sud-Kivu, Tanganyika et Maniema. Les déplacés internes ont tendance à choisir des lieux d’asile où la sécurité est relativement meilleure ; où l’accès à la terre et aux opportunités économiques est plus large ; et où les réseaux sociaux et 96 Le rapport de la Banque mondiale réalisé en 2014 et intitulé « Voice and Agency: Empowering Women and Girls for Shared Prosperity » a examiné la violence basée sur le genre dans 5 pays ; selon les estimations, le coût de la violence perpétrée par un partenaire intime se situait entre 1,2 % à presque 4 % du PIB, ce qui correspond aux dépenses que consacrent de nombreux États à l’instruction primaire (Klugman et coll.2014). 79 l’hospitalité des collectivités locales leur sont propices (Centre de surveillance des déplacements internes - IDMC 2015), sans pour autant s’éloigner trop de leur village d’origine (Service commun de profilage des déplacés – JIPS 2010). Près de 80 % vivent au sein de collectivités locales ou de familles d’accueil en dehors des camps (IDMC 2015)97. Ceux accueillis par des collectivités déjà pauvres souffrent des conditions les plus mauvaises quant à l’accès aux services, aux moyens de subsistance et à l’hébergement (Banque mondiale 2015). D’après des informations selon lesquelles des camps de déplacés internes seraient infiltrés par des groupes armés, les camps au Nord-Kivu ont été démantelés brutalement par le gouvernement. Il s’en est suivi le déplacement de 35 000 réfugiés dans les localités environnantes (UNICEF 2016). Au cours des quinze dernières années, la RDC a constamment hébergé plus d’un million de déplacés internes, ce chiffre atteignant environ 3 millions de personnes entre 2003 et 2013 (IDMC 2016). À fin 2016, 0,5 million congolais étaient réfugiés hors des frontières du pays, dont 87 % avaient cherché l’asile dans quatre pays voisins : en Ouganda (47 %), au Rwanda (15 %), en Tanzanie (13 %) et au Burundi (12 %). 201. Depuis 2010, plusieurs milliers de déplacés internes retournent, chaque année, à leurs terres d’origine (Banque mondiale 2015). La plupart des déplacés internes souhaiteraient regagner leurs lieux d’origine, à condition que leur sécurité soit assurée et qu’ils puissent bénéficier d’une aide adéquate98. Les améliorations en matière de sécurité peuvent varier d’une région à l’autre – certaines régions parvenant à la stabilité avant d’autres, ce qui permet l’accès à la terre et la propriété. L’insécurité sur les lieux d’origine ou sur l’itinéraire de voyage empêche le retour de certains réfugiés. Pour ceux-là, il est possible de considérer des perspectives d’intégration locale, notamment là où la terre est accessible comme dans les provinces du Katanga et d’Uelé (Banque mondiale 2015). Cependant, des solutions durables à moyen terme pour les déplacés internes ne semblent pas possibles dans les zones fortement peuplées et en proie à des conflits intertribaux, comme les provinces d’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. 202. Le nombre de réfugiés congolais retournant vers le pays est faible. Toutefois, plusieurs d’entre eux regagnent des lieux qui accueillent déjà des déplacés internes et des réfugiés d’autres pays. Leur retour accroit la pression sur les services et l’infrastructure déjà encombrés, crée des litiges fonciers supplémentaires et augmente la compétition pour l’acquisition des ressources naturelles et des moyens de subsistance. Dans la plupart des cas, les réfugiés rentrant de l’étranger reçoivent plus d’aide que les déplacés internes qui, eux, sont restés dans le pays. Ceux qui rentrent avec l’aide du HCR bénéficient d’un programme qui comprend le transport, un paquet de réinstallation, du matériel pour le logement, une carte d’identité et un soutien aux frais de scolarité et médicaux. Le HCR fournit également une aide médicale et des soins de santé à l’échelon local. L’aide apportée à ceux qui rentrent spontanément chez eux est très faible (Banque mondiale 2015). 97 Certains déplacés internes occupent une pièce dans la maison de leur famille d ’accueil, moyennant parfois le paiement d’un loyer ; d’autres dorment dans la même pièce que leurs hôtes. 98 46 % des déplacés autour de Goma souhaitent retourner à leur terre d ’origine (Province du Nord-Kivu 2017). Une enquête sur les déplacés internes à Goma a révélé que 29 % des déplacés internes ne souhaitent pas retourner à leur terre d’origine. (Le pourcentage est plus élevé chez les ménages dont le chef de famille est une femme, parmi lesquels 39 % prévoient de s’installer) (Comité norvégien pour les réfugiés, NRC 2014). Nombreux sont ceux qui déclarent leur intention de retour, mais qui n’ont aucun plan concret pour le faire. Parmi les principales raisons de retour figurent les suivantes : propriétaire foncier (41 %), propriétaire d’un bien (17 %), capacité de trouver un emploi (14 %) et raisons de famille (11 %) (NRC 2014). Près de 90 % des déplacés internes vivant dans des camps déclarent leur intention et leur plan de retour dans les trois prochains mois (NRC 2014). 80 Chapitre 6. Les défis du secteur privé 203. Depuis la fin de la seconde guerre du Congo, la RDC a déployé des efforts très importants et encourageants pour améliorer les « règles du jeu »99. La RDC procède actuellement à un assainissement de l’environnement réglementaire dans lequel les entreprises privées évoluent, en adoptant une série de réformes majeures (telles que les lois OHADA et les réformes relatives à l’emploi, aux secteurs et à la pratique des affaires). Ces initiatives ont tenté de protéger des droits de propriété, renforcer la gouvernance dans divers secteurs et améliorer le fonctionnement des marchés financiers et du travail. Ainsi, dans un contexte macroéconomique et politique relativement favorable jusqu’en 2015 et en dépit du défi majeur et persistant que représente le déficit d’infrastructures (notamment dans les secteurs de l’énergie et du transport), ces réformes ont, dans une certaine mesure, contribué à accroître les investissements privés dans des secteurs clés tels que la construction, l’exploitation minière, les télécommunications et les services bancaires. 204. Les entreprises (toute taille et tous secteurs confondus) continuent de citer le mauvais climat des affaires dans le pays comme principal obstacle au développement du secteur privé. Le secteur privé n’arrive donc pas à mobiliser tout son potentiel qui aurait pu contribuer à la croissance économique, à la réduction de la pauvreté, et à la lutte contre les principaux facteurs de fragilité et de conflit dans le pays.100 Ce problème résulte, en grande partie, du large fossé existant entre l’introduction de réformes formelles et leur mise en œuvre effective – autrement dit, l’incapacité et/ou la réticence à appliquer les règles. Cette situation s’explique essentiellement par la faiblesse des institutions ainsi que par l’économie politique incertaine et risquée du pays. 6.1. Manque d’une mise en œuvre effective des réformes 205. Au cours des huit dernières années, la RDC a adopté et mis en œuvre un programme complet de réformes réglementaires pour améliorer le climat des affaires du pays. Ceci a notamment permis à la RDC d’être classée dans le Doing Business de 2015 du Groupe de la Banque mondiale parmi les dix premiers pays réformateurs du monde. Cela prouve que le pays a la capacité de faire des efforts pour améliorer son climat des affaires dès lors que ses dirigeants affichent cette volonté. 206. Dans la pratique, cependant, il existe un décalage entre l’introduction de nouvelles réglementations et leur mise en œuvre effective sur le terrain. Les améliorations attendues des réformes sont souvent lentes, tout comme leur impact sur la performance telle que suivie par le rapport Doing Business. En effet, il existe une forte résistance aux réformes, notamment de la part des fonctionnaires et de divers groupes d’intérêts publics et privés bénéficiant des distorsions du marché et/ou d’autres privilèges spéciaux, souvent encouragés et facilités par un système généralisé d’accaparement par l’élite. Par ailleurs, alors que le pays lance de nouvelles réformes 99 Selon le Guide de l’USAID sur la croissance économique dans les pays post -conflit (2009), au terme d’un conflit, « après la sécurité et les politiques macroéconomiques, l’environnement propice aux entreprises est l’élément le plus important pour encourager et soutenir la croissance ». « Les risques auxquels sont confrontées les entreprises dans les sociétés post-conflit ont tendance à prendre deux formes principales : 1) l’incertitude sur les « règles du jeu » (lois et règlements) et 2) l’incapacité à appliquer des règles certaines (institutions faibles) ». 100 Consultations du GBM avec les parties prenantes en février et mars 2016 ; déclarations de la FEC. 81 destinées à favoriser et à réduire le coût de la pratique des affaires, il tend aussi en raison des inefficiences des institutions gouvernementales à introduire des réformes qui produisent un effet contraire. Ainsi, outre les 19 réformes positives reconnues en RDC par les rapports Doing Business entre 2010 et 2016, le pays a malheureusement enregistré 5 réformes négatives. 6.2. Faiblesse du système de justice commerciale 207. En RDC, les entreprises n’ont pas confiance dans les tribunaux pour défendre leurs droits en appliquant équitablement et efficacement les lois et les règlements. En dépit des efforts récemment déployés pour améliorer un système de justice commerciale très peu fonctionnel (comme la création de tribunaux commerciaux spécialisés à Kinshasa, Lubumbashi, Matadi et Kisangani), de graves insuffisances subsistent, parmi lesquelles une corruption très répandue, un manque d’indépendance, un manque de personnel, un manque d’expertise et des équipements inadaptés. Selon l’Enquête 2013 de la Banque mondiale auprès des entreprises, 33 % des gestionnaires d’entreprise ont identifié le manque de tribunaux efficaces comme un obstacle majeur ou sérieux à l’expansion des entreprises en RDC, contre 12,2 % en ASS. 6.3. Faiblesses de l’infrastructure et de la réglementation financière 208. Le développement d’un secteur financier plus solide et inclusif est essentiel au développement économique durable de la RDC. Le secteur bancaire domine largement le secteur financier congolais. Les quatre premières banques détiennent près de 60 % du total des actifs bancaires et environ 62 % des dépôts. Le secteur bancaire est composé de 18 banques agréées représentant 95 % du système financier total, avec des actifs de l’ordre de 4,6 milliards de dollars US en 2014, soit 14 % du PIB. Le pays compte également une seule société publique d’assurance (SONA), une banque de développement (SOFIDE), un fonds de développement (FPI), un institut national de sécurité sociale (INSS), 143 institutions de microfinance (IMF) et coopératives, 59 établissements de transfert, 3 institutions de paiement électronique et 16 bureaux de change. Il n’y a ni marché boursier ni marché obligataire. Relativement peu sophistiquées, les opérations concernent la collecte de dépôts et des opérations de financement à court terme. Les prêts accordés aux clients ont des échéances à court terme car les banques ne disposent pas de ressources à long terme. La vulnérabilité du système financier aux chocs macroéconomiques est aggravée par une faible supervision de l’organisme de réglementation, le manque d’application de la réglementation, le manque d’outils appropriés en matière de AML/CFT101, les coûts d’exploitation importants et la faible rentabilité ainsi que la forte dépendance vis-à-vis des dépôts à vue. 209. La population de la RDC reste majoritairement exclue du secteur financier. Moins de 1 % de la population a accès à une banque commerciale et seulement 7 % des entreprises font appel à des banques pour financer leurs investissements. Par ailleurs, selon 54 % des entreprises interrogées dans le cadre de l’Enquête de 2013, l’accès au financement était la contrainte la plus importante à la croissance des entreprises. En pourcentage du PIB, les crédits intérieurs au secteur privé représentaient 6,8 % et les dépôts, 11,2 % en 2015 contre 36 % et 46 % respectivement, en ASS. Les facteurs suivants ont notamment été identifiés comme des obstacles à la pénétration bancaire : (i) un faible niveau d’infrastructure dans le pays ; (ii) des coûts opérationnels élevés ; (iii) la faible capacité de financement de projets à long terme ou à grande échelle ; (iv) le manque 101 AML/CFT désigne le non-blanchiment de capitaux/lutte contre le financement du terrorisme. 82 de confiance et la rétablissement très lent de la confiance dans le système bancaire ; (v) les lenteurs dans le développement et/ou la réforme du secteur financier non bancaire, y compris l’assuran ce, le système de retraite, le crédit-bail, les prêts garantis et d’autres formes de financement ; et (vi) une économie largement informelle. 210. Des interférences de nature politique affectent l’efficacité de la Banque centrale et sa capacité à appliquer ses propres règlements. Les pratiques de supervision de la BCC sont davantage axées sur le respect des ratios prudentiels qu’elle impose que sur l’adoption d’une approche basée sur les risques, où l’on anticipe et atténue les risques de manière appropriée. 211. Les évaluations de la solidité structurelle et bancaire sont sérieusement entravées par l’insuffisance des données de supervision et d’autres lacunes en matière d’information. D’importantes lacunes ont été observées dans les pratiques de comptabilité et d’audit et, même si les indicateurs laissent entrevoir des niveaux de capitalisation relativement solides au niveau des banques commerciales, une analyse plus approfondie montre que les banques sont sous- provisionnées. Cette situation est en partie due à la mise en œuvre peu rigoureuse des nouvelles règles sur les prêts non performants et les provisions. Les risques de blanchiment d’argent sont importants et résultent de la vaste économie informelle fondée sur l’argent liquide, des grandes opérations de change et du marché immobilier dynamique. 212. Une finance responsable (protection du consommateur financier et éducation financière) est inexistante. En général, l’absence de transparence est due au manque d’obligation de divulgation de l’information, qui suscite une incompréhension des consommateurs, une concurrence déloyale et des frais et charges élevés. Cette situation pose non seulement des risques de surendettement pour les produits de crédit, mais contribue également à la non-utilisation et adoption d’autres services financiers formels (tels les comptes d’opérations). Les mécanismes internes et externes pour permettre aux consommateurs d’obtenir réparation sont également inexistants, minant ainsi la confiance des consommateurs dans le secteur financier officiel. Par ailleurs, même si le gouvernement a approuvé un programme national d’éducation financière, sa mise en œuvre est lente et l’accent est principalement mis sur les outils traditionnels dont l’impact à court terme est limité. 6.4. Pénurie de compétences sur le marché de l’emploi 213. Un décalage significatif existe entre les programmes d’enseignement général de la RDC et les compétences recherchées par les employeurs. Le pays est confronté à un défi majeur : celui de la pénurie de la main-d’œuvre qualifiée dans des secteurs tels que les services (banque, assurance), l’agro-industrie, l’exploitation minière, la construction et l’industrie manufacturière. Entre autres facteurs les plus critiques, figurent : (i) une dégradation notable de la qualité de l’éducation à tous les niveaux et un système d’éducation lourd et obsolète ; (ii) des possibilités de formation professionnelle limitées ; (iii) le manque d’initiatives gouvernementales pour encourager les programmes de stages au profit des jeunes attirés par le secteur public ou privé ; (iv) l’absence de coordination nécessaire entre le gouvernement, le secteur privé et les structures éducatives pour assurer une meilleure adéquation entre les compétences des jeunes diplômés/demandeurs d’emploi et celles souhaitées par le secteur privé ; et (v) l’absence de données professionnelles pouvant offrir aux étudiants, aux diplômés et aux demandeurs d’emploi les informations pertinentes dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées sur leur 83 éducation et carrière. La hausse de la demande d’emploi contraste avec la baisse considérable de l’offre. Cette inadéquation a favorisé l’émergence du secteur informel qui emploie environ 80 % de la population active. 214. Le nombre limité d’offres d’emploi place les jeunes en quête d’une opportunité professionnelle devant des problèmes considérables. Très peu de diplômés sont préparés à l’entrepreneuriat, car la plupart des établissements universitaires n’offrent aucun programme d’entrepreneuriat. Avec le déclin du système d’éducation nationale, les qualifications étrangères fournissent les compétences les plus recherchées et ouvrent plus largement la porte au marché du travail et à des emplois de plus grandes responsabilités. La RDC se caractérise également par un faible niveau de rémunération du travail, avec des moyennes mensuelles variant entre 113 000 CDF, 249 386 CDF et 166 738 CDF pour les emplois dans l’administration publique, parapublique et le secteur privé, respectivement. 6.5. Un marché des prestataires de services d’aide au développement des entreprises (SDE) qui reste étroit 215. En dépit d’une très forte demande de SDE, le paysage des SDE reste peu développé et immature. En RDC, la majorité des entrepreneurs démarrent une entreprise par nécessité. Plus de 75 % d’entre eux évoluent dans le secteur informel et peu accèdent aux SDE de classe mondiale. Les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) identifient le manque de compétences et de connaissances du monde des affaires dans les secteurs ciblés comme deux des principales contraintes à la croissance. Le manque de prestataires SDE spécialisés et dotés des compétences spéciales a entravé le développement de secteurs à fort potentiel (énergie, tourisme, pêche, etc.). 216. Actuellement, le marché des SDE (privé et public) reste étroit, avec un nombre limité de prestataires SDE organisés et structurés. Il offre très peu de solutions aux entreprises et entrepreneurs individuels et met essentiellement l’accent sur les questions de gestion. Le marché est également caractérisé par un manque de culture des entrepreneurs à consulter et payer des frais de consultation. Le paysage SDE peut être divisé en trois grandes catégories : (i) les institutions publiques (OPEP, INPP, etc.) offrant des SDE subventionnés aux MPME, (ii) les institutions et sociétés semi-publiques et (iii) les prestataires privés de SDE qui étendent les SDE à quelques grandes entreprises et aux MPME. Il existe une nouvelle tendance composée des universités qui développent des solutions pour les MPME, mais beaucoup restent portées sur les solutions managériales. Les écoles et universités à vocation technique (comme l’ISTA) n’ont pas encore adhéré au marché des SDE. 6.6. Difficultés d’accès aux marchés 217. L’accès aux marchés reste l’une des principales contraintes des grandes entreprises et MPME en RDC. Ce problème est aggravé par des facteurs tels que la faible gouvernance et le manque d’options stratégiques clairement définies, ainsi que l’incapacité à mettre en place des mesures audacieuses pour attirer les investissements nationaux et étrangers, favoriser la viabilité budgétaire, promouvoir une décentralisation économique efficace tirant parti des diversités provinciales pour parvenir à un développement cohérent du marché intérieur et une plus grande pénétration des marchés régionaux et internationaux. 84 PARTIE II. OPPORTUNITÉS ET PRIORITÉS ÉMERGENTES PRINCIPAUX MESSAGES L’environnement économique actuel risqué et volatile et l’incertitude du climat politique pèsent lourdement sur les perspectives de développement de la RDC, mais offrent cependant aux responsables politiques l’occasion de rompre avec le sous-développement du pays en l’engageant sur la voie d’une croissance durable et d’un développement à long terme. Au cours de la prochaine décennie, les réformes pourraient porter sur cinq domaines clés, prioritaires et porteurs de nouvelles opportunités. Ceux-ci permettraient à la RDC d’obtenir rapidement des résultats et de créer des cycles vertueux et à effet cumulatif, favorisant une croissance durable tout en renforçant la résilience et en encourageant la prospérité. Ces cinq domaines sont : i) renforcer la résilience du cadre macro-économique ; ii) construire des institutions inclusives et renforcer la gouvernance ; iii) mobiliser les infrastructures, les ressources naturelles et l’agriculture ; iv) développer le capital humain et encourager l’égalité des genres et l’inclusion ; et v) s’appuyer sur le secteur privé en réformant efficacement le climat des investissements et en renforçant les institutions d’appui au marché. La stabilité macro-économique constitue la toute première priorité pour la RDC, car la détérioration des indicateurs macro-économiques observée depuis mi-2015 met en péril les gains économiques difficilement acquis au cours de la dernière décennie. Accroître la mobilisation des recettes domestiques et diversifier l’économie sont prioritaires et constituent des solutions à long terme et durables pour regagner la confiance des agents économiques et renforcer la résilience et la crédibilité du cadre macro-économique. Le gouvernement doit rétablir la stabilité des prix et réduire les pressions inflationnistes par le biais de politiques monétaires saines. La politique de la BCC de non-financement monétaire des déficits budgétaires a été mise à l’épreuve et doit être rétablie et s’accompagner d’un renforcement des politiques macro -prudentielles. Il est également indispensable de mettre progressivement fin à la dollarisation de l’économie. La RDC devrait commencer urgemment à bâtir ses institutions et améliorer la gouvernance pour remplir le double objectif de réduction de la pauvreté et de partage de la prospérité . Le pays a besoin d’un secteur public fort et d’une administration méritocratique. En matière de gouvernance, les initiatives devront d’abord renforcer la voix de ceux qui n’ont que peu de pouvoir. La décentralisation est susceptible de rétablir l’équilib re entre le gouvernement central de Kinshasa et les pouvoirs publics locaux au niveau des provinces. Les partenaires de développement de la RDC peuvent soutenir les institutions ou organisations inclusives, ainsi que les plus faibles, en diversifiant et en multipliant les interventions de développement, parmi lesquelles : i) des outils analytiques ; ii) le renforcement du cadre juridique et réglementaire  ; et iii) des interventions destinées à redonner une voix à ceux qui n’en avaient pas, à renforcer leur autonomie et à assurer la redevabilité. Toutefois, il existe plusieurs conditions préalables pour établir des institutions publiques plus inclusives pour renforcer la résilience économique, encourager la croissance et réduire la pauvreté. Ces conditions sont les suivantes : i) renforcer la capacité de mobilisation des recettes domestiques ; ii) améliorer la gestion de la dépense publique et son efficacité dans les secteurs prioritaires ; iii) développer les capacités du secteur public pour promouvoir une prestation de services de qualité tant au niveau central qu’à l’échelon provincial ; et iv) réformer les entreprises d’État, ainsi que le secteur de la sécurité. Pour qu’elles soient efficaces, les interventions en RDC devront prendre en compte différents problèmes d’ordre politique, social, culturel et économique. Mobiliser les infrastructures, les ressources naturelles et l’agriculture est également une priorité émergente. La RDC doit moderniser ses infrastructures pour les mettre au service de sa population et de son économie, et améliorer la gestion et l’utilisation des ressources naturelles. Accélérer la réforme de la gouvernance et les investissements dans les transports et l’énergie, et renforcer le programme de réforme dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement, ainsi que dans les secteurs des technologies de l’information et de la communication, figurent parmi les grandes priorités. Les ressources naturelles peuvent générer des emplois de meilleure qualité et mieux rémunérés, à condition qu’elles soient gérées de manière plus efficace et plus durable. L’industrie agroalimentaire peut améliorer les conditions de vie de la population et contribuer à la diversification de l’économie. Pour s’engager sur la voie d’une révolution verte, le pays doit : i) augmenter la production grâce à l’accès aux semences améliorées, aux engrais, au financement et à la technologie ; et ii) atteindre plus efficacement les marchés en permettant aux coopératives de producteurs d’identifier les marchés, de mutualiser leurs ressources, d’ajouter de la valeur, de négocier des contrats, et de disposer d’un réseau de routes rurales et d’équipements de stockage. 85 Améliorer le stock et la qualité du capital humain est essentiel au renforcement à long terme de la résilience et à une croissance économique soutenue. Les politiques gouvernementales doivent être axées sur : i) moderniser le système d’identification nationale ; ii) établir les conditions préalables à un éventuel dividende démographique  ; iii) jeter les bases d’une future productivité grâce à une nutrition améliorée ; iv) améliorer la qualité de l’éducation pour favoriser l’employabilité ; v) mettre en valeur le rôle de la femme et l’inscrire dans une perspective d’avenir ; vi) élargir l’accès à des services de santé de bonne qualité ; vii) construire un système de filet de sécurité pour consolider les bénéfices des investissements dans le développement humain et pour encourager la résilience des ménages ; viii) élargir les avantages de la croissance grâce à des mesures appuyant l’emploi des jeunes ; ix) et lutter contre les effets des conflits. Exploiter le potentiel du secteur privé est un impératif de développement si la RDC souhaite atteindre son double objectif de réduction de la pauvreté et de prospérité partagée. Les politiques du gouvernement devraient se concentrer sur : i) renforcer le système de justice commerciale destiné à protéger la propriété, le fonctionnement des affaires et les droits des contrats. Cela contribuera à réduire les risques confrontés par les entreprises (en particulier par les PME), et les incitera à investir davantage ; ii) améliorer l’infrastructure et les réglementations financières en vue d’élargir l’accès des entreprises aux services financiers ; iii) remédier au manque de compétences en développant un programme d’enseignement pertinent et un marché de l’emploi plus dynamique pour assurer aux jeunes Congolais des emplois décents ; iv) élargir le marché des prestataires de services d’aide au développement des entreprises afin d’accompagner les entrepreneurs et ainsi contribuer au développement du secteur privé ; v) et faciliter l’accès au marché, qui est un objectif fondamental pour développer le secteur privé. Néanmoins, les actions doivent dépasser le simple cadre des réformes officielles vers leur mise en œuvre efficace. Un leadership plus solide et une meilleure coordination des réformes seront nécessaires pour s’assurer de leur mise en œuvre efficace. À cet égard, il peut être utile de redynamiser le Comité intergouvernemental de pilotag e sur le climat des affaires et la Matrice de gouvernance économique. 86 Chapitre 7. Renforcer la résilience et la crédibilité du cadre macroéconomique 218. La volatilité macroéconomique fait obstacle aux objectifs de développement à long terme. La politique macroéconomique joue un rôle unique et central pour gérer les risques et la volatilité ainsi que pour renforcer la résilience et la crédibilité du cadre macroéconomique. Le présent DSP partage les conclusions du Rapport sur le développement dans le monde de 2014 (Banque mondiale, 2013) et des Perspectives de l’économie mondiale 2015 (FMI, 2015), selon lesquelles une mobilisation accrue des recettes domestiques permettrait, à long terme, d’accroître la marge de manœuvre budgétaire. Cette solution devrait être envisageable pour un pays riche en ressources naturelles comme la RDC. Ce chapitre souligne également que le gouvernement devrait continuer à maintenir l’inflation à un faible niveau par le biais d’une politique monétaire saine. Mise à l’épreuve récemment, la politique visant à empêcher le financement monétaire des déficits budgétaires de la BCC doit être rétablie, et les politiques macroprudentielles doivent être renforcées. L’économie doit aussi établir un processus de dédollarisation progressive. Enfin, ce chapitre fait valoir que la diversification de l’économie est la solution à long terme pour mettre le pays à l’abri de la volatilité externe. 7.1. Renforcer la politique budgétaire et créer un espace budgétaire 219. La politique budgétaire et les choix politiques actuels du gouvernement sont confrontés à des turbulences dans un environnement national défavorable. En gardant le solde budgétaire sous contrôle, en réduisant l’inflation et en stabilisant le taux de change, la politique budgétaire prudente du gouvernement a joué un rôle clé dans les remarquables performances macroéconomiques du pays. Cette politique est mise à l’épreuve par la chute des cours des matières premières, le resserrement du financement extérieur et la suspension de la production minière par des exploitants majeurs (voir Chapitre 1). Pour faire face à la situation actuelle, le gouvernement dispose de trois options de politique budgétaire : (1) réduire les dépenses ; (2) solliciter un financement externe ; et (3) mobiliser davantage de ressources domestiques. 220. La composition de la réduction des dépenses publiques n’est pas neutre et doit tenir compte de son incidence sur la croissance et le développement à long terme. Le budget révisé de 2016 inclut une diminution des dépenses de 22 %. La nature procyclique de cette politique peut aggraver l’impact du choc sur l’économie et accroître la volatilité de la production, compromettant ainsi la croissance à long terme. Le stock d’infrastructures de l’économie est particulièrement faible. Préserver les projets d’investissements publics peut avoir des effets positifs durables sur la croissance du PIB, la productivité et la réduction de la pauvreté.102 Le gouvernement devra définir et protéger un programme fondamental d’investissements publics prévoyant la réhabilitation et l’entretien des infrastructures103 dans des domaines comme l’énergie et les routes rurales, ainsi que le soutien aux projets agricoles. Pourtant, la mise en œuvre de ce programme et de toute politique contracyclique exige des mécanismes qui agissent comme des amortisseurs (réserves budgétaires et de devises) et une coordination étroite entre les composantes du gouvernement au cours des 102 Voir Calderón, Moral-Benito et Servén (2015). 103 Des données empiriques montrent que, tandis que l’impact à court terme des investissements gouvernementaux sur la production est de 0,6 dans les pays en développement, l’impact cumulé s’élève à une val eur de long terme de 1,6. Voir : Ilzetzki, Mendoza et Végh (2013). 87 processus de planification, d’appel d’offres, de passation des marchés, de construction et d’évaluation. Ces éléments sont faibles ou inexistants. 221. Au-delà de la réduction des dépenses, le financement externe constitue une deuxième option à laquelle les autorités peuvent recourir. En 2016, le gouvernement a affirmé sa volonté d’émettre des obligations d’une valeur d’au moins 700 millions de dollars US sur les marchés internationaux de la dette afin de financer des projets d’investissement. En général, un plus grand accès aux marchés financiers offre des avantages, comme compléter le faible niveau de l’épargne intérieure, diversifier la base d’investisseurs, allonger le profil de maturité de la dette et contribuer à compenser un moindre accès au financement concessionnel, entre autres. Pourtant, les émissions d’obligations internationales ne sont pas dépourvues de risques. À titre d’exemple une telle émission augmenterait sensiblement l’exposition au risque de change du portefeuille de la dette. Le pays serait alors confronté à des niveaux d’endettement insoutenables et exposé à un risque de dépréciation future et de gonflement des coûts du service de la dette. Parmi les exemples récents, citons les fortes dépréciations des monnaies ghanéennes et nigériennes en 2014. 222. Un appui concessionnel peut être une meilleure option, car les flux volumineux de ressources provenant de l’émission d’obligations, s’ils ne sont pas gérés correctement, peuvent contribuer à l’instabilité financière. La résilience de l’économie de la RDC lors de la crise financière mondiale de 2008-2009 et la crise de l’euro en 2011 résulte des faibles liens qu’entretient le pays avec les marchés de capitaux internationaux104. Un appui concessionnel ne comporte pas les mêmes risques que les émissions d’obligations et présente trois avantages : (1) éviter la compression de dépenses déjà faibles au-delà des besoins opérationnels minimaux, aux dépens des pauvres ; (2) rétablir et préserver les réalisations passées, principalement l’amélioration de la gestion macroéconomique105 ; et (3) promouvoir la résilience à long terme en constituant des réserves de devises et en renforçant la capacité du gouvernement à mener des politiques macro- prudentielles. 223. L’amélioration des recettes domestiques exigera des réformes de politique fiscale, administratives et institutionnelles attendues depuis longtemps. En RDC, la faible mobilisation des recettes reflète des politiques fiscales et des cadres légaux inadéquats et est liée à des processus et dispositifs institutionnels et administratifs inefficaces. Sur le plan des politiques, la législation comme les processus décisionnels en cours restent favorables aux investisseurs, au détriment des finances publiques et de la population. C’est le cas dans le secteur minier, où l’ancien Code et certains contrats et conventions d’exploitation assurent une distribution de la rente au profit des investisseurs. Sur les plans administratif et institutionnel, la faible capacité, la fragmentation et les dispositions sous-optimales évidentes ont créé un cercle vicieux : des revenus insuffisants privent l’administration publique des ressources humaines et financières dont elle a besoin pour 104 L’intégration accrue aux marchés internationaux de capitaux privés, associée à la libéralisation financière et à des systèmes financiers nationaux immatures, mais en pleine évolution peut, avec une forte volatilité des flux de capitaux, déboucher sur une crise financière et une instabilité macroéconomique préjudiciable (Tyson, 2015). 