27149 Vers un développement piloté par les pays Une évaluation par plusieurs partenaires du Cadre de développement intégré Conclusions de six études de cas nationales BOLIVIE BURKINA FASO GHANA ROUMANIE OUGANDA VIET NAM 27149 27149 Vers un développement piloté par les pays Une évaluation par plusieurs partenaires du Cadre de développement intégré Conclusions de six études de cas nationales BOLIVIE BURKINA FASO GHANA ROUMANIE OUGANDA VIET NAM 27149 Copyright © 2004 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/ Banque mondiale 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433, États-Unis d'Amérique Téléphone : (202) 473 1000 Site web : www.worldbank.org Courriel : feedback@worldbank.org Tous droits réservés. 1 2 3 4 07 06 05 04 Les constatations, interprétations et conclusions présentées dans ce document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues des organisations ou des institutions qu'ils représentent ni celles des Administrateurs de la Banque mondiale ou des pays qu'ils représentent. La Banque ne peut garantir l'exactitude des données présentées dans ce document. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent document n'impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d'un territoire quelconque et ne signifient nullement qu'elle reconnaît ou accepte ces frontières. Droits et licences Le contenu de cette publication fait l'objet d'un dépôt légal. 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ISBN: 0-8213-5845-6 e-ISBN: 0-8213-5846-4 Une demande a été soumise à la Bibliothèque du Congrès des États-Unis en vue de cataloguer cette publication. Table des matières iii Équipes d'évaluation vii Abréviations et acronymes ix 1. Introduction 1 L'évaluation du CDI dans le contexte général du développement 1 Objectif de l'ouvrage 1 Pays retenus pour les études de cas 2 Méthode de travail 2 Principaux enseignements des études de cas 2 Les principes du CDI -- Définitions pratiques 3 2. Bolivie 7 Méthode de travail 7 La Bolivie et le CDI : un verre à moitié vide -- ou à moitié plein 7 Spécificités du pays 7 Schéma de développement global axé sur le long terme 10 Prise en charge par le pays 13 Partenariat piloté par le pays 15 Priorité aux résultats 19 Problèmes de fond 20 3. Burkina Faso 23 Méthode de travail 23 Le développement du Burkina Faso : un bilan élogieux -- 23 et d'énormes difficultés Schéma de développement global axé sur le long terme 28 Prise en charge par le pays 29 Partenariat piloté par le pays 31 Priorité aux résultats 33 Perspectives 36 4. Ghana 39 Méthode de travail 39 Contexte 39 Schéma de développement global axé sur le long terme 43 Prise en charge par le pays 44 Partenariat piloté par le pays 46 Priorité aux résultats 48 Conclusions 50 iv 5. Roumanie 53 Méthode de travail 53 La Roumanie : une transition longue et mouvementée 53 Schéma de développement global axé sur le long terme 55 Prise en charge par le pays 57 Partenariat piloté par le pays 61 Priorité aux résultats 62 Interactions entre les principes du CDI 64 Proposition 65 6. Ouganda 67 Méthode de travail 67 Un pays qui renaît de ses cendres 68 Schéma de développement global axé sur le long terme 70 Prise en charge par le pays 71 Partenariat piloté par le pays 74 Priorité aux résultats 78 Succession et renforcement mutuel des principes du CDI 79 Appui budgétaire, qualité de l'aide et garantie fiduciaire 79 7. Viet Nam 81 Méthode de travail 81 Le Viet Nam et le CDI : des progrès, mais beaucoup reste à faire 81 Schéma de développement global axé sur le long terme 83 Prise en charge par le pays 85 Partenariat piloté par le pays 86 Priorité aux résultats 90 Tensions 91 Annexe : méthode d'évaluation 95 Notes 99 Encadrés Encadré 2.1 : La Bolivie en bref 8 Encadré 2.2 : La réforme du service des douanes : le Gouvernement 14 a pris des mesures rigoureuses appuyées par des accords internationaux Encadré 2.3 : Bilan du « panier de financements » du Bureau du médiateur : 16 des efforts payants grâce aux moyens mis en oeuvre et une bonne dose de patience Encadré 2.4 : La Banque mondiale et la « Planète Bolivie » 18 Encadré 3.1 : Le Burkina Faso en bref 25 Encadré 3.2 : Un conseil des bailleurs de fonds à la Banque mondiale : 33 « il est bon de se remettre en cause » Encadré 3.3 : Évaluer les possibilités d'atteindre les objectifs de 35 développement pour le Millénaire Encadré 4.1 : Le Ghana en bref 40 Encadré 4.2 : La première approche d'envergure sectorielle pour la santé 45 v Encadré 4.3 : Un pays doté d'un potentiel incontestable 49 Encadré 5.1 : La Roumanie en bref 55 Encadré 5.2 : Une vision commune pour la Roumanie -- les consultations 57 sur le CDI de 1999 Encadré 5.3 : La stratégie de développement de la vallée de Jiu : 59 un modèle d'application du CDI à l'échelle régionale Encadré 6.1 : L'Ouganda en bref 70 Encadré 6.2 : L'examen sectoriel conjoint : un instrument essentiel 75 Encadré 6.3 : Suivi local des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté 77 Encadré 7.1 : Le Viet Nam en bref 82 Encadré 7.2 : Les ODM : une marque de prise en charge 85 Encadré 7.3 : Utilité du Groupe de travail sur la pauvreté 87 Encadré 7.4 : Le Groupe consultatif : un microcosme du CDI 88 Équipes d'évaluation vii Équipe chargée Équipe chargée Équipe chargée de la Bolivie du Ghana de la Roumanie Nils Boesen Nils Boesen John Eriksson Laura Kullenberg Anthony Killick B. Lynn Salinger Jose Antonio Peres A. Laura Kullenberg Dumitru Sandu Juan Carlos Requena Mirafe Marcos Abena Oduro Équipe chargée Équipe chargée du Viet Nam du Burkina Faso Équipe chargée Alf Morten Jerve de l'Ouganda Dominique Lallement Laura Kullenberg Kyran O'Sullivan John Eriksson Ray Mallon Patrick Plane Mirafe Marcos Keiko Nishino Kimseyinga Savadogo David Pedley Han Manh Tien Della McMillan Rosern Rwampororo Équipe de rédaction Laura Kullenberg Linda Peterson Julia Ooro Yezena Yimer Abréviations et acronymes ix ACDI Agence canadienne de développe- IDA Association internationale de ment international développement ASDI Autorité suédoise de coopération JBIC Banque japonaise pour la coopéra- internationale au développement tion internationale BAsD Banque asiatique de développement LIPDHD Lettre d'intention de politique de BEAP Plan d'action sur l'environnement développement humain durable des affaires (Roumanie) (Burkina Faso) BERD Banque européenne pour la recons- MFPED Ministère des Finances, de la planifi- truction et le développement cation et du développement économique (Ouganda) BPRS Stratégie pour la réduction de la pau- vreté en Bolivie (Bolivie) NDC Congrès national démocratique (Ghana) CDI Cadre de développement intégré CSLP Cadre stratégique de lutte contre la NDPC Commission de planification du pauvreté (Burkina Faso) développement national (Ghana) Danida Agence danoise de développement Norad Agence norvégienne de coopération international (Danemark) pour le développement DFID Ministère britannique du NPP Nouveau parti patriotique (Ghana) Développement international ODM Objectifs de développement pour le (Royaume-Uni) Millénaire DSRP Document de stratégie pour la réduc- OED Département de l'évaluation des tion de la pauvreté opérations (Banque mondiale) ESMAP Programme d'assistance à la gestion OMS Organisation mondiale de la santé du secteur énergétique (Banque mondiale) ONG Organisation non gouvernementale FAO Organisation des Nations Unies pour ONU Organisation des Nations Unies l'alimentation et l'agriculture OTAN Organisation du Traité de FMI Fonds monétaire international l'Atlantique Nord GPRS Stratégie ghanéenne de lutte contre PAF Fonds d'action contre la pauvreté la pauvreté (Ghana) (Ouganda) GTZ Deutsche Gesellschaft fur PEAP Plan d'action pour l'élimination de Technische Zusammenarbeit la pauvreté (Ouganda) x PEP Programme économique de préadhé- RNB Revenu national brut sion (Roumanie) SEMT Stratégie économique à moyen terme PIB Produit intérieur brut (Roumanie) PMES Stratégie nationale de suivi et d'éva- SGRPC Stratégie globale de réduction de la luation de la pauvreté (Burkina pauvreté et de croissance (Viet Nam) Faso) SWAp Approche d'envergure sectorielle PNDC Conseil provisoire de défense UE Union européenne nationale (Ghana) UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'en- PNGT Programme national de gestion des fance terroirs (Burkina Faso) USAID Agence des États-Unis pour le PNUD Programme des Nations Unies pour développement international le développement VIH Virus de l'immunodéficience PPTE Pays pauvres très endettés humaine PRSC Crédit à l'appui de la réduction de la pauvreté Introduction 1 L'évaluation du CDI À la fin de 1999, le Comité pour l'efficacité du développement du Conseil des Administrateurs de dans le contexte général la Banque a demandé au Département de l'évalua- du développement tion des opérations (OED) d'évaluer la manière dont le CDI était mis en oeuvre. Les différentes Au début de 1999, le président de la Banque mon- parties prenantes -- représentant les pays dona- diale, James Wolfensohn, a annoncé l'adoption du teurs et bénéficiaires, les organismes multilatéraux Cadre de développement intégré (CDI), qui défi- et des organisations de la société civile et du sec- nit la manière dont la Banque mondiale doit tra- teur privé -- ont conçu et financé cette évalua- vailler avec les pays bénéficiaires et les autres tion, qui a duré deux ans et demi. Un comité partenaires de développement. Ce Cadre repose directeur composé de trente membres et un groupe sur deux idées-force : premièrement, la lutte de gestion de cinq membres ont supervisé ces tra- contre la pauvreté doit être l'objectif fondamental vaux et en ont avalisé les conclusions. Les princi- de l'aide internationale et, deuxièmement, l'effi- paux éléments d'appréciation de l'évaluation ont cacité de l'aide est fonction non seulement de son été recueillis dans les six pays retenus pour faire contenu, mais aussi et surtout de la façon dont elle l'objet d'études de cas approfondies, c'est-à-dire la est fournie. Bolivie, le Burkina Faso, le Ghana, l'Ouganda, la Roumanie et le Viet Nam. Le CDI s'articule autour de quatre principes, qui visent à remédier aux carences de l'aide au déve- loppement et qui constituent des moyens de Objectif de l'ouvrage l'améliorer. Le CDI préconise de replacer l'action en faveur du développement dans une optique Globalement, les six études de cas constituent globale des besoins des pays à long terme et de l'axer une source d'informations d'une richesse excep- sur les résultats et non pas sur les moyens mis en tionnelle sur les forces qui animent les activités oeuvre. Toute aide doit reposer sur des stratégies d'aide au niveau local et la réalité à laquelle ayant l'adhésion des pays et des relations de partena- sont confrontés les pays qui tentent d'adopter riat entre tous les acteurs du développement, menées résolument les principes du CDI. Pour faciliter par les pays. Pris individuellement, ces quatre prin- l'accès à la documentation recueillie (le texte cipes n'ont rien de nouveau. L'aspect novateur de intégral de chacune des études de cas fait plus l'action de la Banque mondiale a été de les ras- de 70 pages), l'OED a résumé chacune d'entre sembler dans un cadre uniforme et de les promou- elles en 15 pages environ, et les a rassemblées voir résolument sur l'échiquier international. En dans le présent ouvrage, dont l'objectif est de ce sens, cette action est importante -- et réelle- compléter le principal rapport de synthèse de ment novatrice pour la Banque mondiale. l'évaluation du CDI, intitulé Toward Country- 2 Led Development: A Multi-Partner Evaluation of les progrès, ou au contraire qui les ont freinés, et the Comprehensive Development Framework. Le leur impact sur les comportements et les réalisa- présent ouvrage peut également être utilisé tions. À partir des éléments dont elles disposaient indépendamment du rapport, afin d'éclairer la déjà, les équipes ont dégagé les changements inter- réflexion sur l'aide au développement dans l'un venus dans les comportements, les processus et les quelconque des pays qui ont fait l'objet d'une coûts de transaction et ont mis en évidence les pro- étude de cas, ou pour confronter les expériences blèmes et les risques qui commencent à apparaître. dans différents pays. On trouvera sur le site web Des enquêtes sur les relations entre équipes gouver- de l'OED le rapport de synthèse de l'évaluation nementales et bailleurs de fonds, ciblées sur le coût du CDI et le texte intégral des études de cas des activités, ont été réalisées dans cinq des six pays (www.worldbank.org/evaluation/cdf). étudiés. Dans chacun de ces pays, on a demandé à un petit groupe de conseillers appartenant à diffé- rentes catégories de parties prenantes de jouer le Pays retenus rôle de groupe de référence national. Leur tâche était d'orienter le processus d'évaluation et de pour les études de cas donner leur avis sur les choix conceptuels et les observations préliminaires. Chaque mission s'est L'évaluation du CDI avait pour principal objectif achevée par un atelier qui a donné l'occasion aux d'examiner comment la situation avait évolué parties prenantes de chaque pays de donner leur depuis l'adoption du Cadre. L'attention s'est donc avis sur les conclusions des travaux avant qu'un portée en priorité sur les pays dans lesquels le CDI avant-projet ne soit présenté à un auditoire inter- avait été mis en oeuvre à titre pilote, et où il avait national en vue d'obtenir des informations en le plus avancé (en partant du principe que ce sont retour. On trouvera des détails complémentaires sur eux qui pouvaient apporter le plus d'enseigne- le choix des pays et la méthode de travail en ments). Le choix des pays a également été guidé annexe à cet ouvrage. par le souci de représenter les différentes régions de la planète. Enfin, un pays qui ne faisait pas partie du groupe de pays pilotes (le Burkina Faso) a été sélectionné pour servir de référence. Principaux enseignements des études de cas Méthode de travail Les données que les études de cas ont permises de recueillir révèlent que des progrès ont été accom- Des équipes pluridisciplinaires composées de spé- plis dans la mise en oeuvre des principes du CDI, cialistes internationaux et nationaux ont passé plu- en particulier dans les pays qui appliquaient déjà sieurs semaines dans chaque pays. Elles ont recueilli au moins un de ses principes depuis un certain des données à l'aide de plusieurs méthodes, notam- nombre d'années. ment des études documentaires, des réunions de groupes de réflexion, des entretiens structurés et des Ces progrès sont néanmoins inégaux et fragiles. visites sur le terrain dans plusieurs régions et dis- Cela n'est pas surprenant, puisque le processus tricts. Chaque équipe a étudié dans quelle mesure de changement est encore récent et que la mise les principes du CDI (et autres principes apparen- en oeuvre des principes suppose une modifica- tés) ont été appliqués, les facteurs qui ont favorisé tion de comportements et de pratiques institu- tionnelles profondément enracinés, tant chez les Il est essentiel que, de leur côté, les pays bénéfi- 3 bailleurs de fonds que chez les pays bénéficiaires, ciaires prennent des mesures de contrepartie pour qui n'est ni aisée, ni rapide à réaliser. notamment : L'évaluation aboutit à la conclusion que le CDI ne permettra de mettre un terme aux pratiques confier la responsabilité de la gestion de l'aide à inefficaces qui existent actuellement dans le un niveau élevé des instances gouvernemen- domaine de l'aide que si tous les acteurs du déve- tales et doter ces dernières des pouvoirs et des loppement manifestent une volonté politique moyens nécessaires pour exercer leur autorité sans relâche à cet effet. Certains constats se sur les différents ministères de tutelle ; dégagent de toutes les études de cas, qui font apparaître les changements qui devraient être en cas de besoin, donner la priorité à des réalisés sans attendre dans plusieurs domaines. réformes fondamentales du secteur public afin de créer un climat propice à l'application des principes du CDI ; Bien que certains progrès aient été réalisés, en par- ticulier en matière d'alignement des stratégies, il faire en sorte que les efforts déployés par les reste encore beaucoup à faire pour que les bailleurs bailleurs de fonds pour consulter les différentes de fonds harmonisent leurs politiques, leurs procé- catégories de parties prenantes de chaque pays dures et leurs pratiques entre eux et avec les pays soient généralisés et transparents (et non pas partenaires. En définitive, pour harmoniser des ponctuels et sélectifs), et qu'ils soient pilotés actions qui sont aujourd'hui parcellaires, une par le gouvernement ; impulsion vigoureuse au niveau national sera aussi indispensable. si l'harmonisation suppose que l'on adopte les procédures des pays bénéficiaires, il importe que Les bailleurs de fonds doivent être disposés à modi- celles-ci soient pertinentes et comptent au fier leurs procédures internes et leur culture de nombre des bonnes pratiques agréées au plan façon à encourager des initiatives nationales et à international ; y être plus réceptifs. À cet effet, ils devront notamment : s'assurer de la solidité de leurs systèmes de gestion financière pour pouvoir bénéficier d'un accroître la responsabilité et l'étendue des soutien budgétaire, et donc de la réduction des pouvoirs de leurs bureaux extérieurs ; coûts de transaction associés à l'acheminement de l'aide. poursuivre les réformes institutionnelles afin que toutes les parties prenantes abandonnent une culture de décaissement et adoptent une Les principes du CDI -- culture axée sur l'apprentissage et les résultats ; Définitions pratiques mettre en place de nouveaux systèmes incitatifs qui récompensent les réalisations plutôt que Les définitions pratiques suivantes sont tirées du l'aptitude à dépenser des fonds ; discours prononcé par le président Wolfensohn le 19 janvier 1999, dans lequel il annonçait le prendre des engagements à plus longue lancement du CDI, et des documents publiés par échéance et améliorer la prévisibilité et la fiabi- la suite par le Secrétariat du CDI . Faute de lité des financements des bailleurs de fonds. place, ces définitions sont présentées ici, pour 4 mémoire, et ne sont pas répétées pour chaque sion intellectuelle des principaux respon- étude de cas. sables de l'action publique. Des liens étroits doivent aussi être tissés avec les institutions. Caractère global du programme de développe- ment à long terme Établissement d'un partenariat ayant le pays 1. Définition d'une vision sur 15 à 20 ans fai- pour élément moteur sant intervenir des objectifs de développe- 1. Maîtrise par le gouvernement de la gestion ment vérifiables : et de la coordination de l'action des parte- a. qui tiennent compte des grandes aspira- naires de développement et des moyens dis- tions de la population ; ponibles au titre de l'aide, notamment par : b. qui sont conformes aux objectifs de a. la mise en place de groupes consultatifs, développement pour le Millénaire et de tables rondes sur l'aide et d'autres sont axés sur la réalisation de la mission mécanismes de coordination ; fondamentale de réduction durable de b. la réalisation de travaux d'analyse et de la pauvreté. diagnostic ; c. l'établissement d'une correspondance entre l'appui extérieur -- notamment 2. Formulation d'une stratégie cohérente à sous forme de prêts, de dons, de travaux moyen terme (trois à cinq ans) qui vise à d'analyse et de diagnostic et de renfor- promouvoir la réalisation des objectifs de cement des capacités -- et la stratégie développement et, en particulier, à répondre de développement du pays, d'une part, au besoin de : et les avantages comparatifs des a. traiter sur un pied d'égalité les ques- bailleurs de fonds, d'autre part ; tions macroéconomiques et finan- d. l'harmonisation des procédures et des cières ainsi que les problèmes pratiques des organismes de développe- structurels et sociaux ; ment ; b. définir les priorités face aux contraintes e. l'établissement d'une correspondance de capacité et à la rigueur budgétaire et entre les activités des partenaires au prendre des mesures concrètes assorties niveau interne (société civile, secteur d'un calendrier, en veillant à leur mise privé, administrations locales) et la en oeuvre progressive et à leur enchaî- stratégie de développement nationale. nement. 2. Instauration entre les États, les organismes Prise en charge par le pays de développement et les autres parties pre- 1. Identification des objectifs de développe- nantes de relations caractérisées par : ment et formulation des stratégies par les a. un respect mutuel, des consultations et pays, et non pas par les bailleurs de fonds. la transparence ; 2. Participation systématique d'un vaste éven- b. des responsabilités mutuelles et un tail de parties prenantes, notamment la examen de la performance des parte- société civile, le secteur privé, les adminis- naires ; trations locales et les parlements, sous l'im- c. un appui au renforcement de la capacité pulsion du gouvernement. Ce processus doit de gestion et de coordination du gou- bénéficier d'un appui durable des dirigeants vernement en fonction de la demande politiques à l'échelon le plus élevé et de l'adhé- de ce dernier. Priorité aux résultats comptes en termes de réalisations et d'objec- 5 1. Conception de programmes assortis de buts tifs, et non pas uniquement en termes de res- mesurables qui permettent d'atteindre les sources utilisées. objectifs du cadre de développement, et défi- 3. Création et habilitation des capacités à nition d'indicateurs intermédiaires des pro- générer, suivre et exploiter les informations grès accomplis vers la réalisation de ces obtenues sur les résultats afin d'atteindre les objectifs. objectifs plus efficacement et de responsabi- 2. Suivi et communication régulière des pro- liser les intervenants. grès accomplis et obligation de rendre des La Banque mondiale C H A P I T R E D E U X Bolivie 7 Méthode de travail LaBolivieetleCDI:unverre àmoitiévide-- ouàmoitié L'équipe chargée d'étudier la Bolivie était dirigée plein par Nils Boesen, consultant du bureau d'études Process & Change Consultancy, et comprenait Laura Kullenberg, du Département de l'évaluation Dans les années 90, les rapports entre le des opérations de la Banque mondiale, Jose Gouvernement bolivien et les organismes d'aide Antonio Peres et Juan Carlos Requena, consul- internationale ont connu des hauts et des bas. tants nationaux. Depuis quelques années, l'évolution de la planifi- cation et de la gestion de l'aide internationale est allée globalement dans le sens des principes du L'étude a été lancée en octobre 2001 par une CDI. De fait, entre 1997 et 1999, la Bolivie a mis mission préparatoire en Bolivie, suivie d'un tra- au point un cadre pour l'aide qui adoptait avant vail d'enquête sur le terrain du 21 janvier au l'heure les principes du CDI. L'aide internationale 11 février 2002, qui ont permis de recueillir la joue un rôle extrêmement important en Bolivie majeure partie des données requises par l'évalua- puisque la moitié des investissements publics sont tion. L'équipe a bénéficié du concours d'un réalisés grâce à elle. groupe de référence national dont les membres ont orienté le processus d'évaluation et donné des conseils durant la phase finale de rédaction Spécificités du pays du rapport. Les conclusions de l'étude reposent Vingt années de démocratie et 16 années de sur plusieurs sources d'information : des entre- réformes structurelles ont transformé la Bolivie. Ce tiens avec les responsables et certains employés pays, qui se caractérisait autrefois par son instabi- des administrations publiques, d'organismes lité et une forte présence militaire, a maintenant donateurs et d'organisations non gouvernemen- une économie de marché et ses indicateurs sociaux tales (ONG) ; des rapports et d'autres docu- se sont améliorés. Le bilan de la Bolivie en matière ments pertinents ; enfin les résultats d'une de réformes est particulièrement remarquable enquête auprès de personnes menant des actions compte tenu de la situation dans laquelle se trou- de développement. L'équipe a animé un certain vait le pays en 1984-1985 : un déficit budgétaire nombre de groupes de discussion. Ses conclu- qui représentait le quart du produit intérieur brut sions ont été présentées lors d'un atelier auquel (PIB), un taux d'inflation de 23,4 % et une crise de ont participé toutes les parties prenantes à l'issue la balance des paiements qui l'empêchait de res- du travail d'enquête sur le terrain. pecter ses obligations internationales. 8 En 1985, sous la direction du président Victor Paz C'est au début des années 90 que les réformes Estenssoro, la nouvelle équipe gouvernementale a sociales ont rapidement démarré, lorsque le gou- lancé une série de réformes économiques axées sur vernement a proposé d'adopter la stratégie sociale les principes de l'économie de marché, qui a donné bolivienne. Cette stratégie était fondamentale- les commandes au secteur privé. Parmi les mesures ment une approche intégrée de la lutte contre la prises à cette époque, on peut citer la libre fixation pauvreté. Elle ne se contentait pas d'augmenter les des salaires et des taux d'intérêts et une attitude dépenses publiques en matière de santé, d'éduca- plus ouverte à l'égard du commerce extérieur, favo- tion et d'assainissement, mais mettait en place des risé par un taux de change officiel unifié. Un mesures économiques qui visaient à accroître la contrôle plus strict des finances publiques a permis productivité et les recettes dans les secteurs les plus de limiter la pratique des dépenses financées par un pauvres du pays. déficit systématique. Les résultats ne se sont pas fait attendre : le déficit budgétaire du secteur En outre, la loi sur la Participation populaire a été public a été ramené à 2,7 % du PIB en 1986, et dès adoptée en 1994 afin de corriger le déséquilibre 1987, le taux de croissance économique, jusque là chronique des dépenses publiques en faveur des négatif, est passé à 2,5 %. Quant au taux d'infla- zones urbaines. En effet, depuis l'époque coloniale, tion, il a baissé de plus de moitié. la majeure partie des financements publics bénéfi- Encadré 2.1. La Bolivie en bref Revenu Losange du développement* PAUVRETÉ ET INDICATEURS SOCIAUX inter- Amérique médiaire, Espérance de vie latine et tranche Bolivie Caraïbes inférieure 2001 Taux brut Population, à mi-année (millions) 8,5 524 2 164 RNB de scolari- par RNB par habitant (méthode de l'Atlas, USD) 950 3 560 1 240 sation habitant primaire RNB (méthode de l'Atlas, USD milliards) 8,1 1 862 2 677 Accès à une meilleure source d'eau Estimations les plus récentes (dernière année disponible, 1995-01) Bolivie Pays à revenu intermédiaire, Pauvreté (% de la population en dessous du seuil 60 ­ ­ tranche inférieure national de pauvreté) Population urbaine (% de la population totale) 64 76 46 Espérance de vie à la naissance (années) 63 70 69 Mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 61 29 33 Malnutrition infantile (% d'enfants de moins de 5 ans) 7 9 11 Accès à une meilleure source d'eau (% de la population) 75 85 80 Analphabétisme (% de la population de plus de 15 ans) 14 11 15 Taux brut de scolarisation primaire (% de la population 98 130 107 d'âge scolaire) Garçons 99 131 107 Filles 96 128 107 ciait aux capitales administratives des départe- établis dans les régions rurales où 82 % des habi- 9 ments (qui sont les circonscriptions régionales du tants vivent en dessous du seuil de pauvreté. pays). Conjuguée à la loi sur la Décentralisation de L'incidence de la pauvreté, conjuguée à l'exclusion l'administration de 1995, la loi sur la Participation politique, constitue un mélange explosif : depuis populaire a permis de distribuer et de gérer les plusieurs années, l'absence de dialogue légitime ou recettes publiques sur une base plus équitable. d'unité de vues a donné lieu à des manifestations et de violents affrontements de rue. L'adoption en Les mesures de réforme se sont également appli- 1985 des principes de l'économie de marché a vu quées aux institutions boliviennes. Elles ont des organisations « fonctionnelles » traditionnelles notamment consisté à doter la Banque centrale telles que le Centre des travailleurs boliviens et des d'un pouvoir de surveillance sur les banques et organisations affiliées telles que la Fédération des d'autres organismes financiers (notamment les syndicats des mineurs perdre dans une large mesure organismes de retraite, les sociétés de placement et leur capacité à dialoguer et à représenter leurs les compagnies d'assurance) et ont porté un coup adhérents face à l'appareil politique. De nouveaux d'arrêt aux monopoles. systèmes de représentation -- des organisations régionales et autochtones par exemple -- ont Le rôle de l'aide internationale certes vu le jour, mais ils n'ont pas encore comblé L'aide internationale a joué un rôle extrêmement le vide laissé par leurs prédécesseurs. important dans le processus de réformes structu- relles en Bolivie. Entre 1990 et 2001, elle a repré- Dans le domaine de la santé, les services fournis senté en moyenne légèrement plus de 9 % du PIB. dans le cadre du régime d'assurance maladie de base du pays se sont améliorés (en ce qui concerne Des problèmes tenaces la santé maternelle et infantile par exemple), mais Malgré des progrès sensibles, la Bolivie continue de le manque de personnel compromet la qualité des faire face à des problèmes sur tous les fronts (éco- soins dans les régions rurales. Dans le secteur de nomique, social et institutionnel). Le taux de l'éducation, bien que le taux d'analphabétisme ait croissance économique est resté faible, puisqu'il été ramené de 20 % en 1992 à 15 % en 1999, la s'est établi à 3,1 % en moyenne entre 1986 et qualité globale de l'enseignement reste assez 2001. Rapportée au nombre d'habitants, cette médiocre, si l'on en juge par plusieurs critères. croissance n'a pas été suffisante pour faire reculer Ainsi, il faut en moyenne sept ans pour que les sensiblement la pauvreté : à la fin des années 90, la élèves achèvent leur cinquième année d'études, et Bolivie, où l'incidence de la pauvreté atteignait moins d'un tiers des élèves des régions rurales par- 63 %, était toujours l'un des pays les plus pauvres viennent à la fin de la huitième année. des Amériques, n'étant dépassé à cet égard que par le Honduras. Dans les régions rurales, l'incidence Les progrès réalisés en matière de renforcement de la pauvreté était de 82 %. des capacités institutionnelles sont freinés par l'écart marqué entre la façon dont les lois et la Les Boliviens interrogés pour cette évaluation ont réglementation définissent officiellement le évoqué une crise de la représentation politique, fonctionnement des institutions publiques et la une partie importante de la population étant façon dont ces institutions fonctionnent en réa- exclue de la vie politique et marginalisée sur le lité. Le népotisme règne et la fragmentation du plan économique. C'est le cas en particulier des système politique entraîne la formation de gou- groupes autochtones qui constituent près de vernements de coalition au sein desquels les 60 % de la population, et qui sont généralement partis forgent des accords pour se partager les 10 faveurs de l'État. La corruption -- l'usage abusif que la Banque mondiale ne les définisse en 1999. du pouvoir conféré par une fonction officielle à Le gouvernement arrivé au pouvoir en 1997 avait des fins privées -- est un problème omniprésent préparé le terrain en engageant un dialogue natio- en Bolivie. Ce pays a en effet été noté 2,2 sur nal destiné à expliquer son programme de réformes une échelle allant de 10 (extrêmement intègre) intérieures axé sur l'opportunité, le développement à 0 (extrêmement corrompu) à partir de laquelle institutionnel, l'équité et la dignité afin d'obtenir Transparency International a établi l'indice de l'appui de la population. Le gouvernement a égale- perception de la corruption de 2002. Cette note ment fait appel aux bailleurs de fonds internatio- traduit les perceptions qu'ont les milieux d'af- naux et a invité les organismes à octroyer leur aide faires, les universitaires et les spécialistes de conformément à cette vision politique. l'analyse des risques du degré de corruption des fonctionnaires et des responsables politiques Cette action a permis de forger un partenariat boliviens. entre le gouvernement et les bailleurs de fonds, qui a été présenté au début de 1999 dans le Cadre de C'est dans un contexte dépeint par des indica- développement de relations nouvelles, en quelque teurs mitigés que les principes du CDI sont mis sorte un Cadre de développement intégré « fait en en oeuvre en Bolivie : d'une part des progrès éco- Bolivie ». Celle-ci ayant ainsi pris de l'avance dans nomiques, sociaux et institutionnels réels et, l'adoption des principes du CDI, il était naturel d'autre part, de graves tensions et des conflits. qu'elle soit choisie comme l'un des premiers pays La situation du pays est donc complexe : autant pilotes du CDI2. elle détermine la façon dont les principes du CDI sont appliqués, autant elle est elle-même le Bien que le Cadre de développement de relations résultat de l'application de ces principes. nouvelles établi pour l'aide internationale ait pré- paré le terrain pour le CDI, les initiatives lancées à Organisation du chapitre la fin des années 90 n'ont pas porté leurs fruits : Les quatre sections suivantes analysent le chemin l'optimisme et la confiance suscités par le dialogue parcouru par la Bolivie au regard de chacun des national et le partenariat entre le gouvernement et quatre principes du CDI : un schéma de dévelop- les bailleurs de fonds sont retombés, victimes de la pement global axé sur le long terme, la prise en perte d'influence des partisans des réformes au sein charge du processus par le pays, un partenariat du gouvernement et d'un système de clientélisme piloté par le pays et la priorité donnée aux résultats tenace ­ voire même, selon certains observateurs, (les principes du CDI sont exposés en détail dans d'une corruption généralisée. l'introduction de ce rapport). Chaque section pré- sente successivement les succès enregistrés et les Succès enregistrés difficultés à surmonter. Un nouveau projet de coopération entre le gou- vernement et les bailleurs de fonds a été lancé : la stratégie pour la réduction de la pauvreté en Schéma de développement Bolivie (BPRS) qui permet de disposer aujourd'hui d'une structure propice à la mise en oeuvre des global axé sur le long terme quatre principes du CDI. Dans une large mesure, la Bolivie avait adopté des La préparation d'un plan national de lutte contre principes qui s'apparentaient au CDI avant même la pauvreté est une condition nécessaire pour que la Bolivie puisse bénéficier d'une initiative pour assortis de résultats mesurables auxquels a sous- 11 l'allègement de la dette lancée par le FMI et la crit la communauté internationale des bailleurs Banque mondiale. (La Bolivie recevant un volume de fonds. important d'aide, tant sous forme de dons que de prêts, les obligations du pays en matière de balance La BPRS sert de mécanisme de transfert de fonds des paiements restent une question préoccupante). pour l'Initiative PPTE II. Certains aspects de l'af- Ce programme, qui constitue le deuxième volet de fectation des fonds sont originaux, et sont décrits l'Initiative PPTE, dit Initiative PPTE II, propose dans la loi sur le Dialogue. Cette loi, qui a pour un compromis aux pays en développement forte- objet de garantir le maintien du dialogue, impose ment endettés : leur dette est réaménagée si le pays une mise à jour de la BPRS tous les trois ans. Ses s'engage à consacrer les économies budgétaires dispositions visent, notamment, à : ainsi réalisées à lutter contre la pauvreté. Chaque année, l'Initiative PPTE II permet ainsi à la augmenter notablement les ressources transfé- Bolivie de bénéficier d'un allègement de plus de rées directement au niveau local ; 100 millions de dollars de sa dette. confier aux municipalités la détermination de La BPRS a été mise au point à l'issue d'un dialogue l'utilisation des ressources en fonction de la national avec des représentants des municipalités demande locale ; du pays (circonscriptions qui regroupent à la fois des zones urbaines et des zones rurales). Son objec- affecter une partie des fonds à la génération de tif fondamental est de lutter contre la pauvreté par recettes au niveau local ; le biais de politiques économiques et sociales qui rentrent dans quatre catégories étroitement liées : dissuader les municipalités d'obtenir des fonds supplémentaires auprès de « parrains » -- au accroissement des possibilités d'emploi et de généra- niveau local ou international -- pour complé- tion de revenus par un appui à la capacité de pro- ter les transferts obtenus grâce à la BPRS. duction ; Le budget de la Bolivie pour 2002 reflète les prio- renforcement des capacités par l'amélioration de rités de la BPRS. Les dépenses inscrites au budget l'enseignement primaire, des soins de santé pré- dans le cadre de la BPRS, qui représentaient ventifs et du logement ; 21 % du PIB en 2001, ont été portées à près de 24 % du PIB en 2002. Entre 2001 et 2006, la mise amélioration de la sécurité pour les groupes de en oeuvre de la BPRS coûtera 7,3 milliards de dol- population à faible revenu, notamment les per- lars. Cette somme devrait être obtenue grâce à des sonnes âgées et les enfants ; accords avec des partenaires au titre de l'aide internationale. accroissement de l'intégration sociale et de la par- ticipation des groupes marginalisés. La Bolivie a lancé d'autres programmes de réforme de portée très vaste, notamment pour résoudre des La BPRS contient une série d'indicateurs qui problèmes dans le domaine de l'éducation, du sys- servent à mesurer les résultats obtenus, et com- tème juridique et de la propriété foncière. Ces mence par fixer des objectifs à trois ans. Ses réformes s'attaquent toutes à des intérêts profon- objectifs à long terme sont les mêmes que les dément ancrés aux niveaux national et local et objectifs de développement pour le Millénaire, suscitent donc des débats houleux, voire des large gamme d'objectifs de développement conflits. 