Gestion macroéconomique de la réduction de la pauvreté : TCHAD, MALI, NIGER PRINTEMPS 2016 1 Ce rapport a été rédigé par une équipe composée d’Abdoulahi Garba, Olivier Beguy, Arsène Kaho, Wael Mansour, Luc Razafimandimby et Sébastien Dessus. Il a bénéficié des orientations, contributions et suggestions de Paul Noumba Um, Seynabou Sakho, Paola Ridolfi, Jose Lopez, Siaka Bakayoko, Jean-Christophe Carret, Adama Coulibaly, Johannes Hoogeveeen, Aly Sanoh, Michel Malberg, Diilek Aykut et Anton Dobronogov. PRINTEMPS 2016 Gestion macroéconomique de la réduction de la pauvreté : TCHAD, MALI, NIGER PRINTEMPS 2016 1 Préface 3 I. Défis communs et résultats récents de développement 3 Défis structurels communs 7 Résultats récents de développement 10 II. Gestion macroéconomique et fiscale en faveur de la réduction de la pauvreté 10 Stabilité macroéconomique 15 Fourniture de biens et de services publics 18 Perspectives et implications éventuelles pour les politiques 25 III. Thème spécial : Protection de l’investissement public contre les chocs 25 Introduction 28 Impact de la volatilité de l’investissement public sur le secteur réel 34 Options possibles pour réduire la volatilité de l’investissement public 39 Références bibliographiques TABLEAUX 14 Tableau 1 : Indicateurs d’inclusion financière : Mali 2014 15 Tableau 2 : Indice d’ouverture budgétaire 2010–15 22 Tableau 3 : Tchad : Sélection d’indicateurs macroéconomiques 23 Tableau 4 : Mali : Sélection d’indicateurs macroéconomiques 24 Tableau 5 : Niger : Sélection d’indicateurs macroéconomiques 29 Tableau 6 : Indicateurs budgétaires choisis FIGURES 3 Figure 1 : Croissance rapide de la population et ratio de dépendance élevé 4 Figure 2 : Impact de l’agriculture sur la volatilité macroéconomique 5 Figure 3 : Coûts de transaction élevés et concentration des échanges 6 Figure 4 : Fragilité et coût de la sécurité 8 Figure 5 : Tendances et schémas de la pauvreté 9 Figure 6 : Croissance du PIB, 2013–2015 12 Figure 7 : Inflation des prix à la consommation (IPC), 2013–2015 16 Figure 8 : Dépenses consacrées à la santé et à l’éducation publiques, 2013–2015 18 Figure 9 : Revenus tirés des ressources naturelles et efforts de perception des impôts, 2013–15 20 Figure 10 : Prix des matières premières et termes de l’échange, 2013–2020 30 Figure 11 : Volatilité de l’investissement public (taux de croissance annuels) 32 Figure 12 : Investissements publics et activités de construction 32 Figure 13 : Investissements publics et prêts non performants (2005–2014) IN FONDATION CANDI PSYCHOLOGIE QUANTIFIER INFLUENCE D E F I S DEMAND DEPENSES P R O C E DETERMINE D SUS PAUVRETE ECONOMISTES OBLIGATOIRE EFFICACE H O P I T A L RESSOURCE QUELQUE CHOSE AUPARAVA AUPARAVANT INFLUENCE SUPPLEMENTAIRE PROCESSUS AUPARAVANT CONSIDERER P E T R O L E DETERMINE VU RESS COMPLETEMENT DEFIS EMPLOI EMERGE PARTICULIEREMENT E M E R G E CO OPTIMISER D E V O I R S PRINCIPES DEMANDE R VU INCERTITUDE EFFICACITE S O R T I E DISPONIBLE HYPOTHESES CONTRAINTES COMPORTEMENTS COMPREHENSION IMPOSITION D E P E N S E S EM INSTITUTIONS TRANSACTIONS OBLIGATOIRE VU SUSMENTIONNE CANDIDATURES ECONOMISTES DISPO PRÉFACE Je suis heureux de préfacer le premier volet d’une série de rapports analysant l’évolution macroéconomique du Tchad, de la République Centrafricaine, du Mali et du Niger. Cette série entend susciter un débat public sur les options clés de politiques macroéconomiques et fiscales destinées à soutenir la réduction de la pauvreté, en rendant publiques les conclusions préliminaires de travaux en cours pour encourager les échanges sur les questions de développement. Un de ses objectifs est d’exposer rapidement ces analyses et les tendances régionales qui se dessinent, même si celles-ci ne sont pas encore totalement abouties. En bref, cette nouvelle série est une plateforme permettant à la Banque Mondiale de mettre en avant des sujets de reformes prioritaires qui ne sont pas encore réglés ou même débattus dans ces pays. Les résultats, interprétations et conclusions exprimés ici sont ceux des services de la Banque Mondiale, et ne représentent pas nécessairement ceux du Groupe Banque Mondiale et de ses organisations affiliées, de ses Directeurs Exécutifs et des pays qu’ils représentent. Les trois pays couverts dans ce rapport — le Tchad, le Mali et le Niger — partagent un certain nombre de caractéristiques et sont confrontés à des défis similaires, qui justifient un suivi commun. Ce sont des économies enclavées à faible revenu, fortement tributaires du secteur agricole—leur principale source de revenus et de moyens de subsistance—et qui possèdent un important sous-secteur de l’élevage fondé en partie sur le pastoralisme nomade traditionnel. Ces trois pays disposent d’importantes industries d’exploitation des ressources naturelles—l’or pour le Mali, l’uranium et le pétrole pour le Niger, et le pétrole pour le Tchad—qui représentent l’essentiel de leurs recettes d’exportation et des recettes publiques. Cette dépendance vis-à- vis du secteur primaire rend ces économies fortement vulnérables aux chocs climatiques et à la volatilité des prix des matières premières. Chacun d’entre eux lutte pour surmonter un legs d’instabilité et de violence, exacerbé par des conditions sociopolitiques fragiles et la gravité des enjeux sécuritaires régionaux. Enfin, les trois pays sont membres d’une union monétaire, qui utilise une monnaie régionale rattachée à l’euro et exerce une influence notable sur les politiques macroéconomiques de ses États membres. Malgré leurs points communs (discutés en Chapitre 1), ces pays se heurtent tous à des difficultés uniques en termes de développement et opportunités d’accélérer la croissance économique, la réduction de la pauvreté et la prospérité partagée (exposées en Chapitre 2). Au Tchad, l’effondrement des cours mondiaux du pétrole pèse lourdement sur les finances publiques. Au Mali, les problématiques de gouvernance constituent un frein majeur à la croissance ; et au Niger, les plans de développement ambitieux des autorités publiques INTRODUCTION 11 IN FONDATION CANDI PSYCHOLOGIE QUANTIFIER INFLUENCE D E F I S DEMAND DEPENSES P R O C E DETERMINE D SUS PAUVRETE ECONOMISTES OBLIGATOIRE EFFICACE H O P I T A L RESSOURCE QUELQUE CHOSE AUPARAVA AUPARAVANT INFLUENCE SUPPLEMENTAIRE PROCESSUS AUPARAVANT CONSIDERER P E T R O L E DETERMINE VU RESS COMPLETEMENT DEFIS EMPLOI EMERGE PARTICULIEREMENT E M E R G E CO OPTIMISER D E V O I R S PRINCIPES DEMANDE R VU INCERTITUDE EFFICACITE S O R T I E DISPONIBLE HYPOTHESES CONTRAINTES COMPORTEMENTS COMPREHENSION IMPOSITION D E P E N S E S EM INSTITUTIONS TRANSACTIONS OBLIGATOIRE VU SUSMENTIONNE CANDIDATURES ECONOMISTES DISPO PRÉFACE nécessitent des emprunts conséquents, exposant le pays à des risques liés à la soutenabilité de la dette et à la capacité d’absorption. La gestion des investissements publics, au niveau macroéconomique et de la gestion financière, est au cœur du compromis entre stabilisation et développement. Confrontés à des chocs négatifs répétitifs, les pays tendent à réduire les projets d’investissement public en cours et futurs, souvent conçus pour réduire les facteurs de fragilité et renforcer la résilience des économies, ce qui perpétue les risques de basculer dans les pièges de la fragilité. Le Chapitre 3 examine l’impact de la volatilité des investissements publics sur leur qualité au Tchad, au Mali et au Niger, et explore les options possibles en termes de gestion macroéconomique et de gestion des finances publiques dans le but de faciliter la bonne exécution du budget d’investissement public. Enfin, je souhaite ici exprimer ma gratitude envers nos partenaires gouvernementaux et techniques et financiers pour leur coopération et contributions jointes multiples au cours de ces dernières années. Leurs encouragements et conseils techniques ont permis de créer un environnement particulièrement propice à l’échange de points de vue sur les politiques de développement. J’espère que cette nouvelle série puisse permettre d’approfondir encore ces échanges, et de les mettre sur la place publique pour informer les citoyens et recueillir leurs points de vue. Paul Noumba Um Directeur des opérations Tchad, République Centrafricaine, Mali, Niger 2 DEMANDE CANDIDA DEMANDE QUANTIFIER DEPENSES PAUVRETE OBLIGATOIRE EFFICACE I. Défis communs H O P I T A L INFLUENCE SUPPLEMENTAIRE CONSIDERER et résultats récents de développement COMPLETEMENT OPTIMISER D E V O I R S R VU INCERTITUDE S O R T I E CONTRAINTES COMPOR D E P E N S E S TRANSACTIONS Défis structurels communs La gestion macroéconomique au Tchad, au Mali et au Niger doit tenir compte d’un certain nombre de paramètres spécifiques. La croissance accélérée de la population pèse très lourdement sur la demande de services d’éducation et de santé. L’activité économique et les prix sont très sensibles aux effets des variations climatiques, et les revenus d’exportation et les recettes publiques dépendent d’un petit nombre de matières premières aux cours fluctuants. Les menaces sécuritaires compliquent la planification budgétaire et détournent les ressources publiques des activités de développement. L’adhésion à une union monétaire renforce la stabilité macroéconomique, mais limite aussi l’éventail des instruments politiques à disposition des autorités pour relever les nombreux défis de développement. 1. Pays voisins de même importance géographique (1,2 à 1,3 million de km2) et démographique (13 à 17 millions d’habitants), le Tchad, le Mali et le Niger partagent également un certain nombre de caractéristiques qui ont un impact direct sur la gestion macroéconomique. 2. Premièrement, leur structure démographique et le rythme de croissance de leurs populations. Dans les trois pays, un processus de transition démographique (courbe décroissante des taux de natalité et de mortalité) est engagé, avec un déclin des taux de mortalité dû à l’amélioration des services de santé. Toutefois, la chute des taux de natalité n’a pas encore démarré, entraînant des taux de croissance de la population extrêmement élevés, supérieurs à 3 % chaque année. Cette croissance exerce une très forte pression sur l’environnement (en particulier sur les terres et les ressources en eau), sur la demande de services publics et les marchés du travail, en raison de la forte proportion de nouveaux arrivants chaque année. Par ailleurs, à ce stade de la transition démographique, les ratios de dépendance démographique du Tchad, du Mali et du Niger sont parmi les plus élevés au monde. Au Niger, pour chaque personne en âge de travailler (15–64 ans), on compte 1,1 personne non disponible sur le marché du travail parce que trop jeune ou trop âgée. Cette dépendance représente une lourde charge pour les soutiens de famille (et pour les pouvoirs publics) qui peinent à trouver un équilibre entre la nécessité de subvenir aux besoins de leurs proches et celle d’épargner pour se développer et s’assurer un avenir plus sûr. Figure 1 : Croissance rapide de la population et ratio de dépendance élevé Croissance de la population (% par an) Ratio de dépendance démographique (% de la 4.5 population en âge de travailler) 4 115 3.5 110 3 105 2.5 100 2 95 90 1.5 85 1 80 0.5 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 0 Tchad Mali Niger ASS PFR Tchad Mali Niger ASS PFR Source : Indicateurs du développement dans le monde. Remarques : ASS : Afrique subsaharienne ; PFR : Pays à faible revenu DÉFIS COMMUNS ET RÉSULTATS RÉCENTS DE DÉVELOPPEMENT 3 3 3. Deuxièmement, leur situation géographique et leurs conditions climatiques. En tant que pays sahéliens, le Tchad, le Mali et le Niger sont de plus en plus vulnérables au changement climatique. La variabilité croissante des précipitations et des épisodes de sécheresse et d’inondations exacerbe les problèmes de sécurité alimentaire découlant du déficit structurel des ressources en eau et de la faible intégration des marchés alimentaires. En tant que pays enclavés, ils rencontrent des problèmes supplémentaires de sécurité alimentaire et doivent s’acquitter de prix élevés pour leurs importations de denrées alimentaires et autres. Entre 2012 et 2015, sur un classement de 109 pays (le premier étant le meilleur, et le dernier le moins bon), le Tchad se trouvait entre les 107e et 108e positions en termes de sécurité alimentaire, le Mali entre les 86e et 103e positions et le Niger entre les 93e et 102e positions.1 4. La variabilité climatique de la production agricole a un très fort impact sur deux variables macroéconomiques clés, le produit intérieur brut (PIB) et l’indice des prix à la consommation (IPC). Entre 2005 et 2015, les variations des taux de croissance du PIB agricole ont contribué, respectivement, à 79 %, 84 % et 84 % des variations des taux de croissance globale du PIB au Tchad, au Mali et au Niger.2 De même, entre 2005 et 2015, les variations des IPC alimentaires ont contribué, respectivement, à 90 %, 85 % et 89 % des variations globales des IPC au Tchad, au Mali et au Niger. La transmission de la volatilité agricole aux agrégats macroéconomiques est illustrée dans les graphiques ci-dessous, qui montrent d’une part la contribution de la croissance des PIB agricole et non agricole à la croissance globale du PIB au Niger, et d’autre part la contribution de l’inflation des produits alimentaires et non alimentaires à l’inflation globale au Mali. Compte tenu du haut degré d’informalité du secteur agricole dans les trois pays, les politiques budgétaires et monétaires peuvent difficilement lisser ces variations de la production et des prix, entraînant des répercussions importantes sur les ménages pauvres, dont la majeure partie du revenu provient de l’agriculture et qui consacrent l’essentiel de leurs dépenses à l’alimentation. Figure 2 : Impact de l’agriculture sur la volatilité macroéconomique Produit intérieur brut du Niger Indice des prix à la consommation du Mali (évolutions annuelles, %) (évolutions annuelles, %) 14% 10% 12% 10% 8% 8% 6% 6% 4% 4% 2% 0% 2% -2% 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 0% -4% 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 -6% -2% PIB non agricole PIB agricole PIB total IPC produits non alimentaires IPC produits alimentaires IPC total Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. 1 Source : Economist Intelligence Unit (2015). L’indice de sécurité alimentaire associe des indicateurs tels que la disponibilité, l’accessibilité financière, la qualité et la sécurité des produits alimentaires. 