83178 De l’ ÉVIDENCE empirique à la formulation de POLITIQUES Identification des méthodes qui fonctionnent, pour des programmes et politiques plus efficaces Novembre 2013 Cambodge : les défis liés au développement des écoles maternelles à grande échelle L’école est essentielle pour donner aux enfants la chance produire à grande échelle. La Banque mondiale s’est engagée d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour atteindre à mettre fin à l’extrême pauvreté et à construire une prospérité leur plein potentiel, élever une famille en bonne santé et mener partagée. Veiller à ce que les enfants soient en bonne santé et une vie exempte de pauvreté. Mais quel est le bon moment prêts à apprendre en est une composante essentielle. Des cher- pour commencer l’école ? cheurs ont récemment travaillé avec le gouvernement cambodg- Un nombre croissant de ien pour évaluer l’impact de trois programmes pilotes relatifs au preuves démontre que développement de la petite enfance mis en place avec l’aide de les enfants commençant la Banque mondiale. L’évaluation a révélé que l’expansion des l’école à cinq ou six ans programmes pouvait conduire à de nouveaux défis qui ne sont n’ont pas toujours les ca- pas évidents en travaillant sur des projets pilotes, comme ceux pacités d’apprentissage de liés à des retards dans la construction des écoles ou des difficultés base nécessaires, ce qui à payer les enseignants, qui ont limité la portée et l’efficacité du les désavantage et peut programme. Les parents travaillant toute la journée, ou loin du les conduire plus tard à centre du village, ont également trouvé que les horaires partiels l’échec. En Amérique du Nord et en Europe, les recherches ont des écoles maternelles étaient difficiles à gérer, ce qui a contribué ÉDUCATION constaté l’impact positif des écoles maternelles sur la prépara- à la faible utilisation des services préscolaires. Les résultats de tion des enfants aux exigences de l’école primaire, en particulier l’évaluation ont identifié les défis auxquels les gouvernements chez les enfants issus de familles à faible revenu. Cependant, font face durant la mise à l’échelle du projet pilote. En se bas- dans les pays en développement, les écoles maternelles ne sont ant sur les enseignements tirés de cette évaluation, le gou- pas très répandues et ni évaluées. Des écoles pilotes ont été vernement cambodgien envisage une approche révisée dans mises en place dans plusieurs pays d’Amérique latine, d’Afrique son plan stratégique pour le développement de l’éducation et d’Asie, et ont abouti à l’amélioration des compétences des 2014-2018, en vue de renforcer la qualité des maternelles enfants, mais il est encore difficile de savoir comment les re- et d’assurer la demande pour ces services. Contexte Le gouvernement cambodgien cherchait à améliorer les pro- sitant être modernisée et/ou agrandie, bénéficieraient d’une école grammes préscolaires pour les populations rurales défavorisées maternelle formelle dans le cadre des travaux de rénovation ; avec l’aide de la Banque mondiale et du Fonds catalytique de les communautés qui n’étaient pas admissibles pour les travaux l’Initiative Fast Track Education (maintenant Partenariat mon- de rénovation, mais qui avaient un taux élevé de pauvreté et un dial pour l’éducation), en élargissant et évaluant trois options grand nombre d’enfants de moins de cinq ans, bénéficieraient de développement de la petite enfance : les écoles maternelles d’une école maternelle communautaire ou d’un programme formelles, gérées par le ministère de l’Éducation, les écoles d’enseignement préscolaire à domicile visant à améliorer les maternelles communautaires informelles, et des programmes pratiques parentales. Les écoles maternelles formelles, avec des d’enseignement préscolaire à domicile. Les deux derniers pro- enseignants du gouvernement, étaient destinées aux enfants âgés grammes étaient pilotés par l’UNICEF et Save the Children de trois à cinq ans et fonctionnaient quatre heures par jour. Les Norvège dans quelques provinces. écoles maternelles communautaires, couvrant la même tranche Pour développer le programme, le gouvernement a décidé d’âge, fonctionnaient trois heures par jour dans un créneau choisi que les communautés avec une école primaire existante néces- par la communauté et étaient composées d’enseignants mem- bres de la communauté formés et recevant une petite rémunéra- tion. Le programme à domicile ciblait les parents de nourrissons Le saviez-vous ? jusqu’à l’âge cinq ans et était dirigé par