BANQUE MONDIALE 20924 1A CROISSANCE S^s # De Boeck Université QUALITÉ DE LACROISSANCE BANQUE MONDIALE QUALITÉ DE LACROISSANCE Vinod Thomas, Mansoor Dailami, Ashok Dhareshwar, Daniel Kaufmann, Nalin Kishor, Ramôn Lôpez, Yan Wang Traduit de l'anglais Révision scientifique par Olivier Ferrier, maître de conférences en économie et consultant De Boeck ZH Université The Quality ofGrowth Copyright © 2000 by The International Bank for Reconstruction and Development/The World Bank Qualité de la croissance Copyright © 2002 by The International Bank for Reconstruction and Development/The World Bank 1818 H Street, N.W., Washington, D.C. 20433, U.S.A. This work was originally published by the World Bank in English as The Quality of Growth in 2000. This French language édition is not an officiai World Bank translation. The World Bank does not guarantee the accuracy of the licensed work and accepts no responsibility whatsoever for any conséquence of its interprétation or use. L'édition originale de cet ouvrage a été publiée en anglais, en 2000, par la Banque mondiale sous le titre The Quality of Growth. Cette édition française ne constitue pas une traduction officielle de la Banque mondiale. La Banque mondiale a autorisé cette traduction mais ne peut en garantir la fidélité ni accepter d'endosser une quelconque responsabilité relevant de son interprétation ou de son utilisation. Les constatations, interprétations et conclusions exprimées dans cette étude appartiennent à l'auteur et ne peuvent en aucun cas être attribuées à la Banque mondiale, à des organismes qui y sont liés, ou encore à des membres de son Conseil de direction ou aux pays qu'ils représentent. Illustration de couverture : L'avenir : Clair ou sombre ? par Maja Sasek, 12 ans, Skopje, Macédoine (ancienne république de Yougoslavie). L'avenir est une chance qu'il faut saisir. C'est une création et chacun en a sa propre vision. Il prendra l'aspect que nous lui donnerons. Maja Sasek Plus de 5000 enfants et étudiants d'Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Bulgarie, de Macédoine (ancienne république de Yougoslavie) et de Roumanie ont participé à un concours d'art et de rédaction sur leur vision de l'avenir pour eux-mêmes, leurs villes, leurs pays et leurs régions. Une sélection de leurs peintures a figuré dans une exposition intitulée «Les Enfants regardent à l'Horizon», organisée à la Banque mondiale à Washington D.C. en avril 1999, à Vienne en septembre 1999 et à Florence en octobre 1999. Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : http://www.deboeck.be © De Boeck & Larder s.a., 2002 1" édition Éditions De Boeck Université rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles Pour la traduction et l'adaptation française Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Imprimé en Belgique Dépôt légal : 2002/0074/123 ISBN 2-8041-3844-5 Avant-propos Les raisons ne manquent pas de pavoiser à l'aube de ce nouveau millé naire. Un enfant né aujourd'hui dans un pays en développement peut espérer vivre vingt-cinq ans de plus et jouir d'une meilleure santé et d'une meilleure éducation qu'un enfant né il y a cinquante ans, tout en assurant une meilleure productivité. L'essor de la démocratie a conféré de nouvelles libertés et des opportunités sans précédent à de nombreu ses personnes sur toute la surface du globe. Et la révolution des commu nications tient ses promesses concernant l'accès universel au savoir. Mais un regard plus attentif sur la situation ne saurait laisser échap per certaines sources d'inquiétude. Dans les pays en développement, à l'exception de la Chine, au moins 100 millions de personnes de plus qu'il y a dix ans vivent dans la pauvreté. Et l'écart entre les riches et les pau vres ne cesse de s'accroître. Dans de nombreux pays, le fléau du SIDA réduit cruellement l'espérance de vie (cette réduction atteignant même dix ans dans certains pays d'Afrique). Plus d'un milliard d'êtres humains n'ont toujours pas accès à une source sûre d'approvisionnement en eau, si bien que 32,4 millions d'enfants meurent annuellement de maladies d'origine hydrique. Un milliard de personnes est entré dans le 21e siècle sans savoir lire ou écrire. Près d'1,8 million de personnes meurt chaque année de la pollution atmosphérique dans les seules régions rurales. Les forêts sont détruites au rythme d'un demi-hectare par seconde, ce qui provoque des ravages inimaginables sur la biodiversité. Ces divers exemples illustrent nos carences : malgré la prospérité de quelques-uns, la qualité de la vie est demeurée médiocre pour le plus ANCE grand nombre. Alors que certains pays viennent de connaître deux décennies de croissance économique rapide, d'autres n'ont pas bénéficié d'une telle manne. Dans de nombreux endroits, les politiques adoptées ont favorisé les intérêts personnels de l'élite sans promouvoir les investissements adéquats dans les ressources humaines et naturelles : un ingrédient indispensable à une croissance à grande échelle. La qualité des facteurs contribuant à la croissance requiert beaucoup d'attention si l'on désire réduire la pauvreté et améliorer la qualité de la vie de tous. Tel est le thème central du présent rapport. Une meilleure qualité de vie pour les pauvres appelle une augmenta tion des revenus : un objectif qui ne peut être atteint que sur la base de politiques économiques et d'institutions à la fois solides et propices à une croissance soutenue. Assurer des revenus plus élevés et une meilleure qualité de vie au plus grand nombre requiert bien davantage : des chances accrues et plus équitables de recevoir une éducation, de trouver un emploi, de bénéficier de meilleurs soins de santé et d'une meilleure alimentation, de vivre dans un environnement plus propre, de bénéficier d'un système juridique et judiciaire impartial et de jouir de libertés civiles et politiques accrues, ainsi que d'institutions dignes de confiance et transparentes et d'une vie culturelle riche et diversifiée. Le récent ouvrage de la Banque mondiale intitulé Voices ofthe Poor : Can Anyone Hear Us ? renforce ce message. Les femmes et les hommes démunis de par le monde ont nettement fait ressortir l'importance que revêtaient à leurs yeux, en plus du bien-être matériel, les questions de la dignité, du respect, de la sécurité, de la problématique hommes-fem mes, de l'environnement, de la santé et de l'insertion sociale. Les revenus par tête augmentant, plusieurs aspects de la qualité de vie progressent également, mais pas tous, pas au même rythme et pas de manière inéluctable. Dans différents pays, le même espace de crois sance économique est associé à des degrés très divers de progrès dans le temps en matière d'éducation, de santé, de libertés civiles, de partici pation des citoyens aux décisions affectant leur vie, de lutte contre la corruption et de qualité de l'environnement. Le présent rapport démontre que la manière dont la croissance est générée, ainsi que sa durabilité, revêtent une importance cruciale pour la qualité de vie de chacun. La stratégie de la Banque mondiale consiste à concevoir et à évaluer ses activités en privilégiant la réduction de la pauvreté : une vision ins pirant le Comprehensive Development Framework (cadre pour un développement complet) que nous avons lancé dans les pays où nous oeuvrons. Ce programme encourage les pays à adopter une approche équilibrée en matière de développement et à tenter d'augmenter simul tanément ses dimensions humaine, sociale, naturelle et physique. Ce n'est qu'à ce prix que les fruits du développement seront largement par- tagés et durables. En alignant ces dimensions complémentaires, le cadre intégré essaie également de réunir les acteurs-clés du développement. Il place sur un pied d'égalité la responsabilité des institutions, des gou vernants et des entreprises, ainsi que les questions d'intégration, de liberté d'expression et de participation, d'une part, et les contraintes inhérentes à l'économie conventionnelle et à la formulation d'une politi que, d'autre part. En s'attaquant simultanément à ces questions connexes, le cadre fait ressortir le besoin d'une direction, ainsi que d'un partenariat en matière de développement entre le gouvernement, le secteur privé, la société civile et la communauté internationale. Nous sommes résolus à soutenir ce cadre non seulement financièrement mais aussi à l'aide de program mes éducatifs et d'apprentissage reposant sur des données, des jeux d'outils et des méthodologies, et exploitant les techniques d'information et de communication les plus récentes. De fait, lors de mes déplacements sur tous les continents, je rencon tre constamment des personnes - que ce soit dans les villages ruraux ou les centres urbains surpeuplés - pour me rappeler que la qualité de vie est plus importante à leurs yeux qu'une aide uniquement financière. Cette qualité passe par l'accès des jeunes des deux sexes à l'éducation puis à un travail. Elle passe par l'accès de la population rurale pauvre à la médecine de base dans le dispensaire local. Elle passe par un air et une eau purs et par la protection de la précieuse biodiversité. Elle passe par la dignité éventuellement conférée aux plus démunis et par leur sécurité. Elle passe par la participation du peuple, aux côtés des réfor mateurs du gouvernement, à la mise en oeuvre d'un programme de lutte anticorruption. Elle passe par la lutte contre les intérêts égoïstes d'une élite économique exerçant une influence disproportionnée sur la politi que, la réglementation et la législation de l'État, qu'il lui arrive parfois même d'acheter. Le présent ouvrage représente un plaidoyer en faveur de la prise en compte de ces facteurs politiques et institutionnels dans le cadre d'une appropriation du processus de développement par les intéressés et de leur participation à l'entreprise commune. Il démontre qu'en investis sant dans les ressources humaines, en préservant les ressources natu relles, en gérant les risques et en améliorant les méthodes de gouvernement, il est possible de générer une croissance qualitative. C'est précisément ce type de croissance qui est le mieux à même de favoriser la réduction de la pauvreté, un développement durable respec tant l'environnement et lajustice sociale, ainsi qu'une amélioration de la qualité de la vie pour tous. James D. WOLFENSOHN Président du groupe Banque mondiale V Les années 1990 - qui marquèrent la fin d'un siècle et d'un millénaire - furent une période d'inventaire des progrès en matière de développe ment. Diverses études réexaminèrent et évaluèrent certains dogmes fondamentaux du développement. On réaffirma le rôle crucial de la croissance économique durable dans la réduction de la pauvreté. Et les résultats en matière de développement confirmèrent l'efficacité de cer taines réformes dans le maintien de la croissance, à la fois dans les pays en développement et dans les pays industrialisés : investir davantage et plus efficacement dans l'éducation et la santé, réduire les barrières au commerce et aux investissements, mettre fin au contrôle des prix domestiques dans l'agriculture et l'industrie et réduire les déficits fis caux. Une efficacité qui ne fut même pas remise en question par les fluc tuations économiques enregistrées au cours de cette décennie. Les études révélèrent aussi de graves lacunes. Les politiques natio nales mises en place, de même que les conseils, les conditions et les financements accordés par des entités externes, n'accordèrent pas une attention suffisante à la qualité et à la durabilité de la croissance. Sans cette approche, cependant, il est impossible de tirer tout le parti possi ble des réformes appliquées. Les études dévoilèrent aussi une évolution profonde des mentalités dans le domaine du développement au cours des cinquante dernières années, dans la mesure où nous comprenons désormais mieux les pro cessus concernés grâce à l'expérience acquise. Certes, les interpréta tions sont loin d'être unanimes. Par exemple, certains n'ont vu dans le ANCE « consensus de Washington » qu'un programme politique favorisant la libéralisation des marchés. D'autres ont interprété plus largement l'approche, conforme aux lois du marché, du Rapport sur le dévelop- pement dans le monde 1991 dans lequel ils voient un document prô nant à la fois la libéralisation et le renforcement du rôle de l'État et des autres parties intéressées. En dépit de ces divergences d'interprétation, les conclusions con courent à dégager un certain nombre d'enseignements à propos de la complémentarité et de l'équilibre entre les politiques et les institutions. Des marchés en état de fonctionnement et une libéralisation sont indis pensables. Il est cependant tout aussi important de reconnaître les limi tes du marché et le rôle essentiel des gouvernements et autres parties intéressées dans le processus de réforme. Les espoirs fondés sur l'expérience ne sont pas toujours confirmés. Certames études anciennes prédisaient le succès de pays dotés de gran des richesses naturelles tels que le Myanmar, les Philippines ou certains pays africains, et le déclin économique de pays dépourvus de ces riches ses comme la République de Corée ou Singapour. Les espoirs d'un déve loppement rapide, par la libéralisation du marché, dans les économies de transition ne se sont pas concrétisés. Et, dans les années 1980, le ralentissement de la croissance de la productivité dans les économies industrielles d'Amérique du Nord et d'Europe contrastait avec le succès marqué du Japon, ce qui incita à une révision du paradigme de la crois sance. La réalité mit parfois fin aux espoirs, en raison de changements dans la conjoncture globale et locale qui réduisirent l'impact des actions et contraignirent les gouvernements à réviser leurs priorités. « L'industrie lourde d'abord » semblait la panacée universelle au tournant du 19e siècle, tout comme les technologies de l'information semblent être la clé du succès en ce début de siècle. En outre, la libéralisation des mar chés à laquelle on a assisté au cours des dernières décennies a parfois produit des résultats décevants qui mettent en relief l'importance des institutions chargées de veiller au bon fonctionnement desdits marchés. Le présent rapport s'inscrit dans l'esprit de remise en cause et de vérification continuelles inhérent à toute réflexion profonde sur le déve loppement. Il s'adresse aux responsables de l'élaboration des politiques, aux spécialistes et aux autres parties intéressées des pays industrialisés ou en développement. Il réaffirme la contribution cruciale des politiques favorables au marché et met en valeur des lacunes graves ainsi que de nouvelles preuves. Loin de prétendre à un examen exhaustif des problè mes liés au développement, le livre aborde certaines questions qui sont souvent sous-estimées dans la préparation des actions : la répartition des chances (surtout en matière d'éducation), la durabilité de l'environ nement, la gestion des risques, la gouvernance et la lutte contre la corruption. Les auteurs se sont volontairement abstenus d'aborder des sujets aussi importants que l'économie politique du changement, l'influence de l'instabilité sociale, les conséquences des maladies trans- missibles telles que le HIV/sida, ou l'impact des problèmes transfrontiè res et globaux : pression démographique, travailleurs émigrés, réchauffement de la planète, migrations de main-d'oeuvre, technologie de l'information et mondialisation des marchés commerciaux et finan ciers. Le présent rapport est le produit du travail d'une équipe du World Bank Institute réalisé grâce à une bourse de recherche octroyée par la Banque mondiale comme contribution au financement du matériel pédagogique d'un cours consacré au développement et comme base de connaissance dans le cadre de la préparation des rapports World Deve lopment Report 1999/2000 : Entering the 21st Century et World Deve lopment Report 2000/2001 : Attacking Poverty. Il s'inspire d'un discours liminaire, suivi d'un débat, qui fut prononcé par Stanley Fischer lors de la conférence annuelle de la Banque mondiale sur l'économie du déve loppement tenue en 1998. L'équipe bénéficia des remarques de nom breuses personnes à l'intérieur et à l'extérieur de la Banque. Nous tenons tout spécialement à remercier celles qui nous ont fait part de leurs suggestions sur le contenu du livre : Nancy Birdsall, Paul Collier, Eduardo Doryan, Ravi Kanbur, Mats Karlsson, Gautam Kaji, Rung Kaewdang, Vijay Kelkar, Mohsin Khan, Aart Kray, Nora Lustig, Rakesh Mohan, Mohamed Muhsin, Robert Picciotto, Jan Piercy, Jo Ritzen, Lyn Squire, T. N. Srinivasan, Nicholas Stern, Thomas Sterner, Joseph Sti- glitz, Anand Swamy, Shahid Yusuf, Shengman Zhang et l'équipe du World Development Report 2000/2001 (rapport sur le développement dans le monde 2000/2001). Les auteurs remercient les personnes suivantes pour leur apport : Montek Ahluwahlia, Jane Armitage, Kaushik Basu, Surjit Bhalla, Jan Bojo, Deepak Bhattasali, Gérard Caprio, Shaohua Chen, Kevin Cleaver, Maureen Cropper, Monica Dasgupta, Shanta Devarajan, Ishac Diwan, David Dollar, William Easterly, Gershon Feder, Andrew Feltenstein, Deon Filmer, Pablo Guerrero, Cielito Habito, Kirk Hamilton, Jeffrey Hammer, Joseph Ingram, Farrukh Iqbal, Ramachandra Jammi, Emma nuel Jimenez, Mary Judd, Philip E. Keefer, Homi Kharas, Elizabeth M. King, Kathie Krumm, Ashok Lahiri, Kyung Tae Lee, Andres Liebenthal, Magda Lovei, Muthukumara Mani, Michèle de Nevers, David Nepomu- ceno, Jostein Nygard, Michael Pomerleano, Tanaporn Poshyananda, Lant Pritchett, Martin Ravallion, David Reed, Neil Roger, William Shaw, Mary Shirley, Ammar Siamwalla, Hadi Soesastro, T. G. Srinivasan, Tara Vishwanath, Christina Wood, Michael Woolcock, Roberto Zagha, ainsi que les animateurs et les participants des séminaires organisés lors des réunions annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque QUALITÉ DE LA CROISSANCE mondiale, le Conseil national de recherche en économie appliquée (Inde), le Forum asiatique du développement (Singapour), l'Institut thaïlandais de recherche sur le développement, ainsi qu'une présen tation réalisée dans le cadre de la conférence du Fonds monétaire international sur les réformes. Plusieurs départements de la Banque mondiale ont participé à la révision du manuscrit. L'équipe de rédaction Ce travail a été réalisé par une équipe de la Banque mondiale dirigée par Vinod Thomas et composée de Mansoor Dailami (chapitre 5), Ashok Dhareshwar (chapitre 1), Daniel Kaufmann (chapitre 6), Nalin Kishor (chapitre 4), Ramôn E. Lôpez (chapitre 2) et Yan Wang (chapitre 3 et direction des travaux). L'équipe a bénéficié dans ses recherches de l'aide de Cary Anne Cadman, Xibo Fan et John Van Dyck. Taji Anderson, Alice Faria et Jae Shin Yang ont aussi apporté leur soutien. Bruce Ross- Larson et Meta de Coquereaumont, de Communications Development Incorporated et International Communications, Inc. (ICI) de Sterling (Virginie), ont révisé le manuscrit à différents stades. ICI assura éga lement la saisie et la révision du texte. Ledéveloppement, la conception, l'édition, l'impression et la diffusion du produit furent dirigés et assurés par le bureau des publications de la Banque mondiale. Aperçu général La dernière décennie du 20e siècle fut le témoin de progrès majeurs dans certaines parties du monde. Mais elle fut aussi le témoin d'une stagna tion voire de reculs, même dans des pays qui étaient parvenus aupara vant à des taux de croissance économique extrêmement importants. Ces différences et ces renversements brutaux sont très révélateurs des facteurs contribuant au développement. L'élément central est la crois sance économique considérée du point de vue de son rythme mais aussi de sa qualité. Les sources et le modèle d'une croissance influent en effet tous deux sur ses répercussions en matière de développement. Ces modèles ont-ils toujours été judicieusement choisis afin d'abou tir rapidement à une réduction de la pauvreté ou à une amélioration de la qualité de vie des individus ? Pourquoi si peu de pays sont-ils parve nus à maintenir un taux de croissance élevé pendant des périodes pro longées ? Pourquoi certains paramètres aussi essentiels que l'égalité des revenus ou la protection de l'environnement se sont-ils détériorés dans de nombreuses économies (dont certaines connaissaient un taux de croissance élevé et d'autres un taux de croissance faible) ? Comment la gouvernance sous-tend-elle le processus de croissance ? À ces ques tions nous répondons en proposant trois principes de développement et une série d'actions visant l'amélioration de la qualité des processus de croissance. QUALITÉ DE LA CROISSANCE L'augmentation des revenus et le processus de croissance Le développement vise à améliorer la qualité de vie des individus et à accroître leur capacité à influer sur leur avenir. Cet objectif suppose généralement l'augmentation du revenu par tête, ainsi que bien d'autres éléments : un système éducatif et un accès au marché du travail plus équitables, une plus grande égalité des sexes, une meilleure santé et une alimentation plus saine, un environnement naturel plus propre et plus durable, un système judiciaire et juridique plus impartial, des libertés civiles et politiques accrues, ainsi qu'une vie culturelle plus riche. L'aug mentation du revenu par tête entraîne divers progrès sur certains de ces points mais pas sur tous. Comment influer sur les processus de crois sance afin que les dimensions qualitatives des résultats du dévelop pement augmentent également ? Le présent ouvrage explore ces questions liées à une croissance plus rapide et de meilleure qualité. Une étude récente intitulée Voices ofthe Poor : Can Anyone Hear Us ? (Narayan et al. 2000) indique que l'augmentation des revenus n'est qu'un des aspects de la réduction de la pauvreté, au même titre qu'une plus grande sécurité physique et un environnement plus durable. L'expérience des dernières décennies et les voix des pauvres nous obli gent à souligner l'importance de ces facteurs qualitatifs. En fait, de la Bolivie à l'Egypte, en passant par l'Ouganda, la Rouma nie, le Sri Lanka et la Thaïlande, les experts du développement élargis sent la définition de la pauvreté et du bien-être social. En plus de son revenu mesurable, le bien-être d'un individu ou d'un ménage inclut des opportunités sociales dépendant du fonctionnement des marchés et des mécanismes d'investissement, ainsi que de l'amélioration des systèmes éducatif et de santé. Il dépend de sa sécurité au sens d'une moins grande vulnérabilité aux chocs économiques et physiques. Il inclut une habili- tation au sens d'une insertion sociale et de la faculté de faire entendre sa voix. Il inclut aussi une durabilité au sens d'une protection de l'envi ronnement, des ressources naturelles et de la biodiversité. La croissance économique a été associée positivement à la réduction de la pauvreté. Parmi les anciennes évaluations, certaines projetaient un taux de croissance légèrement supérieur à 5 % dans le monde en déve loppement pour les années 1990, soit une augmentation d'environ 3,2 % du revenu par tête. Elles prévoyaient également une réduction du nom bre de pauvres d'environ 300 millions à un taux annuel de 4 %. Néanmoins, la croissance réelle entre 1991 et 1998 s'avéra inférieure de moitié à ces chiffres, soit 1,6 % par tête. Si l'on exclut les pays d'Europe orientale et d'Asie centrale de ces estimations (ce qui était le cas dans les projections susmentionnées), la croissance par tête réelle se rappro che de la croissance projetée à 3,5 %, le nombre de pauvres demeure inchangé et l'incidence de la pauvreté diminue de 2 % par an (Banque mondiale 2000a). La réduction de la pauvreté associée à la croissance varie énormé ment, tout comme le progrès social et l'augmentation du bien-être social, que ce soit au niveau de l'éducation, de la santé, des moyens d'expression ou de la participation (chapitre 1). Là où la croissance a stagné ou reculé, les dimensions sociales se sont détériorées. L'influence très variable de la croissance sur l'augmentation du bien- être social prouve qu'il convient de se préoccuper très sérieusement des améliorations durables dans le domaine social. Elle prouve également que le modèle de croissance revêt une importance considérable. La qua lité du processus de croissance, et non pas uniquement son rythme, influe sur ses résultats, de même que la qualité des aliments ingérés par une personne et non pas seulement leur quantité influe sur sa santé et son espérance de vie. C'est pourquoi, il est essentiel d'analyser les inte ractions complexes des facteurs agissant sur le mode de croissance. Le rythme de la croissance s'est révélé plus stable dans les pays en développement ou industrialisés accordant une grande attention aux attributs qualitatifs du processus de croissance. De fait, on constate une interaction entre la croissance économique et l'amélioration des dimen sions sociales et environnementales. Le fait de prêter davantage attention à la durabilité de l'environnement, par exemple, renforce la durabilité de la croissance, surtout lorsque les taux de croissance sont très variables et lorsque les effets négatifs de ces fluctuations affectent plus fortement les pauvres. Cette analyse semble reconnaître un avan tage aux taux de croissance réguliers par opposition aux taux en dents de scie, même si ces derniers affichent parfois des résultats spectaculai res pendant de courtes périodes. Au fur et à mesure que les pays épui sent leurs possibilités d'augmenter la croissance par de simples réformes du marché, les facteurs qualitatifs permettant une croissance à long terme acquièrent une importance accrue. Ces dimensions du processus de croissance ont souvent une interac tion positive entre elles dans le cadre d'un cercle vertueux. Mais le com promis entre la quantité et la qualité n'est pas toujours aisé. Une croissance rapide et provisoire fondée sur des expédients condamna bles - tels que les subventions au capital, l'indifférence à l'égard des externalités environnementales et une répartition inique des dépenses publiques - peut en fait entamer les chances de parvenir à une crois sance plus durable. Parmi les cas de figure encore plus problématiques, citons les scénarios où la croissance entre directement en conflit avec les durabilités sociale et environnementale qui contribuent toutes deux directement au développement. La gestion de ces aspects qualitatifs devient essentielle pour parvenir à des améliorations durables du bien- être social. ANCE Comment définir alors la qualité de la croissance ? Il s'agit d'un complément au rythme de croissance qui fait référence à des aspects importants du façonnage du processus de croissance. Les expériences de divers pays mettent en relief l'importance de plusieurs de ces aspects : la répartition des opportunités sociales, la durabilité de l'envi ronnement, la gestion des risques globaux et la gouvernance. Ces aspects ne font pas que contribuer directement aux résultats du développement : ils augmentent également l'impact de la croissance sur ces résultats et permettent de résoudre les conflits éventuels entre la croissance et la durabilité environnementale ou sociale. La présente étude porte donc essentiellement sur la combinaison de politiques et d'institutions capable de façonner le processus de croissance. Les principes du développement La prise en compte simultanée des aspects quantitatifs et qualitatifs du processus de croissance permet d'énoncer trois principes élémentaires valables pour les pays industrialisés et en développement : · l'accent sur tous les actifs : capital physique, humain et naturel, · la prise en compte des aspects distributifs dans le temps, · l'importance accordée à la mise en place d'un cadre institutionnel approprié et à une bonne gouvernance. Les principaux actifs Globalement, les actifs importants en matière de développement sont le capital physique, le capital humain et le capital naturel. Le progrès tech nique affectant l'utilisation de ces actifs joue aussi un certain rôle. Pour accélérer les taux de croissance, on accorde traditionnellement beau coup d'attention à l'accumulation du capital physique. Cependant, d'autres actifs-clés méritent également d'être pris en considération : le capital humain (et social), ainsi que le capital naturel (et environnemen tal) (encadré 1). Ces actifs jouent également un rôle crucial pour les pauvres et c'est leur accumulation, le progrès technique et la producti vité, ainsi que l'accumulation du capital physique, qui déterminent l'impact à long terme sur la pauvreté. En focalisant leur attention sur le capital physique, les pays industrialisés et en développement risquent d'être tentés de mettre en place des politiques qui le subventionnent à un certain coût (chapitre 2). Ce qui peut engendrer une situation favo risant des intérêts particuliers et difficile à renverser. Parallèlement, du point de vue social, on déplore un sous-investissement dans les domai nes de l'éducation et de la santé (chapitre 3) et une surexploitation du capital naturel, souvent en raison de la sous-estimation de son prix ou d'une définition trop floue des droits de propriété (chapitre 4). Au niveau global, les subventions (brutes) accordées aux secteurs de l'agri- APERÇU GENERAL ENCADRÉ 1 Accumulation des actifs, croissance et bien-être social La figure 1 illustre schématiquement la manière tructures) et en procédant à une réaffectation dont les capitaux humain (H), naturel (R) et phy dégressive des dépenses publiques. sique (K) peuvent contribuer à la croissance éco · Le capital naturel, en sapant les taxes, les rede nomique et au bien-être social. Le capital physique vances et les réglementations qui pourraient contribue au bien-être au moyen de la croissance assurer la durabilité des ressources naturelles. économique. Les capitaux humain (et social) et naturel (et environnemental) y contribuent éga Les distorsions, les dysfonctionnements du mar lement et sont donc des composants directs du ché, les garanties implicites du gouvernement et bien-être social. une réglementation inadéquate peuvent entraîner : Les capitaux humain et naturel contribuent aussi · Un sur-investissement dans le capital physique à l'accumulation du capital physique en augmen en augmentant la profitabilité de certains actifs tant son rendement. Le capital physique accroît en physiques -- par des garanties qui influent sur le effet le rendement du capital humain et du capital comportement des banques, des entreprises et naturel et, lorsque les marchés reflètent cette évo des investisseurs en matière de souscription de lution, leur accumulation. En outre, les investisse risque -- et en abaissant la valeur de certaines ments en capital physique, humain et naturel, ainsi ressources naturelles. que de nombreuses réformes politiques, contri · Un sous-investissement dans les ressources buent au progrès technologique et à la croissance humaines et naturelles, en fixant leur prix trop de la productivité globale des facteurs, amplifiant bas et en réduisant les moyens qui leur sont ainsi la croissance (chapitre 2). affectés. Mais les distorsions des politiques élaborées, la Les effets de ces politiques biaisées sur l'accu corruption, la gouvernance de piètre qualité, les mulation du capital humain et naturel par rapport dysfonctionnements du marché et certaines exter- au capital physique peuvent réduire la croissance nalités peuvent conduire un pays à une accumu et le bien-être social. Inversement, lorsque la cor lation faussée ou déséquilibrée d'actifs. Cette ruption est contrôlée et les affaires publiques situation risque de maintenir la croissance des gérées de façon adéquate, les politiques sont revenus et l'amélioration du bien-être social à un exemptes de distorsions et peuvent favoriser niveau inférieur à leur potentiel. Plus particuliè l'accumulation d'actifs, contribuant ainsi à la crois rement, elle peut entraîner un abaissement de la sance (chapitre 6). Il s'ensuit qu'en supprimant les productivité globale des facteurs et des sous-inves distorsions entachant les politiques mises en place, tissements dans : en encourageant la saine gestion des affaires publi · Le capital physique productif, en réduisant la ques (gouvernance) et en prenant des mesures profitabilité de l'investissement (à cause des pour pallier les dysfonctionnements du marché et pots-de-vin et autres tracasseries administrati les externalités, les pays sont en mesure d'investir ves) ou en faussant la répartition des investisse dans leurs actifs de manière plus équilibrée. Et ce ments physiques, au profit notamment de progrès, à son tour, peut mener à une croissance à contrats juteux. la fois plus stable et plus durable, ainsi qu'à des · Le capital humain, en favorisant des secteurs pri améliorations du bien-être social profitant à un vilégiés (tels que la défense et les grosses infras plus grand nombre de personnes. . - . . . . . . . . - " ' ' : QUALITÉ DE LA CROISSANCE Figure 1 Lutte contre la mauvaise gouvernance et la corruption Réduction des distorsions favorisant K Correction des dysfonctionnements du marché préjudiciables à H et R, Renforcement de la réglementation PGF : Productivité globale des facteurs Source : Auteurs culture, de l'énergie, du transport routier et de l'eau étaient, selon les estimations, comprises dans le début des années 1990 entre 700 et 900 milliards de dollars, dont deux tiers dans les pays industrialisés et un tiers dans les pays en développement (de Moor et Calamai 1997). Le maintien d'une dépendance relative à l'égard de l'accumulation du capital physique implique souvent des distorsions durables. Par exemple, lorsque ce capital augmente, le maintien de son taux de ren dement peut exiger une augmentation des subventions publiques en vue notamment d'attirer des capitaux étrangers. De plus, l'accélération de la croissance au moyen de politiques menant à une surexploitation des forêts et autres actifs naturels réduit le capital naturel et porte atteinte à la durabilité de l'environnement. En 1997, l'épargne domesti que brute représentait environ 25 % du produit intérieur brut (PIB) dans les pays en développement. Si l'on tient compte de l'épuisement du capital environnemental, cependant, la part réelle de cette épargne dans le PIB n'est plus que de 14 %. Tel est le cas notamment du Nigeria (dont l'épargne intérieure brute est de 22 % mais l'épargne réelle inférieure à 12 %) et de la Fédération de Russie (avec des taux de 25 et -1,6 % res pectivement) (Banque mondiale 1999d). Une approche moins partiale (c'est-à-dire plus neutre ou plus équili brée) en matière d'accumulation des trois types d'actifs est préférable. Certaines politiques économiques peuvent contribuer à l'accumulation A P E RÇU GÉN É R A L de ces actifs. Les investissements dans le secteur de l'éducation, à tous les niveaux,favorisent la croissance tout en contribuant à l'accumulation du capital humain et au bien-être social. Il est essentiel d'investir dans le capital naturel pour préserver la santé des individus et pour assurer la sécurité économique des masses pauvres qui dépendent des ressources naturelles pour leur survie (chapitre 4). L'usage efficace de ces actifs est tout aussi important que leur accumulation. Dans ce but, de même que dans celui d'augmenter la productivité globale des facteurs de ces actifs, il est indispensable de disposer de fonctionnaires gérant convenable- ment les affaires publiques (afin de contrebalancer l'influence excessive des groupes d'intérêt) et de lancer des actions anticorruption. Les aspects distributifs Cette prise en compte de la qualité révèle l'importance des aspects dis- tributifs du processus de croissance. Une distribution plus équitable du capital humain, des terres et des autres actifs productifs implique une répartition plus juste des perspectives d'enrichissement,afm d'augmen- ter la capacité des hommes à tirer parti des technologies et à générer des revenus. C'est pourquoi, un taux de croissance donné a de bonnes chances d'être associé à une plus grande réduction de la pauvreté dans les systèmes où les possibilités de s'instruire sont affectées de manière plus juste (chapitre 3). Lastabilité des résultats de la croissance dans le temps revêt souvent aussi une importance non négligeable. Le revenu des pauvres est sou- vent d'autant plus tributaire des cycles et des crises que les populations déshéritées manquent des actifs - propriétés foncières, compétences et économies - requis pour réduire leur consommation pendant les périodes difficiles. Vivant tout juste au-dessus du seuil de pauvreté, des millions de quasi-pauvres ont été renvoyés à la misère par des chocs externes. Pour réduire la pauvreté, la croissance doit donc générale- ment être relativement stable et s'étendre au plus grand nombre. De ce point de vue, que peut-on penser des augmentations de revenu que l'on attendait de la mondialisation dans les années 1990 ? Ces espoirs ont commencé à se matérialiser mais pas partout. L'une des rai- sons de ce succès mitigé tient à l'inadéquation des cadres chargés de réguler et de superviser ce phénomène, à la fois aux niveaux internatio- nal et national,ainsi qu'à l'état général de non-préparation des candidats à l'économie mondiale. Une autre raison découle de l'instabilité parfois inhérente au risque subjectif et aux réactions d'acteurs extérieurs. Une troisième raison est liée au fait que, selon certaines estimations, l'inéga- lité des revenus s'est accentuée au cours de la dernière décennie. Les politiques de développement doivent donc viser non seulement à réduire l'inégalité des chances, mais aussi l'inégalité et l'instabilité des résultats de la croissance. Dans ce contexte, il est important d'améliorer 1 ANCE la gestion du risque financier et de réduire la vulnérabilité des pauvres aux aléas des chocs économiques (chapitre 5). Les structures institutionnelles Dans le cadre d'une bonne gouvernance, les structures institutionnelles soutiennent du mieux possible les efforts déployés pour augmenter la croissance. Le fonctionnement efficace de l'administration, des organis mes de réglementation, des libertés civiles et d'institutions transparen tes et responsables (chargées d'assurer la suprématie du droit et de favoriser la participation) est important pour la croissance et le dévelop pement. Les effets d'une mauvaise gouvernance, d'une bureaucratie tatillonne et de la corruption sont régressifs et nuisent à la durabilité de la croissance. L'appropriation, par une élite nantie, des politiques, des lois et des ressources de l'État détourne souvent les mesures d'incita tion et les dépenses publiques vers des actifs moins productifs sociale ment et, en réduisant leurs avantages pour la société dans son ensemble, affaiblissent leur impact sur le bien-être social. Les estima tions relatives à ce « dividende du développement » (à savoir l'augmen tation du revenu ou l'amélioration des avantages sociaux) sont dramatiques et varient énormément selon que le droit est faiblement (corruption grave) ou médiocrement respecté. Signalons que dans les degrés de corruption, une simple différence d'un niveau peut avoir des effets énormes sur l'impact du développement : pour parvenir à de meilleures performances économiques, il est donc prioritaire d'investir dans des programmes capables d'assainir la gouvernance (chapitre 6). Une société civile dynamique - disposant d'outils Internet, de tech niques d'enquêtes diagnostiques et d'informations récentes sur l'état de la gouvernance - est indispensable pour combattre la corruption et les autres formes de mauvaise gestion des affaires publiques. Les libertés civiles n'ont pas seulement une influence positive sur l'amélioration de la gouvernance, sur la réduction de la corruption et sur l'accroissement de la productivité des investissements publics, mais aussi des effets directs sur le bien-être social. En fait, il convient même d'aller plus loin qu'un simple assainissement des pratiques gouvernementales : il faut aussi renforcer les droits civils, accorder plus de voix à divers groupes, promouvoir les entreprises compétitives et compléter les réformes gou vernementales imposées du sommet à la base par l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies de développement partant de la base. Les actions négligées dans le processus de croissance Bien que nous disposions maintenant d'une image plus complète du pro cessus de développement, les experts ont fréquemment tendance à sous-estimer, surtout en période de crise, deux des trois actifs dont dépendent les pauvres : le capital humain et le capital naturel. Cette indifférence semble à son tour avoir conduit les intéressés à négliger certaines actions-clés : · amélioration de la répartition des chances, · soutien du capital naturel, · gestion des risques financiers globaux, · amélioration de la gouvernance et contrôle de la corruption. Or, ces actions peuvent non seulement favoriser l'accumulation des actifs mais aussi le progrès technique et la productivité globale des fac teurs. L'amélioration de la répartition des chances Le principal actif des gens pauvres réside dans leur capital humain. Sur quatre-vingt-cinq économies examinées, la Pologne et les États-Unis (qui, selon les estimations, disposent de la durée moyenne de scolarité la plus élevée) sont dotés des systèmes de distribution des chances les plus équitables, comme le prouve le niveau d'instruction de leur popu lation active. Quant à la République de Corée, elle a enregistré des amé liorations spectaculaires dans la qualité de son système éducatif au cours des trente dernières années. Mais l'inégalité en éducation demeure stupéfiante dans de nombreux autres pays tels que l'Algérie, l'Inde, le Mali, le Pakistan et la Tunisie. La relation entre un taux de croissance donné et la réduction de la pauvreté dépend des sommes investies dans le capital humain. Plus ces investissements sont équitables, plus l'impact de la croissance est important sur l'abaissement de l'incidence de la pauvreté, comme le prouve une étude comparative consacrée aux divers États de la Fédé ration indienne (Ravallion et Datt 1999). A supposer que les capacités individuelles soient normalement réparties au sein de la population, la répartition faussée du produit de la croissance en matière d'éducation et de santé représente apparemment une perte importante de bien-être social pour la société, dans la mesure où une part non négligeable de la population se voit privée de la possibilité d'utiliser de nouvelles techni ques et d'échapper à la misère. Une étude portant sur les dépenses publiques de trente-cinq pays en matière d'éducation révèle qu'elles sont vaguement liées au niveau d'instruction après la neutralisation du revenu. Dans le domaine de la santé, les États-Unis, avec les plus grandes dépenses médicales par habitant, se classent trente-septièmes sur cent quatre-vingt-onze, au terme d'une étude portant sur les performances globales des systèmes de santé. La France, avec des dépenses médicales par habitant inférieu res de 60 % à celles des États-Unis, se classe première. La Colombie, ANCE classée beaucoup plus bas dans le tableau en ce qui concerne ses dépen ses médicales par habitant, se retrouve cependant première dans la catégorie de l'équité de la contribution financière (OMS 2000). Il ne suf fit donc pas de dépenser en matière de services éducatifs et de santé. Il convient notamment de tenir compte des caractéristiques du capital humain dans son sens le plus large : sa qualité et son équité, telles qu'on peut notamment les mesurer en évaluant l'éducation des jeunes filles, l'accès des pauvres à l'enseignement et le niveau d'instruction. Les gouvernements doivent réaffecter des fonds publics à l'éduca tion élémentaire afin de promouvoir sa qualité et sa répartition équita ble. Il convient d'encourager les partenariats entre les secteurs public et privé, par l'entremise de politiques fondées sur le marché, afin d'accroî tre les efforts dans l'éducation à tous les niveaux, y compris celui de l'enseignement supérieur. Il convient également d'élaborer des politi ques de soutien du marché du travail et de protection sociale. De plus, le capital humain du pauvre est mieux exploité dans le cadre de straté gies de distribution de terres et de promotion des activités à fort coef ficient de main-d'oeuvre dans un environnement global et ouvert (chapitre 3). Le soutien du capital naturel La dégradation de l'environnement s'accélère. Parmi les facteurs contri buant à cette situation, citons la croissance démographique, les pres sions domestiques et mondiales exercées sur de maigres ressources, certaines politiques économiques (telles que celles ignorant les consé quences environnementales des mesures adoptées) et la négligence des biens communs locaux ou mondiaux. Le coût de la pollution de l'envi ronnement et de sa surexploitation est énorme et les pertes souvent irréversibles. Les incendies de forêt d'Indonésie - qui sont la consé quence de facteurs humains, de facteurs naturels et de politiques économiques - résultèrent en pertes directes de l'ordre de 4 milliards de dollars en 1997, puis de nouveau en 1998, et provoquèrent également des dommages considérables dans les pays voisins. Et ce sont les pau vres, en raison de leur dépendance par rapport à ce capital naturel com posé de terres, de forêts, de minéraux et d'une biodiversité, qui pâtissent disproportionnément de cette dégradation de l'environne ment. Peu de pays se sont jusqu'à présent attaqués convenablement aux causes sous-jacentes de la dégradation de l'environnement et des ressources : les biais caractérisant certaines politiques, les dysfonction nements du marché et le manque de connaissances sur les nombreux avantages de la protection de l'environnement et de la conservation des ressources. La croissance et l'augmentation des revenus peuvent créer les conditions d'une amélioration de l'environnement en renforçant la demande en faveur d'une meilleure qualité de vie et en dégageant les ressources nécessaires à la satisfaction de cette demande. Cependant, seule une solide combinaison de mesures d'incitation, d'investissements et d'institutions domestiques et mondiales tenant compte du marché pourrait générer de la croissance dans le respect de l'environnement une réalité, comme le prouvent les exemples provenant de Chine, du Costa Rica, d'Indonésie et de nombreux pays européens (chapitre 4). La gestion des risques financiers globaux L'intégration financière mondiale comporte de nombreux avantages mais rend aussi les pays plus vulnérables aux risques cachés et aux sau tes d'humeur des investisseurs. Des mouvements de capitaux privés ins tables semblent être associés aux taux de croissance fluctuants qui affectent surtout les pauvres (ceux-ci manquant des ressources requi ses pour surmonter les tempêtes économiques). Pour mieux maîtriser ces risques, les pays doivent maintenir des politiques macro économiques cohérentes. Ils doivent aussi élargir leurs marchés finan ciers domestiques, renforcer leur réglementation et leur contrôle internes, introduire des mécanismes de gestion saine des entreprises et offrir une protection sociale minimale. Toutes ces tâches requièrent des institutions solides et dotées de compétences élargies, ce qui ne s'obtient pas dujour au lendemain. Leur mise sur pied, tout en ouvrant les marchés des capitaux du pays con cerné, peut favoriser la gestion des risques inhérents au système finan cier et à l'économie. Pendant ce temps, au fur et à mesure que les gouvernements ouvrent leurs marchés financiers, ils peuvent envisager tout un éventail d'actions, comme c'est actuellement le cas en Argen tine, au Chili, au Mexique et dans d'autres États. L'une de ces actions vise l'abandon des mesures d'incitation spéciales destinées à attirer des capitaux à court terme. Une autre concerne l'exigence de réserves et le prélèvement de taxes sur les capitaux à court terme présentant des ris ques. Une autre, enfin, consiste à mettre en place une réglementation et une supervision plus prudentes. La coordination des politiques au niveau international et un mécanisme de prêteur de dernier recours peuvent dégager des liquidités en cas de besoin et permettre une aide financière d'urgence (chapitre 5). L'amélioration de la gouvernance et le contrôle de la corruption La saine gestion des affaires publiques doit passer au premier plan dans les stratégies de création d'institutions. Cette approche requiert une analyse et une mesure plus précises des dimensions de la gouvernance et une meilleure compréhension des intérêts acquis de puissants grou pes. Lorsque les pouvoirs législatif et judiciaire sont faibles et que des groupes d'intérêt dominent l'élaboration des politiques et l'appareil de QUALITÉ DE LA CROISSANCE distribution des ressources, le coût social de ces carences peut se révé ler très élevé. Dans ce cas, la mise sur pied des institutions nécessaires à la préparation d'interventions efficaces en matière de développement risque de s'avérer difficile et de requérir une approche active. La participation et la consultation sont alors cruciales afin d'accroître la transparence, de mettre en place des freins et des contrepoids et de contrer l'accaparement de l'État par une élite. L'engagement de la société civile dans les processus participatifs et transparents aux côtés des réformateurs de tous poils (qu'ils fassent partie de l'exécutif, du législatif, du judiciaire ou du secteur privé) peut faire la différence entre un pays bien géré et l'incurie, entre une société stagnante et un pays en pleine santé. Cette compréhension parfaite des rouages associés à une bonne gouvernance devrait être favorisée par le recours aux nouvelles technologies (comme c'est le cas en Albanie, en Bolivie, en Géorgie, en Lettonie et dans plusieurs pays d'Afrique). La création d'un climat propice au développement exige donc une approche intégrée mêlant des éléments économiques, institutionnels, juridiques et participatifs : la mise sur pied d'institutions transparentes et efficaces chargées d'établir des budgets et de programmer les inves tissements publics (comme en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni) dans le cadre d'un complément aux politiques macroé conomiques, la création d'une administration fondée sur le mérite (comme en Malaisie, à Singapour et en Thaïlande) et la constitution de services des douanes et de passation des marchés efficaces et honnêtes, ainsi que la promotion des libertés civiles et de la participation populaire (chapitre 6). Le changement des priorités Pourquoi mettre l'accent sur la qualité lorsque le rythme de la crois sance est lent dans de nombreuses régions du monde ? La croissance est modeste dans un bon nombre de pays : elle frise les 1,6 % par tête pour les pays à revenu faible ou intermédiaire depuis les années 1980, et tombe même plus bas lorsqu'on exclut la Chine et l'Inde des calculs. Certains pays sont aussi confrontés à des crises financières ou en passe de les surmonter. Dans ces circonstances, il ne s'agit pas de choisir la qualité ou la quantité. Ces deux attributs sont essentiels et interdépen dants. Un certain déplacement des priorités pourrait ouvrir la voie à une croissance à long terme. Les investissements dans le capital humain - éducation, soins de santé et politique démographique - peuvent amélio rer la qualité de la vie. Ils peuvent aussi contribuer à attirer des investis seurs en leur proposant une main-d'oeuvre plus instruite et en meilleure santé, capable d'augmenter le rendement de leur capital. Il en résulte qu'en faisant passer l'accent sur le capital humain, il serait possible de promouvoir une accélération de la croissance à long terme. Le point- clé ? En accordant plus d'attention à la qualité des résultats, il serait possible de soutenir une croissance plus rapide. La prise en compte des dimensions qualitatives du rythme de crois sance peut, à son tour, améliorer directement le bien-être social. Par exemple, la diminution de la pollution de l'air ou de l'eau ou le ralentis sement de la dégradation des ressources naturelles, outre le fait qu'ils contribuent à la croissance, améliorent directement le bien-être social en générant moins de problèmes de santé et en multipliant les chances de gagner des revenus et de consommer. Le présent ouvrage montre que certains processus ou certaines politiques de pays industrialisés ou en développement génèrent une croissance économique mettant davantage l'accent sur l'égalité du déve loppement humain, la durabilité de l'environnement et la transparence des structures administratives. D'autres, en revanche, produisent des résultats inverses. En outre, la séquence des actions requises risque de se révéler inefficace : d'abord libéraliser puis réglementer, d'abord pri vatiser puis faire jouer la concurrence, d'abord croître puis nettoyer, d'abord croître puis accorder des libertés civiles, etc. Pour tirer tout le parti possible d'une croissance à long terme, il est indispensable, par exemple, que la libéralisation s'accompagne d'une réglementation et de mesures de gestion de l'environnement et de lutte anticorruption. La définition du changement Les actions privilégiant la qualité de la croissance doivent s'inscrire dans un ensemble concerté de politiques et non pas apparaître comme des ajouts aléatoires apportés à un ordre du jour déjà surchargé. Cela signi fie que les parties intéressées devront accroître les interventions du gouvernement visant à faire passer l'accent sur : · L'accumulation et l'utilisation des actifs, en réduisant les politi ques présentant des distorsions, telles que celles qui favorisent ou subventionnent le capital physique, tout en complétant les mar chés avec des ressources naturelles appréciables et en procédant à des investissements judicieux dans les ressources humaines. Le but poursuivi est de garantir une croissance durable reposant sur des fondements solides et non pas de ralentir la croissance. · Des cadres réglementaires, en élaborant des règlements de nature à favoriser la libre concurrence et l'efficacité des entrepri ses après la libéralisation et à accorder une plus grande attention aux réformes juridiques et judiciaires tout en garantissant la stabi lité macroéconomique. Le but poursuivi est d'adopter des mesures réglementaires encadrant la libéralisation sans la ralentir. QUALITÉ DE LA CROISSANCE · Une bonne gestion des affaires publiques, en encourageant les libertés civiles, les processus participatifs et l'obligation de rendre compte des institutions publiques et la lutte anticorruption, et en impliquant activement le secteur privé afin de réduire l'influence des groupes d'intérêt. Cette gestion doit aussi avoir pour but de renforcer la capacité du pays à modifier sa politique. L'objectif poursuivi est d'attirer l'attention sur la nécessité de bâtir un con sensus au sein de la société civile, non de porter atteinte à la poli tique gouvernementale et au renforcement des capacités du pays. L'application immédiate du changement Comment financer des investissements à la fois plus conséquents et plus judicieux en ressources humaines ? Plusieurs moyens sont envisagea bles. Premièrement, améliorer la gouvernance, réduire les rentes de situation et la corruption et responsabiliser les entreprises sont autant de mesures susceptibles d'accroître l'épargne nationale. Deuxiè mement, l'augmentation des redevances au titre de l'utilisation des res sources naturelles et la taxation de ces externalités comme agents polluants peuvent, dégager des ressources supplémentaires pour le développement. Troisièmement, la réduction des distorsions privilé giant le capital physique peut s'avérer bénéfique, tout comme la plupart des expériences visant la suppression de ces distorsions ; elle permet souvent, en effet, une redistribution de l'épargne nationale au profit du développement humain. Quatrièmement, la réduction des subventions dans les secteurs ou services rétrogrades ou préjudiciables à l'environ nement peut permettre la réaffectation de ressources publiques aux pauvres ou aux programmes de développement durable. En résumé, le présent rapport prône à la fois l'élargissement du champ d'action afin de proposer un cadre de développement complet et un programme d'actions qualitatif et plus riche prenant en compte les aspects structurels, humains, sociaux et environnementaux du proces sus de croissance. Ce champ d'action plus large vient compléter la libé ralisation en accumulant les actifs et les capacités des pauvres. Il prône l'évolution des mentalités, le changement n'étant plus uniquement du ressort du gouvernement mais dépendant de l'adhésion de toutes les couches de la société. En outre, il exige le renforcement des capacités dans un climat de franchise absolue. Lorsque tous les partenaires du développement se renforcent mutuellement, il devient possible de mettre efficacement sur pied un cadre plus intégré. Premièrement, les inégalités flagrantes des chances (surtout dans l'éducation), si elles sont combattues maintenant, céderont la place à de sérieuses perspectives de mieux-être pour la société. Deuxièmement, les dégâts causés à l'environnement et les atteintes à la biodiversité associés aux modèles de développements APERÇU GÉNÉRAL actuels sont effrayants mais, si on s'y attelle maintenant, la croissance permettra de générer un meilleur environnement et de réduire le nom bre de pauvres. Troisièmement, la mondialisation présente des risques pour les pauvres mais, si on affronte ces risques immédiatement, il sera possible de dégager des moyens techniques de réduction de la pauvreté. Quatrièmement, la corruption, la mauvaise gouvernance et le manque de libertés civiles et de moyens d'expression grèvent les bienfaits géné rés par les diverses actions, mais, si on s'attaque sans tarder à ces mena ces, l'assainissement de la gestion des affaires publiques permettra une amélioration considérable du bien-être social. Les opportunités inhérentes au renforcement de l'ouverture, du savoir et des technologies n'ont jamais été aussi nombreuses. Parallèle ment, les défis posés par la pauvreté, la croissance démographique, la dégradation de l'environnement, la détresse financière et la mauvaise gouvernance n'ont jamais été aussi grands. Il faut donc parvenir à une croissance plus forte et de meilleure qualité. Ceci n'est pas un luxe : il est indispensable que les pays saisissent l'occasion qui leur est offerte d'améliorer la vie de leurs générations actuelle et futures. C H A P I T R E Des résultats mitigés « L'économie n'a pas uniquementpour but de générer des revenus, mais aussi de les utiliser à bon escient en vue d'améliorer notre niveau de vie et nos libertés. » --Amartya Sen, A Conversation with Sen Dans les années 1990, un groupe de pays d'Asie de l'Est enregistra des taux de croissance extrêmement rapides, puis des récessions brutales ainsi que des reprises fulgurantes, alimentant ainsi le débat sur la libé ralisation du marché. À de nombreux égards, ces années-là consti tuèrent d'ailleurs un concentré des expériences de développement antérieures et leurs enseignements devraient nous inciter à la prudence au 21e siècle. Si l'on examine les décennies précédentes, en effet, diverses études menées à l'époque dans le monde entier relevaient les succès d'Asie de l'Est, les échecs de l'Afrique subsaharienne et les modestes succès des autres régions. L'édition de 1991 du Rapport sur le développement dans le monde (Banque mondiale 1991) faisait état d'un consensus en faveur d'une approche favorable au marché et invitait à réexaminer les rôles respectifs de l'État et du marché. Cette publication, comme d'autres, soulignait les rôles cruciaux de l'État et des marchés dans la réduction de la pauvreté (Banque mondiale 1990), dans la protection de l'environnement (Banque mondiale 1992), ainsi que dans la mise en place d'infrastructures (Banque mondiale 1994), de cadres juridique et administratif et d'un système financier (Banque mondiale 1997J). g QUALITÉ DE LA CROISSANCE Notre propos ici est d'étudier l'influence que ces leçons de développe ment ont exercée pendant la dernière décennie. Pour ce faire, nous met trons à jour d'anciennes évaluations portant sur les résultats obtenus par certains pays en matière de réduction de la pauvreté, de développement durable et de croissance économique. Nous examinerons ensuite les fac teurs mondiaux, ainsi que les stratégies économiques et les changements institutionnels, expliquant les performances des pays concernés. Les éléments de preuve visant les années 1990 enrichissent l'histoire du développement, surtout en ce qui concerne le caractère indispensable des réformes institutionnelles, et fournissent toute une série d'hypothè ses à confronter à la réalité économique. Premièrement, les investisse ments dans le capital humain doivent être de qualité et equitablement répartis. Deuxièmement, la croissance rapide, bien que favorable au développement social lorsqu'elle est largement partagée, peut porter atteinte à l'environnement en l'absence de mesures appropriées. Troisiè mement, alors que l'ouverture des marchés et la concurrence compor tent encore des avantages, les risques financiers doivent être gérés en tenant dûment compte des facteurs domestiques spécifiques. Quatriè mement, il convient d'accorder la priorité aux facteurs administratifs et institutionnels sans les renvoyer à un stade ultérieur des réformes. Évaluation du développement Le développement concerne les individus et leur bien-être. À ce titre, il implique la possibilité des intéressés d'influer sur leur destin. C'est pourquoi, le développement doit tenir compte des futures générations et de la planète dont elles hériteront. Il doit mobiliser la population car, sans sa participation, aucune stratégie ne saurait réussir à terme. Cette notion de développement synonyme de bien-être implique des mesures visant non pas seulement une croissance à taux élevé, mais une crois sance partagée, complète et durable. Les spécialistes du développement ont souvent utilisé la croissance du produit intérieur brut (PIB) par tête comme un équivalent du déve loppement, en partie parce qu'elle est associée au progrès social et en partie aussi par opportunisme. Cependant, on ne saurait voir dans le PIB le seul indicateur des progrès du développement, dans la mesure où sa qualité varie énormément d'un cas à l'autre. Une partie des processus ou des politiques économiques génère une augmentation simultanée du PIB et des actifs humains ou naturels affectant directement le bien-être social des individus au-delà de leur rôle productif. D'autres génèrent une croissance de piètre qualité qui n'est associée à aucune amélioration des actifs humains ou naturels. Pour intégrer la qualité de la croissance dans les évaluations de développement, il convient donc de disposer d'indices multidimensionnels du bien-être social. B DES RESULTATS MITIGÉS La théorie économique distingue le concept de croissance et l'idée plus large de développement. Cette distinction a été plus ou moins tran chée selon les époques '. La croissance rapide des années 1950 et 1960 suscita un intérêt grandissant pour les objectifs plus larges du dévelop pement. Pendant les décennies suivantes, alors que la stagnation s'ins tallait, l'accent fut mis sur la croissance économique. Enfin, dans les années 1990, la conception plus large reprit ses droits, comme le prouve le Rapport mondial sur le développement humain produit annuellement (depuis 1990) dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le rapport de la Banque mondiale intitulé A Proposai for a Comprehensive Development Framework (Wolfen- sohn 1999). Dans le cadre d'une évaluation idéale du développement, il convien drait de mesurer les progrès réalisés sur les plans humain et environne mental avant de considérer des indicateurs intermédiaires tels que le PIB. Cependant, nous manquons de données de bonne qualité qui per mettraient d'élaborer des indicateurs fiables des progrès humains et environnementaux, de sorte que nous sommes obligés de recourir abon damment au PIB. Nous devons donc compléter l'analyse par des indices du développement humain et de la durabilité de l'environnement, sans nous faire d'illusion sur le caractère très aléatoire de certaines variables. En l'absence de données cohérentes sur l'incidence de la pauvreté, com parables entre les pays et entre les périodes, nous sommes contraints d'exclure le composant de réduction de la pauvreté de notre indice du développement humain. Cependant, nous rendons compte, chaque fois que cela nous est possible, des progrès réalisés en matière d'allégement de la pauvreté et de l'impact des politiques de croissance et de dévelop pement sur ce fléau (voir aussi Dollar et Kraay 2000 ; Ravallion et Chen 1997 ; Banque mondiale 2000i). De futurs travaux devraient améliorer la portée et la base empirique de ces indices et élargir le débat à d'autres dimensions, telles que le bien-être culturel. Le tableau 1.1 présente les corrélations entre les composants des trois indicateurs de progrès enregistrés depuis 1981 : le développement humain, la croissance des revenus et la durabilité de l'environnement. Il révèle que le PIB a une corrélation : · positive (à des degrés très divers) avec la réduction de la pauvreté, l'inégalité de revenu, la mortalité infantile et l'augmentation de l'espérance de vie, · négative avec le déclin des émissions de dioxyde de carbone et positive avec le déclin de la pollution de l'eau. D'autres liaisons entre l'augmentation du PIB et des modifications dans les composants du développement humain et la durabilité de l'environnement ne sont pas significatives statistiquement. Ces corréla- QUALITÉ DE LA CROISSANCE Un pas vers de meilleures mesures de développement Croissance Développement humain du revenu Durabilité de l'environnement Augmentation du taux Augmentation Réduction des émissions Augmentation Réduction Mesure Déclin de la d'alphabé de la durée des Inégalités Croissance de dioxyde du manteau de la pollution du développement pauvreté tisation lif Réduction dévie de retenu du PIB de carbone forestier de l'eau Développement humain Déclin de la pauvreté 1.00 -0,40 0,18 0,14 0,44 0,52 -0,45 -0,23 0,28 27 28 28 20 27 27 26 22 Augmentation 1,00 0,15 -0,19 -0,23 0,03 -0,14 0,15 -0,21 du taux d'alphabétisation 115 115 41 89 102 94 72 Déclin de la mortalité 1,00 9,54 0,2$ 0,20 -0,20 -0,12 -0,13 infantile 146 43 104 121 10/ 81 Augmentation 1,00 0,54 0,17 -0,16 -0,15 -0,05 de la durée de vie 43 104 121 107 81 Réduction des inégalités 1,00 0,34 -0,33 -0,20 0,32 de revenu 39 41 41 37 Croissance du revenu Augmentation du PIB 1,00 -0,53 -0,06 0,33 100 81 65 Durabilité de l'environnement Réduction des émissions 1,00 0,27 -0,38 de dioxyde de carbone 87 70 Augmentation du man- 1,00 -0,14 teau forestier 70 Réduction 1,00 de la pollution de l'eau Remarques : Les deux valeurs de chaque cellule représentent respectivement le coefficient de corrélation et le nombre de pays. Les entrées en italiques grasses sont significatives à partir de 10%. Source : Banque mondiale (2000c) ; calculs des auteurs. Tabl63ll 1.1 tions préliminaires suggèrent que l'augmentation du PIB est un indica- Pnrrplatinn pntrp lpq t e u r e s s e ntiel m ais partiel du développement ; c'est notamment le cas mesures du développement lorsqu'elle est associée, à tort, à certains aspects du développement 1981-1998 humain et, parfois aussi, à une augmentation des dommages causés à l'environnement. Easterly (1999a) appliqua différentes techniques à un grand ensem ble d'indicateurs de la qualité de la vie, y compris des tests de relation causale. Il découvrit que moins de 10 % des 81 indicateurs examinés augmentaient en même temps que la croissance, alors qu'une fraction similaire diminuait et que la plupart évoluait sans aucune corrélation significative avec la croissance (figure 1.1). Ces constatations plaident donc en faveur d'un élargissement des mesures du développement. Il est très important de noter que la relation mentionnée ci-dessus concerne l'augmentation du revenu, ainsi que les modifications de la durabilité du développement humain et de l'environnement. Dans la plupart des cas, la relation est beaucoup plus forte entre le niveau de revenu et les indicateurs, surtout ceux qui visent le développement B DES RESULTATS MITIGES Indicateur de la qualité de vie Indicateurs choisis à titre d'exemple Pays industrialisés Taux de mortalité infantile Nombre de calories et de protéines Certains indicateurs s'améliorent en période de croissance Certains indicateurs restent insensibles Inscriptions à l'école secondaire à la croissance Coefficient de Gini (revenu) Certains indicateurs se détériorent en période de croissance · Dioxyde de carbone par habitant · Dioxyde de soufre par habitant Années 1960 Années 1980/1990 Temps Remarque : Les tendances schématiques s'appliquent aux pays affichant une croissance positive du PIB. Source : Easterly (1999a). humain (Dasgupta 1993 ; Fedderke et Klitgaard 1998 ; Kakwani 1993 ; 1.1 Sen 1994 ; Banque mondiale 2000i). L'étude d'Easterly examine éga Augmentation du PIB et lement ces divergences et avance l'hypothèse que l'analyse du niveau de changement dans la qualité revenu des pays a pu saisir des tendances indiscernables dans les analy de la vie, années 1960 ses portant sur des périodes plus courtes et que la croissance peut et années 1990 entraîner des améliorations dans le développement humain, avec des écarts plus ou moins longs et importants. Selon une autre hypothèse, les facteurs spécifiques à un pays - tels que la dotation, l'emplacement ou l'infrastructure sociale - pourraient être des déterminants dominants du niveau des indicateurs du revenu et du développement humain ; dans ce cas, les corrélations entre les indicateurs de revenu des pays et de qualité de la vie devraient être nuancées. Les résultats en matière de développement Dans certains domaines du développement humain, surtout en ce qui concerne l'allongement de l'espérance de vie et l'augmentation du taux d'alphabétisation, les progrès ont été spectaculaires entre 1960 et 1990 : une période pour laquelle nous disposons de certaines données. Cepen dant, de nombreux autres aspects qualitatifs de la vie (y compris une augmentation régulière et soutenue du revenu, la réduction de la pau vreté, l'égalité des sexes et la qualité de l'environnement) n'ont pas suivi. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Figure 1.2 Modifications du développement humain (indice) Modifications du 100 -i développement humain et de la croissance du revenu, 1981-1998 80 60 40 - 20-1 " . . / J" 0 -- I 1 1 1 1 1 1 1 - 4 - 2 0 2 4 6 8 10 12 Croissance du PIB (en pourcentage annuel) Remarques : r=0,22,p< 0,05 etn = 89. Les données proviennent de 89 pays en développeme Le contrôle du revenu par tête en 1981 révèle un modèle plus évident avec un coefficient de corrélation de 0,33. Sources : Banque mondiale (2000c) ; calculs des auteurs. Le développement humain Une croissance économique robuste s'accompagne d'améliorations dans les mesures du développement humain, telles qu'une augmentation du taux d'alphabétisation ou un allongement de l'espérance de vie. Cette corrélation assez vague est illustrée par la figure 1.2. Globalement, les progrès réalisés ces quarante dernières années dans le développement humain sont considérables dans certains domai nes (le reflet partiel des améliorations techniques) et modestes dans d'autres. La mortalité infantile et l'analphabétisme des adultes ont sen siblement reculé dans presque tous les pays. Sur la base des données et des estimations disponibles (figure 1.3), force est de constater que les résultats en matière d'augmentation du revenu et de réduction de la pauvreté sont plutôt mitigés. Dans le monde en développement, l'indice numérique de pauvreté - défini comme la proportion des gens disposant d'un revenu journalier inférieur à 1 dollar sur la base des prix PPA (parité des pouvoirs d'achat) de 1993 - a baissé, passant de 28,3 % en 1987 à 24 % en 1998. C'est la région de l'Asie de l'Est et du Pacifique qui affiche les améliorations les plus sensibles, surtout la Chine dans le milieu des années 1990. Les pro grès furent modestes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ainsi que i DES RESULTATS MITIGES Pourcentage (de la population vivant avec moins d'un dollar par jour) 60 1987 1990 1993 H 1996 1998 Afrique Europe Amérique Moyen-Orient Pays et Asie latine et Afrique en centrale du Nord développement 1987 1990 1993 D 1996 1998 Afrique Asie Asie Europe Amérique Moyen-Orient Pays de l'Est du Sud et Asie latine et Afrique en centrale du Nord développement Remarques : Ces valeurs sont basées sur les taux PPA (parité des pouvoirs d'achat) de 1993. Les valeurs pour 1998 son estimations. La pauvreté est définie comme un revenu journalier inférieur à un dollar. Source : Banque mondiale (1999d). dans les régions d'Asie du Sud. Les taux de pauvreté demeurèrent Figure 1.3 désespérément élevés en Afrique subsaharienne, en Amérique latine et Taux de pauvreté et nombre dans les Caraïbes et augmentèrent en Europe et en Asie centrale. D'une de pauvres pour certaines manière générale, la baisse du taux de pauvreté ne parvint pas à absor années ber la croissance démographique, de sorte que dans le monde en déve loppement (Chine non incluse), le nombre de pauvres a augmenté d'environ 106 millions entre 1987 et 1998 (Banque mondiale 1999c). QUALITÉ DE LA CROISSANCE Pourcentage (de la population vivant avec moins de 4 dollars par jour) 70 1987-88 1993-95 Pologne Républiques Moldavie Russie Ukraine Asie Ensemble baltes centrale des économies en transition Remarque : Le seuil de pauvreté de 4 dollars parjour est considérablement plus élevé que celui utilisé ailleurs. Source : Milanovic (1997). Figure 1.4 À la fm du XXe siècle, l'incidence de la pauvreté augmenta dans de nombreuses régions du monde. Les pays de l'Asie de l'Est, en particu Incidence de la pauvreté dans certaines économies lier, furent directement affectés par les crises financières de 1997 et le en transition, 1987-1988 ralentissement consécutif de la croissance, connurent un renversement et 1993-1995 de la réduction de la pauvreté par rapport aux résultats obtenus pen dant leur période de croissance rapide (Banque mondiale 2000f). L'aug mentation de la pauvreté est encore plus sensible dans les économies de transition d'Europe et d'Asie centrale où, jusqu'en 1987, la pauvreté et l'inégalité des revenus étaient extrêmement faibles. Des données d'enquête révèlent une augmentation spectaculaire de la production économique et une détérioration de la répartition du revenu (Milanovic 1997) (figure 1.4). La dégradation de l'environnement L'impact de la croissance économique sur les conditions environnemen tales est mitigé et suscite de sérieuses inquiétudes. Dans de nombreux cas, l'augmentation du PIB et du revenu est associée à un meilleur assai nissement de l'eau (dont la qualité croît en conséquence) et à des inves tissements en techniques plus propres. Mais la croissance est aussi associée à une augmentation des émissions de matières en suspension et de dioxyde de carbone2. En accordant un poids égal aux indicateurs de la qualité de l'eau, de la qualité de l'air et de la déforestation, on peut affirmer qu'entre 1981 et 1998, la croissance du revenu fut associée à D DES RESULTATS MITIGES Changement dans la qualité de l'environnement (indice) Figure 1.5 Modification de 60 .1 l'environnement contre 50 - augmentation du revenu, 1981-1998 40 30 20 - 10 - 0 1 1 - 2 0 2 4 6 ) 10 12 Augmentation du PIB (en pourcentage annuel) Remarques : r = -0,27, p<0,05etn = 56. Les données concernent cinquante-six pays en développement. Le contrôle du revenu par tête en 1981 révèle un modèle similaire et la même valeur pour le coefficient de corrélation ( 0,27). Sources : Banque mondiale (2000c) ; calculs des auteurs. une détérioration de l'environnement et à l'épuisement des ressources naturelles, comme le montre la figure 1.5. Entre 1990 et 1995, le taux de déforestation baissa dans la plupart des régions en développement, mais le manteau forestier continua à se résorber rapidement. Ce manteau n'a en fait augmenté que dans les pays à revenu élevé et dans les régions en développement d'Europe et d'Asie centrale (la part de cette augmentation attribuable à une action concertée en faveur de l'environnement étant peu claire). Entre 1980 et 1995, les émissions de dioxyde de carbone (par habi tant et totales) augmentèrent dans toutes les régions et dans toutes les couches de la population. Seule l'Afrique subsaharienne, probablement en raison de la stagnation économique générale, ne connut pas d'aug mentation des émissions de dioxyde de carbone. L'Asie de l'Est enregis tra le taux de déforestation et les émissions de dioxyde de carbone par habitant les plus élevés, ce qui suggère l'existence d'une contradiction entre la croissance et un développement durable (Banque mondiale 2000c). Dans la plus grande partie du monde en développement, la qualité de l'environnement est bien pire que le portrait que l'on peut en dresser sur la seule base des indicateurs. La qualité de l'air se dégrade avec l'aug mentation du revenu3. L'exposition à des niveaux élevés de pollution QUALITÉ DE LA CROISSANCE La pollution atmosphérique atteint des proportions alarmantes dans de nombreuses villes de pays en développement Paris Niveaux de qualité de l'air Tokyo 90 (indicateurs de l'OMS) New York Nairobi Séoul Moscou Rio de Janeiro Manille Bangkok Téhéran Djakarta Mexico City Beijing Delhi 100 200 300 400 500 Microgrammes par m3 Remarque : Les données concernent l'année 1995, sauf celles de New York (recueillies en 1990). Source : Banque mondiale (1997Î, 2000c). Figure 1.6 atmosphérique, c'est-à-dire aux particules en suspension, au dioxyde de Total des particules en soufre et au dioxyde de nitrogène, constitue une grave menace pour la suspension dans l'air dans santé humaine. À Delhi, l'une des cités les plus polluées au monde, le certaines villes, début des total des particules en suspension dans l'air atteint quatre fois le niveau années 1990 considéré comme sûr par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (Banque mondiale 1999d). Pour connaître le niveau des particules dans certaines villes, voir la figure 1.6. Le coût humain de la détérioration de l'environnement est stupé fiant. Un approvisionnement déficient en eau, un assainissement inadé quat des eaux usées, une pollution atmosphérique urbaine s'étendant à l'intérieur des habitations, la malaria et les produits chimiques utilisés par l'industrie agro-alimentaire représentent, selon les estimations, un cinquième des maladies et des morts prématurées dans le monde en développement selon une mesure sanitaire standard dite « années de vie ajustées en fonction de l'incapacité ». En Afrique, l'approvisionne ment déficient en eau, l'assainissement inadéquat des eaux usées et la pollution atmosphérique à l'intérieur des habitations représentent 29,5 % du fardeau de la maladie : une part plus grande que celle de la malnu trition qui est de 26 % (Lvovsky et al. 1999). I DES RÉSULTATS MITIGÉS La croissance du revenu, l'inégalité et l'instabilité Les progrès à long terme du niveau de revenu sont très inégaux selon les régions. La figure 1.7 fait ressortir les tendances affectant le revenu par tête dans les régions en développement et les pays industrialisés depuis 1975. L'Asie de l'Est a connu une hausse sensible du niveau de vie, tandis que l'Afrique subsaharienne a, au contraire, enregistré un recul. La figure 1.8 révèle des variations extrêmes des taux de crois sance entre les différentes économies. Sur les quinze économies affi chant le taux le plus rapide, huit sont situées en Asie de l'Est. La plupart des pays en bas du tableau est en proie à la guerre civile ou à un autre processus de dislocation. À en juger par le taux de croissance moyen, pondéré par le revenu des pays, les années 1980 représentent une décennie perdue pour le développement du monde. Ce sombre tableau s'éclaire un peu lorsque les taux de croissance sont pondérés par la population, dans la mesure où les diminutions dans les pays à revenu intermédiaire (surtout en Amérique latine) pèsent moins et où les augmentations dans les grands Figure 1.7 pays à revenu faible (Chine et Inde) pèsent plus. Dans les années 1990, la différence entre les taux de croissance globaux pondérés par revenu Parité des pouvoirs d'achat - PIB ajusté par tête, et par population a diminué dans les pays en développement, en raison 1975-1998 Dollar américain de 1995 constant 50.000 - , Pays industrialisés 20.000 - 10.000 Amérique latine 5.000 Moyen-Orient et Afrique du Nord . -- Asie de l'Est Pays en développement 2.000 Asie du Sud Afrique subsaharienne 1.000 500 1975 1980 1985 1990 1995 Remarque : L'Europe et l'Asie centrale sont exclues pour des raisons tenant à l'indisponibilité de certaines données. Source : Données de la Banque mondiale. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Chine Taiwan, Chine Rép. de Corée Singapour Botswana Thaïlande Hong Kong, Chine Maurice Chili ' Indonésie Malaisie Rép. arabe d'Egypte Lesotho Sri Lanka Inde Fédération de Russie Venezuela Côte d'Ivoire Rép. islamique d'Iran Guinée-Bissau Rép. centrafricaine Haïti Niger Gabon Madagascar Zambie Sierra Leone Nicaragua Géorgie Rép. dém.du Congo T - 6 - 2 0 2 4 6 10 Changement annuel en pourcentage Sources : Banque mondiale (2000c) ; calculs des auteurs. Figure 1.8 d'une accélération de la croissance dans les pays à revenu intermédiaire d'Amérique latine. Augmentation du PIB par tête dans certains pays, L'inégalité des revenus. Pour compléter cette analyse de la 1975-1998 croissance globale du revenu, il convient aussi d'examiner la manière dont le revenu fut partagé, en observant des changements éventuels dans les inégalités. Plusieurs dimensions d'inégalité de revenu sont per tinentes à cet égard : entre pays, entre ménages au sein d'un même pays et entre ménages de plusieurs pays. Comme nous l'avons déjà fait B D remarquer, le revenu moyen des vingt pays les plus riches du monde a doublé par rapport à celui des vingt pays les plus pauvres au cours des quarante dernières années et représente trente fois son montant. Les données requises pour estimer la répartition du revenu person nel dans le monde sont onéreuses et celles qui sont facilement disponi bles souffrent de sévères lacunes. Ceci dit, Dikhanov et Ward (2000) ont estimé cette répartition pour 1988 et 1993 et découvert que l'inégalité globale du revenu personnel dans le monde a augmenté, selon le coeffi cient de Gini, passant de 0,63 à 0,67 (voir aussi Cornia 1999). Schultz (1998) a examiné les tendances relatives à l'inégalité de revenu dans divers pays. Les résultats diffèrent considérablement selon que la Chine est incluse ou pas dans l'analyse. L'inégalité entre les pays augmenta de 1960 à 1968, se maintint ensuite au même niveau jusqu'en 1976, puis diminua progressivement pour atteindre en 1989 un niveau légèrement supérieur à celui de 1960. Si l'on exclut la Chine, la résorption de l'inégalité entre pays après 1976 disparaît. L'extension de l'analyse jusqu'en 1994 pour un ensemble de pays légèrement plus petit confirme ces tendances. Utilisant des données comparables sur les coefficients de Gini por tant sur quarante-cinq pays et sur la période allant du début des années 1960 au début des années 1990, Deininger et Squire (1996) ne relèvent aucune tendance relative à l'inégalité domestique : son niveau resta environ le même dans vingt-neuf pays, augmenta dans huit et baissa dans huit autres. Une autre comparaison montre qu'entre le début des années 1980 et le début des années 1990, l'inégalité augmenta dans dix-neuf pays et baissa dans vingt-quatre autres (figure 1.9). Parmi les pays dans lesquels l'inégalité augmenta figurent ceux qui possèdent une population importante : le Brésil, la Chine et l'Inde. Si l'on pondère l'indice en tenant compte de la population, l'iné galité moyenne dans les quarante-trois pays constituant l'échantillon a augmenté de 0,52 % par an au cours des années 1980 et du début des années 19904. L'instabilité de la croissance. Les fluctuations économiques semblent affecter les pauvres de manière disproportionnée, mais l'impact est plus durement ressenti dans les pays dépourvus de systè mes de protection sociale minimale efficaces (Furman et Stiglitz 1998). Le ralentissement de la croissance fut directement associé à une aug mentation brutale de la pauvreté en Europe de l'Est et, plus récemment, en Asie de l'Est. Les replis économiques semblent exercer des effets négatifs et durables sur l'économie. Des études suggèrent une corréla tion entre l'importance des fluctuations du taux de croissance et le ralentissement du taux de croissance moyen 5. L'instabilité de la crois sance semble donc jouer un rôle non négligeable. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Pas de tendance générale dans l'inégalité domestique de revenu Figure 1.9 Sri Lanka Bangladesh Inégalité de revenu au sein Jamaïque de certains pays : île Maurice années 1980 Rép. de Corée Mauritanie et années 1990 Ghana Rép. arabe d'Egypte Turquie Guyana Tanzanie Côte d'Ivoire Pérou Yougoslavie Tunisie Malaisie Indonésie Colombie Philippines Costa Rica Pakistan Honduras Mexique Jordanie Maroc Nigeria Inde Barbade Brésil Chili Chine Panama République dominicaine Thaïlande URSS/AUS Guatemala Bulgarie Venezuela Hongrie Pologne Zambie Roumanie Ouganda - 8 - 4 - 2 Réduction du coefficient de Gini (pourcentage annuel) Remarques : La quantité indiquée est une réduction des coefficients de Gini de revenu pour le années 1990 par rapportauxannées 1980, en termes de pourcentages annuels de diminution. valeurs négatives indiquent donc une augmentation de l'inégalité. Source : Deininger et Squire (1996). D DES RESULTATS MITIGES Pourcentage (écart-type des taux de croissance) 12 -i Années 1960 Années 1970 Années 1980 Années 1990 Afrique Asie Asie Europe Amérique Moyen- Pays en de l'Est du Sud et Asie latine Orient développement centrale et Afrique du Nord Remarque : L'instabilité décennale a été calculée sur la base de l'écart-type des taux de croissance pendant la décennie co chaque pays et la moyenne non pondérée de tous les pays du groupe. Sources : Banque mondiale (2000c) ; calculs des auteurs. En moyenne, l'instabilité de la croissance, telle qu'elle peut être Figure 1.10 mesurée à l'aide de quelques paramètres, est estimée avoir diminué Instabilité des taux dans les années 1980 pour la plupart des groupes de pays (à l'exception de croissance du PIB des pays à revenu intermédiaire, principalement en raison de la crise de par décennie la dette affectant le continent latino-américain), par rapport aux années 1970 qui furent le témoin de plusieurs chocs pétroliers. Le tableau est moins tranché concernant les années 1990. L'instabilité aurait drminué en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie du Sud, mais légèrement augmenté dans les pays indus trialisés et en Asie de l'Est (figure 1.10). Les régions en développement d'Europe et d'Asie centrale ont connu des taux de croissance nettement plus fluctuants que ceux des autres régions dans les années 1990 par rapport aux années 1980. Les pays en développement semblent avoir connu une instabilité supérieure à celle des pays industrialisés. Easterly, Islam et Stiglitz (1999) ont exploré les facteurs déterminants de cette instabilité accrue et constaté que : · l'ouverture au commerce et l'instabilité des flux de capitaux sont associées à une instabilité accrue de la croissance, · l'amélioration des indicateurs du développement financier est associée à une instabilité réduite, QUALITÉ DE LA CROISSANCE Variation de l'Indicateur : comparaison Croissance modérée des années 1980 et des années 1990 Unité Période Croissance forte ou en augmentation Croissance bible Pauvreté Pourcentage de la pop. décennie 1990 24,1 31,4 36,9 avec moins d'un dollar par jour décennie 1980 31,0 32,1 30,2 Mortalité intantile Par milliers décennie 1990 29,2 54,3 60,7 décennie 1980 41,0 66,6 71,0 Analphabétisme En pourcentage décennie 1990 17,2 31,2 31,4 années 1980 22,9 37,6 38,8 Espérance de vie En années décennie 1990 70,0 62.9 59,8 années 1980 66,8 60.6 58,4 Émissions de dioxyde de carbone En tonnes par tête années 1990 2,4 2,3 1,7 décennie 1980 1.5 2,3 1,8 Déforestation En pourcentage annuel années 1990-95 0,83 1,05 1,11 années 1980-90 1,08 0,65 1,15 Pollution de l'eau En kilogrammes par jour décennie 1990 0,16 0,21 0,21 et par travailleur décennie 1980 0,18 0.21 0,21 Croissance du PIB En pourcentage annuel décennie 1990 5,3 4,2 0.3 décennie 1980 6,5 2,3 2,1 Nombre de pays 13 53 39 Remarques : Voir le texte pour plus de détails sur la classification des pays. Certaines variables manquent pour une partie des pays. En particulier, les données relatives à la pauvreté ne sont disponibles que pour un petit nombre de pays. Source : Banque mondiale (2000c) ; calculs des auteurs. Tableau 1.2 · les contraintes qui pèsent sur la formulation des politiques en rai son des exigences des institutions et du sous-développement du Résultats du développement par catégories de secteur financier contribuent à la variabilité des résultats, croissance du PIB, · la souplesse des salaires ne semble pas jouer de rôle déterminant. années 1980 et années 1990 La croissance et le bien-être social (moyennes non pondérées) Le tableau 1.2 répartit les pays en développement en trois groupes, selon le taux de croissance de leur PIB par habitant : les pays à crois sance forte, les pays à croissance modérée ou en augmentation et les pays à croissance faible . Dans le cadre de la définition utilisée ici, treize 6 pays furent classés dans le premier groupe, cinquante-trois dans le second et trente-neuf dans le troisième. Selon cette même définition également, les pays à croissance modé rée affichaient l'amélioration la plus sensible de leur taux de croissance. Plusieurs indicateurs de développement humain indiquaient également une amélioration générale dans les trois groupes, avec un écart plus net dans les pays à forte croissance (qui connurent également des niveaux d'émission de dioxyde de carbone plus élevés et en hausse). L'importance des facteurs exogènes Dans les années 1990, des bouleversements politiques et sociaux et des guerres civiles ou extérieures continuèrent à entraver le progrès dans B DES RÉSULTATS MITIGÉS Crises financières Désastres naturels Conflits Désastres causés par l'homme Région ou pays alfecté Asie Oe l'Est Bangladesh Albanie Indonésie {teux de forêt) Russie Amérique centrale Bosnie Brésil Rép. dérn. du Congo Yougoslavie Rwanda Sierra Leone Impact Augmentation à court terme Pertes en vies humaines Destruction du capital humain Augmentation à long terme de la pauvreté en capital physique ou naturel et social de la pauvreté Source : Calculs des auteurs. de nombreux pays (Collier 1999 ; Collier et Hoeffler 1998) (tableau 1.3). Tableau 1.3 Des problèmes régionaux et internationaux liés aux crises financières, à Influence des facteurs la pression démographique, auxfluxmigratoires et à la détérioration de exogènes sur les résultats l'environnement pesèrent lourdement sur les résultats domestiques. domestiques, exemples Malgré un certain progrès dans la régulation des naissances, l'augmen pour la période 1997-1999 tation démographique pourrait, dans de nombreux pays, miner les efforts en faveur d'un développement durable. Le réchauffement de la planète, la dégradation de l'environnement et les atteintes à la biodiver sité continuent d'empirer, alors que la surpopulation accroît encore les pressions exercées sur des ressources globales limitées (Banque mon diale 2000b et diverses éditions des revues Global Economie Prospects et Global Development Finance publiées par la Banque mondiale). Le quart de siècle qui suivit la Seconde Guerre mondiale marqua une période de croissance rapide et régulière, à la fois pour les pays indus trialisés et en développement. L'environnement économique, relative ment exempt de grandes secousses pendant ces « trente glorieuses », connut une transformation brutale en 1973 avec le choc des prix pétro liers et la fin du système de Bretton Woods (instituant des taux de parité fixe entre les devises des principaux pays industrialisés). Les décennies suivantes virent une diminution brutale de la croissance de la producti vité des pays industrialisés, une inflation et des taux d'intérêt élevés, ainsi que des cycles de grande ampleur dans le prix des matières pre mières et le taux de parité des principales devises. Certains ont avancé l'idée que la faible croissance enregistrée dans la plupart des pays en développement (à quelques exceptions près, situées généralement en Asie de l'Est) après 1973 et jusque dans les années 1990 était due principalement au ralentissement de la crois sance dans les pays industrialisés (Easterly 1999b). Bien que ce facteur ait joué un rôle déterminant, les résultats enregistrés par les pays en développement (tels que ceux d'Asie de l'Est) qui prospérèrent pendant cette même période suggèrent que la politique suivie, la gouvernance et les institutions domestiques influencent, elles aussi, les résultats. Les dommages infligés par les chocs et les conflits dépendent des insti tutions en place et de leur aptitude à gérer efficacement les affaires ANCE publiques, les programmes sociaux et les systèmes de protection sociale minimale, tout en assurant le respect des droits civils et de la supréma tie du droit (Collier 1999 ; Collier et Hoeffler 1998 ; Easterly et al. 1999 ; Rodrik 1998, 1999). L'environnement économique mondial connut, dans les années 1990, un autre changement significatif qui exerça une influence plus ou moins bénéfique sur le développement selon les pays (voir diverses éditions de la revue Global Economie Prospects publiée par la Banque mondiale). La demande d'importation des pays membres de l'Organisation de Coo pération et de Développement Économiques (OCDE) se révéla moins fluctuante dans les années 1990 que dans les décennies précédentes, en partie parce que les cycles de l'Amérique du Nord, de l'Europe et du Japon n'étaient plus synchronisés et en partie aussi, parce que les pays en développement (et plus spécialement ceux de l'Asie de l'Est) avaient acquis un plus grand poids dans le commerce mondial. Grâce à une poli tique monétaire restrictive et à des progrès dans l'assainissement des finances publiques, les taux d'intérêt réel et d'inflation chutèrent, au cours des années 1990, dans les principaux pays de l'OCDE et l'instabi lité des taux de parité des devises importantes diminua sensiblement par rapport au cycle prononcé du dollar des années 1980. La relative stabilité des termes de l'échange entre les pays en déve loppement et les pays industrialisés, surtout au niveau des prix des produits primaires non énergétiques, joua un rôle particulièrement important. Les pays non-exportateurs de pétrole assistèrent à une sérieuse détérioration de leurs termes d'échange entre le milieu des années 1970 et le début des années 1990. Cependant, pendant une bonne partie des années 1990, les prix des matières premières autres que le pétrole se maintinrent et leur déclin depuis 1997 est moins abrupt que celui constaté pendant les cycles précédents. Bien que les prix à l'exportation soient nettement plus fluctuants pour les matières premiè res que pour les produits manufacturés, les prix de vingt-deux des trente principales matières premières furent moins instables dans les années 1990 que dans les années 1980 (voir diverses éditions de la revue Commodities Quarterly publiée par la Banque mondiale). La robuste croissance du commerce mondial surpassa nettement la croissance de la production mondiale jusqu'en 1998. L'environnement du commerce international demeura libéral dans l'ensemble et fut caractérisé par une avance du multilatéralisme, nonobstant l'apparition de pratiques discutables telles que l'antidumping. On assista également à une augmentation phénoménale des flux de capitaux privés à destina tion d'une poignée de pays en développement (toujours les mêmes). La crise financière de l'Asie de l'Est révéla que la multiplication des chances s'était accompagnée d'une énorme augmentation des deman des pesant sur les institutions et du coût des erreurs. Pour réussir dans DES RÉSULTATS MITIGÉS un milieu très mondialisé, il est en effet nécessaire de disposer de mécanismes adéquats de gestion des risques et de stratégies gagnantes, dans la mesure où l'ouverture et la concurrence requièrent des cadres réglementaire et juridique appropriés. Les politiques domestiques font la différence Les variations entre les résultats obtenus par les divers pays en matière de développement s'expliquent par l'efficacité des politiques mises en place, surtout dans les quatre domaines suivants : la qualité et la répartition des services éducatifs et de santé, la politique écologique, la gestion des chances et des risques liés à la mondialisation et l'efficacité de l'Administration. Ces liens seront d'ailleurs analysés dans les chapi tres suivants. Investir dans le capital humain Aucun pays n'est parvenu à un développement durable sans investir massivement et efficacement dans l'éducation et la santé de sa popula tion. Les pays en développement consacrent généralement plus de res sources publiques à l'éducation et de nombreuses régions ont fait un effort supplémentaire dans les années 1990 (figure 1.11). Les dépenses Figure 1.11 publiques affectées au secteur éducatif ont baissé en Asie de l'Est, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les données font apparaître une Dépenses publiques affectées à l'éducation, augmentation de la part des dépenses privées en Asie de l'Est. Concer par région pour certaines nant la santé, les seules données disponibles pour les différents pays ont années Pourcentage du PNB (médianes) 1965 1970 1980 1990 1996 Afrique Asie Asie Europe Amérique Moyen- Pays Pays subsaharienne de l'Est du Sud et Asie latine Orient en industrialisés et Pacifique centrale et Caraïbes et Afrique développement du Nord Source : Banque mondiale (2000c). m QUALITÉ DE LA CROISSANCE trait aux années 1990, de telle sorte qu'il est impossible de dégager des tendances à long terme. Que devient la part des dépenses sociales dans les pays en proie à une politique d'ajustement et d'austérité fiscale ? Les réponses à cette question diffèrent selon les analyses. La Banque mondiale (1992) a con clu que cette part demeurait inchangée, tandis que Corbo, Fischer et Webb (1992) ont estimé que la part affectée à l'éducation diminuait. Une étude récente, consacrée par le Fonds monétaire international (FMI 1998) aux pays à faible revenu procédant à un ajustement, estime que les parts des dépenses affectées à l'éducation et à la santé sont généralement protégées. Les fonds privés jouent également un rôle important dans le financement des services sociaux, surtout en Asie de l'Est où leur part a augmenté avec la croissance économique. Mais les dépenses publiques ne génèrent pas toujours de bons résultats. Il faut en effet qu'elles soient judicieuses et bien réparties et aussi qu'elles encouragent l'augmentation du financement privé (toutes questions qui sont abordées au chapitre 3). Gérer l'environnement Nous savons que les politiques gouvernementales négligent l'environne ment, mais nous ne disposons d'aucune mesure standard pour évaluer la politique d'un pays spécifique dans ce domaine. Un indicateur récem ment mis au point, l'épargne réelle, mesure le taux d'épargne après la prise en compte des investissements en capital humain, de la déprécia tion des actifs produits, ainsi que de l'appauvrissement et de la dégrada tion de l'environnement (Banque mondiale 1999f, pp. 175-77). Ces paramètres sont encore expérimentaux et reflètent à la fois les politi ques appliquées et leurs résultats. Nous avons aussi examiné les progrès réalisés dans la signature d'accords visant les questions environnementales. Cette analyse, cepen dant, ne révèle que la détermination de certains pays à acquérir un profil écologique, à formuler des stratégies de conservation et de biodiversité, ou à devenir parties à des traités internationaux. Ces mesures ne sem blent être liées que de loin aux résultats en matière d'environnement. Nous avons donc besoin de meilleurs outils pour saisir les politiques nationales en faveur d'un développement durable sur le plan de l'envi ronnement. Élaborer des politiques favorables au marché Ouverture et libéralisation. L'ouverture a augmenté dans les pays en développement au cours des années 1990. Le rapport entre les échanges commerciaux et le PIB s'est accru dans toutes les régions en développement. Le niveau du protectionnisme commercial a diminué presque partout, grâce à plusieurs séries successives de négociations WÈ DES R E S U L T A T S M I T I G E S La réduction des barrières commerciales dans la plupart des régions Pourcentage Pourcentage 35 -, 50 -, 40 30 20 10 Asie Amérique Afrique Asie Amérique Afrique de l'Est latine subsaharienne de l'Est latine subsaharienne 1984-87 1988-90 1991-93 1984-87 1988-90 1991-93 Source : Rodrik (1999). multilatérales. Les tarifs douaniers moyens ont baissé au cours de cette Figure 1.12 décennie, parfois dramatiquement (figure 1.12). Les barrières non tari Barrières commerciales faires ont aussi accusé une diminution sensible dans la plupart des dans certaines régions, régions, à l'exception de l'Afrique subsaharienne (Rodrik 1999 ; CNU- 1984-1993 CED 1994). L'ouverture au capital s'est aussi accrue de façon spectaculaire dans certaines régions. Un indice des contrôles financiers laisse apparaître une réduction brutale des obstacles à l'entrée des capitaux dans les années 1990, après une augmentation sensible lors de la décennie pré cédente (chapitre 5). Les marchés domestiques ont été eux aussi gagnés par la libéralisation, dans la mesure où les gouvernements sont devenus plus désireux de leur faire confiance et de multiplier les mesu res d'incitation favorisant les initiatives privées en privatisant l'industrie et en levant d'autres restrictions pesant sur les circuits commerciaux et sur la distribution. Nombreux sont les pays d'Afrique exportateurs de matières premières brutes qui procèdent actuellement à un assouplisse ment de leurs mécanismes de contrôle, afin de permettre aux produc teurs de mieux intégrer les fluctuations des cours internationaux (Akiyama 1995). Stabilité macroéconomique. Parmi les indices de la gestion éco nomique, la différence des taux de change entre les marchés officiel et parallèle et le déficit gouvernemental font partie des plus courants. La QUALITÉ DE LA CROISSANCE Médianes (%) Années 1970 Années 1980 Années 1990 Afrique Asie de Asie Europe Amérique Moyen- Pays en sub- l'Es! et du Sud et Asie latine Orient développement saharienne Pacifique centrale et Caraïbes et Afrique du Nord Remarque : Les valeurs sont indiquées en termes de pourcentage (taux du marché parallèle/taux du marché officiel -1) d'écart les deux marchés pour la valeur d'une unité de devise étrangère en devise locale. Sources : Easterly et Yu (2000) ; Banque mondiale (2000c). Figure 1.13 figure 1.13 révèle que la différence du taux de change entre les deux marchés a beaucoup diminué dans la plupart des pays dans les Écart entre le marché officiel et le marché parallèle des années 1990. Quant au déficit gouvernemental, après une hausse sensi devises, 1970-1990 ble dans les années 1980, il a régressé dans la plupart des régions, à l'exception de l'Europe et de l'Asie centrale (ce qui a notamment permis de diminuer sensiblement le taux d'inflation dans la plupart des pays en développement). Résultats sur la croissance et performances des politiques mises en place. Le tableau 1.4 montre des types de politiques pour trois classes de croissance différentes pendant les années 1980 et 1990. Il ne prétend pas démontrer un lien direct entre ces politiques et les résultats obtenus, mais les modèles et tendances ainsi dégagés méritent d'être pris en compte. De nombreux travaux antérieurs ont mis en relief l'impact des politiques mises en place sur la croissance (une synthèse de cette littérature est d'ailleurs disponible sur demande). Bien que certai nes politiques favorables au marché demeurent controversées, de nom breux pays en développement ont fait de gros efforts dans ce sens pendant les années 1990. Le déficit budgétaire moyen observé pendant cette décennie fut le plus bas jamais enregistré dans l'ensemble des groupes, surtout celui des pays à croissance forte ou modérée. Les trois groupes affichèrent des tarifs douaniers beaucoup plus bas et un rap port entre les échanges commerciaux et le PIB plus élevé dans les années 1990 que dans les années 1980. Ils se montrèrent mieux dispo- ^5 DES RÉSULTATS MITIGÉS Variation de l'Indicateur : comparaison Croissance modérée des années 1980 et des années 1990 Unité Période Croissance forte ou en augmentation Croissance faible Excédent buogêtaire Pourcentage du PIB décennie 1990 -1,8 -1,4 -3,4 décennie 1980 -4,2 -2,9 -4,7 Taux tarifaire effectif En pourcentage décennie 1990 22,7 25,4 18,3 années 1980 29.1 31,9 22,7 Commerce/PIB En pourcentage décennie 1990 92,1 77,0 70,2 décennie 1980 82.0 71,0 59,9 Ouverture au compte de capital Indice année 1996 2,4 3,0 3.1 année 1988 17 1,9 17 Répression financière Indice année 1996 3,6 3,2 4,0 décennie 1973 5,9 6.8 4,5 M2/PIB En pourcentage année 1990 55,4 36.9 28.6 décennie 1980 42,8 34.6 Réserves internationales En mois d'importation décennie 1990 4,2 3,9 2,9 années 1980 3,1 2.8 2,4 Primauté du droit Indice année 1997-98 0,2 -0,2 -0,7 Contrôle de la corruption Indice année 1997-98 -0,1 -0,2 -0,6 Dépenses en matière d'éducation Pourcentage du PNB décennie 1990 3,7 4,4 4,3 décennie 1980 3,6 4.2 4,4 Action en faveur de l'environnement Indice 0-1 Internationale 0,89 0,95 0,88 Indice 0-1 Domestique 0,89 0,86 0,65 Nombre de pays 13 53 39 Remarques : Voir le texte pourplus de détails sur la classification des pays. Certaines variables manquentpour une partie des particulier, les données suivantes ne sont disponibles que pour quelques rares pays : taux tarifaire effectifet répression financ variables sont décrites dans l'annexe 1. Source : Banque mondiale (2000c) ; calculs des auteurs. ses à l'égard des opérations en compte de capital dans les années 1990 Tableau 1.4 (le groupe des pays à forte croissance se montrant toutefois plus pru Performances dent que les autres dans ce domaine). Les systèmes financiers domesti des politiques mises en ques furent également moins réprimés dans les années 1990 que dans place par catégories de les années 1970, le groupe des pays à forte croissance faisant montre, là croissance, années 1980 aussi, d'une plus grande circonspection que le groupe des pays à crois et années 1990 sance modérée. Les économies affichant une croissance rapide disposè (moyennes non pondérées) rent d'une plus grande densité des circuits financiers, telle qu'elle se mesure à l'aide du ratio Liquidités (M2)-PIB et de politiques macroé conomiques plus prudentes, comme le révéla notamment l'augmenta tion de leurs réserves. Ils obtinrent aussi de meilleures notes en ce qui concerne la qualité de leur gouvernance. Les études empiriques abon dent d'ailleurs sur certains de ces liens entre la politique macroécono mique mise en place et les résultats obtenus. Les domaines d'action essentiels Le monde en développement a continué à avancer dans les années 1990. Les progrès en matière politique furent importants : réduction du déficit ANCE fiscal, augmentation des investissements dans le secteur éducatif, abais sement des barrières au commerce et aux investissements, ainsi que démantèlement du contrôle des prix domestiques dans l'agriculture et l'industrie. Les résultats furent plus mitigés dans le domaine de la crois sance. Mais les performances enregistrées dans les années 1990 et à plus long terme confirment une corrélation entre ces actions et une meilleure croissance économique. Elles corroborent aussi le lien entre la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Ainsi, dans l'ensemble, le monde en développement s'est remis des revers subis dans les années 1980, même si l'ampleur de ce rétablissement laisse beaucoup à désirer. Les performances relevées suggèrent également que les actions des gouvernements et d'autres institutions ont péché par manque de qualité et de durabilité. Les événements survenus en Asie, en Europe, en Asie centrale et ailleurs soulignent la fragilité des progrès réalisés dans la voie menant à la réduction de la pauvreté et à un développement dura ble. Le nombre de pauvres continue d'augmenter, de sorte qu'on estime aujourd'hui le nombre des personnes vivant dans une pauvreté absolue (c'est-à-dire avec moins d'un dollar de revenu journalier) à 1,2 milliard. L'incidence de la pauvreté étant extrêmement sensible aux change ments dans la répartition du revenu et à la croissance démographique, toute politique visant une répartition large et équitable de la croissance et un contrôle des naissances mérite une attention soutenue. Les relations entre les objectifs du développement et les instruments de la politique économique ont fait l'objet d'enquêtes extrêmement détaillées dans la littérature spécialisée. L'annexe du chapitre 1 inclut une série de coefficients de corrélation de ce type en vue de fournir les données de base. Par leur nature, ces coefficients ne peuvent être d'aucun secours pour identifier des liens de cause à effet ou des méca nismes. Néanmoins, les combinaisons indiquées comme significatives mériteraient une enquête plus approfondie à titre d'hypothèses. Sont également importantes les combinaisons plausibles dépourvues de signification avec le signe prévu. De nombreuses relations hypothéti ques sont analysées dans les chapitres 3 à 6, ainsi que dans le chapitre 2 qui élabore un cadre élémentaire. À ce stade, contentons-nous de répertorier ces relations sous forme de questions ayant motivé la rédaction de la présente étude : · Les améliorations constatées dans le capital humain sont-elles suf fisantes pour soutenir la croissance dans les pays ayant connu une croissance accélérée au cours des années 1990 ? · L'augmentation du capital humain dans les pays à croissance lente sera-t-elle suffisante pour accélérer et améliorer leur croissance dans un futur proche ? D · La détérioration du capital naturel réduira-t-elle le potentiel de croissance future, surtout dans les pays pauvres ? · La dégradation du capital naturel devient-elle un sérieux obstacle à l'amélioration du bien-être social de la population ? · Les risques liés à la mondialisation financière peuvent-ils être gérés de manière à réduire l'instabilité de la croissance et à amélio rer sa durabilité ? · Quelle est l'influence de la qualité de la gestion des affaires publi ques sur les processus et les résultats de la croissance et comment progresser dans le contrôle de la corruption ? Les chapitres suivants permettent de mieux comprendre ces ques tions à défaut de leur apporter une réponse. Le reste de ce rapport s'organise comme suit. Le chapitre 2 établit un cadre analytique d'interprétation de l'expérience du développement décrite dans le présent chapitre et en tire des leçons quant à l'impor tance d'une croissance sans distorsion des actifs (humain, naturel et physique) et quant à la signification, au plan du bien-être social, de modèles alternatifs de croissance (voir aussi l'encadré dans l'aperçu). Le chapitre 3 explore la manière dont les investissements dans les res sources humaines - tant sur le plan quantitatif, que sur le plan qualitatif et distributif - peuvent accroître directement le bien-être social et allon ger la durée des processus de croissance. Le chapitre 4 fait de même pour les ressources environnementales et naturelles, où l'antinomie entre la croissance et le bien-être social est patente et les compromis beaucoup plus difficiles. Le chapitre 5 aborde de nouveau la question de l'instabilité de la croissance et des risques financiers, puis examine les aspects qualitatifs des réformes susceptibles d'allonger la durée des pro cessus de croissance dans le cadre de la mondialisation actuelle. Les trois approches - humaine, naturelle et financière - s'articulent autour de la qualité de la gouvernance qui influe directement sur la qualité et la durabilité des processus de croissance. Les institutions formelles et informelles assurant la gestion des affaires publiques sont discutées dans le chapitre 6 qui met l'accent sur la lutte anticorruption. Enfin le chapitre 7 propose une liste d'actions souhaitables. Pourquoi est-il si difficile de mettre en place des politiques ayant lar gement fait leurs preuves ? Il est peu probable que cette carence s'expli que uniquement par l'ignorance des décideurs. Il est plus vraisemblable, en revanche, qu'elle soit principalement due à l'impopularité, dans cer tains milieux, des mesures requises. Des groupes d'intérêt se font fort de limiter la portée des réformes possibles et d'ouvrir une brèche entre le dessein des politiques élaborées et leur mise en oeuvre. La manière de contrer ces forces, par une participation accrue et un renforcement du gouvernement, constitue un enjeu capital qui n'est pas complètement ANCE décrit dans le présent rapport (sauf dans le cadre du chapitre 6 qui exa mine brièvement certains aspects partiels du problème). Un autre sujet important concerne la conjoncture particulière que des économies, autrefois planifiées, doivent affronter dans leur lutte pour passer à une économie de marché. Ces économies sont incluses dans les analyses en fonction de la disponibilité des données, tandis que des illustrations et des cas, fondés sur leur expérience, sont utilisés dans certains chapitres (et plus particulièrement dans le chapitre 6 consacré à la gouvernance et à la lutte anticorruption). Cependant, un examen exhaustif des problèmes inhérents aux économies de transition dépasserait la portée du présent rapport7. Notes 1. De nombreuses études multidimensionnelles portent sur les objectifs du développement (Dasgupta 1993 ; Hicks et Streeten 1979 ; Lewis 1955 ; Nordhaus et Tobin 1972 ; Sengupta et Fox 1969 ; Tinbergen et Theil in Hughes-Hallet 1989). Certaines ont recours à des analyses multivariées de nombreux paramètres économiques, sociaux et politiques (Adelman et Taft- Morris 1967 ; Baster 1972 ; Morris 1979 ; UNRISD 1970). D'autres construi sent des indices permettant de mesurer la qualité de la vie ou le développe ment humain (Dasgupta 1990a ; Diewert 1986 ; Drewnowski et Scott 1966 ; Griliches 1971 ; McGranahan 1972 ; Ram 1982a,b ; Slottje 1991). Les sché mas élaborés dans une partie de ces études sont mentionnés au chapitre 2. 2. Les émissions de dioxyde de carbone n'ont guère d'impact direct sur la santé locale, mais sont importantes dans le contexte des émissions de gaz à effet de serre et du problème connexe du changement climatique mondial. De même, les émissions de dioxyde de carbone sont généralement associées à l'émission d'autres polluants atmosphériques qui ont un impact sur la santé globale mais au sujet desquels nous ne disposons que de rares données. 3. Ce n'est que depuis le milieu des années 1990 que nous disposons de mesu res portant sur la qualité de l'air dans de nombreuses villes du monde. Une relation en forme de U inversé entre la pollution et le revenu par habitant, dite courbe environnementale de Kuznets, a été établie pour plusieurs types de polluants (Grossman et Krueger 1995). Cela ne diminue en rien la néces sité d'intervenir en faveur de l'environnement, dans la mesure où les points de retournement relatifs au revenu sont généralement placés très hauts. Cette question est abordée dans le chapitre 4. 4. Les données relatives à la répartition du revenu sont maigres en ce qui con cerne les années les plus récentes. Une étude de la Banque mondiale portant sur 29 pays estime que 5 d'entre eux ont vu un déclin de l'inégalité mais que 24 (soit 5 fois plus) ont vu une augmentation (Buckley 1999). 5. Par exemple, une régression des taux moyens de croissance du PIB pour 112 pays par rapport à l'instabilité de ces mêmes taux, mesurée par l'écart-type des taux de croissance, révèle un coefficient négatif significatif (voir aussi Ramey et Ramey 1995). DES RÉSULTATS MITIGÉS 6. Les pays à forte croissance, tels qu'ils sont définis ici, sont ceux dont la crois sance annuelle du revenu par tête a dépassé 2,3 % dans les années 1980 et 1990 (un taux équivalant à un doublement tous les trente ans). Le deuxième groupe - celui des pays à croissance modérée ou en augmentation - inclut les pays étant parvenus à conserver un taux de croissance du revenu par habitant positif pendant les deux décennies ou à améliorer leur taux de croissance d'au moins 2 % dans les années 1990. Les autres pays sont consi dérés comme des pays à croissance faible. 7. Voir Banque mondiale (1996b) pour une analyse complète des problèmes liés aux économies en transition. Voir également les articles de Âslund (1999) ; Commander, Dutz, et Stem (1999) ; Kornai (2000) ; Qian (1999) ; Stiglitz (1999) etWyplosz (1999). C H A P I T R E Actifs, croissance et bien-être social « La difficulté réside, non pas dans la naissance de nouvelles idées, mais dans l'abandon des anciennes qui se ramifient... dans tous les recoins de notre esprit. » -- John Maynard Keynes, The Gênerai Theory of Employment, Interest, and Money Une croissance économique rapide est généralement considérée comme le principal indicateur du développement. Pourtant, la mesure de la croissance à l'aune des comptes nationaux est loin de satisfaire tous les spécialistes (voir, par exemple, Adelman 1975 ; Dasgupta 1993 ; Dréze et Sen 1995 ; Lewis 1955 ; Sen 1988). Plus significatif, à cet égard, est le bien-être social, y compris la consommation, le développement humain et la durabilité de l'environnement, ainsi que leur qualité, leur distribu tion et leur stabilité. Le plus souvent, la croissance du revenu par tête et les améliorations du bien-être social vont de pair, mais il y a des excep tions. Des divergences importantes entre la croissance et les améliorations du bien-être social peuvent en effet se faire jour lorsque la croissance est instable ou non soutenue. Ces divergences apparaissent-elles éga lement lorsque la croissance économique est soutenue ? En d'autres termes, des pays peuvent-ils conserver une croissance rapide pendant de longues périodes sans une augmentation correspondante du bien- El ANCE être social ? En cas de réponse négative, il conviendra de mettre l'accent sur les politiques macroéconomiques capables d'assurer une croissance soutenue, dans la mesure où elles ne manqueront pas de générer éga- lement une amélioration du bien-être social. En cas de réponse positive, en revanche, il conviendra de compléter l'analyse des politiques de croissance par un examen des modèles alternatifs de croissance (soute- nue). La présente analyse se concentre sur les modèles d'investissement dans trois actifs-clés : le capital physique et son pendant le capital financierl, le capital humain et son pendant le capital social, ainsi que le capital naturel et son pendant le capital environnemental. Les techni- ques affectant l'utilisation de ces actifs revêtent également une grande importance. L'hypothèse centrale, évaluée empiriquement dans la suite de ce rapport, est que la promotion des investissements adéquats dans toutes les formes de capital incarne une manière d'encourager une croissance plus rapide et de meilleure qualité, ainsi que des améliora- tions du bien-être social. Mais les politiques introduisent souvent des distorsions favorisant les sur- ou les sous-investissements dans différen- tes formes de capital. Parmi les exemples de ces distorsions, citons les taux d'intérêt abaissés artificiellement, le prix trop bas des ressources naturelles ou la place insuffisante accordée à l'éducation élémentaire dans la politique budgétaire. S'attacher presque uniquement à l'accu- mulation du capital physique en négligeant plus ou moins le capital humain et naturel n'est pas une recette garantie de croissance soutenue. Certaines preuves récentes montrent que la corrélation est très faible entre les taux d'investissement et les taux de croissance à court terme (Easterly 1999c). Les efforts visant spécifiquement l'encouragement de l'accumulation du capital physique en soi risquent en outre d'imposer des coûts élevés. Certains changements de politique macroéconomique dans les années 1980 et au début des années 1990 semblent avoir surtout aug- menté le taux de rendement du capital physique, ce qui s'est traduit par une hausse des investissements dans de nombreux pays. Mais ces réformes, à elles seules, n'ont pas forcément réussi à garantir une crois- sance soutenue, dans la mesure où elles ne prévoyaient pas d'investis- sements complémentaires dans les actifs humains et naturels. En outre, certains des pays concernés n'ont pas généré de croissance du tout, en raison d'une réglementation inappropriée (encourageant par exemple la production sous licence qui réduit l'incitation à l'investissement) ou insuffisante (notamment dans la réglementation des marchés financiers et la lutte contre les monopoles). En revanche, la croissance fondée sur un développement non biaisé et relativement équilibré du capital humain, physique et naturel peut être maintenue pendant de longues périodes2. Cet équilibre ne signifie ACTIFS, CROISSANCE ET BIEN-ÊTRE SOCIAL pas forcément une expansion égale de tous les actifs, mais constitue plu- tôt un encouragement à l'accumulation dans le cadre d'une politique ne générant pas de distorsions. Ce modèle a plus de chances de réduire la pauvreté et d'améliorer la répartition des revenus. La conjoncture résul- tante, à son tour, crée les conditions d'une croissance plus rapide qui accélère l'amélioration du bien-être social. Il s'ensuit que la prévention des sous-investissements dans le capital humain et naturel est l'une des manières de promouvoir une croissance rapide et soutenue. Nous commencerons par construire un cadre permettant d'explorer ces hypothèses et leurs implications : modèles d'accumulation d'actifs, productivité des facteurs et bien-être social. Nous examinerons en par- ticulier les implications d'une croissance faussée des actifs sur les pau- vres. La section suivante contient des preuves empiriques provenant de diverses sources. Après avoir examiné l'évolution dans le temps de soixante pays, nous exposerons certaines preuves économétriques con- cernant deux groupes de pays et permettant d'identifier les déterminants de la croissance. Enfin, nous passerons en revue des preu- ves empiriques liées à diverses subventions (brutes) avant d'évaluer l'impact des subsides en capital. Construction d'un cadre d'exploration L'amélioration de la qualité des comptes nationaux par l'inclusion du capital humain et naturel à des prix fictifs (obtenus à l'aide de calculs extrêmement complexes) est l'un des moyens de concilier les divergen- ces entre l'amélioration de la croissance et celle du bien-être social. Mais même les progrès limités réalisés dans l'évaluation de ces actifs n'ont pas encore été intégrés (ni pondérés) dans les comptes nationaux : une opération qui pose encore de sérieux problèmes conceptuels. C'est pourquoi, il est préférable d'adopter une approche plus pratique et plus modeste consistant à identifier des modèles mesurables de croissance et les instruments politiques favorisant le bien-être social. Trois modèles de croissance Considérons ces différents scénarii : · Modèle 1. Croissance non soutenue où l'économie connait quel- ques phases de croissance rapide mais à un taux décroissant, ce qui finit par engendrer un état de stagnation ou de quasi-stagna- tion. · Modèle 2. Croissance faussée et obtenue au prix de la détériora- tion des ressources naturelles (cédées à des prix trop bas, par exemple), de l'insuffisance des investissements dans le capital humain (protection inadéquate contre le travail des enfants, par exemple) et de la subvention du capital physique (exemptions ANCE fiscales, mauvaise rentrée de l'impôt, aide financière à certains investissements et octroi d'aides au crédit aux investisseurs, par exemple). · Modèle 3. Croissance soutenue reposant sur une accumulation des actifs sans distorsions ou équilibrée et sur une politique des pou- voirs publics en faveur du développement de l'enseignement pri- maire et secondaire, de la santé publique et de la protection du capital naturel. Cette politique empêche le déclin du rendement des actifs privés (et plus spécialement du capital physique) et génère un capital humain d'un niveau suffisant pour faciliter l'inno- vation technique et la croissance de la productivité totale des fac- teurs (PTF). Le modèle 1 est généralement associé à une croissance lente et extrêmement instable ou fluctuante empêchant la réduction de la pau- vreté et ne dégageant pas des ressources suffisantes pour investir dans le capital humain et le capital naturel. En d'autres termes, le modèle 1 provoque une stagnation économique et une régression du bien-être social. Il est le plus souvent typique des pays où la gouvernance est d'un piètre niveau et la corruption très répandue, ce qui décourage les inves- tissements et empêche une répartition efficace des dépenses publiques. Comparé au modèle 1, le modèle 2 de croissance par à-coups semble plus apte à améliorer le bien-être social et à réduire la pauvreté. Mais cette croissance dépend du soutien du capital physique par les pouvoirs publics : une politique difficile à maintenir très longtemps. Le modèle 3 convient davantage pour améliorer le bien-être social et réduire la pau- vreté. Par conséquent, le maintien d'un taux raisonnable de croissance économique suppose l'augmentation, à des taux sans distorsions ou relativement équilibrés, des principaux actifs économiques : physique et financier, humain et social, naturel et environnemental. La répartition de ces actifs, notamment le capital humain, au sein de la population revêt aussi une certaine importance. Une croissance soutenue et stable profite largement aux pauvres qui souffrent généralement davantage des soubresauts de la croissance. Les externalités et l'accumulation des actifs Toutes les formes de capital peuvent impliquer des externalités. Les composants du capital humain et naturel présentent souvent une valeur sociale dépassant celle revenant aux individus qui l'utilisent. En tant que biens (partiellement) publics, ils ont des retombées positives qui ne sont pas forcément prises pleinement en compte par les actions des individus ou des entreprises. C'est pourquoi la politique économique et d'autres mécanismes doivent empêcher qu'ils soient négligés. Certains ont mis l'accent sur la production positive et les externalités tech- nologiques associées à l'accumulation du capital physique (Barro et ACTIFS, CROISSANCE Sala-I-Martin 1995 ; Romer 1986). Mais les externalités associées au capital humain et naturel sont bien plus difficiles à prendre en compte et probablement aussi plus importantes . Le capital humain et le capital 3 naturel sont essentiels, non seulement comme facteurs de production mais aussi comme déterminants directs du bien-être social. Les gouvernements peuvent utiliser des instruments du marché pour gérer ces effets externes. Mais le problème englobe aussi l'affecta- tion des dépenses publiques. Les fonds publics représentent en effet généralement 25 à 30 % du PIB et exercent donc un puissant effet direct (par opposition à l'effet des politiques et réglementations) sur l'affecta- tion des ressources et sur la répartition des revenus. Rares sont les pays qui sont parvenus à utiliser les instruments du marché en tenant compte de la valeur sociale réelle du capital naturel et humain. Les gouverne- ments responsables de la région amazonienne, par exemple, ont aggravé les externalités négatives sur l'environnement. Les subventions publi- ques et les avantages fiscaux accordés à de gros éleveurs de bétail et à d'importantes entreprises forestières furent directement responsables de plus de 50 % de la déforestation de la région dans les années 1970 et 1980 (Binswanger 1991). En outre, les investissements publics dans les infrastructures des zones frontalières ont amplifié les externalités asso- ciées au caractère très imprécis des droits de propriété locaux. Une action trop faible pour prévenir les sous-investissements dans les actifs humains et naturels risquerait de se solder par une accumula- tion déséquilibrée des actifs, au moins à court terme, l'accent étant mis sur l'accumulation du capital physique. En se fondant essentiellement sur ce type d'accumulation partielle, la croissance a des chances d'aug- menter la croissance du PIB (mesurée selon les méthodes convention- nelles de comptabilité). Cependant, le bien-être social risque de ne pas augmenter dans les mêmes proportions et même de régresser si, par exemple, le capital naturel devait sensiblement diminuer ou si la qualité de l'éducation et de la santé publiques chutait. Les conséquences, au niveau de la distribution, d'une croissance faussée ou déséquilibrée des actifs pourraient également se révéler très graves (surtout si ces biais affectaient la stabilité de la croissance) et frapper les pauvres de façon disproportionnée. Une croissance rapide du PIB sans un certain équilibre dans l'aug- mentation des actifs risque également de se révéler difficile à maintenir. Sauf en présence de retombées technologiques ou d'économies d'échelle particulièrement importantes, une accumulation rapide du capital physique accompagnée d'une croissance lente du capital humain et d'une diminution des actifs naturels a toutes les chances d'entraîner un déclin de la productivité marginale du capital, dans la mesure où elle provoquera une hausse du stock de capital par rapport aux autres actifs productifs (voir l'annexe 2). QUALITÉ DE LA CROISSANCE La croissance de la productivité totale des facteurs et l'accumulation des actifs Jusqu'à présent, nous avons mis essentiellement l'accent dans ce chapi- tre sur l'accumulation et la structure des actifs en tant que source de croissance. Une série importante d'analyses avance que la principale source de croissance n'est pas l'accumulation des actifs mais la crois- sance de la PTF (Easterly et Levine 2000 ; King et Rebelo 1993 ; Klenow et Rodrïguez-Clare 1997a ; Romer 1986, 1993). Cette conclusion, formulée sur la base de modèles théoriques fondés sur une croissance endogène, est corroborée par des études empiriques antérieures prouvant que la croissance durable, surtout aux États-Unis et dans certains autres pays industrialisés, s'explique principalement par la PTF. Des analyses portant sur les pays d'Asie de l'Est, en revanche, sug- gèrent que l'augmentation de la PTF n'est peut-être pas une source aussi importante de croissance pour les pays en développement que pour les États-Unis et quelques autres pays industrialisés. Les États d'Asie de l'Est sont pratiquement les seuls pays en développement ayant connu une croissance durable et rapide sur de longues périodes. Collins et Bosworth (1996), Kim et Lau (1994), ainsi que Krugman (1996) et Young (1991, 1994, 1995) ont montré que la croissance rapide de cette région (avant 1997) était assise sur une forte accumulation des actifs. Deux articles récents, cependant, identifient des facteurs susceptibles de nuancer ces analyses. Klenow et Rodrïguez-Clare (1997b) et Nelson et Pack (1998) mettent l'accent sur des améliorations de la mesure des actifs et sur des raffinements méthodologiques qui pourraient sensible- ment altérer les conclusions des auteurs susmentionnés. La PTF dans les pays en développement est potentiellement impor- tante pour la croissance. Elle est aussi étroitement liée à l'accumulation des actifs pour deux raisons. Premièrement, le capital et les biens inter- médiaires impliquent un fort contenu technologique. Deuxièmement, pour profiter du progrès technique, il convient d'améliorer continuelle- ment le niveau d'instruction dans toutes ses dimensions. La promotion de la formation générale est plus importante dans les pays en dévelop- pement que dans les pays industrialisés où elle est déjà fortement ancrée dans les moeurs. Cependant, dans la plupart des pays en déve- loppement, cette formation générale n'est pas encore suffisante pour faciliter la diffusion des nouvelles technologies, h s'ensuit que la crois- sance de la PTF ne peut être rapide que si le capital humain s'élargit et s'approfondit. C'est pourquoi elle est étroitement liée à l'accumulation des actifs et aussi pourquoi il risque de s'avérer difficile de dissocier la PTF et l'augmentation des actifs comme sources de la croissance. B ACTIFS, CROISSANCE Les investissements dans le capital physique Les réformes des marchés -libéralisation des marchés commercial, financier et du travail, privatisation, élimination du contrôle des prix - ont joué un rôle prépondérant dans l'accroissement de la rémunération de toutes les formes de capital. Étant donné la plus grande sensibilité des investissements privés au capital physique qu'au capital humain et naturel, elles ont aidé certains pays (et plus spécialement ceux n'étant pas ravagés par la corruption) àjouir d'un boom des investissements qui se solda par une accélération de la croissance. Plusieurs de ces réformes, notamment celles visant la libéralisation du commerce ou la suppression des biais pénalisant l'agriculture, accroissent également la rémunération du capital humain. Cependant, en l'absence d'investisse- ments complémentaires dans ces actifs (et plus spécialement dans le capital humain), l'expansion du capital physique pourrait entraîner un déclin de cette rémunération et, en fin de compte, un ralentissement de la croissance (voir annexe 2). Dans certains pays, cette tendance a été contrée par l'approfondissement du processus de réforme. Dans d'autres, en revanche, le gouvernement a affecté une part croissante des ressources publiques au maintien des inégalités (générant ainsi une croissance correspondant au modèle 2). En outre, la plus grande participation des pays en développement aux marchés mondiaux incite les gouvernements nationaux (et locaux) à essayer d'attirer eux aussi des capitaux étrangers en créant artificiel- lement des conditions favorables, comme le démontrent des données récentes en provenance à la fois de pays industrialisés et en développe- ment (pour plus de détails sur les mesures de ce type adoptées par l'Argentine, le Brésil, le Canada, la Chine, l'Inde, la Malaisie, Singapour et les États-Unis, ainsi que par certains pays d'Europe occidentale, voir Oman 2000 et la section suivante). Les preuves abondent qui font état de mesures d'incitation et de subsides visant des secteurs tels que l'industrie automobile de diverses régions ou la surexploitation des res- sources naturelles (notamment par des compagnies minières ou des sociétés forestières) en raison de prix maintenus artificiellement trop bas. Un mécanisme bien connu pour accroître le pouvoir d'attraction d'un pays aux yeux des investisseurs locaux ou étrangers consiste à « brader » les ressources humaines et naturelles, en autorisant par exemple le travail des enfants ou les entorses aux règles de la médecine et de l'hygiène sur le lieu de travail, en laissant la bride sur le cou aux banques et autres institutions financières, en n'appliquant pas la réglementation en matière de protection de l'environnement et en cédant pour une bouchée de pain les droits d'exploitation des ressour- ces minières, hydriques et forestières .4 Dans certains pays, ces subventions aux capitaux et ces exemptions fiscales parviennent à compenser les surcoûts associés à la mauvaise QUALITÉ DE LA CROISSANCE gouvernance ou à la corruption et, par conséquent, à inciter des entre- prises à investir dans des activités productives (voir le chapitre 6). Il serait donc possible, en réduisant la corruption et l'incurie, d'économi- ser des ressources. Outre une gouvernance de qualité, un autre ingré- dient susceptible déjouer un rôle positif dans l'amélioration de la qualité de la croissance tient au pouvoir exercé par certaines institutions domestiques informelles, pouvoir que l'on désigne souvent sous le terme générique de « capital social » (voir l'encadré 2.1). ENCADRÉ 2.1 Capital social La notion de capital social a retenu dernièrement · L'action communautaire ou coopérative de grou- l'attention des universitaires et des professionnels pes locaux peut alléger « la tragédie des riches- du développement. Les phénomènes qu'elle recou- ses communes », la surexploitation et la sous- vre incluent la confiance, des normes coopératives, maintenance (Ostrom 1990). des élections, la participation à des référendums, · Le renforcement des liens interpersonnels faci- ainsi que des activités associatives horizontales au lite la circulation des informations et la diffusion sein de divers groupes. Comment le capital social des innovations (Besley et Case 1994 ; Foster et affecte-t-il les performances économiques ? Rosenzweig 1995 ; Rogers 1983). · Moins de ressources doivent être affectées à la · Le capital social peut jouer le rôle d'une assu- protection antifraude dans les transactions éco- rance informelle, comparable à la diversification nomiques, alors que cette protection est quasi- d'un portefeuille. Le partage des risques entre de ment un corollaire dans les environnements nombreux ménages peut constituer une protec- caractérisés par un niveau de confiance élevé. tion sociale minimale et encourager les intéres- · Les entrepreneurs ont moins besoin de surveiller sés à prendre des risques accrus et à se tourner leurs fournisseurs et leurs employés et peuvent vers des activités plus rémunératrices (Narayan donc affecter davantage de ressources aux acti- etPritchettl999). vités innovantes. Mais, peut-on mesurer le capital social et quelle · La confiance personnelle peut se substituer aux est son efficacité dans la contribution à la crois- droits de propriété formels. sance ? Certaines mesures de politique macro-éco- · Un renforcement de la confiance dans la politi- nomique peuvent-elles favoriser sa formation ? Des que du gouvernement favorise les investisse- preuves de plus en plus nombreuses, émanant de ments. données pays par pays et de microdonnées portant sur de petites zones géographiques, font allusion · Un plus haut degré de confiance semble propice au potentiel du capital social. Knack et Keefer à l'accumulation du capital humain. Galor et (1997) utilisent les données de l'étude World Zeira (1993) suggèrent qu'une plus grande Vailles Survey for 29 raarket économies over confiance a pour corollaire l'augmentation des 1980-94 (enquête sur les valeurs mondiales pour inscriptions dans les établissements d'enseigne- 29 économies de marché entre 1980 et 1984) pour ment secondaire. établir l'importance de la confiance et de l'engage- · La confiance et la participation civique sont éga- ment civique. Après avoir contrôlé le revenu par lement associées à de meilleures performances tête, le capital humain et le prix des biens d'équipe- des institutions gouvernementales, y compris ment initiaux, ils découvrirent que les deux indices l'éducation publique. du capital social étaient forcément liés à la crois- ;f|;: ACTIFS, CROISSANCE ET BIEN-ÊTRE SOCIAL sance économique. Ils constatèrent également que la croissance économique à long terme. Ces varia- la confiance revêtait encore plus d'importance bles vont au-delà des « variables de confiance » dans les pays pauvres dotés d'un système juridique généralement étudiées par les chercheurs dans le et d'un secteur financier déficients. Cette constata- domaine du capital social. Celles qui importent le tion a une implication politique : l'établissement plus pour saisir les différences dans les arrange- d'institutions juridiques et de crédit formelles est ments sociaux incluent l'importance des mass essentiel dans les sociétés où la méfiance est médias (journaux et radios), la nature de l'organi- grande entre les individus. Le concept de capital sation sociale de base, la modernisation des opi- social a généré discussions et débats. Ses partisans nions et idées, le-degré de mobilité sociale et prétendent qu'il est aussi important que les capi- l'importance de la classe moyenne indigène. taux physique, humain et naturel, voire qu'il les englobe. D'autres trouvent cette assertion exagé- Parmi les études dont la lecture s'impose, citons rée et inappropriée. Une partie de ce travail est celles de Dasgupta et Serageldin (1999), de également critiquée pour avoir laissé dans l'ombre Narayan et Pritchett (1999) et de Woolcock des dimensions sociales importantes. Temple et (1998), ainsi que deux séries d'articles parues dans Johnson (1998) suggèrent une perspective globale, les sections spéciales des revues World Develop- à savoir tout simplement que la société compte. Ils ment (Evans 1996) et Journal of International analysent les données visant les variables socio- Development (Harriss 1997) (la série publiée dans économiques compilées par Adelman et Taft-Mor- ce périodique inclut notamment un article de Fox ris (1967) et prouvent que plusieurs variables critiquant la manière dont la Banque mondiale uti- sociales peuvent sensiblement contribuer à prévoir lise la notion de capital social). Les investissements dans le capital humain et naturel Le revers de la médaille avec les mesures d'incitation visant le capital physique et financier est l'attention insuffisante accordée au capital humain et la destruction rapide, par surexploitation, de diverses formes de capital naturel. Les efforts visant à accroître artificiellement l'attrait d'un pays aux yeux des investisseurs en capital physique et financier pourraient être liés à un investissement déficient dans le capital humain et naturel. Le secteur privé contribue à l'accumulation du capital humain au moyen de la formation professionnelle, des écoles privées et du système de santé privé. Mais l'éducation et la santé privées sont généralement réservées aux nantis qui peuvent payer d'avance leur capital humain. La plupart des individus, cependant, surtout au sein des classes à revenu faible et modéré, dépend de l'aide publique pour accumuler son capital humain. Les imperfections des marchés des capitaux les empêchent en effet d'emprunter contre la garantie de gains futurs et renforcent encore cette dépendance. La croissance du capital physique peut s'étendre au capital humain, grâce à des investissements privés dans le secteur de la recherche et du développement et à la formation aux technologies de pointe, dans le ANCE cadre d'une croissance fondée sur le savoir. Mais, pour soutenir cette croissance, une portion importante (et grandissante) de la force de tra- vail doit disposer d'une formation générale suffisante pour acquérir des compétences, maîtriser des technologies et participer à l'expansion des activités de recherche et développement. Il en ressort que l'instruction publique générale et le savoir généré par des sources privées sont complémentaires. Si la qualité et la portée de l'instruction publique n'augmentent pas suffisamment vite, la croissance fondée sur le savoir risque de se briser, particulièrement dans les pays les plus pauvres où l'essentiel de la main-d'oeuvre n'a même pas terminé l'école primaire (chapitre 3). Une croissance dépourvue de politiques écologiques complé- mentaires risque de porter atteinte à l'environnement, au fur et à mesure de l'accélération de l'accumulation du capital physique. Ce ris- que pèse surtout sur les pays jouissant d'avantages comparatifs en matière d'industries assises sur les ressources naturelles mais requérant aussi un capital physique important pour leur exploitation : mines, industrie forestière et pêcheries. La prévention de la dégradation exces- sive de l'environnement et des ressources naturelles dépend aussi des politiques et des investissements publics. Nombreuses sont les ressour- ces environnementales qui englobent des valeurs sociales - telles que les facteurs de production et la consommation- généralement très supérieures à celles que le secteur privé prend en compte dans l'affec- tation de ses ressources. En présence de richesses naturelles abondan- tes, la dégradation du capital naturel ne produit généralement que peu d'effets sur la productivité du capital physique. Mais, lorsque ces riches- ses tombent en dessous d'un certain seuil, toute dégradation sup- plémentaire risque de réduire la productivité du capital physique (chapitre 4). Alors que la dégradation du capital naturel risque de réduire le bien- être social, son impact sur la croissance économique est sujet à débat (voir notamment l'échange de vues entre Daly, Solow et Stiglitz dans Daly 1997). Cet impact dépend de la substitution d'autres actifs au capi- tal naturel (voir l'annexe 2). Des preuves récentes laissent entendre que le capital humain, mais pas le capital physique, peut se substituer au capital naturel. Il en ressort que les économies favorisant l'expansion du capital humain peuvent réduire la dépendance de la croissance de la production à l'égard du capital naturel. Des niveaux élevés de capital humain permettent en effet à l'économie de se diversifier dans des acti- vités de moins en moins fondées sur le capital naturel. Par exemple, un pays disposant d'un niveau élevé de capital humain peut se spécialiser dans des activités centrées sur le savoir et réduire l'importance de l'exploitation de son capital naturel dans le maintien de la croissance de son revenu. ACTIFS, CROISSANCE Mais la dégradation du capital naturel risque d'avoir des effets dévastateurs sur les pauvres qui disposent généralement d'un modeste capital humain et qui continuent de dépendre du capital naturel (terres, sources d'eau naturelles, pêcheries) pour leur subsistance, même dans les économies à revenu intermédiaire. Les pauvres n'ayant que peu de possibilités à leur disposition pour substituer d'autres actifs aux res- sources naturelles, la dégradation de ces ressources pourrait entraîner des cercles vicieux irréversibles de pauvreté et la destruction de l'envi- ronnement (voir Lopez 1997 pour une analyse de la dynamique de la dégradation des ressources naturelles et des changements institution- nels affectant la population rurale pauvre)5. Les effets sur les pauvres d'une croissance faussée des actifs En raison de leur manque d'actifs, les pauvres ont plus de mal que les riches à ralentir leur consommation en période difficile. Proches du minimum de survie, ils travaillent généralement dans les secteurs tou- chés de plein fouet par les cycles économiques (agriculture, construc- tion). Il s'ensuit qu'une croissance instable aura de rudes effets sur eux et qu'une crise économique risque de tellement compromettre leurs actifs humains et naturels qu'ils seront peut-être dans l'impossibilité de profiter ensuite de la reprise (voir l'annexe 2). L'économie des pauvres est souvent distincte, sur de nombreux points, de l'économie moderne, mais la demande de leurs produits dépend cependant, au moins partiellement, de cette dernière (les taux de change, par exemple, affectent les prix de la partie exportée de leurs productions). L'instabilité inhérente à l'économie moderne affecte donc les politiques d'encouragement en faveur des pauvres et finit par tou- cher ceux-ci. Même en cas de rétablissement de ces mesures à leur niveau initial, les intéressés risquent de ne plus pouvoir en profiter. Cette analyse permet d'identifier deux équilibres alternatifs possibles, caractérisés respectivement par une croissance soutenue et par une économie de subsistance stagnante. En période d'effondrement, les pauvres perdent les actifs requis pour maintenir leur consommation à un niveau de subsistance et pour profiter d'aides et de perspectives accrues lors du prochain boom. Certains pays en développement, par exemple en Amérique latine, présentent des inégalités assez importantes de revenus, surtout en rai- son d'une distribution asymétrique du capital physique, des ressources éducatives et des terres. L'expansion du secteur éducatif pourrait modi- fier cette situation. Rendre l'éducation moins concentrée grâce, par exemple, à une réaffectation des dépenses publiques en faveur de l'enseignement primaire et secondaire, est sans doute la redistribution des actifs la moins controversée et la plus facilement réalisable. ANCE L'inégalité des actifs affecte le bien-être social au moyen de deux mécanismes. L'un est direct : de larges segments de la population dispo- sent de quelques rares actifs et consomment peu, tandis qu'une mino- rité dispose de beaucoup d'actifs et consomme énormément (voir l'annexe 2). L'autre est indirect : il a été démontré que l'inégalité des actifs réduit le potentiel de croissance économique et les chances de faire reculer la pauvreté en recourant à divers canaux (voir, par exem- ple, Alesina et Rodrik 1994 ; Deininger et Squire 1998 ; Persson et Tabellini 1994 et Ravallion et Sen 1994 sur l'inégalité des actifs et la croissance, ainsi que le chapitre 3 et le tableau A3.5 de l'annexe pour une bibliographie). Même de petits changements dans la répartition des revenus peu- vent produire de grands effets sur l'étendue et la profondeur de la pau- vreté dans les pays en développement (Lundberg et Squire 1999). Plusieurs études ont tenté d'établir une relation entre la répartition des revenus et la croissance. Cependant, comme Lundberg et Squire le sou- lignent, ces deux facteurs devraient être analysés comme des variables endogènes jointes. La manière dont l'inégalité des actifs affecte à la fois la croissance et la répartition des revenus est en effet étroitement liée à la manière dont le niveau et la composition des dépenses publiques en matière d'éducation et de santé affectent l'inégalité du capital humain. Une distribution asymétrique des services éducatifs a peu de chances de générer les meilleurs résultats possibles en matière de croissance6. Lorsque le capital humain est relativement concentré, toute concentration supplémentaire ralentit la croissance alors que les efforts visant à améliorer sa diffusion encouragent la croissance (cha- pitre 3). Une économie pourvue d'un petit nombre de personnes très instruites et d'un grand nombre d'analphabètes aura beaucoup de mal à maintenir un taux de rendement élevé du capital physique, dans la mesure où les retombées technologiques potentielles associées à l'accu- mulation du capital risquent de lui échapper. Un meilleur accès à l'ensei- gnement secondaire et supérieur, en revanche, permettra de mieux profiter des retombées technologiques. Preuves empiriques Cette section expose quatre types de preuves : · L'expérience de soixante pays en développement. L'expérience en matière de croissance correspond fréquemment aux modèles 1 et 2 et révèle principalement une augmentation du capital physi- que, tandis que les investissements en capital humain sont à la traîne et que les investissements en capital naturel sont presque négatifs (voir l'encadré 2.2). ACTIFS, CROISSANCE ET BIEN-ÊTRE SOCIAL ENCADRÉ 2.2 Autres approches en matière de soutien de la croissance : Brésil, Chili et République de Corée Deux approches en matière de maintien d'une ques à l'éducation prend essentiellement la forme croissance durable peuvent être observées ; d'une subvention de l'enseignement supérieur au · Approche 1. Une augmentation croissante des détriment des écoles primaires et secondaires. distorsions au niveau des politiques mises en Au cours des vingt dernières années, l'écart-type place et des dépenses publiques (incitations et des taux de croissance annuels a été supérieur au subventions) en faveur du capital (modèle 2 de taux de croissance moyen (tableau 2.1). Une telle croissance). instabilité pourrait s'expliquer en partie par la · Approche 2. Un soutien actif de la croissance capacité variable du secteur public à générer les passant également par le renforcement des ressources nécessaires au soutien du capital physi- autres actifs et plus particulièrement du capital que en termes relatifs. Par ailleurs, le soutien rela- humain (modèle 3 de croissance). tivement faible accordé aux secteurs sociaux semblerait avoir contribué à l'iniquité sociale. L'approche 1 implique que le maintien d'un taux de croissance élevé requiert une augmentation ATTENTION PRÊTÉE AU CAPITAL HUMAIN progressive des inégalités en faveur du capital. La Corée semble avoir, elle aussi, subventionné les Outre le fait qu'elle est moins efficace que investisseurs avant même les années 1990. Ses l'approche 2 dans le maintien d'une croissance à aides étaient sélectives et portaient uniquement long terme, elle signifie une croissance instable à sur quelques secteurs d'activités à la fois, en vue de court terme et une concentration de plus en plus les transformer en exportateurs dans un délai rai- marquée du revenu et de la richesse. L'approche 2 sonnable. Certains de ses secteurs ont acquis une a plus de chances de maintenir un taux de crois- position de chef de file et les retombées de leur sance raisonnable à long terme, de réduire l'insta- croissance ont profité à d'autres. Bien que problé- bilité à court terme et de promouvoir l'équité. matique sur de nombreux plans, cette approche avait l'avantage de moins peser directement sur les PARTI PRIS EN FAVEUR DU CAPITAL PHYSIQUE finances publiques. En outre, l'affectation de res- La plupart des pays a recours à une combinaison de sources publiques à l'éducation a permis de privilé- ces deux approches en favorisant davantage l'un ou gier l'éducation élémentaire. Le secteur public a l'autre de leurs aspects. Le Brésil, comme d'autres, ainsi contribué à la construction rapide d'un capital semble avoir opté à certaines périodes pour humain, ainsi qu'à un déclin brutal du coefficient l'approche 1. Des études portant sur différents de Gini de l'éducation (chapitre 3). Ce partage a pays citent des exemples d'allocations de fonds permis d'équilibrer les mesures d'encouragement publics destinées à maintenir la rentabilité du capi- de la croissance entre les actifs physiques et tal grâce à une subvention financière directe des humains, de maintenir l'inégalité de revenu à des investisseurs domestiques et étrangers ; des efforts niveaux acceptables et de contribuer au déclin de en vue de construire, avec des deniers publics, des la pauvreté. infrastructures et des services visant l'expansion Au cours des années 1980 et 1990 (jusqu'en de certains secteurs d'activités et le dévelop- 1997), la croissance économique fut soutenue et pement de régions sensibles sur le plan de relativement stable, probablement en partie parce l'environnement ; ainsi que des politiques fiscales, que le secteur public continua à aider à la fois les de crédit et de prix favorisant le capital. Nombreux capitaux humain et physique pendant toutes ces sont les pays dont l'affectation de ressources publi- années. . . . . . - QUALITÉ DE LA CROISSANCE NEUTRALITÉ RELATIVE sources naturelles, ce qui encourage nettement les Depuis le début des années 1980, le secteur public investisseurs étrangers à exploiter ses mines, ses du Chili s'est généralement abstenu de favoriser forêts et ses pêcheries. directement le capital physique. Il n'a d'ailleurs jamais accordé non plus de soutien spécial aux sec- Le boom des années 1987-1995 résulta d'une teurs sociaux (et plus spécialement à l'éducation et accélération sensible des investissements dans le à la santé), sauf pendant la période 1997-2000. Le capital physique, le capital humain étant laissé secteur public n'a assumé aucun rôle significatif pour compte. L'indépendance du capital à l'égard dans l'orientation de la stratégie de croissance dans de subventions publiques directes pourrait expli- ces domaines. Cependant, le Chili n'exerce qu'une quer la stabilité des taux de croissance enregistrés ponction fiscale faible sur l'utilisation de ses res- pendant une période d'expansion qui dura huit ans. Tableau 2.1 Variables sélectionnées pour le Brésil, le Chili et la Corée Variable Brésil Chili Corée Croissance du PIB (en pourcentage annuel) Niveau moyen 2,8 5,9 7,6 Coefficient de variation» 1.4 0,9 0,4 Dépenses publiques en matière d'éducation et de santé (en pourcentage du PIB) Niveau moyen 2,9 5,6 3,4 Tendance à terme 0,1 -0,1 0,0 Investissement intérieur brut (en pourcentage du PIB) Niveau moyen 20,5 19,7 32,6 Tendance à terme -0,1 0,6 0,4 Postes examinés (dernière année disponible! Pauvreté (pourcentage de la population vivant avec moins d'un dollar par jour) 23,6 15,0 Coefficient de Gini (revenu) 0,60 0,59 0,32 Coefficient de Gini (éducation) 0,39 0,31 0,22 Analphabétisme (en pourcentage) 16,7 4,8 2,0 Mortalité infantile (en milliers) 34,0 11,0 9,0 -- Non disponible. Remarque : Les valeurs concernent la période 1978-1997, sauf pour les dépenses en matière d'éducation et de santé qui concernent la période 1980-1997 (1980-1994 pour le Brésil), ainsi que quelques années spécifiques pour certaines variables. a. Ecart-type du taux de croissance divisé par le taux de croissance. Sources : Divers numéros de la revue World Development Indlcators (Banque mondiale) et de l'annuaire Government Finance Statistics Year (Fonds monétaire international). Les preuves économétriques. La croissance fondée principale- ment sur l'expansion du capital physique a peu de chances de durer. Les retombées positives potentielles des investissements en capital physique ne semblent pas suffisantes pour maintenir un taux de croissance stable en l'absence d'une expansion significative du capital humain et d'une utilisation durable du capital naturel. Preuve des subventions. Les pays industrialisés et en développe- ment dépensent des ressources en subventions. Dans le cas du B ACTIFS, CROISSANCE ET BIEN-ÊTRE SOCIAL capital, lesdites subventions impliquent tout un éventail de méca- nismes dont des exemptions fiscales, des aides au crédit et des subsides ; elles absorbent une fraction conséquente du revenu de l'État et il semble que, dans les pays en développement, cette frac- tion soit comparable au montant des fonds publics alloués aux sec- teurs de l'éducation, de la santé et des affaires sociales. · Impact des subventions. L'une des conclusions des divers articles et études consacrés à ce sujet est que les subventions du capital n'ont pas contribué à augmenter la productivité et n'ont eu que des effets modestes et apparemment peu durables sur la croissance. Réformes et croissance déséquilibrée dans soixante pays Une étude portant sur la situation de soixante pays entre 1984 et 1999 révèle qu'environ seize d'entre eux étaient considérés comme de sérieux réformateurs pour avoir introduit plusieurs changements dans leur politique économique (tableau 2.2). Les autres, au nombre de qua- rante-quatre, n'introduisirent pas un tel train de réformes pendant la période examinée. Les réformateurs étaient déjà dotés, dans les années 1980, d'un taux d'accumulation du capital physique plus élevé que les non-réformateurs7. Bien qu'une expérience contrôlée puisse plus facilement révéler des hypothèses, le contraste est suggestif. Dans les années 1990, les taux d'accumulation du capital physique augmentè- rent de près de 70 % pour les réformateurs, mais chutèrent pour les autres pays. Cependant, la croissance du capital humain n'a guère pro- gressé dans les deux groupes de pays. La part du PIB affectée à l'éduca- tion chez les réformateurs fut inférieure à celle des non-réformateurs et Tableau 2.2 n'augmenta que modestement pour les deux groupes de pays dans les Indicateurs de années 19908. développement de soixante pays réformateurs et non- Même si les taux de deforestation, qui constituent un indicateur réformateurs pour certaines rudimentaire de la dégradation des ressources naturelles, furent infé- années Indicateur de développement Période 16 réformateurs A4 non-réformateurs Taux de croissance du PIB par tète (en pourcentage) 1-1989 2,8 -0,5 années 1990 3,5 0,1 Taux de croissance du stock de capital physique (par travailleur) 2,1 0,0 (en pourcentage) années 1990 3,5 -0,5 Taux de deforestation (en pourcentage) 1984-1989 0,7 1,2 années 1990 1,1 1,4 Fonds publics alloués à l'éducation, en pourcentage du PIB 1984-1989 3.2 4,6 années 1990 3,5 4,7 Remarque : Dans ce tableau, les « réformateurs » sont définis en fonction de l'indice de la vitesse d'intégration (Banque m 1996a). Les pays entrant dans cette catégorie, c'est-à-dire ayant introduit des réformes économiques significatives à la fin années 1980 ou au début des années 1990, sont : l'Argentine, la Bolivie, le Chili, la Chine, le Ghana, l'Indonésie, la Coré l'île Maurice, le Mexique, le Maroc, le Népal, le Pérou, les Philippines, le Sri Lanka et la Thaïlande. Source : Calculs des auteurs. B ANCE rieurs chez les réformateurs au cours des deux périodes, ils doublèrent quasiment dans ces pays au cours des années 1990 (alors qu'ils ne firent qu'augmenter légèrement chez les non-réformateurs). Ainsi, les réformateurs ont sensiblement accéléré leur croissance économique au cours des années 1990. Cette croissance semble fondée sur une augmentation de l'accumulation du capital physique alors que, en termes relatifs, les investissements en capital humain et naturel sont largement à la traîne. L'augmentation des fonds publics alloués à l'éducation par les réformateurs est-elle suffisante pour soutenir les nouveaux taux de croissance ? L'accélération de la dégradation du capital naturel gênera- t-elle sérieusement la durabilité de la croissance pour les deux groupes de pays ? Pour répondre à ces questions, nous devons savoir comment les dépenses publiques améliorent le capital humain, comment le ren- forcement du capital physique et humain affecte la croissance et com- ment la perte du capital naturel peut l'entraver. Preuves économétriques : vingt pays à revenu intermédiaire L'analyse économétrique de la croissance dans vingt pays (appartenant pour la plupart au groupe des pays à revenu intermédiaire) pendant la période 1970-1992 révèle ce qui suit (voir le tableau A2.1 dans l'annexe, ainsi que Lôpez et al. 1998) :9 · La productivité marginale du capital, compte tenu du niveau des autres actifs, diminue au fur et à mesure que le capital physique augmente. Les économies d'échelle et les retombées technologi- ques des investissements dans le capital physique se révèlent apparemment insuffisantes pour compenser le déclin de la produc- tivité marginale du capital physique. On serait donc tenté d'en con- clure qu'il est impossible de maintenir à long terme une croissance fondée essentiellement sur l'accumulation du capital physique. · Le capital humain, représenté ici par le niveau d'instruction, sem- ble avoir un puissant effet positif sur la croissance économique, mais uniquement dans le cadre de réformes. Cela implique que l'éducation ne pourrait guère contribuer à la productivité du capi- tal physique dans des économies trop réglementées ne laissant que peu de place aux marchés. Elle pourrait en revanche singulière- ment accroître la productivité marginale du capital physique et la croissance économique dans un cadre favorable au marché. Ce qui confirme l'hypothèse que nous avons émise précédemment, à savoir que l'accumulation du capital humain, à condition d'être suf- fisamment rapide, peut induire une croissance soutenue. En même temps, cette preuve suggère que des réformes importantes du marché sont une condition indispensable à une croissance soute- nue à long terme. ACTIFS, CROISSANCE ET BIEN-ETRE SOCIAL · D'après ces résultats, les taux de croissance ne sont pas durables (quels que soient les ajouts au capital humain) dans les phases ou les périodes sans réformes : ils stagnent après chaque période de croissance modérée induite par des chocs exogènes favorables ayant pour effet d'accroître temporairement le rendement du capi- tal physique. · Les bons taux de croissance enregistrés pendant les phases de réforme peuvent être maintenus, à condition que le capital humain augmente suffisamment rapidement pour compenser le rende- ment marginal déclinant du capital causé par l'accumulation du capital physique. Selon ces estimations, il serait possible de main- tenir une croissance annuelle par tête de 4 %, à condition que le capital humain par tête augmente de 1,7 à 1,8 % par an. Ainsi, le rythme d'une croissance fondée principalement sur l'accu- mulation du capital physique et négligeant le capital humain semblerait ne pas pouvoir être soutenu très longtemps. Les réformes du marché peuvent accélérer la croissance mais, faute d'être accompagnées d'investissements en capital humain, elles risquent de déboucher sur un affaiblissement de la croissance. Les pays introduisant des réformes du marché ont une chance de parvenir à une croissance durable, contraire- ment aux non-réformateurs. Preuves économétriques : soixante-dix pays en développement L'étude mentionnée ci-dessus ne voyait pas dans le capital naturel un déterminant de la croissance, une faible partie des vingt pays analysés affichant une forte dépendance à l'égard de ce capital comme source de revenu. Une étude analogue portant sur soixante-dix pays (à revenu fai- ble ou modéré) en développement, dont plusieurs nations subsaharien- nes, considère les capitaux naturel, physique et humain comme des facteurs affectant la croissance (Lôpez et al. 1998 ; voir aussi la note 8) . 