12 Difficultés à surmonter La BPRS table en effet sur une croissance de Il ne fait aucun doute que la Bolivie dispose de 5 % par an, alors que ce taux s'est établi à 3,1 % en compétences solides qui lui permettent de formuler moyenne entre 1986 et 2001. Selon les estima- des plans stratégiques à long terme de grande tions, la croissance devait rester aux alentours de envergure et de convaincre ses partenaires interna- 3 % en 2002, mais ce taux est aujourd'hui jugé trop tionaux d'y souscrire. Cependant, sa capacité à optimiste compte tenu des répercussions des pro- mettre en oeuvre ces plans est parfois insuffisante. blèmes économiques de l'Argentine. Le passage de la planification à la mise en oeuvre laisse souvent à désirer, pour un certain nombre de Enfin, il est indispensable de se demander, aux fins raisons. Plusieurs sont liées au processus budgétaire de la mise en oeuvre de la vision de développement de l'État. Il peut arriver que des fonds inscrits au de la Bolivie telle qu'elle est exprimée dans la budget ne soient pas débloqués pour des raisons BPRS, si une stratégie de développement peut être économiques plus importantes, ou par manque de poursuivie de façon systématique à terme dans discipline budgétaire de l'agence compétente. En une société démocratique, puisque les priorités outre, la comptabilité est peu fiable, n'est pas à changent chaque fois que de nouveaux dirigeants jour, et les mauvaises performances ne sont pas sont élus. Ainsi, bien que le président Jorge sanctionnées. Quiroga ait beaucoup oeuvré en faveur de la BPRS et du CDI alors qu'il occupait le poste de vice-pré- La mise en oeuvre de la BPRS se heurte à un autre sident, lorsqu'il a remplacé le président sortant qui écueil : le décalage entre les efforts que les collec- a quitté le pouvoir pour des raisons de santé, le tivités locales sont censées déployer et leurs capa- plan stratégique national qu'il a alors élaboré n'a cités réelles. Des actions sporadiques ont certes été pas intégré des éléments fondamentaux de la stra- engagées pour renforcer les capacités au niveau tégie ou du cadre de développement. local, mais il reste encore beaucoup à faire avant que les municipalités ne soient en mesure d'utiliser Certaines personnes interrogées ont fait valoir efficacement les fonds qu'elles reçoivent en appli- qu'en réalité, les pressions en faveur de l'adop- cation des mesures de décentralisation. tion d'un dessein national (tel qu'exprimé dans la BPRS) qui recueille une vaste adhésion des En outre, les partis d'opposition, les organisations partis et de la société pourraient bien être de la société civile et les partenaires internatio- incompatibles avec les caractéristiques fonda- naux reprochent à la BPRS de ne pas s'attaquer à mentales d'une démocratie pluraliste, à savoir de vastes problèmes structurels qui sont partielle- l'existence de groupes dont les valeurs et les ment responsables de la pauvreté. Ils évoquent par intérêts divergents créent des visions et des exemple la nécessité de se pencher sur la redistri- plans qui se font concurrence. bution des terres, la participation politique des populations autochtones, le problème des produc- Dans une démocratie, les gouvernements qui se teurs de coca et l'augmentation des recettes fis- succèdent ont le droit -- et même le devoir -- de cales, autant de questions qui, d'après eux, formuler et de reformuler leur philosophie, leur devraient s'ajouter aux objectifs prioritaires de la stratégie et leur politique. Le meilleur moyen de BPRS, actuellement axés sur l'amélioration des rester fidèle à la philosophie globale à long terme services d'éducation, de santé et d'assainissement. du CDI est de considérer qu'elle est définie non pas dans un document unique, mais dans le cadre d'un Certains reprochent aux prévisions de croissance processus de construction et de reconstruction qui économique de la BPRS de manquer de réalisme. s'inscrit dans la durée. Prise en charge par le pays plutôt que par l'adoption de changements qui per- 13 mettraient au système démocratique de fonction- Les gouvernements qui se sont succédés à la tête ner plus efficacement ? du pays ont conçu et mené des réformes à long terme avant de lancer le CDI, et de nombreuses Une question connexe se greffe à celle-ci, à savoir réformes bien ancrées dans le pays ont reçu l'ap- une tendance à la technocratie que l'on observe pui des partenaires internationaux de la Bolivie. généralement dans les programmes de réforme de Plutôt qu'une prise en charge des réformes par le l'État (et des organismes internationaux égale- pays ou par les bailleurs de fonds à proprement ment), et qui vise à protéger certains secteurs de parler, on a plutôt assisté à une adhésion l'administration publique du système politique. mutuelle des deux parties en présence, qui s'ac- Des forces contradictoires s'opposent : à moins de compagne de responsabilités et d'une obligation prendre une position technocratique, il est parfois de rendre des comptes de part et d'autre. On peut difficile d'éviter que le système d'administration en conclure que le principe de prise en charge ne publique informel, où règne le népotisme, s'appro- doit pas être interprété comme un principe prie les réformes et en fasse un mauvais usage. À absolu et rigide qui définit avec précision le rôle l'inverse si le dialogue sur le développement est en que doivent jouer l'État et les organismes d'aide grande partie déconnecté de la réalité, il risque de internationale, mais plutôt comme la définition se transformer en un discours technocratique dont d'un mode de relations souples. l'intérêt sera limité. Succès enregistrés Les efforts que le gouvernement a déployés dans Le dialogue à l'issue duquel la BPRS a été élaborée le cadre de son entreprise de décentralisation a bénéficié de la participation de plus larges pans peuvent être considérés dans une optique qui de la société civile bolivienne que les projets pré- recouvre le principe de prise en charge par le pays. cédents de planification stratégique nationale. En Nous avons vu que le processus de décentralisa- outre, les préparatifs de la BPRS ont favorisé l'ins- tion a été lancé en 1994 avec la loi sur la tauration d'un dialogue plus poussé entre les diffé- Participation populaire. Cette loi créait des rents ministères. « municipalités » qui regroupaient aussi bien des zones rurales que des zones urbaines, et disposait Comme nous l'avons vu, la BPRS a eu un autre que 20 % des fonds recueillis par le fisc et les effet positif, à savoir l'adoption de la loi sur le douanes seraient versés aux municipalités, en Dialogue, qui a permis de poursuivre le processus fonction de leur population. Les organismes d'adhésion. Cette loi a également institué le cadre bailleurs de fonds n'ont pas été consultés à l'oc- juridique d'un mécanisme de veille sociale par des casion de la rédaction de cette loi, mais ils ont organisations de la société civile, dont l'Église joué un rôle important dans son application pra- catholique a été le fer de lance. L'équipe d'évalua- tique : ils collaborent avec le gouvernement pour tion a néanmoins soulevé une question, sous forme suivre les progrès réalisés, et financent non seule- de mise en garde, à propos de la mise en place de ment une assistance technique mais aussi un dia- ce processus de contrôle qui vient s'ajouter au dis- logue permanent sur les mesures à prendre. À cet positif de surveillance que constitue une démocra- égard, les personnes interrogées dans le cadre de tie représentative : les carences apparentes du l'évaluation ont le sentiment que là encore, le système politique se traduiront-elles par la mise en processus de réforme est pris en main à la fois par place d'autres mécanismes parallèles de ce type, le gouvernement et par les bailleurs de fonds. 14 D'autre part, des progrès ont été réalisés en ce sens création d'une instance de contrôle de la que le gouvernement a repris à son compte le sou- fonction publique ; hait, exprimé de longue date par les bailleurs de déclaration des fonds propres nets des fonds, que les fonctionnaires fassent preuve de plus fonctionnaires ; de professionnalisme. Par le passé, les progrès avaient été lents, et c'est seulement au sein d'orga- réduction du nombre d'employés émargeant au nismes chargés de la réglementation tels que la budget de la fonction publique ; Banque centrale et le Service des douanes que l'on augmentation des salaires ; avait observé une augmentation du professionna- lisme et une réduction de la politisation (encadré obligation pour les employés de faire de 2.2) -- et ce le plus souvent parce que c'était l'une nouveau acte de candidature ; des conditions de l'aide. Comme on peut s'y attendre, l'absence de progrès s'explique essentiel- efforts accrus, outre ceux déjà déployés au lement par la résistance qu'opposent les groupes sein des instances de réglementation -- par politiques et économiques qui défendent des le ministère de l'Agriculture, par exemple -- groupes d'intérêts importants. pour mettre en oeuvre des réformes. Pendant les douze mois du mandat du président Le programme de réformes institutionnelles a Jorge Quiroga (2001­2002), un programme de bénéficié d'un ferme soutien de la communauté réformes institutionnelles a néanmoins été mis en internationale des bailleurs de fonds, et notam- oeuvre. Il comprenait notamment les mesures ment de la Banque mondiale. suivantes : Encadré 2.2. La réforme du service des douanes : le Gouvernement a pris des mesures rigoureuses appuyées par des accords internationaux Avant l'adoption du programme de réformes à la fin des années 90, un fait surprenant attestait de l'ampleur de la corruption qui régnait dans le Service des douanes bolivien : les emplois y étaient très prisés, en dépit du fait que de nombreux employés ne recevaient aucun salaire. Plusieurs gouvernements avaient tenté de réformer et de moderniser cette institution, mais des pressions provenant de leurs propres partis politiques les avaient empêchés de prendre les décisions difficiles sans les- quelles toute véritable restructuration aurait été impossible. En définitive, c'est parce que le gouvernement voulait obtenir des ressources du Fonds monétaire international (FMI) qu'il a été amené à prendre des mesures : la réforme du Service des douanes était en effet l'une des conditions de l'aide. En 1998, le gouvernement a demandé au FMI de lui fournir une assistance technique aux fins de la réalisa- tion d'une étude visant à définir les mesures à prendre pour mettre en oeuvre une réforme. Après un long débat politique, une loi d'habilitation a été préparée et promulguée. L'un des éléments clés de la loi était de confier le pouvoir d'embaucher du personnel à une entreprise choisie par appel d'offres, et d'exclure le Service des douanes de ce processus. Ce programme de réformes a été couronné de succès : les problèmes que connaît aujourd'hui l'institution ne concernent plus que des questions propres à sa mission -- trouver, par exemple, des moyens de réduire la contrebande. Difficultés à surmonter durable et d'une mise en oeuvre efficace. Étant 15 Bien que la majorité des personnes interrogées donné qu'il n'existe aucun plan précis qui organise dans le cadre de l'évaluation du CDI aient insisté le processus de réforme ou qui définit le rôle exact sur le fait que le dialogue qui a abouti à la défini- des agences internationales, chaque initiative de tion de la BPRS a été plus vaste que celui qui a réforme doit être le fruit d'un processus d'élabora- permis de formuler les stratégies nationales précé- tion stratégique rigoureux. Il importe de trouver un dentes, elles se sont cependant accordées à dire que dosage habile entre le rôle prépondérant des pou- le soutien politique et social dont a bénéficié la voirs publics et des bailleurs de fonds et une parti- BPRS n'a pas été à la hauteur de leurs espoirs. cipation plus vaste des parties prenantes lorsqu'il y a lieu -- puis de « vendre » adroitement la vision L'une des explications, dont il est fait brièvement d'ensemble, ce qui constitue une tâche fort mention plus haut, est sans doute qu'il existe en complexe. réalité deux types de dialogue national en Bolivie. Le premier, qui porte sur la « lutte contre la pau- Les personnes interrogées évoquent la nécessité vreté », est généralement au coeur de l'action des que les organismes d'aide internationale com- organismes d'aide internationale et de leurs plans, prennent mieux les institutions et les processus procédures et processus. Le deuxième est un dia- politiques du pays afin d'avoir une action vérita- logue plus vaste inspiré par des questions structu- blement efficace -- en d'autres termes, qu'ils relles. Il est animé par l'Église catholique, le gagnent progressivement la confiance de l'État, des Bureau du médiateur récemment créé et organismes internationaux et des autres parties l'Assemblée permanente des droits de l'homme. prenantes en collaborant avec eux. C'est ce dialogue qui s'exprime dans les conflits sociaux, et notamment les violents affrontements de rue de ces dernières années. Les deux dialogues Partenariat piloté ont chacun des objectifs et des priorités qui leur par le pays sont propres et la grande difficulté consiste à éta- blir des liens entre eux. L'équipe d'évaluation a constaté que les rapports entre la Bolivie et ses partenaires internationaux Le processus participatif de la BPRS n'a pas abouti ont connu une nette amélioration au cours des à un accord social qui aurait pu avoir un effet sta- dix années passées. Plusieurs facteurs expliquent bilisateur et servir de passerelle. D'après les per- cette évolution : la participation accrue de l'État sonnes interrogées, il a eu au contraire plusieurs aux réunions du Groupe consultatif entre le gou- effets négatifs. Ainsi, en suscitant des attentes sur vernement et les bailleurs de fonds (facilitée par une grande échelle -- qui ne se sont pas concréti- la décision de tenir la réunion à La Paz au lieu de sées rapidement -- le dialogue national a aggravé Paris en 2001) ; le Cadre de développement de le scepticisme et a fait perdre sa crédibilité au gou- relations nouvelles (précurseur du CDI), qui a vernement. La première phase du dialogue a dû permis de coordonner plus étroitement les être interrompue en avril 2000, date à laquelle le travaux du gouvernement et des bailleurs de gouvernement a instauré l'état de siège pour répri- fonds ; et enfin l'abandon progressif par les orga- mer les mouvements sociaux. nismes internationaux d'opérations tradition- nelles isolées, motivées par les bailleurs de fonds L'expérience de la Bolivie confirme qu'en défini- et axées sur les projets, au profit d'approches tive, les mesures de réforme ne peuvent aboutir si d'envergure sectorielle, plus vastes, à l'appui elles ne s'accompagnent pas d'un soutien solide et d'objectifs nationaux. 16 Lors de sa réunion de 1999, le Groupe consultatif a de composer avec les contraintes financières de pris une décision importante qui a favorisé l'instau- chaque organisme bailleur de fonds. Le cas se pré- ration de partenariats sur l'initiative des pouvoirs sente par exemple lorsque plusieurs bailleurs de publics en créant un groupe de gestion de l'aide. Ce fonds financent un programme par l'intermédiaire groupe a chargé un représentant du gouvernement d'un donateur ou d'un canal commun, alors que et un représentant des bailleurs de fonds de partici- d'autres bailleurs de fonds qui doivent respecter des per aux réunions des groupes de travail du Groupe règles plus rigides fournissent leur appui directe- consultatif (les groupes de travail organisent leurs ment, le tout au sein d'un même programme et avec activités autour des quatre piliers du plan d'action des mécanismes de suivi communs (encadré 2.3). du gouvernement pour la période 1997-2002 : opportunité, équité, développement institutionnel Ce type de coordination entre bailleurs de fonds et dignité). Les relations durables qui se sont ins- permet d'exploiter de façon novatrice les avan- taurées grâce à ce processus ont servi de point de tages compétitifs de chaque bailleur de fonds -- en départ à la planification de la BPRS. Le fait que les faisant appel, par exemple, aux organismes dont le bailleurs de fonds aient toujours privilégié une fonctionnement est le plus souple et qui sont dotés vision plus vaste et aient fait appel à des méthodes d'un pouvoir de décision au niveau local pour four- de financement conjoint, notamment la mise en nir une assistance technique à court terme, et en commun des apports ou la constitution de « paniers utilisant les compétences des organismes dont les de financement », a contribué à la réussite de ce procédures sont plus rigides (dont le processus partenariat. La Bolivie fait preuve d'une souplesse d'approbation par leur siège est plus long) à un considérable dans le montage de ces dispositifs afin stade ultérieur des projets. Encadré 2.3. Bilan du « panier de financements » du Bureau du médiateur : des efforts payants grâce aux moyens mis en oeuvre et une bonne dose de patience Le Bureau du médiateur bolivien a été créé en vertu d'une loi en 1997, afin de mettre en place un système chargé de traiter les réclamations des citoyens contre les pouvoirs publics et de fournir des services notam- ment pour expliquer comment régler des différends par la médiation et la recherche de consensus. De nombreux organismes d'aide voulant prêter leur appui à ce Bureau, son financement a fait l'objet de négociations approfondies. Initialement, chaque organisme souhaitait décider lui-même du type d'aide qu'il allait fournir, et du bénéficiaire de l'aide, comme cela avait toujours été fait dans le cadre des projets. Un représentant d'un organisme a alors proposé de mettre les ressources en commun, afin d'adopter une approche plus globale, et de mettre en place des indicateurs de performance et un mécanisme de suivi, pro- position que les bailleurs de fonds ont acceptée. Bien qu'il ait fallu une année pour débattre des procédures de décaissement et obtenir l'approbation du financement regroupé auprès du siège de chaque organisme, en définitive, sept bailleurs de fonds bilatéraux et le Programme des Nations Unies pour le Développement sont parvenus à un accord sur ce concept. Le délai nécessaire pour mettre au point le mécanisme de mise en commun des financements a certes été long, et les coûts de transaction ont été initialement élevés, mais les organismes bailleurs de fonds, tout comme le Bureau du médiateur, s'accordent à dire que leurs efforts ont été payants car ils ont permis d'adopter une approche globale à long terme et de simplifier les procédures de décaissement. Des partenariats de ce type, soit entre des orga- La création d'un partenariat ayant le pays pour élé- 17 nismes bailleurs de fonds, soit entre ceux-ci et les ment moteur se heurte à une autre difficulté : le pouvoirs publics, ne peuvent se nouer sans que fait que généralement, les bailleurs de fonds parti- règne un minimum de confiance. À cet égard, la cipent à un niveau du dialogue national -- celui Bolivie a connu une évolution en dents de scie. où l'on se préoccupe de lutter contre la pauvreté en Alors que régnait un bon climat de confiance au améliorant des services tels que l'éducation et les milieu des années 90, en 1998, un changement soins de santé -- tout en évitant le deuxième des rapports de forces au sein du gouvernement niveau de dialogue -- celui qui aborde les ques- -- qui a paru s'accompagner d'une augmentation tions structurelles de la propriété foncière et de sensible de la corruption -- a ébranlé la l'exclusion des groupes autochtones, davantage confiance. Le président Quiroga l'a restaurée et il sujettes à controverse. Tant les pouvoirs publics incombe maintenant au gouvernement actuel, que les bailleurs de fonds font observer qu'en se sous la direction du président Gonzalo Sanchez cantonnant au premier niveau, qui est plus limité, de Lozada, d'établir son crédit auprès de la popu- les bailleurs de fonds risquent de se couper de la lation, comme doivent le faire toutes les adminis- réalité politique du pays. Selon eux, ces derniers trations qui arrivent au pouvoir. devraient peut-être élargir leur réseau de contacts pour englober les dirigeants des mouvements Il ne fait cependant aucun doute à long terme que sociaux, les parlementaires, les hommes politiques s'il fait fond sur les succès déjà enregistrés, le prin- des partis d'opposition et la police, afin de se faire cipe du partenariat du CDI offre d'excellentes une idée plus fidèle à la réalité des problèmes aux- perspectives de rendre encore plus efficace la quels le pays est confronté. coopération entre les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds. De surcroît, bien que de nombreux bailleurs de fonds affirment être prêts à s'adapter aux priorités Difficultés à surmonter nationales, l'équipe d'évaluation a relevé des pro- Bien que les pouvoirs publics et les bailleurs de blèmes patents de coordination et de synchronisa- fonds aient réussi à forger des partenariats, leur tion lors de ses visites sur le terrain. Outre les coopération reste sporadique et parcellaire. projets isolés qui continuent d'être imposés par des L'administration doit encore consacrer trop de organismes guidés par des idées reçues, on peut temps et de moyens à plus de 850 programmes ou citer des exemples de projets de routes et de ren- grands projets financés par des organismes inter- forcement des capacités municipales qui ne font nationaux. L'application de la BPRS prévoit une absolument aucun cas de la politique de décentra- « ré-allocation » de nombreux programmes -- en lisation du pays. Cette attitude peu constructive d'autres termes, ces programmes se dérouleront est celle d'organismes qui déclarent publiquement dans des domaines au premier rang des priorités qu'ils souscrivent aux réformes du programme de de la BPRS, et non plus dans des domaines moins décentralisation. prioritaires jugés aujourd'hui surfinancés. D'après certains observateurs, cette ré-allocation mettra à L'équipe d'évaluation a également observé que l'épreuve la volonté des organismes bailleurs de les organisations internationales continuent de fonds de s'adapter aux priorités nationales du faire de la microgestion des projets -- par pays. Le fait qu'elle aie lieu sous la direction d'un exemple en recrutant des consultants pour nouveau gouvernement qui définit sa position accomplir des tâches qui pourraient l'être par vis-à-vis de la BPRS risque de compliquer un pro- des fonctionnaires du pays. En outre, de nom- cessus déjà complexe. breux projets et de nombreuses unités de gestion 18 des programmes coexistent en parallèle. Bien appartiennent à cette dernière catégorie ne que dans quelques cas, leur présence puisse se peuvent pas « harmoniser » leurs procédures pour justifier, dans l'ensemble, elle compromet le les rendre plus compatibles avec celles de l'État. développement à long terme des institutions (Des bailleurs de fonds sont en train d'aider le nationales et locales car elle les empêche d'ac- Gouvernement bolivien à renforcer ses propres quérir une expérience de la gestion de projets. procédures de façon à les substituer de façon cré- dible à celles des bailleurs de fonds.) L'étendue des pouvoirs conférés aux bureaux locaux des organismes d'aide internationale pour Il arrive que les relations entre les organismes bila- réaffecter l'aide déjà approuvée et gérer les pro- téraux et multilatéraux deviennent tendues pour grammes au niveau local varie largement. Certains d'autres raisons. Souvent, cette tension s'explique jouissent d'une autonomie considérable, tandis que par le rôle dominant que jouent la Banque mon- d'autres sont gênés par une structure très centrali- diale et le FMI dans le pays. Parfois, les organismes sée (encadré 2.4). Souvent, les organismes qui bilatéraux font front commun lorsqu'ils sont en Encadré 2.4. La Banque mondiale et la « Planète Bolivie » L'exemple suivant montre les difficultés auxquelles peuvent se heurter les organismes internationaux lors- qu'ils tentent de s'adapter aux principes du CDI. En 1999, la Banque mondiale a décidé de mener une expé- rience pilote et de décentraliser ses opérations en Bolivie afin d'améliorer son appui à ses partenaires nationaux et de soutenir les priorités du pays. Elle a nommé un directeur des opérations pour la Bolivie (au lieu d'un représentant résident), restructuré le bureau de La Paz sur la base des quatre piliers du plan d'ac- tion du gouvernement, nommé des cadres qualifiés afin de renforcer sensiblement les capacités du bureau, et enfin confié de larges pouvoirs aux responsables de chaque pilier (au lieu de centraliser les responsabilités au sein des unités sectorielles à Washington). Ce dispositif était tellement différent des procédures centrali- sées habituelles de la Banque que ce programme a été baptisé, au niveau interne, « Planète Bolivie ». Les agents de la Banque ont lancé un processus participatif intensif avec leurs homologues du gouverne- ment afin de trouver les meilleurs moyens de répondre aux besoins du pays. À l'issue de ce processus, il a été proposé de prendre plusieurs mesures, dont celle de décentraliser les responsabilités de sorte que la représentation de la Banque en Bolivie puisse approuver chaque opération dans le cadre d'un programme et d'un budget sur trois ans. Bien que les services de la Banque et le Gouvernement bolivien aient accueilli cette proposition avec enthousiasme, le Conseil des Administrateurs l'a rejetée lors de son examen en 2001. Le Conseil a fait valoir que ce dispositif confiait une part trop importante de ses responsabilités de gestion et de son pouvoir d'approbation aux agents sur le terrain. Les opérations ont donc été de nouveau centralisées. Un bureau sous-régional a ouvert à Lima, où se trouve aujourd'hui le directeur des opérations. Les effectifs du bureau de La Paz ont été réduits et la structure fondée sur les quatre piliers démantelée. Cette recentralisation a provoqué une forte réaction des plus grands organismes bilatéraux en Bolivie. Au début de 2002, ils se sont plaints par écrit du fait que la Banque avait « porté préjudice au programme pilote d'adoption du CDI, alors que de leur côté, un certain nombre d'organismes bilatéraux avaient au contraire décentralisé leurs opérations sur le terrain (à La Paz) afin d'appuyer le CDI. En définitive, il est à la fois paradoxal et peu constructif que la Banque elle-même n'apporte plus son soutien à cette disposition fondamentale du CDI ». désaccord avec l'une de ces deux institutions pour l'aide internationale s'efforcent davantage de 19 faire suffisamment contrepoids. mesurer les résultats au plan du développement. Les pouvoirs publics ont adopté une gestion axée Le fait que les bailleurs de fonds bilatéraux n'aient sur les résultats et un système de décaissement souvent que des capacités limitées à participer au fondé sur la réalisation d'objectifs, tant au niveau dialogue sur l'action à mener ou aux travaux d'ana- central qu'au niveau local. En outre, la BPRS lyse sectorielle suscite également des tensions. contient des objectifs mesurables précis. D'après le Pour régler ce problème, les bailleurs de fonds Conseil bolivien de suivi et d'évaluation interins- peuvent procéder de façon plus sélective et titutions, près de 90 % des 81 activités à court concentrer leurs efforts sur quelques domaines dans terme définies dans le plan d'action 2001 de la lesquels ils joueront un rôle, non seulement sur un BPRS ont été menées à bien. Il est cependant trop plan intellectuel, mais aussi financier. Ils se détour- tôt pour en mesurer l'impact. neront ainsi des secteurs les plus prisés que ciblent en général les donateurs. En Bolivie, il s'agit de la Au niveau local, les parties prenantes jouent un décentralisation, de la réforme des institutions et rôle actif dans la définition d'indicateurs intermé- du Bureau du médiateur. diaires et des résultats de la BPRS. De son côté, l'Église catholique participe à la structuration du Enfin, l'application du principe de partenariat mécanisme de veille sociale autorisé par la loi sur impulsé par les pays doit équilibrer les intérêts de le Dialogue qui servira à associer la société civile au toutes les parties, ce qui n'est pas chose facile suivi de la BPRS. En outre, la Politique nationale lorsque l'aide internationale est le résultat de par- de rémunération fixe des objectifs en matière tenariats qui, par nature, sont asymétriques puis- de restructuration et d'efficacité budgétaires au qu'ils reposent soit sur une relation bailleur de niveau municipal, qui sont assortis de mesures inci- fonds-bénéficiaire, soit sur une relation emprun- tatives à l'intention des municipalités. teur-prêteur. Il est cependant possible de forger des relations asymétriques qui soient non seulement Certains secteurs, tels que la santé, mettent l'ac- productives, mais qui reflètent les principes du cent sur l'obtention de résultats depuis plusieurs CDI. On peut notamment y parvenir en rendant la années, soit en raison de leur nature scientifique, coopération entre les bailleurs de fonds et les pou- soit sous l'influence d'institutions telles que voirs publics plus efficace, grâce à une réduction l'Organisation mondiale de la santé. En outre, des coûts de transaction imposés par les procédures depuis 1982, l'État bénéficie des capacités d'ana- des bailleurs de fonds -- par exemple en amélio- lyse de l'Unité d'analyse de la politique écono- rant l'harmonisation des procédures et la coordina- mique et sociale qui, de même que l'Institut tion entre les bailleurs de fonds. Une autre solution national de la statistique, est réputée pour ses com- serait d'admettre que le meilleur moyen de faire pétences en matière de suivi et d'analyse. appliquer des politiques rationnelles est d'agir avec sagesse, énergie et respect. Difficultés à surmonter Le fait que la BPRS privilégie nettement des indi- Priorité aux résultats cateurs sociaux de la pauvreté tels que l'éducation et la santé limite la perception que l'on peut avoir Les personnes interrogées dans le cadre de l'éva- des facteurs structurels plus vastes de la pauvreté. luation du CDI s'accordent à dire qu'aujourd'hui, Comme on l'a noté plus haut, il s'agit notamment les pouvoirs publics autant que les partenaires de de l'absence de liberté d'expression politique et 20 d'un accès limité à la propriété foncière et à l'em- La pression que subit l'État bolivien pour décaisser ploi. Il faudrait que la BPRS comporte également des fonds est un autre facteur important de moti- des indicateurs de vulnérabilité et d'exclusion poli- vation de ce dernier. La dépendance du pays à tique et sociale pour que l'on obtienne une vision l'égard de l'aide est telle que l'aide est nécessaire plus globale de la situation. non seulement pour avoir accès aux connaissances techniques, mais aussi pour équilibrer les comptes En outre, il importe de coordonner les fonctions de macroéconomiques : un faible niveau d'exécution veille sociale de la BPRS, telles qu'elles sont défi- fait baisser le niveau de l'activité économique du nies dans la loi sur le Dialogue, avec celles qui ont pays. Pour axer davantage l'action sur les résultats, été mises en place à l'issue d'autres initiatives de il importera donc de procéder à un examen participation et de décentralisation au niveau exhaustif des mesures d'incitation -- ou pour local. Il faut également harmoniser les différentes l'heure, de dissuasion -- dans le contexte bolivien. méthodes d'audit, d'inventaire et de comptabilité financière employées actuellement, car elles se superposent et font donc double emploi. Problèmes de fond D'autre part, bien que l'administration centrale bolivienne possède les compétences nécessaires Selon que l'on adopte le point de vue de ceux qui pour recueillir, traiter et interpréter les données, ce voient les verres à moitié vides ou de ceux qui les n'est pas le cas au niveau municipal où, en tout voient à moitié pleins, on peut juger différemment état de cause, il n'est jamais aisé de mettre au point le chemin parcouru par la Bolivie vers l'adoption des indicateurs de performance. Dans le même des principes du CDI. Ainsi, un certain nombre de temps, les bailleurs de fonds ont souvent tendance réformes institutionnelles et macroéconomiques à rendre les systèmes de suivi et d'évaluation trop récemment décidées sont bien engagées -- comme complexes, ce qui réduit l'efficacité des processus le programme de réformes institutionnelles et la loi de collecte, de traitement et de retour de l'infor- de Finances de 2001 -- tandis que d'autres, lancées mation. Il faut donc trouver un équilibre entre des depuis plusieurs années, notamment en matière systèmes complexes et les capacités réelles. d'éducation et de décentralisation, sont encore loin d'être achevées, ce qui révèle peut-être une Bien que la Bolivie ait marqué des progrès dans la capacité d'absorption institutionnelle et politique mise en oeuvre du principe de la priorité aux résul- insuffisante. tats, certaines carences révèlent que les mesures destinées à motiver les parties prenantes ne vont Un autre problème provient de ce que dans une pas systématiquement dans le sens de ce principe. certaine mesure, le CDI place les organismes inter- À titre d'exemple, les personnes interrogées au sein nationaux sur une scène nationale beaucoup plus des organismes internationaux ont constaté que vaste que par le passé. Leur personnel sur le terrain leur « obsession » du décaissement constituait un comme au siège doit veiller à éviter de se laisser obstacle non seulement à l'obtention de résultats prendre non seulement au piège traditionnel de la mesurables, mais également à d'autres principes du microgestion, mais aussi à celui de la macrogestion, CDI. Les décaissements font partie intégrante de la dans lequel risque de les pousser l'ampleur du CDI culture de ces organismes, qui mesurent souvent le et de la BPRS. succès de leurs responsables en fonction de leur capacité à dépenser des crédits budgétaires, et non Les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds sont pas à obtenir des résultats. confrontés à d'énormes difficultés. La principale tâche qui incombe à la Bolivie consiste à faire de ces organismes, et, dans certains cas, de modifier 21 adhérer l'ensemble des partenaires sociaux et les leur mode de fonctionnement. grands partis politiques du pays aux principes du CDI -- et ce dans un climat de malaise social et Même si la tâche qui reste à accomplir est redou- alors que de grands groupes de population ont tou- table, les résultats obtenus jusqu'à présent jours été exclus de la vie politique. prouvent qu'il est possible de marquer des progrès. Les groupes défavorisés, et le pays dans son Pour les organismes d'aide internationale, l'appli- ensemble, sont à ce point vulnérables qu'il n'y a cation des principes du CDI en Bolivie est parve- pas d'autre solution que de s'attaquer à ces pro- nue à un tournant : maintenant que ces principes blèmes. Le verre est peut-être à moitié plein, mais ont été bien assimilés par une masse critique les citoyens boliviens n'en méritent pas moins d'agents au niveau local, il importe, pour continuer qu'on le remplisse davantage. d'avancer, d'introduire des changements au siège Curt Carnemark C H A P I T R E T R O I S Burkina Faso 23 Méthode de travail réunions : l'administration centrale, les minis- tères techniques, les bailleurs de fonds, les insti- tutions locales, la société civile et le grand L'équipe qui a réalisé l'étude de cas sur le Burkina public. Le cadre de référence a également servi à Faso était dirigée par Dominique Lallement, Chef analyser les principaux thèmes et les principaux du Programme d'assistance à la gestion du secteur secteurs traités dans l'étude de cas, que l'on peut énergétique (ESMAP). Elle était composée de classer en trois catégories : questions institution- Della McMillan, sociologue et consultante, Kyran nelles ; secteurs sociaux ; et croissance, emploi et O'Sullivan, spécialiste principal de l'énergie du formation de revenu. En tout, 200 personnes Département de l'énergie et de l'eau de la Banque environ ont été interrogées (voir l'annexe 2 du mondiale, Patrick Plane, macroéconomiste, rapport sur l'étude de cas, sous le titre Evaluation Directeur du Centre d'études et de recherches sur of the Comprehensive Development Framework : le développement international de l'Université Burkina Faso Case Study). L'équipe a également de Clermont-Ferrand et consultant (France) et réalisé des études documentaires approfondies, Kimseyinga Savadogo, macroéconomiste, ancien et a notamment analysé les évaluations par les Doyen de la Faculté d'économie de l'Université de pouvoirs publics et les bailleurs de fonds de la Ouagadougou, consultant. Par ailleurs, Jean-Pierre formulation de la stratégie actuelle de réduction Ouedraogo, économiste et consultant indépen- de la pauvreté du Burkina Faso. dant, a organisé des groupes de discussion auxquels ont participé des chefs d'entreprises et des cadres. En outre, l'équipe chargée de l'étude a réalisé une Begnadeyi Claude Bationo, consultant auprès de enquête auprès d'un échantillon aléatoire repré- l'ACDI (Agence canadienne de développement sentatif de parties prenantes dans quatre districts international), a rédigé un rapport sur le système (Ouhigouya, Kaya, Boromo et Tienkodogo), choi- de suivi du Document de stratégie pour la réduc- sis de façon à représenter différents niveaux de tion de la pauvreté du pays (le Cadre stratégique pauvreté et différentes zones écologiques. de lutte contre la pauvreté, ou CSLP). Huit étudiants de deuxième cycle de l'Université de Ouagadougou, sous la direction de Kimseyinga Le développement Savadogo, ont réalisé une enquête auprès d'un échantillon représentatif de parties prenantes au du Burkina Faso : un bilan développement dans quatre provinces. élogieux -- et d'énormes L'équipe a mené une enquête sur le terrain à difficultés l'occasion de deux visites dans le pays (en avril et en mai 2002), et s'est appuyée sur un cadre de référence unique au cours des entretiens et des Spécificités du pays réunions des groupes de discussion. Six catégo- Au Burkina Faso, les principes du CDI sont mis en ries de parties prenantes ont participé à ces oeuvre dans une situation complexe. Le pays suit de 24 longue date, y compris pendant la période coloniale, de réduction de la pauvreté menée aujourd'hui, et un processus participatif et des stratégies de déve- ont permis au pays de formuler un projet global à loppement de longue durée basées sur la consulta- long terme de développement et de lutte contre la tion des citoyens. Les gouvernements au pouvoir pauvreté, bien avant le lancement du CDI en 1999. après l'indépendance (le premier est resté en place Ainsi, dès 1995, le gouvernement communiquait sa pendant 14 ans) ont fait fond sur les réformes de vision aux bailleurs de fonds à la réunion du Groupe leurs prédécesseurs. L'administration du deuxième consultatif qui réunissait les représentants de l'État gouvernement de la période post-indépendance, et des bailleurs de fonds. dite « révolutionnaire » (de 1983 à 1987) a adopté un précurseur du CDI qui s'est exprimé dans une Indicateurs économiques et sociaux vision globale du développement, énoncée dans des Avec l'appui des institutions financières interna- plans populaires de développement aux niveaux tionales, le Burkina Faso a lancé un train de régional, provincial et national. réformes économiques dans les années 90, qui ont notamment consisté à adopter une politique de Le bilan de la période révolutionnaire est néan- gestion monétaire et budgétaire plus prudente et à moins mitigé. Le gouvernement avait créé des comi- dévaluer la monnaie. Ces réformes ont porté leurs tés de citoyens au niveau local dont l'objectif fruits puisque le taux de croissance a été en fondamental était d'éradiquer la corruption, et l'ob- moyenne de 5 % entre 1994 et 1999. L'économie jectif secondaire de rallier la population à des straté- du Burkina Faso s'est donc développée à un rythme gies nationales bien précises. Ces comités se sont supérieur au taux de croissance moyen des pays de parfois transformés en instruments de répression. la région subsaharienne, qui