des femmes formées de la Les offres de l’enseignement préscolaire croissent rapidement au communauté. Les femmes devaient tenir des réunions de groupe Cambodge, mais ne sont accessibles qu’à une minorité d’enfants mensuelles pour discuter des bonnes pratiques parentales et des du pays. 170 000 enfants âgés de trois à cinq ans, représentant 20 activités de développement appropriées à faire à la maison. pour cent de tous les enfants de ce groupe d’âge, allaient à l’école maternelle en 2009-2010, une hausse par rapport à 2005-2006, où L’expansion a été mise en œuvre entre 2009 et 2011, avec seulement 120 000 enfants y étaient scolarisés, soit environ 13 pour l’objectif de doubler l’accès aux services de développement de la cent du groupe d’âge. petite enfance à travers la construction de 650 nouvelles salles de On note également une grande différence entre les zones urbaines classe destinées à l’enseignement préscolaire formel dans autant et rurales. Alors que seulement 15 pour cent des enfants cambodg- d’écoles primaires récemment rénovées ; la création de 480 nou- iens vivent dans les zones urbaines, ils constituent 25 pour cent de veaux établissements préscolaires communautaires ; ainsi que la l’effectif total fréquentant l’école maternelle. création de 450 programmes d’enseignement préscolaire à do- (Source : UNESCO) micile. La mise à l’échelle a eu lieu dans tout le pays. Évaluation L’évaluation d’impact a été conçue pour aider le gouverne- leur utilisation comme groupe témoin. Les enquêtes pour la ÉDUCATION ment à déterminer quel modèle d’enseignement préscolaire ligne de base en décembre 2008 et les enquêtes finales en juin fonctionnait le mieux, et les chercheurs ont utilisé la randomi- 2011 ont été menées dans 26 villages expérimentaux et 19 vil- sation pour identifier l’impact. La randomisation a été mise en lages témoins pour un total de 1 553 ménages. Pour évaluer les œuvre séparément pour les programmes préscolaires formels et modèles d’éducation préscolaire informelle, 450 villages ont été informels, car les critères de sélection pour les collectivités par- sélectionnés au hasard dans les 10 provinces et ont été répartis ticipantes différaient. Dans la pratique, le plan expérimental de manière égale entre le groupe témoin et les deux modèles comprenait cinq groupes : trois groupes expérimentaux (pour informels. Les chercheurs ont interrogé 32 villages choisis au chacune des trois interventions) et deux groupes témoins (l’un hasard dans chaque groupe, pour un total de 3 807 ménages. pour l’échantillonnage formel et l’autre pour l’échantillonnage Les données pour la ligne de base ont été recueillies en mai informel). La randomisation a permis de comparer les résultats 2008, et les données finales en janvier 2011. dans les différentes communautés afin de déterminer l’impact Pour les données, les chercheurs ont mené une enquête de chaque intervention. auprès des ménages, des mères et/ou des personnes respon- Afin de créer un groupe témoin pour les maternelles formel- sables. Ils ont également mené des tests qui mesurent les ca- les, les chercheurs se sont appuyés sur le calendrier progressif pacités cognitives, socioémotionnelles, linguistiques ainsi que du programme. Comme toutes les écoles ne pouvaient être ré- la motricité globale et fine des enfants. Ces tests ont été ef- novées en même temps, 19 ont été choisies pour être moderni- fectués au départ et répétés ensuite pour le suivi deux ans et sées au cours de la troisième année du programme, permettant demi plus tard. Résultats La mise à l’échelle n’a pas réussi à inscrire la scolarisation de 34 pour cent et les villages avec le programme majorité des enfants dans les maternelles formelles d’éducation préscolaire à domicile, 12 pour cent. ou dans les programmes informels. Le faible taux de scolarisation a diverses raisons. Dans les entretiens, les parents ont cité le coût des fournitures (cray- 40 pour cent des enfants ont fréquenté une école maternelle ons, stylos, cahiers, et vêtements), comme une raison de ne formelle qui avait été construite dans un village. Les villages pas envoyer leurs enfants à l’école maternelle formelle ou com- avec une école maternelle communautaire ont eu un taux de munautaire. Les familles qui avaient l’habitude d’emmener Cette note s’appuie sur le document « Impact evaluation of three types of early childhood development interventions in Cambodia » (Évaluation d’impact de trois genres d’interventions en faveur du développement du jeune enfant au Cambodge), écrit par Adrien Bouguen, Deon Filmer, Karen Macours et Sophie Naudeau. 