105 Cela se reflète dans la meilleure note de la composante macroéconomique de l’Évaluation de la politique e t des institutions nationales (sigle CPIA en anglais). La note CPIA globale du pays est montée de 2,7 à 3 entre 2013 et 2014, est restée stable en 2015 et a baissé à 2,9 en 2016. La note concernant la gestion macroéconomique a augmenté de 3,2 à 3,5, puis a diminué à 3,2, reflétant d’abord les améliorations, puis la détérioration des politiques budgétaire et monétaire. En termes de gestion de la dette, le risque pays s’est amélioré, passant d’« élevé » à « modéré », mais pourrait se détériorer si les déficits budgétaires continuent d’augmenter. 88 fonctionner, y compris en matière de mobilisation des recettes. Les pouvoirs publics, à l’échelle nationale comme au niveau local, ne sont pas en mesure de mettre en œuvre et de faire respecter la législation relative à l’impôt sur la propriété foncière. La perception des recettes est fragmentée entre trois principales régies financières et plusieurs agences complémentaires. 224. Les mesures d’atténuation incluent la création d’un espace budgétaire et de réserves budgétaires en période de prospérité pour contribuer à épargner des fonds en vue des périodes difficiles. Comme l’exprime le RDM 2014 (Banque mondiale, 2013, 228), « pour gérer correctement les risques, les décideurs doivent passer de lutter contre les crises à gérer les cycles. » Des enseignements précieux peuvent être tirés d’expériences réussies comme celles du Chili. Le Chili a mis en place une règle budgétaire soutenue par un fonds de stabilisation pour renforcer la politique macroéconomique et résister aux chocs externes. En premier lieu, la règle budgétaire pour la RDC peut tenir compte des fluctuations du prix de son principal produit d’exportation : le cuivre. La règle devrait contraindre le gouvernement à respecter un niveau cible de la balance du budget et viser à épargner pendant les périodes de revenus élevés et déployer des ressources lorsque la conjoncture se dégrade. L’efficacité de cette règle exigerait qu’el le soit formellement inscrite dans un cadre institutionnel (loi) afin de renforcer le lien entre la règle budgétaire et l’utilisation de l’épargne de l’État. À la lumière de l’expérience du Chili, les autorités doivent aussi établir une clause échappatoire ex ante à la règle (qui s’appliquerait dans des conditions spécifiées au préalable) ou des sanctions ex post en cas de violation de la règle de façon à permettre des rectifications. La création de fonds souverains, comme un fonds de stabilisation, permettrait d’améliorer les chances de succès de la règle budgétaire. La gouvernance efficace d’un fonds de ce type exige la mise en place d’un cadre clair de transparence et redevabilité. 225. Conscientes du rétrécissement de l’espace budgétaire et de l’amplification des difficultés économiques, les autorités de la RDC ont annoncé, en janvier 2016, une série de 28 mesures. Ces mesures visent à renforcer la mobilisation des recettes domestiques et à promouvoir l’investissement et la croissance. L’Annexe E fournit un résumé de ces 28 mesures. Les principales mesures visant à générer des revenus sont les suivantes : (1) le recouvrement effectif de l’impôt sur le revenu des particuliers prélevé sur la rémunération de tous les membres des institutions publiques centrales et provinciales et du personnel des EP ; (2) l’installation de caisses enregistreuses dans des secteurs clés pour augmenter la collecte de la TVA ; (3) le renforcement du recouvrement des recettes issues du secteur forestier ; et (4) la lutte contre l’évasion fiscale/douanière dans les secteurs économiques, des télécommunications et du transport. L’impact de ces mesures ne s’est pas encore matérialisé. 7.2. Renforcer la politique monétaire afin de maintenir l’inflation à un faible niveau 226. Le gouvernement doit renforcer la politique monétaire afin d’assurer la stabilité des prix de façon permanente. Cet objectif est particulièrement important parce qu’une inflation élevée fausse les décisions d’épargne et d’investissement dans l’économie et porte préjudice aux pauvres qui gagnent des revenus faibles, consomment des produits de base et ne peuvent donc pas modifier leur comportement de consommation. Comme dans d’autres pays africains (par ex. le Ghana et le Nigéria), la politique monétaire pourrait établir progressivement un régime de ciblage 89 de l’inflation106. Le régime ferait de l’inflation faible l’objectif direct et principal de la politique monétaire. Cela implique que les autorités – à savoir, la BCC – annoncent une marge ou une valeur cible spécifique pour le taux d’inflation. Cependant, il existe des conditions préalables pour le succès du ciblage de l’inflation, notamment107 : (1) une banque centrale indépendante et crédible ; (2) des déficits budgétaires et une dette publique soutenables ; (3) l’absence d’un objectif de facto de taux de change  ; (4) l’amélioration de la transparence et de la responsabilité dans la gestion de la politique monétaire ; (5) un système financier sain et suffisamment développé ; et (6) une bonne connaissance des canaux de transmission de l’inflation et des capacités techniques de prévision de l’inflation. Si la BCC n’est pas en mesure de convaincre les marchés et les agents économiques que la mise en œuvre d’un régime de ciblage de l’inflation constitue l’objectif ultime de la politique monétaire, sa crédibilité peut être en péril, et rétablir et maintenir la stabilité des prix peut devenir difficile à moyen terme. 227. La RDC a déjà rempli certaines des conditions pour procéder au ciblage de l’inflation, alors que d’autres font encore défaut. Le ratio de la dette externe publique ou à garantie publique par rapport au PIB était relativement faible, puisqu’il était inférieur à 13 % en 2014, et le risque de surendettement est modéré. Bien qu’encore sous-développé, le niveau de capitalisation du secteur financier est satisfaisant. Selon le FMI (2014), le rapport entre les fonds propres et les actifs à risques est de 25 %. Toutefois, la situation globale du secteur financier peut dissimuler des cas particuliers de vulnérabilité susceptibles d’engendrer des risques systémiques, comme illustré par l’épisode de la BIAC. Pour mener la politique monétaire au quotidien, des efforts importants devront être déployés afin de renforcer les capacités techniques et produire des données exactes et à temps. En outre, les interventions de la BCC sur le marché des changes et le récent financement monétaire du déficit budgétaire peuvent entraîner une remise en question de l’engagement de la BCC vis-à-vis du ciblage de l’inflation. 7.3 Mener des politiques macroprudentielles et anticycliques pour renforcer la résilience 228. Dans plusieurs pays, les politiques macroprudentielles conduites en période de prospérité ont largement contribué à permettre de gérer avec succès la crise mondiale de 2008. L’expérience des pays qui ont fait face aux crises avec succès apporte deux enseignements majeurs : (1) ils ont appliqué des politiques macroprudentielles en période de conjoncture favorable, tout en renforçant constamment le système financier national ; et (2) ils ont choisi le moment opportun pour mettre en œuvre des politiques macroéconomiques anticycliques. Des pays aussi différents que la République tchèque, le Kenya et le Pérou en sont parmi les meilleurs exemples où une préparation macroéconomique a permis de mettre l’économie à l’abri des effets négatifs de la crise financière mondiale (voir Annexe F). Bien que les responsables politiques pussent être tentés d’adopter des mesures procycliques pendant des périodes favorables, ces trois pays ont compris la nécessité de renforcer leurs systèmes financiers et macro-fiscaux pour parer, le moment venu, aux difficultés économiques. La résilience relative de ces trois pays à la crise mondiale de 2008 résulte d’un processus complexe, entrepris une dizaine d’années ou plus avant 106 Voir Agénor et Pereira da Silva (2013) pour une discussion sur les régimes de ciblage de l’inflation dans les pays en développement. 107 Agénor et da Silva (2013) fournissent une analyse détaillée des conditions préalables à l’adoption d’un régime de ciblage de l’inflation dans un pays en développement typique. 90 le choc. Après avoir obtenu une baisse des déficits budgétaires et du compte courant, et mis en place une politique monétaire disciplinée, ces pays ont enregistré une diminution plus modérée de leurs taux de croissance lors de la crise de 2008 par rapport à la crise asiatique de 1997. 229. La RDC peut intégrer de nouveaux instruments de gestion macroprudentielle à sa boîte d’outils de politiques économiques. Alors que le pays est confronté aux conséquences négatives de la récession mondiale, il peut s’inspirer de la capacité de pays comme la République tchèque, le Pérou et le Kenya à gérer les risques macro-financiers. De nouveaux outils macroprudentiels anticycliques peuvent être développés pour compléter les instruments de gestion macroéconomique à court terme, comme recommandé par l’Accord de Bâle. Certains instruments, tels que les réserves obligatoires, sont déjà utilisés par la BCC. Cependant, il est important que ces instruments soient utilisés systématiquement en tant qu’outils anticycliques. 7.4 Maintenir la stabilité du taux de change 230. Les responsables politiques congolais doivent limiter l’utilisation du taux de change comme amortisseur des chocs affectant la balance des paiements. Cette recommandation en matière de politique est étayée par trois arguments. Tout d’abord, une nouvelle dépréciation du taux de change alimenterait l’inflation et porterait notamment préjudice aux pauvres. En second lieu, l’ampleur du choc ne fait pas du taux de change un instrument de politique efficace pour faire face aux multiples conséquences macroéconomiques et financières soulignées dans la première partie de ce rapport. En troisième lieu, le souvenir de l’hyperinflation déclenchée par la dépréciation du taux de change dans les années 1980 est toujours vivace : de nombreux Congolais avaient alors perdu une grande partie de leurs actifs et la pauvreté avait fortement augmenté. 231. La dépréciation du taux de change se poursuit malgré les mesures prises par les autorités et indique qu’un soutien externe s’avère nécessaire. La BCC a demandé aux compagnies minières de payer des impôts en dollars américains, a relevé le niveau des réserves obligatoires sur les dépôts en devises étrangères et est intervenue sur le marché des changes. Malgré des efforts considérables, le maintien ou le renforcement de ces politiques semble irréalisable et la dépréciation du taux de change se poursuit, notamment en raison de la persistance des tensions politiques. En effet, la dépréciation liée au choc sur la balance des paiements mi-2015 a été amplifiée par la monétisation des déficits budgétaires en 2016 puis renforcée en 2017 en raison d’un engrenage d’anticipations sur l’augmentation de l’inflation et la dépréciation des taux de change. Par conséquent, rétablir la confiance et stabiliser le taux de change et l’inflation exige à la fois une réduction des tensions politiques et un soutien financier de la communauté internationale. 7.5. Dédollariser l’économie pour gérer les chocs et les vulnérabilités 232. De nombreux pays se sont efforcés de mettre en œuvre des stratégies pour réduire la dollarisation, qui, dans certains cas, ont été payantes. Au Pérou, l’une des principales conséquences de la dédollarisation a été le retour des recettes de seigneuriage, qui ont augmenté parallèlement à la stabilisation des prix et à la croissance de l’intermédiation financière en monnaie nationale. En RDC, les recettes de seigneuriage ont diminué sur la même période, tandis que la dollarisation est restée importante (Figure 7.1). 91 Figure 7.1 Revenu de seigneuriage en RDC et au Pérou 233. À plus long terme, et (en % du PIB) au-delà de l’épisode en cours de dépréciation des taux de change, la RDC devrait s’engager dans une dédollarisation progressive pour rétablir pleinement l’utilisation et l’impact de la politique monétaire. Conscientes qu’une dédollarisation à court terme ne sera pas possible, les autorités ont adopté, depuis 2012, une série de mesures de long terme. Les mesures ont été inspirées par le rapport du FMI sur l’efficacité de la politique monétaire en RDC. Le rapport Sources : Calcul du personnel de la Banque mondiale et du FMI d’après le FSAP, souligne l’importance de mesures 2013. d’incitation microéconomiques (mesures « pull ») qui devraient être privilégiées dans la quête d’accroître l’attrait de la monnaie nationale (Annexe G). Ces mesures se basent sur le comportement du marché plutôt que sur une dédollarisation contrainte et forcée (mesures « push »). Parmi ces mesures « pull », on trouve : (1) l’élimination du plafonnement administratif des taux d’intérêt sur les dépôts et les prêts en monnaie nationale ; (2) une réduction des réserves obligatoires non rémunérées sur les dépôts en monnaie nationale ; (3) l’adoption d’un ciblage de l’inflation et de régimes de taux de change plus souples ; (4) le développement d’un marché pour les titres publics libellés en monnaie nationale ; et (5) une amélioration de l’efficience du système de paiement national. Figure 7.2 Dépôts en devises étrangères en % du total des 234. La dédollarisation dépôts entre 2001 et 2012 est souvent restée partielle dans les pays où elle a fonctionné, et l’utilisation de la monnaie nationale n’a été pleinement rétablie que dans quelques cas. La Bolivie, le Pérou et l’Uruguay peuvent être cités comme des cas de dédollarisation réussie. Pour autant, la dollarisation reste supérieure à 40 % dans ces pays. Au terme de dix années de réformes, la Bolivie est parvenue à réduire la dollarisation de moitié. Le Pérou se trouve sur la voie de la dédollarisation depuis quelques années, mais n’a réussi Sources : Calcul du personnel de la Banque mondiale d’après FMI, 2013. à réduire la dollarisation que de 92 25 % (Figure 7.2). En effet, selon le FMI (2014), aucun des pays dont la dollarisation était supérieure à 80 % n’a été capable de réduire le niveau à moins de 20 %. Si l’inertie semble n’avoir aucune justification macroéconomique, elle prend racine dans des incitations microéconomiques. 7.6. Diversifier l’économie pour renforcer la résilience et assurer une croissance soutenue 235. Renforcer la résilience de l’économie exige une diversification accrue des partenaires commerciaux et des produits, y compris le long de la chaîne de valeur du secteur minier. La RDC doit augmenter les exportations vers des marchés au-delà de ses partenaires commerciaux traditionnels et éviter de dépendre du cycle économique d’un seul partenaire commercial ou de quelques-uns. Sur le long terme, la RDC doit aussi diversifier les produits qu’elle exporte. Pour ce faire, le pays doit parvenir à améliorer significativement le climat d’investissement. Le long de la chaîne de valeur dans le secteur minier, la valorisation et le traitement, ainsi que le développement de liens en amont et en aval peuvent être une option pour accroître le contenu local et passer de la primauté de l’exportation de matières premières brutes à celle de l’exportation de produits semi - finis. Toutefois, l’absence et la défaillance des infrastructures dans l’énergie et les transports représentent un sérieux obstacle au développement de liens en amont et en aval. Les goulets d’étranglement des infrastructures entravent actuellement la production minière, et les lacunes opérationnelles de la SNEL ont coûté l’équivalent de 100 millions de dollars US par an en pertes de production. En outre, les compétences de la main d’œuvre devront impérativement être renforcées pour établir des liaisons en amont et en aval. 236. Une option de diversification pourrait consister à promouvoir le développement de différentes structures de production dans le secteur minier. Le gouvernement peut également promouvoir la diversification dans le secteur minier. Pour ce faire, la stratégie du gouvernement visant à formaliser les EAPE devra être mise en œuvre. Dans de nombreux endroits, les gisements du pays sont accessibles à l’aide de méthodes artisanales ou d’équipements légers, ce qui plaide en faveur de la promotion des EAPE. Les EAPE prennent la place de l’agriculture dans de nombreux environnements ruraux, et à l’exception du cuivre et du cobalt, la majorité de la production et des exportations de minéraux proviennent des mines artisanales. Contrairement à l’exploitation minière industrielle intensive en capitaux, les EAPE sont une activité à forte intensité de main-d’œuvre. Les revenus générés par les EAPE sont captés par les ménages et les entités nationales et locales, tandis que les revenus de l’exploitation minière industrielle sont en grande partie transférés comme revenus des facteurs pour rémunérer les IDE. Plus les revenus miniers restent dans le pays, plus le montant des devises étrangères retenues au niveau national est élevé, et plus la demande agrégée et la consommation des ménages sont importantes, de même que le potentiel de recettes national et local. Par conséquent, le pays pourrait tirer profit de la promotion de la production des EAPE pour accroître la résilience de l’économie. 93 Chapitre 8. Renforcer les institutions et améliorer la gouvernance 237. En RDC, le renforcement de l’État et la consolidation de la gouvernance devraient viser à renforcer la position des plus faibles lors des négociations politiques. Il est crucial de mieux comprendre les règlements qui régissent les dynamiques politiques dans le pays et les principales causes et conséquences de la fragilité de la gouvernance. Pour parvenir à améliorer la gouvernance de la RDC, des réformes graduelles du secteur public devront être mises en œuvre parallèlement à des initiatives qui permettront de créer des institutions inclusives et favorables à une distribution équitable de la richesse en ressources naturelles. En effet, l’investissement de l’élite dans les réformes de gouvernance n’est pas uniforme, et le large financement des prestations de services par les bailleurs de fonds atténue la redevabilité des dirigeants envers la population. 8.1. Soutenir les institutions et les organisations inclusives 238. Le renforcement des institutions inclusives et des organisations du secteur public est une composante essentielle du programme de développement de la RDC. Des institutions inclusives confèrent des droits et prestations de service équitables, et assurent un accès égal aux opportunités, aux ressources et aux services. Les institutions permettent de fixer les règles du jeu. Les organisations regroupent de individus liés par un objectif commun. Elles sont modelées par les institutions et peuvent aussi influer sur la transformation des institutions (North 1990). Comme le font valoir Acemoglu et Robinson (2012) : « les institutions économiques inclusives qui renforcent les droits de propriété, définissent des règles du jeu équitables et encouragent l’investissement dans les nouvelles technologies et les compétences sont plus propices à la croissance économique que les institutions économiques extractives structurées pour soutirer les ressources de la majorité au profit d’une minorité. » 239. Pour rendre les institutions du secteur public plus inclusives et permettre la résilience économique de la RDC ainsi que la croissance économique et la réduction de la pauvreté, plusieurs conditions préalables doivent être remplies Celles-ci incluent : le renforcement des capacités à mobiliser les recettes domestiques ; l’amélioration de la gestion des dépenses publiques afin d’encourager une prestation de services de qualité au niveau central et provincial ; la promulgation de réformes des EP ; et la réforme du secteur de la sécurité. 240. La RDC a besoin d’un secteur public fort et d’une administration méritocratique. La réforme administrative fait partie du programme politique du pays depuis l’indépendance. La taille du pays, la composition ethnique complexe de sa population, sa disparité écologique et la nature complexe de l’économie politique du pays affaiblissent significativement son organisation administrative (Trefon, 2008). Une variété de problèmes empêche le secteur public de fonctionner de manière efficace. L’administration n’a qu’une capacité limitée à concevoir et à mettre en œuvre des politiques publiques. Ses capacités de contrôle et de suivi pour garantir la mise en œuvre des politiques sont inexistantes. Le statut juridique de la fonction publique est obsolète (le nouveau statut légal de la fonction publique a été adopté en 2016 seulement). Le nombre de fonctionnaires n’est pas connu.108 Le système des salaires est opaque et beaucoup de fonctionnaires devraient être 108 Le ministère de la Fonction publique emploie environ 130 000 personnes (Verheijen et Mabi 2008: 11). Cela représente environ vingt à vingt-cinq pour cent de la totalité des fonctionnaires car ce chiffre n'inclut pas les enseignants, le personnel médical et les forces de sécurité. 94 à la retraite. Dans ces circonstances, les fonctionnaires ont privatisé ce qui est officiellement la prestation de services publics – principalement parce que les salaires officiels ne représentent qu’une faible part de leurs revenus. Les primes équivoques et non transparentes ainsi que les paiements illicites (sous forme d’extorsion d’argent, de pots-de-vin et de dessous-de-table) versés par les usagers des services publics constituent la majeure partie des revenus. 241. La réforme des EP peut permettre de stimuler la croissance économique. Historiquement, les EP détenaient et géraient les principales infrastructures en RDC. Elles ont, dans de nombreux cas, étouffé la concurrence avec des cadres réglementaires et juridiques archaïques (Herderschee, Kaiser et Samba, 2012). De nouveaux modèles d’entreprise, une sélection consciencieuse des projets d’investissement basée sur des critères transparents et l’utilisation de dispositions de partenariats publics-privés modernes pourraient contribuer à éliminer les obstacles dans l’infrastructure qui entravent la croissance économique. 242. Le manque de sécurité compromet la croissance économique et le progrès social. Pour garantir le progrès économique et social, le gouvernement congolais devrait poursuivre les efforts visant à assurer la protection de son peuple et le contrôle de son territoire. Il est impératif de concevoir une réforme globale du secteur de la sécurité – en incluant la police, l’armée et le secteur judiciaire – pour rétablir la confiance de la population et des investisseurs potentiels. L’impérieuse nécessité de développer une force sécuritaire solide, disciplinée et professionnelle, ainsi qu’un système judiciaire accessible et équitable, est la condition sine qua non du développement économique et social du pays. Les anciens combattants continuent de perpétrer des actes de violence et des viols, ainsi que d’autres abus, envers les civils. Dans les communautés locales, la pauvreté et la violence brisent le capital social et la confiance en l’État et renforcent l a peur de l’expropriation (Herderschee, Kaiser et Samba 2012). Cette peur, attisée par le manque de connectivité, d’accès aux marchés et de capital financier, favorise une production de subsistance au détriment de la production commerciale. 8.2. Protection des plus faibles 243. Les initiatives de gouvernance doivent, dans un premier temps, identifier les moyens qui permettront d’établir des domaines de convergence entre les puissants et les faible s. Le soutien à l’établissement d’organisations du secteur public inclusives et d’institutions économiques doit s’accompagner d’un soutien aux interventions visant à répartir le pouvoir largement et de manière pluraliste. Cette distribution du pouvoir doit permettre d’établir des lois et des règles, de sécuriser les droits de propriété et de créer une économie de marché inclusive. L’expérience passée des échecs de réforme suggère la nécessité d’une meilleure considération des clivages entre les initiés (insiders) et les tiers (outsiders), les puissants et les faibles et les inclus et les exclus. Par conséquent, les réformes de gouvernance du secteur public doivent être complétées par des interventions visant au soutien des positions des plus faibles qui n’ont pas nécessairement confiance en les plus puissants. Se concentrer sur les initiatives de gouvernance dans lesquelles les intérêts se recoupent afin d’éviter les situations du « gagnant qui rafle tout » sera crucial dans les efforts vers le compromis politique, l’entente, et la paix sociale. L’idée de convergence se réfère à des initiatives de gouvernance qui permettraient aux élites de maintenir certaines de leurs prérogatives tout en transférant certains bénéfices vers la sphère publique. Dans ce contexte, il est important de fournir un soutien aux plus faibles, tels les administrations locales, les acteurs de la société civile, les minorités et les acteurs économiques de petite échelle. 95 244. La décentralisation a le potentiel de contraindre Kinshasa vis-à-vis des gouvernements locaux. La décentralisation est l’élément central de la Constitution de 2006 qui envisage de décentraliser le pouvoir vers les provinces autonomes. La Constitution a établi un État unitaire décentralisé afin d’éviter les erreurs passées de concentration du pouvoir. Elle fournit la base légale d’une décentralisation efficace avec les caractéristiques suivantes, qui restent à mettre en œuvre : i) le partage des recettes ; ii) le transfert des compétences et des ressources humaines aux provinces ; iii) et l’élection d’autorités locales. Kinshasa est plus puissante que les gouvernements locaux, dont les gouvernements provinciaux et les entités territoriales décentralisées. 245. Cependant, en RDC, la décentralisation tend à reproduire et à répandre les dysfonctionnements de l’État plutôt qu’à les résoudre 109. La RDC doit être vigilante quant à la propagation d’une « prédation territoriale basée sur une culture politique d’entrepreneuriat militaire » (Trefon, 2010) ou au soutien d’administrations provinciales qui font « relativement peu au-delà de se préoccuper d’elles-mêmes » (Englebert et Mungongo, 2016). Certaines caractéristiques de la société congolaise nécessitent d’être reconnues dès le début des interventions de décentralisation afin d’éviter des attentes irréalistes et de les concevoir de manière à lutter contre la prédation provinciale et la centralisation des pouvoirs. Certaines idées fausses devront être évitées, y compris considérer que la montée par elle-même de centres alternatifs et autonomes de pouvoir contraindra Kinshasa ou que les élites provinciales représentent les intérêts des populations locales. En RDC, les mauvaises pratiques de gouvernance, telles que le patronage, le rapportage et la privatisation de la fonction publique, sont très fréquentes au niveau central et provincial. En général, les provinces affectent la majeure partie de leur budget aux salaires et aux coûts de fonctionnement des gouverneurs, de leur cabinet et des assemblées provinciales. 246. Fournir un accès aux pouvoirs provinciaux ou locaux ne favorise pas nécessairement un comportement responsable et des contrôles et contrepoids entre les autorités locales et centrales. Englebert et Mungongo (2016) décrivent une erreur de diagnostic commune des bailleurs de fonds : « Compter sur la décentralisation pour combattre le pouvoir personnel, l’irresponsabilité et la prédation revient à supposer que les maux du Congo résident au sommet et que, en transférant les pouvoirs, les réformes pourraient neutraliser la « mauvaise gestion ». Cependant, le pouvoir personnel, l’irresponsabilité et la prédation ne sont pas une question de comportement de l’élite centrale seulement. Ces caractéristiques sont généralisées dans la vie politique congolaise et résultent, au moins en partie, d’une perception largement répandue de l’État en tant que ressource. La décentralisation a multiplié les niveaux de l’État et le nombre de prétendant à ses bénéfices, mais elle n’a pas, en général, protégé les fonctions de l’État des dirigeants abusifs pour les distribuer à des acteurs locaux responsables110. » Par conséquent, l’augmentation de l’impact de la décentralisation sur le développement exige de bien comprendre la gouvernance locale en réfléchissant aux interventions qui permettraient d’avoir des gouvernements infranationaux réactifs et redevables. 109 . Pour davantage de détails sur cette question, consultez Englebert, P. et Mungongo, Emmanuel Kasongo. 2016. « Misguided and Misdiagnosed: The Failure of Decentralization Reforms in the DR Congo » African Studies Review, Vol. 59 (1), pp. 5-32; Trefon, Theodore. 2010. « Administrative Obstacles to Reform in the Democratic Republic of Congo » International Review of Administrative Sciences, Vol. 76(4), pp. 702-722. 110 Voir : Englebert et Mungongo 2016 : pp.24. 96 247. L’investissement dans le renforcement des associations locales et les organisations de la société civile doit être une priorité continue des initiatives de gouvernance. Dans les zones rurales, les coopératives peuvent servir de plateforme pour faire entendre la voix des agriculteurs locaux et des mineurs artisanaux, les renforcer et les autonomiser. Les coopératives peuvent avoir une fonction économique, sociale et politique. Économiquement, elles permettent aux petits producteurs de rassembler leurs forces et d’acquérir des équipements, des intrants et des services qu’ils n’ont pas les moyens de se procurer individuellement. Elles sont bien adaptées à la structure de la propriété foncière en RDC. Elles donnent aux petits propriétaires un accès aux intrants collectifs qu’ils peuvent utiliser pour exploiter leurs parcelles sans en perdre la propriété. Dans le cas de terrains collectifs, les coopératives permettent une exploitation collective et réduisent les griefs de ceux qui autrement se sentiraient injustement exclus de l’accès à une ressource collective. Socialement, les coopératives restaurent les mécanismes de coopération, de dialogue et de confiance au sein des communautés, permettant ainsi une reconstitution progressive du capital social et de la cohésion sociale. Cette même cohésion sociale se traduirait en une plus grande influence politique sur les autorités locales et nationales. Finalement et en général, un réseau dense de petits producteurs coopérant peut constituer la base sociale d’un pouvoir et d’une représentation politiques forts et stables au niveau local. De plus, le soutien aux femmes et aux minorités est important dans le renforcement des liens entre l’État et la société. L’ethnicité joue un rôle important dans la politique congolaise, avec des impacts directs et indirects sur les dynamiques politiques locales et nationales. 8.3. Approches, interventions et outils pour le soutien des institutions et organisations inclusives et des plus faibles 248. Les partenaires du développement en RDC peuvent soutenir les institutions et organisations inclusives et les plus faibles à travers une large variété d’interventions de développement et dans une gamme étendue de domaines, tels que : a. Outils analytiques : Les analyses de l’économie politique, des disparités entre les sexes, de la pauvreté et de l’impact social et l’évaluation des fragilités constituent différents outils pour comprendre comment le pouvoir est exercé ainsi que les relations entre les institutions formelles et informelles et les acteurs et les organisations. b. Renforcement des cadres juridiques et réglementaires : Une législation basée sur les droits représente le mécanisme formel pour exiger une meilleure gouvernance. Les exemples incluent la législation quant au droit à l’information, les lois sur la participation citoyenne à la prise de décisions (par exemple les décisions budgétaires), l’action affirmative (par exemple les quotas de genre, de minorités et de groupes vulnérables) et l’approche de garantie sociale à la fourniture de services. c. Interventions vers un renforcement de l’expression, de l’autonomisation, des capacités et de la responsabilité : Les partenaires du développement peuvent soutenir des activités renforçant la voix des marginalisés et leurs autonomies économique et sociale. Les coopératives peuvent être des structures puissantes pour renforcer la position des plus faibles et les médias locaux représentent un mécanisme d’expression important. Les radios communautaires jouent un rôle important pour informer les citoyens des développements au sein de leur communauté et à travers le pays. 97 Chapitre 9. Mobiliser les infrastructures, les ressources naturelles et l’agriculture 249. La RDC doit moderniser ses infrastructures pour les mettre au service de sa population et de son économie, et améliorer la gestion et l’utilisation de ses ressources naturelles. Le bon fonctionnement des infrastructures est essentiel au développement des entreprises et de l’industrie ainsi qu’à la prestation efficace des services sociaux. Ce chapitre vise à identifier les nouvelles priorités et les options de politiques pour reconstruire les systèmes de transport, d’électricité et d’eau, tout en renforçant les télécommunications et en assurant la gestion de villes en croissance rapide. En RDC, les ressources naturelles assurent des moyens de subsistance à des millions de personnes pauvres, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’exploitation minière artisanale. Les ressources naturelles peuvent générer des emplois de meilleure qualité et mieux rémunérés, à condition qu’elles soient gérées de manière plus efficace et plus durable. Le secteur agroalimentaire peut améliorer les conditions de vie de la population et contribuer à la diversification de l’économie. Il faut également être attentif à l’adaptation au changement climatique et à la réduction des émissions, qui représentent des opportunités pour les partenariats internationaux. 9.1. Reconstruire les infrastructures pour assurer la résilience et soutenir une croissance inclusive 250. En RDC, la mauvaise qualité des infrastructures ne leur permet pas de servir efficacement la population et l’économie. Les infrastructures clés – y compris les systèmes de transport, d’électricité, d’eau et de télécommunications – jouent un rôle majeur dans les efforts visant à accroître la résilience et à parvenir à une croissance durable et inclusive. 