26895 Rapport sur le développement dans le monde .....-w-. , .~~~~~~. Des services pour les pauvres - Rapport sur le développement dans le monde Des services pour les pauvres Rapport sur le développement dans le monde Des services pour les pauvres Une copublication de la Banque Mondiale et Editions ESKA World Development Report 2004: Making Services Work for Poor People Copyright C) 2003 by The International Bank for Reconstruction and Development/The World Bank 1818 H Street, NW, Washington, DC 20433, USA Rapport sur le développement dans le Monde 2004: Des sefvices pour les Pauvres Copyright t 2003 by The International Bank for Reconstruction and Development/The World Bank 1818 H Street, NW, Washington, DC 20433, USA This work was originally published by the World Bank in English as World Development Report 2004: Making Services Work for Poor People in 2003. This French translation was arranged by Editions ESKA. Editions ESKA is responsible for the accuracy of the translation. In case of any discrepancies, the ori- ginal language will govern. Cet ouvrage a d'abord été publié en anglais par la Banque Mondiale sous le titre World Development Report 2004: Making Services Work for Poor People en 2003. Cette traduction française a été réalisée par les Editions ESKA. En cas de divergence, seule la version originale anglaise fait foi. Le présent ouvrage a été établi par les services de la Banque Mondiale. Les observations, interpréta- tions et conclusions exprimées ici ne reflètent pas forcément celles du Conseil d'Administration de la Banque Mondiale, ni celle des gouvernements qu'ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l'exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, couleurs, dénominations et autres informations indiquées sur les cartes de cet ouvrage n'impliquent pas de la part de la Banque Mondiale un jugement sur le statut légal d'un territoire, ni l'approbation ou l'acceptation de ces frontières. Maquette de couverture et conception: Susan Brown Schmidler. Illustrations de la couverture, de gauche à droite: Infirmière au Rwanda montrant un nouveau-né; t David Turnley. Enfant des rues à New Delhi buvant à un robinet; t Reuters NewMedia/CORBIS. Élèves d'une école élémentaire à Myanmar; (D Chris Lisle/CORBIS. Traduction: Marc ROZENBAUM t EDITIONS ESKA 2004 ISBN 2-7472-0588-6 Éditions ESKA, 12, rue du Quatre-Septembre 75002 Paris Tél;: 0142 86 55 73 - Fax:0142 60 45 35 http://www.eska.fr| Table des matières Remerciements xiii Abbréviations et notes à propos des statistiques xiv Avant-propos xv Abrégé 1 Le problème 2 Schéma des relations entre clients, prestataires de services et gouvernants 7 Ce qu'il ne faut pas faire 13 Que peut-on faire ? 14 1 Les services peuvent être mis à la disposition des pauvres, mais c'est trop rarement le cas 23 La situation est nettement pire pour les pauvres 24 L'accès aux services à un prix abordable est rare - surtout pour les pauvres 25 La qualité - une série de manques 27 Rendre les services opérationnels pour obtenir un progrès 32 PleinsfeuxsurProgresa 36 2 Des services en état de marche: une responsabilité de l'État 38 Une responsabilité publique 38 La croissance, si elle est essentielle, ne suffit pas 41 Une croissance des seules dépenses publiques ne saurait suffire 42 Procéder à des ajustements techniques sans ajuster le système d'incitations ne suffit pas 48 Comprendre ce qui fonctionne et pourquoi: afin d'améliorer les services 50 Pleinsfeux sur le Kerala et l'Uttar Pradesh 52 3 Le cadre de la prestation de services 54 Un cadre analytique : les acteurs et leurs responsabilités 55 Pourquoi l'instauration de relations de responsabilité est si complexe 60 Réussites et échecs du secteur public et du marché 63 Des principes aux instruments 68 Réformer les institutions afin d'améliorer les services pour les pauvres sera difficile 70 Pleinsfeux sur l'Ouganda 72 v vi RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 4 Clients et prestataires 74 À quel moment le renforcement du lien entre le client et le producteur comptera-t-il le plus ? 74 Renforcer le pouvoir du consommateur grâce au choix 76 Accroître le pouvoir du consommateur grâce à la participation 82 Le pouvoir du consommateur, huit formules 86 Pleinsfeux sur l'initiative de Bamako 88 5 Citoyens et responsables politiques 90 Le pouvoir d'expression des citoyens et la responsabilité politique 90 La politique de prestation de services publics à l'attention des pauvres 94 Au-delà des urnes: les initiatives des citoyens pour davantage de responsabilité 99 Des stratégies d'information pour renforcer le pouvoir d'expression 100 Une décentralisation pour renforcer le pouvoir d'expression 104 Le pouvoir d'expression des citoyens, huit formules 105 Pleinsfeux sur leprogramme de développement de Kecamatan 108 Pleinsfeux surla Norvège et l'Estonie 110 6 Gouvernants et prestataires 111 Les accords, la gestion et le « chemin long » de la responsabilité 111 Accroître la responsabilité: séparer le décideur et le prestataire 115 Des limites à la responsabilité 116 Surmonter les limites 118 Les incitations des prestataires en huit formules 125 Généraliser, réduire l'échelle et mettre dans le coup 127 Pleinsfeux sur le Cambodge 128 7 Services d'éducation de base 130 Les problèmes généraux de la prestation de services 130 Pour des systèmes de meilleure qualité, renforcer les relations de responsabilité 132 Citoyens et clients, responsables politiques et décideurs: voix au chapitre 134 Les accords entre les décideurs et les organisations prestataires 138 La gestion des organisations prestataires et des prestataires en première ligne 145 Le pouvoir du consommateur 146 Permettre les réformes 151 Pleinsfeux sur EDUCO 153 8 Services de santé et de nutrition 155 La santé des pauvres 156 Carences du marché et carences de l'État 158 Renforcer le pouvoir du consommateur 165 Faire que les citoyens aient davantage voix au chapitre 170 Les accords: inciter les prestataires à servir les pauvres 173 Table des matières vii Six formules peuvent convenir ? 179 Pleinsfeux sur le Costa Rica et Cuba 183 9 Eau potable, assainissement et électricité 185 L'état des services d'adduction d'eau et d'assainissement 185 L'infrastructure et le cadre de responsabilité pour la prestation de services 187 Les réseaux urbains de distribution d'eau 190 Dans les zones rurales: les systèmes en réseau et les autres 199 L'assainissement 201 L'électricité 204 Faire avancer le programme des réformes 205 Pleinsfeux surjohannesburg 208 10 Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 210 Renforcer les fondements de l'État 210 Dépenser de manière raisonnable 211 Décentraliser pour améliorer les services 216 Définir, gérer et mettre en oeuvre les bonnes politiques 223 Lutter contre la corruption dans la fourniture des services 228 Gérer les transitions: surmonter les obstacles aux réformes 231 Évaluer et apprendre 232 Pleinsfeux sur Cearà 235 Il Les donateurs et la réforme des services 237 L'aide et les responsabilités 238 Renforcer - et non affaiblir - l'accord 238 Que ce soient les organisations prestataires qui assurent la gestion 241 Renforcer le pouvoir du consommateur 243 Promouvoir le pouvoir d'expression politique 244 Ajuster l'octroi de l'aide à la prestation de services 246 Pourquoi réformer l'aide est si difficile 253 Note bibliographique 255 Notes 256 Références 266 Introduction à la sélection des indicateurs du développement dans le monde 2004 287 viii RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Encadrés 1 Les huit objectifs de développement pour le Millénaire 2 2 Les services - une responsabilité de l'État 3 3 En quoi ce Rapport se distingue-t-il des autres rapports sur le développement dans le monde ? 16 1.1 Qui sont les « pauvres » ? 20 1.2 Le sida est en train de tuer les enseignants 27 1.3 Les services scolaires pour les filles ne font pas l'objet d'une forte demande dans la province de Dhamar, au Yémen 31 1.1 Les déterminants du progrès de la santé publique et de l'éducation - dans un même secteur, à l'extérieur et entre les secteurs 33-35 Document 2.1 La plupart des gouvernements assument la responsabilité de la santé et de l'éducation souvent en se référant aux droits de l'homme 40 2.2 Le programme accéléré « Éducation pour tous »: une aide pour des stratégies crédibles en matière d'éducation nationale 43 2.3 Pourquoi il est si difficile d'évaluer les « coûts » des objectifs de développement du Millénaire 41 3.1 Glossaire pour ce Rapport 56 3.2 Les divers sens que recouvre le mot responsabilité 59 3.3 Créer des conditions de la responsabilité: le cas de la police 63 3.4 L'« Ère du progrès »: la création de l'administration publique moderne 64 3.5 La recherche des services en Égypte 66 3.6 Les soins médicaux en Asie centrale et au Caucase: chemin long et chemin court 69 4.1 Dans l'Andhra Pradesh, en Inde, on préfère le secteur privé 77 4.2 Les pots-de-vin en Europe de l'Est 78 4.3 Paiement et responsabilité 79 4.4 Pas de politique globale de tarification 82 5.1 Pourquoi est-il si difficile de faire bénéficier les pauvres des services publics de santé et d'éducation ? 95 5.2 L'« effet Curley » 96 5.3 Au Pakistan, mieux vaut construire des écoles en milieu rural que bien les gérer 97 5.4 Suivre l'argent public 100 5.5 Redescendre sur Terre: les technologies de l'information permettent d'améliorer la fourniture de services en milieu rural 101 6.1 Un bon médecin est difficile à trouver 113 6.2 La liberté des prestataires peut s'exercer au détriment des pauvres 113 6.3 La corruption est préjudiciable aux pauvres 114 6.4 Apprendre à réguler 116 6.5 Attention à ce que l'on souhaite - Ire partie 117 6.6 Attention à ce que l'on souhaite - 2e partie 117 6.7 Motivation des travailleurs à la performance 119 6.8 Les ONG peuvent être plus flexibles que l'État 121 6.9 Le GATS est-il une aide ou un obstacle 123 7.1 La situation lamentable de la formation des enseignants au Pakistan vers 1990 134 Table des matières ix 7.2 La responsabilisation d'une école par les tests: rien de nouveau sous le soleil 140 7.3 Des prix pour la performance des établissements au Chili 142 7.4 Deux évaluations à grande échelle des acquis scolaires 143 7.5 Des expérimentations randomisées dans le district de Busia, au Kenya 144 7.6 Les progrès de l'enseignement scolaire au Cambodge 147 7.7 D'autres voies possibles pour l'éducation de base en Éthiopie 148 7.8 Les réformes de l'éducation et les syndicats d'enseignants en Amérique Latine 152 8.1 L'appartenance ethnique et la santé 156 8.2 Rendre les services de santé efficaces pour les pauvres en Iran 157 8.3 L'équilibre changeant entre soins et précaution : qui traite quoi, et où ? 162 8.4 Mettre le prix pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire 166-167 8.5 Des bons pour les prostituées au Nicaragua 168 8.6 Rendre l'assurance maladie efficace pour les pauvres 170 8.7 L'Etat comme acheteur dynamique en matière de performance de santé, grâce à des contrats stratégiques 174 8.8 Les risques des paiements par capitation 175 8.9 Des versements aux prestataires modulés en fonction de critères de revenu 175 8.10 La crise des ressources humaines dans les services de santé 179 8.11 Développer des valeurs professionnelles chez les sages-femmes 180 9.1 Le clientélisme dans la prestation de services 190 9.2 La décentralisation et l'industrie de l'eau dans l'histoire 191 9.3 La participation du secteur privé aujourd'hui : eau, assainissement et électricité 193 9.4 La participation privée : historique 194 9.5 La participation du secteur privé à la distribution d'eau et à l'assainissement peut permettre de sauver des vies au sein de la population pauvre, et de faire des économies 195 9.6 Historique de la tarification de l'eau 198 9.7 Lutter contre l'arsenic en étant à l'écoute des collectivités rurales 201 9.8 Y a-t-il une différence entre les canalisations et les câbles ? 204 10.1 L'impact de la crise argentine sur les services de santé et d'éducation 212 10.2 Lorsqu'il manque de l'argent: les enquêtes de suivi des dépenses publiques 216 10.3 La décentralisation comme impératif politique: le cas de l'Éthiopie 218 10.4 Les divers chemins de la décentralisation : le cas de l'Amérique Latine 219 10.5 Renforcer la capacité locale : le rôle du centre 223 10.6 « Oui, Monsieur le Ministre » 224 10.7 Gérer la politique épineuse des réformes de la prestation de services en faveur des pauvres 232 10.8 Prêts pour les résultats ? 233 11.1 Le débat sur les fonds mondiaux: le cas de l'Ouganda 239 11.2 Un fond social d'investissement: le cas de la Jamaïque 244 11.3 Les donateurs soutiennent la gouvernance démocratique 246 11.4 Quand les donateurs soutiennent des processus budgétaires transparents: le cas de la Tanzanie 247 x RAPPORT SUR LE DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 11.5 Pourquoi les organismes d'aide s'attachent aux inputs 248 11.6 Un exemple qui plaide en faveur de l'harmonisation: la Bolivie 249 11.7 Lier le soutien budgétaire à la performance 251 11.8 Unifier les transferts de connaissance 252 Figures 1 Progrès en matière de développement humain 2 2 Plus de crédits budgétaires pour les riches que pour les pauvres 4 3 De l'eau, de l'eau partout, et pas une seule goutte à boire 5 4 La chaîne des responsabilités 6 5 Voter pour le PRI était payant 8 6 L'augmentation des dépenses publiques ne suffit pas 14 7 Huit tailles pour tous ? 17 1.1 La mortalité infantile est substantiellement plus élevée dans les ménages pauvres 24 1.2 Les pauvres ont moins de chances de commencer l'école et davantage de chances de l'abandonner 25 1.3 De l'eau, de l'eau partout, et pas une goutte à boire 27 2.1 Il existe une forte corrélation entre le revenu national et la situation en matière de santé publique et d'éducation, surtout dans les pays à revenu faible 41 2.2 L'évolution des dépenses publiques et l'évolution des résultats ne sont que faiblement liées : le cas de la scolarisation 44 2.3 L'évolution des dépenses publiques et l'évolution des résultats ne sont que faiblement liées: la mortalité infantile 44 2.4 La corrélation entre résultats et dépenses publiques est faible lorsque l'on neutralise l'effet du revenu national 45 2.5 Ce sont souvent les plus riches qui profitent le plus des dépenses publiques de santé et d'éducation 47 2.6 La part dominante des dépenses récurrentes pour l'éducation est la rémunération des enseignants 49 3.1 Les liens de responsabilité ont cinq aspects 55 3.2 Les principales relations de pouvoir 57 4.1 Le pouvoir du consommateur dans le cadre de la prestation de services 75 4.2 Huit formules peuvent convenir 87 5.1 L'expression politique dans le schéma de la prestation de services 91 5.2 Le siècle de la démocratie 94 5.3 Voter PRI a été payant 98 5.4 Huit formules pour tous les cas de figure 106 6.1 Accord et gestion dans le schéma de la prestation de services 111 6.2 Huit formules peuvent convenir 126 7.1 Les enfants pauvres ont moins de chances de commencer l'école et plus de chances de l'abandonner 131 7.2 Les jeunes âgés de quinze ans, au Brésil et au Mexique, obtiennent des résultats bien plus mauvais aux tests normalisés que les élèves des pays de l'OCDE 132 7.3 Progression des résultats des tests par dollar dépensé dans différents inputs 137 Table des matières xi 7.4 La réussite scolaire dépend de bien autre chose que des dépenses par élève 141 7.5 Les examens centralisés ont un fort impact sur la performance des élèves 141 7.6 Au Chili, les bonnes écoles accueillent des élèves de toutes les couches socioéconomiques 142 8.1 Pour atteindre les objectifs de développement du Millénaire dans le domaine de la santé: accélérer le progrès 156 8.2 Pour atteindre les objectifs de développement du Millénaire dans le domaine de la santé: s'occuper des ménages pauvres 157 8.3 Les pauvres utilisent moins les services à fort impact 158 8.4 La situation des plus riches est meilleure dans l'absolu 158 8.5a Les femmes pauvres en savent peu sur le sida 159 8.5b Les maris disent non à la contraception 159 8.6 Une responsabilité publique, mais les dépenses dans le secteur privé sont importantes 160 8.7 La répartition entre secteur public et secteur privé varie entre les pauvres et les riches et selon le type d'action 161 8.8 Rendre les services de santé plus faciles à assurer, grâce à une normalisation et à davantage d'autonomie 163 8.9 Avec des services de santé gérés au niveau communautaire, une utilisation accrue et moins de dépenses 165 8.10 Des dépenses importantes ne sont pas la garantie d'une situation plus équitable en ce qui concerne les vaccinations 174 8.11 Les citoyens exercent leur pouvoir à la fois sur les prestataires et sur les acheteurs 176 8.12 Six formules peuvent convenir 155 9.1 Peu de progrès dans l'accès à une eau améliorée et à l'assainissement, en 1990 et en 2000 186 9.2 De l'eau 24 heures sur 24: une chimère 186 9.3 L'eau et l'assainissement pour le 5e le plus pauvre et le 5e le plus riche 187 9.4 Les autres sources d'eau: les pauvres payent plus cher 187 9.5 La responsabilité dans les services d'infrastructure 188 10.1 Renforcer les fondements du secteur public pour la fourniture des services suppose la coordination des diverses relations d'accord 210 10.2 La part des dépenses déléguées aux autorités locales varie considérablement 217 10.3 La décentralisation et le schéma de la prestation de services 219 10.4 Anatomie de la mauvaise gestion politique au sommet 224 10.5 Les efforts pour que les citoyens soient instruits, en bonne santé et en sécurité 226 10.6 Il n'existe pas une route droite vers la réussite: l'ordonnancement des réformes bugétaires 227 10.7 Consolider les bases des réformes institutionnelles du secteur public 228 10.8 Un certain nombre de forces en jeu dans la lutte contre la corruption dans la prestation de services 230 11.1 La boucle de feedback entre les bénéficiaires et les contribuables des pays donateurs est rompue 238 11.2 La fragmentation des donateurs: en augmentation 241 11.3 La qualité de l'administration diminue avec la fragmentation des donateurs en Afrique subsaharienne 242 xii RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Tableaux 1 La croissance économique ne permettra pas à elle seule d'atteindre tous les objectifs de développement pour le Millénaire 3 1.1 L'école la plus proche et le centre de soins le plus proche peuvent être très éloignés 26 1.2 Beaucoup d'absentéisme 28 1.3 Les taux d'absentéisme sont très variables - même dans un même pays 28 2.1 Les dépenses publiques pour la santé et l'éducation: importantes mais diverses 39 3.1 La forme de propriété et la structure organisationnelle des organisations prestataires sont variables 58 3.2 Exemples de services discrétionnaires et intensifs en transactions 62 3.3 Les institutions modernes mettent longtemps à se développer 71 5.1 Contexte de services favorables aux pauvres et contexte clientéliste lorsque le citoyen moyen est pauvre 93 7.1 À Madagascar, pour les niveaux d'éducation les plus élevés, les coûts unitaires sont bien plus élevés et la part des pauvres bien plus faible 137 7.2 Les écoles ne représentent qu'une petite part de la divergence des résultats de la scolarité (en %) 139 7.3 Autonomie et résultats à Merida, au Venezuela, au milieu des années 1990 146 8.1 Sélection d'exemples d'obstacles à la fourniture de services de santé et de nutrition aux pauvres 164 8.2 L'accessibilité financière reste un problème pour les pauvres 165 8.3 Comment savons-nous si les pauvres ont pu se faire entendre ? 171 10.1 Des marchés faillibles, des gouvernements faillibles, ou les deux ? 213 10.2 La décentralisation n'est jamais simple 221 10.3 Marcher pour ne pas avoir à courir 228 11.1 Tant de donateurs... 241 Remerciements Ce rapport est l'oeuvre d'une équipe dirigée par Shantayanan Devarajan et Ritva Reinikka, et composée des membres suivants: Junaid Ahmad, Stephen Commins, Deon Filmer, Jeffrey Hammer, Lant Pritchett, Shekar Shah et Agnès Soucat ; Nazmul Chaudhury y a également apporté son concours. L'équipe a bénéficié de l'appui de Claudio E. Montenegro et de Manju Rani. Bruce Ross-Larson et Meta de Coquereaumont ont été les principaux responsables édito- riaux. L'ensemble des travaux a été effectué sous la direction générale de Nicholas H. Stern. L'équipe a bénéficié des précieux conseils d'un comité d'experts dirigé par Emmanuel Jimenez et comprenant Martha Ainsworth, Abhijit Banerjee, Timothy Besley, John Briscoe, Anne Case, Luis Crouch, Angus Deaton, David G. de Groot, Anil Deolalikar, Esther Duflo, Vivien Foster, Anne-Marie Goetz, Jonathan D. Halpern, Joel Hellman, Charles Humphreys, R. Mukami Kariuki, Elizabeth King, Michael Kremer, Kenneth Leonard, Maureen Lewis, Benjamin Loevin- sohn, Michael Mertaugh, Allister Moon, Howard Pack, Samuel Paul, Sanjay Pradhan, Michael Walton et Dale Whittington. Un grand nombre d'autres personnes, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Banque Mondiale, ont émis des observations utiles et rédigé des documents de référence et autres contributions ou ont participé à des rencontres consultatives. Leurs noms figurent dans la Note biblio-gra- phique. Le Development Data Group a contribué à l'Annexe statistique et a assumé la respon- sabilité de la Sélection des Indicateurs du développement dans le monde. Les travaux prépara- toires ont été pour une grande part financés par plusieurs généreux dons de la part du Département britannique pour le développement international et des gouvernements hollan- dais, finnois et norvégien. Dans le cadre de ce Rapport, l'équipe a réalisé une vaste série de consultations: ateliers de tra- vail à Berlin, à Bruxelles, au Caire, à Colombo, à Dhaka, à Genève, à la Havane, à Helsinki, à Kampala, à New Delhi, à Paris, à Pretoria, à Tokyo et à Washington, vidéoconférences avec l'Afrique, l'Extrême-Orient, l'Asie du Sud, l'Europe, l'Amérique Latine et le Moyen-Orient. Parmi les participants à ces ateliers de travail et à ces vidéoconférences se trouvaient des déci- deurs politiques, des universitaires et des organisations non gouvernementales et du secteur privé. Rebecca Sugui a exercé les fonctions d'assistante exécutive de l'équipe, Leila Search celles d'as- sistante Programme en même temps qu'elle fournissait un appui technique, les autres assistants étant Endy Shri Djonokusomo et Ofelia Valladolid. Evangeline Santo Domingo a assuré la fonction d'assistante pour la gestion des ressources. La maquette, la mise en forme rédactionnelle et la production ont été coordonnées par l'Unité des services de rédaction et de production du Bureau des publications de la Banque Mondiale, sous la supervision de Susan Graham et d'Ilma Kramer. xiii Abréviations et notes à propos des statistiques Abréviations ACE Association communautaire pour l'éducation OMC Organisation mondiale du commerce (Salvador) OMS Organisation mondiale de la santé AOD Aide officielle au développement ONG Organisation(s) non gouvernementale(s) BCG Bacille de Calmette-Guérin ONU Organisation des Nations Unies BRAC Comité pour le progrès rural au Bangladesh PIB Produit intérieur brut CAD Comité d'aide au développement PNB Produit national brut DTC Diphtérie, tétanos, coqueluche PNUD Programme des Nations Unies pour le Educo Educaci6n con participaci6n de la comunidad développement (Programme salvadorien pour les écoles, à ges- PRI Parti Révolutionnaire Institutionnel (Mexique) tion collective) Progresa Programa de Educaci6n, Salud y alimentaci6n FMI Fonds monétaire international de México (Programme d'éducation, de santé GFATM Fonds mondial de lutte contre le sida, et d'alimentation du Mexique) la tuberculose et la malaria PRONASOL Programa Nacional de Solidaridad HIPC Initiative sur la dette des pays pauvres très (Programme national de solidarité, Mexique) endettés RNB Revenu national brut ICRG Guide international sur le risque pays UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'enfance KDP Programme de développement de Kecamatan USAID Agence américaine pour le développement (Indonésie) international MWSS Système d'adduction d'eau et d'assainissement WSP Programme d'adduction d'eau et d'assainisse- de la métropole de Manille ment OCDE Organisation de coopération et de développe- ment économique Notes à propos des statistiques Les pays compris dans les regroupements par région et par L'emploi du mot pays pour désigner des systèmes écono- tranche de revenu, dans ce Rapport, sont présentés dans le miques n'implique aucun jugement de la part de la Banque tableau de classification des pays à la fin de la Sélection des mondiale concernant le statut légal d'un territoire. La notion Indicateurs du développement dans le monde. La classifica- de pays en développement recouvre les pays à revenus faible tion par tranche de revenu est faite selon le PNB par habi- et intermédiaire et peut donc, par commodité, inclure les tant. Dans la présente édition, les seuils déterminant cette économies en transition qui sortent de la planification cen- classification sont présentés dans l'Introduction à la Sélec- tralisée. Les termes de pays développés et de pays industriali- tion des Indicateurs du développement dans le monde. Les sés peuvent être utilisés par commodité pour désigner les moyennes globales qui apparaissent sur les figures et dans les pays à revenu élevé. tableaux sont des moyennes non-pondérées des pays du Les chiffres en dollars sont exprimés en dollars US courants, groupe considéré, sauf mention contraire. sauf mention contraire. Un trillion signifie 1 000 milliards. xiv Avant-propos C'est avec de grands espoirs que nous abordons le nouveau millénaire. Pour la première fois dans l'histoire humaine, la possibilité existe de mettre fin à la pauvreté mondiale au cours de notre propre génération. En octobre 2000, 180 chefs d'État ont signé la Déclaration du Millénaire, engageant le monde à atteindre les Objectifs de développement du Millénaire d'ici 2015. À Monterrey, au Mexique, au printemps 2002, les pays du monde ont instauré un partenariat pour accroître l'aide extérieure, pour développer le commerce mondial et pour accentuer les réformes politiques et institutionnelles afin d'atteindre ces objectifs. L'aide extérieure, qui avait diminué au cours des années 1990, a recommencé à croître. Cependant, les premières années du XXIe siècle nous confrontent à des difficultés accrues. Le sida et d'autres maladies, l'analphabétisme et l'eau non-salubre menacent de réduire à néant les espoirs de millions et peut-être même de milliards de personnes d'échap- per à la pauvreté. Dans un certain nombre de pays, de façon tragique, des conflits ont com- promis le développement. La paix et le développement vont de pair. Et l'aide au développe- ment continue d'être critiquée pour n'être pas assez efficace, bien qu'avec le temps nous apprenions à faire mieux. Le Rapport sur le développement dans le monde de cette année, le 26e de la série vedette de la Banque mondiale, vient relancer et renforcer nos espoirs en affrontant ces défis. Le déve- loppement n'est pas une simple question d'argent ni même d'objectifs quantitatifs à atteindre en 2015, aussi importants que ces objectifs puissent être. C'est des gens qu'il s'agit. Le Rapport sur le développement dans le monde traite des services de base, et en particulier des services de santé, d'éducation, d'adduction d'eau et d'assainissement, et des moyens de rendre ces services efficaces pour les pauvres. Trop souvent, les pauvres ne bénéficient pas de ces services. De telles carences sont peut-être moins spectaculaires que les crises financières, mais leurs effets n'en sont pas moins persistants et profonds. Ce Rapport montre que l'on peut trouver des exemples convaincants de services dont les pauvres bénéficient effective- ment. Les services sont efficaces lorsqu'ils profitent à tout le monde, lorsque les filles sont incitées à aller à l'école, lorsque les écoliers et leurs parents participent au processus de sco- larisation, lorsque les collectivités prennent en charge leur propre progrès sanitaire. Les ser- vices fonctionnent lorsque la société est capable d'enrayer la corruption - dont les pauvres pâtissent davantage que les personnes plus aisées - surtout lorsque celle-ci affecte les services de santé de base, dont les pauvres ont désespérément besoin. Ils fonctionnent lorsque nous adoptons une vision globale du développement - lorsque nous tenons compte du fait que l'éducation de la mère favorise la bonne santé de son bébé, ou du fait que c'est la construc- tion d'une route ou d'un pont qui peut permettre aux enfants d'aller à l'école. Les services fonctionnent bien, en particulier, lorsque nous tenons compte de l'impossi- bilité de dissocier les ressources de leur utilisation efficace. Une utilisation plus efficace rend les ressources supplémentaires plus productives: ce qui permet de mieux justifier l'aide. Des xv xvi RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 ressources extérieures peuvent grandement favoriser une évolution de la politique et des habitudes dans le sens d'une utilisation plus efficace des ressources en général. C'est de cette manière que nous pouvons généraliser le développement pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire. Pour que la prestation des services s'améliore, le Rapport sur le développement dans le monde recommande des changements institutionnels dans le sens d'un renforcement des relations de responsabilité - entre les décideurs politiques, les prestataires et les citoyens. Ces changements ne se produiront pas du jour au lendemain. Il s'agit de concevoir des solutions adaptées non pas à une « bonne pratique » qui serait imaginaire mais aux réalités du pays, de la ville ou du village. Il n'existe pas une solution unique pour tous les cas de figure. Cependant, je suis convaincu que cette nouvelle manière d'envisager la prestation de ser- vices et l'efficacité même du développement portera ses fruits, surtout si elle s'accompagne des ressources adéquates ainsi que de la volonté de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et de décider ce qui doit être généralisé, et aussi ce qui doit être abandonné. En bref, le Rapport sur le développement dans le monde de cette année est fondamental du point de vue de la double stratégie de développement de la Banque mondiale investir dans le facteur humain et donner du pouvoir aux gens, et améliorer le climat de l'investissement. Le Rapport sur le développement dans le monde de l'année prochaine traitera de ce deuxième aspect. Ces deux Rapports, pris ensemble, constitueront une partie de la contribution de la Banque mondiale à relever le défi que la communauté mondiale s'est elle-même assignée: faire disparaître la pauvreté au cours de notre génération. James D. Wolfensohn Abrégé rop souvent, les services font Le Rapport sur le développement dans le défaut aux pauvres -que l'on monde 2004 propose un cadre analytique et considère les possibilités d'accès, la pratique pour utiliser plus efficacement les quantité ou la qualité. Mais ressources, qu'elles soient internes ou comme il y a des endroits où manifestement externes, de manière à véritablement mettre les services fonctionnent bien, on doit en les services à la disposition des pauvres. conclure que les gouvernants et leurs admin- Notre analyse traite essentiellement des ser- istrés peuvent mieux faire. Comment ? En vices qui sont le plus directement liés au plaçant les pauvres au centre de l'organisa- développement humain-Il'éducation, la tion des services: en leur permettant de con- santé, l'eau, l'assainissement et l'électricité. trôler la prestation des services et de rappeler Qluatre tois par1 jOuII; jC 1,1iS les prestataires à l'ordre, en leur donnant Les gouvernants et leurs administrés ont f1chcher d (l'eau aî'ce îî ult' crulche davantage de poids au niveau de l'élabora- recours à diverses formules pour organiser dec 20 litres. C'est dur1! (...) Je 11'ai tion des politiques et en prenant des disposi- ces services. La prestation de services peut j àUlbi lb b 'éicole parlCe que je' tions pour inciter davantage les prestataires être confiée à l'administration centrale, sous- uos îai111b 1CCbibic(c de services à s'occuper des besoins des pau- traitée au secteur privé et aux organisations lessu'ec polirquo d1l1puisse galguer vres. non-gouvernementales (ONG), decentral- assez1`d'a,geut. ..... )1l11'y (pals de .... Avoir la possibilité de se soigner et avoir isée au profit des administrations locales, salle d baClu(is daa11s 110t1e la possibilité de s'instruire - les deux organisée avec la participation des commu- mal(ison. (...) Si jepouvils el(îaîîgcr moyens par excellence qui permettent nautés ou prendre la forme de transferts aler11 C i bl'colens et amou lus d m'te-Sl d'échapper à la pauvreté - restent des directs aux ménages. Si certaines formules se n1euits. voeux pieux pour un grand nombre. Pour sont soldées par des réussites spectaculaires, accélérer les progrès du développement d'autres ont échoué lamentablement. Les Elma Kassa, fillette de 13 ans, humain, la croissance économique est bien succès comme les échecs montrent qu'il est Adds-Aeba Etiopeévidemment indispensable, mais elle ne suf- indispensable de renforcer la notion de fit pas. Pour passer à la vitesse supérieure, il responsabilité dans les relations qui s'établis- faut non seulement augmenter de faç,on sent entre les trois principaux maillons de la substantielle les ressources extérieures chaîne de l'organisation des services: entre disponibles, mais il faut aussi utiliser de les pauvres et les prestataires de services, manière plus efficace toutes les ressources, entre les pauvres et les gouvernants, et entre internes et externes. À partir du moment où les gouvernants et les prestataires de services. les ressources sont utilisées de faç,on plus Les bailleurs de fonds étrangers doivent s'at- productive, les arguments avancés pour tacher à renforcer, et non à diluer, les respon- demander des ressources supplémentaires sabilités àces trois niveaux. deviennent plus convaincants. Et les ressources extérieures peuvent être d'une Si les pauvres se voient offrir un plus grande utilité pour changer les choses sur le grand nombre d'options et s'ils participent terrain et faire avancer les réformes dans le davantage à la mise au point des modes de sens d'une plus grande efficacité. Les deux prestation, ils seront mieux en mesure de I ~~~~~~~~~sont complémentaires -c'est le fondement surveiller les prestataires de services et de les même du contrat de partenariat pour le amener à respecter certaines règles de con- développement conclu à Monterrey au duite. Si l'on donne aux citoyens défavorisés printemps 2002. les moyens de mieux se faire entendre, par la 2 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 1 Progrès en matière voie des urnes et un large accès à l'informa- la façon dont une grande partie de l'aide est deFdéveloppement humain: tion, ils pourront davantage influer sur les acheminée. Lorsque les gouvernants, les pop- les objectifs restent hors de portée gouvernants et contrer le détournement des ulations et les bailleurs de fonds instituent services publics au profit des classes plus un ensemble d'incitations pour promouvoir moinsudenaedollar par tiour favorisées pour cause de clientélisme poli- ces changements, ils doivent sélectionner % tique. En récompensant les prestataires de minutieusement les problèmes auxquels ils 30 services qui s'acquittent efficacement de leur choisissent de s'attaquer. Ils doivent être con- mission et en pénalisant ceux qui ne le font scients des difficultés que présente la mise en 20 ` pas, les gouvernants peuvent amener ces oeuvre des réformes. Et ils doivent s'armer de prestataires à s'appliquer davantage à fournir patience. des services aux pauvres. 10 Il ne s'agit pas seulement de trouver de Le problème nouvelles formules de prestation de ser- o vices. Les sociétés doivent apprendre à La pauvreté a de multiples dimensions. Ce 1990 1995 2000 2005 2010 2015 mieux exploiter leurs innovations en évalu- n'est pas seulement la faiblesse du revenu Taux d'achèvement du cycle primaire ant systématiquement les résultats et en (moins de 1 dollar par jour) qui caractérise le % faisant savoir ce qui marche et ce qui ne quotidien des pauvres, mais aussi l'analpha- 100 marche pas. Ce n'est qu'à partir de là que bétisme, la mauvaise santé, l'inégalité des l'on pourra transposer ces innovations à sexes et la dégradation de l'environnement. 90 = plus grande échelle pour améliorer les con- Cette réalité est prise en compte dans les ditions de vie des pauvres. Objectifs de développement pour le Millé- L'enjeu est de taille car, si l'on veut réelle- naire, qui traduisent l'accord sans précédent 80 ment procurer des services aux pauvres, il de la communauté internationale sur les faut réformer non seulement les modalités objectifs à atteindre pour faire reculer la pau- 70 de prestation de ces services, mais aussi les vreté (encadré 1). Le caractère multidimen- 1990 1995 2000 2005 2010 2015 institutions publiques. Il faut aussi modifier sionnel de la pauvreté transparaît aussi dans Ratio filles/garçons dans les cycles primaire et secondaire Filles en pourcentage des garçons 100 E N C A D R É 1 Les Iiiiît olbjectifs dle l,7,1 ,. ,1" i ' , -'pou r le i, î,ne 95 Si l'on considère l'année 1990 comme point de 5. Améliorer la santé maternelle départ, chaque objectif devra être atteint d'ici à Réduire des trois quarts le taux de mortalité 2015: maternelle. 90 += 1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim 6. Combattre le sida, le paludisme et d'autres Diminuer de moitié la proportion de la popula- maladies 85 tion dont le revenu est inférieur à 1 dollar par Stopper la propagation du sida et inverser la ten- jour. dance. 80 Diminuer de moitié la proportion de la popula- 7. Assurer un développement écologiquement 1990 1995 2000 2005 tion qui souffre de la faim. viable 2. Assurer l'éducation primaire pour tous Intégrer les principes du développement durable Taux de mortalité des enfants de moins Donner à tous les enfants, garçons et filles, les dans les politiques nationales; inverser la ten- de cinq ans moyens d'achever le cycle complet d'études pri- dance actuelle à la déperdition des ressources Nombre de décès pour maires. environnementales. Réduire de moitié le pourcentage de la popula- 1 000 naissances viables 3. Promouvoir l'égalité des sexes tion qui n'a pas accès à l'eau potable. 100 et l'autonomisation des femmes Améliorer sensiblement les conditions de vie d'au Éliminer les disparités entre les sexes à tous les moins 100 millions d'habitants de bidonvilles. 80 niveaux d'enseignement. 8. Mettre en place un partenariat mondial 4. Réduire la mortalité infantile pour le développement 60 Réduire des deux tiers le taux de mortalité des Accroitre l'aide publique au développement. enfants de moins de cinq ans. Élargir l'accès aux marchés. 