s'est établi à 3 %. Jusqu'à présent, le gouvernement a du mal à faire participer la société civile à la concertation sur les Malgré ce succès global, tous les indicateurs n'ont politiques nationales et notamment à lui faire com- pas affiché de résultats positifs dans les années 90. prendre de manière générale les objectifs de déve- Parmi les résultats négatifs, on peut citer un déficit loppement du pays, tels que ceux sur lesquels repose de la balance des paiements de 10 %, des coûts de la stratégie de réduction de la pauvreté mise en production élevés qui ont compromis la compétiti- place en l'an 2000, le Cadre stratégique de lutte vité des exportations, des contraintes administra- contre la pauvreté (CSLP). En revanche, la partici- tives qui ont entravé les investissements pation de la population au développement local, économiques intérieurs et étrangers et un processus elle, n'a pas faibli et elle continue de constituer de privatisation qui est resté lent. l'un des atouts du pays -- la présence de plus de 200 ONG et de quelques 14 000 associations en est Bien que le programme de privatisation ait été la preuve. lancé dès 1991, plus de dix ans plus tard les deux tiers environ des entreprises publiques apparte- Depuis la fin des années 80, le Burkina Faso a mis au naient encore à l'État. Comme dans les pays voi- point des plans à long terme de réduction de la pau- sins, plusieurs facteurs ont compromis ce vreté dans quatre secteurs : éducation, santé, eau et programme, notamment la résistance d'intérêts assainissement et développement rural. Dans les catégoriels, tant au niveau des employés que de la années 90, l'adoption de ces plans a été confortée direction. par deux enquêtes sur la pauvreté, l'une réalisée en 1994, et l'autre en 1998. Elles ont toutes deux joué Par ailleurs, la croissance globale de l'économie du un rôle important dans l'élaboration de la stratégie pays ne s'est pas traduite par une réduction de la pauvreté. L'enquête de 1998 a révélé que celle-ci 151 pour l'ensemble de la région. Le taux d'al- 25 avait légèrement augmenté depuis 1993, puisque phabétisation au Burkina Faso est de 25 % (il est 45,3 % de la population vivait en dessous du seuil inférieur à 6 % pour les femmes). Si le taux de sco- de pauvreté en 1998, contre 44,5 % en 1993. En larisation y est faible par rapport au niveau observé outre, un exode rural important a entraîné une pour la région, puisqu'il n'atteint que 43 %, il n'en forte augmentation de la pauvreté urbaine, qui a est pas moins très supérieur au niveau de 1983 augmenté de 6 points de pourcentage au cours de (5 %) (voir l'encadré 3.1 pour une comparaison de la même période de cinq ans, passant de 10,4 % à ce taux et d'autres indicateurs sociaux aux taux 16,5 %. Enfin, les différences régionales dans les établis pour l'Afrique subsaharienne). niveaux de pauvreté ont persisté, les zones dépour- vues de ressources naturelles connaissant générale- Le développement du secteur ment les taux les plus élevés. privé : une nécessité La contribution du secteur privé au PIB restant Les résultats indiqués par les indicateurs sociaux du encore extrêmement limitée, l'État continue de Burkina Faso sont plus mauvais que ceux de la plu- jouer un rôle essentiel. Il est pratiquement le part des pays d'Afrique subsaharienne. Les taux de seul à introduire des idées nouvelles dans la vie mortalité infantile et post-infantile sont respecti- socio-économique du pays, et le débat public vement de 104 et de 219 , contre 91 et reste feutré. Pourtant, c'est au Burkina Faso que Encadré 3.1. Le Burkina Faso en bref PAUVRETÉ ET INDICATEURS SOCIAUX Afrique Losange du développement* Burkina sub- Faible Faso saharienne revenu Espérance de vie 2001 Population, à mi-année (millions) 11,6 674 2 511 RNB par habitant (méthode de l'Atlas, USD) 210 470 430 Taux brut RNB (méthode de l'Atlas, USD milliards) 2,4 317 1 069 RNB de scolari- par sation habitant primaire Estimations les plus récentes (dernière année disponible, 1995-2001) Pauvreté (% de la population en dessous du ­ ­ ­ Accès à une meilleure source d'eau seuil national de pauvreté) Burkina Faso Population urbaine (% de la population totale) 17 32 31 Pays à revenu intermédiaire, Espérance de vie à la naissance (années) 44 47 59 tranche inférieure Mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 104 91 76 Malnutrition infantile (% d'enfants de moins de 5 ans) 34 ­ ­ Accès à une meilleure source d'eau (% de la population) ­ 55 76 Analphabétisme (% de la population de plus de 15 ans) 75 37 37 Taux brut de scolarisation primaire 43 78 96 (% de la population d'âge scolaire) Garçons 51 85 103 Filles 35 72 88 26 la première station de radio exploitée par des Les transferts d'aide vers le Burkina Faso financent intérêts privés en Afrique a été créée et le pays la moitié environ des dépenses publiques du pays. compte dix journaux, qui expriment leurs opi- Bien que la majorité de l'aide continue d'être affec- nions avec une certaine conviction. Bien que la tée à des projets, le pourcentage de l'aide totale que qualité technique de l'enseignement dispensé ce type d'aide représente est en baisse, puisqu'il est par l'Université de Ouagadougou soit assez tombé de 87,7 % en 1997 à 79,6 % en 1999. bonne, le gouvernement ne fait pas suffisam- ment appel aux compétences universitaires pour Réduire la dépendance du pays vis-à-vis formuler de nouvelles approches. de l'aide en diversifiant l'économie Le Burkina Faso est parvenu à diversifier quelque L'État est le principal employeur dans les sec- peu son économie, évolution essentielle à la réduc- teurs non agricoles. Le transfert d'actifs au sec- tion de la pauvreté et de la dépendance vis-à-vis de teur privé et la redistribution des activités l'aide. L'agriculture s'est diversifiée dans une cer- économiques vers ce secteur doivent donc rester taine mesure avec le développement de la culture des priorités du gouvernement et servir à faire des légumes frais, qui sont vendus aux pays côtiers davantage participer la population au dévelop- (le coton et les céréales étant les exportations agri- pement économique et social du pays. coles traditionnelles). Toutefois, les ressources fon- cières étant peu abondantes, l'exportation des L'État compte actuellement sur la population rurale pour assurer la croissance économique du services pourrait être un moyen plus approprié de pays : les agriculteurs ont consenti des investisse- diversifier l'économie. Depuis 1998, la part des ser- ments importants dans la conservation des sols et vices dans le PIB du pays (40 %) est supérieure à des eaux, ainsi que dans des réseaux de mise en celle de l'agriculture (32 %). valeur des terres. Toutefois, les migrations internes fragilisent la sécurité du régime foncier. Cette Les ressources humaines constituent à la fois le question est particulièrement complexe, à telle plus grand atout du Burkina Faso et l'un de ses han- enseigne que bien qu'elle ait fait l'objet de débats dicaps. Lorsque les circonstances sont favorables, depuis le milieu des années 80, peu de progrès ont l'esprit d'entreprise et les compétences techniques été accomplis. En outre, l'importance de l'exode de la population sont manifestes. Par contre, le rural (compris entre 12 % et 15 % par an) est l'un taux de croissance annuel de la population, qui des facteurs qui explique le manque de débouchés atteint 2 %, met en péril le développement du pays pour les travailleurs non qualifiés dans les villes, (par comparaison, le taux de croissance annuel de qui transforme les nouveaux immigrés en chô- la population des pays d'Afrique subsaharienne meurs sans abri. Les groupes les plus vulnérables était de 2,5 % entre 1997 et 2001). Depuis les sont notamment les adolescents et les jeunes années 80, le nombre de bénéficiaires des pro- adultes. Les programmes de formation profession- grammes de planification familiale diminue. Sur nelle feront donc à terme probablement partie des dix femmes qui consultent dans un dispensaire, objectifs prioritaires du gouvernement. une seule obtient des services de planning familial. Il est possible de se procurer des contraceptifs mais Caractéristiques de l'aide ils sont coûteux. Lorsqu'elles les emploient, les La part de l'aide dans le PIB est presque quatre fois femmes décident souvent de le faire sans le plus élevée pour le Burkina Faso que la part consentement de leur époux et prennent ainsi des moyenne observée pour les pays d'Afrique subsa- risques. Les grossesses non désirées chez les adoles- harienne puisque, en 1998, elle atteignait 15,5 % centes sont un autre problème. du PIB contre 4,1 % en moyenne dans la région. Il semble néanmoins que le Burkina Faso accom- plisse des progrès en matière de gestion de l'épidé- et sociaux mitigés que le Burkina Faso s'efforce de 27 mie de sida, comme en atteste l'affectation de res- mettre en oeuvre les principes du CDI inscrits dans sources publiques consacrées aux services de sa stratégie de réduction de la pauvreté et d'at- diagnostic et aux soins ainsi qu'au soutien social, teindre le but qu'il s'est fixé en parallèle, à savoir ce dernier étant assuré par les nombreuses associa- atteindre les objectifs de développement pour le tions du pays et par les communautés au niveau Millénaire. Le pays possède cependant un atout local. Les estimations produites lorsque l'équipe appréciable : il n'a jamais connu le type d'effon- d'évaluation se trouvait dans le pays faisaient état drement général de la situation économique, poli- d'une diminution du nombre de cas déclarés d'in- tique et sociale qui a entraîné la création fections par VIH. Les programmes d'information d'identités nationales entièrement nouvelles dans sur le sida à l'intention des adolescents et des plusieurs pays où le CDI a été mis en oeuvre à titre jeunes adultes restent néanmoins inadéquats. pilote tels que l'Ouganda et le Viet Nam. (Il convient de noter que le Burkina Faso n'est pas un pays pilote du CDI. Il a été inclus dans l'évaluation Le renforcement des capacités : car il a été l'un des premiers pays à obtenir un allè- un objectif fondamental gement de sa dette dans le cadre de l'Initiative PPTE -- et ce parce qu'il a assez rapidement éla- Pour toutes ces raisons, l'équipe qui a réalisé boré une stratégie de lutte contre la pauvreté -- et l'étude de cas a conclu que le Cadre stratégique de car le montant de l'aide qu'il reçoit dépasse le lutte contre la pauvreté (CSLP) du pays devait niveau de référence). En outre, bien que chaque fixer comme priorité absolue le renforcement des gouvernement au pouvoir depuis l'indépendance capacités humaines (le CSLP est le Document de ait formulé sa propre stratégie de développement stratégie pour la réduction de la pauvreté que le économique et politique, la plupart d'entre eux ont Burkina Faso a rédigé afin de bénéficier de l'allège- demandé aux citoyens de participer à l'identifica- ment de sa dette dans le cadre de l'Initiative PPTE tion du profil du développement à long terme. lancée par la Banque mondiale et le FMI. À ce titre, il incarne également l'application des prin- Dans le même temps, le Burkina Faso est confronté cipes de CDI dans le pays, conformément aux prin- à d'énormes problèmes économiques et sociaux, cipes directeurs de l'Initiative PPTE). L'un des qui vont de la lenteur du processus de privatisation dossiers les plus urgents en matière de renforce- et de la croissance du secteur privé à des indica- ment des capacités est celui de l'ampleur du taux teurs sociaux dont les résultats n'atteignent pas les d'analphabétisme chez les adultes, qui est d'envi- niveaux de référence. Si toutefois le pays continue ron 75 %, et il faut s'employer à le traiter avec d'améliorer la gestion de son économie et reste détermination. Si aujourd'hui les parents n'en- déterminé à lutter contre la pauvreté, il y a de voient pas leurs enfants à l'école primaire, c'est fortes probabilités qu'il parvienne à mettre en qu'ils jugent que le coût de leur scolarisation trop oeuvre le CSLP et, ce faisant, accomplisse de réels élevé par rapport au coût d'opportunité de la main- progrès vers la réalisation des objectifs de dévelop- d'oeuvre agricole. Il n'existe quasiment aucun sys- pement pour le Millénaire, que le gouvernement tème de formation professionnelle post-primaire et s'est fixés en parallèle. si l'enseignement technique au niveau universi- Organisation du chapitre taire s'améliore, il reste extrêmement limité bien Les quatre sections suivantes analysent le chemin que les employeurs soient demandeurs de person- parcouru par le Burkina Faso au regard de chacun nel technique. des quatre principes du CDI : un schéma de déve- C'est dans ce contexte d'indicateurs économiques loppement global axé sur le long terme, la prise en 28 charge du processus par le pays et la priorité conscience de la nécessité d'améliorer la gestion donnée aux résultats (les principes du CDI sont des dépenses publiques. En 2001, le gouvernement exposés en détail dans le chapitre Introduction de a adopté un Plan d'amélioration des dépenses cet ouvrage). Chaque section présente successive- publiques qui vise à remédier aux carences aux ment les succès enregistrés et les difficultés à sur- niveaux de la préparation, de l'exécution, du suivi monter. et de l'audit du budget. Un certain nombre de ses recommandations sont en cours d'application. Schéma de développement Ces recommandations sont également prises en compte dans le cadre de dépenses à moyen terme global axé sur le long terme du budget de l'administration centrale pour la période 2003-2005, qui est le principal outil Le Burkina Faso peut afficher à son palmarès utilisé pour concrétiser les objectifs du CSLP. depuis quarante ans l'élaboration de programmes L'augmentation des dépenses nationales consacrées axés sur des séries d'objectifs de développement à aux secteurs sociaux dans le budget 2002 en est un long terme bien intégrés. Ces efforts se manifestent exemple. aujourd'hui dans deux documents : le plus récent (le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, D'autre part, le Burkina Faso est mieux placé pour ou CSLP), mis au point en 2000, s'inspire du pre- maîtriser ses dépenses budgétaires depuis qu'il a mier, la Lettre d'intention de politique de dévelop- créé de nouvelles institutions dotées de pouvoirs pement humain durable (LIPDHD), élaborée en de surveillance. La difficulté consiste à veiller à ce 1995. Le CSLP définit la stratégie de lutte contre qu'elles fonctionnent efficacement. Dans ce cas, la pauvreté du pays. Les conceptions du dévelop- l'Assemblée nationale peut fournir son appui en pement qui sont exposées dans les deux documents exerçant les nouveaux pouvoirs de surveillance qui sont assez concordantes. lui ont été octroyés en application des lois de règle- ment du budget 2002. Globalement, ces mesures, Succès enregistrés qui visent à rendre le Burkina Faso mieux à même L'intérêt du CSLP réside dans le fait qu'il reflète les de gérer ses dépenses publiques, rendent le CSLP aspirations globales de la population en matière plus crédible aux yeux des parties prenantes au d'amélioration des services sociaux et d'augmenta- développement. L'existence de garanties fidu- tion des revenus, et qu'il les associe à des objectifs ciaires de ce type est essentielle pour les bailleurs mesurables. Il établit aussi un processus praticable de fonds qui peuvent envisager d'accorder un sou- en vue d'atteindre ces objectifs. Le CSLP a acquis tien budgétaire direct ou d'augmenter leur appui. une légitimité en s'appuyant à la fois sur des résul- tats économiques solides et des analyses statis- Difficultés à surmonter tiques dans des secteurs sociaux prioritaires (les Le principal point faible du CSLP tient au fait qu'il deux enquêtes sur la pauvreté réalisées en 1994 et rend la croissance économique du pays trop tribu- 1998, par exemple). taire d'un secteur agricole caractérisé par des préci- pitations incertaines. Le danger que cette situation Un autre facteur déterminera de façon décisive fait peser sur l'économie est apparu les deux pre- dans quelle mesure le CSLP réussira à transformer mières années où le CSLP a été appliqué, durant la vision de développement à long terme du pays lesquelles une sécheresse a réduit de 15 % la pro- en programmes concrets, à savoir la prise de duction céréalière, qui est un produit d'exportation traditionnel : le PIB n'a augmenté que de 2 %, soit débat public sur la vision du développement du 29 un taux très nettement inférieur à l'objectif de 7 %. Burkina Faso. En outre, les exportations du principal produit agricole du pays (le coton), ont subi le contrecoup des mesures protectionnistes adoptées par d'autres Prise en charge par le pays pays producteurs de coton. En plus de quarante ans d'histoire post-coloniale, Ainsi, compte tenu des réalités de la situation de le Burkina Faso a élaboré un certain nombre de l'agriculture, le gouvernement devrait appuyer fer- plans de développement à long terme. Plusieurs mement les objectifs bien structurés retenus dans sont remarquables en ce sens qu'ils sont le résultat d'un processus participatif particulièrement vaste. le CSLP pour le développement des petites et Le plus pertinent aujourd'hui est la Lettre d'inten- moyennes entreprises. Or à l'occasion des tables tion de politique de développement humain rondes organisées dans le cadre des études de cas, durable (LIPDHD), qui a été intégralement rédi- les représentants du secteur privé se sont plaints de gée par des institutions burkinabè en 1995. On ce que les pouvoirs publics ne semblaient guère considère souvent qu'elle est le prédécesseur de la pressés de créer un climat plus favorable au déve- stratégie de lutte contre la pauvreté du pays, loppement du secteur privé. Ils ont évoqué en par- le CSLP. ticulier le fait que les problèmes du fisc, de l'accès au crédit et des contraintes administratives n'ont Des plans à long terme pour le secteur rural (le toujours pas été réglés. Programme national de gestion des terroirs, ou PNGT) ainsi que des plans décennaux pour les Le CSLP ne met pas non plus en évidence les pos- secteurs de la santé, de l'éducation et de l'aména- sibilités de synergies entre secteurs. Ainsi, l'établis- gement des ressources en eau ont également été sement d'une passerelle entre le secteur de établis, avec l'étroite participation de la société l'éducation et celui du développement écono- civile, des pouvoirs publics et divers bailleurs de mique permettrait de remédier au fait que le pro- fonds qui ont contribué au financement d'études gramme d'enseignement secondaire privilégie des pilotes [notamment le Gouvernement français, sujets non techniques alors que l'économie a de GTZ (Deutsche Gesellschaft fur Technische plus en plus besoin de compétences techniques. Zusammenarbeit) et l'IDA (Association interna- tionale de développement) pour le PNGT ; l'OMS D'autre part, bien que le CSLP commence à être (Organisation mondiale de la santé), la Suisse et reconnu et à acquérir une légitimité, on ignore l'IDA pour la stratégie 2000-2010 du secteur de la toujours s'il constituera un cadre suffisamment santé et la Danida (Agence danoise de développe- solide pour faire adhérer toutes les parties pre- ment international) et les Pays-Bas pour la straté- nantes à la conception nationale du développe- gie du secteur de l'eau]. Dans l'ensemble, les ment à long terme. Le Burkina Faso possède certes stratégies sectorielles et les objectifs ont générale- de plus en plus de chefs de file, que ce soit au plan ment été définis sur l'initiative des pays, et ont politique, intellectuel ou économique, mais un bénéficié de la participation régulière et continue grand nombre des principales personnes interro- des différentes parties prenantes et d'une volonté gées se sont montrées peu enclines à identifier les politique durable. failles dans la vision à long terme de l'État. Si ce dernier faisait appel aux groupes de réflexion asso- Les conditions dans lesquelles a été préparée la ciés aux universités du pays et tirait les leçons de stratégie de lutte contre la pauvreté n'étaient tou- l'expérience du secteur privé, il pourrait enrichir le tefois pas aussi bonnes. Le Burkina Faso était 30 contraint d'achever la rédaction du CSLP afin de Difficultés à surmonter bénéficier des fonds de l'Initiative PPTE. Ce docu- L'application de la stratégie de décentralisation a ment a donc été préparé en sept mois, soit en trop été l'un des aspects les plus difficiles de la mise en peu de temps pour pouvoir engager un processus oeuvre du CSLP. La décentralisation devait per- partant de la base et consulter les populations mettre de distribuer les ressources financières de locales sur son contenu. En outre, le Président de façon plus équitable, et partant à donner aux l'Assemblée nationale s'est plaint de ce que celle- populations locales les moyens de formuler leurs ci avait été tenue à l'écart du processus si l'on propres initiatives de développement. Son effica- considère le nombre limité et la rapidité des débats cité reposait donc sur la capacité politique et qu'elle a pu lui consacrer. administrative des municipalités. L'équipe d'éva- luation a jugé que cette capacité était très Plusieurs réunions consultatives ont tout de même variable, selon que l'on considère celle des maires eu lieu. Deux groupes de réflexion de portée régio- et des conseillers municipaux traditionnels ou nale ont été consultés et leurs membres ont donné celle des secrétaires municipaux qui ont pris leurs leur avis sur la version préliminaire du document. fonctions plus récemment et qui bénéficient d'une Les consultations sur le CSLP se sont en outre meilleure formation. Le gouvernement devra pro- poursuivies après la mise au point du Document, céder à un suivi attentif des opérations pour veiller puisque quatre ateliers à caractère participatif ont à ce que les structures administratives locales été organisés au niveau régional, qui visaient à soient en mesure de concevoir, de budgétiser et élargir le champ thématique et géographique du de mettre en oeuvre les programmes de dévelop- plan. Ces ateliers ont été consacrés au développe- pement. ment des ressources humaines, au développement rural, à la compétitivité de l'économie et à la D'une façon générale, les entités politiques du pays bonne gestion des affaires publiques -- dans -- hauts fonctionnaires, parlement et partis poli- le contexte de leur lien avec la lutte contre la tiques -- doivent participer plus activement au pro- pauvreté. cessus de révision et de mise en oeuvre du CSLP. De son côté, le gouvernement doit jouer un rôle moteur D'autre part, des progrès ont été accomplis dans en facilitant un vaste débat sur la stratégie globale du la réalisation du programme de décentralisation CSLP et en favorisant des synergies entre certains des services des administrations publiques, secteurs. Le secteur privé et les ONG (que l'on peut comme le prévoyait le CSLP (qui lui-même repose sur les principes démocratiques énoncés juger représenter la population dans son ensemble) dans la constitution de 1991). Ce programme, doivent participer à ce débat élargi. Bien que la stra- qui a été lancé en 1993 avec la création de la tégie du CSLP suppose une réduction du rôle de Commission nationale chargée de la décentrali- l'État dans l'économie, le secteur privé a peu parti- sation, devait s'achever en 2003. Les premières cipé à sa conception initiale, et il ne participe pas élections municipales se sont tenues en 1995 non plus à sa mise en oeuvre aujourd'hui. Il est essen- dans 33 municipalités, et une deuxième série a tiel de faire l'effort d'assurer la participation du sec- eu lieu en 2000 dans 49 municipalités. On teur privé dans le CSLP ; en effet ce secteur a un comptait que, à la fin de 2003, le Burkina Faso impact décisif sur l'augmentation des revenus et du aurait 350 municipalités rurales et urbaines plei- niveau de vie parce qu'il crée des emplois non agri- nement constituées, et que ses 45 provinces coles. Certaines entités publiques ont certes engagé seraient regroupées en 13 régions. un dialogue plus actif avec des entreprises privées, mais les chefs d'entreprises jugent souvent que loin de se révéler utile, le gouvernement a promulgué des l'aide s'inscrive dans le cadre stratégique du pays. 31 règlements qui sont inefficaces et entravent leurs C'est également le gouvernement qui doit définir activités. les instruments de mise en oeuvre des programmes de lutte contre la pauvreté et créer un processus Dans les régions rurales, où les chefs de villages et les consultatif destiné à les évaluer pour que le proces- membres de coopératives interrogés ne savent pas sus aboutisse. vraiment ce que recouvre le CSLP, l'équipe d'évalua- tion a néanmoins constaté que les populations rurales La longue tradition de participation du Burkina attachent beaucoup d'importance à leur développe- Faso a déjà servi de modèle pour accroître l'effica- ment et sont confiantes dans leur capacité à devenir cité de la coordination des bailleurs de fonds. En moins dépendantes de l'aide grâce à leurs propres effet, durant les cinq réunions qui se sont tenues à efforts de coopération. Le processus escompté de l'occasion de l'adoption de l'approche expérimen- décentralisation des administrations publiques ne fait tale de la conditionnalité dans le cadre du que renforcer leur optimisme. Toutefois, cette décen- Programme spécial d'assistance en faveur de tralisation ne pourra aboutir que s'il y a : l'Afrique 1997-2000 coordonné par l'UE, le gou- vernement a donné aux bailleurs de fonds les infor- un renforcement des capacités locales de nature mations financières dont ils avaient besoin pour à satisfaire les besoins locaux ; comprendre le processus de mise en oeuvre et s'em- une amélioration du suivi et du contrôle des ployer à normaliser (ou « harmoniser ») leurs cri- flux de financement ; tères de décaissement. En échange, les bailleurs de fonds se sont engagés à appuyer le programme de un déblocage plus rapide de fonds en faveur des gestion économique du gouvernement et à oeuvrer écoles locales et d'autres entités financées par pour harmoniser leurs procédures de décaissement. l'État ; Succès enregistrés une amélioration des conditions d'emploi du De façon générale, les bailleurs de fonds qui inter- personnel local, en particulier dans les régions viennent au Burkina Faso s'accordent à recon- isolées où les conditions de vie sont difficiles. naître que le CSLP joue un rôle majeur dans la définition du cadre de développement du pays, et Enfin, l'État doit sortir le CSLP du cadre des seuls qu'il constitue donc un processus sur lequel ils peu- ministères sectoriels bénéficiaires des fonds au titre vent -- et doivent -- s'appuyer pour collaborer. En de l'Initiative PPTE (essentiellement la santé et reliant le CSLP au cadre des dépenses nationales à l'éducation), faute de quoi le CSLP ne pourra pas moyen terme, le gouvernement a établi un niveau s'ancrer profondément dans le pays, ni encadrer le de sécurité budgétaire qui permet aux bailleurs de développement du Burkina Faso à long terme, fonds d'accroître la part de leur appui sous forme de c'est-à-dire au-delà de la période couverte par soutien budgétaire direct. En outre, les bailleurs de l'Initiative PPTE. fonds qui continuent d'apporter une aide au titre Partenariat piloté de projets le font de plus en plus en conformité avec le CSLP. par le pays Bien que la capacité du gouvernement à adopter des D'après le CSLP, il est clair que c'est au gouverne- politiques de gestion économique adéquates conti- ment de montrer la voie en coordonnant les acti- nue de provoquer des tensions, les rapports entre le vités des bailleurs de fonds et en veillant à ce que gouvernement et les bailleurs de fonds se caracté- 32 risent de plus en plus par une meilleure entente et transaction de l'aide. Cette attitude peut s'expli- une coordination plus étroite. Cette amélioration quer par le fait que, autrefois, l'adoption par les est particulièrement visible au niveau sectoriel. On bailleurs de fonds des stratégies différentes pour le peut ainsi citer comme exemple un accord sur la gouvernement permettait au pays de recevoir mise en valeur des ressources en eau potable dans les davantage de ressources financières. Or ce n'est régions rurales qui a été mis au point dans le cadre plus nécessairement le cas aujourd'hui. d'une série d'ateliers bénéficiant de l'appui de bailleurs de fonds et dont s'est inspiré le gouverne- Le gouvernement pourrait améliorer sa coordina- ment pour élaborer une stratégie normalisée qui gui- tion des missions de supervision et d'évaluation dera les projets dans le secteur de l'eau. avec les différents partenaires du CSLP (adminis- trations publiques, ONG et organismes multilaté- D'autre part, le CSLP a permis d'affecter les fonds raux et bilatéraux). D'après plusieurs parties octroyés au titre de l'Initiative PPTE aux secteurs prenantes interrogées dans le cadre de l'évaluation, des services sociaux au niveau local avec une effi- il y a tellement de missions différentes que les coûts cacité remarquable, comme en attestent l'augmen- de transaction sont élevés. Ces coûts ont décou- tation des fournitures que reçoivent les centres de ragé certains bailleurs de fonds qui ont réduit leur santé et le recrutement de 800 personnes pour les présence sur le terrain et augmenté la proportion écoles primaires. En outre, dans certaines pro- des fonds qu'ils gèrent par l'intermédiaire d'ONG vinces, les Comités de développement locaux internationales ou de projets décentralisés confiés (créés dans le cadre du Programme national de ges- à des ONG, des associations villageoises ou des tion des terroirs et présidés par des gouverneurs de autorités municipales, ce qui ne va pas sans poser provinces) se sont révélés être des moyens efficaces de problèmes car ces programmes ne s'inscrivent de coordination des projets tels que les projets de pas nécessairement dans le cadre du CSLP. mise en valeur des ressources en eau et de dévelop- pement des petites entreprises au niveau local. Le gouvernement pourrait réduire les coûts de transaction s'il encourageait les bailleurs de fonds à Difficultés à surmonter organiser davantage de missions auxquelles parti- L'aide dont bénéficie le Burkina Faso a beau être cipent conjointement les pouvoirs publics et plu- globalement conforme au CSLP, l'établissement de sieurs bailleurs de fonds. partenariats entre bailleurs de fonds et pouvoirs publics et la coordination des actions des bailleurs Au cours des tables rondes organisées dans le cadre de fonds laissent encore à désirer. Les bailleurs de de cette étude, plusieurs représentants du secteur fonds ont des opinions divergentes sur la capacité privé ont proposé que les consultations entre le du pays à gérer un soutien budgétaire direct -- secteur privé et les pouvoirs publics deviennent de ceux qui jugent que le pays ne dispose pas d'une véritables forums, qui assureraient la prise en compte des apports du secteur privé dans le cadre capacité adéquate préférant continuer d'octroyer de la formulation des décisions de politique écono- leur aide au titre de projets -- et ce désaccord est mique. Actuellement, les consultations telles un facteur de division. Il a favorisé la mise en place qu'elles se présentent se limitent souvent à de processus parallèles -- par l'Union européenne défendre des intérêts de groupes sectoriels, voire d'une part, et par la Banque mondiale de l'autre d'une entreprise en particulier. Elles aboutissent (encadré 3.2). Le gouvernement hésite encore alors à des solutions à court terme et non pas à des aujourd'hui à imposer un processus unique, qui politiques économiques qui s'inscrivent dans la aurait pourtant pour effet de réduire les coûts de durée. 33 Encadré 3.2. Un conseil des bailleurs de fonds à la Banque mondiale : « il est bon de se remettre en cause » La plupart des bailleurs de fonds interrogés par l'équipe d'évaluation ont émis l'opinion que la Banque mondiale devrait repenser le rôle important qu'elle assume en donnant le ton des relations entre les bailleurs de fonds du Burkina Faso. Ils ont observé que, particulièrement par le passé, les responsables de la Banque travaillaient directement avec des représentants de l'administration centrale à la formulation de nouvelles politiques, puis les annonçaient aux autres bailleurs de fonds du pays en ces derniers devant le fait accompli. Les personnes interrogées ont reconnu l'importance des prêts et de l'assistance technique directe de la Banque, mais ont jugé que cette façon de procéder ne tenait pas compte du principe du CDI selon lequel les partenariats devaient être pilotés par le pays. La plupart des bailleurs de fonds ont néanmoins noté le respect qu'ils éprouvaient pour l'ardeur au travail et la compétence des agents de la Banque basés dans le pays -- et leur souci de ne pas diriger les activités des organismes chargés de la coordination des bailleurs de fonds qu'ils ont contribués à créer. Ils ont également fait une suggestion qui rappelle celle exprimée lors d'une évaluation du CSLP réalisée par la Danida : pourquoi ne pas donner aux agents locaux de la Banque davantage de latitude en matière de supervision des prêts de la Banque et de suivi financier ? Ils ont également émis l'avis que la Banque devait envisager d'étoffer son personnel sur le terrain afin d'être mieux représentée au sein des groupes de coordination nationaux et régionaux organisés par secteur. Enfin, les pouvoirs publics, tout comme les cation des principes du CDI tels qu'ils s'ins- bailleurs de fonds, doivent prendre des mesures en crivent dans le CSLP, comme l'a reconnu sans vue d'inspirer davantage de confiance. Les pou- détour le premier rapport sur l'état d'avance- voirs publics devraient, pour ce faire, faciliter l'ac- ment de la stratégie de lutte contre la pauvreté. cès aux informations à leurs partenaires bailleurs Après avoir résumé les objectifs ambitieux de ce de fonds et renforcer leurs systèmes de comptabi- suivi (inventorier les ressources nécessaires, lité de façon à décourager les détournements de mesurer le chemin parcouru, mettre en évidence fonds. De leur côté, les bailleurs de fonds devront les réalisations immédiates et évaluer l'impact à long terme), le rapport note qu'il s'agit d'une reconnaître au Burkina Faso le mérite d'avoir entreprise de grande ampleur qui exige des res- obtenu des résultats remarquables au plan du déve- sources importantes et des compétences pluri- loppement au cours des dix dernières années, ainsi disciplinaires. que les talents et le potentiel du pays. Enfin, aussi bien les pouvoirs publics que les bailleurs de fonds Bien que le Burkina Faso ait déjà jeté des bases devront renforcer le processus d'évaluation réci- solides qui lui ont permis d'acquérir des données proque de leur performance dans un climat de res- sur son action de lutte contre la pauvreté avant le pect mutuel. lancement du CDI, le rapport note cependant que d'une façon générale, le suivi et l'analyse des don- nées sur le terrain restent insuffisants. Priorité aux résultats Succès enregistrés Il est extrêmement difficile au Burkina Faso de Au cours des quelques dix dernières années, le suivre les progrès accomplis aux fins de l'appli- Burkina Faso a lancé plusieurs programmes de 34 lutte contre la pauvreté comprenant un élément mais le CSLP dans son ensemble n'en fait malheu- de suivi. On peut notamment citer : reusement pas partie. En donnant au CSLP un caractère exhaustif, le gouvernement lui a fait les enquêtes menées en 1994 et 1998 sur les perdre son utilité en tant qu'indicateur des pro- conditions de vie des ménages, ainsi qu'une grammes qu'il place au premier rang de ses préoc- étude qualitative réalisée en 1998 pour détermi- cupations. En outre, bien que plusieurs indicateurs ner les facteurs qui, de l'avis des pauvres, sont soient définis, le CSLP lui-même, ainsi que le pre- responsables de la pauvreté, à l'appui des plans mier rapport sur l'état d'avancement du CSLP, de développement sectoriels à long terme ; mentionnent rarement les méthodes qu'il convient d'adopter en matière de suivi et d'évaluation. les dispositifs de suivi et d'évaluation des straté- gies favorables aux pauvres dans les domaines de Les rapports sur le développement pour la période l'éducation de base et de la santé ; 2000­2002 et les parties du CSLP qui donnent des indications précises mentionnent les programmes une série d'ndicateurs de performance des prin- prioritaires ci-après, en même temps que les pro- cipales activités du secteur public engagées dans blèmes de suivi qu'ils posent : le cadre de l'approche expérimentale de la conditionnalité adoptée en application du l'objectif fondamental de stabilité macroécono- Programme spécial d'assistance en faveur de mique pour la période 2000­2002 signifiait une l'Afrique de 1997 coordonné par l'Union croissance du PIB réel de 7 % par an -- soit un européenne. taux ambitieux -- un taux d'inflation inférieur à 3 % et un déficit du compte des transactions De surcroît, les améliorations du cycle budgétaire courantes équivalant à 13 % du PIB ; prévues dans le CSLP doivent déboucher sur une meilleure intégration des travaux des pouvoirs la réforme du secteur du coton avait pour princi- publics et des bailleurs de fonds en matière de suivi pal objectif de mettre fin au monopole de la de l'efficacité de l'aide. Dores et déjà, les pouvoirs SOFITEX. Ce monopole a effectivement cessé publics et les bailleurs de fonds coopèrent à la mise à la fin de 2001, mais le résultat escompté, à en oeuvre du cadre des dépenses à moyen terme, savoir une augmentation des emplois pour les qui contribue de manière importante à ancrer les pauvres, ne se matérialise pas rapidement. diverses initiatives de financement du CSLP dans L'accroissement des investissements du secteur les réalités du budget. privé pourrait constituer un meilleur indicateur ; bien que le désenclavement des régions isolées Enfin, le gouvernement a mis en place trois comités grâce à la construction de pistes rurales soit consi- chargés de suivre l'état d'avancement du CSLP : déré comme une priorité du CSLP, ce pro- le Comité ministériel de suivi du CSLP, le Comité gramme n'apparaît pas dans le système de suivi technique interministériel et le Groupe sectoriel du CSLP ; de suivi. Ces instances ont respectivement axé leurs travaux sur le processus de prise de décisions, l'aide de la Banque mondiale devrait accélérer la coordination technique et la mise en oeuvre du le rythme des privatisations dans les secteurs des CSLP au niveau sectoriel. télécommunications, de l'eau et de l'énergie et du développement du secteur privé. Bien qu'il soit Difficultés à surmonter aisé de mesurer les progrès réalisés dans ces Le Burkina Faso a rédigé un certain nombre de domaines, il conviendrait que le plan tienne documents qui traitent du développement et qui également compte de leur impact sur la définissent clairement les programmes prioritaires, pauvreté ; 35 Encadré 3.3. Évaluer les possibilités d'atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire Le Gouvernement burkinabè a profité de l'évaluation du CDI pour chercher des moyens de renforcer les capacités locales à mettre en oeuvre