9.1.1. Transport : accélérer la réforme de la gouvernance et les investissements 251. Conjuguées à des ressources financières limitées, les faibles capacités décisionnelles et institutionnelles de la RDC ont entravé la réforme du gouvernement dans le secteur des transports. Ce secteur est essentiel pour accroître la production agricole et minière, relancer le commerce, rétablir la connectivité avec des communautés isolées et améliorer la sécurité. Il constitue un facteur clé de croissance inclusive et durable. Un programme de réhabilitation des routes principales est en cours, avec le soutien des partenaires au développement. Il a donné lieu à une première phase de modernisation du secteur routier grâce au Fonds national d’entretien routier (FONER). Actuellement, des efforts sont aussi déployés pour améliorer la sécurité du transport aérien et fluvial, stabiliser les chemins de fer et réformer le secteur portuaire. Toutefois, la faible capacité du secteur public et les ressources financières limitées de l’État ralentissent les progrès dans tous ces domaines. 252. Le gouvernement peut engager des réformes majeures dans le secteur des transports en remettant à jour sa stratégie et son plan de développement du transport multimodal. Les réformes peuvent focaliser sur l’amélioration de la gouvernance sectorielle dans la formulation des politiques, la planification stratégique, la priorisation, le financement et la viabilité financière, et la réforme des EP du transport (voir Annexee H). Les principales mesures s’appliqueraient comme suit : (1) renforcer le capital humain du secteur public du transport, en formant de nouveaux 98 employés et en remplaçant, à tous les échelons, le personnel vieillissant ; (2) élaborer une vision multimodale du transport en combinant différents projets pilotés par différentes institutions, dans le cadre d’un plan cohérent et concerté ; (3) examiner la question des EP dans le secteur du transport ; (4) mobiliser le financement des partenaires au développement et du secteur privé ; (5) élaborer des instruments de gestion financière pour collecter les données et évaluer l’efficacité des dépenses ; et (6) trouver un équilibre entre les investissements dans le secteur des transports et les enjeux environnementaux, afin de garantir un mode de développement durable. Une attention accrue doit être portée au transport fluvial compte tenu du potentiel encore inexploité des voies navigables du pays. Un meilleur accès aux voies navigables pourrait jouer un rôle crucial dans la croissance économique : en effet, une réduction de 10 % du temps de trajet à un port fluvial se traduirait par une augmentation de 3,7 % de la production agricole. 9.1.2. Électricité : accélérer la réforme de la gouvernance et les investissements 253. En 2014, la RDC a adopté une nouvelle Loi sur l’électricité qui fournit un cadre juridique, réglementaire et institutionnel pour augmenter la production électrique. Cette réglementation libéralise le secteur de l’électricité, rompt le monopole de la SNEL et favorise les partenariats public-privé (PPP). Elle préconise également la création d’une autorité de régulation du secteur de l’électricité – l’Agence de Régulation de l’Électricité (ARE) – ainsi qu’une agence d’électrification rurale – l’Agence Nationale de Service Energétique Rural (ANSER), qui aura pour but de promouvoir et de financer l’électrification rurale et périurbaine. En outre, l’entreprise publique et le gouvernement ont signé un contrat de performance, et la SNEL a recruté un consultant pour l’aider à améliorer ses performances techniques, commerciales et financières. La réhabilitation des principales infrastructures de production et de transmission est soit achevée, soit en cours, y compris la réhabilitation d’une capacité de production de 600 mégawatts à Inga I et Inga II, ainsi que la réhabilitation des 2 000 kilomètres de lignes de transmission qui relient Kinshasa à la région minière du Katanga. 254. Le gouvernement doit s’appuyer sur le secteur privé pour générer des capacités de production et clarifier la relation entre les secteurs de l’électricité et des mines . Les besoins sectoriels sont considérables alors que les ressources de financement se limitent aux bailleurs de fonds internationaux. Aussi est-il essentiel de mobiliser le secteur privé, en promulguant des décrets d’application de la loi de 2014 et en luttant contre la corruption pour améliorer l’environnement général des affaires. Toutefois, il faudra faire le point sur les PPP existants avant toute collaboration avec le secteur privé. En effet, la SNEL a hérité d’accords de financement – qui portent notamment sur l’électricité – avec quelques compagnies minières. Dans le cadre de ces accords, la SNEL n’a qu’une faible marge de manœuvre pour mener une stratégie à moyen et long termes, défendre ses intérêts financiers par rapport à ces investisseurs privés et s’assurer qu’elle peut honorer sa dette. 255. La RDC doit conduire une série de réformes essentielles pour renforcer la gouvernance du secteur de l’électricité, étendre l’accès à l’électricité et augmenter les capacités de production et de transmission : • Renforcer la gouvernance du secteur et le contrôle financier pour : (1) améliorer les pratiques commerciales de la SNEL dans les secteurs clés suivants : haute et moyenne tension, et clients du secteur public ; (2) traiter la question de l’endettement de la SNEL et améliorer sa gestion 99 commerciale ; (3) mettre en place des contrôles financiers rigoureux ; et (4) mettre en œuvre une tarification basée sur le recouvrement des coûts. • Étendre l’accès aux services électriques, grâce à un processus de développement de politique et institutionnel significatif et la mise en place de nouveaux modèles commerciaux pour attirer l’investissement privé. Pour encourager le secteur privé à investir, il faudra appliquer la loi de 2014 et adapter les structures PPP proposées. Le nouveau modèle commercial devrait exploiter les possibilités le long de la chaîne de valeur, y compris : (1) des contrats de concession plus importants aux compagnies internationales et régionales qui entrent dans le cadre du Plan directeur de production et de transmission ; (2) des mini-réseaux exploités localement et dotés d’un système hybride solaire ou de technologies hydroélectriques qui favorisent des investissements et des coûts d’exploitation réduits, à l’instar de ceux soutenus par la Banque mondiale au Mali ; (3) un système d’installations solaires domestiques tels que ceux qui se développent dans les pays voisins que sont la Tanzanie et l’Ouganda, avec paiement aux fournisseurs de services au fur et à mesure de la consommation ; et (4) le développement de marchés commerciaux pour les lanternes solaires portables et des systèmes solaires « plug and play » soutenus par le projet Lighting Africa, une initiative conjointe de l’IDA et de l’IFC. Ces nouveaux modèles commerciaux imposent la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de financement et d’élimination des risques liés aux investissements. • Étendre l’accès à l’électricité, ce qui nécessitera une augmentation de la production, de la transmission et de la distribution, en réhabilitant des infrastructures existantes et en réalisant de nouveaux investissements. L’achèvement du Projet de développement des marchés de l’électricité pour la consommation domestique et à l’exportation – via la réhabilitation des groupes à Inga I et II ainsi que la construction d’un deuxième canal – est prévu pour juin 2018. Par ailleurs, les investissements dans la distribution basse-tension sont une priorité pour minimiser les pertes. De plus, de grands projets hydroélectriques régionaux et nationaux, visant à juguler le déficit du secteur de l’électricité et permettre au pays d’exporter de l’électricité, sont à différentes phases de développement. 256. Parallèlement au développement de son secteur de l’électricité, la RDC devrait encourager l’introduction de solutions de cuisson propres et modernes. Le pays peut atteindre cet objectif en facilitant le développement de marchés commerciaux pour les foyers améliorés et pour les autres formes d’énergie. Cela permettrait de réduire la déforestation, les maladies respiratoires ainsi que le nombre de morts prématurées dues aux modes de cuisson néfastes pour la santé, notamment chez les femmes et les enfants. 9.1.3. Eau et assainissement : reformuler le programme de réforme 257. Le programme de réforme de l’approvisionnement en eau a été relancé en 2013, mais le gouvernement n’a pas tenu son engagement et consacre peu d’investissements financiers au secteur. Un contrat de performance a été signé en 2013 entre les pouvoirs publics et la compagnie publique des eaux, Regideso. Le principal obstacle à l’amélioration de la performance de Regideso concerne sa viabilité financière compte tenu, notamment, du non-paiement des factures d’eau par les agences gouvernementales. Malgré des améliorations, l’entreprise publique n’est toujours pas viable sur le plan financier. Pour pallier cette carence, deux actions prioritaires doivent être conduites. Premièrement, il convient de mener à son terme le Plan de réduction des 100 effectifs amorcé en 2010 et de plafonner les augmentations de salaires du personnel restant. Deuxièmement, le gouvernement devrait respecter les obligations de performance prévues par le contrat et honorer les factures d’eau de la Regideso. Les montants élevés des arriérés du secteur public et la hausse incontrôlée de la masse salariale n’ont pas permis de mettre en pratique la vision initiale de la réforme qui consistait à étendre progressivement les grands investissements à tous les centres de service et à créer des filiales régionales autonomes. Peinant à assurer sa viabilité financière, la Regideso est donc restée concentrée sur ses principaux centres. 258. Le contexte du pays et les difficultés persistantes pour rétablir des services adéquats réduisent l’attractivité du secteur vis-à-vis des partenaires privés. Le paiement, par le gouvernement, de sa consommation annuelle d’eau, la tarification basée sur les coûts et le contrôle de la masse salariale sont essentiels pour l’implication du secteur privé et l’amélioration de la prestation des services. Dans les prochaines années, seul le soutien d’un contrat de service pourra permettre à la Regideso d’améliorer sa performance financière et opérationnelle. Depuis 2013, la Regideso a bénéficié de l’appui d’un opérateur privé dans le cadre d’un contrat de service. 259. La Loi de 2015 relative à l’eau jette les bases de la décentralisation indispensable du secteur. Cette loi confère aux provinces et aux entités territoriales décentralisées la responsabilité première en matière de planification, d’organisation et de supervision des services publics d’eau. Elle établit également une base juridique pour travailler directement avec les autorités provinciales ou les associations autonomes d’usagers, afin de réaliser des investissements dans les réseaux d’eau potable en milieu urbain, et de recruter des opérateurs tiers là où la Regideso n’a pas de présence fonctionnelle. Ces approches permettent des investissements directs accrus dans les services urbains décentralisés de distribution des eaux dans les régions périphériques. Ces approches alternatives peuvent aussi accroître la pression citoyenne et commerciale sur la Regideso pour qu’elle améliore sa performance. La loi prévoit une tarification basée sur les coûts ainsi que des mesures spéciales en faveur des pauvres pour faciliter l’accès des foyers vulnérables à l’eau. Si cette loi constitue une étape utile, sa mise en œuvre se heurte à de nombreuses difficultés – parmi lesquelles les capacités limitées des provinces nouvellement créées. 260. Bien que cette nouvelle loi soit susceptible d’avoir un impact majeur sur la structure institutionnelle, son potentiel demeure largement inexploité. L’un des principaux défis de sa mise en œuvre est de transformer la structure institutionnelle actuelle – centralisée, fragmentée et biaisée – en une structure décentralisée, cohérente et plus équilibrée. Au niveau national, la loi peut être mise en œuvre selon deux approches complémentaires. La première met l’accent sur la mise en place progressive des structures administratives, réglementaires et juridiques pour appliquer la loi. La seconde fait valoir que la loi fournit déjà une base pour les réformes clés, telles que la propriété décentralisée des actifs, la délégation de service public, les tarifs fixés en fonction des coûts, et fait appel à des projets pour établir des précédents pratiques. Cette nouvelle loi pourrait améliorer la cohérence et atténuer la fragmentation de l’administration en créant un ministère national unique et un régulateur, ainsi qu’en définissant clairement les responsabilités entre les échelons centraux et décentralisés. Cette loi pourrait aussi fournir des indications sur le rôle des principales institutions, dont la Regideso. Une approche réaliste de la restructuration institutionnelle devrait tenir compte des motivations sous-jacentes des acteurs du secteur (par exemple le contrôle des sources de financement). Le retard dans la mise en œuvre de la loi est dû à certaines complexités et inerties au niveau de l’appareil d’État, et à un environnement politique peu favorable aux réformes sur le court terme. 101 261. Compte tenu des déficiences récurrentes de la Regideso, de nombreux bailleurs de fonds financent des réseaux autonomes, conformément aux dispositions de la nouvelle loi. Ceci se comprend à la lumière des difficultés à améliorer la performance et à garantir une bonne gouvernance du secteur des services d’eau. Toutefois, les réseaux autonomes basés sur la gestion communautaire ne sont que des solutions transitoires. Par conséquent, ils devraient être conçus de telle sorte qu’ils puissent être intégrés, sur le long terme, aux futurs réseaux de la Regideso. Le gouvernement et les partenaires externes doivent veiller à ce que l’aide extérieure permette à la Regideso de gérer les systèmes d’eau de manière durable. 262. La prochaine étape pour le système de distribution d’eau en milieu urbain devrait consister à accroître la pression sur la Regideso afin qu’elle mène des réformes et soutienne directement des modèles complémentaires. La principale difficulté que rencontre le système urbain de distribution d’eau concerne l’accès amélioré à l’eau qui ne suit pas le rythme de la croissance urbaine. L’accès sécurisé est faible, alors que les inégalités d’accès à l’eau entre les grandes zones urbaines et les zones urbaines périphériques persistent. Cette situation s’explique tout d’abord par la réforme inachevée de la Regideso et son biais structurel pour les grandes agglomérations, ainsi que par la faiblesse des modèles de fourniture d’eau alternatifs. Dans le domaine de l’assainissement urbain, les principaux défis sont la clarification du leadership institutionnel, la création d’une capacité de mise en œuvre au niveau municipal, et le lancement de projets pilotes reproductibles pour rompre avec un siècle d’inaction des pouvoirs publics et amorcer un cycle d’amélioration (voir Annexe H). 9.1.4. Technologies de l’information et de la communication : accélérer la réforme 263. Plusieurs réformes réglementaires, politiques et opérationnelles pourraient stimuler la croissance du secteur des TIC. Pour ce faire, il faudra : (1) mettre en place une infrastructure nationale de base complète pour la fibre optique afin de fournir des connexions à haut débit  ; (2) harmoniser les réseaux en service dans les différentes régions du pays et qui sont fragmentés actuellement (sans fil, cuivre et fibre optique) ; (3) fournir un accès abordable aux services mobiles ; (4) investir dans une couverture réseau adéquate pour une population dispersée ; (5) accroître les investissements dans le réseau ; (6) rationaliser un cadre juridique et fiscal complexe et inadéquat qui dresse d’importantes barrières aux activités des entreprises ; et (7) moderniser l’environnement réglementaire pour permettre la supervision d’un secteur en évolution rapide. 9.1.5. Gérer les villes au profit du développement urbain et de la réduction de la pauvreté 264. Le gouvernement doit soutenir la productivité et la qualité de la vie en milieu urbain afin d’inverser la tendance actuelle d’exclusion socio-économique dans les zones urbaines. L’absence de données fiables sur les zones urbaines est un obstacle majeur à la strat égie de développement urbain de la RDC. L’élaboration et la coordination des politiques au niveau national ont été largement inexistantes. En 2008, la stratégie du gouvernement pour le secteur urbain a visé à améliorer les conditions de vie des Congolais en élaborant une politique de gestion de la terre et des activités destinée à lutter contre la pauvreté urbaine. Toutefois, cette stratégie n’a pas été mise en œuvre en raison d’un manque de ressources et de suivi. De plus, les villes continuent d’être construites selon des modèles susceptibles d’entretenir les inefficacités économiques pendant de nombreuses décennies. À titre d’exemple, plus de 80 % des déplacements 102 à Kinshasa se font à pied. Étant donné la concentration des emplois dans la commune centrale de Gombe, cette situation isole considérablement les travailleurs des emplois. 265. La bonne gestion des villes est indispensable pour réduire la pauvreté et accroître la prospérité, car les villes peuvent tirer parti d’économies d’échelle plus importantes pour stimuler la productivité. La proximité géographique des personnes qui travaillent et vivent dans le même périmètre assure une densité suffisante de l’offre et de la demande. Au fur et à mesure que la ville grandit, elle récolte les fruits des économies d’agglomération grâce à la spécialisation et à l’intégration du marché du travail. Le coût unitaire de la fourniture de l’infrastructure et des services de base pour un vivier dense de travailleurs diminue, améliorant ainsi la qualité de vie. L’économie se diversifie tandis que la productivité augmente. Afin d’amorcer ce cercle vertueux, la RDC doit renforcer ses investissements dans la planification et le développement urbain. Selon une étude de 2010 consacrée au secteur urbain, les besoins en investissements urbains s’élèvent à 17 % des dépenses du gouvernement central, soit 12 dollars par habitant ou trois fois le niveau actuel des investissements. 266. La mise en place d’institutions chargées de la gestion urbaine exigera de trouver un équilibre entre les investissements d’une part et la création d’une offre et d’une demande pour une meilleure gouvernance locale d’autre part. Une planification et une gestion satisfaisantes des villes pourraient générer des recettes au niveau local. Celles-ci pourront être réinvesties localement et ainsi contribuer à pallier les manques d’investissement dans les infrastructures. Tout aussi important, ce processus pourra contribuer à la planification et au financement de l’entretien des infrastructures dans le cadre d’une approche des dépenses publiques globalement plus efficace. Ces évolutions seront nécessaires pour accueillir les nouveaux habitants des villes – plus d’un million par an – et bâtir des villes plus résilientes aux chocs climatiques qui, notamment sous la forme d’inondations, affectent déjà la population urbaine. 9.1.6. Administration foncière 267. En RDC, la terre est un élément indispensable pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté, et l’enregistrement efficace des droits fonciers devrait favoriser le développement de l’économie. La stabilité des investissements ainsi que la création et la distribution des richesses dépendent des termes légaux qui conditionnent la propriété de la terre, son utilisation et son transfert. Des droits de propriété clairement reconnus et garantis présentent de nombreux avantages : (1) ils favorisent le développement de l’agriculture et créent les conditions favorables à l’investissement national et international dans le secteur. De plus, des droits fonciers garantis et formels encouragent les paysans à investir dans leurs parcelles et peuvent faciliter l’accès au crédit. Des régimes fonciers robustes permettent aux personnes et aux familles de transférer et de léguer leurs droits ; (2) ils favorisent la stabilité et contribuent à atténuer les conflits, car la plupart des violences résultent de la concurrence pour l’accès à la terre. En effet, la cohésion sociale, la prévention des conflits et les services judiciaires reposent sur la clarté des droits de propriété et un système fiable et transparent de gestion des informations relatives aux droits fonciers ; (3) ils promeuvent la planification, le développement et la décentralisation urbains grâce à une meilleure connaissance des droits à la propriété foncière urbaine. De plus, les impôts et, par voie de conséquence, les ressources financières municipales, dépendent de systèmes d’information foncière complets et à jour. 103 268. Le gouvernement reconnait l’importance d’améliorer sa politique de gestion des terres et affiche, depuis 2012, sa volonté de réformer le régime foncier. La RDC est classée 142e en matière de transfert de propriété dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale. La Commission nationale de la réforme foncière a vu le jour en mai 2013, après que le pays a annoncé, en juillet 2012, l’adoption d’une feuille de route pour la réforme agraire. Ce processus s’est toutefois heurté à des obstacles. Les priorités de la réforme devraient inclure la reconnaissance des droits fonciers individuels et collectifs, la mise à disposition de terres ne faisant l’objet d’aucun litige en vue d’investissements agricoles et industriels, et la formalisation des droits sur la terre dans les zones urbaines. De nouvelles approches en matière de gestion foncière devraient également refléter la diversité et les spécificités locales en s’appuyant sur les bonnes pratiques locales existantes. Une institution centrale devrait superviser les pratiques locales de gestion foncière et de piloter un système innovant de registre foncier dans l’ensemble du pays. La réforme foncière est un processus de longue haleine. L’expérimentation des approches innovantes et la mise à jour du cadre juridique peuvent nécessiter une phase initiale de 5 à 10 ans. Cette étape devrait ouvrir la voie à une seconde phase de réformes qui sera étendue à l’ensemble du pays. 269. La RDC doit élaborer, piloter et mettre en œuvre un système de gestion foncière qui concilie règlements coutumiers et cadre juridique. Le pays doit mettre en place un nouveau système de gestion foncière fondé sur des pratiques sociales améliorées et reconnues légalement. Des initiatives locales voient le jour dans certaines zones urbaines et rurales, sous forme de tentatives de documentation de l’utilisation et de la propriété des terres – telles que les fiches parcellaires à Kinshasa et les titres de propriété coutumiers expérimentaux dans le Sud-Kivu. Ces pratiques pourraient donner lieu à de nouvelles méthodes pour garantir les droits fonciers, qui permettraient un enregistrement plus rapide et moins coûteux desdits droits. Ceci exigerait que les pratiques locales soient encadrées juridiquement et que les capacités soient renforcées. 270. En outre, le pays doit moderniser son système d’administration foncière, définir les responsabilités et promouvoir le processus de réforme. Des défis doivent être relevés, notamment la réhabilitation des systèmes d’information, des outils, des équipements et des bâtiments ; le renforcement des capacités et la formation du personnel de l’administration. Une politique foncière mise à jour devrait fournir des lignes directrices pour permettre aux services de l’administration foncière de jouer un nouveau rôle dans un cadre institutionnel qui reconnaît les responsabilités des autorités coutumières et des municipalités dans le domaine du foncier. Il est essentiel de corriger les incohérences et de clarifier les rôles et responsabilités des acteurs concernés afin que l’attribution des droits fonciers ne soit pas source de litiges. Toutefois, la mise en œuvre d’une nouvelle politique foncière est limitée par des problèmes institutionnels et par la taille réduite de la Commission nationale de la réforme foncière. Ainsi, le gouvernement doit-il résoudre ces problèmes et apporter un soutien technique et logistique à ladite commission. 9.2. Encourager une gestion plus durable des ressources naturelles et promouvoir le secteur agroalimentaire 9.2.1. Pétrole et gaz 271. Des réformes doivent être menées pour libérer le potentiel du secteur du pétrole et du gaz, qui est prometteur en termes de nouvelles explorations et découvertes. Les politiques publiques doivent être élaborées à l’aune des meilleures pratiques pour que le secteur du pétrole 104 et du gaz puisse réaliser son potentiel, et contribuer efficacement au développement économique. Les décrets d’application sont en cours d’élaboration, faisant suite à l’adoption du nouveau code des hydrocarbures en 2015. L’objectif du gouvernement est d’attribuer de nouveaux blocs de prospection et d’exploration de manière concurrentielle et transparente. Hormis la mise en place d’un environnement réglementaire favorable, de nombreux défis entravent le développement du secteur, notamment : (1) les réserves sont situées dans des régions contestées et difficiles d’accès ; (2) les besoins en infrastructures sont considérables alors qu’il faudrait relier la production dans l’Est du pays aux marchés de consommation dans l’Ouest ; (3) l’exploitation des réserves pourrait donner lieu à des tensions autour des préoccupations environnementales et sociales et menacer la stabilité ; et (5) la gouvernance (voir Annexe J). 272. Pour transformer ces défis en opportunités, plusieurs domaines de collaboration et de réforme sont de nature à permettre au secteur pétrolier de réaliser son potentiel. Il s’agit notamment de : (1) la mise en application du code des hydrocarbures ; (2) la création d’une base de données des hydrocarbures ; (3) l’utilisation du gaz du Lac Kivu pour produire 1 000 mégawatts d’électricité ; (4) l’utilisation du gaz torché pour produire jusqu’à 150 mégawatts d’électricité ; (5) le renforcement des capacités ; (6) le respect des normes de l’ITIE ; (7) la résolution des conflits frontaliers ; (8) la promotion de l’intégration régionale ; et (9) la mise en œuvre de garanties environnementales et sociales (voir Annexe J). 9.2.2. Mines 273. La croissance soutenue dépend de la capacité du gouvernement à diriger une partie des revenus du secteur minier vers le financement du développement. Pour ce faire, il faudrait s’assurer que le nouveau Code minier remplisse la promesse énoncée d’ajuster la répartition des rentes au bénéfice de la RDC et que les populations en profitent. Il faudra également veiller à ce que les contrats et les conventions qui arrivent à expiration soient attribués ou renouvelés à de nouvelles conditions, plus avantageuses pour le pays. Dans cette perspective, il conviendra de poursuivre l’étude géologique de la RDC et de consolider les fonctions de plusieurs institutions. La production et la publication d’informations géologiques permettraient de mener des processus d’attribution de contrats ouverts et compétitifs. Par ailleurs, nombre de grandes entreprises disposent de leur propre programme de responsabilité sociale. Cependant, leurs activités sont généralement déconnectées des efforts de développement des pouvoirs publics locaux et provinciaux. Par conséquent, une coordination public-privé peut permettre une harmonisation stratégique des investissements des entreprises au profit des besoins sociaux et en infrastructure considérables du pays. De plus, les services de santé de base et d’autres infrastructures des services sociaux sont absents de nombreuses régions minières éloignées où se pratiquent l’EAPE, malgré une forte densité de la population. 274. La nouvelle stratégie nationale pour le secteur de l’EAPE fournit aux pouvoirs publics un cadre clair pour qu’ils répondent à la problématique de la formalisation. Le renforcement du Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, (SAEMAPE) est indispensable pour assurer la réussite de la formalisation et accroître l’impact de l’EAPE sur le développement. En effet, l’EAPE produit d’importants volumes d’extraction, génère de l’emploi et des revenus pour les ménages et pourraient générer des recettes pour les entités nationales et locales. Toutefois, des efforts doivent être menés en matière de traçabilité, de certification et de formalisation. S’agissant de la traçabilité, le travail 105 fructueux conduit pour combattre les « minéraux de la guerre » en RDC a permis à l’EAPE de se développer dans les 3Ts. À ce niveau, l’emploi est resté stable grâce à une demande constante de minéraux certifiés dans l’Est du pays, et a atteint plus de 200 000 personnes rien que dans cette région. Il existe également un système pour certifier les diamants. À l’avenir, la formalisation sur le marché national devrait être encouragée pour maintenir et compléter les avantages de la certification et de la traçabilité. A titre d’exemple, l’introduction, par le gouvernement d’un programme d’achat de l’or – à l’instar de l’Éthiopie – pourrait constituer un pas important, s’avérer rentable, produire de bons résultats et améliorer le revenu national. 275. La gouvernance demeure un domaine critique pour le gouvernement, tant dans les activités industrielles que dans l’EAPE (voir Annexe H). Des processus tels que l’ITIE se sont avérés importants pour faciliter un dialogue ouvert sur les avantages que peuvent apporter les industries extractives. Ce dialogue devrait se poursuivre. L’engagement du gouvernement à financer le processus ITIE est louable, malgré des contraintes budgétaires auxquelles il est confronté depuis 2015. L’amélioration de l’administration du secteur, y compris l’administration fiscale, et le suivi des prix de transfert exigent des efforts de réformes administratives et de renforcement des capacités. La faiblesse institutionnelle dans la gestion des EP minières pose des difficultés particulièrement importantes. Pour pallier ces difficultés, il conviendrait de réaliser un inventaire des actifs des EP et d’élaborer des modèles d’affaire pour les grandes sociétés minières qui permettent l’évaluation, selon plusieurs paramètres, des flux de revenus. Cette évaluation permettra, à son tour, d’estimer les actifs et d’orienter les réformes fiscales qui touchent le secteur. 276. Le processus de décentralisation aura une incidence sur la gouvernance et la stabilité des industries extractives. Des efforts supplémentaires de mobilisation de recettes au niveau local auront certainement un impact sur le cadre fiscal actuel des industries extractives. Alors que des taxes sur des produits spécifiques sont inscrites dans le Code minier et sont appliquées au niveau national, les provinces lèvent désormais de nouvelles taxes sur les projets locaux d’extraction. Les implications sont bien visibles pour le secteur en essor de l’EAPE. De telles pratiques ad hoc devraient faire l’objet d’un dialogue et d’un débat au niveau national. En effet, garantir le rôle des activités minières dans la croissance inclusive future exige une coordination et un alignement des politiques des recettes mises en œuvre par les structures locales et provinciales. 9.2.3. Agriculture et industrie agroalimentaires 277. Ces dernières années, l’agriculture est devenue la toute première priorité du gouvernement. La RDC a alloué 8 % de son budget national à l’agriculture en 2016, soit une progression de 3 %. Le Programme National d’Investissement Agricole du gouvernement de 2013 s’appuie sur cinq piliers : (1) la promotion des chaînes de valeur dans l’agroalimentaire ; (2) la sécurité alimentaire ; (3) la promotion de la recherche et de la formation ; (4) l’amélioration de la gouvernance sectorielle, la participation des deux sexes et le renforcement de la capacité institutionnelle ; et (5) l’adaptation au changement climatique. Le coût total du programme est estimé à 5,7 milliards de dollars US jusqu’en 2020. 278. Pour mener une révolution verte, la RDC devra faire un saut technologique et des progrès sur les questions transversales institutionnelles et d’infrastructure. Pour mener une révolution verte, l’approche du pays doit être double. Le premier volet consiste à conduire les paysans pratiquant l’agriculture de subsistance à petite échelle à devenir des agriculteurs 106 commerciaux. Cela exige : (1) d’augmenter la production par l’accès à des matériels génétiques améliorés (semences), des engrais, au financement et à la technologie ; et (2) de donner un accès plus efficace aux marchés, en permettant aux coopératives de producteurs d’identifier les marchés, de mutualiser leurs ressources, d’ajouter de la valeur, de négocier des marchés et d’accéder aux routes de desserte et aux installations de stockage. Ces initiatives doivent être entreprises tout en s’assurant que le développement ne nuise pas à l’équilibre des zones écologiquement sensibles. Le second volet consiste à relancer l’investissement privé dans l’agriculture commerciale en s’appuyant sur les technologies modernes tournées vers la transformation des produits agricoles et l’exportation. Le gouvernement a pour objectif d’attirer les investissements privés dans les parcs agro-industriels, pour lesquels il envisage de fournir les infrastructures de base (transport, eau, électricité et TIC) ainsi qu’un cadre administratif et budgétaire transparent (par exemple des titres fonciers et le statut de zone économique spéciale). Cette approche, fondée sur l’existence de pôles d’activité privilégiés, sera pilotée dans la périphérie de Kinshasa. Il est possible de combiner l’agriculture à petite échelle et le secteur agro-industriel à grande échelle, par le biais de l’agriculture contractuelle et du soutien aux opérateurs moyens dans certaines chaînes de valeur et régions. Le « modèle d’alliance productive » sera testé dans de nouvelles opérations pour renforcer la commercialisation des produits et assurer l’intégration des petits producteurs dans le marché. 