40 Trois remarques au sujet des Objectifs de développement pour le Millénaire : premièrement, les progrès 20 accomplis au regard de ces objectifs doivent reposer sur des réformes systémiques pour être durables et si l'on veut consolider les acquis. Deuxièmement centrer les efforts sur l'obtention de ces résultats ne signifie pas pour 0 autant qu'il faille se préoccuper uniquement des services de santé et d'éducation. Les réalisations dans ces deux 1990 1995 2000 2005 2010 2015 secteurs dépendent en effet d'un trop grand nombre d'autres facteurs -tout entre enligne de compte, depuis Remarque: La courbe bleue est la courbe le niveau des connaissances et le comportement des parentsjusqu'aux conditions d'accès (facilité et sécurité) au tendancielle sur laquelle les pays doivent dispensaire et à l'école, en passant par la technologie disponible pour ce faire.Troisièmement dans les pays qui s'inscrire pour atteindre les Objectifs de ont déjà atteint les objectifs fixés en matière de scolarisation primaire ou de mortalité infantile et maternelle, il développement pour le Millénaire. La courbe est important de maintenir l'esprit des Objectifs de développement pour le Millénaire - fixation d'échéances route représente les pregrès réalisés à ce iour. précises et objectifs basés sur les résultats afin de bien cibler les stratégies. Source: www.delopmentgoals.org Abrégé 3 la stratégie de développement de la Banque économique prévu pour l'Afrique double, mondiale, qui s'articule autour de deux cette région pourra réaliser l'objectif relatif à grands axes - investir dans les ressources la pauvreté monétaire, mais les objectifs de humaines et améliorer le climat de l'investis- santé et d'éducation resteront hors de por- sement. Le fait que cinq des huit objectifs et tée. En Ouganda, bien que le PIB par habi- l'un des deux axes de la stratégie de dévelop- tant ait augmenté de 3,9 % par an en pement concernent la santé et l'éducation moyenne au cours de la dernière décennie, témoigne de l'importance cruciale du déve- la mortalité infantile ne diminue pas, or ce loppement humain pour l'amélioration des phénomène n'est qu'en partie imputable à conditions de vie de la population. l'épidémie du sida.2 Or, les progrès sur le front du développe- Comme la croissance ne permettra pas à ment humain ne se sont pas produits au elle seule d'atteindre les objectifs fixés, la même rythme que ceux enregistrés dans le communauté internationale s'est engagée, sens de la réduction de la pauvreté monétaire lors des diverses réunions tenues récemment (figure 1). Le monde considéré dans son à Monterrey, à Doha et à Johannesburg, à ensemble est sur la bonne voie pour atteindre accroître les transferts de ressources opérés le premier objectif, qui est de réduire de moi- par les pays développés, et à améliorer les tié la proportion de ceux qui vivent avec politiques et les institutions dans les pays en moins de 1 dollar par jour - essentiellement développement. Le niveau des transferts de grâce à la croissance dynamique de l'Inde et ressources est difficile à évaluer avec préci- de la Chine, où vivent de nombreux pauvres.' sion. Certaines estimations convergent Mais il ne sera pas en mesure d'atteindre les autour d'une fourchette comprise entre 40 et objectifs fixés pour l'enseignement primaire, 60 milliards de dollars par an d'apports sup- l'égalité des sexes et la mortalité infantile. plémentaires d'aide extérieure - dans la La croissance est indispensable pour mesure où des réformes économiques et ins- atteindre ces divers objectifs, mais elle ne titutionnelles sont engagées en parallèle pour suffira pas. Au taux de croissance prévu du accroître la productivité des ressources inté- PIB par habitant, cinq des six régions en rieures et extérieures.3 développement du monde pourront Ce rapport, qui est centré sur les Objectifs atteindre l'objectif de réduction de la pau- de développement humain, décrit les vreté monétaire (tableau 1). Mais à ce réformes à engager dans le secteur des ser- rythme, deux seulement pourront réaliser vices pour atteindre ces objectifs. Les résul- l'objectif de scolarisation primaire, et tats en matière de santé et d'éducation de aucune n'atteindra l'objectif de réduction de base relèvent de la responsabilité de l'État la mortalité infantile. Si le taux de croissance (encadré 2). Mais beaucoup de pays n'assu- Tableau 1 La croissance économique ne permettra pas à elle seule d'atteindre tous les Objectifs de développement pour le Millénaire Nombre d'habitants disposant de Taux d'achèvement Mortalité des enfants moins de 1 dollar par jour pour vivre du cycle primaire de moins de cinq ans Croissance Objectif Croissance Objectif Croissance Objectif Croissance annuelle (%> seulement <%> seulement (pour 1 N seulement moyenne en 2015 en 2015 naissances en 2015 par hab. (%> <%> viables) pour 1 000 2000-2015* naissances (% par an> viables) Extrême-Orient 5.4 14 4 100 100 19 26 Europe & Asie centrale 3.6 1 1 100 100 15 26 Amérique latine et Antilles 1.8 8 8 100 95 17 30 Moyen-Orient et Afrique du Nord 1.4 1 1 100 96 25 41 Asie du Sud 3.8 22 15 100 99 43 69 Afrique 1.2 24 35 100 56 59 151 * Projection de la croissance du PIB de la Banque mondiale 12003al. Remarque: Lélasticité présumée de la pauvreté par rapport à la croissance est de -1,5; celle du taux d'achèvement du cycle primaire est de 0,62; et celle de la mortalité des enfants de moins de cinq ans est de -0,48. Source: Banque mondiale 12003ai, Devarajan i2002i. 4 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 2 Les services - une resposabilité de I'État assainissement, énergie, transport, santé et éducation) soient réellement mis à la disposi- En finançant en fournissant ou en régle- fondamentaux. La Déclaration universelle tion des pauvres. Trop souvent, ces services mentant les services qui contribuent aux des droits de l'homme stipule que toute per- font défaut: parfois à tout le monde, excepté résultats obtenus dans les secteurs de la sonne « a droit à un niveau de vie suffisant santé et de l'éducation, les gouvernements pour assurer sa santé, son bien-être et ceux les riches, qui peuvent décider de ne plus uti- du monde montrent qu'ils sont respon- de sa famille, notamment pour ... les soins liser le système public ; mais parfois aussi, et sables de la santé et de l'éducation de leurs médicaux ... [et a droit] à l'éducation, qui populations. Pourquoi ? Premièrement, ces doit être gratuite, au moins en ce qui de manière flagrante, aux plus démunis. services fourmillent d'exemples de dysfonc- concerne l'enseignement élémentaire et tionnement du marché - avec des effets fondamental ».Quelle que soit l'ampleur des Les services font défaut aux pauvres externes puisqu'un enfant malade conta- problèmes que posent les modalités de mine ses petits camarades et qu'un agricul- prestation de ces services, le secteur public de quatre manières teur profite de son voisin qui sait lire. Le sec- ne peut se désintéresser de la santé et de teur privé, livré à lui-même, ne procurerait l'éducation. Le problème est de savoir com- donc pas à la société le niveau de santé et ment les pouvoirs publics, en collaboration Comment pouvons-nous savoir si les services d'instruction qu'elle souhaite. Deuxième- avec le secteur privé, les communautés et les font défaut aux pauvres ? Premièrement, ment, la santé de base et l'éducation de base partenaires extérieurs, peuvent assumer sont considérées comme des droits humains cette responsabilité fondamentale. alors que les pays consacrent approximative- ment le tiers de leur budget à la santé et à l'éducation, très peu de ces ressources vont ment pas leurs obligations, en particulier à aux pauvres -c'est-à-dire aux services dont l'égard des pauvres. En Arménie et au Cam- les pauvres ont besoin pour améliorer leur bodge, les taux de mortalité infantile du cin- santé et leur niveau d'instruction. Les quième le plus pauvre de la population sont dépenses publiques de santé et d'éducation deux à trois fois plus élevés que ceux du cin- profitent généralement aux non-pauvres quième le plus riche. En Égypte et au Pérou, (figure 3). Au Népal, le cinquième le plus environ 60 % seulement des adolescents du riche de la population absorbe 46 % des cinquième le plus pauvre de la population dépenses d'éducation, contre 11 % seulement achèvent leurs études primaires, alors que, pour le cinquième le plus pauvre. En Inde, les pour le cinquième le plus riche, cette propor- subventions pour les soins curatifs dont pro- tion est de 100 % (figure 2). fite le cinquième le plus riche sont trois fois Pour s'acquitter de cette responsabilité, les plus élevées que celles dont profite le cin- gouvernants et leurs administrés doivent faire quième le plus pauvre.4 Alors même que l'eau en sorte que les services qui ont une inci- salubre est d'une importance fondamentale dence positive sur la santé et l'éducation (eau, pour la santé, au Maroc, 1 1 % seulement du Figure 2 Plus de crédits budgétaires pour les riches que pour les pauvres. Part des dépenses publiques affectées au cinquième le plus riche et au cinquième le plus pauvre Dépenses de santé totales Soins de santé primaires Dépenses d'éducation totales Éducation primaire Guinée X Népal 1994 * 1996 Cinquième Arménie Kosovo . le plus riche 1999 2000 Cinquieme Equateur ' . Nicaragua l le plus pauvre 1998 1998 Inde ._.____Cambodge _________ 1995/96 1996/97 Côte d'Ivoire nu Brésil 1997 1995 (NE & SE) Madagascar Maroc 1993 1998/99 Bangladesh F fiiii§um Mexique 2000 1996 Bulgarie _ ' Kenya OEIN 1995 _ 1992 Costa Rica _______Roumanie 1992 - 1994 û 20 40 0 20 40 0 20 40 0 20 40 En pourcentage En pourcentage En pourcentage En pourcentage Source: Données compilées à partir de diverses sources par les services de la Banque mondiale. Abrégé 5 cinquième le plus pauvre de la population Figure 3 De l'eau. de l'eau partout. ont accès à cette ressource, contre 100 % pour et pas une seule goutte à boire le cinquième le plus riche (figure 4) Pourcentage des ménages qui utilisent une source le cinquième le plUS riche (figure 4). d'eau améliorée, cinquième le plus pauvre Deuxièmement, même lorsque les pou- et cinquième le plus riche voirs publics peuvent recentrer les dépenses Cinquième Cinquième sur les pauvres, disons en les affectant aux le plus pauvre le plus riche écoles primaires et aux dispensaires, l'ar- Éthiopie 2000 e gent n'atteint pas toujours les services de Maroc 1995 a première ligne. Au début des années 90, les écoles primaires de l'Ouganda n'ont effecti- Guinée 1999 e vement reçu que 13 % de la part des Cambodge 2000 dépenses non salariales consacrées à l'ensei- gnement primaire. Encore s'agit-il là d'une Kazakhstan 1999 moyenne: les écoles des zones défavorisées Nicaragua 1998 ont en réalité obtenu des crédits nettement inférieurs à cette moyenne.' Indonésie 1997 Troisièmement, même si cette part est Tanzanie 1999 augmentée, comme cela a été fait en .. . Ouganda, les enseignants doivent être pré- sents à leur poste et remplir efficacement leur Brésil 1996 - mission, tout comme les médecins et les infir- Inde 1998-99 mières doivent fournir les soins dont leurs patients ont besoin. Mais ils sont souvent Ouzbékistan 1996 enlisés dans un système où les agents ne sont 0 20 40 60 80 100 guère incités à fournir un service efficace, où Source: Services de la Banque mondiale. les salaires ne sont pas toujours payés, où la corruption est endémique et où le clienté- dépourvus de médicaments, classes sans lisme politique est un mode de vie. Au terme manuels).8 La difficulté consiste à renforcer d'une longue formation, les médecins n'ont ces comportements en communiquant aux en général guère l'envie de servir dans des autres agents l'éthique professionnelle, la zones rurales éloignées. Et comme ceux qui motivation profonde et le dynamisme de ces acceptent de pratiquer dans ces régions font prestataires. rarement l'objet de contrôles, les sanctions La quatrième raison qui explique que les pour absentéisme sont légères. Une enquête services font défaut aux pauvres est l'absence concernant les institutions de soins de santé de demande. Dans bien des cas, les pauvres primaires au Bangladesh a permis de consta- n'envoient pas leurs enfants à l'école ou ne les ter que le taux d'absentéisme parmi les méde- amènent pas au dispensaire. En Bolivie, 60 % cins atteignait 74 %.6 Et, lorsqu'ils sont pré- des enfants morts avant d'avoir atteint l'âge de sents à leur poste, certains agents des services cinq ans n'avaient vu aucun agent de santé publics traitent mal les pauvres. « Ils nous pendant la maladie qui les a emportés. Si un traitent comme des animaux », déclare un tel comportement peut s'expliquer par la patient d'Afrique de l'Ouest.' mauvaise qualité du service - matériel Il va de soi que les prestataires de « pre- inexistant, agents absents, traitement inaccep- mière ligne » ne se comportent pas tous de table des patients - il est parfois aussi impu- cette manière. Beaucoup d'agents, et souvent table à la pauvreté des intéressés. Par exemple, la majorité, obéissent à un désir intrinsèque nombreux sont les ménages ruraux pauvres de servir. Que ce soit par fierté profession- qui ne peuvent prendre le temps de parcourir, nelle ou par réel souci d'aider les pauvres (ou au Mali, les quelque 8 kilomètres qui les sépa- les deux à la fois), nombreux sont les ensei- rent de l'école primaire la plus proche, ou au gnants et agents de santé qui assurent leur Tchad, les 23 kilomètres qui les séparent de service avec ponctualité, efficacité et courtoi- l'installation médicale la plus proche, même sie, souvent dans des circonstances difficiles lorsque ces services sont gratuits." (bâtiments délabrés, latrines qui débordent) Parfois aussi, la faiblesse de la demande et avec de maigres ressources (dispensaires tient à des facteurs culturels, en particulier à 6 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 4 La chaîne des responsabilités . Les pouvoirs publics vendent aussi des concessions au secteur privé pour l'eau, les transports, l'électricité -avec des résultats parfois excellents, mais par- fois aussi catastrophiques. À Cartagena, en Colombie, la privatisation du secteur de l'eau s'est traduite par l'amélioration non seulement de la qualité des services, au_M_ ffl mais aussi de l'accès des pauvres à ces services. Une opération similaire à Tucu- man, en Argentine, a provoqué une des facteurs liés au sexe. Certains parents émeute dans la ville et les autorités ont refusent d'envoyer leurs filles à l'école. Il est dû annuler la concession. Dans l'en- notoire que certains maris empêchent leur semble, cependant, la privatisation de femme d'aller au dispensaire, même pour un l'eau en Argentine a permis d'élargir l'ac- accouchement. Et la distance sociale qui cès des communautés pauvres à l'eau sépare les pauvres gens des prestataires de ser- salubre et au traitement des eaux usées, vices (dans les régions rurales du Niger, 70 % ce qui a apparemment eu des effets posi- des infirmières et des sages-femmes viennent tifs sur la santé. D'après les estimations de la ville) a souvent un effet dissuasif, d'une étude, la privatisation a permis d'éviter quelque 375 décès de jeunes Autresformes de prestation enfants par an. de services . Certains pays transfèrent les responsabi- lités (en matière de financement, d'orga- Aujourd'hui, assurer l'accès aux services de nisation et de réglementation) à des base tels que la santé, l'éducation, l'eau, l'éner- administrations locales. Là encore, le gie et l'assainissement est une responsabilité de bilan est mitigé, les capacités à ce niveau l'État, mais tel n'a pas toujours été le cas. Et ce pouvant être insuffisantes, les pratiques n'est pas exclusivement à l'administration cen- de clientélisme politique y étant plus fré- trale que les gouvernements confient le soin de quentes, et les possibilités réduites de foumir ces services. Tout au long de l'histoire, redistribution effaçant souvent les avan- les sociétés du monde entier ont essayé diffé- tages d'une plus grande participation rentes formules - avec des résultats inégaux. locale. La prestation de services d'infra- Certains pays sous-traitent les services structure par les administrations locales - au secteur privé, aux ONG ou à en Afrique du Sud a permis d'améliorer d'autres organismes publics. Après la rapidement les services fournis." Cepen- guerre civile, le Cambodge a introduit dant, en Roumanie, la décentralisation deux formules de sous-traitance pour la de l'aide sociale, en amputant les moyens prestation des soins de santé primaires dont disposaient les conseils locaux pour (la « sous-traitance complète », qui effectuer des transferts monétaires en externalise l'ensemble des services, et la faveur des pauvres, a eu pour effet de « sous-traitance partielle », qui n'exter- décourager cette pratique.' 2 Le pro- nalise que certains services). En répartis- gramme est maintenant en passe d'être sant de façon aléatoire ces modes d'ex- replacé sous l'autorité de l'administra- ternalisation des services entre 12 tion centrale. districts (afin d'éviter des biais systéma- . Les responsabilités sont parfois transférées tiques), les autorités ont constaté que aux communautés locales -ou aux usagers c'est dans les districts qui pratiquaient la eux-mêmes. Au Salvador, le programme de sous-traitance complète que les indica- gestion des écoles par les communautés teurs de santé et l'utilisation des services (Educo) donne aux-associations de parents par les pauvres avaient le plus le droit de recruter et de révoquer les ensei- augmenté.'0 La question de savoir si l'ex- gnants. Cette innovation, ajoutée aux visites périence peut être élargie à d'autres dis- mensuelles des associations de parents dans tricts mérite d'être étudiée. les établissements scolaires, a permis de Abrégé 7 réduire l'absentéisme des enseignants - et tement compte au consommateur. Pourquoi? des élèves - et d'améliorer par là même les La société, pour diverses bonnes raisons, a résultats scolaires de ces demiers. décidé que le service sera dans ce cas fourni D'autres programmes ont pour objet de non pas par le biais d'une transaction com- transférer les ressources et les responsabili- merciale, mais par l'intermédiaire de l'État, tés aux ménages. Le programme mexicain qui en assumera la responsabilité (encadré 2). d'éducation, de santé et de nutrition (Pro- Autrement dit, on opte pour la « longue gresa) verse des subsides aux familles dont chaîne » des responsablités -les usagers les enfants sont scolarisés et passent régu- influant, en tant que citoyens, sur les respon- lièrement des visites médicales dans un sables gouvernementaux, et les responsables dispensaire. Les nombreuses évaluations gouvernementaux influant sur les prestataires du programme montrent toutes qu'il a de services. Si l'un des maillons de la chaîne se permis d'augmenter le taux de scolarisa- rompt, la prestation de services se délite tion (de huit points de pourcentage pour (absentéisme des enseignants, fuites dans les les filles et de cinq points de pourcentage conduites d'eau) et les résultats au plan du pour les garçons au niveau secondaire) et développement humain en pâtissent. d'améliorer la santé de la population (les Considérons le premier maillon de la maladies chez les jeunes enfants ont dimi- chaîne, à savoir la relation entre les pauvres et nué de 20 %).13 les gouvernants ou les hommes politiques (figure 4). Les pauvres sont des citoyens. En Schéma des relations principe, ils participent à la définition des entre clients, prestataires objectifs collectifs de la société et ils s'effor- de services et gouvernants cent d'avoir droit de regard sur les mesures prises par la puissance publique pour Pour mieux comprendre la diversité des atteindre ces objectifs. Dans la pratique, cela expériences en matière de prestation de ser- ne marche pas toujours. Soit les pauvres sont vices, qu'il s'agisse de modes d'organisation exclus de la définition des objectifs collectifs, classiques ou d'autres formules, on peut soit ils ne peuvent influer sur les pouvoirs décomposer la chaîne de prestation en trois publics à cause de la faiblesse du système élec- catégories d'intervenants et examiner les rela- toral. Services publics gratuits et emplois fic- tions entre ces différents acteurs (figure 4). tifs sont distribués pour accroître la clientèle Les pauvres -en qualité de patients dans les politique, et il est rare que ce soit les pauvres dispensaires, d'élèves dans les établissements qui en profitent. scolaires, d'usagers des autobus ou de Même si les pauvres parviennent à se faire consommateurs d'eau -sont les clients. Ils entendre des responsables gouvernementaux, sont en relation avec les agents de première les services ne s'amélioreront qu'à la condi- ligne, enseignants, médecins, conducteurs tion que ces décideurs puissent assurer que le d'autobus et compagnies de distribution prestataire procurera bien des services aux d'eau. Cette relation est analogue à celle qu'ils pauvres. Au Cambodge, les gouvernants ont établissent avec le marchand auquel ils achè- su indiquer précisément aux ONG avec les- tent disons un sandwich (ou un samosa, une quelles ils ont conclu des contrats de sous- saltefia, un shoo-mai). Dans le cadre d'une traitance les services qu'elles devaient fournir. transaction sur un marché concurrentiel, ils Mais il arrive souvent, notamment dans le cas obtiennent un « service » parce qu'ils peuvent de l'enseignement ou des soins de santé, que demander des comptes au prestataire. En les gouvernants ne soient pas en mesure de d'autres termes, le consommateur paie direc- préciser la nature exacte du service à fournir, tement le fournisseur. Il peut constater s'il a encore moins d'imposer des sanctions reçu ou non son sandwich. Et s'il n'est pas lorsque le contrat n'est pas rempli. Ce qui se satisfait, il a le pouvoir de renouveler sa com- traduit dans bien des cas par l'absentéisme mande ou, en cas de fraude, d'infliger au des enseignants et des agents de santé. prestataire une sanction juridique ou sociale. Compte tenu des points faibles qui carac- Pour les services tels que la santé, l'éduca- térisent la longue chaîne des responsabilités, tion, l'eau, l'électricité et l'assainissement on peut améliorer les résultats en renforçant considérés ici, le prestataire ne rend pas direc- la voie courte, c'est-à-dire en renforçant le 8 RAPPORT SUR LE DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 pouvoir de l'usager sur le prestataire. Les sys- tiennent. L'ancien maire de Boston, James tèmes de bons scolaires (programme PACES Curley, a renforcé sa base politique en en Colombie) ou de bourses d'études (Pro- concentrant les services publics dans les gramme d'aide aux écoles secondaires pour quartiers où habitaient les catholiques irlan- filles au Bangladesh, qui octroie aux établisse- dais, tout en refusant ces services aux protes- ments des subventions en fonction du tants, qui ont fini par déménager dans les nombre de jeunes filles scolarisées) permet- banlieues.'5 tent aux clients d'exercer par leur choix une En 1989, le Mexique a lancé le Programme influence sur les prestataires. Le Programme national de solidarité (PRONASOL). Dans le Educo au Salvador et le programme guinéen cadre de cette opération de lutte contre la de reconstitution des stocks de médicaments pauvreté, les autorités ont consacré chaque (la contribution financière demandée pour année 1,2 % du PIB à des investissements cela aux villageois a incité ces derniers à dans l'eau, l'électricité, la nutrition et les mettre fin aux vols) sont des formules de par- constructions scolaires en faveur des commu- ticipation des clients qui permettent d'amé- nautés pauvres. Les évaluations de ce pro- liorer la prestation de services (voir Pleins gramme, qui s'est étalé sur six ans, font appa- feux sur EDUCO) . raître qu'il n'avait réduit la pauvreté que de 3 Examinons maintenant de plus près cha- % environ. Si le budget avait été réparti de cune des relations qui constituent les diffé- façon à maximiser l'impact du programme rents maillons de la chaîne de prestations, et sur les pauvres, on aurait pu s'attendre à une voyons pourquoi ces maillons se rompent et réduction de 64 % de la pauvreté, avec un comment ils peuvent être renforcés. ciblage parfait. Même si l'on avait procédé à Citoyens et hommes politiquesl des transferts proportionnels non ciblés à Citoyvernas et-ho s rolitilues! l'ensemble de la population, cette réduction gouvernants - un droit plus aurait été de 13 %. Lrexplication apparaît clai- important à la parole rement lorsque l'on examine l'affiliation poli- Les pauvres ont peu d'influence sur les tique des communautés ayant bénéficié des hommes politiques. Dans certains pays, la largesses du PRONASOL. Les municipalités population dans son ensemble a peu de prise dominées par le Parti révolutionnaire institu- sur ces milieux. Même lorsque le système tionnel (PRI) au pouvoir se sont vu accorder électoral fonctionne bien, les pauvres ne sont des transferts nettement plus élevés par habi- pas toujours en mesure de peser sur les res- tant que celles qui votaient pour un autre ponsables politiques pour améliorer les ser- parti (figure 5).16 vices publics: ils ne sont pas toujours bien De même qu'une démocratie qui fonc- informés de la qualité des services publics (et tionne bien ne garantit pas en soi que les les politiciens le savent), ils votent parfois en fonction de leur appartenance ethnique ou Figure 5 Voter pour le PRl était payant des clivages idéologiques, en tenant moins Dépenses du PRONASOL selon le parti au pouvoir des clivags idéologiues, en teant moins dans les municipalités compte des services publics lorsqu'ils éva- luent les hommes politiques. Parfois aussi, ils Montant moyen des dépenses par habitant ne croient pas les candidats qui promettent ( s d d'améliorer les services publics - le mandat 400 de ces derniers étant trop court pour qu'ils -.- PRI puissent tenir leur promesse - et ils votent 300 plutôt pour les candidats qui procurent de PAutresO l'argent liquide et des emplois. 200 De ce fait, les services publics deviennent PAN souvent une monnaie d'échange des hommes 100 politiques soucieux d'élargir le cercle de leurs partisans et de se faire une clientèle. Les poli- o ticiens offrent des emplois « fictifs » aux 1989 1990 1991 1992 1993 1994 enseignants et aux médecins. Ils construisent Note: PRI = Parti révolutionnaire institutionnel PRD - Parti de lu révolutioni démocratique: des écoles et des dispensaires publics gratuits PAN = Parti d'action natiosiale. dans les zones où résident ceux qui les sou- Source: Estévez, Magaloni et Diez-Cayeros (20021. Abrégé 9 pauvres pourront bénéficier de services Les médias peuvent faire beaucoup pour publics, de même certains pays à parti unique diffuser l'information sur les services publics. peuvent avoir un bon bilan en matière de L'augmentation des tirages des journaux dans santé et d'éducation, notamment pour les les districts indiens va de pair avec une plus pauvres. Les indicateurs sociaux de Cuba sont grande efficacité de l'administration locale parmi les meilleurs d'Amérique latine, pour dans la distribution de l'aide alimentaire et un revenu très inférieur à celui de ses pairs, des secours aux victimes de la sécheresse.'8 tels que le Chili et le Costa Rica. La Chine a Plus le nombre de ceux qui savent lire aug- réussi à faire baisser la mortalité infantile de mente, plus l'influence des médias est grande. façon spectaculaire et à scolariser pratique- Dans l'État du Kerala, en Inde, s'est ainsi ment tous les enfants d'âge primaire. Certes, enclenché un cercle vertueux où l'alphabétisa- au tout début de l'épidémie du syndrome res- tion de la population a entraîné une améliora- piratoire aigu sévère (SRAS) en 2002, elle s'est tion des services publics, qui a à son tour per- abstenue de notifier les cas de maladie, ce qui mis d'accroître le taux d'alphabétisation.'9 a rendu pratiquement inévitable la poursuite Mais l'information ne suffit pas. Encore de la propagation de l'épidémie.'7 Et les faut-il que les individus disposent des moyens Cubains, qui avaient un niveau élevé de santé juridiques, politiques et économiques de faire et d'instruction dans les années 50, sont restés pression sur les gouvernants pour qu'ils accè- pauvres à d'autres égards. dent à leurs demandes. Dans l'Uttar Pradesh, La conclusion que l'on peut en tirer, la plupart des gens savent que les services semble-t-il, est que la relation entre les publics sont lamentables, et ils savent aussi citoyens et les gouvernants fonctionne dès que tout le monde est au courant - et pour- lors que les gouvernants sont responsables tant personne n'ose se plaindre.2î devant les citoyens de la fourniture aux Gouvernants et prestataires pauvres de services publics ou que les gouver- nants se préoccupent de la santé et de l'édu- de services - conclure des pactes cation des pauvres. De telles politiques ser- plus solides vent les intérêts des pauvres. Lorsque les pauvres ont davantage voix au Que peut-on faire lorsque les politiques ne chapitre, les gouvernants peuvent être ame- sont pas favorables aux pauvres ? Les sociétés nés à vouloir améliorer les services qui leur peuvent toujours mettre en place des disposi- sont utiles. Mais ils n'ont pas toujours la pos- tifs intermédiaires pour amener les institu- sibilité de le faire. Souvent, les gouvernants tions publiques à mieux rendre compte de bien intentionnés ne peuvent offrir les inci- leurs activités. À Porto Allegre, l'élaboration tations ni assurer le suivi nécessaires pour participative du budget a été lancée dans un faire en sorte que les prestataires fournissent premier temps pour associer la population à des services aux pauvres. L'absentéisme des l'établissement du budget et, dans un enseignants, la rudesse avec laquelle sont deuxième temps, pour rendre l'administra- traités les patients, le détournement des pro- tion responsable de l'exécution du budget. duits pharmaceutiques sont autant de symp- Le moyen peut-être le plus efficace de don- tômes du problème. ner aux pauvres urn droit de regard plus Même dans le secteur privé, où les incita- important sur l'élaboration des politiques est tions sont normalement plus adaptées, les de mieux les informer. Lorsque les autorités résultats ne sont guère plus brillants -pour ougandaises ont appris que 13 % seulement la bonne raison que les marchés privés n'ont des dépenses de fonctionnement consacrées pas davantage la solution à ces problèmes. Les aux écoles primaires parvenaient à destina- prestataires privés ne parviennent pas à tion, elles ont lancé une campagne mensuelle atteindre les groupes les plus démunis. Du dans les journaux sur le transfert des fonds. fait des lacunes de la réglementation, les ser- Cette campagne a mobilisé la population, vices de santé privés sont de mauvaise qualité amenant l'administration à accroitre la part en Inde. À Cochabamba, l'inefficacité de la des crédits alloués aux écoles primaires (qui privatisation du secteur de l'eau a jeté des représente désormais plus de 80 %) et contrai- émeutiers dans les rues. gnant les directeurs d'école à afficher l'intégra- Dans l'ex-Union soviétique, le contrôle lité du budget à la porte des salles de classes. exercé par l'État et le Parti sur les presta- 10 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 taires obligeait ces derniers à respecter les dité. Par exemple, lorsque les taxis parisiens normes régissant la fourniture de services veulent démontrer que la réglementation gratuits. Les services fonctionnaient, et est trop tatillonne, ils suivent méticuleuse- l'état sanitaire des populations, en particu- ment le Code de la route, ce qui a pour effet lier dans les républiques relativement plus de quasiment paralyser la circulation dans pauvres de l'Asie centrale, était bien la capitale.23 meilleur que dans d'autres pays d'un niveau Comme le contrat ne peut être précisé à de revenu similaire. Mais l'effondrement de la virgule près, les gouvernants cherchent l'Union soviétique a affaibli le contrôle de d'autres moyens d'amener les prestataires à l'État sur les prestataires, et les services de offrir des formules qui répondent aux santé et d'éducation se sont désintégrés. besoins des pauvres. Une possibilité Pour résoudre le problème, il faut déjà consiste à choisir des prestataires fonda- dissocier dans le principe, et parfois dans les mentalement désireux de servir les pauvres. faits, les gouvernants des prestataires, et Il ressort d'une étude sur la prestation considérer la relation qui les unit comme un confessionnelle de services de santé en pacte. Le prestataire accepte de fournir un Ouganda que ces prestataires travaillent service, qui lui vaudra une récompense ou pour une rémunération inférieure de 28 % une sanction selon la façon dont il s'acquitte à celle des agents des services publics et des de sa mission. Le pacte peut être un contrat organismes privés à but lucratif, alors qu'ils explicite établi avec une organisation privée offrent une qualité de soins très supérieure ou une organisation à but non lucratif- ou à celle du secteur public.24 Une autre option entre deux échelons de l'administration est de prendre des mesures spéciales pour comme à Johannesburg, en Afrique du Sud inciter les prestataires à servir les pauvres ou (voir Pleins feux sur Johannesburg).2" Ou il à travailler dans des régions insuffisamment peut s'agir d'un contrat implicite, comme couvertes. Toutefois, une étude sur l'Indo- pour les lettres d'embauche des fonction- nésie montre qu'il faudrait multiplier plu- naires. sieurs fois la rémunération actuelle des Il n'est pas facile de séparer les gouver- médecins pour les inciter à s'installer en nants des prestataires, car ceux qui profitent Papouasie occidentale par exemple (où du statu quo peuvent s'opposer à cette sépa- 60 % des postes sont vacants).25 Une troi- ration. Dans l'État indien de l'Uttar Pradesh, sième solution consiste à lancer un appel les syndicats d'enseignants ont bloqué une d'offres de services et à faire jouer la tentative visant à donner au panchayat du concurrence pour contrôler et discipliner village la haute main sur le recrutement, le les prestataires. Dans le secteur de l'eau, de licenciement et les contrôles de présence des nombreuses concessions sont gérées de enseignants. Au contraire, les spécialistes de cette façon. Une récente innovation dans la santé au Brésil ont participé à une coali- l'État du Madhya Pradesh permet aux ONG tion nationale qui a préparé le programme d'entrer en concurrence pour obtenir des des réformes de santé et des conseils de santé concessions dans les écoles primaires, les municipaux.22 La séparation entre gouver- paiements étant subordonnés à l'obtention nants et prestataires est en général décidée à de meilleurs résultats aux examens, qui sont la suite d'une crise budgétaire (Johannes- évalués de façon indépendante. burg) ou d'un changement politique majeur Comme dans le cas de la relation entre (décentralisation en Amérique latine) ; dans citoyens et hommes politiques, l'information d'autres cas, elle fait partie de l'héritage his- est un élément fondamental de la relation torique (réglementation publique des com- entre gouvernants et prestataires. Les gouver- pagnies de distribution d'eau aux Pays-Bas). nants peuvent définir les termes du contrat Même lorsque la séparation entre gou- uniquement sur la base de ce qu'ils peuvent vernants et prestataires est établie, les observer, autrement dit sur la base de l'infor- contrats entre les deux parties ne peuvent mation disponible. Il faut une méthode pour pas être trop explicites. Il est difficile d'indi- assurer le suivi des prestataires et faire en quer précisément ce que l'enseignant doit sorte que cette information parvienne aux faire à chaque heure de la journée. Une pré- gouvernants. Les nouvelles technologies, et cision trop grande peut conduire à la rigi- Abrégé 11 l'e-administration en particulier, peuvent teront probablement davantage l'école si faciliter les choses à cet égard.26 l'enseignant est une femme. La construction Avec de l'ingéniosité, on peut parvenir au de latrines séparées pour les filles a aussi eu même résultat avec des êtres humains. un effet très positif sur leur taux de fréquen- Lorsque l'État du Cearà (Brésil) a recruté une tation dans un grand nombre d'écoles pri- équipe de base d'agents de santé de district, maires. Et lorsque les heures d'ouverture des l'administration a envoyé leurs noms aux dispensaires sont plus pratiques pour les candidats qui n'avaient pas été sélectionnés paysans, le nombre des visites augmente. en les invitant à signaler tout dysfonctionne- Deuxièmement, les clients peuvent surveiller ment des services fournis par les dispensaires. efficacement les prestataires puisqu'ils sont Plus fondamentalement, ces systèmes d'inci- en contact direct avec eux. Le principal avan- tation fondés sur les résultats nécessitent une tage du programme Educo tenait aux visites évaluation rigoureuse du programme pour hebdomadaires de l'association communau- que les gouvernants puissent savoir et com- taire aux écoles. Chaque visite se traduisait prendre ce qui marche et ce qui ne marche par une réduction de 3 % de l'absentéisme pas. L'information basée sur l'évaluation est des élèves (lui-même imputable à l'absen- importante non seulement pour assurer le téisme des enseignants).28 suivi des prestataires, mais aussi parce qu'elle Comment peut-on renforcer le rôle des permet au reste du monde d'être renseigné clients en tant que révélateurs de la demande sur l'organisation des services. et contrôleurs des prestataires ? En donnant Clients et prestataires - élargir aux pauvres davantage de choix et la possibi- lité de participer davantage à l'organisation le choix, accroître la participation des services. Lorsque les clients ont le choix Compte tenu des difficultés que pose le ren- entre plusieurs prestataires, ils révèlent leur forcement de la longue chaîne des responsa- demande en « votant avec leurs pieds ». Les biités, il convient d'examiner de plus près femmes qui se sentent plus à l'aise avec une comment on peut renforcer la voie courte, à doctoresse peuvent aller en voir une. La savoir la relation entre les clients et les presta- concurrence induite par le choix des clients taires de services. Il est incontestable que permet aussi d'amener les prestataires à res- pour des centaines de millions de pauvres pecter certaines règles de conduite. Un méde- cette relation est rompue. La parole est atux cin peut refuser de traiter les patients d'une pauvres et d'autres enquêtes soulignent le caste inférieure, mais si sa rémunération est sentiment d'impuissance qu'éprouvent les fonction du nombre de patients qu'il reçoit, il pauvres face aux prestataires de services- s'inquiétera lorsque sa salle d'attente sera infirmières frappant les mères qui accou- vide. En remboursant les écoles en fonction chent, médecins refusant de traiter les du nombre d'élèves (ou de filles) qu'elles patients d'une caste inférieure.2' Contraire- accueillent, on suscite une concurrence ment à la plupart des prestataires privés, les implicite entre les établissements pour attirer entreprises publiques de distribution d'eau des élèves, ce qui élargit les possibilités de financées par des transferts budgétaires choix de ces derniers. ignorent souvent leurs clients. Et ce ne sont là Les programmes de bons de scolarité - que des symptômes d'un problème plus comme au Bangladesh, au Chili, en Colom- large: souvent, les modalités retenues pour bie, en Côte d'Ivoire et en République tchèque fournir les services ne tiennent pas compte - visent explicitement à améliorer la qualité du rôle que les clients, et plus particulière- de l'enseignement en élargissant les possibii- ment les clients pauvres, peuvent jouer pour