la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté -- le CSLP -- afin de se donner de meilleures chances d'atteindre les vastes objectifs de développement pour le Millénaire (ODM) qui ont été adoptés par la plus grande partie de la communauté internationale du développement. Après avoir examiné dans quelle mesure les principes du CDI sont aujourd'hui inscrits dans le CSLP, l'équipe d'évaluation a conclu que si le Burkina Faso reste déterminé à lutter contre la pauvreté et à améliorer la gestion de son économie, il est probable qu'il réussira à mettre en oeuvre le CSLP -- et fera ainsi de nets progrès vers la réalisation des ODM. S'il est possible que le Burkina Faso n'atteigne pas les ODM avant l'année cible de 2015, le pays réunit néanmoins les conditions requises pour le faire à relativement plus longue échéance. L'équipe a créé une fiche d'évaluation très simple qui note, sur une échelle de 1 à 5 (1 représentant une faible proba- bilité et 5 une probabilité élevée) dans quelle mesure, d'après elle, le CSLP intègre chacun des principes du CDI. Le tableau ci-dessous présente les résultats de cette évaluation. Notation de la performance des principes du CDI (conception, application jusqu'à présent et viabilité probable) : Principe du CDI Conception Application à ce jour Durabilité probable Vision globale axée sur le long terme 4 3 2 Prise en charge par le pays 5 4 5 Partenariat piloté par le pays 3 3 4 Priorité aux résultats 2 3 3 le CSLP définit un certain nombre d'indica- utilisées et les réalisations. Le Burkina Faso devrait teurs qui permettent de suivre l'impact de instaurer, au sein des ministères sectoriels, le climat l'amélioration de la préparation et de l'exécu- et les mesures d'incitations requises pour générer et tion du budget dans le cadre de la gestion des exploiter des informations sur les résultats au niveau dépenses publiques, mais les résultats obtenus opérationnel. Il pourrait aussi faire appel aux com- sont ambigus -- et font douter de l'efficacité munautés locales pour assurer le suivi des dépenses avec laquelle le plan de suivi de ces politiques publiques, en particulier afin d'améliorer les services peut mesurer les impacts attendus. aux pauvres. Le fait que le CSLP ne permette pas vraiment de Suivi de la pauvreté et stratégie suivre et d'analyser les résultats sur le terrain de façon adéquate compromet la capacité du pays à d'évaluation comprendre les facteurs déterminants de la pauvreté Une stratégie nationale de suivi et d'évaluation de et à établir des liens de causalité entre les ressources la pauvreté serait une structure permettant de four- 36 nir des directives sur la manière de mesurer les L'étude de cas soulève cependant la question de résultats aux utilisateurs des systèmes d'information savoir s'il ne convient pas d'ajouter un principe au sur la gestion sectorielle et aux administrations CDI (et partant, un chapitre aux documents du publiques décentralisées. Une telle stratégie per- CSLP). Il semble en effet que le sujet des « instru- mettrait aussi de reconnaître le rôle important des ments de financement de la mise en oeuvre » ait communautés et des ONG, aussi bien en tant été laissé de côté. Si l'étude de cas permet de qu'utilisateurs qu'en tant que sources d'informa- penser que le choix des instruments de finance- tions sur le développement, en les faisant participer ment est essentiellement dicté par les bailleurs de au système national de suivi. Enfin, elle pourrait fonds, elle fait également apparaître que plusieurs encourager les organisations de la société civile, les sources de financement potentielles ne sont pas responsables de l'action publique et le secteur privé exploitées, par exemple les investisseurs du secteur à collaborer et coordonner leurs travaux. privé, les institutions de financement locales et les ONG, ainsi que les contributions financières et en nature de la population dans son ensemble. Une Perspectives analyse systématique des instruments de finance- ment requis pour atteindre les objectifs du CSLP Le Burkina Faso suit une trajectoire positive au pourrait permettre de mobiliser un éventail plus plan du développement et a tiré les leçons des opé- vaste de parties prenantes. rations de gestion économique et institutionnelle passées, a renforcé ses institutions et valorisé son Enfin, la valorisation des ressources humaines capital humain. Les efforts qu'il n'a cessé de devrait constituer l'une des objectifs prioritaires du déployer pour améliorer la gestion de son écono- CSLP, non seulement en vue d'améliorer les indi- mie, s'adapter à l'économie de marché mondiale et cateurs sociaux, mais également afin de doter la s'engager vers la démocratie se sont traduits par population de capacités productives. Le taux élevé une certaine stabilité politique et ont encouragé d'analphabétisme des adultes continuera de freiner les entrées de capitaux au titre de l'aide extérieure. la transformation économique et sociale du pays tant que celui-ci ne s'y attaquera pas résolument. Dans l'ensemble, la stratégie de réduction de la Quant aux générations futures, la difficulté consis- pauvreté du pays, telle qu'elle ressort du CSLP, sert tera à adapter le contenu de l'enseignement aux de cadre à la politique de développement nationale besoins d'une économie en mutation. C'est uni- et à la mobilisation de ressources intérieures et quement lorsque ces conditions seront remplies extérieures. Bien que le Burkina Faso ne soit pas un que le potentiel considérable de la population bur- pays pilote du CDI, il ressort de l'évaluation que les kinabè -- et notamment son ardeur au travail, son principes du CDI sont bien ancrés dans les valeurs esprit d'entreprise, ses compétences administratives sociologiques et culturelles du pays, et gagnent éga- -- pourra être pleinement réalisé. lement l'échiquier politique national. Le CSLP est ainsi devenu un outil de promotion des principes du CDI au Burkina Faso. Curt Carnemark C H A P I T R E Q U AT R E Ghana 39 Méthode de travail l'enquête figurent le Danemark, le Canada, l'Union européenne (UE), l'Organisation des L'équipe qui a étudié le Ghana a travaillé sous la Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture direction de Nils Boesen, consultant au bureau (FAO), l'Allemagne, la France, le Japon, les d'études Process & Change Consultancy. Elle Pays-Bas, le Programme des Nations Unies pour était composée d'Anthony Killick, consultant le développement (PNUD), le Royaume-Uni, de l'Overseas Development Institute (Londres), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance de Laura Kullenberg et Mirafe Marcos, du (UNICEF), les États-Unis et la Banque mondiale. Département de l'évaluation des opérations de la Banque mondiale et d'Abena D. Oduro, À l'issue de l'étude, un atelier a réuni un vaste consultant au Center for Policy Analysis (Accra). éventail de parties prenantes et a permis de réunir d'utiles informations en retour. L'équipe est parti- culièrement reconnaissante à P. Kwesi Nduoum, L'équipe s'est rendue au Ghana du 2 au 9 avril et ministre de la Planification et du Développement du 6 au 24 mai 2002. Lors de leur premier séjour, régional, pour sa participation. ses membres ont sélectionné les questions et les thèmes devant être étudiés, sur les conseils des par- ties prenantes. Ils ont ainsi décidé d'examiner la Contexte stratégie de lutte contre la pauvreté du Ghana et la santé, l'agriculture, la décentralisation et la bonne Depuis une quinzaine d'années, l'économie du gestion des affaires économiques. En mai, l'équipe Ghana se développe à un rythme régulier, quoique a décidé de couvrir également la question, plus modéré. Les élections présidentielles de l'an 2000 vaste, de l'insuffisance des capacités du secteur public. Les membres de l'équipe ont travaillé indé- ont abouti à une passation du pouvoir pacifique pendamment sur les différents chapitres du rap- entre les partis politiques après un scrutin de bal- port, qui ont ensuite été rassemblés et révisés par le lottage -- ce qui se produit rarement en Afrique responsable de l'équipe. lorsqu'un parti au pouvoir sort perdant d'élections. La plupart des indicateurs sociaux du pays sou- Les membres de l'équipe se sont rendus dans les dif- tiennent avantageusement la comparaison avec les férents districts du pays et ont réalisé des études valeurs moyennes établies pour l'ensemble des pays documentaires. Ils ont également mené une d'Afrique subsaharienne. enquête auprès de 13 grands bailleurs de fonds au Ghana, complétée par des entretiens de suivi, qui Ces points forts masquent cependant des points ont permis de formuler la majeure partie des obser- faibles latents. Ainsi, si les niveaux de pauvreté vations sur l'expérience et les perceptions des ont, dans l'ensemble, diminué, les deux tiers des bailleurs de fonds. Parmi ceux qui ont répondu à pauvres vivent dans une situation d'extrême pau- 40 vreté, et leur régime alimentaire ne satisfait pas civils -- notoirement corrompus ou incompétents, leurs besoins nutritionnels minimaux. De surcroît, ou les deux à la fois. Au début des années 80, l'in- la pauvreté a augmenté dans certaines régions. frastructure physique du pays était dans un grave C'est le cas dans trois régions du nord du pays, où état de délabrement, les services sociaux s'étaient la proportion de la population qui vit en dessous du détériorés et l'économie était aux abois. Le PNB seuil de pauvreté varie entre 70 % et près de 90 % avait diminué de près de 40 % depuis 1970, et le (on trouvera à l'encadré 4.1 d'autres indicateurs taux de croissance était négatif depuis trois ans. La économiques et sociaux). valeur des importations et des exportations dimi- nuait comme une peau de chagrin et le taux d'in- flation dépassait 100 %. Spécificités du pays La stabilité économique et politique que le pays Le gouvernement du Conseil provisoire de connaît depuis peu contraste nettement avec les défense nationale (PNDC), arrivé au pouvoir troubles qui ont caractérisé le début de la période dans les années 80, est parvenu à mettre en postcoloniale. Durant les quinze années qui ont oeuvre une série de réformes structurelles et ins- suivi le départ du chef de la lutte pour l'indépen- titutionnelles. La réforme de la fonction dance du pays, Kwame Nkrumah, en 1966, le pays publique n'a cependant guère progressé et les a vu se succéder six gouvernements militaires et capacités limitées du secteur public continuent Encadré 4.1. Le Ghana en bref PAUVRETÉ ET INDICATEURS SOCIAUX Afrique Losange du développement* sub- Faible Ghana saharienne revenu Espérance de vie 2001 Population, à mi-année (millions) 19,7 674 2 511 RNB par habitant (méthode de l'Atlas, USD) 290 470 430 Taux brut RNB (méthode de l'Atlas, USD milliards) 5,7 317 1 069 RNB de scolari- par sation habitant primaire Estimations les plus récentes (dernière année disponible, 1995-2001) Accès à une meilleure source d'eau Pauvreté (% de la population en dessous du ­ ­ ­ Ghana seuil national de pauvreté) Pays à revenu intermédiaire, Population urbaine (% de la population totale) 36 32 31 tranche inférieure Espérance de vie à la naissance (années) 57 47 59 Mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 58 91 76 Malnutrition infantile (% d'enfants de moins de 5 ans) 25 ­ ­ Accès à une meilleure source d'eau (% de la population) 64 55 76 Analphabétisme (% de la population de plus de 15 ans) 27 37 37 Taux brut de scolarisation primaire 78 78 96 (% de la population d'age scolaire) Garçons 82 85 103 Filles 74 72 88 de compromettre l'application des stratégies glo- L'économie a perdu du terrain en 1999 et 2000 41 bales de développement. parce que les cours des principaux produits d'ex- portation du Ghana (l'or et le cacao) ont chuté et Dans les années 80, aucun parti politique n'était que l'aide internationale n'a pas été suffisante pour autorisé. Vers la fin de la décennie, en réaction combler le manque à gagner. À la fin de 1998, le aux pressions de plus en plus fortes en faveur de déficit budgétaire avait pris une telle ampleur que l'adoption d'un régime démocratique, le gouver- la banque centrale a cessé d'accepter automatique- nement a créé des Assemblées de districts puis a ment les chèques de l'État. La crise budgétaire qui organisé une série de consultations régionales sur a alors éclaté a démontré que les mesures de les moyens d'instaurer un nouveau système poli- réforme n'avaient réussi ni à diversifier la structure tique. En 1992, les citoyens ghanéens ont de l'économie, ni à réduire sensiblement la dépen- approuvé une nouvelle constitution qui a institué dance du pays à l'égard de l'aide étrangère. une démocratie parlementaire. Le gouvernement formé à l'issue des élections pré- À l'issue des élections démocratiques de 1992, le sidentielles de l'an 2000 -- qui ont vu la victoire PNDC a conservé le pouvoir (mais le parti a été de John Kufuor, candidat du Nouveau parti patrio- rebaptisé Congrès national démocratique, ou tique (NPP) -- s'est donc donné comme priorité NDC) et le gouvernement a lancé un nouveau de stabiliser l'économie. Trois mois après être train de réformes économiques et sociales. arrivé au pouvoir, le gouvernement a décidé de L'incidence de la pauvreté a été ramenée de demander à bénéficier d'un allègement de sa dette 52 % en 1991-1992 à 40 % en 1998-1999. dans le cadre de l'Initiative renforcée en faveur des Durant la majeure partie de la décennie, le taux pays pauvres très endettés (PPTE) du FMI et de la de croissance économique est resté relativement Banque mondiale. L'une des conditions à remplir constant, sans jamais dépasser 5 % par an. Les pour bénéficier de cette Initiative étant l'adoption taux d'investissement sont aussi restés relative- d'une stratégie nationale de lutte contre la pau- ment stables, et la progression des exportations vreté, l'intérêt financier de l'achèvement de l'éla- a été solide. La croissance n'a toutefois pas pu boration du plan de lutte contre la pauvreté du continuer sur cette trajectoire en raison des pays (entreprise d'ailleurs dans le cadre d'un vaste déséquilibres budgétaires dus à une baisse des processus consultatif lancé par le gouvernement exportations et, les années électorales, à l'aug- précédent) s'est nettement accru. Dès juillet 2002, mentation sensible des dépenses motivée par le un groupe spécial de travail de la Commission de désir du parti au pouvoir de s'attirer les faveurs planification du développement national (NDPC) des électeurs. a créé cinq équipes de base chargées de participer à l'élaboration de la stratégie ghanéenne de lutte Bien que la création des Assemblées de districts ait contre la pauvreté (GPRS). Le gouvernement a été l'occasion de mettre à l'ordre du jour le transfert ensuite recruté des consultants, pour la plupart de la gestion des programmes gouvernementaux au ghanéens, qui ont réalisé une synthèse des rapports niveau local, c'est-à-dire la décentralisation, les des équipes de base, de la contribution du minis- progrès en la matière sont restés limités car aucune tère et d'autres éléments d'information. stratégie cohérente n'a été élaborée pour mener à bien ce transfert. En outre, la réforme de la fonc- La GPRS qui a ainsi été élaborée conjugue un tion publique a fait long feu, victime du système de souci de croissance économique et d'équité sociale, clientélisme enraciné dans le pays. et reprend une bonne partie des objectifs de réforme que le pays s'était fixés de longue date. d'énoncer de nouveaux objectifs à long terme 42 Initialement, le coût des initiatives de vaste enver- confortera ce processus. Toutefois, si l'on évalue gure que prévoyait la GPRS totalisait 8,3 milliards avec réalisme la capacité de l'administration, tant de dollars sur trois ans, soit environ cinq fois plus au niveau local qu'au niveau central, à mettre en que le montant disponible de 1,6 milliard de dol- oeuvre des plans à long terme de cette nature, on se lars. En effet, le vaste processus consultatif à l'issue voit contraint de tempérer les espoirs de réussite. duquel la GPRS a été mise au point ne prévoyant pas d'établir un ordre de priorité des investisse- Par le passé, plusieurs plans -- plus précisément les ments dans le cadre d'une discipline budgétaire, le stratégies de lutte contre la pauvreté préparées en coût des investissements proposés a largement 1999 et 2000 -- avaient incarné les quatre prin- dépassé les ressources disponibles. cipes du CDI, mais en réalité, ces plans n'ont jamais été liés au budget de l'État. En 1999 le Lorsque les principaux bailleurs de fonds ont fait Ghana est devenu un pays pilote du CDI, aux clairement savoir au gouvernement que leur appui termes d'un accord entre les dirigeants du pays et reposerait sur la GPRS, il est devenu essentiel de de la Banque mondiale. Si le Ghana a ensuite été hiérarchiser les objectifs de cette stratégie. Le nou- choisi pour évaluer le CDI, c'est en raison de sa veau gouvernement a pris soin d'y faire figurer ses sélection en tant que pays pilote et de l'importance priorités économiques à moyen terme, en particu- de l'aide internationale, l'aide extérieure finançant lier le rôle prépondérant de la croissance dans la 90 % environ des dépenses d'investissement public lutte contre la pauvreté. du pays. Durant sa première année au pouvoir, le NPP a La stratégie actuelle de lutte contre la pauvreté du adopté une politique prudente de gestion des Ghana incarne les principes du CDI. Elle continue finances publiques et une politique de resserrement d'orienter l'action des organismes bailleurs de du crédit. Il est ainsi parvenu à réduire de moitié le fonds. On en a pour preuve le fait qu'elle ait taux d'inflation pour le ramener de 42 % à 21 % constitué le document clé lors d'une réunion du (ce taux est tombé à 15 % en 2002). En outre, les Groupe consultatif à laquelle ont participé les priorités du budget 2002 ont reflété dans leurs représentants du gouvernement et les bailleurs de grandes lignes l'importance accrue accordée à la fonds, qui s'est tenue durant l'évaluation du CDI. réduction de la pauvreté. Toutefois, il n'existait toujours pas de plan d'ensemble qui englobe les C'est dans ce contexte économique et social que dépenses de la GPRS à moyen terme (un cadre de les principes du CDI sont appliqués au Ghana. dépenses à moyen terme existait bien sur le papier, Abstraction faite de la situation en vigueur, l'ap- mais il n'était pas encore opérationnel), d'autres plication de ces principes est toujours une entre- dépenses budgétaires et les fonds dégagés dans le prise de grande ampleur, qui contraint souvent cadre de l'Initiative PPTE. les pouvoirs publics, comme les bailleurs de fonds, à procéder à des restructurations et Étant donné que la capacité du Ghana à mettre en des changements profonds. Ces changements oeuvre ces réformes est limitée, il convient d'allon- doivent reposer sur un appui politique et une ger la période couverte par la GPRS qui, pour l'ins- capacité de réalisation adéquate et bénéficier tant, a un horizon à trois ans. Le processus de d'une attention constante. Dans le cas précis du planification budgétaire sur trois à cinq ans que Ghana, d'une part l'aide extérieure est très prévoit la constitution peut être un moyen de le importante et, d'autre part, les capacités du sec- faire, et l'intention du Gouvernement NPP teur public sont faibles. Bien que le pays et les bailleurs de fonds aient accompli des progrès crée au principe de priorité aux résultats. 43 dans la mise en oeuvre des principes du CDI, il Pour l'heure, aucune vision à long importe de considérer ces progrès avec réalisme, en tenant compte des capacités actuelles terme du pays. La GPRS offre-t-elle une vision à long terme ? C'était en effet le cas de la version qui avait vu le Organisation du chapitre jour sous le précédent Gouvernement NDC. Les quatre sections suivantes analysent le Toutefois cet élément a, dans une large mesure, chemin parcouru par le Ghana au regard de été abandonné sous le nouveau Gouvernement chacun des quatre principes du CDI : un schéma NPP. Les dépenses excessives engagées par le de développement global axé sur le long terme, NDC avant les élections n'ont pas laissé d'autre la prise en charge du processus par le pays, un choix au nouveau gouvernement que de s'attaquer partenariat piloté par le pays et la priorité au problème de la crise économique imminente. donnée aux résultats (les principes du CDI sont Poussé par les bailleurs de fonds, le gouvernement exposés en détail dans le chapitre Introduction a classé par ordre de priorité les initiatives très de cet ouvrage). Chaque section présente suc- diverses prévues dans le cadre de la GPRS de cessivement les succès enregistrés et les difficultés à façon à assurer l'engagement des activités de déve- surmonter. loppement qui étaient conformes aux objectifs de l'État. Les initiatives reflétant le programme et les priorités du nouveau gouvernement ont aussi été Schéma de développement prises en compte et ont d'ailleurs pris le pas sur les autres. Dans l'ensemble, ces initiatives reflètent global axé sur le long terme essentiellement l'accent mis sur des mesures de nature à stimuler la croissance économique, en Pour déterminer si la GPRS -- qui concrétise la particulier l'attention accrue portée au développe- façon dont le Ghana appréhende le CDI -- ment du secteur privé. contribue à faire appliquer le principe du CDI de développement global axé sur le long terme, il Il se peut qu'une vision à long terme mieux défi- convient de répondre aux quatre questions sui- nie voie le jour, qui serait basée sur le programme vantes : de mesures coordonnées axées sur l'économie et le développement que, en vertu de la constitution, le la GPRS offre-t-elle une vision à long terme ? gouvernement a dû soumettre au Parlement en si c'est le cas, équilibre-t-elle de façon satisfai- 2003 pour le moyen-terme (trois à cinq ans). On sante les aspects économiques, structurels et voit donc que le Ghana n'a pas adopté d'emblée sociaux ? une vision à long terme, mais a plutôt commencé par gérer une crise à court terme, puis s'est doté couvre-t-elle l'ensemble des secteurs et établit- d'une stratégie de lutte contre la pauvreté à moyen elle des liens adéquats entre eux ? terme, et enfin a énoncé des objectifs à long terme. Cette évolution est compréhensible est-elle ancrée dans le cycle budgétaire de l'ad- compte tenu de la situation politique du pays. ministration centrale ? La GPRS reflète-t-elle un équilibre entre les Les trois premières questions sont examinées ci- objectifs de croissance structurelle et les considé- après; la quatrième est reprise dans la partie consa- rations sociales du gouvernement ? La GPRS 44 constitue la tentative la plus importante faite à ce de développement à long terme. Le cycle qua- jour pour placer la lutte contre la pauvreté au pre- driennal des élections étant une réalité incontour- mier rang des préoccupations du pays. Elle met en nable, il n'y aura aucune entente sur un énoncé évidence la nécessité de procéder à des change- des objectifs à long terme tant que le principe de ments profonds pour parvenir aux objectifs fixés. recherche de consensus n'aura pas imprégné la Le gouvernement a choisi d'adopter une stratégie culture politique et les institutions. Or ces condi- indirecte qui provoque des effets de retombée tions ne sont pas encore réunies au Ghana, pour plutôt que de prendre des mesures directes de lutte un certain nombre de raisons : les traditions contre la pauvreté. Cette orientation ne fait guère démocratiques sont trop récentes, l'influence des de doute si l'on compare le nombre de pages de la systèmes de récompense clientélistes reste trop GPRS consacrées à la croissance économique à forte, le niveau général d'instruction de la popula- long terme (21) à celles consacrées à la lutte tion est trop faible, les flux d'informations sont contre la pauvreté (5). Les secteurs sociaux sont insuffisants et la participation au niveau local est eux aussi traités superficiellement, puisque les loin d'avoir atteint son potentiel. questions de santé (à l'exception de la lutte contre le VIH/SIDA) tiennent en trois pages seulement. Le discours sur l'état de la Nation que le président Prise en charge par le pays Kufuor a prononcé en janvier 2002 confirme cet état de fait puisqu'il ne fait aucune allusion à la pauvreté. Succès enregistrés Bien que les élections et la démocratie ne soient Il n'est pas possible de répondre à la troisième pas explicitement liées au principe du CDI de prise question -- la GPRS couvre-t-elle l'ensemble des en charge par le pays, au Ghana, le signe le plus secteurs et établit-elle des liens adéquats entre eux perceptible de l'appropriation du processus d'aide en matière de lutte contre la pauvreté ? -- de par le pays pourrait bien être l'amélioration des manière positive. Les ministères ne se sont ralliés mécanismes démocratiques. Au départ, c'est sous à la GPRS que sur le tard. Les débats au sein des la pression populaire que la démocratie pluraliste a différents départements et organismes qui auraient été rétablie en 1992. Un gouvernement démocra- permis, dès les premiers temps, d'établir ces liens, tiquement élu a ensuite fait quelques tentatives n'ont tout simplement pas eu lieu. On en voit le timides pour formuler sa politique en suivant un résultat dans le caractère hétéroclite du document processus participatif. Aujourd'hui, le gouverne- définitif qui expose la GPRS. Si certaines mesures ment au pouvoir fait davantage preuve d'ouverture sont bénéfiques pour les pauvres, d'autres n'ont et de tolérance, et affiche une volonté plus ferme que peu de rapport avec la lutte contre la pau- de consulter les diverses parties prenantes -- de vreté, et enfin elles n'ont aucun lien cohérent fait, la société civile comme le secteur privé parti- entre elles. cipent davantage à des consultations à différents niveaux, y compris dans des domaines étrangers au Il est certes souhaitable que les dirigeants des pays processus de la GPRS. suivent une orientation claire et soient en mesure d'y rallier la population (tout en faisant la part des De façon générale, les bailleurs de fonds ont problèmes macroéconomiques et sociaux). appuyé la prise en charge du processus par le pays L'équipe d'évaluation se demande cependant s'il au niveau politique -- comme en témoigne par est nécessaire d'exiger que le pays adopte un pro- exemple non seulement le dispositif de la GPRS, cessus plus formel pour mettre en place un schéma mais aussi l'approche d'envergure sectorielle 45 Encadré 4.2. La première approche d'envergure sectorielle pour la santé En 1995, le secteur de la santé du Ghana traversait une véritable crise. Plusieurs programmes financés par des bailleurs de fonds s'attaquaient aux mêmes problèmes, certains domaines étaient surfinancés alors que d'autres étaient négligés, et les financements publics diminuaient. Le ministère de la Santé a réagi à ces problèmes en définissant une vision à long terme pour le secteur. Avec l'appui de six grands bailleurs de fonds (le DFID, la Danida, la Banque mondiale, les Pays Bas, le Fonds nordique de développement et l'Union européenne), le gouvernement a animé un effort visant à réunir un consensus autour d'une stratégie de réforme à moyen terme, sur cinq ans. Il est parvenu à convaincre une poignée de bailleurs de fonds de financer ce plan en adoptant un mécanisme de financement regroupé, et un système commun de gestion. Alors qu'auparavant, le personnel du ministère passait la majeure partie de l'année à répondre aux demandes des comptables et des auditeurs de trente bailleurs de fonds, l'approche sectorielle ne prévoit qu'une seule mission d'étude par an qui dure trois semaines, et le personnel du minis- tère peut ainsi se consacrer à son travail de base. Les bailleurs de fonds reçoivent les mêmes états financiers et un seul rapport annuel, ce qui réduit les coûts de transaction. Toutefois, d'après des cadres du ministère de la Santé interrogés pour l'évaluation, certaines parties pre- nantes sont revenues sur leur position. Des bailleurs de fonds s'apprêtent à reprendre le terrain qu'ils avaient cédé car ils jugent que la performance des pouvoirs publics est insuffisante dans des domaines qui relevaient auparavant de projets menés par les donateurs. D'autre part, si le système de financement regroupé des grands bailleurs de fonds s'est traduit par des gains d'efficacité, de nombreux bailleurs de fonds n'y parti- cipent pas. Enfin, bien que l'approche sectorielle mette en avant le suivi des dépenses et de l'impact des projets, l'amélioration des indicateurs de santé n'est pas bien établie, et les statistiques font défaut sur un certain nombre de catégories, même sur une période de quatre à cinq ans. (SWAp) de la politique en matière de santé et dans le débat (les groupes d'experts du pays ont eux d'agriculture, solidement ancrée au ministère de les moyens d'aider les organisations de la société l'Agriculture. civile et d'augmenter les capacités d'analyse des politiques dont disposent les pouvoirs publics et les Difficultés à surmonter parlementaires). En outre, le mécanisme de Toutefois, de l'avis général, la qualité du dialogue consultation sur la politique à mener n'est pas sur la politique nationale laisse encore à désirer. encore ancré dans les institutions : les comités par- Les organisations de la société civile reconnaissent lementaires et les Assemblées de districts ne sont que, le plus souvent, elles ne disposent pas de la pas systématiquement inclus, ce qui risque de créer capacité et des moyens nécessaires pour participer un clivage entre les processus consultatifs et la valablement à des discussions sur l'action à mener démocratie représentative. qui exigent des compétences spécialisées et des tra- vaux de recherche. En outre, la documentation Deux autres facteurs entrent en jeu dans la prise en nécessaire pour étayer l'analyse des politiques est charge du processus d'aide par le Ghana. Le pre- souvent inaccessible ou trop longue à obtenir. Une mier est la proportion élevée du budget de l'État fois obtenue, les organisations de la société civile qui est financée par l'aide (40 %), et le second est n'ont plus suffisamment de temps pour l'intégrer la capacité limitée de l'administration centrale et des administrations locales à gérer l'aide. Il n'en mondiale a joué un rôle moteur et est parvenu à 46 demeure par moins que si le gouvernement conti- transformer l'image de la Banque pour lui donner nue d'élargir le processus de formulation de la poli- celle d'une institution plus ouverte qui se consi- tique à mener, il peut modifier son rôle et passer de dère comme un partenaire aussi bien des pouvoirs responsable de la validation de l'aide à consultant, publics que des bailleurs de fonds (ainsi, la Banque puis à participant au processus d'aide. Pour l'heure, a fermement recommandé que les bailleurs de cependant, il n'est pas en mesure de prendre en fonds n'interviennent pas lorsque le gouvernement charge ce processus de façon constructive car il ne a préparé la GPRS. Elle a également servi d'inter- possède ni les capacités nécessaires, ni un pro- médiaire pour acheminer les cofinancements des gramme clair et convaincant autour duquel les dif- bailleurs de fonds dans le cadre de l'approche d'en- vergure sectorielle retenue pour la santé). De façon férents acteurs pourraient coordonner leur action. générale, les bailleurs de fonds relèvent que leurs relations avec le gouvernement actuel sont plus solides aujourd'hui que ne l'étaient, vers la fin, Partenariat piloté leurs rapports avec l'administration précédente. par le pays La souplesse des bailleurs de fonds et l'étendue des pouvoirs qu'ils délèguent à leurs représentants Succès enregistrés locaux et à leurs agents nationaux varient, mais Les bailleurs de fonds, tout comme les pouvoirs on s'accorde généralement à reconnaître qu'il publics, ont certes pris des mesures en vue de forger s'agit de pratiques qui permettent aux bailleurs de des partenariats dans le domaine de l'aide au fonds d'appliquer les principes du CDI, voire de Ghana, mais les progrès qui ont été accomplis jus- conditions préalables à leur application. La qu'à présent ont essentiellement consisté à jeter les Banque mondiale, entre autres, a transféré son bases de ces partenariats grâce à davantage de Directeur des opérations au Ghana même, et non consultations et de dialogue. Des réunions du plus à Washington, et a confié aux agents natio- Groupe consultatif, auxquelles participent des naux davantage de responsabilités en matière de représentants du gouvernement et les bailleurs de gestion des tâches. Les Ghanéens sont très sen- fonds, se tiennent tous les deux ans à Accra et sont sibles à ce type de décentralisation. coprésidés par un représentant du gouvernement. Dans l'intervalle, des « mini-groupes consultatifs », Quant aux pouvoirs publics, il semble qu'ils soient créés avant même le lancement officiel du CDI, résolument décidés à engager un dialogue sur la continuent de se réunir tous les trimestres. Ces politique à mener avec les bailleurs de fonds, deux types de réunions sont ouvertes à un vaste comme en atteste le fait qu'ils se soient prononcés éventail de parties prenantes, y compris des fermement en faveur du concept de partenariat membres de la société civile, et les bailleurs de lors de la réunion du Groupe consultatif qui s'est fonds y sont bien représentés. tenue durant l'évaluation. De surcroît, le gouver- nement a pris plusieurs mesures qui visent à relan- Il ne fait pas de doute que les bailleurs de fonds cer le débat sur les thèmes de l'agriculture, de la reconnaissent la nécessité de coordonner leur gestion financière du secteur public et de la décen- action. Leurs représentants se réunissent tous les tralisation. mois, et ceux d'entre eux qui ont une longue expé- rience du processus et qui ont été interrogés dans le cadre de l'évaluation ont fait état d'un resserre- Difficultés à surmonter ment de la coordination au cours des cinq der- Ainsi, si théoriquement toutes les parties sont dis- nières années. Le représentant de la Banque posées à coopérer en forgeant des accords de parte- nariat, sur le terrain, peu de succès concrets ont été tions et d'ateliers plutôt que sur la résolution de 47 enregistrés, l'approche d'envergure sectorielle problèmes structurels tels que la contribution des adoptée pour la santé faisant figure d'exception. mesures d'incitation aux capacités de la fonction Dans l'ensemble, le mode de fonctionnement des publique. bailleurs de fonds continue d'avoir des effets défa- vorables sur le secteur public. Ainsi, par exemple, Pourquoi les bailleurs de fonds persistent-ils à ils contournent le budget de l'État, octroient leur employer des méthodes qui entravent le renforce- aide directement aux districts sans coordonner leur ment des capacités de l'administration, tant au action par l'intermédiaire de l'administration cen- niveau central qu'à celui des districts ? Plusieurs rai- trale et proposent des salaires plus élevés que ceux sons se conjuguent pour expliquer cette attitude : des fonctionnaires, ce qui a pour effet d'inciter les le désir d'obtenir des résultats rapides, une culture plus compétents de ceux-ci à travailler sur leurs institutionnelle privilégiant les décaissements et, projets d'aide. dans une certaine mesure, la nécessité pour les bailleurs de fonds de rester bien en vue. À cela Avant de pouvoir appliquer le principe de partena- vient se greffer la tendance qu'ont les bailleurs de riat du CDI, le Ghana doit résoudre un problème fonds à éviter de prendre des risques, notamment de taille. Il doit surmonter les obstacles aux finan- parce qu'ils craignent les scandales financiers qui cements conjoints et à l'adoption de démarches peuvent se produire dans un pays où la corruption uniformes qui, pour l'heure, empêchent de trans- est aiguë. C'est précisément pour cette raison former les accords informels entre bailleurs de qu'aucun effort n'a été épargné, dans le cadre de fonds en programmes concrets et coordonnés. l'approche d'envergure sectorielle pour la santé, pour garantir une saine gestion des apports des Comme ils l'ont souvent noté lors des entretiens, bailleurs de fonds. les fonctionnaires savent très bien que des unités de gestion de projets appuyés par des bailleurs de Le gouvernement contribue lui aussi à créer un fonds fonctionnent hors des circuits de la fonction climat qui encourage l'efficacité à court terme au publique. Les bailleurs de fonds, pour leur part, détriment du renforcement et de la pérennité des sont moins ouverts sur ce sujet, mais n'en recon- capacités des pouvoirs publics. L'un des principaux naissent pas moins l'existence de ce système. La facteurs responsables de ce climat est le cycle élec- plupart d'entre eux semblent penser que c'est un toral de quatre ans, qui oblige le gouvernement à mal nécessaire, qui s'explique par la faiblesse des faire état des résultats qu'il a obtenus durant la capacités du secteur public et la complexité de cer- campagne électorale. En outre, les consultants et tains projets. La seule initiative portée à l'attention les conseillers spéciaux associés aux projets des de l'équipe dans ce domaine n'a pas pour objet de bailleurs de fonds peuvent souvent présenter plus mettre fin à cette pratique parallèle, mais d'harmo- efficacement que les fonctionnaires sous-payés les niser les conditions d'emploi, le niveau des rému- déclarations de principe, les plans de réforme et les nérations et les indemnités. arguments requis pour justifier la poursuite de l'aide. Le recours à des méthodes qui favorisent la créa- tion d' « enclaves » a eu aussi divers effets négatifs. S'il est vrai que ces facteurs expliquent sans doute Certaines activités font double emploi, les pra- la présence d'un système parallèle à la fonction tiques optimales sont peu diffusées et -- particuliè- publique au Ghana, ils n'expliquent pas pourquoi rement en matière de renforcement des capacités le gouvernement ne prend généralement pas une -- les efforts ont porté sur l'organisation de forma- position plus ferme lorsque les bailleurs de fonds 48 proposent une aide qui ne reflète pas ses priorités. bailleurs de fonds prévoient de replacer leur appui De l'avis de plusieurs fonctionnaires interrogés, le à la balance des paiements dans le cadre d'une gouvernement doit faire preuve de davantage de approche sectorielle, les carences de la gestion fermeté et refuser les projets qui ne sont pas financière du secteur public et la précarité de sa conformes à ses objectifs prioritaires. capacité de mise en oeuvre posent problème une fois de plus. En outre, l'arrêt du projet de réforme Une fois encore, les réalités de la situation du pays des marchés publics a ébranlé la confiance des apportent un élément de réponse. Le budget de bailleurs de fonds dans la volonté des pouvoirs l'État est nettement insuffisant pour financer la publics d'améliorer les mécanismes pour regrouper réalisation de travaux utiles par le personnel des l'aide. ministères. Les administrations manquent d'auto- mobiles, d'essence, de photocopieurs, d'ordinateurs De leur côté, les bailleurs de fonds sont eux aussi et même de papier. Dans les districts où s'est capables de se montrer réticents. Ils ont pris pré- rendue l'équipe d'évaluation, les employés des ser- texte de l'objectif du CDI de prise en charge par le vices sanitaires et agricoles ne quittaient pas leur pays pour éviter de faire pression sur le gouverne- bureau faute de moyens pour se rendre chez leurs ment et l'amener à se préoccuper davantage de clients. Dans ces conditions, même les projets qui problèmes fondamentaux, mais délicats sur le plan n'appuient pas les objectifs prioritaires du gouver- politique, comme la lenteur de la réforme de la nement ont toutes les chances d'être approuvés car fonction publique. Or tant que des problèmes aussi ils permettent d'obtenir des ordinateurs, des complexes et épineux que la réduction des effectifs moyens de transport et des ressources pour les opé- et la réforme des traitements dans le secteur public rations qui peuvent être rapidement débloquées, et (qui devraient prendre entre cinq à dix ans) ne résolvent ainsi des problèmes sans aucun rapport seront pas résolus, il est difficile d'envisager que la avec les objectifs exprès des projets. gestion financière du secteur public puisse être améliorée durablement, voire que toute autre En définitive, le pays est enfermé dans un cercle réforme profonde du secteur public puisse être vicieux : d'une part, pour mettre en oeuvre les menée à bien, pour la simple raison que les condi- réformes requises, il doit disposer d'une capacité tions nécessaires pour créer une volonté suffisante qu'il n'a pas, et d'autre part, il ne peut renforcer les -- dans l'optique du CDI, une prise en charge par capacités requises pour mettre en oeuvre les le pays -- ne seront vraisemblablement pas réunies. réformes tant que ces réformes ne sont pas entre- prises. Une solution pour sortir de ce cercle vicieux serait d'engager une vaste réforme de la fonction Priorité aux résultats publique, qui rétablirait des mesures d'incitation judicieuses en faveur des fonctionnaires et mettrait Au Ghana, comme dans tous les pays où le progressivement fin aux distorsions créées par les CDI a été évalué, le principe de priorité systèmes parallèles. La passivité dont font preuve donnée aux résultats est des quatre principes les bailleurs de fonds en la matière est pour le celui qui enregistre les moins bons résultats. moins surprenante puisqu'il s'agit d'actions essen- Cela n'est guère surprenant car c'est un prin- tielles pour continuer d'avancer vers l'application cipe difficile à appliquer rapidement, en parti- des principes du CDI en général, et du principe de culier eu égard à la faiblesse des capacités partenariat en particulier. Une autre solution serait techniques du pays et à l'insuffisance des d'augmenter la part de l'aide des bailleurs de fonds investissements consacrés par le gouverne- dans le budget de l'État. Cependant, bien que les ment au suivi et à l'évaluation. 