2013. leurs jeunes enfants avec elles quand elles partaient travailler plus faible. En fait, dans plusieurs de ces villages, pas un seul à l’extérieur du village, ont déclaré que l’horaire restreint de parent interrogé n’avait entendu parler du programme, bien la maternelle constituait un obstacle, car elles ne pouvaient que le chef du village (responsable de la mise en œuvre) avait pas venir chercher les enfants plus tôt. Un autre problème déclaré qu’il existait. était aussi une sensibilisation insuffisante du public : certains parents pensaient que leurs enfants étaient trop jeunes pour Les groupes expérimentaux et témoins ont aussi été fréquenter la maternelle, alors que d’autres ignoraient qu’elle mélangés lors de la mise en œuvre du programme était disponible. préscolaire communautaire, ce qui a « contaminé » La rétention des enseignants dans les écoles maternelles les échantillons. communautaires est également apparue comme un obstacle majeur à l’exécution du programme. Pendant la première an- Treize pour cent des élèves du groupe témoin vivait dans un née, de nombreux enseignants des écoles maternelles commu- village ayant accès à un programme d’enseignement présco- nautaires ne reçurent pas leur rémunération et beaucoup quit- laire formel. La même chose est arrivée dans l’échantillon in- tèrent leur emploi. Les villages eurent du mal à trouver des formel : 11 pour cent des ménages dans les villages témoins remplaçants, car les rémunérations étaient très basses (environ avaient accès à un programme communautaire, tandis que 28 8 $ US par mois) et n’étaient pas payées régulièrement. Sans pour cent avaient accès à un programme à domicile. enseignants, les écoles maternelles communautaires ne pou- vaient pas inscrire d’élèves. De plus, comme les programmes Cependant, certains des résultats mesurés sont devaient trouver une structure et que l’espace était souvent remarquables : par exemple, les enfants dans les un problème, certaines familles ont cru que leur enfant ne communautés ayant une école maternelle formelle ÉDUCATION pouvait pas s’inscrire. se sont inscrits à l’école primaire autour de l’âge Les programmes à domicile, qui avaient le taux requis, contrairement aux autres, qui se sont d’inscriptions le plus bas, ne semblent pas avoir été mis en inscrits un peu plus tôt. place dans la plupart des régions. Sur quatre villages visités en mai 2012, un seul semblait avoir un programme à domicile. En moyenne, les enfants dans les villages avec les écoles En outre, même quand il y en avait un, les parents le con- maternelles formelles étaient âgés de 71 mois quand ils fondaient avec d’autres programmes communautaires liés à s’étaient inscrits à l’école primaire (officiellement, les enfants l’éducation et à la santé. doivent être inscrits à 70 mois). Mais les enfants dans les villages sans écoles maternelles s’étaient inscrits plus tôt, en D’autres problèmes d’implémentation se sont aussi moyenne à 68 mois. manifestés lors de la mise à l’échelle. Les chercheurs ont découvert que les écoles maternelles formelles poussaient les familles à mieux se conformer à l’âge Les équipes de construction n’ont pas toujours suivi le minimum pour l’inscription dans un établissement classique. calendrier pour la rénovation des écoles primaires. Dans Il semble que les enfants n’ayant pas accès à l’enseignement certains cas, des communautés qui n’étaient pas censées préscolaire étaient souvent inscrits plus tôt à l’école primaire. recevoir d’écoles jusqu’à la dernière année en ont bénéficié Dans les villages où il n’y avait pas d’école maternelle, plus plus tôt, tandis que des écoles qui étaient supposées être de la moitié des enfants étaient inscrits avant l’âge officiel prêtes au moins en partie pour l’année scolaire 2009-2010, de 70 mois ; dans les villages où une école maternelle était ne l’ont pas été jusqu’à l’année scolaire suivante. En con- disponible, seulement 40 pour cent des enfants étaient plus séquence, de nombreux élèves de l’échantillon formel ont jeunes que l’âge officiel quand ils entraient à l’école primaire. été évalués sur la base d’une participation au programme Il est possible que la direction de l’établissement soit plus d’une moyenne de neuf mois seulement, au lieu des deux stricte dans l’application du critère d’âge minimum dans les années prévues. villages avec des écoles maternelles. Globalement, seulement 56 pour cent des villages qui devaient recevoir un programme communautaire en