tés offertes aux parents. Mais les données améliorer le fonctionnement de ces services. empiriques concernant ces systèmes sont Les clients peuvent en effet contribuer au mitigées. Ils ont, semble-t-il, permis d'amélio- renforcement des services de deux manières. rer les résultats scolaires des élèves dans cer- Premièrement, ils peuvent dans bien des cas tains groupes. Mais les effets sur les pauvres aider à adapter le service à leurs besoins puis- sont incertains, parce que les systèmes de bons qu'il n'est pas possible d'en spécifier les universels tendent à accroître la sélection, les caractéristiques à l'avance. Ainsi, dans cer- élèves plus aisés étant concentrés dans les taines régions du Pakistan, les filles fréquen- écoles privées.'9 Lorsque les bons sont attri- 12 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 bués uniquement à des groupes pauvres ou les paysans constatent que, lorsqu'ils paient défavorisés, les effets sont plus satisfaisants.30 leur eau, le département de l'irrigation est Le programme colombien a permis de réduire davantage tenu de leur rendre des comptes. les taux de redoublement et d'améliorer les Comme le dit un paysan, « nous ne permet- résultats des épreuves standardisées pour les trons jamais plus au gouvernement de nous élèves qui participaient au programme-le donner l'eau gratuitement » .32 bilan étant plus positif pour les filles que pour les garçons.31 Même avec les systèmes de Bailleursdefondsetbénéficiaires réseaux comme ceux de la distribution d'eau renforcer, et non amoindrir, en milieu urbain, il est possible de donner aux l'obligation de rendre compte communautés déshéritées le choix entre plu- Pour améliorer l'efficacité des services fournis sieurs options en permettant aux pauvres de aux pauvres, il faut renforcer les trois s'adresser à des prestataires indépendants, ce maillons de la chaîne - relations entre qui introduit une certaine flexibilité dans les clients et prestataires, entre citoyens et gou- normes de services telles que les tarifs mini- vernants, et entre gouvernants et prestataires. maux par exemple. Dans leur ardeur à obtenir des services pour Quand il n'y a pas de possibilité de choisir les pauvres, les bailleurs de fonds court-cir- le prestataire, on peut obtenir des résultats cuitent souvent une ou plusieurs de ces rela- similaires en permettant aux pauvres de jouer tions. Les projets, qui sont l'instrument clas- un rôle plus important dans l'organisation sique de l'acheminement de l'aide, sont des services - par exemple, en leur donnant souvent exécutés par une unité distincte du la possibilité de surveiller et de discipliner les contrat, ce qui revient à ignorer la relation prestataires. Les clients peuvent servir de sur- entre gouvernants et prestataires. Le projet est veillants puisque c'est à eux qu'est fourni ou en général financé à l'aide de fonds spéciaux, non le service. Mais il faut les motiver pour qui sont soumis à des règles fiduciaires dic- les inciter à exercer ce contrôle. tées par les bailleurs de fonds. Ces projets et Au Bangladesh, la réduction des droits de d'autres initiatives des bailleurs de fonds, les douane à l'importation sur les puits tubu- « fonds » internationaux en particulier, igno- laires a permis aux ménages d'en acquérir rent les relations entre les citoyens et les gou- pour atteindre les nappes aquiferes peu pro- vernants pour ce qui concerne le budget. fondes et en tirer de l'eau potable. Malheu- Certes, lorsqu'il y a un dysfonctionnement reusement, personne n'a pris de dispositions dans la relation qui existe, il est parfois néces- pour surveiller la qualité de cette eau -un saire de la contourner. Mais les cas où les bien public - si bien que l'on ne s'est pas avantages l'emportent sur les coûts sont pro- rendu compte qu'elle contenait de l'arsenic. bablement plus rares qu'on ne l'imagine. Lorsque l'enjeu est suffisamment important, Soucieux de réconcilier la fin et les les communautés prennent le problème en moyens, certains bailleurs de fonds et cer- mains. Lorsque la Zambie a créé un fonds tains bénéficiaires s'efforcent d'utiliser l'aide routier financé par une taxe sur les camions, pour renforcer, et non pour affaiblir, les les chauffeurs de camions ont pris un tour de maillons de la chaîne d'organisation des ser- garde pour surveiller les passages sur un pont vices. Une méthode consiste à incorporer afin de s'assurer que les véhicules surchargés l'aide des bailleurs de fonds dans le budget ne l'empruntaient pas. Il va de soi que ces du bénéficiaire et à passer par les procédures contributions financières ou redevances des de contrôle financier du bénéficiaire. En usagers pèsent sur la demande -de sorte Ouganda, l'aide fournie par l'Allemagne, qu'il ne faut pas recourir à ce système lorsque l'Irlande, la Norvège, les Pays-Bas, le les effets sur la demande l'emportent sur Royaume-Uni et la Banque mondiale est l'augmentation de l'offre, comme dans l'en- incluse en totalité dans le budget de l'État, seignement primaire. Mais pour l'eau, l'élec- résultat obtenu grâce à un processus basé sur tricité et d'autres services dont les avantages la coordination et la participation. profitent pour l'essentiel aux usagers, la tarifi- Une autre méthode consiste pour les cation a un autre effet positif en ce qu'elle bailleurs de fonds à centraliser les fonds incite le consommateur à surveiller le presta- d'aide dans un « pot » commun et à adapter taire. Dans l'État indien de l'Andhra Pradesh, leurs normes fiduciaires pour qu'elles s'arti- Abrégé 13 culent sur les autres rouages de l'appareil d'É- liorées récemment.33 Les réformes décrites en tat. Le recours à une approche sectorielle détail dans ce Rapport (elles visent les pays pour les services de santé, d'éducation et de bénéficiaires et les organismes d'aide) peu- transport, entre autres, est un pas dans cette vent accroître encore la productivité de l'aide. direction. Le plus gros avantage, peut-être, de Lorsque la qualité des politiques et des insti- cette méthode, est que les bailleurs de fonds tutions s'améliore, il faut accroître l'aide et favorisent l'acquisition de connaissances- non pas la diminuer si l'on veut réaliser l'ob- par exemple lorsque les évaluations d'impact jectif commun de réduction de la pauvreté, qu'ils financent permettent de montrer ce qui comme le soulignent les Objectifs de déve- marche et ce qui ne marche pas dans l'organi- loppement pour le Millénaire. sation des services, ou lorsqu'ils mettent en En même temps, si l'on se contente commun leur assistance technique pour une d'augmenter les dépenses publiques sans opération donnée, comme ils l'ont fait pour chercher à améliorer l'efficacité de ces le Programme d'eau et d'assainissement dépenses, il y a peu de chances que la qu'ils ont été plusieurs à financer. Acquérir de mesure porte véritablement ses fruits. La telles connaissances est indispensable si l'on productivité des dépenses publiques varie veut élargir la couverture des services. Et ce très fortement d'un pays à l'autre. Les savoir, même s'il prend naissance à l'échelon dépenses unitaires de l'Éthiopie et du local, est un bien public mondial - précisé- Malawi dans l'enseignement primaire sont ment ce que l'aide a vocation à financer. à peu près les mêmes, mais les résultats obtenus sont très différents. Les montants Ce qu'il ne faut pas faire dépensés par le Pérou et la Thaïlande sont Le tableau que l'on a brossé jusqu'à présent sans commune mesure, alors que les résul- des difficultés qu'implique l'organisation de tats obtenus sont analogues. services sous l'égide de l'État pourrait Dans l'ensemble, la relation entre les conduire à conclure que l'État doit se retirer dépenses consacrées à la santé et à l'éduca- du marché et tout laisser au secteur privé. Ce tion et les résultats obtenus est faible ou serait une erreur. Si on laisse les individus inexistante. Un simple nuage statistique des agir comme bon leur semble, ils ne fourni- dépenses et des résultats fait clairement ront pas les niveaux d'éducation et de santé apparaître une droite avec une pente signifi- qu'ils désirent collectivement (encadré 2). cative - parce que les pays riches dépen- Cela n'est pas seulement vrai en théorie: sent plus pour la santé et l'éducation et dans la pratique, on constate qu'aucun pays qu'ils ont de meilleurs résultats. Mais si l'on n'a obtenu d'amélioration sensible de la tient compte de l'effet du revenu par habi- mortalité infantile et de l'enseignement pri- tant, la relation entre les dépenses publiques maire sans intervention de l'État. De plus, consacrées à la santé et le taux de mortalité comme on l'a indiqué plus haut, l'interven- des enfants de moins de cinq ans n'est pas tion du secteur privé ou des ONG dans les statistiquement significative (figure 6). Cela secteurs de la santé, de l'éducation et de l'in- n'a rien de surprenant : les dépenses frastructure n'est pas exempte de problèmes publiques de santé et d'éducation profitent -en particulier lorsqu'il s'agit d'atteindre essentiellement aux non-pauvres, elles par- les pauvres. De toute évidence, adopter une viennent rarement aux prestataires de pre- position extrême n'est pas la solution. mière ligne, et les prestataires ne sont guère Certains bailleurs d'aide adoptent une posi- incités à offrir des services efficaces. tion qui est une variante de celle qui consiste à Une autre attitude, proche de celle qui « tout laisser au secteur privé ». Si les services consiste à dire qu'« il suffit d'accroître les publics sont si mauvais, disent-ils, pourquoi dépenses publiques », est de préconiser une accorder davantage d'aide à ces pays ? Ce serait augmentation de l'aide extérieure sans là encore une erreur. On dispose maintenant demander que des mesures soient prises en d'un nombre important d'études qui mon- parallèle pour accroître la productivité de trent que l'aide est productive dans les pays qui cette aide. On peut faire tout autant fausse ont adopté de bonnes politiques et qui se sont route avec un tel raisonnement qu'avec dotés de bonnes institutions. Qui plus est, ces celui qui consiste à accroître simplement les politiques et institutions se sont encore amé- dépenses publiques, et pas uniquement 14 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 6 Caugmentation des dépenses publiques Que peut-on faire ? ne suffit pas Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, La diversité des résultats obtenus au moyen en 2000* 150 des différentes formules de prestation de ser- * + vices, qu'elles soient classiques ou novatrices, 100 * * , * montre à l'évidence qu'il n'existe pas une 50 t *^ * solution toute faite qui conviendrait à tous les 50 sO 4 + *+ *services de tous les pays. La chaîne des rela- o tions de responsabilité explique pourquoi. Les relations à renforcer ne sont pas toujours -50 l* * les mêmes, elles varient selon les secteurs et -100 * S t selon les pays. Dans le secteur de l'éducation, + 1 * le mieux est peut-être de renforcer la relation -150 clients-prestataires, comme avec les bons de -150 -100 -50 0 50 100 150 scolarité en Colombie ou les bourses d'étude Dépenses publiques consacrées à la santé, par habitant, pour les filles au Bangladesh. Mais ce n'est pas moyenne des années 90* nécessairement le cas pour les campagnes de * Les dépenses publiques et la mortalité infantile sont indiquées comme l'écart en pourcentage par rapport aux projections vaccination. calculées sur la base du PIB par habitant. En outre, les pauvres sont souvent prison- Note: Pour la droite de régression indiquée, le coefficient est de - t,148, et le coefficient de Student est de 1,45. niers d'un système caractérisé par le dysfonc- Source: PIB par habitant et dépenses publiques, base de données tionnement des relations dans l'organisation World Development Indicators; mortalité des enfants de moais de 5 ans, UNICEF des services. Il ne suffit pas toujours d'ac- croître l'efficacité d'un maillon - cela peut pour les mêmes raisons. En effet, les modes même aller à l'encontre du but recherché - d'acheminement de l'aide extérieure, du fait s'il existe de graves problèmes dans d'autres même qu'ils désorganisent la prestation de points de la chaîne. Dans le secteur de l'eau services dans le pays bénéficiaire au lieu de ou des soins de santé curatifs, le fait de res- la renforcer, entraînent parfois une diminu- serrer le lien entre gouvernants et presta- tion de la productivité des dépenses taires peut amener ces derniers à prêter une publiques à moyen terme. attention accrue aux exigences de leurs supé- Enfin, face au bilan décevant observé rieurs - mais à se soucier moins des dans les domaines de la santé et de l'éduca- demandes de leurs clients pauvres. Le tion, surtout pour les pauvres, il est tentant recours à des groupes d'usagers, formule de recommander une solution technique souvent généreusement financée par les qui s'attaque à la cause immédiate du pro- bailleurs de fonds, peut empêcher la mise en blème. Pourquoi ne pas distribuer des sup- place d'administrations locales véritable- pléments de vitamine A, vermifuger les ment démocratiques. Enfin, ce qui fait enfants et mieux former les enseignants ? qu'une innovation marche varie énormé- Pourquoi ne pas mettre au point un « pro- ment d'un pays, ou d'une région d'un pays, à gramme minimum » de soins de santé pour l'autre. Dans un État défaillant, enlisé dans tous ? Certes, chaque intervention a son un conflit, les ressources et les capacités insti- utilité, mais ce n'est pas en recommandant tutionnelles seront sollicitées à un point tel oui seulement de telles mesures que l'on par- que le pays ne pourra gérer que certaines viendra à régler les problèmes institution- interventions. Dans les pays où la prévalence nels de fond qui ont précisément empêché du sida est élevée, il faudra prévoir des Poirtiques que ces mesures soient prises au départ.34 Le mesures immédiates et à long terme pour servant fait de ne pas savoir quelle est la solution adapter l'organisation des services. les intérêts technique qui convient n'est probablement Faut-il en conclure qu'aucun grand des pauvres ? pas le plus problématique. Ce qu'il faut, enseignement ne se dégage sur ce qu'il c'est un cadre institutionnel qui donne aux convient de faire pour fournir aux pauvres gouvernants, aux prestataires et aux popu- des services qui fonctionnent bien ? Pas du non lations les incitations nécessaires pour trou- tout. L'expérience en matière d'organisa- ver la solution et l'adapter aux réalités tion de services, considérée à la lumière de locales. ce Rapport, tend à montrer qu'il existe une Abrégé 15 myriade de solutions, chacune adaptée aux secteur de l'électricité était nationalisé et caractéristiques du service et du pays ou de géré par l'État, car il s'agissait d'un réseau la région auxquels elle s'applique. À défaut (structure qui ne se prêtait donc pas à une de formule universelle, de taille unique qui concurrence directe). Mais les énormes convienne à tous les cas, on essaiera de défi- rentes liées à la fourniture d'une électricité nir huit tailles. Et au cas où huit tailles ne subventionnée étaient détournées au pro- suffiraient pas, on fera en sorte que cer- fit des consommateurs non-pauvres - taines de ces tailles puissent être ajustées, tout cela dans une démocratie parlemen- un peu comme une ceinture. taire. En pareil cas, la seule solution, si l'on Pour choisir la taille qui convient, il suffit veut fournir des services d'électricité aux de répondre à une série de questions. pauvres, est peut-être de réduire les rentes en augmentant les tarifs d'électricité ou en Une politique qui sert les intérêts confiant au secteur privé le soin de distri- des pauvres ou une politique buer l'électricité, même si cela va à l'en- clientéliste contre des principes d'équité, qui sont déjà violés de toute façon avec le système Quelle place le système politique du pays actuel. accorde-t-il aux services publics axés sur les * Troisièmement, faire en sorte que les besoins des pauvres -et dans quelle mesure citoyens soient mieux informés - du est-il miné par le clientélisme et la corrup- montant des crédits alloués aux services tion ? C'est la question la plus difficile pour qu'ils utilisent, de la situation réelle des un acteur extérieur tel qu'un bailleur de services et du comportement des gou- fonds: le bénéficiaire du conseil est parfois vernants et des prestataires -peut être aussi la source du problème. Et on ne change un bon moyen de combattre le clienté- pas de politique du jour au lendemain. lisme. On ne saurait trop insister à cet Même dans ce cas, on peut prendre au égard sur le rôle que peuvent jouer une moins trois séries de dispositions lorsque les presse libre et active et l'amélioration du politiques d'un pays obéissent davantage au niveau du discours public. clientélisme qu'au souci de servir les pauvres. * La première disposition consiste à déter- Une clientèle homogène miner l'échelon de l'administration qui ou hétérogène ? sera responsable du service. Les pratiques de clientélisme et les capacités des diffé- La réponse à cette question est fonction du oui rents niveaux de l'administration varient service considéré. Les jeunes handicapés ont d'un pays à l'autre - et la formule rete- des besoins spéciaux lorsqu'il s'agit de rece- nue pour la prestation de services doit voir un enseignement de qualité, mais pas Homogènes ? tenir compte de ces informations. lorsqu'il s'agit de se faire vacciner. L'hétérogé- * Deuxièmement, s'il y a lieu de penser que néité est aussi fonction des préférences régio- non les dirigeants politiques vont s'approprier nales ou communautaires. Le fait qu'une oui les rentes liées à la gratuité des services fillette soit ou non scolarisée peut dépendre publics et les distribuer à leurs partisans, le de l'existence de latrines séparées pour les choix d'une formule qui permet de filles. Si cela dépend des préférences locales, le Politiques réduire ces rentes peut se révéler béné- village devrait avoir son mot à dire pour la les intérês fique pour les pauvres. On peut notam- conception des latrines. Des sociétés jusqu'ici des pauvres ? ment opter pour un système d'allocation homogènes, telles que la Suède et la Norvège, des ressources régi par des règles transpa- sont en train de changer sous la poussée de rentes, connues du public, qui fasse béné- l'immigration. Elles donnent aux commu- non ficier les écoles de subventions par élève, nautés locales une plus grande latitude pour oui ou les ménages de transferts condition- adapter le système éducatif en fonction des nels, comme dans le cas de PROGRESA. capacités linguistiques de leurs membres. Homogènes ? Dans certains cas, on peut instaurer une Plus les groupes diffèrent dans leurs tarification, de sorte que la valeur attachée désirs, plus les avantages associés à la décen- au pouvoir décisionnel des responsables tralisation de la prise de décision seront non politiques s'en trouve réduite. En Inde, le importants. Dans les cas les plus extrêmes - 16 RAPPORT SUR LE DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 lorsque les préférences individuelles comp- et ce que leurs enfants apprennent. L'amélio- tent - la solution qui convient sera celle qui ration des systèmes d'information de gestion tiendra compte des choix individuels en et l'e-administration peuvent faciliter la sur- matière de service (s'il y a une possibilité de veillance de certains services. Et on peut concurrence) et qui prévoira des formules du réduire les coûts du suivi en prenant soin de type transferts monétaires, systèmes de bons bien choisir les prestataires, comme certaines ou paiements par tête aux écoles ou aux ONG, auxquelles on peut se fier sans avoir prestataires de santé. S'il existe des préfé- besoin d'assurer un suivi formel. Bref, la diffi- rences partagées, comme dans l'éducation, culté du suivi n'est pas un élément constant: ou encore des problèmes de resquillage, il peut varier dans le temps et selon les poli- comme dans l'assainissement, c'est au niveau tiques en place. communautaire que les décisions devront être prises. Il s'agira alors de mettre en place Huit tailles pour tous... un système où les décisions seront prises, Combinons maintenant ces caractéristiques dans un cadre décentralisé, par les adminis- de diverses manières pour voir les formules trations locales - ou, en fonction des réali- de prestation de services qui seraient adaptées tés politiques, par les communautés (comme - et celles qui ne le seraient pas (figure 7). Il pour les fonds d'investissements sociaux, par n'est naturellement pas facile de ranger ces exemple) et les groupes d'usagers (tels que caractéristiques dans des catégories aussi les parents dans les comités scolaires). nettes, étant donné que les pays et les services s'inscrivent dans un continuum. Malgré tout, Contrôlefacile ou difficile ? si l'on sépare les caractéristiques principales On peut distinguer les services en fonction de et si l'on examine diverses combinaisons, on la difficulté que présente le suivi de leurs peut appliquer la méthode des « huit tailles résultats. La difficulté dépend du service pour tous » aux considérations décrites plus considéré et des moyens dont disposent les haut. autorités nationales pour assurer ce suivi. À une extrémité de la fourchette, on trouve les Services financés par l'administration cen- services fournis par les enseignants à une trale et sous-traités (1). Si le contexte poli- classe d'élèves ou par les médecins dans un tique s'y prête, et s'il y a accord sur ce que dispensaire. Dans les deux cas, les transac- l'État doit faire, un service facile à contrôler tions laissent beaucoup de place au pouvoir tel que la vaccination peut être fourni par le discrétionnaire du prestataire, qu'il n'est pas secteur public ou financé par le secteur facile d'observer. Un médecin qui traite un public et sous-traité au secteur privé ou à patient a un pouvoir d'appréciation beau- des entreprises à but non lucratif, comme coup plus grand qu'un électricien qui com- cela a été fait pour les centres de soins de mute le courant d'un réseau électrique. Et il santé primaires au Cambodge. Les services est difficile de savoir quand un service de d'infrastructure peuvent être gérés par une haute qualité est effectivement fourni dans compagnie nationale d'utilité publique ou l'enseignement ou les soins de santé. On peut assurés par des opérateurs privés avec un certes faire passer des examens aux élèves. encadrement réglementaire approprié. Mais les notes ne disent pas grand-chose sur Il convient de noter que le cadre dans la compétence et les efforts de l'enseignant lequel cette formule marche est particulier. puisqu'elles dépendent au moins autant de la On parle beaucoup, dans certains pays déve- situation socioéconomique des élèves ou de loppés, de la série de réformes que la Nou- l'intérêt que prennent les parents à leurs velle-Zélande a été la première à mettre en études. Il est plus facile de suivre les vaccina- place et qui implique un recours plus tions et la propreté des latrines, qui peuvent important à des contrats explicites - dans les deux cas être mesurées par un indi- conclus soit entre l'État et le secteur privé, cateur chiffré observable. soit entre les ministères centraux et les Tout dépend bien évidemment de qui ministères chargés des services considérés. assure le suivi. Il est plus facile aux parents Ces réformes se justifient en Nouvelle- qu'aux responsables des hautes sphères de Zélande parce que le pays est doté d'une l'éducation de savoir si l'enseignant est assidu éthique de service public bien ancrée, de sys- Abrégé 17 tèmes d'information de gestion suffisam- Figure 7 Huit tailles pour tous? ment solides et d'institutions, en particulier de systèmes juridiques, capables d'assurer l'exécution des contrats. Du fait de ces Facile oui caractéristiques, qui réduisent l'écart entre à prestations faisant l'objet des contrats et contrôler ? prestations effectivement fournies, certains oui ";, - services deviennent plus faciles à surveiller. Dans de nombreux pays en développe- Homogènes? ment, ces conditions préalables ne sont pas réunies, de sorte qu'il n'est pas possible de non oui reproduire mécaniquement le modèle de ces oui Facile réformes.36 En l'absence de système juridique controler9 solide et lorsque les agents de la fonction non publique sont susceptibles de recevoir des Politiques servant pots-de-vin (forme de politique clientéliste), les intérêts l'attribution de marchés à des opérateurs pri- des pauvres . vés peut être une source importante de cor- ruption. Dans ces pays, l'État doit peut-être se Facile préoccuper encore davantage des résultats- non à non pour aiguillonner un service qui fonc- contnoier? tionne bien, mais pour contraindre le sys- oui ,. tème à apporter des améliorations plus importantes aux services et pour générer de Homogènes? nouveaux éléments d'information. no Fac oui ,__ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Services fournis par l'administration cen- a trale (2). Lorsqu'un service est difficile à contrôler n nion contrôler - il n'est pas aisé de formuler un nm11'- contrat explicite, ni de le faire exécuter- mais que les politiques servent les intérêts des pauvres et que la clientèle est homogène, l'échelon local, mais pas à l'échelon national, la formule qui convient est celle, classique, l'administration locale peut être une source de la prestation de services par un orga- de financement plus fiable des services. Lin- nisme public centralisé. Le système éducatif verse est également vrai. Les services faciles à français, qui administre un service uniforme contrôler, tels que l'eau ou l'électricité, peu- au niveau central, en est un des meilleurs vent être sous-traités à des services d'utilité exemples.37 Mais trop de pays tombent dans publique ou à des entités privées, comme à le piège qui consiste à penser que, parce Johannesburg. qu'un service est difficile à contrôler, il doit être administré par l'État. Lorsque les élèves Services fournis par l'administration locale sont hétérogènes et que les politiques d'un (4). Pour les services difficiles à contrôler, pays ne sont pas axées sur les intérêts des tels que l'éducation (pour la qualité), la res- pauvres, le contrôle du système éducatif par ponsabilité de la gestion peut être confiée à l'État -sans participation des élèves, des des groupes de parents lorsque les politiques parents ou des communautés locales - s'y prêtent, comme dans le programme peut en fait aggraver la situation des Educo. Si l'on donne aux clients la possibi- pauvres. lité de choisir grâce à un système de bons, on leur permet d'exprimer leurs préférences Servicesfinancés par l'administration locale et hétérogènes. Et la concurrence induite par la sous-traités (3). Lorsque les préférences sont possibilité de choix des clients peut amélio- hétérogènes, l'administration locale doit par- rer la qualité des services -comme on l'a ticiper à la fourniture des services. Lorsque les vu avec les bons d'eau au Chili ou les bons politiques servent les intérêts des pauvres à d'assainissement au Bangladesh. 18 RAPPORT SUR LE DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Lepouvoir aux clients (5, 6, 7, 8). Lorsque les communautaires ou des organismes services financés par la puissance publique altruistes à but non lucratif soient à même de risquent d'être accaparés par tel ou tel fournir ces services aux pauvres dans de groupe - les politiques dans ce cas ne ser- bonnes conditions d'efficacité.38 vent pas les intérêts des pauvres - le mieux Ces différents modes d'organisation des est de renforcer, autant que faire se peut, le services se veulent des tentatives de solutions pouvoir des clients. Cependant, c'est parfois aux problèmes posés par la longue chaîne difficile. Même les programmes de bons ou des responsabilités (politique clientéliste, les subventions sous condition de ressources services difficiles à contrôler) par le recours à peuvent être détournés au profit des non- la voie courte. Si les sociétés choisissent la pauvres. Il faut que ces programmes soient voie longue, c'est parce que les défaillances transparents et basés sur des règles, comme du marché ou les problèmes d'équité ren- Progresa au Mexique, de sorte que l'accapa- dent impraticable le plus court chemin (à rement des services par les classes moyennes savoir le pouvoir des consommateurs sur les soit difficile à dissimuler. prestataires). Cependant, les « défaillances de Dans les services tels que l'eau et l'électri- l'État » liées à la voie longue peuvent être si cité, l'État intervient pour réglementer les graves que, dans certains cas, l'option du prestataires monopolistiques et protéger les marché peut en fait se révéler plus bénéfique pauvres - et non parce qu'il existe des exter- pour les pauvres. nalités importantes. En séparant gouver- nants et prestataires et en obligeant ces der- Huit tailles pour tous niers à rendre compte aux clients par le biais avec des ceintures ajustables de la tarification, on peut ainsi renforcer le Le système simplifié présenté ci-dessus ne pouvoir des clients et obtenir de meilleurs pose le problème qu'en partie seulement. Il résultats. Il est possible de protéger les manque au moins deux éléments. pauvres contre la pratique de prix élevés en instituant des tarifs progressifs, qui augmen- États défaillants. Dans les pays dans lesquels tent en fonction des quantités utilisées (avec l'État est défaillant (souvent des pays en proie une première tranche gratuite). En permet- à un conflit), les dispositions à prendre pour tant à de petites entreprises indépendantes organiser la fourniture des services ne sont de distribution d'eau d'entrer en concur- pas les mêmes que pour les pays dans lesquels rence avec le monopole local, on peut aussi l'État est relativement solide. Au Sénégal et en introduire une discipline au niveau de la dis- République démocratique du Congo, les taux tribution et peser ainsi sur les prix. d'achèvement du cycle primaire se situent Cependant, en l'absence de subventions autour de 40 %. Au Sénégal, qui est une ou de transferts en faveur des pauvres, il n'est démocratie stable, les réformes dans le secteur pas possible d'utiliser les prix pour renforcer de l'éducation, et en particulier celles qui le pouvoir des clients dans le secteur de l'édu- visent à renforcer les relations entre clients et cation, en raison des externalités qui existent prestataires, devraient passer par l'État (et dans l'enseignement primaire. S'en remettre, renforcer du même coup les relations entre dans ce cas, au jeu du marché, ne serait pas gouvernants et prestataires). En République dans l'intérêt de la société. Il en va de même démocratique du Congo, où le conflit a pour les services de santé associés à des exter- sérieusement affaibli l'État, il faudrait faire en nalités, tels que la vaccination. Pour les soins sorte de donner aux communautés les de santé curatifs, il est difficile de renforcer le moyens d'améliorer les services d'éducation, pouvoir des clients, en raison de l'asymétrie même si cela implique de court-circuiter pen- de l'information qui existe entre eux et les dant une période plus ou moins longue les prestataires. On peut atténuer le problème en départements ministériels. On pourrait par informant mieux les clients sur les soins pré- exemple mettre en place des fonds sociaux ou ventifs ou sur la manière de choisir un presta- des projets de développement de proximité. taire médical (cette fonction d'information De tels instruments peuvent être efficaces étant éventuellement confiée à des organisa- pour améliorer les résultats en matière de ser- tions à but non lucratif). Dans les cas vices, mais on ne saurait méconnaître les pré- extrêmes, il peut arriver que seuls des groupes occupations qu'ils soulèvent, notamment au Abrégé 19 plan de la viabilité ; ces solutions peuvent taux de fréquentation, mais les résultats aussi être difficiles à transposer à plus grande obtenus au plan de la qualité de la formation échelle et brider le développement des capaci- des jeunes sont moins satisfaisants. Pour tés des administrations locales. améliorer la qualité de l'enseignement, il faut donc que les réformes visent à accroître la L'histoire. L'histoire du pays considéré peut participation des clients et à leur donner aussi influer sur les probabilités de succès de davantage voix au chapitre, sans pour autant la formule retenue pour l'organisation des méconnaître l'importance de la surveillance services. Jusqu'au XIXe siècle, les systèmes exercée par l'administration centrale. Dans la éducatifs de la Grande-Bretagne et de la pratique, cela signifie que les communautés France étaient privés, le principal presta- doivent intervenir davantage dans la gestion taire étant l'Église. Les pouvoirs publics des écoles et qu'il faut instaurer un système étaient donc incités à instaurer un méca- de subventions axé sur la demande pour nisme de surveillance pour s'assurer que les aider les pauvres, mais en veillant à ce que écoles enseignaient autre chose que la reli- l'élaboration des programmes et l'attribu- gion. Cela s'est révélé une bonne chose tion des diplômes demeurent une responsa- lorsque l'éducation a été nationalisée dans bilité nationale. ces deux pays: les systèmes ont continué à Les pouvoirs publics interviennent dans le fonctionner avec un solide encadrement secteur de la santé pour lutter contre les mala- réglementaire. dies transmissibles, éviter que les dépenses de Aux Pays-Bas, les entreprises de distribu- santé ne viennent encore appauvrir les tion d'eau étaient au départ des sociétés pri- pauvres et diffuser l'information sur les pra- vées, ce qui a fait de l'eau un bien écono- tiques familiales de santé et de nutrition. Ce mique et rendu de ce fait même la sont là des services différents, mais qui relè- tarification acceptable. Lorsque la propriété vent pourtant souvent de la même formule du réseau d'adduction a été transférée aux de prestation, par exemple un système de municipalités, la tarification a été maintenue. santé publique sous administration centrale. Même s'ils n'ont jamais introduit le principe Il faudrait introduire une différenciation. de la participation privée dans le secteur de * L'information concernant le lavage des l'eau, les Hollandais ont réussi à séparer gou- mains, l'allaitement exclusif et la nutri- vernants et prestataires. En résumé, l'histoire tion peut être fournie (et même d'un pays peut favoriser le développement de financée) par des ONG et d'autres certaines institutions - et ces institutions groupes ; ce type d'organisation fonc- peuvent jouer un rôle déterminant dans le tionne le mieux lorsqu'il est renforcé par succès ou l'échec de la formule retenue pour la communauté. l'organisation des services. * Les services destinés à un large public, comme les services de vaccination, peu- Les réformes sectorielles des services vent être sous-traités, mais ils doivent Que nous indiquent ces conclusions, à pro- être financés par le budget de l'État. pos du programme de réformes dans tel ou . Le service de soins cliniques est celui que tel secteur ? Dans le secteur de l'éduication, il y les clients sont les moins à même de con- a un arbitrage à opérer entre la nécessité de trôler, mais c'est là que les défaillances de renforcer l'autorité centrale afin de capter les l'État peuvent submerger les défaillances avantages qui profitent à l'ensemble de la du marché. Lorsque les politiques gou- société, comme la cohésion sociale, et la vernementales favorisent systématique- nécessité d'accroître l'influence des acteurs ment les riches, même le financement locaux puisqu'il est difficile de suivre les pro- public de ces services (fournis par des grès de l'apprentissage des élèves à l'échelon prestataires privés) peut aller à l'encontre central. Cet arbitrage est plus tranché des intérêts des pauvres. Les non-pauvres lorsque la préoccupation essentielle est la peuvent accaparer ces financements, ce qualité de l'enseignement dispensé plutôt qui conduit à une éviction complète des que la quantité d'élèves scolarisés. En Indo- services curatifs pour les plus démunis - nésie, la gestion par l'administration centrale et ne laisse aucune place aux services de du système éducatif a permis d'accroître les santé publics dans le budget. Si l'on ren- 20 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 force le pouvoir du client, en instituant des instituer un système de subventions commu- subventions axées sur la demande ou une nautaires et donner aux communautés le participation financière des usagers, on pouvoir de les distribuer, de manière à focali- peut améliorer la situation des pauvres, ser l'autorité là où les effets externes produits même en cas d'asymétrie de l'information par les comportements individuels peuvent entre les clients et le prestataire. être contenus. Dans les secteurs de l'infrastructure, tels Transposer l'expérience que l'eau, l'assainissement, les transports et à plus grande échelle l'énergie, les raisons qui justifient l'interven- Comment amplifier toutes ces réformes pour tion de l'État ne sont pas les mêmes que pour que les pays en développement aient une l'éducation et la santé, et les mesures prises chance d'atteindre les Objectifs de dévelop- par les pouvoirs publics ne devraient pas non pement pour le Millénaire ? Premièrement, plus être les mêmes. La principale raison qui comme on l'a noté au début de ce Rapport, il conduit l'État à intervenir dans la distribu- faudra des ressources supplémentaires - tion de l'eau et de l'électricité est que la four- extérieures et intérieures - pour capitaliser niture de ces services s'effectue à travers des sur ces réformes. Deuxièmement, les réseaux, ce qui interdit toute possibilité de réformes doivent s'inscrire dans un contexte concurrence directe. L'État intervient aussi où le secteur public a pour mission d'assurer pour s'assurer que les pauvres ont accès à ces aux pauvres l'accès aux services de base. Cela services. Son rôle est donc de réglementer et, signifie que les réformes sectorielles doivent dans certains cas, de subventionner les activi- être liées aux réformes du secteur public qui tés de production et de distribution. La four- sont déjà engagées (ou en passe de l'être) niture des services par l'État lui-même pré- dans des domaines tels que la gestion budgé- sente peu d'avantages, ce qui explique taire, la décentralisation et la réforme de l'ad- pourquoi il y a eu, au cours de la dernière ministration publique. Cela signifie aussi décennie, tant de privatisations, concessions qu'un secteur public qui fonctionne bien est et autres contrats similaires dans les secteurs un élément fondamental de la réforme de de l'eau et de l'énergie. l'organisation des services. Dans le même Que le service soit assuré par une entre- ordre d'idées, il faudrait réformer les pra- prise privée ou publique, il doit être régle- tiques des bailleurs de fonds -par exemple, menté. C'est l'organisme chargé de la régle- harmoniser les procédures et recourir davan- mentation qui déterminera ce que doit tage à l'aide budgétaire - afin d'appuyer les effectivement fournir le prestataire. Lorsqu'il efforts déployés par les pays bénéficiaires s'agit d'une entreprise publique, il faut au pour améliorer les résultats des prestations. moins que l'organe responsable