2 La contribution de l’agriculture est mesurée par le R2 ajusté de la régression du taux de croissance du PIB sur le taux de croissance du PIB agricole. De même, la contribution des produits alimentaires est mesurée par le R2 ajusté de la régression du taux d’inflation sur le taux d’inflation des produits alimentaires. Cette méthode permet de mesurer à la fois les impacts directs et indirects de l’agriculture (produits alimentaires) sur des agrégats plus vastes. DÉFIS COMMUNS ET RÉSULTATS RÉCENTS DE DÉVELOPPEMENT 4 5. Plus généralement, si les pays enclavés du Tchad, du Mali et du Niger sont relativement à l’abri de certains chocs financiers internationaux (contrairement aux chocs des prix des matières premières et des chocs sécuritaires, comme exposé ci-après), leurs économies peuvent difficilement se reposer sur les marchés internationaux pour croître rapidement, sauf pour quelques produits de grande valeur dont les coûts de transport représentent une faible partie du prix (par exemple l’or ou l’uranium, mais aussi les produits stupéfiants). Le faible niveau de développement économique (l’agriculture de subsistance étant la première source de revenu et d’emploi) conjugué au manque de diversification économique et aux coûts de transaction élevés ont entraîné une forte concentration des exportations sur quelques produits : l’or pour le Mali, l’uranium pour le Niger et le pétrole pour le Tchad. En conséquence, le Mali et le Tchad ont été particulièrement exposés à de fortes variations des termes de l’échange résultant de la volatilité mondiale des prix des matières premières.3 Pour sa part, le Niger est moins exposé en raison de la singularité du marché de l’uranium, dont les prix sont généralement bloqués par des contrats de longue durée. Figure 3 : Coûts de transaction élevés et concentration des échanges Coût d’importation d’un conteneur ($EU, 2014) Indice de concentration des exportations 2014 0.9 10000 9000 0.85 8000 0.8 7000 0.75 6000 0.7 5000 0.65 4000 0.6 3000 0.55 2000 0.5 1000 0.45 0 0.4 Tchad Mali Niger ASS PFR Tchad Mali Niger ASS PFR Sources : Indicateurs du développement dans le monde et CNUCED. Remarque : ASS : Afrique subsaharienne ; PFR : Pays à faible revenu 6. Troisièmement, leurs facteurs de fragilité. L’explosion démographique et le chômage des jeunes, la faible gouvernance et la légitimité contestée de l’État ainsi que les facteurs externes de déstabilisation sont généralement considérés comme des facteurs de fragilité importants au Tchad, au Mali et au Niger. Ces dernières années, ils se sont traduits par de violentes passations de pouvoir (Niger 2010, Mali 2012 et tentatives présumées de coups d’État au Niger et au Tchad en 2014 et 2015), des conflits internes (Mali depuis 2013), des émeutes meurtrières (Niger 2015) et des attaques terroristes (Niger 2013, Mali 2014–2015, Tchad 2015). Cette fragilité est encore aggravée par les effets contagieux des conflits ouverts en Libye, au Nigeria et en République centrafricaine, par la présence prolongée de très nombreux réfugiés et de populations déplacées à l’intérieur du pays (PDI), le trafic de drogue transfrontalier (frontière poreuse) et le flux croissant de migrants transitant par le Sahel vers l’Europe. 3 Entre 2009 et 2014, la volatilité des termes de l’échange au Niger a été trois fois plus élevée que celle des pays à faible revenu, en moyenne ; celle du Mali a été 6 fois plus élevée, et celle du Tchad, 10 fois. Cette volatilité découle principalement de la volatilité des prix des exportations. Dans les trois pays, les importations sont essentiellement constituées de biens manufacturiers et d’équipement dont les prix exprimés en euros/CFA ont été relativement stables durant la dernière décennie. En 2012, le pétrole représentait environ 20 % des importations du Mali, et environ 17 % des importations totales du Niger. Le Tchad est un exportateur net de pétrole. DÉFIS COMMUNS ET RÉSULTATS RÉCENTS DE DÉVELOPPEMENT 5 7. Sur le plan macroéconomique et de la gestion budgétaire, cette fragilité s’est traduite dans les trois pays par de fortes dépenses de sécurité (croissantes pour le Mali et le Niger).4 Bien qu’elles soient nécessaires et renforcées par la présence de forces militaires internationales soutenues par l’ONU, les dépenses de sécurité croissantes réduisent les ressources budgétaires disponibles pour les programmes de réduction de la pauvreté. Elles compliquent aussi la gestion budgétaire (souvent soumise à des ajustements significatifs dans la composition et les montants du budget durant un même exercice fiscal) et suscitent des inquiétudes en termes de gouvernance. En 2014, d’importantes dépenses extrabudgétaires ont été dévoilées au Mali, révélant de sévères irrégularités de gestion financière publique en matière de dépenses militaires, et incitant les bailleurs de fonds à reporter leur soutien financier au budget. Figure 4 : Fragilité et coût de la sécurité Index  de  fragilité  2015   Dépenses  de  sécurité,  %  du  PIB   110.0   6%   105.0   5%   4%   100.0   3%   95.0   2%   90.0   1%   85.0   0%   2012   2013   2014   2015   80.0   Tchad   Mali   Niger   ASS   PFR   Tchad   Mali   Niger   Sources : Fund for Peace (2015), et calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. Remarque : l’index de fragilité associe des indicateurs politiques et socio-économiques, dont la fragmentation des élites, les griefs collectifs, les réfugiés et les PDI, ou le développement inégal, la pression démographique et la pauvreté. D’après cet indice, le Mali et le Niger se classaient en 2015 dans la catégorie « Alerte » et le Tchad dans la catégorie « Alerte élevée ». 8. Quatrièmement, leur adhésion à une union monétaire. Le Mali et le Niger sont membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), et le Tchad fait partie de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Au sein de ces deux unions, le Mali et le Niger d’une part, et le Tchad d’autre part, partagent avec plusieurs autres membres de l’union une monnaie commune, rattachée à l’euro. La politique monétaire est par conséquent confiée à des banques centrales régionales (respectivement BCEAO et BEAC), dont le principal mandat est le maintien de la stabilité des prix. Au fil des ans, la BCEAO et la BEAC, dans une moindre mesure, ont obtenu des résultats solides en termes de stabilité des prix, en partie parce qu’elles ont su maîtriser les craintes d’une dévaluation grâce à un programme de protection crédible de leur rattachement à l’euro. Cependant, ces dispositifs présentent aussi l’inconvénient, pour le Tchad, le Mali et le Niger, de faire de la politique budgétaire le seul instrument de lutte contre de nombreux défis, parfois contradictoires, allant de la stabilité macroéconomique au développement économique et à la compétitivité. L’influence de la politique budgétaire sur les résultats économiques—souvent qualifiée de 4 Les dépenses de sécurité ne couvrant pas nécessairement les mêmes institutions (défense, police et douanes) ni les mêmes fonctions dans les trois pays, elles peuvent ne pas être strictement comparables. Dans certains cas, les dépenses de sécurité ne sont pas monétisées non plus, par exemple lorsqu’elles sont exécutées sous la forme d’aides en nature en provenance de partenaires. La difficulté d’évaluer correctement l’impact des campagnes de sécurité sur les comptes fiscaux constitue un défi pour la planification budgétaire et la gestion macroéconomique globale. DÉFIS COMMUNS ET RÉSULTATS RÉCENTS DE DÉVELOPPEMENT 6 « dominance budgétaire »—est renforcée par le faible taux de pénétration des secteurs financiers, ainsi que par le manque d’intégration économique entre les membres des unions monétaires, rendant les politiques monétaires5 relativement inefficaces. Résultats récents de développement Partant d’un niveau assez élevé, l’incidence de la pauvreté au Niger a décliné durant la dernière décennie, et ce plus rapidement qu’au Mali et au Tchad. Dans ces trois pays, les inégalités se sont creusées au détriment des plus pauvres, y compris au Mali durant ces dernières années avec la crise sécuritaire. Compte tenu de leurs modèles de croissance différents, l’impact de la croissance du PIB sur la pauvreté varie fortement d’un pays à l’autre. En 2015, le Niger et le Mali sont pratiquement revenus à leur niveau de croissance sur le long terme d’environ 5 % par an (1 à 2 % par habitant). Inversement, la croissance par habitant au Tchad a été négative et le secteur non pétrolier a connu une forte récession économique due à de mauvaises récoltes, un gonflement des coûts de transaction liés à la sécurité et un ajustement budgétaire imposé par la chute libre des revenus pétroliers. 9. Ces dernières années, le Tchad, le Mali et le Niger ont connu différents schémas de réduction de la pauvreté. La comparaison entre ces schémas au fil du temps se révèle plus difficile avec des méthodes de collecte de données différentes sur la consommation des ménages (échantillon, questionnaires, etc.). Des efforts sont aujourd’hui déployés pour encourager tous les pays de l’UEMOA (et le Tchad) à adopter les mêmes méthodes. Toutefois, dans ces trois pays, les estimations de la pauvreté fondées sur des méthodes indirectes pour assurer la comparabilité dans le temps et entre eux conduisent à certaines constatations intéressantes. En se basant sur une mesure de la pauvreté comparable pour les trois pays (pouvoir d’achat équivalent aux produits achetés avec 1,9 $EU par jour aux États-Unis en 2011), la part de la population nigérienne en situation de pauvreté en 2011 (57 %) était supérieure à celle du Tchad (29 %), et le Mali se situait entre les deux (environ 30–35 %) selon les observations disponibles pour 2009 et 2014. Caractérisé au départ par une plus forte incidence de la pauvreté, le Niger a connu (2005–2014) une réduction de la pauvreté plus nette qu’au Mali (2001–2014) ou au Tchad (2003–2011). Au Mali, certains progrès réalisés entre 2001 et 2009 ont été inversés ces dernières années, probablement en raison, entre autres, de la crise politique et sécuritaire de 2012 qui a entraîné des déplacements massifs de populations et une croissance négative du PIB par habitant en 2012 et 2013. 10. La comparaison entre la réduction de la pauvreté (mesurée par l’évolution annuelle en points de pourcentage) et la croissance de la consommation des ménages par habitant permet de mesurer la répartition de la croissance de la consommation entre les ménages pauvres et non pauvres. Le Tchad, le Mali et le Niger ont enregistré une croissance relativement similaire de la consommation annuelle des ménages par habitant, comprise entre 1,5 % et 2,3 %. Toutefois, la réduction annuelle de la pauvreté au Tchad (0,2 %) a été bien moins forte qu’au Mali (0,6 %) ou au Niger (0,9 %). Ce constat est corroboré par des analyses récentes (Banque mondiale 2015b) indiquant que les populations tchadiennes les plus pauvres ont connu un déclin de leur consommation entre 2003 et 2011, principalement dans les zones rurales ; et que les populations les plus pauvres du Mali ont au contraire enregistré une augmentation plus rapide de leur consommation que les populations les plus riches entre 2001 et 2009 (Banque mondiale 2015a). 5 Voir également le Chapitre III portant sur la nature asymétrique des chocs dans l’UEMOA, ce qui rend impossible pour la BCEAO de faire face simultanément à un choc négatif et un choc positif dans deux de ses pays membres. DÉFIS COMMUNS ET RÉSULTATS RÉCENTS DE DÉVELOPPEMENT 7 Figure 5 : Tendances et schémas de la pauvreté Pauvreté à $PPA Pauvreté parjour 1,90par à 1,90 jour Réduction de la pauvreté, consommation des 70% ménages et croissance du PIB 63% 61% 4.0% 60% 57% 3.5% 50% 3.0% 50% 43% 2.5% 40% 35% 2.0% 31% 29% 33% 30% 1.5% 30% 1.0% 20% 0.5% 0.0% 10% Tchad 2003-11 Mali 2001-14 Niger 2005-14 Réduction de la pauvreté 0% 2003 2011 2001 2006 2009 2014 2005 2007 2011 2014 Croissance de la consommation des ménages (par hab.) Tchad Mali Niger Croissance du PIB (par hab.) Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales et des indicateurs de développement dans le monde. Remarque : la pauvreté, la consommation des ménages et le PIB sont mesurés en termes de Parités de pouvoir d’achat (PPA), aux prix de 2011. Par hab. = par habitant. Ces dernières années (2009–2014) ont néanmoins vu un net rebond des inégalités au Mali, remettant en cause quelque peu cet argument. Entre 2005 et 2014, le Niger a enregistré une augmentation de la consommation des ménages pauvres, qui a été toutefois moins rapide que celle des ménages non pauvres : ainsi, la pauvreté a reculé, mais les inégalités se sont creusées. 11. Différents modèles de croissance au Tchad, au Mali et au Niger conduisent à différents résultats en termes de pauvreté. La comparaison entre la croissance du PIB par habitant et la croissance de la consommation par habitant suggère différents schémas de croissance et de contribution à la réduction de la pauvreté d’un pays à l’autre. Au Tchad, la croissance du PIB par habitant a été rapide entre 2003 et 2011, en partie grâce à la création de l’industrie pétrolière en 2004. Cependant, la croissance du PIB ne s’est pas traduite par une croissance rapide de la consommation des ménages. La plupart des fruits de la croissance ont été absorbés par le secteur public sous la forme de consommation ou d’investissement. Mais les services publics et infrastructures additionnels connexes n’ont pas généré de retombées importantes sur la consommation des ménages, compte tenu de leurs faibles efficacité et efficience (Banque mondiale 2015b). Au Mali et au Niger, une large part de la croissance du PIB profite directement aux ménages (agriculture, services) et est consommée, même si le Niger a fortement encouragé ces dernières années un modèle de croissance axé sur l’investissement public, financé par les industries extractives. Ainsi, la combinaison des liens entre PIB-consommation et consommation-pauvreté permet de mieux mesurer et comprendre la contribution de la croissance du PIB à la réduction de la pauvreté. Au Tchad, cette contribution s’est révélée modeste, même en partant d’un pourcentage de pauvreté peu élevé. Au Mali et au Niger, les performances sont identiques, avec un point de pourcentage de croissance du PIB par habitant se traduisant par une baisse de 0,6 point de pourcentage de la pauvreté. En l’absence d’enquêtes régulières auprès des ménages, ces calculs peuvent fournir un aperçu de l’impact des récentes évolutions macroéconomiques sur la pauvreté. DÉFIS COMMUNS ET RÉSULTATS RÉCENTS DE DÉVELOPPEMENT 8 12. En 2015, la croissance du PIB a retrouvé sa tendance à long terme d’environ 5 %, aussi bien au Niger qu’au Mali, suite à l’exceptionnelle croissance de la production agricole en 2014. La croissance du PIB au Mali a profité de l’amélioration des conditions de sécurité et d’un niveau élevé de soutien financier de la communauté internationale ; elle a été entraînée par les services privés pour l’offre et par l’investissement pour la demande. En revanche, les mines d’or, et donc les recettes d’exportation (-9,8 %, voir Tableau 4), ont souffert de retards dans l’ouverture de nouveaux sites et d’une baisse des prix des matières premières. La croissance du PIB au Niger a suivi le même schéma, avec des investissements et une croissance dans les services qui a compensé le ralentissement de la croissance des secteurs des ressources naturelles et des exportations (voir Tableau 5). 