279. Le développement de l’agriculture et de l’agroalimentaire pourrait favoriser le développement socio-économique à long terme de la RDC. L’amélioration des rendements des cultures en RDC, même à des niveaux modestes, aura un impact perceptible sur le PIB global. La RDC pourrait doubler son PIB agricole et augmenter son PIB global de 23 % en hissant son rendement agricole au niveau de celui de ses voisins d’Afrique centrale. Un secteur agricole en essor pourrait largement contribuer aux objectifs de développement suivants : (1) réduire la pauvreté en garantissant des moyens de subsistance et des revenus durables à des millions de petits paysans pauvres ; (2) rendre l’accès à la nourriture plus abordable et améliorer la sécurité alimentaire grâce à la disponibilité accrue, tout au long de l’année, des aliments dans les régions rurales reculées ainsi que dans les centres urbains ; (3) promouvoir la création d’emplois et les retombées économiques car, grâce aux liens amont et aval, l’agriculture, la transformation agro- industrielle et la commercialisation ont vocation à créer des emplois supplémentaires et induire des effets multiplicateurs sur les services et l’industrie manufacturière ; (4) renforcer la diversification économique et la prospérité, car la population, dans son ensemble, peut bénéficier du caractère socialement inclusif des activités, à l’inverse de l’activité minière industrielle à forte intensité de capital qui est géographiquement et économiquement concentrée ; (5) améliorer la balance commerciale, car le pays pourrait devenir un exportateur net de produits alimentaires ; et (6) améliorer la résistance au changement climatique en adaptant les cultures à un climat qui change, et en stockant plus de carbone dans les sols. 9.2.4. Forêts et biodiversité 280. Une agriculture qui préserve la forêt favorise une croissance soutenue et une réduction de la pauvreté rurale, notamment sur les terres dégradées et la savane situées à la lisière de la forêt. Toutefois, la production de cultures agroforestières pérennes (café, cacao, hévéa, et huile de palme) et de produits forestiers non ligneux comme alternatives à l’agriculture sur brûlis est actuellement sous-financée. Ces approches exigent la gestion et la mise en application de plans de développement local pour s’assurer que ces produits ne détruisent pas le couvert 107 forestier. Elles nécessitent également une gouvernance améliorée, une clarification du régime foncier et des investissements dans les chaînes de valeur. 281. Un contrôle accru des ressources des forêts améliorerait leur durabilité et augmenterait les recettes du gouvernement. Une pénurie de ressources humaines, techniques et financières entrave l’application du code forestier. L’absence de contrôle sur la production de bois pose des défis importants en matière de durabilité et réduit la contribution du secteur aux économies nationale et locales, ainsi qu’aux recettes du gouvernement. Par conséquent, améliorer le contrôle de la ressource et l’efficience de sa gestion à travers un système de traçabilité du bois, y compris dans le secteur informel prédominant, s’avère nécessaire. Les axes d’action prioritaires consistent à soutenir ce système ainsi que les efforts de formalisation du secteur informel. Un régime forestier communautaire viable pourrait constituer un nouveau modèle de gestion de la ressource. Une meilleure coordination des politiques par le biais d’un plan d’aménagement du territoire, et la clarification des droits fonciers et sur les ressources forestières amélioreraient le climat d’investissement à tous les niveaux. 282. La gestion des aires protégées doit être améliorée en collaboration avec les communautés locales et autochtones. Le gouvernement cherche à remplacer le système actuel de soutien financier ad hoc à des zones spécifiques par une stratégie de financement plus pérenne. L’industrie de l’écotourisme naissante peut, à terme, générer des revenus. Pour cela, il s’agit de maintenir et de financer de manière durable le système des aires protégées et d’améliorer la capacité technique et administrative de l’Institut congolais pour la conservation de la nature. Il faut augmenter sensiblement le financement du système des aires protégées. Pour progresser dans cette direction, il faudrait finaliser la mise en place du Fonds Okapi, qui est le fonds fiduciaire pour la conservation rattaché au système des aires protégées. La création du Fonds Okapi bénéficie actuellement de l’appui de la Banque mondiale, mais sa mise en place a été très lente et s’est heurtée à des obstacles bureaucratiques. La résolution de ces difficultés permettra d’assurer le financement à long terme du système des aires protégées et d’en assurer la soutenabilité. 9.2.5. Changement climatique : adaptation et mitigation 283. La RDC a signé l’Accord de Paris dans le cadre de la convention -cadre des Nations Unies sur le changement climatique, bien qu’elle ne l’ait pas encore ratifié. Le pays a soumis ses contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN), qui définissent ses priorités nationales en matière de programmes de mitigation et d’adaptation. Une fois que la RDC aura ratifié l’Accord de Paris, sa proposition deviendra une Contribution déterminée au niveau national (CDN). La réalisation des objectifs de la CDN visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 17 % en deçà des niveaux de 2 000 d’ici 2030 dépendra de la disponibilité du financement extérieur pour le pays. 284. La réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) peut encourager un développement favorable aux forêts et contribuer significativement à atteindre les objectifs de mitigation du changement climatique. Le gouvernement devrait assurer la réussite du Programme de Réduction des Émissions du Maï- Ndombe, au niveau provincial. L’approche intersectorielle pour agir sur les nombreux facteurs de la déforestation devrait être programmatique et intégrer les approches discutées dans la section 9.2.4. L’approche programmatique offre la possibilité de s’attaquer simultanément aux 108 défis du changement climatique, de la réduction de la pauvreté, de la gestion des ressources naturelles et de la protection de la biodiversité. 285. Face aux changements climatiques, le développement d’une agriculture intelligente, notamment dans les régions sèches de la partie sud du pays, constitue une priorité en matière d’adaptation, bien que les populations pauvres des zones urbaines restent les plus vulnérables au changement climatique. L’agriculture et les ressources en eau sont les deux secteurs les plus vulnérables au changement climatique, et les habitants des zones rurales en subissent directement les impacts. Les précipitations extrêmes, les sécheresses et les inondations représentent les plus grands risques naturels, et sont susceptibles d’affecter la croissance économique. L’impact sur la production agricole et animale peut compromettre les revenus et la sécurité alimentaire locale des ménages agricoles. Le Programme d’Action National d’Adaptation indique que les populations pauvres sont les plus vulnérables au changement climatique, avec un taux d’exposition de 72 %, suivis par les petits propriétaires fonciers. 286. Le pays doit renforcer ses institutions pour relever ses défis environnementaux. La dégradation de l’environnement se poursuit à un rythme effréné en raison du cadre réglementaire fragmentaire et mal appliqué en matière de protection environnementale. Le gouvernement est mal outillé pour faire face aux défis environnementaux et pour respecter ses engagements dans le cadre des accords multilatéraux sur le climat. La décentralisation pose un défi supplémentaire, notamment en termes de coordination, d’application et de financement d’entités nouvelles. Les priorités sont les suivantes : (1) renforcer les capacités humaines et techniques et améliorer les conditions de travail des personnels dans les régions reculées ; (2) moderniser les infrastructures et les équipements, notamment au niveau provincial ; et (3) consacrer des ressources aux activités liées au climat, y compris au niveau du ministère de l’Environnement. Des stratégies et des plateformes en vue d’intégrer la société civile et de renforcer la sensibilisation se font progressivement jour, mais ces efforts restent insuffisants. 109 Chapitre 10. Résilience et croissance durable grâce au capital humain 287. Pour renforcer la résilience à long terme et promouvoir une croissance économique soutenue, ce chapitre soutient que le pays doit améliorer le stock et la qualité du capital humain. Les politiques gouvernementales doivent mettre l’accent sur les objectifs suivants : (1) créer les conditions préalables à l’obtention, à terme, d’un dividende démographique ; (2) favoriser la productivité future en améliorant la nutrition ; (3) accroître l’accès à des services de santé de bonne qualité, tout en évitant l’appauvrissement lié à des dépenses de santé catastrophiques ; (4) améliorer la qualité de l’éducation et l’employabilité de la population de façon à tirer profit du dividende démographique ; (5) mettre en place un système de filets de sécurité pour consolider les bénéfices des investissements dans le développement humain et favoriser la résilience des ménages ; (6) élargir l’éventail des fruits de la croissance grâce à des mesures de soutien à l’emploi des jeunes ; (7) moderniser le système d’identification national ; (8) renforcer le rôle joué par les femmes pour préparer l’avenir ; et (9) gérer les effets du conflit. 10.1. Créer les conditions préalables à un dividende démographique 288. Pour tirer parti du dividende démographique de la RDC, il sera nécessaire de mettre en œuvre des politiques pour accélérer la transition vers de plus petites cohortes et permettre à ces dernières d’être productives. Le dividende démographique correspond au potentiel de croissance économique qui peut survenir si la part de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans) est supérieure à celle de la population qui n’est pas en âge de travailler (moins de 15 ans et plus de 64 ans). Il représente l’amélioration de la productivité économique lorsque la proportion de la population active augmente par rapport à celle des personnes dépendantes. Le dividende démographique peut résulter de la baisse du taux de fécondité à la suite de réductions significatives des taux de mortalité infantile et juvénile. Cette baisse de la fécondité entraîne des réductions des dépenses des ménages consacrées aux personnes dépendantes et stimule la croissance économique. 289. Des accélérations modestes du déclin de la fécondité en RDC peuvent modifier significativement les prévisions de structure d’âge. Selon l’hypothèse de fécondité moyenne des Perspectives de la population mondiale des Nations Unies (UN WPP – United Nations World Population Prospects), le Taux de Fécondité Total (TFT) devrait chuter à seulement 4,77 d’ici 2030 et à 3,43 d’ici 2050. Ces taux de fécondité signifient que la part des enfants dans la population connaîtra un déclin constant, mais restera élevée pendant plusieurs décennies. Actuellement, les enfants représentent 46 % de la population. Ils en constitueront encore plus de 42 % en 2030 et plus de 35 % en 2050. Les personnes en âge de travailler, qui représentent actuellement 51 % de la population, constitueront plus de 60 % de la population en 2050. Si le déclin de la fécondité est plus lent – comme dans l’hypothèse de forte fécondité des WPP –, alors la proportion d’enfants dans la population sera plus élevée encore. En revanche, si les réductions de la fécondité s’avèrent plus rapides – comme dans l’hypothèse de fécondité faible des WPP –, les travailleurs potentiels seront plus nombreux d’ici 2050 en raison de la part plus élevée de personnes âgées de 15 à 64 ans. 290. Le pays doit concevoir des politiques qui accélèrent la réduction de la mortalité juvénile et facilitent l’accès des couples à des services et produits de planification familiale. Les politiques dans les quatre domaines clés suivants permettraient d’accroître le dividende 110 démographique : (1) réductions des taux de mortalité juvénile, (2) amélioration de l’éducation des femmes, (3) renforcement de l’accès à des services complets de planification familiale et (4) mesures visant à favoriser l’autonomisation des femmes. Les améliorations de ces quatre domaines sont souhaitables, indépendamment de leurs retombées économiques potentielles. En outre, une transition démographique plus rapide peut significativement amplifier les avantages à court terme, tels que la baisse des dépenses consacrées aux personnes dépendantes. Une deuxième série de politiques pourrait tirer parti du potentiel du côté de l’offre, libéré par la transition démographique (Tableau 10.1). Tableau 10.1. Politiques visant à récolter le premier dividende démographique But Politiques Accélérer le déclin de la fécondité Réduire la mortalité juvénile, la morbidité, la malnutrition Améliorer l’éducation des femmes et l’égalité entre les genres S’atteler aux normes sociales relatives à la fertilité Réduire le mariage des enfants Élargir des programmes de planification familiale exhaustifs Mettre en œuvre un programme de santé exhaustif à destination des adolescents Récolter le premier dividende Améliorer la formation du capital humain économique Attirer les investissements directs étrangers Améliorer l’environnement des affaires afin de renforcer la demande de main-d’œuvre Réduire les barrières commerciales Encourager l’emploi des femmes à l’extérieur de la maison Source : Personnel de la Banque mondiale. 10.2. Favoriser la productivité future en améliorant la nutrition Figure 10.1 Le cycle de la pauvreté et de la malnutrition 291. Mettre en œuvre dix interventions spécifiques à la nutrition dans toutes les régions du pays coûterait 371 millions d’USD par an, mais pourrait accroître fortement la productivité économique. L’augmentation de la productivité se produirait sur la durée de la vie productive des bénéficiaires et générerait un taux de Source : Personnel de la Banque mondiale. rendement interne 111 impressionnant de 13,6 %. Investir dans cet éventail d’interventions liées à la nutrition sauverait environ 76 000 vies et éviterait un million de cas de retard de croissance chaque année. Ces investissements peuvent permettre au PIB d’un pays d’augmenter de 3 à 11 % par an (Horton et Steckel, 2013). Les personnes bien nourries pendant leur enfance sont : (1) 40 % moins susceptibles de vivre dans des foyers pauvres et (2) 28 % plus susceptibles d’exercer des emplois qualifiés ou de « cols blancs »111. 292. Le gouvernement et ses partenaires élaborent actuellement une feuille de route des mesures clés permettant d’identifier les grandes étapes à franchir dans la lutte contre la sous- nutrition dans le pays. Un large écart existe entre les investissements existants dans les interventions de nutrition et les scénarios de mise à l’échelle les plus modestes. Les partenaires de développement du pays constituent la principale source de soutien financier pour les interventions réalisées dans les domaines de la santé et de la nutrition. Figure 10.2 Investissements et avantages annuels de la lutte contre la malnutrition Source : Personnel de la Banque mondiale. 10.3. Accroître l’accès à des services de soins de santé de bonne qualité 293. Une efficience accrue permettrait d’obtenir de meilleurs résultats, même avec le niveau de financement actuel. Il est possible de réaliser des gains d’efficience en améliorant la budgétisation (renforcement de l’efficacité de l’allocation des ressources), la passation des marchés et la gestion financière – y compris une meilleure exécution du budget. Des gains d’efficience sont également possibles en harmonisant et en alignant le financement des bailleurs 111 Une augmentation d’un écart-type de la taille pour l’âge correspondant chez les garçons âgés de 3 ans augmente de 20 % le salaire horaire gagné à l’âge adulte, et une augmentation de la taille pour l’âge correspondant chez les filles accroit de 10 % la probabilité que les femmes aient leur propre entreprise et en tirent leurs revenus une fois adultes. Voir Hoddinott, John, et coll. 2008, « Effect of a Nutrition Intervention during Early Childhood on Economic Productivity in Guatemalan Adults. » Lancet 317 (9610) : 411–16. 112 de fonds, qui représente une part relativement élevée des dépenses de santé totales en RDC. En 2014, la Banque mondiale, l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont signé un protocole d’accord pour soutenir une approche harmonisée pour la prestation d’un ensemble intégré de services grâce à un financement basé sur la performance qui cible les zones de santé où des projets de la santé de la Banque mondiale sont en cours. 294. Dans le contexte de la RDC, dont les ressources sont limitées, l’accent devra être mis sur un ensemble de services de santé de base. Un recentrage sur les services destinés à atténuer le fardeau des maladies permettra au gouvernement d’améliorer l’efficience des dépenses avec les niveaux actuels de financement. D’autres pays, comme l’Éthiopie, ont montré que cibler un ensemble restreint de services, dans un premier temps, permet de disposer de l’espace nécessaire pour assurer une plus grande équité, tout en améliorant la qualité de la couverture de soins de santé et des interventions gouvernementales. Une fois que les services restreints de bonne qualité atteignent un taux de couverture élevé, des ressources publiques supplémentaires peuvent être utilisées pour étendre les services. 295. Il est primordial de traiter l’inefficacité de la dotation et de l’utilisation des ressources humaines dans la santé. Une réforme essentielle consisterait à ajuster la taille des effectifs, leur profil d’âge et leurs compétences pour répondre aux besoins du système. Dans ce cadre, un redéploiement des personnels de santé serait organisé au profit des zones géographiques où les besoins sont les plus pressants. La réforme doit aussi s’attacher à résoudre le problème du manque de motivation des personnels, tout en renforçant leurs compétences. 296. Améliorer le fonctionnement du Système national d’approvisionnement en médicaments essentiels est une priorité. Le gouvernement a adopté une politique de recouvrement des coûts des médicaments dans les établissements de santé publics, à l’exception de certains médicaments génériques que le gouvernement distribue gratuitement afin de traiter le paludisme et d’autres maladies. 297. Le financement basé sur la performance est une stratégie qui peut s’avérer utile dans certains domaines de la réforme. Ce type de financement soutient des résultats basés sur la quantité et la qualité des services produits par des établissements de santé ou des directions et services de santé individuels, à tous les niveaux du système. Il garantit la disponibilité de subventions en espèces pour les établissements sanitaires et les administrations de santé, et l’autonomie nécessaire de ces entités pour maximiser l’utilisation du financement et ainsi améliorer leurs services. De cette façon, le financement peut servir à se procurer les intrants nécessaires et à payer des primes de performance, tout en assurant un niveau élevé de redevabilité et de transparence. Un financement basé sur la performance peut améliorer les performances du secteur de la santé dans le traitement d’aspects cruciaux du système de santé, tels que le financement, les paiements, la réglementation, l’organisation et la décentralisation, ainsi que la satisfaction des patients, tout en mettant l’accent sur l’équité, la qualité, l’efficacité et l’accès. Le financement basé sur la performance permettrait de tirer parti efficacement de la partie importante du secteur de la santé qui est gérée par des acteurs non étatiques. 113 10.4. Formation en vue de l’employabilité et de l’exploitation du dividende démographique 298. Relever les niveaux d’éducation et de formation de la population jeune en RDC pourrait accélérer la croissance économique du pays et la rendre plus équitable d’une part, et favoriser le progrès social d’autre part. Ce dividende démographique potentiel ne sera récolté que si le gouvernement réalise des investissements efficaces et de haute qualité pour renforcer le capital humain de ce segment de population. À cette fin, le gouvernement devra : (1) promouvoir un enseignement fondamental inclusif afin d’intégrer les enfants de tous les milieux socioéconomiques ; (2) veiller à améliorer significativement les taux de passage à l’enseignement secondaire et supérieur en renforçant l’accès à l’éducation des plus pauvres et des habitants ruraux ; (3) investir efficacement dans l’enseignement secondaire et l’EFTP ; (5) utiliser des données probantes pour concevoir les politiques et investir dans la qualité de l’éducation dans l’ensemble du système ; et (6) favoriser un programme d’éducation approprié, destiné aux enfants des communautés autochtones, ainsi qu’un programme éducatif de rattrapage pour les enfants des rues et autres jeunes marginalisés. 299. L’éducation améliore les perspectives de la population, car elle stimule les revenus et accroît la probabilité d’obtenir un emploi dans les secteurs à forte productivité. Une année supplémentaire d’études donne lieu à une augmentation moyenne de 9,1 % du revenu mensuel. Un niveau d’instruction plus élevé permet une hausse des revenus. L’éducation augmente également les chances d’obtenir un emploi à haute productivité, avec un niveau de rémunération plus élevé et dans des secteurs plus stables. Par exemple, une année supplémentaire de scolarité augmente la probabilité d’obtenir un emploi salarié et d’occuper un emploi dans une entreprise familiale de 38 % et 12 % respectivement. L’éducation offre des taux de rendement des investissements plus élevés chez les individus à tous les niveaux du système éducatif, allant de 23 % pour avoir achevé le cycle primaire à 81 % pour avoir terminé des études secondaires supérieures et à 158 % pour l’enseignement supérieur. 300. L’investissement des pouvoirs publics dans l’éducation inclusive et l’apprentissage amélioré contribuera à stimuler la croissance économique, à réduire les inégalités et à lutter contre la pauvreté. Cet investissement aidera à amplifier les capacités et les opportunités pour que l’ensemble de la population participe pleinement à la société et contribue au développement économique. Améliorer la qualité de l’éducation à tous les niveaux doit être une priorité. Le niveau d’instruction primaire doit être consolidé et la gouvernance du système éducatif être renforcée pour que l’enseignement primaire soit efficient, universel et gratuit. La qualité de l’enseignement post-primaire joue également un rôle déterminant pour assurer une productivité élevée de la population active. Améliorer la qualité de l’enseignement post-primaire contribuerait à pallier l’inadéquation des compétences et à favoriser l’emploi des jeunes. Environ 18 % des jeunes entrant sur le marché du travail n’ont reçu aucune éducation ou ont abandonné l’école au niveau primaire. Des réformes structurelles seront nécessaires pour améliorer l’égalité et la qualité de l’enseignement secondaire général. L’objectif doit consister à fournir aux étudiants issus de tous les milieux socioéconomiques les connaissances et les compétences adéquates pour entrer sur le marché du travail. Les programmes d’études doivent être mis à jour et intégrés, en mettant un accent particulier sur les mathématiques, la science et le développement de compétences non 114 techniques. Des possibilités d’apprentissage doivent être offertes aux élèves pauvres, notamment aux filles. Dans l’environnement de compétition pour l’utilisation des fonds publics, les PPP sont essentiels pour mobiliser les ressources nécessaires et s’assurer que l’enseignement secondaire corresponde au contexte de développement du pays. 301. Les politiques doivent mettre l’accent sur la modernisation de l’EFTP et la création d’un nouveau modèle de gestion et de fonctionnement pour les écoles techniques. Une collaboration efficace sera nécessaire entre les nombreux ministères impliqués dans la prestation des services d’EFTP. Il faut également créer un organe institutionnel pour la certification de l’EFTP afin d’assurer la qualité académique des programmes, de valider l’expérience professionnelle et d’évaluer les programmes d’alternance travail-études et les stages en entreprises, ainsi que les méthodologies d’enseignement et les modules d’apprentissage basés sur les compétences. Les programmes d’études doivent être examinés afin de s’assurer qu’ils sont conformes aux besoins du secteur privé, d’une part, et qu’ils bénéficient de l’appui fourni par des équipements et des matériels pédagogiques modernes, d’autre part. 302. Au niveau tertiaire, les programmes scolaires doivent devenir plus pratiques et aider à créer un environnement favorable à l’enseignement et l’apprentissage. Les établissements universitaires (écoles secondaires et institutions du supérieur) doivent s’adapter à un nouveau modèle de gestion basé sur la participation du secteur privé et les principes de redevabilité et de gestion basée sur les résultats. Cette approche reposerait sur les grandes axes suivants : (1) des PPP efficaces impliquant la participation de représentants du secteur privé à des comités de gestion des institutions, de façon à identifier les pénuries de compétences, à y remédier et à développer des programmes de formation qui offrent un équilibre entre les études théoriques et l’expérience professionnelle pratique ; (2) un cadre de gestion financière cohérent qui établit le lien entre, d’une part, les besoins et les priorités et, d’autre part, les ressources disponibles ; et (3) l’utilisation de contrats basés sur la performance. 10.5. Étendre les fruits de la croissance grâce au soutien à l’emploi 303. Le défi relatif aux opportunités d’emplois, et en particulier à l’emploi des jeunes, est étroitement lié à celui de la promotion d’une croissance partagée. Une approche globale allégerait les contraintes pesant sur le capital humain et l’environnement des affaires. Ces contraintes empêchent le secteur privé de saisir des opportunités et d’accroître la productivité dans l’agriculture, les entreprises familiales non agricoles et le secteur salarié moderne. En matière d’emploi, le principal problème concerne la faiblesse de la productivité et des revenus, qui contraste avec les aspirations élevées de la population et, en particulier, celles des jeunes. 304. La solution dépasse largement une simple extension de la formation technique et professionnelle fournie par le gouvernement. Les pouvoirs publics doivent aussi apporter leur soutien dans les domaines qui permettraient d’améliorer la productivité des activités économiques des ménages et des entreprises. À court terme, des actions spécifiques incluent l’élargissement de l’accès au financement pour les ménages, les entreprises et les sociétés ainsi que l’amélioration de l’accès à la terre et à la technologie afin que les jeunes exerçant dans le secteur agricole puissent accroître leurs revenus. En outre, le gouvernement pourrait améliorer les infrastructures susceptibles d’augmenter la productivité globale des entreprises et ouvrir l’accès aux marchés 115 régionaux afin que les entreprises puissent élargir la portée de leurs activités. Des programmes de la Banque mondiale abordent déjà certaines de ces contraintes en RDC. 305. Il est tout aussi urgent d’entreprendre des actions qui ne peuvent donner que des résultats à moyen terme. À titre d’exemple, les améliorations de la nutrition de la petite enfance et de l’enseignement fondamental constituent la base du développement de toutes les compétences. Cependant, les efforts dans ces deux domaines ne se traduiront par un accroissement de la productivité et de meilleurs résultats en matière d’emploi qu’au bout d’un certain temps, lorsque les enfants entreront sur le marché du travail à l’âge adulte. En outre, les réformes du climat des affaires exigeront un effort soutenu, alors que les investisseurs peuvent mettre du temps à réagir. 306. Dans l’intervalle, il est important de s’occuper de la population actuelle qui ne dispose pas des compétences nécessaires pour répondre aux besoins du marché du travail. Un certain nombre d’approches en faveur d’une formation axée sur les compétences ont fonctionné dans d’autres pays. C’est le cas notamment des approches qui ont été adoptées en partenariat étroit avec le secteur privé (par le biais de stages subventionnés, par exemple) et qui ont fourni des subventions de démarrage et une assistance technique aux micro-entrepreneurs les plus prometteurs. Les travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre fournissent des emplois à court terme tout en construisant des infrastructures communautaires. Toutefois, il est essentiel d’inclure des composantes de développement des compétences et d’épargne pour transformer ce type d’opportunités d’emplois à court terme en des avantages à plus long terme. Cette approche fonctionne bien dans les provinces de l’Est et pourrait être étendue à d’autres régions du pays. En particulier, les anciens combattants forment un groupe à haut risque (beaucoup sont jeunes) qui ont un besoin immédiat de compétences, y compris d’une formation à l’entrepreneuriat, afin de faciliter leur réinsertion dans la société et le secteur productif. 307. Des données plus complètes et de meilleure qualité sur l’emploi sont également nécessaires. L’expérimentation avec évaluation d’impacts est indispensable pour développer une base de données sur les approches potentiellement efficaces et rentables pour la promotion de l’emploi. On dispose de peu d’informations relatives aux interventions sur le marché du travail en RDC destinées à encourager la création d’emplois et de meilleures opportunités de génération de revenus, en particulier chez les jeunes. Or de telles interventions sont susceptibles d’aider la population à sortir de la pauvreté et de contribuer à consolider la paix. 10.6. Mise en place d’un système de filets de sécurité pour favoriser la résilience et consolider les avantages du développement humain 308. L’absence d’un système efficace de filets sociaux représente un obstacle important au développement humain et à la croissance inclusive. Elle explique également les mécanismes coûteux auxquels les ménages ont recours pour faire face aux chocs ; tels que la vente d’actifs productifs, la déscolarisation des enfants, le renoncement aux soins de santé et la réduction de l’apport calorique. Ce phénomène a des conséquences préjudiciables pour le capital humain et le bien-être individuel qui peuvent être de longue durée et sont susceptibles de créer un cercle vicieux, en transmettant la pauvreté à la génération suivante. La mise en œuvre d’un système efficace de filets de protection sociale peut prévenir cette spirale destructrice et réduire la demande de services sociaux coûteux, tels que les orphelinats ou les programmes de récupération nutritionnelle. Des 116 filets de sécurité peuvent également contribuer à la cohésion sociale et réduire le risque de conflits violents, qu’alimente le désespoir économique parmi certains groupes de la population. 309. Les programmes de filets de protection sociale jouent un rôle important dans l’accélération de la réduction de la pauvreté, la promotion de la prospérité partagée et l’amélioration des indicateurs sociaux. Des études telles que l’examen des filets de sécurité du Groupe d’évaluation indépendante de la Banque mondiale en 2011112 ont montré que les filets sociaux augmentent la quantité et améliorent la qualité de la consommation des ménages, améliorent l’apport nutritionnel des enfants ainsi que leur éducation et leur état de santé et augmentent les dépenses sur les activités et actifs productifs nécessaires au renforcement de la résilience des populations les plus défavorisées. Des études menées en Afrique montrent que ces programmes ont un effet multiplicateur du revenu nominal des communautés cibles allant de 1,34 à 2,52 dollars US pour chaque dollar fourni aux familles pauvres sous forme de transfert monétaire. Par conséquent, les filets de sécurité protègent la consommation des ménages tout en contribuant à réduire la pauvreté et à augmenter la productivité de façon permanente. 310. La RDC devrait poursuivre la mise en œuvre progressive d’un système intégré de filets de protection. La tendance internationale consiste à éviter de fragmenter l’aide sociale entre plusieurs programmes en s’appuyant plutôt sur une approche systémique qui facilite la coordination avec d’autres secteurs (notamment la santé et l’éducation), réduit les chevauchements et permet de réaliser des économies d’échelle. En RDC, la création d’un système intégré à l’échelle nationale ne peut être qu’un objectif à long terme, étayé par une vision claire et partagée, mais aussi par un engagement politique fort. La disproportion entre le nombre de personnes pauvres et vulnérables, d’une part, et le faible budget disponible, d’autre part, exigera un ciblage strict des personnes vivant dans l’extrême pauvreté, voire de certaines catégories parmi celles-ci. 311. Deux types de programmes de filets de protection sociaux semblent adaptés à une transposition à grande échelle dans le pays : les transferts directs et les travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre. Ces initiatives ont en commun plusieurs caractéristiques fondamentales : elles ont déjà été appliquées avec succès dans le pays à une échelle relativement importante ; elles peuvent facilement être étendues ; elles sont pertinentes pour la grande majorité des ménages vulnérables ; et elles fonctionnent en coordination avec d’autres secteurs. • Les transferts directs ont été largement utilisés par des acteurs humanitaires dans l’Est et seront bientôt lancés à titre expérimental par le ministère des Affaires sociales à Bandundu et Kinshasa. Si l’établissement de conditions telle que la fréquentation scolaire pourrait s’avérer difficile à suivre sur le plan administratif, d’autres mesures d’accompagnement - comme les activités d’éducation sur la nutrition et l’hygiène - se sont avérées très efficaces dans d’autres pays et pourraient compléter les efforts d’amélioration de la prestation de services sociaux. Les transferts doivent être, de préférence, monétaires, compte tenu du coût unitaire inférieur par rapport aux transferts en nature et à la grande flexibilité permise par l’argent liquide pour répondre aux besoins multiples des ménages pauvres. Groupe d’évaluation interne – IEG : Evidence and Lessons Learned from Impact Evaluations on Social Safety Nets. 112 Banque mondiale, Washington DC, 2011. 117 • Des travaux publics intensifs en main-d’œuvre ont été largement utilisés pour fournir des emplois temporaires à des populations touchées par des conflits. La plupart de ces programmes de compensation monétaire contre du travail effectué ont été mis en œuvre par des agences des Nations Unies et humanitaires. Pour autant, l’expérience du Fonds social – une agence gouvernementale autonome dépendant du Bureau du Président – montre que les acteurs gouvernementaux sont également capables d’exécuter ce type de programmes. Compte tenu du déficit en infrastructure considérable du pays, l’intensification de ces programmes servirait un objectif double : en faire bénéficier les ménages pauvres tout en stimulant l’économie locale. 