de la régle- Troisièmement, un thème récurrent de ce mentation soit séparé de l'entité prestataire Rapport porte sur la question de savoir ce que (lorsque gouvernants et prestataires sont l'information peut faire pour inciter les pou- indissociables, cette séparation est encore voirs publics à agir, favoriser la réforme et plus difficile à obtenir). La difficulté s'accroît créer une dynamique qui permette à d'autres encore lorsque l'eau ou l'énergie est subven- réformes de porter leurs fruits. Même dans tionnée ; les rentes non négligeables qui en les sociétés qui opposent le plus de résistance, découlent - à savoir les avantages que pro- on peut accélérer la production et la diffusion cure un service dont le prix est inférieur à de l'information. Les enquêtes sur la qualité celui du marché -peuvent être accaparées de l'organisation des services effectuées par le par les responsables politiques, qui les utili- Centre des affaires publiques à Bangalore, en sent pour s'attirer les faveurs de la clientèle Inde, ont incité la population à exiger une riche plutôt que celles des pauvres. réforme des services. Les enquêtes ont été Le cas de l'assainissement est différent, reproduites dans 24 États de l'Inde. L'enquête chacun ayant la possibilité de déverser ses de suivi des dépenses publiques en Ouganda détritus chez ses voisins. Dans ces condi- est un autre exemple, de même que le rapport tions, l'octroi de subventions aux ménages Probe sur le système éducatif indien. ne permettra pas de résoudre le problème de Au-delà des enquêtes, l'évaluation généra- l'action collective. Il vaut mieux dans ce cas lisée et systématique des services fournis peut Abrégé 21 avoir une incidence importante sur les pro- Il ne s'agit pas seulement de produire et de grès accomplis dans le sens des Objectifs de diffuser des informations. Lamélioration de la développement pour le Millénaire. Les éva- prestation de services suppose d'autres luations, qu'elles soient effectuées de façon réformes, qui nécessitent un examen minu- ponctuelle, comme dans le cas du pro- tieux du contexte particulier dans lequel elles gramme mexicain Progresa, ou de manière s'inscrivent. Il n'y a pas de solution miracle rigoureuse, rassurent les décideurs et le pour améliorer la fourniture des services. On public en confirmant que ce qu'ils voient est peut savoir ce qu'il faut faire pour éduquer un bien réel. Les gouvernants ne cessent de tester enfant ou empêcher un nourrisson de mourir. de nouvelles formules en matière de fourni- Mais il faut des institutions pour éduquer une ture de services. Certaines donnent des résul- génération de jeunes ou réduire la mortalité tats, mais tant qu'elles n'ont pas fait l'objet infantile des deux tiers. Ces institutions ne se d'une évaluation systématique, rien ne per- créent pas du jour au lendemain, pas plus met d'assurer que ces résultats sont attri- qu'une structure institutionnelle donnée ne buables au programme plutôt qu'à d'autres permet à elle seule d'obtenir les résultats sou- facteurs. Sur la base des évaluations systéma- haités. Toutes les formules, depuis les services tiques de Progresa, les autorités mexicaines fournis par l'administration centrale et finan- ont décidé d'élargir le programme afin de cés sur le budget de l'État jusqu'aux services couvrir 20 % de la population. financés par les usagers et fournis par les com- Les avantages que présentent ces évalua- munautés, peuvent se solder par une réussite tions systématiques débordent le cadre du ou par un échec selon les circonstances. programme et du pays concernés. Elles per- Plutôt que de préconiser des politiques mettent en effet aux décideurs d'autres pays ou de chercher à concevoir l'institution de savoir ce qui marche et ce qui ne marche optimale, ce Rapport décrit les mesures qui pas. Ce sont des biens publics mondiaux- favoriseront l'émergence de la structure ins- ce qui pourrait expliquer pourquoi elles sont titutionnelle appropriée dans un contexte si rares.39 Si ces évaluations sont des biens donné (encadré 3). La décentralisation n'est publics mondiaux, la communauté interna- pas toujours la meilleure formule institu- tionale devrait les financer. On pourrait par tionnelle. Mais elle peut inciter les adminis- exemple utiliser la part du volume des prêts trations locales à renforcer leurs capacités de la Banque mondiale (1,5 %) théorique- réglementaires et permettre ainsi aux ser- ment destinée à financer des évaluations (ce vices de production et de distribution de qui est rarement le cas), soit environ 300 mil- l'eau et de l'énergie de mieux satisfaire aux lions de dollars par an, pour administrer des besoins des pauvres. Il peut être efficace, à évaluations rigoureuses de projets et pour moyen terme, de confier la fourniture des diffuser les résultats dans tous les pays du services à des ONG, comme cela a été fait monde. pour l'éducation au Bangladesh. Cependant, E N C A D R É 3 Eti quoi ce JrLpp.' i se distinlguJe-t-il (les autires Rapports siur le développement danis le mlotn(le ? Ce Rapport s'appuie sur ceuxqui l'ont précédé, tout enexplorant de nouveauxdomaines. Partant desrapports consacrés à la pauvreté au cours des dix dernières années, il reprend le thème de la démarginalisation développé dans le Rapport de l'an 2000 pour l'appliquer aux considérations des rapports des années 90 qui mettaient l'accent sur la santé et l'éducation en tant que moyens importants d'échapper à la pauvreté. Ce faisant, il s'inscrit dans le prolongement du Rapport sur le développement dans le monde de 1993 sur la santé - qui prescrivait une solution technique (analyse coût-efficacité) pour améliorer la situation des pauvres - en examinant les facteurs institutionnels qui peuvent conduire à l'adoption de solutions techniques correctes. Il complète aussi le Rapport de 1994 sur l'infrastructure - qui, avec une certaine prescience, mettait l'accent sur la participation du secteur privé dans ce domaine - en analysant les politiques relatives à la fourniture d'infrastructures pour les pauvres. Il développe un aspect du Rapport de 1997 sur le rôle de l'État et sa respon- sabilité dans la fourniture des services de base. Enfin, il prolonge les deux derniers Rapports sur le développe- ment dans le monde - axés sur les institutions nécessaires au marché et à l'action collective - en identifiant les incitations qui peuvent favoriser la réforme des institutions afin d'orienter les services sur les besoins des pauvres. 22 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 en incitant l'État à rester à l'écart du secteur il est difficile d'assurer le suivi, comme l'en- de l'éducation, cette solution complique seignement primaire, sont tels, en particulier beaucoup la stratégie à mettre en oeuvre dans le cas de populations hétérogènes, que pour élargir la couverture des programmes l'État devrait revoir sa position et renoncer ou améliorer la qualité de l'enseignement- au principe d'un contrôle central des établis- comme le constate aujourd'hui le Bangla- sements scolaires. Se montrer sélectif ne desh. Ces institutions ont souvent des rami- signifie pas seulement opérer un choix à par- fications dans l'ensemble du secteur public tir d'un éventail d'options disponibles, mais -par le biais des services budgétaires, des savoir faire porter ce choix sur les options relations entre administrations et des agents qu'il est possible de mettre en application de la fonction publique - ce qui conforte Le fait qu'il n'y ait pas de solution miracle, l'idée que la réforme de l'organisation des qu'il faille rechercher les moyens de favoriser services doit s'inscrire dans le contexte de la l'émergence d'institutions adaptées, qu'une réforme du secteur public. approche plus réaliste des problèmes de mise Indépendamment des mesures à prendre en oeuvre s'impose à l'heure d'opérer un pour favoriser l'émergence d'institutions choix parmi les options disponibles - tout adaptées, les autorités nationales doivent se indique que les réformes demanderont du montrer plus sélectives dans ce qu'elles choi- temps. Même lorsque l'on sait quoi faire, il sissent de faire. L'expérience en matière de est parfois difficile de le faire. Bien qu'il soit prestation de services montre l'importance urgent de répondre aux besoins des pauvres de la phase de mise en oeuvre. Les systèmes et que les services leur fassent bien souvent d'éducation de Singapour et du Nigéria (l'un défaut, il sera difficile d'obtenir rapidement et l'autre d'anciennes colonies britanniques) des résultats. Dans bien de cas, les réformes ont été conçus à partir de moules similaires. nécessaires impliquent un recentrage fonda- Mais dans la pratique, les résultats, en parti- mental du pouvoir - ce qui ne se produira culier pour les pauvres, ne pourraient être pas du jour au lendemain. Si l'on veut plus différents. Souvent, les gouvernements réorienter les services sur les besoins des et les bailleurs de fonds ne prêtent pas suffi- pauvres, il faut s'armer de patience. Mais samment attention aux difficultés de mise en patience n'est pas synonyme de passivité. Le oeuvre lorsqu'ils élaborent des politiques. La Maréchal de France Hubert Lyautey deman- gestion des écoles par l'administration cen- dait un jour à son jardinier combien de trale peut présenter certains avantages (pour temps il faudrait à un arbre pour arriver à la cohésion sociale par exemple). Mais les maturité. Lorsque le jardinier répondit qu'il problèmes qu'implique l'organisation par faudrait cent ans, le Maréchal répliqua: l'administration centrale d'une activité dont « Dans ce cas, plantez-le dès cet après-midi ». Les services peuvent être mis à la disposition des pauvres, mais c'est trop rarement le cas Ayant a s'occiuper de sept autres enfants, la meire parce qu'ils restent en deçà de leur potentiel de Maria, Atntouiia Souza Lima, expliquait qui'elle de progrès. Ils sont souvent inaccessibles, ou nie pouvait pas se permettre de prendre une heure bien leurs prix sont prohibitifs. Pourtant, et demie de sou temps ni de payer les 40 centimnes -x ^ + du ticket d'autobus pour emmetner sotn bébé même lorsqu'ils sont accessibles, ils sont ch ap t r e apathiquie au centre médical le plus procite. Maria souvent caractérisés par des dysfonctionne- semblait destinée à devenir l'un des 250 000 ments, leur qualité technique est extrême- etnfants brésiliens qui nieurent chaque antntée ment mauvaise et ils restent inadaptés par avant d'avoir atteint l'âge de 5 ails. Cependant, danis le cadre d'une nouvelle tentative de faire rs baisser le tauîx de mortalité infatntile quii est ici fiée. Par ailleurs, l'innovation et l'évaluation considérable, un entiployé du système social de - la recherche de moyens d'accroître la pro- soins a commencé à se rendre cliaqute semtaine à ductivité - sont rares. pied chez les Linia et à apporter une solution de Un grand nombre de services contri- réhiydratationt orale pour Maria et à conseiller sai buent à améliorer le bien-être humain, mais mère cei matière .11 -. , Les Linia ont un récepteur de télévision, niais n 'ont pas de filtre à le présent rapport traite des services qu eau. Une fois par mois, 4 ntilliomns de personties contribuent directement à amener un pro- reçoivenît à leur domicile la visite de l'un des 7 240 grès en matière de santé publique et d'édu- emrployés du prograntme de salité de Ceara: ces 4 cation: les services de santé, les services '/1.' depersonnesconstitueutlamtiajoritépotu- d'éducation et des services d'infrastructure vre d'îîmî État damns lequel la plupart des gens onit comme l'adduction d'eau, l'assainissement un revenu itnférieur à 1 $ par jour. Erismar Rodrigiies de Lima, tue voisinie des Lina, a éco ité et l'énergie. La notion de « services » com- attentivement les instructiomis sur le çii' -c de prend l'activité des écoles, des cliniques et l'eau potable. « Je suis la première, damis ina des hôpitaux et ce que font les enseignants, famtille, à avoirjamais reçu des soimus prémiatals », a les infirmières, les médecins. Elle englobe déclaré cette femme de 22 aris, qui attentd tIti bébé aussi ce qui permet aux pauvres d'obtenir pour le mois de juin D'après I New York Tins 4 des manuels scolaires, des médicaments, une eau potable et l'électricité, ainsi que la Quatrefois par jour, je vais chercher de l'eau aîvec manière dont les campagnes d'information une cruche de 20 litres. C'est dur ! ( ... ) Je ni'ai et les transferts de fonds peuvent permettre jamais été à l'école parce que je dois aider ina aux pauvres d'améliorer directement leur nière à faire des lessives potir qu'on puisse gagmuer situation. Une grande partie de tout cela assez d'argent. (...) Il n y a pas de salle de baiuîs danîs notre maison.( ... ) Si je pouvais changer mai s applique aussi à d'autres secteurs, comme v ie, j'aimerais vraiinent bien î. l à l'école et avoir les services de police: on trouvera donc éga- plus de vétemients lement dans le présent rapport des Elma Kassa, fillette de 13 ans, exemples relatifs à ces secteurs. Addis-Abeba, Éthiopie 41 Jusqu'à quel point la qualité des services peut-elle être mauvaise ? Comme l'indi- Les gouvernants et leurs administrés peu- quent des témoignages, elle peut vraiment vent faire en sorte que les services qui être mauvaise. À Adaboya, au Ghana, les contribuent au développement humain pauvres disent que leurs enfants « doivent fonctionnent mieux pour les pauvres - et parcourir quatre kilomètres pour aller à dans bien des cas, c'est ce qui s'est produit. l'école, alors qu'il y a un bâtiment scolaire Cependant, trop souvent, les services font dans le village qui n'est pas entretenu et défaut aux pauvres. Les services font défaut qu'on ne peut pas utiliser pendant la saison 23 24 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 des pluies ».42 À Potrero Sula, au Salvador, La situation est nettement pire les villageois se plaignent que « le centre de pour les pauvres soins, ici, [soit] inutile car il n'y a ni méde- cin ni infirmière et il n'ouvre que deux jours Quel est le degré exact de gravité de la situa- par semaine, jusqu'à midi ».4 Selon une tion ? Les taux de maladie et de mortalité sont enquête, les femmes ayant accouché dans élevés - et les taux de scolarisation, d'achève- les centres de soins ruraux du district de ment de la scolarité et d'apprentissage sont est substantiellement plus élevée Mutasa, au Zimbabwe, déclarent souvent faibles - surtout chez les pauvres (encadré dans les ménages pauvres avoir été frappées par le personnel au cours 1. 1). Au Cambodge, la mortalité avant l'âge de Nombre de décès de l'accouchement.44 cinq ans atteint le chiffre de 147 pour 1 000 pour 1 000 naissances viables Dans le présent chapitre, un certain pour le cinquième le plus pauvre de la popu- République centrafricaine, 1994-95 nombre de types de carences - services inac- lation, tandis qu'en Arménie ce chiffre est de 200 <189 cessibles ou inabordables, problèmes divers 63 (figure 1.1).45 Un grand nombre d'enfants liés à une qualité insuffisante - sont illustrés ont peu de chances de terminer même l'école 150 par des témoignages de personnes pauvres, primaire. En Egypte, parmi les adolescents de <5e le plus pauvre par des compilations de statistiques prove- 15 à 19 ans, 60 % seulement du cinquième le °00 <4 nant de plusieurs pays et par des études en plus pauvre ont terminé les cinq années de 50 <5- le plus riche profondeur. On y trouvera aussi des l'école primaire (figure 1.2). Au Pérou, dans le exemples de services dont les pauvres béné- cinquième le plus pauvre, seulement 67 % des 0 ficient effectivement. Pour tirer les leçons jeunes ont terminé le cycle de six ans de l'école du succès et comprendre les raisons des primaire, bien qu'ils aient presque tous com- Bolivie 1997 échecs, un cadre d'analyse est nécessaire. Ce mencé l'école. Dans ces deux pays, presque 200 cadre est présenté et développé dans les cha- tous les adolescents du cinquième le plus riche pitres 3 à 6 du présent rapport, et les cha- de la population ont terminé l'école pri- <143 pitres 7 à 1 1 traitent des options et des solu- maire.46 Ces pays ne sont pas des cas particu- 100 < tions en matière de réforme. liers. Dans le monde, plus de 100 millions 50 < < E N C A D R É 1 . 1 Qui soit les « ptauvtres »? Il est toujours difficile de définir qui est « pauvre »,car ressources » ou « pour la richesse » (la possession de Cambodge 2000 il existe plusieurs manières de concevoir la pauvreté. ressources et les caractéristiques de logement pou- 200 La plus familière est peut-être celle que l'on utilise vant être considérées comme reflétant la richesse pour identifier les pauvres dans les enquêtes par du ménage).5" échantillon réalisées dans les pays à revenu faible: Cependant, la pauvreté définie selon le critère de 150 <147 elle est fondée sur un indicateur composé de la con- la consommation, de la « richesse » ou d'une autre sommation totale du ménage par membre (avec des grandeur dépendant du revenu n'est pas le seul 100 < corrections en fonction de l'effectif et de la composi- désavantage social qui soit source de difficultés au lO0 tion du ménage).50 Les « pauvres » sont alors définis niveau de la demande et de l'offre de services. Les comme étant ceux qui appartiennent à des ménages inégalités des sexes, par exemple, font que les 50 < 4 situés au-dessous d'un certain seuil pour cet indica- femmes peuvent se retrouver exclues à la fois de la teur de la consommation, par exemple au-dessous de demande des ménages et de la demande publique 1 $ par jour ou de 2 $ par jour, ou au-dessous d'un de meilleurs services. Dans un certain nombre de 0 seuil défini au niveau national. pays, des catégories de désavantage résultant d'un Une autre méthode consiste à diviser la popula- processus social, comme l'appartenance ethnique, Arménie 2000 tion en divers groupes, par exemple en cinquièmes, constituent des barrières importantes. Souvent, les en fonction d'un classement ordonné de l'indicateur. services d'éducation et de santé ne sont pas adaptés 200 Ainsi, par exemple, le cinquième le plus pauvre est aux handicapés physiques et aux handicapés men- constitué des 20 % d'habitants qui appartiennent taux. 150 aux ménages pour lesquels l'indicateur de la con- Par rapport à l'efficacité des services, même une sommation donne les valeurs les plus faibles. notion plus large de la pauvreté est pertinente. Font Un grand nombre d'enquêtes, y compris cer- partie des «pauvres » ceux qui se trouvent confrontés 100 taines enquêtes auxquelles le présent rapport fait à l'un ou l'autre des divers aspects de la pauvreté - référence, n'incluent pas de statistiques de consom- ainsi que ceux qui sont vulnérables à la pauvreté ou <63 mation, lesquelles sont difficiles à collecter. Une qui risquent d'y être exposés - dans les pays à revenu 50 méthode de constitution des cinquièmes de la pop- faible et à revenu intermédiaire, tranche inférieure.52 < < ulation consiste à réunir en un indice les indicateurs On peut donc voir dans les pauvres la « classe de la possession de ressources et des caractéris- ouvrière », ou les « masses populaires » (popular en 0 tiques de logement du ménage, puis à classer les espagnol) ou tout simplement ceux qui ne sont « pas Avant I âge avant l'âge ménages selon cet indice. Pour distinguer ces méth- riches ». Même dans les pays à revenu intermédiaire, de 1 an de 5 ans odes dans le rapport, on désigne généralement les les « pauvres » constituent une partie importante de cinquièmes constitués selon cette dernière méth- la population: en effet, une grande partie de la popu- Remarque: les cinquièmes sont définis à partir ode sous le terme de cinquièmes « pour les lation ne peut se mettreà l'abri des conséquences des des quintiles d indice des ressources Source: Analyse des résultats de l'enquête démographique et de santé. Les services peuivent être mis à la disposition des pauvres, mais c'est trop rarement le cas 25 d'enfants en âge d'être scolarisés dans le pri- population doivent parcourir une distance Figure 1.2 Les pauvres ont moins maire n'y sont pas.47 Presque 11 millions d'en- plus de cinq fois plus grande que les enfants de chances de commencer l'école et fants, soit à peu près l'équivalent de la popula- du cinquième le plus riche, et pour atteindre davantage de chances de l'abandonner Pourcentage des 15 à 19 ans ayant tion de la Grèce ou du Mali, meurent avant le centre de soins le plus proche, une distance au moins terminé chaque degré d'avoir atteint l'âge de cinq ans.48 plus de sept fois plus grande (tableau 1. 1). Et Niger 1998 Dans la plupart des pays, on observe des parcourir de telles distances peut être diffi- 100 différences entre riches et pauvres en termes cile. Dans le village de Lusikisiki, en Afrique d'éducation et de santé. Ce n'est pas nécessai- du Sud, il peut être nécessaire de demander 80 rement la preuve d'une carence des services à l'aide des voisins pour gravir la colline avec 60 - = 5 le plus riche couvrir les pauvres: un certain nombre de une personne malade, et cela rien que pour 40 déterminants peuvent expliquer une telle atteindre la route la plus proche, qui est par- situation (voir Document 1.1 à la fin du pré- fois inaccessible pendant la saison des 20 5" le plus pauvre sent chapitre).49 La comparaison de la situa- pluies.56 tion des pauvres avec celle des riches dans un À tout cela s'ajoute le fait que dans cer- ° 2 3 4 0 6 7 8 9 même pays fait ressortir deux choses. Premiè- taines régions du monde, le personnel Degré rement, elle montre que la situation des devient plus rare. Il est de plus en plus avéré Inde 1998-99 pauvres est mauvaise dans l'absolu: ainsi, par que le sida réduit le nombre d'individus 100 ===- -. exemple, en Bolivie, sur 1 000 enfants du cin- capables de devenir enseignants ou profes- 80 quième le plus pauvre de la population, 143 sionnels de la santé (encadré 1.2), et le jeu des sont morts avant d'atteindre l'âge de cinq ans, marchés internationaux permet difficilement 60 et au Niger, moins de 10% des adolescents du aux pays pauvres de garder un personnel 40 cinquième le plus pauvre ont terminé leur médical qualifié (chapitres 6 et 8). 36% sixième année d'école. Deuxièmement, les La couverture des autres services, égale- 20 comparaisons à l'intérieur d'un même pays ment, est loin d'être universelle. Dans le 0 donnent une idée de ce qui est possible: les monde, plus d'un milliard de personnes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 objectifs spécifiques déjà atteints, ou en voie n'ont pas accès à une source d'eau améliorée, . Degré de l'être, à l'échelle d'un pays. et 2,5 milliards de personnes n'ont pas accès E0W à un système d'assainissement. En Afrique, la 100 L'accès aux services moitié seulement de la population rurale a 80 à un prix abordable est rare - accès à une eau améliorée ou à un système 60 d'assainissement. En Asie, 30 % seulement de 606 surtout pour les pauvres la population rurale a accès à un système 40 Dans un certain nombre de pays parmi les d'assainissement.56 Là encore, on constate plus pauvres, l'accès aux écoles, aux centres d'importantes variations d'un pays à un 20 de soins, à une eau salubre, à des installations autre et à l'intérieur d'un même pays. Au o d'assainissement, aux systèmes de transport Cambodge, 96 % du cinquième le plus riche 1 2 3 4 5 6 7 8 9 ruraux et autres services reste limité. Pour les de la population a accès à une source d'eau Pérou 2000 Degré enfants du village d'Aberagerema, en potable, contre seulement 21 % du cin- 100 Papouasie-nouvelle-Guinée, l'école la plus quième le plus pauvre (figure 1.3). Au proche se trouve dans le village de Teapopo, à Maroc, en 1992, 97 % du cinquième le plus 80 une heure de bateau ou à deux heures de riche de la population avait accès à une 60 67 % canoë.53 Cette situation n'est pas inhabi- source d'eau potable, contre seulement 11 % tuelle: la durée moyenne du trajet jusqu'à du cinquième le plus pauvre. Au Pérou, ces 40 l'école la plus proche, dans ce pays, est d'une parts sont de 98 % et 39 %.57 20 heure.54 La disponibilité des services varie Il n'y a pas nécessité à ce qu'il en soit ainsi. considérablement d'un pays à un autre. Au milieu des années soixante-dix, l'Indoné- ° 2 3 4 5 6 7 8 9 Cependant, de manière générale, les pauvres sie a étendu l'accès à l'éducation primaire en Degré doivent parcourir des distances importantes profitant de ses revenus pétroliers pour pour atteindre les services d'éducation et de construire de nouvelles écoles et employer Remarques le degré en caractère gras indique Ila fin de cycle primaire. Les cinquièmes sont cal- santé - et souvent des distances bien plus davantage d'enseignants. Le taux de scolarisa- culés du'près les quintiles d'us idice des longues que les habitants plus aisés du même tion dans le primaire a ainsi doublé entre ressources. Source: Analyse des résultats de l'enquête pays. Dans les zones rurales du Nigeria, pour 1973 et 1986, pour atteindre 90 % - bien que démographique et de santé. atteindre l'école primaire la plus proche, les la qualité, dans ce domaine, laisse à désirer.58 enfants du cinquième le plus pauvre de la Au Salvador, malgré un budget limité, l'accès 26 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Tableau 1.1 L'école la plus proche et le centre de soins le plus proche peuvent être très éloignés Distance moyenne jusqu'au centre le plus proche dans les zones rurales, pour le cinquième le plus riche et le cinquième le plus pauvre de la population de 19 pays en développement RNB par Distance jusqu'à l'école Distance jusqu'au centre habitant primaire la plus proche (km) de soins le plus proche (km> 5' le plus 5' le plus Taux 5' le plus e le plus Taux pauvre riche pauvre riche Bangladesh 1996-97 374 0,2 0,1 1,6 0,9 0,7 1,3 Bénin 1996 395 1,5 0,0 - 7,5 2,8 2,7 Bolivie 1993-94 1 004 1,2 0,0 - 11,8 2,0 6,0 Burkina Faso 1992-93 336 2,9 0,8 3,9 7,8 2,6 3,0 Cameroun 1991 611 2,6 0,7 3,8 7,0 5,4 1,3 Côte d'ivoire 1994 788 1,4 0,0 - 10,5 3,4 3,1 Haiti 1994-95 336 2,2 0,3 6,4 8,0 1,1 7,2 Inde 1998-99 462 0,5 0,2 2,3 2,5 0,7 3,6 Madagascar 1992 303 0,6 0,3 1,8 15,5 4,7 3,3 Mali 1995-96 281 7,9 5,2 1,5 13,6 6,7 2,0 Maroc 1992 1 388 3,7 0,3 13,1 13,5 4,7 2,9 Niger 1998 217 2,2 1,5 1,5 26,9 9,7 2,8 Nigeria 1999 266 1,8 0,3 5,5 11,6 1,6 7,1 Ouganda 1995 290 1,4 0,9 1,5 4,7 3,2 1,5 République Centrafricaine 1994-95 819 6,7 0,8 8,9 14,7 7,7 1,9 République Dominicaine, 1991 1 261 0,6 0,4 1,3 6,3 1,3 5,0 Sénégal 1992-93 933 3,8 2,3 1,7 12,8 10,0 1,3 Tanzanie 1991-92 224 1,2 0,6 1,9 4,7 3,0 1,6 Tchad 1998 250 9,9 1,3 7,6 22,9 4,8 4,8 Zimbabwé 1994 753 3,0 3,5 0,8 8,6 6,3 1,4 Remarque :Le revenu national brutlRNBl par habitant indiqué estle chiffre au momentde l'enquête, exprimé en dollars de 2001. Les centres de soins sont les dispensaires, les hôpitaux et les pharmacies. Même si certaines de ces statistiques datent un peu, il s'agit des plus récentes qui aient été collectées de manière cohérente dans ces pays. Il se peut que dans certains pays, la situation ait changé depuis. à l'école, pour les communautés rurales plus élevés aux distributeurs d'eau que ce que pauvres, a été étendu, après une guerre civile les mieux lotis payent aux services publics dans les années 1980, grâce à des dispositions (chapitre 9). Au Ghana, le prix au litre du seau institutionnelles innovantes (voir « Pleins d'eau était entre 5 et 16 fois plus élevé que le feux sur Educo »). coût de l'eau courante des services publics, La relation exacte entre l'utilisation des ser- bien que les femmes et les enfants soient sou- vices et les prix ou le revenu familial varie, vent obligés de parcourir de longues distances mais pour les pauvres, des revenus plus faibles pour aller acheter l'eau. À Pune, en Inde, les et des prix plus élevés signifient une utilisa- pauvres qui achètent l'eau payaient jusqu'à 30 tion plus limitée.59 Les pauvres dépensent une fois le prix de vente de l'eau au compteur grande partie de leur argent dans les services: qu'utilisaient les ménages à revenu intermé- dans les pays à revenu faible, 75 % de l'en- diaire et élevé.61 semble des dépenses de santé sont pour le sec- Les pauvres souffrent aussi de ne pas dis- teur privé, contre 50 % dans les pays à revenu poser des garanties nécessaires pour réaliser intermédiaire.60 D'après les sources gouverne- les emprunts formels qui leur permettraient mentales, ces chiffires globaux sont probable- de payer les services onéreux pour lesquels ment sous-estimés, ils ne révèlent pas la l'assurance leur fait défaut. Ils sont donc obli- charge écrasante qui pèse sur les pauvres. Par gés de recourir à des prêteurs informels qui ailleurs, pour les mêmes biens, les pauvres ont leur prennent des intérêts très élevés. Lors- souvent besoin de payer plus cher. Ainsi, par qu'ils ne disposent pas de cette source de exemple, les pauvres payent souvent des prix financement, ils recourent à des prestataires Les services peuvent être mis à la disposition des pauvres, mais c'est trop rarement le cas 27 Figure 1.3 De l'eau, de l'eau partout, et pas une goutte à boire E N C A D R É 1 . 2 Le sidati est Pourcentage des ménages qui utilisent une source d'eau améliorée, cinquièmes le plus pauvre et le plus riche Cai traint {de tuCer- les 50 le plus pauvre 50 le plus riche Un certain nombre de pays manquent de statis- Éthiopie 2000 * tiquesfiables sur les décès imputables au sida et sur Madagascar 1997 la prévalence du virus HIV chez les enseignants, Tchad 1998 _ mais l'information dont on dispose laisse penser Cameroun 1998 * que la mortalité des enseignants est en hausse là où le sida est présent. Ainsi, par exemple: Maroc 1995 Guinée 1999 * En République Centrafricaine, 85 % des Mozambique 1997 enseignants qui sont morts entre 1996 et 1998 Rwanda 1992 étaient séropositifs, Ils sont morts en moyenne Kenya 1998 dix ans plus tôt que l'âge de leur retraite. En Zambie, au cours des 10 premiers mois de Zambie 1996-97 l'année 1998,1.300 enseignants sont morts, à Cambodge 2000 * comparer avec 680 enseignants en 1996. Sénégal 1997 Au Kenya, la mortalité des enseignants est passée Rép. Centrafricaine 1994-95 de450décèsen 1995 à 1.5ûûen 1999 (d'après Haiti 1994-95 les statistiques de la Commission du service de l'enseignement), et dans l'une des huit Niger 1998 provinces du Kenya, chaque mois, entre 20 et Togo 1998 * 30 enseignants meurent du sida. Yémen 1991-92 * On estime que le nombre d'enseignants Nigéria 1999 s i séropositifs atteint 30 % dans certaines Ghana 1998 régions du Malawi et de l'Ouganda, 20 % en Phrna 2000 * Zambie et 12 % en Afrique du Sud. Pérou 2000 Burkina Faso 1999 * Sources : Coombe (2000), Gachuhi (1999), Kelly (2000), UNAIDS (2000), Banque mondiale (2002h). Bénin 1996 * 0 Mali 1995-96 e Ouganda 2000 * Indonésie 1997 * e traditionnels ou privés plus chers avec les- Nicaragua 1998 * quels les termes du paiement sont souvent Côte d'ivoire 1998-99 plus flexibles.62 Turquie 1998 * V Il n'y a pas nécessité à ce qu'il en soit ainsi. Bolivie 1997 Namibie 1992 - En Egypte, le fait d'avoir mis l'assurance mala- Tanzanie 1999 * die à la portée des enfants des écoles au début Colombie 2000 O des années quatre-vingt-dix a fait pratique- Zimbabwé 1999 ment doubler la probabilité de visite à un Rép. Dominicaine 1996 * O centre de soins sur le cinquième le plus pauvre Kazakhstan 1999 * de la population, et l'écart entre riches et Malawi 2000 D pauvres s en est trouvé nettement réduit. Au Rép. Kirghize 1997 a Mexique, un programme innovant, Progresa, Népal 2001 * a consisté à accorder des transferts monétaires Brésil 1996 aux parents qui assisteraient à des cours d'édu- Pakistan 1990-91 cation à la santé (où on leur distribuait aussi Inde 1998-99 des compléments alimentaires), et à soumettre Arménie 2000 les membres de chaque famille à des contrôles Égmpte 20001 sanguins réguliers. Ces mesures visant à assu- Ouzbékistan 1996 O- rer aux gens un meilleur revenu et ces visites Bangladesh 1996-97 régulières dans les centres de soins ont eu un Guatémala 1999 * impact significatif: la fréquence des maladies o 20 40 60 80 100 chez les enfants de moins de cinq ans a dimi- Pourcentage des ménages nué d'environ 20 0/o (voir « Pleins feux >). Remarque:: le cinquième le plus pauvre dans un pays peut correspondre au niveau de vie du cinquième médian dans un autre pays. Les inégalités à l'intérieur d'un pays reflètent les inégalités d accès à I eau et les inégalités par rapport à l'indice de la richesse utilisé pour construire les quin- La qualité - une série de mnanques tles. Une source d'eau *( améliorée ", selon la définition de l'UNICEF, est une source qui fournit une eau en quantité et d'une qualité adéquates ic'est-à-dire une adduction d'eau aux habitations ou un puits protégé, et non pas un puits non protégé ni de I eau en bouteilles). Le manque de disponibilité des services et leur Source: Analyse des résultats de l'enquête démographique et de santé. caractère inabordable ne sont que deux des aspects de leur insuffisance. Dans les pays à 28 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Tableau 1.2 Beaucoup d'absentéisme revenu faible comme dans les pays à revenu aux médecins une rémunération plusieurs Taux d'absentéisme parmi intermédiaire, lorsque des services sont acces- fois supérieure à celle qu'ils touchent actuel- les enseignants et les agents de santé sibles à tous, c'est souvent leur qualité qui lement pour obtenir qu'ils aillent travailler Écoles Centres laisse à désirer. Aussi un grand nombre de dans les zones les plus écartées.70 primaires de soins pauvres renoncent-ils à l'établissement public Même lorsque les postes sont pourvus, les primaires le plus proche pour se rendre dans des établis- taux d'absentéisme peuvent être élevés. Lors Bangladesh - 35 sements privés qui sont plus chers ou pour de visites aléatoires dans 200 écoles primaires Equateur 16 - choisir une meilleure qualité de service dans en Inde, des enquêteurs ont constaté qu'au Inde* 25 43 des centres publics plus éloignés. Une étude moment de leur visite, dans la moitié de ces Indonésie 1 8 42 en profondeur du district d'Iringa, en Tanza- écoles, aucun enseignement n'était nie, qui est une zone rurale pauvre, a montré dispensé.71 En procédant récemment à des Nouvslle que les patients renonçaient à se rendre dans échantillonnages aléatoires sur des écoles et Guinée 15 19 les centres dispensant des services de mau- des dispensaires dans plusieurs pays en déve- Pérou 13 26 vaise qualité pour choisir les centres dans les- loppement, on a constaté des taux d'absen- Zambie 17 - quels ils pouvaient bénéficier de consultations téisme supérieurs à 40 %, les taux étant plus Ouganda 26 35 et de prescriptions d'un meilleur niveau de élevés dans les zones éloignées et pour cer- qualité, les médecins y étant plus compétents taines catégories de personnel - avec cepen- et les stocks de produits de base plus consis- dant d'importantes variations à l'intérieur de tants.64 Une étude menée au Sri Lanka a mon- chaque pays (tableaux 1.2 et 1.3). Des études tré un comportement similaire, l'exigence de antérieures avaient donné des résultats simi- sont très variables - qualité, de la part des patients, étant fonction laires. En Ethiopie, dans la semaine précé- même dans un même pays de la gravité du mal.65 dant la visite, 45 % des enseignants avaient Taux d'absentéisme parmi Un résultat: des dispensaires financés par été absents au moins un jour - et 10 % les enseignants et les agents de santé dans les établissements publics, l'argent public et qui sont sous-utilisés. Dans avaient été absents pendant trois jours ou dans différents États de l'Inde (en x> le district de Sheikhupura, une zone rurale du davantage.72 Au Honduras, dans les centres Écoles Centres Penjab, au Pakistan, seulement 5 % environ de soins en milieu rural, au cours de la primaires de soins des enfants malades allaient recevoir un trai- semaine précédant une visite, les agents de primaires tement dans les centres de premiers soins en santé n'avaient travaillé que 77 % des jours Andhra Pradesh 26 - milieu rural: la moitié allaient dans des dis- ouvrables.'3 Dans les régions rurales de la Assam 34 58 pensaires privés, les autres allaient voir les Côte d'Ivoire, la veille d'une visite, 75 % des Uttar Pradesh 26 42 médecins en consultation privée.66 Lorsque la médecins seulement consultaient.'4 Bihar 39 58 qualité s'améliore, la demande de services Le personnel ne peut pas à lui seul assu- UttarAnchal 33 45 croît - même si la clientèle est pauvre.67 rer des services de bonne qualité. Il lui faut aussi le bon matériel: des manuels dans les Ralasnhan 24 39 Les services fonctionnent souvent mal écoles, des médicaments dans les dispen- Baengatakues 23 43 Faire en sorte que les postes soient pourvus, saires. Des études menées au Ghana et au Gungara0uest 23 52 que le personnel soit effectivement présent à Nigeria au début des années soixante ont Gujarat 15 52 son travail et qu'il serve tous les clients est un montré qu'environ 30 % des dispensaires Haryana 24 35 défi majeur. Plus les gens sont qualifiés et publics manquaient de médicaments.75 En Kerala 23 - moins ils sont susceptibles d'accepter un Côte d'Ivoire, un quart des dispensaires en 76 Puniab 37 - poste d'enseignant ou d'agent de santé dans milieu rural n'avaient pas d'antibiotiques. Tamil Nadu 21 - une zone éloignée. Dans une étude récente La disponibilité de médicaments dans un Orissa 23 35 réalisée au Bangladesh, on a constaté un taux centre de soins est en elle-même une Notes pour les Tableaux 7.2 et 1.3: Le taux d'ab- de vacance de 40% pour les postes de méde- mesure de la qualité quelque peu ambiguë: sentéisme est le pourcentage du personnel censé cins dans les zones pauvres.68 En Papouasie- les ruptures de stock peuvent aussi avoir être présent qui n'est pas présent le jour d une visite impromptue. Il prend en compte le person- nouvelle-Guinée, où un pourcentage impor- pour cause une demande importante. tel dont l'absence est u excusée ou «non tant des postes d'enseignants ne sont pas Cependant, lorsque les médicaments man- excusée, 'et iniclut donc, par exemple, le person--otsCpnat nel encours de formation ou entrain d accomplir pourvus, un certain nombre d'écoles ont quent dans les dispensaires et sont dispo- des tâches * administratives u autres que I en- seignement aussi bien que les personnes qui se fermé parce qu'elles n'arrivaient pas à avoir nibles au marché noir, comme c'est souvent dérobent à leurs responsabilités. d s69 - indique quo les statistiques ne sont pas des enseignants. Une rémunération moti- le cas, c'est que quelque chose ne va pas. De disponibles. vante pourrait inciter des personnes quali- la même manière, le matériel éducatif Sources pour les Tableaux 1.2 et 1.3: Chaudhury et autres (2003), Habyarimana et autres (2003), fiées à aller travailler dans les zones éloignées, manque dans les écoles. Au Népal, une ainsi que NRI et Busque monidiale (2003). Ces statistiques doivent être considérées comme mais cela pourrait coûter cher. D'après une étude a montré que pas moins de six éco- provisoires. étude réalisée en Indonésie, il faudrait verser liers partageaient les mêmes manuels de la Les services peuvent être mis à la disposition des pauvres, niais c'est trop rarenient le cas 29 langue locale. À Madagascar, les mêmes pourboires et pots-de-vin - qu'un grand livres de classe étaient partagés entre trois à nombre de patients doivent faire. En Azer- cinq élèves, et la moitié seulement des salles baïdjan, en Pologne et en Russie, plus de 70 de classe avaient un tableau noir utilisable.7 % des patients le font - et en Arménie, plus Lorsque le personnel est présent à son tra- de 90 %.82 vail - comme une grande partie le fait Les patients subissent cette corruption consciencieusement - et lorsque le matériel ailleurs aussi. Ainsi, par exemple, des études complémentaire est disponible, la qualité des d'après des statistiques du milieu des années services peut encore laisser à désirer si les ins- quatre-vingt-dix ont montré qu'en Guinée tallations ne conviennent pas ou si elles ne et en Ouganda, les dépenses informelles fai- sont pas entretenues. Les conditions de tra- saient augmenter substantiellement les prix vail peuvent être épouvantables. Un compte- des services de santé.83 Un rapport récent rendu relatif à une école du Bihar du nord, sur des études de cas en Amérique Latine en Inde, décrit des salles de classe « (...) indique une corruption généralisée dans les proches de la désintégration. Six enfants ont hôpitaux, allant du vol aux dessous-de- été blessés lors de trois incidents différents, table pour les achats de matériel, en passant une partie du bâtiment s'étant écroulée, et par l'absentéisme.84 Dans un pays d'Afrique même maintenant, il existe un grand danger du Nord où les gens bénéficient d'une « d'effondrement final. (...) La cour de récréa- couverture médicale gratuite », des villa- tion est couverte de boue et de vase. Un petit geois ont déclaré, dans un groupe de discus- enfant pourrait facilement se noyer dans les sion: « il n'y a pas un seul cachet dans tout écoulements qui débordent. Les moustiques le dispensaire, et le médecin en a fait sa cli- grouillent. Il n'y a pas de toilettes. Les voisins nique privée » 85 se plaignent que des enfants utilisent n'im- Là encore, il n'y a pas nécessité à ce qu'il porte quel endroit qui leur convient pour se en soit ainsi. Au Bénin, le partage des coûts soulager, et les enseignants se plaignent des dans les dispensaires - dans le cadre de l'ini- voisins qui viennent utiliser la cour de tiative de Bamako - et les fonds de roule- récréation comme toilettes le matin » 78 ment pour les médicaments ont permis Dans la même étude, en Inde, il a été constaté d'améliorer la disponibilité des médica- que dans la moitié des écoles visitées, il n'y ments dans des centres de soins qui, jus- avait pas d'eau potable. Dans les zones qu'alors, dispensaient leurs services gratui- rurales du Bangladesh et du Népal, une tement mais n'en avaient pratiquement étude a montré qu'il y avait en moyenne un jamais. Leur utilisation s'est accrue dans WC pour 90 élèves, et que ce WC, une fois tous les centres de soins qui ont pris de sur deux, était inutilisable.79 Au Pakistan, semblables mesures (voir « Pleins feux »). 