13. Les secteurs économiques non pétroliers du Tchad sont entrés en récession en 2015, avec une croissance négative d’environ 4 % (soit -7 % par habitant). Ces résultats négatifs découlent de la combinaison de trois facteurs qui se renforcent mutuellement. Premièrement, le fort déclin des revenus pétroliers, qui entraîne une réduction de la demande publique de produits et services nationaux, et affecte particulièrement les secteurs de l’administration et de la construction. Deuxièmement, l’impact négatif de la détérioration des conditions de sécurité sur les secteurs du commerce et du transport, ainsi que sur l’investissement privé en raison des incertitudes croissantes sur les perspectives économiques du Tchad. Et troisièmement, la chute de la production agricole (-12 % par rapport à 2014), consécutive à des précipitations irrégulières. La croissance globale du PIB est néanmoins restée positive, à peine 1,5 %, avec l’ouverture de nouveaux gisements pétroliers entraînant un accroissement de production. Figure 6 : Croissance du PIB, 2013–2015 Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. DÉFIS COMMUNS ET RÉSULTATS RÉCENTS DE DÉVELOPPEMENT 9 DEMANDE DEMANDE SUSM PSYCHOLOGIE DETERMINE ECONOMISTES RESSOURCE II. Gestion macroéconomique et fiscale AUPARAVANT P E T R O L E PROCESSUS VU en faveur de la réduction de la pauvreté IS EMPLOI PARTICULIEREMENT NDE EFFICACITE DIS TS COMPREHENSION INSTITUT OBLIGATOIRE 14. Les Diagnostics-pays systématiques (DPS) du Mali et du Tchad (Banque mondiale 2015a, 2015b) suggèrent de manière similaire que les perspectives de réduction de la pauvreté par une transformation structurelle hors du secteur agricole resteront modestes dans un avenir proche. Le climat d’investissement fragile (souvent lié à des problèmes de gouvernance), les forts taux de dépendance, les coûts élevés de transport et la faible mobilité économique et sociale (au vu du bas niveau d’instruction et des difficultés des villes à offrir des opportunités économiques aux pauvres) nécessitent des efforts et des ressources concentrés pour sécuriser les moyens de subsistance des ménages ruraux pauvres à travers un meilleur développement rural et de plus grands efforts de redistribution en leur faveur. En particulier, les DPS soulignent que la réduction de la pauvreté résultera obligatoirement de plusieurs facteurs : l’amélioration de la production et du rendement des céréales (dans les régions où elles sont actuellement cultivées) ; l’amélioration des échanges commerciaux (principalement à l’intérieur des pays, même si une meilleure intégration aux chaînes de valeurs internationales doit être recherchée lorsque cela est possible) ; la capacité des pays concernés à conjuguer l’accélération du développement rural et l’augmentation effective des transferts de ressources publiques en faveur des pauvres, par exemple sous forme de transferts monétaires. Du point de vue de la gestion macroéconomique et fiscale, cela implique de préserver la stabilité macroéconomique, mais également de renforcer les principaux programmes publics de réduction de la pauvreté. Dans ce chapitre, nous étudierons les performances du Tchad, du Mali et du Niger dans ces domaines en 2015, à la lumière d’un certain nombre d’indicateurs indirects. Stabilité macroéconomique En tant que membres des unions monétaires de la CEMAC et de l’UEMOA, le Tchad, le Mali et le Niger sont relativement à l’abri des grandes variations de prix et d’une crise des balances de paiement. Toutefois, en l’absence de mécanisme de stabilisation, l’exécution budgétaire concentre et absorbe la plupart des chocs auxquels ces pays sont exposés. En 2015, l’amélioration de la collecte des impôts et l’effondrement des prix du pétrole ont aidé le Mali à apurer ses arriérés, à réaliser d’importants investissements dans la sécurité et à reconstituer ses réserves fiscales. Confronté à des besoins de sécurité imprévus et réalisant l’impact négatif des arriérés de paiement sur le secteur privé, le Niger a quant à lui entrepris un ajustement important de son budget pour l’année en cours. Et avec la chute sans précédent de ses recettes pétrolières, le Tchad a dû non seulement réduire drastiquement ses dépenses publiques—entraînant de graves conséquences sur la prestation de services et l’économie non pétrolière—mais aussi s’endetter davantage, annulant ainsi les gains réalisés en termes de soutenabilité de la dette après avoir atteint le point d’achèvement au titre de l’Initiative PPTE. Au Tchad et au Niger, la crédibilité de la politique budgétaire pourrait largement profiter d’une meilleure transparence budgétaire. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 10 15. Un certain nombre d’indicateurs macroéconomiques sont utilisés pour mesurer la stabilité du cadre macroéconomique (à savoir la capacité à éviter de subites perturbations des relations économiques entre les agents sous la forme d’une variation abrupte des prix, de défauts de paiement ou de défaillances du marché). Les variations brutales du prix des produits et biens de consommation6 peuvent être extrêmement néfastes au bien-être des ménages pauvres et vulnérables du Tchad, du Mali et du Niger, tout comme l’interruption de programmes publics essentiels, s’ils sont efficaces et bien ciblés en faveur des pauvres. En revanche, les perturbations du secteur financier (sauf peut-être dans la microfinance, première source d’accès, quoique limitée, au financement pour les pauvres) ou dans la balance des paiements peuvent être moins graves pour les pauvres, et seraient ressenties uniquement à travers des effets indirects. La stabilité macroéconomique résulte en grande partie des efforts déployés par les autorités pour préserver la soutenabilité fiscale (à savoir la capacité à financer les dépenses publiques) et communiquer en toute transparence à ce sujet afin de générer des attentes positives, mais aussi de leur capacité à protéger l’économie des nombreux chocs exogènes. 16. En 2015, l’inflation des prix à la consommation s’est accentuée dans ces trois pays. L’inflation des prix alimentaires au Mali et au Niger s’est accélérée avec le ralentissement de la croissance de la production agricole, à l’instar de l’inflation globale, qui a subi un rebond sous l’influence des politiques monétaires conciliantes des banques centrales et de la dépréciation de l’euro (et du franc CFA) par rapport au dollar des États-Unis. Dans ces trois pays, la chute des cours mondiaux du pétrole ne s’est pas traduite par une baisse des prix à la pompe ou des tarifs d’électricité administrés, et n’a eu aucun impact sur l’inflation des prix à la consommation. L’accélération de l’inflation des produits non alimentaires a été plus forte au Tchad qu’au Mali et au Niger (malgré la récession du secteur non pétrolier, comme vu précédemment). Cette situation est probablement due à une détérioration de la sécurité sur le principal corridor commercial Doula-N’Djamena, où transitent environ 90 % des produits manufacturés importés par le Tchad. Ces problèmes sécuritaires ont contraint les commerçants à réduire le nombre de convois et à emprunter des itinéraires plus longs et plus coûteux. La baisse du prix des produits carnés (-19 % par rapport à 2014) consécutive aux problèmes d’exportation de bétail vers le Nigeria et le Cameroun engendrés par la situation sécuritaire n’a endigué que partiellement l’augmentation générale des prix à la consommation. 6 Au Tchad, au Mali et au Niger, les ménages pauvres sont des consommateurs nets de denrées alimentaires, c’est-à-dire qu’ils consomment plus de denrées qu’ils n’en produisent et se retrouvent donc exposés à l’augmentation des prix alimentaires. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 11 Figure 7 : Inflation des prix à la consommation (IPC), 2013–2015 5% 4.0% 4% TCHAD MALI NIGER 3% 2.4% 2.3% 2% 1.8% 1.0% 1% 0.9% 0.2% 0% 2013 2014 2015 2013 2014 2015 2013 2014 2015 -1% -0.9% -0.6% -2% IPC non alimentaire IPC alimentaire Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. 17. En 2015, la gestion fiscale au Tchad, au Mali et au Niger a été guidée par des considérations très différentes, qui ont abouti à des résultats également différents en termes de soutenabilité fiscale et de dette. 18. Confronté à l’effondrement des prix du pétrole (détérioration de 46 % des termes d’échange du pays en 2015), le Tchad a également bénéficié de l’augmentation de sa production pétrolière (suite à des décisions d’investissement antérieures), et de la réalisation du point d’achèvement de l’Initiative PPTE en mars grâce à des efforts renouvelés de gestion publique financière et macroéconomique depuis 2013. L’augmentation de la production pétrolière a permis d’endiguer la baisse des recettes pétrolières, et l’atteinte du point d’achèvement de réduire le service de la dette du Tchad vis-à-vis des bailleurs traditionnels (radiant une somme totale de 1,1 milliard $EU devant être remboursée sur les 40 prochaines années). Ces évolutions positives ont toutefois été insuffisantes pour protéger les dépenses publiques et la soutenabilité de la dette. En termes nominaux et par rapport à 2014, les dépenses publiques ont chuté de 22 % (et de 28 % en termes réels par habitant), tandis que le déficit public, en base caisse, s’est creusé jusqu’à 6,0 % du PIB. Toujours exposée à un risque élevé de surendettement après le point d’achèvement PTTE, la dette extérieure du Tchad (intégralement publique) est devenue de facto insoutenable en 2015, lorsque les autorités ont renégocié GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 12 avec une société privée le calendrier de remboursement de 1,4 milliard $EU au cours des prochaines armées, en vertu d’un accord mutuel sur le fait que le pays ne pouvait honorer le service de sa dette en 2015, évalué à 400 millions $EU. En 2015, à titre exceptionnel, la BEAC a accordé au Tchad des avances de 240 millions $EU, pratique pourtant abandonnée au cours de la décennie précédente vu les tendances inflationnistes qu’elle peut créer. Ainsi, bien que les actions entreprises par les autorités tchadiennes en 2015 aient probablement permis d’éviter une plus grande volatilité macroéconomique, la soutenabilité fiscale et de la dette s’est dégradée au cours de la même année, après que le risque d’effondrement des prix du pétrole identifié dans des analyses antérieures se soit concrétisé. 19. Le Mali a en revanche profité de la baisse des prix mondiaux du pétrole pour augmenter ses recettes fiscales et réduire les subventions aux services d’électricité. Il a aussi amélioré son administration fiscale (TVA et impôts directs) et élargi sa marge budgétaire, ce qui lui a permis d’apurer ses arriérés de paiement audités en 2014–2015, de réduire son déficit (à 2,5 % du PIB, sur base ordonnancement) et d’assainir le secteur financier tout en réduisant le risque de surendettement extérieur. En outre, en 2015, le pays a redoublé d’efforts pour accroître la transparence et la redevabilité des cadres dirigeants en matière de gestion des finances publiques dans les domaines suivants : contrôles externes et redevabilité (par le biais de contrats de performance) des administrations locales, recensement de la fonction publique, déclaration des actifs des fonctionnaires, contrats miniers et passation des marchés. Ces efforts devraient réduire les risques de gouvernance qui ont entravé l’exécution budgétaire en 2014 et renforcer la crédibilité de cette dernière à l’heure où les projets de renforcement de la décentralisation fiscale (en appui à la mise en œuvre de l’Accord d’Alger de 2015) pourraient engendrer de nouveaux risques fiduciaires. 20. En 2015, le Niger a révisé deux fois sa loi de finances pour répondre aux chocs et à la vulnérabilité structurelle de son cadre budgétaire. Il lui a fallu absorber des dépenses supplémentaires dans les domaines sécuritaire et humanitaire (+1,1 % du PIB) et mobiliser une plus grande part des recettes publiques (+0,7 % du PIB). De plus, l’exécution budgétaire a souffert de l’augmentation continue des salaires et des dépenses d’exploitation (augmentation de 3,3 % du PIB entre 2012 et 2015, et de 1 % du PIB en 2015 seulement), reflétant la croissance rapide de la masse salariale des fonctionnaires et des enseignants contractuels. La nécessité impérative d’apurer les arriérés de paiement (1,5 % du PIB) accumulés au cours des années précédentes a également affecté l’exécution budgétaire. Ainsi, les investissements publics étant considérés comme hautement prioritaires (16,3 % du PIB en 2015), le déficit public total s’est creusé, passant de 6,8 % du PIB en 2014 à 8,8 % en 2015 sur base caisse, alors qu’il a chuté de 8,3 % à 7,3 % du PIB au cours de la même période sur base ordonnancement. À son tour, la dette publique extérieure a atteint 33 % du PIB en 2015, contre 27 % l’année précédente. Le risque de surendettement est toujours jugé modéré à condition que les autorités poursuivent leurs efforts de consolidation budgétaire et renforcent leur gestion de la dette, des investissements publics et des ressources naturelles. 21. Représentant respectivement 15 %, 13 % et 8 % du PIB total de leur union monétaire, le Tchad (CEMAC), le Mali et le Niger (UEMOA) peuvent compter sur des réserves en devises étrangères bien plus importantes pour atténuer les déséquilibres temporaires de leur balance des paiements, et sur l’engagement crédible des banques centrales régionales pour préserver le rattachement à l’euro. Par conséquent, l’incapacité d’importer des produits clés (pétrole raffiné, denrées alimentaires, médicaments, engrais, etc.) est un risque structurel mineur et, au cours des dernières années, les fortes variations du solde du compte courant ont été compensées par des variations symétriques du compte de capital, principalement stimulées par les importations d’équipement financées par des investissements directs étrangers dans les industries extractives. Néanmoins, si le Mali (qui a accumulé des réserves) et le Niger (dans une moindre mesure) ont renforcé en 2015 leur position extérieure dans une union monétaire plus GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 13 large où la stabilité externe est jugée largement soutenable (FMI 2015a),7 les réserves en devises du Tchad se sont contractées, représentant 1,5 mois d’importations en 2015, contre 2,5 mois en 2013, avant l’effondrement des prix du pétrole. Cette situation résulte de la détérioration de la balance commerciale et de l’évolution fortement négative des termes de l’échange, et de l’acquisition de champs pétroliers par le Tchad en 2014 (1,4 milliard $EU), conduisant à une dégradation du compte de capital. Par ailleurs, ces évolutions surviennent dans une union monétaire dont la plupart des membres exportateurs de pétrole subissent les répercussions de chocs similaires.8 Dans le dernier rapport de surveillance de l’union, le FMI (2015b) invoque les risques élevés d’insoutenabilité externe, avec une chute prévue des réserves qui pourraient atteindre d’ici 2016 le seuil inférieur de la fourchette optimale comprise entre 5 et 13 mois d’importations (à l’exception du commerce intrarégional). 