312. Un ciblage rigoureux doit être réalisé compte tenu des défis administratifs et techniques que suscite l’exécution d’un vaste programme de filets de protection et du budget disponible limité. Le gouvernement n’exécute qu’un seul programme de filets de sécurité à l’échelle nationale, le système de la « carte d’indigence » (carte d’assistance sociale), qui exempte de payer certains frais. Bien que le programme puisse contribuer à établir un registre national civil des personnes vulnérables, qui est l’un des piliers d’un système de protection sociale, le réformer s’avérerait probablement trop coûteux et long. À moins qu’une assistance technique considérable et durable soit mise à disposition, éliminer le programme serait probablement la meilleure option, même si cela risque d’être politiquement difficile. 313. Les programmes de compensation monétaire contre du travail sont un type de filets de protection sociale qui doit être prioritaire pour une transposition à grande échelle. Les travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre doivent être étendus à l’ensemble du pays, car de nombreux travaux pourraient être réalisés avec des techniques intensives en main-d’œuvre (entretien de routes, nettoyage de fossés, reboisement, de terrassement, collecte des déchets, etc.). Cela profiterait non seulement aux bénéficiaires, mais aussi à la société dans son ensemble. Les ministères responsables de l’infrastructure publique doivent mettre en œuvre des politiques exigeant, dans la mesure du possible, l’utilisation systématique des techniques à forte intensité de main-d’œuvre. Les principaux défis consisteraient à adopter des mécanismes de ciblage objectifs et transparents qui pourraient fournir ultérieurement la base d’un registre national social et à s’assurer de la qualité technique des travaux. Ce dernier point est important, compte tenu de l’expérience mitigée de la réfection des routes. 314. Les programmes de compensation monétaire contre du travail sont également utilisés pour promouvoir la résilience en offrant des mesures d’accompagnement variées, telles que des activités de renforcement des capacités et des subventions de contrepartie. Ainsi, ces programmes peuvent agir comme des filets de sécurité, mais aussi servir de tremplins pour faciliter la transition vers des emplois durables, qui sont souvent indépendants. Le Fonds social met à l’essai cette approche dans les provinces de l’Est, et l’évaluation d’impact prévue servira à tirer des enseignements pour le reste du pays. Les instruments mis au point pour ce programme – ciblage, identification, enregistrement, suivi et évaluation – peuvent être utilisés pour établir les bases d’un système national de protection sociale. 315. Un programme de travaux à grande échelle devrait, à terme, être complété par un programme de transfert monétaire déjà testé par des projets pilotes. Dans l’Est du pays, les acteurs humanitaires ont mis en œuvre avec succès des programmes de transfert monétaire au profit des personnes déplacées. Le gouvernement devrait s’appuyer sur cette expérience lorsqu’il mettra à l’essai son propre programme de transfert monétaire. Ce projet pilote permettrait de 118 déterminer si ce type de filet de protection sociale est adapté au pays en dehors d’un contexte d’aide humanitaire et si le gouvernement dispose des capacités de gestion d’un programme de ce type. Il contribuerait également à identifier les mécanismes de mise en œuvre les plus appropriés. Pour autant, une expérience de ce type n’aurait pas de sens en l’absence d’un engagement clair visant, à terme, à étendre l’échelle du programme. 10.7. Modernisation du système national d’identification 316. Un système d’identification peut aider le pays à améliorer l’efficacité de ses systèmes de protection sociale et à réduire la pauvreté et la vulnérabilité, avec des retombées significatives sur la santé et l’éducation. Selon Dahan et Gelb (2015), la protection sociale figure parmi les domaines qui bénéficieraient de l’amélioration des systèmes d’identification. Les systèmes de protection sociale nécessitent une solide gestion de l’identité pour s’assurer que les fonds sont utilisés correctement. Ces systèmes permettent aussi d’accroître l’inclusion financière des plus vulnérables en effectuant des paiements directement sur les comptes bancaires (ou à l’aide d’un téléphone mobile). Au regard des niveaux et de la profondeur de la pauvreté en RDC, un régime de protection sociale solide peut être un outil majeur pour renforcer la résilience et réduire la pauvreté en ciblant les transferts. Le régime actuel de la « carte d’indigence » ne constitue pas une preuve d’identité fiable et induit un coût (10 dollars US) qui entrave l’accès aux services à tarif réduit. En matière d’éducation, les systèmes d’identification sont essentiels pour suivre les progrès des élèves, noter leur entrée, observer leur progrès et constater leur sortie du système scolaire à des fins de ciblage et de vérification des diplômes et titres de compétence. En matière de santé, le système d’identification appuierait la gestion des soins de santé universels. Des statistiques sur les causes de décès, recueillies dans le cadre d’un processus de fin de vie, renforceraient l’efficacité du ciblage des dépenses de santé financées par l’État ou par des sources externes.113 317. Une réflexion approfondie sur la mise en œuvre d’un registre d’état civil et d’un système d’identification en RDC est nécessaire. Gelb et Diofasi (2016) mettent en évidence trois objectifs clés (cartes d’identité pour tous, carte d’identité unique et vérifiable, et intégration des systèmes pour un meilleur rapport coût/efficacité) et trois principaux risques (exclusion, utilisation abusive des données et utilisation inefficace). Au regard des préoccupations que suscitent les questions liées à la nationalité, sans doute est-il utile de mettre d’abord l’accent sur l’identité individuelle plutôt que sur l’identité nationale. Dans un premier temps, les efforts pourraient porter sur la réforme et la modernisation pour augmenter l’efficacité et la transparence des frais d’enregistrement des faits d’état civil (naissances, mariages, divorces et décès). Cela pourrait être obtenu en introduisant des technologies modernes d’information et de communication. Le gouvernement a fait part de son intention de lancer un passeport biométrique. Cependant, son coût de 125 USD est prohibitif. En outre, seule une faible proportion de la population utiliserait ce passeport. Compte tenu du nombre élevé de jeunes sans existence légale, car ne détenant pas de certificat de naissance valide, il conviendrait d’organiser des campagnes de rattrapage d’enregistrement des naissances, en association avec d’autres événements tels que les campagnes de vaccination et les journées d’inscription scolaire. 113 Banque mondiale (2015), « Investing in Universal Health Coverage », Rapport 103444. 119 318. La faiblesse des infrastructures d’identité pénalise les services financiers qui pourraient promouvoir l’investissement productif et une réduction de la fraude (bancarisation) et du blanchiment d’argent. Les banques se heurtent à des obstacles considérables pour remplir leurs obligations de connaissance de la clientèle. Elles sont contraintes de développer leurs propres protocoles d’identification, lesquels sont coûteux et réduisent l’éventail de services financiers disponibles, y compris les crédits. Cette situation est susceptible de nuire avant tout aux personnes pauvres et vulnérables. En l’absence d’une identification fiable et cohérente, les banques ne sont pas non plus en mesure de mettre en place une base de données commune des prêts à la clientèle. Or, il s’agit d’un outil essentiel pour le développement des marchés du crédit, et son absence entrave la réglementation financière et ralentit le recyclage des fonds dans l’économie. 10.8. Réformes visant à renforcer le rôle des femmes dans la construction de l’avenir 319. Lutter contre les inégalités hommes-femmes en RDC exigera d’intégrer cette problématique dans tout raisonnement, mais aussi de mettre l’accent sur l’obtention de résultats favorisant l’élimination des écarts entre les genres. Les principaux domaines d’action incluent : (1) l’application du nouveau code de la famille ; (2) l’amélioration de l’égalité entre les genres en termes d’accès aux services de base ; (3) l’ouverture d’opportunités économiques pour les femmes et (4) la promotion de l’inclusion dans les organes politiques et décisionnels au sein des communautés. En outre, les problèmes suivants doivent être abordés : (1) la violence sexuelle et basée sur le genre ; (2) les défis de la gestion de la masculinité et des identités masculines, en particulier parmi les jeunes hommes qui risquent de se réengager dans des conflits et (3) aborder les programmes destinés aux personnes déplacées sous une perspective de genre. 320. L’adoption du nouveau Code de la famille a supprimé une série de dispositions discriminatoires et a ouvert la voie à l’amélioration de l’égalité entre les genres. La RDC a fait preuve d’audace en adoptant son nouveau Code de la famille, mais un travail considérable reste à fournir pour s’assurer qu’il soit effectivement appliqué. Ce nouveau code permet aux femmes mariées d’accéder, de façon indépendante, au financement, à des droits de propriété et à l’entrepreneuriat et étend les options professionnelles pour les femmes. Le nouveau Code de la famille portera également de 15 à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles. Il devrait améliorer sensiblement l’appropriation et la gestion d’actifs par les femmes, leur permettant ainsi de s’engager dans des activités économiques durables. 321. Des interventions destinées à promouvoir l’égalité entre les genres en matière de scolarisation sont importantes pour permettre au pays de tirer avantage du dividende démographique lié à l’augmentation rapide du nombre des jeunes. De récentes évaluations d’impact suggèrent que les transferts monétaires conditionnels peuvent avoir des impacts considérables sur la scolarisation des filles, ainsi que sur le mariage précoce et la fécondité des adolescents (voir Akresh et coll., 2013 sur le Burkina Faso ; Baird et coll., 2010 sur le Malawi). Particulièrement pertinents en RDC, des programmes de transferts monétaires conditionnels ont été mis en œuvre avec succès dans des contextes de faible capacité admin istrative. Ces programmes ont contribué à accroître la fréquentation scolaire, l’utilisation des établissements de santé, ainsi que l’épargne et les investissements des ménages. Ils ont également favorisé un engagement communautaire accru, notamment parmi les femmes (voir Evans et coll., 2014 sur la Tanzanie). 120 322. Des programmes devraient viser à éliminer les contraintes pesant sur l’autonomisation économique des femmes, ce qui contribuerait aussi à faire baisser les taux élevés de fécondité du pays. Les programmes de création d’emplois doivent cibler spécifiquement la création, par des femmes, de petites et moyennes entreprises. Le développement du secteur privé et les programmes d’emploi dans l’agriculture doivent continuer à soutenir les petites entreprises agricoles dirigées par des femmes, améliorer leur accès au financement, renforcer la prestation de services agricoles pour répondre aux besoins et aux priorités des agricultrices, et garantir l’inclusion des femmes dans les organisations communautaires et les organes de prise de décision. Compte tenu du nombre élevé de jeunes au sein de la population, un accent particulier doit être mis sur les interventions destinées aux adolescentes. Des éléments de preuve solides montrent que les interventions combinant compétences professionnelles et aptitudes utiles à la vie quotidienne peuvent avoir des impacts significatifs, non seulement sur les perspectives économiques des jeunes femmes, mais aussi sur le comportement sexuel et reproductif (voir Bandiera et coll., 2014 sur l’Ouganda). 323. La RDC a besoin d’accroître la participation des femmes au Parlement et au niveau local en assurant leur inclusion dans les organes communautaires et décisionnels. Des mécanismes locaux et communautaires visant à améliorer la demande pour une meilleure gouvernance fourniraient des opportunités importantes pour accroître la participation des femmes. La participation des femmes pourrait ainsi être renforcée dans la santé, la gestion des écoles et les comités de parents d’élèves, ainsi que dans la prise de décisions relatives aux priorités locales. Cependant, une étude récemment menée en RDC a montré des résultats en demi-teinte. Rendue obligatoire, la participation des femmes aux comités n’a ainsi pas fait évoluer les attitudes sur le rôle et les responsabilités des femmes (Humphreys et coll., 2014). En outre, les différences au niveau de la sélection des projets entre le groupe dans lequel la participation des femmes n’était pas imposée et le groupe où cette participation était obligatoire ne reflètent pas les préférences différentes des hommes et des femmes. 10.9. Gérer les répercussions du conflit 324. Le gouvernement met en œuvre une série de programmes avec l’objectif de transformer le conflit et de stimuler le développement. Plus précisément, ces programmes abordent la violence sexiste, la démobilisation et la réinsertion des anciens combattants, le développement agricole, les infrastructures sociales, l’emploi à court terme, le dialogue avec les communautés, l’aménagement du territoire, les besoins des personnes déplacées et les étapes à franchir pour renforcer la résilience des petits entrepreneurs (surtout des femmes). Ces programmes sont tous soutenus par l’initiative pour l’atténuation des conflits dans la région des Grands Lacs, qui aide à l’élaboration de sous-projets de transformation des conflits, réunit les parties prenantes locales et fournit des services d’analyse. 325. Les causes de la violence dans le pays étant à la fois profondément enracinées et politiques, les programmes ne peuvent pas se contenter de mettre l’accent sur l’infrastructure, le renforcement des capacités ou le développement. Trois grands principes devraient guider les programmes de transformation des conflits en RDC. Tout d’abord, les théories du changement sous-tendant chaque programme doivent être explicitées et indiquer comment et où le programme prévoit d’aborder les dynamiques négatives du conflit. Les facteurs de conflit différant fondamentalement d’une zone à l’autre, les programmes doivent adopter une approche 121 géographique diversifiée. Les programmes doivent s’efforcer de transformer activement le conflit. Deuxièmement, les programmes devraient identifier puis cibler les personnes impliquées dans la génération de violence ou la production de résilience. Les activités visent souvent les groupes vulnérables, tels que les femmes et les enfants, ou les groupes qui présentent un risque d’engagement violent, comme les jeunes et les soldats démobilisés, et cherchent à intégrer ces groupes au processus de prise de décision. Les dialogues avec les communautés révèlent également où les programmes peuvent avoir un impact sur les tensions entre les groupes. Pour assurer le ciblage minutieux des interventions, les programmes doivent être accompagnés de diagnostics de la fragilité et de l’économie politique. Troisièmement, les programmes doivent renforcer l’appropriation et adopter une approche explicite de développement conduit par les communautés, en impliquant les bénéficiaires dans l’établissement des priorités et la sélection des partenaires en charge de l’exécution, et en les faisant participer aux travaux. Comme le démontre le projet pour la stabilisation de l’Est, les projets de développement conduits par les communautés fournissent également une plate-forme pour la prévention et la gestion communautaires des conflits. 326. La collaboration Banque mondiale – Nations Unies doit continuer à tirer parti de l’expertise technique de la Banque et à combiner ses atouts avec le mandat politique et de sécurité des Nations Unies. Cela devrait permettre aux programmes d’avoir des effets cumulés, y compris par l’intermédiaire des nombreux autres partenaires travaillant sur la consolidation de la paix dans les provinces orientales. Au niveau régional, la Banque mondiale continuera à entretenir des contacts étroits avec le Bureau de l’envoyé spécial des Nations Unies pour la région des Grands Lacs et à fournir une expertise technique à une série d’initiatives régionales ayant trait à l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération. 327. Les programmes adaptés aux groupes spécifiques touchés par les conflits devraient se poursuivre dans les provinces orientales. Ces programmes s’adressent notamment : (1) aux personnes déplacées internes et communautés d’accueil ; (2) aux personnes survivantes de la violence sexuelle et (3) aux anciens combattants et jeunes hommes risquant de se réengager dans les conflits. 328. Les programmes destinés aux personnes déplacées internes doivent inclure une approche fondée sur le genre. Plus précisément, ils doivent : (1) déployer des efforts pour clarifier les évolutions des rôles et des relations de genre parmi les personnes déplacées ; (2) résoudre les problèmes rencontrés par les groupes vulnérables, tels que les femmes et les enfants et (3) tenir compte des besoins et de la vulnérabilité des jeunes hommes et des questions de masculinité dans les réponses humanitaires et de développement liées au genre. 329. Il est nécessaire d’étendre les plans d’action pour remédier aux niveaux élevés de violence sexuelle à l’ensemble du pays. Lutter contre la violence sexuelle exige une stratégie à deux volets : (1) poursuivre les initiatives dédiées et autonomes qui ciblent la violence sexuelle et sexiste et intègrent des interventions préventives et permettant d’y répondre ; et (2) adopter une approche multisectorielle qui incorpore des composantes et une planification relatives à la violence sexuelle et sexiste dans les secteurs pertinents, tels que la santé, l’éducation, les déplacés internes et réfugiés, l’autonomisation économique, la justice pénale et les services correctionnels. La planification doit inclure des activités de sensibilisation et de promotion de l’égalité des sexes, de changement de comportement et de prévention de la violence, de façon à faire évoluer les attitudes et les normes, réduire la violence et briser le cycle de la violence dans les environnements fragiles. 122 Pour diminuer les niveaux actuellement élevés de violence sexuelle, la question de l’impunité de leurs auteurs doit être abordée. Une évaluation rigoureuse de l’impact d’un programme autonome consacré à la violence sexuelle et sexiste au Sud-Kivu (Bass et coll., 2013) a constaté une amélioration significative du bien-être général des victimes après l’emploi d’une thérapie de traitement cognitif, ainsi que de systèmes villageois d’épargne et de crédit. 330. Une conception négative de la masculinité et de l’identité masculine constitue un défi sérieux et de nombreux anciens combattants et jeunes hommes courent le risque de se réengager dans les conflits. Afin de prévenir la violence et de changer le comportement, les interventions sur les capacités cognitives et les aptitudes de la vie courante doivent focaliser sur le développement des moyens de subsistance traditionnels et sur la promotion des compétences entrepreneuriales. Des programmes de développement axés sur les communautés ou des interventions d’autonomisation spécifiques aux jeunes doivent également viser à accroître la résilience, particulièrement chez les jeunes, en combinant des projets à forte intensité de main- d’œuvre avec des interventions de renforcement des capacités et de changement comportemental. Ces programmes doivent intégrer des approches qui non seulement répondent aux besoins économiques des populations jeunes ciblées, mais abordent aussi des dynamiques sociales, comportementales et normatives complexes. 331. Les évaluations d’impact démontrent que des programmes à plusieurs volets peuvent réussir auprès des jeunes hommes, y compris dans des milieux fragiles et dans des situations d’après-conflit. Au Libéria, Blattman et coll. (2015) montrent que, sous l’effet conjugué de thérapies cognitives et comportementale, de formations aux aptitudes utiles pour la vie courante et de dons en espèces, le niveau d’épargne a augmenté tandis que la criminalité et la violence ont décru de 50 %. Aussi au Libéria, un programme ciblant spécifiquement les anciens combattants par le biais de la formation agricole, d’apports de capitaux et de conseil, a conclu que l’intervention combinée a généré des bénéfices plus élevés et a réduit les activités illicites et mercenaires. Dans la région de Karamoja en Ouganda, la combinaison d’une formation sur les aptitudes utiles à la vie quotidienne et de programmes de diversification des moyens de subsistance ciblant les jeunes hommes à risque a eu pour résultat des évolutions prometteuses en termes de changement du comportement des jeunes, de perceptions concernant la violence domestique et d’améliorations des relations interpersonnelles (Feinstein International Center, 2014). 332. Les programmes en cours et sur mesure doivent continuer à viser les anciens combattants démobilisés puis réintégrés. Pour briser le cycle incessant de la violence, il est impératif de conduire des thérapies axées sur le traumatisme pour traiter le trouble du stress post- traumatique, la dépression, la toxicomanie et la tendance à l’agression chez les anciens combattants et d’autres personnes auparavant associées à des groupes violents. La Thérapie d'exposition narrative pour la réhabilitation des délinquants médico-légaux (en anglais, Narrative Exposure Therapy for Forensic Offender Rehabilitation) a été mise à l’essai avec succès dans plusieurs environnements touchés par des conflits. Au Nord-Kivu, les anciens combattants traités par cette thérapie ont montré une diminution considérable des symptômes de stress post-traumatique et une amélioration des résultats de réintégration (Hermenau, Hecker, Schaal, Mädl et Elbert, 2013 ; Köbach, Schaal, Hecker et Elbert, 2015). Au Burundi, les bénéficiaires de la thérapie ont commis moins d’actes de violence et ont manifesté des réductions d’autres problèmes liés aux combats ou au stress, y compris les troubles liés à l’usage de drogues, les maladies physiques et la dépression (Crombach et Elbert, 2015). Des résultats prometteurs similaires ont également été constatés lors 123 d’un récent essai avec des gangs de jeunes en Afrique du Sud (Hinsberger, Sommer, Kaminer, Holtzhausen, Weierstall, Seedat, Madikane, et Elberal, 2016). 333. Les programmes soutenus par la Banque mondiale doivent être correctement coordonnés avec les actions des organisations humanitaires. Comme le souligne le rapport de la Banque sur les personnes déplacées de force114, les activités de développement font partie d’un effort international plus vaste qui a des dimensions politiques, humanitaires, diplomatiques et de sécurité. Une attention doit être accordée à chacune de ces dimensions afin d’apporter une réponse complète et efficace. Le rapport fait valoir que les meilleurs résultats peuvent être atteints lorsque les acteurs humanitaires et du développement travaillent de concert. Le lien entre l’humanitaire et le développement a longtemps été considéré comme séquentiel, avec une intervention humanitaire initiale suivie d’un effort de développement lorsque la situation se stabilise. Plutôt que de se remplacer l’un l’autre ou de se succéder, les deux ensembles d’acteurs peuvent en réalité s’engager dans des efforts complémentaires en vue d’un impact majeur pendant toute la durée du déplacement forcé. Les agences humanitaires et de développement ont des objectifs, des contreparties et des instruments différents, et cette diversité pourrait être un élément de force. La crise humanitaire en RDC se prolonge et pousse les partenaires du développement à réduire les lacunes dans la liaison humanitaire-développement afin d’améliorer les résultats de développement et de renforcer la durabilité. 114 Forcibly Displaced; Towards a Development Approach Supporting Refugees, the Internally Displaced, and their Hosts. Washington, DC : Banque mondiale, 2016. 124 Chapitre 11. Mobilisation du secteur privé : rôle des réformes du climat d’investissement et des institutions nécessaires au bon fonctionnement des marchés 334. La RDC doit aller au-delà des réformes politiques officielles et mettre l’accent sur leur mise en œuvre effective. Conjuguée au renforcement de la gouvernance, la mise en œuvre des réformes devrait favoriser la croissance induite par le secteur privé en libérant tout le potentiel de ce secteur grâce à des investissements privés plus productifs et responsables. L’un des défis majeurs consistera à parvenir à une mise en œuvre efficace hors des grands centres urbains, particulièrement dans le contexte de la division récente des 11 provinces du pays en 26. Le renforcement de la justice commerciale – un système non fonctionnel – s’imposera également. 11.1. Aller au-delà des réformes formelles : assurer la mise en œuvre effective des réformes et renforcer la gouvernance pour encourager plus d’investissements productifs 335. Un climat d’investissement satisfaisant offre aux entreprises – qu’il s’agisse de microentreprises ou de multinationales – des opportunités et des incitations pour investir de façon productive, créer des emplois et se développer.115 Par conséquent, un bon climat d’investissement joue un rôle essentiel dans la croissance et la réduction de la pauvreté. Cependant, selon le RDM de 2005, « les progrès exigent davantage que des changements dans les politiques formelles » ; et « plus de 90 % des entreprises des pays en développement estiment qu’il existe un écart entre les politiques formelles et la pratique. Le contenu et la mise en œuvre des mesures de réforme sont vulnérables à un ensemble plus profond de dysfonctionnements. » En RDC, les entreprises privées jugent ces écarts importants et estiment qu’ils se creusent à mesure que le pays traverse une crise économique exacerbée par des tensions politiques et des incertitudes. 336. Un leadership plus fort et une coordination plus efficace des réformes peuvent permettre d’assurer leur mise en œuvre effective. En effet, les expériences passées montrent que les pays ayant réussi à mettre en œuvre efficacement des réformes pour améliorer leur climat des affaires ont tous mis en place des entités gouvernementales spécifiquement dédiées au suivi et au renforcement des efforts de réforme. Ces entités ont, à leur tête, des hauts fonctionnaires ayant le pouvoir nécessaire pour mettre en œuvre les changements requis. À cet égard, la redynamisation du Comité de pilotage intergouvernemental sur le climat des affaires de la RDC pourrait s’avérer utile. Le manque de communication autour des réformes – pour informer et former les agences d’exécution, en particulier dans les zones situées en dehors des grands centres d’activités – représente un autre obstacle à leur mise en œuvre effective. Le déficit de communication concerne également le secteur privé dont de nombreux acteurs se plaignent que des changements importants de politique soient introduits sans consultation préalable. En outre, l’absence d’une plateforme de dialogue dynamique et inclusif sur les politiques entre les secteurs public et privé ne favorise pas des discussions de fond et continues entre le gouvernement et les entreprises, sur les politiques. Rapport sur le développement dans le monde, « Un meilleur climat de l’investissement pour tous », Banque 115 mondiale, 2005. 125 11.2. Renforcement de la justice commerciale pour protéger les droits fonciers, commerciaux et contractuels 337. Renforcer la justice commerciale enlèverait un frein majeur au développement du secteur privé. L’amélioration des capacités des tribunaux à résoudre les différends commerciaux et la promotion d’autres mécanismes de règlement des litiges (y compris la médiation et l’arbitrage) contribueront à réduire les risques auxquels les entreprises sont confrontées (notamment les PME) et à renforcer leur volonté d’accroître leurs investissements. Des tribunaux performants permettront également aux entreprises de bénéficier d’un meilleur accès au crédit. En effet, les banques considèrent que l’inefficacité de la justice commerciale pose un risque majeur pour le financement des PME. L’accès au crédit reste donc un défi de taille pour les entreprises. 11.3. Améliorer l’infrastructure et la réglementation financière pour accroître l’accès des entreprises aux services financiers 338. En RDC, le renforcement de l’infrastructure financière (systèmes de paiement, bureau de crédit, registre des garanties) et de son cadre juridique et réglementaire représente une étape cruciale pour établir le socle d’un secteur financier sain. Une infrastructure financière plus adéquate est susceptible d’accroître l’accès aux services financiers et d’en assurer la viabilité à long terme. Cette infrastructure contribuerait également à stabiliser un secteur qui a déjà été confronté, par le passé, à une crise et qui est en train d’en traverser une autre. De meilleures infrastructures financières permettront une efficience accrue. 339. L’amélioration de l’infrastructure de crédit par la mise en place d’un système moderne d’information permettrait d’améliorer l’accès au financement, y compris pour les populations non-bancarisées ou sous-bancarisées, en leur fournissant des historiques de crédit viables. Un élément clé pour améliorer le secteur financier serait d’aider la RDC à concevoir une infrastructure réglementaire et financière qui facilite l’accès au crédit, en particulier pour les PME. Ceci inclut des systèmes efficaces de garantie et de crédit, ainsi que de solides exigences en matière de divulgation. Il s’agira également de finaliser la mise en œuvre du nouveau syst ème de bureau de crédit pour compléter l’actuelle « centrale des risques » ; et de concevoir un régime de garantie mobilière pouvant contribuer à un meilleur accès au financement pour toutes les entreprises, en particulier les PME. 340. La mise en œuvre de l’infrastructure du système national de paiement doit être urgemment achevée pour soutenir le renforcement du secteur financier, les efforts de dédollarisation et la création d’une économie plus inclusive. La BCC est en train de mettre en place, avec l’appui de la Banque mondiale, un système automatisé de transfert qui représentera l’épine dorsale du système de paiement national de la RDC. Parmi les autres étapes clés à suivre figurent : l’adoption de la Loi sur le système de paiement national et le renforcement de la fonction de surveillance du système de paiement. La BCC envisage également un changement du système de paiement national qui devrait offrir plus de confort aux clients lors des paiements en assurant l’interopérabilité complète des instruments de paiement et en encourageant les banques et les prestataires de services de paiement à étendre leur couverture. 341. L’accès accru des particuliers et des PME aux services financiers, à commencer par les comptes de transaction, constituera un facteur clé d’une inclusion financière plus 126 approfondie, ouvrant ainsi à la population une voie d’accès à d’autres services financiers. Comme expliqué dans le rapport Banque mondiale – CPMI sur les aspects de l’inclusion financière liés aux paiements116, un système de paiement national solide est l’une des pierres angulaires de l’amélioration de l’accès aux financements pour les particuliers et les PME. Les acteurs du secteur financier doivent y contribuer en concevant des produits appropriés et en répondant aux besoins de la population tout en élargissant leur réseau de points d’accès. Ce processus exige également la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire qui permette aux banques et autres acteurs d’étendre leur offre et leur couverture. Enfin, les autorités peuvent accroître l’accès et l’utilisation des paiements électroniques en exploitant les flux de paiement substantiels, tels que ceux en direction et en provenance du gouvernement. 342. Dans le même ordre d’idées, les réformes légales réglementaires et institutionnelles de PE/VC117 seront intégrées comme des outils d’amélioration de l’accès des MPME au financement. À l’échelle mondiale, les jeunes PME constituent la principale source de création d’emplois. Une récente étude de l’OCDE menée dans 18 pays sur la période 2001-2011 montre que les jeunes PME (moins de 5 ans), qui ne représentent pourtant en moyenne que 17 % de l’emploi, contribuent à hauteur de 42 % à la création totale d’emplois et à seulement 22 % de destruction totale d’emplois, ce qui en fait des créateurs nets d’emplois. En revanche, les PME plus anciennes sont généralement destructrices nettes d’emplois. Cette contribution disproportionnée des jeunes entreprises à la création d’emplois se vérifie pour toutes les économies, tous les secteurs et toutes les années, examinés. 343. Le renforcement de la microfinance et la réforme des secteurs de l’assurance et des retraites pourraient faciliter l’expansion des services financiers et attirer les investisseurs à long terme. Une réforme globale du cadre juridique et de supervision des secteurs de la microfinance et des coopératives financières, comme recommandée dans le PASF de 2014 (réalisé par la Banque mondiale et le FMI), permettrait une plus grande portée et une durabilité des services financiers et un meilleur accès à ces services. L’appui à l’innovation technique, y compris la banque mobile, devrait également permettre de parvenir à une plus grande inclusion financière. Beaucoup de banques ont développé des services numériques pour atteindre davantage de clients à travers le pays en offrant des services divers sans portefeuille (Wallet-Less), dont les services bancaires en ligne et les transactions électroniques. Les banques et opérateurs de téléphonie peuvent coopérer pour répandre les services financiers auprès des clients des zones rurales mal desservies. L’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA), l’organisme de surveillance du secteur de l’assurance nouvellement créée, devrait bénéficier d’un soutien pour renforcer sa capacité technique, et élaborer les politiques de supervision et les réglementations en matière d’assurance. 344. Il est impératif de renforcer la Banque centrale, de définir correctement le cadre de gestion de crise et de mettre à niveau le cadre de règlement et de liquidation du secteur bancaire. Il sera essentiel d’assurer l’indépendance effective de la Banque centrale du Congo pour développer davantage le secteur financier. La Banque centrale devrait renforcer ses capacités et déployer plus d’efforts pour suivre et aborder en temps opportun, les questions de conformité des 116 Pour plus d’informations sur le rapport Banque mondiale – CPMI sur les aspects de l’inclusion financière liés au paiement, voir http://www.worldbank.org/en/topic/paymentsystemsremittances/brief/pafi-task-force-and-report. 