10 À la différence de la plupart des études précédentes, celle-ci utilise une forme fonctionnelle souple (translog pour les équations de crois- sance) autorisant les effets non linéaires des variables explicatives et les effets interactifs entre ces variables. Les effets interactifs sont extrême- ment importants pour opérer la substitution entre actifs ou la complé- mentarité dans le processus de croissance (voir les tableaux A2.2 et A2.3 de l'annexe). · D'après ces estimations, le taux de croissance économique décline en moyenne au fur et à mesure que le capital national physique augmente - à capital humain et naturel constant - mais pas pour tous les pays. Les pays pour lequels le ratio Capital physique/Main- d'oeuvre est très faible ont tendance à voir leurs taux de croissance augmenter. Il en résulte que, dans les pays pauvres en capital, QUALITÉ DE LA CROISSANCE l'accumulation de celui-ci tend dans un premier temps à accélérer encore plus la croissance économique. Mais, dès que le capital physique atteint une certaine densité, toute accumulation supplé- mentaire, à capital humain et naturel constant, produit un effet réducteur sur la croissance. · Le capital humain semble généralement accroître le taux de la croissance économique, même si ce lien est moins fort que dans l'étude précédente. Plus il augmente, plus son effet positif sur la croissance se renforce. À de faibles niveaux de capital humain, ce lien est négligeable, mais à des niveaux supérieurs, il se renforce, l'effet marginal du stock de capital humain sur la croissance allant toujours en augmentant. · Pour soutenir la croissance économique, le capital humain peut, dans une certaine mesure, se substituer au capital naturel, ce que ne saurait faire le capital physique. Le taux de croissance des pays dotés de niveaux élevés de capital humain est beaucoup moins vul- nérable aux pertes de capital naturel. Mais le taux de croissance des pays pauvres en capital humain est très sensible à ces pertes : les pays concernés ont donc un besoin crucial de leur capital natu- rel pour soutenir leur croissance économique rapide et ils sont donc tenus d'investir dans le capital humain pour réduire leur dépendance à l'égard de ce capital naturel. Ces résultats suggèrent que la croissance, surtout celle qui est fon- dée sur l'accumulation du capital physique, tend à se révéler difficile à maintenir. Les investissements dans le capital physique génèrent certes des économies d'échelle et des retombées technologiques, mais celles- ci ne sont pas toujours suffisantes pour supporter la croissance. L'accu- mulation du capital physique doit s'accompagner d'une expansion du capital humain pour permettre une croissance soutenueu. Le désinvestissement dans le capital naturel porte atteinte à la durabilité de la croissance, surtout dans les pays pauvres en capital humain. Ce résultat - à savoir que l'accumulation du capital physique ne suffit pas toujours à soutenir la croissance - rejoint les conclusions d'études empi- riques récentes (Barro et Sala-I-Martin 1996 ; Jones 1995 ; Mankiweï al. 1992 ; Young 1994, 1995). Les preuves relatives aux subventions Les preuves accumulées au cours de la dernière décennie indiquent que les subventions gouvernementales à l'industrie, à l'agriculture et aux infrastructures sont importantes dans le monde entier. Le tableau A2.4 de l'annexe 2 présente certains exemples illustrant à la fois le volume et l'impact de ces subventions. Les données sont fragmentées et partielles, ce qui complique la mise en perspective de leur ampleur réelle par rap- port au PIB et aux dépenses publiques. En outre, les données disponi- B ACTIFS, CROISSANCE bles incluent uniquement les subventions directes impliquant un effort financier (ou un manque à gagner fiscal) pour le secteur public. Les preuves relatives aux subventions indirectes, telles que l'octroi de terres domaniales et de ressources naturelles, sont isolées pour la plupart. Les données disponibles nous permettent cependant d'estimer la valeur de la limite inférieure des subventions, au moins pour certains pays. Il est important de noter que ces valeurs demeurent des estimations brutes. Elles ne tiennent pas compte de l'ampleur nette après intégra- tion des impôts et autres variations compensatrices. Ces estimations ne font pas non plus de distinction entre les cas où de telles subventions pourraient être justifiées sur le plan social et les autres. Avec les impôts, elles influent sur le taux d'imposition implicite et introduisent des élé- ments de non-transparence, de discrimination entre différentes activi- tés et de pression sur de maigres ressources, ce qui crée des distorsions. On estime que les pays industrialisés (OCDE) auraient dépensé, au début des années 1990, entre 490 et 615 milliards de dollars par an pour subventionner l'agriculture (335 milliards de dollars), l'énergie (entre 70 et 80 milliards de dollars) et le transport routier (entre 85 et 200 milliards de dollars) (de Moor et Calamai 1997). Le montant de ces subventions représente environ entre 2,5 et 3 % du PIB total des mem- bres de l'OCDE et entre 7,6 et 9,1 % du total des dépenses publiques. Les pays en développement, pendant la même période, consacrèrent entre 220 et 270 milliards de dollars par an à la subvention de l'énergie, du transport routier, de l'agriculture et de l'approvisionnement en eau, soit entre 4,3 et 5,2 % du total de leur PIB et entre 19 et 24 % du total de leurs dépenses publiques. Ces estimations identifient des biais possi- bles et ne suggèrent pas nécessairement un surinvestissement mondial dans ces secteurs. D'une part, ces subventions ne représentent probablement qu'une fraction du total, dans la mesure où elles n'incluent pas les aides accor- dées aux industries manufacturières. D'autre part, certaines d'entre elles (spécialement pour l'énergie) visent les demandes des consomma- teurs et non la production des entreprises qui est notre principal centre d'intérêt. Cependant, une fraction non négligeable des subventions accordées au secteur de l'énergie semble être détournée au profit des entreprises, de telle sorte que les estimations susmentionnées pour- raient, malgré tout, refléter assez fidèlement les subventions accordées aux entreprises. Selon une autre estimation, les subventions accordées aux entrepri- ses aux États-Unis en 1996 s'élevaient entre 170 et 200 milliards de dol- lars (Collins 1996), soit 2,3 à 2,7 % du PIB et 10 à 12 % du total des dépenses publiques. Les subventions gouvernementales accordées aux entreprises répertoriées dans la liste Fortune 500 (et qui en 1997 enre- gistrèrent des profits de 325 milliards de dollars) s'élevaient à environ ANCE 75 milliards de dollars, y compris les subventions publiques, les rabais sur les tarifs d'assurance, les prêts subventionnés et les garanties de prêt (Moore 1999). En dehors des subventions accordées à l'énergie et à l'agriculture, les pays aident aussi directement les industries manufacturières. Des preu- ves suggèrent que ces subventions à l'industrie pourraient dépasser cel- les accordées à l'énergie et à l'agriculture. Les subventions aux investisseurs étrangers semblent conséquentes dans un certain nombre de pays étudiés. Le traitement fiscal préférentiel de sociétés étrangères coûte parfois beaucoup au gouvernement en manque à gagner. La con- currence entre divers pays pour attirer les investissements étrangers constitue quelquefois la raison de ces subventions, tant dans le secteur minier que dans diverses industries allant de l'automobile à la sidérurgie (Aviation Week and Space Technology 1999 ; Castaneda 1997 ; La Nacion, 10 juin 1997 ; Sieh Lee 1998 ; Oman 2000 ; voir aussi le tableau A2.4 de l'annexe 2). Elles sont en fait de nature discriminatoire et sou- lèvent la question de l'efficacité des mesures favorisant uniquement quelques intérêts aux dépens des autres. Ces données, sans conteste partielles, soulignent l'importance des aides accordées aux entreprises dans les dépenses publiques, avec tou- tes les implications que cela comporte pour les subventions du capital, même si nous ne sommes pas parvenus à dissocier totalement les deux types d'aides. Les sections précédentes ont mis l'accent sur un modèle de croissance des actifs moins faussé ou plus neutre, incluant l'expan- sion des actifs humains et naturels en plus du capital physique. Plu- sieurs secteurs se disputent ces subventions en raison de la modestie des ressources publiques et de l'existence de nombreux autres bénéficiaires potentiels. La question est de savoir si elles pourraient mieux servir des objectifs sociaux - tels que le renforcement du capital humain et la prévention de la rapide détérioration du capital naturel - en étant accordées à d'autres entreprises du même secteur ou d'autres secteurs. Il se pourrait aussi que les subventions octroyées aux entrepri- ses contribuent à une expansion soutenue des investissements dans le capital physique, augmentant l'efficacité et la productivité économiques et générant des retombées sociales positives. Si c'était vrai, les argu- ments invoqués contre les subventions perdraient beaucoup de leur valeur. L'impact des subventions De récentes études reposant sur des données concernant l'industrie ou des micro-entreprises examinent les effets à long terme des subventions sur la croissance économique et la productivité. En général, elles suggè- rent que les subventions gouvernementales à l'industrie ont un impact modeste sur les investissements et la croissance des entreprises ACTIFS, CROISSANCE concernées la première année, l'effet sur la croissance disparaissant ensuite à moyen terme. Les subventions du capital semblent aussi avoir un effet négatif sur la productivité totale des facteurs dans les industries bénéficiaires. Beason et Weinstein (1996) pour le Japon ; Bergstrôm (1998) pour la Suède ; Bregman et al. (1999) pour Israël ; Fakin (1995) pour la Pologne ; Fournier et Rasmussen (1986) pour les États-Unis ; Harris (1991) pour l'Irlande et Lee (1996) pour la Corée concluent tous que les subventions aux entreprises sont inappropriées lorsque leur objectif ultime est d'accroître le revenu national et la productivité (voir aussi le tableau A2.4 de l'annexe 2). Les articles de Bregman et al. (1999), ainsi que de Bergstrôm (1998), sont particulièrement importants, dans la mesure où ils utilisent des données détaillées recueillies au moyen d'un panel composé de quelques entreprises. Bregman et al. (1999) ont ainsi établi que l'octroi de subventions engendrait des pertes d'efficacité variant entre 5 et 15 %. Ils démontrent également que les subventions sont généralement incorporées dans les profits ou les loyers, les firmes bénéficiaires ayant obtenu de meilleurs taux de rendement que les autres. De même, Bergs- trôm (1998) n'a guère trouvé de preuve permettant d'affirmer que les subventions affectent la productivité. Leurs effets sur le taux de crois- sance des entreprises semblent provisoires. Cette conclusion rejoint l'hypothèse énoncée dans le présent chapitre, à savoir que les subven- tions du capital ne peuvent arrêter que provisoirement la diminution des taux de croissance économique associés à une croissance déséquilibrée des actifs. Conclusions Ce chapitre présente un contexte plaidant en faveur de l'augmentation de trois actifs importants : le capital humain, le capital physique et le capital naturel. Sa principale hypothèse peut se résumer ainsi : une amélioration soutenue de la croissance et du bien-être social requiert l'expansion et l'utilisation efficaces des trois actifs. Cependant, les gou- vernements peuvent être tentés de subventionner le capital physique. Il est prouvé que ces subventions (exemptions fiscales, subventions direc- tes, accès facilité aux ressources naturelles, etc.) portent sur de grandes fractions des dépenses publiques et du PIB. Une telle approche a peu de chances d'engendrer une croissance soutenue. Elle néglige en outre les actifs humains et naturels qui concourent directement au bien-être social. Une croissance de ce type ne peut donc que faiblement contri- buer au bien-être social. Le fait d'investir une part plus importante de l'épargne nationale dans l'expansion des actifs humains et sociaux, ainsi que dans l'utilisa- tion durable des actifs naturels, pourrait contribuer à générer à long QUALITÉ DE LA CROISSANCE terme une croissance à la fois plus forte et de meilleure qualité. Cette croissance soutenue, fondée sur l'ensemble des trois actifs, aurait davantage de chances d'augmenter le bien-être social, dans la mesure où les investissements dans le capital humain et naturel contribuent directement au bien-être social et où ils encouragent l'amélioration de la répartition du revenu et la réduction de l'instabilité de la croissance. C'est pourquoi une approche équilibrée, ou relativement impartiale, favorisant l'accumulation de tous les actifs se révèle préférable à une politique mettant avant tout l'accent sur le capital physique et financier. Notes 1. Le capital financier ne se réfère ici ni au développement des institutions financières ni à l'approfondissement des marchés financiers dans une économie : deux actions qui sont bénéfiques au développement (voir le chapitre 5). 2. Comme nous le verrons dans la suite du présent rapport, la croissance équi- librée des actifs n'implique pas que tous les actifs doivent croître au même rythme. La croissance équilibrée, pour reprendre les termes utilisés dans ce chapitre, fait davantage allusion à la composition des actifs qu'à la com- position sectorielle de la production (qui est la caractéristique reprise par la plupart des auteurs) (Hirschman 1958 ; Nurkse 1953). 3. Le déséquilibre dans la croissance des actifs apparaît comme la conséquence d'externalités et de carences dans le fonctionnement des marchés. Le capital physique est peut-être moins sujet aux externalités que les capitaux humain et naturel. Certaines imperfections des marchés du crédit empêchent les pauvres d'investir autant qu'ils le voudraient dans leur éducation, même s'ils savent pertinemment qu'un tel investissement serait extrêmement rentable. Les externalités affectant le capital naturel, y compris l'environnement, sont très envahissantes. En outre, les investissements dans le capital humain et naturel requièrent un long délai avant de produire leurs effets par rapport à la plupart des investissements en capital physique. Les imperfections du marché des capitaux risquent d'affecter le financement des premiers plus que des seconds. Il s'ensuit que l'économie fondée sur le marché privé tend à favoriser davantage l'accumulation du capital physique que des deux autres actifs. Parmi les autres raisons citées par les spécialistes comme sus- ceptibles d'entraîner une croissance déséquilibrée, figure le manque de coordination pouvant résulter de l'interaction d'agents n'étant pas intégrale- ment soumis à la médiation des prix du marché (voir, par exemple, Stiglitz 1975 pour un des premiers modèles d'équilibre multiple né d'une informa- tion imparfaite sur la capacité et l'éducation, ainsi que Murphy et al. 1989 ou Rodriguez 1993 sur les dysfonctionnements de la coordination intersecto- rielle) . 4. Les autres exemples de subvention du capital abondent. L'Argentine et le Mexique ont octroyé des droits monopolistiques à des compagnies de télé- phone privées pour des périodes prolongées. Le Brésil a accordé des subven- tions et des allégements fiscaux pour attirer des investisseurs dans son industrie automobile (Financial Times, 21 juillet 1999). Le Chili subven- faME ACTIFS, CROISSANCE tionne les opérations de plantation d'arbres menées par une poignée de gros- ses sociétés pour supporter l'expansion de l'industrie privée de la pâte à papier et du papier. Depuis le début des années 1980, la Chine accorde des exemptions et des allégements fiscaux aux investisseurs étrangers. En Europe centrale et de l'Est, les subventions gouvernementales directes revê- tent la forme d'arriérés d'impôts atteignant 5 à 10 % du PIB et augmentant d'environ 2 % du PIB chaque année (Schaffer 1995). Au Brésil, les produc- teurs de caoutchouc ont reçu d'importantes subventions du gouvernement : huit sociétés ont ainsi reçu 5 milliards de reals (2 milliards de dollars) (Gazeta Mercantil, 21 mai 1999). En Corée, deux grandes entreprises sidé- rurgiques auraient reçu 6 milliards de dollars entre 1993 et 1999 sous forme de subventions gouvernementales, selon des plaintes introduites par les États-Unis devant l'Organisation Mondiale du Commerce (New Steel 1998). Herrera (1992) a examiné dans le détail l'impact régressif de l'absence de réglementation dans le secteur privatisé du téléphone en Argentine. Voir le tableau A2.4 de l'annexe 2. 5. Le risque d'aboutir à des équilibres multiples et à des processus irréversibles étant grand, on peut éventuellement envisager des politiques intervention- nistes visant à éviter les cercles vicieux de l'aggravation de la pauvreté ou de la dégradation de l'environnement. 6. La distribution de l'éducation se mesure à l'aide des coefficients de Gini et des écarts-type propres à ce secteur (voir le chapitre 3 pour plus de détails sur ces mesures, ainsi que Lopez et al. 1998, pour une analyse statistique). 7. Le taux de croissance moyen des investissements domestiques chez les réformateurs les plus agressifs était beaucoup plus élevé pendant les années 1990, après l'introduction des réformes, que dans les années 1970 et 1980. En Argentine, en Bolivie, au Chili et au Pérou, quatre des réformateurs les plus hardis d'Amérique latine, la croissance des investissements bruts entre 1990 et 1997 fut supérieure à 9 % par an, soit presque trois fois les taux historiques (BID 1998). 8. Le tableau 2.2 indique les dépenses consacrées à l'éducation en pourcen- tage du PIB et non en dépenses par tête, dans la mesure où le stock sous- jacent d'éducation a de bonnes chances d'être positivement influencé par le PIB. Il en ressort qu'une variation de la part de l'éducation dans le PIB est généralement davantage associée au taux de croissance du capital humain qu'au niveau des dépenses par tête. 9. Cette étude reposait sur un modèle de comportement théorique de la crois- sance. Cette précision s'impose car les équations empiriques d'estimation déduites de ce modèle suggèrent une spécification relativement sans biais à équations simultanées affectant certaines études antérieures. En particulier, le modèle empirique consiste à expliquer les taux de croissance annuels par les stocks d'actifs retardés et non par les rythmes d'évolution des actifs, comme c'est généralement le cas. Ce procédé réduit considérablement la corrélation actuelle avec le terme d'erreur qui entraîne généralement de sérieuses difficultés dans la formulation d'une causalité à partir des résul- tats. En outre, le fait que nous utilisions des effets fixes pourrait réduire la possibilité de distorsion inhérente à l'omission de variables spécifiques à un pays : une autre source importante de difficultés dans l'interprétation des QUALITÉ DE LA CROISSANCE rapports de cause à effet. Le contrôle des distorsions dues à l'omission de variables et des altérations des équations correspondantes suggère qu'il s'agit, dans une large mesure, de problèmes de causalité. Enfin, l'étude utili- sait une analyse détaillée des réformes de politique économique des divers pays pendant les deux décennies considérées, si bien que les coefficients estimés pouvaient varier systématiquement d'un régime politique à l'autre. L'étude est donc en mesure de démontrer que la faiblesse de l'impact de l'éducation sur la croissance, révélée par d'autres auteurs, n'était vérifiée que dans le cadre de régimes politiques dotés d'une économie fermée et biai- sée, mais pas dans un environnement favorable au marché. Pour plus de détails sur la procédure d'estimation, voir l'annexe 2. 10. Cette étude utilisa les zones forestières comme une approximation pour le capital naturel. La diminution du manteau forestier est généralement asso- ciée à la détérioration des bassins hydrographiques, à la perte d'essences forestières commerciales, à l'épuisement des eaux usées et à l'érosion du sol : des facteurs qui affectent tous la production et qui peuvent donc cons- tituer une bonne approximation de la dégradation du capital naturel. 11. Cette constatation n'est pas forcément en contradiction avec la littérature relative à la convergence de la croissance qui révèle généralement une lente convergence entre les pays. En fait, nous avons découvert qu'un taux de croissance stable peut être maintenu indéfiniment si les capitaux physique et humain augmentent à un taux équilibré (et non égal). Le seul problème tient à ce que le taux de croissance économique baisse au fur et à mesure que le stock de capital physique augmente pour un niveau de capital humain donné ou bien pour un capital humain croissant à une vitesse inférieure à un certain seuil. C H A P I T R E Améliorer la distribution des chances « La richesse pour nous n'est pas simplement l'accumulation de biens matériels mais l'occasion qu'elle offre de se réaliser. » Thucydide, 460-400 B.C. Le principal actif de la plupart des pauvres est leur capital humain. L'investissement dans ce capital est donc un puissant moyen d'augmen- tation de leurs actifs, de redressement de l'inégalité des actifs et de réduction de la pauvreté. Le présent chapitre examine la qualité de l'éducation et associe la distribution des services éducatifs à la crois- sance et à la réduction de la pauvreté. Il s'interroge ensuite sur la manière de rendre l'éducation plus productive à tous les niveaux. Il va sans dire que la bonne qualité de l'éducation est importante, en ce sens qu'elle augmente les chances des individus de générer des revenus. Elle ne saurait cependant suffire. Pour être davantage productifs, les citoyens doivent être en mesure de combiner leur capital humain avec d'autres actifs productifs tels que des terres, des fonds propres et des perspectives d'emploi sur un marché ouvert. Au chapitre 2, nous avons évoqué l'importance d'une augmentation équilibrée (sans distorsions) des actifs. Le présent chapitre se concen- tre sur les actifs dont disposent les pauvres, principalement le capital humain, et sur ceux dont ils dépendent le plus, comme la terre par exemple. Pour que la croissance ait un impact sur la pauvreté, les actifs fi QUALITÉ DE LA CROISSANCE des pauvres, et surtout leur capital humain, doivent être augmentés et répartis plus équitablement '. Et pourtant, les inégalités dans les presta- tions d'éducation et de santé sont flagrantes et reflètent les déficiences du marché, ainsi que le sous-investissement dans le capital humain des pauvres. La distribution des actifs est synonyme d'une distribution des chances et constitue une condition préalable à l'accroissement de la productivité et du revenu individuels. Alors que la redistribution des actifs et des revenus existants est politiquement difficile à mstaurer, la construction de nouveaux actifs tels que le capital humain est largement acceptée. Pour être durable, le développement doit être équitable et inclusif. Il est essentiel d'affecter suffisamment de fonds publics à l'éducation et aux soins de santé, mais cette action ne saurait à elle seule garantir un progrès. Il convient en effet d'adopter une stratégie multidimension- nelle dotant les individus de pouvoirs réels et incluant notamment : · l'augmentation des actifs des pauvres, grâce à un accès à des ser- vices éducatifs et de santé de qualité. · une meilleure prise en compte de l'effet distributif des investisse- ments publics et une réduction des subventions aux services édu- catifs et de santé profitant aux riches. · des mesures facilitant l'exploitation intégrale du capital humain et prévoyant la mise à la disposition des individus de terres, de cré- dits, d'une formation et de perspectives d'emploi. · un complément à tous les investissements en capital humain, sous forme de réformes économiques et d'une ouverture des marchés, afin d'accroître la productivité de l'éducation. Les avantages potentiels de l'éducation L'éducation et la bonne santé améliorent la capacité des personnes à maîtriser leur destin en renforçant leur place dans la société et en con- tribuant directement à leur bien-être social. L'éducation des femmes, par exemple, non seulement augmente leur capacité à produire des revenus mais améliore aussi leur santé génésique, réduit la mortalité infantile et profite à la fois aux générations actuelles et futures. L'investissement dans le capital humain est donc crucial pour la crois- sance économique, la réduction de la pauvreté et la protection de l'envi- ronnement. Il offre des avantages bien connus mais dont les liens avec d'autres dimensions du développement - sécurité, justice sociale et durabilité- sont mieux compris aujourd'hui qu'il y a dix ans2. Investir dans le capital humain peut protéger les travailleurs et amé- liorer la sécurité : un aspect important de la qualité de la vie. Une instruction et une bonne santé augmentent la capacité des pauvres à intégrer les changements affectant leur environnement. Elles leur AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES permettent de changer de travail et leur fournissent ainsi une certaine protection contre les récessions économiques et les crises financières (chapitre 5). L'exclusion sociale réduit la volonté de fréquenter l'école et de travailler (Bourguignon 1999 ; Loury 1999). L'investissement dans le capital humain, à condition d'être judicieusement réparti et de viser les pauvres, peut faciliter l'insertion sociale. En offrant de meilleurs ser- vices d'éducation et de santé aux groupes vulnérables et souvent exclus - tels que les illettrés, les handicapés, les vieillards, les malades chroni- ques ou les minorités séparées par des barrières linguistiques - on peut les aider à surmonter les obstacles sociaux et à accroître leur producti- vité. L'investissement dans les personnes peut aussi contribuer à proté- ger l'environnement. Des femmes mieux éduquées produisent générale- ment moins d'enfants qui jouissent également d'une meilleure santé et réduisent par conséquent la pression démographique exercée sur les ressources naturelles et l'environnement. Avec une meilleure éduca- tion, les individus peuvent assimiler plus d'informations et utiliser des instruments protégeant l'environnement et assurant une meilleure ges- tion des ressources (chapitre 4). L'investissement dans les personnes renforce les droits de l'homme et la justice sociale, provoquant une satisfaction directe. L'éducation élémentaire permet au pauvre de prendre conscience de ses droits civils et politiques, de les exercer en votant et en briguant des mandats, de faire part de ses inquiétudes, de solliciter une réparation judiciaire et de surveiller l'action des pouvoirs publics. Ce climat contribue à la cons- truction des institutions, à l'amélioration de la gestion des affaires publi- ques et à la lutte contre la corruption (chapitre 6). Ces avantages sont cependant loin d'être automatiques. De nom- breuses études révèlent qu'une scolarité plus longue augmente la pro- duction réelle ou les taux de croissance. Néanmoins, une poignée de chercheurs prétend que l'accumulation du capital humain a un effet nul ou négatif sur la croissance économique et l'augmentation de la produc- tivité (Benhabib et Spiegel 1994 ; GrUiches 1997 ; Islam 1995 ; Pritchett 1996). L'augmentation des dépenses publiques en matière d'éducation, lorsqu'elle n'est pas convenablement répartie, pourrait ne contribuer que très marginalement à la réduction de la pauvreté, tout en renforçant les inégalités et les rentes de situation. Comme Murphy et al. (1991, p. 503) le font remarquer : « Dans un pays, les personnes les plus talen- tueuses organisent la production par les autres... Lorsqu'ils fondent une entreprise, ils innovent et stimulent la croissance, mais lorsqu'ils devien- nent des rentiers, ils se contentent de redistribuer la richesse et de réduire la croissance. » ANCE La quantité ne saurait se passer de la qualité Depuis 1980, les pays en développement ont investi une part considéra- ble des ressources publiques dans les services d'éducation (voir figure 1.11). Dans les années 1990, plus des trois quarts des enfants en âge d'être scolarisés étaient inscrits dans un établissement scolaire, con- tre moins de la moitié dans les années 1960. Les taux d'analphabétisme ont chuté de 39 à 30 % entre 1985 et 1995 (Banque mondiale 1999a) Toutefois, les progrès sont inégaux entre les régions. Les taux de scolarisation en Afrique subsaharienne ont baissé : la part des enfants âgés de 6 à 11 ans fréquentant un établissement scolaire a chuté de 59 % en 1980 à 51 % en 1992 (Banque mondiale 1999a). Le manque d'accès à l'éducation élémentaire demeure un défi majeur pour nombre de pays. L'augmentation des dépenses publiques est souhaitable mais pas suffisante pour les raisons avancées ci-dessous. Les dépenses publiques n'ont qu'un rapport assez lointain avec les résultats Des analyses portant sur plusieurs pays révèlent un lien assez faible entre le montant des fonds publics alloués à l'éducation et les résultats obtenus sur le plan scolaire. Sur la base des données en provenance de plusieurs pays, Filmer et Pritchett (1999b) ont examiné la corrélation entre les dépenses publiques en matière d'éducation par élève et le pourcentage des jeunes âgés entre 15 et 19 ans qui avaient terminé l'école primaire. La corrélation apparaît positive et significative au pre- mier abord mais, après le contrôle du revenu par tête, elle apparaît très faible (figure 3.1). Une relation non moins vague fut constatée entre le montant des dépenses publiques en matière de santé et les taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans (Filmer et Pritchett 1999c). Comment expliquer cette corrélation aussi faible ? Ce qui fait la diffé- rence, c'est la qualité et la distribution des services d'éducation, ainsi que la productivité du capital humain. Pour les pays en développement qui ont déjà alloué une part substantielle de leurs ressources publiques aux services sociaux, toute augmentation des dépenses risque de ne pas améliorer les résultats scolaires des pauvres. La redistribution des dépenses publiques et le renforcement de son efficacité permettent sou- vent, par conséquent, d'améliorer les résultats, surtout lorsque les fonds publics servent en réalité à subventionner l'éducation réservée aux riches. Les stratégies et les politiques macroéconomiques jouent égale- ment un rôle non négligeable : les subventions destinées à attirer les capitaux étrangers peuvent, dans certaines circonstances, fausser le taux de rendement du capital physique par rapport à celui du capital humain 3. Les distorsions du marché du travail découragent les investis- AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES Le montant des fonds publics alloués à l'éducation n'a que peu d'impact sur les résultats scolaires Pourcentage des jeunes de 15-19 ans Pourcentage des jeunes de 15-19 ans ayant terminé l'école primaire ayant terminé l'école primaire (après le contrôle du PNB par tête) 100 -, 40 30 80 - 20 - 60 10 - t 40 0 - -10 20 - -20 0 -30 T" ~1 100 200 300 -200 -100 100 200 Dépenses publiques par personne Dépenses publiques par personne, (en dollars) après le contrôle du PNB par tête (en dollars) Remarque : Les dépenses concernent uniquement les fonds publics alloués à l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire. Trente-cinq pays en développement sont inclus dans l'étude. Sources : Les données sur les résultats scolaires ont été mises à jour par rapport aux chiffrés recueillis par Filmer et Pritchett (1999b) et com données budgétaires obtenues de ta base de données de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNE sements dans l'éducation. En outre, pour être rentables, les individus Figure 3.1 doivent avoir accès à d'autres actifs productifs : terres, crédits, fonds Relation entre les dépenses propres et perspectives d'emploi sur des marchés ouverts et compétitifs. publiques par tête La variabilité dans la qualité des études en matière d'éducation et le niveau d'instruction, En dépit de progrès dans l'accession à l'éducation, la qualité des études pour diverses années varie considérablement d'un pays et d'une région à l'autre. De nombreux auteurs ont cherché la meilleure manière de définir et de mesurer la qualité des études : l'évaluation doit-elle tenir compte des intrants, des processus ou des résultats des élèves (voir, par exemple, Behrman et Birdsall 1983 ; Card et Krueger 1992 ; Greaney et Kellaghan 1996 ; Loc- kheed et Verspoor 1991). Nous avons mesuré la qualité comme une combinaison d'indicateurs reflétant les intrants, définis comme le mon- tant des dépenses par élève, le nombre et le niveau des enseignants, les processus (à savoir la durée de la scolarité et le programme des études) et les résultats scolaires (en termes de réalisations cognitives, d'attitu- des, de scores de test et de taux d'échec). QUALITÉ DE LA CROISSANCE Dans les pays à revenu élevé où ces indicateurs sont facilement dis- ponibles, les résultats scolaires varient considérablement, même dans les pays dotés d'un système éducatif élémentaire uniforme. Les taux d'alphabétisation fonctionnelle des jeunes adultes (16-25 ans) dans cer- tains pays industrialisés varient entre 45 % aux États-Unis et 80 % en Suède, tandis que le taux de scolarisation net dans l'enseignement secondaire est supérieur à 85 % dans tous les pays concernés (Banque mondiale 1999a). Dans les pays en développement où les indicateurs de résultats sont rares, il faut recourir à des indicateurs moins précis - tels que les taux de redoublement ou d'abandon - pour évaluer les résultats en matière d'éducation. Les données générées par ces mesures imparfaites révè- lent une variation considérable dans la qualité des écoles (tableau 3.1). Les taux de redoublement ou d'abandon dans le primaire sont nette- ment inférieurs et les scores des tests supérieurs en Asie de l'Est qu'en Amérique latine (où les revenus sont pourtant plus élevés). Alors que les dépenses publiques consacrées à l'éducation ont augmenté dans cer- tains pays d'Amérique latine au cours des années 1990, les taux d'aban- don moyens dans le primaire ont aussi subi une hausse4. D'autres Tableau 3.1 études, reposant sur le peu de données dont on dispose pour évaluer des scores de tests comparables sur le plan international, relèvent éga- Taux de redoublement lement que la générosité des pouvoirs publics n'est pas toujours le gage et d'abandon dans l'enseignement primaire d'un enseignement de qualité. pour certaines années Comment expliquer ces variations sensibles de qualité ? Les résul- (pourcentage) tats scolaires dépendent à la fois de l'offre et de la demande et, par Les taux de redoublement et d'abandon varient énormément d'un pays à Vautre Taux de redoublement Dépenses publiques en matière d'éducation dans le primaire Années 1980 Taux d'abandon dans le primaire (en pourcentage du PNB) Pays Années 1980 Années 1990 1970 1980 1990 Années 1970 Années 1980 Années 1990 Argentine -- 6 36 34 34 1,65 1,79 3,07 Brésil 20 18 78 78 80 2,95 4,04 3.60 Chili -- 6 23 24 23 4,60 4,52 2.84 Colombie 17 9 43 43 44 2,05 2,75 3,43 Mexique 10 8 11 12 28 2,90 4,06 4,45 Pérou 17 15 34 30 30 3,30 3.09 3,40 Venezuela 10 11 41 32 52 4,30 5,09 4,56 Moyenne poui l'Amérique latine (5 m 38 36 42 3,11 3.62 3,62 Chine -- 3 15 15 15 1,45 2.45 2,20 Indonésie 10 9 20 20 23 2,65 1,38 1,34 République de Corée -- -- 5 6 1 2,80 3,89 3,92 Malaisie -- -- 1 1 4 5,10 6,61 5,37 Philippines 2 -- 25 25 30 2,40 2,02 2,54 Thaïlande 8 -- 57 23 13 3,35 3,58 3,88 Moyenne pour l'Asie de l'Esl 7 6 21 15 M 2.96 3,32 3,21 -- Non disponible. Sources : Données de la Banque mondiale ; données de l'UNESCO pour le montant des dépenses. D AMELIORER LA DISTR conséquent aussi, des politiques et des mesures d'encouragement affec- tant l'ensemble de l'économie. La stabilité macroéconomique - repré- sentée notamment par les termes de l'échange international et les fluc- tuations du PIB - serait le déterminant le plus significatif des résultats scolaires en Amérique latine. Sur la base des données extraites de dix- huit enquêtes-ménages, Behrman et al (1999) ont établi que la crise de la dette des années 1980 avait contribué au ralentissement de l'accumu- lation de l'instruction dans les pays d'Amérique latine. Kaufmann et Wang (1995) ont découvert que les politiques macroéconomiques affec- taient aussi les projets d'investissement dans le secteur social. Au fur et à mesure qu'un pays s'ouvre au commerce et aux investissements inter- nationaux, le taux de rendement de l'éducation augmente. Les individus exigent un enseignement de meilleure qualité et sont prêts à payer davantage pour l'obtenir. Une demande plus forte, des investissements privés plus élevés, des enseignants mieux payés et des élèves plus motivés produisent de meilleurs résultats scolaires au bout de délais variables. Plus la demande en faveur des services éducatifs est forte, plus leur qualité est élevée et inversement. Lorsqu'un pays utilise des ressources publiques pour sub- ventionner le capital physique au lieu de l'éducation élémentaire, il peut influer sur les taux de rendement au détriment de la main-d'oeuvre qua- lifiée et léser les pauvres (voir le tableau A2.4 sur les subventions accor- dées au capital). Au niveau microéconomique, de nombreuses études ont examiné les liens entre la qualité de l'enseignement et les performances des élèves. Behrman et Knowles (1999) ont relevé une corrélation positive signifi- cative entre la qualité du personnel enseignant, la qualité des intrants courants et le succès des enfants à l'école. Hanushek et Kim (1995) ont trouvé que les mesures conventionnelles des ressources scolaires (à savoir le nombre d'élèves par enseignant et le montant des dépenses publiques affectées à l'éducation) n'influent pas sur les scores obtenus par les élèves lors des tests. Dans les régressions portant sur plusieurs pays, les scores sont corrélés positivement aux taux de croissance du PIB réel par habitant, ce qui révèle une rétroaction potentielle de type « croissance / forte demande / bonnes performances ». Lee et Barro (1997) ont constaté que le cadre familial, la cohésion de la communauté, les intrants scolaires et la durée de la scolarisation influent positivement sur les performances des élèves ; cependant, ces auteurs sont quelque peu en peine d'expliquer pourquoi les pays d'Asie de l'Est obtiennent de meilleurs résultats en matière d'éducation que les autres pays en développement. Cette dissemblance semble suggérer que d'autres fac- teurs, y compris ceux qui sont associés à un environnement économique plus ouvert et davantage orienté vers l'exportation, pourraient jouer un rôle. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Les conséquences de la qualité médiocre L'enseignement de piètre qualité affecte les pauvres de façon dispropor- tionnée et limite leurs perspectives de revenu. Par exemple, les écoliers vietnamiens du secondaire appartenant à des familles aisées jouissent d'un meilleur accès à un enseignement de bonne qualité (Behrman et Knowles 1999). En Amérique latine, la plupart des écoliers issus de familles pauvres fréquente des écoles publiques qui ne dispensent que la moitié des heures et ne couvrent que la moitié des programmes scolaires Figure 3.2 par rapport aux écoles privées. Plus le revenu d'une famille est élevé, Part des jeunes âgés de plus son aversion pour l'enseignement public est marquée (BID 1998). 20-25 ans ayant terminé leurs études secondaires Selon des estimations reposant sur des enquêtes-ménages réalisées par niveau de revenu en Amérique latine, les élèves des déciles à faible revenu reçoivent un du ménage (données enseignement primaire de qualité inférieure. La qualité, mesurée en ter- portant sur certains pays mes de performances des élèves sur le marché du travail, est de 35 % d'Amérique latine inférieure pour les individus du décile le plus pauvre par rapport au et sur certaines années) décile supérieur (BID 1998, p. 54). La figure 3.2 laisse apparaître le Pays d'Amérique latine Bolivie, secteur urbain 1995 48 --| tO Pérou, 1996 C.A Uruguay, secteur urbain 1995 -,56 ,59 Equateur, 1995 --,59 i Costa Rica, 1995 60 Chili, 1994 ^^^^^ fin Salvador, 1995 61 Paraguay, 1995 _ 6 2 10 % les plus pauvres Mexique, 1994 66 10 % les plus riches Brésil, 1995 ^ 7 1 Panama, 1995 ^ 7 3 Argentine, 1996 ^ -- - - ,79 I I I I I () 20 40 60 80 100 Pourcentage Remarques : Les nombres placés à côté des barres indiquent les écarts (en pourcentage) dans la part des élèves ayant term études. Les enquêtes réalisées en Argentine portent uniquement sur la région du grand Buenos Aires. Source : BID (1998, p. 27). m AMELIORER LA DISTR fossé qui sépare la part respective des élèves des ménages pauvres et aisés ayant terminé leurs études secondaires. L'enseignement privé étant réservé aux riches, la qualité médiocre de l'enseignement public réduit le potentiel de génération de revenu des enfants issus de familles pauvres. Qualité ou quantité : faut-il choisir ? L'amélioration de la qualité est le complément de l'extension de l'accès à l'éducation. Si les enfants pauvres ne peuvent fréquenter que des éco- les de qualité médiocre, ils auront moins de chances d'obtenir un emploi bien rémunéré et leurs parents seront peu disposés à les envoyer à l'école. Lorsque les services éducatifs ne sont pas uniformes, la meilleure stratégie consiste à privilégier les interventions augmentant la demande de ces services à la fois sur les plans quantitatif et qualitatif. Par exemple, les programmes visant à réduire le travail des enfants et à garder ceux-ci dans les écoles - à coups de déjeuners gratuits et d'allocations - se combinent généralement très bien avec des initiatives visant à renforcer la formation des enseignants en vue d'améliorer la qualité. Cependant, avec la croissance démographique et l'insuffisance des budgets, les synergies entre la quantité et la qualité aboutissent parfois à des compromis, surtout lorsque les mesures de qualité sélectionnées ne sont pas étroitement associées à l'apprentissage des élèves. Quelle mesure convient-il donc d'utiliser pour décider des interventions : la motivation des élèves ? la durée de la scolarité ? la qualité des enseignants ? L'expérience révèle que la réduction du nombre d'élèves par enseignant, bien qu'onéreuse, n'a que peu d'impact sur l'apprentis- sage des élèves (Mingat et Tan 1998) . En dépit d'un ratio Élèves/Ensei- 5 gnant relativement élevé, le score moyen obtenu par les élèves coréens au cours des années 1980 et 1990, lors de tests en science et en mathé- matiques, figurent parmi les plus élevés. Dépenser plus d'argent pour recruter davantage d'enseignants risque d'aboutir à certains compromis visant l'augmentation de la couverture de l'enseignement et l'élargisse- ment de sa distribution, ce qui serait d'autant plus inefficace et inéqui- table que nombre d'enfants n'ont toujours pas accès à l'éducation élémentaire (Mingat et Tan 1998). Parvenir à un enseignement équitable et à une insertion sociale L'égalité de l'accès aux services éducatifs et de santé est l'un des droits de l'Homme fondamentaux reconnus à tout individu. Comme pour les terres et le capital physique, il est important que le capital humain soit équitablement distribué si l'on veut parvenir à une croissance dotée ANCE d'une large base et à une réduction de la pauvreté. En outre, une juste répartition des opportunités est préférable à la redistribution des actifs existants, dans la mesure où l'investissement dans les personnes crée de nouveaux actifs et améliore le bien-être6 social. Permettre un accès aux pauvres en procédant à une répartition plus égalitaire des services édu- catifs est une politique toujours gagnante, que ce soit dans les pays industrialisés ou en développement. Pourquoi mettre l'accent sur la distribution de l'éducation ? Parce que l'accès des pauvres à l'éducation élémentaire est étroitement asso- cié à une meilleure répartition des services éducatifs. Étant donné la modestie des ressources de l'État disponibles pour l'éducation, la con- centration des investissements publics sur les services destinés aux pauvres implique d'habitude une réaffectation des budgets et la sup- pression des subventions octroyées à des services profitant essentielle- ment aux riches. Ces programmes étant politiquement impopulaires, de nombreux pays se sont révélés incapables de les appliquer. Cependant, comme nous allons le démontrer dans cette section, plusieurs argu- ments valables plaident en leur faveur. Mesure de la dispersion des résultats en matière d'éducation Depuis l'époque d'Adam Smith, l'éducation est associée au progrès éco- nomique et social. Le nombre des études consacrées aux inégalités sco- laires ou à la distribution de l'éducation est faible mais en augmentation (voir, par exemple, Lam et Levinson 1991 ; Londono 1990 ; Maas et Criel 1982 ; Ram 1990). Les données dont disposent maintenant les cher- cheurs en matière de distribution de l'éducation laissent apparaître l'ampleur des disparités. Sur la base de l'écart-type des niveaux d'ins- truction, Birdsall et Londono (1997) ont étudié l'impact des distribu- tions initiales d'actifs sur la croissance et la réduction de la pauvreté : ils ont constaté une corrélation significative entre l'inégalité initiale en matière d'éducation et la faible croissance des revenus. Plus tard, d'autres chercheurs ont construit des coefficients de Gini spécifiques à l'éducation (tout en restant semblables à ceux déjà large- ment utilisés pour mesurer la répartition des revenus, des richesses et des terres). Le coefficient concerné va de 0 (égalité parfaite) à 1 (iné- galité parfaite) (pour plus de détails sur les deux méthodes utilisées pour calculer le coefficient de Gini, voir l'annexe 3). Les coefficients de Gini de l'éducation peuvent être calculés à l'aide de données relatives aux inscriptions, au financement ou au niveau d'instruction, afin de pou- voir tenir compte des parcours scolaires de différentes cohortes au sein d'une population. Lôpez et al. (1998) ont estimé les coefficients de Gini pour le degré d'instruction dans vingt pays et constaté des différences profondes dans la distribution de la scolarité. La Corée a enregistré l'expansion la plus rapide dans la couverture scolaire et la diminution la AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES Coefficient de Gini 1,0 Mali Moins d'égalité 0,8 Inde 0,6 Venezuela 0,4 Chine Plus d'égalité 0,2 Corée 0,0 ~1 1 I I 1 1 1 -- 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 Source: Lapez et al. (1998). plus rapide du coefficient de Gini de l'éducation : de 0,51 à 0,22 en vingt Figure 3.3 ans. Le coefficient de l'Inde a moyennement baissé : de 0,80 en 1970 à Coefficients de Gini 0,69 en 1990. Celui de la Colombie, du Costa Rica, du Pérou et du de l'éducation pour certains Venezuela a légèrement augmenté depuis les années 1980, ce qui indi- pays, en 1960-1990 que un accroissement de l'inégalité (figure 3.3). Un examen des courbes de Lorenz en matière d'éducation de l'Inde et de la Corée en 1990 révèle de grandes variations entre les pays en développement (figure 3.4). Malgré des progrès dans la fréquentation des écoles primaires et secondaires en Inde, plus de la moitié de la popu- lation (âgée de 15 ans et plus) n'a reçu aucune instruction, tandis que 10 % de cette même population a reçu près de 40 % du total cumulé des années d'enseignement. Assurer un accès universel à l'éducation élé- mentaire demeure donc un énorme défi pour ce pays. La Corée a élargi plus rapidement son programme d'éducation élé- mentaire et elle est parvenue à une distribution beaucoup plus équitable des résultats scolaires, comme le prouvent sa courbe de Lorenz plus aplatie et son coefficient de Gini plus faible. Même en 1960, alors que le revenu par habitant de la Corée était similaire à celui de l'Inde, son coef- ficient de Gini n'était que de 0,55, soit très inférieur à celui de l'Inde en 1990. Il convient de noter à ce propos qu'entre 1970 et 1990, la réparti- tion de l'éducation en Corée était beaucoup plus équitable que celle du revenu, alors qu'en Inde, la situation inverse prévalait7. Une distribution de l'éducation aussi asymétrique que celle de l'Inde implique des pertes sociales énormes, inhérentes à la sous-exploitation du capital humain potentiel. À supposer que les capacités ou les talents soient normalement répartis entre les segments de la population, la pro- QUALITÉ DE LA CROISSANCE La distribution de l'éducation varie énormément entre une asymétrie marquée et une plus grande égalité Part globale des enfants scolarisés Part globale des enfants scolarisés dans la population, en Inde dans la population, en Corée (en pourcentage) 100 100 80 - 60 40 20 0 20 40 60 80 100 Part globale de la population (des personnes âgées Part globale de la population (des personnes âgées de 15 ans et plus, en pourcentage) de 15 ans et plus, en pourcentage) Moyenne = 2,95 ans Coefficient de Gini = 0,69 Moyenne = 10,04 ans Coefficient de Gini = 0,22 Source : Thomas et al. (2000). Figure 3.4 duction ne peut atteindre son niveau optimal que lorsque la dispersion Courbes de Lorenzpour de l'éducation correspond à la distribution des compétences. Si la distri- l'Inde et la Corée, en 1990 bution de l'éducation est trop asymétrique pour correspondre à la dis- tribution des compétences, il en résulte une perte de fardeau pour la société en termes de talents mal développés ou sous-utilisés. Dans ce cas, il est préférable que la société soit en mesure de pro- mouvoir massivement l'éducation élémentaire en améliorant surtout l'accès des pauvres aux services éducatifs. L'examen du modèle de distribution de l'éducation dans divers pays révèle que les coefficients de Gini diminuent au fur et à mesure que les niveaux moyens d'instruction et de revenu augmentent, même si d'autres scénarios restent parfaitement possibles. Ce coefficient doit-il augmenter (c'est-à-dire empirer) avant de diminuer ? C'est ce que sem- blent suggérer Londono (1990) et Ram (1990) qui rapportent à ce pro- pos « la légende de Kuznetsian » (nom d'un pays imaginaire dérivé de « Kuznets », le patronyme de l'inventeur de la courbe environnementale en U inversé qui porte son nom - NdT). À savoir que lorsqu'un pays part d'un niveau d'instruction zéro pour parvenir à un niveau maximal, la variance commence par augmenter avant de régresser. Cependant, une B AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES Le coefficient de Gini de l'éducation baisse lorsque le niveau d'instruction augmente Coefficient de Gini Figure 3.5 Coefficient de Gini de 1,0 Mali l'éducation pour quatre- vingt-cinq pays en 1990 0,8 - 0,6 - 0,4 Hong Kong, Chine Corée 0,2 - Sri Lanka Pologne Etats-Unis 0,0 i -- I -- I -- I -- I -- I -- I -- I -- l -- l -- l -- l -- l 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 1 3 Durée moyenne de la scolarité (en années) Source : Thomas étal.. (2000). analyse par pays suggère qu'il pourrait en être autrement si l'on appli- quait les coefficients de Gini servant à mesurer l'inégalité. Outre les pays industrialisés, l'Argentine, le Chili et l'Irlande ont enregistré des coeffi- cients relativement faibles entre 1960 et 1990. Celui de la Corée et de certains autres pays a accusé une baisse sensible. Seuls quelques pays - la Colombie, le Costa Rica, le Pérou et le Venezuela - ont vu leur coef- ficient se dégrader sensiblement. Il en ressort que la détérioration de la distribution de l'éducation n'est pas inévitable (figure 3.5). Sur les qua- tre-vingt-cinq pays pour lesquels les coefficients de Gini ont été calcu- lés, l'Afghanistan et le Mali ont obtenu le plus mauvais résultat en matière d'inégalité de la distribution pour les années 1990 avec environ 0,90, tandis que la plupart des pays industrialisés se classait à l'autre extrémité et que les meilleurs coefficients revenaient aux États-Unis et à la Pologne (Thomas et al. 2000). D'autres études révèlent de larges variations, similaires à celles constatées dans la distribution de l'éduca- tion, dans la répartition des résultats en matière de santé entre les dif- férents groupes de revenus (encadré 3.1). Les causes d'inégalité dans l'éducation Les disparités dans l'éducation constituent l'une des nombreuses carac- téristiques de la pauvreté, mais sont aussi associées à une mauvaise répartition des investissements publics, à la guerre, à un écart énorme QUALITÉ DE LA CROISSANCE ENCADRÉ 3.1 Importance des écarts dans le domaine de la santé entre les riches et les pauvres Les écarts entre les riches et les pauvres sont aussi tion sont fréquemment très supérieurs à ceux des importants dans le domaine de la santé que dans celui autres groupes disposant de revenus plus élevés. de l'éducation et sont dus aux difficultés rencontrées La figure 3.6 laisse apparaître qu'au Brésil, ces taux pour atteindre les populations les plus démunies : sont élevés parmi les 10 % les plus pauvres de la celles qui sont exclues de la vie économique ordi- population et diminuent en fonction de la richesse. naire. De nombreuses études révèlent que les indi- Elle indique aussi que les plus pauvres parmi les vidus les plus pauvres parmi les pauvres sont ceux plus pauvres sont en moins bonne santé que les qui sont en plus mauvaise santé (Behrman et Deo- autres : ils souffrent notamment beaucoup plus de lalikar 1988) et qu'ils sont souvent les principales maladies infectieuses que les gens plus aisés et victimes des guerres et des chocs extérieurs, ainsi sont donc davantage tributaires du succès des poli- que des bouleversements sociaux et politiques. Les tiques de santé mises en place (Bonilla-Chacin et taux de mortalité infantile au sein de cette popula- Hammer 1999). Les pauvres sont davantage malades que les autres catégories Figure 3.6 Mortalité des enfants âgés de0à2 ans par rapport au niveau d'aisance de leur famille au Brésil en 1996 Nombre de décès sur 1.000 individus 12 Ménages 9 les plus riches Source : Bonilla-Chacin et Hammer (1999). entre les riches et les pauvres ou entre les hommes et les femmes, à l'exclusion sociale et aux crises économiques. De nombreuses études ont établi que le niveau d'instruction des parents et le revenu du ménage, ainsi que son état de santé, affectaient les résultats scolaires des enfants. I AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES Écart énorme entre les riches et les pauvres. Sur la base de données collectées dans le cadre de l'initiative National Family Health Survey dans les États de l'Inde en 1992 et 1993, Filmer et Pritchett (1999a) ont établi que l'écart entre les riches et les pauvres - défini comme la différence entre les 20 % supérieurs d'un indice des actifs et ses 40 % inférieurs - expliquait une large proportion des différences dans les taux d'inscription (qui varient entre 4,6 % dans le Kerala et 42,6% dansleBihar). Dans certains pays, les différences entre les riches et les pauvres au niveau des résultats scolaires sont stupéfiantes. Une étude portant sur les jeunes de 15 à 19 ans dans vingt pays révèle que la médiane d'années d'études terminées de la population de 5 pays est nulle pour les 40 % les plus pauvres de ces pays, plus de la moitié de ce groupe ayant fréquenté l'école pendant moins d'un an (figure 3.7). La différence en matière d'éducation entre les groupes les plus riches et les plus pauvres atteint jusqu'à dix classes en Inde. Des disparités similaires se retrouvent en Amérique latine (figure 3.8). L'une des implications de ces écarts considérables liés à la richesse est que la demande en faveur de l'éducation n'est pas indépendante des autres dotations. Permettre un accès à l'éducation (offre) ne suffit pas. Il convient en effet de s'occuper aussi de nombreuses inégalités structurelles et socia- les influençant la demande, telles que l'écart entre les sexes, et de dis- tribuer d'autres actifs productifs, tels que la terre (voir la suite du chapitre). Exclusion sociale. Les personnes en marge de la société ont moins de chance d'acquérir une instruction. Loury (1999) a montré comment l'exclusion sociale modifie le comportement humain et réduit la demande en matière d'instruction dans les villes de l'intérieur des États-Unis. L'une des raisons expliquant l'abandon des études par des élèves tient au désir de « faire comme les copains ». En Bolivie, l'incapa- cité des parents à parler l'espagnol est associée à des taux de mortalité plus élevés des enfants âgés de moins de deux ans. En Inde, les mem- bres des castes défavorisées ont un taux de mortalité infantile supérieur à celui des autres groupes (Bonilla-Chacin et Hammer 1999). Inégalité entre sexes. Dans certains pays, la discrimination entre les hommes et les femmes constitue une importante cause d'inégalité en matière d'éducation. Parmi les nombreuses études consacrées à ce pro- blème, celle de Schultz (1998) révèle que 65 % de l'inégalité mondiale relèvent du pays (par rapport aux autres pays), 30 % relèvent des ména- ges à l'intérieur de ce pays et 5 % relèvent de l'inégalité entre sexes. Bouis et al. (1998) ont constaté une différence significative dans les investissements en capital humain (nutrition, soins de santé, résultats QUALITÉ DE LA CROISSANCE Les différences de niveau d'étude entre les ménages riches et pauvres sont énormes dans certains pays Pays Tanzanie en 1996 Zambie en 1996-1997 Zimbabwe en 1994 Ouganda en 1995 Indonésie en 1994 Egypte en 1995-1996 Malien 1995-1996 République centrafricaine en 1994-1995 . Malawi en 1992 Haïti en 1994-1995 Brésil en 1996 Cameroun en 1991 Colombie en 1995 Pérou en 1996 République dominicaine en 1996 Bangladesh en 1996-1997 Côte-d'lvoire en 1994 Guatemala en 1995 Maroc en 1992 Pakistan en 1990-1991 Inde en 1992-1993 10 i r "1 1 5 6 8 10 11 Classe 40 % les plus pauvres 40 % les plus riches Remarque : Les nombres placés près des barres indiquent l'écart (en termes de classes scolaires) entre les riches et les pauvre Source : Filmer et Pritchett (1999b). Figure 3.7 scolaires) entre les garçons et les filles dans les zones rurales des Philip- Classe médiane atteinte par pines. Au Bangladesh - qui présente les inégalités sexuelles les plus fla- les jeunes de 15-19 ans grantes parmi tous les pays examinés - les attitudes des femmes selon le niveau de revenu concernant l'éducation de leurs filles n'évoluent que très lentement des ménages pour certains (Amin et Pebley 1994). Cependant, de récents efforts ont permis pays et certaines années d'encourager les progrès en ce sens (encadré 3.2). Knight et Shi (1991) I AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES Pays Uruguay, zones urbaines en 1995 ,6,2 Venezuela en 1995 -,6,3 Argentine en 1996 6,5 Chili en 1994 , 6,6 Pérou en 1996 - i 6,9 Bolivie, zones urbaines en 1995 ,7,2 Paraguay en 1995 7,3 Costa Rica en 1996 7,4 Honduras en 1996 ,7,5 10 % les plus pauvres Equateur en 1995 ,8,4 D 10 % les plus riches Brésil en 1995 ,8,5 Salvador en 1995 ,8,6 Panama en 1995 9,2 Mexique en 1994 10 1 1 r" 4 8 12 16 Années de scolarité Remarques : Les nombres placés près des barres indiquent l'écart (en termes de nombre d'années de scolarité) entre les rich pauvres. Les enquêtes visant l'Argentine portent uniquement sur le grand Buenos Aires. Source : BDI (1998, p. 27). estiment que les chances en matière d'instruction sont encore distri- Figure 3.8 buées de manière inégale en Chine, malgré des progrès considérables. Durée de la scolarité pour Le modèle de fréquentation des écoles est affecté par le sexe des indivi- les jeunes de 25 ans issus dus, mais aussi par le revenu de leur province, les différences de revenu de ménages pauvres et entre les zones rurales et urbaines et le milieu familial. Bien qu'en riches en Amérique latine régression, la discrimination sexuelle persiste dans les campagnes chi- noises (voir Dubey et King 1996 ; King et Hill 1993 et Banque mondiale 2000g pour une description des expériences menées dans différents pays). On peut établir une solide corrélation entre l'inégalité de l'instruc- tion et la répartition de l'analphabétisme entre les sexes. Se fondant sur un échantillon de quatre-vingt-cinq pays pour lesquels on dispose des coefficients de Gini de l'éducation, Thomas et al. (2000) ont établi que les coefficients de corrélation entre l'inégalité des sexes en matière d'alphabétisation et les coefficients de Gini ont sensiblement augmenté, QUALITÉ DE LA CROISSANCE ENCADRÉ 3.2 Soutenir l'instruction des jeunes filles au Bangladesh Une révolution est en train de bouleverser les éco- que mondiale et d'autres partenaires, le pro- les du Bangladesh. Les tendances en matière d'ins- gramme est actuellement mis en place avec succès cription scolaire sont en train de changer et il n'est et a fait du Bangladesh un pionnier dans ce pas rare de voir davantage de filles que de garçons domaine par rapport aux autres pays d'Asie du dans un établissement. Sud. Le degré d'instruction des femmes au Bangla- Le programme de promotion de l'instruction des desh est l'un des plus bas du monde et l'écart entre jeunes filles (qui prévoit notamment une exemp- les hommes et les femmes l'un des plus élevés. En tion des frais de scolarité et des allocations en 1997, l'écart entre le taux d'analphabétisme des espèces) a suscité un enthousiasme extraordinaire hommes et celui des femmes atteignait le chiffre et réellement stimulé l'inscription de cette caté- record de 23 %. D'après le recensement de 1991, gorie de la population dans les établissements seules 20 % des femmes savent lire et écrire, tandis d'enseignement secondaire. Les taux d'inscription que dans l'enseignement secondaire un seul élève dans les districts concernés par le projet sont supé- sur trois est de sexe féminin. rieurs aux prévisions et augmentent d'année en année (toutes classes confondues). 554.077 jeunes En 1994, le gouvernement lança un programme filles en tout ont reçu des allocations en 1996 et ce visant à promouvoir l'enseignement secondaire nombre a augmenté en 1997. À l'école Fulbaria chez les femmes, à faire grimper le taux d'alphabé- Mohammad Ali de Savar, près de Dhaka, on compte tisation des femmes de 16 à 25 % et à améliorer désormais quatre jeunes filles pour un garçon : une leurs perspectives d'emploi. Avec l'aide de la Ban- situation impensable il y a peu. Robboy (1999). passant de 0,53 dans les années 1970 à 0,69 dans les années 1990. Mal- gré une réduction des inégalités en matière d'éducation, la discrimi- nation entre les sexes compte encore pour une part importante des disparités qui subsistent dans le niveau d'instruction (figure 3.9). Réduire les écarts entre les sexes en matière de scolarisation est capital pour lutter contre l'inégalité en matière d'éducation. Les conséquences d'une trop grande dispersion sur les résultats Une société lutte contre la distribution inégale de l'éducation dans la mesure où ce phénomène affecte directement son bien-être social. Il est en effet à la fois une source et une conséquence de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Les enfants pauvres abandonnant leurs études finis- sent par former un noyau de citoyens défavorisés qui vivront en marge de la vie économique et sociale normale. À moins que ces individus ne puissent, plus tard, bénéficier d'une formation leur permettant de trou- ver un emploi valable, la réduction de la pauvreté et l'insertion sociale demeureront hors de leur portée. B AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES Alors que l'inégalité en matière d'éducation décline, les disparités restantes sont dues, pour une large part, à la discrimination entre sexes Coefficient de Gini en 1970 Coefficient de Gini en 1990 1,0 - 1,0 - 0,8 - 0,8 - * / 0,6 - j r m 0,6 - 0,4 - 0,4 - 1H; 0,2 - ri970== 0,53 0,2 - m" fi99o=°,69 m m 0 0 0 0 I I I I i I I I I I --tiO -20 0 20 40 60 ^ 0 -20 0 20 40 60 Différences dans les taux d'analphabétisme Différences dans les taux d'analphabétisme (femmes-hommes en pourcentage) (femmes-hommes en pourcentage) Remarque : Les chiffres incluent des données portant sur quatre-vingt-cinq pays. Sources : Thomas et al. (2000) pour les coefficients de Gini, Banque mondiale (1999d) pour les écarts entre les taux d'analp en pourcentage). Une distribution très asymétrique des services d'éducation tend à Figure 3.9 être associée à une croissance réduite du revenu par tête, même après Discrimination sexuelle la neutralisation des variables tenant à la main-d'oeuvre et au capital et inégalité en matière physique (Lôpez et al. 1998). À la différence des terres et du capital d'éducation en 1970 et 1990 physique, qui peuvent passer d'un individu ou d'une entreprise à un autre, l'instruction et les compétences ne se prêtent pas à un échange parfait. Par conséquent, la distribution et le niveau d'instruction partici- pent à la fonction de production et affectent le niveau et la croissance du rendement. A partir de données de panel en provenance de vingt pays développés, Lôpez et al. (1998) ont établi une association négative entre une distribution asymétrique de l'éducation et la croissance éco- nomique. Lorsqu'une large fraction de la population n'est pas instruite, la faible productivité de la main-d'oeuvre décourage les investissements dans le capital physique, au détriment de la croissance économique (voir les analyses de régression dans le tableau A2.1 et l'annexe 3). La distribution de l'éducation a également des effets notables sur la capacité de la croissance à réduire la pauvreté. Ravallion et Datt (1999), se fondant sur des données recueillies dans quinze États de l'Inde entre 1960 et 1994, ont établi que les effets de la croissance en matière de QUALITÉ DE LA CROISSANCE réduction de la pauvreté variaient selon les conditions initiales : la crois- sance a moins contribué à cette réduction dans les États dotés à l'origine de taux d'alphabétisation et d'une productivité agricole inférieurs, ainsi que d'un niveau de vie plus faible dans les campagnes que dans les villes. Au Kerala, où l'éducation élémentaire est bien répartie et où les taux d'alphabétisation comptent parmi les plus élevés du pays, autant pour les hommes que pour les femmes, une augmentation d'un point de pour- Figure 3.10 centage du taux de croissance contribue plus qu'ailleurs à réduire la pauvreté. Taux tendanciels de la réduction de la Dans l'Assam et le Bihar, dotés de taux de croissance non agricole pauvreté et de la croissance similaires à ceux du Kerala mais de taux d'alphabétisation faibles et économique non agricole d'une inégalité accrue dans l'éducation élémentaire, la croissance a peu en Inde entre 1960 et1994 contribué à la réduction de la pauvreté (figure 3.10). C'est par exemple La croissance a un impact plus fort sur la réduction de la pauvreté dans les états, tels que le Kerala, dotés d'un système éducatif plus équitable Taux tendanciels de la réduction de la pauvreté (indice numérique de pauvreté ; pourcentage annuel) 3 Kerala Punjab & Haryana i Andhra Pradesh Bengale occidental Gujarat Tamil Nadu Orissa Rajasthan. Jammu & K a r n a t a k a, Maharashtra Cachemire Uttar Pradesh Madhya Pradesh Bihar Assam Taux tendanciels de la production non agricole par personne (en pourcentage annuel) Remarque : Les taux tendanciels de croissance sont fondés sur des estimations calculées selon la méthode ordinaire de la rég des moindres carrés des logarithmes. Source : Ravallion et Datt (1999). g AMELIORER LA DISTR le cas du Bihar avec le taux d'alphabétisation des femmes le plus faible de tous les États étudiés (29 %), une différence de 32 % entre le taux d'alphabétisation des femmes et celui des hommes et quelque 6 millions d'enfants entre 6 et 10 ans n'étant pas inscrits à l'école entre 1992 et 1993. Dans d'autres États, tels que le Maharashtra et le Madhya Pra- desh, les taux de croissance sont plus élevés, mais leur impact sur la réduction de la pauvreté reste plus faible que dans le Kerala. Plus qu'une croissance rapide, il faut donc une croissance davantage orientée vers les couches de la population les plus défavorisées pour réduire la pau- vreté. Si tous les États indiens parvenaient à une élasticité de la réduc- tion de la pauvreté comparable à celle du Kerala, la pauvreté, mesurée à l'aide de l'indice numérique de pauvreté, aurait reculé à un rythme annuel de 3,5 %, au lieu de 1,3 %, depuis 1960. Accroître l'efficacité des dépenses publiques Les marchés ne sauraient à eux seuls assurer un accès équitable des pau- vres à l'éducation élémentaire. En tant que bien partiellement public, l'éducation engendre des retombées bénéfiques qui ne sont pas intégra- lement saisies par les individus et les entreprises. Cependant, le marché est surtout défaillant au niveau inférieur de la distribution des revenus : sans investissement public dans l'éducation des pauvres, les investisse- ments de la société dans les services éducatifs seraient sous-optimaux. Pourtant, comme nous l'avons vu, les dépenses publiques ne sont que vaguement associées aux résultats scolaires, en partie à cause des biais en faveur des nantis. L'accroissement de ces dépenses est souhaitable mais ne saurait suffire pour pallier les résultats médiocres du développe- ment humain. C'est pourquoi, les sections suivantes portent sur l'amélio- ration de la répartition et de l'efficacité des dépenses publiques. Allouer davantage de fonds publics à l'éducation des pauvres La composition des dépenses publiques affectées à l'éducation et à la santé influence les résultats du développement humain. Ces dépenses doivent se concentrer sur des domaines où les déficiences du marché sont envahissantes et les retombées positives importantes : l'enseigne- ment primaire et secondaire, surtout celui destiné aux pauvres. Étant donné la limitation des ressources publiques, il convient de favoriser davantage les investissements dans l'enseignement primaire et secon- daire et d'encourager le partenariat entre les secteurs privé et public afin de dispenser un enseignement de meilleure qualité dans les sec- teurs où les déficiences du marché sont minimales. La Corée a montré qu'en accordant la priorité à l'enseignement pri- maire et secondaire, il était possible d'éliminer l'analphabétisme et de réduire les inégalités scolaires. Ce pays accordait deux tiers de son bud- get éducatif à l'éducation élémentaire dans les années 1960 et au début QUALITÉ DE LA CROISSANCE Niveaux (965 1970 1975 19S0 1985 1990 Primaire 64,7 67,4 52,2 47,9 44,5 43,2 Secondaire 21,8 20,9 37,1 33,8 37,7 33,1 Supérieur 13,3 8,2 10,7 11,4 11,5 9,6 Source : Base de données de l'UNESCO. Tableau 3.2 des années 1970 (tableau 3.2). Les dépenses publiques consacrées à Budget par niveaux l'enseignement secondaire sont passées de 22 % en 1965 à 33 % en d'éducation en Corée, 1990. Pourtant, les dépenses publiques affectées à l'enseignement supé- pour certaines années rieur dépassèrent rarement 12 % du budget total entre 1965 et 1990. (en pourcentage du budget L'université fut essentiellement financée par des investissements pri- total de l'éducation) vés. Avant les années 1990, l'Inde consacrait à l'enseignement supérieur une part plus importante de son budget que la Corée et une part moins importante (mais croissante) à l'enseignement primaire. Au milieu des années 1990, l'Inde fit passer la part de ses dépenses destinées aux éco- les primaires et aux programmes d'alphabétisation des adultes de 20 à 31 % du budget total de l'éducation, ce qui la laisse cependant assez loin de la Corée. Pour assurer un accès plus large à l'éducation et réduire l'inégalité, il reste beaucoup à faire au niveau d'une meilleure répartition des fonds publics indiens. Tableau 3.3 Mesurés en termes de budget par étudiant, les fonds publics alloués Budget par étudiant à l'enseignement supérieur sont à la baisse dans de nombreux pays mais et par niveau d'éducation pas assez vite pour permettre de réaffecter les disponibilités ainsi déga- entre 1960 et 1990 gées à l'éducation élémentaire (tableau 3.3). L'affectation des ressour- Coefficient de Gini (moyenne Budget par étudiant (en pourcentage du PNB par tète) nationale, tous niveaux confondus) Pays Niveau années 1960 années 1970 années 1980 années 1990 1980 1990 Argentine Primaire 3,06 6,49 8,32 0,29 0,27 Secondaire 26,17 10,43 Universitaire 59.29 23,58 17,45 19,84 Chili Primaire 6.92 6,08 12,53 9,20 0,32 0,31 Secondaire 12.01 12.58 8,80 Universitaire 151,71 67.46 79,69 23,36 Corée Primaire 6,21 7,86 12,79 14,86 " 0,34 0,22 Secondaire 8,64 7,39 10,76 11,88 Universitaire 36,67 28,02 10,49 5,83 Mexique Primaire 4.34 -- 3,97 7.18 0,50 0,38 Secondaire 8,61 13,93 Universitaire 70,72 32,43 35,66 États-Unis Primaire 22,05 28,45 26,28 19,83 0,12 0,15 Secondaire 18,77 23,86 Universitaire 73,73 58,84 37,85 22,91 Venezuela, RB Primaire 8,50 7,37 4,80 2.39 0,39 0.42 Secondaire 21,26 17,60 18,34 7,07 Universitaire 121,76 100,00 65,74 37,38 -- Non disponible. Sources : Les données du budget public sont de l'UNESCO ; Thomas et al. (2000) pour les coefficients de Gini. B AMÉLIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES ces défavorise encore l'enseignement primaire et secondaire dans la plupart des pays. Aux États-Unis, l'affectation des fonds publics est équilibrée depuis plus de trente ans, l'enseignement primaire bénéfi- ciant de subventions correspondant à plus de 20 % du produit national brut (PNB) par tête : le plus fort pourcentage au monde. En Corée, le nombre très élevé d'élèves dans les écoles primaires a empêché le gou- vernement d'accorder à chacun d'entre eux un budget adéquat dans les années 1960, alors même que ce secteur absorbait plus de 60 % du bud- get total de l'éducation. Ce scénario s'inversa dans les années 1980 et le budget consacré à chaque élève du primaire dépassa celui consacré à chaque élève de collège. Ayant accordé une priorité à l'éducation élé- mentaire, la Corée fut capable de réduire rapidement les inégalités en matière d'éducation. Les États-Unis sont parvenus à conserver depuis 1965 le coefficient de Gini de l'éducation le plus bas au monde. Le Venezuela, en revanche, privilégie l'enseignement supérieur à l'éducation élémentaire depuis plus de quarante ans. Alors que le volume total du budget de l'éducation est passé de 4,3 % du PNB dans les années 1970 à 5,1 % dans les années 1980 et 4,6 % dans les années 1990, sa répartition a empiré : en fait, la part réservée à l'ensei- gnement primaire et secondaire a diminué dans les années 1990. Cette mauvaise affectation des fonds publics explique partiellement la dégra- dation du coefficient de Gini dans les années 1990. Analyser l'interaction entre la démographie et l'éducation Le budget par élève du primaire en Corée a plus que décuplé entre 1970 et 1995, alors que le taux de croissance démographique ralentissait et que l'économie se développait (tableau 3.4). Pendant la même période, le budget par élève du secondaire augmenta également. Une croissance économique rapide et un nombre d'étudiants stable voire en diminution, permirent d'accorder beaucoup plus de ressources à moins d'enfants et d'améliorer sensiblement la qualité de l'enseignement primaire. En Inde, l'accroissement rapide de la population et les limitations budgétaires expliquent l'inéluctabilité probable d'un choix entre la quantité et la qualité. En 1995, l'Inde dépensa 39 dollars (en dollars constants de 1995) par élève du primaire, soit 10 % de son PIB par tête (contre 17 % pour la Corée, voir le tableau 3.4). Au Tamil Nadu, en Inde, le taux d'inscription dans les écoles primaires et secondaires a aug- menté de 35 % entre 1977 et 1992, une amélioration majeure, alors que le ratio Élèves-Enseignant passait de 36 à 47 et que les conditions sco- laires se dégradaient. Les résultats des étudiants pâtirent de cette dété- rioration de l'environnement éducatif (Duraisamy et al. 1998). Ces relations font ressortir le besoin de tenir compte de l'interaction entre la démographie et la politique de l'éducation et d'élaborer des program- mes mettant l'accent sur l'éducation des jeunes filles et des femmes, D QUALITÉ DE LA CROISSANCE Pays Niveau 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 Montant (pat étudiant en do/lars de 1995) République de Corée Primaire 92 207 182 386 701 955 1,890 Secondaire 223 134 339 541 786 1295 Supérieur 545 757 622 589 546 460 599 Inde Primaire 8 10 20 23 29 39 39 Secondaire 54 35 34 38 43 Supérieur 189 227 299 260 Pourcentage du PIB pat tête République de Corée Primaire 6.3 9,5 6,3 10,2 13,5 12,0 17,4 Secondaire 10.3 4,6 9,0 10.4 9,9 11,9 Supérieur 37,2 35,0 21.5 15,6 10,5 5,8 5,5 Inde Primaire 4,3 4,8 9,2 9,7 10,6 11,8 9,9 Secondaire 24,9 15,8 14,8 13,9 11,0 Supérieur 81,8 84,0 90,3 66,4 -- Non disponible. Remarque : Les montants en dollars ne sontpas comparables d'un pays à l'autre, dans la mesure où ils ne sontpas indiqués PPA, mais ils sont comparables d'une année à l'autre. Source : Calculs reposant sur des données de l'UNESCO et de la Banque mondiale. Tableau 3.4 ainsi que sur l'éducation visant à améliorer la santé génésique et le con- trôle volontaire des naissances, dans le cadre d'une stratégie de déve- Dépenses publiques courantes par étudiant, Inde loppement globale centrée sur la population (voir aussi l'encadré 3.3). et Corée, pour certaines Renforcer le partenariat entre les secteurs public et privé années La Corée est également parvenue à répartir harmonieusement les fonds publics et privés pour financer l'éducation. Depuis le milieu des années 1960, les collèges et universités privées représentent plus de 70 % des inscriptions et plus de 40 % des établissements d'enseigne- ment secondaire. Les ménages assument une large part des coûts de l'éducation, entre 30 et 50 % selon le niveau d'instruction de l'élève. Les frais de scolarité et assimilés représentent 40 % des dépenses scolaires pour les élèves des écoles intermédiaires mais 72 % et plus pour les étu- diants des écoles secondaires et des collèges. La combinaison idéale de fonds publics et privés dépend de l'étendue des déficiences du marché et de divers autres facteurs. Une meilleure éducation, même si elle est indispensable au progrès technologique et à la croissance de la productivité, peut être considérée comme un bien privé (dans la mesure où la plupart de ses rendements peut être acca- parée par des individus ou des entreprises). Pourtant, l'enseignement primaire et secondaire a de nombreuses retombées que des individus ou des entreprises ne s'approprient pas intégralement. C'est pourquoi, tout en assumant un rôle direct dans ces secteurs, le gouvernement se doit d'encourager les investissements privés et les partenariats entre le public et le privé dans le domaine de l'enseignement supérieur. De ce point de vue, l'expérience des États-Unis par exemple, est instructive. D AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES ENCADRÉ 3.3 Population et développement Le lien entre l'accroissement démographique et le sentent chacune une variation d'environ 22 % de la développement économique fait l'objet d'un débat croissance de la production entre 1960 et 1992, un controversé. Les années 1960 et 1970 furent domi- chiffre correspondant approximativement à 21 % nées par des prévisions pessimistes, voire alarmis- de la croissance moyenne de la production par tête tes, associant l'accroissement démographique (évaluée à 1,5%). rapide à des famines, un épuisement des ressour- ces, une pénurie de l'épargne, un endommagement Divers composants de l'évolution démogra- irréversible de l'environnement et une catastrophe phique ont été progressivement introduits dans les économique (Ehrlich 1968). Les chercheurs les modèles de croissance. Bloom et Williamson plus optimistes prévoyaient, au contraire, que (1998) ont montré que la transition démogra- l'augmentation rapide de la population permettrait phique rapide enregistrée en Asie de l'Est avait aux pays de pratiquer des économies d'échelle et provoqué une augmentation rapide de la popula- de promouvoir de nouvelles institutions et techno- tion en âge de travailler entre 1965 et 1990, accru logies (Simon 1976). Dans les années 1980, les la capacité de production par tête et contribué au vues alarmistes cédèrent la place à des prévisions miracle économique de ces pays. D'autres politi- plus modérées et ventilées par périodes et par pays ques économiques ont aussi facilité l'exploitation sur les impacts négatifs nets de l'accroissement par les pays concernés du potentiel de croissance démographique rapide qui apparurent soudain associé à la transition démographique. moins graves que prévu. Seuls des liens non déci- sifs et vagues purent être établis entre l'évolution Les preuves d'un lien entre le changement démo- démographique et la croissance économique graphique et la pauvreté étaient plus rares jusqu'à (Bloom et Freeman 1988 ; Kelley 1988). une période récente. Cependant, si l'accroissement démographique rapide a un effet négatif sur la Des enquêtes plus récentes mettent cependant croissance de l'économie et des salaires, nul doute en lumière les effets négatifs importants de qu'il aura également un effet négatif sur la réduc- l'accroissement démographique rapide et de ses tion de la pauvreté. Eastwood et Lipton (1999) ont composants sur la croissance économique par habi- démontré que l'augmentation de la fécondité tant. Kelley et Schmidt (1999) ont prouvé que cet accroît la pauvreté, à la fois en retardant la crois- accroissement avait exercé un impact négatif sance et en faussant la distribution au détriment important sur le rythme de la croissance économi- des pauvres. En outre, il est prouvé que les pro- que de quatre-vingt-neuf pays entre 1960 et 1995. grammes du secteur public en faveur des pauvres Les impacts positifs de la densité et de la taille de (éducation élémentaire, soins de santé, etc.) con- la population, ainsi que des nouveaux venus sur le tribuent à la réduction de la pauvreté. Un accrois- marché du travail, furent dominés par le coût de sement démographique rapide diluera l'intensité l'élevage des enfants et du maintien d'une struc- des investissements publics et compliquera donc ture des générations très dépendante des jeunes. singulièrement l'amélioration de la qualité des ser- Les baisses de la mortalité et de la fertilité repré- vices concernés. Bloom et Williamson (1998) ; Eastwood et Lipton (1999) ; Kelley (1998) ; Kelley et Schmidt (1999). L'environnement économique - que l'on peut définir comme le degré d'ouverture au commerce et aux investissements, par exemple - affecte la demande de travailleurs qualifiés et, par conséquent, la propension QUALITÉ DE LA CROISSANCE des personnes à payer pour l'éducation. La qualité des services éduca- tifs disponibles, elle-même liée aux capacités des institutions compé- tentes, affecte également cette propension. De même, le type des financements mixtes privé-public dépend aussi de la nature des services et de l'ampleur des déficiences dans le fonctionnement des marchés de sous-secteurs spécifiques (Filmer et al., étude en cours d'achèvement). Parmi les interventions heureuses, citons le programme de bourses d'études supérieures de Quetta au Pakistan. Lancé en 1995, ce projet pilote visait à déterminer si la création d'écoles privées dans des quar- tiers défavorisés était un moyen rationnel de promouvoir l'enseigne- ment primaire des jeunes filles. Le programme encourageait des écoles privées, contrôlées par des communautés, en leur garantissant un sou- tien gouvernemental pendant trois ans. Une analyse d'évaluation indi- que que le programme a accru le taux d'inscription des jeunes filles de 33 % et que celui des jeunes garçons a aussi augmenté. De tels program- mes ouvrent des perspectives concernant l'accroissement des taux d'inscription dans les zones urbaines défavorisées (Kim et al, 1999). Décentraliser la prise de décision et encourager la participation La manière dont les décisions sont prises affecte également l'efficacité des services publics. Lorsque la capacité des institutions est faible, les dépenses publiques engagées dans le cadre d'interventions planifiées et organisées à l'échelon central ont peu de chances de se révéler efficaces. Rien d'étonnant donc à ce que la plupart des pays passe à un processus de prise de décision décentralisé afin de mieux adapter ses dépenses publiques aux besoins locaux. Les preuves empiriques relatives aux avantages de la gestion décentralisée des écoles étaient rares jusqu'à une période récente. Une évaluation récente du programme EDUCO (de gestion communautaire des écoles), lancé au Salvador, montre que la participation accrue de la communauté et des parents à la gestion des écoles concernées a permis d'améliorer les compétences linguistiques des élèves et de réduire le taux d'absentéisme : deux effets qui pour- raient influer à long terme sur les succès scolaires des intéressés (Jime- nez et Sawada 1999). D'autres études ont également montré que les écoles gérées par la communauté parvenaient à de meilleurs résultats en Indonésie et aux Philippines (James et al, 1996 ; Jimenez et Paqueo 1996). Plusieurs pays mènent une expérience fondée sur la distribution de bons permettant de transférer des ressources aux parents afin de les aider à payer les frais de scolarité des écoles privées. La Colombie eut recours à un programme national de bons (vou- chers) de 1991 à 1997 pour décentraliser la gestion et augmenter le taux d'inscription. Cette initiative visait la correction de certaines déficiences du système d'éducation publique et plus particulièrement le taux extrê- I AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES mement faible de passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire enregistré chez les pauvres. Seuls les ménages défavorisés avaient droit à des bons, afin de ne pas subventionner les riches comme cela avait été le cas lors de programmes précédents du même type. La participation, cependant, ne fut pas à la hauteur des espoirs : seulement 25 % des municipalités acceptèrent de collaborer, ce qui limita les effets bénéfiques du programme. L'évaluation minutieuse des résultats permit d'établir que la demande en faveur d'un enseignement secondaire et la mise à la disposition d'espaces suffisants dans les écoles privées étaient des facteurs déterminants dans la participation des communes (King et al. 1999). Les programmes de ce type sont potentiellement bénéfiques pour les pauvres. Dans les pays où règne une administration corrompue et prédatrice, la décentralisation du processus de décision ne constitue pas forcément la meilleure solution. Des fonctionnaires soudoyés risquent de réaffec- ter aux groupes d'intérêt des nantis des fonds publics destinés aux pau- vres et de subventionner les types de services sociaux profitant essentiellement aux riches. Permettre aux individus d'influencer les politiques mises en place - en démocratisant la société, en accordant un plus grand rôle à la société civile et en encourageant la participation accrue de la communauté et des familles - semble donc indispensable pour progresser dans la bonne direction (voir le chapitre 6 sur le rôle de la participation et de la société civile dans la lutte anticorruption et l'amélioration de la gouvernance). Rendre l'éducation plus productive L'amélioration de la productivité de l'éducation des pauvres passe par une augmentation des ressources investies dans leur instruction. Pour être plus productifs, les pauvres doivent être en mesure de combiner leur capital humain avec d'autres actifs productifs tels que des terres, des fonds propres et des perspectives d'emploi au sein de marchés ouverts et concurrentiels. Distribuer les terres de manière plus équitable Les pauvres ne sont pas uniquement démunis sur le plan des revenus : ils manquent aussi d'actifs. Dans les économies agraires, les ménages défavorisés sont d'habitude soit dépourvus de terres, soit pourvus de lopins misérables. En Asie du Sud, en Afrique du Sud et dans la plus grande partie de l'Amérique latine, la pauvreté est fortement associée à la privation de terres (figure 3.11a). L'inégalité de revenu semble aussi liée à celle de la distribution des terres (figure 3.11b), même si les don- nées disponibles relatives à ce fléau sont rares. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Figure 3.11a Indice numérique de pauvreté (en pourcentage) Pauvreté et propriété 80 foncière au Bangladesh en 1988-1989 60 40 20 0 5 100 15 Propriété foncière médiane (en acres) Source : Ravallion et Sen (1994). Figure 3.11b Part du revenu national du quintile inférieur dans les années 1980 Part du revenu national dans les années 1980 0,12 - et coefficients de Gini en matière de propriété 0,10 foncière dans les 0,08 - années 1960 0,06 - 0,04 - 0,02 0,00 I I I I 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Coefficient de Gini de la propriété foncière dans les années 1960 Remarque : Les données correspondent à des moyennes nationales décennales. H = 27 et r = -0,40. Source : Deininger et Squire (1996). E AMELIORER LA DISTR Les réformes agraires ont de nombreux effets positifs sur la crois- sance et la réduction de la pauvreté, comme le suggèrent des études empiriques que nous citerons plus loin. Dans les sociétés où une large part de la population n'a pas accès aux ressources productives de l'éco- nomie, la forte demande en faveur d'une redistribution suscite des trou- bles sociaux. Des études établissent une corrélation entre l'inégalité de la répartition des terres et des revenus et un affaiblissement ultérieur de la croissance économique (Alesina et Rodrik 1994) ; un écart-type d'une unité dans l'inégalité correspond à une augmentation de la croissance comprise entre 0,5 et 1 % (Persson et Tabellini 1994). D'autres études démontrent que l'inégalité initiale des actifs, mesurée par la distribution des terres, a plus d'impact que l'inégalité de revenu sur la croissance ultérieure (Deininger et Squire 1998 ; Li et al. 1998 ; Lundberg et Squire 1999). Certains chercheurs ont également établi' que l'inégalité initiale de la propriété foncière, s'ajoutant à celle de l'éducation, avait des effets fortement négatifs sur la croissance économique et l'augmentation du revenu des couches les plus pauvres (Birdsall et Londono 1998). Outre qu'elle affecte négativement la croissance, l'inégalité foncière semble également réduire l'effet positif du capital humain sur la croissance par le biais de certaines interactions (Deininger et Olinto 1999). Les réformes visant à redistribuer les terres attribuent des parcelles à des producteurs plus efficaces et réduisent les imperfections du mar- ché du crédit, améliorant ainsi les décisions des pauvres en matière d'investissement. Une plus grande richesse, mesurée en termes de sur- faces de la propriété foncière, procure aussi un filet de sécurité aux pau- vres contre les chocs externes et accroît leur capacité à participer au processus politique (Binswanger et Deininger 1997 ; Binswanger et al. 1995). Ravallion et Sen (1994) ont observé que la redistribution de ter- res appartenant à des ménages possédant de grands domaines à des ménages possédant seulement quelques lopins réduirait la pauvreté glo- bale dans les zones rurales du Bangladesh. Ils ont aussi trouvé que les transferts budgétaires, pour avoir un impact maximal sur la pauvreté, devraient être concentrés sur les fermiers sans terre ou marginaux (voir le tableau A3.5 de l'annexe pour l'analyse sélective de la littérature). La propriété généralisée de la terre augmente l'équité mais aussi la productivité (Berry et Cline 1979) et l'efficacité (Banerjee 1999). Le renforcement des droits à la terre a facilité l'investissement au Ghana (Besley 1995) et la possession de titres de propriété foncière en Thaïlande a sensiblement amélioré les performances des fermiers en matière agricole (Feder 1987, 1993). Nombreux sont les pays de l'Asie de l'Est où la propriété foncière est répandue, en raison d'un héritage ou d'une réforme agraire. En Corée, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les terres confisquées furent d'abord distribuées aux cultivateurs. Ensuite, dans les années 1950, le gouvernement distribua les terres des QUALITÉ DE LA CROISSANCE propriétaires, après leur avoir versé un dédommagement modique, aux 900 000 locataires, mettant ainsi fin efficacement au système du fer- mage. À Taiwan, en Chine, le gouvernement obtint des terres des grands propriétaires au début des années 1950, indemnisa ceux-ci avec des actions d'entreprises d'État, puis vendit les parcelles aux fermiers à des conditions avantageuses. En Chine, le système de responsabilité des ménages, instauré en 1979, affectait des terres collectives aux ménages pour une durée pou- vant atteindre quinze ans. Le système, qui fut reconduit pour une période supplémentaire-de trente ans en 1998, permet de récompenser plus directement les efforts agricoles. Combinée à une révision du sys- tème de fixation des prix et à d'autres réformes, l'initiative aboutit à une augmentation annuelle de 5,7 % des récoltes de céréales entre 1978 et 1984 et de 1,8 % les années suivantes. Près de la moitié de l'augmenta- tion globale de la production au cours de cette période peut être attri- buée au système de la responsabilité des ménages (Lin 1992). Une étude révèle que l'accession à la terre pourrait améliorer la situation nutritionnelle en Chine, dans la mesure où elle permettrait à la fois de générer des revenus et d'apporter des calories peu coûteuses sur le mar- ché (Burgess 2000). Selon un autre auteur, la richesse, et plus particu- lièrement les terres, est distribuée en Chine rurale de manière plus égale (coefficient de Gini de 0,31) que le revenu (coefficient de Gini de 0,34). La principale source d'inégalité du revenu rural découle des revenus salariaux et non des revenus de la terre : un scénario assez atypique pour un pays en développement (McKinley 1996). La réforme agraire est controversée et difficile sur le plan politique. Pourtant, sa version axée sur le marché s'est imposée récemment comme une alternative valable à la réforme classique au Brésil, en Colombie et en Afrique du Sud. L'idée est simple : l'État accorde aux paysans sans terres une subvention ou un prêt bonifié pour acheter du terrain. L'approche diffère de la réforme classique avec indemnisation totale sur deux points : l'État ne désigne pas explicitement les terres ou les person- nes visées et ne fixe pas de date limite. En outre, ces types de réformes sont fondés sur la demande : les personnes les plus désireuses d'acquérir les terres se manifestent. Certains chercheurs prétendent que de telles mesures comportent des avantages, surtout lorsqu'elles sont combinées au microcrédit, à des programmes d'extension et à des actions complé- mentaires favorisant les coopératives agricoles et l'agriculture sous con- trat (Banerjee 1999). Le succès des programmes est encore plus grand lorsqu'ils s'accompagnent d'efforts visant à renforcer la transparence et la fluidité du marché foncier et à impliquer le secteur privé (Deininger 1999). Bien qu'il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions définiti- ves sur le coût et les avantages de ces réformes, d'autres études ont démontré que cette approche bénéficie aux gros propriétaires, dans la B AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES mesure où elle tend à faire grimper le prix des terres et contraint les pau- vres à débourser des sommes élevées (Lopez et Valdes 2000). Distribuer le capital social et encourager la concurrence Certains voient aussi un remède dans une meilleure distribution du capital grâce à des programmes de participation des employés. Dans les pays industrialisés, les plans d'actionnariat des salariés influent positi- vement sur les performances des entreprises. Certaines sociétés des États-Unis y ont également recours dans le cadre d'une restructuration. C'est ainsi que United Airlines a négocié de substantielles concessions salariales en échange d'une participation majoritaire de ses employés au capital. En répercutant les avantages du plan de restructuration sur ses investisseurs et ses employés, la compagnie aérienne est parvenue à réduire le coût initial de l'opération, à accroître son impact et à augmen- ter ainsi sa valeur pour les actionnaires, pour le plus grand profit des investisseurs et du personnel (Gilson 1995). Dans les pays touchés par les crises financières récentes, la vente d'une partie du capital social aux salariés peut être un moyen de recons- tituer le capital d'entreprises ayant un besoin désespéré de fonds et aussi de redistribuer la richesse et les risques. Lorsque la restructura- tion conduit à des replis, les employés licenciés peuvent se voir offrir des parts du capital au lieu d'indemnités de départ et profiter ainsi de la réorganisation et du rétablissement de leur entreprise. Les plans d'actionnariat des salariés peuvent aussi contribuer à réduire l'opposi- tion des employés à la restructuration (Claessens et al. 1999). Un autre moyen d'aider les employés licenciés à fonder de petites entreprises passe par des microfinancements destinés à leur permettre de consti- tuer un capital physique et financier. La privatisation offre des moyens supplémentaires de redistribuer le capital social. Les entreprises publiques ayant été bâties avec des recet- tes fiscales, une certaine part des actions participatives peut légitime- ment être distribuée ou vendue à prix réduit aux contribuables dans le cadre d'une privatisation. Les programmes de privatisation bien conçus peuvent réduire l'inégalité des actifs et la pauvreté. C'est ainsi qu'en uti- lisant le produit de la privatisation de ses six entreprises publiques les plus importantes, la Bolivie est parvenue à mettre en commun plusieurs actifs financiers afin de créer un régime de retraite rninimale uniforme pour tous ses citoyens. Bien que la somme versée soit modeste, le pro- gramme touche les membres les plus vulnérables de la société : les per- sonnes âgées et sans moyens n'ayant pas réussi à mettre de l'argent de côté en prévision de leurs vieux jours. La Hongrie a utilisé le produit de ses privatisations pour rembourser sa dette extérieure, réduisant ainsi le service des intérêts pour le plus grand profit de tous ses citoyens (Kornai2000). ANCE La privatisation permet des gains en efficacité et des pertes sociales, en sorte que la société doit maintenir un équilibre entre ces deux con- séquences (et indemniser les perdants) pour assurer la durabilité des bienfaits de l'opération. Après la privatisation au Mexique, on enregistra une augmentation de 24 % du ratio Bénéfice d'exploitation / Ventes. Dans cet accroissement de la rentabilité, l'augmentation du prix des produits comptait pour 10 %, le transfert des employés licenciés pour 33 % et les gains de productivité pour 57 % (La Porta et Lopez-De-Sila- nes 1999). Pour indemniser les victimes de la privatisation, des actions furent distribuées au lieu d'indemnités de départ aux employés licenciés et d'autres formes de transferts de revenus purent être financées par l'impôt. La concurrence et la réglementation sont vitales pour l'économie de marché dont l'efficacité dépend à la fois de la propriété privée et de mar- chés compétitifs : deux éléments dont sont malheureusement dépour- vus de nombreux pays en développement ou en transition. Avant et durant la privatisation, il convient d'instaurer une concurrence et de mettre en place un cadre réglementaire (Stiglitz 1999). L'expérience du Royaume-Uni démontre que, lorsque de grosses entreprises publiques furent privatisées, les lois antitrust se révélèrent cruciales pour assurer l'affectation transparente, équitable et efficace des ressources (voir aussi Herrera 1992). Privatiser de grosses entreprises détenant un monopole naturel sans adopter au préalable une réglementation anti- trust, comme le fit la Russie, peut aggraver l'inégalité de la répartition de la richesse et du revenu. Une telle politique risque aussi de faire naî- tre de puissants groupes d'intérêts intransigeants qui feront tout pour empêcher l'adoption et la mise en place ultérieures d'une réglemen- tation viable, ainsi que pour bloquer d'autres réformes d'envergure (Kornai2000). Combiner le capital humain avec les perspectives des marchés ouverts Les pauvres des zones urbaines doivent louer leurs bras, de telle sorte que la création de perspectives d'emploi prenne une importance cru- ciale pour l'utilisation productive de leur capital humain et pour la réduction de la pauvreté. Le Rapport sur le développement dans le monde 1990 (Banque mondiale 1990) proposait une stratégie de crois- sance de grande ampleur reposant sur une utilisation massive de la main-d'oeuvre et conçue pour offrir aux pauvres des possibilités de génération de revenus. Certains pays ont adopté, voire complété, cette stratégie : ils ont combiné l'investissement dans l'apprentissage et l'édu- cation avec l'ouverture des marchés, créant ainsi un cercle vertueux. Parmi les pays concernés, citons le Japon dans les années 1950, ainsi AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES que Hong Kong (Chine), la Corée, Singapour et Taiwan (Chine) entre les années 1960 et 1990. L'accumulation du savoir influence le commerce et la compétitivité d'un pays, tandis que le commerce (surtout les importations) favorise l'accumulation du savoir. Lucas (1993) a noté que, pour maintenir l'accumulation de son savoir, une nation doit être orientée vers l'exté- rieur et exporter. Young (1991) et Keller (1995) ont démontré que le commerce en soi n'est pas un moteur de croissance, sauf lorsqu'il a recours à certains mécanismes tels que la formation d'un capital humain. L'ouverture des marchés facilite le progrès technologique et la créa- tion de capacités grâce à divers modes d'acquisition des connaissances, tels que l'importation de capitaux et de biens intermédiaires, reposant sur un apprentissage sur le tas. Foster et Rosenzweig (1995) ont ainsi mis en lumière des processus d'apprentissage sur le tas et leurs retombées : l'expérience des fermiers et celle de leurs voisins en matière de variétés à haut rendement augmentèrent sensiblement la rentabilité. Les fermiers entourés de voisins expérimentés réussissent beaucoup mieux et les retombées de cet apprentissage au contact des autres, bien que faibles, sont loin d'être insignifiantes. Le lien entre les politiques économiques globales et l'impact sur l'éducation est clair. Le Rapport sur le développement dans le inonde 1991 (Banque mondiale 1991) a relevé qu'entre 1965 et 1987, sur soixante pays en développement, ceux qui avaient connu les taux de croissance les plus forts jouissaient d'un bon niveau d'éducation, d'une stabilité macroéconomique et de marchés ouverts. L'impact de l'ouver- ture au commerce sur la croissance à long terme dépend donc de la manière dont les individus peuvent absorber et utiliser l'information et la technologie inhérentes aux échanges commerciaux et aux investisse- ments étrangers. Les augmentations du stock de capital humain tendent à accélérer la croissance pendant les réformes du marché et dans le cadre d'une structure économique orientée vers l'extérieur. En l'absence de ces deux ingrédients, cependant, l'éducation n'a pas d'impact significatif sur la croissance. L'effet d'une interaction entre l'ouverture des marchés et l'éducation est marqué (Lopez et al. 1998 ; voir aussi le chapitre 2 et l'annexe 2). De même, sur quelque 1 265 projets de la Banque mondiale, Thomas et Wang (1997) ont relevé un taux de rendement supérieur de 3 % dans les pays dotés d'une main-d'oeuvre plus instruite et d'une économie plus ouverte que dans les pays ne réunissant pas l'une et/ou l'autre de ces deux conditions (figure 3.12 et annexe tableau A3.4) 8. QUALITÉ DE LA CROISSANCE L'éducation et l'ouverture interagissent et augmentent la rentabilité des investissements Figure 3.12 Taux de rentabilité économique (en pourcentage) 1 8 Q Éducation, ouverture et taux de rentabilité pour 18 1265 projets de la Banque mondiale Marché plus ouvert Marché Niveau moins ouvert d'instruction Niveau faible d'instruction élevé Remarques : Les taux de rentabilité économique sont extraits de la base de données d'évaluati du département de l'évaluation rétrospective des opérations de la Banque mondiale. L'éducatio est mesurée à l'aide du niveau de scolarisation moyen de la population active et l'ouverture à l'aid du logarithme d'écart entre le marché officiel et le marché parallèle des devises. Sources : Thomas et Wang (1997) ; annexe 3. Protéger les travailleurs contre les chocs économiques Les pauvres des zones urbaines sont généralement dépourvus d'un capi- tal humain adéquat, sauf en ce qui concerne le travail non spécialisé. Avec l'accroissement de l'ouverture et de la mondialisation, les possibi- lités d'emploi des travailleurs non qualifiés deviennent plus rares et leurs revenus plus fluctuants. Diwan (1999) a prouvé que la part du tra- vail dans le PIB diminue depuis plus de vingt ans dans la plupart des régions. Cette constatation est corroborée par le constat suivant : le chômage en Amérique latine augmente depuis la fin des années 1980. En 1989, sur 100 latino-américains désireux de travailler, seuls 5 ou 6 étaient sans emploi, alors qu'aujourd'hui la part des demandeurs d'emploi est passée à 8 sur 100. Le chômage a augmenté dans les pays de l'Asie de l'Est qui viennent d'être secoués par une crise financière. Il était cantonné auparavant à des taux assez faibles : 4,5 % en Thaïlande, 5,5 % en Indonésie et 7,4 % dans les régions urbaines de Corée (Banque mondiale 2000a, p. 59). Dans la mesure où les pauvres ne peuvent de toute façon pas se permet- tre de demeurer sans emploi, la baisse des salaires constitue sans doute 13 AMELIORER LA DISTR pour eux un problème encore plus grave que le chômage. Les salaires réels ont baissé pendant 16 des 22 phases de récession qu'a connues l'Amérique latine au cours des années 1980 et 1990. Dans 18 cas, ces salaires, au bout de deux ans, étaient encore inférieurs à ceux de la période antérieure à la crise (Lustig 1999). En Asie de l'Est, les salaires réels dans l'industrie de transformation ont baissé de 4,5 % en Thaïlande, 10,6 % en Corée et 44 % en Indonésie entre 1997 et 1998 (Banque mondiale 2000a, p. 57). La baisse combinée des salaires réels et de la croissance de l'emploi provoqua une diminution sensible de la part du travail dans le PIB après les crises financières que connut la région, sans doute parce que le travail était moins mobile que le capital et par conséquent contraint de supporter une part importante du far- deau financier inhérent à la résolution de la crise (Diwan 1999). Les travailleurs non qualifiés des zones urbaines sont les plus vulné- rables aux chocs externes, aux ajustements structurels et aux ralentis- sements économiques. Dépourvus de capital humain adéquat, ils se révèlent souvent incapables de s'adapter aux changements de la demande du marché du travail. Le problème est encore aggravé par les imperfections de ce marché et la faiblesse des institutions spécialisées. Il convient de combattre ces distorsions : le travail des enfants et la structure désorganisée des salaires découragent la demande en faveur de l'éducation. Les gouvernements doivent aider à établir des institu- tions chargées de réguler le marché du travail et d'informer les pauvres. Il est également nécessaire de former ou de reconvertir les tra- vailleurs licenciés et d'accroître la mobilité entre les secteurs. Le Ghana a éduqué plus de 4 000 personnes dans ses centres de formation profes- sionnelle ou dans le cadre de programmes d'apprentissage conçus pour enseigner aux intéressés des métiers aussi divers que la couture, l'élec- tricité ou la charpenterie. À l'issue de leur formation, les participants reçurent un certificat et des outils : un capital humain et physique leur permettant de commencer immédiatement à travailler comme indépen- dants. De nombreux centres d'échange de main-d'oeuvre furent établis en Chine afin de reconvertir des travailleurs ayant perdu leur emploi dans une entreprise publique et de les réinsérer dans le secteur privé. Certains produits de la liquidation d'entreprises publiques en faillite ser- virent d'ailleurs à financer ce redéploiement. De telles mesures contri- buent à atténuer les tensions sociales et l'inégalité pendant les périodes de transition9. Conclusions Pour que la croissance ait un impact sur la réduction de la pauvreté, il est nécessaire d'augmenter les actifs des pauvres, soit en investissant dans de nouveaux actifs et plus spécialement dans le capital humain, ANCE soit en redistribuant les actifs existants. Ce chapitre s'est attaché à enquêter sur les nouveaux actifs, en examinant la qualité et la distribu- tion de l'éducation, ainsi que les causes, les conséquences et les remè- des des disparités flagrantes en matière de résultats scolaires. Lorsque la qualité de l'instruction est faible et l'inégalité de l'éducation marquée, les pauvres sont les premières victimes, car le capital humain constitue souvent leur principal actif. Un investissement inadéquat dans le capital humain des pauvres exacerbe et perpétue la pauvreté et les inégalités de revenus. L'amélioration des dépenses publiques en matière d'éducation est un élément-clé. Malgré des efforts en ce sens, de nombreux pays se sont révélés incapables de concentrer leurs investissements publics sur l'enseignement primaire et secondaire. Une répartition inadéquate des dépenses publiques a entraîné des résultats moyens assez faibles par dollar investi dans les élèves : un phénomène qui affecte essentielle- ment les pauvres. Les gouvernements doivent réviser leurs allocations budgétaires en faveur de l'éducation élémentaire, tout en encourageant le partenariat entre les secteurs public et privé afin de renforcer l'ensei- gnement supérieur. Les pays ont des raisons impérieuses de renforcer l'éducation à tous les niveaux. Une telle politique augmente les effets de la croissance sur la réduction de la pauvreté et améliore directement le bien-être social. Elle permet ainsi aux pays concernés de participer effi- cacement à l'économie mondiale. Il ne suffit pas cependant d'investir dans l'éducation pour garantir le succès du développement ou la réduction de la pauvreté. C'est pour- quoi, ce chapitre aborde, au-delà de l'éducation stricto sensu, des ques- tions visant l'utilisation du capital humain et plus précisément la distribution des terres et des autres actifs productifs, ainsi que les mesu- res économiques d'ordre général. Pour réduire la pauvreté, les pays doi- vent appliquer une stratégie multidimensionnelle centrée autour des individus. Il est indispensable d'assurer l'accès aux services d'éducation et de santé et de distribuer judicieusement ces prestations, d'encoura- ger une utilisation plus large du capital humain des pauvres et de doter ces derniers de terres, de fonds propres, d'une formation et de possibi- lités d'emplois nées de l'ouverture au commerce, aux investissements et aux idées extérieurs. Notes 1. Sur l'importance de la distribution des actifs, voir, par exemple, Ahluwalia (1976) ; Birdsall et Londono (1997) ; Chenery et ai (1974) ; Deininger et Squire (1998) ; Kanbur (2000) ; Knight et Sabot (1983) ; Lara et Levison (1991) ; Lanjouw et Stern (1989, 1998) ; Li et ai (1998) ; Ram (1990) ; Ravallion et Datt (1999) ; et Sen (1980, 1988). Voir aussi le tableau A3.5 de l'annexe pour un complément de preuves. AMELIORER LA DISTRIBUTION DES CHANCES 2. Certains des arguments exposés ici s'appliquent à la santé, mais, par manque de place, le présent chapitre se concentre sur l'éducation. 3. Certaines hypothèses s'appliquent ici. La conclusion reste valable en pré- sence d'un marché compétitif et de deux facteurs de production : le capital physique et le capital humain. Elle se vérifie également lorsque le capital humain se décompose en main-d'oeuvre qualifiée et non qualifiée. 4. Ces mesures, cependant, sont sensibles aux politiques de promotion natio- nales. Les scores obtenus lors de tests comparables d'un pays à l'autre repré- sentent un progrès sur les indicateurs traditionnels, mais ne sont malheureusement disponibles que pour une poignée de pays développés et ne se prêtent pas à des comparaisons dans le temps. C'est pourquoi, ils ne sont pas utilisés ici. 5. Ceci est également vrai des pays industrialisés. Une étude a estimé le coût des différents types de politiques nationales de réduction du nombre d'élè- ves par classe aux États-Unis et découvert que les coûts d'exploitation pou- vaient atteindre entre 2 et 7 milliards dollars par an (Breweret al. 1999). 6. La question « équitablement par rapport à quoi ?» a suscité un débat animé. Sen (1980) considère les modes de fonctionnement des individus, tels que l'alphabétisation et la nutrition, comme des attributs à égaliser. D'autres voient dans les possibilités offertes aux individus l'attribut à égaliser (Arne- son 1989 ; Cohen 1989 ; Roemer 1993). Un troisième groupe de spécialistes, pourtant, considère le montant des ressources comme l'attribut à égaliser (Dworkin 1981). 7. De nombreuses études comparent le revenu, la surface des terres et les coef- ficients de Gini de la santé (par exemple, Leipziger et al. 1992 pour la Corée). Cependant, aucune étude n'a encore comparé les coefficients de Gini de l'éducation à ceux du revenu et de la propriété foncière. Les coeffi- cients de Gini du revenu ne sont disponibles que pour certaines années (Dei- ninger et Squire 1996) : 1970 1977 1983 1990 1992 1970 1976 1980 1985 1988 Inde 0,30 0,32 0,31 0,30 0,32 Corée 0,33 0,39 0,39 0,35 0,34 8. L'ensemble des données relatives aux projets et provenant des divers pays inclut des variables sur l'éducation, le revenu par tête, l'ouverture, les dépenses gouvernementales et les performances du projet. Les données couvraient 3 590 projets de prêt dans cent neuf pays, tels qu'ils furent jugés par le département de l'évaluation rétrospective des opérations pour 1974- 1994, avec un classement des performances globales (satisfaisantes ou pas) et des taux de rentabilité économique. 9. Pour un complément d'information sur le marché du travail et la protection sociale, voir Basu et al. 1999 ; Kanbur (2000) ; Banque mondiale (1994) sur la crise du troisième âge et Banque mondiale (2000i). C H A P I T R E Le soutien du capital naturel « Si nous avons vraiment à coeur l'avenir de notre planète, nous devons cesser de laisser aux « autres », là-bas, le soin de résoudre tous les problèmes. C'est à nous qu'il appartient de sauver lemonde de demain, à vous comme à moi. » - Jane Goodall, Reason for Hope Le « capital naturel » contribue énormément au développement humain et au bien-être social. Ce terme englobe les fonctions de réceptacle (l'air et l'eau en tant que supports de réception de la pollution générée par l'être humain) et des fonctions de source (la production fondée sur l'exploitation des forêts, des pêcheries et du sous-sol). La protection des fonctions de réceptacle est capitale pou r la santé de l'homme. La pro- tection des fonctions de source ou de réceptacle est cruciale pour la sécurité économique des nombreux individus qui dépendent de ces res- sources pour leur subsistance. Un capital naturel de qualité contribue indirectement au bien-être social, en tant que composant essentiel de la production soutenue de biens et services économiques. Il contribue éga- lement directement au bien-être social, dans la mesure où on tire plaisir des sites immaculés, des forêts centenaires et des lacs et rivières limpi- des dans lesquels on aime pêcher et se baigner. Le chapitre 2 a déjà apporté la preuve de l'importance du capital humain, naturel et physique pour la croissance économique et le bien- être social. En raison d'une substitution imparfaite, ces actifs doivent croître à un rythme non perturbé ou bien équilibré afin de permettre le soutien de la croissance économique. Toute croissance altérée ou désé- quilibrée - se signalant par une accumulation particulièrement rapide du capital physique, une accumulation lente du capital humain et un i ANCE épuisement du capital naturel - accroît l'instabilité de la croissance et affecte les pauvres de manière disproportionnée. Une économie fondée sur une croissance déséquilibrée risque donc de souffrir d'une stagna- tion à long terme (voir l'annexe 2). Les économies tirant une bonne part de leurs revenus des ressources naturelles ne peuvent pas soutenir la croissance en substituant l'accumu- lation du capital physique à la détérioration du capital naturel (Lopez et al. 1998). La dégradation de l'environnement a toutes les chances de se révéler davantage dévastatrice pour les pauvres qui dépendent fréquem- ment de ressources naturelles pour leur revenu et disposent d'options très limitées quant au remplacement de cet actif par un autre. À long terme, plus particulièrement, les approches en matière de croissance qui tiennent compte de la qualité de l'environnement et de l'efficacité de l'uti- lisation des ressources contribuent à l'accumulation, à l'investissement, à la croissance économique et au bien-être social (Munasinghe 2000). Et pourtant, aux quatre coins du monde, certains pays surexploitent leurs forêts, leurs pêcheries et leurs richesses minérales et polluent l'air et l'eau dans le seul but d'accélérer leur croissance économique à court terme, leurs dirigeants politiques se disant persuadés qu'une telle stra- tégie est en mesure de renforcer le bien-être de leurs administrés. Alors qu'une bonne partie du capital naturel a été sacrifiée par le biais de la déforestation, les atteintes à la biodiversité, la dégradation du sol et la pollution de l'air et de l'eau, l'accès à l'eau potable (ainsi que les réseaux d'égout et les installations d'assainissement de l'eau) ont généralement progressé avec la croissance économique. Le présent chapitre examine les raisons pour lesquelles on a tendance à faire un usage abusif du capi- tal naturel et à le surexploiter, surtout pendant les phases de croissance économique rapide, et quelles sont les mesures qui peuvent être prises pour corriger la spirale négative de la dégradation de l'environnement. L'adéquation des actions correctives dépendra de la nature du pro- blème et du cadre économique et institutionnel. Par exemple, la qualité de l'air peut être améliorée en prélevant une taxe à la pollution sur les émissions industrielles, tandis que l'efficacité de la production, fondée sur les ressources naturelles, peut être accrue par des mesures telles que l'octroi de titres de propriété incontestables sur la terre ou des quo- tas de pêche transférables. Le succès de telles mesures exige une inter- vention active mais sélective de l'intervention des pouvoirs publics, en collaboration avec le secteur privé et la société civile. Les pertes substantielles La pollution atmosphérique -imputable aux émissions industrielles, aux gaz d'échappement des automobiles et à la combustion des carbu- rants fossiles utilisés dans les maisons - tue plus de 2,7 millions de per- LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL Région et ville Impact Coût Chine: les 11 plus grandes villes Coûts économiques liés aux d s prématurés Plus de 20 % des revenus urbains et aux maladies Asie de l'Est : Bangkok, Jakarta, Séoul, Kuala Lumpur, Manille Nombre de décès prématurés imputables à une pollution 15 600 dépassant les limites de sécurité fixées par l'OMS Asie de l'Est : Bangkok, Jakarta, Kuala Lumput Coûts économiques liés aux décès prématurés Plus de 20 % des revenus urbains et aux maladies Nouveaux États indépendants : Fédétation de Russie Nombre de décès prématurés imputables à une pollution 14 458 (Volgograd) ; Arménie (régions urbaines) ; Azerbaïdjan dépassant les limites de sécurité fixées par l'OMS (ensemble du territoire) ; Kazakhstan (ensemble du territoire) Remarques : Les estimations se fondent sur diverses études employant différentes méthodologies et ne sont donc pas comparables. Dans de nombreux cas, la surmortalité est estimée à l'aide de fonctions dose-réaction élaborées initialement pour des économies industrielles présentant des modifications marginales de la pollution, puis appliquées à des modifications non marginales : elles tendent donc à surestimer les réductions de mortalité. Certaines études appliquent le principe pollueur-payeur pour acheter des données en provenance des économies industrielles ; d'autres ont recours à l'approche reposant sur le coût de la maladie. Source : Banque mondiale (1997a, 1999f). sonnes chaque année, principalement à cause de troubles respiratoires, Tableau 4.1 de maladies cardiaques et pulmonaires et du cancer (PNUD 1998). Sur Coûts annuels de santé les victimes de ces décès prématurés, quelque 2,2 millions sont des pau- associés à la pollution vres habitant des zones rurales et exposés à une pollution de l'air à atmosphérique l'intérieur des habitations résultant de la combustion de carburants tra- ditionnels. La pollution atmosphérique réduit également la production économique en raison des jours de travail perdus (le tableau 4.1 permet de saisir l'ampleur des pertes dues à cette pollution dans différentes parties du monde. Les chiffres visent uniquement à illustrer les impacts potentiels de la pollution environnementale ; il s'agit d'estimations sans doute contestables des dommages potentiels). Les coûts de santé asso- ciés aux maladies d'origine hydrique et à la pollution de l'eau sont éga- lement élevés. En 1992, plus de 2 millions d'enfants âgés de moins de Tableau 4.2 cinq ans moururent d'une affection causée par de l'eau polluée. Le tableau 4.2 résume les conclusions de plusieurs études consacrées aux Coûts annuels de santé associés aux maladies ravages de l'eau impropre à la consommation et aux effets de la pollution d'origine hydrique et de l'insuffisance des installations d'assainissement des eaux usées '. et à la pollution de l'eau Région ou pays Impact Coût Vièt Nam Décès d'enfants évités chaque année grâce à l'accès à une eau pure ou assainie 50 000 Chine Décès prématurés dus à des maladies d'origine hydrique : 135 000 diarrhées, hépatites, nématodes intestinaux, etc. Asie de l'Est Coût des maladies d'origine hydrique 30 milliards de dollars par an Moldavie Décès prématurés 980-1850 Journées de travail perdues pour maladie 2 à 4 millions de dollars par an Source : Banque mondiale (1997a,c ; 19991). E ANCE Les effluents toxiques - tels que les dioxines, les pesticides, les orga- nochlorines, les graisses, les huiles, les acides, les alcalis et les métaux lourds comme le cadmium et le plomb - dégagés par les usines, les mines et les usines chimiques contaminent des masses d'eau importan- tes dans le monde entier. Les ouvriers, les agriculteurs et les autres per- sonnes entrant en contact avec ces agents contaminants prennent un grand risque pour leur santé. Comme dans le cas de la pollution atmos- phérique, les pauvres fournissent le plus gros contingent de victimes. On compte jusqu'à 25 millions de pauvres travailleurs agricoles du monde en développement (dont 11 millions pour la seule Afrique) victi- mes chaque année d'un empoisonnement aux pesticides qui se révèle fatal pour plusieurs centaines de milliers d'entre eux (PNUD 1998). Les pêcheries, qui constituent l'une des principales sources de protéines des pauvres, sont elles aussi détruites par les déchets industriels et la pollu- tion de l'eau. Dans la baie de Manille, le produit de la pêche a baissé de 40 % au cours des dix dernières années (PNUD 1998). Pour une des- cription inquiétante de la dégradation de l'environnement en Inde, telle qu'elle a été relatée dans la presse, voir l'encadré 4.1. Des estimations récentes, reposant sur les années de vie ajustées en fonction de la morbidité, suggèrent que les décès prématurés et les maladies dus aux risques sanitaires majeurs inhérents à l'environne- ment représentent environ un cinquième du fardeau total de la maladie dans le monde en développement (Murray et Lôpez 1996) . Parmi ces 2 risques - qui incluent un approvisionnement insuffisant en eau potable, des installations d'assainissement de l'eau insuffisantes, une pollution atmosphérique à l'intérieur des habitations, une pollution atmosphéri- que urbaine, la malaria et la diffusion de produits chimiques et de déchets industriels - 14 % du fardeau total de la maladie est imputable à un approvisionnement insuffisant en eau potable, à un assainissement inadéquat des eaux usées et à une pollution atmosphérique à l'intérieur des habitations. Ces maux affectent principalement les enfants et les femmes des familles pauvres (Lvovsky et al. 1999). La surexploitation et la dégradation des ressources naturelles susci- tent également de graves inquiétudes. La dégradation du sol est un pro- blème universel mais affecte encore davantage l'Asie et l'Afrique. Son coût pourrait atteindre 5 % du PIB en Asie (BAD 1997) et entre 1 et 10 du PIB agricole dans plusieurs pays d'Afrique (Bojo 1996). Alors que ces pertes annuelles constituent déjà un problème en soi, l'effet cumulatif de cette dégradation est alarmant : la désertification, conséquence directe de ce phénomène, coûterait selon certaines estimations 42 milliards de dollars par an au seul titre de la perte de productivité agricole. Ce fléau fait peser le spectre de la famine sur quelque 250 millions de pauvres en raison de la diminution brutale du rende- ment des récoltes (PNUD 1998). LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL ENCADRÉ 4.1 Dégradation de l'environnement en Inde Dans un numéro spécial intitulé The Poisoning of et que toutes les autres ne disposent d'aucun India, le quotidienIndia Today (1999) rapportait système. les faits suivants : Un tiers de la population urbaine n'a pas accès · Respirer l'air des villes indiennes équivaut à aux services d'assainissement de l'eau. À Luck- fumer vingt cigarettes par jour. Dans la capitale, now, 70% de la population déverse ses eaux Delhi, le niveau des matières particulaires en usées dans le fleuve Gomti. suspension est plus de deux fois supérieur à la La plupart des réseaux d'égout remonte à la limite de sécuritéfixéepar l'OMS (selon des ana- période coloniale. C'est ainsi que 93 % des eaux lyses récentes, ce niveau pourrait même être usées sont rejetées sans aucun traitement dans cinq fois supérieur à la limite considérée comme la mer, ce qui a éliminé pratiquement toute faune sûre par cette organisation). marine le long de la côte. Le dichlorodiphényltrichloroéthane, plus com- · Chaque année, plus de 40.000 personnes meu- munément connu sous son acronyme DDT, et rent prématurément des effets de la pollution l'hexachlorure de benzène, également appelé atmosphérique. HCB, représentent jusqu'à 40 % du total des pes- · Plus de 30 % des déchets générés dans les villes ticides utilisés en Inde. aboutissent dans des décharges sauvages et se Les deux produits sont des neurotoxines affec- transforment en véritables nids de culture. tant gravement le système nerveux central et · Sur les 3 119 villes recensées en Inde, seules 8 provoquant des dystrophies musculaires. Des disposent de systèmes modernes d'évacuation et analyses chimiques ont permis de déceler leur de traitement des eaux usées, tandis que 209 dis- présence, en quantités sans cesse croissantes, posent uniquement de systèmes rudimentaires dans le lait, les légumes, les céréales et les fruits. Au moins 10 à 12 millions d'hectares de terres forestières disparais- sent chaque année. Des méthodes d'exploitation forestière insoutena- bles et la conversion de la forêt en terres cultivées et en zones de pâture sont les principales causes de ce phénomène (Brown et al. 1998 ; Ban- que mondiale 1999d). Le rendement déclinant des produits forestiers (bois d'oeuvre et autres espèces), la réduction des services de conserva- tion des sols et de l'eau, ainsi que la perte des fonctions d'absorption du carbone atmosphérique, se traduisent par des pertes économiques net- tes comprises entre 1 et 2 milliards de dollars par an pour l'économie mondiale (selon des calculs se fondant sur les données de la Banque mondiale). En 1997, les brumes et la fumée dégagées par les feux de forêt provoquèrent des dommages évalués à 4 milliards de dollars en Indonésie et des dégâts considérables dans les États voisins de Malaisie et de Singapour (EEPSEA 1998). Les futures générations devront donc supporter le poids des coûts associés à la réduction résultante de la bio- diversité, même si ces coûts sont encore difficiles à chiffrer. m ANCE Tout comme les incendies de forêt en Indonésie, les conséquences de l'indifférence à l'égard de l'environnement ne se limitent pas aux frontiè- res politiques. Nous en voulons pour preuve la désertification croissante, la dégradation de la zone côtière, le changement du climat mondial, les pluies acides transfrontières et la diminution de la couche d'ozone (GEF 1998 ; Watson et al. 1998). Le changement du climat mondial au cours du 21e siècle pourrait résulter en une augmentation de l'intensité et de la fréquence des inondations et des sécheresses, une submersion des zones côtières basses, une multiplication des maladies infectieuses et une accélération du dépérissement des forêts. Le changement du climat affectera également la sécurité des approvisionnements en réduisant le rendement agricole des pays en développement et en générant des ris- ques pour la santé et la sécurité de l'être humain. Il pourrait causer à l'économie mondiale jusqu'à 550 milliards de dollars de pertes par an en faisant peser sur les pays en développement une part disproportionnée de ce fardeau (Furtado et al. 1999). Le concept d'épargne réelle est utile pour saisir la dégradation du capital naturel et évaluer la santé envi- ronnementale d'un pays. L'épargne réelle est égale à l'épargne intérieure brute, moins la dépréciation du capital physique, moins l'épuisement des ressources minérales et énergétiques, moins l'appauvrissement des forêts, moins les dommages liés à la pollution, plus les investissements dans le capital humain. Pour l'ensemble du monde en développement, l'épargne intérieure brute représentait 25 % du PIB en 1997. L'épargne intérieure nette (après la prise en compte de la dépréciation du capital physique) fut d'environ 16 % du PIB mais, après les corrections inhéren- tes à l'épuisement du capital naturel (forêts, énergie, minéraux, etc.) et aux dommages causés par les émissions de dioxyde, l'épargne nette n'était plus que légèrement supérieure à 10 % du PIB (Banque mondiale 1999e). Il en résulte qu'après l'ajout des investissements en capital humain, l'épargne nette atteignait à peine 14 %. Cette moyenne inclut le Népal où la seule réduction du manteau forestier est estimée à quelque 10,3 % (soit davantage que l'épargne intérieure brute qui est de 10 %) et la Fédération de Russie où l'épuisement des ressources énergétiques (pétrole, charbon et gaz naturel) réduit l'épargne de plus de 9 % par an. Les avantages importants de l'action environnementale D'un point de vue économique, il n'est pas nécessaire de contrôler inté- gralement toutes les sources de pollution ou de compenser totalement la dégradation des ressources naturelles. Il suffirait de les ramener au point où les dommages marginaux (sociaux) égalent les coûts margi- naux (sociaux) de la diminution ou du contrôle, c'est-à-dire au niveau optimal de protection de l'environnement. LE SOUTIEN Le coût actualisé d'un projet garantissant à chaque Chinois un accès à de l'eau propre d'ici dix ans, par exemple, est de 40 milliards de dollars alors que la valeur actuelle de cet avantage est comprise entre 80 et 100 milliards de dollars (Banque mondiale 1997a). Un projet analogue en Indonésie coûterait entre 12 et 15 milliards de dollars pour des avan- tages correspondants estimés entre 25 et 30 milliards. En Moldavie, une eau sous conduite de qualité appropriée coûterait entre 23 et 38 millions de dollars par an mais procurerait des avantages estimés entre 70 et 120 millions (Banque mondiale 19991). Le contrôle de la pollution atmosphérique en Chine coûterait quelque 50 milliards de dollars mais procurerait des avantages estimés à environ 200 milliards, en termes de diminution des maladies et des décès prématurés (Banque mondiale 1997a). Si l'avantage est tellement patent, pourquoi la dégradation et la des- truction de l'environnement se poursuivent-elles ?3 La principale raison de cette situation tient à ce que le taux de rendement privé des inves- tissements dans la protection de l'environnement est sensiblement infé- rieur aux coûts privés (Dasgupta et Màler 1994 ; Hammer et Shetty 1995). La plupart des avantages qui en découlent est répartie sur l'ensemble de la société actuelle et future au 'lieu de revenir à l'agent privé ayant réalisé l'investissement. Il s'ensuit que les individus, qui ne recherchent que leur bénéfice personnel à court terme, tiennent rare- ment compte du coût de la dégradation de l'environnement- partagé de façon inéquitable au sein de la génération actuelle et affectant aussi les générations futures - dans leur processus de prise de décision. Ce cas classique d'externalité et de déficience dans le fonctionnement des mar- chés justifie amplement les actions des pouvoirs publics visant à créer des marchés (ou des conditions analogues à celles d'un marché) ali- gnant les encouragements aux investissements privés sur les coûts et les avantages sociaux des services environnementaux à financer. Les anomalies affectant certaines politiques et reflétant la sous-éva- luation de l'environnement contribuent à accroître la pollution et la dégradation de l'environnement (Dasgupta et Mâler 1994). Par exem- ple, les subventions agricoles sur les intrants et le soutien des prix à la production rendent la gestion de la forêt non compétitive et créent des pressions en vue de convertir des zones forestières en pâturages. Les subventions à l'énergie visent à maintenir les prix au consommateur à un bas niveau, mais contribuent aussi à une surconsommation et à une pollution excessive. Les exemptions fiscales, les subventions aux entre- prises opérant dans les zones frontières, la construction de routes dans des zones écologiquement fragiles et toute une série d'autres politiques imprévoyantes sont autant de facteurs qui contribuent à la dégradation et à la mauvaise gestion des ressources et qui menacent les populations vulnérables vivant dans les régions concernées (Chomitz et Gray 1996 ; QUALITÉ DE LA CROISSANCE Cropper et al. 1997). En supprimant les subventions et en créant une écofiscalité, il serait possible de lancer des politiques de réformes visant la réduction des distorsions et permettant aux prix d'atteindre leur niveau optimal. Plusieurs autres facteurs et fausses notions s'opposent à la gestion efficace du capital naturel : la mentalité « croissons maintenant, nous nettoierons plus tard ! », la corruption, des droits de propriété mal définis et une pénurie de fonds. Souvent, des lacunes au niveau de l'information nuisent à la compréhension totale des causes et des conséquences de la dégradation de l'environnement, tandis que l'indif- férence du public entrave les mesures correctives. En dépit de l'engoue- ment actuel pour la protection de l'environnement, il est difficile de promouvoir une action internationale (encadré 4.2). La contribution relative de ces facteurs diffère d'un pays à l'autre et doit dont être éva- luée afin de déterminer des actions publiques efficaces. Les connexions entre croissance, capital naturel et bien-être social Après avoir réfuté l'idée selon laquelle on peut reporter la réparation de la dégradation de l'environnement, le temps de procéder à d'autres réformes urgentes (le fameux slogan « croissons maintenant, nous net- toierons plus tard ! »), le moment est venu d'explorer les preuves empi- riques établissant un lien entre la croissance et la qualité du capital naturel. Croissons maintenant, nous nettoierons plus tard ! Malgré l'abondance de preuves contraires, de nombreuses personnes pensent que l'environnement est un bien de luxe qui sera demandé au fur et à mesure que la croissance économique augmente le revenu. C'est pourquoi, les pays en développement ont tendance à ignorer les pro- blèmes écologiques, tandis que leurs dirigeants se consacrent exclu- sivement à l'accélération de la croissance économique. Ces mêmes dirigeants défendent leur position en invoquant des exemples de pays industrialisés qui ne prêtèrent guère d'attention à la dégradation de l'environnement au cours des phases précoces de leur croissance, mais qui parvinrent ultérieurement à l'interrompre puis à l'inverser. Ils font peu de cas cependant des énormes coûts potentiels économiques, sociaux et écologiques et du fait que les dommages sont parfois irré- versibles. Alors que la pollution de l'eau et de l'air paraît réversible, son impact sur le bien-être des hommes ne l'est que rarement. Les promesses d'une future action corrective peuvent difficilement compenser la diminution du bien-être de la génération actuelle. Seule une politique de croissance I LE S O U T I E N DU CAPITAL N A T U R E L propre répond au principe de l'équité entre les générations. En outre, les investissements dans le contrôle en amont de la pollution produiront des retombées bénéfiques dans d'autres domaines. Par exemple, les résultats sur le plan de la santé peuvent conduire à une accumulation plus favorable du capital humain et à une croissance plus durable4. Toute approche « croissons maintenant, nous nettoierons plus tard ! » ne peut générer que des résultats inéquitables : les pauvres et les désavantagés sont les plus touchés par la pollution et la dégradation des ressources. Par exemple, lorsque des effluents industriels toxiques et ENCADRÉ 4.2 Efforts à l'échelle mondiale en faveur d'une action pour l'environnement En juin 1992, des représentants de cent soixante- de présenter une stratégie à long terme permettant dix-huit nations se réunirent à Rio de Janeiro pour de maintenir l'environnement naturel du pays, la convenir de mesures garantissant un développe- santé et la sécurité de sa population, ainsi que son ment durable sur les plans environnemental et héritage culturel, pendant les phases de dévelop- social. Ce « Sommet de la Terre » apporta la preuve pement économique. Cette pratique se répandit de l'intérêt des gouvernements pour les initiatives dans d'autres pays, si bien qu'une centaine de visant à traduire des buts politiques assez vagues nations a préparé des stratégies nationales de en actions concrètes. L'engagement de dirigeants développement durable ou des plans nationaux venus de toutes les régions en faveur d'un dévelop- d'action environnementale afin d'orienter leur pement durable fut consigné dans Action 21 : le réflexion sur la gestion de l'environnement. Ces document-clé de ce sommet. Les activités réper- plans sont utiles dans l'identification des problè- toriées dans Action 21 sont regroupées autour de mes environnementaux, la promotion de l'idée que thèmes ayant trait à l'environnement et au la planification environnementale concerne tous développement : qualité de la vie, utilisation effi- les citoyens et la création d'un climat politique pro- cace des ressources naturelles, protection des pice à des réformes efficaces. Ils se sont également biens communs, gestion des points de peuplement révélés utiles dans la définition de cadres politiques humain et croissance économique durable. et dans l'élaboration d'une vision stratégique de Action 21 reconnaît que la persistance d'une l'environnement (Bojo et Segnestam 1999). extrême pauvreté dans plusieurs parties du monde, à côté d'un mode de vie fondé sur le gas- Bien qu'essentiels pour mettre en relief les pillage de ressources dans d'autres parties, est questions environnementales importantes, les stra- incompatible avec la durabilité et que la gestion de tégies et les plans sont moins efficaces dans l'iden- l'environnement doit se traduire par un développe- tification des priorités d'action et dans la ment similaire des pays industrialisés et en déve- formulation des réformes politiques requises pour loppement. Un accord fut conclu prévoyant que, parvenir aux résultats recherchés. La documenta- pour mettre en oeuvre Action 21, les pays devraient tion et la diffusion des réussites enregistrées et des élaborer une stratégie de développement durable. expériences menées dans le domaine de la gestion de l'environnement revêtent donc une importance En 1987, les donateurs de l'Agence internatio- cruciale. La Banque mondiale joue un rôle facilita- nale de développement décidèrent d'imposer des teur important dans ce domaine en s'efforçant plans nationaux d'action environnementale à tous d'intégrer la question de l'environnement dans son les emprunteurs de cet organisme. Avant de pou- dialogue politique (Warford et al. 1994 ; Warford et voir recevoir des fonds, les emprunteurs sont tenus al. 1997). --C QUALITÉ DE LA CROISSANCE d'autres polluants dégradent la qualité de l'eau, les pauvres manquent souvent d'un accès au système municipal d'approvisionnement en eau assainie et n'ont pas les ressources nécessaires pour investir dans des filtres et autres équipements de purification. La pollution atmosphéri- que, elle aussi, affecte les pauvres de manière disproportionnée dans la mesure où ils vivent généralement plus près des routes, là où les niveaux de pollution sont les plus élevés, et où ils ne peuvent pas se permettre d'utiliser des combustibles plus propres chez eux (PNUD 1998). Ces impacts distributifs augmentent les inégalités de revenu et peuvent générer de sérieux conflits sociaux. Ainsi, la politique consistant à se préoccuper de l'environnement tout en favorisant l'accélération de la croissance est parfaitement compatible avec une stratégie de réduction de la pauvreté. La perte définitive d'un matériel génétique et la menace potentielle d'un effondrement de l'écosystème sont également d'excellents motifs de rejet de l'approche « croissons maintenant, nous nettoierons plus tard ! ». Une partie de ces dommages est irréversible. La destruction de leur habitat a provoqué la disparition de certaines espèces et une réduc- tion définitive de la biodiversité terrestre et aquatique du monde entier. La pollution marine et les techniques de pêche intensives ont endom- magé une large proportion des récifs coralliens de l'Asie de l'Est et menacent une bonne partie de la faune et de la flore océaniques (Loh et al. 1998). Les expériences des pays à revenu élevé démontrent que les coûts sur la santé d'un report du contrôle de la pollution peuvent dépasser ceux de la prévention, même si cette comparaison doit idéalement tenir compte de la différence dans le temps de l'occurrence des deux phéno- mènes et de l'incertitude qui en résulte. Par exemple, le coût du net- toyage et du dédommagement des victimes de la maladie d'Itai-Itai (provoquée par un empoisonnement au cadmium), de l'asthme de Yok- kaichi (provoqué par une exposition excessive aux émissions sulfureu- ses) et de la maladie de Minamata (provoquée par un empoisonnement au mercure) est entre 1,4 et 102 fois supérieur à celui de la prévention (Kato 1996). L'approche « croissons maintenant, nous nettoierons plus tard ! », outre le fait qu'elle a un impact sur la santé humaine, présente également des failles sur le plan économique, comme le prouve le coût élevé du nettoyage de leurs décharges de déchets toxiques par des entreprises industrielles américaines (Harr 1995). Le rythme de la croissance influe-t-il sur la protection du capital naturel ? Les deux types de croissance, rapide et lente, entraînent une dégrada- tion de l'environnement mais à des degrés différents. L'analyse de la croissance du PIB et l'indice de la qualité du capital naturel révèlent un LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL coefficient de corrélation négatif (voir la figure 1.5). L'examen du lien entre la croissance rapide et les diverses composantes de la dégradation du capital naturel à un niveau plus désagrégé rend mieux compte de la force et de la direction de cette relation. Les progrès phénoménaux de l'Asie de l'Est en matière de croissance économique et de réduction de la pauvreté sont contrebalancés par ses piètres performances dans le domaine de l'environnement. En 1995, la Chine abritait quinze des vingt villes considérées comme les plus polluées du monde en vertu du critère de la concentration des particu- les en suspension (Banque mondiale 1999e). La pollution atmosphé- rique et, en particulier les taux élevés de ces matières en suspension, provoque des décès prématurés et de graves problèmes de santé dans les zones urbaines telles que Bangkok, Jakarta, Manille et plusieurs vil- les chinoises (voir le tableau 4.1). Les pays ayant connu une croissance rapide dans le contexte des réformes économiques adoptées dans les années 1980 - à savoir la Chine, la Corée, la Malaisie et la Thaïlande - ont également vu le niveau de leurs émissions de dioxyde de carbone par tête doubler, voire tripler, à la fin de cette phase d'expansion Tableau 4.3 (tableau 4.3). Commerce, croissance, pauvreté et dégradation Les ressources naturelles ont également souffert. Les taux de de l'environnement déforestation ont grimpé et restent très élevés dans la plupart des pays pour certaines années (tableau 4.3). Près de 20 % des terres végétalisées d'Asie de l'Est souf- (en pourcentage, frent d'une dégradation du sol inhérente à l'hydromorphie, à l'érosion et sauf indication contraire) Commerce Croissance Pauvreté Indicateurs du capital naturel Augmentation En pourcentage de Total des matières Augmentation annuelle du volume Croissance la population vivant Déforestation particulaires en pourcentage des des exportations annuelle du PNB avec moins d'un annuelle (variation dans les capitales émissions de dioxyde Région de marchandises par tête dollar par jour (PPA), en pourcentage) (microgrammes de carbone par tète, et économie 1980-1994 1970-1995 différentes années 1990-1995 par mètre cube) 1980-1996 Asie de l'Est Chine 12,2 6.9 29,4 (1993) O.l 377 86.7 Hong Kong, Chine 15,4 5.7 <1 0.0 -- 15,6 Indonésie 9,9 4,7 14,5(1993) 1.0 271 100,0 Corée 11.9 10,0 <1 0.2 84 172,7 Malaisie 13.3 4,0 5.6(1989) 2,4 85 180,0 Philippines 5,0 0,6 27,5(1988) 3,5 200 12,5 Singapour 13,3 5,7 <1 0,0 -- 63.6 Thaïlande 16.4 5,2 <1 2,6 223 277,8 Amérique latine Argentine 1.9 -0,4 -- 0,3 97 (Cordoba) -2,0 Bolivie -0.3 -0,7 7,1 (1989) 1,2 -- 62,5 Brésil 6.2 -- 28.7(1989) 0,5 86 (Rio = 139) 13,3 Chili 7,3 1,6 15.0(1992) 0,4 -- 36,0 Cosla Rica 6.6 0,7 18,9 (1989) 3,0 -- 27,3 Mexique 13,0 0,9 14.9(1992) 0,9 279 2,7 Pérou 2,4 -1.1 49.4 (1994) 0,3 -- -21,4 Uruguay 0.9 0.2 -- 0,0 -- -15,0 Venezuela 1,1 -1,1 11,8(1991) 1.1 53 10.7 -- Non disponible. Sources : Banque mondiale (1997a, 1999e) ; annexe 4. ES QUALITÉ DE LA CROISSANCE au surpâturage. Ce phénomène est surtout sensible en Chine, en Thaïlande et au Viêt Nam, où il fait peser une menace d'endommage- ment irréversible des écosystèmes (Banque mondiale 1999b). La biodi- versité dans 50 à 75 % des régions côtières et des zones marines protégées de l'Asie de l'Est est considérée comme gravement menacée. Tous les indicateurs ne laissent pas apparaître une détérioration des conditions environnementales dans les économies à croissance rapide de l'Asie de l'Est. L'accès aux sources d'eau propre et aux installations d'assainissement des eaux usées a augmenté rapidement en Chine, en Corée, en Malaisie et en Thaïlande. En 1995, la part de la population ayant accès à une eau sans danger était passée de 71 à 89 % en Malaisie, de 66 à 89 % en Thâûande, de 39 à 65 % en Indonésie et de 65 à 83 % aux Philippines. Dans le même temps, la disponibilité des services d'assainissement passait de 46 à 96 % en Thaïlande, de 30 à 55 % en Indonésie et de 57 à 77 % aux Philippines (Banque mondiale 1999e). Bien que toujours situé à des niveaux faibles au Cambodge, dans la République populaire démocratique du Laos et au Viêt Nam, l'accès à une eau sans danger et à des installations d'assainissement augmente régulièrement avec la croissance économique (Banque mondiale 1999b,e). Cependant, la croissance rapide n'est pas la seule cause de la dégra- dation du capital naturel. Comme les pays d'Asie de l'Est, les pays d'Amérique latine ont enregistré des progrès dans l'accès à une eau sans danger et à des installations d'assainissement (Banque mondiale 1999e), tout en souffrant d'une détérioration de l'environnement. La plupart est victime d'une déforestation massive (surtout dans des zones sensibles sur le plan écologique et à forte pente), d'une dégradation généralisée du sol, d'une surpêche et d'une pollution aquatique dans les zones côtières, ainsi que d'une contamination de l'eau par les produits agrochimiques et d'un empoisonnement de la population et du bétail par les pesticides. Bien que la pollution atmosphérique ne soit pas aussi répandue qu'en Asie, notamment en raison d'un rythme d'industrialisa- tion relativement faible (tableau 4.3), elle pose un sérieux problème à Mexico City, Rio de Janeiro et Santiago. En raison de la faible crois- sance, d'une répartition extrêmement asymétrique des revenus, d'investissements inadéquats dans l'éducation et la santé et de l'instabi- lité politique, la pauvreté demeure désespérément élevée, ce qui génère un cercle vicieux de dégradation croissante des ressources naturelles et d'une perte supplémentaire de revenu (voir aussi l'encadré 4.3). Il en ressort que ni la croissance rapide, ni la croissance faible ne sont automatiquement des alliés du capital naturel (Thomas et Belt 1997). Par exemple, dans les années 1980, les différences dans la pollution atmosphérique et la congestion du trafic entre Manille (une ville à crois- sance lente) et Bangkok (une ville à croissance rapide) étaient minimes ^9 LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL ENCADRÉ 4.3 Population, pauvreté et environnement L'analyse de la connexion pauvreté-population- alimentaires, à la garde du bétail et à la production environnement est complexe. La croissance de produits commercialisables simples. Les enfants démographique a souvent été citée comme la cause sont nécessaires comme main-d'oeuvre d'appoint, de la pauvreté et de la dégradation de l'environ- même lorsque les parents sont dans la force de nement (Cropper et Griffiths 1994 ; Pearce et l'âge. Il en résulte que les petits ménages ne sont Warford 1993). Cependant, l'argument contraire tout simplement pas viables. Au fur et à mesure de énonce que la pauvreté et la dégradation de l'envi- l'amenuisement des ressources communautaires, ronnement sont les causes de cette croissance et on a besoin de plus de bras pour aller chercher quo- non ses conséquences. Ces deux opinions sont par- tidiennement de l'eau et du combustible toujours tielles et il convient de reconnaître une interrela- plus loin. Plus d'enfants naissent, ce qui aggrave la tion entre les trois facteurs (Cleaver et Schreiber détérioration de l'environnement et incite à agran- 1994 ; Dasgupta 1995 ; Ekbom et Bojo 1999 ; Mink dir encore plus le ménage. Les facteurs influençant 1993). La force de ces liens différera d'un cas à la demande parentale en faveur d'une progéniture l'autre, si bien que les politiques recommandées peuvent inverser cette spirale destructrice. La poli- dépendront d'une multitude de facteurs parmi les- tique la plus efficace agit simultanément sur de quels le type de ressource, la densité et le taux de nombreux facteurs. Une bonne politique économi- croissance de la population, le système institution- que, des droits de jouissance assurés et une stabi- nel et la législation régissant l'utilisation de la res- lité politique sont autant de conditions pouvant source (Lôpez 1998b). Par conséquent, aucune alléger la pression démographique. Un approvi- conclusion générale n'est disponible sur les liens sionnement en eau potable et en combustible à des entre la population, l'environnement et la pauvreté. prix modestes permettrait de diminuer le besoin de bras supplémentaires et de réduire d'autant le L'exemple suivant, tiré de l'étude de Dasgupta besoin d'enfants. Des services de contrôle des nais- (1995), donne un aperçu de la complexité de cette sances, complétés par des services de santé géné- connexion. En milieu rural, chaque tâche, même sique, pourraient répondre aux besoins énormes et très simple, comme se procurer de l'eau propre ou insatisfaits en matière de contraception, tandis que du bois pour la cuisson des aliments, requiert beau- l'alphabétisation des femmes et leur accès au mar- coup de travail. De plus, les membres des ménages ché du travail leur permettraient de décider de la ruraux consacrent du temps à la culture de denrées taille de la famille. (Hammer et Shetty 1995). Cependant, une croissance rapide - accom- pagnée d'une urbanisation galopante, d'une expansion industrielle et d'une exploitation des ressources renouvelables et non renouvelables - augmente les pressions exercées sur l'environnement. C'est pourquoi, de nombreux indicateurs révèlent une réduction de la qualité du capital naturel en période de croissance. Pourtant, la croissance offre les conditions d'une amélioration de l'environnement en créant une demande en faveur d'une meilleure qua- lité environnementale et en dégageant des ressources pour la satisfaire. Peut-on en déduire l'existence d'une courbe de Kuznets environne- mentale ? Lorsque le revenu augmente, la qualité de l'environnement Ctt ANCE commence-t-elle par se détériorer avant de s'améliorer ? Si les biens d'environnement sont des biens de consommation ordinaires dotés d'une élasticité positive de la demande par rapport au revenu (et donc supérieure à l'unité, à certains niveaux de revenu), la qualité devrait augmenter au-delà du seuil de revenu. Lôpez (1997) suggère que les biens d'environnement, tels qu'un air et une eau propres ou un réseau d'égout, qui affectent directement la santé et génèrent des externalités locales sont des biens normaux dotés d'une forte élasticité de la demande par rapport au revenu. Ils devraient donc augmenter, après une phase de déclin, en période de croissance. La plupart des études empiriques se concentre sur les indicateurs relatifs à une réduction de la qualité de l'environnement : concentration de particules en suspension dans l'air, charge en D.B.O. de l'eau, niveau des émissions de dioxyde de carbone et de gaz sulfureux, prédominance de polluants industriels non organiques, etc. (Galeotti et Lanza 1999 ; Grossman et Krueger 1995 ; Ravallion et al. 1997 ; Roberts et Grimes 1997 ; Selden et Song 1994 ; Shafik 1994 ; Stem et al. 1996). Elles cor- roborent dans une certaine mesure la thèse de la courbe de Kuznets pour l'environnement. Hettige et al. (1998), à l'aide de données internationales, ont mesuré la relation entre la pollution de l'eau due aux déchets industriels et le revenu par tête. L'étude révèle que la pollution augmente d'abord avec le développement, culmine lorsque le revenu par tête atteint environ 12 000 dollars, puis se stabilise en ce qui concerne toutes les valeurs observables. Les auteurs en concluent que « le développement écono- mique demeure donc très éloigné de la vision optimiste de Kuznets dans le secteur de l'eau » (p. 26), avant d'avancer que les émissions totales demeureront constantes, malgré l'accroissement des revenus, à moins que d'autres facteurs n'interviennent5. La qualité des ressources natu- relles a moins de chance de suivre une courbe de Kuznets que la pollu- tion, car ces ressources sont généralement davantage des facteurs de production que des biens de consommation. En outre, les externalités associées à la destruction des ressources naturelles sont principalement globales, donc moins sujettes à une internalisation dans la demande locale (Lôpez 1997). Par conséquent, une économie croissante impose des demandes encore plus grandes sur les ressources naturelles et accroît la nécessité d'interventions au niveau de la gestion 6. Les pays ne doivent donc pas attendre que le revenu atteigne le point de retourne- ment de la courbe de Kuznets. Sâo Paulo a jugulé une grave pollution en une génération, alors que des millions d'habitants de cette ville sont res- tés pauvres. Shanghai - qui grandit rapidement et qui est le principal centre industriel chinois - produit moins d'émissions de gaz sulfureux que Sichuan dont le taux de croissance est nettement inférieur (Banque mondiale 2000d). Ces cas, comme d'autres, illustrent des méthodes - LE SOUTIEN dotées de caractéristiques telles qu'une réglementation appropriée ou des instruments centralisés et reposant sur les mécanismes du marché - de conservation de l'environnement, de construction de cadres politi- ques et législatifs, de renforcement des institutions et de recours aux technologies, susceptibles de contribuer à la prévention de la pollution et à la protection des ressources (Panayotou 1997). Certaines preuves suggèrent qu'un fléchissement de la courbe de Kuznets est à la fois possible et nécessaire 7. Que ce soit dans le cadre d'une croissance rapide ou lente, de nombreux indicateurs des ressour- ces naturelles (la déforestation, l'amenuisement des réserves de pêche, la dégradation du sol, la pollution de la zone côtière) se détériorent. Ces mêmes ressources naturelles constituant d'importants facteurs de pro- duction, l'accélération de la croissance tend à accroître les demandes en leur faveur. Nombreuses sont, par conséquent, les externalités globales associées à leur surexploitation : capture du carbone, atteinte à la biodi- versité, etc. Les gouvernements locaux oublient donc fréquemment d'évaluer les répercussions d'une mauvaise utilisation ou d'un épuise- ment de leurs ressources. D'autres composants du capital naturel, comme la qualité de l'air et de l'eau et l'accès à des réseaux d'égout et à des installations d'assainis- sement des eaux usées, sont typiquement des biens de consommation normaux. Leur élasticité par rapport au revenu étant supérieure à un, la croissance du revenu a toutes les chances d'être associée à des amélio- rations de la qualité. Malgré certaines preuves empiriques corroborant l'existence de courbes de Kuznets environnementales pour un ensemble limité d'indicateurs, le coût de l'inaction pourrait s'avérer extrêmement élevé, dans la mesure où de nombreux pays en développement seront incapables d'atteindre le point de retournement (en termes de revenu) avant des décennies. Deux indicateurs, l'accès à une eau propre et l'accès à des installa- tions d'assainissement, semblent s'améliorer dans chaque scénario (croissance lente ou rapide) et témoigner de l'efficacité des interven- tions. Il est cependant nécessaire d'examiner soigneusement leurs avan- tages et leur coût pour déterminer si le rythme de ces améliorations est optimal. L'inégalité des actifs et des revenus et la qualité du capital naturel Une répartition plus équitable des revenus et des actifs est parfois asso- ciée à des améliorations dans des indicateurs majeurs de la qualité de l'environnement, tels que le taux de déforestation et la pollution de l'eau. Par exemple, lorsque de petits fermiers sont contraints de cultiver de mauvaises terres (car les propriétaires se réservent les meilleures parcelles), la distribution inéquitable des terres peut parfois provoquer une déforestation (Ekbom et Bojo 1999). L'adoption de combustibles QUALITÉ DE LA CROISSANCE propres et de techniques énergétiques plus efficaces signifie que la pro- pension marginale à émettre du dioxyde de carbone diminue lorsque le revenu augmente. La redistribution du revenu peut donc accélérer la réduction des émissions (Holtz-Eakin et Selden 1995). Dans une étude portant sur quarante-deux pays, Ravallion et al. (1997) observent une corrélation positive importante entre les émissions de dioxyde de car- bone par tête et le coefficient de Gini visant l'inégalité des revenus. Dans leurs conclusions, les auteurs suggèrent qu'une croissance réduisant l'inégalité des revenus et la pauvreté pourrait amener une baisse des taux d'émission. La croissance peut compléter la protection du capital naturel Un diagramme permet de mieux illustrer le caractère complémentaire de la croissance et de la protection du capital naturel (figure 4.1). Con- sidérons une économie préindustrielle dotée d'un faible taux de crois- sance et d'un environnement non pollué (point A). Le pays tente d'accélérer sa croissance économique en investissant dans l'industrie et en exploitant le potentiel associé à la mondialisation. Dans une situation idéale, il chercherait à équilibrer la croissance accélérée et la qualité de l'environnement : un scénario pouvant être représenté graphiquement comme une ligne verticale menant au point E ou à un point situé à droite de celui-ci. Cependant, même une stratégie environnementale bien gérée, correspondant à un déplacement de A vers F, risque de ne pas éli- miner tout risque de détérioration de la qualité des fonctions de De nombreuses combinaisons croissance-qualité de l'environnement sont envisageables Figure 4.1 Revenu par tête Schémas de croissance et qualité de l'environnement B F v / \ 1 Qualité de l'environnement Source : Auteur. JQ LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL A à B : croissance forte et A à C : croissance moyenne et A à 0 : croissance faible et Ai F: croissance et protection dégradation de l'environnement dégradation de l'environnement dégradation de l'environnement de l'environnement Émissions Émissions Émissions Émissions de dioxyde de dioxyde de dioxyde de dioxyde Deforestation de carbone Deforestation de carbone Deforestation de carbone Deforestation de carbone Indonésie Chine El Salvador El Salvador Algérie Mexique Botswana Malaisie Inde Ghana Pakistan Cameroun Sri Lanka Indonésie Guatemala Panama Haïti Thaïlande Corée Mozambique Mexique Malaisie Népal Nicaragua Thaïlande Pakistan Zambie Panama Remarques : Les taux de deforestation sont décrits par des moyennes annuelles pour la période 1990-1995. Les émissions de dioxyde de carbone portent sur la période 1980-1996. Une croissance forte est définie comme une augmentation du revenu par tête supérieure à 2,3% par an à la fois de 1980à 1989etde 1990a 1999 ; une croissance moyenne est définie comme le maintien d'une augmentation quelconque du revenu par tête pendant ces deux décennies ou comme une augmentation de ce revenu supérieure d'au moins 2 % par an dans les années 1990 que dans les années 1980. Les autres pays sont considérés comme des économies à croissance faible. Source : Banque mondiale (2000c). réceptacle et de source, bien que l'impact négatif sur le capital