86 dans 16 % des écoles visitées dans le cadre Des dispositions innovantes peuvent inciter d'une étude, les filles n'avaient pas droit à des les enseignants à être davantage présents. toilettes séparées.80 Au Nicaragua, entre 1995 et 1997, l'assiduité Un autre problème est la corruption, qui des enseignants a progressé deux fois plus prend des formes diverses. Les enseignants et dans les écoles primaires devenues auto- les responsables pédagogiques sollicitent nomes que dans les écoles publiques gérées parfois des pots-de-vin pour admettre des par le système administratif.87 En Inde, dans élèves ou pour leur donner de meilleures les années quatre-vingt-dix, un programme notes, ou bien ils sabotent l'enseignement de d'éducation de base à grande échelle a per- manière à accroître la demande de cours par- mis de doubler le nombre de toilettes et ticuliers en dehors de l'horaire. Des études d'installations d'eau potable dans les écoles, menées dans il pays d'Europe de l'est et dans les districts dans lesquels il a été appli- d'Europe centrale ont montré que le secteur qué. Les parties en présence peuvent se de la santé y était considéré comme étant l'un mobiliser pour lutter contre la corruption. des secteurs les plus corrompus.8' Officielle- Des syndicats du secteur public ont ainsi ment, en Europe et en Asie centrale, on organisé un réseau anti-corruption (UNI- estime que 24 % seulement des dépenses de CORN) qui soutient les initiatives natio- santé sont destinées au secteur privé, mais ce nales pour protéger les personnes qui tirent chiffre n'inclut pas les dépenses informelles - le signal d'alarme. 30 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 La qualité technique des services les absences et par le temps consacré en classe est souvent très insuffisante aux tâches administratives.95 Les services font aussi défaut aux pauvres lorsque leur qualité technique est insuffi- Les services ne s'adaptent pas sante: c'est-à-dire lorsque le processus de aux besoins de la clientèle combinaison des inputs pour la production La carence des services se retrouve aussi au d'un résultat fonctionne de manière ineffi- niveau de l'interaction entre le fournisseur cace ou néfaste. Il en est ainsi, par exemple, et le client. Les clients sont de diverses sortes lorsque des agents de santé incompétents ne : ils different par leur situation économique, délivrent pas la bonne prescription ou la par leur religion, leur appartenance eth- bonne procédure, ou lorsque dans les écoles, nique, leur sexe, leur statut civil, leur âge, les méthodes d'enseignement sont ineffi- leur statut social, leur caste. Ils peuvent caces. En République Dominicaine, dans un aussi différer entre eux par les contraintes hôpital, on s'est rendu compte que l'ineffica- de temps qui sont les leurs, par leur manière cité générale était la cause de l'explosion des d'accéder à l'information et aux réseaux dépenses.88 Vers le milieu des années quatre- sociaux, par leurs compétences civiques et vingt-dix, une étude des établissements de par leur capacité d'agir collectivement. Les soins dans plusieurs pays a montré que les inégalités entre les différents groupes se taux de diagnostics corrects de diarrhée chez reflètent dans la relation entre clients et les enfants de moins de cinq ans étaient scan- fournisseurs.96 En Inde, les districts dans daleusement faibles, et que la proportion de lesquels la proportion de castes inférieures cas de traitements adaptés ou de prescrip- et de certaines formations religieuses est tions appropriées était encore plus réduite. plus élevée comptent moins de médecins et En Zambie, par exemple, 30 % seulement des d'infirmières par tête d'habitant, et les cas faisaient l'objet d'un diagnostic correct, et agents de santé de l'extérieur sont moins l'on ne constatait une réhydratation appro- susceptibles de rendre visite aux ménages priée que dans 19 % des cas.89 Une autre des castes inférieures et aux ménages étude réalisée en Egypte a montré que seule- pauvres.9' Les clients disent qu'ils préferent ment 14 % des cas de diarrhée aiguë étaient les centres de soins qui ouvrent aux heures traités comme il convenait par administra- qui conviennent et où le personnel les traite tion orale de sels de réhydratation.90 Au avec respect. Au Salvador, des horaires trop Bénin, une étude récente a montré qu'un clairsemés et inadaptés ont entraîné une enfant malade sur quatre se voyait adminis- réduction considérable de l'utilisation des trer par le personnel de santé des médica- centres de santé. Selon les intéressés, « les ments inutiles ou dangereux.9' En Inde, la centres de santé ne fonctionnent que deux contamination des seringues utilisées par les fois par semaine. Le temps d'attente est de praticiens répertoriés était particulièrement trois heures en moyenne. Seuls ceux qui préoccupante.92 arrivent à 8 heures du matin arrivent à Même si, en matière d'éducation de base, la obtenir une consultation ».98 En Afrique qualité technique est plus difficile à évaluer, subsaharienne, l'école commence souvent à certains indicateurs signalent la gravité de la 8 heures, alors que les filles sont encore en situation. Ainsi, par exemple, l'allocation des train d'aller chercher de l'eau, et les jours de dépenses est inefficace, la part des salaires des congés scolaires ne correspondent pas aux enseignants est excessive par rapport à celle jours de marché locaux. des dépenses pour d'autres facteurs qui La « distance sociale » entre les fournis- auraient une plus grande efficacité.93 Dans seurs et leurs clients peut être importante. d'autres cas, c'est le temps qui est mal géré: Au Niger, pays essentiellement rural, une dans cinq pays du Moyen-Orient et d'Afrique étude a montré que 43 % des parents des du Nord, les élèves de l'école primaire ne pas- infirmières et des sages-femmes étaient des saient réellement à étudier que 65 % du temps fonctionnaires, dont 70 % avaient grandi en alloué.94 En Indonésie, les élèves des deux pre- ville. Ils allaient tous au travail en voiture: miers niveaux ne passaient officiellement que une chose rare dans ce pays.99 Les consé- 2,5 heures par jour à l'école, le temps consacré quences malheureuses de la distance sociale à l'apprentissage se trouvant encore réduit par entre les fournisseurs et leurs clients ne sont Les services peuivent être mis à la disposition des pauvres, nais c'est trop rarement le cas pas difficiles à trouver. En Egypte, les parti- cipants d'un groupe de discussion se plai- E N C A D R É 1 3 LeSert n . vlaueŽpOil-r 1eS gnaient de l'attitude du personnel de l'hôpi- ne, wt pa7s I'ob/et d'une forî I onil7uld?e tal rural local, et l'un d'eux résumait ainsi la ca71S ,l province (led 1 - b. i 1, h ''inen situation: « Ils gardent un air hautain et nous igorent »" En frique u Sud, n avai Au fondles cetecsises d..Qe 40ugarçons, iltyres laisser s'nsruiere davec lares gaurçonslet denle nous ignorent ,>.t° En Afrique du Sud, un Avatu filles asteCsises d..)Qe voulaie,nt êtelaYisser marcher dans la rue pour aller en membre d'un groupe cible parle ainsi d'un les filles quand elles seraient grandes ?"Pro- classe ». fournisseur de soins primaires: « Parfois, fesseur, dit l'une. "Médecin" dit l'autre. Mais au Yémen, moins d'un quart de la population Au Yémen, les filles représentent le tiers j'ai l'impression que c'est comme si l'apar- féminine sait ire et écrire, et les flles sont des effectifs en premier cycle, et le quart en theid était toujours là. ( ... ) Ils ont vraiment obligées de suivre le chemin traditionnel des deuxième cycle. Plus de 75 % des femmes de l'art de vous faire sentir que vous n'êtes villageoises, qui se marient habituellement à 35% des hommes Cependantacehn'est pas uunemerde» 0 l'adolescence et ont en moyenne 10enfants. seulement l'éducation des filles qui pose quune . Dans la campagne de la province de Dhamar, problème le taux de scolarisation net des Il faut que les services soient adaptés - qui est l'une des plus pauvres, il est difficile garçons n'est que de 75 % en premier cycle qu'ils viennent combler un besoin identifié d'exercer un métier, a fortiori pour une et de 70 % en deuxième cycle. femme. Par ailleurs, la plupart des parents ne - faute de quoi la demande pour ces ser- laissent pas leurs filles aller à l'école - ils Sources Mayer (1997), Banque mondiale vices sera réduite (encadré 1.3). Lorsque les considèrent comme inacceptable à la fois de (2002g). écoles primaires enseignent des connais- sances qui relèvent plutôt de l'enseignement secondaire - et qui ne sont pas applicables à « éducatrices » au sein de la profession qui la vie quotidienne en dehors de l'école - ont transmis l'information à leurs seuls les enfants des familles les plus aisées, confrères. La diffusion de l'information de qui ont des chances de suivre aussi le second cette manière a permis d'accroître l'utilisa- cycle, trouveront intéressant de terminer tion des préservatifs et de réduire substan- leur premier cycle. Au Ghana, une des per- tiellement la contagion par le virus HIV, sonnes interrogées affirmait: « L'école est comparativement avec les autres grandes inutile: les enfants passent du temps à villes. Cette approche a aussi provoqué des l'école, et après, ils sont au chômage et ils réactions en chaîne: les prostituées se sont n'ont pas appris à travailler aux champs organisées en syndicat et ont mené un lob- ». 102 En Inde, une partie d'un programme bying efficace pour obtenir une légalisation, intégré de développement pour l'enfance pour lutter contre le harcèlement de la part s'est trouvée compromise lorsque les béné- de la police et pour obtenir d'autres ficiaires ont rejeté les céréales qui étaient droits.'05 proposées comme nourriture. Le pro- gramme a fini par être modifié pour Peu de contrôle, peu d'innovation répondre aux préférences variées des diffé- et une productivité stagnante rentes régions du pays. Dans la plupart des cas, les nouvelles inter- Et là encore, il n'y a pas nécessité à ce ventions font rarement l'objet de contrôles qu'il en soit ainsi. Dans la région de Nioki, et d'évaluations, ce qui compromet l'effica- au Zaïre (devenu depuis la République cité de l'innovation et le progrès de la pro- Démocratique du Congo), où l'utilisation ductivité des services. Il est encore plus rare des services de santé a connu un déclin sub- que soient évaluées les dispositions inno- stantiel entre 1987 et 1991, les gens se sont vantes en matière de services - comme par adressés de plus en plus aux centres de soins exemple les nouvelles formes de responsa- dont les infirmières avaient de bonnes com- bilisation. Si l'on ne développe pas des sys- pétences en matière de relations tèmes d'une manière qui permette d'ap- humaines.'03 Parmi la population autoch- prendre comment progresser, on ne devrait tone de pays comme la Bolivie, l'Equateur, pas être surpris de voir la situation stagner. le Guatemala, le Mexique, le Paraguay et le Il ne suffit pas de compter sur les recherches Pérou, la promotion d'un enseignement qui sont réalisées dans d'autres pays, même bilingue et multiculturel a contribué à amé- si c'est toujours utile. Il est crucial de com- liorer les résultats de l'éducation scolaire.'04 prendre comment une intervention parti- À Sonagachi, en Inde, une campagne inno- culière peut réussir dans chaque contexte vante pour la santé publique parmi les pros- national, car ce sont l'histoire, la politique et tituées a permis de former des les institutions qui déterminent ce qui fonc- 32 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 tionne, ce qui ne fonctionne pas et les rai- moyen d'instruction scolaire de la popula- sons à cela. tion a plus que doublé. La qualité des ser- Là encore, il n'y a pas nécessité à ce qu'il vices assurés par la fonction publique a été en soit ainsi. Dans certains programmes, partie intégrante de ce succès. Dans un cer- rarement menés à bien cependant, on a tain nombre de situations, le personnel doit tenté d'intégrer l'aspect évaluation, afin surmonter des obstacles majeurs - y com- d'en tirer des enseignements. Le pro- pris des menaces à sa propre sécurité - pour gramme Progresa, au Mexique, comprenait pouvoir dispenser un enseignement aux de manière explicite, dans sa conception, enfants ou des soins aux malades. une randomisation et une évaluation. Les À quoi ressemblent des services qui fonc- résultats de l'évaluation - bien documentée tionnent ? Des écoles sûres et agréables où et diffusée à travers les médias - ont permis les enfants apprennent à lire et à écrire. Des de renforcer les bases du programme. Ils centres de soins primaires où le personnel ont permis de voir ce qui était le plus effi- de santé dispense des conseils appropriés et cace, ce qui a contribué à étendre le pro- donne les médicaments qui conviennent. gramme à une grande partie de la popula- Des réseaux d'adduction d'eau sur lesquels tion pauvre du pays (voir « Pleins feux »). on peut compter à tout moment pour dis- Cependant, même sans schéma expérimen- poser d'une eau saine. Des subventions tal, il est possible d'en apprendre davantage directes pour les enfants pauvres et leurs sur les systèmes et d'innover. Ainsi, par familles, pour stimuler la demande. Des ser- exemple, l'étude Probe, en Inde, a permis de vices accessibles, abordables et de bonne comprendre diverses lacunes relatives à la qualité, qui permettent d'améliorer la situa- qualité des écoles primaires. Les résultats, tion des pauvres. largement diffusés, ont contribué à mobili- Les gouvernements assument la responsa- ser des soutiens en faveur d'une réforme106. biité d'assurer le bon fonctionnement des services pour promouvoir la santé publique et l'éducation. Le chapitre 2 traite des raisons Rendre les services opérationnels de cette responsabilité et insiste sur trois pour obtenir un progrès moyens apparemment simples et directs de s'en acquitter: ne compter que sur la crois- Un certain nombre des exemples cités jus- sance économique, gérer l'allocation des qu'ici concernent des manques relatifs à la dépenses publiques et appliquer des remèdes fourniture publique de services, mais ce techniques. Aucun de ces moyens ne peut n'est là qu'une partie du problème. Le XXe suffire à lui seul. Pour assurer le bon fonc- siècle a connu d'énormes progrès du niveau tionnement des services, il est nécessaire de vie des populations. L'espérance de vie d'améliorer les dispositifs institutionnels qui s'est considérablement accrue dans prati- permettent de les produire. Dans les chapitres quement tous les pays. La scolarisation s'est 3 à 6 de ce Rapport, nous développons un aussi généralisée de façon remarquable. cadre pour l'analyse de ces dispositifs. Dans Dans pratiquement tous les pays, l'analpha- les chapitres 7 à 11, nous appliquons ce cadre, bétisme a considérablement reculé, les taux tirons des enseignements pour les gouverne- de scolarisation ont progressé, et le niveau ments et les bailleurs de fonds. Les services peuvent être mis à la disposition des pauvres, niais c'est trop raremetnt le cas 33 D O C U M E N T 1 .1 Les déterIitniants du progrès de la santité . ''lu et de l'édiucatioI -- danlIs un 'n léme seeteur;; a l'extérieur et entre les sectelurs Les progrès de la santé publique et de l'éduca- rités ethniques ne peuvent espérer des revenus vaillent à la ferme familiale). S'ils passent une tion ne dépendent pas que de la disponibilité aussi élevés que les autres. On doit alors s'at- partie importante de leur temps à l'école, la et de la qualité des soins et de l'école. Une tendre à observer des niveaux d'investissement valeur de cette contribution est perdue. meilleure nutrition permet aux enfants de différents :correspondant par exemple à diffé- Le coût total de la maladie comprend le rat- mieux apprendre. De meilleurs systèmes de rents niveaux scolaires désirés. Un élément cru- trapage des jours de travail perdus, la recherche réfrigération et de meilleurs réseaux de trans- cial de la demande est le degré de profit que des soins, le fait de s'occuper du malade. Les ports permettent de mieux conserver les l'on peut espérer pour les individus plutôt que familles plus aisées peuvent mieux assumer ces médicaments. Les progrès, aussi bien du côté pour la société. La demande pour les biens aux- coûts, ce qui signifie qu'il existe un lien direct de la demande que de l'offre, dépendent d'un quels sont associés d'importants effets externes entre le revenu et la situation des gens. Par certain nombre de facteurs qui sont liés entre positifs - dans le cas extrême, les biens collectifs ailleurs, une meilleure santé et une meilleure eux à différents niveaux. La demande en - sera moindre que le niveau socialement opti- éducation ont souvent une valeur intrinsèque. matière de santé et d'éducation dépend des mal. La demande des familles pour l'une et l'autre ménages qui comparent les avantages et les De quels coûts s'agit-il ? Pour commencer, s'accroît avec le revenu. Là encore, on retrouve coûts de leurs choix et des contraintes aux- des coûts directs: droits d'utilisation, coûts de ce lien entre revenu et situation. quelles ils sont soumis. L'offre de services dont transport, prix des manuels scolaires, coût des Au niveau d'une famille, la production de dépend le progrès de la santé publique et de médicaments. Les familles peuvent supporter ces avantages que constituent la santé et l'édu- l'éducation commence avec la connaissance une partie de ces coûts - certaines familles ne le cation dépend de la connaissance et des habi- technique globale et dépend du fait que les peuvent pas, cependant. Pour celles-ci, les tudes des adultes. Il s'agit à la fois de la enseignants soient à leur poste et que les col- mécanismes d'aide sont souvent difficiles à sol- demande en capital humain et de la produc- lectivités entretiennent leurs pompesà eau. liciter.Ainsi,parexemple,l'absenced'un marché tion de résultats en termes de situation, de de l'assurance peut rendre la charge financière niveau de vie. Dans une étude relative à quatre La demande des individus et des ménages qu'implique une maladie imprévue difficile à interventions dans le domaine de l'hygiène, De l'équilibre entre coûts et avantages dépen- supporter. Ou bien, l'incapacité d'emprunter en avec pour objectif que les habitants des pays dra l'importance de l'investissement individuel escomptant des rentrées d'argent futures peut pauvres prennent l'habitude de se laver les dans l'éducation et dans la santé. De quels avan- rendre difficile l'emprunt destiné à permettre mains, on a constaté que chez les enfants qui tages s'agit-il ? Des niveaux plus élevés d'éduca- un investissement dans l'éducation scolaire. en avaient bénéficié, le nombre de cas de diar- tion et de santé entraînent une meilleure pro- Les coûts indirects peuvent aussi être rhées et de maladies apparentées avait dimi- ductivité - et des revenus plus élevés. Investir importants. Ainsi, par exemple, les enfants nué de 35 %. Par ailleurs, d'autres facteurs, au dans le capital humain est un moyen d'y parve- contribuent souvent au revenu familial en tra- niveau de la maison, complètent la scolarisa- nir.Cependant, les résultats peuvent varier selon vaillant à la maison ou à l'extérieur (ils s'occu- tion: la présence de livres et la lecture à la mai- les gens:souvent,lesfemmes et certaines mino- pent d'autres membres de la famille ou tra- son contribuent à l'alphabétisation. L'influence des déterminants de l'offre et de la demande se fait par différentes voies iI 1 *Tarîlcaon des serv,ces access bate *Connaissace globale i qualue * Sante sons preverdsk *___ Mor,lagæsnanciers recherche de sons en cas * Regles macro * de maladie, hadbudes economiques au niveau alimenia,rs habitudes national regles i S3nitairES. sectorielles et règles au t * Educax on scoiarsarion niveau rnicroeconomîloue ei partîc palan calaireR _ = là = _ ~~~~~~~~~~apprentisage en detiorsRéults * Capacilé technique a e anédime d appliquer des regles * Dîsporubilise orsx access oullée de la nuurr,[ure de e énerg e des roLules .f * Gouvernance. poirrîque * Auires alamenis d nirasiruclure * Malnutrition infantile e-t pouvoir de nomination. * Environnement * Revenu capac-te poliilite * Achèvement inc,[at,ons a applinuer i * Richesse de la scolarite I les règles apprentissage, réussite . Education et ronrnassance *Autorrses locaies et poiltique Iocale * Institutions communautaires * Normes culturelles lex condiîion féminine) * Capital social - > 4 i|( -i(suite) 34 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 D O C U M E N T 1 .1 Les déterminatnts du progrès de la santé publiqiue et de l'éducation - dans unl tmêm)e secteur, à l'extérieur et entre les secteurs (suite) Les investissements dans le capital humain des aliments distribués à l'école dans le cadre constate des effets d'entraînement: les habi- que constituent les enfants dépendent de l'al- d'un programme d'appoint alimentaire. tudes en matière sanitaire au niveau de la col- location du pouvoir au sein des ménages: les L'éducation des parents exerce un impact, lectivité ont un impact sur la santé de chacun. familles dans lesquelles le pouvoir de négocia- d'une génération à l'autre, sur la santé, sur la Au Pérou, les investissements réalisés en tion des femmes est plus fort ont tendance à nutrition et sur la scolarisation des enfants. matière sanitaire par les voisins s'accompa- investir davantage dans la santé et l'éducation. L'éducation des femmes adultes est l'un des gnent d'une meilleure nutrition des enfants. Au Brésil, une étude a permis de constater que facteurs dont dépend le plus étroitement la L'utilisation de sources d'énergie saines la demande de calories et de protéines dépen- mortalité infantile, d'après des études croisées retentit à la fois sur la santé et sur l'éducation. dait 10 fois plus du revenu des femmes que du sur différents pays, même si l'on fait abstraction La pollution atmosphérique dans les habita- revenu des hommes. Les filles ont tendance à du revenu national. De même, l'éducation des tions - provenant de l'utilisation de combus- pâtir davantage que les garçons de cet état de mères est un facteur important de la baisse de tibles sales pour la cuisine et le chauffage - fait, qui est plus prononcé dans les sociétés où la mortalité au niveau du ménage, bien que la est préjudiciable à la santé des enfants. Cer- le rôle de la femme est plus restreint. relation soit moins forte lorsque l'on tient taines études ont permis de constater que la De manière plus générale, les rôles et les compte d'autres caractéristiques socioécono- probabilité d'une maladie respiratoire, et responsabilités des différents membres du miques du ménage et de la collectivité. Il est même la probabilité de décès, était de deux à ménage peuvent retentir sur la façon dont se possible que cet effet soit imputable, pour une cinq fois plus forte dans les habitations dans feront les investissements. En Egypte, une part importante, non pas au niveau général lesquelles l'exposition à la pollution atmo- femme disait: « Quand mon mari tombe d'éducation mais à une connaissance spéci- sphérique intérieure était élevée. Dans une malade,c'estunecalamitéquis'abatsurnous. fique en matière de santé, acquise peut-être étude réalisée au Guatemala, on a constaté Notre vie s'arrête, jusqu'à ce qu'il guérisse ». grâce aux capacités de lecture et de calcul que les nouveau-nés dont les mères utili- Cette famille dépendait de façon critique des résultant de l'école. C'est ce qui ressort d'une saient le bois comme combustible pour la revenus du mari. Au niveau d'un ménage, il étude réalisée au Maroc. On peut aussi obser- cuisine pesaient en moyenne 65 grammes de existe un lien entre la productivité et la mala- ver des effets dans l'espace: dans une étude moins que les autres. Le froid affecte la santé die. Au Bangladesh, une étude a montré que réalisée au Pérou, on a constaté que le niveau et impose aux ménages des coûts directs et les membres du ménage qui se consacraient nutritionnel des enfants pouvait dépendre de indirects substantiels. L'éducation s'en trouve à une activité plus intensive recevaient une manière significative du niveau d'éducation aussi affectée: les écoles doivent fermer lors- nourriture plus nutritive. des voisins de leur mère. De même, il existe une qu'elles ne peuvent chauffer suffisamment, et L'éducation des filles peut avoir moins d'im- relation entre l'éducation des parents et la sco- l'on peut difficilement imaginer que les portance pour les parents dans une société où larisation de leurs enfants, encore que l'am- enfants pourront faire leurs devoirs à la mai- ce sont généralement les fils qui s'occupent des pleur de l'effet - et les rôles relatifs de léduca- son lorsque les températures des habitations parents âgés Ies parents sont alors moins dis- tion de la mère et de l'éducation du père - varie descendent au-dessous de O'C. posés à envoyer leurs filles à l'école. substantiellement d'un pays à un autre. L'offre: les développements au niveau global La demande : les liens entre secteurs au L'accès à une eau saine - et son utilisation - À tout niveau de revenu, on a pu observer des niveau de l'individu et du ménage et un assainissement adéquat ont des consé- progrès de la santé publique et de l'éducation. De la situation en termes de santé et d'éduca- quences directes sur la santé publique. Le fait La tendance continue à l'amélioration des tion dépendent directement la probabilité de se laver les mains est un important facteur conditions de santé depuis plusieurs décennies qu'un enfant soit scolarisé et sa capacité d'ap- de bonne santé, mais cela suppose de l'eau en est sans doute à mettre en relation avec le pro- prendre et de réussir à l'école. Au Ghana, on a quantité suffisante. Dans une étude sur huit grès technologique et avec le progrès de la constaté une relation entre la malnutrition chez pays, on a constaté que chez des ménages ne connaissance en matière de santé et d'hygiène. les enfants et des retards significatifs de la sco- bénéficiant pas d'un système d'assainissement, Plus récemment, entre 1990 et 2000, pour un larisation. Le fait d'améliorer la santé des le fait de passer d'une eau non améliorée à une revenu national de 600 S par habitant, les prévi- enfants et leur nutrition avant le primaire a des eau « optimale » s'accompagnait d'une réduc- sions de mortalité infantile sont descendues de impacts à long terme sur le développement. tion de 6 points de pourcentage de la préva- 100à 80 pour 1.000 naissances-soit une baisse Une étude menée aux Philippines a montré lence de la diarrhée chez les enfants de moins de 20 %. En supposant que cette relation per- qu'une hausse d'un écart-type du niveau de de trois ans (à partir d'une base de 25 %). De dure,ces seuls changements auront représenté santé des enfants en bas âge entraînait une même, on a constaté un lien entre la qualité de un grand pas vers la réalisation des objectifs de hausse des résultats scolaires d'environ un tiers la nutrition et l'accès à une eau améliorée, développement du Millénaire. Des avancées de l'écart-type. Cependant toutes les études ne montrent pas décisives dans la vaccination contre le palu- L'amélioration de la santé et de la nutrition une relation forte entre l'approvisionnement disme - ou contre le sida - pourraient avoir un des écoliers a un impact positif sur la scolarisa- en eau et une meilleure santé. impact considérable sur la mortalité, à tous les tion et sur l'assiduité scolaire. Au Pakistan, une L'approvisionnement en eau n'est qu'un niveaux de revenu. étude de type longitudinal a montré qu'une aspect du problème: au Bangladesh, l'eau des Ces dernières années, d'importants pro- hausse de la taille des enfants d'un tiers d'écart puits - une source d'eau « améliorée » - est fré- grès ont été accomplis en matière de finance- type entrainait une croissance du taux de scola- quemment contaminée par l'arsenic. Une ment à l'échelle mondiale des dépenses de risation de 19 points de pourcentage pour les étude a montré qu'à des taux d'arsenic supé- santé et d'éducation. Avec l'initiative en filles et de 4 points de pourcentage pour les rieurs au niveau maximal acceptable selon l'Or- faveur des pays pauvres très endettés, l'allè- garçons. Une évaluation a révélé que grâce à ganisation mondiale de la santé correspondait gement de la dette est lié à l'augmentation l'administration en masse de vermifuges dans un doublement de la fréquence des diarrhées des dépenses dans ces secteurs. Une nouvelle les écoles,dans des zones rurales du Kenya, l'ab- chez les enfants de moins de six ans. On aide, dispensée au moyen de produits multi- sentéisme des écoliers avait diminué d'un constate que les adolescents sont plus petits de sectoriels comme les Crédits d'aide à la lutte quart - en revanche, on n'a pas constaté de taille lorsque les taux d'arsenic sont extrême- contre la pauvreté, suppose des stratégies changement au niveau des résultats scolaires. ment élevés. explicites d'investissement pour le dévelop- Améliorer la nutrition n'est pas aussi simple Dans la même étude, sur huit pays men- pement humain. Le financement de la santé à que distribuer des compléments alimentaires tionnés précédemment, on a observé que le l'échelle mondiale et le programme accéléré « dans les écoles: le « partage » de cette nourri- passage de l'absence d'assainissement à un Education pour tous » sont des engagements ture au sein du ménage prend souvent la forme assainissement « optimal » s'accompagnait internationaux destinés à soutenir les projets d'une ré-allocation des ressources. Dans une d'une baisse de 10 points de pourcentage de dans ces secteurs (chapitre 11). Assouplir les étude aux Philippines,on a constaté non pas ce la fréquence récente des diarrhées dans les contraintes financières et utiliser les res- genredepartage,demanièregénérale,maisun ménages ne disposant pas de source d'eau sourcesdemanièreefficacesontdeuxchoses partage au sein des familles les plus pauvres améliorée. Comme pour l'éducation, on qui vont ensemble lorsqu'il s'agit de favoriser Les services peuivent être mis à la disposition des pauvres, nais c'est trop rarement le cas 35 D O C U M E N T I . 1 .es déterminianiits du .- :'!t de tl santé pî'l'l .' et de l'éducatiton- dan5s un n2ièmè?e secteur, à l'extérieurJ et enitre les secteturs (suiite) des services dont les pauvres peuvent effecti- l'école. Au cours de la récente guerre civile au des projets sont plus efficaces dans les collecti- vement bénéficier. Sierra Leone, des dizaines de milliers d'enfants vités qui connaissent moins d'inégalités écono- allaient à l'école, mais des centaines de milliers miques et moins d'hétérogénéité sociale et L'offre: les ressources nationales n'y allaient pas. Les guerres, y compris les ethnique. Il existe une forte corrélation entre d'une part le guerres civiles, entraînent des « générations revenu national et d'autre part la mortalité perdues » d'enfants sous-alimentés et sous- L'offre : les services et leur financement infantile et l'achèvement du cycle de scolarité éduqués. Il est difficile - sinon impossible - de Les services, en eux-mêmes, sont importants. primaire. Le revenu et la situation de la santé rattraper de telles carences. Lorsque les enfants Des services inaccessibles ou de mauvaise qua- publique et de l'éducation se soutiennent l'un ne sont pas allés à l'école pendant un certain lité impliquent un coût réel plus élevé des soins l'autre. Davantage de revenu permet d'at- temps, ils peuvent difficilement y retourner. Par et de l'école, et par suite un taux de mortalité teindre un meilleur niveau de développement ailleurs, des problèmes de santé et une mau- plus fort et un moins bon niveau d'éducation humain, et un meilleur niveau de santé vaise alimentation à un âge précoce ont des scolaire de la population. Une mauvaise qualité publique et d'éducation peut permettre davan- répercussions sur toute la vie de l'enfant. de l'école décourage la scolarisation et réduit tage de productivité et de revenu. Dans les Des périodes de crise économique et l'assiduité et les taux de réussite, surtout parmi études visant à démêler ces liens, on constate sociale, dans un pays, peuvent être préjudi- les enfants des familles pauvres. Lorsque les généralement que le revenu exerce une ciables à la santé publique et à l'éducation, compétences techniques du personnel des influence particulièrement déterminante sur la L'histoire récente de la Russie en est un centres de soins est trop mauvaise, leurs presta- situation dans les différents domaines. exemple évident: au cours des 10 dernières tions deviennent dangereuses et le taux de Les caractéristiques du pays jouent aussi un années, on y a observé une hausse considé- mortalité est plus élevé. Le manque d'eau est grand rôle. Parfois, surmonter les problèmes de rable de la mortalité des adultes. Une dépres- aussi un facteur significativement préjudiciable santé est rendu plus difficile par la géographie sion économique prolongée peut compro- à la santé des enfants. et le climat. Ainsi, par exemple, il est très difficile mettre gravement la santé des enfants et avoir Les moyens de financement ont un rôle de combattre le paludisme là où les conditions des effets en cascade sur leur développement important à jouer. Lorsque la charge des sont favorables aux moustiques - et les sys- et sur leur apprentissage. Pour les crises écono- dépenses importantes imprévisibles est cou- tèmes scolaires traditionnels ne sont pas adap- miques sur un plus court terme, les choses sont verte par l'assurance maladie, la pauvrete peut tés aux populations qui sont très dispersées. moins évidentes. Là où les niveaux de revenus reculer, ce qui retentira favorablement sur la L'efficacité des dépenses publiques est sont intermédiaires, il semblerait que les taux situation en matière de santé publique et très variable d'un pays à un autre. Pour des de scolarisation croîtraient lorsque le coût d'op- d'éducation. Financer l'enseignement primaire niveaux de dépenses comparables, on portunité du temps, pour les enfants et les peut sembler une question relativement observe d'importantes différences dans les jeunes, diminue. Même en Indonésie, pays rela- secondaire: les coûts directs sont générale- résultats, et l'on observe des résultats compa- tivement pauvre, la crise économique et sociale ment réduits. Cependant, on a constaté qu'à un rables avec des niveaux de dépenses très dif- profonde de la fin des années 1990 a eu moins manque d'accès au crédit correspondaient des férents - le niveau des dépenses étant condi- d'impact sur la santé publique et l'éducation taux de scolarisation plus faibles. On n'entend tionné par le niveau de revenu. Davantage de que ce que l'on avait craint au début. C'est en presque jamais parler d'emprunter pour cou- dépenses publiques n'implique pas de partie grâce aux vastes filets de sécurité sociale vrir les coûts directs de l'enseignement pri- meilleurs résultats.Cela ne signifie pas que les qui ont été rapidement mis en place. maire, mais si le manque d'accès au crédit dépenses ne sont pas utiles: mais c'est sur- oblige les familles à faire participer leurs tout de la manière dont les ressources sont L'offre: le contexte local des autorités enfants à l'activité productive familiale, cela utilisées que dépend leur efficacité. administratives et des collectivités peut entraîner des répercussions. La décentralisation peut constituer un outil L'offre: le contexte politique, puissant pour rapprocher les centres de déci- L'offre: des services qui fonctionnent économique et réglementaire sion de ceux qui en subiront les conséquences. ensemble pour produire des résultats La gouvernance influe sur l'efficacité des Elle peut permettre de renforcer les liens et les Les liens entre les différents services ont une dépenses: là où règne la corruption, l'argent obligations entre les décideurs et les citoyens: importance capitale. Les vaccins peuvent deve- censé être destiné à faciliter le développement des autorités locales sont susceptibles d'avoir nir moins efficaces, inefficaces ou même dan- humain est détourné. Le personnel censé assu- davantage à rendre compte de leurs actes vis- gereux s'ils sont trop chauds, s'ils gèlent ou s'ils rer un service ne l'assure pas. Cependant, les à-vis des doléances de la population locale. La sont exposés à la lumière. De la capacité de effets d'une mauvaise gouvernance peuvent décentralisation peut aussi permettre un ren- transporter et de stocker les vaccins dans des être plus profonds encore. Les famines sont forcement des liens entre les décideurs et les conditions correctes dépend donc le succès provoquées tout autant par des facteurs prestataires : des autorités locales sont davan- des campagnes de vaccination. Là où le climat humains que par des facteurs naturels. Et les tage susceptibles de contrôler leurs presta- est froid, les écoles et les centres de soins doi- répercussions ne s'arrêtent pas aux frontières taires. Il ne s'agit pas, cependant, d'idéaliser les vent souvent fermer par manque de chauffage, d'un pays. Ainsi, par exemple, au Zimbabwe, la autorités locales. Des abus et des détourne- et la fiabilité des sources d'énergie peut avoir conjonction des inondations, d'une politique ments y sont possibles de la même manière un impact direct en termes de santé publique inappropriée et d'une mauvaise gouvernance a qu'au niveau de 'État à l'échelle locale, pour les et d'éducation. Les conditions d'accessibilité entraîné une pénurie alimentaire sur toute la petites élites, c'est même peut-être plus facile. aux services peuvent parfois décourager leur région. Des institutions au niveau communautaire, utilisation: le coût total de cette utilisation La gestion des dépenses publiques peut reflétant les normes et les habitudes culturelles dépend du réseau routier et du fait que les constituer un facteur déterminant lorsqu'il locales, peuvent faciliter ou au contraire freiner transports soient adéquats. Les avantages de la s'agit de faire en sorte que leur allocation abou- les progrès. D'après une étude portant sur des scolarisation des enfants étant fonction de son tisse à une amélioration de la situation écono- projets d'adduction d'eau potable dans la rendement attendu, un marché du travail qui mique et sociale. En Zambie, le « cash budge- région centraie de Java,en Indonésie, la réussite n'est pas fondamentalement distordu (comme ting » a conduit à des dépenses pour les serait fonction de l'importance du capital il pourrait l'être par exemple en cas de pra- services sociaux imprévisibles et à des coupes social. Au Rajasthan, en Inde, on a constaté un tiques discriminantes envers certains groupes sombres dans les dépenses d'infrastructure lien entre d'une part les formes d'« action col- marginalisés) peut contribuer à faire progresser rurale. lective mutuellement bénéfique » et d'autre l'éducation. C'est pourquoi, pour la promotion Un conflit entraîne des séquelles durables part la préservation des cours d'eau, ainsi que du progrès, il est nécessaire que les services dans le domaine de la santé publique et de les activités liées au développement de fonctionnent ensemble. l'éducation. Dans les pays ravagés par la guerre, manière plus générale. Un examen plus étendu il est difficile de trouver les enfants, difficile de de la littérature sur ce sujet montre que les les scolariser et difficile de les maintenir à approches participatives de la mise en oeuvre Source:LessourcessontdétailléesdansFilmer(2003a). - - Progresa Des transferts conditionnels de trésorerie pour lutter contre la pauvreté au Mexique Progresa, le Programme mexicain pour l'éducation, la santé et la nutrition, a consisté à transférer des fonds directement auxfamilles à condition que leurs membres sefassentfaire des bilans de santé, que les mères assistent à des sessions d'in- formation sur l'hygiène et la nutrition et que les enfants aillent à l'école. Ce programme, dont la réussite a été contrôlée grâce à une évaluation rigoureuse, a progressé, s'est généralisé et a apporté des enseignements pour les autres projets. 