49 Encadré 4.3. Un pays doté d'un potentiel incontestable Si l'on en juge par l'intérêt que portent les bailleurs de fonds au Ghana, il semble que l'étoile de ce pays soit en train de monter. Autant cet intérêt est mérité d'un point de vue géopolitique, démocratique et économique, autant il fait courir le risque d'augmenter la dépendance du pays à l'égard de l'aide, qui est déjà élevée, ou au moins de la maintenir. Or certains indices donnent déjà à penser qu'un volume d'aide élevé ne favorise pas l'application des principes du CDI, mais au contraire risque d'accroître la concurrence entre les bailleurs de fonds et leur intérêt pour des domaines déjà trop privilégiés. L'État aura cependant du mal à refuser leur aide dans ces domaines, compte tenu des nombreux avantages que procurent tous les projets à une administration en mal de moyens et dont le personnel est sous-payé. Ce dilemme pourrait être résolu si les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds élaboraient conjointement une stratégie en matière d'aide extérieure. Certains de ses éléments seraient surveillés par des pairs d'autres pays bénéficiaires d'aide et par des bailleurs de fonds et des ONG qui n'interviennent pas au Ghana. Cette stratégie pourrait notamment comprendre les éléments suivants : un engagement de l'État de diminuer progressivement le volume global de l'aide ; une définition claire des stratégies d'aide privilégiées, qui concilient d'une part la préférence de l'État pour un soutien budgétaire avec l'obligation de rendre des comptes aux bailleurs de fonds, et d'autre part la nécessité de résultats à court terme avec les objectifs de développement des capacités à long terme ; une structure de coordination de l'aide, tant stratégique qu'opérationnelle ; une volonté des bailleurs de fonds d'abandonner progressivement des mesures d'incitations génératrices de distorsions et de simplifier et d'harmoniser les systèmes d'établissement des rapports1 ; un engagement concerté des bailleurs de fonds d'éviter de proposer une aide mal adaptée à la situation. Cet engagement serait fondé sur les principes du CDI et définirait précisément la conduite souhaitée. 1. Comme le cadre de l'appui budgétaire multidonateurs. Succès enregistrés particulier la mortalité infantile et la couverture Malgré la faiblesse du mécanisme de base utilisé vaccinale. pour mesurer les résultats, le secteur de la santé du Ghana a fait oeuvre de précurseur en adoptant En outre, la stratégie de lutte contre la pauvreté du l'une des approches de portée sectorielle les plus pays contient un certain nombre d'objectifs novatrices d'Afrique. À partir de données relatives concrets et mesurables, et formule des plans relati- à la performance, il évalue les progrès accomplis, vement précis afin de suivre les résultats. Des définit la politique sectorielle et répartit les res- efforts ont été entrepris en vue de renforcer la sources. Jusqu'à présent, cette approche a permis Commission de planification du développement d'améliorer les informations et la gestion finan- national et de renforcer les capacités dont elle dis- cières, d'augmenter le nombre d'antennes sani- pose pour mesurer les progrès accomplis dans le taires mobiles au niveau des districts et d'améliorer cadre de la lutte contre la pauvreté. Il est étonnant les résultats sanitaires dans certains domaines, en que le Service national des statistiques n'ait pas été 50 impliqué dans la formulation de la stratégie de au titre de la santé sont de 7,50 dollars par lutte contre la pauvreté. Ce service a néanmoins habitant. chargé un bureau du suivi de la pauvreté et préparé une grande enquête afin de créer de nouveaux Les progrès enregistrés en matière de gestion indicateurs au niveau des districts. financière du secteur public sont entravés par la médiocrité des mécanismes de production et de L'intégration des objectifs du cadre de dépenses diffusion des données et, d'une façon générale, par à moyen terme dans le cycle budgétaire de l'État la faiblesse des capacités de suivi et d'évaluation se poursuit, ce qui présente l'avantage de donner des pouvoirs publics. Ces problèmes fondamentaux la primauté aux résultats, et non plus aux res- doivent être résolus si l'on veut que le principe de sources utilisées comme c'était le cas habituelle- priorité aux résultats soit efficacement mis en ment. En outre, les mécanismes mis en place en oeuvre. Dans le domaine de l'agriculture, les 2001 pour assurer un meilleur suivi des dépenses bailleurs de fonds ont donné leur plein appui aux publiques se sont traduits par une amélioration initiatives du gouvernement qui visaient à amélio- de la performance. rer les capacités de suivi, tout en préconisant cependant que les systèmes restent simples afin de refléter les capacités actuelles. Difficultés à surmonter Bien qu'un Comité de coordination de la politique L'un des principaux moyens d'améliorer le suivi des économique ait été créé pour contrôler les prévi- résultats consiste à renforcer progressivement la sions budgétaires et les dépenses mensuelles de responsabilité politique de l'État vis-à-vis des l'État, ses compétences techniques sont insuffi- citoyens à tous les niveaux. À cet égard, les orga- santes. Son action pourrait être complétée par le nisations de la société civile du pays peuvent jouer système de gestion des dépenses publiques et du un rôle important, en veillant par exemple à ce que budget, mais la mise en place de ce système a été des mécanismes de contrôle soient mis en place retardée et il risque de ne pas être opérationnel dans l'ensemble du pays, et non pas uniquement avant 2003. pour l'élite instruite d'Accra. Le suivi de l'approche d'envergure sectorielle novatrice pour la santé est lui aussi insuffisant. Ainsi, il est étonnant de constater que les indi- Conclusions cateurs de santé utilisés pour suivre les résultats de façon systématique sont très peu nombreux. Au Ghana, les principes du CDI n'ont été mis en Nombre de tableaux d'indicateurs comportent oeuvre que de façon limitée, et n'ont pas encore été davantage de mentions « néant » que de don- institutionnalisés. Les initiatives qui ont intégré nées statistiques. Les difficultés du ministère de ces principes ont donné des résultats mitigés. Les la Santé à collecter des données au niveau local exemples les plus probants d'initiatives conformes s'expliquent par plusieurs facteurs. Entre autres, à ces principes (ou à des principes similaires avant le ministère a été mal réorganisé, ce qui a le lancement officiel du CDI) sont l'approche sec- entraîné des départs du personnel et des torielle de la santé, certaines parties de la stratégie carences en matière de suivi et de supervision de lutte contre la pauvreté, en particulier le pro- consécutives à la décentralisation des fonctions. cessus participatif sur lequel elle repose et l'impor- Les contraintes budgétaires globales sont un tance accrue accordée à la réduction de la pauvreté autre facteur : les dépenses publiques annuelles dans le budget de l'État, et enfin le dialogue accru entre les bailleurs de fonds et entre ces derniers et lancer dans cette opération. Les bailleurs de fonds 51 les pouvoirs publics. ont, quant à eux, évité de manière générale de rele- ver ce défi et, de plus, entravé les progrès en met- La Stratégie ghanéenne de lutte contre la pau- tant en place des unités de projets qui vreté (GPRS) est exposée dans un document qui fonctionnent indépendamment de la fonction guide dorénavant les relations entre les pouvoirs publique. publics et les bailleurs de fonds, ces derniers s'étant engagés à accorder leur aide conformé- Pour les pouvoirs publics, la difficulté consiste ment aux priorités qu'il définit. Toutefois, le pro- donc à rétablir l'efficacité de la fonction publique cessus consultatif sur lequel repose la GPRS n'a et à continuer d'ancrer les principes démocratiques pas encore été assimilé, puisque ni le Parlement, dans le pays. La tâche des bailleurs de fonds consis- ni les Assemblées de districts ne sont consultés tera à collaborer pour harmoniser leur action, à sur la mise en oeuvre de cette stratégie. En outre, poursuivre leur changement d'orientation et à pri- les initiatives lancées dans ce cadre (en grande vilégier l'aide-programme plutôt que l'aide-projet, partie définies par le gouvernement précédent) et enfin à décentraliser davantage les services des n'ont pas été associés à une vision globale axée organisations, en mutant des agents du siège dans sur le long terme ou à un cadre de dépenses opé- les bureaux locaux afin d'améliorer le dialogue rationnel à moyen terme. Le gouvernement avec les pouvoirs publics et la société ghanéenne actuel a en effet préféré définir sa propre stratégie dans son ensemble. de lutte contre la pauvreté et a mis l'accent sur une croissance économique entraînée par le Enfin, l'application des principes du CDI ne pourra développement du secteur privé. se poursuivre que si le gouvernement est déterminé à faire preuve d'autorité et à énoncer clairement L'équipe au pouvoir a néanmoins montré qu'il a la un programme ­ et si les bailleurs de fonds jugent ferme intention de s'attaquer au difficile problème que ce programme va bien dans le sens de la lutte de la réforme de la fonction publique et, de sur- contre la pauvreté. croît, au système de clientélisme qui est profondé- ment enraciné dans le pays. Cette détermination S'il est vrai que l'analyse de la mise en oeuvre du est importante car le renforcement des capacités CDI au Ghana laisse supposer que les progrès des fonctionnaires est la tâche à laquelle il faut seront graduels et que ce processus connaîtra des s'atteler en priorité pour accélérer l'application des hauts et des bas, l'exemple de l'approche sectorielle principes du CDI. Le renforcement des capacités pour la santé -- qui, à de nombreux égards, fait du secteur public exigera un effort à long terme figure de modèle en matière de planification et de considérable, d'une ampleur inconnue au Ghana, mise en oeuvre du CDI -- est bien la preuve que malgré la volonté déclarée du gouvernement de se cette stratégie est réalisable. Chara Tsitoura C H A P I T R E C I N Q Roumanie 53 Méthode de travail quantitative basée sur un questionnaire standardisé rempli par un échantillon aléatoire de plus de 700 personnes dans l'ensemble du pays. L'équipe qui a étudié l'application du CDI en Roumanie a travaillé sous la direction de John L'équipe a également réalisé une analyse documen- Eriksson, du Département de l'évaluation des opé- taire. Dans l'ensemble, on considère que la rations de la Banque mondiale. Elle était composée méthode de travail et les résultats obtenus sont suf- de B. Lynn Salinger, économiste, consultante à fisamment représentatifs et solides pour permettre Associates for International Resources and de tirer des conclusions valables sur les aspects Development, (Cambridge, Massachusetts) et du positifs et négatifs des processus de développement Professeur Dumitru Sandu, de la Faculté de socio- liés au CDI en Roumanie. logie de l'Université de Bucarest. Manuela Sofia Stanculescu, consultante à l'Institut pour l'étude Les personnes interrogées appartenaient à 64 insti- de la qualité de la vie (Bucarest) a réalisé une tutions différentes. enquête sur les relations entre le gouvernement et les bailleurs de fonds en juin 2002, qui a étayé l'étude de cas. La Roumanie : Les trois membres de l'équipe ont travaillé sur le une transition longue terrain à deux reprises, la première fois du 4 au et mouvementée 12 février 2002 et la seconde du 11 au 29 mars 2002. Au cours de plus de 90 entretiens réalisés en Roumanie et à Washington, ils ont recueilli le Spécificités du pays point de vue d'environ 150 personnes (fonction- En 1989, alors que l'économie roumaine était au naires de l'administration centrale ou des adminis- bord de l'effondrement, le renversement de trations locales et parlementaires) ainsi que de Nicolae Ceausescu a mis fin à plus de cinquante représentants de la société civile, du secteur privé, ans de régime communiste. On savait, de manière de bailleurs de fonds et d'organismes de développe- générale, que la modernisation de l'économie du ment international. pays aurait des coûts sociaux -- le dispositif de pro- tection sociale assuré par l'État et l'économie diri- L'enquête qualitative semi-directive réalisée lors de gée étant remplacés par un régime démocratique et ces entretiens a été complétée par deux enquêtes une économie de marché -- mais on pensait que la directives : une enquête par questionnaire auprès période de transition serait courte. de représentants des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds, qui portait sur les relations entre L'application par les gouvernements successifs des ces deux groupes, et une enquête essentiellement réformes de modernisation a cependant connu des 54 coups d'accordéon. La privatisation des entreprises ruraux et de membres du groupe ethnique des d'État a été lente, et la corruption et la faiblesse des Roms. De surcroît, la population roumaine institutions de réglementation ont entravé le déve- souffre de graves problèmes de santé, comme en loppement des entreprises du secteur privé. C'est attestent les taux de mortalité infantile et l'es- ainsi qu'à la fin des années 90, le pays a connu pen- pérance de vie. L'augmentation de la pauvreté dant trois ans une croissance économique négative durant la période 1995-2001 s'est notamment et une hausse des prix à la consommation de plus traduite par l'aggravation des dysfonctionne- de 80 % par an en moyenne. Toutefois, depuis ments de la société. Les pouvoirs publics et la 2000, la situation s'améliore. Le taux de croissance communauté internationale s'inquiètent en par- économique moyen a dépassé 5 % en 2001­2002, ticulier du nombre croissant d'enfants abandon- et le taux d'inflation annuel est descendu à 23 % nés pris en charge par des institutions car la en 2002. capacité de la Roumanie à faire face aux pro- blèmes psychosociaux et éducatifs d'enfants Malgré une récente évolution positive de l'écono- placés en permanence dans des établissements mie, la lenteur et les difficultés de la transition du spécialisés est limitée. La Banque mondiale et pays ont eu des coûts sociaux élevés. La fermeture d'autres bailleurs de fonds collaborent avec le d'usines, d'exploitations agricoles et de mines dans Gouvernement roumain afin de réduire progres- l'ensemble du pays a fait monter le chômage, dont sivement le nombre de ces enfants en les plaçant le taux est passé de 6 % en moyenne en 1997 à dans des familles. 8,1 % à la fin de 2002. Un peu plus de la moitié des chômeurs sont considérés comme des chômeurs de Même si ses indicateurs sociaux sont moins favo- longue durée. rables que ceux d'autres pays de la région, la Roumanie est néanmoins parvenue à réduire son La détérioration de la situation économique dans taux de mortalité infantile de 30 % environ entre la deuxième moitié des années 90 s'est accompa- 1989 et 2000, ce qui dénote un progrès important gnée d'une augmentation du taux de pauvreté (il au plan de la qualité de la vie. En outre, on observe est encore trop tôt pour savoir si le revirement une augmentation des achats de biens durables et apparent de la conjoncture aura un impact en ce de la consommation sous forme d'automobiles et domaine). La Roumanie a employé deux méthodes de logements privés. pour mesurer la pauvreté. La plus récente fait appa- raître une augmentation de la pauvreté de cinq En 2000, l'aide internationale à la Roumanie a points de pourcentage environ entre 1995 et 2001, représenté l'équivalent de 1,2 % du revenu natio- passant d'un peu plus de 25 % à près de 30 %, sans nal brut du pays et l'Union européenne était le aucune amélioration durable, même pour la pro- plus important donateur. Les trois autres grands portion de la population vivant en situation d'ex- bailleurs de fonds étaient la Banque mondiale, le trême pauvreté. Bien que cette dernière ait fluctué Fonds monétaire international et la Banque euro- durant cette période, la tendance est demeurée péenne pour la reconstruction et le développement dans l'ensemble horizontale (voir les indicateurs (BERD). L'Union européenne a octroyé une aide économiques et sociaux dans l'encadré 5.1). de préadhésion de 620 millions de dollars par an en moyenne en 1999 et 2000. La Roumanie a reçu, en Des îlots de pauvreté perdurent dans l'est et le moyenne, des institutions financières internatio- sud du pays. Les groupes les plus vulnérables nales 415 millions de dollars (Banque mondiale), sont composés de jeunes, de familles monopa- 375 millions de dollars (FMI) et 280 millions de rentales et de familles de chômeurs, de ménages dollars (BERD). Dans l'ensemble, la population roumaine est de quatre principes du CDI : un schéma de dévelop- 55 plus en plus mécontente de la lenteur des réformes pement global axé sur le long terme, la prise en économiques et de l'ampleur du chômage, et aussi charge du processus par le pays, un partenariat de leurs conséquences sur de nombreux indicateurs piloté par le pays et la priorité donnée aux résultats sociaux. Les problèmes de la corruption et de la (les principes du CDI sont exposés en détail dans pauvreté sont de plus en plus de préoccupants ; des l'Introduction de cet ouvrage). Chaque section journalistes notent que les critiques présentées par présente successivement les succès enregistrés et les les médias ont un effet limité sur le processus de difficultés à surmonter. prise de décisions politiques, et que le public a peu recours aux médias pour faire part de ses griefs. Il se peut que les citoyens roumains n'aient vraiment la Schéma de développement possibilité d'exprimer leur mécontentement qu'en votant contre les candidats sortants à l'expiration global axé sur le long terme de leur premier mandat. Succès enregistrés Organisation du chapitre L'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne Les quatre sections suivantes analysent le chemin et à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord parcouru par la Roumanie au regard de chacun des (OTAN) est la principale force qui anime la vision Encadré 5.1. La Roumanie en bref PAUVRETÉ ET INDICATEURS SOCIAUX Quatre pays de Roumanie référencea 2001 Population, à mi-année (millions) 22,4 67,3 RNB par habitant (méthode de l'Atlas, USD) 1 720 4 161a RNB (méthode de l'Atlas, USD milliards) 38,6 279,9 Données sur la dernière année disponible, 1995-2001 Pauvreté (% de la population en dessous du 30 18b seuil national de pauvreté) Population urbaine (% de la population totale) 55 68 Espérance de vie à la naissance (années) 70 73 Mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 19 9 Accès à une meilleure source d'eau (% de la population) 58 98c Analphabétisme (% de la population de plus de 15 ans) 2 1c a. Pays de référence : Bulgarie, Hongrie, Pologne et République tchèque. b. Données disponibles pour la Pologne uniquement. c. À partir des données sur la Bulgarie, la Hongrie et la Pologne. 56 à long terme du pays3. Pour les Roumains, l'adhé- (éducation, santé et lutte contre la pauvreté), que sion à l'UE est l'occasion de s'associer à un système chaque pays doit formuler lui-même. régional en plein essor économique qui a atteint la maturité politique dans un climat de paix. C'est En 2000, le Conseil de l'Europe a publié un mémo- également un moyen rapide de réduire la pauvreté randum sur l'inclusion sociale qui impose aux États et d'améliorer la qualité de la vie de la majorité des membres et aux pays candidats à l'adhésion à l'UE Roumains. de publier un mémorandum conjoint sur l'inclusion nationale. Bien que cela n'oblige pas les pays à éla- Le gouvernement actuellement au pouvoir, qui a borer une stratégie de lutte contre la pauvreté, les été élu en 2000, a élaboré un Programme gouver- dirigeants roumains ont décidé d'adopter un plan de nemental pour la période 2001­2004, accompagné lutte contre la pauvreté et d'inclusion sociale qui d'un Plan d'action préparé par le ministère du non seulement satisfait des besoins internes impor- Développement et des Prévisions. Ces documents tants, mais aussi répond aux conditions d'adhésion à constituent une stratégie à moyen terme, principa- l'UE. En juin 2002, le Premier ministre a présenté le lement axée sur des objectifs et des contraintes Plan national de lutte contre la pauvreté et pour économiques qui reflètent, dans une large mesure, l'intégration sociale. Ce plan formule des recom- les buts et les impératifs de l'adhésion à l'UE et à mandations pour la période 2002­2004 et pour une l'OTAN. Le Plan d'action, qui contient plusieurs période de dix ans. chapitres, définit précisément le cadre de l'action que le gouvernement s'est engagé à mener. Il ne s'agit pas d'un document analytique, comme le Difficultés à surmonter note le ministère qui est également chargé du suivi Si l'adhésion à l'OTAN et à l'UE bénéficie d'un de sa mise en oeuvre. vaste soutien dans le pays, il semble toutefois que la majorité des Roumains n'aient pas une idée Les Roumains s'accordent, dans une mesure éton- exacte de ses conséquences. Ils ne peuvent pas nante si l'on considère l'approche fragmentée et plu- répondre, par exemple, aux questions suivantes : ripartite de la démocratie de ce pays, à penser que le que signifient, pour l'organisation économique et processus d'adhésion du pays à ces institutions est sociale du pays, les objectifs d'adhésion ? quelles bien la voie à suivre. En 2000, huit partis et alliances seront les conséquences de ces objectifs sur les politiques étaient représentés aux élections prési- relations entre la Roumanie et la communauté dentielles. Avec autant de partis, il est difficile de internationale ? quel sera le coût économique, planifier au-delà du cycle électoral suivant, et a for- social et politique de l'adhésion ? et enfin et sur- tiori de s'engager à poursuivre une vision à long tout, quel type de société la Roumanie souhaite- terme pour le pays. t-elle avoir dans 10 ou 20 ans ? La Roumanie doit devenir membre de l'OTAN en Dans le même temps, les parties prenantes au 2004 et de l'UE en 2007. S'il est vrai que l'adoption développement de la Roumanie se lassent de ce de l'acquis communautaire de l'Union européenne, que l'on pourrait décrire comme un excès de stra- avec ses 31 « chapitres » (textes de loi et règle- tégie. Comme nous le verrons plus en détail dans ments), a pour objectif d'harmoniser les pratiques la partie consacrée au principe de prise en charge des nouveaux pays membres avec celles des pays par le pays, entre 1997 et 2000 la Roumanie a membres de l'Union, elle ne constitue pas une stra- engagé trois processus de grande ampleur qui tégie à long terme dans plusieurs domaines, et visaient à créer une vision du développement à notamment pour l'essentiel des programmes sociaux long terme pour le pays. Aujourd'hui, les parties 57 Encadré 5.2. Une vision commune pour la Roumanie -- les consultations sur le CDI de 1999 La Roumanie devant être le premier pays à appliquer les principes du CDI, la Banque mondiale a commencé par organiser un vaste processus consultatif destiné à bâtir une vision commune de l'avenir du pays : 20 groupes de réflexion se sont réunis dans différentes parties du pays, rassemblant quelque 500 personnali- tés de la sphère gouvernementale, du secteur privé, de la société civile et de la communauté des bailleurs de fonds. Comme l'a expliqué le représentant d'une ONG basée en Roumanie : « C'était la première fois [dans le pays] que l'on demandait véritablement leur avis à toutes les parties concernées. À partir de là, beaucoup d'autres bailleurs de fonds et même les pouvoirs publics ont commencé à ouvrir leurs portes aux ONG. Le CDI a permis aux ONG de comprendre le rôle qu'elles pouvaient avoir, la manière dont elles pouvaient réelle- ment influer sur le cours des choses. » Suite à cela, un plan a été élaboré pour institutionnaliser le processus par l'entremise d'un Secrétariat du CDI auprès du cabinet du Premier ministre. Bien que ce plan n'ait pas abouti à cause de l'instabilité politique et du changement de gouvernement amené par les élections de 2000, les participants interrogés dans le cadre de l'étude de cas ont néanmoins indiqué que les travaux de 1999 avaient permis d'identifier les deux princi- pales attentes de la nation roumaine, à savoir faire reculer la pauvreté et adhérer à l'UE. La plupart des parti- cipants ont jugé cette expérience de consultation très positive. Bien que la mise en oeuvre des principes du CDI ait progressé depuis 2000, ni les pouvoirs publics, ni la Banque mondiale ne semblent avoir suffisamment pris la peine d'informer de ces progrès les personnes qui avaient participé aux consultations de 1999. La majorité des parties prenantes du développement interrogés dans le cadre de cette étude de cas pensent qu'il faudrait reprendre l'approche du CDI afin de rendre les pouvoirs publics plus comptables de leur action. prenantes voudraient voir les pouvoirs publics et et les priorités budgétaires ne sont pas claire- les bailleurs de fonds privilégier davantage l'ob- ment énoncées. En 2002, la Banque mondiale tention de résultats, et non plus formuler des poli- a prêté son concours à la préparation d'un tiques à long terme. Le nouveau Plan national de examen des dépenses publiques afin de lutte contre la pauvreté et pour l'intégration résoudre ces problèmes. sociale pourrait permettre de faire la transition entre les stratégies et l'action en matière de réduction de la pauvreté. Prise en charge par le pays Toutefois, les liens entre d'une part le Il y a une réelle prise en charge par le pays Programme de gouvernement et le Plan d'ac- lorsque ce ne sont pas les organismes d'aide au tion contre la pauvreté et d'autre part le pro- développement mais le pays bénéficiaire qui cessus budgétaire de l'État sont ténus. Il est identifie les objectifs de développement et for- donc essentiel de les resserrer car il s'agit de mule les stratégies. La démarche implique une dispositifs stratégiques. Dans l'ensemble, il y a participation large et régulière des parties peu de rapports entre les chiffres publiés dans le concernées, et notamment le soutien public budget et les sommes effectivement dépensées, constant des dirigeants politiques ainsi que 58 l'adhésion entière des principaux décideurs. ministre. La stratégie de développement de la Elle permet de bâtir un consensus sur une vallée de Jiu est une retombée directe des consul- vision du développement à long terme. tations sur le CDI de 1999 (voir l'encadré 5.3). Succès enregistrés Plan d'action sur l'environnement des affaires Entre 1997 et 2000, pas moins de trois opérations (BEAP). Lorsqu'elle est entrée dans l'ère post- de définition d'une stratégie ont été menées en communiste, la Roumanie comptait bien évidem- Roumanie, sous l'impulsion de différents orga- ment très peu d'entreprises privées. Elle a, par nismes de développement. Dans les trois cas, le ailleurs, connu une croissance plus lente de son processus a impliqué une large consultation des secteur privé et reçu moins d'investissements parties prenantes, dont beaucoup ont participé à étrangers directs que la plupart des autres pays de la deux de ces opérations, et certaines même aux région. À la fin des années 90, plusieurs analyses trois. ont montré que les cadres juridique, réglementaire et judiciaire de la Roumanie pouvaient faire obs- La première, qui a produit la Stratégie nationale tacle au développement du secteur privé et de l'in- pour un développement durable, était appuyée par vestissement étranger. C'est pourquoi une partie le PNUD. La seconde, qui a permis de formuler des ressources du Prêt à l'ajustement du secteur « Une vision commune pour la Roumanie », était privé accordé en 2001 par la Banque mondiale organisée par la Banque mondiale pour aider la devaient financer l'emploi d'un conseiller spécia- Roumanie en sa qualité de premier pays dans lisé dans l'environnement des affaires. L'éminente lequel le CDI a été lancé à titre de pilote. La troi- femme d'affaires roumaine nommée à ce poste a sième était axée sur l'élaboration d'une Stratégie lancé une action de collaboration entre le secteur économique à moyen terme (SEMT), condition public et le secteur privé afin d'élaborer un plan nécessaire à l'adhésion du pays à l'Union euro- d'action, le Plan d'action sur l'environnement des péenne. De nombreux éléments de la SEMT ont affaires (BEAP), dans le but de réduire les obstacles été utilisés par le gouvernement élu en 2000 pour administratifs au commerce. La mise en oeuvre de structurer son Plan d'action 2001-2004. Certaines ce plan a été confiée à un département ministériel synergies entre les trois opérations ont pu être créé à cette fin. Différentes préoccupations concer- exploitées. Par exemple, certains dirigeants poli- nant les grandes orientations et la participation tiques élus en 2000 avaient participé aux consulta- ont été recensées dans 13 domaines, et plusieurs tions sur le CDI de 1999, ce qui a eu un impact sur actions ciblées ont été engagées. la SEMT. Loi relative à la liberté de l'information. L'adhésion Bien que l'adhésion à l'UE soit devenue la straté- de la Roumanie à l'OTAN est subordonnée gie à long terme de facto de la Roumanie, on a pu notamment à l'instauration dans le pays de la observer récemment dans le pays plusieurs primauté du droit, de la démocratie et des droits exemples -- des « noyaux » -- de processus de l'homme -- ce qui comprend l'accès des consultatifs suivant le modèle du CDI, notamment citoyens aux informations gouvernementales. un programme d'amélioration de l'environnement Après des années de régime communiste, il n'a des affaires en Roumanie, le vote de la loi relative pas été facile à la Roumanie d'institutionnaliser au libre accès aux informations d'intérêt public, la liberté d'accès à l'information. Toutefois, une basée sur la loi américaine sur la liberté de l'infor- coalition formée de législateurs, du ministère de mation, et les travaux de la Commission de lutte l'Information publique et de groupes roumains et contre la pauvreté auprès du cabinet du Premier internationaux de défense de la démocratie et des droits de l'homme, a réussi fin 2001 à faire appelée « loi sur la liberté de l'information », 59 voter la loi relative à la liberté d'accès aux elle a eu le soutien des partis du gouvernement informations d'intérêt public. Communément comme de l'opposition. Encadré 5.3. La stratégie de développement de la vallée de Jiu : un modèle d'application du CDI à l'échelle régionale Économiquement sinistrée, la vallée de Jiu a été l'objet d'une collaboration inspirée par le CDI visant à améliorer les conditions de vie de ses habitants. La vallée de Jiu est une région essentiellement minière, qui a été durement touchée par plusieurs vagues de rachats de contrats et de licenciements massifs de mineurs à la suite desquelles le nombre d'emploi dans cette industrie a diminué de plus de moitié, passant de 42 000 environ en 1997 à 18 200 en 2002. Faute de pouvoir trouver du travail ailleurs et de pouvoir se recycler, relativement peu de familles ont quitté la région. Cette situation, entre autres facteurs, a abouti à de nombreux troubles sociaux accompagnés, parfois, de violentes manifestations. C'est dans ce contexte qu'une équipe constituée de membres des services de la Banque mondiale et du Secrétariat provisoire du CDI établi par le gouvernement a contacté des représentants locaux de la vallée afin de voir comment il serait possible d'utiliser l'approche participative du CDI pour élaborer un plan de dévelop- pement. Un séminaire de deux jours organisé dans la vallée avec un grand nombre de parties prenantes a posé les fondements du projet : un comité directeur de 29 membres identifierait les problèmes de la région et les solutions possibles, et un organe représentatif plus large apporterait des éclairages supplémentaires. Le processus a débouché sur un projet de stratégie de développement pour la vallée de Jiu, illustrant la vision des acteurs locaux sur les besoins, les priorités et les actions possibles. Le fait qu'un ensemble de parties prenantes se réunissent pour bâtir ensemble leur avenir constituait une première pour la région, mais le projet allait-il se concrétiser ? Le retard pris dans l'avancement des travaux n'a pas manqué d'être préoccupant, mais à l'été 2002 le Gouvernement a annoncé un programme d'investissement de 360 millions de dollars pour la vallée de Jiu (la Banque mondiale et l'UE devant 7,6 millions de dollars sur un montant initial de 80 millions de dollars.) Malgré quelques différences notables, le plan du Gouvernement intègre largement les principaux aspects de la stratégie élaborée au niveau local. Le recours aux processus consultatifs du CDI a produit les résultats suivants dans le cas de la vallée de Jiu : D'importants moyens ont été mobilisés pour mettre sur pied la stratégie de développement de la vallée. D'importants moyens ont été mobilisés pour mettre sur pied la stratégie de développement de la vallée. L'Association de la vallée de Jiu, forum local rassemblant les acteurs régionaux et locaux, a été créée. Une commission interministérielle pour la vallée de Jiu a été constituée. La population a été fortement sensibilisée aux besoins de développement et aux possibilités stratégiques de la région. Les résultats obtenus peuvent servir de modèle pour l'application de l'approche du CDI au niveau régional. 