naturel Tableau 4.4 serait relativement faible et réversible . Alors que certains pays ayant 8 Classification de certains opté pour un développement durable peuvent directement intégrer pays en fonction de leur leurs politiques environnementales dans leur stratégie économique à trajectoire croissance- tout instant, la plupart a choisi l'approche « croissons maintenant, nous environnement nettoierons plus tard ! » (tableau 4.4). Les pays en développement connaissant une croissance rapide, tels que la Chine, l'Indonésie, la Corée et la Thaïlande, ont connu une situa- tion qui peut être représentée par un déplacement de A vers B et qui correspond à une grave détérioration de la qualité de l'environnement. Nombreux sont cependant les pays en développement connaissant une croissance lente, tels que le Ghana et le Népal, qui sont passés de A à C sur la figure 4.1 et qui subissent également de graves dommages écolo- giques. D'autres, enfin, aussi bien en Amérique centrale qu'en Amérique et en Afrique du Sud, ont suivi des politiques qui, tout en échouant dans la relance de la croissance, n'ont pas moins porté atteinte à l'environnement : leur action peut être représentée graphiquement par une flèche reliant A à D 9. Les économies représentées en B, C et D ont subi de lourdes pertes en termes d'endommagement de l'écosystème : maladies, décès, forêts et plans d'eau dégradés, air pollué, etc. Les pays industrialisés ou en développement qui ont préféré ignorer la dégrada- tion de leur capital naturel ont appris à leurs dépens que la stratégie « croissons maintenant, nous nettoierons plus tard ! » créait des coûts qu'il est difficile, voire impossible, de compenser. Par exemple, les États-Unis devront dépenser des dizaines de milliards de dollars pour réparer les dommages infligés à la région des Everglades (Floride) par le creusement de canaux d'irrigation destinés aux planteurs de canne à sucre. m QUALITÉ DE LA CROISSANCE L'intégration de la durabilité de l'environnement dans les stratégies de croissance De nombreux pays sont parvenus à prendre en compte les préoccupa- tions pour l'environnement dans l'élaboration de leurs politiques de croissance. Les quatre cas suivants démontrent qu'il est possible de con- cilier gestion de la pollution et préservation des ressources naturelles, ainsi que de privilégier des types d'interventions visant des objectifs environnementaux spécifiques. Pour d'autres exemples d'instruments adaptés avec succès à une situation particulière, voir Thomas et al. (1998) et Banque mondiale (1997e, 2000d). Costa Rica : la conservation des forêts et la réduction des effets du changement climatique La grande biodiversité du Costa Rica attire de riches écotouristes du monde entier. Pourtant, dans les années 1980, ses taux de déforestation dépassèrent les 3 % par an. Pour protéger cette précieuse ressource naturelle, le gouvernement du Costa Rica mit au point l'un des systèmes de protection des forêts les plus novateurs et les plus pratiques au monde. Il étudia les avantages marchands et non marchands des servi- ces environnementaux associés aux forêts, puis identifia les catégories de la population qui supportent les coûts de ces services et celles qui en bénéficient (tableau 4.5). Il estima la valeur annuelle par hectare de forêt de 29 à 87 dollars pour une forêt vierge et de 21 à 63 dollars pour une forêt secondaire. L'étude révéla que les propriétaires terriens ou le gouvernement (dans le cas des parcs nationaux) supportaient le coût de la préservation de l'habitat, alors que des intérêts étrangers profitaient largement de cette préservation. Le Costa Rica décida par conséquent de créer des marchés pour certains avantages liés à l'environnement (Castro et al. 1997). Tableau 4.5 Sur les divers avantages environnementaux associés aux forêts, le Principaux bénéficiaires des Costa Rica a surtout su exploiter la fixation du carbone atmosphérique services environnementaux et la protection des bassins hydrographiques. Il agit comme intermé- dans les forêts diaire dans la vente de ces services à des acquéreurs domestiques et costariciennes internationaux. Le produit de ces ventes (et d'une écotaxe de 5 % sur la Bénéficiaires Type d'avantage Propriétaire Costa Rica Intérêts étrangers Production durable de bois Potentiel hydroélectrique Puritication de l'approvisionnement en eau Stabilisation du sol et régulation des écoulements Beauté des paysages, retombées de l'écotourisme et valeur d'existence (valeur de non-utilisation) Capture du carbone atmosphérique Préservation de la biodiversité Source : Castro et al. (1997). m LE SOUTIE vente des carburants) est versé aux propriétaires pour les aider à pré- server le manteau forestier de leurs terres. Des contrats couvrant la pro- tection de plus de 50 000 hectares de forêt ont été passés en 1997. Auparavant, le total cumulé de toutes les zones protégées était de 79 000 hectares seulement. Le Costa Rica attire aussi des investissements internationaux pour dédommager les propriétaires qui oeuvrent en faveur de la fixation du carbone atmosphérique en maintenant leurs forêts en l'état. Des com- pensations négociables et certifiables d'émission de gaz à effet de serre peuvent ainsi être vendues sur le marché international. Le premier lot fut vendu en juillet 1996. Entre 1996 et 1998, ces ventes furent conclues dans le cadre de négociations bilatérales mais, récemment, le Costa Rica a commencé à travailler avec des courtiers de Chicago et New York pour faire des compensations aliénables une matière première librement négociable, selon le système déjà mis en place aux États-Unis pour le commerce des émissions de gaz sulfureux (Chomitz et al. 1998). Le Costa Rica démontre donc qu'il est possible de créer des marchés verts et d'instaurer des écotaxes pour réduire l'endommagement de l'environnement. Les chances de reproduire ce modèle ailleurs sont bonnes, mais elles dépendent dans une large mesure d'un accord inter- national sur les compensations en matière de capture du carbone et sur l'acceptation par toutes les parties du Mécanisme pour un développe- ment propre de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Change- ments Climatiques (CCNUCC). Chine : le contrôle de la pollution de l'eau au moyen d'une redevance La redevance sur la pollution couvre les effluents polluants et concerne des milliers d'usines en Chine. Elle constitue l'un des rares instruments économiques utilisés dans un pays en développement et dont la longue histoire soit largement documentée. Bien que la redevance s'applique depuis plusieurs décennies, les premières études sérieuses consacrées à son efficacité ne sont apparues que récemment (Wang et Wheeler 1996). Le système, élargi en 1982, est en vigueur dans la plupart des provin- ces et des villes chinoises et couvre 300 000 entreprises qui sont imposées pour leurs émissions. Les règlements institués par l'Agence nationale de protection de l'environnement décrivent diverses normes relatives à la qualité des effluents en fonction du secteur et fixent un barème tenant compte de la nature du polluant. Toute entreprise dont le rejet de matières polluantes dépasse une limite légale est assujettie à la redevance, mais celle-ci n'est due que pour l'émission la plus pol- luante de chaque source. La redevance diffère d'un impôt qui serait pré- ANCE levé pour chaque unité du polluant et non juste pour celles dépassant une certaine norme. Entre 1987 et 1993, la pollution totale de l'eau chuta pour les indus- tries contrôlées par l'État qui sont tenues de signaler leurs rejets à l'Agence nationale de protection de l'environnement (Wang et Wheeler 1996). Pour un pays enregistrant une augmentation de la production de 10 % par an, la Chine a obtenu des résultats impressionnants dans le domaine de la baisse de la pollution par unité de production. Alors que le total des rejets des provinces a chuté à un taux médian de 22 %, l'intensité de la pollution a diminué à un taux médian de 50 %. L'analyse économétrique révèle qu'une large part du mérite de cette baisse revient à la redevance. La variation significative du taux de la redevance d'une province à l'autre s'explique par l'évaluation de l'impact de la pollution par les pou- voirs locaux et par la capacité de ces derniers à imposer des normes nationales. La prise en compte de ces différences régionales a contribué à accroître la faisabilité et l'efficacité du système de redevance sur la pollution. Depuis 1991, les autorités ont collecté plus de 240 millions de dollars par an au titre de la redevance . Près de 60 % des fonds ainsi perçus 10 sont affectés à la prévention et au contrôle de la pollution industrielle et représentent quelque 15 % de l'investissement total dans ces activités, ce qui encourage encore davantage les entreprises à réduire leurs émis- sions. Le reste va aux agences locales et est affecté à la création d'insti- tutions et aux coûts administratifs (Wang et Chen 1999). En outre, pour aider à réguler la pollution, une partie du produit de la redevance sert à développer les capacités de supervision et de réglementation des orga- nismes d'exécution locaux et à renforcer l'efficacité du système. Indonésie : combattre la pollution en informant Si le gouvernement peut assez facilement fixer des normes en matière de plafonds de pollution, le contrôle du respect de ces normes peut se révéler plus difficile. L'Agence de gestion de l'impact sur l'environne- ment de l'Indonésie se heurta à des problèmes dans ce domaine à la fin des années 1980 et dut recourir à des accords volontaires, des règlements à l'amiable et autres procédés ad hoc ayant un effet limité sur le contrôle de la pollution. En quête d'une approche plus durable, l'Agence élabora un Pro- gramme pour le contrôle, l'évaluation et le classement de la pollution (PROPER selon l'acronyme anglais) qui reçoit des données sur la pollu- tion en provenance des usines, les analyse, évalue les performances des entreprises concernées en matière de protection de l'environnement et diffuse leur classement au public (Wheeler et Afsah 1996 ; Banque mon- diale 2000d). L'Agence espérait que cette publicité encouragerait les LE SOUTIEN communautés locales à exercer des pressions sur les usines voisines ayant obtenu un mauvais classement afin qu'elles assainissent leurs méthodes de production. Elle espérait aussi influer sur les pollueurs, par l'intermédiaire des marchés financiers, dans la mesure où l'on pouvait s'attendre à ce que les investisseurs potentiels tiennent compte du clas- sement. Pour encourager les entreprises à améliorer leurs performan- ces, le programme prévoyait également un système de récompenses attribuées aux industriels appliquant les meilleures méthodes de con- trôle de la pollution. L'Agence décida de consacrer d'abord ses efforts à la pollution de l'eau. Elle collecta des données dans ce domaine auprès des usines, grâce à des questionnaires et à de rigoureuses inspections sur site. Le gouvernement compila des informations sur 187 entreprises très pol- luantes et les classa par niveau d'émission. Toutes les données furent ensuite combinées en un seul classement des performances établissant cinq catégories : or, verte et bleue pour les entreprises respectant les normes, rouge et noire pour les entreprises en infraction. L'Agence divulgua les résultats en plusieurs phases : elle diffusa d'abord la liste des entreprises les mieux classées en laissant aux autres six mois pour assainir leurs procédés avant de révéler leur mauvais clas- sement. Cette approche échelonnée donnait aux entreprises le temps de se conformer aux exigences du programme et augmentait la probabilité de leur mise en conformité. Entre juin et septembre 1995, la moitié des entreprises classées auparavant comme non conformes observait désor- mais les nouvelles normes. Ce qui semble indiquer que le PROPER est parvenu à promouvoir efficacement le contrôle de la pollution. Dans de nombreux cas, les entreprises ont compris qu'une meilleure gestion de l'environnement pouvait réduire les coûts de production, ce qui les incite à assainir leurs procédés de fabrication. Encouragé par ces premiers résultats, l'Agence a décidé de classer 2 000 entreprises d'ici l'an 2000. Le programme PROPER indonésien dépasse l'approche « comman- der et contrôler » traditionnellement appliquée (avec des succès miti- gés) en matière de lutte contre les pollueurs. Le système de classement est unique en ceci qu'il permet plusieurs issues. Le choix final revient à l'entreprise et dépend des ressources qu'elle peut affecter au contrôle de la pollution, des avantages qu'elle escompte de l'assainissement de ses méthodes de production et de sa stratégie globale. PROPER exploite la publicité et les pressions du public pour inciter les entreprises pol- lueuses à respecter les réglementations environnementales. En impli- quant les personnes affectées par la pollution, PROPER assure un équilibre négocié entre les entreprises et leurs actionnaires. Le rôle du gouvernement est d'établir les règles du jeu, de surveiller le niveau des rejets, de prendre des sanctions si nécessaire et d'agir comme arbitre ultime. ANCE La campagne du drapeau bleu européen : sensibilisation à l'environnement côtier Cette campagne, mise en oeuvre par un réseau d'organisations nationa- les, est coordonnée par la FEEE (Foundation for Environmental Education in Europe) (Thomas et al. 1998). Elle encourage la compréhension et l'appréciation de l'environnement côtier par les citoyens ainsi que la prise en compte des préoccupations relatives à l'environnement dans les décisions des autorités concernées. La Com- mission européenne finance environ 25 % du budget de la campagne, qui s'élève aujourd'hui à plus d'un million de dollars, le reste étant payé par des mécènes privés. Une plage ou une marina se voit décerner un drapeau bleu lorsqu'elle répond à trois séries de critères visant respectivement la qualité de l'environnement du site considéré, sa gestion/sécurité et les efforts con- sentis par la commune en matière d'éducation/information. Les bénéficiaires doivent en outre observer des conditions obligatoires et des directives facultatives. Sur la base de cartes, de photographies, d'échantillons d'eau et d'un questionnaire, un jury national choisit les dossiers qui seront examinés par un jury européen chargé de sélectionner des récipiendaires à l'una- nimité. Les résultats sont annoncés au début du mois de juin, avant le début de la principale saison touristique. La campagne a intéressé plusieurs mécènes commerciaux, en plus des élèves qui nettoient régulièrement les plages pour assurer le respect continu des normes élevées imposées par les jurés. Au fil du temps, les normes de qualité de l'environnement requises pour obtenir un drapeau bleu ont été pro- gressivement renforcées, afin de créer une dynamique d'amélioration continue. Plus de mille localités côtières - pour la plupart situées au Danemark, en Grèce et en Espagne - se sont vu décerner un drapeau bleu. Les gouvernements voient dans ce programme un moyen efficace de sensibilisation à la qualité de l'environnement et d'accroissement des revenus touristiques. Quant aux mécènes privés, ils espèrent ainsi atti- rer davantage d'estivants. L'initiative favorise également le partenariat entre le gouvernement, le secteur privé et le grand public, ainsi que la concurrence entre les diverses autorités compétentes pour élever les normes. Repenser le rôle de l'État Imputer la dégradation de l'environnement à des politiques biaisées, aux effets néfastes des subventions, à la pénurie de marchés, à des externa- lités et à une certaine ignorance du public revient à confier à l'État le LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL rôle d'un catalyseur en matière de protection et de gestion de l'environ- nement. Cependant, les résultats mitigés des interventions gouverne- mentales incitent à une réflexion sur les priorités politiques. Pour accroître l'impact de leur action, les gouvernements devraient interve- nir de manière sélective (voir l'encadré 4.4). Rationaliser l'octroi des subventions et créer des écotaxes En principe, les subventions soutiennent le revenu des pauvres. En pra- tique, elles accroissent souvent les inégalités, ponctionnent le budget de l'État, accélèrent l'épuisement des ressources naturelles et dégradent l'environnement. Le coût global des subventions dans l'agriculture, l'énergie, le transport routier et la distribution de l'eau est estimé à 800 milliards de dollars par an, dont environ deux tiers sont distribués par des pays membres de l'OCDE (de Moor et Calamai 1997). Récem- ment, les subventions ont baissé à un rythme très rapide, surtout dans ENCADRÉ 4.4 Développement et environnement Le Rapport sur le développement dans le monde d'approvisionnement en eau potable, promotion de 1992 (Banque mondiale 1992, p. 2) examinait la l'éducation (surtout celle des jeunes filles) et de la manière de trouver unjuste équilibre entre le déve- participation des citoyens aux affaires locales. Le loppement et la protection de l'environnement : second tente de rompre certaines corrélations « La protection de l'environnement est une part négatives entre l'environnement et le développe- essentielle du développement. Sans protection ment en recourant à des moyens tels que l'établis- adéquate de l'environnement, le développement sement de normes, l'utilisation d'instruments est miné ; sans développement, les ressources ne reposant sur les mécanismes du marché (écotaxes, seront pas adaptées aux investissements requis et par exemple) et l'adoption d'approches coopérati- la protection de l'environnement sera vouée à ves en matière de gestion de la pollution. l'échec... la croissance apporte avec elle le risque Le rapport soulignait que si les coûts inhérents à d'un endommagement majeur de l'environnement. une protection adéquate de l'environnement Mais elle peut aussi impliquer une meilleure pro- étaient importants, le coût de l'inaction dans ce tection de l'environnement, un air et une eau plus domaine serait quant à lui faramineux. Il valait purs et l'élimination virtuelle de la misère. Ce sont donc mieux agir le plus vite possible. les choix politiques qui font la différence. » [tra- Huit années plus tard, les recommandations du duction non officielle]. rapport demeurent valables. L'expérience acquise Le rapport exposait deux types de politiques de dans la gestion des ressources naturelles et la pro- développement durable. Le premier repose sur des tection de l'environnement démontrent que la corrélations bénéfiques à tout le monde : suppres- combinaisonjudicieuse de politiques visant à géné- sion des subventions dommageables à l'environne- rer un développement durable sur le plan écologi- ment, clarification des. droits de propriété, accé- que est encore plus maintenant à la portée des lération de la construction d'installations de l'assai- gouvernements accordant à ce problème la priorité nissement de l'eau, renforcement du système requise. ANCE les pays en développement. En Chine, les subventions au charbon sont ainsi passées de 750 millions de dollars en 1993 à 250 millions de dollars en 1995 (PNUD 1998). Les taux de subvention sont tombés de 61 % en 1984 à 11 % en 1995 (Banque mondiale 1997e). La suppression des subventions aux effets pervers compte trois avantages : la réduction de la dégradation de l'environnement, la promo- tion de l'égalité et la conservation des ressources budgétaires. Toutes les subventions ne produisent pas des résultats négatifs, si bien que certaines doivent être encouragées. Ainsi, le manque d'accès à une eau potable et à des services d'assainissement de l'eau provoque de nombreux décès, notamment parmi les femmes et les enfants des ména- ges pauvres. Des études révèlent que ces ménages seraient prêts à payer pour bénéficier de services fiables et adéquats dans ce domaine. Des subventions (émanant éventuellement du secteur privé) visant à répondre à ces besoins correspondraient sans doute à une intervention rentable, étant donné leur impact positif sur la santé et sur la réduction de la pauvreté grâce à une promotion de l'accumulation du capital humain. Du côté des revenus, les écotaxes prélevées sur les activités entraî- nant une dégradation de l'environnement constituent un moyen efficace de lutter contre la pollution et l'épuisement des ressources. Ces taxes peuvent se révéler très utiles dans la gestion des émissions contribuant à la pollution de l'eau et de l'air. Taxer l'utilisation du charbon dans l'industrie ou du gasoil dans les véhicules à moteur réduira la sur- exploitation des ressources et augmentera les recettes fiscales ; cette approche qui permet de concilier la préservation de la qualité de l'envi- ronnement et la croissance comporte donc des avantages pour tout le monde (Banque mondiale 1997d). Les taxes sur la pollution, pour être totalement efficaces, supposent l'existence d'un cadre réglementaire précis fixant les normes d'émission et un système fiable de suivi de l'exé- cution. Elles encouragent alors le recours à des sources d'énergie plus propres, telles que le rayonnement solaire. Le passage de l'impôt sur le revenu à l'impôt sur la consommation peut aussi bénéficier à l'environnement et à la croissance. La production et la conception de produits de luxe sollicitent souvent beaucoup l'envi- ronnement et les ressources naturelles. Les taxes à la consommation permettent alors de refréner la surexploitation du capital naturel tout en promouvant l'équité et en encourageant l'épargne (et donc la crois- sance) (Frank 1998). En outre, les écotaxes peuvent générer les fonds nécessaires à la promotion de la gestion de l'environnement. Le secteur public a besoin d'argent pour assumer son rôle de facilitateur, mais son budget est rare- ment à la hauteur de ses ambitions. Toute stratégie de gestion de l'envi- LE SOUTIEN ronnement doit donc commencer par l'identification des sources adéquates de financement. Nombreux sont par conséquent les pays en développement qui ont de plus en plus recours aux écotaxes pour géné- rer des fonds destinés à l'amélioration de l'environnement (Banque mondiale 1999f). Du contrôle centralisé au partenariat Dans le passé, les gouvernements s'appuyaient trop en matière de ges- tion de l'environnement, sur un contrôle centralisé, ce qui les obligeait à multiplier les vérifications de conformité. La combinaison d'une appro- che « commander et contrôler » et de ressources inadéquates pour le suivi et l'application conduisait inéluctablement à l'échec des program- mes. Les gouvernants ont appris que les membres de la communauté affectés par la pollution peuvent compléter efficacement les mesures réglementaires. La participation des pouvoirs locaux et de la société civile comporte d'autres avantages. Dans les zones rurales, plus parti- culièrement, ces deux éléments sont à la fois des sources privilégiées d'information sur l'environnement et les gardiens d'un savoir-faire tradi- tionnel en matière de gestion du capital naturel. Ils sont donc à même d'identifier et d'appliquer des stratégies conciliant la croissance et la protection de l'environnement. Lorsque la sous-évaluation d'une ressource peut conduire à sa dégra- dation, une évaluation correcte de ses avantages économiques et sociaux permet de mieux tenir compte de sa contribution dans le cadre du pro- cessus de prise de décision (Dixon et Sherman 1990 ; Pearce et Warford 1993; Ruitenbeek 1989). Les mesures du «produit national brut écologique » et de l'épargne réelle s'imposent de plus en plus comme un moyen d'intégrer la durabilité dans la planification économique tradition- nelle (Hamilton et Lutz 1996 ; Banque mondiale 1997d). L'écart séparant la valeur économique totale estimée et la valeur privée réelle est difficile à combler, mais certains éléments tendent à prouver que l'État peut sur- monter ce problème en créant des marchés ou en mettant sur pied des institutions et des régimes juridiques engendrant des conditions de quasi-marché et en générant les flux de capitaux adéquats (voir, à titre d'exemple, le cas du Costa Rica dans les pages précédentes). Sur la base de données en provenance de soixante-dix-sept pays en développement, des chercheurs ont pu mettre en évidence une corréla- tion positive entre les dépenses consacrées à l'éducation et l'accroisse- ment du manteau forestier (la matrice de corrélation étant disponible sur demande). Cela suggère que le renforcement des efforts en faveur d'un environnement durable peut résulter de la coopération de l'État et du secteur privé afin d'élever le degré d'instruction de la population. Conscients des limites de leur intervention et de la nécessité de trou- ver des partenaires actifs dans la gestion de l'environnement, les gou- ANCE vernements cherchent de nouveaux moyens de promouvoir cet objectif. La diffusion d'informations sur toutes les conséquences de la négligence en matière d'environnement à l'ensemble des parties intéressées et la définition d'un cadre précis établissant les obligations et les responsabi- lités de chacun peuvent avoir un puissant impact (Thomas et al. 1998). Les alliances entre les organismes de contrôle étatiques et les entrepri- ses industrielles facilitent le contrôle de la pollution dans beaucoup de pays (Hanrahan et al. 1998 ; Schmidheiny et Zorraquin 1996). Au Zim- babwe, le programme CAMPFIRE encourage les alliances entre les gou- vernements provinciaux, le secteur privé et les habitants locaux en vue de gérer la faune sauvage (pour générer des bénéfices tout en proté- geant la biodiversité) dans le cadre d'un régime juridique élaboré par le gouvernement central (Thomas et al. 1998). En Afrique, en Asie de l'Est et en Amérique latine où l'on a long- temps cru que la culture sur brûlis pratiquée par les pauvres était res- ponsable d'une déforestation massive, on commence à réaliser que les changements macroéconomiques, les activités commerciales des entre- prises et le développement des infrastructures tenaient souvent une part bien plus importante dans ce phénomène (Chomitz et Gray 1996 ; Deininger et Minten 1996 ; Mamingi et al. 1996). En raison de la surex- ploitation des forêts par de grandes compagnies abattant des quantités excessives de bois d'oeuvre, les communautés indigènes pauvres per- dent leurs sources de bois de chauffage, de fourrage et de plantes médicinales, voire leurs moyens d'existence. Ces communautés qui dépendent de la forêt pour leur survie devraient faire l'objet d'une action des pouvoirs publics garantissant l'usage raisonnable et durable des ressources sylvestres. La meilleure chance de parvenir à un accord négocié réside dans un partenariat à trois entre l'État, les communautés locales et les compagnies forestières. Le défi qui se pose aux pays en développement est de multiplier le nombre de ces initiatives aussi rapi- dement que possible. Clarifier les droits de propriété, l'appartenance des ressources et les responsabilités en matière d'environnement La relation empirique entre des droits de propriété clairement définis et la qualité de l'environnement est patente (Dasgupta et al. 1995). Les agriculteurs qui possèdent un titre incontesté sur leurs terres sont davantage susceptibles d'investir dans la conservation du sol, des tech- niques d'agriculture durable et autres pratiques protégeant l'environne- ment (Feder 1987). Après avoir reçu des droits de propriété, des communautés locales n'ont pas hésité à reboiser des terres dégradées en Inde et au Népal (Lynch et Talbott 1995). La définition des droits d'utilisation de l'eau, des pêcheries et des arbres encourage la gestion des ressources (Banque mondiale 1997e). LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL En l'absence de droits de propriété opposables aux tiers sur les res- sources naturelles, des intérêts extérieurs ne tardent pas à profiter de l'accès libre et, sans devoir rendre de compte à personne, épuisent le capital naturel en se livrant à la surpêche, au surpâturage, à la surutili- sation des terres à bois des villages et au pompage excessif des nappes phréatiques. Bien que les résultats des expériences menées dans ce domaine varient, l'octroi à des communautés de droits de propriété sur ces ressources semble favoriser la lutte contre la surexploitation. La communauté concernée développe alors des mécanismes - de restric- tion de l'accès des tiers, de répartition des responsabilités en matière de gestion, d'octroi de droits de jouissance à ses membres - dont elle supervise le respect. Les exemples de systèmes de gestion communale incluent des forêts au Japon, des pêcheries en Turquie, de l'eau d'irriga- tion dans le sud de l'Inde et des pâturages dans les Alpes suisses, l'Hima- laya et les Andes (Banque mondiale 1992) . La sécurité de leur droit n de propriété sur le terrain qu'ils occupent permet aussi aux citadins d'améliorer la qualité de l'environnement, dans la mesure où elle facilite le partage et l'acceptation des responsabilités en matière de pollution de l'air et de l'eau et d'élimination des déchets solides, dangereux et chimi- ques/toxiques (Banque mondiale 1997e). Une étude visant la relation entre les droits de propriété et l'environnement urbain établit que les habitants, une fois passés du statut précaire de « squatter » à celui plus sûr d'habitant plus ou moins permanent, se révèlent davantage disposés (l'augmentation étant de 32 %) à s'abonner à des services de voirie. Ce changement d'attitude est encore plus net (44 %) lorsque les intéressés accèdent au statut d'habitant permanent : à savoir qu'ils jouissent du droit d'occuper leur terrain et qu'ils reçoivent un certificat valant titre légal (Hoy et Jimenez 1997). Il en ressort que la définition de droits de propriété et d'appartenance clairs et incontestables et le partage précis des responsabilités en matière d'environnement constituent peut-être la principale contribution de l'État à la durabilité environnementale. Améliorer la gouvernance et réduire la corruption Les rentes de situation et la corruption nuisent à l'efficacité économique et empêchent certains développements favorables, même lorsque des politiques appropriées de gestion de l'environnement ont été définies sur le papier (Bhagwati 1982 ; Krueger 1974 ; Rose-Ackerman 1997a). Les fonctionnaires véreux sapent les efforts de supervision et d'applica- tion des mesures en faveur de l'environnement, qu'ils concernent les rejets d'effluents industriels, les émissions des véhicules à moteur ou les quotas d'abattage des compagnies forestières (encadré 4.5). Il n'est donc pas surprenant que certaines corrélations positives aient été éta- blies entre le contrôle de la corruption et, par exemple, une réduction de la pollution de l'eau (annexe 1, figure Al.l). La collecte d'informa- tions et leur large diffusion permettent parfois de lutter contre la poilu- QUALITÉ DE LA CROISSANCE ENCADRÉ 4.5 Génération de profits privés sur le compte de la communauté : la corruption dans le secteur forestier La corruption est rampante dans l'abattage et le tions ayant coûté à l'économie du pays quelque commerce du bois d'oeuvre à tous les niveaux de 50 millions de dollars. décision concernés. Le principal effet dommagea- ble de cette pratique sur les ressources forestières · Dans les années 1980, les Philippines perdirent tient au détournement de ressources publiques environ 1,8 milliard de dollars par an en coupes pour le profit personnel d'une certaine élite politi- illégales. que. Outre la dégradation et la mauvaise utilisation des forêts, la corruption entraîne également pour le · En 1994, le ministère indonésien des Forêts gouvernement et les communautés locales la dis- admit que le pays perdait environ 3,5 milliards de parition de ressources qui auraient pu servir au dollars par an, soit environ le tiers de ses revenus développement ou à l'amélioration de la gestion potentiels, en coupes illégales. des forêts. Les actes de corruption comprennent la · En 1994, le gouvernement russe ne collecta que vente cachée ou clandestine de permis de coupe, la 3 à 20 % des revenus potentiels au titre des con- fixation dans les concessions de prix du bois infé- cessions de coupe, soit 184 millions de dollars au rieurs à ceux du marché, la certification inexacte lieu de la somme prévue (comprise entre d'espèces ou de volumes abattus dans des forêts 900 millions et 5,5 milliards de dollars). publiques et la permission de réaliser des coupes illégales. Les exemples abondent dans le monde · La Commission mondiale des forêts et du déve- entier. loppement durable (CMFDD) a mis l'accent sur la nécessité de prévoir des mécanismes de parti- · La fixation, dans les concessions, de prix du bois cipation du public et de résolution des conflits en inférieurs à ceux du marché était devenue une vue d'exposer les cas de corruption et de sanc- pratique si courante en Papouasie -- Nouvelle- tionner les entreprises et les individus en infrac- Guinée que, jusqu'en 1986, pas une seule compa- tion. Se fondant sur cette recommandation, la gnie ne déclara de bénéfices malgré le boom du Banque mondiale a lancé un programme d'appli- commerce du bois d'oeuvre. cation de la loi au secteur forestier visant essen- · Au Ghana, onze compagnies étrangères furent tiellement à lutter contre la corruption en Asie impliquées dans une fraude et autres malversa- du Sud-Est. Commission mondiale des forêts et du développement durable (1999). tion et de promouvoir la bonne gouvernance, avec tous les avantages qui en découlent pour la croissance économique et la gestion de l'environ- nement. L'approche reposant sur l'établissement de diagnostics sur la gouvernance laisse entrevoir des perspectives de réduction de la cor- ruption et de promotion de l'intégrité dans plusieurs pays (chapitre 6 du présent rapport ; Kaufmann et al. 1998). Ainsi, les pays en développement devraient accorder une forte prio- rité à l'éradication de la corruption et à l'amélioration de la gouvernance. I LE SOUTIEN La nécessité de traiter également les problèmes globaux relatifs à l'environnement Nombreux sont les problèmes liés à la gestion de l'environnement qui se posent à l'échelle mondiale, même si leur cause est locale12. L'effet de serre et le changement climatique mondial sont clairement associés aux activités de l'Homme (voir l'encadré 4.6). La combustion de carburants fossiles est la principale source de l'effet de serre. La déforestation con- tribue à aggraver le problème, dans la mesure où elle réduit la fonction de réceptacle de la forêt qui transforme le dioxyde de carbone gazeux en biomasse. Les activités agricoles, l'exploitation des mines de charbon et les fuites des pipelines de gaz naturel aggravent encore l'effet en libé- rant du méthane dans l'atmosphère. Le problème ayant sa source dans de nombreuses activités économi- ques considérées comme essentielles à la croissance, son contrôle est malaisé. La plupart des nations en développement dépend de la com- bustion de carburants fossiles pour sa production économique et ne tient pas spécialement à passer à des carburants plus propres, mais aussi plus chers. Pourtant, le passage à des carburants plus propres pourrait se solder par des résultats positifs en matière de santé : un avantage pour l'éco- nomie nationale. Par conséquent, les deux buts sont naturellement con- tradictoires et nombre de pays n'ont pas hésité à opter pour une augmentation de la croissance au détriment d'une meilleure santé (Munasinghe 2000). L'aide financière et technique de la communauté internationale, en échange des avantages pour la planète du passage à des carburants plus propres, pourrait permettre la poursuite simultanée des intérêts nationaux et globaux. La coopération entre les pays riches et les pays pauvres peut éga- lement faciliter le contrôle de la déforestation. En dépit des externalités qu'elle génère, les pays en développement perçoivent la déforestation comme une conséquence inévitable de leur développement économi- que. Comme pour les carburants propres, la communauté internationale est donc tenue de parer à la menace du changement climatique global en transférant des ressources, y compris technologiques, au contrôle de la déforestation (Kishor et Constantino 1994 ; Lopez 1997). Dans le cadre de l'initiative de mise en application conjointe de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, plusieurs modè- les bilatéraux de conservation des forêts sont actuellement à l'essai dans différentes parties du monde. Les projets pilotes ayant donné de bons résultats seront reproduits à une plus grande échelle. Le Fonds pour l'environnement mondial est la principale institution s'occupant des problèmes environnementaux au niveau mondial. En ANCE tant qu'organisme financier provisoire de la Convention sur la diversité biologique ayant rapport aux changements climatiques, il essaie de résoudre les problèmes d'environnement mondiaux en favorisant une collaboration (fructueuse pour les deux parties) entre les pays indus- trialisés et les pays en développement. C'est ainsi, par exemple, que les pays industrialisés peuvent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à bon prix et que les pays en développement peuvent profiter de transferts financiers et technologiques destinés à protéger leurs res- sources et à promouvoir leur développement économique. Empêcher le changement climatique mondial et gérer ses consé- quences sera l'un des principaux défis du 21e siècle. Les conventions, traités et accords internationaux ont joué un rôle majeur dans l'identifi- cation des problèmes communs, l'élaboration de solutions et la répartition des responsabilités. Dans chaque pays, la prise de cons- cience du problème et la volonté de le résoudre vont en grandissant, si bien qu'il est maintenant indispensable d'encourager la mise en applica- tion des mesures prmettant d'atteindre les objectifs nationaux et inter- nationaux. Les exemples de synergie entre ces deux catégories d'objectifs doivent être reproduits à grande échelle (Castro et al. 1997 ; Watson et al. 1998). Conclusions Pour le monde en développement, l'épuisement du capital naturel (forêt, énergie et minéraux) et les dommages associés aux émissions de dioxyde de carbone sont estimés à 5,8 % du PIB. Les risques sanitaires de l'environnement représentent 20 % du fardeau total de la maladie. En outre, le coût énorme des problèmes liés à l'environnement mondial doit être pris en compte dans les politiques domestiques de développe- ment. Les pauvres - et plus spécialement les femmes et les jeunes enfants - sont souvent les principales victimes de la dégradation de l'environnement. Le capital naturel est de ce fait indispensable à une croissance durable ; sa conservation et son augmentation sont essentiel- les aux stratégies nationales et internationales de développement. Les éléments présentés dans ce chapitre permettent de formuler trois conclusions principales : · Plusieurs indicateurs de la qualité du capital naturel, à l'exception notable de l'accès à une eau propre et à des installations d'assainis- sement dans certains pays, tendent à empirer (que ce soit dans le cadre d'une économie à croissance lente ou rapide), ce qui génère des coûts énormes et diminue les chances d'une future croissance. Cependant, une croissance rapide dégage plus de ressources pou- vant être investies dans l'amélioration du capital naturel. Il en res- sort que l'approche « croissons maintenant, nous nettoierons plus LE SOUTIEN tard ! » adoptée par nombre de pays industrialisés et en dévelop- pement doit céder la place à une stratégie favorisant la durabilité du capital naturel. · L'État joue un rôle crucial dans la gestion de l'environnement, mais il doit se montrer sélectif et efficace dans ses interventions. Il doit en particulier privilégier les approches favorisant la collaboration avec les communautés locales et le secteur privé. · Les problèmes écologiques mondiaux sont énormes, mais ils peu- vent aussi permettre de résoudre des problèmes nationaux à con- dition qu'une coopération internationale puisse être instaurée. Le développement de mécanismes de transfert permettant d'acquit- ter le coût des externalités mondiales au moyen des ressources est essentiel. Les pays doivent se concentrer sur des stratégies visant une crois- sance de qualité qui soit durable et compatible avec la stabilité finan- cière intérieure et extérieure : une croissance qui aide les personnes pauvres et vulnérables et qui ne dégrade pas excessivement l'atmos- phère, les fleuves, les forêts, les océans ou tout autre composant de l'héritage commun de l'humanité. Les estimations coût-avantage prou- vent le bien-fondé de la stratégie d'une croissance propre et les exem- ples cités dans ce chapitre démontrent que cette stratégie est réalisable. Notes 1. Certaines études de la Banque mondiale attribuent 100% de toutes les maladies d'origine hydrique au manque de canalisations d'eau et d'installa- tions d'assainissement. Cependant, les études épidémiologiques font rare- ment état d'un recul supérieur à 40 % de la maladie à l'issue d'interventions touchant au domaine de l'accès à l'eau (Esrey et al. 1990). Il est donc pos- sible que les avantages sanitaires associés à un approvisionnement en eau propre soient exagérés dans le tableau 4.2. 2. Travail réalisé dans le cadre de l'étude de l'OMS intitulée Global Burden of Disease Initiative et utilisant une mesure standardisée, le DALY (acro- nyme de l'anglais « Disability Adjusted Life Years » pouvant être traduit par « années de vie ajustées en fonction de la morbidité »), des conséquences sanitaires de diverses maladies et causes de décès. Ce procédé permet une quantification standard de certaines pertes décrites ici (Murray et Lôpez 1996). 3. La plupart des estimations utilise des taux d'actualisation compris entre 6 et 10 % pour calculer la valeur présente des avantages. Avec des taux supé- rieurs, compris par exemple entre 20 et 25 %, tels que ceux pratiqués dans certains pays en développement, cette valeur actuelle des avantages dimi- nue sensiblement. De même, le coût d'option du capital disponible pour financer les améliorations de l'environnement est fixé à un niveau large- ment inférieur à celui rencontré dans la réalité. L'application de valeurs « vraies » provoquerait une réduction de l'écart séparant les avantages des coûts et donc une révision à la baisse des estimations de l'investissement requis pour une gestion optimale de l'environnement (voire une révision à la baisse des avantages au point que, ceux-ci devant être supérieurs aux coûts, l'investissement ne puisse plus être considéré comme rentable). Cette constatation plaide en faveur d'une analyse de sensibilité des varia- tions des taux d'actualisation, afin d'identifier judicieusement les domaines prioritaires d'intervention (Kishor et Constantino 1994). Protéger l'environnement tout en accélérant la croissance peut aussi avoir un impact bénéfique sur l'accumulation du capital physique. Lorsque les autorités annoncent des normes environnementales plus sévères avant qu'elles ne deviennent obligatoires, il est possible d'étaler les investisse- ments nécessaires à la mise en conformité, ce qui réduit l'obsolescence du capital ou le besoin de le réadapter à grands frais (comme ce fut le cas avec les normes en matière d'émission et les pots d'échappement catalytiques des véhicules automobiles). Même lorsqu'une courbe de Kuznets semble s'appliquer, cela n'implique pas que la gestion de l'environnement devienne superflue. Prenons le cas des émissions de dioxyde de sulfure, pour lesquelles Grossman et Krueger (1995) ont estimé que le point de retournement se situait à un niveau de revenu par tête de 4 053 dollars. Même avec un taux de croissance élevé de l'ordre de 5 % par an, il faudrait par exemple à l'Inde plusieurs décennies pour parvenir à ce niveau de revenu. L'Inde et une bonne partie du reste du monde en développement ne saurait continuer aussi longtemps à souffrir des conséquences de ce type de pollution tout en espérant « résoudre le problème par la croissance ». La déforestation paraît suivre une courbe de Kuznets (Cropper et Griffiths 1994) mais, avec un point de retournement fixé à un revenu par tête de 5 420 dollars pour l'Amérique latine, des politiques de prévention sont indispensables. Manifestement, les liens entre la pollution et la croissance dépendent d'une multitude de facteurs et une analyse au cas par cas s'avère nécessaire. En Chine, par exemple, le développement des entreprises industrielles privées dans les villes et villages fut le principal moteur de la croissance clans les années 1990 et parvint à sortir plus de 100 millions de personnes de la pau- vreté. Ces entreprises sont souvent plus efficaces et disposent de meilleures techniques de contrôle de la pollution que les entreprises d'État. C'est pour- quoi, en raison de l'expansion des entreprises privées, la croissance accélé- rée engendrera probablement une diminution de l'intensité de la pollution. Un déplacement de A à F implique une détérioration de la qualité de l'envi- ronnement par rapport à l'état initial. Cela correspond au taux optimal de la protection de l'environnement mentionné précédemment. Concernant la fonction de réceptacle assumée par l'environnement, une telle évolution peut se justifier dans la mesure où de « faibles » montants de pollution de l'air, de l'eau, etc. ne constituent pas une menace pour la santé et n'entra- vent pas la capacité de « renouvellement » de la ressource ; par ailleurs, les avantages économiques des activités génératrices de pollution sont impor- tants. Pour la fonction de source, un certain montant de déforestation, par exemple, peut se justifier tant que l'utilisation des terres supplémentaires LE SOUTIEN DU CAPITAL NATUREL qu'il permet comporte des avantages sociaux supérieurs et que la déforesta- tion n'affecte pas des endroits « inadéquats » tels que des fortes pentes, les rives des rivières, etc. 9. Le cas de l'Asie de l'Est est intéressant. La récente crise économique a entraîné la Thaïlande et l'Indonésie de B à C. Ces pays sont donc maintenant confrontés à un rude défi consistant à mettre en oeuvre des mesures d'assai- nissement de l'environnement dans un contexte d'accélération de la crois- sance économique, c'est-à-dire à passer de C à F. 10. Soit 2 milliards de yuans à un taux de change de 8,3 yuans le dollar. La Chine ayant unifié son système double de change en 1994, ce montant doit être considéré comme approximatif. 11. Les zones protégées, les parcs nationaux et les autres terres domaniales assurant des services essentiels pour l'environnement ne jouissent pas des avantages inhérents à la gestion par la communauté. Dans de nombreuses régions, les terres gérées par le gouvernement continuent par conséquent de se dégrader en raison de l'immigration illégale, des défrichements illici- tes et des extractions sans permis. 12. Watson et al. (1998) classent les problèmes liés à l'environnement en deux catégories : ceux qui concernent les biens communs (atmosphère, eau, etc.) et ceux qui présentent une importance mondiale mais qui ne concer- nent pas directement les biens communs (biodiversité, dégradation du sol, etc.). Selon l'évaluation scientifique en cours, les principaux problèmes mondiaux d'environnement du siècle - ceux qui requièrent une action urgente - sont le changement climatique mondial, la diminution de la cou- che d'ozone stratosphérique, l'atteinte à la biodiversité, la déforestation et l'utilisation non durable des forêts, la désertification et la dégradation des sols, la dégradation des sources d'eau potable, la dégradation de l'environ- nement et des ressources marins et, enfin, les polluants organiques persis- tants. Les interrelations entre ces problèmes et la nécessité de les traiter simulta- nément sont également mises en exergue. Sans vouloir minimiser l'impor- tance des autres problèmes mondiaux liés à l'environnement, le présent chapitre porte essentiellement sur les manières de limiter les changements climatiques et de gérer les forêts, afin d'illustrer les défis que nous devons relever dans ce domaine. C H A P I T R E La gestion des risques financiers globaux Les temps de crise nous invitent à nous souvenir des idéaux que nous respectons. » -- Michael J. Sandel, Democracy's Discontent : America in Search of a Public Philosophy La crise financière de 1997-1999 qui affecta profondément le Brésil, la Fédération de Russie et plusieurs pays d'Asie de l'Est a souligné l'impor- tance de la stabilité financière comme l'un des déterminants de la qua- lité de la croissance. Comme pour la durabilité de l'environnement, l'éducation et la bonne gouvernance, la gestion des risques d'instabilité financière, et plus spécialement de ceux liés aux flux de capitaux trans- frontaliers, peut stimuler une croissance durable en réduisant les inéga- lités économiques, en encourageant la stabilité sociale et en renforçant les tendances et les institutions démocratiques. Sans stabilité sociale et politique, « quelles que soient les sommes investies dans les systèmes financiers, il sera impossible de parvenir à une stabilité financière » (Wolfensohn 1998). L'intégration financière mondiale comporte des avantages indénia- bles pour les pays industrialisés et en développement, mais elle les expose aussi aux vicissitudes des marchés internationaux des capitaux El QUALITÉ DE LA CROISSANCE - telles que les fluctuations des taux de change, des taux d'intérêt ou des liquidités, ainsi que du volume des flux de capitaux - avec toutes les conséquences importantes sur la macroéconomie et la croissance que cela comporte. Ces risques sont graves et coûteux, comme l'ont prouvé récemment les pertes d'emplois et de rendement, les problèmes des entreprises et des banques et l'accroissement de la pauvreté dans les pays touchés par la crise, surtout dans ceux où l'encadrement institu- tionnel et réglementaire des marchés des capitaux laisse à désirer. L'importance des coûts sociaux et économiques associés à l'instabi- lité financière est inacceptable et fait ressortir la nécessité de trouver de meilleures méthodes de gestion des risques financiers et de promotion d'une croissance stable. Le chapitre 2 montre comment les distorsions affectant les politiques, les subventions et les garanties pléthoriques peuvent provoquer un investissement excessif dans certains capitaux physiques et financiers et un sous-investissement dans d'autres actifs. Le présent chapitre examine les facteurs pouvant influencer la stabilité des flux de capitaux dirigés vers les pays en développement et les con- séquences éventuelles de ces flux, sous forme de sous-investissements, sur la vulnérabilité accrue de ces PED aux turbulences financières. Après avoir rapidement passé en revue les avantages et les risques de l'intégration des marchés financiers, le chapitre examine les causes et les conséquences de l'instabilité des flux de capitaux et de ses implica- tions pour les pauvres. Il décrit ensuite l'évolution des politiques et des arrangements institutionnels de gestion des risques et suggère un cadre général prenant en compte à la fois la théorie et la pratique de la gestion moderne des risques et les impératifs de l'économie politique des mar- chés de capitaux ouverts. Pour que la croissance reste relativement stable, les gouvernements peuvent envisager toute une panoplie de mesures telles que : · La suppression des politiques biaisées et des garanties subvention- nées (implicites ou explicites) encourageant l'entrée de flux de capitaux étrangers à court terme susceptibles d'accroître la vulné- rabilité de leur pays aux chocs financiers. · Le renforcement de la réglementation domestique et la supervi- sion des banques et autres intermédiaires financiers, ainsi que l'amélioration de la gestion et de la transparence des entreprises. · La construction d'un cadre général de gestion des risques fondé sur l'ouverture ordonnée des marchés des capitaux et le recours à des mesures de contrôle des flux de capitaux à court terme. · Le maintien du soutien des autorités publiques aux marchés de capitaux ouverts au moyen de tampons anti-risques, soit au moyen du marché, soit au moyen de politiques de redistribution et d'une protection sociale minimale. LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX L'expansion des marchés de capitaux et l'instabilité des flux de capitaux Toutes les mesures concordent pour affirmer que la croissance des mar- chés financiers internationaux fut phénoménale dans les années 1990. Les prêts internationaux, sous forme de nouvelles obligations à moyen et long termes et de prêts bancaires, atteignirent 1,2 billion de dollars en 1997, soit 0,5 billion de plus qu'en 1988 (BRI, diverses années). La valeur du commerce mondial des biens et services, bien qu'ayant sensi- blement augmenté depuis le début des années 1970, est désormais plus de cinq fois plus petite que celle des transactions financières internatio- nales (figure 5.1). Les transactions transfrontalières de l'OCDE en actions et obliga- tions, qui représentaient moins de 10 % du PIB en 1980, dépassaient le montant de celui-ci en 1995. Le chiffre d'affaires journalier des marchés de change atteignait 1,6 billion de dollars en 1995, soit 0,2 billion de plus qu'en 1986, tandis que la valeur annuelle du commerce des biens et ser- vices atteignait 6,7 billions de dollars en 1998. La part de la capitalisa- tion boursière dans le PIB mondial est passée de 23:1 en 1986 à 68:1 en 1996, pendant que le volume des marchés dérivés passait de 7,9 billions de dollars en 1991 à 40,9 billions de dollars en 1997 (tableau 5.1). Figure 5.1 Le flux net de capitaux privés étrangers vers les pays en développe- Volume du marché financier ment a également augmenté sensiblement, passant de 43,9 billions de international par rapport dollars en 1990 à 299 billions de dollars en 1997. La plupart des capitaux au commerce mondial Pourcentage du PIB mondial 100 -i 80 - Finance 60 Commerce 40 - 20 0 1 I I I I I 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 Remarques : Le volume du marché financier désigne la somme de la capitalisation boursière mondiale, du stock d'obliga internationales et des prêts en cours. Les chiffres du commerce mondial correspondent aux moyennes des importations e exportations. Sources : BRI (1997, 1998) ; International Finance Corporation (diverses années). QUALITÉ DE LA CROISSANCE Instruments négociés dans le cadre d'un échange Instruments hors cote Indice boursier Contrats Options i terme Options Options i sur Total de Options Échanges de taux sur titres terme sur contrats l'échange sur titres de taux Echanges Année d'intérêt de créance les devises à terme négocié de créance d'intérêt de devises Total Total 1991 2.157 1073 81 109 3.420 577 3.065 807 4.449 7.869 1992 2.913 1.385 98 238 4.635 635 3.851 860 5.346 9.980 1993 4.959 2 362 110 340 7.771 1.398 6.177 900 8.475 16.246 1994 5778 2.624 96 366 8.863 1573 8.B16 915 11.303 20.166 1995 5.863 2742 82 502 9.189 3.705 12.811 1.197 17.713 26.901 1996 5.931 3278 97 574 9.880 4.723 19.171 1560 25.453 35.333 1997 7.489 3640 85 993 12.207 5.033 22.116 1.585 28.733 40.940 Source : BRI (diverses années). Tableau 5.1 provient d'investissements directs étrangers (IDE) et des marchés Croissance des marchés internationaux de capitaux (flux des portefeuilles d'actions, prêts des dérivés en 1991-1997 banques commerciales et émission d'actions et d'obligations sur les mar- (valeurs théoriques en billions chés extraterritoriaux). Les flux d'IDE vers les pays développés sextu- de dollars) plèrent entre 1990 et 1998, tandis que la part de ces IDE dans le total mondial des investissements directs étrangers passait de 18 % au milieu des années 1980 à 24 % en 1991 et à 36 % en 1997. Cependant, lorsque la crise financière frappa l'Asie au début de 1997, les flux de capitaux en provenance des marchés internationaux de capitaux et à destination des économies de marché émergentes furent sévèrement affectés et retombèrent à 72,1 milliards de dollars, soit le niveau le plus bas enre- gistré depuis 1992, alors que les IDE résistaient mieux (figure 5.2) (Banque mondiale 1999c). Figure 5.2 En milliards de dollars Fluctuations des flux de 160 capitaux internationaux, 1990-1999 Total des prêts Obligations 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Remarque : Les flux des marchés internationaux de capitaux entrant dans les pays en développement (y compris la Corée) se composent d'investissements de portefeuille, d'obligations privées internationales et de prêts. Source : Banque mondiale (2000g). B9 LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX Les causes et les conséquences de l'instabilité des flux de capitaux L'expansion sensible, entre 1990 et 1997, des flux de capitaux à desti- nation des pays développés fut encouragée par les progrès des techno- logies de communication et d'information qui permirent d'abaisser le coût des transactions transfrontalières . Parmi les progrès ayant facilité l les flux de capitaux entre pays divers, il convient de citer la création du marché de l'euro, l'essor des marchés des instruments dérivés et l'expansion rapide des fonds de couverture. En outre, les pays industria- lisés et en développement ont ouvert leurs marchés financiers en sup- primant les barrières aux flux de capitaux transfrontaliers . Cependant, 2 diverses garanties implicites ou explicites accordées par le gouverne- ment à des banques, des sociétés et des investisseurs, dans le contexte d'un secteur financier libéralisé mais mal réglementé, ont favorisé les surinvestissements dans certaines industries en Asie de l'Est d'une part et des comportements trop risqués (ou subjectifs) chez les investisseurs d'autre part3. L'accumulation de passifs éventuels par le gouvernement et de capitaux d'emprunt menant à un surendettement par les sociétés pourrait avoir contribué à la vulnérabilité du système, à la méfiance des investisseurs et à l'émergence de la récente crise financière. Historique- ment, les variations de l'offre de capitaux étrangers aux pays en déve- loppement ont toujours eu pour cause des facteurs étrangers tels que l'augmentation du prix du pétrole dans les années 1970, la baisse des taux d'intérêt, la dérégulation des investisseurs institutionnels dans les pays industrialisés, ainsi que la création de nouvelles institutions et le renforcement de la concurrence dans les années 1990. Le démantèlement des barrières aux flux de capitaux transfronta- liers - tels que les contrôles des capitaux et les restrictions aux opéra- tions de change - s'accéléra dans les pays de l'OCDE dans les années 1980 et se propagea aux marchés émergents. Les pays de l'OCDE libéralisèrent la quasi-totalité des mouvements de capitaux, y compris les transactions à court terme par les entreprises et les particu- liers, conformément au Code de libéralisation des mouvements de capi- taux édicté par cette organisation. Le Royaume-Uni est parvenu à une convertibilité des comptes de capital dès 1979, tandis que la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne furent les derniers pays de l'OCDE à abolir tout contrôle des capitaux en 1992 (OCDE 1990). Au début des années 1990, les comptes de capitaux des pays de l'OCDE furent ouverts à toute une gamme de transactions financières trans- frontalières : valeurs du marché des capitaux, opérations sur le marché monétaire, opérations de change à terme, échanges et autres instru- ments dérivés 4. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Nombreuses sont les économies de marché émergentes qui ont aussi réformé leurs marchés financiers et libéralisé les mouvements de capi- taux transfrontaliers. Sur la base d'un indice d'ouverture financière construit pour quatre-vingt-seize pays en 1977, quarante-six peuvent être classés comme ouverts et dix comme semi-ouverts (voir l'en- cadré 5.1 et l'annexe 5). Au fur et à mesure de cette libéralisation, les banques et les sociétés emprunteuses obtinrent un accès à une gamme élargie de services étrangers de financement. L'attrait du capital à long terme, surtout dans le cadre du financement de projets d'infrastructure, conféra un avantage compétitif aux capitaux étrangers, surtout dans les pays dotés d'un taux de change lié au dollar américain. Un meilleur accès au capital étranger dans les pays en développement accroît les possibilités de financement de projets d'investissements, qu'ils soient sûrs ou risqués. En dépit des avantages potentiels des capitaux étrangers, les lacunes des politiques domestiques et des mesures de libéralisation (y compris des garanties subventionnées) encouragèrent des banques, des sociétés et des investisseurs à faire preuve d'une certaine imprudence et à géné- rer un surendettement en capital physique (pour des exemples, voir Demirgûç-Kunt et Detragiache 1998 ; Williamson et Mahar 1998). ENCADRÉ 5.1 Ouverture aux flux de capitaux internationaux Les preuves de l'ouverture des économies de mar- Il n'existe pas de mesure unique de l'ouverture ché émergentes aux afflux de capitaux transfronta- financière, dans la mesure où toute évaluation via- liers sont maigres et fragmentées. Les problèmes ble doit incorporer des distinctions entre la d'information et de méthodologie gênent la créa- sévérité des contrôles et les types de transactions. tion de mesures quantitatives appropriées. La plu- L'indice d'ouverture financière, tel qu'il est repro- part des études mesure par conséquent l'incidence duit dans l'annexe 5 (tableau A5.5), illustre les des contrôles de capitaux plutôt que l'intensité des relations entre les types de contrôles et de trans- restrictions et des contrôles (voir, par exemple, actions. Il utilise des mesures désagrégées des Alesina et al. 1994 ; Razin et Rose 1994). Cepen- contrôles de capitaux reposant sur les classifica- dant, toutes les transactions ne sont pas soumises tions et les informations contenues dans le rapport à l'ensemble des contrôles et la plupart des mesu- annuel du Fonds monétaire international intitulé res est conçue pour influer sur les incitations à se Exchange Arrangements and Exchange Restric- livrer à telle ou telle activité. Les contrôles vont des tions (régimes et opérations de change). Exploi- limites quantitatives directes sur certaines transac- tant la méthodologie de codage mise au point par tions ou transferts connexes à des mesures aussi Quinn et Toyoda (1997), cette mesure est un indirectes que les retenues d'impôt ou les réserves- indice composite de règles, règlements et procédu- encaisse sur l'actif et le passif externes. De tels res administratives affectant les flux de capitaux contrôles pourraient aussi s'appliquer à des trans- pour vingt-sept transactions dans les comptes cou- ferts de fonds associés à des transactions financiè- rants et en capital de la balance des paiements de res ou aux activités commerciales elles-mêmes. quatre-vingt-seize pays. M LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX Les garanties gouvernementales prirent de nombreuses formes : taux de change fixes, prêts directs, politiques de type « trop gros pour échouer » et assurance-dépôts. Les garanties implicites ou explicites sur le passif encouragèrent les investisseurs nationaux et internatio- naux à prendre des risques excessifs (voir McKirmon et Pill 1997 pour un modèle analytique). Essentiellement, cette faiblesse provoqua, jusqu'au début de la crise asiatique, une sous-évaluation des risques et un abaissement des marges sur les dettes libellées en devises étrangères contractées par les économies de marché émergentes. La Bangkok International Banking Facility, établie en 1993 pen- dant la libéralisation du marché financier, permit aux banques et entre- prises thaï d'emprunter à court terme en devises étrangères. En raison des conventions fiscales bilatérales signées entre le Japon et la Thaïlande, les banques japonaises désiraient absorber la retenue fiscale et prêter avec une marge d'intérêt très faible aux entreprises thaï. Cette injection d'argent japonais se traduisit par une augmentation rapide des prêts à court terme en devise japonaise consentis par la Bangkok International Banking Facility : les prêts en devises étrangères des banques commer- ciales thaï atteignaient 31,5 milliards de dollars, soit 17 % des prêts con- sentis par le secteur privé, à la fin de 1996 (Alba et al. 1998). Le gouvernement coréen privilégia les prêts aux chaebols (groupes industriels - NdT), ce qui conduisit à un surinvestissement dans les sec- teurs favorisés : semi-conducteurs, automobiles, sidérurgie et construc- tion navale. En Corée, le ratio d'endettement moyen des trente chaebols les plus importants était supérieur à 500 % fin 1996, tandis que le ren- dement du capital investi était inférieur à son coût pour deux tiers d'entre eux (Park 2000). Ces emprunts excessifs à court terme contractés à l'étranger, encou- ragés au moins partiellement par des garanties subventionnées, provo- quèrent une accumulation du passif éventuel du gouvernement. Les investisseurs, après avoir réalisé que le gouvernement n'était plus capa- ble de remplir ses obligations, prirent la direction de la sortie. Dès qu'une crise commençait dans un pays, l'instinct grégaire des investisseurs favo- risait la propagation de la panique par le biais des canaux du commerce et de la finance internationaux, ce qui avait pour résultat une inversion des flux de capitaux privés et une augmentation considérable des marges pour la plupart des économies de marché émergentes (voir Calvo 1999 ; Reinhart et Kaminsky 1999 ; Van Rijckeghem et Weder 1999). Les avantages et les risques des marchés de capitaux ouverts Les avantages des marchés de capitaux ouverts étant indéniables, le débat politique tourne autour de la question de savoir si ces avantages dépassent les risques. Les gouvernements peuvent aussi envisager le recours à des instruments minimisant ces risques. ANCE Les marchés de capitaux ouverts offrent de nombreux avantages tant pour les pays prêteurs que pour les pays emprunteurs. Ils élargis- sent les sources d'investissement auxquelles les pays en développement peuvent recourir pour compléter l'épargne nationale. Ils accroissent également l'efficacité des institutions financières domestiques et favori- sent l'application plus rigoureuse de la politique macroéconomique. En outre, en allégeant les contraintes pesant sur les financements, les mar- chés de capitaux ouverts accordent aux pays un délai pour procéder aux ajustements des paiements en vue de corriger certams déséquilibres engendrés par les réactions aux chocs externes . Les marchés de capi- 5 taux ouverts offrent également aux pays prêteurs un plus grand choix de types d'investissements et de risques, une diversification d'autant plus appréciable que les fonds de retraite de leur population vieillissante exigent un rendement plus élevé et plus sûr de leurs investissements. Les comptes de capitaux ouverts peuvent également favoriser le sys- tème commercial multilatéral en élargissant les possibilités de diversifi- cation des portefeuilles et de distribution plus efficace de l'épargne et des investissements mondiaux (Fischer 1998). Les auteurs et les gou- vernants se sont également penchés sur certains problèmes entourant les droits de propriété dans le contexte de la finance internationale. Cooper (1998, p. 12) a ainsi formulé la doctrine qui sous-tend la pensée libérale : « Les individus devraient être libres de disposer de leur revenu et de leur richesse comme ils l'entendent, à condition de ne pas nuire aux autres ». D'autres théoriciens avancent l'idée que l'ouverture aux flux de capitaux internationaux est fortement associée à des mesures de renforcement des droits civils et politiques. Les preuves empiriques de l'importance de l'ouverture financière et de la gouvernance démocra- tique abondent, bien que le lien entre les deux mériterait d'être étudié (voir la figure A5.1 dans l'annexe 5). L'ouverture comporte aussi des risques accrus. L'instabilité des flux de capitaux entoure les conditions économiques d'incertitude, aug- mente le coût du capital, peut avoir un impact négatif sur les investisse- ments et la croissance à long terme et ralentit les efforts visant la réduction de la pauvreté. Des données en provenance de quatre-vingt- dix pays en développement ont permis d'établir une forte corrélation entre l'instabilité des flux de capitaux et l'instabilité de la croissance (mesurée à l'aide de l'écart-type du taux de croissance annuel du PIB réel, voir la figure 5.3). De plus, selon les données collectées dans cent trente pays entre 1960 et 1995, Easterly et Kraay (1999) ont trouvé que l'instabilité de la croissance, mesurée à l'aide de l'écart-type du taux de croissance du PIB, avait un effet négatif (-0,18) sur l'augmentation moyenne du revenu par habitant. Deux grandes catégories de risques, ceux associés aux politiques domestiques grevées de distorsions et ceux associés aux facteurs exter- LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX Instabilité des taux de croissance annuels du PIB Figure 5.3 14 -, Relations entre les fluctuations de la croissance 12 économique et l'instabilité des flux de capitaux 10 - internationaux privés, 1975- 8 - 1996 6 - 4 2 - % 0 -- i -- i -- i -- \ -- i i -- i 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 Instabilité des flux de capitaux annuels Remarque :y = 2,02x + 2,15etr=0,57. Voir l'annexe 5 pour les définitions et les sources. nés, peuvent engendrer des problèmes pour les investisseurs et les gou- vernants étrangers. Les politiques domestiques biaisées, ainsi que les cadres réglementaire et institutionnel inadéquats, encouragent les ban- ques et les sociétés à souscrire des engagements extérieurs à court terme excessifs par rapport à leur actif à court terme ou à acquérir des positions de change non couvertes. Les exemples de sources domesti- ques de risques incluent les garanties gouvernementales explicites et implicites, les taux de change fixes, les prêts dirigés vers des projets d'investissement et l'accumulation d'un passif éventuel. Dooley (1996) avance que l'adoption de taux de change fixes et l'octroi de garanties de dépôt, dans le contexte d'un secteur financier libéralisé, mais doté d'une réglementation déficiente, risque d'inciter les investisseurs étrangers à imposer des taux de rendement privés défavorables aux pays emprun- teurs. ' Cette sous-estimation des risques réels des placements sous-jacents doit être combattue, afin de promouvoir des investissements équilibrés capables de stimuler la croissance à long terme et la réduction de la pau- vreté dans les pays emprunteurs. La seconde catégorie de risques a trait au fonctionnement des mar- chés financiers internationaux, ainsi qu'aux facteurs externes et aux variations de l'humeur, des prévisions et de la confiance du prêteur ou de l'investisseur étranger : des considérations qui n'ont pas toujours un |S ANCE lien direct avec la solvabilité à long terme d'un pays. C'est ainsi que Calvo et al. (1994) ont trouvé que des facteurs externes - tels que les taux d'intérêt des États-Unis et les fluctuations de la croissance dans les pays de l'OCDE - pouvaient expliquer 30 à 60 % de l'instabilité des flux de capitaux entrant en Amérique latine. Les changements dans les sen- timents et les convictions des investisseurs, tels qu'ils se traduisent sou- vent par un revirement brutal des flux de capitaux et/ou par une augmentation des coûts d'emprunt des économies émergentes, peuvent aussi avoir leur origine dans le manque de coordination entre les prê- teurs. Ce problème s'explique parfois par le caractère incomplet des informations échangées entre les prêteurs, ce qui les contraint à calquer leurs décisions (d'investir dans un pays spécifique ou au contraire de le fuir) les uns sur les autres. Cette dépendance peut générer des paniques analogues à celles qui gagnent parfois les clients d'une banque et accroî- tre encore davantage la prime de risque que doivent acquitter certains pays (voir Haldane 1999 pour une discussion plus approfondie de ce phénomène). Les gouvernements doivent se préparer à gérer les risques associés à l'intégration financière et à l'instabilité des flux de capitaux. Ce degré de préparation variant d'un pays à l'autre et l'établissement d'institu- tions étant un processus lent, les gouvernements peuvent envisager toute une série de mesures politiques et réglementaires afin que l'ouver- ture aux flux de capitaux internationaux s'effectue de manière ordonnée. Les rapports entre les fluctuations de la croissance et les pauvres Les crises financières sont extrêmement coûteuses. L'Amérique latine a perdu une décennie de progrès économiques et sociaux dans la crise de la dette du début des années 1980. Les pays d'Asie de l'Est auraient perdu environ 500 billions de dollars, en fonction des prix et des taux de change de 1996, en production intérieure totale entre 1997 et 1999 (en termes d'écart par rapport aux tendances historiques), soit 1,3 fois le montant de leur dette extérieure en 1996 (voir l'annexe 5 pour la méthode de calcul). En outre, la communauté financière internationale a dû accorder une aide substantielle, sous forme de prêts d'urgence mul- tilatéraux et bilatéraux, aux pays affectés par des crises dans les années 1990. En particulier, les fluctuations de la croissance ont de graves consé- quences sur les pauvres qui manquent des actifs nécessaires pour ralen- tir leur consommation en période de récession6. Les coûts sociaux associés aux crises des économies de marché émergentes sont impor- tants. En un an tout juste, le chômage a doublé en Thaïlande et triplé en Corée, alors que le niveau de vie diminuait respectivement de 14 et 22 % dans ces pays. L'Indonésie enregistra également une baisse de 25 % du LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX niveau de vie (Stiglitz et Bhattacharya 1999) et une brutale augmenta- tion du nombre des pauvres. Au troisième trimestre 1998, le revenu salarial réel des travailleurs thaï était inférieur de 24,8 % à celui d'avant la crise, compte tenu du taux tendanciel (Krongkaew 1999). Levinsohn et al. (1999) ont étudié l'impact des hausses de prix sur le coût de la vie des ménages pauvres et constaté qu'en Indonésie, les pauvres étaient vraiment la catégorie la plus touchée de la population. En raison d'une hausse dramatique du prix des aliments, le coût de la vie du décile le plus pauvre a augmenté de plus de 130 % après la crise. Le citadin indi- gent, qui n'a pas accès à la terre et n'est pas propriétaire de sa maison, est la plus grande victime de toutes. Ainsi, à cause des crises, les pays de l'Asie de l'Est ont enregistré un revirement brutal de leurs progrès en matière de réduction de la pauvreté (voir Banque mondiale 2000a). La gestion des risques hier et aujourd'hui Pour protéger leur croissance et leurs progrès dans la réduction de la pauvreté, les pays en développement doivent mieux se préparer à la ges- tion des risques inhérents à l'intégration financière et à l'instabilité des mouvements des capitaux. Le risque financier global et les stratégies conçues pour le gérer ont beaucoup évolué au cours du dernier demi- siècle, si bien qu' il est indispensable d'élaborer de nouvelles approches pour affronter ces nouveaux risques. Les premiers mécanismes et les mesures prises pour la gestion des risques Du point de vue de la gestion des risques financiers, la période de Bret- ton Woods (1945-1973) fut très stable, grâce à une combinaison judi- cieuse de taux de change fixes et de contrôles des capitaux sur le plan extérieur et d'une politique macroéconomique et sociale keynésienne sur le plan domestique7. L'approche de Bretton Woods accordait une priorité aux taux de change fixes et à l'autonomie des politiques natio- nales. Le contrôle des capitaux était une norme acceptée du Système Monétaire International dans les années 1950 et 1960. Il fallut attendre septembre 1997 pour que le Comité intérimaire du FMI accepte que les articles des statuts du Fonds « soient amendés afin que la promotion de la libéralisation des comptes de capitaux soit reconnue comme un objec- tif spécifique du Fonds et pour que celui-ci se voit reconnaître une com- pétence appropriée dans le domaine des mouvements de capitaux » (Fischer et al. 1998, p. 47)8. Avec des économies relativement fermées aux flux de capitaux, les gouvernements pouvaient appliquer une politi- que fiscale et monétaire favorisant la poursuite d'objectifs nationaux, tels que le plein-emploi et l'équité sociale, sans craindre la fuite des capi- taux. Cette autonomie politique marquée servit aussi la cause de la démocratie, surtout en Europe occidentale9. ANCE Dans les années 1970, alors que les pays d'Europe occidentale avaient déjà instauré la convertibilité pour leurs comptes courants, le libre mouvement transfrontalier des capitaux commença à émerger comme une priorité politique importante. L'effondrement du système de Bretton Woods entre 1971 et 1973, l'évolution vers un régime de change flottant, l'augmentation du prix du pétrole, l'inflation chronique et le marasme économique mondial augmentèrent les risques associés aux devises et aux taux d'intérêt sur les marchés financiers internatio- naux. Les réactions prirent essentiellement la forme de solutions repo- sant sur les mécanismes du marché, comme par exemple l'engouement pour une diversification internationale des capitaux et l'expansion rapide des marchés d'instruments dérivés (contrats de change à terme, options et échanges financiers). La politique macroéconomique dans les pays de l'OCDE évolua, l'accent n'étant plus mis sur le plein-emploi mais sur la recherche d'une plus grande stabilité macroéconomique en ter- mes de réduction du déficit budgétaire et d'abaissement des taux d'inté- rêt et d'inflation. La gestion des risques financiers dans les années 1990 Dans les années 1990, de nombreuses crises de liquidité et de devise éclatèrent à la fois dans les pays industrialisés et en développement et affectèrent successivement : le SME en 1992 et 1993, le Mexique entre 1994 et 1995, l'Asie de l'Est en 1997, la Fédération de Russie en 1998 et le Brésil et l'Equateur en 1999. Concernant l'ensemble des économies émergentes, ces pays commencèrent par enregistrer une augmentation des flux de capitaux (à partir du milieu des années 1990) avant d'être victimes d'un renversement de situation dans une proportion atteignant 10 % du PIB. Les crises de 1990 mirent en évidence plusieurs faiblesses des marchés financiers internationaux : · Les marchés des capitaux mondiaux révélèrent différentes lacu- nes. Les pays emprunteurs ignoraient à quel point leurs banques et leurs entreprises dépendaient des devises étrangères. Les agen- ces de cotation des titres et les autres principaux intervenants internationaux se montrèrent incapables d'évaluer correctement les risques inhérents aux différents pays dans l'environnement financier en proie à la mondialisation des années 1990. Les orga- nismes de régulation ne purent mener leur tâche à bien, faute de cadres réglementaires et de contrôles adéquats. Les spécialistes de la gestion des risques financiers sous-estimèrent les corrélations positives entre la qualité du crédit du secteur privé et celle des emprunts garantis par l'État, si bien qu'ils ne purent identifier les causes de la contagion qui gagna les économies émergentes. · Les flux de capitaux entrant dans la plupart des pays en dévelop- pement étaient canalisés par des instruments bancaires à court LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX terme, en raison des garanties implicites accordées par les gouver- nements aux banques. Nombreux furent les acteurs du marché qui succombèrent au risque subjectif associé à ces garanties (perçues comme étant accordées par le gouvernement). Les normes en matière de crédit et les évaluations prudentes de projets furent fréquemment ignorées, ce qui entraîna un surinvestissement dans des secteurs caractérisés par une capacité excédentaire ou une demande en baisse. Cette évolution se solda par un effondrement du système bancaire domestique, accompagné d'une crise des liquidités en devises étrangères dans les pays dotés d'un système de change fixe. · Les principales sources d'instabilité furent les comptes de capitaux et non les comptes courants : une situation que les institutions de Bretton Woods avaient justement pour vocation d'éviter. Dans l'environnement financier mondialisé d'aujourd'hui, ce sont les comptes nationaux d'un pays (à savoir son actif et son passif) qui devraient servir à mesurer sa position en matière de paiements internationaux. Ces faiblesses révèlent une profonde évolution du monde de la finance internationale, qui est désormais caractérisé par une internatio- nalisation du système bancaire, la disparition des frontières traditionnel- les entre les fonctions de finance et d'assurance, les nouvelles perspectives d'investissement ouvertes par les marchés émergents et la présence de nouveaux investisseurs dans les économies émergentes : banques commerciales, caisses de retraite, fonds de couverture et com- pagnies d'assurance. Ces changements ont généré de nouveaux besoins en matière de gestion des risques, si bien que les gouvernements sont tenus de déployer des stratégies plus judicieuses aux niveaux internatio- nal, institutionnel (organismes commerciaux et financiers) et national. Élargissement du cadre de la gestion des risques La plupart des activités courantes en matière de gestion des risques concerne la meilleure manière de limiter les risques inhérents à l'arrivée de flux de capitaux dans les pays en développement, en prévenant si possible les crises et, le cas échéant, en les jugulant et en les résolvant. Nous proposons ici un cadre large, en deux parties, de gestion des risques correspondant à une approche modérée. Un cadre réglemen- taire approprié et des instruments adéquats de contrôle des flux de capitaux à court terme devraient toujours accompagner l'ouverture ordonnée des marchés financiers. L'adhésion du public à la politique d'ouverture devrait être encouragée par les tampons anti-risques mis en place par le gouvernement : politiques de redistribution bien conçues et efficaces, protection sociale minimale, etc. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Les réglementations domestiques et la politique internationale Alors que le souvenir de la crise de la dette des années 1980 et de la mise en place laborieuse de sa solution était encore dans toutes les mémoires, les gouvernements réagirent rapidement aux crises de 1997-1999 en élaborant une politique internationale et des règlements. Dans les prin- cipaux pays industrialisés, ils assouplirent la politique monétaire, accor- dèrent généreusement des prêts de sauvetage, définirent des normes internationales en matière de bonne pratique et de transparence et mirent sur pied dès comités de haut niveau chargés de consolider les banques et autres institutions financières (voir Drage et Mann 1999 pour plus d'exemples sur la résolution de la crise). En février 1999, les ministres des finances et les gouverneurs des Banques centrales des pays du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) approuvèrent la création d'un Financial Slability Forum. Lors de la réunion suivante, le G7 invita les autorités monétaires, les principaux organismes de réglementation et les institutions multilatérales à évaluer les vulnérabilités du système financier mondial et à suggérer des réponses. Les réponses institutionnelles La gestion des risques financiers au niveau institutionnel a fait de grands progrès à la fin des années 1990. Aujourd'hui, les institutions financières et non financières ont recours à des techniques de mesure quantitative, telles que la valeur exposée au risque, la volatilité et les mesures bêta, les modèles de fixation des prix des options et les ratios de Sharpe. À l'aide de ces outils, les institutions financières peuvent systématique- ment mesurer et contrôler les risques associés au marché dans des con- ditions de stabilité normales. En outre, l'expansion rapide des instruments dérivés de crédit a profondément modifié le paysage ban- caire en ouvrant des perspectives en matière de risques liés au crédit commercial. La gestion des risques au niveau des entreprises évolue vers une approche intégrée embrassant les risques inhérents au crédit, au marché et aux liquidités. Les réponses au niveau national : concilier l'intégration financière et l'autonomie des politiques domestiques L'intégration des marchés financiers impose une restriction plus sévère des choix en matière de politique nationale que les autres aspects de la globalisation tels que le négoce des biens et services (sur lequel les prin- cipaux efforts de libéralisation se concentrent depuis la Seconde Guerre mondiale). L'intégration des marchés des capitaux réduit en effet la capacité des gouvernements de décider en toute indépendance de leur politique, surtout macroéconomique, de crainte d'une fuite des capi- taux. Les partisans de cette thèse, élaborée d'après le modèle macroé- LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX conomique de Robert Mundel et J. Marcus Fleming, avancent que les pays ne peuvent atteindre que deux des trois objectifs suivants : la mobilité des capitaux, des taux de change fixes et une politique moné- taire autonome. Redistribution en vue de réduire les risques. Les sociétés dé- mocratiques doivent résoudre la contradiction entre l'intégration des marchés financiers et l'autonomie de la politique nationale pour pouvoir poursuivre les objectifs économiques et sociaux qu'ils se sont fixés démocratiquement. Cette contradiction a trait à la capacité des gouver- nements de réglementer, de lever des impôts en vue de redistribuer le revenu et de partager les risques, tout en observant la discipline impo- sée par un arrangement mondial. Dans un monde caractérisé par une grande mobilité internationale des capitaux, les sociétés démocratiques ouvertes doivent faire un compromis entre la crainte d'une fuite des capitaux (facilitée par l'ouverture des marchés) et les demandes politi- ques en faveur de déclarations et d'interventions des autorités publi- ques afin de protéger le pays en cas d'effondrement des marchés. Les investisseurs mécontents de la politique ou du climat économique d'un pays hôte n'ont guère de problèmes à transférer leurs ressources finan- cières vers d'autres pays et régions : un comportement qui crée des coûts grevant de manière disproportionnée les facteurs de production les moins mobiles, à savoir le travail et la terre. C'est ainsi que la redis- tribution en tant qu'assurance de revenu - à distinguer de l'altruisme et des autres motifs pouvant justifier la réduction de la pauvreté - est induite par l'instabilité et l'insécurité des conditions économiques sous- jacentes et l'aversion des citoyens pour le risque. La menace d'une fuite des capitaux aggrave l'insécurité et le risque économique pour une large part de la société. Les riches étant davantage susceptibles de bénéficier au moins partiellement de la Libéralisation des marchés de capitaux (en tout cas au début), alors que les pauvres risquent d'en faire les frais, il convient de ne pas sous-estimer la dimension politique de cette libérali- sation. Dépenses sociales, ouverture et liberté politique. Le contre- poids à la menace d'une fuite des capitaux est la voix politique des citoyens exigeant une protection contre les risques externes sous forme d'une redistribution, de programmes de protection sociale minimale et d'autres assurances analoguesI0. En l'absence d'un marché pour ce type d'assurance risque, les citoyens rationnels ont tendance à structurer les institutions n'appartenant pas au marché afin de réduire les atteintes au bien-être social pouvant résulter de l'instabilité des conditions économi- ques. Dans un tel scénario, la balle est dans le camp des hommes politi- ques qui trancheront en fonction de l'état des institutions politiques et, en particulier, de la force de la démocratie et du degré de liberté civile et politique : plus la démocratie est vigoureuse, plus le besoin se fait sen- QUALITÉ DE LA CROISSANCE Ouverts Très ouverts Très fermés Fermés 1 Indice de la démocratie3 0.81 0,71 0,63 0,48 2 Libertés individuellesb 2,28 3,30 3,38 4,55 3 PIB par tête en 1990-1997 13.147 3.051 2.317 1.557 4 Dépenses sociales (en pourcentage du PIB)C 22,30 23,50 12,50 6,70 5 Total des dépenses publiques (en pourcentage du PIB)d 26,00 19,90 23,40 . 27,70 16,10 17,90 15,50 14,70 6 Total de la consommation gouvernementale (en pourcentage du PIB)1 46 10 34 11 Nombre de pays Remarques : Le tableau indique les moyennes par groupe, calculées sur la base des pays disposant de données. Définition des variables : a. Va de 0 (plus faible) à 1 (plus élevé) sur la base des indices relatifs aux droits politiques et aux libertés individuelles, voir la note 11 à la fin du chapitre. b. Mesure le respect et la protection des droits religieux, ethniques, économiques, linguistiques et autres des citoyens d'un pays, y compris l'égalité entre hommes et femmes, les droits familiaux, les libertés personnelles et la liberté d'expression, de pensée et d'association. c. Somme des dépenses en matière de santé, d'éducation, de sécurité sociale et d'aide sociale ; moyenne 1991-1997. d. Moyenne des comptes du budget et des gouvernements central et provinciaux 1990-1997. e. Ensemble des dépenses courantes consacrées à l'achat de biens et services à tous les échelons du gouvernement, à l'exception des dépenses effectuées par la plupart des entreprises publiques sur la période 1990-1997. Source : Annexe 5. Tableau 5.2 tir de contrebalancer la menace des fuites de capitaux par la satisfaction de revendications politiques (y compris des mesures visant à renforcer Classement des pays en fonction de leur ouverture l'intervention gouvernementale en vue d'éviter l'effondrement des mar- financière chés) . L'équité nous impose de préciser que la voix des citoyens - qui exige une protection sous forme d'une redistribution, de programmes de protection sociale minimale et d'autres assurances analogues - s'est révélée primordiale dans l'atténuation des tensions entre les hommes politiques et les partisans de l'ouverture à tout crin au sein des pays de l'OCDE. Les dépenses publiques consacrées à la santé, à l'éducation, à la sécurité sociale et à l'aide sociale dans les pays à revenu élevé entre 1991 et 1997 représentaient environ 25 % du PIB, voire 30 % dans de petits pays européens ouverts tels que le Danemark, la Norvège et la Suède n. Une corrélation positive existe entre la redistribution, l'ouver- ture financière et la liberté civile et politique dans un bon nombre de pays (tableau 5.2). L'analyse statistique confirme que l'ouverture finan- cière, la démocratie (telle qu'elle est définie par les libertés politiques et civiles) 12 et les dépenses publiques dans le domaine social vont de pair (tableau 5.3, figures 5.4, 5.5 et 5.6). Pourtant, la redistribution étant souvent financée par une fiscalité discrétionnaire, les dirigeants politiques sont tenus d'évaluer ses coûts fiscaux et macroéconomiques. La plupart des démocraties modernes et avancées est ouverte aux mouvements de capitaux internationaux. La relation entre l'ouverture financière et la démocratie semblent découler principalement du revenu par tête : à de rares exceptions, les pays riches disposent de gouverne- ments démocratiques et sont ouverts aux capitaux internationaux, car I LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX Variable indépendante Coefficient Erreur-type Effet marginal3 Constante -11,234" 2,7500 -2,0296 Logarithme (ratio Dépenses sociales-PIB) 1.534* 0.6146 0,2772 Logarithme du PIB par tête 0,795* 0.3156 0,1436 Nombre réel de pays dans le groupe cible 28 Nombre prévu de pays dans le groupe cibleb 20 Nombre réel de pays dans les antres groupes 39 Nombre prévu de pays dans les autres groupes 32 Logarithme de vraisemblance -27,744 ·p-0,05. "p-0,01. Remarque : La variable dépendante est codée 1 lorsque le pays tombe dans la catégorie Très démocratique et Ouvert financ elle est codée 0 dans tous les autres cas. a. L'effet marginal est la probabilité résultant d'une variation infinitésimale dans la variable explicative. b. Le groupe cible désigne les pays où les droits politiques sont bien protégés et oùl'ouverture aux capitaux internationaux est passée dans les moeurs. Source : Annexe 5. Tableau 5.3 Résultats estimés du modèle Binomial Logitsurla probabilité de l'appartenance d'un pays aux catégories Les transferts et les dépenses sociales atténuent Démocratique et Ouvert la tension entre l'ouverture financière financièrement et les revendications politiques Ouverture Démocratie r = 0,45 financière r = 0,70 r = 0,32 Figure 5.4 Relations entre la démocratie, l'ouverture financière, la mobilité des Dépenses publiques Transferts capitaux et les dépenses en matière sociale (en pourcentage du PIB) (en pourcentage du PIB) publiques en matière sociale Remarque : Les données en provenance des divers pays - et dont la taille des échantillons varie entre 70 et 140 - laissent apparaître des résultats statistiquement significatifs au seuil de 1 % (excepté pour la corrélation entre les transferts et l'ouverture financière, qui n 'est significative qu'au seuil de 5 %) pour toutes les relations. Source : Tableau A5.5 de l'annexe 5. m ANCE Indice de l'ouverture financière 2,0 -, 1,8 - 1,6 - 1,4 - 1,2 - 0,5 1,5 2,5 3,5 4,5 Logarithme (ratio Dépenses publiques/PIB) Remarque :y = 0,17x + 1,17 et R2 = 0,32. Voir l'annexe 5 pour une description des données. leur secteur financier est particulièrement développé et ils jouissent d'une stabilité macroéconomique, d'un régime politique stable, d'un État de droit et d'institutions saines garantes des libertés civiles et poli- tiques (pour une discussion plus approfondie des relations entre la démocratie et l'ouverture financière, voir Dailami 2000). Cependant, le lien entre la démocratie et l'ouverture financière s'avère plus complexe. L'analyse révèle que le revenu n'est pas le seul élément déterminant : la coordination internationale des politiques macroéconomiques, ainsi que la réglementation politique et financière, font partie de la réponse. Ces facteurs sont essentiels pour réduire le déséquilibre des paiements, tempérer les prévisions en matière de cours de devise et de taux d'intérêt et réduire l'instabilité des flux de capitaux transfrontaliers. La coordination des règlements bancaires internatio- naux dans les pays industrialisés, tels que le concordat de Bâle de 1992 et les Core Principles for Effective Banking Supervision (principes pour la surveillance efficace des banques) qui suivirent, a également lar- gement contribué à la stabilité économique dans les démocraties de l'OCDE 13. Des travaux empiriques sur les classifications des pays sur les deux axes (démocratie et ouverture financière) corroborent la thèse selon laquelle une politique de distribution contribue à la démocratie et à l'ouverture des marchés (figure 5.6 et tableau 5.3). Une analyse Logit permet de démontrer que le revenu par tête et la part des dépenses LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX Ouverture financière Figure 5.6 Faible Élevée Classification par pays. droits politiques et ouverture financière Faible 23 9 Démocratie 32 37 Elevée Remarques : Le niveau de la démocratie est déduit des indices relatifs aux droits politiques et aux libertés individuelles établis parFreedom House dans son rapportannuel'Freedom in the World (La liberté dans le monde). Le niveau d'ouverture financière est définipar un score inférieurà 1,6 dans l'indice approprié (voir le tableau A5.2 dans l'annexe 5). Source : Calculs de l'auteur. sociales dans le PIB sont statistiquement associés à la probabilité qu'un pays soit à la fois ouvert financièrement et démocratiquement (voir l'annexe 5 pour la définition et l'estimation du modèle et Dailami 2000 pour une analyse plus détaillée). Après la neutralisation du revenu dans l'analyse, la politique redistributive - qui inclut des programmes de dépense publique en matière de sécurité sociale, de santé, d'habitat, de bien-être social, d'éducation et de transferts - apparaît comme un com- posant majeur du lien entre la démocratie et l'ouverture financière. Les contrôles de capitaux en tant qu'instruments de gestion des risques. Les contrôles de capitaux peuvent constituer le fonde- ment d'une autre approche en matière de réduction de la contradiction entre l'intégration des marchés financiers et l'autonomie politique des gouvernements nationaux. L'intérêt de cette approche est de nouveau apparu lors des crises financières de 1997-1999 en Asie et en Amérique latine. Les contrôles, surtout ceux visant les flux à court terme, sont souhaitables pour réduire l'instabilité dans certaines circonstances tel- les que la faiblesse des marchés financiers locaux, un comportement euphorique ou de panique par les investisseurs étrangers et un déséquilibre chronique de la balance des paiements. Tout un arsenal d'interventions politiques permet de gérer les flux des capitaux, notamment à l'aide de mesures fiscales et d'instruments reposant sur les mécanismes du marché tels que les concours de tréso- rerie conditionnelle et l'exigence de réserves (rémunérées ou pas) sur les flux risqués à court terme. L'Argentine et le Mexique imposent un concours de trésorerie conditionnelle et des liquidités rémunérées aux QUALITÉ DE LA CROISSANCE banques, tandis que le Chili a eu recours à l'obligation de constituer des réserves non rémunérées sur les flux risqués de capitaux entrants à court terme entre 1991 et 1998. Les contrôles des capitaux à court terme au Chili suscitent beaucoup d'intérêt, notamment parce qu'ils reposent sur les mécanismes du mar- ché, sont transparents et se prêtent mieux à une suppression graduelle que les contrôles quantitatifs (encadré 5.2). Ces contrôles se révélèrent efficaces dans la modification de la composition de la dette, en réduisant les flux de capitaux entrants à court terme tout en augmentant les flux à long terme et en permettant une plus grande disparité entre les taux d'intérêt domestique et étranger. Les mesures furent contracycliques : elles furent décrétées en 1991 après une entrée importante de flux entre 1988 et 1990 et levées en septembre 1998 lorsqu'il apparut qu'elles n'étaient plus nécessaires dans le cadre des crises financières mondiales. ENCADRÉ 5.2 Chili : ouverture, contrôle des capitaux et protection sociale Depuis le rétablissement de la démocratie en 1990, rémunérée sur certains flux entrants. En même le Chili poursuit une stratégie de croissance équita- temps, le gouvernement supprimait plusieurs con- ble tout en maintenant un cadre politique orienté trôles administratifs sur les flux sortants (y com- vers le marché. Le gouvernement a pris de nom- pris des plafonds aux actifs étrangers détenus par breuses mesures de gestion des risques au sein les banques, les compagnies d'assurance et les d'un système de commerce et d'investissement caisses de retraite), ainsi que l'obligation pour les ouvert. exportateurs de rendre le produit de leurs ventes à Les investissements sociaux du Chili étaient la Banque centrale. L'obligation de constituer une extrêmement faibles à la fin des années 1980 et ne réserve non rémunérée a augmenté la portée pouvaient pas se comparer avec ceux de la junte potentielle des politiques monétaires indépendan- précédemment au pouvoir. tes. Elle a aussi contribué à modifier la composition Toutefois, depuis 1990, le Chili amis en place un des flux entrants qui comportent de plus en plus de système sélectif d'assistance sociale dans des valeurs mobilières à long terme. Cependant, la domaines tels que la santé, l'éducation et le loge- diminution des flux à court terme ne fut que par- ment. Il utilise aussi les transferts de revenu pour tiellement compensée par l'augmentation des flux améliorer les conditions affectant le capital entrants à long terme. L'obligation de constituer humain. Les investissements sociaux augmentè- une réserve ne semble pas avoir affecté le rôle des rent de 75 % entre 1987 et 1994, ce qui contribua taux de change réels : augmenter les taux d'intérêt positivement à la réduction de la pauvreté. à court terme, gênant ainsi l'investissement qu'elle En réponse au développement rapide des flux de a directement contribué à créer. En outre, elle capitaux entrants entre 1988 et 1990, la Banque greva le coût des transactions en imposant une sur- centrale du Chili imposa en 1991 une réserve veillance des banques commerciales. Ferreira et Litchfield (1999) ; Gallego et al. (1999) ; Banque mondiale (199713). Voir aussi Ariyoshi et al. (1999) et Edwards (1999) pour une enquête sur les expériences faites par différents pays en matière de contrôle des capitaux. I LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX Conclusions Les pays désirant intégrer leurs marchés de capitaux se trouvent con- frontés à deux défis. Le premier vise le rythme auquel ils démantèlent les contrôles administratifs exercés sur les flux de capitaux et s'achemi- nent vers une convertibilité des comptes de capitaux. Le second vise les systèmes d'incitation et les réglementations à mettre en place en matière de flux financiers internationaux pour rninimiser les risques et les effets de panique. Les pays doivent disposer de mécanismes adé- quats pour équilibrer les avantages et les risques inhérents à l'intégra- tion financière. Les progrès technologiques et la taille incroyable des marchés financiers accroissent le risque de panique et de crise. Toute- fois, les gouvernements disposent de diverses options pour le réduire sensiblement ce risque. La poursuite de politiques macroéconomiques saines est évidem- ment un premier pas mais ne saurait suffire. Des expériences récentes révèlent en effet que la stabilité macroéconomique ne suffit pas à garan- tir des résultats durables et une croissance soutenable. Une telle crois- sance doit être aussi renforcée par des actions visant la suppression des politiques (entachées de distorsions) encourageant les flux entrants de capitaux étrangers à court terme susceptibles d'accroître la vulnérabi- lité financière. Les réglementations domestiques et la supervision des banques et autres intermédiaires doivent être renforcées et la gestion des sociétés commerciales améliorée. Avec l'instauration de la démocratie dans le monde entier, les mécanismes protégeant les citoyens contre les risques associés à la mobilité des capitaux, par les mécanismes du marché ou des politiques redistributives, sont tout aussi importants pour éviter les pressions poli- tiques visant le contrôle des capitaux. À long terme, la mondialisation des capitaux requiert un cadre institutionnel ouvert pour assurer des comptes transparents et des droits de propriété clairement définis, ainsi que pour permettre la mise en oeuvre d'arrangements, de réglemen- tations et de mécanismes visant à gérer les risques. L'établissement d'un tel cadre garantit que l'ouverture des marchés financiers contribuera intégralement à la stabilité de la croissance et à la réduction de la pau- vreté. Le revirement spectaculaire de la situation économique dans les pays touchés par la crise auquel nous avons assisté ces derniers mois, ainsi que les mesures déjà prises au niveau international pour renforcer l'architecture des marchés financiers internationaux, laissent entrevoir de bonnes perspectives d'une amélioration de la stabilité financière et d'un engagement collectif en faveur d'un système financier libéral inter- national pendant le nouveau millénaire. ANCE Notes 1. De nombreuses études, publiées au cours des dernières années, examinent les causes et les conséquences des crises financières récentes dans les éco- nomies émergentes. Voir Calvo et Mendoza (1996) ; Corsettiet al. (1998) ; Krugman (1998) ; Obstfeld (1996) ; Radelet et Sachs (1998) et Sachse* al. (1996). Sur les causes de l'instabilité des capitaux, voir Dooley (1996), Lopez-Mejia (1999), Montiel (1998), Banque mondiale (19970- 2. D'un point de vue historique, la mondialisation de la finance dans les années 1990 équivaut au niveau atteint pendant l'ère de l'étalon-or (1870- 1914), à la différence près qu'à cette époque, seule une poignée de pays industrialisés était concernée par les mouvements de capitaux (voir Verdier 1998). 3. Le risque subjectif est un concept essentiel dans l'économie avec asymétrie d'information. Il apparaît lorsque les acteurs économiques couverts par une certaine forme d'assurance prennent davantage de risques que ceux qu'ils prennent habituellement (lorsqu'ils ne sont pas couverts). Parmi les exem- ples classiques, citons un chauffeur assuré conduisant avec imprudence ou un banquier assuré octroyant des prêts avec légèreté. 4. Voir également Helleiner (1994) pour un compte-rendu de la manière dont les États-Unis levèrent, en 1974, les restrictions temporaires aux mouve- ments de capitaux imposées au milieu des années 1960. 5. Les marchés ne fournissent une certaine liberté de manoeuvre que si les prê- teurs ont le sentiment que les pays procèdent à des ajustements de nature à corriger les déséquilibres existants et potentiels. Dans le cas contraire, ces mêmes marchés imposeront tôt ou tard une discipline risquant de réduire brutalement le délai imparti aux réajustements (Dailami et al Haque 1998). 6. Voir, par exemple, Diwan (1999), Krongkaew (1999), Levinsohn, Berry et Friedman (1999) et Lustig (1999). 7. Cette combinaison de politiques est qualifiée par Ruggie (1983) de « compromis de libéralisme intégré ». Elle évoque un attachement à un ordre libéral différent à la fois du nationalisme économique des années 1930 et du libéralisme de l'étalon-or. Pour plus de détails, voir Garrett (1998). Sally (1998) qualifia également le libéralisme intégré de « système de pensée hybride ». Voir aussi Dailami (2000). 8. Reflétant la pensée de son époque, Keynes fit succinctement le point sur la question dans son discours célèbre de 1944 devant le Parlement : « Non seu- lement à titre de mesure de transition mais à titre d'arrangement permanent, le plan accorde à tout gouvernement membre le droit explicite de contrôler tous les mouvements de capitaux. Ce qui faisait figure d'hérésie est mainte- nant accepté comme la voix de l'orthodoxie... Il s'ensuit que notre droit de contrôler le marché domestique des capitaux s'appuie sur des bases plus fer- mes que jamais et qu'il est formellement reconnu par des accords internatio- naux concertés » (Gold 1977, p. 11). 9. Cependant, pendant la période des accords de Bretton Woods, on enregistra un équilibre momentané des crises de paiement, des dévaluations monétai- res et des croissances par à-coups. LA GESTION DES RISQUES FINANCIERS GLOBAUX 10. L'idée de la distribution comme assurance repose sur une vieille tradition d'économie du bien-être remontant à Harsanyi (1953), Lemer (1944) et Rawls (1971). 11. Plus récemment, ce thème a été revisité du point de vue de l'économie poli- tique constitutionnelle (voirMueller 1998 et Wessels 1993). 12. S'attachant plus particulièrement à la mondialisation par le commerce, Rodrick (1997b) met également en relief les relations entre la redistribution et l'ouverture économique. 13. Plus précisément, une mesure de la démocratie - selon la littérature récente explorant l'influence de la démocratie sur la croissance économique, le niveau du revenu et les salaires - définit ce régime politique comme un indice composite et exploite les mesures de liberté individuelle et politique de Freedom House, à savoir Démocratie = r,, .. 14 - droits civils--droits-politiques - - -- 14. Cet indice sera défini de 0 à 1, dans lequel 0 indique un niveau nul de démo- cratie et 1 un niveau parfait. Les indices de liberté politique et individuelle émanent du rapport annuel intitulé Comparative Survey ofFreedom que Freedom House publie chaque année depuis 1973. 15. Voir Bryant et Hodgkinson (1989), ainsi que Webb (1994), pour une discus- sion de la coordination politique internationale en termes de macroéconomie et Kapstein (1989) pour des informations sur la coordination internationale des réglementations bancaires. Parmi la littérature volumineuse consacrée à l'amélioration des réglementations et de la supervision, voir Alba et al. (1998), Caprio et Honohan (1999), Claessens et al (1999) et Stiglitz (1993). C H A P I T R E Gouvernance et anticorruption « Tout comme il est impossible de ne pas goûter le miel ou le poison que l'on trouve au bout de sa langue, il est impossible à quiconque gérant des fonds publics de ne pas goûter au moins un peu à la richesse du roi. » -- Kautilya, L'Arthashastra Écrit dans l'Inde ancienne il y a plus de 2 000 ans, l'Arthashastra est une vision détaillée d'une société mêlant des variables socio-économiques, institutionnelles et politiques. Dans la littérature contemporaine, des auteurs aussi prestigieux que Hirschmann, Myrdal, Coase, Stiglitz, North, Oison et Williamson ont largement abordé le thème de l'interac- tion entre les institutions et les variables économiques conventionnel- les. Récemment, l'attention s'est concentrée sur la corruption, d'abord Ce chapitre reprend un certain nombre de travaux réalisés conjointement sur les questions de gouvernance par l'auteur et le personnel de la Banque mondiale (dont Aart Kraay, Sanjay Pradhan, Randi Ryterman et Pablo Zoido), ainsi qu'une étude menée en collaboration avec Joël Hellman et Geraint Jones de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Déve- loppement (BERD) et Luis Moreno Ocampo de Transparency International et avec l'apport précieux de l'équipe Gouvernance du World Bank Institute et du groupe Secteur public de la Banque mondiale. Les données utilisées dans ce chapitre proviennent de plusieurs projets de recherche et d'enquête (ainsi que d'agences de cotation spécialisées) et sont sujettes à une marge d'erreur. Leur but n'est pas de présenter un classement comparatif précis entre les pays, mais d'illustrer les performances de certains gouvernements. Par conséquent, il n'est pas dans l'intention de l'auteur, de la Banque mondiale (ou de son conseil d'administration) de classer les pays. Pour plus de détails sur la « dissociation » empirique entre la gouvernance d'une part et la corruption, les données et les méthodologies d'autre part, voir l'annexe 6 et le site Web http ://www.worldbank.org/wbi/governance. | | QUALITÉ DE LA CROISSANCE avec l'étude de Rose-Ackerman et Klitgaard, en raison notamment de la perception croissante des conséquences terribles de ce fléau sur le développement. Cependant, la plupart des travaux contemporains con sacrée au développement économique sous-estime l'importance de la gouvernance, au sens large du terme, sur la croissance et le dévelop pement. Ces travaux s'abstiennent en effet fréquemment de reconnaître qu'un gouvernement efficace et transparent - opérant dans un cadre favorable aux libertés individuelles et à la saine gestion des affaires publiques - est vital pour générer des gains sociaux et un allégement de la pauvreté durables. Ils présentent également l'inconvénient de ne pas proposer une vue intégrée de la gouvernance et de la corruption. La cor ruption devrait en effet être perçue comme un symptôme des faiblesses fondamentales de l'État et non comme un déterminant fondamental ou isolé des maux de la société. Ce chapitre ne présente pas une approche universelle pour l'étude de la gouvernance et de la corruption. Il dissèque plutôt les notions de gouvernance, de corruption et de détournement des fonctions de l'État et présente certains aspects de la croissance et du développement des nations, afin de favoriser l'élaboration de stratégies d'amélioration de la gouvernance. De nombreuses questions demeurent encore sans réponse, dans la mesure où les leçons des succès et des échecs sont en train d'être tirées. Néanmoins, des progrès ont été enregistrés dans la compréhension de ces questions sur les plans théorique, empirique et pratique. Une partie de ces progrès concerne l'affinage et la « disso ciation » des notions et des mesures de gouvernance et de corruption. Cette dissociation devrait permettre une meilleure compréhension des causes et des conséquences d'une mauvaise gouvernance et la formula tion de suggestions politiques permettant d'améliorer la situation. La gouvernance affecte la qualité de la croissance Des preuves en provenance du monde entier suggèrent qu'un État com pétent et doté d'institutions gouvernementales transparentes est asso cié à une augmentation supérieure du revenu, de la richesse nationale et des réalisations sociales. Un niveau de revenu, d'investissement et de croissance supérieur, ainsi qu'un allongement de l'espérance de vie, se retrouve dans tous les pays aux d'institutions gouvernementales effi caces, honnêtes et fondées sur le mérite, ainsi que d'un cadre réglementaire simple et précis. Dans ces pays, en effet, la primauté du droit est appliquée de manière équitable et les systèmes politique et judiciaire n'ont pas été accaparés par des milieux proches du pouvoir en place, si bien que la société civile et les médias peuvent y faire entendre leur voix, ce qui renforce la responsabilisation du gouvernement. GOUVERNANC L'expérience internationale et historique nous enseigne également qu'un gouvernement compétent et intègre peut aussi apparaître dans un pays n'étant pas encore riche ou totalement modernisé. L'expérience de pays en cours d'industrialisation tels que le Botswana, le Chili, le Costa Rica, l'Estonie, la Pologne et la Slovénie, ainsi que les preuves réunies au cours des vingt dernières années, dans des économies telles que Sin- gapour et l'Espagne, illustrent cette leçon. Les chapitres précédents faisaient ressortir le besoin de politiques, de réglementations et de ressources publiques favorisant un développe ment orienté vers le marché et l'atténuation des impacts négatifs des externalités et des dysfonctionnements du marché. Tout en mettant l'accent sur la pauvreté et la distribution du revenu, ils examinaient les facteurs ayant un impact négatif sur le capital humain et l'environne ment. L'un des rôles majeurs de l'État tient à ce qu'il offre des services et des biens publics indispensables à l'obtention d'une croissance dura ble et donc à la réduction de la pauvreté. Les gouvernements doivent aussi mettre en place des structures de formulation de politiques effica ces, des politiques favorables au marché et des cadres efficaces et sim ples, ainsi qu'éliminer les réglementations superflues frappant les entreprises, telles que les contrôles de prix, les restrictions commercia les, l'octroi de permis et le harcèlement bureaucratique. Il arrive fréquemment que les gouvernements n'accordent pas assez d'attention aux réglementations visant le travail des enfants, la sécurité des travailleurs, les monopoles d'infrastructure, la supervision du sec teur financier et l'environnement. De plus, nombreux sont les pays où le volume, la composition et la distribution des dépenses publiques et des investissements profitent aux nantis, ce qui entraîne un sous-investisse ment dans le capital humain et des résultats nuisibles aux pauvres. Ces élites procèdent aussi fort souvent à un détournement anticoncurrentiel à leur profit des mesures juridiques, réglementaires et politiques. L'étude de la gouvernance et de la mise en place d'institutions inadéqua tes est essentielle à la compréhension de ces résultats. Un processus politique détermine les politiques publiques et la répartition des avantages et des dépenses publiques. Son succès dépend d'un gouvernement responsable, de la participation de la com munauté à ce processus et de la possibilité offerte aux individus et aux entreprises compétitives de faire entendre leur voix. L'adoption et l'usage efficaces des politiques et des budgets requièrent une bonne gouvernance. Les entreprises doivent fonctionner dans le cadre d'un système juridique et contractuel qui protège les droits de propriété, facilite les transactions, décourage les tentatives de certaines entrepri ses privilégiées de détourner l'État à leur profit, laisse à la libre concur rence le soin de déterminer les prix et les salaires et autorise l'arrivée de nouvelles sociétés sur le marché. Le secteur public peut largement con- ANCE tribuer à l'abaissement des coûts de transaction des exploitations agri coles et des sociétés commerciales en mettant à leur disposition des informations et des institutions, ainsi qu'en combattant la mauvaise gou vernance et la corruption. Définition et dissociation de la corruption et de la gouvernance La corruption est couramment définie comme l'abus d'une fonction publique en vue d'en retirer un gain personnel. Malgré les débats sur les activités entrant dans le cadre de la corruption et la nécessité d'éliminer ce fléau, les cas étalés tous les jours dans la presse et les conversations permettent de circonscrire la question des éléments constitutifs de la corruption. La gouvernance, en revanche, est un concept beaucoup plus large. Nous la définissons comme l'exercice de l'autorité, par le biais de traditions et d'institutions formelles ou informelles, pour le bien com mun. La gouvernance englobe le processus de sélection, de supervision et de remplacement des gouvernements. Elle inclut aussi la capacité de formuler et de mettre en oeuvre des politiques sérieuses et le respect des citoyens et de l'État pour les institutions régissant les interactions économiques et sociales entre eux. Sur la base de cette définition, il est possible de diviser la gouver nance en six composants principaux autour de trois grandes catégo ries : (a) l'expression et la responsabilisation qui inclut les libertés individuelles, la liberté de la presse et la stabilité politique ; (b) l'effi- cacité du gouvernement qui inclut la qualité des processus d'élabora tion des politiques et de leur application par les services publics et l'absence de toute tracasserie administrative ; et enfin (c) la pri- mauté du droit qui inclut la protection des droits de propriété et l'indé pendance du pouvoir judiciaire, ainsi que le contrôle de la corruption (Kaufmann et al. 1999a, b). Par conséquent, dans le cadre de cette dissociation de la gouver nance, la corruption n'est que l'un de ses six éléments constitutifs étroi tement imbriqués. La gouvernance affecte le bien-être social et la qualité de vie par le biais de canaux directs et indirects complexes que nous ne comprenons pas parfaitement. Un progrès dans l'un de ces élé ments, telles que les libertés civiles, améliore directement la qualité de vie du peuple d'un pays, même lorsque les autres facteurs socio- économiques demeurent en l'état. La gouvernance peut donc constituer un des intrants directs du bien-être de la population. Cependant, des effets indirects importants entrent aussi enjeu. Par exemple, la mauvaise gouvernance peut affecter le taux de croissance du revenu et du capital humain et accélérer l'épuisement des ressources naturelles, souvent par le biais de l'action de groupes d'intérêt et de l'élite. En outre, les États mal gouvernés tendent à adopter un jeu de politiques économiques et institutionnelles qui affaiblissent la producti- GOUVERNANC vite des facteurs, la croissance et la réduction de la pauvreté. Par con séquent, étant le seul à pouvoir activer certains mécanismes complexes directs et indirects, un gouvernement efficace et propre se révèle indis pensable pour mettre en oeuvre et soutenir des politiques économiques et institutionnelles sérieuses, ainsi que pour promouvoir le développe ment du capital humain et la baisse de la pauvreté. Des mesures de gouvernance empiriques De récentes études empiriques soulignent l'importance des institutions et de la gouvernance pour les résultats du développement. Knack et Keefer (1997) ont établi que l'environnement institutionnel de l'activité économique détermine, dans une large mesure, la capacité des pays pauvres à converger vers les normes des pays industrialisés. La Porta et al. (1999), quant à eux, ont étudié les déterminants de la qualité des gouvernements et constaté, notamment, l'importance des régimes juri diques, ainsi que d'autres facteurs historiques. La définition de la gouvernance, telle qu'elle est présentée dans la section précédente, est suffisamment large pour que toute une gamme d'indicateurs puisse éclairer ses différents aspects. C'est en appliquant une définition aussi étendue que Kaufmann et al. ont analysé des cen taines d'indicateurs en provenance de divers pays et de différents orga nismes, y compris des agences commerciales de cotation des risques, des organisations multilatérales, des groupes de réflexion et autres organisations non-gouvernementales (ONG). Ils se fondent sur des enquêtes réalisées auprès de spécialistes, de sociétés ou de simples citoyens et couvrent toute une série de sujets : perception de la stabilité politique et du climat des affaires, avis sur l'efficacité des services publics, opinions sur le respect de la primauté du droit et rapports sur l'incidence de la corruptionl (voir l'annexe 6 pour une description de la méthodologie employée par Kaufmann et al ) Des réactions sceptiques ne manquent pas de se faire jour concer nant la pléthore de données relatives à la gouvernance. Sont-elles informatives ? Que peut réellement savoir un analyste de Wall Street de la corruption en Azerbaïdjan, au Cameroun, en Moldavie, au Myanmar ou au Niger ? Ces données sont-elles cohérentes ? Les notes accordées par les entreprises en matière de pressions exercées par les fonctionnai res et de délai de dédouanement nous enseignent-elles quelque chose à propos de l'efficacité du gouvernement en général ou servent-elles à mesurer des facteurs totalement différents ? Les données sont-elles comparables ? Un score de 3 (sur 4) dans une économie en transition peut-il se comparer à un score de 7 (sur 10) dans un pays d'Asie ? En dehors de l'application de ces critères, les données peuvent-elles servir à une analyse économétrique rigoureuse de la corruption ou à la formu lation de suggestions politiques ? ANCE Ces questions, traitées en détail dans les deux références et dans l'annexe 6, motivent la stratégie empirique adoptée en matière de mesure de la gouvernance : les données sont réparties entre les six com posants susmentionnés, mais exprimées dans des unités communes. Les données sont informatives, à l'intérieur de limites mesurables, mais l'imprécision des estimations requiert certaines précautions dans leur présentation et leur utilisation dans le cadre de la formulation de sug gestions politiques. Ces six indicateurs globaux et distincts de la gouver nance sont ensuite développés, ce qui permet de structurer quelque peu les variables disponibles et d'améliorer la fiabilité du composant de gou vernance mesuré (qui devient alors nettement plus précis que n'importe quelle mesure de gouvernance isolée). Pour illustrer notre propos, nous allons examiner d'abord les mesu res de l'un des six composants de la gouvernance : la primauté du droit. Dans la figure 6.1, les barres verticales décrivent les intervalles de con fiance spécifiques à chaque pays pour les niveaux de gouvernance (« estimation ponctuelle »). Les intervalles de confiance (lignes vertica les) reflètent la divergence ou marge d'erreur (entre les sources indivi duelles originales fournies par les diverses organisations externes) relative à la primauté du droit2. Les différences entre plus de cent soixante pays sont considérables pour la primauté du droit tout comme pour les cinq autres mesures. Les pays sont classés le long de l'axe horizontal d'après leur rang (certes imprécis) tandis que l'axe vertical indique la gouvernance estimée de chaque pays. Les marges d'erreur d'un pays spécifique, représentées par chaque ligne verticale fine, peuvent être considérables. C'est pour quoi, il ne serait pas pertinent de faire participer les pays à une « course de chevaux » mondiale afin d'établir leur classement pour divers indica teurs de gouvernance. L'approche adoptée ci-dessous - qui regroupe les pays en trois grandes catégories à l'issue d'un tri comparable à celui de feux tricolores pour chaque dimension de la gouvernance - est donc plus appropriée et se justifie davantage sur le plan statistique : · Feu rouge : Les pays de cette catégorie peuvent être considérés comme en crise de gouvernance en ce qui concerne ce composant spécifique. En fait, malgré les marges d'erreur des données dispo nibles, environ trente à quarante pays affichent une probabilité extrêmement élevée de crise à l'issue d'une évaluation de la pri mauté du droit (comme d'ailleurs des autres mesures de gouver nance) . · Feu orange : Pays vulnérables ou risquant de sombrer dans une crise de gouvernance pour un composant spécifique. · Feu vert : Pays à bonne gouvernance et ne risquant pas de som brer dans une crise. Figure 6.1 Qualité de l'indicateur de primauté dudroit: présentation selon l'approche feux tricolores» « Primauté du droit _ Feu rouge --~":~.----- Feu orange - - ---" ~.------ Feu vert ". Norvége··: : Forte _~l~ Botswana: ~ ,1 1 :: . Philippines Papouasie Nouvelle-Guinée :, Il iIl I ~. : , :~:: :' 'l~i'W l :i : 1 : : : Hongrie 1 Potogne '~ j~i ~l!ljl~~Il Hait; 1 Grèce .' i: .:' l 1 Faible i~, t Il 11111111111 Il 11 ' 11 1: 1 1 :, l' 1 Sénégal 1 :... Myanmar 1! l' ,Il Bélarus Guatemala: Turkménistan .: ·····Irak Faible primauté du droit 166 pays Forte primauté du droit Remarques : Cette figure regroupe des estimations de laqualité durespect delaprimauté dudroitdans cent soixante-sixpays surlabase dedonnées remontant à 1997- 1998. Les payssélectionnésnesont indiqués qu'àtitred'illustration. Les barres verticales illustrent l'ampleur probable de l'indicateur de gouvernance pourchaque pays, tandis que les points placés enleurmilieu déterminent lavaleur laplus probable. L'importancedecette ampleur varie selon le volume des informations disponibles pour chaque pays etde laconvergence des diverses sourcessurlaquestion de lacorruption. Les pays dotés debarres verticales pleines (dans lazone dufeu rouge) oude barres verticales vertes foncées (dans lazone dufeu vert) sontceux pourlesquels l'indicateur de gouvernance eststatistiquement significatifsoitdans letiers inférieur (feu rouge), soitdans letiers supérieur (feu vert) detous les pays. Lespays dotés debarres verticales vertes claires (dans lazone dufeu orange) ne serattachent àaucun des deux -- groupes précédents. Les positions relatives des payssontsujettesàdes marges d'erreur importantes etreflètent les perceptions de divers organismes publics etprivés dans lemonde. C'estpourquoi, aucun classementprécis ne saurait être établi. Leclassement des pays nereprésente enaucune manière laposition officielle de laBanque mondiale. Sources: Kaulmann etal.(1999a.b). Pour plusdedétails, y compris l'ensemble dedonnéesetlaméthodologie globaux, voir lesiteWeb hNp :llwww.worldbank.orglwbilgovernance. Pour une symn èse, voir Kaulmann etal(2000) sur hllp:llwww. iml.orgl landd ANCE En se départissant du faux sentiment de précision inhérent aux indi ces classant les pays sur le plan international (et qui sont sujets à des marges d'erreur considérables), cette approche alternative, fondée sur la répartition en grandes catégories, peut signaler les pays susceptibles de tomber dans les groupes Feu orange ou Feu rouge. Concernant un autre composant de la gouvernance, en l'occurrence la mesure du con trôle de la corruption (également sur la base de données datant de la fin des années 1990), nous présentons une sélection de pays selon la même approche de feux tricolores dans la figure 6.2. Les effets de la gouvernance Les données des divers pays indiquent une corrélation simple et signifi cative entre la gouvernance et les résultats socioéconomiques. Pour explorer l'effet de la gouvernance sur les variables socioéconomiques, nous avons évalué une régression des moindres carrés à deux niveaux d'une variable spécifique (par exemple, le revenu par tête) sur une constante et sur le composant de la gouvernance, à l'aide d'indicateurs historiques comme instruments (suivant en cela l'approche adoptée par Hall et Jones 1999). Dans le cadre de cette approche, les questions rela tives aux erreurs de mesure et aux variables omises furent également abordées (voir Kaufmann et al. 1999b pour plus de détails). Les preuves contestent l'idée répandue selon laquelle seuls les pays riches peuvent s'offrir le luxe d'une bonne gouvernance. L'analyse empirique suggère un effet direct important allant d'une meilleure gouvernance à de meilleurs résultats de développement. Con sidérons une amélioration (d'un écart-type) de la primauté du droit dans la Fédération de Russie depuis le faible niveau où elle se situe aujourd'hui jusqu'au niveau moyen de la République Tchèque ou une réduction de la corruption de cette même Fédération d'un niveau ana logue à l'Indonésie (qui est le sien actuellement) au niveau de la Corée. Dans ce cadre, ladite amélioration/réduction augmente le revenu par tête de 200 à 400 %, réduit la mortalité infantile dans la même propor tion et accroît le taux d'alphabétisation de 15 à 25 points à long terme. Encore convient-il de rappeler que les différences de gouvernance entre ces deux paires de pays ne sont pas très importantes. Des améliorations beaucoup plus substantielles dans l'efficacité des gouvernements entre les niveaux du Tadjikistan (dans le groupe Feu rouge) et du Chili (dans le groupe Feu vert) doubleraient quasiment les impacts du développe ment que nous venons de mentionner. Les relations entre les résultats du développement et les quatre mesures de gouvernance sont illustrées dans la figure 6.3. La hauteur des barres verticales révèle les différences dans les résultats du déve loppement au sein des pays caractérisés respectivement par une gou vernance médiocre, moyenne et bonne et illustre la corrélation Figure 6.2 Contrôlede lacorruption: présentation selon l'approche « feux tricolores » Contrôle de la corruption __ Feurouge _ ,. - - - - - - Feu orange Étroit Pays·Bas :, Danemar k Thaïlande Venezuela RB Chili :..Costa Rica Philippines El Salvador Relâché Cl o , :.... Azerbaidj an : ...Cameroun :....Tadjikistan Contrôle relâché de la corruption 155 pays Contrôle étroit de la corruption Remarques : Cettefigureregroupe des estimationsducontrôledelacorruption dans cent cinquante-cinqpayssurlabasededonnées remontantà t997-1998, Les pays sélectionnés nesont indiqués qu'àtitred'illustration, Les barresverticalesmesurent l'ampleurprobablede l'indicateurdegouvernance pour chaquepays, tandis que les points placés en leur milieudéterminentla valeur la plusprobable. L'importancedecetteampleur varieselon levolume des informationsdisponibles pour chaque pays et delaconvergence des diversessources sur laquestiondelacorruption. Lespaysprésentant desbarresverticalespleines (danslazonedufeu rouge) oudebarres verticales vertes foncées (dans lazonedu feu vert)sont ceux pour lesquels l'indicateurdegouvernanceest statistiquement significatif soit dans letiers inférieur (feu rouge)soit dans letiers supérieur (feu vert) detous les pays. Les pays caractérisés par des barres verticalesvertes claires (danslazone du feuorange) neserattachent àaucundes deux groupesprécédents. Lespositionsrelatives despayssontsujettesàdesmargesd'erreur importantes etreflètent lesperceptions de diversorganismes publicsetprivésdans lemonde.C'estpourquoi, aucunclassementprécisnesaurait êtreétabli. Leclassement des paysnereprésenteenaucunemanièrelapositionofficielledelaBanquemondiale. Sources : Kaulmannetal.(1999a,b). Pour plus de détails sur l'ensemblededonnées global, voir Kaulmannetal (2000), lesile Web http ://wwwimf,org/ fandd/2000/06/Kauf.htm etlesite Web http://www,worldbank,org/wbi/govemance, QUALITÉ DE LA CROISSANCE Mortalité infantile (en milliers de décès) Revenu par tête (en dollars) 12.000 10.000 8.000 6.000 - 4.000 - 2.000 Relâché Médiocre Etroi Élevé Moyen Faible Contrôle de la corruption Poids de la réglementation Taux d'alphabétisation (en pourcentage) Espérance de vie (en années) 100 - 80 60 - 40 - 20 Faible Moyen Forte Faible Moyenne Élevée Primauté du droit Liberté d'expression et responsabilisation Remarques : La hauteur des barres verticales révèle les différences dans les résultats du développement dans les pays prés respectivement une gouvernance médiocre, moyenne et bonne. Les lignes continues symbolisent l'effet estimé de la gouvern les résultats du développement. Voir la note 3 à la fin du chapitre et le tableau A6.1 dans l'annexe 6 pour plus de détails sur le économétriques (tels qu'ils sont synthétisés au moyen des lignes continues). Sources : Kaufmann et al. (1999b, 2000) ; site Web http ://www.imf.org/fandd. Figure 6.3 importante entre de bons résultats et une bonne gouvernance. Après la Dividendes au niveau neutralisation de la causalité inverse et des effets d'autres facteurs (non du développement liés à la gouvernance) sur le développement, les lignes continues d'une bonne gouvernance représentent l'impact estimé de la gouvernance sur les résultats du jEl GOUVERNANC développement : les « dividendes au niveau du développement » d'une amélioration de la gouvernance3. Les indicateurs composites de gouvernance, fondés sur plusieurs sources extérieures de données, attirent efficacement l'attention sur les questions relatives à la gestion des affaires publiques. Ils sont également indispensables dans le cadre de recherches comparées sur les causes et les conséquences d'une mauvaise gouvernance. Par exemple, ce grand ensemble de données brise le mythe selon lequel les grands pays seraient plus sujet à la corruption (un concept statistique résultant de tests portant sur un faible nombre de pays). Cependant, ces nouveaux indicateurs de gouvernance ne constituent qu'un premier banc d'essai rudimentaire permettant de classer les pays dans le domaine de la gouvernance mais pas d'orienter des actions cor- rectives précises. Pour que ces indicateurs composites deviennent plus spécifiques et utiles concernant un pays, il convient d'en savoir bien davantage sur la manière dont les perceptions et les données de la mauvaise gouvernance se reflètent dans les échecs des politiques et des institutions mises en place. Il est nécessaire de disposer d'outils permet tant de diagnostiquer en profondeur l'état de la gouvernance d'un pays si l'on désire générer des données et des informations pouvant suggérer des réformes utiles. C'est pourquoi, le reste du chapitre s'efforce de répondre aux questions suivantes : Comment la corruption et la mau vaise gouvernance sapent-elles le développement ? Quelles sont les causes sous-jacentes de la corruption ? Quelles considérations peut-on déduire de la dissociation de la corruption en plusieurs composants distincts ? Quels sont les outils diagnostiques et les approches straté giques les plus appropriées pour tout pays désirant progresser dans la voie d'une bonne gouvernance ? La corruption sape la croissance et le développement De nombreuses études révèlent l'effet pernicieux de la corruption sur le développement. Mauro (1997) a montré que la corruption ralentit le taux de croissance des pays. Il a notamment établi que si le Bangladesh avait ramené son niveau de corruption à celui de Singapour tout en par venant à maintenir un taux de croissance annuel de 4 %, son PIB annuel moyen par tête entre 1960 et 1985 aurait été supérieur de 1,8 % (soit un gain potentiel de 50 %). Voici quelques exemples de la manière dont la corruption peut affec ter la croissance économique : · Mauvaise utilisation des talents (Murphy et al. 1991), y compris la sous-utilisation de segments importants de la société (tels que les femmes). ANCE · Abaissement du niveau des investissements domestiques et étran gers (Mauro 1997 ; Wei 1997). · Développement faussé des entreprises et apparition d'une écono mie non officielle/parallèle/souterraine (Johnson et al. 1998). · Distorsion des dépenses et des investissements publics et dété rioration de l'infrastructure physique (Tanzi et Davoodi 1997). · Diminution des recettes publiques et atteintes à la primauté du droit en tant que bien public (Johnson et al. 1997). · Centralisme abusif (Fisman et Gatti 2000). · Accaparement de l'État par certaines sociétés privilégiées qui « achètent » les lois et la police, sapant ainsi la croissance de la production et les investissements du secteur privé (Hellman et ai. 2000a ; voir l'annexe 6 pour plus de détails). L ' abaissement du niveau des investissements Des preuves émanant d'une bonne partie des pays étudiés suggèrent que la corruption réduit sensiblement les investissements domestiques et étrangers. Si les Philippines parvenaient à aligner leur niveau de cor ruption sur celui de Singapour (soit une diminution sensible), elles pourraient augmenter leur ratio Investissement / PIB de 6,6 % (Mauro 1997). Après avoir examiné les IED (investissements étrangers directs) bilatéraux du début des années 1990 de quatorze pays sources vers qua rante et un pays hôtes, Wei (1997) a démontré que la corruption décourage l'investissement. L'abaissement de la corruption au niveau (faible) de celui observé à Singapour aurait le même effet sur l'investis sement étranger, dans un pays corrompu, qu'une réduction de l'impôt sur les sociétés de plus de 20 %. Nombreux sont les pays touchés par la corruption qui proposent également des mesures d'allégement fiscal afin d'attirer les multinationales. En contrôlant leur corruption, ils pour raient attirer autant d'investisseurs étrangers sans devoir consentir de telles incitations fiscales. La mauvaise affectation des dépenses publiques Certains pionniers de l'étude de l'économie de la corruption ont mis en relief les effets de ce fléau sur l'affectation des fonds publics (Klitgaard 1988 ; Rose-Ackerman 1989). Tanzi et Davoodi (1997) estiment que la corruption accroît les investissements publics, dans la mesure où ceux-ci constituent autant de possibilités de manipulation par de hauts fonction naires véreux. La corruption fausse également la composition des dépen ses publiques en les détournant des postes associés aux fonctionnements et à l'entretien au profit de nouvelles acquisitions de matériel, réduisant ainsi la productivité des investissements publics, surtout dans le domaine des infrastructures. Dans un régime corrompu, les fonctionnaires boudent les programmes de santé, car ils offrent moins de rentes de situation. La GOUVERNANC corruption peut aussi réduire les recettes fiscales dans la mesure où elle diminue la capacité du gouvernement à recouvrer les impôts et les taxes. Se fondant sur les constatations de Tanzi et Davoodi, Wei (1997) a montré qu'un accroissement de la corruption dans une proportion égale à la différence de niveau entre celle de Singapour et du Pakistan, aug menterait le ratio Dépenses publiques / PIB de 1,6 % tout en réduisant le ratio Recettes / PIB de 10 %. En outre, une augmentation de la cor ruption réduirait la qualité des routes et augmenterait l'incidence des pannes d'électricité, des interruptions des réseaux de télécommunica tion et des fuites d'eau. Johnson et al. (1998) ont également montré que la corruption réduit les recettes fiscales, surtout parce qu'elle favorise la croissance d'une économie non officielle (parallèle). Pressurées par les tracasseries administratives et autres pratiques inhérentes aux rentes de situation de l'économie officielle, les entreprises se tournent vers l'économie parallèle et paient moins d'impôts. Une telle diminution des recettes fis cales entraîne à son tour un appauvrissement des biens publics impor tants, tels que la primauté du droit, et favorise encore plus l'économie parallèle au détriment des finances publiques. L'impact sur les pauvres Lorsque la corruption prévaut, la croissance s'enlise ce qui entraîne des effets considérables sur la pauvreté. En outre, les pauvres n'ont plus alors qu'un accès réduit aux services sociaux tels que la santé et l'édu cation. La corruption fausse les investissements d'infrastructure au détriment des projets d'aide aux pauvres et compromet le recours aux méthodes faisant appel aux petites entreprises pour lutter contre la pauvreté. Et, ce qui est pire encore, les régimes corrompus préfèrent passer des contrats de défense plutôt que construire des dispensaires et des écoles ruraux : une politique qui fausse la distribution du revenu et détourne des ressources de la campagne vers les villes. Gupta et al. (1998) ont montré que la corruption accroît l'inégalité et la pauvreté par des mécanismes tels que la baisse de la croissance, des impôts dégressifs, une désignation moins efficace des objectifs des programmes sociaux, un accès inégal à l'éducation, des politiques favo risant la répartition inique des actifs, une baisse des dépenses sociales et une augmentation des risques pesant sur les investissements consen tis par les pauvres. Comme le suggère la figure 6.3, Kaufmann et al (1999b) ont également prouvé que la corruption accroît la mortalité infantile et réduit l'espérance de vie ainsi que le taux d'alphabétisation. De plus, l'analyse de l'indice de la pauvreté élaboré par le PNUD suggère qu'il est négativement associé aux divers indices de gouvernance et de corruption, même après la neutralisation du PIB par tête. Les méca nismes par lesquels la gouvernance affecte la pauvreté sont variés, com- QUALITÉ DE LA CROISSANCE Causas « immédiates » de pauvreté Manière dont la corruption affecte les causes "Immédiates » de pauvreté Abaissement de l'investissement et de la croissance Politiques économiques/institutionnelles peu sérieuses en raison de la pression exercée par certains groupes d'intérêt Affectation faussée des dépenses/investissements publics Faible accumulation du capital humain Détournement des lois et des politiques par certaines sociétés privilégiées Non-respect de la primauté du droit et des droits de propriété Mauvaise gouvernance créant des obstacles au développement du secteur privé Diminution de la part des bienfaits de la croissance Détournement par une élite des politiques gouvernementales et des allocations de ressources revenant aux pauvres Dégressivité de - l'impOt » pot-de-vin pour les petites entreprises et les pauvres Dégressivité des dépenses publiques et des investissements Distribution inégale des revenus Accès réduit aux services publics Corruption équivalant à un impôt dégressif et affectant à la fois l'accès et la qualité des services élémentaires en matière de santé, d'éducation et de justice Capture par les élites de l'accès à certains services Pénurie de services de santé et d'éducation Faible accumulation du capital humain Baisse de la qualité de l'éducation et des soins de santé Source : Auteur. Tableau 6.1 plexes et encore loin d'être totalement compris. La matrice du tableau 6.1 répertorie une partie des effets complexes que la corruption Matrice de synthèse : corruption et pauvreté produit, au moyen de divers mécanismes, sur la pauvreté. Les analyses par pays utilisant de nouveaux outils de diagnostic de la gouvernance établissent une analogie entre la corruption et un impôt dégressif. Par exemple, les ménages pauvres en Equateur doivent Figure 6.4 dépenser trois fois plus d'argent en pots-de-vin, étant donné leur Dégressivité de la revenu, que les ménages riches pour accéder aux services publics corruption : résultats (figure 6.4). De même, diverses enquêtes diagnostiques visant la fonc d'enquêtes diagnostiques tion publique latino-américaine à la fin des années 1990 ont permis Part du coût de la corruption dans le Part du coût de la corruption dans le revenu produit financier total (en pourcentage) des ménages (en pourcentage) 6 - t t V T T T Micro PME Grande Faible Moyenne Forte Taille de l'entreprise Revenu du ménage Remarque : Les estimations sont sujettes à une marge d'erreur. Source : Banque mondiale (2000e). ^a GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION Accessibilité des services publics aux pauvres Accessibilité des services publics aux pauvres (en pourcentage) (en pourcentage) 100 100 -, r = -0,41 r = 0,58 80 80 60 60 40 - 40 20 1 1 1 20 20 40 60 80 100 20 40 60 80 100 Étendue de la corruption dans l'Administration Indice de la méritocratie dans l'Administration centrale (en pourcentage) communale (en pourcentage) Accessibilité des services publics aux pauvres Accessibilité des services publics aux pauvres (en pourcentage) (en pourcentage) 100 -, r = -0,72 100 r = 0,85 80 - 80 - 60 60 40 40 - 20 I T~ ~T 20 I I 1 1 20 40 60 80 100 20 40 60 80 100 Indice de la méritocratie dans l'Administration Indice de la méritocratie dans l'Administration communale (en pourcentage) communale (en pourcentage) Remarques : Chaque observation décrite (point) représente une Administration centrale ou une municipalité dans le pays p la base de l'enquête sur la gouvernance menée auprès des fonctionnaires, « l'impact sur la réduction de la pauvreté » rep pourcentage des cas dans lesquels les services publics fournis contribuent à réduire effectivement la pauvreté et « l'acces pauvres » représente le pourcentage des cas dans lesquels les services publics fournis sont accessibles aux pauvres, se déclarations des fonctionnaires interrogés dans le cadre de l'enquête diagnostique. Source : Banque mondiale (2000e). Figure 6.5 d'établir que l'Administration de ces pays était gangrenée par la corrup Corruption et absence de tion et que l'avancement au mérite demeurait l'exception : une situation méritocratie dans la fonction publique, accès restreint des pénalisant essentiellement les pauvres - en limitant leur accès aux ser pauvres aux services vices élémentaires et en vouant d'avance à l'échec toute politique visant publics : résultats d'enquêtes à réduire la pauvreté - à la différence de ce qui se passe dans les pays diagnostiques menées dont l'Administration est plus honnête et plus compétente (figure 6.5). auprès de fonctionnaires lyj ANCE L'impact de la corruption sur le commerce et l'influence des entreprises sur la gouvernance du pays Un argument courant consiste à avancer que les pots-de-vin visant à cir convenir des contrôles gouvernementaux inappropriés jouent en fait le rôle d'une dérégulation officieuse et peuvent même avoir des effets positifs, tels que la promotion du développement des entreprises (Hun- tington 1968 ; Leff 1964 ; Liu 1985). Cette opinion assimilant la corrup tion à une lubrification des rouages du commerce peut, à la limite, se défendre sur le plan théorique lorsque des réglementations inadéquates sont adoptées indépendamment du comportement des fonctionnaires. Pourtant, dans la réalité, les fonctionnaires jouissent souvent d'un pou voir discrétionnaire quant à l'ampleur et à la nature des règlements et des tracasseries qu'ils peuvent infliger à des entreprises spécifiques. Les percepteurs peuvent gonfler le revenu imposable (Hindriks et al. 1999) et les inspecteurs de la lutte contre l'incendie décider du nombre de visi tes effectuées dans la même entreprise pour constater les « violations » des consignes de sécurité. Se fondant sur des données émanant de deux enquêtes indépendantes touchant plus de 6 000 entreprises dans soixante-quinze pays, Kaufmann et Wei (1999) ont montré que les entreprises versant beaucoup de pots-de-vin gaspillent plus de temps avec les bureaucrates que celles qui n'en versent pas. Ainsi, les preuves empiriques suggèrent qu'une entreprise versant des pots-de-vin administratifs (par exemple pour obtenir des autorisations ou mettre fin à certaines tracasseries) n'en tire pas forcément un profit, pas plus d'ailleurs que le monde des affaires ou la société en général. Les don nées relatives aux recherches sur le coût de la corruption pour le déve loppement global du commerce sont en augmentation. Par exemple, Fisman et Svensson (1999) ont trouvé qu'en Ouganda, la corruption administrative réduisait la propension des entreprises à investir et à croî tre, tandis que Hellman et al. (2000a) ont établi que dans ces économies en transition, caractérisées par une « grande » corruption, la croissance et le taux d'investissement des entreprises sont nettement plus faibles, tandis que la sécurité des droits de propriété est compromise. La corruption n'entrave pas uniquement le développement des entreprises dynamiques mais affecte aussi les sociétés plus modestes et en particulier les nouveaux arrivants. Ces acteurs économiques tendent à supporter l'essentiel du fardeau de « l'impôt » corruption, comme le démontre une récente analyse portant sur 3 000 entreprises d'écono mies en transition4. Par conséquent, les entreprises plus petites sont prêtes à payer beaucoup plus d'impôts que les grandes firmes, afin que les pots-de-vin qu'on leur extorque soient réduits. Cette recherche sur les économies en transition donne également un aperçu du lien entre l'influence politique, la grande corruption (et plus GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION Croissance en pourcentage Croissance en pourcentage 20 30 15 20 A IL 10 10 Croissance Croissance Croissance Croissance des ventes des investissements des ventes des investissements Entreprises versant beaucoup de pots-de-vin Entreprises pratiquant le détournement I ] Entreprises versant peu de pots-de-vin Entreprises ne pratiquant pas le détournement Source : Hellman étal. (2000a). Pour plus de détails, voir l'annexe 6 et le site Webhttp ://www. worldbank.org/wbi/governance. spécialement l'accaparement de l'État) et les performances des entre Figure 6.6 prises. Dans un certain nombre de pays de l'ex-Union soviétique, « Versement de pots-de-vin l'enquête révèle que les entreprises (dont beaucoup sont financées par à de petits fonctionnaires » des IED) ayant acheté des lois, des décrets présidentiels et de contre détournement des l'influence au sein des banques centrales engrangent à court terme les fonctions de l'État : bénéfices de ces actions (en termes de produit financier et de niveau la corruption profite-t-elle d'investissement). Pourtant, comme nous l'avons déjà déclaré précé à l'entreprise ? demment, ces mêmes actions font peser sur le développement du reste du secteur privé un coût indirect important. Ces constatations prouvent que si des entreprises spécifiques accaparant l'État en leur faveur peu vent en retirer un profit au niveau privé (ce qui n'est pas le cas lorsqu'elles versent des pots-de-vin administratifs, voir la figure 6.6), cette forme de grande corruption impose un coût social particuliè rement pernicieux au développement des entreprises en général (voir l'annexe 6 pour plus de détails sur la décomposition des mesures de la corruption en accaparement de l'État, dessous-de-table dans le cadre de marchés publics et corruption administrative). Les causes de la corruption Les études empiriques portant sur les causes de la corruption sont rela tivement récentes. Pourtant, les preuves s'accumulent sur l'importance de certains déterminants. Les résultats de recherches disponibles cor- MM QUALITÉ DE LA CROISSANCE Les libertés individuelles et une presse libre peuvent favoriser le contrôle de la corruption Corruption Contrôle de la corruption Élevée ~~ Corrélation :-0,67 Étroit ~1 Corrélation : 0,66 . . * . &.V Faible "i r "1 1 Relâché 1 r Faibles Étendues Surveillée Libre Libertés individuelles Liberté de la presse Source : Kaufmann (1998). Figure 6.7 roborent la thèse voyant dans la corruption un symptôme de profondes Corruption et droits civils faiblesses institutionnelles. L'absence de droits politiques et de libertés civiles Les droits politiques (qui incluent des élections démocratiques, une législature et des partis d'opposition) et les libertés individuelles (qui incluent la liberté de la presse, de réunion et d'expression) sont néga tivement corrélés avec la corruption. La figure 6.7 laisse apparaître un lien étroit entre les libertés individuelles et la liberté de la presse d'une part et la corruption d'autre part. Des preuves de plus en plus nombreu ses indiquent la capacité de la société civile à lutter efficacement contre la corruption (figure 6.7). En outre, les enquêtes portant sur les entre prises des économies en transition suggèrent que le détournement des politiques et des lois de l'État au profit d'intérêts commerciaux privés est associé à une insuffisance en matière de libertés individuelles (Hell- man et al. 2000a). Les preuves empiriques en provenance du monde entier suggèrent également que l'insertion des femmes, qu'elle soit mesurée en termes de représentation parlementaire ou de droits sociaux, contribue à renforcer cette capacité (Kaufmann 1998). Les mesures de transfert des responsabilités, telles que la décentralisation fiscale (Collier 1999 ; Fisman et Gatti 2000), peuvent aussi favoriser le contrôle de la corruption lorsque les circonstances s'y prêtent. En outre, les preuves indiquent une corrélation significative entre la corruption et la primauté du droit. ^9 GOUVERNANC Les finances publiques et la réglementation La corruption est plus forte dans les pays où le secteur public est déve loppé et où l'on trouve pléthore de réglementations, d'impôts et de res trictions commerciales. Les économies monopolistiques favorisent, elles aussi, la corruption. Fonction publique Le professionnalisme de la fonction publique - une notion qui englobe des systèmes appropriés de recrutement, de formation et de promotion - est aussi associé à une réduction de la corruption. Contrairement aux idées reçues, l'incidence du salaire des fonctionnaires est souvent ambi guë. Une meilleure rémunération dans le secteur public ne suffit pas à abaisser sensiblement la corruption. Par exemple, les organismes publics équatoriens offrant de meilleurs salaires à leurs employés ne sont pas les moins corrompus. Dans de nombreux cas, en effet, ce sont quelques poli ticiens ou fonctionnaires de haut rang qui provoquent les dommages les plus importants. Alors que, dans certains pays, l'augmentation des salai res d'une partie spécifique des fonctionnaires est souhaitable, elle ne peut généralement produire ses effets que si elle est accompagnée d'une série de mesures complémentaires. C'est ainsi que la méritocratie dans les procédures de recrutement, de promotion et de licenciement est associée à une réduction de la corruption (figure 6.8). Le contraste des résultats entre le faible impact des augmentations de salaire d'une part et les effets importants de la méritocratie d'autre part illustrent la néces sité de procéder à un diagnostic empirique méticuleux avant d'élaborer des programmes sérieux de lutte contre la corruption5. Une stratégie anticorruption à plusieurs facettes Compte tenu de ce que nous savons sur les principaux déterminants d'une bonne gouvernance et de la corruption, quels sont les types de programmes susceptibles d'avoir un impact6 ? L'amélioration de la gou vernance requiert un système de freins et de contrepoids dans une société limitant l'action arbitraire et les tracasseries bureaucratiques des politiciens et des fonctionnaires, encourageant l'expression et la participation des citoyens, réduisant les possibilités conférées à des entreprises privilégiées de s'accaparer les fonctions de l'État et s'efforçant d'assurer la primauté du droit. En outre, les recherches en cours sur le détournement des fonctions de l'État soulignent la néces sité de mettre en place un système de freins et de contrepoids visant les entreprises privilégiées et favorisant l'économie de marché, la libre con currence et la participation active de la société civile. Une administra tion publique fondée sur le mérite et sur le service au public constitue une autre pierre angulaire de cette stratégie. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Etendue de la corruption dans les organismes publics Étendue de la corruption dans les municipalités (en pourcentage) (en pourcentage) 5 - eu - r--0,71 r = -0,59 4 60 - ^ 3 - ^ K 1 2 «N. 40 - ^ 1 0 20 - 1 1 1 1 1 20 40 60 80 100 20 40 60 80 100 Indice de méritocratie Indice de méritocratie pour l'Administration centrale pour les municipalités et les municipalités Etendue de la corruption dans les organismes publics Etendue de la corruption dans les municipalités (en pourcentage) (en pourcentage) 70 70 -0,64 -0,64 60 - 60 - 50 40 50 30 - 40 20 30 10 20 20 40 60 80 100 20 40 60 80 100 Indice de méritocratie Indice de méritocratie pour l'Administration centrale pour les municipalités et les municipalités Remarques : Chaque observation décrite (point) représente une Administration centrale ou une municipalité dans le pays pe L'étendue de la corruption est mesurée au moyen de la part signalée des services publics et des contrats affectés dans une Administration centrale ou une municipalité. L'indice de méritocratie (0-100) est construit sur la base des réponses, fournies cadre des enquêtes, aux questions portant sur la gestion du personnel de l'Administration centrale ou des municipalités telles furent posées aux fonctionnaires. Sources : Banque mondiale (2000a) ; nous remercions Ed Buscaglia, Maria Gonzalez de Asis, Turgui Gurgur, Akiko Terada, Y Lobatôn pour leur contribution dans ce domaine de recherche concernant les fonctionnaires. Figure 6.8 Réduction de la corruption à l'aide de la méritocratie : preuves collectées dans les divers organismes publics à l'issue d'enquêtes portant sur les fonctionnaires de trois pays E9 GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION Réformes-clés Figure 6.9 Stratégies à plusieurs facettes La figure 6.9 résume la stratégie, fondée sur des réformes-clés, permet de lutte contre la corruption et tant d'améliorer la gouvernance et de combattre la corruption. La d'amélioration de la gouver meilleure manière de combiner et d'ordonner ces réformes pour qu'elles nance : reconnaissance de aient le plus grand impact possible sur la corruption est très difficile à l'économie politique Economie politique : · Responsabilisation des dirigeants Politique économique : politiques · Volonté politique des dirigeants · Dérégulation, entrée de nouveaux venus · Réforme parlementaire et concurrence · Lutte contre les groupes d'intérêt · Simplification fiscale et la corruption de l'État · Orientation et composition des dépenses · Réforme du financement des campagnes publiques et des partis politiques · Stabilité macroéconomique et discipline fiscale / Réformes institutionnelles : · Douanes Contrôles financiers : · Privatisation transparente · Réforme gouvernementale Contrôle · Réforme des procédures · Décentralisation/réforme d'acquisition/adjudication municipale de la corruption · Gestion financière à base d'audits · Gestion des entreprises fondée et amélioration Fonction publique : sur l'éthique de la gouvernance · Réglementation du secteur financier · Réforme des salaires · Contrôle du budget et des gratifications et renforcement du Trésor · Réorganisation · Recours à l'informatique de l'Administration et à l'Internet · Méritocratie · Transparence Domaine légal et juridique : Libertés publiques, surveillance exercée par le public Indépendance du pouvoir judiciaire et société civile : Nomination des magistrats locaux en fonction du mérite · Participation de la société civile Mécanismes alternatifs de résolution · Liberté de la presse des différends/recours aux ONG · «Puissance des médias»/informatique/ Application de la loi dans les grandes enquêtes empiriques/ affaires révélées de corruption «tableau d'affichage» Réduction du détounement · Suivi des activités du Parlement législatif et judiciaire · Mise sur pied de coalitions et action collective · Implication des communautés et des femmes · Responsabilisation des agences internationales et des sociétés IED Source : Auteur, en collaboration avec le groupe Secteur public de la Banque mondiale. mm ANCE déterminer, de même qu'il est ardu de fixer dans ses moindres détails une stratégie et de l'adapter à la réalité spécifique de chaque pays. Ainsi, un pays ayant été victime d'un accaparement de l'État par certaines entreprises requiert une stratégie différente de celle d'un pays où la mauvaise gouvernance découle principalement de la carence des struc tures politiques ou de la bureaucratie. Les questions spécifiques à résoudre avant de lancer des réformes de gouvernance incluent, par conséquent, les types de changements envisageables dans un contexte politique donné et l'ordre de priorité des réformes (étant donné la réa lité politique, sociale et économique du pays concerné). La concurrence et l'entrée de nouveaux venus. Dans certains pays en transition et en développement, l'une des sources de la grande corruption tient à la concentration de pouvoirs économiques par des monopoles qui exercent ensuite leur influence politique sur le gouver nement pour obtenir des avantages personnels. Le problème est particulièrement grave dans les pays riches en ressources naturelles, où les monopoles sur le pétrole, le gaz naturel et l'aluminium par exemple confèrent à leurs détenteurs des pouvoirs économiques et politiques considérables entraînant différentes formes de corruption : non- paiement de l'impôt, comptes à l'étranger non transparents, obtention illégale de permis et d'autorisations et achat de votes ou de décrets res treignant l'entrée d'autres entreprises sur le marché et l'activité des fir mes concurrentes. Le démantèlement des monopoles, la dérégulation, le fait de faciliter les entrées et les sorties (par le biais de procédures efficaces de faillite et de liquidation des actifs) sur le marché et la pro motion de la concurrence sont vitales. La responsabilisation des dirigeants politiques. Divers pays ont mis en place des freins et des contrepoids pour contrôler l'effort des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires dans le domaine de l'amélioration de la gouvernance et de la lutte anticorruption. Ce con trôle passe par la révélation et la transparence de leurs propres actions politiques, ressources financières, sources de revenu et patrimoine. Dans plusieurs pays, ces mesures ont permis : · d'informer le public de tous les votes du Parlement, · de mettre fin aux immunités parlementaires inconditionnelles, · d'informer le public des sources et des montants des financements de parti politique, · de révéler au public le revenu et les avoirs des principaux fonction naires et de leurs personnes à charge, · de réglementer le comportement des fonctionnaires en cas de con flit d'intérêts, · d'assurer la protection physique et de garantir la sécurité de l'emploi des fonctionnaires révélant les infractions commises par des collègues (statuts encourageant la dénonciation). GOUVERNANCE La promotion de la méritocratie et de l'évaluation des com pétences dans la fonction publique. Le recrutement et la promo tion fondés sur le mérite, par opposition au patronage politique ou à l'affiliation idéologique, sont positivement associés à l'efficacité du gouvernement et au contrôle de la corruption. Les réformes dans ce domaine incluent la création d'institutions indépendantes et profession nelles chargées d'appliquer des freins et des contrepoids (comme par exemple une commission de recrutement des fonctionnaires) et l'intro duction d'un système complet d'évaluation des performances (faisant dépendre le salaire et la promotion des fonctionnaires de leurs perfor mances). En Malaisie et en Thaïlande, ces réformes ont permis de recru ter et de conserver un personnel compétent, ainsi que d'améliorer les performances de la fonction publique. En outre, il est souvent préféra ble de simplifier les allocations et les avantages non pécuniaires en les transformant en avantages monétaires et transparents. Il convient aussi de ne pas percevoir les augmentations générales de salaires comme la panacée universelle. La transparence de la gestion des dépenses publiques . Les 7 systèmes élémentaires permettant de rendre compte de l'affectation et de l'utilisation des dépenses publiques sont l'un des piliers de la bonne gouvernance. Cette transparence requiert : (a) un processus complet de préparation et de suivi de l'exécution du budget, (b) une utilisation transparente des fonds publics, (c) des adjudications reposant sur la concurrence et (d) des audits externes et indépendants. Premièrement, le budget doit couvrir l'intégralité des activités gou vernementales. Nombreux sont les pays confrontés à des problèmes de transparence budgétaire dans lesquels des pans entiers des dépenses budgétaires ne transitent pas par le Trésor, où le recours à des fonds extrabudgétaires est courant et où aucun système ne permet de contrô ler l'affectation réelle des dépenses. Plusieurs pays en transition, comme la Hongrie et la Lettonie, ont d'ailleurs largement progressé dans ce domaine en adoptant un train complet de réformes de trésorerie. Deuxièmement, l'information tient un rôle prépondérant. De nom breux pays industrialisés (tels que l'Australie et le Royaume-Uni) publient des stratégies cadres en matière de dépenses publiques. Ces documents permettent à la fois d'exposer les intentions du gouverne ment, de clarifier certains choix et d'accroître la transparence des objec tifs politiques et économiques poursuivis par les budgets annuels. Plus récemment, l'Afrique du Sud a élaboré un Medium-Term Expenditure Framework (cadre des dépenses à moyen terme), révisé chaque année et disponible sur le Web, afin d'expliciter certains choix stratégiques et de fixer les objectifs dont le gouvernement devra rendre compte. Troisièmement, la transparence et l'aspect concurrentiel des adjudi cations sont des conditions indispensables à la bonne gouvernance. La ANCE réduction de la corruption requiert le respect d'une discipline rigou reuse en matière de passation des gros marchés publics et le renforce ment de la surveillance exercée par le public. La résolution des technologies de traitement de l'information joue d'ailleurs le rôle d'un catalyseur. C'est ainsi que, pour rendre plus efficace leur procédure d'acquisition de biens et services, trois pays d'Amérique latine (l'Argen tine, le Chili et le Mexique) ont récemment adopté des systèmes d'adju dication électronique. Tous les avis de marché et leurs résultats sont publiés sur un site Web accessible au grand public. D'autres innovations importantes liées à la supervision active et extérieure des procédures d'adjudication ont également été mises en place. Les ONG encouragent de plus en plus le public à faire entendre davantage sa voix dans la définition de règles visant les gros marchés publics (tels que celui du métro de Buenos Aires) et des procédures d'appels d'offres transparen tes (un domaine dans lequel certaines organisations telles que Trans- parency International se sont particulièrement illustrées). La Banque mondiale assume aussi un rôle actif en recherchant les sociétés coupa bles d'infractions aux règles de passation de marchés ; par exemple, elle publie sur son site Web le nom des sociétés ayant été rayées de la liste des entreprises autorisées à soumissionner des projets financés par elle pour s'être livrées à la corruption. Quatrièmement, il est important de prévoir des audits externes et indépendants. Plusieurs économies émergentes ou en transition, comme la République Tchèque et la Pologne, ont créé des institutions de contrôle financier réellement indépendantes qui exercent une influence positive sur les systèmes de gestion des finances publiques. En République Tchèque, les rapports d'audit sont publiés, présentés au Parlement et discutés au sein du cabinet, de même que le plan d'action corrective qui les accompagne, en présence de représentants de la cour des comptes et des ministres compétents. Promouvoir la primauté du droit. Le New Palgrave Dictionary of Economies and the Law oppose la primauté du droit à une situation où le gouvernement est exercé par une poignée de personnages puis sants. Cette définition résume bien le défi auquel sont confrontés nom bre de pays dominés par des politiciens omnipotents, des groupes d'intérêt et des oligarchies qui influencent souvent le fonctionnement des institutions parlementaires ou judiciaires et des organismes, tels que la police, chargés de faire respecter la loi. Certains de ces pays dis posent souvent d'une législation adéquate mais ne parviennent pas à assurer efficacement son application, tandis que d'autres ont vu leurs lois détournées par une élite. Les données recueillies par de nombreu ses études effectuées dans divers pays (voir la synthèse de la figure 6.1) incitent à conclure que dans les pays de l'ex-Union soviétique, d'Afrique et d'une partie de l'Amérique latine la primauté du droit n'est pas res- GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION Pouvoir exécutoire C Fiabilité Remarque : Diamant à quatre effets sur une échelle deOàl où 1 correspond à 100% de réponses hautement positives dans chacune des dimensions. Le diamant placé dans le coin inférieur droit correspond à l'hypothèse de scores parfaits, décernés par toutes les entreprises interrogées, pour chacune des dimensions. Sources : Hellman et al. (2000) ; voir aussi l'annexe 6. Fondé sur une enquête réalisée en 1999 auprès d'entreprises de pays en transition. pectée. Le dysfonctionnement des institutions dans ces pays contraste Figure 6.10 avec la situation d'autres États où l'indépendance des pouvoirs judi Variations considérables ciaire et législatif est en net progrès. Pour illustrer les performances des dans la perception de la tribunaux dans différents pays, la figure 6.10 montre la perception par qualité des tribunaux dans les entreprises d'Estonie et de Hongrie du travail des tribunaux sur le certains pays plan de l'intégrité, de la fiabilité et de l'équité. À l'opposé, dans des pays tels que la Fédération de Russie et l'Ukraine, les tribunaux sont perçus comme corrompus, très partiaux, inéquitables, peu fiables et incapables d'appliquer la loi. La mauvaise gestion des institutions judiciaires et légales n'est pas toujours le fait du secteur public. Dans certains pays, des entreprises privilégiées exercent également des pressions corruptrices comme l'indique une recherche récente (voir la synthèse des résultats dans la figure 6.11). Cette enquête révèle l'ampleur du détournement (par les entreprises y compris les IED) du système judiciaire dans certains pays. Il s'ensuit que même si les institutions judiciaires sont dotées de magistrats et d'un personnel compétents, elles peuvent être accaparées par des politiciens ou des intérêts privés. Dans ce contexte, les institu- QUALITÉ DE LA CROISSANCE Proportion du secteur privé affectée par le détournement des fonctions judiciaires et législatives Pourcentage des sociétés affectées par l'achat de : lois du Parlement décisions des tribunaux pénaux décisions des tribunaux commerciaux Indice du détournement judiciaire/législatif Azerbaïdjan Fédération Estonie Hongrie de Russie Remarque : L'indice du détournementjudiciaire/législatifest la moyenne arithmétique des entreprises ayant rendu compte de l'e l'achat par des sociétés de lois du Parlement, de décisions des tribunaux pénaux et de décisions des tribunaux commerciaux. estimations sont soumises à une marge d'erreur. Sources: Hellmanêt al. (2000a,b) ; pourplus de détails, voir aussi les colonnes 1, 4 et 5 du tableau A6.1 dans l'annexe 6. Les Figure 6.11 tions du secteur public font partie intégrante du problème de la gouver Détournement des nance et non de sa solution. La pertinence des conseils traditionnels en systèmes judiciaire et matière d'amélioration de la gouvernance s'en trouve réduite par la législatif par le monde des création d'institutions dans le secteur public (bureau d'éthique, service affaires dans certaines anticorruption, etc.) chargées de faire passer des lois anticorruption, de économies en transition dispenser une assistance technique sous forme d'ordinateurs ou autres équipements, ou bien d'inviter les juges à des séminaires de formation et autres « voyages d'étude ». Les besoins à assouvir se situent davan tage au niveau de mécanismes novateurs tels que des procédures alternatives de résolution des différends, d'un engagement plus systé matique des ONG et autres institutions prévues par des arrangements, d'une diffusion des stratégies par les médias et d'une exploitation plus complète et plus transparente du pouvoir des données et des informa tions à l'intérieur et à l'extérieur du secteur public. En outre, il n'est pas moins important de lutter contre le racket législatif observé dans de nombreux pays, grâce à des réformes parlementaires et politiques telles que la divulgation de tous les votes au Parlement, la révision des règles de l'immunité des députés et la refonte du système de financement des partis politiques. Les outils de diagnostic de la gouvernance des pays La collecte, l'analyse et la diffusion de données sur la corruption spéci fiques à un pays affectent le dialogue politique et favorisent les actions i GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION collectives de la société civile. Elles posent néanmoins un certain nom bre de défis tels que raffinement continuel des méthodes permettant de transformer des preuves récoltées dans le cadre d'une enquête en réformes prioritaires et la meilleure manière de compléter les enquêtes diagnostiques empiriques par des méthodologies de groupe de discus sion afin d'impliquer les parties intéressées dans la résolution des pro blèmes liés à la gouvernance du pays. L'un des ces problèmes vise l'élaboration d'une stratégie pour la mise en chantier de l'agenda des réformes. Une fois les données des enquêtes et leur analyse disponibles, les pays où une volonté politique s'est déclarée doivent entamer la lourde tâche d'établir la priorité des mesures envisagées en fonction de la réalité nationale et d'introduire des réformes pour éliminer la corrup tion à la racine. Le soutien des réformes au moyen d'une large participation impli quant l'Administration dans son ensemble, la société civile et le monde des affaires constitue un autre défi de la lutte pour l'amélioration de la gouvernance et l'élimination de la corruption (voir l'encadré 6.1). Avec la coopération du secteur privé et des ONG, le gouvernement peut encourager les réformes en autorisant une concurrence privée tout en proposant certains services publics ; par exemple, l'adoption de procé dures privées de résolution des différends permettant aux parties de ne pas s'adresser aux tribunaux ou bien l'organisation du ramassage des ordures au niveau municipal. Les enquêtes permettant de diagnostiquer en profondeur les problèmes de gouvernance et de corruption (et les analyses de leurs données) doivent être institutionnalisées, afin que les statistiques sur la corruption spécifique à l'Administration puissent faire l'objet d'un suivi périodique et inspirer les actions correctives appro priées. La large diffusion des énormes quantités de statistiques géné rées par ces enquêtes ou études diagnostiques consacrées à la gouvernance et à l'accaparement de l'État peut, en outre, faciliter la réforme et le soutien des institutions par les personnes concernées. La conception et la réalisation d'enquêtes diagnostiques en profon deur, visant un organisme spécifique et menées auprès de fonctionnai res (figures 6.5 et 6.8), de ménages ou d'utilisateurs (figure 6.4) et d'entreprises (figures 6.4 et 6.11), constituent une innovation capable de favoriser tangiblement la création de capacités et les réformes insti tutionnelles. De nouveaux instruments permettent en effet de collecter des données détaillées sur le comportement de tous les organismes (même les plus déficients) et sur la fourniture de services spécifiques. Il est par exemple possible de comparer le prix du soluté salé acheté par différents hôpitaux, puis, après avoir intégré le prix du transport et les autres coûts spécifiques, de déterminer si certains hôpitaux publics se rendent coupables de corruption. Complétées par d'autres instruments empiriques, ces enquêtes diagnostiques peuvent aiguiller le dialogue QUALITÉ DE LA CROISSANCE ENCADRÉ 6.1 Outils de gouvernance et d'enquête diagnostique : pouvoir des données empiriques La première série d'enquêtes diagnostiques en pro ques détaillées sur la fréquence et le coût des pots- fondeur sur la gouvernance et la corruption menée de-vin versés par les entreprises à diverses autori auprès des fonctionnaires, des entreprises et des tés de contrôle, ainsi que sur les carences des ser citoyens fut organisée en Albanie, en Géorgie et en vices publics et autres indicateurs de performance Lettonie en 1998. Plus récemment, des versions et d'efficacité. De nombreuses dimensions de gou étendues et affinées de ces enquêtes ont été réa vernance sont incluses dans ces diagnostics et per lisées dans d'autres pays, afin d'évaluer certains mettent une analyse en profondeur d'aspects aussi aspects plus complexes de la gestion des organis divers que la méritocratie, le pouvoir discrétion mes-clés du pays et d'identifier les principaux naire, la transparence budgétaire et l'impact de la déterminants institutionnels de la mauvaise gou réduction de la pauvreté. L'analyse de ces statisti vernance et de la corruption. Contrairement aux ques facilite ensuite la définition des priorités dans idées reçues, les nouvelles enquêtes réalisées la formulation du programme de réformes destiné auprès des fonctionnaires, des entreprises et des à améliorer la gouvernance. citoyens permettent de trouver des sondés prêts à Une partie importante des pots-de-vin adminis communiquer des informations détaillées sur les tratifs est versée à des fonctionnaires pour éviter manifestations de mauvaise gouvernance qu'ils ont de payer des impôts, des droits de douane et autres observées ou rencontrées (au lieu de simplement sommes dues à l'État. Certains de ces pots-de-vin indiquer leur vague perception de la corruption en -- tels que les commissions occultes versées aux général par exemple). fonctionnaires pour influer sur les textes de loi ou Les personnes interrogées signalent ainsi des les décisions judiciaires ou bien pour remporter détournements de fonds publics, des vols de biens des appels d'offres -- sont perçus comme appartenant à l'État et des actes de corruption des particulièrement coûteux. Les enquêtes révèlent tinés à accélérer des procédures administratives, à que les emplois dans les organes et les activités obtenir un monopole ou à remporter un appel considérés par les fonctionnaires comme spéciale d'offres. Par exemple, en 1998, en Géorgie, le ment corrompus sont ceux qui se vendent le plus détournement de fonds publics et la corruption des cher, à croire que les postulants voient dans ces magistrats, entre autres, étaient perçus comme de postes un investissement privé promis à un bon véritables plaies. À l'époque, le vol de biens appar rendement. tenant à l'État était identifié comme un grave pro Dès la présentation des données, dans le cadre blème en Albanie. La corruption dans les affaires d'ateliers, aux membres du monde des affaires, de d'adjudication et de dédouanement est monnaie la société civile et des organes exécutifs et courante dans la plupart des économies ayant fait législatifs, le débat politique perdit soudain son l'objet d'une enquête de ce type. La faiblesse du caractère vague et non validé (mais prenant sou pouvoir judiciaire est identifiée comme l'une des vent la forme d'accusations personnelles) pour se principales causes de corruption en Albanie, alors transformer en une discussion centrée autour de que les lacunes de la réglementation sont nette preuves empiriques des faiblesses à corriger. Des ment moins importantes dans ce pays qu'en Géor programmes d'action furent formulés et la mise en gie ou en Lettonie par exemple. Ces enquêtes oeuvre des réformes institutionnelles put commen diagnostiques permettent de collecter des statisti cer. Kaufmann et al. (1998), Pour un guide détaillé de la mise en oeuvre des enquêtes diagnostiques sur la gouvernance et la corruption, voir le site Web http ://www.worldbank.org/wbi/governance. V ^ GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION ENCADRÉ 6.2 La « voix des citoyens » en tant que mécanisme renforçant la transparence et la responsabilisation Les enquêtes réalisées auprès de clients et de Les réformes favorisant l'expression de la voix du citoyens et incluant les réactions de ces derniers peuple et la transparence sont favorisées par la ont facilité l'amélioration des performances du sec révolution de l'Internet (et pas uniquement dans le teur public dans de nombreux pays. La méthode du cadre des appels d'offres électroniques mentionnés tableau d'affichage, introduite pour la première fois dans les pages précédentes). Au Chili, pour la seule par Sam Paul à Bangalore en Inde, adopte cette année dernière, la part des contribuables rem approche. Elle permet des évaluations périodiques plissant leur déclaration d'impôt par l'Internet est des municipalités locales par leurs habitants et la passée de 5 à 30 %. En outre, la combinaison des critique par ceux-ci de la qualité des services dernières techniques en matière de statistique, publics, ainsi que la dénonciation d'actes de cor d'informatique et de réseau favorise également la ruption et d'extorsion. Il existe des preuves faisant tenue d'élections régulières comme l'ont prouvé état de mesures concrètes prises par les autorités récemment les décomptes extrêmement efficaces, de cette ville pour améliorer les services fournis. précis et rapides des suffrages en Argentine, au À Mendoza, en Argentine, les citoyens ont parti Chili et au Mexique (à la différence de ce qui se cipé à l'élaboration de règles transparentes en passe lors des élections dans un certain nombre matière d'appels d'offres. Un certain nombre de d'autres pays). localités à travers le monde a adopté des processus Ainsi, les données ont le pouvoir de soutenir les participatifs analogues. Dans le cadre de son projet réformes, mais les obstacles posés par la grande pilote de budget participatif, Porto Allègre, au Bré corruption et l'accaparement de l'État par des sil, organise des assemblées municipales au cours groupes d'intérêt s'opposant à ces réformes sont desquelles les citoyens discutent des ordres de eux aussi considérables. C'est pourquoi, les diri priorité des dépenses en matière d'éducation, de geants politiques, la société civile, les investisseurs santé, de transport, de taxation, d'organisation de du secteur privé et la communauté des donateurs la ville et de développement urbain. Ces assem doivent exploiter les révélations et la dynamique blées élisent ensuite un conseil chargé de planifier générées par les outils de diagnostic, ainsi qu'utili le budget au niveau de toute la ville et d'élaborer un ser et diffuser les statistiques (tout en encoura plan d'investissement. Selon les premiers résultats, geant les libertés individuelles et l'engagement des plus de routes auraient été construites par rapport médias, afin de renforcer la dénonciation de la cor aux années précédentes et le nombre d'élèves ins ruption et les actions concrètes contre ce fléau). crits dans l'enseignement primaire et secondaire aurait doublé. politique vers des propositions concrètes et rallier le soutien de la société civile aux efforts de réforme. Ces données nationales d'autodiagnostic, utilisées par les diverses parties prenantes à l'intérieur du pays et diffusées au moyen d'ateliers participatifs, ont permis de dégager un large consensus et d'inspirer des actions collectives en faveur de réformes institutionnelles. Des pays tels que l'Albanie 8, la Bolivie, la Géorgie et la Lettonie sont ainsi parvenus à passer du stade de l'analyse des diagnostics à celui de l'action concrète. La Bolivie met actuellement l'accent sur la réforme de la fonction publi que et des procédures d'adjudication. La Lettonie accorde la priorité à QUALITÉ DE LA CROISSANCE la refonte du système fiscal et du tarif douanier. En Géorgie, à la suite des résultats désastreux d'une enquête relative à l'état du système judi ciaire, le président Chevardnadze a décidé que tous les magistrats devraient repasser des examens. Les épreuves furent retransmises en direct à la télévision et deux tiers des candidats furent recalés et durent être remplacés. Dans d'autres pays, des efforts similaires en matière de gouvernance sont menés au niveau municipal. C'est ainsi que, dans plusieurs villes d'Ukraine, des actions spécifiques sont menées afin d'améliorer l'effica cité des pouvoirs locaux dans la fourniture des services publics, sur la base des résultats d'enquêtes diagnostiques. Introduit d'abord au Bangalore en Inde, au début des années 1990, le désormais célèbre « tableau d'affichage » de l'utilisateur permet aux citoyens d'évaluer la qualité des services fournis par les autorités locales (encadré 6.2). À Campo Elias, au Venezuela, sous l'égide du maire (une femme coura geuse ayant foi dans la capacité des données sur la gouvernance à infor mer et à mobiliser les citoyens prêts à agir), l'incidence de la corruption aurait baissé de moitié (Gonzalez de Asis 2000). Le renforcement de la transparence grâce à l'expression de l'opinion publique et à la participation La corruption peut céder du terrain face à des citoyens conscients et informés. En fait, une société civile disposant d'une information fiable et plus rigoureuse est l'un des piliers de la réforme. La transparence est un composant important de l'expression de l'opinion publique et la prise en main de leur destin par les citoyens. C'est pourquoi l'élaboration des politiques et la planification des projets d'envergure devraient prévoir la possibilité pour toutes les parties intéressées de faire entendre leur voix et de participer au processus de développement (voir l'encadré 6.2 pour une discussion de la transparence et gouvernance). En fait, les recher ches menées par la Banque mondiale prouvent que plus les bénéficiaires d'un projet participent à sa conception et à sa mise en oeuvre, plus ce projet a des chances de réussir. L'importance des libertés individuelles Dans les sections précédentes de ce chapitre, nous avons évoqué l'asso ciation étroite entre les libertés individuelles et la liberté de la presse d'une part et le contrôle de la corruption et du détournement des fonc tions de l'État d'autre part (voir la figure 6.7). Pourtant, l'impact énorme des libertés individuelles et politiques transcende leur importance dans l'abaissement de la corruption, voire leur valeur en tant que « composante » des résultats du développement : ces libertés consti tuent en effet une matière de base améliorant le bien-être social en soi. En même temps, il est essentiel de trancher la question de l'importance I GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION Spécification des variables indépendantes Effet sur le taux de Avec des variables rendement économique Avec des variables Avec des variables fictives et des variables d'une augmentation Variable de contrôle exogènes Avec des variables liées aux politiques liées aux politiques d'un écart-type des Libertés individuelles uniquement fictives régionales mises en place mises en place libertés individuelles Freedom House Libertés civiles (1978-87)' 1,81 1,16 1,71 1,07 1,57 (N = 649) (0,0005) (0,079) (0,002) (0,114) Humana (1982-85) 0,290 0,299 0,296 0,289 5,19 (N = 236) (0,003) (0,007) (0,002) (0,013) Presse pluraliste (1983-87) 4,61 4,45 3,66 3,43 3,12 (N = 448) (0,0001) (0,002) (0,001) (0,026) Liberté d'association (1983-1987) 3,17 1,81 2,41 -0,26 2,70 (N = 448) (0,0001) (0,184) (0,006) (0,854) N = nombre d'observations. Remarques : L'erreur-type est indiquée entre parenthèses. Le taux de rendement économique moyen se situe dans un intervalle de 12 à 16 %. Source : Isham et al. (1997). des libertés individuelles, en tant qu'intrant dans le développement éco Tableau 6.2 nomique et financier, pour éclairer le débat qui agite la communauté de Impact des libertés l'aide au développement à propos des responsabilités fiduciaires individuelles sur les taux nécessaires à une action efficace. de rendement L'expérience acquise dans plus de 1 500 projets financés par la Ban socioéconomiques que mondiale suggère que les libertés individuelles et la participation des projets des citoyens sont des facteurs importants pour les résultats du dévelop pement. Les chercheurs se sont concentrés sur la mesure de l'impact des variables Participation et Libertés individuelles sur le succès des projets. Ils ont constaté des effets constants, statistiquement significa tifs et empiriquement importants de ces libertés sur le taux de rende ment des projets concernés. Selon la mesure des libertés individuelles utilisée, si un pays parvenait à faire passer le respect de ces libertés du score le plus faible au score le plus élevé, le taux de rendement écono mique des projets pourrait augmenter dans une proportion pouvant atteindre 22,5 % (tableau 6.2). Ces indices des libertés individuelles uti lisant différentes échelles, la méthode la plus standard de comparaison consiste à calculer l'augmentation potentielle du taux de rendement économique au cas où chaque catégorie d'indices enregistrerait un pro grès d'un écart-type. Comme on peut le constater dans la dernière colonne du tableau 6.2, cette méthode génère des résultats qui restent significatifs et suggèrent un impact de l'expression de l'opinion publique sur les performances du gouvernement. En outre, le rapport Assessing Aid (Banque mondiale 1998a) a établi que même si les libertés indivi- y QUALITÉ DE LA CROISSANCE ENCADRÉ 6.3 Des millions a" « auditeurs » améliorent la transparence et la gouvernance dans les comptes budgétaires et au-delà La transparence permet aux citoyens de devenir concerne tous les principaux domaines de des millions d'auditeurs dans la société, ainsi que rAdministration : le recouvrement des recettes de faire entendre leur voix dans une presse libre, pour collecter des fonds publics et leur affectation Elle génère des flux d'information (économique, pour fournir des biens collectifs. Elle touche les sociale et politique) opportuns et fiables sur l'utili- réglementations, en tant que moyen de corriger les sation des prêts financés par des investisseurs pri- carences des marchés (et plus spécialement les vés et sur la solvabilité des emprunteurs, la qualité marchés de capitaux) au niveau de l'information. des services gouvernementaux, les politiques Des recherches empiriques récentes sur les phases monétaire et fiscale, ainsi que les activités des ins- de la crise financière indiquent que la probabilité titutions internationales. À l'opposé, un manque de de telles crises était largement supérieure lorsque transparence signifie qu'un ministre du gouverne- la transparence n'était pas encore instaurée. Les ment, une institution publique, une société com- diagnostics en profondeur de la qualité de la ges- merciale ou une banque peut délibérément tion des organismes publics, tels que nous les avons empêcher l'accès à une information ou la déformer, mentionnés dans les pages qui précèdent, suggè- En général, un manque de transparence aug- rent également que les organismes autorisant une mente les risques de corruption en créant une asy- circulation transparente des informations tendent métrie informationnelle entre les autorités de à être moins corrompus, mieux gérés et plus per- contrôle et les entités contrôlées. La corruption formants. duelles et la démocratie électorale peuvent avoir des effets bénéfiques sur les performances du gouvernement, le principal canal d'influence reste généralement le respect des libertés individuelles. Au Rajasthan, en Inde, une organisation populaire nommée Mazdoor Kisan Shakti Sanghathan a tenu une audience publique pour exposer le détournement par les autorités locales de fonds de développement destinés aux travailleurs locaux. Cette initiative renforça les revendi cations en faveur d'une enquête complémentaire sur les agissements de certains fonctionnaires. Sous la pression de la presse et de l'opinion publique, les autorités locales furent contraintes de réagir et la corrup tion diminua. Le gouvernement du Rajasthan reconnut le droit du peu ple d'accéder aux documents officiels et promulgua une loi historique dans ce domaine (Bhatia et Dréze 1998) (voir l'encadré 6.3). Les gouvernements et les groupes de citoyens peuvent faire enten dre leur voix de façon plus systématique dans le cadre d'enquêtes et de collecte de données. Les enquêtes réalisées auprès des clients (admi nistrés), notamment, permettent de faire part des expériences des citoyens utilisant des services publics et dégager des suggestions con cernant leur amélioration. Des études de suivi peuvent aussi servir à II GOUVERNANC assurer la responsabilisation des organes compétents et à mesurer les progrès accomplis dans la direction désirée. Générer et diffuser largement les données sont autant de moyens valables pour mobiliser la société civile et exercer des pressions sur les structures politiques. Par exemple, de simples graphes comparatifs illustrant les constatations sur la corruption peuvent contribuer à mobi liser des groupes de citoyens jusqu'alors silencieux et disparates et à leur donner la parole. Vers un contrat social : faciliter la surveillance et la participation de la société civile La surveillance exercée par la société civile et la participation de celle- ci aux décisions politiques et au contrôle du fonctionnement du secteur public jouent un rôle essentiel de garde-fou et d'instrument dans la lutte pour la réduction de la corruption et l'amélioration de la gouvernance. Cela implique une transparence de l'État et l'octroi d'un rôle actif aux citoyens. Alors qu'une poignée de pays membres de l'OCDE est à la pointe du combat pour les réformes favorisant la transparence, nom breuses sont encore les économies en transition et émergentes dans les quelles la culture du secteur public repose sur le culte du secret. Il est fréquent que le résultat des votes au Parlement ne soit pas divulgué, que le citoyen n'ait pas accès à l'information gouvernementale et que les décisions judiciaires ne soient pas disponibles au grand public. En outre, malgré une société civile en pleine croissance, le gouvernement de ces pays ne fait généralement pas participer les ONG à la supervision de ses processus de prise de décision et de ses performances. La concentration des médias dans les mains de quelques individus et les restrictions récentes sur la publication de rapports et de reportages ont par ailleurs réduit la capacité des médias à responsabiliser le secteur public. Par conséquent, la modification de la culture vers plus de transpa rence implique un changement radical du processus de prise de décision du secteur public. Les types de réformes allant dans ce sens et ayant donné de bons résultats dans divers pays sont les suivants : · Garantie de l'accès du public à l'information gouvernementale (liberté de l'information). · Possibilité pour le public d'assister à certains types de réunions gouvernementales ou administratives. · Organisation d'audiences publiques et de référendums sur les pro jets de loi, de décret et de règlement. · Publication et consignation dans un registre des décisions des tri bunaux et du législateur. · Garantie de la liberté de la presse grâce à la suppression de la cen sure, à l'interdiction pour les fonctionnaires de recourir aux lois ANCE anti-diffamation pour intimider les journalistes et à l'encourage ment du pluralisme des titres et de leur répartition entre divers propriétaires (lutte contre la concentration de la presse). · Implication de la société civile dans la supervision de l'action gou vernementale dans des domaines sensibles tels que la lutte anti corruption et les principaux appels d'offres. · Utilisation des nouveaux outils Web, disponibles sur l'Internet, pour promouvoir la transparence, la divulgation et la diffusion des informations, ainsi que la participation du public. Le rôle de la société civile doit être perçu comme dynamique et comme un moyen pour les dirigeants politiques de renforcer la crédibi lité de l'État en favorisant la formation de coalitions et les actions collec tives. C'est ainsi que de nouvelles activités menées dans la plupart des pays aidés par la Banque mondiale visent le soutien du travail en équipe entre la société civile, les médias, les experts, le secteur privé et les par tisans des réformes au sein du législatif et de l'exécutif, afin d'élaborer des programmes d'amélioration de la gouvernance et de réduction de la corruption. Le processus de participation des principales parties con cernées de la société civile favorise l'adhésion aux réformes et leur durabilité, tout en conférant une certaine crédibilité à l'action du gou vernement. C'est ce qu'on peut notamment observer dans certains pays d'Europe de l'Est, d'Afrique et d'Amérique latine. Conclusions La recherche d'une meilleure gouvernance doit être comprise au sens large et ne saurait se limiter à la lutte contre la corruption qui n'est que l'un des principaux symptômes de dysfonctionnements plus profonds des institutions. La gouvernance et la corruption doivent donc impéra tivement être dissociées et comprises sur les plans analytique et empi rique. La mauvaise gouvernance fausse l'élaboration des politiques et l'affectation des facteurs de production, ce qui ralentit la croissance du revenu et du bien-être social et augmente la pauvreté. Les nombreuses approches de renforcement des capacités élaborées dans le passé ont échoué parce qu'elles n'accordaient pas assez d'importance à la bonne gouvernance, au contrôle de la corruption, à l'amélioration de l'Adminis tration et de la fonction publique, à la promotion des libertés individuel les et des approches participatives, à la compréhension des causes et des conséquences du détournement de l'État ou à l'acquisition de con naissances supplémentaires sur l'économie politique de la création d'institutions. La gouvernance doit se voir accorder une place prépon dérante dans les stratégies de création et de réforme des institutions. Il est également indispensable de comprendre l'influence exercée par des groupes d'intérêt, y compris certaines sociétés commerciales (domesti- GOUVERNANC ques et IED), et de reconnaître que les mesures d'incitation, de pré- vention et de changement systérnique adoptées par les institutions affectent profondément la gouvernance et revêtent une importance au moins égale à celle des prérogatives conférées traditionnellement à ces institutions en matière d'application des lois. La gouvernance, le droit pour les citoyens de faire entendre leur voix et la participation seront les clés d'une meilleure approche en matière d'assistance technique et de création de capacités à l'avenir. L'améliora tion de la gouvernance devrait donc être perçue comme un processus intégrant trois composants vitaux : (a) un savoir fondé sur des données et une analyse empirique rigoureuses (y compris les diagnostics en pro fondeur établis par pays) et une diffusion transparente (à l'aide des der nières technologies de l'information) ; (b) une direction aux niveaux politique et international, ainsi que dans la société civile ; (c) une action collective grâce à des approches favorisant systématiquement la cons truction d'un consensus et la participation des principales parties con cernées de la société (ces initiatives pouvant elles aussi bénéficier de l'apport de la cyber-révolution). La responsabilité collective implique également la collaboration des sociétés transnationales, du secteur privé domestique et des organismes internationaux avec les gouverne ments nationaux et la ferme volonté des dirigeants d'améliorer la gou vernance. Les preuves font ressortir le besoin d'une approche plus intégrée et plus complète afin de créer un climat propice à un développement réussi. Les institutions et les mesures politiques, telles que le budget et l'orientation des programmes d'investissement public, sont importan tes, de même que les libertés et la participation civiles (avec lesquelles d'ailleurs elles entretiennent des interrelations). Cette constatation plaide en faveur d'une approche plus globale du développement, capa ble d'établir des liens entres les variables économiques, institutionnel les, légales et participatives. La participation et le droit pour le public de faire entendre sa voix sont vitaux pour l'amélioration de la transparence, la mise en place des freins et garde-fous requis et la lutte contre l'accaparement de l'État par des groupes d'intérêt. Il ne suffit pas de coucher des politiques écono miques sur le papier sans tenir dûment compte des forces de l'économie politique en jeu. Or, ces forces varient d'une économie à l'autre. Dans certains pays, il sera nécessaire de passer des réformes législatives et réglementaires (visant notamment les procédures d'adjudication) pour améliorer la gouvernance et contrôler la corruption. Dans d'autres pays, où certaines entreprises privilégiées détournent les fonctions de l'État à leur profit et où la volonté de réforme est plus faible, la solution pourrait bien passer par une surveillance de la société civile, un renforcement de ANCE la concurrence entre les entreprises et une meilleure protection des droits de propriété. Pour mettre davantage l'accent sur la réduction de la pauvreté, la meilleure approche semble être celle qui mêle une compréhension empirique rigoureuse des problèmes de gouvernance spécifiques au pays considéré, l'implication active des principales parties intéressées, l'adaptation des mesures envisagées aux réalités nationales et un enga gement des dirigeants politiques. Notes 1. La pléthore d'indicateurs mesurant divers aspects de la gouvernance sont tous ordinaux, à savoir qu'ils incluent un élément qualitatif ou subjectif. Ce qui n'enlève rien à la pertinence des données ainsi collectées. Premièrement, concernant certains aspects de la gouvernance, ces données sont les seules dont nous disposions (et il est désormais possible de dissocier le « bruit » du « signal »). Presque par définition, les données objectives (numériques car dinales) étaient jusqu'à présent virtuellement impossibles à obtenir dans un format systématique et les rares dimensions de gouvernance pour lesquelles ces précieuses données existent sont dotées d'une marge d'erreur impor tante et/ou soulèvent des questions d'ordre méthodologique. Deuxiè mement, concernant de nombreux aspects de la gouvernance, les résultats des enquêtes (même lorsqu'ils contiennent un élément de perception) sont au moins aussi importants que les données officielles. Par exemple, lorsque les entrepreneurs d'un pays considèrent que le système judiciaire est inféodé au gouvernement, ils évitent de s'adresser aux tribunaux et y réfléchissent à deux fois avant d'investir. Pour plus de détails, voir l'annexe 6. 2. L'asymétrie entre les barres horizontales s'explique par les différences de variance à l'intérieur de chaque quartile. Les différences entre pays, bien que faibles dans les deux premiers quartiles, s'accroissent dans les troisième et quatrième quartiles. 3. La méthodologie économétrique et son application empirique suggèrent que les variables de gouvernance affectent différentes variables socioéco- nomiques - telles que la mortalité infantile, le taux d'alphabétisation et le revenu par tête - de manière causale. Cependant, après avoir établi que les variables de gouvernance exercent conjointement une influence significa tive sur les résultats socioéconomiques, encore faut-il isoler soigneusement l'impact causal indépendant sur les variables de développement pour chacun des sous-composants de la gouvernance. Étant donné l'existence d'une mul- ticollinéarité entre ces sous-composants, il est possible que l'impact observé de l'expression de l'opinion publique sur la mortalité infantile, par exemple, reprenne (par approximation) d'autres déterminants de la gouvernance, tels que la corruption ou la primauté du droit. Voir également l'annexe 6 pour plus de détails méthodologiques. 4. Hellman et al. (voir http ://www.worldbank.org/wbi/governance). GOUVERNANCE ET ANTICORRUPTION 5. D'autres facteurs identifiés dans le cadre des travaux empiriques consacrés aux causes de la corruption semblent également jouer un rôle important. Comme prévu, le revenu par tête et l'éducation sont associés à une corrup tion plus faible lorsque les autres facteurs restent constants. Les variables de développement générales sont souvent des approximations reprenant des déterminants plus spécifiques de la corruption, tels que la qualité des insti tutions du secteur public ou la primauté du droit (voir Ades et Di Tella 1999 pour un rapport utile). 6. La plus grande partie de cette section résulte d'une collaboration avec San- jay Pradhan, Randi Ryterman et le groupe Secteur public. Voir aussi Banque mondiale (2000h). 7. Une bonne partie de cette section, consacrée à la gestion des dépenses publiques, est due au travail d'Allistair Moon, Sanjay Pradhan et Gary Reid. 8. En 1998, le chef du gouvernement, les membres du cabinet et des centaines d'individus concernés appartenant à la société civile participèrent à un séminaire national sur la gouvernance, organisé en même temps que les demi-finales de la coupe mondiale de football en France. L'atelier se consa cra à l'examen des principales conclusions tirées des diagnostics en profon deur et à la discussion de l'ordre de priorité des actions. Il s'acheva par un engagement des dirigeants à adopter un programme d'amélioration de la gouvernance. Pour illustrer l'importance que revêt la question aux yeux de la nation, la une de tous les journaux parus le lendemain à Tirana contenait des tableaux reprenant les résultats des enquêtes diagnostiques sur la gou vernance, alors que les résultats de la Coupe du monde étaient relégués dans les pages intérieures. L'Albanie est en train de mener, avec l'aide de la Ban que mondiale, un programme anticorruption prévoyant notamment la réforme du système judiciaire et des douanes. C H A P I T R E Saisir les chances de changement « Nous devons utiliserle temps de façon créative et réaliser une fois pour toutes que le moment est toujours venu de bien faire. » -- Nelson Metela, Higher Than Hope : The Authorized Biography of Nelson Metela Ce rapport a examiné sous un nouveau jour les expériences en matière de développement de ces dernières décennies et plus spécialement des années 1990. La dernière décennie du XXe siècle a été en effet le témoin de progrès remarquables dans différentes parties du monde, mais aussi d'une stagnation et de retournements de situation, même dans des pays affichant auparavant une croissance rapide. Alors que la prospérité et la qualité de la vie de nombreuses personnes se sont améliorées, une partie de la population est toujours désespérément condamnée à la pauvreté ou a vu sa situation empirer. L'accroissement de la pression démographique, l'accès limité à l'éducation et la dégradation des res sources naturelles rendent les pauvres de plus en plus vulnérables aux fluctuations de la croissance. Entre 2000 et 2010, la population des économies en développement (y compris les économies en transition) devrait, selon les projections, passer à 5 ou 6 milliards d'individus. Si les pays ne changent pas de poli tique en matière de contrôle des naissances, le monde en développe ment (à l'exclusion de la Chine) vivant sous le seuil de pauvreté pourrait ^M ANCE augmenter de 130 millions. Ce rapport décrit des moyens susceptibles d'améliorer les futurs résultats. Cadre et thèmes Les actifs du capital humain, naturel et physique constituent les princi pales ressources d'un pays désireux d'améliorer sa croissance et son bien-être social. Leur répartition, leur augmentation et leur productivité déterminent largement le revenu et le bien-être de la population. Les pauvres dépendent du capital humain et naturel en plus du capital phy sique, si bien que l'accumulation et la productivité de ces actifs ont un impact considérable sur la pauvreté. Les enquêtes prouvent que « les pauvres évoquent rarement leur revenu, préférant mettre en lumière la gestion des actifs - physique, humain, social et environnemental - comme moyen de réduire leur vulnérabilité » (Narayan et al. 2000). Une croissance fondée sur une accumulation relativement non biai- sée (ou équilibrée) a plus de chances d'échapper à de brusques fluctua tions et de durer plus longtemps. Cette constatation est corroborée par les preuves réunies dans divers pays, telles qu'elles sont exposées dans le chapitre 2. Premièrement, une comparaison entre les pays réfor mateurs et non-réformateurs révèle que les réformes ont contribué à accélérer la croissance dans les années 1990 ; cependant, cette crois sance était (dans de nombreux cas) fondée sur une augmentation brutale de l'accumulation du capital physique, au détriment des inves tissements dans le capital humain et naturel. Deuxièmement, une ana lyse économétrique de vingt pays, présentant pour la plupart un revenu intermédiaire, révèle que le taux de la croissance économique baisse au fur et à mesure que le stock de capital national physique augmente par rapport à des niveaux donnés de capital humain et naturel, mais que l'accumulation d'actifs en capital humain (en élargissant l'accès à l'édu cation et aux soins de santé) peut arrêter cette baisse. Troisièmement, une analyse économétrique de soixante-dix pays développés confirme les conclusions exposées ci-dessus concernant l'accumulation du capital et montre que lorsque le capital naturel est, lui aussi, considéré comme un facteur de production, le capital humain peut le remplacer dans une certaine mesure et réduire ainsi son influence en tant que source de croissance. Améliorer la distribution des chances Pour que la croissance puisse réduire efficacement la pauvreté, il est indispensable d'augmenter les actifs des pauvres. Bien que leur capital humain soit le principal actif dont ils disposent, l'inégalité dans l'édu cation est effrayante. Si les capacités étaient normalement distribuées dans la population, sans tenir compte de l'appartenance des individus à la classe des riches ou des pauvres, l'inégalité dans l'accès à l'éducation SAISIR LES C H A N C E S DE C H A N G E M E N T de base et au marché de l'emploi représenterait l'une des plus grandes pertes sociales de la société. Lorsque la qualité de l'enseignement est faible et l'inégalité scolaire prononcée, les pauvres souffrent davantage que les riches de l'inadéquation des services éducatifs. Le sous-investis sement dans le capital humain des pauvres découle d'une inégalité des richesses, d'une discrimination des femmes, de dysfonctionnements du marché et de politiques biaisées. En outre, nombreux sont les pays qui n'ont pas accordé une impor tance suffisante aux investissements publics dans l'éducation élémen taire. Une réorientation en faveur de ce secteur est indispensable pour améliorer l'efficacité des dépenses publiques. L'éducation à tous les niveaux, y compris l'enseignement supérieur, doit bénéficier d'investis sements privés et de partenariats entre les secteurs privé et public. La décentralisation des processus de prise de décision et les écoles gérées par la communauté semblent receler de grandes promesses pour l'amé lioration des résultats éducatifs. Cependant, pour que l'éducation per mette aux pauvres de devenir plus productifs, il faut assurer à ces derniers des terres, des ressources propres, une formation et des pers pectives d'emploi sur un marché ouvert et compétitif (chapitre 3). Soutenir le capital naturel Plusieurs indicateurs de la qualité du capital naturel, à l'exception nota ble de l'accès à une eau propre et à des installations d'assainissement des eaux usées, tendent à se détériorer en période de croissance, que celle-ci soit lente ou rapide. Pour le monde en développement dans son ensemble, l'épuisement du capital naturel (forêt, énergie et minéraux) et les dommages liés aux émissions de dioxyde de carbone sont estimés à 5,8 % du PIB. Cette détérioration du capital naturel impose des coûts actuels importants et diminue les perspectives d'une future croissance. Une croissance plus rapide peut potentiellement générer plus de res sources à investir dans l'accumulation du capital naturel, mais il est nécessaire d'agir pour assurer la qualité du processus de croissance. C'est pourquoi l'approche « croissons maintenant, nous nettoierons plus tard ! » doit céder la place à une politique de l'environnement intégrée aux politiques de croissance. Le présent rapport décrit des initiatives étant parvenues à stimuler la croissance tout en protégeant le capital naturel. Ces mesures impli quent souvent des interventions sélectives de l'État et favorisent les approches fondées sur une collaboration avec les communautés locales et le secteur privé. Il est possible de s'attaquer simultanément aux problèmes mondiaux et nationaux grâce à une coopération internatio nale et notamment à des mécanismes de transfert de paiements en com pensation d'externalités globales. Par conséquent, la poursuite d'une croissance de qualité est possible et souhaitable et n'entraîne pas ANCE nécessairement une dégradation massive de l'atmosphère, des forêts et rivières ou de tout autre composant du capital naturel (chapitre 4). Gérer les risques financiers globaux L'intégration au système financier mondial comporte des avantages technologiques et économiques indéniables pour les pays, mais elle les expose aussi à des chocs et aux fluctuations des taux de change et d'intérêt, ainsi qu'aux caprices des flux de capitaux. Les chocs peuvent avoir de graves conséquences en termes de pertes d'emplois et de pro duction, d'effondrement de banques ou de sociétés commerciales et d'aggravation de la pauvreté. Il est donc indispensable pour les pays de mettre en place des mécanismes adéquats pour assumer un équilibre entre les avantages et les risques inhérents à la mondialisation du mar ché des capitaux : il faut réduire les risques de panique et de crise tout en conservant un marché domestique ouvert. Une politique macroéconomique sérieuse est une condition indis pensable à toute croissance durable, même si des expériences récentes révèlent que la stabilité macroéconomique ne saurait suffire. Elle doit en effet être complétée par des actions visant à supprimer les garanties explicites ou implicites accordées par le gouvernement et encourageant l'arrivée de flux de capitaux à court terme, à renforcer la réglementation domestique et la supervision des banques et autres intermédiaires, à reconstruire les infrastructures d'information des marchés financiers et à améliorer la gestion et la transparence des entreprises. Les pays doi vent aussi continuer à soutenir l'ouverture de leurs marchés financiers. Dans les pays démocratiques, en effet, cette ouverture constitue une assurance pour les citoyens, soit directement par le marché, soit sous forme d'une redistribution des dépenses publiques en faveur de l'éduca tion, de la santé et des paiements de transfert (chapitre 5). Améliorer la gouvernance et lutter contre la corruption Le gouvernement a un rôle primordial dans la fourniture des biens col lectifs indispensables à une croissance durable et à une réduction de la pauvreté. Il doit également se doter d'un arsenal réglementaire moderne capable de pallier les externalités et les déficiences du marché. La mau vaise gouvernance et la corruption faussent l'élaboration des politiques et l'allocation de facteurs-clés de production, ce qui ralentit la crois sance du revenu et du bien-être social et augmente la pauvreté. Nom breux sont les projets et les investissements de développement qui ont échoué en raison du peu d'attention qu'ils accordaient à l'amélioration de la gouvernance et des libertés individuelles, au contrôle de la corrup tion, à l'allégement des tracasseries administratives et au renforcement du pouvoir institutionnel. La participation des bénéficiaires, l'attention prêtée à l'expression de l'opinion publique et à l'avis des entreprises compétitives, ainsi que la SAISIR LES CHA responsabilisation et la transparence des organes gouvernementaux, sont essentiels au contrôle de la corruption et à l'amélioration de la gou vernance. De nouvelles approches - favorisant la mise en place de coa litions et l'intégration des dernières méthodes en matière d'enquêtes sur la gouvernance et la corruption d'une part et des nouvelles technologies d'analyse opportune et de diffusion des données d'autre part - ont pro duit des résultats encourageants dans certains pays. L'action collective engendrée par ce type de processus participatif, alliée au pouvoir de l'information, de la divulgation, de la transparence et de l'accumulation du savoir et des capacités, peut renforcer la volonté politique et la capa cité technique d'améliorer la gouvernance et d'encourager la création et le fonctionnement d'institutions appropriées (chapitre 6). Les actions garantissant la qualité Les thèmes émergents contribuent à clarifier quatre dimensions influençant la qualité du processus de croissance : la distribution des chances, la durabilité de l'environnement, la gestion des risques globaux et la gouvernance (encadré 7.1). Ces éléments agissent directement sur le développement et entretiennent une relation bilatérale avec la croissance : ils augmentent l'impact de cette croissance sur le bien-être social, renforcent sa durabilité et permettent de résoudre certaines con tradictions entre la croissance et la durabilité. Le présent rapport expose diverses preuves émanant de sources et de domaines différents mais qui concordent à suggérer que la priorité accordée à la quantité ne saurait à elle seule garantir la qualité. Il s'ensuit que le niveau des dépenses publiques ne suffit pas à mesurer correctement l'impact. Dans une étude de l'OMS établissant le classe ment de cent quatre-vingt-onze pays en fonction de la qualité (y com pris l'équité et la couverture assurée) de leur système de santé, les États-Unis se classent premiers pour les dépenses par tête mais seule ment trente-septièmes pour les performances globales. La France - quatrième pour les dépenses par tête - se classe première pour ses per formances globales, la Colombie se classe vingt-deuxième au classement général, le Chili trente-troisième, le Costa Rica trente-sixième et Cuba trente-neuvième (OMS 2000). Répartition des politiques prônant la qualité, selon leur degré de réussite Il est impossible de caractériser un environnement idéal à la réussite des politiques privilégiant la qualité de la croissance. Cependant, les expé riences menées par les quatre pays qui suivent illustrent la manière dont on peut rechercher les aspects qualitatifs de la croissance avec plus ou moins de succès. QUALITÉ DE LA CROISSANCE ENCADRÉ 7.1 Actions visant la qualité Quelles pourraient être les implications de la politique ques et transnationales), les ONG, la société suivie sur l'obtention d'une croissance de qualité ? Le civile et le gouvernement -- dans la mise en présent rapport en présente plusieurs que l'on peut oeuvre d'un programme consensuel de dévelop regrouper en fonction de trois principes. pement. POLITIQUES POUR UNE CROISSANCE EXEMPTE · Donner du pouvoir aux individus en encoura DE DISTORSIONS DU CAPITAL PHYSIQUE, geant l'expression de leur opinion, leur participa HUMAIN ET NATUREL tion et l'accroissement de leurs libertés individuelles et politiques. · Éviter les subventions directes ou indirectes du capital : exemptions fiscales, octroi de pouvoirs · Soutenir la libéralisation économique en favori et de subventions à effet monopolistique, privilè sant le développement institutionnel et l'amélio ges spéciaux encourageant la corruption, garan ration de la gouvernance. ties implicites d'un taux de rendement, etc. · Investir efficacement dans le capital humain et Le présent rapport démontre également les garantir l'accès des pauvres à l'éducation, à l'aide effets des dysfonctionnements des marchés sur la de mesures d'encouragement et de l'affectation capacité des pauvres à construire un capital d'investissements publics. humain, sur la sous-évaluation (et sur la surexploi · Soutenir le capital naturel en clarifiant les droits tation résultante) du capital naturel et sur l'insta de propriété, en supprimant les concessions bilité excessive des flux financiers. Certains d'exploitation des ressources naturelles à des passages, consacrés essentiellement à la qualité, prix réalistes et en créant des impôts écologiques mettent en relief le rôle des politiques régulatrices (écotaxes). et des dépenses publiques dans le traitement de ces dysfonctionnements. RENFORCEMENT DE LA STABILITÉ ET DES ASPECTS DISTRIBUTIFS DE LA CROISSANCE La réponse ne consiste pas forcément à augmen ter le fardeau réglementaire de l'économie ou les · Assurer l'accès des pauvres à l'éducation, à la dépenses publiques. Il vaut mieux revoir l'affecta technologie et aux services de santé, ainsi qu'à la tion des dépenses publiques selon de nouvelles terre, au crédit, à la formation professionnelle et priorités et modifier la nature de la réglemen à l'emploi au sein de marchés ouverts. tation : éliminer les mesures contreproductives et · Adopter des cadres réglementaires et des mesu renforcer celles qui pallient les déficiences dans le res anticorruption efficaces afin d'accompagner fonctionnement des marchés. Quelles devraient l'ouverture financière et la privatisation. être les nouvelles priorités en matière de dépenses · Aligner les réformes et la restructuration sur des publiques ? Promouvoir l'accumulation du capital mécanismes d'atténuation du coût des crises humain, surtout chez les pauvres. Investir davan (généralement supporté de manière dispropor tage dans la prévention de toute dégradation sup tionnée par les pauvres). plémentaire du capital naturel et la réduction des subventions dégressives profitant au capital physi CONSTRUCTION D'UN CADRE DE GOUVER que. Adapter les réglementations aux dysfonction NANCE FAVORISANT LE DÉVELOPPEMENT nements des marchés financiers et des marchés · Impliquer toutes les parties intéressées -- le sec affectant l'utilisation des ressources environne teur privé (y compris les entreprises domesti mentales. SAISIR LES CHANCES DE CHANGEMENT Investir efficacement dans l'éducation élémentaire : la République de Corée Avec comme point de départ une économie ravagée par la guerre et de maigres ressources nationales, la Corée avait un PIB annuel moyen par habitant à peine supérieur à 500 dollars (sur une base PPA 1980) à la fin des années 1950. Le PIB par tête doubla alors au cours des trois décennies suivantes, grâce à une croissance touchant une fraction rela tivement large de la population et orientée vers l'exportation. Cette croissance fut accompagnée d'une réduction rapide de la pauvreté et d'une distribution relativement équitable des revenus (Leipziger 1997). La Corée dépensa en moyenne 3,4 % de son PNB dans l'éducation publique dans les années 1980, un chiffre analogue à celui observé dans les autres pays de la région. Cependant, à la différence des autres pays en développement, elle consacra deux tiers de son budget à l'éducation élémentaire obligatoire dans les années 1960 et au début des années 1970. Dans les années 1990, les subventions publiques aux élè ves de l'enseignement primaire étaient deux ou trois fois supérieures à celles accordées aux élèves de l'enseignement secondaire. Quant à l'enseignement supérieur, il était principalement financé par des fonds privés. La Corée parvint à développer rapidement l'éducation élémen taire et à réduire les inégalités en matière d'enseignement, comme le prouve la chute brutale de son coefficient de Gini de 0,55 en 1960 à 0,22 en 1990. Le gouvernement coréen soutint certaines industries à l'aide de prêts directs, de subventions et de garanties. Dans des environnements libéralisés mais dépourvus d'une réglementation adéquate, de telles mesures n'auraient pas manqué de provoquer un recours excessif aux emprunts étrangers, des investissements ruineux par les entreprises et une fragilité financière accrue. On peut donc tirer une leçon positive, mais incitant à la prudence, de l'expérience coréenne. Partager la croissance dans le cadre d'un programme incomplet : l'État de Kerala en Inde Sur le plan des dimensions du développement social (éducation, santé, égalité entre sexes, libertés individuelles et politiques, réduction de la pauvreté et des inégalités, etc.), les résultats de l'État indien du Kerala peuvent se mesurer à ceux d'économies beaucoup plus riches. Un enfant né dans cet État peut espérer vivre plus longtemps qu'un enfant né à Washington, aux États-Unis. Et pourtant, la croissance économique mesurée de cet État était jusqu'à une période récente inférieure à la moyenne de la Fédération indienne. Le Kerala s'est attaché à promouvoir les aspects qualitatifs du déve loppement, tout en négligeant les politiques de la première génération ANCE axées essentiellement sur la croissance. Pour parvenir à une croissance équilibrée des actifs, il est nécessaire de compléter les initiatives socia les par des politiques économiques favorables au marché. L'absence de progrès dans la mise en place d'un environnement économique ouvert et compétitif a gêné la croissance du Kerala. Une fois ces réformes ins pirées des politiques de la première génération mises en oeuvre, le niveau élevé du développement social devrait favoriser une bonne crois sance, à fondement solide et durable. Ravallion et Datt (1999) ont établi que l'impact de la croissance sur la réduction de la pauvreté variait en fonction du taux initial d'alphabé tisation, de la productivité agricole et de la différence de niveau de vie entre les zones rurales et les zones urbaines. Dans les États ayant un taux d'alphabétisation élevé et une éducation élémentaire équita- blement distribuée, chaque point de croissance supplémentaire a un impact supérieur sur la réduction de la pauvreté. L'élasticité de la réduc tion de la pauvreté par rapport à la croissance non agricole du Kerala était la plus élevée de tous les États indiens. Si l'ensemble de ces États présentait une élasticité analogue, la fraction pauvre de leur population aurait baissé environ trois fois plus vite, c'est-à-dire à un rythme annuel de 3,5% au lieu de 1,3%. Concilier la croissance économique et la durabilité du capital naturel : le Costa Rica Le Costa Ricajouit d'un taux d'alphabétisation élevé, d'une stabilité éco nomique et politique et d'un budget dépourvu de postes consacrés à la défense. Sa distribution du revenu et autres indicateurs sociaux sont parmi les meilleurs de toute l'Amérique latine. Et pourtant, ce pays était confronté à divers problèmes écologiques : depuis la pollution urbaine jusqu'à l'utilisation excessive de pesticides, en passant par la surexploi tation des pêcheries, l'atteinte à la biodiversité et un taux de déforesta- tion annuel estimé à 3 % dans les années 1980. Le Costa Rica réagit en adoptant un système novateur et complet de protection de la forêt. Des mesures de dédommagement au titre de la fixation du carbone atmosphérique, de la conservation des ressources hydriques et de la protection de la biodiversité ont facilité la défense de la forêt. Le système génère ses propres ressources au moyen d'une éco- taxe sur les carburants frappant les consommateurs locaux, les contrats passés avec les compagnies produisant de l'énergie hydroélectrique et les paiements effectués par des organismes internationaux pour com penser leurs émissions de carbone. Le Ministère de l'environnement et de l'énergie encourage les réformes inspirées des recherches et les programmes éducatifs en matière de protection de l'environnement. Les évaluations de l'impact sur l'environnement sont obligatoires pour la plupart des projets, y com- SAISIR LES CHA pris les constructions à usage commercial ou résidentiel et l'ouverture de mines. La loi fixe des directives très strictes en matière de protection des ressources hydriques, des marécages, des monuments naturels, des zones naturelles protégées ainsi que des ressources marines et côtières. Elle punit aussi sévèrement tous les types de pollution, l'usage abusif des terres et les évacuations illégales de déchets. L'objectif est mainte nant d'accroître l'efficacité des lois, de renforcer les capacités des auto rités de contrôle et de conclure des accords de partenariat avec le secteur privé et la société civile (Thomas 1998). Un équilibre entre l'ouverture, la gestion des risques et la protection sociale : le Chili Après une décennie d'ouverture rapide des marchés et de croissance instable dans les années 1980, le Chili s'est résolu à prendre des mesu res de gestion des risques dans les années 1990. Premièrement, il a mis en place un système extrêmement sélectif d'assistance sociale au moyen de programmes de santé, d'éducation et de logement et de transfert de revenu. C'est ainsi que les investissements sociaux du gouvernement augmentèrent de 75 % entre 1987 et 1994 et, venant s'ajouter à une robuste croissance économique, contribuèrent fortement à la réduction de la pauvreté. Deuxièmement, les flux de capitaux étant de plus en plus instables, la banque centrale indépendante mit en place des contrôles visant uniquement les flux de capitaux entrants à court terme entre 1991 et 1998. On peut estimer qu'ils ont permis d'accroître l'écart entre les taux d'intérêts domestiques et étrangers et de modifier ainsi la com position des flux entrants au profit des investissements à plus long terme (Gallego et al. 2999). Ces politiques et d'autres ont contribué à une rapide croissance éco nomique, accompagnée d'un déclin important de la pauvreté. L'inci dence de la pauvreté tomba de 41 % de la population en 1987 à 23 % en 1994, alors que celle de la grande pauvreté (définie à l'aide d'un seuil de pauvreté/indigence plus bas) tombait de 13 à 5 %. L'inégalité des reve nus semble s'être stabilisée depuis 1987, après avoir augmenté pendant l'essentiel de la période 1960-1985 (Ferreira et Litchfield 1999). Cepen dant, les ressources naturelles sont insuffisamment protégées et sur exploitées. En outre, la distribution des services éducatifs est devenue moins équitable, comme le prouve l'écart grandissant entre la durée de la scolarité des riches et des pauvres (Banque mondiale 1997b). L'économie politique de la quantité ou de la qualité Diverses expériences menées dans plusieurs pays suggèrent que l'accent doit absolument être mis sur la qualité pour trois raisons. ANCE Premièrement, la qualité influe directement sur le bien-être social en favorisant une distribution plus équitable des services d'éducation et de soin de santé et l'amélioration de l'environnement. Les aspects crois sance et qualité, d'ailleurs unis par une relation bilatérale, doivent donc être pris simultanément en compte. Deuxièmement, le rythme de la croissance est moins instable et plus durable si l'on prend en compte les aspects qualitatifs. Lorsque les taux de croissance fluctuent, les impacts négatifs de ces variations sont plus prononcés pour les pauvres. Troisièmement, les économies privilégiant la qualité peuvent mieux parvenir à des compromis entre des objectifs nettement antagonistes. L'un de ces compromis, mentionné dans le présent rapport, concerne la tentation de subventionner le capital physique ou de surexploiter le capital naturel en vue de promouvoir la croissance. Dans ce cas (ou dans des cas similaires), la prise en compte des aspects qualitatifs de la crois sance facilite l'adoption de compromis. La plupart des pays - et nombre de conseillers en programme d'action - soulignent l'importance prioritaire de la stabilisation et de la libéralisation macroéconomiques. Pendant ce temps, les actions visant les aspects qualitatifs, tels que la distribution de l'éducation et l'utilisa tion durable du capital naturel, sont reportées. Les preuves présentées ici mettent en évidence les limites fondamentales de cette approche et les avantages d'une action conjointe. Les réformateurs ont parfois jugé nécessaire de profiter de certaines circonstances pour encourager la libéralisation, alors que les groupes d'intérêts et les opposants à cette politique étaient momentanément affaiblis. Les dimensions qualitatives de la croissance ne sont générale ment considérées, elles aussi, comme prioritaires que si certaines autres conditions, telles que l'essor des institutions démocratiques, sont réu nies. Dans un environnement économique de plus en plus mature et par ticipatif, aucun pays ne peut se résoudre de gaieté de coeur à reporter la prise en compte des aspects qualitatifs de la croissance alors qu'il sait pertinemment que cette carence lui coûtera extrêmement cher. Il arrive que des difficultés politiques entravent le progrès, alors même que l'importance des aspects qualitatifs est claire. Des groupes d'intérêt risquent en effet de dissocier l'élaboration de la politique de sa mise en oeuvre. La collusion entre les politiciens et les nantis risque de fausser la répartition des ressources publiques au profit des détenteurs du capital physique. Par exemple, les exonérations temporaires d'impôt, les garanties implicites sur les infrastructures, les monopoles et l'accès trop facile aux ressources naturelles sont souvent bénéfiques aux riches et nuisibles aux pauvres. L'économie politique des réformes, moins explorée que les autres aspects de la croissance, est un domaine difficile à évaluer. Pourtant, SAISIR LES CHANCES DE CHANGEMENT certaines initiatives semblent incontestablement intéressantes. Un bon début consiste à encourager la participation des bénéficiaires, la direc tion par l'État des programmes de réforme et la représentation politique des pauvres. Aller plus loin Comment les pays pourraient-ils accorder une plus grande priorité aux dimensions qualitatives de la croissance ? Et comment financer et soutenir pareils objectifs dans la pratique ? Les exemples cités dans le présent rapport permettent de formuler plusieurs observations suscep tibles d'orienter les efforts allant dans ce sens : · Accroître sérieusement la transparence et réduire la corruption ou les rentes de situation permet non seulement d'augmenter le niveau d'épargne et d'investissement du pays tout en favorisant la croissance, mais aussi de répartir plus équitablement les fruits de ladite croissance. · Certaines dimensions qualitatives permettent de fixer un prix tenant compte du coût total ou sont imposables : deux caractéris tiques générant des ressources publiques. · D'autres mesures de respect de la qualité requièrent une redistri bution des dépenses publiques, afin de réduire les subventions et les biais dans certains domaines et d'accroître les investissements publics dans d'autres. · Le respect de la qualité n'impose pas forcément un intervention nisme plus soutenu, mais peut signifier un engagement plus massif du secteur privé, des organisations non-gouvernementales et de la société civile dans la mise en oeuvre des buts communs. · Le renforcement de l'action civique peut favoriser les libertés indi viduelles et des processus participatifs susceptibles de soutenir les réformes. · Tous ces efforts exigent eux-mêmes d'accorder beaucoup plus d'attention aux compétences, au développement technologique et à l'habilitation, ainsi qu'à l'efficacité des mesures adoptées. Les preuves présentées dans le présent rapport encouragent vive ment la prise en compte des aspects qualitatifs de la croissance, en plus de ses facettes traditionnelles, afin de permettre aux gens de mieux prendre leur destin en main : égalité des chances dans le domaine du développement humain, durabilité de l'environnement, gestion des ris ques globaux, style de gouvernance, etc. Les gouvernements ne sont pas tenus de supporter intégralement le fardeau représenté par la promo tion de la qualité de la croissance et devraient même s'abstenir de le faire. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Au lieu d'inciter à un interventionnisme plus grand, les preuves réu nies dans ce rapport vont plutôt dans le sens d'un encouragement du secteur privé, des ONG et de la société civile à faire entendre leur voix et à participer au processus de croissance. Un engagement plus impor tant de toutes les parties peut aider à dépasser le critère de la croissance mesurée au moyen du PIB pour tenir compte également du progrès social et environnemental, du renforcement de l'influence des citoyens et de l'amélioration de la gouvernance. Cette redistribution des priorités devrait accroître la contribution du processus de soutien des aspects qualitatifs de la croissance et amener le débat sur la signification réelle du développement. A N N E X E Objectifs généraux et instruments L'évaluation continue des progrès et des politiques en matière de déve loppement requiert un cadre plus large que le cadre habituel, bien que tous les éléments concernés ne soient pas quantifiables. Cette annexe examine les objectifs et les instruments de politique économique du développement avant de formuler certaines hypothèses sur leurs liens. Un modèle formel et un commentaire des résultats empiriques figurent respectivement dans le chapitre 2 et l'annexe 2. Que ce soit aujourd'hui ou demain, les individus accordent de la valeur à au moins trois dimensions de leur vie. Ils tirent une satisfaction directe de l'éducation et d'autres aspects du capital humain (comme l'espérance de vie ou le taux d'alphabétisation), d'un air et d'une eau purs (et d'autres stocks de capital naturel) et de la circulation de biens de consommation (comme la nourriture ou l'habitat). Ils ont aussi à coeur le bien-être des générations futures et la capacité de celles-ci à jouir de tous ces aspects de la vie (à un degré probablement moindre). Toute société essaie de retirer lemaximum de son capital humain, natu rel et physique, compte tenu de ses ressources totales. Globalement donc, l'augmentation de ces dimensions équivaut à une croissance de qualité. Cette annexe expose les relations simples entre les objectifs et les politiques, sous forme de corrélations et de graphiques de dispersion. QUALITÉ DE LA CROISSANCE L'annexe 2 présente une analyse économétrique venant compléter la vaste littérature consacrée à ce sujet. Objectifs et mesures des politiques mises en place Nous avons construit des indices agrégatifs du développement humain et de la durabilité de l'environnement, afin de pouvoir nous concentrer uniquement sur trois mesures de la qualité de la croissance : le dévelop pement humain, la croissance économique et la durabilité de l'environ nement. Les instruments de politique économique incluent notamment ceux qui sont mis en relief dans le Rapport sur le développement dans le monde 1991 (Banque mondiale 1991). Les corrélations entre les poli tiques et les objectifs sont exposées dans le tableau Al.l et correspon dent aux résumés graphiques des figures 1.2 et 1.5 du chapitre 1. Les Tableau AI .1 relations entre les politiques et les indicateurs entrant dans la composi Relations entre les objectifs tion des indices n'apparaissent pas. Des graphiques de dispersion pour du développement et les certaines combinaisons d'objectifs et de politiques apparaissent dans la instruments de politique figure Al.l (où les effets de revenu de la période initiale sont neutrali économique, 1981-1998 sés). Objectifs Développement humain Croissance du PIB Développement durable . Coefficient Seuil de Nombre coefficient Seuil de Nombre Coefficient Seuil de Nombre Instruments de corrélation significatlvité de pays de corrélation significatlvité de pays de corrélation significatlvité de pays Dépenses d'éducation/PIB 0,04 0,72 87 -0.02 0,84 88 0,17 0.21 56 Dépenses de santé/PIB (1990-1998) -0,01 0,95 70 -0,28 0,02 71 0,18 0.23 49 Excédent budgétaire 0,12 0,40 55 0,27 0,05 55 0,01 0,97 39 Ratio Commerce/PIB 0,07 0,50 89 0,07 0,50 90 -0,05 0.69 56 Modifications du tarif douanier moyen 0,05 0,82 26 -0,09 0,65 26 -0,10 0,65 25 Indice de l'ouverture aux comptes de capital (1988) 0,21 0,22 36 0.00 0.99 36 -0,22 0,23 31 Indice de la répression linancière (1996) -0,16 0,50 21 0,26 0,26 21 -0,35 0,12 21 Agrégat M2/PIB 0,36 0,00 89 0,29 0,01 90 -0,08 0.58 56 Action domestique pour l'envi ronnement (variable fictive) -0,16 0,15 80 0,24 0,03 81 -0,10 0.47 56 Action internationale pour l'envi ronnement (variable fictive) 0,11 0,35 80 0,08 0,49 81 -0,24 0,08 56 Indice de la primauté du droit (1997-1998) 0,34 0,00 86 0.41 0,00 87 0,18 0,19 55 Indice de l'efficacité du gouver nement (1997-1998) 0,35 0,00 81 0,27 0,00 82 0,05 0,73 55 Remarques : L'amélioration du développement humain est définie comme le classement Borda pour la diminution de la mortalité infantile, la réduction de l'illettrisme et l'augmentation de l'espérance de vie à la naissance entre les années 1980 et les années 1990. L'amélioration du développement durable est définie comme le classement Borda pour les diminutions des émissions de dioxyde de carbone, de la deforestation et de la pollution de l'eau entre les années 1980 et 1990. Les corrélations significatives à des seuils de 10% ou plus sont indiquées en italiques grasses. Sources : Banque mondiale (2000c) et calculs de l'auteur. ES OBJECTIFS GÉNÉRAUX ET INSTRUMENTS Relations entre les objectifs et les instruments Croissance du PIB Augmentation du taux d'alphabétisation (variation annuelle en pourcentage) (variation en pourcentage) 8 l 20 n 15" 10" 5 ' o- ^i*-, - 5 " ^ï*": - 1 0 - - 1 5 - -8 ~T 1 r ~T - 2 0 - T" T" ^ 0 -20 0 20 40 60 -50 -25 0 25 50 75 100 Densité des circuits financiers Ratio Commerce/PIB (en pourcentage) (agrégat M2/PIB en pourcentage) Croissance du PIB Augmentation du manteau forestier (variation annuelle en pourcentage) (variation en pourcentage) 6 3 4 - 2 - 2 - o - o - 0 ,,---*?JJr^r?rrrïr.. -2 - 1 - 4 H -2 -6 T T T ~T "1 -3- T" -r i i - 6 ^ - 2 0 2 4 6 ^ - 2 0 2 4 Excédent budgétaire (en pourcentage du PIB) Dépenses publiques d'éducation (en pourcentage du PIB) Croissance du PIB Réduction de la pollution de l'eau (variation annuelle en pourcentage) (variation en pourcentage) 8 30" -1,0 -0,5 0 0,5 1,0 1,5 Primauté du droit (indice) Contrôle de la corruption (indice) Remarque : Les diagrammes de dispersion sont construits à l'aide des résidus des régressions des variables respectives - sur les deux axes - par rapport au PIB Figure AI .1 par tète de 1981. Objectifs du développement et Sources : Banque mondiale (2000c) et calculs de l'auteur. instruments de politique économique ^m QUALITÉ DE LA CROISSANCE Les objectifs et les variables intermédiaires sont les suivants : · Indicateurs du développement humain. Nous avons construit un indice du développement humain sur la base de données relati ves à la mortalité infantile, aux réductions du taux d'analpha bétisme et aux allongements de l'espérance de vie. La période sur laquelle les changements furent calculés va du début des années 1980 à la fin des années 1990. Nous voulions incorporer aussi dans l'indice des variables relatives à la distribution du revenu, à la réduction de l'incidence de la pauvreté et aux inégali tés entre sexes dans le degré d'instruction, mais nous avons dû y renoncer, dans la mesure où les données correspondantes n'étaient disponibles que pour quelques pays. · Indicateurs du développement durable. Nous avons construit un indice agrégatif du taux annuel négatif de déforestation, de réduction des émissions de dioxyde de carbone par tête et de dimi nution de la pollution de l'eau par tête. La période examinée va, là aussi, du début des années 1980 à la fin des années 1990. Nous aurions voulu également inclure dans l'indice une mesure de la pol lution atmosphérique dans les principales villes des pays en déve loppement, mais les données comparables disponibles portaient uniquement sur les années les plus récentes. · Croissance du revenu. Nous avons utilisé les taux de croissance du PIB entre 1981 et 1998, ainsi que des indicateurs intermédiaires tels que l'augmentation du capital national et de la PTF. C'est d'ailleurs la méthode employée dans nombre d'études empiriques et notamment celles de Barro (1990), Easterly (1999a), Easterly et al. (1993), Nehru et Dhareshwar (1993), Pritchett (1998), Ban que mondiale (1991) et Young (1992). Les instruments de politique économique étaient représentés par : · Dépenses sociales en matière d'éducation et de santé. Ces dépenses ont été représentées sous forme de la part du PIB indi quée par la moyenne des valeurs disponibles pour les périodes 1981-1997 (éducation) et 1990-1998 (santé). En raison de l'indis ponibilité de certaines données, nous avons été incapables d'inclure l'affectation des dépenses publiques en matière d'éduca tion élémentaire et de services de médecine préventive (Filmer et al. à paraître ; Lôpez et al. 1998). · Engagement en faveur de l'environnement. Nous avons utilisé deux variables fictives pour représenter l'engagement en faveur de l'environnement : l'une, fondée sur la formulation de stratégies et de profils écologiques, pour l'action domestique et l'autre, fondée sur la signature de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Chan gements Climatiques, pour l'action internationale. Malheureuse- OBJECTIFS GÉNÉRAUX ET INSTRUMENTS ment, nous ne disposons pas encore d'indicateurs plus raffinés des politiques gouvernementales en matière de développement durable. · Politique macroéconomique. Nous avons utilisé l'excédent bud gétaire en termes de pourcentage du PIB (Barro 1990 ; Fischer 1993). · Ouverture. Nous avons utilisé le ratio Commerce / PIB, l'écart entre le marché officiel et le marché parallèle des devises, les modifications du tarif douanier et une mesure du contrôle des capitaux fondée sur les travaux de Quinn (1997) et de Quinn et Toyoda (1997) (une valeur plus élevée de l'indice représente une plus grande ouverture aux flux de capitaux entrants ; voir l'annexe 5). · Densité des circuits financiers, prudence et gestion des ris- ques. Nous avons utilisé la densité des circuits financiers, telle qu'on peut la mesurer à l'aide du ratio M2 / PIB, et un indice de la répression financière reposant sur les études de Williamson et Mahar 1998 (dans lequel une valeur faible correspond à un sys tème financier plus libéral). · Indicateurs de gouvernance. Six indicateurs de gouvernance - la primauté du droit, l'efficacité du gouvernement, le contrôle de la corruption, la prise en compte de l'opinion publique et la respon sabilisation des organismes gouvernementaux, le fardeau de la réglementation, ainsi que l'instabilité politique et la violence - sont examinés dans le présent ouvrage. Sur cette liste d'indicateurs, seuls les trois premiers sont utilisés dans cette annexe. Pour des détails et une analyse complémentaires, voir le chapitre 6 et l'annexe 6. Indices agrégatifs du développement humain et durable Nous avons eu recours à la technique du classement de Borda pour construire un indice unique du développement humain et un autre indice unique du développement durable. Les indicateurs entrant dans l'indice du développement humain sont : · la baisse de la mortalité infantile entre les années 1980 et 1990, · la baisse de l'analphabétisme chez les adultes entre les années 1980 et 1990, · l'allongement de l'espérance de vie entre les années 1980 et 1990. Les indicateurs entrant dans l'indice du développement durable sont : · la réduction du volume des émissions de dioxyde de carbone par tête entre les années 1980 et 1990, ^m QUALITÉ DE LA CROISSANCE · la réduction des émissions globales de polluants organiques de l'eau (en kilogrammes par jour et par travailleur) entre les années 1980 et 1990, · le taux annuel négatif de déforestation enregistré pour la période 1980-1995. La procédure de classement Borda consiste à affecter à chaque pays un point égal à son score pour chaque critère. La moyenne des points de chaque pays pour les différents critères est ensuite calculée pour déte rminer le classement global. Cette procédure permet l'agrégation d'indi cateurs utilisant différentes unités de mesure, périodes de référence ou couvertures nationales ; en d'autres termes, il devient possible de com parer des pays dans différentes catégories, même si le nombre de pays varie selon les catégories. Pour plus de détails sur les techniques du classement Borda, voir Fine et Fine (1974a,b), Goodman et Markowitz (1952), Smith (1973) et Thomas et Wang (1996). Nous avons également essayé une autre méthode d'agrégation fon dée sur la transformation de chaque variable en un score standardisé avec une moyenne de 0 et un écart-type de 1, puis sur le calcul de leur moyenne. Au niveau de la significativité des coefficients de corrélation, cette technique a permis d'obtenir des résultats assez semblables. A N N E X E Cadre de travail et argumentation Cette annexe fournit un cadre de travail et une argumentation empiri que pour le chapitre 2. Fonction d'aide sociale Soit U,une fonction d'aide sociale additive et separable pour une société de AT individus : N N (A2.1) U = 5>(ci)+ 5 > ( M ) > i = 1 i = l où c{ est la consommation de l'individu i, hi le capital humain de l'indi vidu i, et R le niveau (global) des actifs environnementaux. R est sup posé être un bien relevant du pur domaine public, ce qui le rend inapte à être réparti au sein de la population. MQ et uQ sont en outre des fonctions croissantes strictement concaves. Une approximation de second ordre de U établie sur les valeurs moyennes de c et h donne : N N (A2.2) U~Nu(c) + YJ '{c){ci-c) u + ^^u"{c)(ci-c)2 i = \ i = 1 N N + Nv(h,R)+ X v'(h,R)(hi-h) + ^ £ v"(h,R)(hi-h)2 i=l i = l ^M ANCE où c est la consommation moyenne ou par tête, h est le capital humain par tête ou moyen, u\c~) et v'(h ; K) sont les dérivées premières par rapport à c et h respectivement, évaluées sur les valeurs moyennes, et u"{c ) et v"{h ; K) qui sont les dérivées secondes. Tenant compte des prévisions, nous obtenons une aide sociale moyenne par individu i égale à : (A2.3) E(U) « u(c) + \u"{c)al + v{h,R) + \v"{h,R)ol, Cl ù où a^ est la variance de la consommation sur toute la population et o | la variance de la répartition du capital humain au sein de la population. M(-) et u(-) étant strictement concaves, nous savons que u" < 0 et v"s(-} < 0. L'aide sociale globale ou prévue est donc croissante en c et h décroissante en c% et o^ . De plus, i>(-) étant croissante en R, dv"/dR2 ~ 0 on en déduit que E(/7) est également croissante enR. À partir de la définition donnée dans le texte, une croissance soute nue exige que la croissance du capital physique dans le temps soit accompagnée d'une croissance positive du capital humain, sans dégra dation de sa répartition. Une croissance soutenue est donc susceptible de réduire la pauvreté mais n'est pas cohérente avec une dégradation de la répartition des revenus. Une croissance soutenue augmente et diminue, ou du moins n'aug mente pas a? ni a | . Elle est donc susceptible d'accroître l'aide sociale, E(£/) dans l'équation (A2.3), tant que R ne chute pas, ou tout au moins à un rythme suffisamment faible. Optimisation du secteur privé Comme mentionné dans le texte, le capital humain (h) et le capital en ressources naturelles (R) sont soumis à deux externalites possibles associées à la consommation et la production. Les externalites liées à la consommation proviennent du fait que les effets positifs directs de h et de R sur la fonction d'aide sociale ne peuvent être que partiellement pris en considération par le secteur privé dans ses décisions d'attribution de ressources. Les externalites liées à la production apparaissent du fait que bon nombre des retombées technologiques positives qui sont fonc tion de h peuvent ne pas être prises en considération par le secteur privé. De plus, une partie de la valeur R en tant que ressource produc tive peut également être ignorée du secteur privé, en particulier dans le cas où les droits régissant la propriété du capital en ressources naturel les ne sont pas bien définis. Nous partons ici d'une hypothèse extrême, selon laquelle toutes les valeurs de consommation directe de h et de R sur la fonction d'aide sociale (ainsi que les effets de sa répartition représentés par a^ et o\ ) sont ignorées dans les décisions de production du secteur privé. De CADRE DE TRAVAI plus, nous supposons que les externalités liées à la production creusent un fossé entre les productivités marginales privées de h et R et les véri tables productivités marginales de ces ressources. Cela signifie que le secteur privé ne prend en compte qu'une partie de la contribution de h et de R par rapport à la production. De plus, nous partons du fait qu'il existe un niveau cs de consommation minimum dite de subsistance. Le ménage représentatif a besoin d'un niveau de consommation cs pour survivre et ne permettra donc pas un niveau de consommation inférieur à cs. Cela signifie que nous imposons une contrainte de subsis tance, c - cs > 0. Partant de ces hypothèses, le véritable problème est la maximisation de la valeur actualisée de M(C), contrairement à celle de E(U) qui est soumise aux contraintes suivantes : (A2.4) (i) h = G(k,hJi,A(k,h),p)-c-Il-lP-(Ifi), (ii) c - c s > 0 , (iii) h = Il+ff , v ' h h ' (iv) R = 4>(i2) + p/£-V[G(-)], (v) fc(0) = fc0; MO) = hQ; R(Q) = RQ. où k est le capital physique par tête, (?