107 L orsque Ernesto Zedillo est devenu pré- Lorsque le Président Vincente Fox a été aux 20 % les plus pauvres, selon la distribu- sident du Mexique en 1995, un cin- élu, son gouvernement a adopté le pro- tion nationale du revenu, et plus de 80 % Squième de la population n'avait pas les gramme et l'a pris comme point de départ, aux 40 % les plus pauvres. C'est remar- moyens de s'assurer les exigences nutrition- en utilisant les résultats de l'évaluation, il l'a quable, surtout si l'on sait que sur 77 pro- nelles minimales quotidiennes, 10 millions étendu aux zones urbaines et l'a renommé grammes de filets de sécurité dans le de Mexicains n'avaientpasaccès aux services Oportunidades. Fin 2002, le programme monde, l'objectif médian, en termes d'effi- de santé de base, plus de 1,5 million d'en- comptait environ 21 millions de bénéfi- cacité, était de voir les 40 % les plus pauvres fants n'allaient pas à l'école, et l'absentéisme ciaires - soit à peu près un cinquième de la recevoir 65 % des profits (d'après une étude des élèves et les abandons de la scolarité population du Mexique. récente). étaient trois fois plus importants dans les Concevoir un programme complet Méme avec un ciblage et un contrôle zones pauvres et éloignées que dans le reste Les enfants de plus de sept ans étaient éli- prudents, les frais de fonctionnement du du pays. Le pays avait déjà connu un certain gibles pour les transferts éducatifs. Les avan- programme ont représenté moins de 9 % du nombre de tentatives improductives d'appli- tages augmentaient avec le niveau de scolari- coût total: soit nettement moins que les quer des programmes de lutte contre la pau- té (les coûts d'opportunité augmentant avec efforts antérieurs de lutte contre la pauvreté vreté. Pire, la crise économique de 1994- l'âge) et étaient plus importants pour les filles au Mexique. Malgré son ampleur initiale, ce 1995 a laissé un État avec encore moins de des collèges, afin d'encourager leur scolarisa- programme n'a pas permis de couvrir l'en- ressources - et une demande accrue, la pau- tion. Pour que les avantages du programme semble des pauvres, surtout dans les zones vreté touchant davantage de gens. soit assurés, il fallait que les enfants justifient urbaines. L'administration a décidé qu'une nou- d'une assiduité d'au moins 85 % et qu'ils ne Favoriser la scolarisation velle approche de la lutte contre la pauvreté redoublent pas plus d'une fois une année. Le taux de scolarisation des filles dans les col- s'imposait. Le Programme mexicain pour Les familles éligibles pouvaient aussi rece- lèges est passé de 67 % à près de 75 %, et celui l'éducation, la santé et la nutrition, appelé voir une allocation mensuelle à condition des garçons de 73 à 78 %. Cette progression Progresa, a inauguré une série de transferts que leurs membres subissent régulièrement de fonds vers les familles pauvres sous des bilans de santé et que les mères assistent est due pour l'essentiel a davantage de pas- conditions: les enfants devaient être scola- chaque mois à des sessions d'information sur sages de 'école primaire au collège (figure 1). risés, les membres de chaque famille la nutrition et sur l'hygiène. Les ménages avec lieu de maintenir les enfants à l'école et non devaient se rendre aux dispensaires pour des enfants de moins de trois ans pouvaient d'inciter ceux qui l'avaient abandonnée à y des bilans de santé et devaient aller assister aussi recevoir des compléments alimentaires. retourer Le programme abaussinée de à des séances d'information sur l'hygiène et Les transferts allaient aux mères, considé- retourner Le programme a aussi permis de la nutrition. rées comme plus responsables du point de réduire lntcidence du travail des enfants. Ce programme visait à remédier à cer- vue des soins aux enfants. Le programme La participation des garçcons à la main- tains manquements dont avaient souffert imposait un plafond mensuel de 75 $ par des programmes antérieurs. Premièrement, famille. En I999, le transfert mensuel moyen Cependant, un nombre assez important il s'agissait de neutraliser le biais des familles était autour de 24 $ par famille, soit près de d'enfants des familles pauvres continuent à pauvres par rapport à la consommation cou- 20 % de la consommation moyenne des travailler en dehors de l'école. rante, en favorisant l'investissement en capi- ménages avant le programme. Les transferts Figure 1 Une meilleure rétention des enfants tal humain. Deuxièmement, il s'agissait de étaient aussi indexés sur l'inflation tous les six à l'école et davantage de passages du primaire reconnaître les interdépendances entre mois (aujourd'hui, le maximum est de 95 $ et au collège l'éducation, la santé et la nutrition. la moyenne de 35 $). Complétion prévisionnelle avant Troisièmement, pour tirer parti au mieux de Dans ce programme très centralisé, il et après intervention, et avec et sans Progresa ressources limitées, il s'agissait de lier les existe un seul intermédiaire entre les res- % transferts de fonds au comportement des ponsables et les bénéficiaires: une femme ioo ménages et de promouvoir une évolution choisie par une assemblée générale des Aprèsintervention des attitudes. Quatrièmement, pour réduire membres des collectivités ciblées pour pro- Progresa les interférences de la politique, il fallait assu- mouvoir la participation communautaire. 80 rer une large publicité aux objectifs du pro- Elle peut aussi assurer la liaison entre les gramme, à ses règles, à ses exigences et à ses bénéficiaires et les prestataires de services 60 méthodes d'évaluation. d'éducation et de santé. Le programme a fait l'objet d'une éva- À la fin de 1999, le programme couvrait 40 Après interventio luation rigoureuse, et les évaluateurs ont quelque 2,6 millions de familles rurales, soit Ans Progresa exploité l'aspect aléatoire de son déroule- près de 40 % des familles rurales et un neu- sans Progresa ment. Les résultats ont été remarquables. vième de l'ensemble des familles du Mexique. 20 Pour mettre l'accent sur la nature apoli- Le budget du programme atteignait presque tique du programme, le gouvernement en a 780 millions de dollars, soit 0,2 % du PIB et o suspendu la progression pendant six mois, 20 % du budget fédéral alloué à la lutte 1 2 3 4 5 6 7 8 avant les élections de 2000 : afin de montrer contre la pauvreté. Niveau que Progresa n'était pas un instrument Presque 60 % des transferts du program- Note: On ne considère que les enfants qui ont été scolarisés. politique. me ont été alloués aux ménages appartenant Source: Schultz (2001). Pleins feux sur Progressa 37 Les impacts sur l'apprentissage sont Figure 2 Des progrès de la santé des enfants Le schéma d'évaluation tient compte des moins évidents. Les enseignants font état de Pourcentage des enfants dont on sait divers déterminants des résultats. Il a progrès qu'ils attribuent à davantage de qu'ils ont eu une maladie. cependant ses limites. Ce serait profitable présence, à une meilleure assiduité et à une % pour les décideurs politiques de savoir de meilleure nutrition. Cependant, d'après 50 quelle manière il serait possible de jouer une étude réalisée un an après le début du 0 à 2 ans: sans Progresa avec le programme pour en améliorer les programme, on n'a pas observé de différen- impacts. Ainsi, par exemple, lorsque l'on ce dans les résultats des tests. 40 0. , O à 2 ans avec Progresa soumet les transferts à des conditions plu- tôt que de les accorder sans aucune condi- Réaliser des progrès 30 " , tion restrictive, quel est l'impact ? Par dans la nutrition et la santé . ailleurs, les ménages du groupe témoin Le programme a permis de réduire l'inci- 20 \i- .peuvent avoir été influencés par l'interven- dence d'un poids insuffisant par rapport à 0 tion ou par le fait de savoir qu'ils en bénéfi- l'âge chez les enfants âgés de un à trois ans 3 à 5 ans: sans Progresa cieront dans le futur, un effet susceptible de (avant le lancement de ce programme, la 10 / brouiller les comparaisons. fréquence du retard de croissance était très Ces problèmes peuvent étre pris en élevée, elle atteignait 44 %). Chez les 0 3 à5 ans: avec Progresa compte dans les évaluations, mais au prix enfants couverts par le programme, la 10 l5 20 d'une complexité nettement plus grande (et croissance annuelle moyenne, en taille, a été O 5 d'un coût plus élevé). D'autres approches, égale à 16 %. En moyenne, la taille des Délai depuis l'intervention (en mois) fondées sur la modélisation - impliquant enfants a augmenté de 1 à 4 % et le poids de Note:: 11 s'agit de l'âge au début de I intervention. des hypothèses supplémentaires pour l'ana- 3,5 %. Ces progrès ont été obtenus malgré Source: Gertier (2000). lyse - peuvent être nécessaires. De telles le fait évident que certains ménages n'aient analyses sont actuellement à l'étude. pas bénéficié régulièrement de complé- ments alimentaires et que les compléments les impacts de l'éducation devraient se tra- L'expérience de la différence soient souvent « partagés »> avec des enfants duire par une hausse durable des revenus de plus âgés. On peut attribuer une partie de 8 %. Une analyse de Progresa en termes Un programme de transferts monétaires l'effet aux dépenses accrues en nourriture et d'équilibre général a montré que son conditionnels peut être un moyen efficace à la consommation de davantage de nourri- impact en termes de bien-être était de 60 % de promouvoir des objectifs en matière ture nutritive selon les recommandations plus élevé que celui des subventions ali- d'éducation, de santé et de nutrition à gran- des sessions d'information sur la nutrition. mentaires sources de fortes distorsions, de échelle. La réussite du programme Il y a eu aussi des effets d'entrainement auxquelles le Mexique recourait aupara- Progresa a inspiré des programmes simi- positifs du côté des non-bénéficiaires, au vant. laires, surtout dans les autres pays sein de la même collectivité. d'Amérique Latine (Colombie, Honduras, Le programme s'est traduit par un Évaluer les impacts Jamaïque et Nicaragua). nombre nettement accru de visites dans les Progresa a innové en intégrant dès le départ L'évaluation n'a pas été une pièce rap- centres de soins. Le taux de visites des l'évaluation, ce qui a permis que les impacts portée. Elle a alimenté continuellement femmes enceintes au cours de leur premier soient évalués de manière assez précise. Dans l'amélioration du fonctionnement du pro- trimestre de grossesse a augmenté de 8 % un souci de crédibilité politique, l'évaluation gramme, et sa rigueur a suscité la confiance ce qui a permis que les bébés et leurs mères a été sous-traitée à un groupe de recherche dans la validité des estimations des effets du se portent mieux. Le taux de maladies a basé à l'étranger, l'International Food Policy programmne. chuté de 25 % chez les nouveau-nés et de Research Institute. L'évaluation a joué unl rôle important 20 % chez les enfants de moins de cinq ans L'extension progressive du programme pour le soutien politique et économique (figure 2). La prévalence de l'anémie chez aux collectivités de manière aléatoire - pouret elle a as les enfants de deux à quatre ans a diminué des raisons budgétaires - a permis de dispo- contribué à la durabilité du programme. de 19 %. La santé des adultes s'est aussi ser de 186 groupes témoins et de 320 Contrairement aux programmes qui ont améliorée. groupes de traitement. Les groupes témoins précédé, celui-ci n'a pas été abandonné à la ont permis aux évaluateurs d'«< éliminer », les suite d'un changement de gouvernement. Lutter contre la pauvreté facteurs d'interférence, notamment les ten- Les preuves évidentes et crédibles des avan- Le programme ne fait pas qu'accroître tem- dances dans le temps et les chocs (écono- tages importants de ce programme pour la porairement les revenus, il devrait contri- miques et climatiques). Finalement, toutes population pauvre du pays ont contribué buer à accroître la productivité et les reve- les collectivités témoins ont été intégrées au au maintien de l'intégrité de ses caractéris- nus futurs des enfants qui en sont les béné- programme. Des évaluations aussi bien tiques (même si le nom a changé). Cela a ficiaires. Des expériences de modélisation quantitatives que qualitatives ont été réali- aussi facilité l'obtention du soutien de la montrent que les compléments nutrition- sées, ces dernières à l'aide d'entretiens semi- Banque interaméricaine de développement nels seuls devraient entraîner une hausse directifs, de groupes cibles et d'ateliers de pour une importante extension du pro- durable des revenus d'environ 3 Nu et que travail, gramme. Des services en état de marche: une responsabilité de l'État La responsabilité qui lui incombe en ponsabilité publique. L'adoption internatio- matière de santé publique et d'éducation de nale des Objectifs de développement du Mil- base, un État peut l'assumer de différentes lénaire confirme ce point de vue (voir c h a p i t r e manières: entre autres, en assurant la crois- l'Abrégé). Diverses raisons justifient cette res- sance économique, en accroissant les ponsabilité: des arguments économiques dépenses publiques ou en intervenant sur le classiques, relatifs au bien-être, qui militent plan technique. Par chacun de ces moyens, il pour l'intervention de l'État, des raisons peut contribuer au progrès. Cependant, faute d'économie politique pour l'intervention de de soutenir des services en état de marché - l'État dans les secteurs sociaux essentiels, des des services permis par des dispositions insti- considérations de droits fondamentaux de la tutionnelles efficaces - les choses n'avance- personne humaine. Un État affirme sa res- ront pas beaucoup. Pour que les services ponsabiité en finançant, en produisant ou en fonctionnent, il faut que changent les rela- régulant les services qui contribuent au pro- tions institutionnelles entre les facteurs clés. grès de la santé publique et de l'éducation. Dans les chapitres qui suivent de ce Rapport, Ces services prennent des formes et des il est développé et appliqué un cadre pour dimensions très diverses: il s'agit de comprendre comment et pourquoi ces rela- construire des écoles et de les pourvoir en tions entrent en jeu pour différents services. personnel, de subventionner les hôpitaux, de La croissance économique, si elle constitue réguler les compagnies qui distribuent l'eau un déterminant essentiel du développement et l'électricité, de construire des routes et de humain, aurait besoin d'être nettement plus réaliser des transferts financiers à destination rapide que ce qu'elle a été dans la plupart des des individus et des ménages. Lorsque ces ser- pays pour pouvoir à elle seule permettre que vices fonctionnent, c'est le signe que l'État d'importants progrès soient réalisés. Les assume sa responsabilité. dépenses publiques rendent les progrès pos- sibles, mais ces progrès ne dureront pas si les Les dépenses publiques dépenses ne profitent pas effectivement à la C'est souvent dans les dépenses publiques population pauvre - si elles sont consacrées à que cette responsabilité se reflète. La santé ce que les pauvres n'utilisent pas ou si elles publique et l'éducation, à elles seules, repré- sont détournées en cours de route - ou si les sentent près du tiers de l'ensemble des services ne deviennent pas plus productifs. dépenses de l'État, cette moyenne étant Agir sur le plan technique - en combinant des légèrement moins élevée dans les pays et les inputs pour produire des outputs et obtenir régions du monde les plus pauvres (tableau des résultats de manière plus efficace - est 2.1). Cependant, les variations d'un pays à aussi important. Cependant, si l'on se un autre sont importantes, même dans une contente de corriger les inputs sans réformer même région du monde. En 1998, la part les institutions qui sont la source des ineffica- des dépenses publiques consacrées à la santé cités, il ne saurait y avoir des progrès durables. et à l'éducation était de 13 % au Sierra Leone contre 34 % au Kenya - et elle était de Une responsabilité publique 18 % en Estonie en 1997, mais de 59 % en Moldavie en 1996. À cela, on peut ajouter Le progrès de la santé publique et de l'éduca- les dépenses consacrées à la sécurité sociale tion est souvent considéré par un État - et par et au bien-être, destinées en grande partie la société qu'il représente - comme une res- au progrès de la santé et de l'éducation, qui 38 Des services en état de marche : iune responsabilité de l'État 39 constituent généralement 10 à 20 % de l'en- Tableau 2.1 Les dépenses publiques pour la santé et l'éducation: importantes mais diverses semble des dépenses'08. Dépenses d'éducation et de santé en pourcentage des dépenses de l'Etat et en pourcentage du dép gouvernemenses' contribuentpour PIB en 2000 ou pour l'année la plus récente disponible (en %) Les gouvernements contribuent pourPatdsépnepulqePrtuPB une grande part au financement des écoles Pan des dépenses publiques Part du PIB et des centres de soins. En moyenne, les Moyenne Minimum Maximum Moyenne Minimum Maximum salaires représentent 75 % des dépenses Extrême-Orient publiques récurrentes consacrées à l'éduca- et Océanie 27 12 53 6 2 11 tion - et souvent pratiquement la totalité de Europe et ces dépenses (au Kenya, 96 %)* 09 La plu- Asie centrale 31 18 59 10 4 17 part des enseignants et un grand nombre Amérique Latine des agents de santé sont des fonctionnaires. Moyen-Orient Les salaires mis à part, les subventions gou- et Afrique du Nord 23 13 39 7 4 12 vernementales peuvent représenter une part Asie du Sud 21 16 25 5 4 8 importante du budget des établissements. Afrique subsaharienne 25 13 34 7 2 12 Les services publics En ce qui concerne l'éducation, la santé, l'eau Pays à revenu et l'électricité, le secteur public est un des faible 25 12 59 6 2 17 principaux prestataires (lorsqu'il n'en a pas le Pays à revenu monopole) et un des principaux financeurs intermédiaire 29 13 53 8 4 14 des services. Le gouvernement Indonésien Pays à revenu fait fonctionner plus de 15 000 écoles pri- élevé 33 20 56 il 3 15 maires et 10 000 collèges de premier cycle, qui Remarque sur les 135 pays considérés, 52 disposent de données pour 20û0, 8 pour 2001, 30 pour 1999, 17 pour 1998. couvrent respectivement 85 % et 60 % de la Les 28 pays restants ne disposent que de données antérieures, relatives aux années 1999. scolarisation. En 1996, le gouvernement Source: Base de données des Indicateurs du développement dans le monde. ougandais administrait 1 400 établissements primaires et pas loin de 100 hôpitaux."' En ner davantage d'enfants. Une éducation de Inde, le secteur public contrôle presque base peut profiter à l'entourage de la per- 200 000 centres de soins primaires et 15 000 sonne concernée : c'est là encore un exemple établissements hospitaliers secondaires et ter- d'effet externe. Les individus sont peu incités tiaires 2. Cependant, l'importance des ser- à construire et à entretenir les routes qui vices publics ne se traduit pas toujours par jouent pourtant un rôle crucial dans l'accès une utilisation massive. En Ouganda, les éta- aux services, mais les collectivités et les socié- blissements de santé gouvernementaux n'as- tés, elles, sont incitées à le faire. Les « biens suraient que 40 % des traitements recher- collectifs » (les biens qui, une fois produits, ne chés."13 En Inde, malgré l'ampleur de peuvent être refusés à personne et dont la l'organisation des établissements publics de consommation par une personne n'entraîne soins, le secteur privé représente 80 % des aucune diminution de la consommation par traitements en consultation externe et les autres) sont une forme extrême d'imper- presque 60 % des traitements en séjour hos- fection du marché. On peut citer comme pitalier.'4 exemple le contrôle de la population des moustiques dans les zones où sévit le palu- Les raisons de la responsabilité disme. Parce que le marché n'incite pas à pro- publique duire les biens collectifs, l'intervention de D'un point de vue économique, deux raisons l'État est nécessaire. justifient la responsabilité publique. Premiè- D'autres carences du marché concernent rement, en raison des imperfections du mar- l'imperfection de l'information. Des infor- ché, le volume des services produits et mations différentes relatives au risque de consommés serait inférieur à l'optimum maladie des individus peuvent entraîner une social si l'État n'intervenait pas. Les imperfec- pénurie sur le marché de l'assurance maladie. tions du marché peuvent être dues à des effets Une ignorance des avantages du lavage des externes. Le fait que la vaccination d'un mains ou de l'éducation peut entraîner un enfant réduise la propagation d'une maladie niveau insuffisant d'investissement et de infectieuse au sein de la société incite à vacci- consommation."'1 Ces imperfections du 40 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 2 . i La plipart desgouivernlemlentsassumtt1ent la respo(ls bilité(le la santé et de l'édutcation - souvent et: se I Ué'ici,iii aux droits le l'bz,,f'r' Dans les pays en développement lorsque l'on constituent un complément de l'économie du De façon plus générale, ces approches se parle des soins médicaux et de l'éducation, on bien-être. recoupent en un certain nombre de leurs consé- invoque souvent les droits de l'homme. Enracinés Une approche fondée sur les droits met l'ac- quences pratiques. dans le contexte plus large de la justice sociale, ces cent sur l'égalité en dignité et sur l'égalité des Elles font douter l'une et l'autre de la capacité droits ont été énoncés dans la Déclaration univer- chances. Elle souligne le besoin de se préoccuper du système électoral et du marché à répondre suf- selle des droits de l'homme (1948) ainsi que dans de la situation de l'ensemble des individus et des fisamment bien aux besoins en services efficaces d'autres conventions internationales comme le groupes humains, et plus particulièrement de la et équitables, en matière de santé et d'éducation: Pacte international relatif aux droits économiques, situation des plus désavantagés sur le plan légal et il existe donc un besoin d'intervention de l'tat et sociaux et Culturels (1966). Plusieurs organismes surleplansocial.Ellerendexpliciteunenotionque de la collectivité. Une approche économique de internationaux ou bilatéraux ont suivi une orienta- la science économique prend difficilement en l'efficacité des services - comme celle adoptée tion inspirée par les droits de l'homme. Par ailleurs, compte : les répercussions psychologiques de la dans ce Rapport - est éclairée par l'orientation vers la constitution et les lois d'un certain nombre de pauvreté se traduisent souvent par l'incapacité la participation et l'autonomie qu'apportent les pays comprennent des références aux droits à des pauvres à se procurer d'eux-mêmes les ser- outils des droits internationaux de la personne l'éducation et aux soins médicaux (dans une étude vices de soins médicaux et d'éducation, même humaine. Par ailleurs, ces droits viennent renforcer des droits constitutionnels portant sur 165 pays lorsque ces services sont disponibles. la revendication des populations pauvres concer- ayant une constitution écrite, on a constaté que L'économie du bien-être fournit les outils per- nant les ressources en général, et concernant les 116 pays faisaient référence au droit à l'éducation mettant d'évaluer les priorités et les possibilités ressources consacrées aux services de base en par- et 73 au droit aux soins médicaux: l'éducation gra- d'intervention lorsque les budgets sont limités - et ticulier : des éléments essentiels du pouvoir réel tuite était stipulée dans 95 cas, et les soins médi- elle fournit pour cela des instruments de mesure. d puvres à se faire entendre dont il est question caux gratuits dans 29 cas, au moins pour certains L'analyse économique, dont divers domaines four- cies pauv services destinés à certains groupes). L'éducation nissent des instruments pour l'application des ici. et la santé étant au centre des droits, les implica- droits, sert de complément à une approche fondée tions pratiques des approches basées sur les droits sur les droits de l'homme. Source: Gauri (2003). marché rendent nécessaire l'intervention de La notion selon laquelle la santé et l'éduca- l'État, mais elles n'impliquent pas nécessaire- tion sont des droits fondamentaux de la per- ment des services publics: le rôle approprié sonne humaine constitue une référence de l'État peut aussi consister à financer, à solide pour fonder la responsabilité publique, réguler, ou à diffuser l'information. mais certaines ambiguïtés demeurent. Le La deuxième justification économique de droit aux soins médicaux implique-t-il que ce la responsabilité publique est l'équité. Le pro- soit à l'État de les assurer, voire de les finan- grès de la santé et de l'éducation de la popula- cer ? Les droits à « des congés payés pério- tion pauvre et la réduction des écarts de diques » et à « un salaire égal pour un travail revenu entre les pauvres et les personnes égal » mentionnés dans la Déclaration des mieux loties sont souvent considérés comme Nations Unies ne sont généralement pas relevant de la responsabilité de l'État. Il existe interprétés comme impliquant des subven- pour cela diverses raisons liées aux considéra- tions gouvernementales."8 Même si l'éduca- tions de justice sociale. Pour certains, cette res- tion élémentaire gratuite est énoncée comme ponsabiité prend naissance dans la convic- un droit, les parents ont aussi le droit « de tion que l'éducation de base et les soins de choisir le genre d'éducation à donner à leurs base constituent des droits fondamentaux de enfants » - ce qui laisse penser qu'un ensei- la personne humaine (encadré 2.1). La Décla- gnement public universel n'est pas obliga- ration universelle des droits de l'homme, pro- toire."9 L'équité sociale et les droits fonda- mulguée par les Nations Unies, énonce le mentaux de la personne humaine supposent droit de toute personne à «< un niveau de vie une responsabilité pour l'État, mais en lui suffisant pour assurer sa santé, son bien-être laissant le champ libre pour choisir la et ceux de sa famille, notamment pour l'ali- manière de s'acquitter de cette responsabilité. mentation, l'habillement, le logement, les Il est important de considérer que le fait d'in- soins médicaux » et le droit à une éducation tégrer ces notions dans des droits apporte une obligatoire et « gratuite, au moins en ce qui justification aux exigences des citoyens - et concerne l'enseignement élémentaire et fon- surtout des citoyens pauvres - qui demandent damental ».116 Par la suite, des accords inter- à l'État d'assumer la responsabilité du bon nationaux ont étendu le domaine des droits à fonctionnement des services. la santé et à l'éducation." 7 Dans un certain Les imperfections du marché et la justice nombre de pays, la Constitution inclut des sociale sont des justifications normatives de garanties concernant la santé et l'éducation. la responsabilité publique: elles définissent la Des services en état de marche: une responsabilité de l'État 41 raison pour laquelle l'État doit être impliqué. Figure 2.1 Il existe une forte corrélation entre le revenu national et la situation Elles ne définissent pas toujours la façon dont en matière de santé publique et d'éducation, surtout dans les pays à revenu faible il doit l'être. Connaître les raisons pour les- Taux de mortalité chez les enfants Taux d'achèvement de la scolarité État s'implique réellement permet de moins de 5 ans en 2000 (log) primaire en 1999 (log) quelles un 6tat s'implque réellement permet a6 de mieux comprendre comment la responsa- ambodge bilité publique peut s'exercer. L'éducation a 5 * Ni5 longtemps été le champ de bataille des g * rria convictions, des idées et des valeurs. La fin du 4 Madagasca¶% * * 4 XIXe siècle et le début du XXe siècle abondent Vt * Brésil * d'exemples de cette bataille, depuis le mouve- * 4* 3 { * Madagascar ment pour une école primaire laïque en * France jusqu'au système d'éducation 2 2 publique centré sur le nationalisme qui a Malaisie * suivi la restauration de l'ère Meiji au Japon.'20 Cette implication est noble: un système 4 6 8 10 4 6 8 10 d'éducation publique cohérent a des chances PIB par habitant (log) PIB par habitant (log) de contribuer à la cohésion sociale, ce qui est Remarque: Le PIB par habitant est calculé d'après une moYenne pour les années quatre-vingt-dix, en dollars US de particulièrement important dans les sociétés 1995. Les lignes indiquent les performances a(ou résultats telles qu'elles peuvent être prédites par une fonction non morticeléres1'es Étants s ponia tés linéaire du PIB par habitant. morcelées. 1 21 Les États post-coloniaux ont Source: Statistiques relatives au PIB par habitant provenant de la Base de données des Indicateurs du développement fait de l'instruction publique une stratégie dans le monde, taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans provenant de I UNICEF 12002), taux d'achève- fait de 'Inmstruction publique une stratégie ment de la scolarité primaire provenant de Bruns, Mingat et Rakatomalala (20031 d'édification de la nation. Cependant, le ser- vice public peut aussi être la forme logique d'hommes politiques profitent de leurs d'une volonté étatique d'inculquer à la popu- postes au sein des grandes bureaucraties dis- lation un ensemble donné de croyances. Les pensatrices de services pour récompenser réformes de l'éducation lancées en 1967 en ceux qui les soutiennent ou pour acquérir du Tanzanie étaient teintées d'Ujamna et de socia- pouvoir. lisme à l'africaine. En Indonésie, la campagne massive pour l'éducation était étroitement La croissance, liée à l'édification de la nation et à l'idéologie si elle est essentielle, ne suffit pas nationale codifiée dans les pancasila: des principes dont l'enseignement fut institué Compte tenu de la responsabilité qui est la leur dans toutes les écoles jusqu'à la chute du gou- de promouvoir le progrès de l'éducation et de vernement de l'Ordre Nouveau. la santé publique, que peuvent faire les gouver- Au-delà de l'édification de la nation et de nements ? Une approche possible consiste à ne la cohésion sociale, les services relèvent plei- rien faire : ne compter que sur la croissance nement du domaine de la politique: dans un économique, en considérant qu'un revenu certain nombre de pays, l'éducation gratuite national plus élevé signifie une mortalité et les soins médicaux gratuits sont des slo- infantile réduite et des taux d'achèvement de la gans électoraux qui rallient une foule d'élec- scolarité primaire plus élevés (document 1. 1 et teurs. En 1997, le président ougandais Muse- figure 2.1). Dans les pays à revenu faible, à une veni a fait campagne sur le thème de augmentation de 10 % du revenu par habitant l'éducation primaire universelle. Son message correspondent en moyenne une baisse de a eu un succès considérable - il a gagné - et en 6,6 % de la mortalité infantile et une hausse de peu de temps les taux officiels de scolarisation 4,8 % du taux d'achèvement de la scolarité pri- ont pratiquement doublé (voir « Pleins maire. Dans les pays à revenu intermédiaire, feux »)i122 L'Ouganda n'est pas un cas isolé: une augmentation de 10 % du revenu par un certain nombre de politiciens s'identifient habitant permet une baisse de 7,7 % de la à leur position en faveur de la fourniture mortalité infantile, mais nentraîne pas une publique des services. Cependant, la réussite hausse sensible du taux d'achèvement de la est difficile: rares sont ceux d'entre eux qui scolarité primaire. ont été capables de transformer ces thèmes Pour de faibles niveaux de revenu, à des électoraux en résultats concrets. Les services différences de revenu par habitant relative- relèvent du domaine de la politique sous un ment réduites peuvent correspondre d'im- autre aspect encore. Un certain nombre portantes différences en termes de résultats. 42 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Dans les années quatre-vingt-dix, le revenu revenu par habitant proche de celui de la par habitant n'était plus élevé à Madagascar Nouvelle-Zélande.'26 qu'au Malawi que d'environ 90 $, mais en De même, obtenir une scolarisation pri- 2000, à Madagascar, la mortalité infantile maire universelle par la seule croissance du était inférieure de presque 50 enfants pour 1 revenu supposerait une croissance écono- 000 naissances.'23 Le lien entre d'une part le mique massive. En Mauritanie, où le taux revenu et d'autre part les résultats en matière d'achèvement de la scolarité primaire était de de santé publique et d'éducation est à double 46 % en 1990, il faudrait que la croissance du sens : davantage de revenu entraîne une revenu par habitant soit en moyenne de 6,5 % baisse de la mortalité et une hausse du taux par an. Ainsi, s'il existe une forte corrélation d'achèvement de la scolarité primaire, et de entre le revenu et les résultats, surtout dans les meilleurs niveaux de santé publique et pays à revenu faible, atteindre les objectifs de d'éducation peuvent entraîner des niveaux développement du Millénaire nécessiterait de productivité et de revenu plus élevés. des taux de croissance considérables - sans Dans certaines études, on a tenté de démêler doute irréalistes - en supposant que la crois- ces liens, et généralement on constate tou- sance soit le seul moyen d'y parvenir. Ce qu'il jours que c'est le revenu qui est un détermi- faut, c'est autre chose qu'une simple politique nant décisif et persistant des résultats en de croissance.'27 termes de santé publique et d'éducation.'24 Cependant, le revenu n'est qu'une partie Une croissance des seules du problème: pour un niveau donné de dépenses publiques revenu, les résultats sont très variables. Avec ne saurait suffire un revenu moyen par habitant légèrement inférieur à 300 $ dans les années 1990, le Si la croissance ne suffit pas, que peut faire Vietnam avait un taux de mortalité infantile d'autre un gouvernement pour améliorer la d'environ 40 pour 1 000 en 2000 et le Cam- situation du pays ? Une possibilité est de bodge un taux de 120 pour 1 000. Avec un dépenser davantage. Accroître les dépenses revenu moyen par habitant d'environ 4 000 publiques peut constituer une part détermi- $ dans les années 1990, la Malaisie avait un nante de la promotion du progrès de la santé taux de mortalité infantile d'environ 12 publique et de l'éducation. Ainsi, par pour 1 000 en 2000 et le Brésil un taux à exemple, il peut être nécessaire de consacrer peine inférieur à 40 pour 1 000. De même, davantage de dépenses aux mesures de Madagascar et le Nigeria avaient tous les réduction de la mortalité ou de réforme de deux un revenu par habitant voisin de 300 $ l'éducation qui permettront d'accroître les dans les années 1990, mais à la fin de la taux d'achèvement de la scolarité primaire - décennie, le taux d'achèvement de la scola- et ces dépenses peuvent nécessiter pour par- rité primaire était de 26 % à Madagascar tie une aide internationale (encadré 2.2). contre 67 % au Nigeria. 125 Cependant, l'efficacité de l'utilisation de ces Quelle réduction de la mortalité infantile fonds étant très variable, il est difficile de et quelle amélioration en termes d'achève- trouver une relation cohérente entre l'évolu- ment de la scolarité primaire peut-on tion des dépenses et les résultats: ce qui ne attendre d'une simple croissance du revenu ? fait que souligner l'importance de dépenser Diminuer de deux tiers la mortalité infantile l'argent de la bonne manière. entre 1990 et 2015 (un des objectifs de déve- Dans quelle mesure, précisément, la rela- loppement du Millénaire) implique de la tion entre dépenses publiques et résultats est- réduire de 4,4 % par an. Les pays à revenu elle variable ? Un aperçu de la situation dans faible auraient besoin d'une croissance quelques pays peut en donner une idée. durable du revenu par habitant de 6,7 % par . Entre les années 1980 et les années 1990, an pour pouvoir réduire de deux tiers le taux le total des dépenses publiques pour de mortalité infantile d'ici 2015. Au Sénégal, il l'éducation en Ethiopie et au Malawi a faudrait que le revenu par habitant passe de augmenté de 8 $ par enfant en âge d'aller 650 $ à 3 500 $ - un niveau proche de celui du à l'école primaire. 