117 En Anglais : PE = Private Equity, VC = Venture Capital. 127 banques avec les lois, les règlements et les meilleures pratiques, et veiller à l’application des sanctions. La mise en œuvre du suivi axé sur les risques par la BCC s’impose pour éviter ou atténuer les crises. La récente crise bancaire a démontré que le cadre de résolution doit être simplifié, notamment par un renforcement des pouvoirs du liquidateur. Cela permettrait d’éviter des retards importants et de réduire les coûts réels sur le budget. L’adoption de tout système de garantie (limité) sur les dépôts libellés en franc congolais devrait être conditionnée par des mesures visant à limiter l’aléa moral et assurer suffisamment d’appui financier. 345. Enfin, un cadre adéquat pour assurer une inclusion financière responsable pourrait contribuer davantage à améliorer l’accès financier, et à assurer ses avantages et sa viabilité sur le long terme. La Banque mondiale devrait aider la BCC à mettre en œuvre certaines mesures essentielles pour assurer une plus grande transparence par rapport aux comptes de transactions et envisager les moyens potentiels pour la mise en œuvre des programmes ciblés d’éducation financière. 11.4. Répondre à la pénurie de compétences en mettant en place un programme d’éducation pertinent et en renforçant le marché de l’emploi 346. Avec le développement de l’économie, le défi de l’emploi devrait devenir plus critique encore. L’adéquation entre les besoins du monde des affaires et les compétences professionnelles est essentielle pour soutenir le développement du pays et assurer de meilleures conditions de vie aux travailleurs. Les demandeurs d’emploi et les diplômés des écoles doivent apprendre de nouvelles compétences afin de tirer davantage parti de leurs atouts pour trouver un emploi décent (Encadré 11.1). 347. Les mesures possibles pour mettre en phase les compétences avec les besoins en main- d’œuvre pourraient inclure ce qui suit : • Soutenir la création d’une plateforme rassemblant les autorités du secteur éducatif, le secteur privé et les institutions universitaires afin d’assurer une meilleure adéquation entre les compétences des jeunes diplômés et des demandeurs d’emploi par rapport aux besoins des employeurs de la RDC. Ce partenariat devrait favoriser un meilleur partage des informations sur le marché du travail pour permettre aux étudiants, aux diplômés et aux demandeurs d’emploi d’accéder aux informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées en matière d’éducation et de carrière. • Favoriser la collaboration entre les structures éducatives et les industries afin de s’assurer que les programmes sont pertinents et répondent aux besoins des industries. • Apporter un appui à l’organisation de tables rondes avec diverses parties prenantes pour discuter de la meilleure façon de soutenir les programmes d’entrepreneuriat, de stages et autres pour les jeunes diplômés. Il s’agira également de travailler en partenariat avec les parties prenantes afin de déterminer s’il est nécessaire de créer de meilleures incitations pour amener les employeurs à prendre plus d’apprentis en formation et renforcer les compétences de leurs apprentis actuels grâce à une formation continue accrue. 128 • Initier des tables rondes avec diverses parties prenantes pour réfléchir au meilleur moyen d’apporter plus de soutien à l’enseignement professionnel. Encadré 11.1. Accompagner le secteur informel : l’entrepreneuriat au service de la lutte contre la pauvreté Source d’emplois majeure, le secteur informel offre des possibilités aux plus vulnérables, notamment les plus pauvres, les femmes et les jeunes. Comme le montre l’évaluation de la pauvreté (Banque mondiale 2017, à paraître), le secteur informel en RDC comprend trois groupes de microentreprises. Le premier est un groupe d’entrepreneurs portés sur la croissance (les plus performants) et qui a un niveau de capital plus élevé. Le deuxième – le groupe le plus important – est celui des microentreprises appartenant essentiellement aux pauvres. Ces entreprises sont peu performantes et ont du mal à se développer (elles « survivent »). Le troisième groupe (gazelles contraintes) est composé d’entrepreneurs à fort potentiel de croissance inexploité, mais affichant une faible performance. La pauvreté et l’inégalité des revenus sont plus répandues parmi les gazelles contraintes et celles qui survivent que chez les plus performants. L’inégalité de revenus entre les entreprises informelles s’explique essentiellement par des lacunes en matière de performance, des différences dans le niveau d’instruction des propriétaires et le manque d’accès au crédit. Les facteurs de performance des microentreprises correspondent notam ment aux caractéristiques des entrepreneurs, tels que l’âge, l’éducation et les compétences de gestion, mais diffèrent également selon que les entreprises appartiennent au groupe des plus performants, des gazelles contraintes ou des survivants. Ainsi, les politiques visant à réduire l’écart de performance entre les plus performants et les deux autres catégories – gazelles contraintes et survivants – pourraient réduire l’inégalité des revenus et la pauvreté. Les politiques visant à réduire la pauvreté en RDC doivent être adaptées à chacun des trois groupes du secteur informel. Pour celui des entreprises qui survivent, les priorités devraient se focaliser sur la formation professionnelle pour améliorer leurs compétences techniques et de gestion et susciter l’esprit d’entreprise. L’amélioration de l’éducation financière ainsi que l’amélioration de leur accès au financement sont également essentielles pour ce groupe. Pour les gazelles contraintes, la libération de leur potentiel passe par un meilleur accès au crédit et l’offre de programmes de formation pour améliorer leurs compétences managériales. Pour les plus performants, l’assistance pourrait davantage renforcer leurs compétences managériales et améliorer leur accès aux infrastructures, de manière à leur permettre d’étendre leurs marchés. Source : Personnel de la Banque mondiale. 11.5. Développer le marché des prestataires de services d’aide au développement des entreprises (SDE) pour soutenir les entrepreneurs 348. L’appui potentiel à l’expansion des SDE devrait essentiellement mettre l’accent sur : (i) les institutions publiques, telles que l’OPEP et l’INPP, qui doivent renforcer leur collaboration avec des prestataires privés de SDE afin d’élargir la couverture vers les provinces et les régions reculées ; (ii) développer des SDE spécialisés et les aligner sur les besoins potentiels des secteurs tout en favorisant l’émergence des prestataires SDE à l’échelle nationale ; (iii) la remise en état des plateformes techniques lancées par les grandes entreprises pour promouvoir les compétences techniques dans leurs chaînes de valeur (c’est le cas des plateformes développées dans le secteur minier, dans la province du Katanga) ; et (iv) la mise à l’échelle de l’appui aux MPME à travers les plateformes lancées par les bailleurs de fonds tels que IFC Business Edge et ILO Germe. 11.6. Faciliter l’accès aux marchés 349. La RDC s’urbanise de plus en plus, avec une hausse de la demande en biens et services de la population urbaine. La population urbaine est concentrée dans quelques grandes villes, dont 129 Kinshasa qui devrait compter 20 millions d’habitants d’ici 2020.118 Dans le contexte actuel, plus que par le passé, ces villes offrent des opportunités sociales et économiques considérables susceptibles de se concrétiser à travers le développement de pôles de croissance intégrés. Ces derniers peuvent tirer les activités économiques autour des principales villes tout en facilitant la connexion avec d’autres régions pour exploiter les diversités provinciales (sur la base d’avantages comparatifs) et favoriser le développement du marché intérieur. 350. Les options stratégiques pourraient prendre en compte les orientations suivantes : • Améliorer la croissance des MPME en favorisant leur inclusion dans les chaînes d’approvisionnement des grandes entreprises. L’accent devrait être mis sur la facilitation des partenariats entre les MPME et les entreprises dont les chaînes d’approvisionnement intègrent un grand nombre de fournisseurs et détaillants. Ces entreprises existent dans différents secteurs à fort potentiel, tels que les industries extractives (surtout au Katanga, au Nord-Kivu et dans la Province Orientale), l’agro-industrie avec les brasseries, la construction (à l’instar des cimenteries du Kongo Central), l’industrie manufacturière, les télécommunications et les services financiers. Les MPME doivent s’améliorer dans le domaine du développement des compétences pour être en phase avec les opérations des grandes entreprises. Outre l’amélioration de l’accès des MPME au marché, il convient de mettre en place des politiques et des mesures judicieuses pour protéger les grandes entreprises dans les industries naissantes et prioritaires, de la concurrence incontrôlée en provenance de l’espace économique régional et atténuer les pressions sur les grandes entreprises (par exemple, la complexité des régimes fiscaux, etc.). • Accroître l’efficacité de l’accès aux marchés publics pour les grandes entreprises locales et les MPME en développant un cadre réglementaire et une capacité institutionnelle qui facilitent la lutte contre la corruption dans la passation des marchés. • Simplifier et renforcer le cadre juridique tout en développant les capacités institutionnelles pour faciliter la mise en œuvre de la loi sur le petit commerce. • Tirer parti de la situation géographique unique de la RDC en Afrique centrale pour améliorer le commerce transfrontalier et les échanges avec les marchés régionaux. La RDC a neuf pays voisins avec lesquels elle peut commercer, et chacune de ses provinces bordant ces marchés a des ressources naturelles, des richesses abondantes, spécifiques et diversifiées. Cela peut se traduire par des avantages comparatifs pour les MPME et les grandes entreprises. L’appui aux provinces ciblées est essentiel pour : (i) définir des options stratégiques, développer l’infrastructure requise, renforcer les capacités institutionnelles (y compris aux frontières) et adopter des mesures pour créer un environnement propice à l’investissement privé dans des secteurs prioritaires et à fort potentiel ; et (ii) préparer et renforcer les entreprises privées, individuellement et/ou dans des associations/coopératives. • Redynamiser l’intégration régionale et préparer le pays pour jouer un rôle efficace sur les marchés régionaux. Pour bénéficier de l’intégration régionale, la RDC doit investir massivement dans les infrastructures (les ports, par exemple) et la capacité institutionnelle afin d’améliorer son climat d’investissement et attirer des ressources dans les secteurs à fort potentiel. 118 Sustainable Urbanization’s Challenge in Democratic Republic of Congo , Misilu Mia Nsokimieno, Eric, 2010. 130 Si la taille du secteur privé commence à se réduire à cause de l’incapacité à concurrencer sur les marchés régionaux et des produits étrangers, le tissu économique local finirait alors par disparaître. 11.7. L’impact de la sécurité et de la stabilité macroéconomique sur les investissements privés et le comportement du secteur privé 351. La nécessité d’une plus grande sécurité physique reste une préoccupation essentielle des entrepreneurs en RDC. Il est nécessaire de renforcer davantage le processus de consolidation de la paix et de maintenir la stabilité politique et macroéconomique. Ces deux conditions préalables sont essentielles pour induire d’autres améliorations de politique en vue d’une relance soutenue et d’une réduction considérable des risques pour tous les investisseurs. 352. La plupart des entreprises de la RDC se fixent des perspectives limitées dans le temps en raison du caractère incertain et risqué de l’environnement commercial dans lequel elles évoluent. Le contexte se caractérise par une grande incertitude sur les perspectives d’avenir. Les entreprises formelles et informelles s’engagent donc dans des activités qu’elles jugent à moindre risque et/ou à rendement plus élevé. Par conséquent, le défi du gouvernement consiste à rassurer les entreprises pour les conduire à adopter une vision à plus long terme et à prendre davantage de risques. Il faudra également encourager les entreprises privées à investir de manière significative et à créer beaucoup plus d’emplois dans des secteurs difficiles mais prioritaires, comme l’agroalimentaire, l’infrastructure et l’industrie manufacturière ; et dans les zones affectées par le conflit où les conditions d’investissement sont encore plus difficiles. Ceci est particulièrement important pour la croissance des PME, car il est largement admis que le succès des entreprises en RDC dépend plus de leur capacité à s’appuyer sur des réseaux (sociaux, politiques et autres liens) et la corruption que sur leurs compétences entrepreneuriales propres et la compétitivité. 131 ANNEXES Annexe A. Facteurs de conflit en République démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs a. Facteurs de conflit dans l’Est de la RDC 353. La faible capacité de l’État à affirmer son pouvoir à l’intérieur de ses frontières est un facteur d’instabilité régionale majeur. Alors qu’un certain nombre d’États de la région des Grands Lacs ont des difficultés à sécuriser leurs frontières et à garantir la sécurité intérieure, la RDC représente pour sa part un défi particulier en raison de sa taille et de sa situation limitrophe de neuf autres pays. À l’issue de la période coloniale, la RDC n’a pas hérité d’une administration publique. S’en sont suivies trente années de mauvaise gouvernance qui ont sapé les capacités de l’État congolais à sécuriser et administrer son vaste territoire. Le gouvernement central n’a pas les moyens d’assurer la sécurité nationale. Quant aux pouvoirs publics provinciaux, ils ne sont pas en mesure de gérer la sécurité intérieure puisqu’elle relève du gouvernement central. Par un effet d’entrainement, les conséquences du génocide ethnique au Rwanda ont été particulièrement dévastatrices en présence de groupes armés dans l’Est du Congo, provoquant des interventions militaires régulières des forces armées rwandaises et un prétendu soutien étranger aux milices sur le territoire congolais. Face à l’absence de moyens militaires nationaux adaptés en RDC, la présence de la Monusco (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC) n’a pas permis de restaurer la sécurité dans l’Est du Congo. 354. Des années de conflit ont détruit la majeure partie des infrastructures d’État, tandis qu’une insécurité permanente empêche de restaurer et de redéployer des services publics en dehors des capitales des provinces. Malgré le renforcement en cours des capacités de certaines administrations locales et de province, l’administration demeure faible à tous les échelons et le projet de reconstruction de l’État est loin d’être achevé. L’absence d’institutions publiques et l’incapacité de fournir des services de base ont créé les conditions de la persistance du conflit dans l’Est de la RDC. Les transferts insuffisants des moyens de l’État au profit des autorités des provinces ont aggravé ces problèmes. Le gouvernement de la RDC s’est engagé à réformer les institutions publiques. Pour autant, les progrès se sont avérés inégaux, étant plus importants dans certaines provinces qu’au niveau national. 355. Les tensions ethniques ont généré des conflits ouverts et répandu l’insécurité. Les tensions ethniques dans les provinces du Kivu, qui trouvent leur origine dans les vagues de migration du 17e siècle, se sont aggravées à la suite du génocide rwandais en 1994, accompagné d’un afflux de réfugiés – parmi lesquels des auteurs de violences génocidaires – dans l’Est de la RDC. Motivés par des considérations politiques, les messages contradictoires et confus des gouvernements congolais qui se sont succédés sur le statut et la nationalité de ces réfugiés ont renforcé les divisions ethniques et nationales. Des personnalités politiques les ont instrumentalisées et exacerbées afin de mobiliser leur base électorale. 356. Le manque de transparence et l’insécurité qui caractérisent la propriété foncière, conjugués à l’absence de mécanismes de règlement des litiges, ont déstabilisé les communautés locales et aggravé les conflits qui s’y déroulent. Les migrations vers les Kivu – 132 forcées ou résultant de la colonisation – ont provoqué des conflits liés aux questions de propriété des terres communales accordées aux migrants. Ce point de discorde est devenu particulièrement sensible lorsque les migrants ont commencé à revendiquer une autonomie dans la gestion des terres et de l’administration119. Il est aussi exacerbé lorsque l’accès à la terre est insuffisant ou incertain. Densément peuplées, les provinces du Kivu ont, par exemple, enregistré une croissance démographique rapide due au retour des personnes déplacées qui a amplifié l’insécurité alimentaire et réduit la taille des propriétés agricoles. Dans ce contexte, de nombreuses personnes ont été dépossédées de leurs terres et, par conséquent, de leur moyen de subsistance. Parmi ces personnes dépourvues de terre dans les Kivu figurent de nombreux jeunes, qui ont été manipulés puis recrutés par des groupes armés. Les conflits liés à la terre et aux migrations ne peuvent être résolus en l’absence de moyens de gouvernance efficaces et d’une législation claire. En effet, sans garde-fou, les tensions dégénèrent souvent en violences. 357. La présence continue de groupes armés étrangers et congolais, dont certains sont actifs par-delà les frontières de la RDC, représente une menace directe pour la consolidation de la paix dans l’Est de la RDC ; elle est aussi à l’origine des violences persistantes et des conflits armés dans la région. Dans l’Est du Congo, de nombreux groupes armés étrangers et congolais poursuivent activement, depuis 2006, leurs campagnes militaires contre le gouvernement congolais. Ces actions ont causé de lourdes pertes parmi la population civile, entravant, en outre, la reprise des activités sociales et économiques dans les zones que ces groupes contrôlent. Le gouvernement congolais est dans l’incapacité de mener une action militaire permettant de normaliser une situation qui peut être qualifiée d’impasse, précaire et ponctuée par des petites opérations militaires et de contre-insurrection. 358. Les butins de guerre alimentent les violences et créent une incitation perverse à l’instabilité. Les groupes armés – y compris les rebelles et réseaux criminels des Forces armées de la RDC (FARDC) – s’enrichissent grâce au contrôle exercé sur les mines et le commerce de minerais. Largement répandus dans les territoires de Kalehe et Masisi ainsi que le district d’Ituri, l’or et d’autres minerais sont exploités par les groupes armés qui les exportent en contrebande vers le Rwanda et l’Ouganda. D’aucuns affirment également que des acteurs étrangers sont activement impliqués dans l’exploitation de mines illégales de l’Est de la RDC, soutenant les milices afin d’assurer le contrôle des mines de grande valeur. 359. Les ressources naturelles non minières sont une source continue de revenus pour les groupes armés, grâce aux taxes sur et à la vente de terres, bois, produits agricoles, charbon et autres biens. La faible autorité de l’État permet à l’économie informelle lucrative et aux groupes armés de prospérer. Ces groupes empêchent justement l’État de redéployer son autorité. Toutefois, notons que tous les groupes armés ne sont pas financés par l’exploitation des ressources naturelles. En l’absence d’une gouvernance efficace et alors que l’État n’est pas en mesure d’assurer la sécurité, les populations locales subiraient encore davantage de harcèlement de ces groupes si les pouvoirs publics les empêchaient d’accéder à ces ressources. 119 Ending the deadlock: Towards a new vision of peace in eastern DRC [Sortir de l’impasse : une nouvelle vision pour la paix dans l’Est de la RDC], International Alert, Septembre 2012, p. 18. Dans le Sud -Kivu, plus de la moitié de la population se concentre sur 9 % de la surface. 133 360. Une vulnérabilité socioéconomique aiguë entretient les conflits et la fragilité de l’Est de la RDC. Les conflits ont eu de profondes conséquences économiques et sociales dans les provinces de l’Est – dont des perturbations graves et prolongées des moyens de subsistance et de l’accès à des services de base. Par exemple, dans les provinces orientales, 2 millions d’enfants sont déscolarisés, car les écoles y ont été détruites. Plus de 900 000 ménages (soit plus de 4,5 millions de personnes, parmi lesquelles 2,7 millions de personnes déplacées) ne disposent pas d’un abri approprié ou bien ont perdu leurs logements à cause des conflits et de l’insécurité. 361. Le manque d’opportunités économiques crée un terreau favorable à la persistance des conflits et de la fragilité du pays. En RDC, la pauvreté et le manque d’opportunités professionnelles incitent les personnes (notamment les jeunes) à rejoindre des groupes armés ou à se tourner vers des activités illégales. Bien que de vastes parties du territoire soient fertiles, l’agriculture est entravée à la fois par les attaques constantes visant la population et le manque de moyens de transport pour mettre les produits sur le marché. Sans techniques agricoles modernes et avec une faible utilisation d’intrants (tels que des semences à haut rendement et les engrais) dans les zones où les terres sont cultivées, les rendements sont limités et l’environnement dégradé. Ceci amplifie la concurrence et les conflits pour l’accès à la terre. b. Les facteurs de conflit dans la région des Grands Lacs 362. Dans de nombreuses zones rurales de la région des Grands Lacs, un accès à la terre insuffisant ou incertain contribue fortement à appauvrir des milliers de personnes. L’absence d’accès à la terre est souvent considérée comme une cause « structurelle » de conflits (aussi bien internes que transfrontaliers) dans la région. Les conflits font évoluer en profondeur les relations sociales, ainsi que la perception de la légitimité des institutions et des obligations mutuelles. Par conséquent, les droits et responsabilités mutuels entre les individus, groupes sociaux, et l’État, relatifs aux terres agricoles, ne sont plus perçus de la même façon. Les conflits créent une concurrence nouvelle pour les terres qui se manifeste dans le cadre d’une remise en question générale de l’espace économique local et de la redéfinition, entre les différentes communautés, des frontières ethniques et de classe. Les communautés sont en proie à de nombreux conflits fonciers et tensions qui ont, dans certains cas, une dimension transfrontalière. Les déplacements à grande échelle des populations, entre les pays et au sein des pays, a donné lieu à une grande insécurité et à des tensions sur l’accès à la terre. Dans la région des Grands Lacs, la population vit majoritairement d’une agriculture de subsistance. L’accès à la terre est donc essentiel. Au Burundi, 80 % des procédures judiciaires concernent la propriété des terres. Les revendications les plus délicates sont celles portant sur les demandes de recouvrement de terres par les personnes revenues des camps de réfugiés des pays voisins et par les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. 363. Les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays sont susceptibles de provoquer des conflits locaux dans la région, car elles représentent un poids supplémentaire et imprévu sur les ressources disponibles. Ces personnes peuvent être recrutées par des groupes armés, notamment dans l’Est du Congo. Bien que le nombre de personnes déplacées soit bien plus élevé dans l’Est de la RDC que dans l’ensemble de la région des Grands Lacs, les personnes déplacées représentent également un problème pour les autres pays de cette région120. Les populations 120 Selon le HCR, il y avait, en janvier 2013, 60 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDI) au Burundi 134 déplacées sont confrontées à un accès très limité aux moyens de subsistance et aux services de base, en plus d’avoir été chassées de leur pays. Par ailleurs, elles sont exclues des sphères économiques, sociales et politiques de leurs communautés d’accueil, ce qui les rend vulnérables à une manipulation des forces armées. Les migrations, déplacements et retours de populations ont également affecté les équilibres démographiques : certaines populations autochtones se retrouvent en minorité, ce qui compromet leur représentation politique au niveau local et provincial. Dans un tel contexte, les dirigeants traditionnels et les milices se sont servis d’une rhétorique incendiaire pour propager des idées d’exclusion et des discours sur l’identité et les droits des autochtones en promettant de protéger et d’écouter les communautés. 364. Dans la région, les conflits sont également nourris par l’exploitation de biens marchands de valeur élevée. Parmi ceux-ci, des minerais tels que les diamants, l’or et les 3T (tantale, étain et tungstène), mais aussi le bois. Le contrôle de l’extraction et du commerce de ces ressources fait l’objet d’importantes dissensions, engendrant corruption et conflits dans et entre les pays. Ces activités se déroulent principalement dans le cadre de réseaux illicites et informels. Les profits reviennent à ceux qui contrôlent les segments clés de la chaîne de valeur en RDC, dans les pays de transit et dans ceux de destination. L’officialisation et la facilitation du commerce légal de minéraux et d’autres ressources (telles que le bois) sont impératives pour stabiliser la région. Des quantités considérables de minerai et d’autres biens sont exportées à travers d’autres pays de la région des Grands Lacs, et ont enrichi des élites influentes. 365. La croissance démographique spectaculaire continue de nourrir les griefs relatifs aux ressources. En RDC, près de la moitié (45 %) de la population a moins de 15 ans et manque d’opportunités de formation ou d’emploi. Cette situation exacerbe le mécontentement de la population et alimente le risque de conflit. L’on s’attend à ce que cette pyramide des âges très jeune et le taux élevé de dépendance continuent d’affecter la région des Grands Lacs. Les taux de fécondité de cette région demeurent plus élevés que ceux des régions environnantes, bien que le Rwanda ait fait des progrès notables, dont témoigne la chute rapide du taux de fécondité qui a permis une réduction de la taille moyenne des familles au cours de la dernière décennie. Les taux de fécondité du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont respectivement de 7,3 et 7,4 enfants par femme, contre une moyenne nationale de 6,6. Au Burundi, le taux de fécondité dans la zone proche des Grands Lacs est d’environ 7,1, contre une moyenne nationale de 6,3. Par conséquent, les pays qui cherchent à obtenir un dividende démographique devront accélérer la transition démographique, notamment en favorisant l’autonomisation des femmes et en améliorant l’accès au planning familial. À l’avenir, la transition démographique pourrait donner une impulsion à la croissance, à condition que la demande de travail puisse absorber l’excédent d’adultes en âge de travailler. 366. Les frontières sont également un facteur de conflit autant qu’une de ses caractéristiques. De nombreuses zones frontalières ont réuni les conditions permettant aux groupes armés de s’établir et de proliférer. Ces zones connaissent également une concurrence accrue pour les ressources, dont la terre et l’eau. Les frontières sont un facteur clé dans les transferts illégaux de minerai, et elles sous-tendent les migrations internationales dans la région des Grands Lacs. Elles divisent également certains groupes ethniques, qui sont donc répartis sur et 15 000 en Ouganda. Aucune PDI n’a été rapportée au Rwanda. Le HCR rapporte également qu’il y a 37 750 réfugiés de la RDC au Burundi ; 68 400 au Rwanda et 113 290 en Ouganda, ainsi que 40 000 réfugiés rapatriés au Burundi, 10 000 au Rwanda et 14 780 en Ouganda. 135 plusieurs pays. Enfin, les frontières peuvent faire partie de la solution, car elles garantissent une sécurité et un contrôle sur les armes et permettent de réguler les flux de ressources stratégiques et de faciliter le commerce entre pays de la région. 136 Annexe B. Migrations, transformations structurelles, économie informelle et réduction de l’offre d’emploi dans les secteurs agricole et minier 367. En République démocratique du Congo (RDC), les migrations concernent une grande partie de la population ; les migrations rurales sont surtout le fait des plus pauvres. Environ 21 % de la population résident ailleurs que sur leur lieu de naissance tandis qu’environ 10 % ont migré au cours des cinq dernières années121, et ce pour plusieurs raisons. Les flux de migrations d’une zone rurale à une autre sont les plus répandus en RDC ; ils concernent 38 % des migrants. La migration entre zones urbaines est le deuxième type de migration le plus répandu, suivi des migrations des zones rurales en direction des zones urbaines. L’exode rural concernent surtout les plus pauvres, tandis que les migrations entre zones urbaines concernent des personnes ayant davantage de ressources. 368. L’exode rural, constitué surtout de Congolais en âge de travailler, permet d’améliorer leurs moyens de subsistance. Dans les zones rurales, le risque de chômage est élevé et les salaires sont bas par rapport aux zones urbaines. L’exode rural a atteint des niveaux sans précédent en raison de nombreux facteurs d’incitation au départ dans les zones rurales, des facteurs d’attraction perçus des zones urbaines et, enfin, des conflits armés. Dans les zones rurales, l’incertitude liée aux moyens de subsistance est devenue alarmante. En effet, des politiques agricoles inadaptées ont mené à une réduction de la taille des parcelles, à laquelle les agriculteurs doivent à présent faire face. Outre cette diminution des surfaces, l’insuffisance du réseau routier empêche les agriculteurs de tirer pleinement profit de leurs récoltes. Figure 1. Déclin de l’emploi agricole, 2005 et 2012 a. Répartition sectorielle de l’emploi b. Répartition Sectorielle de l’emploi principal secondaire Source : Calculs basés sur les données de l’enquête 1-2-3, 2005, 2012. 369. Le transfert de la main-d’œuvre de l’agriculture au profit des services est la caractéristique principale des transformations structurelles intervenues au cours de ces dernières années en RDC. Durant cette période, un des principaux moteurs de la croissance de la productivité a été le transfert de la main-d’œuvre des secteurs à faible productivité vers les secteurs 121 Au moment de l’enquête auprès des ménages de 2012. 137 à haute productivité et, particulièrement, l’abandon du secteur agricole, à faible productivité. Les transferts de la totalité des secteurs, à l’exception de l’industrie minière, vers le secteur des transports, le plus productif en 2015, ont été une contribution positive. 370. La diminution des emplois agricoles concernait surtout des emplois principaux. Environ 12 % des travailleurs agricoles occupaient deux emplois en 2012, contre 16 % en 2005. Le graphique 1 montre que la part des emplois secondaires dans le secteur agricole et tertiaire (des services) a augmenté, et ceci aux dépens des emplois secondaires dans l’industrie secondaire (manufacturière). Toutefois, les emplois principaux et secondaires confondus ont connu une diminution nette dans le secteur agricole. Environ 65 % de la totalité des emplois étaient agricoles en 2012, c’est-à-dire 5 points de pourcentage de moins que sept ans auparavant. L’industrie des services a augmenté de 2,5 millions d’emplois entre 2005 et 2012, principalement dans les secteurs des transports et financier ; le secteur agricole a quant à lui bénéficié de 1,4 million d’emplois supplémentaires ; alors que le secteur secondaire a bénéficié de seulement 100 000 nouveaux emplois, notamment dans le bâtiment. Outre le déclin de l’agriculture, la répartition de l’emploi affiche aussi une réduction de la part de l’industrie minière – notamment artisanale et à petite échelle. Figure 2. Évolutions parmi les travailleurs non agricoles, par type d’emploi et par province, 2005 et 2012 Source : Calculs basés sur les données de l’enquête 1-2-3, 2005, 2012. 371. Le flux de migration des zones rurales vers les zones urbaines, d’origine structurelle, fournit une grande part de la main-d’œuvre de l’économie informelle en RDC. Il existe un lien étroit entre migration et secteur informel en RDC. Une croissance démographique rapide, une croissance macroéconomique insuffisante et une croissance des divers secteurs déséquilibrée sont responsables du basculement dans le secteur informel de nombreux Congolais en âge de travailler. En 2012, le secteur informel urbain représentait 81,5 % des emplois en RDC (Banque mondiale, 138 2015)122. Cette proportion élevée met en évidence l’importance capitale de ce secteur en termes de création d’emploi, d’augmentation des revenus et du double objectif de réduction de la pauvreté et de répartition des richesses. Le secteur informel congolais est constitué d’entreprises de tailles variables, aussi bien en matière de capital financier que physique et humain. 372. Le travail salarié non agricole représentait environ 60 % des travailleurs supplémentaires. Le secteur public et le secteur privé informel ont absorbé la majeure partie des 4,3 millions nouveaux travailleurs. Le secteur public s’est accru de 700 000 employés (soit un doublement de ses effectifs). Le secteur privé informel a augmenté de 900 000 personnes (multipliant par trois son volume). Globalement, le salariat moderne a augmenté d’environ 40 %, une hausse due, en majeure partie, au secteur public. 373. La transition du secteur informel vers le travail salarié a été évidente dans la plupart des provinces. Toutefois, dans le Katanga et dans la province de Kinshasa, la main-d’œuvre du secteur officiel a diminué, et les activités informelles se sont étendues. Cela peut s’expliquer par la migration définitive de travailleurs du secteur informel, accompagnés de leur famille, vers les grandes villes (notamment Kinshasa et Lubumbashi). De plus, la situation de l’emploi s’est détériorée dans les provinces de Bandundu et Maniema, où le taux d’emploi s’est effondré aussi bien dans les secteurs formel qu’informel (Figure 2). 122 Toutes les mentions du « secteur informel » et des « entrepreneurs informels » se réfèrent uniquement aux zones urbaines et non aux zones rurales. 