22. Le faible taux de pénétration du secteur financier au Tchad, au Niger et dans une moindre mesure au Mali,9 et leur faible inclusion limitent l’exposition globale des ménages pauvres aux crises financières. Au Mali, les indicateurs de solidité financière ont continué de s’améliorer en 2015 avec une baisse des prêts non performants (PNP) (17 % des prêts bruts, en baisse par rapport aux 21 % au pic de la crise en 2012), même s’ils sont toujours concentrés sur quelques banques et quelques emprunteurs. La situation de la microfinance demeure toutefois préoccupante pour les perspectives de réduction de la pauvreté : depuis la cessation d’activité de deux grandes institutions de microfinance (IMF) en 2009, le secteur traverse une crise prolongée qui engendre une perte de confiance généralisée des banques et des clients du secteur, laisse certaines de ces IMF techniquement en faillite et provoque la perte d’épargne d’un nombre incalculable de déposants. Au Niger, le ratio PNP/prêts bruts a atteint 20 % à la mi-2015, incitant les autorités à apurer leurs arriérés. L’adéquation des capitaux et les ratios de liquidité restent toutefois confortables. Au Tchad, la situation du secteur financier est liée avant tout au sort du secteur public, auquel il est fortement exposé. Avec la baisse des recettes publiques depuis mi-2014, les autorités ont commencé à reporter massivement le paiement des factures, ce qui a détérioré la qualité des prêts bancaires aux fournisseurs des autorités et entraîné une augmentation de la part des PNP à 14,5 % du total des prêts à la mi-2015, contre 12,7 % un an plus tôt. TABLEAU 1 : INDICATEURS D’INCLUSION FINANCIÈRE : MALI 2014 Propriétaire Propriétaire Propriétaire Propriétaire Taux Taux d’un compte d’un compte d’un compte d’un compte d’épargne d’accès quelconque en banque postal dans une IMF au crédit Plus pauvres 1 ,2 0,1 0,2 0,7 16,8 10,1 Pauvres 3 ,6 0,6 0,6 1,8 26,0 12,3 Intermédiaire 5 ,6 2,8 1,0 2,4 27,8 12,9 Mieux nantis 12 ,0 7,0 1,2 4,6 33,5 12,0 Plus riches 21 ,8 17,8 1,0 4,6 41,4 20,2 Total 7 ,6 4,6 0,7 2,6 27,5 12,8 Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des enquêtes sur les conditions de vie réalisées au Mali en 2014. 7 Cette évaluation repose sur l’hypothèse d’une poursuite de la consolidation fiscale de l’UEMOA, sans laquelle les réserves internationales brutes pourraient décroître, passant de plus de 4 mois d’importations en 2015 à moins de 2 mois en 2018. 8 Le risque de chocs communs à l’ensemble des pays est très inférieur pour l’UEMOA que pour la CEMAC ; voir Chapitre III. 9 En 2015, les dépôts bancaires ont représenté respectivement 8 %, 30 % et 18 % du PIB du Tchad, du Mali et du Niger. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 14 23. Le Tchad et dans une moindre mesure le Niger se situent en dessous des moyennes régionales en termes de transparence budgétaire. La transparence budgétaire est un facteur important de crédibilité fiscale, et des progrès ont été enregistrés sur ce front dans les trois pays depuis 2010. Ces progrès ont toutefois été moins rapides qu’en Afrique subsaharienne et, en 2015, seul le Mali avait des résultats supérieurs à ses homologues régionaux. Dans l’ensemble, la transparence budgétaire est relativement meilleure aux stades de la formulation et de l’approbation qu’aux stades de l’exécution et la supervision du budget, alors même que des rapports d’exécution budgétaire sont régulièrement produits à usage interne. En outre, les notes du Tchad, du Mali et du Niger en termes de participation publique au processus budgétaire sont toutes inférieures à 5 (sur 100), et restent médiocres par rapport à la moyenne régionale de 25. TABLEAU 2 : INDICE D’OUVERTURE BUDGÉTAIRE 2010–2015 Note (sur 100) Évolution 2010–2015 Tchad 5 5 Mali 46 11 Niger 17 14 Afrique subsaharienne 45 17 Source : Indice d’ouverture budgétaire. 24. Les mécanismes de stabilisation fiscale sont quasi inexistants au Tchad, au Mali et au Niger, contraignant fréquemment ces pays à renoncer à certaines dépenses budgétisées ou à retarder leurs paiements en accumulant des arriérés. Dans le cas du Tchad, le recours à des procédures « d’urgence » qui contournent la chaîne légale de dépenses affecte encore davantage la qualité de l’exécution budgétaire. Bien qu’en déclin depuis 2012 (quand elles avaient atteint un pic de 20 %), ces procédures d’urgence pourraient encore représenter environ 9 % du total des dépenses discrétionnaires en 2015, hors secteur de la sécurité qui y recourt fréquemment. Au-delà des difficultés rencontrées pour protéger l’exécution budgétaire dans des environnements volatiles, les politiques fiscales du Tchad, du Mali et du Niger sont incapables d’agir de manière contre-cyclique, c’est-à-dire de stimuler la demande globale pendant les chocs négatifs et de l’atténuer pendant les périodes inflationnistes, comme examiné dans le Chapitre III. Fourniture de biens et de services publics Au Tchad, et dans une moindre mesure au Mali et au Niger, les ressources publiques consacrées aux programmes en faveur des pauvres demeurent largement insuffisantes au regard des besoins fondamentaux de développement humain et des objectifs de réduction de la pauvreté. Dans ces trois pays, les ressources publiques affectées à la santé et à l’éducation ont stagné ou baissé en 2015 par rapport aux dépenses totales et au PIB. Au Tchad, il faudra avant tout améliorer la collecte des impôts, largement en dessous de son potentiel, pour accroître le budget alloué aux programmes en faveur des pauvres. Au Mali et au Niger, où la perception des impôts est plus efficace, un examen (et éventuellement des réaffectations ou améliorations) de l’efficacité des larges exonérations et subventions fiscales pourrait contribuer à créer la marge budgétaire nécessaire. Dans ces trois pays, l’élaboration de programmes de protection sociale évolutifs pourrait aider à orienter les ressources publiques libérées vers les ménages les plus pauvres. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 15 25. Outre le fait d’assurer la stabilité macroéconomique, les politiques fiscales sont supposées garantir la prestation de biens publics (par exemple, la sécurité, l’éducation primaire et les soins de santé), mobiliser les externalités positives (à savoir la connectivité, les vaccinations) et combattre les externalités négatives (par exemple, la dégradation de l’environnement). En termes de réduction de la pauvreté, cela revient principalement à affecter une part adéquate des ressources publiques aux programmes bénéficiant aux plus pauvres, à l’éducation et à la santé en particulier. Au Tchad, au Mali et au Niger, cet objectif est difficile à atteindre, car : (i) la demande par habitant en éducation primaire et en soins de santé primaires (y compris maternelle) est extrêmement élevée au vu de la structure démographique de ces pays, où environ la moitié de la population est âgée de 14 ans ou moins,10 contre une moyenne de 43 % en Afrique subsaharienne et dans les pays à faible revenu ; et (ii) la vaste majorité des pauvres réside dans des zones rurales11 où la prestation de services est encore plus problématique à cause de la faible densité de population et des difficultés à attirer et retenir le personnel (enseignants et infirmiers/infirmières). Une autre grande difficulté réside dans la capacité des pays à mobiliser leurs ressources intérieures par le biais de l’imposition, étant donné le degré élevé d’informalité de ces trois économies. Figure 8 : Dépenses consacrées à la santé et à l’éducation publiques, 2013–2015 Santé  et  éduca4on  publiques   Santé  et  éduca3on  publiques     %  des  dépenses  totales   %  du  PIB   22%   6%   20%   5%   18%   16%   4%   14%   3%   12%   10%   2%   2013   2014   2015   2013   2014   2015   Tchad   Mali   Niger   Tchad   Mali   Niger   Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. 26. L’année 2015 a vu un déclin des efforts relatifs déployés par les gouvernements de ces trois pays en faveur de la santé et de l’éducation (primaire et secondaire). Qu’elles soient mesurées par rapport aux dépenses publiques totales (reflétant les choix dans l’affectation des ressources publiques) ou par rapport au PIB (reflétant les choix en matière d’affectation des ressources nationales), les dépenses consacrées à la santé et à l’éducation ont décliné en 2015 au Tchad, au Mali et au Niger. Toutefois, ces évolutions reflètent les conditions spécifiques à chaque pays. Au Tchad, cette baisse est survenue dans le contexte d’une forte contraction des dépenses publiques hors intérêts (-4,9 points de pourcentage du PIB entre 2013 et 2015 ; voir Tableau 3). Dans ce contexte, et partant d’un niveau déjà bas, le Tchad est globalement parvenu à protéger la part de ses dépenses totales consacrée à la santé et à l’éducation, même 10 Tchad : 48 % ; Mali : 47 % ; Niger : 50 %. 11 Tchad : 82 % ; Mali : 90 % ; Niger : 96 %. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 16 si cette part n’était pas assez élevée pour la protéger par rapport au PIB. Inversement, le déclin au Niger est survenu dans un contexte de forte expansion budgétaire (+3,9 points de pourcentage du PIB entre 2013 et 2015 ; voir Tableau 5), qui a nettement favorisé les dépenses consacrées aux investissements publics (+2,2 points de pourcentage du PIB) et à la sécurité (+2 points de pourcentage du PIB), au détriment de la santé et de l’éducation.12 Entre les deux, le Mali a réussi largement à préserver le niveau des dépenses consacrées à la santé et l’éducation par rapport aux dépenses totales et au PIB, tout en créant une marge budgétaire pour compenser l’augmentation des dépenses de sécurité (+1,5 point de pourcentage du PIB entre 2013 et 2015). Si l’on tient compte de la croissance démographique et de l’inflation, entre 2013 et 2015, les dépenses publiques réelles par habitant consacrées à la santé et à l’éducation ont augmenté de 14 % au Mali, mais chuté de 1 % au Niger, et de 10 % au Tchad. 27. Il convient d’examiner ces évolutions au regard des besoins de développement. Compte tenu des taux de scolarisation nets et du ratio élèves/enseignant, la scolarisation de tous les enfants en âge de fréquenter l’école primaire et la réduction du ratio élèves/enseignant à 30/1 au Tchad, au Mali et au Niger pourraient augmenter le coût salarial des enseignants d’un montant compris entre 1,4 et 1,6 point de pourcentage du PIB. De plus, les DPS du Tchad et du Mali soulignent que des transferts sociaux (quasi inexistants aujourd’hui) aux plus pauvres de l’ordre de 2 % du PIB seraient nécessaires pour compléter les efforts visant à accélérer la croissance en faveur des pauvres en vue d’optimiser les possibilités de réduction de la pauvreté. 28. Il convient également d’examiner ces évolutions au regard des efforts de mobilisation des ressources. En 2015, les recettes tirées des ressources naturelles ont chuté au Tchad, et dans une moindre mesure au Mali et au Niger, dans le sillage des prix mondiaux des matières premières. Considérant l’ampleur de la baisse des prix du pétrole (par rapport à ceux de l’or, voir paragraphes suivants) et la place importante du pétrole dans la structure des recettes du Tchad, ce dernier a perdu l’équivalent de 7,6 % de son PIB entre 2013 et 2015. En comparaison, le Niger a perdu 1,3 % et le Mali 0,9 % de son PIB seulement. Alors que ces pertes ont été largement compensées par la multiplication des efforts de collecte des impôts (sur l’assiette fiscale hors ressources naturelles) au Mali et au Niger (+2,6 et +3,0 % du PIB respectivement), elles ont en revanche été aggravées par la levée peu efficace des impôts au Tchad. Des rapports du Fonds monétaire international (2013, 2014) ont estimé que le potentiel de recettes fiscales (hors ressources naturelles) du Tchad, du Mali et du Niger s’élevait, respectivement, à 24 %, 19,5 % et 19 % du PIB hors ressources naturelles.13 Avec un niveau de 15,7 % en 2015 contre 13 % en 2013, le Mali a réussi en l’espace de deux ans à diviser par deux la distance qui le sépare de son potentiel en termes de recettes fiscales. Idem pour le Niger qui enregistrait 15,4 % en 2015, contre 12,3 % en 2013. En revanche, le Tchad s’est éloigné de son potentiel car le ratio des recettes fiscales hors ressources naturelles par rapport au PIB hors ressources naturelles a chuté de 9,0 % à 7,8 % entre 2013 et 2015. Cette mauvaise performance s’explique sans doute par la dépendance de la base imposable non pétrolière vis-à-vis de la demande publique (par exemple, les services de construction), et par le fait qu’une grande partie des impôts indirects sont perçus sur les importations (qui ont chuté de 24 % en termes nominaux en 2015 ; voir Tableau 3). 12 En règle générale, les dépenses consacrées à la santé et à l’éducation ne sont pas à forte intensité de capital et représentent une faible portion des investissements publics. Au cours de la période 2011–2014, le Niger a consacré en moyenne 14,5 % de ses dépenses d’investissement public à la santé et l’éducation. 13 Le potentiel fiscal est une fonction positive du PIB par habitant, du niveau d’instruction, des échanges commerciaux et de la répartition des revenus, et une fonction négative de la part de l’agriculture dans le PIB, de la corruption et de l’inflation. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 17 Figure 9 : Revenus tirés des ressources naturelles et efforts de perception des impôts, 2013–2015 Revenus tirés des ressources naturelles Revenus hors ressources naturelles % du PIB % du PIB hors ressources naturelles 14% 18.0% 12% 16.0% 10% 14.0% 8% 12.0% 6% 4% 10.0% 2% 8.0% 0% 6.0% 2013 2014 2015 2013 2014 2015 Tchad Mali Niger Tchad Mali Niger Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. 29. Au-delà d’une plus grande mobilisation des ressources, des efforts peuvent également être déployés pour améliorer l’équité fiscale. Considérant le potentiel d’amélioration du pays, il convient d’accélérer les efforts engagés par le Tchad en 2015 pour élargir son assiette fiscale.14 Au Mali et au Niger, où les efforts de collecte des impôts correspondent à 80 et 81 % de leurs potentiels respectifs, il convient aujourd’hui d’accorder une plus grande priorité à l’analyse de l’efficacité des diverses subventions et exonérations fiscales par rapport aux objectifs visés. Au Mali, les exonérations fiscales visant à encourager l’investissement privé et les activités des bailleurs représentaient 4,4 % du PIB en 2014, mais l’efficacité de ces dispositifs n’a encore jamais été évaluée. De même, une évaluation des subventions maliennes en faveur de l’électricité et de l’agriculture—1,4 % du PIB en 2015—pourrait être conduite par rapport aux objectifs fixés, éventuellement pour les réduire ou améliorer leur efficacité. Au Niger, mais aussi au Tchad, la première étape consiste à évaluer et à révéler de manière transparente l’étendue et l’efficacité des exonérations et des subventions, car, comme au Mali, elles pourraient constituer des domaines potentiels d’amélioration de l’équité fiscale. Une autre étape importante pour chacun de ces trois pays, sous réserve d’une marge budgétaire, serait de saisir cette occasion pour une mise à l’échelle des programmes de transfert sociaux bien ciblés. Perspectives et implications éventuelles pour les politiques Le prix des matières premières et les menaces sécuritaires influenceront fortement les perspectives budgétaires et externes du Tchad, du Mali et du Niger en 2016–2017. La chute constante des cours pétroliers affectera fortement les comptes fiscaux et externes du Tchad, qui devrait considérer ce choc comme quasi permanent et encourager la diversification de son économie. Ce choc devrait également inciter le Niger à réviser ses plans de développement à moyen terme basés sur l’émergence d’une industrie pétrolière et, plus généralement, à renforcer davantage la gestion de ses investissements publics, de sa dette et de ses ressources naturelles afin d’atténuer les impacts défavorables des fluctuations du prix des 14 En 2015, le Tchad a entrepris des réformes pour mettre à jour son recensement des entreprises potentiellement imposables et pour simplifier son code fiscal. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 18 matières premières actuellement constatés au Tchad. En revanche, le Mali continuera à bénéficier de termes d’échange favorables et à saisir cette occasion pour renforcer ses efforts de construction de la paix à travers une décentralisation budgétaire efficace. Dans ces trois pays, les prévisions du PIB et de l’inflation se situent au sein de grands intervalles de confiance compte tenu de la forte influence des aléas climatiques imprévisibles. 30. Un certain nombre de facteurs exogènes influenceront les perspectives macroéconomiques du Tchad, du Mali et du Niger en 2016 et en 2017. 31. Le premier facteur est le cours mondial des matières premières, et en particulier du pétrole. Le Tchad, le Mali et le Niger sont des preneurs de prix et le principal impact de la baisse de la demande de matières premières (notamment en Chine) se traduit par une évolution des prix. Les déséquilibres croissants entre l’offre mondiale de matières premières (par exemple, de l’Iran) et la demande se traduisent également par une évolution des prix. En 2016, le prix du pétrole brut, exprimé en dollars EU, devrait continuer à chuter par rapport à 2015 si les prix bas observés au cours des derniers mois de l’année 2015 se maintiennent tout au long de l’année 2016. Le cours de l’or devrait également baisser en 2016 et en 2017, mais beaucoup plus modérément, tandis que le cours de l’uranium devrait stagner à partir de 2016. Du point de vue des termes de l’échange (prix des exportations par rapport au prix des importations), ces prévisions n’ont pas les mêmes implications pour le Tchad, le Mali et le Niger. En 2016 et en 2017, le Mali devrait continuer à bénéficier du faible niveau des prix du pétrole par rapport au prix de l’or, et le Niger ne devrait pas non plus s’attendre à une évolution abrupte de ses termes de l’échange. Cette situation contraste particulièrement avec celle du Tchad, dont les termes de l’échange pourraient décroître encore de 32 % en 2016 par rapport à 2015. Ces prévisions sont lourdes de conséquences pour le Tchad, et signifient probablement que le prix auquel le Tchad pourra désormais vendre son pétrole sera inférieur à son seuil de rentabilité. Compte tenu des coûts particulièrement élevés de la mise en service et du démantèlement des sites de production, les entreprises avaient l’intention (en janvier 2016) de poursuivre l’exploitation des puits existants (en cessant parallèlement toute activité d’exploration), dans l’espoir d’une reprise progressive des prix du pétrole à partir de 2017. Les perspectives relatives au prix du pétrole restent toutefois incertaines et, s’il reste bas au-delà de 2016, les conséquences seront d’autant plus lourdes pour les perspectives macroéconomiques du Tchad. Cette situation freinera également les plans du Niger qui ambitionne de devenir un exportateur net de pétrole brut d’ici 2017 grâce à la construction d’un oléoduc raccordé au pipeline reliant le Tchad au Cameroun. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 19 Figure 10 : Prix des matières premières et termes de l’échange, 2013–2020 Prévisions des prix des matières premières Prévision des termes de l’échange (indice 2013 = 100) (indice 2013 = 100) 120 140 100 120 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Pétrole Or Uranium Tchad Mali Niger Source : Banque mondiale (2016). 32. Le second facteur est la sécurité. En 2016, ces trois pays continueront d’être exposés à d’importantes menaces sécuritaires provenant de groupes armés basés en Libye, dans le nord du Mali, au Nigeria et en République centrafricaine. Il est évidemment impossible de prévoir les chocs sécuritaires, mais le niveau élevé des dépenses de sécurité prévu dans la loi de finances 2016 au Tchad, au Mali et au Niger (respectivement 2,7 %, 4,5 % et 3,9 % du PIB) représente un coût immédiat de ces menaces. L’investissement privé (et par conséquent la croissance future), plus risqué et moins rémunérateur dans les environnements instables, est le deuxième coût que l’on peut anticiper. En 2016, au Tchad et au Niger, les élections présidentielles prévues pourraient raviver les tensions intérieures et menacer davantage la sécurité et la stabilité de ces pays. 33. Le troisième facteur est le climat. Toutes les prévisions de croissance du PIB en 2016 et 2017 sont basées sur des hypothèses de conditions climatiques normales (vérifiables uniquement lors des récoltes en fin d’année). Mais le climat est volatile, et les variations des rendements agricoles liées au climat ont entraîné des écarts types du taux de croissance du PIB de l’ordre de 3,5 %, 1,5 % et 3,2 %, respectivement, au Tchad, au Mali et au Niger. Ainsi, une prévision de 5 % du taux de croissance du PIB au Niger pourrait se traduire par un taux variant de 1,8 à 8,2 %. De la même manière, les prévisions des prix à la consommation sont également comprises dans des intervalles de confiance de grande amplitude. Néanmoins, la volatilité climatique a peu d’impact sur les comptes fiscaux et externes, sachant que l’agriculture ne constitue qu’une source modeste de recettes fiscales et d’exportation. Le facteur le plus influent pourrait être le besoin de couvrir un déficit alimentaire imprévu par des importations supplémentaires. Traditionnellement, les gouvernements et les bailleurs de ces trois pays se sont partagé ces coûts supplémentaires. 34. Compte tenu de ces facteurs exogènes, les perspectives macroéconomiques du Tchad pour 2016–2017 demeurent particulièrement difficiles. Les recettes pétrolières continueront de baisser et la croissance de l’économie non pétrolière sera freinée par l’absence de demande publique et la difficulté de commercer avec le reste du monde. Dans cette conjoncture défavorable, les autorités envisagent de poursuivre leurs efforts de GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 20 consolidation fiscale engagés en 2015 et, parallèlement, de protéger autant que possible les dépenses cruciales sans accumuler de nouveaux arriérés. La cession des actifs pétroliers détenus par le Tchad constituera un facteur important de stabilité fiscale, et ses recettes serviront à financer le déficit budgétaire, prévu à 7 % du PIB. Toutefois, les risques supplémentaires d’aggravation qui peuvent se concrétiser si le cours du pétrole reste bas et que la situation sécuritaire se détériore davantage contraindront le Tchad à prendre de nouvelles mesures d’ajustement budgétaire. Que ces risques d’aggravation se matérialisent ou non, la stratégie macroéconomique et fiscale du Tchad doit soutenir une réduction progressive de la dépendance du pays envers le pétrole. Cela peut impliquer des efforts audacieux de mobilisation des ressources intérieures, des gains d’efficacité dans les dépenses publiques (passation des marchés, planification), et une diversification économique, en commençant à l’intérieur du secteur agricole qui présente les principaux avantages comparatifs (Banque mondiale 2015a). 35. Contrairement au Tchad, les perspectives du Mali semblent relativement favorables. Des facteurs externes, tels que les termes de l’échange, paraissent positifs, tandis les risques sécuritaires intérieurs peuvent être endigués grâce aux importantes dépenses consacrées à la sécurité et aux progrès attendus de l’application des accords de paix signés en 2015. Pour le Mali, le défi réside ici dans sa capacité à transférer une plus grande partie de ses ressources publiques aux administrations locales et, parallèlement, à améliorer la capacité de gestion des finances publiques de ces administrations. Autre difficulté pour le pays : poursuivre les efforts de mobilisation des ressources nationales pour financer ses importants besoins de développement et constituer les réserves nécessaires pour faire face aux prochains chocs exogènes négatifs. Le prochain chapitre aborde les différentes options visant à mieux protéger les programmes d’investissement public à l’avenir. 36. La capacité du Niger à mettre en œuvre ses plans de développement dépendra de la poursuite de l’amélioration de la gestion des investissements publics et de la stabilité des financements provenant des industries extractives. Le plan d’investissement public ambitieux du Niger devrait continuer à stimuler la croissance du PIB, tant du côté de la demande (notamment, les services de construction) que du côté de l’offre, par l’accroissement de ses capacités de production et la diversification de son économie (agriculture, énergie, transport). Toutefois, une mauvaise gestion des projets d’investissement public et une chute du prix des matières premières (uranium et pétrole) à partir de 2016 peuvent rapidement menacer la soutenabilité de la dette publique, avec des répercussions importantes sur la prestation de services. La poursuite des efforts visant à améliorer la gestion des investissements publics, de la dette et des ressources naturelles peut contribuer à atténuer ces risques, comme expliqué dans le prochain chapitre. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 21 TABLEAU 3 : TCHAD : SÉLECTION D’INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES   2013 2014 2015 2016 2017 Évolution annuelle en pourcentage Revenu national et prix PIB à prix constants 5,7 6,9 2,6 1,9 4,1 Indice des prix à la consommation 0,2 1,7 4,6 3,3 3,0 Commerce extérieur Importations de biens et services (FCFA) -7,7 9,9 -23,6 -9,3 4,6 Exportations de biens et services (FCFA) -8,6 1,4 -32,5 -23,7 21,7 Termes de l’échange (détérioration -) 8,1 -4,4 -46,1 -31,8 13,0 Pourcentage du PIB Monnaie et crédit Crédits octroyés aux gouvernements (nets) 0,8 3,0 6,9 7,6 7,1 Crédits à l’économie (nets) 6,1 7,8 8,4 8,9 8,5 Masse monétaire (M2) 13,3 15,7 16,8 18,2 17,8 Finances publiques Revenu intérieur 18,5 15,9 10,4 9,5 11,3 Dons 1,7 1,6 2,9 3,5 2,4 Salaires et traitements 5,2 4,9 5,7 6,1 5,6 Biens et services 2,1 2,1 1,0 1,1 1,2 Paiement des intérêts 0,5 0,7 0,6 0,8 0,8 Autres dépenses courantes 5,1 4,8 3,7 4,3 2,3 Dépenses de capital sur financement extérieur 2,3 2,2 3,2 3,6 4,0 Dépenses de capital sur financement intérieur 7,7 7,4 3,9 4,3 3,3 Solde budgétaire global (base ordonnancement) -2,6 -4,7 -4,8 -7,0 -3,4 Variation des arriérés (apurement -) et dette flottante -2,5 0,2 -1,2 0,0 0,0 Solde budgétaire global (base caisse) -5,2 -4,4 -6,0 -7,0 -3,4 Dette publique 30,1 39,9 45,7 48,9 43,4 Milliards de FCFA Postes pour mémoire PIB nominal 6397 6883 6526 6131 6790 Solde du compte courant -589 -613 -720 -702 -624 Dette extérieure totale 1356 2234 2116 1973 1898 Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 22 TABLEAU 4 : MALI : SÉLECTION D’INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES   2013 2014 2015 2016 2017 Évolution annuelle en pourcentage Revenu national et prix PIB à prix constants 1,7 7,2 4,9 5,4 5,1 Indice des prix à la consommation -0,6 0,9 2,1 2,9 1,9 Commerce extérieur Importations de biens et services (FCFA) 33,7 5,6 -17,8 5,4 7,8 Exportations de biens et services (FCFA) -1,3 -2,2 -9,8 1,1 2,9 Termes de l’échange (détérioration -) -0,7 5,3 7,9 -2,6 -0,5 Pourcentage du PIB Monnaie et crédit Crédits octroyés aux gouvernements (nets) -1,8 -1,4 0,5 2,0 2,5 Crédits à l’économie (nets) 22,4 24,4 24,5 24,9 25,2 Masse monétaire (M2) 33,6 33,0 34,7 36,2 36,9 Finances publiques Revenu intérieur 17,3 17,7 18,8 20,0 20,6 Dons 3,4 2,6 2,9 2,4 2,4 Salaires et traitements 5,3 5,2 5,7 5,8 5,8 Biens et services 4,4 4,0 4,5 4,3 4,3 Paiement des intérêts 0,6 0,7 0,8 0,8 0,7 Autres dépenses courantes 6,2 6,1 5,2 5,6 5,5 Dépenses de capital sur financement extérieur 2,9 3,2 3,2 3,6 4,2 Dépenses de capital sur financement intérieur 4,2 4,5 4,9 5,5 5,7 Solde budgétaire global (base ordonnancement) -2,8 -3,4 -2,5 -3,1 -3,3 Variation des arriérés (apurement -) et dette flottante 0,0 0,6 -1,8 -0,3 0,0 Solde budgétaire global (base caisse) -2,9 -2,8 -4,3 -3,6 -3,3 Dette publique 31,4 32,4 36,5 35,6 36,0 Milliards de FCFA Postes pour mémoire PIB nominal 5490 5987 6479 6990 7491 Solde du compte courant -189 -331 -182 -276 -391 Dette extérieure totale 1407 1485 1838 2005 2169 Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 23 TABLEAU 5 : NIGER : SÉLECTION D’INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES   2013 2014 2015 2016 2017 Évolution annuelle en pourcentage Revenu national et prix PIB à prix constants 4,6 6,9 4,4 5,0 6,9 Indice des prix à la consommation 2,3 -0,9 1,0 1,6 1,5 Commerce extérieur Importations de biens et services (FCFA) 2,6 12,5 7,5 8,2 4,6 Exportations de biens et services (FCFA) 6,5 -9,6 -1,6 7,2 19,4 Termes de l’échange (détérioration -) -3,1 -12,1 1,4 -1,8 -4,4 ourcentage du PIB P Monnaie et crédit Crédits octroyés aux gouvernements (nets) -2,3 -1,9 -1,0 0,8 -0,4 Crédits à l’économie (nets) 14,0 14,5 15,6 15,6 15,6 Masse monétaire (M2) 23,9 28 30,7 32,3 32,2 Finances publiques Revenu intérieur 17,0 18,0 18,7 18,6 19,2 Dons 8,2 5,6 6,1 5,6 4,4 Salaires et traitements 5,1 5,4 5,8 5,4 5,2 Biens et services 2,9 3,2 4,0 3,1 3,1 Paiement des intérêts 0,3 0,4 0,7 0,9 1,0 Autres dépenses courantes 5,4 6,0 5,3 5,6 5,3 Dépenses de capital sur financement extérieur 5,3 9,6 8,4 7,3 6,2 Dépenses de capital sur financement intérieur 8,8 7,3 7,9 9,4 7,5 Solde budgétaire global (base ordonnancement) -2,6 -8,3 -7,3 -7,5 -4,7 Variation des arriérés (apurement -) et dette flottante -0,6 1,5 -1,5 -0,2 -0,1 Solde budgétaire global (base caisse) -3,2 -6,8 -8,8 -7,8 -4,7 Dette publique 27,1 35,8 43,1 52,2 53,5 illiards de FCFA M Postes pour mémoire PIB nominal 3703 3961 4205 4515 4898 Solde du compte courant -567 -602 -764 -1027 -1047 Dette extérieure totale 837 1069 1386 1847 2123 Source : Calculs des services de la Banque mondiale à partir des données des autorités nationales. GESTION MACROÉCONOMIQUE ET FISCALE EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ 24 DEMANDE DEMANDE DEPENSES DETERMINE EC EFFICACE III. Thème spécial : Protection RESSOURCE AUPARAVANT SUPPLEMENTAIRE P E T R O L E de l’investissement public contre les chocs TEMENT DEFIS PARTICULIEREMENT NCERTITUDE EFFICACITE COMPORTEMENTS COMPREHENSION TRANSACTIONS OBLIGATOIRE Introduction L’instabilité macroéconomique peut avoir une forte incidence négative sur la qualité de l’investissement public et sa contribution à la croissance à long terme. Dans les pays de l’UEMOA et de la CEMAC, les projets et les stratégies d’investissement public ont été régulièrement perturbés par des chocs exogènes imprévisibles tels que des catastrophes naturelles, des conflits violents, ou la volatilité des prix des matières premières. Dans la plupart de ces pays, la rigidité du cadre macroéconomique et les lourdes procédures de gestion des investissements publics ont renforcé les répercussions négatives de la volatilité sur la qualité des investissements. 37. Une politique de développement efficace exige des investissements publics de haute qualité, et les projets d’investissements publics sont souvent au cœur des stratégies de réduction de la pauvreté et des plans nationaux de développement. Dans les pays membres de l’UEMOA et de la CEMAC—où la politique monétaire est gérée par les banques centrales régionales—la politique budgétaire est de loin l’outil le plus important de la politique macroéconomique et de développement disponible à l’échelle nationale, soulignant encore davantage l’importance d’une gestion saine des investissements publics. Ces derniers sont indispensables pour développer l’offre de biens publics et corriger les défaillances de coordination du secteur privé. Ils contribuent par ailleurs à stabiliser le cycle économique en stimulant la demande globale lorsque l’activité économique n’atteint pas son potentiel à long terme. Les investissements publics permettent également de transférer des ressources à des groupes cibles à travers des programmes de travaux publics. 