60 Plan national de lutte contre la pauvreté et pour sur l'action publique, mais elles ne sont pas aussi l'intégration sociale. Ce plan a été rédigé en étendues que le processus du CDI en 1999. Il 2001 avec la participation des ministères cen- s'agit notamment des dialogues sociaux organisés traux par l'intermédiaire de leurs commissions par le Conseil économique et social national, et pour le dialogue social (constituées de repré- des consultations organisées avec des groupes sentants des pouvoirs publics, des employeurs d'intérêt par le ministère du Développement et de et des travailleurs). Le Conseil économique et la prévision pour suivre les progrès économiques social national -- avec les trois mêmes catégo- du pays. ries de représentants -- ainsi que des associa- tions réunissant des collectivités locales et des Comme l'ont indiqué un certain nombre de per- commissions parlementaires chargées de la pro- sonnes dans le questionnaire d'évaluation, il reste à tection sociale y ont également contribué. Bien améliorer l'efficacité de ces consultations. Pour ce que le mandat des membres de la Commission faire, plusieurs moyens peuvent être envisagés : de lutte contre la pauvreté s'achève avec les élections de 2004, ils ont néanmoins rédigé un inclure un vaste éventail de représentants de la plan d'action échelonné, comportant des société ; recommandations pour la période 2002­2004 et définissant des orientations stratégiques qui faire appel à des experts locaux susceptibles couvrent une décennie et sont conformes aux d'apporter informations et conseils ; objectifs de développement pour le Millénaire. utiliser un ensemble d'outils, notamment les Difficultés à surmonter médias, l'internet et les groupes de réflexion Bien qu'il soit compréhensible que les principes pour communiquer les conclusions et les du CDI soient passés au second plan depuis que résultats des consultations. l'adhésion à l'UE et à l'OTAN est devenue la première priorité de la Roumanie, de nombreux Il convient également de mettre en place une participants aux consultations sur le CDI de communication plus efficace et plus effective 1999­2000 sont déçus que le Cadre de dévelop- entre les parties prenantes. Bon nombre des pement intégré ait été mis en veilleuse. Un fonc- spécialistes du développement et des décideurs tionnaire roumain a rapporté à l'équipe chargée du pays jugent indispensables d'améliorer la de l'évaluation que son ministre s'était enquis de circulation des informations, surtout lorsqu'on ce qui était arrivé au CDI. De l'avis de ce fonc- se trouve face à des capacités institutionnelles tionnaire, les Roumains ont encore besoin d'« un limitées, à une pléthore de nouvelles régle- cadre d'échanges pour débattre des grandes ques- mentations sans directives d'application, et à tions nationales et internationales, [et] qui per- des tendances à la centralisation et au compar- mette à la société civile d'apporter aux pouvoirs timentage sectoriel qui peuvent aller à l'en- publics un retour d'information sur leur action ». contre de l'approche globale et intersectorielle D'autres participants ont déclaré à l'équipe du CDI. Le fait de relier les initiatives isolées d'évaluation qu'ils étaient déçus de voir que les déjà existantes qui s'inspirent du CDI (par attentes générées par le processus de consulta- exemple le Plan d'action sur l'environnement tion sans précédent organisé autour du CDI des affaires et la loi sur la liberté de l'informa- n'avaient pas débouché sur des résultats concrets. tion) par la communication et par des programmes ou des projets apparentés, pourrait Le Gouvernement roumain offre aux différentes également aider à promouvoir les principes parties prenantes certaines voies de consultation du CDI. Partenariat piloté la nécessité de réduire progressivement les aides 61 aux institutions de placement traditionnelles et de par le pays confier les enfants abandonnés à des familles d'ac- cueil. Parallèlement, l'approche suivie encourage Seule économie en transition parmi les pays fai- les actions entreprises pour prévenir au premier sant l'objet d'une étude de cas, la Roumanie n'a chef l'abandon des enfants. pas de Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté sur la base duquel les bailleurs de Le Groupe exécutif de l'Autorité pour la protec- fonds pourraient s'organiser, comme cela se passe tion de l'enfance, composé de 20 membres, conti- dans les pays à faible revenu. Bien que certains nue de se réunir. Il comprend 15 représentants de organismes intègrent leur aide dans le cadre de la l'administration centrale et des administrations Stratégie économique à moyen terme de la locales, un représentant de la Fédération des ONG Roumanie et dans le Programme de gouverne- et quatre membres d'organismes bailleurs de fonds ment et le Plan d'action associé, la plupart des -- l'UE, l'UNICEF, l'OMS et la Banque mondiale. projets d'assistance continuent d'être dictés par Il a notamment élaboré des réformes structurelles les bailleurs de fonds. La coordination de l'aide du système de protection de l'enfance et mis en économique globale est limitée et fonctionne place un système efficace d'échanges d'information mal. Un représentant des bailleurs de fonds entre les participants sur les programmes et les avance l'explication suivante : « Oui, les pouvoirs actions menées. publics devraient le faire, mais ils ont déjà des problèmes avec leur coordination interne. » En L'autre exemple de rassemblement national de dif- outre, la coordination est aussi insuffisante entre férentes parties prenantes est la Commission natio- les différentes parties prenantes ; à quelques rares nale intersectorielle de lutte contre le VIH/SIDA. exceptions près, elle n'est organisée ni par les Créée par le gouvernement en réponse aux craintes autorités nationales, ni par les bailleurs de fonds. exprimées à l'intérieur du pays et dans le monde entier, la Commission dispose d'un Secrétariat per- Succès enregistrés manent au ministère de la Santé et de la famille, Pour l'essentiel, la coordination de l'aide en assisté de six groupes de travail chargés de différents Roumanie reste cantonnée au niveau des pro- sous-domaines, notamment la protection sociale et jets. Elle se fait rarement au niveau sectoriel, et le traitement et la prévention de la transmission de pratiquement jamais au niveau national, sauf la mère à l'enfant, qui opèrent au niveau de l'admi- dans deux domaines : la protection de l'enfance nistration centrale et des administrations locales. et la lutte contre le VIH/SIDA. Le président de la Commission a son bureau au cabinet du Premier ministre, et les vice-présidents L'Autorité nationale pour la protection de l'en- viennent des ministères concernés ainsi que de fance a été créée en 1999 pour répondre à l'in- l'Union nationale des personnes affectées par le quiétude grandissante de la communauté VIH. Les derniers membres représentent d'autres internationale face à l'augmentation du nombre ministères et organismes, des bailleurs de fonds d'enfants abandonnés et placés en institution. importants et des ONG. Un « Groupe de haut niveau » -- constitué effec- tivement d'ambassadeurs, de hauts fonctionnaires Difficultés à surmonter et de chefs des représentations locales d'organismes Les hauts responsables du ministère des Finances bailleurs de fonds -- est arrivé à un consensus sur publiques seraient favorables à ce que le pays pilote 62 des partenariats, ne serait-ce que pour s'assurer que Enfin, l'appareil d'État devrait mettre des moyens les projets proposés concordent avec le Plan d'ac- en oeuvre pour renforcer les capacités de gestion de tion pour le Programme gouvernemental de la l'aide, et désigner un ministère chargé d'encadrer Roumanie. Sur le plan pratique toutefois, plusieurs les activités dans ce domaine -- compte tenu de problèmes se posent : le manque de données sur son rôle prépondérant dans le processus budgétaire, l'aide actuelle sous forme de dons, l'absence d'ac- le ministère des Finances serait un choix logique. cord au sein du gouvernement et parmi les bailleurs de fonds sur le choix du ministère qui sera Priorité aux résultats chargé d'organiser la coordination de l'aide, et les capacités insuffisantes des pouvoirs publics à pilo- Bien que l'application du principe du CDI selon ter des partenariats dans le domaine de l'aide. lequel la priorité doit être donnée aux résultats soit aujourd'hui en meilleure voie en Roumanie, En raison notamment du petit nombre d'accords et les efforts en ce sens ne font que débuter. Dans de projets cofinancés, les procédures varient énor- cette démocratie naissante, les citoyens roumains mément d'un bailleur de fonds à l'autre, ce qui ont besoin d'être mieux informés et d'acquérir génère des coûts de transaction élevés pour l'État les moyens d'exiger des résultats de leur gouver- roumain. En outre, à cause du manque de coordi- nement. nation de l'aide, le nombre de donateurs voulant opérer dans certains secteurs est trop élevé pour être bien gérable, tandis que l'aide offerte est insuf-Succès enregistrés fisante dans d'autres secteurs. Les Roumains ont malgré tout commencé à suivre la voie nécessaire pour responsabiliser les pouvoirs Les questions que posent encore les partenariats à publics. Le pays a voté fin 2001, avec le soutien ce jour sont notamment : « Quel doit être le rôle d'ONG locales et d'au moins un bailleur de fonds de l'UE, premier bailleur de fonds de la Roumanie, bilatéral, une loi garantissant la liberté d'accès aux et des trois autres principaux donateurs que sont la informations sur l'action des pouvoirs publics. Le BERD, le FMI et la Banque mondiale, dans le ministère de l'Information publique a publié un domaine de la coordination de l'aide ? » et « Faut- guide expliquant les informations disponibles et il encourager un plus grand nombre de donateurs comment y avoir accès, et indiquant celles dont bilatéraux à cofinancer des programmes avec l'accès peut encore être restreint. Par ailleurs, la loi d'autres bailleurs de fonds, ou les engager à appor- anti-secret vise à donner aux citoyens accès au pro- ter une aide d'envergure sectorielle sous la forme cessus de réforme du cadre juridique et réglemen- d'un appui budgétaire direct à l'État ? » taire en rendant publics les débats sur les initiatives en instance. Au moment de l'étude de cas, le ministère roumain des Finances publiques prévoyait de constituer une D'une manière générale, la capacité du base de données complète sur les aides fournies, Gouvernement roumain à suivre et communi- avec l'appui que lui avaient promis le PNUD et la quer les résultats obtenus en matière de dévelop- Banque mondiale. Il serait aussi souhaitable, par pement reste médiocre. Le ministère de la Santé exemple, de tenir des réunions régulières entre les et de la Famille a montré en 1997 sa volonté de pouvoirs publics et les bailleurs de fonds pour dis- privilégier les résultats lorsqu'il a mis l'accent sur cuter des questions de politique, de stratégie et de les soins préventifs ; tous les ministères ont main- procédure. (La dernière réunion du Groupe tenant entrepris d'adopter des indicateurs de consultatif pour la Roumanie a eu lieu en 1999.) résultats dans le cadre d'un système d'établisse- ment de budgets-programmes pour l'ensemble des Difficultés à surmonter 63 administrations publiques. Mais il reste beaucoup Le ministère des Finances publiques est chargé de chemin à parcourir avant que l'administration d'analyser le budget central par secteur -- à partir centrale ne puisse exploiter les informations des informations des ministères et des organes obtenues sur les résultats pour faire ses choix concernés ainsi que des collectivités locales -- puis budgétaires. d'intégrer les budgets de chaque ministère dans un budget d'ensemble. Il reconnaît toutefois que ce Le schéma national de développement de la travail d'analyse est pour l'instant très limité parce Roumanie, défini dans le Programme gouverne- que les compétences sectorielles de ses services mental pour 2001­2004 et dans le Plan d'action sont encore embryonnaires. Les budgets sont associé, contient une longue liste d'objectifs clas- encore généralement établis en fonction des sés en 38 « domaines » (par exemple la politique niveaux de dépenses antérieurs. financière, le marché de l'emploi et la protection sociale). Toutefois, bien que le Plan d'action pré- L'équipe d'évaluation a recueilli différents avis sur cise les étapes à suivre pour parvenir à chaque les possibilités d'application effective de la loi sur objectif, les progrès ne peuvent être quantifiés la liberté de l'information et de la loi anti-secret. que pour un petit nombre d'eux seulement. Parmi La mise en oeuvre de la première pose notamment ces derniers figurent la limitation du déficit bud- le problème du niveau des ressources publiques dis- gétaire annuel à un pourcentage stipulé du PNB, ponibles, car elle nécessitera une large campagne et la fixation du pourcentage des entreprises d'information du public et un renforcement des d'État qui doivent être privatisées. effectifs de tous les organes concernés. Par ailleurs, Le ministère du Développement et de la Prévision si les autorités sont optimistes sur leurs capacités de est chargé de préparer un certain nombre de rap- mise en oeuvre de la loi anti-secret, les ONG ports présentant les progrès réalisés dans la mise en craignent que ces capacités ne soient totalement oeuvre des programmes du gouvernement. En dehors absorbées par la gigantesque tâche qui consiste à du Plan d'action du Programme gouvernemental, adapter la législation et la réglementation de la ces programmes comprennent le Plan économique Roumanie aux exigences de l'UE. de préadhésion en vue de l'entrée de la Roumanie dans l'UE et le Plan d'action sur l'environnement Les objectifs de développement internationaux des affaires. peuvent contribuer à générer une demande de résultats mesurables ; c'est ce rôle que pourraient Dans le Plan d'action pour le Programme gouver- jouer, en Roumanie, les valeurs cibles établies dans nemental, l'objectif de réduction de la pauvreté la Déclaration du Millénaire des Nations Unies en n'est appuyé que par une seule mesure, axée sur 2000. Toutefois, même si le Plan d'action contre la les moyens mis en oeuvre -- ce qui est manifes- pauvreté adopté par le pays fait écho dans une cer- tement insuffisant pour constituer une stratégie taine mesure au contenu des ODM, il contient achevée de lutte contre la pauvreté. En revanche, beaucoup moins de valeurs cibles. le Plan national de lutte contre la pauvreté et pour l'intégration sociale (préparé dans la pers- pective de l'entrée de la Roumanie dans l'UE) est Améliorations à apporter plus complet. L'un des objectifs prioritaires du Que faudrait-il faire pour que la Roumanie se plan pour 2001­2004 est de mettre en place un mette plus rapidement à mesurer le développement système de suivi permettant de mesurer l'avance- d'après les résultats et non d'après les moyens mis ment de la réalisation du plan. en oeuvre. Selon une étude de 2001 de la Banque 64 mondiale, six grandes actions devront être menées Actuellement toutefois, l'approche du développe- pour introduire en Roumanie un mode de gestion ment de la Roumanie reste axée sur les moyens mis axé sur les résultats dans le fonctionnement de en oeuvre au lieu des résultats ; les programmes et l'appareil d'État. Il conviendra de : les projets sont rarement liés à des objectifs d'amé- lioration des conditions de vie. L'adaptation de la définir clairement les responsabilités premières législation et de la réglementation et l'élaboration au niveau ministériel afin de garantir le succès de nouvelles stratégies contribuent certes large- de l'approche axée sur les résultats ; ment à la modernisation de la Roumanie en vue de son adhésion à l'UE, mais le fait d'intégrer toutes renforcer le travail déjà engagé pour établir des budgets-programmes, et notamment l'audit ces activités dans le cadre plus large des ODM mené par la Cour des comptes pour évaluer les pourrait replacer le développement du pays dans efforts de tous les ministères sectoriels dans ce les contexte des améliorations de plus vaste portée domaine ; que les gouvernants du monde se sont engagés à apporter en termes de qualité de vie. Une telle faire de la gestion axée sur les résultats une prio- démarche pourrait aussi permettre à la Roumanie rité absolue de l'administration centrale, et de passer d'une situation où l'aide est essentielle- développer les capacités nécessaires pour la ment dispensée sous la forme de programmes et de mettre à exécution ; projets dissociés les uns des autres et encadrés par des consultants, à un schéma de développement élaborer une stratégie permettant d'amener pro- plus cohérent -- où la mesure des résultats aura gressivement ce mode de gestion jusqu'au une plus grande place. niveau local ; améliorer les capacités statistiques nationales ; Interactions encourager les bailleurs de fonds à promouvoir de façon coordonnée la gestion axée sur les entre les principes du CDI résultats. Le processus consultatif national qui a lancé le Un élément supplémentaire, étroitement lié à CDI en Roumanie en 1999 a à la fois dessiné les ce qui précède, doit être considéré, à savoir la contours d'une vision globale du développement nécessité d'une réforme du service public, et préparé le terrain à l'adhésion du pays à cette notamment une réforme des rémunérations vision. Toutefois, ce qui aurait pu devenir un (beaucoup de fonctionnaires sont tellement mal schéma de développement à long terme a été payés qu'ils doivent avoir un deuxième emploi) supplanté par les conditions d'adhésion à l'UE et et l'introduction progressive d'un lien entre à l'OTAN qui servent aujourd'hui de lignes rémunération et performance. Le ministère directrices pour l'organisation du développe- britannique du Développement international ment du pays. (DFID) a financé le recrutement d'un conseiller auprès du cabinet du Premier ministre, chargé Par conséquent, la stratégie d'adhésion de la de travailler à la réforme du service public, Roumanie à l'UE, telle qu'elle est formulée dans et entre autres à l'adoption d'un système plusieurs instruments -- la Stratégie écono- de rémunération au mérite pour les hauts mique à moyen terme, le Programme gouverne- fonctionnaires. mental et le Plan d'action, 2001­2004, et maintenant le Plan national de lutte contre la naire : « Il nous faut un cadre d'échanges qui per- 65 pauvreté et pour l'intégration sociale -- peut mette à la société civile d'apporter aux pouvoirs être considérée comme un schéma de dévelop- publics un retour d'information sur leur action ». pement global axé sur le long terme. Un grand nombre de dirigeants roumains interro- gés à l'occasion de cette étude de cas ont effective- Reste néanmoins à savoir dans quelle mesure la ment exprimé le souhait que l'initiative du CDI société civile, le secteur privé et la population dans soit réactivée. son ensemble donnent leur adhésion à cette straté- gie de facto. En outre, les liens entre cette stratégie Dans un premier temps, il pourrait être utile de et le processus central de budgétisation et de faire le bilan des réalisations conformes à l'esprit dépense restent ténus ; si ces liens ne sont pas ren- du CDI et de les comparer aux objectifs de départ forcés, la stratégie ne pourra pas être totalement formulés en 1999. Les bailleurs de fonds -- en par- poursuivie. On voit mieux les interactions avec les ticulier la Banque mondiale -- pourraient apporter principes du CDI au niveau sectoriel et local, au un important appui financier et intellectuel aux moins pour trois d'entre eux : la stratégie, la prise institutions et aux experts roumains afin de nourrir en charge et le partenariat. Les trois ont par les « noyaux » actuels du CDI (par exemple le Plan exemple été appliqués dans le Plan d'action sur d'action sur l'environnement des affaires et la loi l'environnement des affaires, la loi sur la liberté de sur la liberté de l'information), en cherchant à l'information et la stratégie de développement de mettre en place des mécanismes d'échanges et de la vallée de Jiu. rencontres. Si l'on veut un CDI décentralisé en Roumanie, il faut s'attacher à mettre en oeuvre des ressources et des mécanismes propres à déve- Proposition lopper ces noyaux, afin qu'un vaste consensus puisse s'instaurer en faveur du programme de Bien que la priorité donnée par la Roumanie à son développement du pays et que les dirigeants rou- adhésion à l'UE et à l'OTAN ait fait passer le CDI mains et les partenaires mondiaux pour le déve- au second plan, de nombreux observateurs ont loppement du pays soient mis dans l'obligation déclaré à l'équipe d'évaluation qu'une structure de de présenter les résultats de leur action. type CDI restait nécessaire. Selon un fonction- Yosef Hadar C H A P I T R E S I X Ouganda 67 Méthode de travail Toutes les parties prenantes rassemblées lors d'une réunion de groupe ont répondu au questionnaire L'étude du cas de l'Ouganda a été réalisée au cours établi pour l'enquête. Les résultats obtenus ont été d'une mission qui s'est déroulée entre le 25 octobre ensuite communiqués à un groupe de parlemen- et le 23 novembre 2001. Ses conclusions sont pré- taires et à d'autres parties prenantes qui avaient sentées par rapport aux quatre principes du CDI : un aussi répondu au questionnaire. Les entretiens ont schéma de développement global axé sur le long été de trois types : entretiens menés auprès de terme, la prise en charge du processus par le pays, un sources d'information importantes, sélectionnées partenariat piloté par le pays, et la priorité donnée sur la base de leur connaissance du sujet, de leur aux résultats. L'équipe a utilisé les différentes ancienneté dans des organismes ou des secteurs méthodes indiquées ci-après pour recueillir des clés, ou sur recommandation ; des entretiens de informations et des avis : groupe avec différentes parties prenantes, notam- ment des parlementaires et des représentants de recherche documentaire ; l'État ; et des réunions de groupe avec des repré- administration d'un questionnaire d'enquête à sentants de conseils de district et de la société un groupe de 33 personnes composé de civile locale. membres de l'administration centrale, de repré- Il a été décidé de procéder à un examen appro- sentants de groupements d'ONG et d'employés fondi des secteurs de l'éducation, de la santé, de de plusieurs entreprises privées (au nombre des l'approvisionnement en eau et de l'assainisse- groupes non représentés figurent les églises, les ment parce que l'application des principes du syndicats, les associations patronales et les CDI semble avoir progressé dans ces derniers. Le administrations locales) ; secteur agricole a été retenu en raison de sa entretiens avec des personnes détenant des contribution fondamentale à l'économie ougan- informations importantes et d'autres représen- daise ; 80 % de la population vit en zone rurale. tants des administrations centrale et locales, du parlement, de la société civile et d'organismes Les districts ont été sélectionnés de manière à du secteur privés, et avec les représentants dans représenter la diversité des situations socio-éco- le pays des bailleurs de fonds -- 150 personnes nomiques : Pallisa est un district relativement au total. pauvre, Jinja un district relativement riche, tandis que Kamuli se trouve dans une situation La recherche documentaire a consisté à examiner intermédiaire. Le choix des districts créée tou- les tendances économiques, sociales et politiques tefois un biais régional dans la mesure où ils se observées dans le pays, notamment les indicateurs trouvent tous les trois dans la partie orientale de développement dans le domaine de l'éducation, de l'Ouganda. de la démographie et de la santé, ainsi que l'évolu- tion des profils de pauvreté et du clivage entre Un autre biais méthodologique tient à la habitants des villes et des campagnes. méthode d'échantillonnage utilisée pour sélec- 68 tionner les représentants des principaux groupes 1999. Dans cinq d'entre eux toutefois, ces élé- de parties prenantes : les personnes interrogées ments précurseurs n'avaient guère produit de résul- étant en majorité basées à Kampala, la population tats, essentiellement faute d'un plan d'action pour urbaine est sur-représentée. Ce biais est partielle- traduire les principes théoriques dans la réalité ment atténué par l'inclusion d'organisations de la d'un budget. société civile coiffant un ensemble d'ONG locales (par exemple le Forum des ONG ougan- Seul l'Ouganda faisait exception. Non seulement daises et DENIVA). les principes de développement annonçant le CDI étaient établis bien avant le lancement officiel du Malgré ces limitations, l'équipe d'évaluation, diri- CDI, mais la formulation des principes s'était gée par John Eriksson du Département de l'éva- accompagnée d'un programme d'action complet luation des opérations de la Banque mondiale, axé sur la réduction de la pauvreté. Lancé en 1997, estime que les informations produites par cette le Plan national d'action pour l'élimination de la étude de cas décrivent de manière réaliste la mise pauvreté (PEAP) était -- et reste -- fondé sur des en oeuvre du CDI en Ouganda. Les représentants approches de portée sectorielle s'inscrivant dans le issus de la société civile, des services de l'État, des cadre de dépenses à moyen terme du pays. Autre organismes bailleurs de fonds, du parlement et du élément précurseur du CDI, les bailleurs de fonds secteur privé qui ont été consultés -- 150 au total avaient accepté que le PEAP ougandais serve de -- sont parmi ceux qui connaissent le mieux la cadre à la fourniture de l'aide au pays, comme en problématique du développement en Ouganda. témoigne l'amélioration de la coordination de Leurs apports ont, en outre, été complétés et cor- leurs actions respectives et l'augmentation de leur roborés par des recherches documentaires. appui au budget central de l'Ouganda. L'équipe chargée de cette étude juge que l'en- L'Ouganda a élaboré ces principes qui préfigurent le CDI dans le but de reconstruire un pays déchiré semble des informations recueillies donne une par près de 15 années de guerre civile et de mau- image valide des progrès accomplis au plan de vaise gestion des finances publiques. Mus par la l'application des principes du CDI. Outre John nécessité d'assurer la sécurité et la stabilité, les diri- Eriksson, l'équipe se composait de Mirafe Marcos, geants de l'après-guerre ont établi un dialogue avec du Département de l'évaluation des opérations, les différentes factions pour mettre en place un de David Pedley, du ministère britannique du nouveau gouvernement et élaborer des politiques Développement international, et de Rosern de réforme économique -- par exemple en Rwampororo, consultant. recueillant l'avis non seulement des ministères concernés, mais aussi des universitaires et des élus. Cette approche a permis d'obtenir l'adhésion d'une Un pays qui renaît grande partie du pays au processus et à ses résultats. de ses cendres Le fait que l'Ouganda ait réussi à stabiliser sa situa- tion économique a encouragé les bailleurs de fonds Spécificités du pays internationaux, y compris la Banque mondiale qui Dans les six pays ayant fait l'objet d'une étude de est de loin le principal donateur, à lui fournir des cas, certains éléments de l'approche du Cadre de aides importantes. Pendant la période 1998­2000, développement intégré étaient déjà en place l'aide internationale a couvert un peu plus des lorsque le président de la Banque mondiale, James deux tiers des dépenses publiques de l'État ougan- Wolfensohn, a officiellement lancé le CDI en dais et représenté 11 % du revenu national brut du pays (RNB) (contre 3 % du RNB en moyenne Le PEAP constituait un schéma de développement 69 pour les pays à faible revenu). Le secteur privé a global axé sur le long terme, ciblé sur la réduction également réagi favorablement à l'amélioration du de la pauvreté, qui préfigurait les objectifs primor- climat économique en Ouganda : sa part du PIB est diaux du CDI. De ce fait, lorsque le concept du passée d'environ 8 % en 1990­1991 à près de 12 % CDI a été officiellement lancé par la Banque mon- en 1996­1997. Sur la période 1999­2000, l'inves- diale en 1999, le PEAP, qui avait déjà introduit la tissement privé a représenté en moyenne environ notion de prise en charge par le pays, est devenu 11 % du PIB. l'instrument consacré pour la mise en oeuvre des principes du CDI -- ce à quoi la vision globale La stabilisation économique et l'aide concertée des adoptée avant l'heure par l'Ouganda pour com- bailleurs de fonds ont conjointement produit des résultats remarquables. Le taux d'inflation du pays, battre la pauvreté avait beaucoup contribué. qui avait dépassé les 40 % en 1992, a été ramené à moins de 10 % entre 1994 et 2000. Le taux de Problèmes à résoudre croissance du PIB s'est établi en moyenne à 6,4 % Bien que l'Ouganda soit parvenu à stabiliser sa par an dans les années 90, puis à 5,1 % en situation économique et à faire nettement reculer 1999­2000, et à 5,6 % en 2001­2002. la pauvreté, plusieurs problèmes risquent de gêner sa progression. Il s'agit notamment des ponctions Réduction de la pauvreté. Dès 1995, la situation sur les ressources du pays dues aux rébellions dans économique de l'Ouganda était suffisamment deux zones frontières et à la lutte contre le stable pour que le gouvernement lance une VIH/SIDA. Le Nord, en proie à des conflits, est la grande offensive nationale contre la pauvreté. Le seule région de l'Ouganda où la pauvreté a aug- coup de départ a été donné par le président menté au lieu de diminuer. En outre, bien que Yoweri Museveni à la suite de la publication par l'Ouganda ait commencé à déléguer aux adminis- la Banque mondiale du projet de mémorandum économique sur l'Ouganda. Le président trations locales la planification, la fourniture et la Museveni a chargé une Équipe nationale spéciale gestion des services de base, il reste beaucoup à pour l'élimination de la pauvreté de s'attaquer faire pour développer les capacités et les compé- beaucoup plus vigoureusement au problème de la tences locales de manière à ce que les districts et pauvreté, comme le préconisait le mémorandum les communes puissent effectivement assurer ces économique. Les consultations tenues durant services. 18 mois avec une large gamme de parties pre- nantes ont débouché sur le Plan d'action pour Par ailleurs, bien que le volume important d'aide l'élimination de la pauvreté (PEAP). internationale reçu par l'Ouganda sous forme de dons et de prêts soit évidemment une bonne Lancé en 1997 et révisé en 2000, le PEAP recon- chose, il a également ses revers : une part crois- naît que si la croissance économique est une condi- sante de cette aide est structurée de manière à tion nécessaire pour faire reculer la pauvreté, appuyer directement le budget général ou des d'autres facteurs entrent également en jeu. Il faut notamment assurer une bonne gouvernance, amé- secteurs particuliers -- et son utilisation est liorer la situation sanitaire, l'éducation et le loge- donc, de l'avis des donateurs, plus difficile à ment, et aussi donner aux citoyens davantage accès contrôler que l'aide accordée au titre de projets. aux services, à l'information et à des activités Enfin, l'appréciation de la monnaie et le carac- rémunératrices. (Voir l'encadré 6.1 qui présente les tère insoutenable de la dette sont maintenant indicateurs sociaux et économiques de base.) aussi jugés préoccupants. 70 Encadré 6.1. L'Ouganda en bref Losange du développement * PAUVRETÉ et INDICATEURS SOCIAUX Afrique Faible Ouganda saharienne revenu Espérance de vie 2001 Population, à mi-année (millions) 22,8 674 2 511 RNB par habitant (méthode de l'Atlas, USD) 260 470 430 Taux brut RNB de scola- RNB (méthode de l'Atlas, USD milliards) 6,0 317 1 069 par risation habitant primaire Estimations les plus récentes (dernière année disponible, 1995-2001) Accès à une meilleure source d'eau Pauvreté (% de la population en dessous du 35 .. .. Ouganda seuil national de pauvreté) Pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure Population urbaine (% de la population totale) 13 32 31 Espérance de vie à la naissance (années) 42 47 59 Mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 88 91 76 Malnutrition infantile (% d'enfants de moins de 5 ans) 38 .. .. Accès à une meilleure source d'eau (% de la population) 52 55 76 Analphabétisme (% de la population de plus de 15 ans) 38 37 37 Taux brut de scolarisation primaire 128 78 96 (% de la population d'âge scolaire) Garçons 132 85 103 Filles 124 72 88 Organisation du chapitre Schéma de développement Les quatre sections suivantes analysent le chemin parcouru par l'Ouganda au regard de global axé sur le long terme chacun des quatre principes du CDI : un schéma de développement global axé sur le long terme, Succès enregistrés la prise en charge du processus par le pays, un Le rôle fondamental du Plan d'action pour l'élimination partenariat piloté par le pays, et la priorité de la pauvreté. Le PEAP est maintenant bien établi donnée aux résultats (les principes du CDI sont en tant que cadre stratégique du développement de exposés en détail dans l'Introduction du présent l'Ouganda. Il a été largement diffusé dans l'en- rapport). Chaque section présente successive- semble des services centraux de l'État, au niveau des ment les succès enregistrés et les difficultés à districts et auprès du parlement, ainsi que dans les surmonter. grandes organisations de la société civile et dans le secteur privé. Faisant office de schéma de dévelop- document de stratégie axé sur la réduction de la 71 pement intégré pour l'Ouganda, le PEAP présente pauvreté, élaborer un autre document très similaire plusieurs caractéristiques importantes : ne serait pas faire bon usage du peu de ressources humaines dont le pays dispose. La Banque mon- tous les objectifs sont articulés dans l'optique non diale appuie la mise en oeuvre et le suivi du pas seulement de faire reculer la pauvreté, mais PEAP/DSRP de l'Ouganda par le biais de crédits à de l'éliminer totalement. Un grand nombre l'appui de la réduction de la pauvreté -- des crédits d'objectifs secondaires du PEAP correspondent auparavant affectés à des programmes précis du aux objectifs de développement pour le gouvernement. Millénaire (ODM) adoptés plus récemment par la communauté internationale. Plusieurs des Les économies permises par l'allégement de la dette objectifs primordiaux du PEAP sont plus ambi- (98 millions de dollars en 2000­2001) permettent tieux que les ODM ; de consacrer des ressources du budget de l'adminis- tration centrale au financement d'actions de lutte le PEAP a une utilité pratique, car il a généré des contre la pauvreté et au suivi de leurs résultats. S'il plans d'action sectoriels sur cinq à dix ans. faut s'en féliciter, le déblocage de fonds dans le Parce que les parties prenantes des pouvoirs cadre de l'Initiative PPTE génère néanmoins des publics, de la société civile et des bailleurs de attentes qui doivent être gérées avec circonspec- fonds travaillent ensemble depuis longtemps au tion. L'Ouganda a créé un Fonds d'action contre la niveau sectoriel, il a été possible d'élaborer des pauvreté (PAF) pour identifier ces ressources dans stratégies réalistes dans lesquelles les plans sont le budget, ce qui permettra de mieux rendre compte établis en fonction des ressources disponibles ; de la manière dont elles sont dépensées. les contraintes budgétaires sont serrées par suite deDifficultés à surmonter l'ancrage du PEAP au cadre de dépenses à Financement du PEAP et gestion des attentes. Parce moyen terme. Un encadrement ferme, dans un que les programmes du PEAP ne peuvent pas être contexte économique stable, favorise la bonne tous financés à moyen terme, des décisions diffi- exécution du budget ; ciles doivent être prises pour redéfinir l'ordre de priorité des dépenses actuelles, mobiliser de nou- le PEAP est un cadre évolutif, car il est réexa- velles ressources, réduire les coûts et/ou revoir à la miné régulièrement pour tenir compte de l'évo- baisse certaines valeurs cibles du PEAP et repous- lution des besoins des pauvres, tels qu'elle ser les échéances -- autant d'actions qui exigeront ressort des données fiables produites par le suivi de faire preuve de rigueur budgétaire. Les pouvoirs des tendances de la pauvreté. publics se sont engagés à préparer un cadre de dépenses à long terme qui formalisera complète- Le PEAP, qui est largement reconnu comme un ment les besoins de financement du PEAP et plan directeur rigoureux, pertinent au plan opéra- garantira que les affectations budgétaires sont ali- tionnel, pour réduire la pauvreté en Ouganda, a gnées sur les coûts du PEAP. une autre fonction au regard de l'aide. En effet, son résumé constitue le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) que doit présen- Prise en charge par le pays ter tout pays sollicitant un allégement de sa dette dans le cadre de l'Initiative PPTE de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Le Succès enregistrés Gouvernement ougandais a fait valoir avec succès Une équipe dirigeante fermement attachée aux que, dans la mesure où le PEAP constituait déjà un réformes. Depuis que l'inflation a été maîtrisée en 72 1992­1993, les hauts responsables gouvernemen- Le MFPED, principal coordinateur de l'activité des taux se montrent résolus à poursuivre des réformes bailleurs de fonds et des groupes de travail sectoriels. Le économiques majeures et à orienter la stratégie de ministère des Finances, de la Planification et du développement sur la réduction de la pauvreté. Ils Développement économique a forgé des accords ont également donné à des fonctionnaires opérant entre des bailleurs de fonds et des ministères secto- à des échelons de l'administration moins élevés la riels pour qu'ils travaillent à l'intérieur des sys- possibilité d'élaborer et d'exécuter des stratégies tèmes et des cadres gouvernementaux. Ce d'élimination de la pauvreté. changement a été facilité par le fait que certains organismes -- en particulier la Banque mondiale Un ministère chef de file déterminé à faire fond des et le DFID -- ont accepté de passer du rôle de réa- réformes antérieures. Guidé par un secrétaire per- lisateur de programmes à celui d'agent de finance- manent clairvoyant et appuyé par une équipe ment de programmes. En outre, le gouvernement a d'économistes hautement compétente, le minis- regroupé en un Centre de coordination de l'aide tère des Finances, de la Planification et du rattaché au MFPED des unités de coordination de Développement économique (MFPED), fort de l'aide qui étaient auparavant réparties entre plu- ses succès sur le plan des réformes macroécono- sieurs ministères. Ainsi, les projets financés par les miques, est devenu le principal architecte du bailleurs de fonds restent dans les limites des plans PEAP. Le MFPED a engagé les ministères secto- d'investissements sectoriels, et il n'est guère pos- riels à se mobiliser contre la pauvreté et a aussi sible aux donateurs d'inciter les ministères secto- encouragé les autres parties prenantes -- société riels à entreprendre des projets dans lesquels les civile, bailleurs de fonds et ONG -- à s'impli- priorités seraient définies par les donateurs et non quer davantage dans l'élaboration des politiques par le pays. Toutes les propositions de projets de lutte contre la pauvreté et dans le suivi des financées par des bailleurs de fonds doivent être résultats. Le MFPED a activement contribué à visées par le Centre de coordination de l'aide et le l'adoption d'un processus de planification à Comité du développement du gouvernement, qui l'échelle du secteur, reliant les budgets aux est présidé par le MFPED. programmes d'investissement stratégique des ministères ; tant les ministères que les groupes de La plus grande marge de manoeuvre financière permise travail sectoriels interviennent aujourd'hui de par l'allégement de la dette et l'aide des bailleurs de façon importante dans le processus budgétaire. fonds est exploitée de manière novatrice pour lutter contre la pauvreté. Le MFPED a non seulement ins- Un mouvement d'intégration des bailleurs de fonds tauré la rigueur budgétaire mais aussi montré la dans le processus budgétaire. Le processus budgétaire voie en imposant des principes de discipline en devenant plus transparent, certains bailleurs de matière d'emprunt et de prudence dans la gestion fonds ont commencé à replacer leurs financements de la dette. Le ministère a négocié des réductions dans le contexte du système budgétaire national et et des rééchelonnements importants des dettes à engager des ressources plus tôt dans le cycle bud- contractées envers la plupart des créanciers bilaté- gétaire. Les pouvoirs publics ont ainsi mieux pu raux, et a mis au point des stratégies pour éliminer maîtriser le processus budgétaire et, ce faisant, pratiquement tous les prêts commerciaux et apurer améliorer l'efficacité et l'efficience des dotations la majeure partie des montants dus au titre des budgétaires. Et comme les ministères sectoriels ont pénalités et des arriérés. Il a d'autre part institué directement accès à un plus grand volume de res- une politique qui consiste à chercher à obtenir des sources financières, ils sont incités à élaborer des dons avant d'emprunter. Lorsque la seule solution programmes de portée sectorielle. est de recourir à l'emprunt, celui ne peut être contracté qu'à des conditions concessionnelles Une participation active des pouvoirs publics et des 73 comparables à celles de l'IDA. organisations de la société civile dans les réunions du Groupe consultatif. Depuis trois ans, des réunions Le pouvoir et la responsabilité de la prise de décision du Groupe consultatif sont organisées dans le pays sont transférés de l'administration centrale aux admi- sous la coprésidence de la Banque mondiale et du nistrations locales. La vaste décentralisation insti- Gouvernement ougandais afin d'examiner les rela- tuée par le Local Governments Act de 1997 tions entre les pouvoirs publics et les bailleurs de renforce la prise en charge du processus par le pays fonds. Ces réunions témoignent d'une