139 Annexe C. Différence entre la dynamique du produit intérieur brut et du revenu national brut disponible 374. Le revenu national brut disponible est le principal facteur d’augmentation de la consommation intérieure et du bien-être des populations. Le revenu national brut disponible (RNBD) est la somme du produit intérieur brut (PIB), du revenu net des facteurs et des transferts courants nets. Le revenu net des facteurs est la différence entre l’afflux de revenus généré par les facteurs de production nationaux basés à l’étranger et la sortie des revenus générée par les facteurs de production étrangers opérant dans l’économie domestique. Les transferts courants nets sont constitués des envois de fonds nets des travailleurs et des subventions publiques et privées étrangères. Les soldes positifs des revenus des facteurs et des transferts courants conduisent à une augmentation du RNBD, alors que les soldes négatifs mènent à sa diminution. Ainsi, le RNBD correspond au montant des ressources disponibles dans l’économie nationale et qui peuvent être utilisées pour financer la demande globale intérieure (consommation + investissement, privé et public). 375. La différence entre le RNBD et la demande globale intérieure équivaut au solde du compte courant (SCC). Si le SCC est positif, le RNBD dépasse la demande intérieure et le pays est un créancier net envers le reste du monde. Si le SCC est négatif, le pays est un emprunteur net envers le reste du monde. En RDC, le SCC est négatif et le pays est un emprunteur net. Les entrées financières sont des IDE qui alimentent la composante des investissements privés de la demande globale, principalement dans le secteur minier. Figure 1. Les exportations de pétrole et de Figure 2. Ratios des recettes publiques et des minéraux et la répartition de leurs revenus (en paiements de revenus des facteurs par millions de dollars US) rapport aux exportations de pétrole et de minéraux 14,000 30.0 12,000 28.0 26.0 10,000 24.0 22.0 8,000 20.0 18.0 6,000 16.0 14.0 4,000 12.0 10.0 8.0 2,000 6.0 4.0 0 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2.0 Recette du secteur public Revenus des facteurs 0.0 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Résiduel, y compris EAPE Exportations de pétrole et de minéraux Paiement de revenus des facteurs Recettes publiques en provenance du secteur extractif Sources : calcul du personnel de la Banque mondiale basé Sources : calcul du personnel de la Banque mondiale sur les comptes nationaux et sur les données 2015 du FMI basé sur l’ITIE, et en vertu des données 2015 du FMI produites au titre de l’Article IV. au titre de l’article IV. 140 376. Depuis 2002, le boom du secteur minier a été alimenté par les IDE et a généré une source significative de revenus pour les investisseurs étrangers. La valeur des exportations de pétrole et de produits minéraux a été multipliée par plus de deux entre 2007 et 2014, passant de 5 milliards de dollars US à 11,7 milliards de dollars US (soit 36 % du PIB). Les paiements de revenus des facteurs hors intérêts ont augmenté de plus de 17 fois au cours de la même période123. Les paiements de revenus des facteurs hors intérêts correspondent essentiellement à la rémunération des IDE dans le secteur des ressources naturelles. La figure 1 montre que ces décaissements ont généré une part croissante des recettes issues des exportations du pétrole et des minéraux et sont passées de 172 millions de dollars US à 3,1 milliards de dollars US (soit 8,5 % du PIB) entre 2007 et 2014. 377. Les recettes transférées au secteur public ont augmenté à un rythme plus lent que les paiements des revenus des facteurs. Le ratio des paiements de revenus des facteurs par rapport au montant des exportations de l’industrie extractive, qui est une estimation de la part qui revient aux investisseurs étrangers dans la rente des ressources naturelles, est passé de 3,4 % à 26,0 % entre 2007 et 2014. Les recettes transférées au secteur public ont également augmenté, mais à un rythme plus lent que les paiements de revenus des facteurs. En effet, le taux de prélèvement effectif, calculé comme ratio des recettes publiques collectées dans le secteur des ressources naturelles par rapport aux exportations de pétrole et de minéraux, n’a fait que doubler au cours de la période 2007-2014, atteignant 14,9 % en 2014 (voir figure 2). 378. La réindustrialisation du secteur minier a entraîné une augmentation du PIB, mais le RNBD a augmenté à un rythme plus lent. En effet, l’augmentation rapide des paiements de revenus des facteurs hors intérêts au reste du monde à un rythme plus élevé que le PIB a entraîné une augmentation plus lente du RNBD. Le PIB nominal a augmenté de 19,5 % en moyenne annelle entre 2007 et 2014. Les paiements de revenus des facteurs hors intérêts ont augmenté de 50 % en moyenne annuelle et le solde du revenu des facteurs négatif a augmenté de 31 % au cours de la même période. Par conséquent, le RNBD a augmenté à un rythme plus lent que le PIB réel. Tableau 1. RDC – Croissance du PIB par habitant vs croissance du RNBD par habitant Changement de pourcentage Moyenne 2007-2014 Moyenne 2007-2009 Moyenne 2010-2014 Croissance réelle du PIB par 3,1 1,9 4,2 habitant Croissance réelle du RNBD par 2,3 1,7 2,7 habitant Différence 0,8 0,2 1,5 Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale. 379. L’augmentation des paiements de facteurs effectués au profit des IDE a conduit à un solde de revenus de plus en plus négatif qui a atténué la dynamique du RNBD et l’impact de la croissance sur le bien-être. Le RNBD réel par habitant a augmenté de 2,3 % seulement en moyenne entre 2007 et 2014, tandis que le PIB réel par habitant a augmenté de 3,1 %. Cependant, la différence entre les dynamiques des deux mesures s’est aggravée, passant de 0,2 point de pourcentage en 2007-2009 à 1,5 point de pourcentage en 2010-2014, lorsque la production minière industrielle a repris. Ainsi, alors que les deux mesures ont augmenté de près du même taux en 123 Source : Documents de l'Article IV du FMI couvrant la période examinée 141 2007-2009 (1,7 % pour le RNBD réel par habitant et 1,9 % pour le PIB), le RNBD réel par habitant a augmenté de 2,7 % en 2010-2014 contre 4,2 % pour le PIB (voir tableau 1). Ce rythme plus lent du RNBD par habitant explique largement pourquoi la forte perfo rmance du PIB ne s’est pas traduite par une réduction substantielle de la pauvreté. 142 Annexe D. Défis et dividendes de la transition démographique. 380. La transition démographique et les changements dans la structure des âges peuvent avoir un impact majeur sur le développement humain (Canning et al., 2015)124. Au niveau du ménage, le planning familial et la baisse de la fertilité entraînent une amélioration tant des conditions de santé (santé maternelle et infantile) que des résultats scolaires (taux de scolarisation et qualité - voir Schultz, 2010). Tout d’abord, une taille réduite de la famille permet d’augmenter les investissements réalisés pour chaque enfant. Ces investissements concernent les facteurs de développement pendant la petite enfance (santé, nutrition et éducation) et ont une incidence sur le développement cognitif immédiat des enfants et les résultats scolaires à l’âge adulte. (Bleakley, 2010)125,126. La santé à l’âge adulte est également liée aux investissements consacrés à la santé des tout-petits (Barker, 1992). L’augmentation de la durée de vie d’un individu en bonne santé (condition favorable pour trier profit des investissements dans l’éducation) doit inciter à poursuivre les investissements tant en matière d’éducation que de santé (Kalemli -ozcan, 2002). Ensuite, le planning familial favorise une éducation continue des filles plus âgées. En cas de grossesse non désirée, les filles plus âgées abandonnent très souvent l’école pour s’occuper de leurs enfants (Koissy et al., 2012 ; Eloundou-Enyegue et Williams, 2006 ; Lloyd et Gage- Brandon, 1994). De plus, l’augmentation de l’âge à la première naissance et l’espacement des naissances grâce au planning familial permettront de réduire les risques liés à l’accouchement et à la grossesse (Ahmed et al., 2012 ; Jain, 2011). Les améliorations en matière de fréquentation scolaire et de santé permettront à leur tour de faciliter l’apprentissage, produisant ainsi de meilleurs résultats de développement humain, à la fois à court et long terme. 381. Lorsque les pays au taux de fertilité élevé entament la transition de la fécondité, ils enregistrent des variations dans la structure des âges susceptibles de catalyser le développement économique. Avec le début de la réduction des taux de fertilité, la proportion d’enfants dans la population commence éventuellement à baisser. Simultanément, la proportion de la population en âge de travailler (communément située entre 15 et 64 ans) commence à augmenter, conférant à l’économie le potentiel nécessaire pour réaliser des dividendes démographiques en matière de développement. L’accroissement de la proportion de la population en âge de travailler suppose que l’offre de main-d’œuvre peut augmenter plus rapidement que la population totale (même si les taux d’emploi restent constants), conduisant à une augmentation du nombre de travailleurs par habitant. Ainsi, il pourrait se produire une augmentation automatique de la croissance du PIB réel par habitant. Si le nombre accru de travailleurs épargne au moins au même taux que les générations précédentes, il pourrait également se produire une augmentation de l’épargne globale. Si cette épargne peut être convertie en investissements productifs, la formation 124 L’étude démontre un fort rapport négatif entre l’ISF (Indice synthétique de fécondité) et les taux d’achèvement des études primaires et secondaires en Afrique subsaharienne. 125 Ceux-ci se traduiront également par des revenus supérieurs à l’âge adulte. Les rendements positifs en termes de salaires, dus à l’éducation, ont été documentés dans di vers contextes. Par exemple, Psacharopoulos (1994) découvre qu’une année de plus d’étude équivaut à une augmentation de salaire de 10%. 126 Au niveau global, les dépenses par habitant pour les enfants pourraient augmenter ; en effet, dans la plupart des cas, les dépenses pour les enfants constituent une part constante des ressources nationales (indépendamment de la taille de la cohorte des jeunes) (Mason et al. 2009). Les gouvernements pourraient également allouer plus de ressources à ces services en cas d’augmentation des recettes due à une participation accrue à la main-d'œuvre. 143 de capitaux pourrait être plus rapide et le rapport capital/travailleur amélioré, tout ceci entraînant une croissance encore plus rapide du PIB réel par habitant.127 382. Avec la chute du rapport d’enfants à charge des ménages et l’augmentation de la proportion de la population en âge de travailler, le revenu par habitant est susceptible d’augmenter, entraînant la réduction de la pauvreté. Les familles avec moins d’enfants disposeront de plus de ressources par habitant pour la consommation comme pour l’investissement. Des éléments de preuves concernant le Bangladesh suggèrent que les facteurs démographiques, y compris la structure des âges, le sexe et la répartition régionale de la population, représentaient le quart des facteurs de réduction de la pauvreté enregistrée entre 2000 et 2010 (Banque mondiale 2013). Des estimations transfrontalières montrent qu’une réduction du rapport d’enfants à charge d’un point de pourcentage correspond à une réduction de l’indice de pauvreté par habitant de 0,38 point de pourcentage (Banque mondiale 2015).128 127 La Banque mondiale (2015a) fournit des estimations empiriques de l’impact des modifications dans la structure des âges sur la croissance et la réduction de la pauvreté, en plus d’u ne revue étendue de la littérature concernant les dividendes démographiques. Bloom et Williamson (1998) ainsi que Bloom et al. (2000) fournissent des éléments de preuve empiriques des dividendes démographiques de l’Asie de l’Est. 128 Le rapport d’enfants à charge désigne le rapport de la population de moins de 15 ans à la population âgée entre 15 et 64 ans. Le rapport de personnes âgées à charge désigne le rapport de la population de plus de 64 ans à la population âgée entre 15 et 64 ans. 144 Annexe E. Réponse de la politique du Gouvernement à la crise : Les 28 mesures 383. Pilier 1. Mobilisation des ressources intérieures 1. (Gouv. no 1) Lutte contre l’évasion fiscale/douanière dans les secteurs économique, des télécommunications et des transports à travers : (a) la création d’équipes spécialisées ; (b) l’évaluation et la vérification des contrats et des partenariats avec les entreprises minières publiques ; (c) l’accroissement de la vigilance dans l’octroi d’exonérations fiscales ; (d) la réduction des impôts sur les exportations de certains produits ; (e) l’amélioration de la supervision des antennes locales des régies financières ; (g) la stricte conformité aux directives spécifiant les agences autorisées à effectuer des opérations aux frontières nationales ; (h) l’utilisation du marquage moléculaire des carburants ; (i) le contrôle des activités de boîtes Sim et l’octroi à l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC) du pouvoir de signer des contrats de partenariat avec des compagnies spécialisées dans la lutte contre la fraude. 2. (Gouv. no 2) Évaluation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et recherche de voies d’amélioration de la collecte de la TVA, étude de la possibilité d’application de plusieurs taux tels que, par exemple, un taux réduit pour les denrées alimentaires de première nécessité. 3. (Gouv. no 5) Maximisation des ressources internes et externes par : (a) la mobilisation d’épargnes intérieures privées ; (b) le déploiement du guichet unique afin d’aider les investisseurs ; (c) l’émission de bons du Trésor sur le marché financier international ; (d) la numérisation des titres du cadastre et des titres fonciers ; (e) l’amélioration de l’administration et de la collecte des impôts fonciers ; (f) l’accélération du transfert vers la Télévision numérique terrestre (TNT) afin de libérer les ondes destinées à la mise en œuvre de la 4G. 4. (Gouv. no 6) Renforcement des primes et sanctions vis-à-vis des agents du fisc et des entreprises concernées à travers : (a) la rétrocession des fonds légalement dus aux régis financières en tant que part des recettes collectées par elles ; (b) la sanction des agents impliqués dans la fraude et la corruption ; (c) exiger des cadres de direction des régies financières de déclarer leurs actifs au début et à la fin de leurs mandats. 5. (Gouv. no 7) Recouvrement de l’impôt sur le revenu sur la rémunération de tous le personnel des institutions publiques centrales et provinciales et du personnel des entreprises publiques. 6. (Gouv. no 8) Renforcement des contrôles frontaliers afin de réduire l’exportation illégale de billets de banque et de métaux précieux. 7. (Gouv. no 9) Renforcement de la collecte des recettes du secteur forestier. 384. Pilier 2. Gouvernance 8. (Gouv. no 10) Réduction du coût des institutions publiques et des dépenses publiques à travers : (a) l’harmonisation des salaires et rémunérations au sein de ces institutions ; (b) le contrôle de la masse salariale et des frais de fonctionnement ; (c) la conformité avec la loi sur les marchés publics concernant les dépenses relatives aux élections ; (d) le respect des procédures budgétaire et de dépense. 145 9. (Gouv. no 14) Évaluation et poursuite de la réforme des entreprises du portefeuille de l’État. 10. (Gouv. no 18) Création de l’Autorité de régulation et de contrôle des assurances (ARCA). 11. (Gouv. no 4) Contrôle de la qualité et du niveau des investissements dans le secteur minier. 12. (Gouv. no 19) Poursuite des réunions du Cadre permanent de concertation économique (CPCE) en vue de l’amélioration du climat des affaires. 13. (Gouv. no 20) Revitalisation de l’Autorité de régulation des marchés publics et déploiement des bureaux locaux dans toutes les provinces afin d’assurer le strict respect des procédures d’appel de marchés. 14. (Gouv. no 24) Établissement d’une série de mesures incitatives pour le secteur privé en collaboration avec la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) et d’autres organisations. 15. (Gouv. no 26) Révision urgente de la loi sur le partenariat public-privé, y compris les BOT, et transfert de cette loi au parlement pour discussion et approbation. 16. (Gouv. no 27) Mobilisation des ressources extérieures en assouplissant les restrictions relatives au financement non-concessionnel des projets d’infrastructures et des PME, et autoriser le ministre des Finances à étendre la garantie de l’État pour le financement des projets d’infrastructures et d’autres projets prometteurs. 17. (Gouv. no 28) Certification des réserves minérales et d’hydrocarbures à travers des travaux d’évaluation et de certification géophysiques. 385. Pilier III. Réforme structurelle 18. (Gouv. no 11) Reprise des projets d’infrastructures et d’équipement, y compris ceux relatifs à l’électrification et à l’approvisionnement en eau dans les capitales des provinces nouvellement créées et privilégier l’utilisation des énergies renouvelables. 19. (Gouv. no 12) Augmentation des dépenses d’investissement public, ainsi que leur taux d’exécution. 20. (Gouv. no 13) Appui consultatif, financier et technique aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux industries. 21. (Gouv. no 15) Création de banques spécialisées, y compris d’une banque agricole, d’une banque de l’habitat, de la banque de développement des PME, du Fonds national d’investissement, transformation du Fonds de promotion de l’industrie en une banque d’investissement industriel et recapitalisation de la CADECO et de la SOFIDE. 22. (Gouv. no 16) Simplification des conditions requises pour la réception de garanties de l’État et octroi au ministre des Finances de la permission d’accorder une telle garantie à des projets prometteurs. 146 23. (Gouv. no 17) Création de trois zones économiques spéciales et développement de parcs agro- industriels dans les provinces, supervision des agriculteurs et promotion de la diversification et de l’intensification de la production agricole. 24. (Gouv. no 3) Diversification de la production minière à travers une dépendance accrue aux minerais polymétalliques de l’Est, aux gisements d’or et aux terres rares. 25. (Gouv. no 21) Poursuite de l’installation de compteurs par la SNEL pour le contrôle de la consommation électrique et le recouvrement des factures. 26. (Gouv. no 22) Organisation rapide de consultations avec la SNEL et la REGIDESO pour la mise en œuvre d’un programme d’électrification et d’approvisionnement en eau dans les zones rurales. 27. (Gouv. no 23) Revitalisation du tourisme, y compris à travers la sécurisation du financement du Fonds de promotion du tourisme et l’amélioration de la sécurité sur les sites touristiques. 28. (Gouv. no 25) Financement d’études de faisabilité pour une série de projets devant être financés au cours de la période 2016-2020, en particulier dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie et des transports. 147 Annexe F. Politiques macro-prudentielles et préparation aux récessions : exemples de la République tchèque, du Pérou et du Kenya. 386. La République tchèque a commencé à poser des fondations plus solides pour la gestion globale des risques à la lumière des principaux enseignements tirés de la crise bancaire de 1997-1998. En 1997, le pays a abandonné son régime de taux de change fixe en faveur d’un cadre de politique monétaire fondé sur le ciblage d’inflation. Grâce, notamment, à son indépendance financière et politique accrue, la Banque Nationale tchèque a réussi à renforcer la crédibilité de la politique monétaire et à accroître la stabilité des prix. À partir de 2006, tous les régulateurs de la micro-prudence ont été intégrés dans la Banque Nationale tchèque, qui était déjà l’autorité monétaire et le superviseur macro-prudentiel. Au cours de la crise de 2008, la République tchèque n’a pas eu à prendre des mesures importantes, et un simple assouplissement de la politique monétaire s’est révélé suffisant pour assurer une liquidité appropriée. Malgré la diminution des prêts observée au cours de la période de crise, les banques tchèques ont continué à générer des bénéfices et à renforcer leurs réserves de capital, ce qui les a aidés à affronter une augmentation significative du volume des créances douteuses. 387. Dans les années 1990, le Pérou a mis en place des réformes clés visant à stabiliser son économie. L’hyperinflation a été maîtrisée en établissant des cibles explicites sur la base monétaire. Après la réduction de l’inflation à un seul chiffre, la Banque centrale a adopté un régime de cible d’inflation à l’aide d’un taux de change flexible qui a permis de maîtriser l’inflation. Le système fiscal et le secteur financier ont été réformés. Le commerce extérieur a été libéralisé au début des années 1990. Le Pérou a épargné une partie des revenus tirés des ressources naturelles. Les réserves internationales ont atteint l’équivalent de plus de 17 mois d’importations en 2007 et l’excédent fiscal primaire a augmenté. Compte tenu des conditions favorables créées par le Pérou depuis le milieu des années 1990, le gouvernement a apporté une réponse efficace et anticyclique en vue de soutenir l’économie nationale pendant la crise mondiale. La banque centrale a injecté des liquidités dans le système financier, en monnaie locale (nuevos soles) et en dollars US, de manière à éviter un manque de liquidité et un étranglement du crédit. Le taux de politique monétaire a été ramené à 1,25 %, et le premier paquet – équivalent à 3,4 % du PIB – d’un triple plan de relance a été promulgué en 2009, financé grâce à des épargnes fiscales. 388. Le Kenya a réussi à consolider sa résilience en renforçant à la fois ses systèmes financiers et macro-fiscaux. Au début des années 1990, le gouvernement a décidé de mettre en œuvre des réformes économiques visant à stabiliser le secteur financier et à retrouver une croissance durable. Le système bancaire a été renforcé, notamment par une capitalisation substantielle des banques et l’accès des populations au financement a été amélioré. Le Kenya est également parvenu à réduire sa dette publique et à accumuler des réserves élevées en devises (jusqu’à quatre mois de couverture des importations) en adoptant des politiques budgétaires prudentes et en maintenant une position extérieure saine. La démonstration du Kenya en matière de gestion des risques est, à l’évidence, impressionnante, compte tenu du quadruple choc auquel le pays a été confronté pendant une très courte période : la violence postélectorale au début de 2008, l’augmentation des prix du pétrole et des aliments, la sécheresse catastrophique et la crise financière mondiale. La Banque centrale a réussi à mettre en place des politiques monétaires anticycliques, en réduisant son taux, ainsi que le coefficient de trésorerie, en vue d’injecter des liquidités sur le marché. Avec une dette publique maîtrisée et soutenue par d’importantes réserves internationales, le gouvernement a su mettre en œuvre un ambitieux programme de relance 148 budgétaire d’un montant de 300 millions de dollars US, protégeant ainsi les principales dépenses. Le stimulus a dynamisé l’emploi et l’activité économique, notamment grâce à l’augmentation des dépenses dans le domaine des infrastructures. 149 Annexe G. Dédollarisation – Leçons apprises (Basées sur l’analyse de Fischer, Lundren et Jahjah, 2013). 389. Selon Erasmus et coll. (2009) et Kokenyne (2010), une stratégie de dédollarisation satisfaisante doit porter sur trois dimensions, à savoir : (i) les politiques macroéconomiques ; (ii) les réformes des cadres juridique et réglementaire et (iii) les mesures administratives directes. Les mesures visant à accroître l’attractivité de la monnaie nationale devraient généralement réduire les risques et les coûts associés à son utilisation (Socorro, 2005). L’expérience montre que les mesures d’incitation à l’utilisation de la monnaie locale (« mesures d’attraction ») sont plus susceptibles d’être efficaces que la dédollarisation forcée ou les « mesures de rejet ». Figure, ci - dessous, un aperçu de plusieurs mesures prises dans différents scénarii de dédollarisation. A. Mesures de dédollarisation basées sur les pouvoirs de marché (« mesures d’attraction ») 390. Renforcer la gestion des liquidités et des outils stratégiques de la Banque centrale est essentiel pour revitaliser l’attractivité de la monnaie locale en augmentant sa facilité d’utilisation et en réduisant la volatilité des taux d’intérêt. Dans cette optique, plusieurs outils politiques sont disponibles, parmi lesquels : (i) les réserves, (ii) les facilités permanentes de prêt et de dépôt, (iii) les opérations de marché ouvert qui visent la stabilisation du taux interbancaire national, (iv) l’introduction de bons du Trésor à moyen terme pour développer une courbe de rendement et promouvoir le développement d’un marché national des obligations et (v) le développement d’un marché de changes en vue d’assurer un accès facile aux devises et de réduire les épargnes de précaution des devises. En ce qui concerne le point (iv), les bons du Trésor à échéance de 7 ou 28 jours sont indiscutablement trop courts pour permettre l’émergence de marchés secondaires et interbancaires. Par conséquent, avec de telles échéances courtes, il est impossible de tracer une courbe de rendement et de développer un marché des capitaux. À cet effet, la demande de titres à échéance à plus long terme est probablement trop faible pour justifier leur introduction par BCC. 391. Améliorer la gestion du budget et de la dette publique : la réduction de la proportion des obligations d’État libellées en devises peut contribuer à la dédollarisation du passif du gouvernement. Dans la mesure du possible, le gouvernement devrait utiliser la monnaie nationale pour l’ensemble de ses opérations, y compris la perception des impôts directs et de la masse salariale, ainsi que les taxes sur les biens et services (comme en Angola). L’impôt ne doit pas avoir d’incidence sur le change et ne devrait pas favoriser la détention de devises, et le produit de l’aide externe devrait être utilisé en monnaie locale. Une stratégie visant à dédollariser les comptes du gouvernement et à accroître la flexibilité du taux de change pourrait se traduire par l’émission d’obligations de dette publique libellées en monnaie nationale – une initiative de dédollarisation éprouvée en Bolivie, au Brésil, en Israël, au Mexique et en Turquie. Il est possible de mettre en application toutes les mesures décrites ci-dessus en RDC sous une forme ou une autre, parallèlement à l’engagement du gouvernement d’assurer une gestion budgétaire durable. 392. Faire émerger un marché intérieur de capitaux et développer la banque de détail : les obligations d’État libellées en monnaie nationale constitueraient une première étape vers le développement d’un marché des obligations domestiques liquides. Cependant, la RDC doit d’abord renforcer le système de gestion de sa dette nationale avant d’émettre des obligations monétaires nationales et de créer un marché obligataire national. Il est possible d’encourager la 150 dédollarisation en élargissant le choix des titres libellés en monnaie nationale et qui sont négociés sur les marchés monétaires et financiers nationaux. L’expansion des circuits financiers permettra aux services bancaires de parvenir aux segments du secteur des affaires et de la population qui sont les plus susceptibles d’utiliser la monnaie nationale. L’accroissement du potentiel des services bancaires de détail obligera également les banques à utiliser de manière croissante la monnaie nationale dans leurs opérations. Le développement actuel du secteur bancaire a un effet positif qui devrait s’accompagner d’un renforcement de la supervision bancaire. 393. Renforcer les systèmes de paiement et promouvoir l’utilisation de la monnaie nationale : il est indispensable de mettre en place des systèmes de paiement permettant aux paiements effectués avec la monnaie nationale d’être au moins aussi pratiques et efficaces que l’utilisation de devises. La première étape consiste à mettre à disposition des billets de banque ayant des valeurs nominales adaptées aux besoins des utilisateurs afin de réduire les coûts de transaction et de rendre la monnaie nationale plus pratique pour les transactions dont les montants sont élevés. Au Cambodge, par exemple, l’introduction de billets de banque à valeur plus élevée a stimulé la demande pour la monnaie nationale. Par conséquent, l’introduction récente de billets de banque ayant une meilleure valeur nominale en RDC est sans aucun doute une avancée dans la bonne direction. En outre, une nouvelle loi sur les systèmes de paiement sera bientôt soumise au Parlement et facilitera les procédures de paiement tout en réduisant les coûts de transaction dans le secteur bancaire. 394. Créer un écart de taux d’intérêt : nombre de pays ont essayé cette stratégie, mais avec un succès modéré. Un écart de taux d’intérêt ne peut fonctionner que si la substitution est plus probable entre une monnaie nationale et les devises dans un pays, plutôt qu’avec des dépôts en devises à l’étranger. En effet, un écart important peut générer un afflux massif de fonds de l’étranger qui pourraient s’avérer excessifs (Hongrie). 395. Mettre en place une supervision efficace et une réglementation prudentielle peut soutenir la dédollarisation en mettant en évidence à la fois les risques de bilan liés à la dollarisation et les risques opérationnels liés au change. Au Mozambique, par exemple, les banques doivent constituer de grandes provisions pour les prêts en devises accordés aux non-exportateurs. En RDC, le renforcement de la supervision bancaire est considéré comme une priorité et un programme de réforme ambitieux est en cours. 396. Exclure les dépôts en devises du système d’assurance des dépôts ou disposer de monnaie locale dans l’assurance des dépôts, quelle que soit la monnaie du dépôt : une telle mesure exige une bonne sensibilisation du public. Dans les faits, les banques sont susceptibles d’encourager les clients à avoir des dépôts en devises, puisque les taux d’intérêt sur ces dépôts sont généralement inférieurs à ceux des dépôts en devises locales. La RDC n’offre actuellement aucune assurance sur les dépôts et n’est pas susceptible d’en avoir, à moins que la surveil lance bancaire ne s’améliore significativement et que les normes prudentielles soient élaborées et appliquées. B. Contrôler la dollarisation ou l’utilisation de « mesures de rejet » 397. Besoins en réserves de monnaie locale. Dans de nombreux pays, des mesures ont été prises pour augmenter l’écart entre les taux d’intérêt des dépôts en faveur des dépôts en monnaie 151 locale. Celles-ci sont entre autres : (i), l’imposition totale ou partielle des réserves libellées en monnaie locale (RDC), (ii) la mise en place d’un marché captif en monnaie nationale visant à rémunérer les réserves obligatoires en monnaie locale à un taux plus élevé que les réserves en devises (Bolivie, Honduras, Israël et Nicaragua) et (iii) l’imposition d’un coefficient des réserves obligatoires plus important sur les dépôts en devises. Toutefois, au regard du niveau de dollarisation extrêmement élevé de l’économie congolaise, il n’est pas recommandé de disposer de réserves en monnaie locale couvrant également les dépôts en devises, car les positions nettes ouvertes des banques commerciales seraient trop élevées et leur gestion serait impossible. En outre, instituer des réserves obligatoires sur les dépôts en devises exclusivement libellées en monnaie nationale priverait la Banque centrale d’une source supplémentaire de devises et amenuiserait sa capacité de réponse en cas de crise bancaire. 398. Faire de l’utilisation de la monnaie locale pour les transactions intérieures et la fixation des prix des biens et des services une obligation. L’utilisation des devises dans les transactions intérieures a été interdite dans de nombreux pays (notamment en Angola, Israël, République démocratique populaire du Laos et Pérou). Dans certains cas, l’utilisation de devises a été autorisée, mais l’affichage des prix était en monnaie nationale. 399. Une réglementation criminalisant l’utilisation des devises est utilisée dans certains pays, avec, par exemple, des limites sur les emprunts ou prêts en devises (Angola, Argentine, Israël, Liban, Turquie et Vietnam). Dans d’autres pays, il est prescrit une période de conservation obligatoire des devises. Dans certains cas, la détention de dépôts à vue en devises est interdite et les échéances des dépôts à terme en devises sont légalement plus longues que celles des dépôts en devises. Une telle option présente cependant un inconvénient : elle peut entraîner une augmentation de la liquidité en devises. 400. Contrôler la dédollarisation en imposant la conversion des dépôts en devises en monnaie nationale : cette option a eu des impacts négatifs en Bolivie, au Mexique et au Pérou et a induit, en outre, une perte de confiance dans les autorités et la perception d’un risque de confiscation. Le Mexique a tenté de restreindre le droit des entreprises à détenir des actifs en devises. Nombre de pays, y compris l’Argentine et le Pakistan, ont expérimenté diverses mesures visant à bloquer l’accès aux dépôts en devises, mais ces mouvements ont également compromis la confiance dans le système bancaire et déclenché des fuites de capitaux. 152 Annexe H : Défis de gouvernance et institutionnels examinés par secteur FILTRE DES ÉPREUVES PROBLÈMES CONTRAINTES POLITIQUES IDENTIFICATION DES FONDAMENTALES RECOMMANDÉES ÉCARTS DE CONNAISSANCES MOBILISATION DES RECETTES Faibles niveaux de mobilisation des recettes Niveaux élevés des dépenses et S’abstenir d’accorder des dépenses et Effectuer un inventaire des congés exonérations fiscales exonérations fiscales fiscaux et des exonérations. supplémentaires. Identifier les principaux Éliminer les exonérations fiscales non acteurs/bénéficiaires des exonérations. prévues par les textes juridiques. À long terme, réviser les textes juridiques afin de réduire les dépenses fiscales. Faible capacité administrative et Doter l’administration des ressources Finaliser l’audit de l’administration institutionnelle humaines, financières et matérielles fiscale ; à compléter par une analyse nécessaires. plus détaillée. SECTEUR MINIER Mise en application du nouveau Code minier Concilier les intérêts des investisseurs avec Compléter les travaux sur le Une politique minière qui définit (i) les les besoins de développement du pays règlement minier. zones ouvertes à l’extraction industrielle par rapport aux zones À long terme, focaliser la législation dédiées à l’activité minière artisanale et minière sur les aspects spécifiques au à petite échelle, et (ii) ce qui doit être secteur et aligner autant que possible préservé pour les générations futures. les dispositions fiscales au code général des impôts. Les entreprises minières publiques, Une partie de la production des opérations Clarifier la supervision et le contrôle Effectuer un inventaire des actifs de la notamment Gecamines, effectuent des de la Gecamines n’est pas identifiée ni du gouvernement sur les entreprises Gecamines et d’autres entreprises transactions non transparentes sur les actifs inscrite au budget et leur utilisation finale publiques d’exploitation minière et la publiques du secteur minier. miniers reste incertaine Gecamines. Produire des bilans et comptes de profits et pertes des entreprises d’exploitation minière publiques. 