38. Toutefois, les études empiriques ne révèlent aucun consensus clair sur l’impact précis de l’investissement public sur la croissance économique. Une analyse économétrique menée par Warner en 2014 sur un large panel de pays suggère que l’impact de l’investissement public sur la croissance économique est temporaire. Selon Warner, les effets keynésiens­— c’est-à-dire l’augmentation de la demande de biens et services d’investissement tels que des équipements et la main-d’œuvre du bâtiment—l’emportent sur les effets escomptés sur la productivité une fois que l’infrastructure est construite et son exploitation démarrée. Toutefois, Gupta et coll. (2014) ont identifié un impact positif et durable des projets d’investissement public sur la croissance des pays en développement, une fois tenu compte d’indicateurs indirects de la qualité de la gestion de l’investissement public dans chacun d’entre eux.15 Les résultats montrent que, dans les pays en développement, le capital public (somme des investissements publics passés, jusqu’à leur amortissement total), ajusté de sa qualité, a connu une croissance bien plus lente que le PIB entre 1960 et 2010, expliquant la faible contribution des investissements publics à la croissance globale, au-delà des effets keynésiens 15 Gupta et coll. utilisent un indice spécifique par pays calculé par le FMI, qui vise à déterminer la qualité de la gestion de l’investissement public à chaque étape : évaluation : lorsque les projets sont choisis en fonction de leurs avantages nets commerciaux et sociaux escomptés, et de leur cohérence avec la stratégie globale de développement ; sélection : lorsque les projets sont inscrits dans la loi de finances sur la base des prévisions pluriannuelles de ressources de financement disponibles pour leur réalisation et des ressources humaines pour leur fonctionnement une fois les projets achevés (par exemple, la disponibilité future d’enseignants pour une école nouvellement construite) ; mise en œuvre : lorsque les procédures de passation des marchés affectent le coût final et les délais impartis pour mener les projets à terme ; et évaluation des projets : lorsque des enseignements sont tirés et utilisés dans de nouveaux projets pour évaluer ce qui a fonctionné/n’a pas fonctionné dans les étapes précédentes. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 25 immédiats des dépenses d’investissements. Par ailleurs, la relation entre investissement public et croissance du PIB est rendue encore plus complexe par les effets indirects des modes de financement de l’investissement public (comme l’imposition, l’inflation, le recours à la dette ou les partenariats public-privé) sur l’investissement privé et la stabilité macroéconomique en général. 39. Les perturbations dans les investissements publics peuvent accroître les coûts, nuire à la qualité des projets et entraver la coordination entre les projets et les secteurs. Les interruptions dans la mise en œuvre des projets d’investissement public peuvent se révéler extrêmement coûteuses et, dans certains cas, aboutir à l’abandon et au redémarrage total des projets. Les retards de paiement peuvent menacer la solvabilité des entreprises, et les gouvernements avec un historique de paiements irréguliers ou d’arriérés s’exposent à une prime de risque sur leurs prochains contrats. Cela peut limiter la concurrence pour les projets publics et engendrer une augmentation des coûts et une baisse de la qualité. Dans les pays en développement enregistrant un faible taux d’investissement privé intérieur, ces effets sont généralement amplifiés par la dépendance des secteurs clés—tel le bâtiment—vis-à-vis de la demande publique. Dans certains cas extrêmes, l’accumulation d’arriérés du secteur public peut placer les entreprises prestataires dans l’incapacité de rembourser leurs prêts, et déstabiliser le secteur bancaire. Enfin, un calendrier des investissements publics incohérent complique la planification des dépenses courantes additionnelles, nuisant encore davantage à la qualité globale des dépenses publiques. 40. Une étude de cas fictive—mais parfaitement plausible—peut servir d’illustration : Dans le cadre de son plan de développement quinquennal, le gouvernement décide de construire un nouvel hôpital dans une région isolée nécessitant des services de santé de meilleure qualité. En s’appuyant sur l’enveloppe budgétaire globale prévue à ce moment-là, le gouvernement inscrit le projet dans sa loi de finances. Le projet doit s’achever dans un délai de 18 mois, à l’issue desquels l’hôpital est censé être opérationnel. L’École nationale de santé commence à former des personnels de santé pour travailler dès l’ouverture de l’hôpital. Au mois de juin, cinq mois après l’adoption de la loi de finances par le Parlement (une hypothèse optimiste pour les pays de l’UEMOA au vu des retards moyens dans les procédures de passation des marchés, voir ci-dessous), le gouvernement signe un contrat avec l’entreprise sélectionnée pour la construction dudit hôpital. L’entreprise présente une garantie bancaire, en contrepartie de laquelle le gouvernement lui verse une avance de 20 % du montant total payable à la livraison de l’hôpital. L’avance de 20 % ne couvrant pas l’achat de l’ensemble des biens et services nécessaires à l’achèvement du projet, l’entreprise décide d’emprunter 30 % supplémentaires auprès d’une banque locale, alourdissant ainsi sa dette auprès des banques. En septembre, lorsque les travaux démarrent, le pays connaît subitement un effondrement du prix de son principal produit d’exportation, créant un important besoin de financement. Dans l’impossibilité de lever rapidement d’autres recettes ou de mobiliser de l’épargne liquide, de réduire ses dépenses courantes (salaires, transferts, dépenses de fonctionnement et service de la dette) ou d’emprunter sans dépasser le seuil du déficit public douloureusement promis à l’union monétaire et aux bailleurs de fonds, le gouvernement décide de retarder les paiements à l’entreprise, générant ainsi des « arriérés de paiement ». Compte tenu de ses pertes de recettes inattendues, l’entreprise fait faillite et vend ses avoirs, mais elle est incapable de rembourser l’intégralité de son prêt à la banque commerciale. Cette dernière doit provisionner cette perte, réduisant sa capacité à octroyer de nouveaux prêts à des entreprises privées. Au bout d’un an, les personnels de santé ont achevé leur formation et ont été recrutés, bien que l’hôpital ne soit toujours pas construit. Les travaux de terrassement démarrés par le premier prestataire ont été emportés par les pluies et doivent être redémarrés à zéro. Après avoir bénéficié d’un rebond des prix des matières premières, le gouvernement relance la procédure de passation des marchés, tout en examinant les réclamations de l’entreprise en faillite. Mais les entreprises encore présentes sur le marché, alertées par la nature et l’importance des risques, se montrent moins intéressées par l’appel d’offres. Les rares entreprises candidates fixent un prix plus élevé pour se protéger contre ces risques. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 26 41. Deux études récentes examinent diverses options pour réduire la volatilité de l’investissement public dans les pays de l’UEMOA grâce à des réformes macroéconomiques et de gestion des finances publiques. Dans la première étude, la volatilité se mesure par l’évolution de l’investissement public par rapport au PIB. Dans la seconde étude, elle se mesure par la proportion des projets d’investissement public inscrits dans la loi de finances initiale, mais non exécutés. Ces deux mesures de la volatilité se chevauchent largement, mais elles ne sont pas strictement identiques. Elles permettent toutes les deux de repérer les baisses d’investissement par rapport à la loi de finances et par rapport aux années précédentes. Toutefois, un choc survenu dans une année donnée peut inciter le gouvernement à revoir ses projets d’investissement à la baisse dans la loi de finances suivante tout en luttant pour préserver les projets en cours. Dans ce cas, seule la première mesure rend compte de la volatilité. 42. Dessus et coll. (2014) remarquent que l’investissement public est nettement plus sensible aux chocs économiques dans les pays de l’UEMOA que dans d’autres pays à faible revenu. Ce constat est particulièrement vrai pour les chocs négatifs, qui se traduisent généralement par une baisse importante des investissements, alors que les chocs positifs ne sont pas accompagnés d’une augmentation des investissements. Par conséquent, plus les chocs sont fréquents, plus le niveau d’investissement public est faible. L’étude observe également que la sensibilité de l’investissement public aux chocs s’est accrue depuis l’établissement des critères de convergence de l’UEMOA en 1995, encourageant les pays membres à ne pas présenter un déficit public supérieur au plafond fixé.16 Des contraintes budgétaires plus strictes semblent avoir renforcé la volatilité de l’investissement public. Vu les difficultés rencontrées pour modifier rapidement les dépenses courantes, et les options limitées de politique monétaire, la réduction des dépenses tend à affecter plus durement les investissements publics. L’étude examine diverses alternatives de politique macroéconomique susceptibles de protéger l’investissement public contre les chocs, tant au niveau national que régional. La Banque mondiale (2014) constate que les pays de l’UEMOA exécutent en moyenne moins de 60 % des 43. projets d’investissement inscrits au budget chaque année. Ce faible taux d’exécution reflète à la fois l’impact des chocs macroéconomiques et les défaillances de la gestion des finances publiques. L’évaluation médiocre et la mauvaise sélection des projets expliquent en grande partie la sous-exécution du budget d’investissement. Parfois, les considérations politiques l’emportent sur les aspects techniques et, dans d’autres cas, les faibles capacités analytiques ou l’absence de financement pour des études de faisabilité compromettent l’évaluation du projet. Des estimations inexactes du coût du projet peuvent freiner les procédures de passation des marchés, et l’absence de coordination entre les agences de planification et les agences de financement peut conduire les premières à surestimer les ressources financières disponibles pour les investissements publics. Des mécanismes inadéquats de financement des projets d’investissement public pluriannuels sur plusieurs exercices budgétaires engendrent aussi un climat d’incertitude et entravent l’exécution rapide des projets. La lourdeur des procédures de passation des marchés peut retarder l’exécution du budget et provoquer une concentration des dépenses sur les derniers mois de l’exercice fiscal. Les projets deviennent alors particulièrement vulnérables aux chocs qui se produisent durant cette période. Enfin, des prévisions inexactes de recettes et de dépenses peuvent engendrer des difficultés de trésorerie à court terme. L’étude de la Banque mondiale examine plusieurs options politiques visant à augmenter le taux de réalisation des projets d’investissement. 16 Une prolongation de cette analyse met en évidence des effets similaires pour les pays de la CEMAC, où les investissements publics sont plus sensibles aux chocs depuis 1995. Toutefois, concernant l’asymétrie des réactions aux chocs (positifs ou négatifs), les résultats ne sont pas concluants pour les pays de la CEMAC. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 27 44. Ce chapitre examine la pertinence de ces observations et recommandations pour le Tchad, le Mali et le Niger. À la différence du Tchad, le Mali et le Niger ont été couverts par ces deux études en tant que membres de l’UEMOA. Cela étant, le Tchad est également membre d’une union monétaire (la CEMAC) et il est aussi exposé à des chocs importants. Il peut donc être soumis aux mêmes exigences. Il est également probable que ces trois pays rencontrent des difficultés similaires dans la gestion de leurs investissements publics. Ainsi, la suite de ce document examinera dans un premier temps l’ampleur de la volatilité de l’investissement public dans les trois pays étudiés, ainsi que l’impact de cette volatilité sur l’économie réelle et le secteur bancaire. Dans un second temps, elle étudiera la faisabilité des recommandations des deux études à la lumière de la situation de chacun des pays concernés. Impact de la volatilité de l’investissement public sur le secteur réel Depuis 2005, le Tchad, le Mali et le Niger connaissent une forte volatilité de l’investissement public, qui s’accroît depuis 2011. Les schémas de l’investissement public ont été aussi en règle générale procycliques. Dans les trois pays, les épisodes de forte baisse des investissements publics se sont accompagnés d’un ralentissement sévère et durable des projets de construction, ainsi que d’une augmentation des ratios des prêts non performants des banques commerciales. Les politiques budgétaires des pays membres de l’UEMOA et de la CEMAC visent les critères de convergence 45. établis par leurs unions monétaires respectives pour lutter contre le déficit budgétaire et dans chaque cas, la tendance historique révèle une procyclicité marquée de l’investissement public. La procyclicité est le phénomène par lequel le PIB et l’investissement public connaissent simultanément une expansion ou, à l’inverse, une contraction. L’étude comparée de plusieurs indicateurs sur deux périodes (2007–2010 et 2011–2014) permet de mettre en relief ce phénomène (Tableau 6). On constate par exemple que le ralentissement du taux de croissance du PIB au Mali entre 2011 et 2014 s’est accompagné d’une baisse des dépenses d’investissement pour compenser l’élargissement du déficit causé par l’augmentation des dépenses courantes. Dans le même temps, au Niger, le déficit s’est creusé à cause des politiques budgétaires expansionnistes qui ont renforcé l’investissement public lorsque la croissance économique s’est accélérée. Le Tchad semble être le seul pays à utiliser les dépenses d’investissement comme mesure anticyclique pendant les périodes de faible croissance. 17 L’UEMOA et la CEMAC ont des critères de convergence primaires similaires, à savoir : (i) solde budgétaire de base >= 0 % du PIB, (ii) inflation des prix à la consommation <= 3 %, (iii) niveau de la dette publique <= 70 %. En 2014, l’UEMOA a adopté de nouveaux critères de convergence qui devraient être appliqués uniquement à partir de 2019. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 28 TABLEAU 6 : INDICATEURS BUDGÉTAIRES CHOISIS TCHAD MALI NIGER Moyenne 2007-10 2011-14 2007-10 2011-14 2007-10 2011-14 Croissance du PIB réel (%) 6,0 5,4 4,9 2,8 5,1 6,4 Part du PIB Recettes 19,3 22,0 20,5 20,5 20,8 22,2 Dépenses courantes 13,6 12,4 14,2 16,9 15,5 12,2 Dépenses d’investissement 7,6 10,4 9,4 6,6 7,1 12,8 Déficit budgétaire -1,8 -0,6 -3,1 -3,0 -1,8 -2,7 Volatilité Dépenses courantes primaires 2,1 0,7 1,0 1,5 2,6 1,2 Dépenses d’investissement 1,5 2,2 1,6 1,9 1,9 4,8 Déficit primaire 4,7 2,4 2,4 2,1 2,6 2,8 Source : Calculs des services de la Banque mondiale, à partir des données des autorités nationales. Remarque : la mesure de la volatilité correspond à la valeur absolue de l’écart par rapport à la moyenne du ratio investissement public/PIB sur la période concernée. 