128 En Ethiopie, le taux Panama. Le Brésil aurait besoin de passer d'à d'achèvement de la scolarité primaire a peine 5 000 $ à 20 000 $ - soit un niveau de stagné: 22 % en 1990, 24 % en 1999, Des services en état de marche: une responsabilité de l'État 43 E N C A D R É 2 . 2 Le prograimmiiie accéléré É« Educationl pour' toils » : unte aïide pouir dles straîtégies crédlibles eni miatièère d'éducation niationa(le Avec plus de 100 millions d'enfants qui ne vont pas Quant aux bailleurs de fonds, ils ont augmenté le Des problèmes pour les bailleurs de fonds à l'école primaire, le souci d'accélérer le progrès niveau des ressources destinées à ces pays, ils ont Malgré les progrès réalisés, les procédures de vers « l'éducation pour tous » dans les pays à renforcé le personnel d'un secrétariat internatio- financement ne sont pas encore harmonisées, et revenu faible a abouti à lancer en juin 2002 le pro- nal pour le programme (à la Banque mondiale) et une grande partie du financement reste frag- gramme accéléré « Éducation pour tous » (Fast- ils ont approuvé les principes de fonctionnement mentée. Dans le cadre du FTI, une partie de l'aide Track Initiative - FTI). Dans le cadre du FTI, des pro- et les directives du FTI. reste alimentée par les inputs, continue de faire grammes nationaux d'éducation sont évalués par De façon plus générale, le FTI a: l'objet d'un « donor discount » les ressources comparaison avec un cadre indicatif comprenant étant liées aux contractants des pays donateurs des références,des perspectives d'extension et des promu l'objectif politique de « l'Éducation au lieu de constituer un soutien flexible pour les possibilités de flexibilité et d'apprentissage par pour tous » et contribué à rendre le monde dépenses essentielles. l'action.Afin de faire en sorte que les objectifs édu- plus conscient du besoin d'un progrès plus Une trop grande partie de l'aide reste dirigée catifs procèdent d'une stratégie nationale globale rapide pour atteindre les objectifs éducatifs; vers des pays historiquement favorisés, au lieu et qu'ils soient cohérents avec le cadre budgétaire rendu les pays en développement plus d'être dirigée vers les pays qui accomplissent les à moyen terme du pays, un des critères d'éligibilité attentifs à la question de l'achèvement et de meilleures performances. Bien que les bailleurs du FTI est l'engagement du pays dans un plan for- la qualité de la scolarité primaire (pas seule- de fonds aient mobilisé des fonds supplémen- mel de lutte contre la pauvreté. ment à la couverture) et à l'importance d'une taires pour les pays du FTI au cas par cas, il reste Le FTI soutient les divers pays en couvrant les bonne politi ue; des pays « orphelins de l'aide ». Faute d'un finan- contraintes fondamentales de politique, de P q cement uni pour les soutenir, le FTI ne permettra capacité, de statistiques et de financement réunilesbailleursdefondsagissantsurleter- pas de tenir l'engagement des donateurs selon qu'impose l'objectif d'une scolarisation primaire rain en un dialogue politique unifié avec les lequel « aucun pays disposant d'un plan crédible universelle pour 2015, d'un taux net d'entrée en gouvernements, et a ainsi amélioré la coordi- pour 'l'Éducation pour tous" ne se retrouvera premier niveau de 100 % des filles et des garçons nation; floué par manque de soutien externe ». La dyna- pour 2010 et d'un progrès des connaissances mobilisé davantage de ressources pour mique du FTI pourrait facilement être compro- scolaires. On a d'abord invité 23 pays à participer l'éducation primaire (une augmentation de mise si l'on ne respecte pas un principe fonda- àceprogramme,ettousontaccepté. 60 % des engagements d'aide officielle au mental du projet : l'aide doit soutenir les Le FTI est inspiré du Consensus de Monterrey - développement pour les premiers pays politiques efficaces. selon lequel on obtiendrait de meilleurs résultats concernés par le programme). Le FTI constitue une part essentielle des lorsque le soutien au développement est dirigé Cependant, l'expérience du FTIl a aussi mis en réponses internationales - parmi lesquelles le vers les pays qui acceptent d'en rendre compte de évidence certains obstacles.Au niveau d'un pays, processus du GB, le Consensus de Monterrey et façon claire et qui adoptent des réformes poli- iespafsdficldevleràequlsre- le Nouveau partenariat économique pour le tiques appropriées. Le FTI a été conçu comme un su est parfois difficile de veailer a ce que s desr développement de l'Afrique - à l'appel pour processus destiné à octroyer un soutien supplé- urces atteinen e nivea de la Prestati des assurer la dynamique de la scolarisation primaire mentire es aillurs e fnds despay don la services;il est nécessaire de tenir compte de plu- universelle pour 2015, qui est peut-être le plus politique d'éducation est cohérente et qui intè- sieurs modes de prestation différents - écoles facilement réalisable des Objectifs de dévelop- grent un cadre macroéconomique agréé. gerées par la collectivité, écoles gérées par des pement du Millénaire. Pour que cet objectif soit ONG, écoles confessionnelles - et de la com- atteint, il faut que les pays en développement Des impacts évidents - et des obstacles plexité des soutiens publics à cet ensemble de soient attentifs à l'importance des réformes et Moins d'un an après son lancement, le FTI a eu des prestataires ; il est nécessaire de réaliser des des ressources financières et humaines. Il faudra impacts positifs évidents. Premièrement, il a fait la réformes qui sont difficiles pour obtenir davan- aussi que les bailleurs de fonds parviennent à preuve que les pays en développement avaient tage d'efficacité et de durabilité ; et il est néces- une meilleure coordination et qu'ils tiennent accepté le nouveau cadre de transparence. Ces saire de disposer de meilleurs systèmes de pro- leurs propres engagements en aidant les pays pays, avec une rapidité impressionnante, ont fait duction de statistiques pour permettre le suivi qui progressent. en sorte que leurs plans sectoriels répondent aux « en temps réel » des résultats du programme nouveaux critères de crédibilité et de durabilité. éducatif. Source:Secrétariat du FTI. alors qu'au Malawi, il est passé de 30 % à les taux de diminution de la mortalité 50 % (figure 2.2). infantile y ont été similaires. Les dépenses publiques par habitant pour Pour chaque pays, des raisons particulières la santé ont chuté de 1 à 5 $ en Côte expliquent pourquoi les dépenses publiques d'Ivoire ainsi qu'en Haïti, entre les années ont contribué au progrès ou pourquoi elles 1980 et les années 1990: la mortalité n'y ont pas contribué. C'est là le noeud de l'af- infantile a substantiellement empiré en faire: l'efficacité des dépenses publiques est Côte d'Ivoire mais a diminué en Haiti - extrêmement variable.'29 Des études en pro- même si elle reste élevée (figure 2.3). fondeur confirment cette variabilité : ainsi, •En Thaïlande, les dépenses publiques par exemple, dans une étude portant sur la pour l'enseignement primaire ont aug- Malaisie à la fin des années 1980, on n'a pas menté davantage qu'au Pérou, et pour- relevé de corrélation substantielle entre les tant les taux d'achèvement de la scolarité dépenses publiques de consultations médi- primaire ont diminué en Thaïlande et cales et la mortalité infantile ou maternelle.'30 ont augmenté au Pérou. En Afrique du Sud, d'importants progrès de •Entre le Mexique et la Jordanie, les l'incidence des dépenses publiques d'éduca- dépenses publiques consacrées à la santé tion sur la population pauvre ont mis du ont évolué de manière très différente, or temps à se traduire par de meilleurs 44 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 2.2 L'évolution des dépenses publiques rentes des résultats, on ne devrait pas être sur- et l'évolution des résultats ne sont que faiblement pris de constater que le lien soit si faible entre liées: le cas de la scolarisation Dépenses publiques Achèvement différents pays. pour l'éducation de la scolarité primaire En dollars % Pourquoi les dépenses publiques 25 Malawi 60 ont-elles des impacts variés ? f ~~~~Malawi 20 / Une analyse plus profonde de la relation 15 40 entre les dépenses publiques et la mortalité infantile montre que les résultats varient au 10 Éthiopie Ethiopie 20 - point que dans certains cas il y ait un lien 5 significatif et que dans d'autres cas il n'y ait pas de lien significatif : et ce, pour quatre 0 0 principales raisons. Premièrement, certains 1 000 100 Péro pays peuvent avoir besoin de dépenser 800 Thailande 90 _ davantage pour remédier à des problèmes ûThalande urgents liés à la santé publique. La relation 600 80 pouvant en résulter ne serait pas significa- 400 70 tive en termes d'information, car à des dépenses plus importantes correspon- 200 60 draient de moins bons résultats. Le recours 0Années Anées 50 à des techniques statistiques exploitant 1980 1990 l'évolution des dépenses liée à des facteurs Remarque: Les « dépenses », sont les dépenses publiques annuelles indépendants des taux de mortalité donne totales pour l'éducation, par enfant en âge d'aller à l'école primaire, encore une relation non significative.'34 en dollars US de 1995 corrigés pour les années 1980 et 1990. Les taux d'achèvement de la scolarité primaire sont calculés sur une base de 6 ans es Éthiopie (primaire plus deux années du début du secondaire), Figure 2.3 L'évolution des dépenses publiques de 8 ans au Malawi, de 6 ans en Thailande et de 6 ans au Pérou. Source: Statistiques des dépenses provenant de la base de don- et l'évolution des résultats ne sont que faiblement liées nées des Indicateurs du développement dans le monde, taux la mortalité infantile d'achèvement de la scolarité primaire provenant de Bruns, Mingat Dépenses publiques Mortalité chez les enfants et Rakatomalala (2003>. pour la santé de moins de 5ans E n dollars Pour mille résultats.'3' Cependant, une évaluation d'im- 60 200 pact de l'expansion des établissements d'en- 180 Côte d'Ivoire seignement public en Indonésie dans les 40 années 1970 montre un impact positif signi- 160 ficatif sur les taux de scolarisation. 132 140 Il est aussi possible d'étudier l'impact des 20 Côte d'ivoire \ dépenses publiques en faisant des comparai- Hati 120 Hai sons sur un échantillon de pays. En général, o 100 les pays qui consacrent davantage de res- 100 100 sources publiques à la santé ont des taux de mortalité infantile moins élevés, et les pays qui 80 Mexique dépensent davantage pour l'éducation ont des 60 taux de scolarisation plus élevés. Cependant, 40 \- Jordanie cette relation est largement conditionnée par 60 le fait que les dépenses publiques augmentent Jordaie 20 avec le revenu national. Lorsque l'on neutra- lise l'effet du revenu national, les dépenses Années Années 1990 2000 publiques et les résultats ne sont que faible- 1980 1990 ment liés (figure 2.4), aussi bien d'un point de Remarque : Les « dépenses » sont les dépenses publiques annuelles totales pour la santé, en dollars US de 1995 corrigés pour vue substantiel (au sens où la corrélation est les années 1980 et 1990. d'un point e vue statstique (auSource: Statistiques des dépenses provenantsde lu base de donnéeo faible) que dun poit de vue statistique (au es Indicateurs du développemet dans le monde. Pour la Jordanie sens où la corrélation n'est pas distinguable de et la Côte d'ivoire, les statistiques de dépenses relatives aux années 0).13 éolto3smlar esdpess 1980 provienrientédes sources de lu Banque mondiale. Pouir Haîti etsle Si à une évolution simMaire des dépenses Mexique, les statistiques de dépenses relatives aux années 1980 peuvent correspondre des évolutions diffé- proviennent de Govindarai, Murray et Gnanaraj (1995). Les statis- tiques de mortalité infantile proviennent de l'UNICEF (2002j. Des services en état de marche: uine responsabilité de l'État 45 Cependant, ces techniques ne sont pas univer- obtient des niveaux de corrélation et de signi- sellement admises, et il se peut qu'un gouver- fication encore plus proches de zéro. nement corrige ses dépenses en fonction de la Ce qu'il faut retenir de ces études, ce n'est situation en matière de santé publique. pas que le financement public est vain, mais Deuxièmement, les dépenses publiques que ce sont l'implication et les mesures peuvent avoir sur les différentes couches de la appropriées, avec le soutien des dépenses société des impacts différents. Les dépenses publiques, qui peuvent permettre d'impor- publiques peuvent avoir un effet sur la mor- tants progrès. En Thaïlande, en 1970, la mor- talité infantile chez les familles pauvres sans talité infantile atteignait le chiffre de 74 décès avoir pour autant un impact global substan- pour 1 000 naissances, et le niveau d'utilisa- tiel. Les études consacrées à cet impact mon- tion des hôpitaux et des centres de soins com- trent une plus forte corrélation entre les munautaires était faible, une des raisons à dépenses et les résultats, au niveau de la cela étant la mauvaise qualité des prestations. population pauvre - mais les chiffres ne sont Cependant, l'État s'est fortement impliqué que faiblement significatifs et ne permettent dans la lutte contre la mortalité infantile. Les pas des conclusions solides.'35 planificateurs de la santé ont fait le point et Un troisième point, dans les recherches ont analysé l'information concernant l'utili- consacrées à ce problème, concerne la com- sation des services et les enquêtes auprès des position des dépenses: le fait d'orienter les ménages. Entre le début des années 1970 et le dépenses davantage vers les activités de soins milieu des années 1980, la Thaïlande a doublé primaires que vers les activités de soins ter- ses dépenses publiques réelles de santé par tiaires a-t-il un impact sur la mortalité ? Les habitant. Mais elle a fait davantage. L'État a statistiques nationales comparées ne permet- construit des établissements dans les zones tent pas de tirer des conclusions évidentes.'36 éloignées, a orienté davantage de services vers Une quatrième tendance consiste à étudier les les zones pauvres et les populations pauvres, a facteurs susceptibles d'influencer l'efficacité amélioré la formation des équipes, a incité les des dépenses publiques. On constate alors médecins à s'installer dans les zones éloignées que la corruption, la gouvernance et l'urbani- et a favorisé l'engagement des collectivités sation peuvent jouer un rôle, mais les résul- dans la gestion des prestations de soins. Les tats ne sont pas cohérents d'une analyse à une médecins ont été davantage encadrés. Enfin, autre.137 pour divers programmes, l'autorité a été délé- Pour l'interprétation de ces analyses, il importe de prendre en considération deux Figure 2.4 La corrélation entre résultats et dépenses publiques est faible lorsque l'on questions de méthodologie. Premièrement, neutralise l'effet du revenu national l'échantillonnage des pays, dans une étude, Taux de mortalité chez les enfants Taux de scolarisation primaire' en 1999 affecte les résultats. Dans un échantillon de de moins de 5 ans" en 2000 pays ayant dépensé beaucoup et ayant réalisé 150 l5û d'importants progrès, on observera un lien 100 100 significatif entre l'accroissement des dépenses et la baisse de la mortalité - de même dans un 50 ti, 50 échantillon de pays ayant dépensé peu et , ayant réalisé peu de progrès. Avec un échan- O - O tillon différent, on pourrait ne pas observer -5û -5û de lien. Dans les études consacrées à cette 150 question, le nombre de pays étudiés varie -100 -100 considérablement - de 22 à 116 - aussi n'est- il pas surprenant d'observer des résultats 150 5 -l5û divergents.'38 -150 -10 -50 û 5û lOO 150 -150 -l0 -50 0 50 100 150 Dépenses publiques de sanie par habitant, Dépenses publiques d'éducation par enfant, Deuxièmement, l'évaluation du résultat moyenne sur les années 1990* moyenne sur les arranées 1990o peut aussi dépendre des spécifications de * Les dépenses publiques, le taux de mortalité infantile et le taux de scolarisation primaire sont donnés sous forme l'analyse. Ainsi, par exemple, dans le cas des d'écart en pourcentage par rapport à un taux prévisionnel en fonction du PIB par habitant. Remarque: Pour le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans, le coefficient de régression est de - 0,148 et la corrélations de la figure 2.4, si l'on neutralise constante est 1,45. Pour le taux de scolarsation primaire, le coefficient de régression est de B,157 etla constante est t,70. non seulement l'effet du revenu mais aussi Source: Les statistiques de PIB par habitant et de dépenses publiques proviennent de la base de données des Iodica- eurs du développement dans le mnnde, les statistiques de mortalité infantile proviennent de l'UNICEF, et les taux de l'effet de l'alphabétisation des adultes, on oscolarisation primaire proviennent de Bruns, Minigat et Rakatomnalala I2003I. 46 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 guée au niveau de la province, ce qui a permis comparer avec un chiffre de 11 % pour l'en- au ministère de la Santé publique de concen- semble des dépenses de santé).'40 trer son activité sur la planification, la coordi- Orienter les dépenses publiques vers les nation et le support technique. En 1985, la services qu'utilisent les pauvres est utile, mais mortalité infantile était descendue à 42 pour seulement à partir du moment où ces 1 000, et elle est aujourd'hui de 28 pour 1 dépenses atteignent la ligne à partir de 000.139 On observe, 20 ans plus tard, d'autres laquelle les pauvres en bénéficient effective- exemples de ce genre dans d'autres pays en ment. Une étude a montré qu'en Ouganda, au développement. début des années 1990, 13 % seulement des subventions gouvernementales à l'enseigne- Les dépenses publiques ment primaire par tête atteignaient leur desti- pour les services ne profitent nation, à savoir les écoles primaires. Le reste pas aux pauvres allait à des activités sans lien avec l'éducation La plupart des pauvres n'obtiennent pas ou à des profits privés. Les écoliers pauvres en leur juste part des dépenses publiques pour souffraient plus qu'à leur tour, car de ce qui les services, sans compter que des considé- restait, les écoles qui les accueillaient rece- rations d'équité justifieraient éventuelle- vaient une part encore plus réduite (voir ment qu'ils en reçoivent une part plus « Pleins feux »).141 grande que les autres. L'analyse de l'inci- Pour la santé publique, il se passe la dence des dépenses publiques - consistant à même chose. Souvent, les médicaments des- déterminer qui utilise les services financés tinés aux dispensaires n'y parviennent par les dépenses publiques en mettant les jamais. Au milieu des années 1980, en Gui- résultats en correspondance avec le volume née, plus de 70 % de la fourniture gouver- de dépenses gouvernementales par usager - nementale de médicaments disparaissait.142 permet de voir un tant soit peu qui en béné- Selon des études relatives au Cameroun, à ficie. De manière générale, les résultats l'Ouganda et à la Tanzanie, 30 % de la four- montrent que le cinquième le plus pauvre niture publique de médicaments ne parve- de la population reçoit moins que le cin- nait pas à la bonne destination: dans l'un quième des dépenses d'éducation ou de des cas étudiés, pas moins de 40 % des santé, tandis que le cinquième le plus riche médicaments étaient « soustraits pour une reçoit davantage. Au Ghana, par exemple, utilisation privée e.143 en 1994, le cinquième le plus pauvre ne recevait que 12 % des dépenses publiques Le secteur privé et le secteur public de santé, tandis que le cinquième le plus sont en interaction riche en recevait 33 % (figure 2.5). Il est difficile d'obtenir que les dépenses Une des raisons de ce déséquilibre est le publiques servent à créer des services de fait que les dépenses soient orientées vers des qualité et qu'elles profitent aux pauvres. services que les plus riches utilisent de Dans ces conditions, comment être surpris manière disproportionnée. Les dépenses de constater que la corrélation entre les publiques pour l'éducation primaire profi- dépenses et les résultats est faible ? Il existe tent généralement aux pauvres. En Arménie, cependant une autre raison à cela: le sec- en 1999, le cinquième le plus pauvre de la teur privé et le secteur public interagissent, population obtenait presque 30 % des avan- et l'important est l'impact net sur l'utilisa- tages de ces dépenses. Cependant, toutes les tion des services. Une augmentation du dépenses consacrées aux services de base ne volume de la participation de l'État peut favorisent pas les pauvres. Si les dépenses parfois avoir pour seul effet de neutraliser, publiques pour les soins de santé primaires globalement ou en partie, les services égale- ont tendance à les favoriser davantage que ment efficaces des prestataires non gouver- l'ensemble des dépenses, les pauvres n'en nementaux. profitent pas toujours pour une part plus Le phénomène peut prendre deux importante. En Côte d'Ivoire, en 1995, le cin- formes. Premièrement, la demande qui quième le plus pauvre de la population ne s'adresse au secteur public et au secteur profitait que de 14 % des dépenses publiques privé réagira à un changement se produi- consacrées aux centres de soins primaires (à sant au niveau du secteur public. Dans une Des services en état de marche: une responsabilité de l'État 47 Figure 2.5 Ce sont souvent les plus riches qui profitent le plus des dépenses publiques de santé et d'éducation Part des dépenses publiques de santé et d'éducation allouée au cinquième le plus riche et au cinquième le plus pauvre Ensemble des dépenses Soins primaires seuls Ensemble des dépenses Éducation primaire seule de santé d'éducation Guinée 1994 Népal 1996 5' le plus riche Inde (UP) 1996 Guinée 1994 Arménie 1999 Madagascar 1994 _ 5e le plus pauvre Équateurl998 Kosovo 2000 _ Ghana 1994 _ Macédoine 1996 Inde 1996 r Tanzanie 1994 Côte d'ivoire 1995 r Afrique du Sud 1994 Madagascar 1993 Côte d'ivoire 1995 me uiue Tanzanie 1993 r Nicaragua 1998 _ Indonésie 1990 r Laos 1993 Vietnam 1993 Guyane 1993 Bangladesh 2000 _ W Bangladesh 2000 ra M il _ Bulgarie 1995 r Ouganda 1992-93 Kenya (rural) 1992 r Indonésie 1989 e Sri Lanka 1996 Cambodge 1997 Nicaragua 1998 _ Pakistan 1991 Afrique du Sud 1994 _à___ Arménie 1996 r" Colombie 1992 Rép. Kirghize 1993 Costa Rica 1992 _Ï __ _ _ Kazakhstan 1996 i Honduras 1995 _ Brésil (NE&SE)1997 a Argentine 1991 Malawi 1995 Tajikistan 1999 Equateur 1998 _- im u Moldavie 2001 Maroc 1999 - Brésil (NE&SE) 1997 Pérou 1994 Georgie 2000 Yémen 1998 Guyane 1994 Azerbaidjan 2001 0 20 40 0 20 40 Vietnam 1998 Mexique 1996 _ _ Note:Les statistiques présentées sonn les plus récentes qui soient disponibles. Panama 1997 r - Source : Filmer 2003b. Kenya 1992 a_ j Ghana 1992 e _u Costa Rica 2001 S Roumanie 1994 a_ _ _ Jamaique 1998 9 - _ Colombie 1992 i Mauritanie 1996 j_es 0 20 40 0 20 40 étude relative à l'impact des hausses de prix des années quatre-vingt-dix, une expérience dans les dispensaires publics de sept pays, d'augmentation des tarifs des établisse- on a constaté que des augmentations des ments publics a permis de constater que le tarifs entraînaient le transfert d'un pour- nombre de centres de soins et d'hôpitaux centage substantiel des consultations des privés s'accroissait nettement, et que cela centres publics vers les centres privés - changeait peu de choses à la situation du même si l'ampleur du phénomène varie pays en matière de santé publique.'45 selon les circonstances.144 Deuxièmement, Si les ressources ne soutiennent pas les les prestataires privés peuvent réagir à un services dont les pauvres bénéficient effecti- changement survenant au niveau des pres- vement, leur mobilisation sera inefficace. tations publiques. En Indonésie, au début L'efficacité des dépenses est tellement 48 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 2 . 3 Pourquoi il est si difficile drévaluer les « coûts » des Objectifs (le développemtent du Milléniaire Combien cela coûtera-t-il d'atteindre les objectifs de mettront ces dépenses. On ne peut pas dire que « si développement du Millénaire ? À cette question, qui l'on dépensait tel montant,on atteindrait les objectifs est cruciale pour les gouvernements et pour les de développement du Millénaire » maison peut dire: bailleurs de fonds engagés dans la poursuite de ces « si les objectifs sont atteints, voici ce que cela aura objectifs, il est extrêmement difficile de répondre. coûté ». Quel coût ? Pour l'objectif d'une scolarisation Le financement des coûts de transition. Si des primaire universelle, chiffrer le coût signifie-t-il réformes institutionnelles sont nécessaires pour mettre un prix sur la scolarisation de l'ensemble des obtenir des progrès durables, il convient de tenir enfants en âge d'aller à l'école primaire ? Avec plus de compte de leurs coûts : ainsi, par exemple, le coût 100 millions d'enfants qui ne vont pas à l'école pri- d'une réorientation de l'infrastructure ou de l'indem- maire, en multipliant le nombre d'enfants de chaque nisation du personnel excédentaire. Ces coûts pays par les dépenses publiques moyennes par éco- dépendent de la situation et des conditions propres lier du primaire, on obtient un « coût » total d'environ au pays concerné. Ainsi, par exemple, le coût des 10 milliards de dollars. Cependant, ce calcul ne tient mises à la retraite dépendra du marché du travail, de pas compte d'un simple élément:faire venir à l'école la réglementation et des normes applicables aux les enfants qui actuellement n'y sont pas peut être fonctionnaires et d'autres facteurs locaux. Etant plus difficile que d'y faire venir les autres, aussi le coût donné l'incertitude qui règne autour des coûts, esti- marginal de la scolarisation d'un enfant risque-t-il mer les coûts de transition sur une base mondiale n'a d'être plus élevé que le coût moyen. Pour ces enfants, pas beaucoup de sens. les coûts d'opportunité ont des chances d'être plus élevés, ce qui signifie que pour les mettre à l'école, L'interdépendance et la double comptabilisa- des subventions plus importantes seront nécessaires. tion. Le progrès vers chacun des Objectifs de déve- Il se peut aussi que ces enfants habitent dans les loppement du Millénaire est en interaction avec le zones éloignées, dans lesquelles il coûterait plus cher progrès vers les autres. Une eau saine et un bon assai- de construire des écoles ou de les indemniser par nissement contribuent au progrès de la santé rapport au transport vers un endroit plus central. Par publique. Une meilleure santé publique renforce la ailleurs, dans cette approche, on suppose de manière productivité de l'enseignement scolaire. L'éducation implicite qu'il est possible de cibler spécifiquement permet de promouvoir le progrès de la santé. Les ces dépenses par rapport aux autres dépenses dans actions en faveur de l'un des objectifs permettent de le même secteur. Même si c'est possible, ce n'est pas promouvoir tous les autres, dans le même temps. Si facile. l'on évalue indépendamment le coût de la réalisation de chaque objectif, et si l'on totalise les coûts des Des gains d'efficacité. Le calcul du coût moyen divers objectifs, il y a double comptabilisation.'49 ne tient pas compte non plus de la faible corrélation, au niveau global, entre les dépenses et les résultats.Si Des déterminants multiples. Cependant, ces l'efficacité des dépenses supplémentaires est égale à objectifs ne dépendent pas seulement les uns des l'efficacité moyenne observée, ces dépenses ne per- autres : leurs déterminants sont multiples, et relèvent mettront que de faibles progrès (figure 2.4). Ce qui de divers secteurs. On sait peu de chose de la contri- signifie que pour atteindre les objectifs fixés, il faudra bution relative de chaque facteur aux résultats, ou de y consacrer des sommes astronomiques. Mais qu'en l'ampleur des effets d'interaction possibles (voir sera-t-il si l'argent est dépensé « comme il se doit » ? document 1.1, au chapitre 1). Ainsi, par exemple, l'im- Dans une simulation des dépenses par pays,sur47 pact de l'assainissement sur la mortalité dépend de pays à revenu faible, les déterminants immédiats de la l'accès à une eau saine. L'efficacité des vaccinations, réussite de la scolarisation primaire ont été ajustés: les et donc leur contribution à la baisse de la mortalité, dépenses publiques en proportion du PIB, la part des dépend de la manière dont on respecte la « chaîne dépenses allouée aux enseignants, le niveau de salaire du froid », laquelle dépend des routes, des autres des enseignants, le nombre d'élèves par enseignant, le moyens de transport et de l'infrastructure énergé- taux moyen de redoublements. Il en est ressorti que tique. Il n'est pas facile d'obtenir des estimations pré- des ressources externes moyennes d'environ 2,8 mil- cises de ces effets indépendants et interactifs. liards de dollars par an seraient nécessaires. (Cette En somme, l'évaluation des coûts que représente simulationtenaitcomptedesressourcesmobiliséesau la réalisation de ces objectifs suppose que l'on pro- niveau national en tant que levier, aussi le modèle cède à un travail d'estimation dans lequel on dis- donne-t-il le montant des ressources externes néces- tingue le coût marginal et le coût moyen, en prenant saires).'47 L'approche en termes de coût moyen de la en compte les changements politiques et institution- scolarisation des enfants actuellement non scolarisés, nels nécessaires pour que ces dépenses supplémen- pour ces 47 pays, aboutit à un coût total incrémental taires soient efficaces, sans compter deux fois - voire de 3,1 milliards de dollars par an.<48 trois fois - les mêmes coûts,étant donné l'interdépen- Chiffrer le « coût » d'un changement au niveau dance des objectifs, et en tenant compte des mul- desdéterminantsimmédiatsestutilepourenévaluer tiples déterminants de chaque objectif. Il ne faut les implications budgétaires, mais cela ne donne pas donc pas s'étonner que l'évaluation des coûts de ces beaucoup d'informations sur les résultats que per- objectifs soit si difficile. variable qu'il est difficile de faire le lien Procéder à des ajustements entre un coût et la réalisation d'un objectif techniques sans changer le quelconque en termes de progrès, comme système d'incitations ne suffit pas par exemple les Objectifs de développement du Millénaire (encadré 2.3). Si davantage d'argent public est consacré aux services - et si une plus grande partie de cet Des services en état de mnarche: une responsabilité de l'État 49 argent est dépensée pour des services qu'utili- Pour prendre les bonnes décisions, il Figure 2.6 La part dominante des sent les pauvres et parvient effectivement à importe d'identifier les éléments qui contri- dépenses récurrentes pour l'éducation l'école ou au dispensaire visé - l'efficacité de buent à rendre une classe d'école efficace ou à est la rémunération des enseignants -(sélection de pays d'Afrique cet argent dépend encore de la manière dont permettre un traitement médical approprié. subsaharienne) il sera utilisé. Prenons l'exemple des dépenses Dans un système qui fonctionne correcte- Kenya 96 récurrentes d'éducation en Afrique subsaha- ment, la prestation de services peut être amé- R. D r 90'< rienne. Sur 18 pays d'Afrique subsaharienne liorée grâce à un meilleur matériel scolaire, 19: i L= très peuplés et pour lesquels on dispose de une disponibilité plus régulière des médica- 1îi Entre 680% statistiques, la plupart dépensent nettement ments, une meilleure formation des agents de Malawi plus pour rémunérer les enseignants que le santé - c'est-à-dire grâce à des améliorations Ghana taux recommandé de 66 % (figure 2.6).46 Et techniques au niveau des déterminants Ethgoaie ce n'est pas là un phénomène limité à l'État immédiats d'une prestation de services réus- Madagascar 58 %i - Zambie ou au gouvernement central. Au Nigeria, les sie. Par ailleurs, des réformes au niveau de Côte d'avoire salaires représentent 90 % environ des l'encadrement peuvent permettre de réduire Zimbabwe dépenses récurrentes des autorités locales la fréquence des enseignants tire-au-flanc, Niger pour l'enseignement primaire. Personne ne des médecins incompétents ou des policiers Mozambique pour ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Ouganda peut nier que les enseignants soient un élé- corrompus. Cependant, si, en trouvant une Burkina Faso ment essentiel du processus de scolarisation solution efficace et à moindre coût (en appli- Mali et qu'il importe de les rémunérer correcte- quant un ensemble d'actions codifiées ou Cameroun ment. Cependant, s'il ne reste rien pour simplement en formant les prestataires), on financer les autres éléments importants, tente de faire fonctionner les services dans comme par exemple les manuels scolaires, des systèmes qui sont déficients, encore faut- l'enseignement ne peut qu'en pâtir. il que les hommes politiques soient à l'écoute Comment se fait-il qu'une part si impor- des citoyens et que les prestataires soient inci- dépenses relatives à Ienseignement primaire et tante des dépenses d'éducation soit allouée tés à être efficaces faute de quoi on aboutira aux enseignants de I école primaire. Source: Brens, Mîngat, et Rakatomalals 12tt3>. aux enseignants ? Cette situation est le résul- à un sentiment général de frustration. tat d'un arbitrage entre les questions tech- Pour comprendre pourquoi il en est niques et le jeu de pouvoir entre les parents, ainsi, il importe de distinguer, parmi les les enseignants, les autres fonctionnaires de réformes, celles qui concernent les institu- l'éducation et ceux qui sont partisans de pri- tions et celles qui concernent l'encadre- vilégier des dépenses en dehors du secteur de ment. Ainsi, par exemple, réduire l'absen- l'éducation. Face à la rémunération des téisme des enseignants de 9 à 7 %, est un enseignants, les autres dépenses consacrées à problème d'encadrement; réduire l'absen- l'éducation ne sont généralement pas en téisme des enseignants de 50 % à 9 % est un position de force: souvent, les enseignants problème institutionnel. Améliorer le dia- savent se faire entendre, ils sont souvent gnostic de maladies infectieuses spécifiques organisés, solidaires, et l'État est contractuel- est un problème d'encadrement. Obtenir lement obligé de les payer. C'est ce que l'on que sur une grande échelle, les traitements constate là où les dépenses consacrées à soient appropriés, est un r-,'olème d'ordre l'éducation sont plutôt importantes - plus de institutionnel. 