avaient Les chercheurs ont constaté que les résultats des un qui fonctionnait. Le programme à domicile, qui consistait tests des enfants ayant accès aux écoles maternelles de réunions mensuelles, n’a pas non plus été mis en œuvre formelles étaient pour la plupart inchangés. selon le plan. Alors que les données de suivi basées sur les Cependant, les résultats de ceux entre 66 et 78 réponses fournies par les chefs de village, indiquaient que 70 mois en fin d’étude, étaient moins bons que ceux pour cent des villages du groupe du programme à domicile du groupe témoin dans les compétences cognitives l’avaient mis en œuvre, le nombre était en réalité beaucoup importantes pour la préparation à l’école. Comme beaucoup d’élèves du groupe expérimental n’avaient préscolaire était orienté vers les plus jeunes enfants de la soit pas participé au programme préscolaire, ou y avaient classe. Pour ce groupe d’âge spécifique, appartenir au groupe participé seulement pour quelques mois, les chercheurs témoin et aller à l’école primaire (au lieu d’aller à l’école s’attendaient à un impact limité. Les résultats sur la maturité maternelle) leur semble avoir été d’un plus grand bénéfice. scolaire (en termes cognitifs, affectifs, linguistiques et phy- siques) sont restés inchangés. Néanmoins, on a relevé un Les programmes informels, quant à eux, n’ont eu impact négatif sur ces compétences de préparation à l’école pratiquement aucun impact sur la préparation à pour les enfants entre 66 et 78 mois en fin d’étude. Cela peut l’école ou le développement des participants. être dû à l’inscription tardive : au lieu d’aller à l’école pri- maire comme beaucoup dans le groupe témoin, les enfants Les chercheurs ont testé le développement cognitif, af- du groupe expérimental sont allés à l’école maternelle. Ceci fectif, linguistique et physique des élèves, mais ces in- peut les avoir mis dans une situation désavantageuse si les dicateurs sont restés en grande partie inchangés après enseignants en maternelle n’étaient pas aussi bien préparés et l’intervention, probablement dû à des problèmes de mise motivés que les enseignants du primaire, ou si le programme en œuvre et de faible participation. Conclusion ÉDUCATION Les opportunités d’apprentissage préscolaire dans les pays visager de travailler en étroite collaboration avec les com- en développement sont essentielles pour veiller à ce que les munautés, pour s’assurer que les parents inscrivent leurs enfants aient les outils nécessaires pour apprendre et réus- enfants à l’école et tirent parti des opportunités disponibles. sir. Plusieurs programmes et programmes pilotes à travers Certaines possibilités incluent des campagnes de communi- le monde en développement ont démontré des résultats en- cation ciblant les parents, afin qu’ils comprennent mieux les courageants, mais plus de preuves sont nécessaires pour dé- bénéfices potentiels des programmes de développement de terminer non seulement ce qui fonctionne, mais comment la petite enfance. Des transferts monétaires conditionnels mettre ces programmes à l’échelle. Comme le montre cette peuvent également aider les familles à compenser les con- évaluation d’impact, un programme pilote qui fonctionne traintes financières. En même temps, il faut impérativement ne signifie pas toujours une mise à l’échelle réussie. Lors de s’assurer que les services fournis soient efficaces et de qualité. la mise à l’échelle, les responsables politiques devraient en- Le Fonds d’évaluation d’impact stratégique, qui appartient au Groupe de la Banque Mondiale, soutient et diffuse les travaux d’évaluation d’impact de pro- jets de développement destinés à lutter contre la pauvreté. L’objectif est de collecter et d’exploiter des données empiriques, afin d’aider les gouverne- ments et les organismes de développement à concevoir et à mettre en œuvre les politiques les plus appropriées et les plus efficaces pour améliorer les opportunités en matière d’éducation, de santé et d’emploi dans les pays en développement. Pour plus d’informations sur qui nous sommes et ce que nous faisons, voir : http://www.worldbank.org/sief. La série de notes périodiques « De l’évidence empirique à la formulation de politiques » est produite par le SIEF avec l’appui généreux du Département du développement international du gouvernement britannique. LA BANQUE MONDIALE, FONDS D’ÉVALUATION D’IMPACT STRATÉGIQUE 1818 H STREET, NW WASHINGTON, DC 20433 Produit par le Fonds d’évaluation d’impact stratégique. Éditrice et rédactrice de la série : Aliza Marcus