46. Par ailleurs, la volatilité de l’investissement a considérablement augmenté ces dernières années. Cette tendance a coïncidé avec l’augmentation du prix des matières premières (jusqu’en 2014), qui a stimulé les recettes intérieures dans les trois pays. L’accroissement constaté de la volatilité est également le résultat des chocs politiques au Niger en 2010–2011 et au Mali en 2012, qui ont entraîné d’importantes baisses puis relances des investissements publics étrangers et intérieurs. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 29 Figure 11 : Volatilité de l’investissement public (taux de croissance annuels) Source : Calculs des services de la Banque mondiale, à partir des données des autorités nationales. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 30 47. La volatilité de l’investissement public au Tchad, au Mali et au Niger affecte négativement l’économie réelle au niveau macroéconomique et sectoriel. Outre leur impact à long terme sur la croissance, les perturbations des projets d’investissement ont des répercussions négatives immédiates sur les secteurs directement impliqués dans l’exécution de ces projets. Cela inclut tout autant le secteur national du bâtiment que les banques qui préfinancent les projets de travaux publics. 48. Ce schéma est confirmé par une forte corrélation entre l’investissement public et la croissance du secteur du bâtiment. Les données de comptabilité nationale du Tchad, du Mali et du Niger révèlent que le secteur du bâtiment est fortement tributaire des dépenses publiques d’investissement. Le coefficient de corrélation simple entre les indices d’investissement public et ceux du bâtiment dépasse 66 % dans chacun des pays.18 Cette corrélation a également un effet durable, au moins sur l’exercice fiscal suivant.19 Cela suggère que, dans le secteur du bâtiment, la reprise des activités n’est pas immédiate après une période de ralentissement. En effet, lorsqu’un projet est relancé, les entreprises mettent beaucoup de temps à mobiliser les machines et la main-d’œuvre, et à finaliser les plans logistiques et les procédures de passation des marchés nécessaires au redémarrage de la construction. La détérioration de la situation financière des entreprises pendant la période de ralentissement constitue également un frein à une récupération rapide. Dans les trois pays, l’impact de la baisse des investissements publics sur les activités du bâtiment était plus prononcé que l’impact sur la reprise des investissements. Cela est visible en 2015 pour le Tchad, en 2012 pour le Mali et en 2011 pour le Niger. À l’inverse, les périodes de relance des investissements publics au Tchad (2009–2012), au Mali (2013–2014) et au Niger (2012–2014) n’ont pas engendré une accélération correspondante du PIB du bâtiment. 49. Suite aux graves sécheresses de 2004 et 2009, le Niger a connu un net ralentissement de la croissance, assorti d’une forte baisse des investissements publics et d’un effondrement des activités du bâtiment.20 Toutefois, l’allègement de la dette consenti en 2006 aux pays pauvres très endettés (PPTE) a donné aux autorités plus de latitude sur les dépenses d’investissement dans les années suivantes, suscitant une envolée des investissements dans les infrastructures. Les prix élevés du pétrole (de 2011 à fin 2014) ont permis de compenser l’impact de la troisième sécheresse majeure de la décennie, relançant encore l’investissement public et stimulant la croissance du secteur du bâtiment. Enfin, l’effondrement des prix des matières premières (fin 2014 à fin 2015) a provoqué une baisse importante des dépenses d’investissement, qui devrait avoir des répercussions négatives sur le secteur du bâtiment. Par ailleurs, l’efficacité de l’investissement public est un sujet d’inquiétude au Niger, ce qui peut expliquer une certaine faiblesse dans la corrélation entre le niveau d’investissement et les activités de construction. En moyenne, sur la période 2004– 2014, l’investissement public représente 9,2 % du PIB, alors que le secteur du bâtiment ne représente que 2,6 %. Cela peut indiquer des fuites importantes du budget d’investissement. 18 Les coefficients de corrélation ont été calculés pour la période 2005–2014. Ils ont été estimés à 88 % pour le Tchad, 66 % pour le Mali et 93 % pour le Niger. 19 Cette corrélation restait positive avec une variable décalée d’une année. Son effet semblait plus persistant au Tchad qu’au Mali. 20 Sur ces deux années, l’économie a enregistré un recul de 0,8 et 0,7 %, respectivement. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 31 Figure 12 : Investissements publics et activités de construction 400 TchadTchad Mali Mali 500 400 310 310 500 350 450 350 450 300 260 400 300 260 400 250 350 250 350 210 200 210 300 200 300 250 150 160 250 150 160 200 100 200 100 150 110 150 50 110 50 100 100 0 60 50 0 60 50 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 20 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2004 200 Investissements publics Construction Investissements publics Construction Investissements publics Construction Investissements publics Construction Niger 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 2012 2013 2014 2015 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Investissements publics Construction Construction Source : Calculs des services de la Banque mondiale, à partir des données des autorités nationales. 50. Le Mali est particulièrement vulnérable aux chocs économiques externes et aux conflits violents. L’insurrection séparatiste de 2012 a provoqué d’importants bouleversements sociaux et économiques qui ont entraîné des contractions majeures dans plusieurs secteurs économiques, dont celui du bâtiment.21 L’augmentation à l’échelle mondiale des prix des produits alimentaires en 2008 a mis en évidence la sensibilité du Mali aux conditions des marchés extérieurs. Ses marges budgétaires insuffisantes l’ont poussé à réduire ses investissements publics de 24 %, et un fort ralentissement de l’activité a été observé dans tous les secteurs économiques liés aux investissements. 51. Le Tchad souffre également d’insécurité intérieure et régionale, et sa dépendance à l’égard des recettes pétrolières exacerbe son instabilité fiscale. Les dépenses d’investissement et les activités de construction ont fortement augmenté entre 2006 et 2009, et le taux d’inflation moyen a dépassé les 8 %. Toutefois, l’éclatement des conflits entre 2008 et 2010 a porté un coup d’arrêt à cette croissance rapide, et la forte baisse des investissements publics a perturbé la croissance du secteur du bâtiment. La relance des prix des matières premières qui a suivi entre 21 Le PIB a progressé de 0,02 % seulement, tandis que le bâtiment a connu une baisse de 17,5 % en valeur réelle et que les investissements publics ont diminué de 62 %. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 32 2011 et 2013 a impulsé un nouvel essor de l’investissement public, mais les politiques fiscales procycliques ont participé à son effondrement dramatique en 2014 et 2015, au moment où les prix du pétrole ont chuté et les recettes diminué. 52. Dans chacun des pays, les secteurs financiers ont été également affectés par les fluctuations désordonnées des dépenses d’investissement. Tous les pays ont accumulé des arriérés du fait de leurs politiques d’investissement public procycliques et des dysfonctionnements de leurs systèmes de gestion des investissements publics. Les flux financiers imprévisibles n’ont pas laissé aux entreprises prestataires suffisamment de liquidités pour leur permettre de rembourser leurs prêts. Par conséquent, les banques ont été contraintes d’annuler les dettes et d’augmenter la part des prêts non performants dans leurs bilans. Dans certains cas, les banques ont été forcées d’augmenter leurs provisions, réduisant d’autant leur capacité à accorder des prêts au secteur privé. Figure 13 : Investissement public et prêts non performants (2005–2014) Tchad Tchad Mali Mali 16 16 14 14 32 32 12 12 12 12 14 14 30 30 11 11 12 12 10 10 12 12 28 28 10 10 10 10 26 26 10 10 8 8 9 9 8 8 8 8 24 24 6 6 8 8 6 6 22 22 6 6 7 7 4 4 20 20 4 4 4 4 18 18 6 6 2 2 16 16 2 2 200 2006 0 0 2 2 2005 2005 2006 2006 2007 2007 2008 2008 2009 2009 2010 2010 2011 2011 2012 2012 2013 2013 2014 2014 2015 2015 20062007 2006 20072008 2008200920092010201020112011201220122013 20132014 2015 20142015 PNPPNP (%)(%) de de - échelle - échelle droite droite PNP PNP (%) (%) Investissement Investissement (% (% public public dudu PIB) PIB) - échelle - échelle de de gauche gauche Investissement Investissement (% (% public public dudu PIB) PIB) - échelle - échelle de de gauche gauche Niger 12 12 18 11 16 10 14 10 12 8 9 10 8 8 6 6 7 4 4 6 2 2 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2013 2014 2015 PNP (%) - échelle de droite - échelle de gauche Investissement public (% du PIB) - échelle de gauche Source : Calculs des services de la Banque mondiale, à partir des données des autorités nationales. 53. Les données sur les prêts non performants et l’investissement public présentées dans la Figure 13 confirment le constat suivant : les prêts non performants tendent à augmenter dans le sillage des baisses de dépenses d’investissement. Les coefficients de corrélation pour le Tchad, le Mali et le Niger ont été estimés respectivement à -56 %, -46 % et -73 %. Ces chiffres indiquent clairement que les répercussions négatives de la volatilité des investissements publics ne se limitent pas au secteur du bâtiment : elles touchent plus largement les marchés financiers intérieurs et l’économie dans son ensemble. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 33 Options possibles pour réduire la volatilité de l’investissement public L’introduction d’une ligne budgétaire pour imprévus clairement définie et une meilleure prévision des recettes peuvent constituer un premier jalon décisif vers la réduction de la volatilité de l’investissement public face aux chocs macroéconomiques au Tchad, au Mali et au Niger. Au sein de l’UEMOA, ce procédé peut être complété par de simples mécanismes régionaux de partage des risques, tandis que dans la CEMAC, des mécanismes de couverture peuvent s’avérer plus efficaces. Au Mali et au Niger, les cadres institutionnels récemment adoptés pour la sélection indépendante et centralisée de projets doivent être pleinement mis en œuvre, tandis qu’au Tchad, un cadre similaire doit encore être adopté. 54. De nombreuses options politiques peuvent contribuer à réduire la volatilité de l’investissement public au Tchad, au Mali et au Niger. Cela va des politiques macroéconomiques nationales et régionales à des améliorations systémiques de la gestion des finances publiques. Les paragraphes suivants examinent ces options et leur faisabilité en fonction des spécificités de chaque pays. Élaboration de mécanismes d’épargne. Eu égard à la variabilité inhérente des afflux de recettes, il convient 55. d’accumuler de l’épargne en prévision des déficits potentiels pour garantir la stabilité du budget d’investissement sur le long terme. Plusieurs mécanismes permettent d’y parvenir. Ligne pour imprévus. Les gouvernements peuvent recourir à une ligne budgétaire annuelle qui deviendrait active dans certaines circonstances prédéterminées, notamment des catastrophes naturelles, une crise sécuritaire ou la dégradation des termes de l’échange. Ces conditions devront être définies précisément dans la législation budgétaire. Si elles ne se concrétisent pas, les fonds non dépensés peuvent être réaffectés au financement de la même ligne budgétaire au cours de l’exercice suivant. Fonds de stabilisation. Le Tchad, le Mali et le Niger sont tous des pays riches en ressources naturelles. La volatilité des revenus issus des matières premières se traduit donc directement par une volatilité de l’investissement. Le fonds de stabilisation permettrait à ces pays d’épargner l’excédent de revenus issus des matières premières et de lisser les dépenses sur le long terme. Les fonds de stabilisation nécessitent de définir des règles précises tant pour le dépôt des excédents de revenus—lorsque le cours des matières premières (ou les recettes globales) dépasse le prix (ou le niveau de revenus) de référence—que pour le retrait des fonds, lorsque les cours (ou les revenus) tombent sous un certain seuil. Un certain nombre de pays—du Ghana au Chili en passant par la Norvège—ont créé des fonds de stabilisation. L’expérience internationale prouve que la formule utilisée ne doit pas trop dépendre des précédentes tendances de prix, tout en intégrant également des prévisions de prix futurs. Un fonds de stabilisation efficace exige donc une forte capacité de prévision des prix. Par ailleurs, ces fonds fonctionnent souvent mieux lorsqu’ils sont gérés par un comité technocratique indépendant qui détermine quand les seuils ont été dépassés et garantit la transparence. Inversement, l’ingérence politique peut conduire à une mauvaise utilisation de ces fonds. Stabilisateurs budgétaires automatiques. Le respect impératif des critères de convergence de l’UEMOA et de la CEMAC peut inhiber l’utilisation de stimulations contre-cycliques en imposant une limite aux déficits budgétaires primaires. Bien que ces critères puissent améliorer la discipline budgétaire, ils tendent à favoriser des dépenses procycliques, car, en cas de revenus élevés, ils n’encouragent pas à la modération. De plus, l’exclusion des dépenses THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 34 financées par l’accumulation de dette étrangère ne renforce pas la viabilité de la dette extérieure.22 Les règles budgétaires fondées sur le déficit structurel peuvent permettre de résoudre les problèmes de procyclicité, bien que cela suppose de distinguer précisément les revenus réels des revenus potentiels à long terme. Une méthode plus simple consiste à exclure les investissements publics de l’objectif de déficit, conformément à la fameuse « règle d’or » de la gestion de l’investissement public. 56. Dans l’environnement actuel, ces trois pays peuvent souhaiter privilégier l’introduction de lignes budgétaires pour imprévus fondées sur des règles simples et transparentes. Sur le long terme, le renforcement des capacités de prévision des recettes facilitera les efforts de lissage des dépenses d’investissement. Pour créer des fonds de stabilisation, il faudra redoubler d’efforts afin de renforcer les compétences et de mettre en place de nouvelles institutions. Tout pays qui a créé un fonds de stabilisation serait également confronté à la difficulté immédiate de le capitaliser alors que les cours des matières premières sont actuellement bas. Quelle que soit la méthode utilisée pour accumuler de l’épargne, les décideurs se heurteront à de fortes pressions politiques pour dépenser ces ressources immédiatement, indépendamment du fait que les conditions de décaissement sont satisfaites. Des débats au Parlement seraient nécessaires pour s’accorder sur la nécessité d’utiliser l’épargne fiscale afin de protéger l’investissement public et accroître sa qualité. Les critères de convergence de l’UEMOA et de la CEMAC devront être révisés pour permettre un meilleur usage des stabilisateurs budgétaires automatiques. En 2015, les nouveaux critères de convergence ont été validés à l’UEMOA après trois années de débats. 