large parti- en donnant aux autorités locales, et aux citoyens cipation des diverses parties en présence. qui les élisent, la maîtrise d'un plus large éventail de politiques et de décisions. Un certain nombre Difficultés à surmonter de bailleurs de fonds apportent une aide aux dis- Renforcer les capacités des administrations locales pour tricts en vue de renforcer les capacités locales. Ces permettre à l'administration centrale de déléguer davan- efforts s'inscrivent dans le cadre, notamment, du tage. L'administration centrale accorde aux districts Programme de développement des administra- des financements sous forme de dons dont certains tions locales de la Banque mondiale et du projet sont conditionnels et d'autres non. Bien que les entrepris par l'USAID pour renforcer la décentra- premières permettent à l'administration centrale de lisation. Bien que le mouvement de décentralisa- s'assurer que les dépenses sont conformes au PEAP, tion ait eu des résultats divers selon les districts, en les conditions dont ils sont assortis limitent l'apti- règle générale il a beaucoup rapproché les citoyens tude des autorités locales à faire face à un change- ordinaires des niveaux de décision et d'élabora- ment de situation. tion des politiques. Toutefois, avant de donner plus de latitude aux L'implication de la société civile a permis une plus grande administrations locales pour allouer les ressources, adhésion du pays aux réformes. Les entretiens menés il faudra impérativement : avec les différentes parties prenantes, les réponses au questionnaire d'enquête et les autres documents exa- renforcer leurs capacités en tenant compte des minés montrent tous que les pouvoirs publics ont besoins de la communauté et de la probléma- renforcé l'adhésion du pays au PEAP en impliquant tique hommes-femmes ; la société civile : assurer un décaissement plus prompt des fonds dans l'élaboration des révisions du PEAP, destinés aux administrations locales et à des établissements comme les écoles ; dans le suivi des résultats produits par le PAF, améliorer la comptabilité et le suivi des flux de dans le processus budgétaire annuel par l'en- trésorerie ; tremise des groupes de travail sectoriels aux- quels elle participe et qui produisent les améliorer les conditions d'emploi des fonction- documents-cadres du budget. naires locaux, surtout dans les régions reculées où la vie est difficile. Les organisations de la société civile et du secteur privé ainsi que les administrations locales des Augmenter les recettes intérieures pour réduire la régions excentrées sont toutefois souvent exclues dépendance vis-à-vis de l'aide. La prise en charge du du processus. processus par le pays sera encore renforcée lorsque le budget reposera moins sur les financements Évolution du rôle du parlement. Le rôle joué par le 74 extérieurs. (Le budget de l'exercice 2000­2001 a parlement dans le processus budgétaire a été été financé pour 57 % par des dons et des prêts des étendu par le Budget Act de 2001. Les parties bailleurs de fonds.) Il faudra pour cela une crois- concernées consultées pour l'évaluation du CDI sance économique soutenue et/ou une augmenta- considèrent que cette loi a des aspects aussi bien tion de la contribution, encore faible, des recettes positifs que négatifs. Côté positif, la création d'une intérieures au PIB. Accroître l'efficacité du recou- nouvelle commission budgétaire permanente assis- tée d'un cabinet est susceptible de contribuer à ins- vrement des impôts serait un moyen d'atteindre taurer un dialogue constructif avec le ministère des cet objectif. Finances, de la planification et du développement économique -- élargissant ainsi la prise en charge Créer un environnement propice au secteur privé. Les du processus par le pays sans affaiblir le schéma de politiques économiques ougandaises prônent une développement global axé sur le long terme. Côté croissance entraînée par le secteur privé. Toutes les négatif, l'intervention du parlement plus en amont parties s'accordent à reconnaître qu'il faut lever les dans le processus d'affectation des ressources laisse derniers obstacles à l'investissement privé et aux craindre qu'il puisse être plus difficile de maintenir exportations dans le cadre de la Stratégie à moyen une politique de rigueur budgétaire. terme de promotion de la concurrence. Néan- moins, les pouvoirs publics devront prendre garde à ce que le désir du secteur privé d'obtenir un sou- Partenariat piloté tien plus proactif ne les mènent pas à prendre des mesures risquant d'engendrer une mauvaise et coû- par le pays teuse affectation de ressources à des investisse- ments sans effets économiques positifs. Succès enregistrés Réaffirmer le rôle de la société civile. Bien qu'un nou- Alignement de l'aide des bailleurs de fonds sur le Plan veau projet de loi sur l'enregistrement des ONG ait d'action pour l'élimination de la pauvreté. Plusieurs été déposé au parlement en 2001, la commission facteurs ont permis de mieux aligner l'aide exté- concernée l'a renvoyé au ministère de l'Intérieur. rieure sur le PEAP : Le projet de loi n'est pas encore revenu à la com- mission. En fonction de la formulation finale, la loi la rigueur du processus budgétaire reliant le votée pourrait soit réaffirmer la participation des PEAP au cadre de dépenses à moyen terme ; ONG dans le processus de développement, soit l'accroissement de l'efficacité avec laquelle le réduire leur rôle -- beaucoup d'ONG voient dans Centre de coordination de l'aide et le Comité du le projet de loi une tentative de limiter le rôle de la développement sélectionnent et examinent les société civile. De leur côté, certains parlementaires projets ; interrogés pour l'étude de cas ont critiqué ouverte- ment ce qu'ils considèrent être le rôle excessif des l'augmentation de l'appui budgétaire accordé nombreuses ONG de développement. Ils estiment par les bailleurs de fonds ; que ces organisations ne sont pas assez représenta- tives, rendent mal compte de leurs actions et n'ont les efforts faits par les bailleurs de fonds qui pas de capacités insuffisantes, et sont d'avis qu'elles fournissent encore un appui au titre de projets empêchent les pouvoirs publics et les bailleurs de pour s'aligner sur le PEAP. (La Banque mon- fonds d'engager un dialogue plus direct avec le par- diale fait partie des bailleurs de fonds qui font le lement -- dialogue auquel les parlementaires plus d'efforts pour mettre leurs stratégies d'aide seraient favorables. en phase avec la stratégie de développement nationale ; c'est aussi le cas du DFID, de l'UE, rapport de l'examen sectoriel conjoint satisfait aux 75 d'Irish Aid, des Pays-Bas, de l'Agence norvé- exigences en matière de communication des résul- gienne de coopération pour le développement tats (voir l'encadré 6.2). (NORAD), et de l'Autorité suédoise de coopé- ration internationale au développement Par ailleurs, bien que le PRSC de l'Ouganda (ASDI). fournisse un appui au budget pour accompagner une politique axée au départ sur trois secteurs (éducation, santé et eau), il couvre maintenant Progrès des approches de portée sectorielle (SWAp) et du PRSC. Parce qu'elles exigent de tous les parte- aussi des réformes dans l'ensemble du secteur naires qu'ils pensent et agissent au niveau sectoriel, public . les SWAp favorisent une plus grande concordance avec le PEAP. Une SWAp comprend générale- Un mandat élargi pour les groupes de travail secto- ment une politique sectorielle, un plan d'investis- riels chargés des budgets. Les pouvoirs publics ont sement stratégique à long terme élaboré d'un demandé à ces groupes de travail, qui ne se commun accord, et un mécanisme d'examen secto- réunissent généralement que pendant le proces- riel conjoint. Les approches de portée sectorielle sus de préparation du budget afin de rédiger des ont permis d'harmoniser dans une mesure relative- documents-cadres budgétaires pour chaque sec- ment importante les appuis budgétaires et les pro- teur, d'étendre la portée de leurs travaux pour cédures des bailleurs de fonds de l'Ouganda. Par mettre au point des indicateurs de produits et de exemple, 50 % de l'aide fournie dans le cadre des réalisations pour leurs secteurs respectifs. Ils SWAp concernant l'éducation et la santé revêtent les ont aussi invités à réfléchir à la possibilité à présent la forme d'un appui budgétaire. Les d'assurer des fonctions permanentes de suivi et bailleurs de fonds estiment pour l'essentiel que le d'évaluation. Encadré 6.2. L'examen sectoriel conjoint : un instrument essentiel L'examen sectoriel conjoint a pour but de permettre aux pouvoirs publics, aux bailleurs de fonds et aux autres parties prenantes, par exemple les associations d'ONG, d'analyser ensemble les stratégies et les résul- tats obtenus, et de proposer des changements à apporter à la politique sectorielle et aux affectations pour l'année suivante. Les participants considèrent donc cet examen essentiel pour une approche de portée secto- rielle efficace. Entre autres, l'examen sectoriel conjoint permet de mieux faire concorder les stratégies, d'harmoniser davan- tage les procédures de passation de marchés, de budgétisation et de décaissement, et d'orienter plus préci- sément l'action des bailleurs de fonds vers leurs domaines de compétences. (Par exemple, la Banque mondiale est en train de restreindre l'éventail des secteurs dans lesquels elle intervient. Son futur portefeuille couvrira d'une part quatre secteurs dans le cadre du PRSC -- éducation, santé, développement rural et eau -- et, d'autre part, des grands projets d'infrastructures, par exemple d'électricité.) Les effets positifs que peut avoir l'examen sectoriel conjoint ont été clairement illustrés en Ouganda dans les secteurs de l'éducation et de la santé : le nombre d'engagements négociés sur une base mutuelle par les bailleurs de fonds a très nettement diminué au cours des deux dernières années, passant de 59 à 7 pour l'éducation, et de 32 à 10 pour la santé. Les coûts de transaction ont également baissé de façon significative. 76 Difficultés à surmonter ties prenantes sur les priorités stratégiques Vulnérabilité de l'appui budgétaire. Un appui budgé- peuvent être plus importantes dans certains sec- taire accordé sans affectation spécifique peut être teurs (par exemple l'agriculture) que dans utilisé pour couvrir n'importe quelles dépenses d'autres. Le cadre et les processus du second publiques. Certains bailleurs de fonds qui n'im- PRSC sont conçus pour renforcer la coordination posent pas de restrictions à l'usage de leur appui et résoudre ces problèmes de collaboration. budgétaire ont indiqué lors des entretiens que leurs gouvernements réagiraient défavorablement à une Poursuivre l'harmonisation des procédures et des pra- escalade des dépenses militaires de l'Ouganda, à des tiques. Bien que les approches de portée sectorielle conflits frontaliers ou à des signes de corruption de -- en particulier pour l'éducation et la santé -- plus en plus manifestes, dans la mesure où l'aide aient permis de faire avancer l'harmonisation des qu'ils fournissent pourrait être considérée comme procédures employées par les bailleurs de fonds contribuant à des dépenses indésirables, par pour la budgétisation, le décaissement, la passa- exemple de nature militaire. (Cet argument est tion des marchés, la communication des résultats moins valide en Ouganda du fait que le dialogue et l'évaluation, les ministères dépensiers conti- que tient le pays avec les bailleurs de fonds et les nuent de se plaindre qu'il faut faire davantage, sur- autres parties prenantes couvre l'intégralité du pro- tout pour l'aide-projet. (Les ministères font gramme de dépenses financé par les bailleurs de remarquer, à cet égard, que les règles de passation fonds/l'État, y compris les plafonds des dépenses de marchés au titre de projets imposées par la militaires.) Banque mondiale sont particulièrement com- plexes.) Avoir à suivre de nombreuses procédures Pour répondre à ces préoccupations, le Gouver- différentes d'un donateur à l'autre constitue une nement ougandais a intégré deux garanties dans le charge administrative pour l'État et augmente PEAP. La première est l'engagement indéfini de considérablement les coûts de transaction. plafonner le budget de la défense à 2 % du PIB, et la seconde est d'augmenter la part des dépenses Constituer des partenariats pour renforcer les capaci- publiques allouées au PAF. tés afin d'améliorer la fourniture des services. Les pouvoirs publics et leurs partenaires de dévelop- Accroître le recours à une approche de portée secto- pement doivent trouver des moyens plus efficaces rielle. Le PEAP prévoit que, à terme, le plan doit pour accompagner le renforcement des capacités être mis en oeuvre dans tous les grands secteurs tant au niveau central que local, de façon que dans le cadre d'approches de portée sectorielle. Il l'aide puisse répondre à des besoins identifiés par sera toutefois particulièrement difficile d'élaborer le pays et ses districts. En corollaire, il faudra une approche de portée sectorielle cohérente dans mettre fin à la fourniture d'une assistance tech- les secteurs dans lesquels interviennent de nom- nique déterminée par l'offre -- en ce sens qu'elle breux ministères ayant des intérêts divergents et répond aux besoins des bailleurs de fonds -- qui des exigences budgétaires concurrentes -- l'admi- tendent à compromettre les efforts de renforce- nistration publique en est un exemple. ment des capacités nationales et locales. Ainsi, la présence d'Unités d'exécution du projet reste une Il est également difficile d'élaborer une approche source d'irritation pour les pouvoirs publics, qui commune pour des secteurs tels que le dévelop- considèrent que leurs choix d'assistance tech- pement social, dans lesquels les meilleurs résul- nique illustrent les préférences des bailleurs de tats ne peuvent être obtenus que grâce à une fonds et non celles du gouvernement. Ces unités collaboration étroite avec plusieurs ministères. sont aussi jugées présenter un autre inconvénient, En outre, les divergences entre les différentes par- qui tient à leurs échelles de rémunération. Celles- 77 Encadré 6.3. Suivi local des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté L'Uganda Debt Network, une organisation de la société civile qui s'est engagée activement dans le suivi des progrès réalisés en matière de lutte contre la pauvreté, poursuit sa mission en travaillant avec des organisations locales. Elle a par exemple aidé le Comité de surveillance de la pauvreté du district de Kamuli à vérifier l'efficacité des décaissements locaux du PAF : en organisant un dialogue avec les élus, en collectant des informations à la base par le canal des écoles primaires, des centres de santé et des administrations locales. Les résultats ont été présentés lors d'un atelier afin que toutes les parties prenantes puissent avoir un retour d'information. Si les élus locaux ont choisi de voir dans les résultats des critiques personnelles, les services techniques du district les ont utilisés pour élaborer un programme d'action complet destiné à remédier aux défauts constatés. Le Comité de surveillance de la pauvreté du district de Kamuli a mené son effort au niveau des services gouvernementaux concernés, ce qui a notamment permis de raccourcir les délais avec lesquels les centres de santé reçoivent les commandes de médicaments. ci étant généralement plus élevées que les pement. L'organisation d'un tel examen sur une échelles de salaires de la fonction publique, elles base régulière permettrait d'affiner en permanence sont réputées être sources de distorsions et de les objectifs, d'établir des niveaux de référence et mécontentement. d'évaluer conjointement les progrès accomplis en direction d'un partenariat piloté par le pays. Gérer les coûts de transaction des partenariats. Bien que les avantages apportés par la coordination de Surmonter les problèmes macroéconomiques. La mise l'aide entre les secteurs en Ouganda restent supé- en oeuvre du PEAP et le transfert de la responsabi- rieurs à son prix, les coûts de communication lité de la fourniture des services aux administra- générés par les partenariats bailleurs de fonds-pou- tions locales ont eu conjointement pour effet voirs publics ne sont pas négligeables. En vue de la d'augmenter fortement la demande de services préparation du second PRSC, le gouvernement a publics au niveau local. Toutefois, si un bailleur de examiné les mécanismes de coordination intersec- fonds souhaite renforcer son concours budgétaire toriels afin de les rationaliser et d'en réduire pour répondre à cet accroissement de la demande encore le coût pour l'État et les bailleurs de fonds. pendant l'exercice budgétaire, l'offre sera rejetée par le MFPED si l'aide en question dépasse le pla- Évaluation mutuelle des accomplissements. À l'heure fond fixé par le cadre de dépenses à moyen terme. actuelle, les pouvoirs publics et leurs partenaires de Pour déterminer les réels effets macroéconomiques développement évaluent mutuellement leurs de l'accroissement des flux d'aide, il faudra mieux accomplissements à différents niveaux par le biais comprendre les relations qui existent entre les flux de mécanismes de coordination intra- et inter-sec- d'aide, le taux de change réel et l'augmentation de toriels. Un atelier sur les principes de partenariat, la productivité. Les pouvoirs publics et la Banque organisé en septembre 2001, a été l'occasion d'exa- mondiale ont entrepris, avec un ou deux autres miner, dans tous les secteurs, la performance de bailleurs de fonds, de procéder à un examen empi- l'ensemble des partenaires coopérant au dévelop- rique pour tenter de clarifier ces relations. 78 Priorité aux résultats Les représentants de la société civile considèrent que le suivi des dépenses publiques par les popu- Succès enregistrés lations locales constitue l'un des meilleurs moyens d'améliorer la qualité des services dispen- Le suivi et l'analyse des résultats sur le terrain sont un sés aux pauvres. élément essentiel du PEAP. Peu après le démarrage en 1995 du vaste processus consultatif mis sur pied Les objectifs d'élimination de la pauvreté reproduisent pour élaborer le PEAP, il est apparu souhaitable -- et dépassent parfois -- les objectifs de développe- d'intégrer au PEAP des composantes d'analyse et ment pour le Millénaire. Les ODM de l'Ouganda d'exploitation des informations obtenues. La sont définis dans le cadre et selon le calendrier du demande pour ce type de service a été renforcée PEAP et d'autres documents connexes tels que le par le PAF, par la décentralisation et par la partici- Plan d'investissement stratégique dans l'éducation. pation accrue de la société civile au suivi des per- Dans plusieurs domaines -- pauvreté, éducation, formances et des résultats. Les exigences des VIH/SIDA, et eau salubre -- les objectifs de bailleurs de fonds en matière de communication l'Ouganda sont plus ambitieux que les valeurs cibles des résultats ont également stimulé le développe- des ODM. En outre, les progrès réalisés jusqu'ici ment de capacités nationales de collecte d'infor- laissent penser qu'ils seront réalisables à condition mations sur les résultats, mais pas nécessairement que les fonds nécessaires soient disponibles et que d'analyse et d'exploitation de ces informations les problèmes de qualité soient résolus (en particu- dans le pays. lier dans le domaine de l'éducation et dans celui de l'eau et de l'assainissement). Une stratégie de suivi et d'évaluation de la pauvreté qui marque une étape importante. Cette stratégie, Difficultés à surmonter annoncée par le ministère des Finances en juin Obtenir une garantie fiduciaire. D'après les résultats 2002, est axée à la fois sur le moyen terme et sur des enquêtes et les témoignages, la corruption en le long terme et couvre tous les systèmes gou- Ouganda est forte et généralisée, ce qui est un vernementaux. Elle comprend notamment une problème majeur pour le gouvernement et pour évaluation systématique du processus budgétaire les partenaires de développement. Elle fait obs- national et un suivi renforcé des fonds affectés tacle à l'accroissement de l'investissement étran- aux domaines prioritaires tels qu'identifiés dans ger et de l'aide sous forme d'appui budgétaire. La le PAF. La stratégie est intégrée au processus réforme des salaires actuellement prévue enlèvera budgétaire par étapes : des données sont collec- de la force à l'une des raisons d'être de la corrup- tées sur les moyens mis en oeuvre et sur les résul- tion, mais devra s'accompagner d'autres mesures tats obtenus par les ministères dépensiers, puis résolues, et notamment la poursuite de l'actuelle des informations sur l'impact des programmes de campagne de lutte contre la corruption, des développement seront obtenues à partir d'études actions ciblées sur la réforme du système de pas- et d'enquêtes périodiques (notamment l'enquête sation des marchés, le renforcement du suivi démographique et sanitaire conduite tous les financier et l'amélioration de la transparence des 5 ans, et l'enquête annuelle nationale sur la comptes à tous les niveaux. En outre, le second fourniture des services). PRSC prévoit la fourniture d'un soutien accru à la lutte contre la corruption. Le rôle de la société civile dans le suivi des résultats. Le suivi, tant par les pouvoirs publics que par les Il n'existe pas encore de procédures systématiques de organisations de la société civile, de l'emploi des suivi des prestations de services. Selon des fonction- fonds du PAF est devenu un facteur important naires bien placés, il faudra réaliser davantage d'au- d'amélioration de la transparence en ce domaine. dits du rapport qualité-coûts afin d'améliorer les services fournis aux pauvres. Les réalisations au plan dépenses à moyen terme, le PEAP résulte de diffi- 79 du suivi et de l'évaluation souffrent aussi de l'ab- ciles choix budgétaires qui traduisent les priorités sence d'une tradition de production et d'exploita- stratégiques des approches de portée sectorielle. tion d'informations au niveau opérationnel et Ces accomplissements ont encouragé les parte- d'incitations propres à encourager de tels efforts. Il naires de développement à aligner leurs démarches faudra, pour que les organisations de la société civile sur celles du gouvernement et, ce faisant, ont puissent contribuer plus largement au suivi de la permis de renforcer ce partenariat piloté par le prestation des services, qu'elles reçoivent un appui pays. L'évolution de l'aide extérieure, davantage pour renforcer leurs capacités dans ce domaine. axée aujourd'hui sur les concours budgétaires et les approches de portée sectorielle, a joué en faveur Exploitation des informations sur les résultats : un sys- d'une meilleure prise en charge du processus par le tème de budgétisation axé sur les réalisations et une pays. Enfin, l'application des trois premiers prin- gestion axées sur les résultats. Bien que l'Ouganda ait cipes du CDI a obligé les différents acteurs à accor- été parmi les premiers pays à faible revenu à adop- der plus d'attention au quatrième principe : la ter deux importants instruments permettant d'ex- priorité donnée aux résultats. ploiter les informations sur les résultats afin d'améliorer les performances, ni l'un ni l'autre ne sont entièrement opérationnels. Il s'agit du sys- Appui budgétaire, tème de budgétisation basée sur les réalisations (placé sous le contrôle du MFPED), qui introduit qualité de l'aide des informations sur les résultats dans le processus et garantie fiduciaire budgétaire, et le système de gestion axée sur les résultats (placé sous le contrôle du ministère du Service public), qui introduit des informations sur Du point de vue du Gouvernement ougandais, l'ap- les résultats dans les processus d'évaluation des per- pui budgétaire est une forme d'aide plus utile que le formances des institutions et des personnes. Les financement de projets. Il offre en effet une cer- deux systèmes ont été élaborés de façon indépen- taine souplesse pour la répartition des fonds entre dante dans des ministères différents et il faudrait coûts récurrents et dépenses de développement, et les fusionner ou les aligner pour en maximiser l'im- occasionne moins de coûts de transaction liés à leur pact. Le second PRSC comporte des mesures desti- gestion et à la communication des résultats. nées à mieux faire concorder ces deux initiatives. Pour les bailleurs de fonds en revanche, l'appui budgétaire pose davantage de problèmes sur le plan Succession et renforcement fiduciaire. Bien qu'ils soient conscients des risques existants, plusieurs donneurs ont néanmoins mutuel des principes du CDI conclu que les progrès réalisés en matière de garan- tie fiduciaire étaient suffisants (notamment sur le L'expérience de l'Ouganda montre qu'il est impor- plan de la transparence de la comptabilité et du tant de procéder dans un ordre défini et de renfor- suivi financier) pour qu'ils acceptent d'apporter un cer les relations entre les principes du CDI. La concours au budget général. En outre, le second première étape consiste à prendre en charge le pro- PRSC offre un cadre pour suivre la transition vers cessus : l'Ouganda, par exemple, a décidé qu'il était ce type d'aide. Il reste à savoir si les bailleurs de essentiel d'engager des réformes macroécono- fonds qui continuent de fournir une aide-projet miques de base et de libéraliser le marché. Une seront prêts à adopter cette démarche. De son côté, stratégie de développement globale, le Plan d'ac- le Gouvernement ougandais devra continuer à tion pour l'élimination de la pauvreté, a ensuite été apaiser les craintes des donateurs concernant déployée. Mis en oeuvre à l'intérieur du cadre de l'aspect fiduciaire de l'appui budgétaire. Francis Dobbs C H A P I T R E S E P T Viet Nam 81 Méthode de travail L'étude du cas du Viet Nam a été lancée en sep- tembre 2001 par une mission préparatoire dans le L'évaluation du CDI au Viet Nam a été réalisée par pays. Une autre mission a eu lieu du 20 novembre une équipe pluridisciplinaire d'experts nationaux et au 12 décembre 2001, au cours de laquelle la internationaux issus de la communauté de majorité des données a été recueillie. développement. Dirigée par Alf Morten Jerve, directeur adjoint de l'Institut Chr. Michelsen de Les conclusions de l'étude reposent sur différentes Bergen (Norvège), l'équipe était composée de Ray sources d'informations : des entretiens avec des Mallon, conseiller économique et consultant responsables et des membres du personnel de indépendant à Hanoï, de Keiko Nishino, directeur 70 agences et organisations, des rapports et d'autres de Global Link Management, Tokyo, de Han Manh documents pertinents, et les résultats d'une Tien, administrateur de Concetti, Hanoï, et de enquête auprès d'un peu plus d'une centaine de Laura Kullenberg, du Département de l'évaluation personnes impliquées dans des actions de des opérations de la Banque mondiale. Les services développement dans le pays (les trois quarts de M. Mallon et de Mme Nishino ont été financés étaient des Vietnamiens travaillant dans des par la Banque asiatique de développement (BAsD) administrations publiques ou des ONG, le dernier et le ministère japonais des Affaires étrangères, quart étant constitué de représentants expatriés respectivement, qui ont ainsi contribué à l'évalua- d'organismes d'aide). Par ailleurs, les membres de l'équipe ont assisté à deux réunions du Groupe tion. M. Hajime Takeuchi, de la Banque japonaise consultatif, à plusieurs grands ateliers, et se sont pour la coopération internationale (JBIC), et rendus à Ho Chi Minh-Ville et dans la province M. Graham Walter de la BAsD, ont participé à la de Da Nang pour des missions d'étude.. mission de planification de l'évaluation. L'équipe a également bénéficié de la contribution Le Viet Nam et le CDI : d'un groupe consultatif local composé de con- seillers principaux de grands organismes de re- des progrès, cherche et d'organismes bailleurs de fonds, et mais beaucoup reste notamment de l'Institut central de gestion écono- mique, de l'Institut de stratégie du développement, à faire de l'Institut de gestion de l'Union des associations scientifiques et techniques du Viet Nam, du DFID, Spécificités du pays de la Banque asiatique de développement (Hanoï), Au cours de la dernière décennie, le Gouverne- du ministère japonais des Affaires étrangères ment socialiste du Viet Nam a lancé une remar- (Tokyo) et de la Banque japonaise pour la coopéra- quable série de réformes économiques axées sur le tion internationale (Tokyo). marché, qui visent à développer le secteur privé et 82 à intégrer le pays dans l'économie mondiale. Le particulier pour la lutte contre la pauvreté. succès de ces initiatives a transformé l'économie Aujourd'hui, le Viet Nam est le deuxième emprun- nationale, auparavant fermée sur elle-même, à tel teur de l'IDA en volume et a le Japon pour princi- point qu'elle affiche aujourd'hui des ratios par rap- pal bailleur de fonds. Il est incontestablement une port au PIB élevés, tant pour l'investissement réussite sur le plan du développement. étranger que pour les exportations. Une base solide pour le CDI Les mesures prises par le Viet Nam pour combattre Par rapport à ce qui se produit dans beaucoup la pauvreté ont aussi donné d'excellents résultats. d'autres pays en développement, les réformes Le taux de pauvreté national, de 58 % en 1993, économiques et sociales engagées par le Viet Nam était tombé à 32 % en 2001 -- une diminution de et la détermination de ce pays à faire reculer la près de moitié, sans égale ou presque dans les pauvreté permettent d'établir très solidement les autres pays à faible revenu. (L'encadré 7.1 compare principes du CDI -- surtout lorsque les autres le taux de pauvreté et d'autres indicateurs sociaux points forts du pays font sentir leurs effets. du Viet Nam à ceux enregistrés dans l'ensemble de la région et dans les pays à faible revenu.) Bien que beaucoup de bailleurs de fonds occiden- taux et d'organismes multilatéraux n'aient repris Ces efforts de réforme ont bénéficié d'une aide leurs programmes d'aide qu'au début des années importante de la communauté internationale, en 90, le Viet Nam a montré qu'il savait bien gérer Encadré 7.1. Le Viet Nam en bref Asie de PAUVRETÉ et INDICATEURS SOCIAUX l'Est et Faible Losange du développement * Viet Nam Pacifique revenu 2001 Espérance de vie Population, à mi-année (millions) 78,7 1 826 2 511 RNB par habitant (méthode de l'Atlas, USD) 420 900 430 RNB (méthode de l'Atlas, USD milliards) 33,4 1 649 1 069 Taux brut RNB de scolari- par sation habitant Estimations les plus récentes (dernière année disponible, 1995-2001) primaire Pauvreté (% de la population en dessous 32 ­ ­ du seuil national de pauvreté) Accès à une meilleure source d'eau Population urbaine (% de la population totale) 25 37 31 Viet Nam Espérance de vie à la naissance (années) 69 69 59 Pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure Mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 37 36 76 Malnutrition infantile (% d'enfants de moins de 5 ans) 34 12 ­ Accès à une meilleure source d'eau (% de la population) 56 74 76 Analphabétisme (% de la population de plus de 15 ans) 6 14 37 Taux brut de scolarisation primaire 110 107 96 (% de la population d'âge scolaire) Garçons 113 106 103 Filles 107 108 88 l'aide fournie, en poursuivant un programme de diale a par ailleurs apporté des compétences tech- 83 libéralisation réussi et sans que les fonds reçus des niques à d'autres organismes d'aide et aux autorités bailleurs de fonds ne soient assortis d'une condi- vietnamiennes afin de les aider à élaborer des tionnalité. La longue tradition de planification approches sectorielles -- c'est-à-dire des stratégies centrale du pays a engendré une forte appropria- qui s'attaquent aux problèmes sur plusieurs fronts tion de l'action publique par l'appareil d'État. Et interconnectés à la fois (par exemple en recon- les différents plans socioéconomiques décennaux naissant l'incidence des questions environnemen- qui se sont succédé au Viet Nam à partir de 1945 tales sur les indicateurs de santé). ont appris au pays à définir des objectifs de développement et à les suivre dans le temps. Les remarquables réformes lancées au Viet Nam se trouvent encore dans une phase de transition. Tous ces facteurs, ainsi que la longue et unique Depuis plusieurs années, la Banque mondiale et expérience du pays en tant que bénéficiaire d'aide d'autres organismes d'aide font valoir la nécessité (autrefois essentiellement de la Russie et d'autres d'une seconde vague de réformes pour maintenir pays communistes, et plus récemment des pays l'avancée économique et sociale du pays. Les occidentaux), ont contribué au choix du Viet Nam bailleurs de fonds sont également très préoccupés comme pays pilote pour la mise en oeuvre du CDI par l'efficacité et l'utilité de l'aide accordée au Viet en 1999. Début 1998, le Premier ministre du Viet Nam, jugeant en particulier nécessaire d'accroître Nam de l'époque, Nguyen Manh Cam, avait la participation du gouvernement à la gestion des anticipé les idées-forces du CDI en invitant projets et de renforcer la lutte contre la corruption instamment les bailleurs de fonds à se concerter et le gaspillage. entre eux et avec les autorités vietnamiennes -- invoquant la quantité de projets financés par un Organisation du chapitre seul donneur, qui sollicitaient excessivement les Les quatre sections suivantes analysent le chemin capacités nationales de gestion de l'aide. Lorsque le parcouru par le Viet Nam au regard de chacun des président de la Banque mondiale, James quatre principes du CDI : un schéma de développe- Wolfensohn, a lancé les principes du CDI en 1999, ment global axé sur le long terme, la prise en le directeur de la Banque pour le Viet Nam a charge du processus par le pays, un partenariat appuyé vigoureusement le choix de ce pays à titre piloté par le pays, et la priorité donnée aux résul- de pilote, faisant également valoir qu'il était néces- tats (les principes du CDI sont exposés en détail saire d'établir entre les bailleurs de fonds un nou- dans l'introduction du présent rapport). Chaque veau mode de coopération qui permettrait section présente successivement les succès enreg- d'adopter des approches plus ciblées et d'enver- istrés et les difficultés à surmonter. gure sectorielle. Le bureau de la Banque au Viet Nam a été renforcé Schéma de développement par des personnels détachés d'autres organisations global axé sur le long terme -- dont certains étaient exclusivement chargés de promouvoir le partenariat. Cette démarche s'est révélée excellente pour instaurer des relations de Succès enregistrés confiance et échanger des compétences et des La démarche de long terme du CDI constitue points de vue, et les personnes détachées inter- dans l'ensemble une suite logique au système de rogées ont eu le sentiment d'avoir aussi influencé planification centralisée en place de longue date le mode de pensée de la Banque. La Banque mon- au Viet Nam, avec ses stratégies nationales sur 84 dix ans et ses plans quinquennaux de dévelop- en fixant des objectifs réalistes et formulés de pement économique. L'un des travers de ce sys- manière à donner des lignes d'action claires ; tème était que, jusqu'à une date récente, la stratégie nationale à long terme (y compris la en établissant des liens explicites entre les stratégie de développement) était entièrement réformes sectorielles et les objectifs généraux de définie par le parti. développement du pays ; Toutefois, le Viet Nam a introduit d'importants en définissant les relations entre les stratégies à changements dans son processus d'élaboration des long terme, la planification à moyen terme et stratégies de long terme, en invitant pour la pre- les dotations budgétaires annuelles. mière fois des organisations non gouvernementales et des bailleurs de fonds à donner leur avis sur les La principale carence du système actuel de plan- projets du dernier plan décennal. D'après les résul- ification à long terme est liée au fait que les tats de l'enquête, toutes les personnes interrogées, plans ne sont pas encore ancrés dans un cadre de aussi bien les Vietnamiens que les expatriés, recon- dépenses à moyen terme. De ce fait, il n'y a pas naissent que le processus de planification a pro- de lien entre la vision et les stratégies à long fondément évolué et est devenu beaucoup plus terme qui sont formulées et la manière dont le ouvert et consultatif. Elles disent toutes également budget annuel est effectivement dépensé. On le que les stratégies sont aujourd'hui davantage axées voit bien lors des réunions du Groupe consul- sur la réduction de la pauvreté. (Il est vrai toutefois tatif, où sont normalement examinés les prob- que les Vietnamiens interrogés se montrent beau- lèmes qui se posent entre les bailleurs de fonds et coup plus optimistes que les autres lorsqu'il leur est le Gouvernement du pays : les demandes de demandé si les objectifs à long terme sont devenus financement présentées par ce dernier sont plus réalistes puisque que 86 % d'entre eux ré- exprimées comme des souhaits, alors qu'elles pondent par l'affirmative contre seulement 16 % devraient traduire des choix clairs entre dif- des expatriés.) férents secteurs d'investissement. Difficultés à surmonter Malgré tout, il n'est pas toujours facile de faire La communauté du développement a l'espoir cohabiter les principes du socialisme avec ceux du que la Stratégie globale de réduction de la pau- marché. Les dirigeants ayant du mal à trouver un vreté et de croissance (SGRPC) -- la version consensus, le rythme des réformes est lent. Et ce vietnamienne du Document de stratégie pour la même besoin de compromis entre des vues diver- réduction de la pauvreté (DSRP) -- pourra gentes débouche trop souvent sur un énoncé assez combler l'écart entre la théorie et la pratique. flou de la vision à long terme du pays. En d'autres Le processus de DSRP a été lancé au niveau termes, l'existence de stratégies à long terme n'en- mondial fin 1999 pour garantir que les pays traîne pas nécessairement l'existence d'un cadre de bénéficiant d'un allégement de la dette par la développement intégré axé sur le long terme, bien Banque mondiale et le FMI utilisent bien les établi; la qualité du plan compte aussi. ressources budgétaires ainsi libérées pour faire reculer la pauvreté, mais ces plans définissaient Le Viet Nam pourrait améliorer la qualité de sa aussi les étapes nécessaires pour mettre en oeuvre planification à long terme : les principes du CDI. Par exemple, la SGRPC du Viet Nam joue un rôle tout aussi important en exprimant sans ambiguïté ses choix poli- par le fait qu'elle appuie le principe consistant à tiques et sa politique générale ; privilégier les résultats. Prise en charge par le pays d'un débat plus larges). Les projets du dernier plan 85 quinquennal ont également été plus largement dif- fusés et communiqués à toutes les provinces ainsi Succès enregistrés qu'à des ONG pour la première fois. D'autre part, Depuis l'indépendance, la vie politique du Viet divers organismes non étatiques et représentants Nam se caractérise par la forte appropriation du du secteur privé indiquent qu'ils peuvent aujour- processus d'élaboration des politiques par le gou- d'hui accéder plus facilement aux informations vernement, qui s'est étendue jusqu'à l'ensemble du gouvernementales, et notamment participer à des processus de développement. Le renforcement de réunions ou des ateliers relevant des pouvoirs la volonté de réforme de l'État a été la grande réus- publics (par exemple, des ONG et des représen- site du processus de réforme économique viet- tants du secteur privé sont maintenant invités aux namien qui avait déjà bien commencé (et permis réunions du Groupe consultatif). Enfin, les une augmentation de la production économique, de l'emploi, des échanges et de l'investissement) bailleurs de fonds ont salué le Décret du quand les organismes financiers multilatéraux sont Gouvernement de 1998 sur l'exercice de la démo- revenus dans le pays en 1993. Même si l'aide cratie locale, qui a institué un cadre légal pour la étrangère a eu peu d'effets directs sur le succès des participation des citoyens au niveau des adminis- réformes économiques (bien que la formation et les trations locales, obligeant ces dernières à rendre conseils fournis dans le cadre de l'aide aient joué davantage compte de leurs actions. un certain rôle dans la définition des réformes), le pays a fini par apprécier de pouvoir bénéficier de Dans l'ensemble, la relation stratégique du gou- l'expérience internationale. vernement avec les bailleurs de fonds a été bien gérée ; l'aide a été employée à satisfaire des besoins Comme on l'a vu plus haut, le processus national concrets et a ouvert le pays à de nouvelles alliances de planification relevait autrefois uniquement du internationales. Et si le Viet Nam a encouragé une parti. Pendant la préparation des deux dernières meilleure coordination de l'aide au niveau opéra- stratégies décennales toutefois, des experts viet- tionnel, il ne l'a pas fait pour autant en limitant la namiens et étrangers ont été invités à formuler concurrence des idées ou la diversité de ses rela- leurs observations sur les projets (la stratégie la tions bilatérales, comme cela aurait pu être le cas plus récente a fait l'objet d'une consultation et sur les projets de grande envergure. Encadré 7.2. Les ODM : une marque de prise en charge La capacité de l'administration centrale vietnamienne à instaurer un dialogue fructueux avec les bailleurs de fonds s'est sensiblement améliorée ces dernières années, comme en témoignent, notamment les actions menées conjointement pour adapter les ODM à la situation locale et aux plans nationaux à long terme. Après s'être engagé sur les ODM, le gouvernement -- appuyé par le Groupe de travail gouvernement- bailleurs de fonds-ONG chargé de la pauvreté -- a modifié ces objectifs internationaux de développement humain en fonction des propres objectifs stratégiques de l'État vietnamien. Par ailleurs, le Viet Nam a rac- courci les délais fixés pour atteindre les objectifs -- 2010 au lieu de 2015 -- afin de les aligner sur le calen- drier stratégique national. Les objectifs « vietnamisés » ont été intégrés à la SGRPC, qui constitue le plan d'action national pour la réduction de la pauvreté et la croissance économique, et adopté comme tel par le Premier ministre. 