153 Le contrôle et la supervision du Contrôle exécutif ou législatif des gouvernement sur la Gecamines sont sociétés minières publiques et des faibles transactions sur leurs actifs. Exploitation minière artisanale et à petite Informelle, dangereuse et souvent Formaliser pour suppléer aux efforts Identification des zones où échelle confisquée par les groupes armés de certification et de traçabilité. l’exploitation minière est possible à l’aide des procédés artisanaux. Renforcer le SAEMAPE Impact de la réforme du droit Mise en œuvre de la Politique minière coopératif sur les coopératives nationale et de la Stratégie nationale minières. de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle. EAU ET ASSAINISSEMENT L’absence de leadership sectoriel empêche Le secteur reste fragmenté, divisé entre sept Mettre en œuvre la nouvelle loi sur Décrets : Selon la nouvelle loi sur une planification cohérente et une ministères, ainsi que l’ancien monopole d’État l’eau de 2015 et unifier le l’eau et la politique y relative, il faut répartition efficace des ressources chargé de la distribution d’eau en zone portefeuille Eau : la nouvelle loi crée définir beaucoup de détails par décrets urbaine, Regideso. Dans de nombreux cas, les la condition préalable d’unifier le ministériels ou provinciaux. Ceux-ci responsabilités se chevauchent ou sont floues. portefeuille de l’eau dans un seul restent à élaborer. ministère. En matière d’assainissement, harmoniser le leadership politique à l’aide de décret ministériel : harmoniser les politiques en matière d’assainissement urbain par un protocole d’entente entre les principaux acteurs nationaux (ministère de l’Environnement, ministère de la Santé publique), à formaliser par décret ministériel tel que prévu à l’article 97 de la nouvelle Loi sur l’eau. L’approvisionnement urbain en eau se Un avantage historique et structurel de la La nouvelle loi peut permettre de Identifier les provinces les plus détériore et sa distribution spatiale est distribution d’eau au profit des grands cibler les zones urbaines mal pertinentes pour expérimenter le inégale : la population citadine n’ayant pas centres urbains – 75 % des ventes réalisées desservies grâce à de nouveaux nouveau modèle de gestion par régie. accès à l’eau augmente rapidement, la qualité dans trois villes uniquement. Cela est dû à une canaux d’investissement. La du service se détériore et la contamination de orientation historique à destination des grands nouvelle loi a créé un cadre juridique Incertitude sur la durabilité des l’eau est répandue. L’accessibilité est très centres urbains et des quartiers les plus riches, permettant de collaborer directement systèmes autonomes hors de Kinshasa. inégale entre les villes, Kinshasa et d’autres et une stratégie récente visant à améliorer la avec les provinces (qui sont 154 grandes villes bénéficiant d’un meilleur accès à situation financière de l’entreprise en se maintenant propriétaires des actifs et Penser la coopération entre l’opérateur l’eau que les zones urbaines secondaires. concentrant sur les sites traditionnellement les libres de déléguer des services à des national et les systèmes autonomes plus porteurs. Une conséquence indirecte a été opérateurs tiers) et d’autres opérateurs la perpétuation d’un mauvais service dans les autonomes (gérés par les utilisateurs) zones urbaines secondaires. qui ciblent directement les villes secondaires et les zones périurbaines. Absence d’engagement en faveur de la réforme – la réforme de l’entreprise nationale de distribution d’eau stagne, principalement en raison d’un manque d’engagement politique. Les institutions publiques ne paient pas de factures d’eau, aggravant la situation financière de l’entreprise et son incapacité à se développer au-delà des principales zones. Absence de concurrence : le monopole juridique passé a longtemps empêché l’émergence d’autres opérateurs, qui ont commencé à prendre leur essor uniquement au cours de la dernière décennie. Absence de services publics dans le domaine Écart de capacité de mise en œuvre : le Renforcement des capacités au Études de faisabilité pour développer de l’assainissement urbain : même dans la leadership politique est fragmenté et il n’y a niveau municipal : Mettre fin à des propositions pilotes concrètes. capitale et la mégalopole de Kinshasa, l’accès pas de partenaires pour la mise en œuvre l’inaction publique exige la mise en à l’assainissement de qualité est très faible même des projets pilotes (par exemple, place d’agences de mise en œuvre (<25 %) et il n’existe pas de services publics absence de société publique, absence de compétentes. La municipalité est le pour la gestion en toute sécurité des matières services municipaux compétents). niveau le mieux adapté pour assumer fécales. Au regard de l’épidémie continue de ce rôle, conformément à l’orientation choléra, il s’agit d’une menace majeure de Problème d’action collective : les coûts de décentralisation inscrite dans la santé publique. d’une chaîne de services d’assainissement constitution et le droit sur l’eau, et fiable sont trop élevés pour être pris en charge comme recommandé par les individuellement, et les lacunes dans la chaîne précédentes études sectorielles. de prestation sapent les éventuels avantages. En l’absence de sites d’élimination contrôlés, Interventions pilotes : les solutions à fiables et accessibles, le déversement l’échelle de la ville demeurent incontrôlé de matières fécales continuera de irréalistes à moyen terme. Les manière ininterrompue dans les villes. La interventions futures devraient cibler désignation de ces sites nécessite le concours les principales faiblesses de la chaîne de la sphère publique car elle risque de des services d’assainissement à l’aide rencontrer une opposition au niveau local. Le des projets pilotes dans les villes caractère sporadique des services de vidange prioritaires. Ces projets pilotes 155 et de transport, ainsi que l’absence de sites devraient être mis en place par le biais d’élimination sécurisés ne font que déplacer le des structures municipales en vue problème de santé publique au lieu de le d’instaurer un cycle d’amélioration. résoudre. Même lorsque les ménages investissent dans des installations, les Accorder la priorité aux grandes bénéfices se perdent dès lors que d’autres villes : la forte démographie des continuent à déverser les matières fécales dans grandes villes concentre les l’environnement collectif. bénéficiaires potentiels et, à son tour, augmente les externalités négatives de l’assainissement non sécurisé, et renforce dans le même temps les arguments en faveur de l’intervention des pouvoirs publics. TRANSPORTS Performance des entreprises publiques Absence de transparence financière Soutien technique dans les Mieux identifier les facteurs et domaines stratégiques en vue (a) changements à induire grâce au Pouvoir des groupes d’intérêts – se d’améliorer l’information (par financement de la Banque mondiale manifeste différemment en fonction (i) de la exemple, le suivi des finances des axé sur les résultats (par exemple, P- situation géographique de l’entreprise (zones entreprises publiques), et (b) pour-R) qui peut stimuler la volonté riches en ressources) ; (ii) des recettes de d’engager la réforme « de l’intérieur » politique ou créer une coalition qui l’entreprise publique ; (iii) du lien entre les et de soutenir les initiateurs de souhaite éliminer les principales entreprises publiques et les autres secteurs réformes. pesanteurs identifiées. générateurs de revenus ; (iv) des postes de haut cadre disponibles pour favoriser le Suspendre et ne pas soutenir clientélisme. d’autres financements de l’investissement (En particulier pour l’achat d’équipements) jusqu’à ce qu’il y ait changement de la volonté politique pour remédier aux Résistance à la réforme Statu quo préservé à cause de l’existence de contraintes fondamentales identifiées. situations favorables au maintien de positions de rentes La collecte des données doit être entreprise dans un cadre Maintien de lois et réglementations indépendant et non intégré obsolètes initialement dans les projets d’investissement. 156 Corruption Acceptation de la culture d’extorsion chez certains fonctionnaires. Cette culture est renforcée par le bas niveau des salaires et n’est pas spécifique au secteur des transports. SANTÉ Obstacles socioculturels à l’utilisation des Absence de confiance dans le système de Santé communautaire/partenariat Comprendre l’impact des barrières services de santé santé. avec les guérisseurs traditionnels, les socioculturelles. Identifier les Croyances culturelles/religieuses. accoucheuses traditionnelles. différentes approches en fonction des provinces. Absence de ressources humaines qualifiées Seuls 30 % du personnel sont pris en Réforme du secteur public/des Cartographie des ressources humaines et motivées compte dans la masse salariale. Les pensions. Délégation des tâches. existantes et besoins par province et ressources humaines sanitaires ne sont pas Agents de santé communautaires. spécialité. bien réparties dans le pays. Compétences insuffisantes. Absence d’accès aux médicaments essentiels Fragmentation des chaînes Harmoniser les chaînes Compréhension approfondie des à des prix abordables d’approvisionnement. Mauvaise gestion des d’approvisionnement. goulots d’étranglement dans la chaîne chaînes d’approvisionnement et d’achat à tous d’approvisionnement par province. les niveaux. Sécurisation des financements pour les médicaments essentiels. Inégalité dans l’accès et l’utilisation des Paiements directs élevés et dépenses Gratuité/subventions des soins pour Comprendre le mécanisme de services sanitaires catastrophiques. Renoncement aux soins. les groupes et les services ciblés. financement et la structure des coûts Absence de protection financière, notamment pour les soins gratuits ciblés et pour les personnes vulnérables. Mesures visant à maîtriser les coûts identifier le mécanisme de ciblage le (tarification forfaitaire, politique de plus efficace. soins primaires, gardiens, etc.) ÉDUCATION Qualité de l’éducation : Faible qualification des enseignants. Redevabilité en matière de Il existe un environnement propice Faibles résultats de l’apprentissage à tous les prestation de service à tous les adéquat (adaptation aux niveaux du système. Pénurie du personnel enseignant titulaire d’un niveaux : (i) délimiter et mettre en réglementations, politiques et cadre de Non-correspondance des aptitudes disponibles doctorat (niveau de troisième cycle). exécution efficacement les responsabilité sociale impliquant les avec les besoins du secteur privé. responsabilités de l’administration à comités scolaires, les associations de Vieillissement du personnel, en particulier le chaque niveau de la chaîne parents et la participation de la société groupe impliqué dans le soutien pédagogique pédagogique qui soutient les écoles civile). La mise en œuvre est aux écoles et aux enseignants. (niveau central du ministère, les problématique. Les faiblesses sont 157 Forte population d’enfants non scolarisés, niveaux provincial et sous- principalement associées à la volonté constituée en majorité des filles et des pauvres. Éducation et formation techniques et provincial) ; (ii) mettre en place un politique d’appliquer la réglementation professionnelles obsolètes. financement et une budgétisation et les politiques, aux intérêts avérés, à transparents et complets au niveau de l’approche individualiste dans le Fragmentation de la gestion du système en 2 l’école. développement du secteur (les guerres niveaux – institutionnel : entre l’État et les et conflits auraient contribué à cette confessions religieuses ; organisationnel : Gestion du corps des enseignants : situation). La société congolaise étant niveaux centraux et décentralisés. transparence dans le recrutement des hautement politisée, les enseignants et leurs affectations. comportements de maximisation de la rente et de clientélisme sont assez Gestion scolaire – une approche fréquents. Il n’y a pas eu d’analyse ascendante permettant de renforcer le complète des facteurs qui interviennent principe de la reddition des comptes et en dehors du système scolaire et qui la qualité de l’éducation : plans de influent sur la mise en place du cadre développement scolaire élaborés en d’enseignement et d’apprentissage. fonction des résultats et financement associé à la divulgation publique des résultats d’apprentissage, des sources et des utilisations des fonds. 158 Annexe I. Priorités du Diagnostic Systémique du Pays (DSP) et impact sur le genre. Priorités et « Solutions rapides et OBJECTIFS efficaces » ▪ Renforcer la résilience du cadre ▪ Reconnaître que la croissance n’est pas inclusive, y compris en matière de genre. macroéconomique ▪ Objectif de développement fondamental, l’égalité entre les genres est essentielle pour assurer une croissance inclusive et durable. ▪ Une augmentation de la participation des femmes à la main-d’œuvre et de leurs gains est associée à une réduction de la pauvreté et une croissance rapide. ▪ Établir des institutions inclusives ▪ Mesures proactives visant à renforcer la participation des femmes à la prise de décisions politiques, au niveau national et et renforcer la gouvernance. communautaire et au sein des ménages. ▪ Soutenir l’application effective du nouveau Code de la famille. ▪ Donner la priorité à la gestion de la violence sexuelle et sexiste comme élément central du rétablissement de la paix et de la sécurité : la sécurité de la République Démocratique du Congo (RDC) ne sera pas assurée si celle des femmes ne l’est pas également. ▪ Traiter les conceptions négatives de la masculinité et de l’identité masculine auprès des jeunes dans le contexte de conflit. ▪ Renforcer la capacité de l’INS à collecter des données discriminées par sexe et pertinentes pour les genres et à procéder à une analyse comparative entre les genres des données obtenues pour éclairer les politiques et les programmes. ▪ Tirer parti des infrastructures, ▪ Comprendre et agir sur les différences fondées sur le genre dans les besoins et les utilisations des services d’infrastructure. des ressources naturelles et de ▪ Mettre l’accent sur l’infrastructure pour répondre aux besoins des ménages et aux tâches domestiques. l’agriculture. ▪ Accorder une priorité absolue à la promotion de solutions de cuisson propres dans les politiques et programmes énergétiques. ▪ Promouvoir l’accès accru des femmes à la téléphonie mobile/à ses services. ▪ Comprendre les impacts différenciés selon le genre du changement climatique et garantir l’inclusion des sexes dans les bénéfices obtenus grâce au financement climatique. ▪ Analyser et agir sur les rôles du genre dans les chaînes de valeur agricoles et veiller à ce que les femmes puissent contribuer de manière équitable au développement agricole et en bénéficier. ▪ Veiller à ce que la prestation des services agricoles réponde aux besoins des agricultrices. ▪ Construire le capital humain. ▪ Reconnaître le caractère central de l’autonomisation des femmes comme clé du succès de la gestion de la fertilité et prendre les mesures nécessaires pour l’encourager. ▪ Prioriser les interventions nutritionnelles. ▪ Identifier et agir sur les causes sous-jacentes de la scolarisation féminine inférieure aux niveaux secondaire et tertiaire, y compris le mariage précoce et la maternité. ▪ Mettre l’accent sur le renforcement des compétences des jeunes. ▪ Appliquer les exemptions de frais de scolarité et de faibles frais de scolarité pour aider les adolescentes dans le quintile de richesse le plus bas à l’école. ▪ Tirer parti du secteur privé grâce ▪ Supprimer les restrictions légales fondées sur le genre à la participation économique des femmes identifiées dans les données de à des réformes du climat la Banque mondiale. d’investissement et renforcer les ▪ Simplifier et établir des règles commerciales plus transparentes, en particulier pour créer une nouvelle entreprise. institutions de soutien du ▪ Veiller à ce que les femmes bénéficient d’initiatives de soutien à la création de PME. marché. ▪ Développer des services et des produits financiers : accroître l’accessibilité des femmes entrepreneures. 159 Annexe J. Défis en matière de développement des secteurs pétrolier et gazier en RDC 401. Très prometteur, le secteur pétrolier et gazier embryonnaire de la RDC est toutefois confronté à de nombreux défis, dont la plupart constituent déjà un frein au développement d’autres secteurs. Tels sont ces défis : 1- Réserves dans les zones contestées et difficiles : notamment, le Graben d’Albertine (lac Albert à l’Est : instabilité, éloignement, empiétement sur des zones de biodiversité d’importance mondiale) et Bas-Congo (dispute frontalière avec l’Angola : un nouvel accord de partage de production sur une zone d’intérêt commune est en négociation). 2- Développement des infrastructures : la majeure partie des réserves pétrolières est située à l’Est, alors que la plupart des centres de consommation est située à l’Ouest, ce qui implique des investissements importants dans le transport et le stockage, à moins qu’une solution régionale ne soit envisagée. 3- Problèmes environnementaux et sociaux : les réserves pétrolières potentielles de l’Est se situent au sein d’écosystèmes sensibles, adjacents à des aires protégées et à des sites de patrimoine mondial, tels que le parc national Virunga. En outre, l’incapacité de l’État à mettre en place une réglementation qui tient compte des intérêts divergents entre les compagnies pétrolières et les communautés locales pourrait constituer une source de frustration et des tensions. 4- Menace sur la stabilité : un intérêt renouvelé pour la ressource pétrolière en République démocratique du Congo pourrait devenir un facteur d’instabilité dans un pays encore vulnérable, qui émerge juste d’un conflit, en particulier dans l’Est, où le gouvernement central n’exerce pas encore le plein pouvoir. Les conflits frontaliers avec les pays voisins pourraient s’amplifier, notamment avec l’Angola à l’Ouest et avec l’Ouganda à l’Est. 5- Gouvernance : la mauvaise gouvernance demeure une préoccupation importante dans le secteur. Le gouvernement a autorisé des démarches exploratoires désordonnées, sans préalablement mettre en place des procédures claires, un cadre juridique transparent et des institutions solides. De nombreuses concessions ont été accordées de manière non transparente par les gouvernements précédents. Ces initiatives ont toutefois récemment pris fin, à la suite de l’adoption du nouveau Code des hydrocarbures. Les enseignements tirés d’autres secteurs extractifs devraient être réexaminés afin de permettre à l’industrie pétrolière naissante de se développer de manière durable et de contribuer à l’économie nationale. 402. Afin de transformer ces défis en opportunités, divers domaines de collaboration et de soutien pourraient être envisagés et permettre au secteur pétrolier d’atteindre son potentiel, ainsi qu’il suit : 1- Mise en application du Code des hydrocarbures : il faut urgemment mettre en place une réglementation adéquate relative au régime fiscal, ainsi qu’aux garanties environnementales et sociales. 2- Base de données sur les hydrocarbures : la conception et la mise en œuvre d’un système des technologies de l’information sont nécessaires pour mieux gérer les données sur les hydrocarbures 160 qui sont utiles aux activités de prospection et aux cycles d’appels d’offres concurrentiels et transparents pour les blocs pétroliers et gaziers. 3- Gaz du lac Kivu : dans le cas d’une exploitation répondant aux normes, le gaz méthane pourrait générer jusqu’à 1 000 mégawatts d’électricité. Du côté rwandais du lac, un projet pilote est déjà en cours de développement pour utiliser le méthane et générer 25 mégawatts d’électricité. Il existe indubitablement des possibilités de transposition ou d’intégration avec la rive congolaise. 4- Passage à l’économie monétaire du flambage à la torche du gaz offshore : près de 30 millions de pieds cubes par jour de gaz naturel sont torchés à Muanda, en plus des réserves de gaz estimées entre 350 milliards et 500 milliards de pieds cubes. Il existe ici une possibilité de fournir près de 150 mégawatts d’électricité à la région. 5- Renforcement des capacités : il est indispensable de former le personnel du ministère des Hydrocarbures en matière de négociations contractuelles, d’évaluation des impacts environnementaux et sociaux des projets, ainsi que des processus d’appel d’offres. Révision de l’organigramme du ministère. 6- L’Initiative pour la transparence des industries extractives : le pays a connu des avancées significatives ces dernières années pour assurer sa conformité. Il est devenu membre à part entière de l’Initiative pour la transparence des industries extractives en juillet 2014. Des améliorations sont encore possibles afin de s’assurer que les contrats de partage de production, ainsi que les licences d’exploration sont divulgués sans restriction aucune, y compris les éléments relatifs à l a propriété réelle. 7- Résolution des conflits frontaliers : il est dans l’intérêt de la République démocratique du Congo de s’investir dans la résolution des conflits avec ses voisins avant de commencer l’exploration pétrolière. 8- Intégration régionale : compte tenu du potentiel des réserves pétrolières dans l’Est, le gouvernement doit rechercher des solutions supplémentaires visant à faire transiter sa production pétrolière éventuelle par les pays voisins, à l’aide, notamment, de l’oléoduc Kenya-Ouganda. Il existe manifestement une place pour l’intégration régionale, ce qui peut devenir un facteur important d’incitation pour que les sociétés pétrolières exploitent ces ressources actuellement bloquées dans la région des Grands Lacs. 9- Garanties environnementales et sociales : il est nécessaire d’élaborer des procédures et directives claires en matière d’exploration pétrolière dans des zones sensibles, voire d’envisager un moratoire sur l’exploration dans les aires protégées. Une expansion réussie du secteur pétrolier dépend de la préservation des intérêts des populations locales et de l’assistance qui leur est accordée pour qu’elles tirent parti du développement de ce secteur. Des politiques et programmes à contenu local, tels que le programme de Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts, doivent être encouragés et promus. 161 Annexe K. Cadre de développement de la statistique en RDC Pilier 1 : Renforcer la capacité opérationnelle du Système statistique national Activités Produits Résultats Objectifs Les institutions de gouvernance du SSN sont Les produits statistiques sont répertoriés et mises en place attribués à des institutions spécifiques Le manuel des procédures opérationnelles pour la Les produits statistiques ont recours à la même Soutenir la réforme organisationnelle du Coordination améliorée production et la diffusion des statistiques de base classification internationale à travers le Système statistique national des activités statistiques existe Système statistique national (SSN) L’INS supervise le cadre méthodologique de Les organigrammes du SSN sont mis à jour tous les produits statistiques Le SSN téléverse les données sur le portail Un portail de données Web est développé Web Accès amélioré aux données du SSN Un système d’archivage électronique est mis en Améliorer les infrastructures et les Les données du SSN sont archivées place équipements Des infrastructures modernes en matière de collecte, traitement et analyse des données sont disponibles à l’INS Les conditions de travail de l’INS sont améliorées Les installations de l’INS sont rénovées et Rénovation des installations de l’INS Attirer, motiver et équipées retenir le personnel qualifié au sein de Développement des ressources humaines l’INS Des politiques et des lignes directrices relatives Les programmes de travail fondés sur les Soutenir le développement des politiques au recrutement, à la gestion des carrières, aux résultats et la gestion des carrières basée sur le de recrutement et de ressources humaines salaires, aux récompenses et à la mobilité rendement sont utilisés pour le personnel de professionnelle sont élaborées l’INS Les institutions locales offrent des diplômes Soutenir l’obtention de diplômes officiels Les programmes de formation statistique des officiels en statistiques, en économie par des Congolais dans les écoles institutions locales sont révisés appliquée, en démographie et en technologies nationales de statistique La proportion de de l’information personnel qualifié (issu des écoles locales et Davantage de Congolais obtiennent des internationales) du SSN Soutenir l’obtention de diplômes officiels La convention est signée avec une école diplômes officiels auprès d’institutions a atteint 40 % ou plus par des Congolais dans les écoles de statistique régionale et internationale pour former internationales en statistiques, en économie statistique régionales et internationales un plus grand nombre de Congolais appliquée, en démographie et en technologies de l’information 162 Un programme de stages est créé au sein du SSN Les connaissances sont transférées aux Soutenir les activités liées aux nouveaux et actuels connaissances et à l’apprentissage pour le Un programme de formation continue et Transfert de connaissances amélioré parmi le membres de personnel perfectionnement professionnel du thématique est conçu pour le personnel du SSN personnel du SSN au sein des personnel du SSN départements décentralisés et entre Un programme de mentorat technique est créé pour le nouveau personnel du SSN ces derniers Pilier 2 : Production, diffusion et utilisation des données Activités Produits Résultats Objectifs Assistance technique pour la révision et Les statistiques sont produites Le manuel de production de données est l’amélioration des méthodologies de selon des méthodologies développé production de données prédéfinies Mettre en place un programme d’enquêtes Le programme d’enquêtes continu est La collecte de données est moins continu élaboré et mis en œuvre onéreuse Assistance technique pour l’exploration de Le personnel du SSN est formé à l’analyse Les compétences du personnel de données, la production de comptes nationaux, des données et à la production des l’INS et de l’Observatoire la production d’indices de prix, ainsi que la statistiques économiques et congolais de la pauvreté et des La disponibilité et la mesure et l’analyse de la pauvreté socioéconomiques de base inégalités sont renforcées qualité des produits statistiques sont Les données sur l’agriculture, les améliorées Soutenir la production de données sur les entreprises, le secteur informel, le secteurs agricole, commercial, informel, Le niveau des activités commerce extérieur, les prix, la externe, prix et la surveillance de la pauvreté, économiques, ainsi que les consommation et le budget sont produits ainsi que les données administratives, résultats en matière d’inflation, périodiquement d’emploi, de croissance et de pauvreté sont mesurés avec Améliorer la disponibilité et la qualité des Les statistiques des administrations précision au niveau national et statistiques de gouvernance locale (PIB, prix, locales sont produites pour certaines dans certaines provinces pauvreté, éducation, santé, démographie, provinces foresterie, mines et pétroles) 163 Assistance technique en vue de l’amélioration Le nouveau site Web de l’INS est et de la maintenance du site Web et de la développé connectivité de l’INS Assistance technique pour la création d’un Le portail de données ouvertes est L’accès aux informations est L’accès aux données portail de données ouvert pour la diffusion de développé sur le site web de l’INS renforcé et facilité est amélioré produits statistiques Soutenir l’archivage des données et la mise en Les données produites par le SSN et les œuvre de l’initiative « Programme statistique métadonnées sont disponibles sur le site accéléré » (PSA) Web de l’INS Des activités de sensibilisation sur Les connaissances sur l’importance des statistiques sont l’importance et le rôle de la effectuées annuellement statistique sont renforcées Assistance technique/activités de soutien pour La quantité de produits du savoir Des formations et des contenus de promouvoir l’utilisation des données sur les questions de La sensibilisation et connaissances sont développés en développement économique la demande en collaboration avec des institutions et élaborés à partir des données du statistique sont chercheurs locaux, l’OCPI et le DEME en SSN et diffusés auprès d’un grand renforcées utilisant les données existantes du SSN public a augmenté. Les indicateurs socio- Soutenir la production et la diffusion des Des annuaires statistiques et des bulletins économiques du pays sont annuaires et bulletins statistiques. statistiques trimestriels sont produits régulièrement connus 164 Annexe L : Vers une élimination de l’extrême pauvreté d’ici à 2030 ? Figure 1. Simulation de l’évolution du taux de pauvreté (1,9 US $ par jour) Sources : calculs de la Banque mondiale 403. Nous simulons les tendances de l’extrême pauvreté en RDC de 2012 à 2030 129 avec le PIB par habitant actuel et prévu. Les projections ont été faites selon neuf scénarios comprenant des hypothèses sur la croissance du PIB par habitant, le coefficient de Gini, et le pass-through, qui reflète la façon dont les performances macroéconomiques se traduisent en améliorations concrètes des conditions de vie de la population. Pour tous ces scénarios, nous sommes partis du principe que les inégalités resteront modérées, avec un coefficient de Gini constant, de 0,35. Trois sets de trois hypothèses sont faits sur la base de la croissance par habitant, en admettant que les prévisions de croissance du PIB se maintiennent jusqu’à 2021. Le premier scénario part du principe que les schémas actuels de croissance du PIB par habitant continueront jusqu’en 2030. De 2021 à 2030, la croissance du PIB est estimée à l’aide d’une moyenne mobile sur trois ans du PIB par habitant des années précédentes. Le deuxième scénario part du principe que les résultats économiques resteront faibles de 2022 à 2030, avec une croissance du PIB par habitant constante, de 2,8 % par an. Le troisième scénario part du principe que les performances économiques s’amélioreront entre 2022 et 2030, avec une croissance par habitant constante, à deux chiffres, de 10 % chaque année. Trois variantes de chaque scénario ont été calculées en utilisant trois valeurs de pass-through : 0,27 ; 0,5 et 0,8. 129 Ravallion (2004) a démontré que l’équation suivante exprime la croissance du taux de pauvreté comme une fonction de la croissance du PIB par habitant et de l’indice d’inégalité de Gini. FGT0 représente le taux de pauvreté et GDPcap FGT 0 GDPcap 3 le PIB par habitant : FGT 0  9.3*(1 Gini) * GDPcap 165 404. La microsimulation suggère que, si la RDC conserve la même tendance, avec une inégalité modérée, et les mêmes schémas de croissance du PIB par habitant, un Congolais sur deux (soit environ 60 millions de Congolais) vivront toujours dans une extrême pauvreté en 2030. Selon des scénarii très optimistes, avec une croissance à deux chiffres constante et hautement inclusive, la RDC pourrait réduire son taux d’extrême pauvreté à 3,3 % d’ici à 2030. Le scénario plus réaliste montre qu’un Congolais sur trois vivra dans une situation d’extrême pauvreté en 2030. Scénario 1.1 : Maintien des tendances : Les schémas actuels de croissance du PIB par habitant se maintiennent et le pass-through est égal à l’actuelle élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance (0,27). Scénario 1.2 : Maintien des tendances : Les schémas actuels de croissance du PIB par habitant se maintiennent et le pass-through est le double de l’actuelle élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance (0,6). Scénario 1.3 : Maintien des tendances : Les schémas actuels de croissance du PIB par habitant se maintiennent et le pass-through est trois fois plus élevé que l’élasticité actuelle de la pauvreté par rapport à la croissance (0,8). Scénario 2.1 : Pas de chance : Les performances économiques restent faibles de 2022 à 2030, avec une croissance constante du PIB par habitant de 2,8 % par an, et le pass-through est égal à l’élasticité actuelle de la pauvreté par rapport à la croissance (0,27). Scénario 2.2 : Pas de chance : Les performances économiques restent faibles de 2022 à 2030, avec une croissance constante du PIB par habitant de 2,8 % par an, et le pass-through le double de l’élasticité actuelle de la pauvreté par rapport à la croissance (0,6). Scénario 2.3 : Pas de chance : Les performances économiques restent faibles de 2022 à 2030, avec une croissance constante du PIB par habitant de 2,8 % par an, et le pass-through est le triple de l’élasticité actuelle de la pauvreté par rapport à la croissance (0,8). Scénario 3.1 : Scénario optimiste : Les performances économiques s’améliorent de 2022 à 2030 avec une croissance du PIB par habitant constante, de 10 % par an, et le pass-through est égal à l’élasticité actuelle de la pauvreté par rapport à la croissance (0,27). Scénario 3.2 : Scénario optimiste : Les performances économiques s’améliorent de 2022 à 2030 avec une croissance du PIB par habitant constante, de 10 % par an, et le pass-through est le double de l’élasticité actuelle de la pauvreté par rapport à la croissance (0,6). Scénario 3.3 : Scénario optimiste : Les performances économiques s’améliorent de 2022 à 2030 avec une croissance du PIB par habitant constante, de 10 % par an, et le pass-through est trois fois plus élevé que l’élasticité actuelle de la pauvreté par rapport à la croissance (0,8). 166 Bibliographie Acemoglu, Daron and Robinson, James. 2012. “Why Nations Fail.” Crown Business. Africa Progress Panel. 2013. Africa Progress Report 2013: Equity in Extractives Stewarding Africa’s natural resources for all. Genève : Africa Progress Panel. Agénor, Pierre-Richard et Pereira da Silva, Luiz A. 2013. Inflation Targeting and Financial Stability. A Perspective from the Developing World. 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