57. L’adoption de règles budgétaires contre-cycliques peut nécessiter une plus grande capacité à évaluer les cycles économiques et prévoir les PIB et revenus potentiels à long terme. Au Niger et au Tchad, les différentes sources et utilisations de ressources pétrolières devront être consolidées pour affiner les prévisions. Les prévisions des recettes du Mali sont généralement solides, mais la distinction entre les chocs temporaires (notamment les fluctuations de l’aide au développement officielle) et les vulnérabilités structurelles (dont le cours des matières premières et les mauvaises conditions climatiques) constitue un défi permanent. 58. Développer des mécanismes d’assurance et de partage des risques. Les gouvernements peuvent également s’assurer contre les risques identifiés à même de mettre en péril les revenus d’exportation, ou nécessiter des dépenses supplémentaires et, au sein des unions monétaires, participer aux mécanismes de partage des risques. Mécanismes de couverture. Les mécanismes de couverture peuvent garantir une continuité des financements en cas de catastrophes naturelles ou de chute des cours des matières premières. L’utilisation de ces instruments nécessite toutefois une capacité institutionnelle importante et les pays doivent être suffisamment attractifs aux yeux des créanciers potentiels. Les problèmes de capacité et de solvabilité pourraient devenir gérables s’ils sont délégués aux banques centrales des unions. Mécanismes de partage des risques. Les mécanismes de partage des risques peuvent atténuer l’impact des chocs asymétriques23 sur une union monétaire et réduire les provisions nécessaires à chaque membre pour protéger son budget d’investissement. L’option la plus extrême consisterait à établir un budget centralisé géré par 22 Le critère de convergence qui détermine le plafonnement du ratio dette extérieure/PIB corrige en partie cet inconvénient. Néanmoins, cet effet reste partiel puisqu’il ne tient pas compte du profil du service de la dette ou des perspectives budgétaires globales. 23 Il s’agit de chocs à la fois positifs et négatifs qui affectent plusieurs États membres. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 35 l’union monétaire, laquelle pourrait ajuster les transferts nets aux États membres en fonction de la nature et de l’ampleur des chocs économiques.24 Une alternative plus modeste serait la mutualisation des ressources dans un fonds de solidarité, avec la possibilité d’effectuer des retraits pour les États membres ayant subi un choc. Dans ce cas, le principal défi consisterait à résoudre le risque d’aléa moral en exigeant de vérifier que les chocs budgétaires concernés sont exogènes et qu’ils ne résultent pas d’une mesure délibérée de politique intérieure. Des incitations seraient également nécessaires pour garantir que le fonds de solidarité ne sape pas la discipline budgétaire parmi les États membres. 59. Compte tenu des caractéristiques différentes de la CEMAC et de l’UEMOA, les décideurs peuvent souhaiter explorer des options différentes pour chaque union monétaire. Dans l’UEMOA, les disparités entre les conditions géographiques et les sources de revenus des États membres rendent les chocs très asymétriques. Comme en témoignent des mécanismes sophistiqués tels que le fonds régional d’investissement, des capacités de coordination solides fournissent un environnement plus favorable à l’exploration de possibilités de développement de mécanismes de partage des risques. En revanche, les pays de la CEMAC sont moins exposés aux chocs asymétriques, car ils dépendent tous lourdement des revenus pétroliers. Dans ce contexte, l’élaboration de mécanismes de couverture contre les fluctuations du cours pétrolier peut constituer une stratégie plus adaptée. 60. Renforcer la gestion de l’investissement public. Le renforcement de la gestion de l’investissement public peut réduire sa volatilité, en particulier aux étapes d’évaluation et de mise en œuvre.25 L’amélioration de la gestion de trésorerie et l’introduction de mécanismes budgétaires pour des projets pluriannuels peuvent également contribuer à lisser les dépenses d’investissement. Évaluation. Une évaluation indépendante et techniquement solide est certainement indispensable pour identifier les projets à forte rentabilité, en s’appuyant sur une analyse des coûts-bénéfices. Cette identification des projets et leur classement par rentabilité se révéleront certainement utiles pour privilégier les bons projets d’investissement en cas d’écart par rapport aux ressources prévues (à condition que les ressources disponibles aient été bien anticipées à l’origine). Mais il sera également déterminant d’accélérer le processus de passation des marchés en s’appuyant sur une bonne identification de la capacité du marché d’approvisionnement à générer les résultats escomptés en termes de temps, de coût et de qualité, évitant ainsi de reprendre à zéro le processus de passation des marchés si les appels d’offres sont très différents des coûts pré-identifiés des projets. Passation des marchés. La réduction des délais contribuera également à réduire la surconcentration des dépenses au cours des derniers mois de l’exercice fiscal, ce qui constitue aujourd’hui un grand facteur de volatilité de l’investissement. La synchronisation du démarrage du processus d’appel d’offres avec la soumission du budget au Parlement peut également faciliter un démarrage plus précoce de l’exécution des projets au cours de l’exercice fiscal, tout comme la réduction du nombre de contrôles ex ante. 24 Basdevant et coll. (2015) suggèrent qu’un système simple, automatique et non régressif de transferts temporaires—financés par une contribution relativement faible de l’ordre de ¾ à 1¼ % du PIB—réduirait la part de risque asymétrique non couvert de 75 à 20 %. Le fonds serait financé par les recettes fiscales des membres de l’UEMOA et les ressources seraient transférées aux pays qui ont subi des chocs négatifs. Les transferts seraient proportionnels à : (i) l’étendue du choc, (ii) la taille relative de l’économie du bénéficiaire et (iii) les ressources annuelles accumulées dans le fonds. 25 Voir Rajaram et coll. (2010) pour un débat plus complet sur les différentes étapes de la gestion de l’investissement public. L’analyse présentée dans ce chapitre se concentre sur les étapes qui ont les implications les plus directes en matière de volatilité de l’investissement public. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 36 Gestion de trésorerie. Une gestion efficace de la trésorerie implique que tous les organismes gérant des fonds élaborent des programmes de dépenses hebdomadaires ou mensuels réalistes, mais aussi une prévision fiable des financements disponibles. Une bonne anticipation des dépenses et des financements permet à la trésorerie de recourir à des emprunts à court terme pour financer les manques au lieu de retarder l’exécution des investissements. Budgétisation pluriannuelle des projets. Au niveau du projet, la budgétisation pluriannuelle permet de reporter automatiquement les ressources, plutôt que de les reconfirmer dans chaque budget annuel, réduisant les incertitudes politiques et améliorant la prévisibilité budgétaire. 61. Ces dernières années, le Mali et le Niger ont lancé d’importantes réformes de la gestion des finances publiques en vue d’améliorer la sélection des projets et d’accélérer les cycles de passation des marchés. Au Mali, tous les projets d’investissement public sont examinés par un comité de sélection et leur intégration au Plan public d’investissement triennal est basée sur des critères prédéterminés. Le gouvernement malien a également introduit récemment une ligne budgétaire pour subventionner les études de faisabilité des projets financés sur ressources intérieures. Le Niger a mis en œuvre des réformes similaires du cadre institutionnel pour la sélection de projets. Les deux pays ont adopté des codes des marchés publics destinés à réduire les délais et à lisser la mise en œuvre des projets sur l’exercice fiscal. Le Tchad a également mis en œuvre un nouveau code des marchés publics, mais le processus de sélection des projets manque toujours de critères clairs et d’un mécanisme d’évaluation indépendant. 62. La gestion de trésorerie reste un défi majeur dans les trois pays, car elle affecte directement la capacité des gouvernements à mettre en œuvre rapidement et efficacement des programmes d’investissement. Si chaque pays a bien avancé dans la réforme des procédures de trésorerie, il reste encore beaucoup à faire. Au Niger, un audit récent de la gestion des finances publiques, y compris de la gestion de trésorerie, a révélé que les procédures de préparation des plans de trésorerie, des programmes d’engagement globaux, des programmes d’engagement sectoriels et des programmes de passation des marchés n’étaient pas convenablement respectées, entraînant des retards de paiement. Au Mali, le gouvernement a pris des mesures pour améliorer la gestion de trésorerie en créant en 2014 un compte de trésorerie unique et en adoptant une directive formelle définissant les procédures d’urgence en matière de dépenses extrabudgétaires. Au Tchad, l’utilisation de systèmes de paiement informatisés a amélioré la performance du Département du Trésor en réduisant les délais de paiement et en améliorant l’archivage des données. 63. Ces trois pays doivent envisager l’adoption de processus formels de budgétisation pluriannuels pour les projets individuels. Une directive de l’UEMOA datant de 2009 appelle à l’adoption de systèmes de budgétisation pluriannuels à partir de janvier 2017. Le cadre de la CEMAC pour la gestion des finances publiques n’intègre pas cet objectif de budgétisation pluriannuelle. Cependant, chaque pays doit envisager la mise en œuvre de mesures pour garantir le financement des projets sur des cycles budgétaires multiples afin de lisser leur exécution lorsque la réalisation s’échelonne sur plusieurs années. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 37 64. Les mesures proposées dans les paragraphes précédents en vue de réduire la volatilité de l’investissement public doivent incontestablement être accompagnées d’actions visant à réduire l’ampleur et la fréquence des chocs à l’origine de cette volatilité. Les efforts visant à encourager la diversification économique et les sources de recettes fiscales associées26 peuvent réduire l’exposition des pays à la volatilité des cours d’une seule matière première. Une meilleure gouvernance et une réforme des secteurs de la sécurité peuvent contribuer à réduire la fragilité et l’occurrence des chocs sécuritaires. L’adaptation au changement climatique réduit l’impact de ce changement sur les moyens de subsistance des populations. L’intégration régionale et les efforts de coopération rendent plus efficace la réponse des pays à ces chocs. L’intégration économique, en particulier, renforce l’efficacité de la politique monétaire en améliorant la symétrie entre les cycles et les chocs économiques dans tous les pays. Dans le même temps, l’obtention de résultats dans ces domaines repose en grande partie sur des programmes d’investissement public effectifs et efficaces. C’est notamment le cas de la diversification, l’adaptation et l’intégration régionale, qui nécessitent des infrastructures spécifiques actuellement inexistantes. Dans une certaine mesure, on peut défendre le point de vue selon lequel les mesures de réduction de la volatilité de l’investissement public sont des conditions préalables à des investissements élevés et durables dans les infrastructures des trois pays concernés.   26 Un usage accru des partenariats public-privé, dans la mesure où les passifs éventuels et explicites sont bien compris et ne sont pas corrélés aux chocs qui affectent les recettes publiques, pourrait également contribuer à protéger l’investissement public des fluctuations de revenus des gouvernements. THÈME SPÉCIAL : PROTECTION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC CONTRE LES CHOCS 38 Gestion macroéconomique de la réduction de la pauvreté : TCHAD, MALI, NIGER PRINTEMPS 2016 Références bibliographiques Banque mondiale (2014). Boosting Capital Budget Execution Fonds monétaire international (2015a). UOMEA – Rapport des in WAEMU Member States for Development Impact, avril, services du FMI sur les politiques communes des États Washington DC. membres, mars, Washington DC. Banque mondiale (2015a). République du Mali : Priorités pour Fonds monétaire international (2015b). CEMAC – Rapport des éradiquer la pauvreté et stimuler la prospérité partagée, services du FMI sur les politiques communes des États Rapport n° 94191-ML, juin, Washington DC. membres, août, Washington DC. Banque mondiale (2015b). République du Tchad : Priorités pour Fund for Peace (2015). Index de fragilité 2015, Washington DC. éradiquer la pauvreté et stimuler la prospérité partagée, Gupta, S., A. Kangur, C. Papageorgiou et A. Wane (2014). Efficiency- Rapport n° 96537-TD, septembre, Washington DC. Adjusted Public Capital and Growth, World Development, Vol. 57, Basdevant, O., P. Imam, T. Kinda, H. Nguyen et A. Zdzienicka (2015). pp. 164–178. Strengthening the West African Economic Monetary Union : Indicateurs du développement dans le monde, http://data. The Role of Fiscal and Market Institutions in Economic worldbank.org/data-catalog/world-development-indicators, Stabilization, Département Afrique du Fonds monétaire consulté en janvier 2016. international, avril, Washington DC. Open Budget Index, http://www.openbudgetindex.org, consulté Bulir A. et J. Hamann (2008). Volatilité de l’aide au développement : en janvier 2016. de mal en pis ?, World Development, Vol. 36, pp. 2048–2066. Pallage S., et M. Robe (2001). Foreign Aid and the Business Cycle, Conférence des Nations unies sur le commerce et le Review of International Economics, 9(4), pp.641–672, 2001. développement, http://unctadstat.unctad.org/wds/TableViewer/ tableView.aspx? ReportId=120, consulté en janvier 2016. Rajaram, A., T. Minh Le, N. Biletska, Jim Brumby (2010). A Diagnostic Framework for Assessing Public Investment Dessus, S., J. Diaz-Sanchez et A. Varoudakis (2014). Fiscal Rules Management, Document de travail de recherche sur les politiques and the Procyclicality of Public Investment in the West n° 5397, Banque mondiale, Washington DC. African Economic and Monetary Union, Journal of International Development, publié en ligne sur la Wiley Online Library Ricardo Fenochietto et Carola Pessino. Understanding Countries’ (wileyonlinelibrary.com) DOI: 10.1002/jid.3047 Tax Effort, Document de travail 13/244 du FMI (2013), Washington DC. Economist Intelligence Unit (2015). Indice global de sécurité alimentaire 2015, Londres. Warner, A. (2014). Public Investment as an Engine of Growth, Document de travail 14/148, Fonds monétaire international, Fonds monétaire international (2014). Tchad – Consultations Washington DC. de 2013 au titre de l’Article IV et évaluation des résultats enregistrés dans le cadre du programme de référence, Rapport des services, février, Washington DC. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 39