86 Difficultés à surmonter leurs charges administratives au lieu de les alléger Bien que la prise en charge par le pouvoir exécutif si un grand nombre d'organismes investissent dans du processus d'élaboration des politiques et de un même secteur sans harmoniser leurs procédures. l'ensemble du processus de développement soit largement reconnue, tant les bailleurs de fonds que En outre, le Viet Nam a besoin de réformer et de les représentants du gouvernement signalent que renforcer ses administrations publiques, et notam- cette prise en charge ne s'étend pas nécessairement ment de former des gestionnaires de projet plus aux projets individuels. Ils donnent en particulier efficaces : il ne peut y avoir de prise en charge forte l'exemple de la faible participation nationale aux du processus par le pays sans fonctionnaires ayant projets d'assistance technique, lesquels restent le temps, les moyens et les compétences pour bien essentiellement pilotés par les bailleurs de fonds. faire leur travail. On touche là à un motif de plainte majeur pour la Enfin, les personnes interrogées indiquent que les plupart des Vietnamiens interrogés, à savoir que les pouvoirs publics pourraient améliorer tant leur bailleurs de fonds ne font pratiquement appel qu'à perception que leur gestion de l'aide au développe- des consultants étrangers pour les projets de ment attendue. Certains responsables gouverne- développement internationaux. Pour ces Vietna- mentaux continuent de considérer l'aide comme miens, le fait d'employer davantage de spécialistes « un bien libre » qui vient compléter des budgets nationaux aurait l'avantage à la fois de renforcer la insuffisants, plutôt que comme des fonds devant prise en charge locale des projets et d'améliorer la contribuer à des réalisations bien précises au plan conception de ces derniers (qui pâtit souvent du du développement, qui doivent être remboursés et manque de connaissances que les consultants dont l'emploi doit être expliqué. Dans les rares cas internationaux ont de la langue et du contexte où l'État a refusé un projet (un indicateur impor- vietnamiens). tant de la prise en charge par le gouvernement), il ne l'a pas fait à cause de considérations relatives au Des changements sont également nécessaires du développement, mais pour des questions de sensi- côté des pouvoirs publics. Les ministères doivent bilités politiques. mieux communiquer entre eux et moins travailler en vase clos car cette dernière attitude limite les possibilités de coopération des bailleurs de fonds etPartenariat piloté empêche d'avoir une vision plus globale des pro- blèmes de développement. Comme c'est le cas par le pays dans la plupart des pays, chaque ministère préfère souvent continuer à travailler bilatéralement avec Succès enregistrés un donateur flexible en qui il a confiance, au lieu La coopération entre le Gouvernement viet- d'opérer dans le contexte d'un programme plus namien et les bailleurs de fonds a fait des progrès large, d'envergure nationale ou sectorielle, où il sensibles. Ainsi, il existe aujourd'hui plus de peut craindre de perdre la maîtrise des fonds et du 20 groupes de partenariat actifs. Ces derniers, qui contenu des programmes ainsi que son pouvoir traitent de la plupart des grands thèmes du bureaucratique. développement, comprennent tantôt uniquement des bailleurs de fonds, tantôt également des Par ailleurs, certains responsables ministériels ont représentants des pouvoirs publics. En 2000, la peur que les approches sectorielles faisant inter- Banque mondiale, la BAsD et le PNUD ont rédigé venir plusieurs donateurs (SWAp) n'augmentent ensemble un rapport sur les groupes de partena- 87 Encadré 7.3. Utilité du Groupe de travail sur la pauvreté Créé en 1999, le Groupe de travail sur la pauvreté se réunit tous les mois pour faciliter le dialogue entre les ministères gouvernementaux dont l'action a une incidence sur la réduction de la pauvreté (par exemple la santé et l'éducation), et les organismes d'aide ayant les mêmes préoccupations. En cela, le Groupe de travail : favorise une meilleure compréhension des priorités des bailleurs de fonds chez leurs interlocuteurs vietnamiens ; étaye le dialogue ministères-bailleurs de fonds par un travail d'analyse ; réduit la barrière de la langue en insistant sur la nécessité d'offrir des services d'interprétation simul- tanée lors des réunions entre les représentants de l'État et ceux des organismes d'aide ; par ses analyses, fournit un cadre au processus de DSRP (appelé Stratégie globale de réduction de la pauvreté et de croissance -- SGRPC -- au Viet Nam ). Le Groupe de travail sur la pauvreté a également contribué à réduire le scepticisme concernant les avantages du partenariat en publiant un rapport conjoint qui a été très bien accueilli : Vietnam: Attacking Poverty. Le DFID et la Banque mondiale assurent la coordination de ce groupe informel. riat, récapitulant leurs grands principes directeurs, Les bailleurs de fonds réalisent davantage d'ana- leurs activités et leurs réalisations. Ce rapport est lyses communes et de projets cofinancés. Bien que actualisé tous les six mois et confirme ce que le financement parallèle soit la démarche la plus l'équipe d'évaluation a entendu dire par pratique- courante, on voit apparaître quelques exemples du ment tous ses interlocuteurs, à savoir que le rôle concept plus récent de « mise en commun des de chef de file de la Banque a notablement con- financements ». En outre, plusieurs donateurs tribué à créer au Viet Nam un environnement et bilatéraux (Danemark, Allemagne, Suède et des mécanismes propices aux partenariats. Royaume-Uni) ont accru leur participation dans des projets financés conjointement par la Banque Bien qu'il soit trop tôt pour évaluer les effets à mondiale et la BAsD. long terme des groupes de travail sur l'efficacité de l'aide, certains changements sont d'ores et déjà Pour que les partenariats fonctionnent, il est perceptibles : les stratégies sectorielles de l'État devenu manifeste que les pays et les organismes bénéficient de contributions des bailleurs de fonds d'aide doivent accorder une plus grande et, partant, elles sont plus cohérentes, les dona- autonomie à leurs bureaux extérieurs -- c'est la teurs se consultent plus souvent entre eux avant voie sur laquelle se sont engagés les Pays-Bas, la de planifier leurs projets, et les pouvoirs publics Suède et la Banque mondiale au Viet Nam. La col- reconnaissent l'utilité des contacts informels avec laboration ne pourra progresser que très lentement les bailleurs de fonds. Globalement, ces change- si les acteurs sur le terrain ne disposent pas du pou- ments peuvent être vus comme « une nouvelle voir de décider sur place et de négocier des parte- manière de penser et de travailler » dans le nariats avec une certaine latitude. Les domaine de la planification et de la gestion de observateurs font remarquer également à quel l'aide internationale. point il est important de bien sélectionner les 88 Encadré 7.4. Le Groupe consultatif : un microcosme du CDI Le Groupe consultatif pour un pays se réunit une fois par an -- et tient des sessions plus informelles une fois par semestre -- pour discuter des problèmes qui peuvent se poser entre le gouvernement du pays en question et les bailleurs de fonds, et en particulier les prévisions de financement de ces derniers. Au Viet Nam, l'esprit de ces réunions a totalement changé. Elles sont devenues un véritable microcosme des principes du CDI : Les réunions, qui se tenaient auparavant à l'extérieur du pays, sont maintenant organisées au Viet Nam et coprésidées par un représentant du gouvernement. À la demande des bailleurs de fonds, le gouvernement a accepté d'inclure dans ces réunions des repré- sentants du secteur privé et des ONG. Les bailleurs de fonds ont été invités à formuler leurs observations sur le dernier plan stratégique décennal du gouvernement. Le gouvernement et les organismes d'aide s'accordent à reconnaître que la démarche de partenariat représente la meilleure manière de travailler au Viet Nam. responsables des organismes représentés et, no- approches sectorielles multidonateurs (SWAp), tamment, de choisir des personnes capables qui apportent des volumes de ressources supérieurs d'animer et de diriger une équipe pour établir de et permettent de mieux cibler les projets de bons rapports avec les partenaires ; il faut donc en développement sur les stratégies établies. permanence avoir sur place des effectifs alliant des compétences techniques spécifiques à des compé- Comme indiqué plus haut, les pouvoirs publics et tences de négociation et de communication. les bailleurs de fonds s'efforcent de réduire les L'équipe d'évaluation a noté que, compte tenu de charges d'administration et de gestion de l'aide en la nouvelle priorité donnée par la Banque aux harmonisant les procédures, c'est-à-dire en recher- partenariats et de l'augmentation des ressources en chant des pratiques standard susceptibles d'abaisser personnel dans le pays, la Banque avait joué ces les importants coûts de transaction associés à une dernières années un rôle important d'« agent de aide fragmentée. Six donateurs bilatéraux liaison » -- d'où l'importance plus grande encore partageant la même optique ont financé une étude de disposer en permanence d'une équipe ayant des sur ce sujet et ont décidé, en 2001, de prendre des qualités de communication et capables d'instaurer mesures concrètes pour harmoniser leurs procé- des relations de partenariat. dures. Ce groupe compte aujourd'hui neuf partici- pants et a élargi son mandat. Du côté des pouvoirs publics, le Décret 17-CP publié en mai 2001 délimite le cadre juridique de D'autre part, le gouvernement a fait un grand pas base de la gestion de l'aide ; les bailleurs de fonds en avant en promulguant une nouvelle loi sur les travaillent aujourd'hui à faire rentrer leurs procé- appels d'offre, qui donne la possibilité aux entre- dures dans ce cadre. En outre, plusieurs ministères prises privées de soumissionner pour les marchés ont fait part de leur intention d'établir des procé- publics. L'enquête sur le CDI semble toutefois dures régissant les relations avec les bailleurs de montrer que les pouvoirs publics pourraient fonds. Et les ministères adoptent lentement les favoriser davantage les partenariats en expliquant clairement ses orientations stratégiques à l'en- défrichement pour les projets d'infrastructures, 89 semble des bailleurs de fonds. reconnaissant qu'un processus participatif est nécessaire pour résoudre les problèmes de réinstal- lation sans susciter de profonds mécontentements Difficultés à surmonter dans la population. Des projets financés par l'aide Si l'on constate une amélioration de l'aptitude des ont permis de déclencher cette évolution. autorités vietnamiennes à gérer l'aide extérieure, les capacités de gestion restent très insuffisantes au Implications pour les bailleurs niveau des provinces et aux échelons décentralisés. D'après un observateur de la communauté des de fonds donateurs, environ un sixième seulement des La mise en place de relations de partenariat risque provinces seraient actuellement en mesure de de solliciter excessivement les capacités de certains fonctionner en tant que partenaires à part entière bailleurs de fonds, en particulier des plus petits qui des bailleurs de fonds. ont des ressources humaines et administratives limitées. On pourrait envisager que ces derniers Le Décret relatif à l'exercice de la démocratie développent des compétences ciblées leur permet- locale, adopté en 1998, visait à favoriser la partici- tant d'apporter une contribution très appréciable pation des populations locales aux initiatives de dans un (plus) petit nombre de domaines précis. développement en prévoyant des modalités d'in- On commence en fait à voir apparaître une cer- formation, de consultation et d'implication dans le taine spécialisation stratégique. Ainsi, les Pays-Bas processus décisionnel et le suivi des projets. Pour mettent l'accent sur le développement des compé- différentes raisons toutefois -- notamment un tences en matière de gouvernance, et la qualité de manque de capacités et une faible marge de son assistance technique en ce domaine est bien manoeuvre pour l'affectation des recettes locales connue ; par ailleurs, la Suède concentre ses efforts aux activités de développement -- les administra- sur le secteur de la santé, la Banque asiatique de tions locales ne participent encore que peu développement sur l'industrie forestière et le directement à l'élaboration des projets et des pro- Danemark sur la pêche. grammes d'aide. Les capacités de planification sont extrêmement insuffisantes dans bon nombre des Bien que l'harmonisation des procédures semble provinces rurales qui ont les taux de pauvreté les a priori être un moyen simple et logique pour plus élevés. De leur côté, beaucoup de bailleurs de améliorer l'efficacité de l'aide, en pratique elle fonds ont une mauvaise compréhension de la est extrêmement difficile et longue à mettre en langue, des particularités et des institutions du oeuvre. Modifier les procédures nécessite à tout pays, ce qui ne facilite pas la planification au le moins des décisions difficiles au niveau du niveau des provinces et des communes. siège. Cela implique souvent une restructuration interne et d'importantes dépenses, et dans cer- Malgré tout, un certain nombre de bailleurs de tains pays une modification de la législation fonds s'efforcent d'augmenter les décaissements des nationale. L'option retenue jusqu'ici a consisté à projets au niveau des provinces, et quelques rechercher un juste milieu et à demander à des administrations provinciales ont participé à des bailleurs de fonds ayant une même optique groupes de partenariat -- par exemple dans le d'harmoniser le plus possible leurs méthodes, domaine de l'exploitation forestière et de l'atténu- voire même par petits groupes, les prêteurs et les ation des effets des catastrophes. L'administration donateurs travaillant séparément. Ainsi, les centrale a décidé de revoir son approche du banques multilatérales (Banque mondiale, 90 Banque asiatique de développement et Banque représentants du secteur privé d'apporter leur con- japonaise pour la coopération internationale) tribution à la planification stratégique -- a permis effectuent maintenant des examens conjoints d'accroître la transparence du budget national et des programmes et ont lancé une initiative com- de l'emploi de l'aide. Par ailleurs, de plus en plus mune d'harmonisation avec les administrations d'informations sont communiquées au public, publiques vietnamiennes. comme en témoigne la publication par le gou- vernement du budget de l'État pour 1999 -- une Si la plupart des bailleurs de fonds adhèrent aux grande première au Viet Nam. En même temps, principes du CDI, il ne s'ensuit pas nécessairement l'Assemblée nationale s'intéresse davantage aux qu'ils pratiquent ce qu'ils prêchent. Il faudrait pour questions liées à l'aide et a commandité ses propres cela qu'ils élaborent des programmes opérationnels analyses de l'efficacité et de l'utilité de cette aide. et financiers à plus longue vue, qu'ils s'efforcent de Les résultats de l'enquête menée dans le cadre de réduire la rotation du personnel, et qu'ils assurent cette évaluation illustrent le climat général. La la continuité de leur action -- certains observa- grande majorité des personnes interrogées estiment teurs font remarquer que les bailleurs de fonds ont que l'efficacité de l'aide s'est améliorée au moins tendance à changer leurs politiques et à adopter « un peu », et une personne sur dix a déclaré avoir les nouveaux concepts d'aide (voire même les constaté « des améliorations majeures ». « modes » du développement) plus vite que les autorités gouvernementales. Difficultés à surmonter Certains objectifs de la SGRPC apparaissent trop ambitieux : ils sont basés sur un taux de croissance Priorité aux résultats annuel du PIB de 7,5 %, qui n'est peut-être pas réa- liste compte tenu du ralentissement de l'économie Succès enregistrés mondiale et régionale. En outre, on a observé des Bien que le principe selon lequel les résultats écarts très nets entre les réponses des personnes à doivent être mesurés se soit avéré être le plus diffi- qui il a été demandé, fondamentalement, si les cile à appliquer, quelques initiatives ont vu le jour. objectifs de développement du Viet Nam étaient L'une des plus importantes est, dans le cadre de la mesurables : 86 % des personnes interrogées vivant SGRPC, l'obligation de mesurer les performances au Viet Nam ont répondu oui, tandis que plus des d'après les résultats. deux tiers des expatriés ont répondu non. La première étape, pour améliorer la mesure des D'autres facteurs ne facilitent pas la mesure des résultats, consiste naturellement à réunir des don- performances par les résultats, comme le peu d'em- nées pouvant être analysées. Dans le cas de la pressement que mettent encore certains organes SGRPC, le gouvernement s'est engagé à gouvernementaux à diffuser leurs documents de améliorer sa base de statistiques pour mesurer planification et de projets, l'insuffisance des capa- l'évolution des niveaux de revenu au moyen d'une cités institutionnelles et l'absence d'une réforme enquête à vocation multiple auprès des ménages plus énergique de la fonction publique. vietnamiens ; le Bureau général des statistiques est en train de définir les modalités de cette enquête. Le Gouvernement vietnamien a pourtant lancé une réforme de l'administration publique en 1995, D'autre part, l'orientation plus libérale du pays -- mais celle-ci n'a progressé que lentement. Pour qui permet aujourd'hui à des ONG et à des accélérer les choses, un groupe de travail sur la réforme de l'administration publique (piloté par le tats. Une solution proposée par des universitaires 91 PNUD) a été constitué en 1998 et chargé vietnamiens serait de créer un organe technique d'obtenir l'appui de bailleurs de fonds pour accom- indépendant qui examinerait les principaux projets pagner l'action des autorités. d'aide, en se concentrant sur le contrôle de qualité et le processus d'appel d'offres. Le groupe a tenu de fréquentes réunions, aux- quelles ont largement participé les pouvoirs publics Pour finir, les parties prenantes non gouvernemen- et a produit, en 2000, un rapport sur l'administra- tales mettent en garde contre le risque d'une dégra- tion publique qui a beaucoup servi au gouverne- dation du contrôle de la qualité des projets si les ment pour établir le plan-cadre de sa réforme de bailleurs de fonds prennent trop de recul au nom l'administration publique. Ce plan définit les du partenariat, car les provinces n'ont que des mesures à prendre pour mener à bien un certain capacités de suivi limitées. nombre de réformes, notamment en améliorant la formation et la gestion du personnel et en mo- dernisant le système administratif. Bien que le Tensions plan-cadre mette beaucoup plus l'accent sur les réalisations attendues, il est encore trop tôt pour Un équilibre à trouver entre prise en en faire le bilan. charge et partenariat Les bailleurs de fonds doivent accorder une plus Il existe d'importantes synergies entre les dif- grande attention à leurs propres procédures en férents éléments du CDI : les principes se ren- application du principe consistant à privilégier les forcent mutuellement et doivent normalement résultats, et en particulier aux mécanismes de prise être appliqués ensemble. Toutefois, des tensions en compte des accomplissements lorsque les indi- peuvent s'exercer entre différents éléments, dont cateurs de développement sont présentés de on a moins conscience. C'est le cas par exemple manière globale et dans une optique à long terme. lorsque la volonté de partenariat manifestée par Les objectifs doivent être rattachés à des zones géo- un bailleur de fonds va à l'encontre de la prise en graphiques et non uniquement à des moyennes charge du processus souhaitée par le pays. nationales. Ils doivent également être liés à des réformes concrètes (et englober, par exemple, les Le Viet Nam a précisément connu ce type de systèmes de cotisation dans le secteur de la santé, conflit à propos de la réforme du secteur de la et pas seulement mesurer l'amélioration des indi- santé. Le niveau de qualité offert par le système cateurs de développement humain). de santé laissant beaucoup à désirer, tous ceux qui en ont les moyens se font aujourd'hui soigner Enfin, même si l'on constate un mieux dans l'accès dans le secteur privé. Il s'ensuit que, si le pays aux informations gouvernementales, notamment présente d'excellents résultats en termes de soins au budget national, il serait possible de diffuser plus préventifs, son vaste réseau de centres de santé largement les informations relatives au développe- est gravement sous-utilisé. ment -- par exemple en les faisant traduire en vietnamien afin que les groupes de population con- Cependant, définir l'orientation du système de cernés puissent en prendre connaissance. Les soins vietnamien est une décision autant médias pourraient aussi être plus impliqués dans le idéologique que technique. Le problème consiste suivi de l'efficacité de l'aide. Jusqu'ici, ils se sont à déterminer quel devrait être le découpage surtout intéressées aux flux d'aide et non aux résul- entre services privatisés et soumis aux lois du 92 marché, d'une part, et services financés par les l'asymétrie de la répartition des pouvoirs entre fonds publics d'autre part. Cet exemple illustre les bailleurs de fonds et les bénéficiaires. Dans les dilemmes qui peuvent se poser dans le cadre tout modèle de gestion de l'aide, il est crucial d'un partenariat quand les organismes bénéfi- de déterminer quelle part du processus déci- ciaires (dans ce cas, le ministère de la Santé, qui sionnel les bailleurs de fonds vont céder aux avait proposé des plans de cotisation financés bénéficiaires et dans quelles conditions -- par l'État) et un bailleur de fonds (ici, la Banque sachant qu'ils doivent rendre des comptes à leur mondiale) sont en désaccord sur l'orientation parlement ou à leur conseil d'administration. d'un projet. Un autre conflit fondamental peut émerger Et bien que les pouvoirs publics admettent entre la vision à long terme et la priorité ouvertement la nécessité de réformer le secteur donnée aux résultats dans le CDI. Dans le de la santé, les changements sont lents. On peut monde du développement, le long terme signi- y voir un signe, positif, que le gouvernement fie au moins plusieurs décennies tandis que des « se hâte lentement », ou de façon moins posi- pressions politiques s'exercent dans les pays qui tive que certains intérêts particuliers font obsta- accordent leur aide, souvent pour qu'on leur cle aux réformes. fasse état de résultats au bout de deux ans. Le dernier problème concerne l'application des Lorsque la Banque a laissé entendre que le principes du CDI à des pays sortant d'un con- ministère de la Santé était parfois plus un flit ou soumis à de graves tensions politiques. goulet d'étranglement qu'un forum de conci- Dans ce type de situation, les pouvoirs publics liation et de prise de décisions, le ministère a privilégient souvent la survie ou la reconstruc- fait remarquer que l'instauration d'une bonne tion au jour le jour, et ils peuvent ne pas être collaboration exige entre autres que les du tout en mesure d'appliquer les principes bailleurs de fonds adhèrent aux valeurs essen- du CDI. tielles du secteur de la santé, telles qu'elles sont énoncées dans les plans et les décisions En tout état de cause, il appartient aux du parti et du gouvernement. bailleurs de fonds et aux pays bénéficiaires de trouver un équilibre acceptable, souvent entre Il est clair que le partenariat recherché par les deux objectifs aussi valables l'un que l'autre. donneurs s'oppose parfois à la volonté des Lorsque cet équilibre est établi, les principes autorités nationales d'avoir la maîtrise des pro- du CDI ajoutent une grande valeur aux rap- jets. Néanmoins, l'approche sectorielle permet à ports entre dispensateurs et bénéficiaires de ces dissensions de s'exprimer et d'être débattues l'aide. Au Viet Nam, l'équipe d'évaluation a publiquement -- ce qui est en soi une améliora- pu observer que les principes du CDI étaient tion par rapport aux pratiques antérieures. jugés jouer un rôle très utile dans le processus d'aide, et donnaient des résultats particulière- D'autres tensions se manifestent au Viet Nam, ment remarquables dans le domaine du comme dans d'autres pays faisant l'objet d'une partenariat. étude de cas axée sur le CDI, telles que A N N E X E Annexe : méthode d'évaluation 95 Sélection des pays étudiés dans les pays pilotes, et dans le second cas les pays dans lesquels l'aide joue un rôle moins important par rapport aux autres sources de Les six pays suivants ont été choisis pour faire financement du développement auraient été l'objet d'études de cas détaillées : la Bolivie, le sur-représentés. L'objectif premier de l'évalua- Burkina Faso, le Ghana, l'Ouganda, la tion étant d'analyser la mise en oeuvre du CDI, Roumanie et le Viet Nam. Ce choix a été déter- le Groupe de gestion et le Comité directeur ont miné en premier lieu par le souhait des pays de finalement décidé que la meilleure option pour participer à l'évaluation. Priorité a été donnée générer le type et le volume de données requis aux pays pilotes du CDI qui avaient le plus d'ex- consistait à sélectionner des pays servant de périence en la matière et affichaient les pilotes pour le CDI depuis le plus longtemps et meilleures performances (d'après le Secrétariat ayant obtenu les meilleurs résultats, ainsi qu'un du CDI), parce que l'on supposait que c'est de pays « non-pilote ». (On trouvera des détails sur ces pays que l'on pourrait tirer le plus d'en- la stratégie d'échantillonnage employée dans le seignements. Le Burkina Faso, qui ne faisait pas document du GAO Guidelines for Case Study partie des pays pilotes du CDI, a été retenu Evaluations)4. comme cas témoin. Le DSRP étant défini comme un instrument pour l'application des principes du CDI, tous les pays sélectionnés (à Déroulement des études l'exception de la Roumanie) étaient également des pays ayant rédigé un DSRP. Le choix des de cas pays a également été guidé par le souci de représenter les différentes régions du monde et Les études de cas ont été menées en deux phases : le souci d'éviter tout chevauchement avec une mission préparatoire suivie d'une mission d'autres évaluations du même type. d'étude approfondie. Au cours de la mission pré- paratoire, l'évaluation a été planifiée et définie Comme le budget affecté à l'évaluation était en consultation avec les autorités du pays et des prédéfini, le fait d'ajouter d'autres pays -- ce qui représentants des bailleurs de fonds afin de tenir aurait été souhaitable -- aurait affecté le niveau compte des intérêts et des spécificités du pays. de détail de chaque étude de cas. D'autres con- Des groupes de réflexion se sont réunis en petit figurations ont été envisagées, faisant intervenir comité pour proposer et tester les principales par exemple trois pays pilotes du CDI et trois questions à poser dans le cadre de l'évaluation, autres pays « non-pilotes », ou encore trois pays en prenant pour point de départ celles figurant à DSRP et trois autres sans DSRP. Or, dans le dans l'avant-projet5. Dans chaque pays, des premier cas, on aurait réduit la somme d'en- secteurs et des thèmes prioritaires ont été identi- seignements tirés de la mise en oeuvre du CDI fiés (par exemple la réforme du secteur public, la 96 santé, la décentralisation). Des entretiens ont Des enquêtes ont été réalisées auprès des princi- été réalisés dans les capitales et dans certains dis- pales parties prenantes. Dans la mesure du pos- tricts, villes et sites de projets. En règle générale, sible, les questionnaires d'enquête ont été les équipes d'évaluation étaient composées d'un conçus dans les pays et administrés par des représentant de l'OED et de consultants organismes locaux. Au Viet Nam, un cabinet de nationaux et internationaux. Dans certains pays, conseils local a distribué des questionnaires à au Viet Nam par exemple, les bailleurs de fonds 290 praticiens du développement Vietnamiens intéressés (par exemple le ministère japonais des et expatriés, leur demandant quelle évolution ils Affaires étrangères et la JBIC, la BAsD) ont percevaient dans la gestion de l'APD par rap- envoyé des consultants et des agents supplémen- port aux principes du CDI. Cent sept personnes taires. Le DFID a affecté un de ses agents dans ont répondu (dont les trois quarts étaient des l'équipe ougandaise. Vietnamiens fonctionnaires ou travaillant dans des structures non publiques, et un quart étaient En fin de compte, l'évaluation a été réalisée des expatriés travaillant dans des organismes selon les principes du CDI et a impliqué un large bailleurs de fonds et des ONG internationales). éventail d'acteurs du développement (du niveau Au Burkina Faso, un questionnaire a été admi- des décideurs à celui des responsables de la mise nistré à un échantillon d'agents des administra- en oeuvre des projets). Il s'est agi notamment de tions locales, de représentants de la société représentants des autorités nationales et des civile et du secteur privé dans quatre districts de administrations locales, d'organismes bailleurs niveaux socioéconomiques différents ; le taux de de fonds, d'organisations de masse, du secteur réponse a été d'environ 75 %. En Roumanie, le privé, d'ONG nationales, du corps législatif, des taux de réponse a été proche de 100 % pour un milieux universitaires, d'organisations de la questionnaire d'enquête distribué à 722 experts société civile et d'ONG internationales. Les et responsables de l'action publique du pays équipes d'évaluation devaient se réunir périodi- impliqués dans les questions de développement. quement avec le groupe de référence du pays et En Bolivie, des questions détaillées ont été échanger des observations préliminaires avec les envoyées aux organismes internationaux avant bailleurs de fonds et les parties prenantes le début de l'évaluation. En Ouganda, un ques- nationales lors d'un atelier final. tionnaire a été administré lors d'une réunion de parties prenantes des pouvoirs publics, de la société civile et du secteur privé. L'analyse des Activités menées 33 questionnaires complétés a servi de base à des ateliers organisés ultérieurement avec des par- L'évaluation du CDI a fait intervenir un large lementaires et avec les personnes ayant répondu éventail d'activités et d'outils d'évaluation qui au questionnaire. sont énumérés ci-dessous. Des entretiens dirigés ont été menés auprès de Recherches documentaires. Les équipes ont représentants des pouvoirs centraux et locaux, compilé et analysé les études, les documents et d'organismes bailleurs de fonds, d'organisations les sources d'information sur les sujets con- de masse, de dirigeants du secteur privé, d'ONG cernés, et d'importants rapports sur les pays ont nationales, des parlements, des milieux univer- été publiés sur le site web de l'évaluation du sitaires, d'organisations de la société civile et CDI. d'ONG internationales. Entre 70 et 84 entre- tiens (de groupe et individuels) ont été conduits Une analyse des coûts de transaction a été 97 pour chaque pays, ce qui correspond à en réalisée en parallèle en Bolivie, au Ghana, en moyenne 145 personnes interrogées par pays. La Ouganda, en Roumanie et au Viet Nam afin de liste de ces personnes est annexée à chaque suivre les changements et les tendances étude de cas. observés dans les partenariats gouvernement- bailleurs de fonds. Le rapport final identifie et, Des groupes de réflexion ont été organisés par dans la mesure du possible, quantifie l'impact secteur, par thème (santé, réforme des institu- des pratiques et des procédures des bailleurs de tions, etc.) et par affiliation professionnelle fonds sur les pouvoirs publics, et les coûts de (fonctionnaires ministériels, secteur privé, transaction qu'elles génèrent. Un question- églises, etc.). naire sur les coûts de transaction a été admin- istré entre mai et septembre 2002, et un total Des missions d'étude ont eu lieu pour tous les de 26 bailleurs de fonds (17 bilatéraux et pays dans certains districts, villes et sites de pro- 9 multilatéraux) répartis sur les 5 études de cas jets. À cette occasion, des entretiens ont été réa- y ont répondu. L'enquête comprenait 29 ques- lisés auprès de responsables des administrations tions sur la composition du portefeuille de ces locales et de personnalités politiques locales, de organismes, leur coordination, leurs exigences responsables de projet, d'ONG opérationnelles en matière d'administration et de procédures, et d'organismes bailleurs de fonds, ainsi que de et leurs pratiques opérationnelles. Les ques- membres de conseils municipaux ou de district.. tionnaires ont été administrés par des consul- tants locaux en Bolivie, en Ouganda, en Des ateliers finaux ont été organisés avec les Roumanie et au Viet Nam. Au Ghana et en principaux acteurs et décideurs pour analyser les Roumanie, l'enquête a été suivie d'entretiens premières conclusions de l'étude. Ces ateliers ciblés avec des bailleurs de fonds et des respon- ont également servi à établir les implications de sables gouvernementaux. ces résultats en termes de politique à suivre et de programmes à mettre en oeuvre. Notes 99 Introduction 1. Secrétariat de l'évaluation du CDI, OED. 2001. « Design Paper for a Multi-Partner Evaluation of the Comprehensive Development Framework, » pp. 10-11. Chapitre 2 2. La Bolivie a été par la suite choisie pour l'évaluation du CDI pour plusieurs raisons : l'intérêt manifesté par les autorités boliviennes, l'existence d'un Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté rédigé par le pays dans le cadre de l'Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), et la place importante de l'aide internationale en Bolivie. Chapitre 5 3. Lors du sommet de l'OTAN à Prague en novembre 2002, la Roumanie é été officiellement invitée à participer aux négociations d'adhésion en vue de rejoindre l'Alliance en 2004. Annexe 4. GAO, Division des méthodes et de l'évaluation des programmes. 1990. Case Study Evaluation, Chapter 3, « Design Decisions in Case Study Methods. » Transfer Paper 10.1.9. Washington, D.C.: GPO. 5. Secrétariat du CDI, OED. 2001. « Design Paper for a Multi Partner Evaluation of the Comprehensive Development Framework. » < www.worldbank.org/evaluation/cdf> L'étude intitulée « Une évaluation par plusieurs partenaires du Cadre de développement intégré » s'inspire des études de cas nationales figurant dans le présent volume. Cette étude a bénéficié du soutien et des conseils des organismes et des pays suivants, qui composent son Comité directeur. Organismes d'aide bilatérale : Organismes d'aide multilatérale : Pays : Agence canadienne de La Banque mondiale Bolivie développement international ­ Département de l'évaluation des opérations Burkina Faso Agence danoise de ­ Groupe de recherche sur développement international, le développement Ghana Ministère royal des Affaires étrangères Banque africaine de Roumanie développement Banque japonaise pour la Ouganda coopération internationale Banque asiatique de développement Viet Nam Bureau de la coopération économique, Ministère des Commission européenne Affaires étrangères, Japon Organisation de coopération Ministère des Affaires et de développement Organisation non- étrangères, Pays-Bas économiques gouvernementale ­ Centre de développement internationale : Ministère des Affaires de l'OCDE étrangères, Norvège ­ Réseau du CAD sur l'évaluation du développement Oxfam Grande Bretagne Agence suédoise pour le développement international Programme des Nations Unies pour le développement Secteur privé : Agence suisse pour le développement et la Commission économique pour coopération l'Afrique (ONU) Pakistan, Packages Limited Département britannique Roumanie, TOFAN pour le développement international Agence des États-Unis pour le développement international ISBN: 0-8213-5845-6