(·) est la fonction PIB par habi tant, A(-) est l'indice de productivité, p représente les variables liées à la politique et à des facteurs exogènes, I9h représente l'investissement public en capital humain, 1% représente l'investissement privé en capi tal humain, (3 est un paramètre, IgR représente l'investissement public en capital en ressources naturelles, <|>(7?) est une fonction croissance des ressources renouvelables dans le temps et i|/(-) une fonction croissante du PIB qui reflète l'impact direct, éventuellement, négatif d'une activité économique accrue sur le capital en ressources naturelles. Nous suppo sons que la population N est fixe, ce qui nous permet au moyen des uni tés adéquates, de la normaliser à 1. De ce fait, la distinction entre les variables « total » et « par tête » dans l'équation (A2.4) n'a plus lieu d'être. De plus, pour des raisons de simplicité algébrique, nous suppo sons un taux nul de dépréciation de k et h. Le fait de supposer un taux logarithmique constant de dépréciation pour ces actifs, comme cela se fait habituellement, n'affecte aucun des résultats. Plusieurs remarques concernant l'équation (A2.4) : On suppose que I9, et I9R sont des variables politiques. · On suppose que l'effet du PIB sur le capital en ressources naturel les n'est pas du tout internalisé par le secteur privé et qu'en consé quence, le secteur privé n'investira pas du tout dans ce capital. Ainsi, l'équation (A2.4) (iv) est seulement utilisée en tant qu'iden- ANCE tité comptable et n'est pas prise en compte directement (ni ex ante) dans les décisions prises par le secteur privé, même si l'évo lution de R affecte ses décisions futures. · L'effet de h sur G() n'est que partiellement intégré dans les déci sions du secteur privé. Le gouvernement peut éventuellement combler une partie, voire l'intégralité de l'éventuel déficit dû au sous-investissement en capital humain laissé par le secteur privé. · Nous laissons k et h affecter la connaissance représentée par la fonction de productivité A () On suppose que la connaissance est un bien public auquel n'importe quelle société peut accéder à coût nul. Conformément à l'hypothèse « apprendre en faisant », nous suivons Arroz (1962) et Romer (1986) et supposons que l'appren tissage par la pratique fonctionne au travers de l'investissement de chaque société en k. Cependant, nous précisons que l'apprentis sage par la pratique exige un capital humain, ou que le capital humain facilite et augmente l'efficacité de ce processus. Ainsi, la fonction A(-) est supposée croissante et l'effet marginal de k sur A augmentant avec h, ce qui donne d2A/dkdh > 0 . · L'équation (A2.4) (i) implique que l'investissement public en capi tal humain est financé à partir de la totalité de l'épargne au moyen des taxes forfaitaires. Une autre approche serait de supposer que les investissements publics sont financés par un impôt sur le revenu proportionnel au PIB, comme le suggère Barro (1993). · On suppose que la production de capital humain est générée par les mêmes processus productifs que le capital physique et les biens de consommation. Cette hypothèse a souvent été utilisée dans la littérature (Cf. par exemple Barro et Sala-I-Martin 1995). Alterna tivement, on peut postuler l'existence d'une fonction de produc tion de h comme dans Lucas (1988) ou Rebelo (1991). Bien que cette dernière soit plus réaliste, l'hypothèse d'une fonction de pro duction commune pour le consommateur et tous les biens d'inves tissement réduit considérablement les formules et ne change en rien les conclusions fondamentales. Cas d'une économie à revenus moyens avec consommation initiale nettement au-dessus du niveau de subsistance Tout d'abord, nous supposons que la contrainte (A2.4) (ii) n'est pas obligatoire ; l'économie est suffisamment riche pour permettre c>cs à tout moment. Nous analyserons le rôle de la contrainte de subsistance dans le cas d'une économie peu productive. Il peut être démontré que le secteur privé, dans ce cas de figure, n'investit dans k que si la productivité marginale du capital matériel, Gk(-), est supérieure à la productivité marginale du capital humain tel qu'elle est perçue par le secteur privé, G? () '. Il investira à la fois dans CADRE DE TRAVA k et h si GP = Gk et n'investira que dans h si Gp > Gk . Ainsi, en suppo sant que k est initialement faible, /g = 7|> = 0 et k > 0. Bien entendu, la raison essentielle pour laquelle le secteur privé n'investit que dans un facteur vient de notre hypothèse selon laquelle tous les facteurs pro viennent d'une fonction de production commune. Si nous tenons compte d'une fonction de production de h différente, le secteur privé peut se montrer prêt à investir à la fois dans k et h même en dehors d'un équilibre à long terme. Cependant, l'essentiel est que le secteur privé a tendance à sous-investir dans le capital humain et en ressources natu relles par rapport au capital physique. Il a donc tendance à resserrer son portefeuille d'investissements tant que les externalités liées à h et R sont plus importantes que celles liées à k, indépendamment du fait que h ou R remplissent une fonction de production distincte. Dans un cer tain sens, la spécification extrême (mise à part la simplification de la for mulation algébrique) permet de mettre l'accent sur le fait que l'économie de marché tend à spécialiser à l'extrême son choix d'inves tissement. Partant des conditions de premier ordre du problème évoqué ci-des sus, on peut déduire le taux de croissance économique de la façon habi tuelle si Gk>Gp. Celle-ci est une fonction croissante de l'écart entre le rendement marginal du capital et son coût marginal b(-). Si l'on part de l'hypothèse habituelle d'une aversion relative permanente pour le risque - par exemple que - u" (c) · c/(u') (c) - 0 > 0, est une constante - et où u(c) est défini dans l'équation (A2.3), le taux de croissance écono mique est : (A2.5) c/c = ^[Gk(k,hJÎ,A,P)-b(r,p)] , où c/c est le taux de croissance de la consommation par habitant (nous avons supprimé la barre sur le c) le capital matériel pour un certain niveau de A, et r le taux d'escompte2. Il y a quatre cas possibles : i. Une croissance soutenue exige une croissance parfaitement équilibrée des actifs. Ce cas se présente si les rendements de la fonction de production globale G(-) sont constants, par exemple lorsque les effets des retombées de k et h sur A(-) sont négligeables. C'est pourquoi Gk est fonction seulement de ratios de facteurs. Sup posons que h et R restent constants lorsque c/c > 0 et k/k > 0 . Dans ce cas, le secteur privé n'investit ni en R ni en h. Par consé quent, la croissance ne sera pas équilibrée, reposant exclusivement sur l'accumulation de k. Du fait des rendements d'échelle constants, Gk{-} diminue lorsque k augmente. Il en résulte que l'expression entre guillemets dans (A2.5) diminue et la « malédiction de Solow » s'applique. Un taux de croissance positif ne peut être soutenu que si ANCE le gouvernement investit dans h et/ou R (le déclin de croissance est bien entendu plus rapide si R chute comme conséquence de la crois sance). Ainsi, dans ce cas, la croissance ne peut être soutenue que si le gouvernement investit dans h et R, de façon à obtenir k/k = h/h = R/R. Une croissance parfaitement équilibrée des trois actifs est requise pour soutenir un taux de croissance positif. ii. Une croissance soutenue peut être obtenue avec une croissance non équilibrée des actifs. Ce cas se présente s'il existe d'importan tes retombées technologiques liées à une accumulation de capitaux. Dans ce cas, il est possible que la productivité marginale de k ne diminue pas quand A augmente en k. Maintenant, même si h et R ne croissent pas, ou s'ils diminuent avec un taux suffisamment faible, le taux de croissance peut être soutenu. On peut donc avoir dans ce cas une croissance soutenue mais déséquilibrée, purement assise sur la croissance du capital matériel et des retombées technologiques. iii. Une croissance soutenue peut être obtenue avec une croissance semi-équilibrée des actifs. Ce cas se présente s'il y a une forte subs titution entre hetR dans la fonction Gk. Cette substitution présente deux sous-cas lorsque h > hc, où hc est un niveau critique du capital humain. a. Dans le cas de rendements d'échelle constants sans effet des retombées technologiques, la croissance peut être soutenue si h et k croissent à des taux identiques, ce qui signifie que le ratio klh reste constant. Une croissance d'actifs semi-équilibrée absolue est nécessaire pour avoir ce scénario. b. Les retombées technologiques impliquent que la fonction de pro duction indique des rendements d'échelle croissants en k et h mais que la productivité marginale nette de k soit décroissante en k. Dans ce cas, h peut croître à un rythme plus lent que k, ce qui signifie qu'il est nécessaire d'avoir une croissance d'actifs semi- équilibrée relative. Dans ce cas, dGk/dR baisse lorsque h croît et dGk/dR ~ 0 lors que h > hc, où hc est à un certain niveau critique. Cela signifie que lorsque h dépasse hc, la croissance économique n'est plus fonc tion de R, même si la productivité marginale de R est positive. On remarquera que la substitution significative est pour la producti vité marginale du facteur k et non pour la fonction de production comme supposé habituellement. Cela implique que la substitu tion significative entre hetR correspond à des effets de troisième ordre, et non de second ordre comme l'impliquent les élasticités habituelles de Hicks ou de Allen. iv. Une croissance soutenue peut être obtenue avec une croissance équilibrée relative des actifs. Ce cas se présente lorsque les retom- CADRE DE TRAVA bées technologiques dépendent à la fois de k et de h avec une très forte complémentarité dans la fonction A et h < hc. Nous partons dans le texte du fait que les retombées technologiques associées au capital matériel ne sont guère susceptibles de prendre une place importante dans les pays en développement, dont le niveau de for mation continue n'est ni très élevé ni en hausse. Cela signifie que l'élasticité de substitution entre h et k dans la fonction A(-) est faible. Si h est trop bas, l'effet de k sur A sera faible. Dans ce cas, la crois sance soutenue ne peut être obtenue que si h et R augmentent de façon à ce que Gk{-) ne baisse pas lorsque k augmente. Cela implique qu'une croissance soutenue peut être obtenue avec une croissance d'actifs équilibrée relative plutôt qu'absolue. Le système économi que peut soutenir un taux de croissance positif lorsque le secteur public investit dans h et R à un taux généralement plus bas que le taux d'accumulation de capital physique. Les résultats empiriques présentés dans le texte nous permettent d'éliminer les premier et deuxième cas. Cela signifie que, bien qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir un équilibre complet ou absolu des actifs pour enregistrer une croissance soutenue, une croissance fondée seulement sur une accumulation du capital physique n'est pas durable non plus. Selon les résultats empiriques, les deux derniers cas sont les plus significatifs. Les pays pauvres qui ne disposent pas de forts niveaux en capital humain exigent que le capital humain et celui des ressources naturelles croissent à un certain rythme, le plus souvent inférieur à celui du capital physique, pour avoir une croissance soutenue. Le dernier cas est donc celui qui reflète le mieux la situation des systèmes économi ques de pays pauvres, qui n'ont pas encore constitué une base assez solide en capital humain. Le troisième cas, particulièrement le sous-cas (iii)b, est le plus significatif pour les pays à revenu moyen disposant déjà d'un bon niveau en capital humain. La figure A2.1 illustre des processus de croissance équilibrée et déséquilibrée établis à partir de l'hypothèse que ces systèmes écono miques ne réalisent pas d'économie d'échelle et ne bénéficient pas de retombées technologiques associées à une accumulation de capitaux et que h > hc, ce qui implique que des variations dans R ne jouent aucun rôle sur la croissance économique. La productivité marginale Gk (resp. Gh~) est décroissante (resp. croissante) dans le ratio capital maté riel/capital humain. Dans la figure A2.1, Gh représente la véritable pro ductivité marginale du capital humain, x est la contribution marginale du capital humain à l'aide sociale en tant que bien de consommation, et par conséquent Gh + x représente la véritable contribution sociale marginale du capital humain. G& représente la contribution marginale du capital humain telle qu'elle est perçue par le secteur privé. ANCE Pour une économie qui croît à partir d'un faible ratio k/h, la produc tivité marginale de k chute le long de l'échelle Gk lorsque k/h croît. En l'absence d'intervention, une gestion économique du « laissez faire » continuera à accumuler un capital physique jusqu'à ce qu'il atteigne le point B, intersection où il n'est plus possible d'enregistrer de croissance ; k/h n'augmente pas. En ce point, Gk = b où b représente le coût marginal et, de ce fait, la croissance s'arrête. Dans le quadrant infé rieur de la figure A2.1, nous rapprochons la croissance de la consomma tion, c/c, avec le niveau de k/h. En l'absence d'intervention, c/c chute en continu jusqu'à atteindre le point L en (k/h)° où c/c = 0 (ce cas représente la croissance de type 1, objet de la discussion dans le chapitre 2). Cependant, si le secteur public investit dans le capital humain, une croissance à long terme est possible. Une intervention opti male nécessiterait un investissement du secteur public en capital humain lorsque l'économie atteint Qc/h)* ou le point D, où la producti vité marginale Gk, du capital matériel est égale à la productivité margi nale du capital humain Gh + x. En ce point, Gk = Gh + x > b et l'économie croît encore. Cependant, étant donné que la croissance est maintenant équilibrée avec k/k = h/h, k/h reste constant à (k/h)*. Dans le qua drant inférieur, l'intervention optimale implique que h cesse de croître en (k/h)* au point D. Nous avons ici un taux de croissance de la consom mation durable égal à (c/c)* (cette situation reflète la croissance de type 3 dans le chapitre 2). De manière alternative, le gouvernement peut choisir de subventionner les investisseurs en capital matériel en réduisant b ou en augmentant Gk dans le temps (cf. équation A2.5). Cependant, ces subventions doivent être financées. Si l'on suppose qu'elles le sont par des impôts forfaitaires, la contrainte budgétaire, équation A2.4 (i), implique que le gouvernement doit réduire 1% et/ou 19 . Cela signifie cependant que ce système économique devient encore plus dépendant des subventions en tant que moyens de soutien à la croissance. Dans la figure A2.1, ce type de croissance peut être observé par un décalage vers la droite de l'échelle Gk, en raison des subventions en capitaux (ou par une baisse de b), mais la contrainte budgétaire implique que le gouvernement a moins de ressources pour investir en capital humain. Par conséquent, pour préserver la croissance (afin de conserver un écart positif entre Gk et b), les subventions doivent être constamment réajustées (à la hausse) dans le temps. Ce qui signifie que l'échelleGfc devrait glisser constamment vers la droite en cas de subven tions permanentes et croissantes. La croissance économique devient dépendante de subventions qui ne cessent de croître, octroyées aux détenteurs de capitaux avec un impact négatif sur la répartition des revenus et sur le capital humain et naturel (il s'agit là d'une croissance de type 2, objet de la discussion au chapitre 2). CADRE DE TRAVAIL ET ARGUMENTATION Figure A2.1 G,, + * Rendements d'échelle constants et absence de retombée technologique Source : Auteur. Le cas d'une économie peu productive Nous entendons ici par économie peu productive, une économie dont le niveau initial de consommation est de très peu supérieur au niveau de subsistance, et est en passe de croître vers un niveau de croissance sta ble. Nous l'appellerons économie de semi-subsistance. L'idée est que les pauvres par eux-mêmes constituent une sous-économie où la croissance provient en majeure partie de leurs propres efforts à constituer une épargne et à investir. L'économie de semi-subsistance entretient des ANCE relations avec les secteurs modernes de l'économie du fait que les pau vres y vendent certains de leurs produits et que certains d'entre eux sont capables d'y migrer. Pour des raisons de brièveté et de simplicité, nous ne modéliserons pas explicitement l'un ou l'autre de ces processus. Nous postulerons simplement que le PIB des pauvres dépend des chocs émanant des secteurs riches au travers de la variable p dans la fonction G(-). Par exemple, une récession dans les secteurs modernes de l'éco nomie se traduit par une chute de p qui, à son tour, se répercute sur les fonctions G(-) et Gfc(-) en les décalant vers le bas. Un autre choc peut également provenir de la dégradation de R du fait de l'extension du sec teur moderne aux zones d'habitation pauvres.3 Nous supposons que l'économie croît initialement en investissant principalement dans k. La croissance de h est fonction à 100% des dépenses gouvernementales en capital humain. Nous définissons deux cas limites. Le premier est celui où le revenu moins la dépréciation des stocks d'actifs suffit exactement à couvrir le niveau de consommation de subsistance : (A2.6) cs = hJ G ïï^". s -h\i\ -h où h0 représente le niveau initial de capital humain et R0 le niveau initial de capital en ressources naturelles, et nous prenons maintenant pour hypothèse un taux positif de dépréciation pour k et h (ôfc et S/? respecti vement). Cela signifie que pour un niveau donné de R0, h0 et des variables politiques exogènes p, il existe un seul et unique niveau (klK)s qui per mette au système économique de satisfaire exactement sa consomma tion de subsistance minimale. Si klh > (k/h)s, le système économique est au-dessus du seuil de subsistance, avec un potentiel d'épargne nette et de croissance positive. Si klh < (klh~)s, l'économie n'est pas en mesure de couvrir la dépréciation de ses stocks en capital et par conséquent, avec une consommation réelle égale à cs, les stocks vont diminuer. Cela signifie que le capital de l'économie diminue. La baisse de klh entraîne une croissance négative. Le deuxième cas limite est celui où le système économique suffit à peine à satisfaire une consommation de subsistance, si ce n'est en utili sant la totalité de sa production en ne permettant donc aucun réappro visionnement des stocks. (A2.7) cs = hnG -\ k\ss , ^0 . h) ,l,--,A,p h0 CADRE DE TRAVA Une fois que klh = (k/h)ss, les ménages doivent utiliser toute leur production pour la consommation. En (klh)ss, la gestion économique devient irréalisable. Remarquons que (klh)s et (klh)ss dépendent tous deux des niveaux de h0, R0, A et de p. On observera facilement que (klh)s et (klh)ss et décroissent tous deux en h0, R0,A, etp (en supposant que G(-) croisse enp, ce qui signifie que p représente des facteurs exogènes positifs). Par conséquent, un choc négatif, causé par exemple par une récession dans le secteur moderne de l'économie, qui réduit les conditions de commerce des pauvres ou le niveau de R du fait de l'intrusion d'intérêts commerciaux sur les ressources naturelles des pauvres (ce qui, ironie du sort, est plus susceptible de se produire lors des périodes de boom du secteur moderne), fera croître (klhy. Supposons que l'économie se situe initialement en (klh)0 supérieur à (klhy. Cela signifie qu'elle croît vers (klhy (voir figure A2.2). Suppo sons maintenant qu'une récession survienne dans le secteur moderne de l'économie, faisant chuter p. Cela entraînera une hausse de (klhy. Si le nouveau (klhy est maintenant supérieur ou égal à (klh)0, l'économie de semi-subsistance est propulsée dans une subsistance paradoxale pouvant aboutir à une croissance négative, entraînant klh vers (klhys. Considérons le cas où le choc se produit à l'instant £ puis s'arrête, et que p revient à son niveau initial à l'instant t + x. Il y a alors deux possibilités : · La chute de klh entre tett + T n'est pas trop importante et (klh)st> (klh) \ > (klhy Cela signifie qu'en t + x, lorsque l'économie t+ revient à son niveau d'origine, le point critique (klh) (qui est égal au niveau d'origine (klh)sQ) est encore inférieur au niveau de (k/h)t+T (qui est inférieur au niveau initial (klh)0). Dans ce cas, le choc n'a eu qu'un effet négatif temporaire sur la croissance. Mais une fois p revenu à son niveau initial, l'économie de semi-subsis tance retrouve le chemin de la croissance. · La chute de klh entre t et t + x est assez importante pour que (kl h)\ > (klh) > (klh)t+T. Cela signifie que lorsque p revient a son niveau initial à l'instant t + x, le niveau de (klh)t+T a chuté si bas qu'il est maintenant inférieur au niveau critique d'origine. Dans ce cas, nous sommes en présence de ce que l'on appelle le phéno mène d'« hystérésis » : le choc temporaire a un effet permanent sur l'économie et même s'il disparaît, l'économie ne retrouve pas son niveau d'origine. L'effet de ce choc est une régression irréver sible du système économique peu productif. Il tombe alors dans un cycle d'appauvrissement entraînant la chute continue de klh vers (klh)ss, point en lequel le système cesse d'exister en tant qu'éco nomie viable. QUALITÉ DE LA CROISSANCE La figure A2.2 peut aider à clarifier ces éléments. Cette figure mon tre les voies possibles d'un système économique peu productif. Si initia lement, le ratio klh est au-dessus du niveau critique, l'économie est dans une voie d'accumulation, suivant la ligne FJ du panneau central de la figure A2.2 vers {klh)*. Tout au long de ce chemin, la consommation par tête ne cesse de croître, bien qu'à un rythme décroissant. L'économie finit par atteindre Qclhy, point en lequel elle croît indéfiniment à un taux constant. Le pan neau inférieur montre l'évolution du niveau de consommation qui croît en permanence. Supposons maintenant qu'un choc négatif ait lieu ,2 i G, G,, + x Subsistance, croissance et appauvrissement paradoxal parmi les pauvres ; cas de rendements d'échelle constants et absence de retombées technologiques ^ ~ ~ ~ (klhY (klh)' (kih)* k c/c F, j klh (klhY (m)' (kih)* » z klh (klh)" (klh)' (klh)* Source : Auteur, mi CADRE DE TRAVA pendant la période ou l'économie se trouve le long de la ligne FJ. Celui- ci entraîne les deux échelles Gk et Gh + x à la fois vers le bas, avec un nouveau point d'intersection en dessous du point D, ce qui implique un taux de croissance encore plus faible sur le long terme. Mais, la consé quence la plus importante est le déplacement de (klh)s vers la droite lorsqu'il augmente, en raison du niveau réduit de G induit par un choc négatif. Le point clé est de savoir si le ratio initial (Je/h) se trouve main tenant en dessous ou au-dessus du nouveau point critique (klh)s après le choc. Si (Je/h) est en dessous du nouveau (k/h)s, la voie de l'économie prend le chemin inverse vers la stagnation, comme le chemin NM dans le panneau inférieur de la figure. Cela signifie que l'économie qui était en hausse à l'origine devient stagnante et finit par atteindre le point M, où elle devient impossible à gérer. Supposons que le rapport klh initial soit suffisamment faible pour entraîner le système économique dans une phase de stagnation, avec un ratio klh à la baisse, mais qu'au bout d'un certain temps le niveau de p revienne à son niveau d'origine. La question est de savoir si le nouveau (k/h)s est au-dessus du ratio actuel klh. Si c'est la cas, alors le système économique ne récupère pas son sentier de croissance original. Il pour suit sa spirale descendante, continuant ainsi à s'appauvrir. Cela signifie que l'inversion du processus de croissance devient permanent et que le choc temporaire a eu un effet permanent et irréversible, déclenchant un cercle vicieux d'appauvrissement et de désagrégation des actifs. Spécification économétrique utilisée pour évaluer les fonctions de croissance Voici une équation comportementale fondamentale émanant de deux modèles de croissance à la fois néo-classique et endogène : (A2.8) g = (t>[FK(K, H, R, A, p) - CK (r, ô,p)}, où g représente la croissance par tête du PIB. K, H, et R représentent respectivement le capital physique, humain et en ressources naturelles. p est un vecteur de variables politiques et de prix. A est un facteur de productivité. Fk est le rendement marginal imputable à K. Ck représente le coût marginal du capital qui dépend typiquement du taux d'escompte (r), du taux de dépréciation (S), et vraisemblablement de la variable politique p (telles les subventions allouées pour investissements), et 0(-) est une fonction monotone croissante. L'équation (A2.8) indique que la croissance dépend de l'écart entre les bénéfices marginaux du capital et son coût marginal. Si cet écart est positif, la croissance est positive, et elle s'arrête si l'écart disparaît. De plus, sous certaines conditions communément admises, la croissance est directement proportionnelle à cet écart. ANCE Ainsi, cette expression comportementale fondamentale établit un rapport entre la croissance économique et le niveau des stocks d'actifs, de la productivité totale des facteurs, des taux d'escompte et des varia bles politiques. La plupart des études empiriques sur la croissance n'uti lisent cependant pas cette approche comportementale, mais se fondent sur différentes formes d'identités qui rapprochent la croissance aux variations des stocks d'actifs au lieu de leurs niveaux, comme le sug gère ce modèle théorique sur la croissance. Notre analyse empirique se fonde sur l'équation (A2.8). Si l'on inclut la notion temps sous une forme discrète, il est normal de postuler que la croissance sur une période donnée dépend des stocks d'actifs à la fin de la période précédente. La formule suivante est donc plus fonctionnelle pour l'équation (A2.8) : (A2.9) git = WK(KU _ , Hit _ , Rit _,, Aiv plV a,,) - CK (r \ 8a , ptt, a,)] où i représente le pays et t le temps. On suppose que r' et oc, sont des caractéristiques fixées par le pays et qui influencent la technologie et les coûts. Cela signifie que les pays diffèrent quant à leurs taux d'escompte, r\ et leurs caractéristiques technologiques et institutionnelles (par exemple, droits de propriété et législation), a,. Nous remarquons que dans l'équation (A2.9), la croissance au temps t dépend des niveaux de stocks d'actifs retardés et non des modifica tions du flux d'actifs actuel, comme supposé dans de nombreuses étu des empiriques. Cela signifie que cette équation théorique de croissance fournit des variables « instrumentales » naturelles en postulant que la croissance est une fonction des niveaux de stocks de la période précé dente. Cela aboutit en quelque sorte à diminuer les biais provenant de la corrélation contemporaine entre des variables explicatives et des écarts dus au caractère endogène de telles variables. Les niveaux de stocks retardés risquent bien moins d'être endogènes par rapport aux taux de croissance que les variations de stocks contemporains. Étant donné que nous rapprochons la croissance actuelle du stock d'actifs retardés, nous avons (Ku_i = (1 -d) Ku 2+ Ilt _ oùIu _ repré v { sente l'investissement par tête pour la période t - 1. En remplaçant cela dans l'équation (A2.9), nous trouvons que l'utilisation de niveaux de stocks décalés dans la régression de croissance équivaut à une crois sance régressant à la fois sur les stocks et sur les investissements retar dés. Si nous répétons ce processus en substituant Kit2, avec une expression similaire nous pouvons retourner au stock d'actifs de la pre mière année. Ainsi, évaluer l'équation (A2.9) équivaut à estimer la crois sance sur les niveaux d'investissement retardés de chaque actif et ce par tête ainsi que sur le niveau « initial » de chaque actif. Par conséquent, cette spécification utilise implicitement le niveau de revenu initial (à supposer que celui-ci soit une fonction de tous les actifs initiaux) CADRE DE TRAVAIL ET ARGUMENTATION comme facteur explicatif. Nous pourrions donc en principe rapprocher les coefficients estimés des actifs des analyses de convergence des taux de croissance pour tous les pays. Nous supposons également que la productivité totale des facteurs non observée est associée aux stocks d'actifs ainsi qu'à d'autres caracté ristiques propres au pays, par exemple,Aii(Ku_i,Hu_vRitt_ï a^). Ce qui signifie que, même si F^ baisse par rapportKit_v le taux de croissance peut être croissant ou non décroissant en Kit x si les retombées technologiques et d'échelle sont assez puissantes. Ainsi donc, si l'effet partiel de Klt_x sur Ait est positif et d'une amplitude suffisante pour que dFK/èKu_ï = dF/dK^ +(dFK /dA^(Mu/BKi _j)> 0. Par conséquent, nous estimons une forme réduite de l'équation (A2.9) tenant compte des effets fixes nationaux : (A2.10) glt = y[Kit_1,iï«_1,/Zft_1>iy + P, +/, + Ji* où y/(-) est une fonction générale bien définie, p{ est un coefficient sai sissant l'effet fixe national associé aux effets de at et r* dans l'équation (A2.9), et \yit est une perturbation aléatoire. Le coefficient/, correspond aux effets temporels. L'estimation empirique utilise différentes formes fonctionnelles pour yKO, incluant une forme logarithmique et une forme translog pour tenir compte des interactions entre les actifs et les politiques. L'utilisation d'effets fixes par pays traite des biais provenant de variables omises correspondant à un grand nombre de variables spécifi ques au pays et qui n'ont pas été prises en considération. Ainsi, la spé cification dans l'équation (A2.10) contribue à réduire les biais dus à la fois au caractère endogène des variables explicatives en utilisant les variables des stocks d'actifs décalés comme instruments, et aux varia bles omises en utilisant des effets fixes. Les preuves tirées des pays en développement Le tableau A2.1 présente des preuves empiriques pour la section « Données économétriques : 20 pays à revenu moyen ». Les tableaux A2.2 et A2.3 donnent les résultats empiriques pour la section « Données économétriques : 70 pays en développement ». Le tableau A2.4 montre quelques études empiriques sur l'impact et l'ampleur des subventions en capital. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Notes 1. Conformément à la discussion ci-dessus, Gph < Gh, où Gh est la véritable pro ductivité marginale du capital humain. 2. La fonction de coût marginal, b, est égale à r + 8, où 8 est le taux de dépré ciation du capital. Nous tenons ici compte des politiques,p, qui affectent le coût marginal du capital. 3. Ceci est cohérent avec un fait qui se dessine et qui vaut pour plusieurs pays tropicaux, particulièrement en Amérique latine et en Asie : bien que la pau vreté dépende le plus souvent des ressources naturelles, la destruction de la plupart de ces ressources est générée par de vastes intérêts commerciaux qui interviennent dans les ressources détenues par les pauvres (voir les don nées empiriques sur ces questions, fournies par Kates et Haarmann 1992). Tableau A2.1 Équation de croissance sous différentes spécifications (Variable dépendante : croissance du PIB par tête) Effets fixes Effets aléatoires Variables Équation 1 Équation 2 Équations Équation 4 Instruction moyenne 0,005 0,004 -0,012 -0.013 (0,025) (0,020) (0.009) (0,009) Instruction x variable simulée de réforme 0,084" 0,084** 0,049" 0,049" (0,024) (0.024) (0,018) (0,018) Stock de capital par tête -0,021* -0,021" -0,012** -0,009** (0.012) (0,010) (0,005) (0,004) Capital x variable simulée de rélorme -0,016" -0,016" ' -0,008" -0.008" (0,005) (0,005) (0,004) (0,004) Simulation 1982-85 -0,019" -0,019" -0,017" -0,018" (0,005) (0,005) (0,005) (0,005) Main-d'oeuvre -0,001 n.a. -0,006 n.a. (0,067) n.a. (0,006) n.a. Écart-type du log d'instruction -0,018 -0,018 -0,034** -0,033" (0,019) (0,016) (0,012) (0,012) Homoscédasticité {test de Breusch-Pagan) Rejeté à 5 % Rejeté à 5 % Non rejeté à 5 % Non rejeté à 5 % Test de spécification de White Rejeté à 5 % Rejeté à 5 n.a. n.a. Test d'Hausman : effets fixes vs effets aléatoires n.a. n.a. Non rejeté à 5 % Non rejeté à 5 % n.a. Non applicable. * Significatif au seuil de 10% ** Significatif au seuil de 5%. Notes .'Toutes les variables sont sous forme de logarithme. Toutes les variables explicatives sont retardées d'une période. Les écarts- types des coefficients sont entre parenthèses. Les données de 20 pays sont présentées. (Les écarts-types relatifs à l'hétéroscedasticité de White sont rapportés dans la colonne deseffets fixes.) Source : Lôpez et al. (1998). mm CADRE DE TRAVAIL ET ARGUMENTATION Tableau A2.2 Taux de croissance du PIB avec régression sur les stocks par ouvrier pour tous pays avec données disponibles de 1965 à 1990 Aucun produit croisé : Aucun produit croisé: Translog : effets fixes effets fixes (avec variables effets tues (avec variables (avec variables simulées pays Variables simulées pays) simulées pays et durée) et durée) Observations 335 335 335 Pays 67 67 67 Probabilité logarithmique -631.70 -606.30 -605.80 In (capital/main-d'oeuvre) 10 34 11.36 13.21 (4.79) (5.67) (3.19) In (zone lorestière/main-d'oeuvre) -1.31 -0.54 8.86 (-0.68) (-0.31) (2.15) In (instruction) -19.56 -21.41 -12.32 (-5.68) (-6.60) (-2.42) [In (capital/main-d'oeuvre)]2 -0.74 -0.95 -1.11 (-6.34) (-6.93) H.88) [In (zone forestière/main-d'oeuvre)]2 0.31 0.36 0.09 (2.74) (3.25) (0.62) [In (Instruction)]2 1.36 144 0.84 (5.52) (6.20) (1.64) In (capital/main-d'oeuvre) x (zone forestière/main-d'oeuvre) n.a n.a. 0.108 n.a n.a. (-0.54) In (capital/main-d'oeuvre) x In (instruction) n.a na. 0.467 n.a n.a. (0.78) In (zone lorestière/main-d'oeuvre) x In (instruction) n.a n.a. -0.596 n.a n.a. (-2.03) n.a. Non applicable. Notes : 1. Les statistiques t sont entre parenthèses. 2. La variable dépendante est la croissance annuelle du PIB par tête calculée sur une période de cinq ans à partir des données annuelles. La régression est In(PIB) = a+ 6f+ e, où eest le résidu. Le taux de croissance est égal à 100[exp(6)-1]. 3. Les paramètres ont été calculés par itération FGLS (méthode des moindres carrés), et sont donc équivalents à une estimation de la probabilité maximale. 4. La correction pour AR(1 ) a sélectionné un seul paramètre pour l'ensemble des pays. 5. La correction pour l'hétéroscédasticité en tant que groupe a été faite en évaluant une variance de groupe pour chaque pays. 6. Les mesures du PIB par tête et de la main-d'oeuvre ont été tirées de Summers' and Heston's Penn World Tables Mark 5.6. Les mesures concernant l'instruction ont été tirées de Barro et Lee (1997). Elles représentent la moyenne des années d'instruction des personnes de 25 ans et plus. Les mesures du capital par tête ont été tirées de King et Levine (1993). Les mesures de la zone forestière (stock de ressources) ont été tirées du disque « Ressources mondiales 1996-97 », provenant de la FAOSTAT. Les tableaux de Penn World peuvent être téléchargés sur http :// www.nuff.ox.ac.uk/Economics/Growth/. Les données de Barro-Lee et de King-Levine peuvent être téléchargées à partir de la page Web de la Banque mondiale : http ://www.worldbank.org/html/prdmg/ grthweb/ddkile93.htm. Les données sur la zone forestière peuvent être téléchargées à partir de la page Web de la Food and Agriculture Organization of the United Nations : http ://apps.fao.org/. Source : Lôpez et al. (1998). 3 QUALITÉ DE LA CROISSANCE Tableau A2.3 Élasticités des stocks par ouvrier en PIB par taux de croissance/tête Elasticité Variables Valeur minimum Valeur maximum Moyenne Aucun produit croisé autorisé Capital/main-d'oeuvre 0.03B -0.081 -0.040 (0.019) (0.022) (0.009) Zone forestière/main- d'oeuvre 0.007 0.071 0.047 (0.046) (0.027) (0.022) Instruction (moyenne d'instruction de la main-d'oeuvre) -0.056 0.056 0.018 (0.011) (0.020) (0.011) Fonction Translog Capital/main-d'oeuvre 0.046 -0.093 -0.045 (0.022) (0.026) (0.012) Zone forestière/main-d'oeuvre 0.034 0.050 0.044 (0.049) (0.029) (0.023) Instruction -0.031 0.035 0.012 (0.028) (0.022) (0.013) Notes : 1. Les élasticités sont calculées en convertissant le pourcentage du taux de croissance par rapport au log du taux de croissance en divisant le pourcentage par 100. 2. Les effets marginaux sont calculés en utilisant la régression des effets fixes avec les variables simulées pays et durée, corrigées pour une hétéroscédasticité de groupe pour tous les pays, et un terme AR(1) commun pour l'autocorrélation. Les données sont valables pour tous les pays sur la période 1965-90. 3. Les valeurs marginales (dy/dx) calculées pour les x non saisis sont simplement l'exponentielle des valeurs respectives saisies. Cela signifie que x n'est pas la vraie moyenne. 4. Les valeurs marginales pour la formulation du translog utilisent les valeurs moyennes du log du produit croisé. 5. Les écarts-types sont entre parenthèses. Ils sont fondés sur la variabilité des estimations des paramètres seulement (comprenant les covariances entre les paramètres) et non sur la variabilité dans la moyenne des variables minimum ou maximum. 6. L'élasticité de la main-d'oeuvre est calculée comme étant la valeur négative de la somme des élasticités pour le capital/main- d'oeuvre et les ressources/main-d'oeuvre. Source : Lapez et al. (1998). ^M CADRE DE TRAVAIL ET ARGUMENTATION Tableau A2.4 Etudes empiriques sélectionnées sur l'impact et l'ampleur des subventions en capital Auteurs Méthodes Résultats principaux Studies on the impact of subsi Cette étude examine les effets sur la PTF des subventions < Dans de nombreux pays, les gouvernements octroient différentes subventions des Bergstrbm (1998) publiques en capital octroyées aux sociétés en Suède en capital au secteur privé afin de promouvoir la croissance. D'après ces résul « Capital Subsidies and the Per entre 1987 et 1993. Les données d'un panel ont été utili tats. l'octroi de subventions peut influencer la croissance (sur le court terme) formance ol Firms. » sées. mais il semble peu évident que ces subventions aient affecté la productivité » (p.1). Bregman, Fuss et Regev (1999). Utilise une partie des données croisées de microfiches ·< Une politique industrielle d'octroi de subventions pour un investissement en - Eftect of Capital Subsidization créées pour 620 sociétés en Israël. capital physique a été menée dans beaucoup de pays. Nous avons estimé oue on Productivity in IsraelÈ pour les années 1990-94, cette politique a généré des inefficacités de produc Industry. » tion allant de 5 à 15% pour les sociétés en ayant bénéficié » (p. 77). Harris(1991). « The Employ- Utilise la fonction de production de type CES (élasticité « Les résultats montrent que, depuis que l'industrie manufacturière de la pro ment Création Effects of Factor de substitution constante) et un modèle de simulation vince a tendance à fonctionner avec une technologie à fort coût de main- Subsidies. ·· pour l'industrie manufacturière d'Irlande du Nord en d'oeuvre et que l'élasticité du prix de la demande pour les produits est très faible, 1955-83. les effets sur la création d'emplois des subventions en capital sont fortement négatifs » (p. 49}. Lee(1996) « Govemment Inter Utilise les données d'un panel sur quatre périodes pour « Les politiques industrielles, octroyant par exemple des avantages fiscaux et ventions and Productivity les années 1963-83. des crédits subventionnés, n'étaient pas en corrélation avec la PTF dans les sec Growth. » teurs promus » (p. 391). Lim (1992). «Capturing the Utilise les données de 3.900-4.900 sociétés en Malai- < La plupart des pays en développement accorde des remises fiscales pour Effects ol Capital Subsidies. » sie.de 1976 à 1979. encourager les investissements nationaux et étrangers Cette étude montre que ces schémas subventionnent considérablement l'utilisation de capital et que l'industrie manufacturière de Malaisie profite le plus de ces subventions en capital » (p. 705). Oman (2000). - Policy Compé L'étude concerne trois séries de questions : (a) jusqu'où « La compétition fondée sur l'incitation pour l'octroi d'un IED est un phéno tition for Foreign Direct les gouvernements vont pour obtenir un IED, (b) effet de mène global : les gouvernements à tous les niveaux, aussi bien dans les pays Investment, » OECD Develop la concurrence et (c) implications pour les responsables membres de l'OCDE que dans ceux n'en faisant pas partie, s'engagent au niveau ment Centre. politiques. mondial... L'effet de distorsion des avantages peut être important... Il peut être contre-productif pour le gouvernement d'offrir des avantages en investissement coûteux » (pp. 7-9). Ces incitations dans l'industrie automobile sont présen tées dans le tableau de la page 73. Etudes sur l'ampleur des sub Estimation des subventions qui ont détérioré l'environne < L'estimation des subventions octroyées à l'énergie, aux routes, aux eaux et à ventions Gandhi et al. (1997). ment. l'agriculture dans les pays en développement ainsi que dans des économies en transition ont totalisé plus de 240 milliards de dollars par an dans les années 1990. Moore (1999). .< Corporate Sub Un témoignage devant la Commission Budgétaire, U.S. - Une coupe de moitié dans ces subventions libérerait plus de 100 milliards de sidies in the Fédéral Budget. » House of Représentatives. dollars de capitaux pour un développement durable » (p. 10). « Une aide sociale aux entreprises est une composante importante et en hausse du budget fédéral » (p. 1). On estime qu'en 1997. les entreprises du classement Fortune 500 ont reçu près de 75 milliards de dollars en subventions gouvernementales ». de Moor et Calamai (1997). Un rapport du Earth Council, qui donne une estimation - Dans les pays membre de l'OCDE, le total des subventions annuelles dans Subsidizing Unsustainable Deve- des subventions publiques dans quatre domaines. quatre secteurs : énergie, transports routiers, eau et agriculture, s'élevait à 490- lop-ment : Undermining the Earth 615 milliards de dollars, et à 217-272 milliards de dollars dans les pays non- with Public Funds. membres de l'OCDE ; pour les quatre secteurs, ce total était estimé à 710-890 milliards de dollars sur le monde entier » (p. 93). Gulati et Narayanan (2000) : Ce document donne une estimation du montant des sub « Globalement, la moitié des subventions considérables accordées à l'agricul « DemystifyingFertilizerand ventions et cherche les véritables bénéficiaires. ture pour fertilisants et énergie.. , composant 2% du PIB. soit vont à l'industrie Power Subsidies in India. » dans le cas des fertilisants, soit sont volées par les consommateurs ne faisant pas partie du secteur agricole dans le cas de l'énergie » (p. 784). A N N E X E Distribution de l'éducation, ouverture et croissance Les théories économiques suggèrent l'existence d'un lien causal impor tant entre l'éducation et la croissance, mais les preuves empiriques ne sont ni unanimes ni concluantes à cet égard. Lôpez et al (1998) s'atta chent à décrire deux facteurs expliquant la raison pour laquelle les étu des empiriques ne corroborent pas absolument les théories. Premièrement, la distribution de l'éducation affecte la croissance éco nomique. Deuxièmement, la politique économique en place affecte pro fondément l'impact de l'éducation sur la croissance en déterminant les possibilités offertes aux personnes venant de terminer leurs études. Les réformes des politiques du commerce, des investissements et de l'emploi peuvent accroître le rendement de l'éducation. À l'aide de don nées recueillies au moyen d'un panel composé de vingt pays en dévelop pement pour la période 1970-1994, nous avons étudié la relation entre l'éducation, les réformes de politique économique et la croissance et nous sommes parvenus aux conclusions suivantes : · La distribution de l'éducation revêt une grande importance. Une distribution trop asymétrique de l'éducation tend à produire un effet négatif sur le revenu par tête dans la plupart des pays. Le contrôle de la distribution de l'éducation et l'utilisation de la forme fonctionnelle appropriée confèrent à l'éducation moyenne des effets positifs significatifs sur le revenu par tête, alors que sans ces ANCE mesures, les effets de cette éducation moyenne sont insignifiants, voire négatifs. · La politique économique en place revêt une grande impor tance. Les résultats indiquent que les politiques économiques sup primant les forces du marché tendent à réduire l'impact de l'éducation sur la croissance économique. En outre, le capital phy sique national est négativement associé à la croissance économi que dans les économies faisant partie de l'échantillon, ce qui implique une productivité marginale décroissante du capital. Fonction étendue de production et dispersion de l'éducation Nous avons utilisé un modèle dans lequel le capital physique est entiè rement échangeable alors que le capital humain ne l'est pas. Le niveau, ainsi que la distribution du capital humain, entrent dans la fonction glo bale de production. Lorsque la dispersion de l'éducation est supérieure à celle des compétences, le revenu par tête peut être augmenté en réduisant la dispersion de l'éducation. Si, en revanche, la dispersion de l'éducation est moins faussée que celle des compétences, le gouverne ment doit concentrer ses investissements sur un nombre plus faible de personnes davantage douées pour les études. Le coefficient de Gini de l'éducation est calculé en deux étapes. D'abord, on trace une courbe de Lorenz de l'éducation sur la base des fractions de la population correspondant à divers niveaux d'instruction et de la durée de la scolarité correspondant à chaque niveau. Ensuite, on calcule le coefficient de Gini en établissant le ratio de la zone com prise entre la courbe de Lorenz et la ligne orientée à 45 degrés (égalité parfaite) d'une part et la surface totale du triangle d'autre part. Une autre définition du coefficient de Gini pour l'éducation est le ratio entre la scolarité moyenne et la moitié de la sommation des différences abso lues dans les niveaux d'instruction entre toutes les paires possibles d'individus dans un pays (Deaton 1997)1. Le tableau A3.1 présente les coefficients de Gini de l'éducation pour vingt pays ; les estimations (fon dées sur des données préliminaires) pour quatre-vingt-cinq pays sont disponibles dans l'étude de Thomas et al. (2000). Sur la base de données quinquennales provenant de vingt pays pour la plupart à revenu élevé, il a été possible d'estimer les fonctions globa les de production. Le tableau A3.2 expose quatre estimations de la fonc tion globale de production par tête pour 1970-1994. La première colonne présente le modèle linéaire logarithmique traditionnel à effet fixe qui a l'inconvénient d'ignorer les deux facteurs explicatifs susmentionnés : la distribution de l'éducation et l'environnement poli tique. Comme on peut le voir dans la première colonne, le capital DISTRIBUTION DE L'ÉDUCATION, OUVERTURE ET CROISSANCE Pays 1970 1975 1980 1985 1990 Algérie 0,8181 0,7683 0,7080 0.6525 0,6001 Argentine 0,3111 0,3257 0,2946 0,3182 0,2724 Brésil 0,5091 0,4290 0,4463 0,4451 0,3929 Chili 0,3296 0,3327 0,3151 0,3120 0,3135 Chine 0,5985 0,5541 0,5094 0,4937 0,4226 Colombie 0,5095 0,4594 0,4726 0,4752 0,4864 Costa Rica 0,4106 0.3916 0,4059 0,4165 0,4261 Inde 0,7641 0,7429 0,7517 0,7238 0,6861 Indonésie 0.5873 0,5817 0,5051 0,4388 0,4080 Irlande 0,2488 0,2454 0,2364 0,2377 0,2498 Corée 0,5140 0,3942 0,3383 0,2877 0,2175 Malaisie 0,5474 0,5150 0,4719 0,4459 0,4204 Mexique 0,5114 0,4990 0,4978 0,4695 0,3839 Pakistan 0,8549 0,8450 0,8170 0,8065 0,6448 Pérou 0,5048 0,5028 0,4258 0,4371 0,4311 Philippines 0,4327 0,3578 0,3404 0,3360 0,3285 Portugal 0,4985 0,5142 0,4255 0,4350 0,4315 Thaïlande 0,4185 0,4257 0,3591 0,3891 0,3915 Tunisie 0,8178 0.7589 0,6935 0,6710 0,6168 Venezuela 0,5789 0,5585 0,3919 0,3970 0,4209 Sources : Lôpez et al. (1998). Pour des données sur d'autres pays, voir Thomas et al. (2000). humain a un effet négatif et significatif sur la production ; c'est là que Tableau A3.1 réside la clé de « l'énigme de l'éducation ». Coefficients de Gini pour La deuxième colonne présente le modèle à effet fixe sous une forme l'éducation de divers pays linéaire logarithmique qui a l'avantage de laisser la distribution de l'édu pour certaines années cation jouer un rôle dans la fonction. En revanche, cette colonne ne per met pas la prise en compte des effets spécifiques à un pays de la distribution de l'éducation et révèle des associations positives entre le capital humain national, sa distribution et le niveau du revenu. Dans ce cas, le coefficient d'éducation moyenne devient positif et significatif au seuil de 5 %. Les effets de la distribution de l'éducation sur la fonction de production étaient significativement différents entre les pays. Cette variance soutient l'idée que l'effet de la dispersion de l'éducation est sujet à des variations et à des changements de signe selon qu'elle se situe ou pas à son niveau optimal. La troisième colonne présente les résultats obtenus en tenant compte des effets spécifiques à chaque pays de la distribution de l'édu cation. Les coefficients de variabilité de l'éducation pour les divers pays sont conjointement significatifs au seuil de 1 %. Cependant, 7 des 20 coefficients spécifiques ne sont pas significativement différents de zéro. La dernière colonne utilise l'écart-type des logarithmes comme autre mesure de la dispersion de l'éducation. Cette mesure exerce un effet nettement plus fort sur le revenu par tête. La plupart de ces coefficients spécifiques à un pays est négative et 8 sur 20 sont très significatifs. QUALITÉ DE LA CROISSANCE Effets fixes, logarithme linéaire Effets fixes, logarithme linéaire Effets fixes avec prise en tenant compte de l'effet de tenant compte de l'effet de compte des effets de la Effets fixes à l'exclusion ta distribution de l'édutMion la distribution de l'éducation distribution de l'éducation de l'effet de la distribution et utilisant le coefficient et utilisant le coefficient et utilisation de l'écart-type Variables de l'éducation de variabilité de l'éducation de variabilité de l'éducation i du logarithme de l'éducation Capital humain -0,275" 0,491" 0,004 -0,380" (0,085) (0.106) (0,112) (0,131 Capital physique 1108" 0,981" 1,066" 1,083" (0,033) (0,012) (0,022) (0,071) Variable fictive 1982-1985 -0,063" -0,077" -0,063" -0,033" (0,012) (0,012) (0,011) (0,009) Elfets de la distribution 1,187" de l'éducation (0,133) Brésil 2,828" -0,423" (0,350) (0,196) Chili -0,020 -0,320 (0,309) (0,279) Chine 0,354" -1.197" (0,139) (0,225) Colombie 0,765 -0,300 (0,916) (0,269) Inde 0,012 0,015 (0,278) (0,299) Corée 1,146" 0,012 (0,089) (0,148) Mexique 0,843" -0,475 (0,264) (0,306) Maiaisie 2,494" -0,690" (0,196) (0,304) Pérou 0,574 -0,409 (0,559) (0,344) Philippines -2,138 -0,861" (2,627) (0,275) Thaïlande -2,478** -0,541" (0,618) (0.175) Venezuela 1,032" -0,109 (0,142) (0.330) Algérie -0,685* 0,818* (0,378) (0,471) Argentine 1,307" -0,367 (0,316) (0,269) Costa Rica -3,849" -0,666" (0,579) (0,222) Indonésie 2,081" -1,004" (0,298) (0,157) Irlande 1,287" 0,251 (0,161) (0,284) Pakistan -0,024 -0,292 (0,165) (0,321) Tableau A3.2 Fonction de production : estimation linéaire (variable dépendante : logarithme du PIB par tête) Ej DISTRIBUTION DE L'ÉDUCATION, OUVERTURE ET CROISSANCE effets fixes, logarithme linéaire Effets fixes, logarithme linéaire Effets fixes avec prise en tenant compte de l'effet de tenant compte de l'effet de compte des effets de la Iftets fixes à l'exclusion la distribution de l'éducation la distribution de l'éducation distribution de l'éducation de l'effet de la distribution et utilisant le coefficient et utilisant le coefficient et utilisation de l'écart-type Variables de l'éducation de variabilité de l'éducation de variabilité de l'éducation du logarithme de l'éducation Portugal -0,001 0.027 (0,483) (0,238) Tunisie 0.654" -0.065 (0,188) (0,484) * Significatif au seuil de 10%. ** Significatif au seuil de 5 %. Remarque : Un coefficient autorégressif du premier ordre fut estimé séparément pour chaque pays sur la base du maximum de vraisemblance. Cette information servit ensuite à corriger les données. Les écarts-type (entre parenthèses) signalés sont conformes à l'hétéroscédasticité de White. À l'exception des variables simulées, toutes les variables sont utilisées sous leur forme logarithmique. Source : Lôpez et al. (1998). Non linéaires avec prise en compte Non linéaires avec prise en compte d'effets de la distribution variables Non linéaires avec prise en compte d'effets de la distribution variables d'un pays à l'autre et de différents niveaux Variables d'un effet de la distribution d'un continent à l'autre de variabilité de l'éducation Capital humain 0,369" 0,272" 0,159" (0,049) (0,051) (0,056) Capital physique 0,842" 0,863" 0,897" (0,018) (0,019) (0,017) Variable simulée 1982-1985 -0,066" -0,065" -0,061" (0,012) (0,12) (0,011) Effets de la distribution de l'éducation Total 7,532" (0,831) Amérique latine 13,040" (2,407) Asie 9,541" (1,611) Afrique 3,720" (0,656) Europe 8,140" (2.362) Variabilité faible 11,416" (3,624) Variabilité modérée 32,595" (10,195) Variabilité forte 3,145" (0,533) * Significatif au seuil de 10 %. ** Significatif au seuil de 5 %. Remarque : Un coefficient autorégressif du premier ordre fut estimé séparément pour chaque pays sur la base de l'estimateur du maximum de vraisemblance. Cette information servit ensuite à corriger les données. À l'exception des variables simulées, toutes les variables sont utilisées sous leur forme logarithmique. L'analyse repose sur des données en provenance de vingt pays. Les écarts-type sont indiqués entre parenthèses. Source: Lôpez et al. (1998). Tableau A3.3 Fonction de production : estimation non linéaire (variable dépendante : logarithme du PIB par tête) ^y ANCE Le tableau A3.3 présente les résultats obtenus en utilisant la spécifi cation non linéaire suggérée par le modèle théorique et tenant compte des deux problèmes inhérents respectivement à l'omission d'une varia ble et à la forme fonctionnelle. Dans les trois spécifications, les coeffi cients d'éducation moyenne sont positifs et statistiquement significatifs au seuil de 5 %. Dans cette forme fonctionnelle, la distribution de l'édu cation est associée positivement au niveau de revenu, ce qui est toujours conforme au modèle qui attribue un rôle positif à un certain niveau de dispersion de l'éducation dans la production, étant donné surtout les progrès techniques et les innovations technologiques. Analyse empirique de la rentabilité de l'éducation et de l'investissement Sur la base de l'expérience accumulée par la Banque mondiale en matière de prêts au cours des vingt dernières années, Thomas et Wang (1997) se sont demandé si l'éducation et l'ouverture pouvaient accroître l'impact des projets d'investissement sur le développement. Le modèle est la fonction de production d'un pays, scindée en production pour l'exportation et production pour les marchés domestiques. Les formes réduites s'établissent comme suit : P(Sat = l)i = a-Êi + $-Xi+-f'Gi + V'Ri + Ei ERR^j = a · Èt + p -Xi + y Gi + 9 · R{ + e^ où P(Sat = 1)Î; est la probabilité de voir le projet i classé comme satis faisant, ERRj le taux de rentabilité économique (TRE) du projet i, Èj la variation dans le niveau moyen d'instruction de la main-d'oeuvre du pays où le projet est exécuté et la période de son exécution, X^ le vecteur des variables indiquant la croissance des exportations ou l'ouverture, G le vecteur des variables mesurant le niveau de la gouvernance ainsi que la capacité institutionnelle et R le facteur incluant les variables exogènes et les variables simulées régionales. La première équation est estimée à l'aide d'une analyse Probit car la variable dépendante est de type discret (0/1), tandis que la seconde équation repose sur une procédure Tobit car les TRE sont tronqués au seuil de 5 %. Données de projet Une fois terminé, chaque projet de la Banque mondiale fait l'objet d'un rapport qui inclut deux calculs de mesure des performances. Le person nel du service Opérations Evaluation Department évalue alors le pro jet et lui attribue une note globale de performance qui détermine s'il est parvenu ou pas à remplir ses objectifs en matière de développement. Un TRE ex post est également calculé pour chaque projet dans huit sec- DISTRIBUTION DE L'ÉDUCATION, OUVERTURE ET CROISSANCE teurs - infrastructure, agriculture, industrie, énergie, eau, urbanisme, transport et tourisme - pour lesquels il est possible de quantifier les avantages du projet. Le TRE est le flux actualisé des coûts et des avan tages du projet pendant sa durée de vie, tels qu'ils résultent d'une éva luation économique des prix. Les TRE ex post (d'incidence) sont calculés approximativement deux ou trois ans après la fin du projet, c'est-à-dire à un moment où les évaluateurs connaissent les coûts réels de l'investissement et de l'exploitation, ainsi que la demande précise, mais doivent encore procéder à des estimations pour prévoir tous les avantages futurs. Variables explicatives Les spécialistes de la Banque mondiale n'essaient jamais de construire un modèle complet des déterminants du succès d'un projet, une tâche qui exigerait des informations aux niveaux des secteurs, des projets et des pays. Ils utilisent quatre groupes de variables explicatives : · L'éducation, qui peut être mesurée par trois variables : les modi fications de la durée moyenne de la scolarité de la main-d'oeuvre entre l'approbation du projet et son évaluation à l'issue de son achèvement, l'interaction de l'éducation et de l'ouverture (mesu rée en termes d'écarts dans les parts de l'échange) et le niveau ini tial d'instruction (sur la base de l'étude de Nehru et al. (1995) telle qu'elle a été actualisée par Patel). · Les indicateurs d'ouverture, y compris l'écart entre le marché officiel et le marché parallèle des devises et les écarts dans les parts de l'échange (défini comme le volume réel des échanges moins le volume prévu à l'aide d'un simple modèle d'intensité). · Le niveau de la gouvernance et la capacité institutionnelle, tels qu'ils sont indirectement reflétés par un indice de la corrup tion gouvernementale {International Country Risk Guide 1982- 1995), par la part de la consommation du gouvernement dans le PIB et par la part de l'excédent ou du déficit budgétaire dans le PIB. Les deuxième et troisième mesures peuvent refléter la capa cité du gouvernement à contrôler ses finances et à respecter des règles strictes de prudence et de discipline fiscales. Les résultats de la régression sont présentés dans le tableau A3.4. Les constatations soulignent l'importance de l'ouverture commerciale et de l'éducation sur l'amélioration des performances des projets d'inves tissement et les avantages potentiels inhérents à un apprentissage orienté vers l'extérieur. Une bonne gouvernance et une stricte discipline fiscale sont également perçues comme favorables à un meilleur rende ment des projets (voir Thomas et Wang, 1997). QUALITÉ DE LA CROISSANCE Variable dépendante^de < taux rentabilité économique Variable dépendante satisfaisant ou pas Variables indépendantes Coefficient Tobit Prob>tf Coefficient Probit Prob>xl Variables d'éducation Changement dans le degré d'instruction entre l'année de l'approbation du projet et celle de son évaluation 3,33 0,01 0,34 0,00 Éducation x ouverture du commerce (mesurée en termes de déviations par rapport aux parts prévues de l'échange) 0,00 0,04 0,00 0,45 Manque d'ouverture Logarithme de l'écart entre le marché officiel et le marché parallèle des devises (moyenne mobile sur trois ans) -3,14 0,04 -0,23 0,01 Institutions et gouvernance Part de l'excédent/déficit budgétaire dans le PIB (moyenne mobile sur trois ans) 0,26 0,05 Corruption dans le gouvernement (1 = plus, 6 s moins} 0,06 0,04 Autres variables (simulées ou non) de contrôle Niveau initial (mesuré l'année de l'approbation du projet) du PIB par tête 0,00 0,95 -0,06 0,02 Variable simulée reflétant la complexité du projet -4,27 0,00 -0,45 0,00 Afrique subsaharienne 5.31 0,41 1,56 0,00 Asie de l'Est 9,13 0,15 2,56 0,00 Asie du Sud 10,47 0.09 2,13 0,00 Amérique latine et Caraïbes 7,77 0.24 1,92 0,00 Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord 10,80 0,09 2,20 0,00 Logarithme de vraisemblance -3.209,00 -1.032,00 Nombre d'observations 830,00 1.826,00 Remarques : Prob = 0,05 signifie le rejet de l'hypothèse de nullité du coefficient à un niveau de confiance de 95 %. Les régressions couvrent des projets évalués entre 1974 et 1992. Source : Thomas et Wang (1997). Tableau A3.4 Bibliographie des effets de la distribution Éducation, ouverture des actifs sur la croissance et performance des projets de prêt Le tableau A3.5 comprend une sélection d'études empiriques consa crées aux effets de la distribution des actifs sur la croissance écono mique et dont sont extraites certaines preuves présentées dans le chapitre 3. Notes 1. Le coefficient de Gini de l'éducation peut être calculé à l'aide de la formule suivante : Y = uiV(yV-l) II si où y est l'indice de Gini, fi la moyenne des différences dans le niveau scolaire (en termes de classe atteinte) etTV le nombre total d'observations (voir Dea- ton 1997). gS DISTRIBUTION DE L ÉDUCATION, OUVERTURE ET CROISSANCE Auteurs Méthodologie Principales conclusions Maaset Criel (1982) Calcul des coefficients de Gini de l'éducation à partir des données L'inégalité des accès à l'éducation varie énormément d'un pays à relatives à l'inscription des élèves dans seize pays de l'Afrique de l'autre. l'Est. Ram (1990) Calcul des écarts-type en matière d'éducation pour une centaine Lorsque le niveau moyen d'instruction augmente, l'inégalité en de pays. matière d'éducation commence par augmenter jusqu'à un certain pic, avant de diminuer. Le point de retournement intervient au bout d'environ sept ans. O'Neill (1995) Parmi les pays développés, la convergence dans les niveaux d'ins Cependant, sur le plan mondial, les revenus ont tendance à se dis truction a entraîné une réduction de la dispersion des revenus. perser maigre une convergence marquée des niveaux d'instruc tion. Ravallion et Sen (1994) Présentation d'une étude de cas portant sur un seul pays, afin Des politiques d'allégement de la pauvreté inhérente à la pénurie d'évaluer l'efficacité de la politique de réduction de la pauvreté. de terres agricoles menés au Bangladesh ont eu un impact sur la réduction de la pauvreté, « même si les avantages maximaux s'avérèrent maigres » (p. 823). Deini nger et Squfre (1996) Coefficient de Gini de la propriété foncière et croissance moyenne Les pays ayant un système de distribution des terres plus équita du PIB (1960-1990) ble tendent à enregistrer une croissance plus rapide. Ravallion (1997) Coefficient de Gini du revenu et taux de croissance. À n'importe quel taux positif de croissance, plus l'inégalité initiale est marquée, plus le taux auquel la pauvreté tombe est faible. Birctsall et Londono (1998) Analyse de plusieurs pays à l'aide d'un modèle traditionnel de Les niveaux initiaux d'inégalité en matière d'éducation et du coeffi croissance, après neutralisation de l'accumulation du capital, des cient de Gini de la propriété foncière ont un impact négatif pro niveaux initiaux de revenu et d'éducation et des ressources natu noncé sur la croissance économique et sur l'augmentation du relles. revenu des plus pauvres. Deiniger et Squire (1996) Analyse de données, émanant de plusieurs pays, sur la distribu « On observe une relation fortement négative entre l'inégalité ini tion du revenu et de la terre. tiale de la distribution des actiis et la croissance à long terme ; l'inégalité réduit l'augmentation du revenu des pauvres mais pas des riches ; les données longitudinales disponibles ne corroborent guère l'hypothèse de Kuznets. · Li étal. (1998) Coefficient de Gini de la propriété foncière et de revenu. Le coefficient de Gini du revenu est positivement associé au loga rithme du coefficient de Gini de la propriété foncière. IDB (1998) ssion reposant sur les données de dix-neuf pays, coefficients L'inégalité des revenus (Gini) est associée négativement au coeffi de Gini de la propriété foncière, du revenu et de l'éducation, écart- cient de Gini de la propriété foncière et positivement à l'écart-type type de l'éducation. de l'éducation. Estimation d'une fonction de production incluant une éducation 1. La distribution de l'éducation influe sur le niveau du revenu et non échangeable, à l'aide de données quinquennales en prove sur la croissance. Lbpeze/a/. (1998) nance de vingt pays, après neutralisation du capital physique, de la 2. L'ouverture commerciale et les réformes permettent d'amélio main-d'oeuvre, etc. Les coefficients de Gini de l'éducation lurent rer la productivité du capital humain dans les modèles de calculés sur la base des données relatives aux résultats scolaires. croissance. Utilisation de vingt enquêtes-ménages réalisées dans les quinze Le processus de croissance s'est révélé davantage bénéfique aux principaux États de l'Inde entre 1960 et 1994 pour étudier la ques pauvres dans les États où la situation initiale était déjà la meilleure Ravaillon et Datl (1999) tion des « circonstances dans lesquelles la croissance profite aux en termes de taux d'alphabétisation, de productivité agricole et pauvres ». Estimation de l'élasticité de la pauvreté par rapport a la d'écart entre le niveau de vie à la ville et à la campagne. Le Kerala production non agricole. affiche la meilleure élasticité de la pauvreté par rapport à la pro duction non agricole. Tableau A3.5 Sélection d'études empiriques sur l'effet de la distribution des actifs sur la croissance et la pauvreté A N N Mesure du capital L'analyse quantitative systématique des liens entre l'état de l'environne ment et la croissance économique est entravée par la pénurie de don nées fiables sur le capital naturel. En raison du besoin croissant de recherches rigoureuses consacrées à ce thème, un certain nombre d'ini tiatives visent à collecter des données plus fiables et plus systématiques au niveau mondial : données sur la déforestation compilées par l'Orga nisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), mesures de la pollution atmosphérique compilées par l'Organisation des Nations Unies pour la santé (OMS), statistiques sur l'accès aux installa tions d'assainissement de l'eau, sur l'eau potable et sur divers aspects de l'environnement compilées par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Programme du système mondial de sur veillance continue de l'environnement. Le World Development Indicators (WDl) est une publication annuelle de la Banque mondiale qui inclut notamment de nombreuses données environnementales émanant des sources susmentionnées. En réunissant toutes ces données utiles sous un format pratique, le WDl est rapidement devenu un ouvrage de référence indispensable à toutes les personnes s'intéressant à la défense de l'environnement. C'est ainsi que la plupart des données environnementales utilisée dans le chapitre 4 et QUALITÉ DE LA CROISSANCE dans d'autres parties du présent ouvrage est extraite des tableaux du WDI. Le WDI n'est pas uniquement une source très riche de données : il indique également comment accéder à d'autres sources d'information. La publication et ses tableaux peuvent être consultés sur le site Web www.worldbank.org/data/wdi. Deux indices du capital naturel ont été construits sur la base des données disponibles dans le WDI, à savoir : · L'indice du développement durable pour mesurer les résultats sur l'environnement. Il s'agit d'un indice de changement cons truit en accordant un poids égal aux taux de déforestation annuels entre 1980 et 1995, à la diminution de la pollution de l'eau associée aux émissions de polluants organiques (en termes de kilogrammes par jour et par travailleur) et des émissions de dioxyde de carbone (en termes de tonnes métriques) entre les années 1980 et les années 1990. · L'indice de la politique en matière d'environnement en tant que mesure de la volonté du gouvernement de protéger le capital naturel. Il s'agit d'un indice contenant deux variables simulées : l'une pour l'action domestique fondée sur la formulation d'une stratégie nationale et de profils environnementaux et l'autre pour l'action internationale fondée sur la signature de la Conven tion Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Les deux indices en sont encore à un stade préliminaire et les tra vaux continuent en vue d'élaborer des indicateurs à la fois plus complets et plus fiables. Le site Web suivant recense les efforts déployés par la Banque mondiale en ce sens : http://www-esd.worldbank.org/eei. Ë3 A N N E X E Ouverture financière Notre mesure de l'ouverture financière englobe les contrôles et/ou res trictions à la fois sur les comptes courants et comptes de capital. Elle correspond simplement à la moyenne arithmétique des mesures quanti tatives du niveau de contrôle ou de restriction exercé sur 27 transac tions individuelles touchant aux paiements à l'importation, aux produits à l'exportation, aux transactions invisibles et aux transactions sur compte de capital, comme le montre le tableau A5.1. Cette classification se fonde sur le Rapport annuel du FMI : Exchange Arrangements and Exchange Restrictions (Règles et restrictions des échanges). Les calculs sont effectués d'après la méthodologie développée par Quinn et Inclan (1997). Celle-ci repose sur une échelle à cinq niveaux allant de 0 à 2 pour chaque poste, indiquant le degré d'ouverture (0 con trôle très sévère, 2 très libéral) défini comme suit } 0.0 Des lois et/ou réglementations imposent des restrictions quanti tatives ou réglementaires sur une opération particulière, telles que licences ou exigences de réserves, qui interdisent complète ment de telles transactions économiques. 0.5 Des lois et/ou réglementations imposent des restrictions quanti tatives ou réglementaires sur une opération particulière, telles que licences ou exigences de réserves, qui interdisent partielle ment de telles transactions économiques. QUALITÉ DE LA CROISSANCE 1.0 Des lois et/ou réglementations imposent que l'opération parti culière soit approuvée par les autorités ou qui la soumettent à de lourdes taxes, le cas échéant, soit sous forme de pratiques mul- tidevises ou autres taxes. 1.5 Des lois et/ou réglementations imposent l'enregistrement de cette opération particulière mais ne nécessitant pas son appro bation par les autorités, ni son assujettissement au paiement d'une taxe le cas échéant. 2.0 Aucune réglementation n'impose que cette opération parti culière soit approuvée ou enregistrée auprès des autorités, ni soumise à une taxe le cas échéant. Si l'on applique cette méthode de codage, l'indice d'ouverture finan cière estimée va de 1,93 pour l'Irlande et le Luxembourg à 1,12 pour l'Ethiopie (voir le tableau A5.2). Un indice plus limité, qui reflète le degré d'ouverture des opérations en compte de capital, peut être défini de façon similaire. Cet indice res Tableau A5.1 treint n'utilise que les 13 opérations listées dans la catégorie des opéra Opérations internationales tions en compte de capital du tableau A5.1. Catégorie Type de transaction Importations el paiements à l'importation Budget en devises Exigences financières pour importations Documents exigés pour la libération de devises à l'importation Licences d'importation et autres mesures non tarifaires Droits et/ou tarifs à l'importation Monopole d'État à l'importation Exportations et produits à l'exportation Exigences de rapatriement Exigences financières Exigences de documents Licences d'exportation Taxes à l'exportation Paiements pour opérations invisibles et transfert de devises Contrôles de ces versements Produits d'opérations invisibles et transfert de devises Exigences de rapatriement Restrictions sur l'utilisation des fonds Opérations en compte de capital Titres sur le marché des capitaux Titres sur le marché monétaire Titres d'investissement collectif Marchés dérivés et autres instruments financiers Crédits commerciaux Crédits financiers Garanties, titres et facilités de soutien financier Investissement direct Remboursement des investissements directs Opérations immobilières Mouvements de capitaux personnels Banques commerciales et autres organismes de crédit Investisseurs institutionnels Source : IMF (1998). ES OUVERTURE FINANCIÈRE Ouvert Assez ouvert Assez fermé Fermé Pays indice Pays Indice Pays Indice Pays Indice Argentine 1,78 Croatie 1,54 Bahamas 1 36 Bangladesh 1,21 Australie 177 Equateur 1,54 Belize 1 44 Barbade 1,28 Autriche 192 Honduras 1,56 Bénin 1 48 Bhutan 1,19 Bahreïn 173 Israël 1,59 Botswana 1 48 Brésil 1,19 Belgique 188 Mongolie 1,56 Bulgarie 1 46 Ethiopie 1,12 Bolivie 179 Philippines 1,59 Burkina Faso 1 49 Inde 1,20 Canada 192 Pologne 1,54 Burundi 1 39 Malawi 1,26 Danemark 192 République slovaque 1,58 Cameroun 1 41 Malaisie 1,34 Egypte 181 Slovénie 1,50 Cap Vert 1 39 Maroc 1,27 Salvador 191 Turquie 1,52 Chili 1 43 Pakistan 1,31 Estonie 188 Chine 1 37 Syrie 1,20 Finlande 183 Colombie 1 38 France 1 73 Rép.dém. du Congo 1 42 Allemagne 184 Costa Rica 1 48 Grèce 191 République tchèque 1 48 Guatemala 173 République dominicaine 1 49 Guyane 1 72 Ghana 1 43 Islande 1 74 Hongrie 1 49 Irlande 193 Indonésie 1 46 Italie 184 République de Corée 1 42 Jamaïque 176 Lesotho 1 41 Japon 173 Mali 1 49 Koweït 177 Malte 1 40 Lettonie 188 Moldavie 1 46 Lituanie ·1 85 Mozambique 1 41 Luxembourg 193 Namibie 1 33 Ile Maurice 182 Papouasie-Nouvelle Guinée 1 36 Mexique 169 Roumanie 1 48 Pays-Bas 187 Fédération russe 1 43 Nouvelle Zélande 190 Afrique du sud 1 44 Nicaragua 182 Sri Lanka 1 43 Norvège 183 Thaïlande 1 46 Panama 190 Tunisie 1 39 Paraguay 181 Ukraine 1 36 Pérou 190 Portugal 184 Singapour 178 Espagne 182 Suède 186 Suisse 188 Trlnidad et Tobago 167 Royaume-Uni 186 . États-Unis 185 Uruguay 177 Venezuela 184 Zambie 179 Note : Ouvert - aucune réglementation ou réglementation minimale pour les opérations d'entrées et de sorties de devises, et un environnement généralement non discriminatoire. Assez ouvert - quelques réglementations pratiquées sur les opérations d'entrées et de sorties de devises, avec présentation obligatoire de documents mais aucun accord gouvernemental exigé. Assez fermé - nécessité d'observer la réglementation et d'avoir l'accord du gouvernement (généralement donné) pour les opérations d'entrées et de sorties de devises. Fermé - restrictions substantielles et accord gouvernemental nécessaire (mais accord rarement octroyé) pour les opérations d'entrées et de sorties de devises. Source : estimations de l'auteur. Tableau A5.2 Indice d'ouverture financière par pays sélectionnés, en 1997 Q U A L I T É DE LA C R O I S S A N C E Note sur les mesures de vulnérabilité et de volatilité La classification de vulnérabilité repose sur nos estimations de volatilité en matière de flux de capitaux privés, sur la base de l'équation pré visionnelle suivante : (A5.1) KF« = «* + P