6 % du PIB au Kenya - comme là où elles Les réformes institutionnelles visent à sont plutôt réduites - moins de 2 % du PIB renforcer les relations de responsabilisation en Tanzanie. Il ne s'agit pas de faire de entre les divers acteurs, de telle sorte que l'Afrique subsaharienne un cas à part - le l'on obtienne de bons résultats en termes de phénomène est général - ni de montrer du prestation de services - avec tous les déter- doigt les enseignants. Il s'agit de dire que minants immédiats qui sont mis en jeu, y pour résoudre le problème, il serait néces- compris une gestion active. Il faut que les saire non pas simplement de s'occuper de arrangements institutionnels tirent avan- questions techniques comme de savoir quelle tage des forces du marché - de sa forte réac- partie des dépenses allouer à un input par tivité par rapport au consommateur, de son rapport aux autres, mais aussi de s'occuper autonomie organisationnelle et de ses pres- des conditions institutionnelles et politiques sions systémiques en faveur de l'efficacité et dans lesquelles ces décisions sont initiale- de l'innovation. Il faut aussi que ces arran- ment prises. gements tirent parti des forces du secteur 50 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 public: de sa capacité de compenser les marché - ont fait l'objet d'une large publi- inégalités sociales et les carences du marché cité dans la presse. et de son pouvoir de faire appliquer des Les bulletins d'évaluation ont permis règles. Il ne s'agit pas de réduire ni d'éviter d'ouvrir progressivement un dialogue entre les responsabilités publiques fondamen- les prestataires et les usagers, et d'obtenir tales, mais de créer de nouvelles manières finalement une réaction positive de la part de les assumer plus efficacement. Il peut des dirigeants des organismes publics. Le s'agir entre autres d'alternatives à la presta- premier ministre de l'État a mis en place un tion de services par le secteur public, mais il groupe de travail pour améliorer la gouver- peut s'agir tout aussi bien d'intégrer des nance au niveau de la cité. Des mesures de changements institutionnels afin que les suivi - comme par exemple un système organismes publics soient plus efficaces. d'évaluation approfondie pour les hôpitaux - ont permis de plonger plus avant dans les Comprendre ce qui fonctionne problèmes liés aux différents services. En et pourquoi: afin d'améliorer 1999, certains services se voyaient attribuer les services une note assez élevée, bien que les cotes concernant la corruption et l'accès aux sys- Pour faire progresser la santé publique, pro- tèmes de doléances restent faibles. Le projet mouvoir de meilleures compétences et a remporté un tel succès que le Centre des atteindre un meilleur niveau de vie, il faut affaires publiques (qui avait réalisé l'en- que les bénéficiaires des services, les presta- quête) a collaboré avec les partenaires taires et l'État travaillent ensemble. De locaux à la préparation d'études similaires quelle manière ? Comprendre qu'est-ce qui dans d'autres grandes villes de l'Inde."5" Par fonctionne, pourquoi et dans quel contexte ailleurs, d'autres pays (les Philippines, - et comment on peut généraliser les l'Ukraine et le Vietnam) adoptent aujour- méthodes qui font leurs preuves - est préci- d'hui cette même approche. sément le sujet de ce Rapport. Un certain nombre d'innovations institutionnelles qui La formulation participative du budget à réussissent, dans le monde, montrent que Porto Alegre, au BrésiL La Ville de Porto les services ne peuvent pas fonctionner tou- Alegre, qui compte plus de 1 million d'habi- jours bien. On peut en tirer des leçons pour tants, a développé un modèle innovant de guider la reproduction de ce qui fonctionne formulation de budget. Des associations de ailleurs et pour développer des solutions. citoyens proposent des projets, qui font Divers exemples montrent quelles sont les ensuite l'objet d'un débat public. Les pro- possibilités - et quelles sont les difficultés. positions sont soumises à des évaluations techniques, et la procédure est répétée pour Des bulletins d'évaluation au Bangalore, en déterminer les allocations budgétaires Inde. Au début des années 1990, à Karna- finales. La municipalité a réalisé des progrès taka, capitale du Bangalore, l'état des ser- substantiels. L'accès à l'eau, qui était de vices publics laissait fortement à désirer. Un 80 % en 1989, est devenu presque universel boom technologique rendait possible une en 1996, et l'accès aux égouts est passé de croissance rapide. Les services étaient de moins de 50 % à 85 %. Les taux de scolari- piètre qualité, la corruption était rampante sation ont doublé. Enfin, les citoyens étant et toutes les couches de la population en davantage disposés à payer pour de souffraient. Afin de permettre un suivi des meilleurs services, les recettes de la munici- carences gouvernementales face à ces pro- palité ont augmenté de 50 %. Pour que le blèmes et afin d'inciter au changement, une processus soit favorable aux pauvres, on association de citoyens a créé en 1994 un leur a octroyé davantage de poids électoral système de bulletins d'évaluation à l'atten- qu'aux autres. Cette approche a été une tion des usagers des services publics. Les réussite décisive pour les habitants (et pour résultats - qui ont révélé la mauvaise qua- le parti politique au pouvoir, qui a gagné lité, la corruption mesquine, l'inaccessibilité plusieurs élections successives). Depuis, pour les habitants des bidonvilles et les sept autres grandes villes ont adopté des coûts cachés des services apparemment bon procédures similaires.15' Des services en état de marche: une responsabilité de l'État 51 Divers exemples mettent en valeur ces innovations ? Qui en a bénéficié ? qu'est- d'autres innovations: une plus grande trans- ce qui a fait leur efficacité - et pourquoi cer- parence dans le financement des écoles en taines autres ne fonctionnent pas ? Sont- Ouganda, une réforme à l'échelle de la cité à elles reproductibles ? Pour traiter ces Johannesburg, en Afrique du Sud, des trans- questions de manière systématique - c'est- ferts monétaires vers les ménages au à-dire pour pouvoir tirer les leçons de ces Mexique, la réforme des services de santé à exemples - ce Rapport développe un cadre l'échelle de l'État de Cearà, au Brésil (voir qui intègre les principaux acteurs - les « Pleins feux »). Une seule de ces innovations bénéficiaires des services, l'État et les presta- a été évaluée à l'aide d'un schéma expéri- taires - et explique comment chacun d'eux mental (Progresa, au Mexique). Et toutes est lié par des obligations de rendre compte n'ont pas donné lieu à des évaluations claires (chapitres 3 à 6). Ces principes sont ensuite de l'évolution des outputs ou des résultats. appliqués à des programmes spécifiques de Mais toutes indiquent les pistes pour l'avenir. réforme, en étudiant la manière dont fonc- Ces divers exemples amènent à se poser tionnent ces liens .dans différents secteurs des questions. Pourquoi a-t-on mis en place (chapitres 7 à 11). - - le~~/ I 91,0 77,3 77,6 port aux deux États « d'origine » (Travan- Proportion de filles des zones rurales core et Cochin) auxquels elle allait être qui ne vont jamais à l'école (entre 10 et 12 ans) 0,0 31,7 26,6 réunie pour former le nouvel État du Kerala. Proportion de jeunes filles des zones rurales Ces différences ont aujourd'hui disparu. qui ne vont jamais à l'école (entre 15 et 19 ans) 1,6 49,3 38,7 Taux de couverture des vaccinations (entre 12 et 23 mois) 79,7 21,2 42,0 L'action publique - et la négligence % des naissances prises en charge par un personnel qualifié 94,0 22,4 42,3 Selon Dreze et Sen (2002), la réussite du Population rurale dans les villages disposant: Kerala est le résultat d'une action publique d'une école primaire 90,1 75,1 79 7 ayant favorisé des opportunités sociales d'une , ' étendues et la fourniture élargie et équitable - d'une école secondaire 87,1 31,9 44,6 de services scolaires, de santé et autres ser- - d'un centre de soins primaires 74,2 4,4 12,9 vices de base. Ces auteurs affirment que les - d'une route praticable en toute saison 79,1 46,0 49,2 échecs de l'Uttar Pradesh sont imputables à Dépenses médicales par hospitalisation une négligence publique vis-à-vis d'oppor- dans les établissements publics (Rs) 1 417 4,261 1,902 tunités identiques. % de femmes déclarant: * Au Kerala, la promotion précoce de - que le prestataire de soins a respecté leur besoin d'intimité 93,0 64,0 68,2 l'éducation primaire et de l'alphabétisa- - que l'établissement était propre 77,2 31,0 52,1 tion des filles a joué un rôle très impor- - que la prise en charge par un personnel qualifié n'est pas tant dans le progrès social qui a suivi. nécessaire 1,4 42,5 61,3 Dans l'Uttar Pradesh, le retard de l'édu- 20 % des ménages les plus pauvres préférant un établissement cation a été lourd de conséquences défa- de soins public 55.7 9,5 32,8 vorables, il a entraîné notamment un Rs = Roupies retard de la transition démographique et Sources: Enquête nabonale sur la famille et la santé-2, 1998-1999: IIPS, 2002; Recensement de l'Inde, 2001 Enquête une croissance démographique trop nationale échantillonnée, 1998-1999. forte. Pleins feux sur le Kerala et l'Uttar Pradesh 53 * Il semble que l'égalité des sexes et la par- promesses de meilleurs services de base qui tion publique - par son effet sur l'informa- ticipation des femmes aient joué un rôle avaient accompagné les premières alloca- tion dont disposent les citoyens, sur leurs fondamental dans la réussite du Kerala. tions budgétaires (figure 1) : les services protections légales et sur leur éducation Comme le montre la littérature, l'Uttar d'éducation et de santé ont représenté une scolaire - exerce une influence sur l'action Pradesh a une longue tradition d'op- part des dépenses publiques bien plus privée, et plus particulièrement celle de pression des femmes et l'inégalité des grande, en comparaison de ce qui a été ceux qui sont politiquement faibles. Par sexes y est incroyablement accentuée, dépensé pour l'administration de l'État. ailleurs, l'action privée influence à son tour pour ce qui est de l'instruction et de la Au contraire, dans l'Uttar Pradesh, du l'action publique. Une série de réformes participation des femmes à l'activité fait des divisions de caste et de classe et de peut engendrer une nouvelle évolution des économique.' 57 l'absence d'alternatives politiques convain- institutions. La société peut se retrouver cantes pour les transcender, les incitations prise dans un cercle vicieux, comme dans En ce qud concerne les servbces univer- politiques n'ont pas favorisé une prestation l'Uttar Pradesh, ou bénéficier d'un cercle selsdebase relatifsàl'enseignement,àla efficace de services universels de base. La vertueux, comme au Kerala. Comme le santé, à la vaccination des enfants, à la concurrence politique a tourné autour de remarquent Dreze et Gazdar : « Dans distribution alimentaire publique et à la l'accès aux instances étatiques susceptibles l'Uttar Pradesh, les échecs sociaux de l'État sécurité sociale, on observe de nettes dif- de favoriser certains clients et de leur réser- sont tout à fait déconcertants, mais les férences en termes d'ampleur, d'accès, de ver les emplois publics. Les dépenses bénéfices possibles d'une action n'en sont qualté et d'équité. Dans l'Uttar Pradesh, publiques se sont donc d'abord concentrées que plus importants, et les coûts d'une iner- ces serv,ces semblent avoir eté largement sur l'administration de l'État, et sont restées tie prolongée plus élevés encore ».160 ncglers, et gl n ty a pas eu d leffort parts - à un niveau bien au-dessus de celui des Comme pour le Kerala, malgré les nom- cuter pour garantlr des resultats, sur- dépenses de santé et d'éducation. Plus breux problèmes économiques qui perdu- tout dans les écoles. récemment, les partis politiques ont eu ten- rent et les nouveaux problèmes qui sont * Au Kerala, un public plus instruit et dance à mettre au second plan leurs pro- apparus, il semble certainement que le mieux informé a joué son rôle dans les grammes et à mettre plutôt en évidence le remarquable rescrit publié en 1817 par affaires politiques et publiques, et il ne profil ethnique de leurs candidats pour Gowri Parvathi Bai, la reine àgée de 15 ans semble pas que cela se soit produit de montrer leur engagement en faveur d'une de l'ancien État de Tranvacore tombe juste, manière analogue dans l'Uttar Pradesh. représentation proportionnelle des erouçes relativement à ses aspirations au développe- * Il semble qu'au Kerala, l'action ethniques dans les institutions de l'Etat.1 9 ment humain de ses sujets: citoyenne éclairée et l'activisme poli- « L'État devrait prendre en charge la tique - s'appuyant en partie sur l'ins- Rompre les cercles vicieux totalité du coût de l'éducation de son truction des masses et sur l'importance L'action publique peut s'appuyer sur l'His- peuple, afin que la lumière y soit répandue donnée aux services universels par les toire, rompre avec elle ou la perpétuer. Les sans retard, que par la diffusion de l'éduca- premiers gouvernements communistes capacités des individus à imposer leurs tion les gens puissent devenir de meilleurs et les gouvernements de coalition qui revendications dépendent de l'information sujets et de meilleurs serviteurs de la cause ont suivi - aient joué un rôle crucial dont ils disposent, des droits qu'ils perçoi- publique et que la réputation de l'État en dans l'organisation de la popûlation vent et de leur niveau d'instruction. L'ac- soit renforcée ».161 pauvre. Dans l'Uttar Pradesh, les divi- sions traditionnelles de pouvoir et de caste, surtout dans les zones rurales, ont persisté pendant plus de 50 ans de Figure 1 Le Kerala a dépensé davantage pour l'éducation et la santé, l'Uttar Pradesh davantage vie politique - et ce genre de divisions a pour l'administration de l'État fini par constituer le coeur du discours politique et de la politique clientéliste. du total des dépenses publiques Pour la prestation des services et les 50 résultats réels du développement, les incita- tions politiques sont importantes.1"5 Au Kerala, le fait d'assurer des services de base 40 Administration de lÉtat (Utar Pradesh) élargis, universels, est resté un principe poli- Éducation et sn(K ala) tique crédible, par opposition avec la poli- Éducation et santé (Kerala) tique clientéliste de l'Uttar Pradesh, orientée 30 Education et santé (Uttar Pradesh) en fonction d'une logique de caste et de - ` . - . /Administration de l'Etat (Kerala> classe. 200td tKa Au Kerala, les premiers gouvernements 20 avec des plates-formes économiques orien- tées vers la fourniture de services de base ta universels ont instauré un programme 1955 1959 1963 1967 1971 1975 1979 1983 1987 1991 1995 1999 politique qui a gardé son importance dans la politique de coalition qui a suivi. La Note:Les dépenses publiques pourl'administration ne omprennentpaslesversements d intérêts. concurrence politique a été centrée sur les Source: Bulletins dela Banque de Réserve de l'Inde, 1955-1998. Le cadre de la prestation de services Le secteur public a généralement assumé la sionnels, les responsables politiques et les responsabilité d'assurer les services et a sou- organismes extérieurs - se demandent: c h a p i t r e vent recouru, pour ce faire, au fonctionna- Quelle est la formule qui nous convient ? riat. Cette approche a parfois admirablement Compte tenu des capacités, des ressources, de réussi, mais - comme l'illustrait le chapitre 1 l'orientation politique et du système d'incita- - elle a bien trop souvent échoué. Il reste tions auxquels nous nous retrouvons beaucoup à faire. C'est surtout pour la popu- confrontés, qu'est-il possible de faire ? Dans lation pauvre que surgissent des difficultés à notre cas, quelles sont les actions qui permet- grande échelle, concernant l'accès aux ser- traient une amélioration des services pour les vices dans des conditions abordables, la réso- pauvres ? Pour évaluer d'autres solutions lution des problèmes de dysfonctionnement relatives à la prestation de services, un cadre au niveau des établissements prestataires, global est nécessaire - afin de voir, parmi les l'amélioration de la qualité technique, la nombreuses possibilités de réformer les ser- recherche d'une meilleure réactivité à la vices, laquelle est appropriée au moment, au demande de la clientèle et la hausse de la pro- lieu et aux circonstances. ductivité. Comme on l'a vu au chapitre 2, ni La cadre de ce Rapport part du particulier la croissance économique, ni la simple aug- pour aller vers le général. On part d'un enfant mentation des dépenses publiques, ni les dans une salle de classe, d'une femme solutions technocratiques ne suffisent à enceinte dans un dispensaire, d'un individu résoudre ces problèmes. qui tourne un robinet pour avoir de l'eau. Les carences de la prestation de services Chacune de ces personnes a besoin d'un ser- ne sont pas passées inaperçues. En fait, les vice, et les déterminants immédiats de la solutions institutionnelles proposées sont réussite sont évidents. Pour qu'une transac- nombreuses et disparates: réforme du fonc- tion particulière réussisse, en matière de ser- tionnariat, privatisation, démocratisation, vices, il faut un prestataire en première ligne, décentralisation, sous-traitance, appel aux compétent, ayant accès aux ressources et aux ONG, responsabilisation et autonomie, inputs adéquats et motivé à poursuivre un méthodes participatives, caisses d'aide objectif réaliste. La question d'ordre général sociale, développement au niveau commu- qui se pose est de savoir quelles sont les nautaire, associations d'usagers. Chacune conditions, du point de vue institutionnel, de ces solutions s'accompagne d'un fatras qui favorisent l'émergence de prestataires en de techniques et d'instruments: transferts première ligne, qui soient capables, motivés, du côté de la demande, évaluations partici- aux objectifs clairs et disposant des ressources patives rurales, enquêtes sur l'utilisation des adéquates. La réponse est que les services qui services, bulletins d'évaluation des services, fonctionnent pour les pauvres émergent budgets participatifs. Aucune de ces solu- lorsque les acteurs des liens institutionnels tions n'est une panacée. ont des comptes à rendre les uns aux autres Il est bien connu que « tout le monde ne (Merci d'être patient, le reste du Rapport peut pas porter le même costume », mais cela explique précisément ce que signifie cette ne fait pas beaucoup avancer les choses. Tous phrase). ceux qui veulent améliorer les services à l'at- Le présent chapitre s'articule en cinq tention des pauvres - les pauvres eux-mêmes, points. Tout d'abord, nous présentons le leurs porte-parole, les réformateurs profes- cadre analytique des acteurs (individus, orga- 54 Le cadre de la prestation de services 55 nisations, gouvernements, entreprises) et des fonction de cette information, l'employeur Figure 3.1 Les liens de responsabilité liens qui seront considérés tout au long de ce agit de manière à accentuer les bonnes ont cinq aspects Rapport pour ce qui concerne l'exercice des performances ou à éviter les mauvaises responsabilités et le fait d'en rendre compte. (applicabilité). Ensuite, nous précisons les caractéristiques . Dans une grande ville, les citoyens élisent des services pour lesquels la création de ces un dirigeant pour gérer les tâches de la liens est si déterminante - et si difficile. Nous municipalité (délégation), entre autres les Acteurs .Acteurs nous référons au cadre et aux caractéristiques décisions qui concernent les impôts (principaux) responsables ci ents, (agents) des services pour analyser les raisons pour locaux et le budget (financement). Ce diri- citoyens dec deurs, lesquelles une prestation confiée uniquement geant agit, souvent dans un contexte de décideurs prestataires au secteur public échoue souvent - et les rai- relations de responsabilité devant d'autres sons pour lesquelles une simple privatisation (performance). Par suite, les électeurs n'est pas la solution. Nous évoquons la apprécient sa performance en fonction de manière dont sont liés les divers éléments du leur expérience et de l'information dont ils programme de réforme des services et la disposent. Enfin, ils agissent de manière à manière dont ils seront traités dans ce Rap- exercer sur ce dirigeant un contrôle - soit port. Enfin, nous traitons de la dynamique politique soit légal (applicabilité). des réformes. Il est possible d'utiliser d'autres termes Un cadre analytique: pour aborder ces questions omniprésentes et les acteurs et leurs responsabilités essentielles, en se référant à diverses disci- plines (économie, science politique, sociolo- C'est avec l'usage commun que le langage gie) et à diverses activités (administration évolue, aussi personne n'est responsable du publique, gestion). Dans ce Rapport, nous ne fait que le mot responsabilité finisse par prétendons pas innover grâce à un vocabu- avoir un si grand nombre d'applications et laire dernier cri. L'avantage des termes que de significations. Ce que nous entendons nous utilisons ici est de pouvoir couvrir les par responsabilité dans ce Rapport, c'est différents sujets abordés (disposer de termes une relation entre des acteurs caractérisée pour désigner tout ce dont nous allons par- par cinq aspects: délégation, financettment, ler) et de permettre une certaine cohérence performance, information sur la performance (les mêmes termes seront utilisés tout au long et applicabilité (figure 3.1). du Rapport). Un glossaire des termes utilisés Les relations de responsabilité peuvent dans ce Rapport est proposé dans l'encadré être aussi simples que l'achat d'un sandwich 3.1. Une récente étude concernant l'émanci- ou le fait d'exercer un travail - et aussi com- pation et l'autonomie des pauvres, et qui pro- plexes que la gestion d'une démocratie à longe le Rapport sir le développement dans le l'échelon d'une grande municipalité. monde 2000/2001 consacré à la pauvreté, évoque par exemple quatre éléments qui se • Lorsque vous achetez un sandwich, vous recoupent avec la présente analyse sur des le demandez (délégation) et vous le payez points importants: l'accès à l'information, (financenîen t). Le sandwich a été fait l'intégration et la participation, la responsabi- pour vous (performiance). Vous mangez lité et la capacité d'organisation locale.'62 Le le sandwich (qui produit alors une infor- terme de responsabilité est parfois utilisé mation sur sa qualité). Puis vous décidez ailleurs pour se référer uniquement au fait d'acheter ou de ne pas acheter un autre « d'avoir à répondre » (l'obligation d'une sandwich la prochaine fois (applicabi- information sur la performance) ou à la lité), et cette décision a un impact sur les notion d'« applicabilité ». Dans ce Rapport, le profits du vendeur. terme est utilisé dans un sens large. * Dans une relation d'emploi type, on confie Cette approche plus large est motivée par à une personne une série de tâches (délé- deux considérations. Premièrement, des fai- gation) et on lui verse un salaire (finance- blesses par rapport à n'importe lequel des ment). L'employé travaille (performance). aspects de la responsabilité peuvent être des La contribution de cet employé fait l'objet causes d'échec. Il n'est pas possible de renfor- d'une évaluation (information). Enfin, en cer l'applicabilité - de rendre les prestataires 56 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 3 . 1 Glossaire pouir ce Rapport Le langage est élastique: il constitue un actif qui mateur qui relie les clients aux prestataires est le tale », qui permet simplement de résoudre une reflète la diversité de l'expérience humaine, mais il chemin direct, le chemin « court » de la responsa- série de problèmes immédiats mais qui, en constitue un passif lorsque des termes galvaudés bilité. Lorsque ce pouvoir du consommateur est même temps, en crée d'autres. Ainsi, par comme le terme responsabilité perdent leur sens. faible ou lorsqu'il n'est pas utilisable, les clients exemple, le fait de chercher comment, dans le Dans notre développement du cadre de presta- doivent utiliser leur pouvoir politique de citoyens cas de structures de gouvernement et de gou- tion de service, nous donnons à des termes pour rendre les hommes politiques responsables vernance dépourvues de stratégie, ces mesures d'usage courant (comme le terme responsabilité) - et les responsables politiques/décideurs, à leur temporaires affecteront le long terme. un sens particulier, et nous inaugurons quelques tour, doivent se servir des accords pour faire de Organisations prestataires : Entités termes nouveaux. Nous ne prétendons pas don- même avec les prestataires. L'ensemble de ces pulius,pivés à rest atif : privés ner aux mots un sens plus approprié, notre préoc- deux processus est le chemin indirect, le chemin» publiques, privées à but non lucratif ou privées à cupaton es la chérene intrne. ong «de la responsabilité, but lucratif qui fournissent effectivement des cupation est la cohérence interne, long »,el eposblt.services. Il peut s'agir de ministères comprenant La responsabilité est un ensemble de rela- Clients/citoyens: Les usagers des services qui des centaines de milliers d'employés comme de tions entre les acteurs de la prestation de ser- sont citoyens participent individuellement ou en chaînes d'hôpitaux privés, de vastes organisa- vices, qui comprend cinq aspects: groupe (ex. syndicats) aux processus politiques tions de distribution d'eau en milieu urbain * La délégation: L'accord explicite ou implicite pour définir et atteindre des objectifs collectifs. En comme d'une simple école de village gérée par pour qu'un service (ou des biens représentant tant que clients, les individus bénéficient de ser- la collectivité locale. un service) soit fourni. vices pour satisfaire leur demande particulière. * Le financement: La fourniture des ressources Tous les clients sont citoyens (dans la plupart des Responsables politiques/décideurs : Les permettant la prestation du service ou le paie- cas) mais,selonleservice,touslescitoyensnesont acteurs de la prestation de servicesautorisés par pementtatde rsato ceuservice, paslclients.lÈÉtat à assumet ses responsabilités législatives et Clientélisme: La tendance serice responas .régulatrices. Les responsables politiques peu- * La performance : La prestation effective du C li entéime: La tendance des responsables vent être élus ou accéder à leurs postes par des service, ~~~~~~~~~politiques, en tant que décideurs, à répondre à la service. concurrence politique en favorisant de manière voies non démocratiques. Il peut aussi s'agir de * L'information sur la performance: L'obten- excessive un groupe de clients par rapport à un décideurs politiques (comme un général qui est tion de l'information adéquate et l'évaluation de autre en échange d'un avantage politique (suf- président mais qui dirige aussi l'armée, ou un la performance par rapport aux attentes et à des frages). Fournir à des groupes restreints de sup- ministre des télécommunications qui administre normes formelles et informelles. porters des services publics gratuits ou des l'allocation des fréquences). Cependant, le plus * L'applicabilité: Le fait d'être capable d'impo- emplois publics, surtout lorsque les tire-au-flanc souvent, les décideurs politiques sont les plus ser des sanctions si la performance n'est pas ne sont pas sanctionnés, est souvent le moyen hauts responsables non élus - fonctionnaires ou appropriée ou de récompenser une perfor- par lequel les responsables politiques pratiquent nommés. Les responsables politiques détermi- mance appropriée. le clientélisme. nent les orientations générales. Les décideurs Nous définissons dans ce Rapport quatre rela- Expression politique : La plus complexe des appliquent ces orientations, et définissent et tions de responsabilité : le pouvoir du consomma- relations de responsabilité. Elle s'exerce entre les appliquent les conditions dans lesquelles les teur (sur les prestataires), les accords, la gestion (par citoyens et les responsables politiques, et com- prestataires de services publics et privés exerce- les organisations prestataires ou par les profession- prend un certain nombre de processus formels et ront leurs actîvites. En general, les sous-relations nels de terrain), et l'expression politique (entre les informels, comme le vote et la politique électo- de responsabilité entre responsables politiques citoyensetlesresponsablespolitiques/décideurs) rale,lelobbyingetlapropagande,lefavoritismeet et décideurs (qui ont fait l'objet d'une parodie le clientélisme, les interventions médiatiques, l'ac- dans la série de TV « Yes Minister ») sont détermi- Accords: La relation large, à long terme, de cès à l'information, etc. Les citoyens, par le biais de nées par la constitution, par les lois ou par les responsabilité entre les décideurs politiques et la fiscalité, délèguent aux responsables politiques règles qui régissent l'administration publique. les organisations prestataires. Les accords ne les fonctions du service de leurs intérêts et du Pouvoirduconsommateur:Larelationderes- sont pas, de manière générale, aussi spécifiques financement des administrations. La performance ponsabilité entre les clients et les prestataires en ni aussi applicables légalement que les contrats. des responsables politiques consiste à fournir des première ligne, généralement là où le service est Cependant, un accord peut prendre la forme services, comme la loi et l'ordre ou comme le fait assuré, basée sur les transactions à travers les- d'un contrat explicite et vérifiable. de maintenir les collectivités dans une situation quelles les clients expriment leur demande de ser- Acteurs : Individus, ménages, collectivités, saine. Les citoyens exercent leur responsabilité à vices et peuvent contrôler l'offre et les prestataires. entreprises, administrations et autres organisa- travers les élections et par d'autres moyens moins Professionnels de terrain : Les enseignants, tions publiques, non-gouvernementales ou pri- définitifs comme la discussion, les actions en jus- infirmières, médecins, ingénieurs et autres pres- vées qui financent, produisent régulent, assu- tice, les campagnes et les manifestations. tataires qui sont en contact direct avec les clients. rent ou consomment les services. Selon la Gestion: La relation de responsabilité entre Services discrétionnaires : Services produits théorie économique, les acteurs qui rendent les les organisations prestataires et les profession- localement comme l'enseignement d'une classe autres responsables sont parfois appelés les nels de terrain, qui comprend les processus scolaire ou des soins curatifs, l'enseignant ou le principaux, et les acteurs rendus responsables internes par lesquels les organisations privées et médecin devant exercer un jugement significatif sont appelés agents publiques sélectionnent, forment, motivent cecil doit fournir de queme manificatif Cadre (ou chaîne) de la prestation de services gèrent et évaluent les professionnels de terrain, sur ce quil doit fournir de quelle manière, et les Les quatre types d'acteurs concernés par les ser- Dans les vastes administrations, ces processus clients étant généralement bien moins informés vices, c'est-à-dire les citoyens/clients, les respon- peuvent être régis par des règles, alors que du que le prestataire. Des services discrétionnaires sables politiques/décideurs, les organisations presta- côté des petits prestataires privés, ils peuvent intensifsen transactions sont difficiles à contrôler,à taires, les professionnels de terrain et les quatre être spécifiques et ad hoc. la fois pour le client et pour le décideur politique, relations de responsabilité entre ces acteurs: Incrémentation stratégique : Les réformes qu'ils soient assurés par le secteur public ou par le * L'expression politique entre citoyens et respon- pragmatiques progressives dans un contexte secteur privé. Ils représentent des difficultés parti- sables politiques. d'institutions peu développées, qui ont peu de culières pour toutes les relations de responsabilité. * Les accords entre les responsables politiques chances de résoudre entièrement les pro- Services intensifs en transactions : Les ser- /décideurs et les prestataires. blèmes de prestation de services mais qui peu- vices qui impliquent des contacts répétés et fré- * La gestion, entre les organisations prestataires vent atténuer les problèmes les plus graves quents entre clients et prestataires. Ces services et les professionnels de terrain. tout en créant en même temps les conditions peuvent être discrétionnaires et nécessiter des * Le pouvoir du consommateur entre les clients d'un changement plus profond et plus favo- décisions à tout moment (comme dans le cas et les prestataires rable - mettons, le renforcement des capacités d'une classe d'école),ce qui les rend très difficiles Chemins longs et courts de la responsabilité susceptibles de relever les défis que pose la à gérer. Dans d'autres cas, la technologie peut ne Les clients peuvent chercher à rendre les presta- prestation de services. On peut opposer cette pas impliquer un caractère discrétionnaire (« fire taires des services responsables de la perfor- notion à ce que l'on pourrait appeler, faute d'un and forget »), mais simplement un premier mance de deux manières. Le pouvoir du consom- meilleur terme, l'« incrémentation incrémen- contact (immunisation). Le cadre de la prestation de services 57 responsables des outputs et des résultats - de plus générale, le secteur public entre en jeu, façon isolée. Si les prestataires ne font pas aussi deux relations essentielles l'expression l'objet d'une délégation qui soit claire, avec politique et les accords - font du mécanisme une spécification précise des objectifs voulus, de contrôle du citoyen un « chemin long » de accroître l'applicabilité sera injuste et ineffi- la responsabilité. Dans les deux cas, il faut cace. Si l'on n'accorde pas aux prestataires les que les organisations (les ministères de la ressources adéquates, les tenir responsables Santé, de l'Éducation, de l'Équipement) des mauvais résultats sera, là encore, injuste soient capables de diriger les prestataires en et inefficace. Deuxièmement, si l'on fait du première ligne. financement la première étape de la création d'une relation de responsabilité, c'est que ce Les quatre acteurs n'est pas en s'occupant simplement d'un résultat qui est lui-même conditionné par un Les citoyens et les clients. Les individus et les autre résultat que l'on établit une relation de ménages ont un double rôle, un rôle de responsabilité. Pour que ça marche, il ne faut citoyen et un rôle de client direct. Comme pas manquer la marche. citoyens, ils participent, en tant qu'individus Dans la chaîne de la prestation de services, aussi bien qu'en formant des coalitions (col- quatre grands rôles sont distingués dans ce lectivités, partis politiques, syndicats, asso- Rapport: ciations professionnelles), aux processus • Les 'citoyens/clieuts: patients, écoliers, politiques qui définissent les objectifs collec- parents, électeurs. tifs. Dans ces objectifs, ils cherchent aussi à * Les responsables politiques /décideurs: Pre- contrôler et à diriger l'action publique. mier ministre, Président, parlementaires, Comme clients directs des prestataires de maires, ministres des Finances, de la Santé services, les individus et les ménages espèrent et de l'Éducation. obtenir une eau saine, voir leurs enfants * Les organistmies prestataires : ministères de bénéficier d'une instruction scolaire et proté- la Santé, de l'Éducation, de l'Équipement ger la santé de leur famille. (chargé de l'eau et de l'assainissement). Le rôle des citoyens et des clients, en tant * Les professionnels de terrain: médecins, que bénéficiaires des services, n'implique infirmières, enseignants, ingénieurs. pas une égalité ou un partage des mêmes conceptions entre tous. Des termes comme Dans des conditions idéales, ces acteurs la société civile ou la communauté sont par- sont liés par des relations de pouvoir et de fois utilisés de manière trop désinvolte. Les responsabilité. Les citoyens expriment leurs gens ont des croyances, des espérances, des préférences et votent pour les hommes poli- valeurs, des identités et des capacités diffé- tiques. Ces derniers passent des accords avec rentes. Souvent, la société civile n'est pas les organisations prestataires. Ces organisa- civile du tout : dans un certain nombre de tions dirigent les prestataires en première « communautés », les gens ont peu de ligne. Enfin, les clients exercent leur pouvoir choses en commun. Les individus et les de consommateur à travers des interactions ave le prsatie enpeir .in Figure 3.2 Les principales relations de pouvoir avec les prestataires en première ligne (figure 3.2). fans les pays à revenu faible, un cinquième rôle, celui des organismes de financement extérieurs, affecte chacune de ces relations (chapitre 11). de la resp0o, Des faiblesses au niveau d'une de ces rela- f '' tions, quelle qu'elle soit - ou au niveau de la capacité des acteurs - peuvent entraîner un Chemin cou%" dysfonctionnement des services. Les presta- taires peuvent se retrouver directement res- ponsables devant les clients (comme dans les transactions sur un marché), les décisions et le pouvoir passant directement aux citoyens ou aux collectivités - un « chemin court » de Services la responsabilité. Cependant, de manière 58 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 ménages peuvent être en désaccord sur les sont aussi les décideurs. Dans d'autres, au objectifs collectifs et sur le travail en com- contraire, on distingue clairement les plus mun et chercher à promouvoir leur propre hauts responsables gouvernementaux non vision des choses, aussi bien de façon indi- élus - fonctionnaires ou nommés - et les viduelle qu'à travers des associations, et acteurs politiques. Les responsables poli- parfois directement aux dépens des autres. tiques définissent les orientations générales, L'aptitude des citoyens à l'action collective, mais ce sont les décideurs qui déterminent un élément clé de la prestation des services, les principales règles du jeu pour la presta- varie considérablement d'une société à une tion des services, en régulant l'entrée, en autre. appliquant des normes et en fixant les conditions suivant lesquelles l'argent public Les responsables politiques et les décideurs. Ce ira aux prestataires. qui fait la différence entre l'État souverain et l'ensemble des autres institutions, c'est son Les organisations prestataires. Une organisa- monopole de l'utilisation légitime de la force tion prestataire peut être une administration physique à l'intérieur de ses frontières. De ce publique quelconque: ministère, départe- monopole procède le pouvoir des respon- ment, agence, bureau (tableau 3.J). Il peut sables politiques de réguler, de légiférer, de s'agir d'un ministère de l'Éducation qui taxer - de définir et d'appliquer les « règles du assure des services d'éducation, ou d'une jeu ». Les responsables politiques sont définis entreprise publique autonome (comme les ici comme étant ceux qui contrôlent ce pou- hôpitaux publics). Il peut s'agir aussi d'un voir et qui assument les responsabilités fon- organisme à but non lucratif (écoles confes- damentales de l'État. Cela ne veut pas dire sionnelles) ou lucratif (clinique privée). L'or- que c'est toujours la politique électorale qui ganisation prestataire peut être de grande est en jeu: les dirigeants politiques sont par- dimension (un ministère de l'Éducation avec fois à la tête d'un régime de parti unique, cer- des dizaines de milliers d'enseignants) ou de tains ont imposé leur pouvoir par la force dimension réduite (une école primaire gérée militaire, tandis que d'autres parviennent au par une petite collectivité). On peut distin- pouvoir par des élections. Dans certains sys- guer plusieurs types de prestataires (hôpitaux tèmes, ce sont les membres du pouvoir exé- publics, centres de soins à but non lucratif et cutif qui dominent, et dans d'autres, ce sont cliniques privées), et il est possible que plu- les membres du pouvoir législatif. sieurs prestataires de chaque type offrent le Les autres acteurs qui exercent le pouvoir même service dans la même zone (comme un de l'État sont les décideurs. Dans certains certain nombre de centres de soins auto- pays, ce sont les responsables politiques qui nomes à but lucratif ou non lucratif). Tableau 3.1 La forme de propriété et la structure organisationnelle des organisations prestataires sont variables Forme de propriété Type d'organisation Services d'éducation Services de santé Services Énergie prestataire soins curatifs ambulatoires) de distribution d'eau Secteur public Ministère/département/ Établissements de Centres de consultation Ministère des Travaux Ministère de l'Énergie agence/bureau l'enseignement public dépendant du ministère Publics (niveaux national, de la Santé provincial, municipal) Entreprise autonome Universités Centres de santé autonomes Compagnies d'État Compagnies du secteur public autonomes d'électricité d'Etat Organismes à but Propriété collective Écoles informelles, Associations rurales non lucratif Educo Organisme à but Écoles religieuses Centres de santé gérés non lucratif lcatholiques, coraniques), par des ONG écoles gérées par des ONG (ex. BRAC) Secteur privé, Petites entreprises Écoles privées laïques Cliniques privées Vendeurs d'eau informels organisations à but lucratif Grandes entreprises Chaînes d'hôpitaux privés Installations privées Installations privées Note: Educo = Programme des écoles communautaires du Salvador, ONG = organisations non-gouvernementales, BRAC = Comité pour le progrès rural du Bangladesh. Le cadre de la prestation de services 59 Lorsque l'organisation prestataire est dans le secteur public, il convient de bien E N C A D R É 3 . 2 Les divers sens que recouvre faire la distinction, d'un point de vue analy- le nlot responsabilité tique, entre le décideur et la direction de La responsabilité est davantage une notion Les États autoritaires peuvent donner une l'organisme prestataire. Le décideur déter- qu'un simple terme, et ce qu'elle recouvre grande importance à la responsabilité hori- mine et applique les règles du jeu pour tous est assez large pour que l'on y fasse des dis- zontale ("les trains partent à l'heure") mais ne tinctions utiles, pas présenter de responsabilité verticale. les prestataires, y compris l'organisation en La responsabilité politique est la volonté Cependant, lorsque la relation entre clients et question. La direction de cette organisation des responsables politiques et des deci- prestataires esttrsforte (danscertanscas,ce deurs de justifier leurs actes et d'accepter peut étre en raison de l'omniprésence du prestataire définit le règlement interne qui des sanctions électorales, légales ou admi- régulateur, comme à Cuba), la prestation de lui est spécifique. Si cette distinction est nistratives si leur justification n'est pas jugée services peut fonctionner très bien sans qu'il y valable. Même en ce qui concerne la respon- ait beaucoup de responsabilité verticale. claire au niveau conceptuel, elle peut être sabilité ((politique», des distinctions sont Même pour un type de responsabilité plus confuse dans la pratique, surtout possibles. La responsabilité politique verti- donné, des distinctions sont possibles. La cale est le fait que les citoyens, individuelle- responsabilité politique horizontale for- lorsque c'est la même personne qui assume ment ou collectivement, demandent des melle correspond à la définition formelle des les deux rôles. Ainsi, par exemple, un comptes à l'État - en votant ou en défendant institutions et de l'autorité parmi les agents leurs intérêts. Les démocraties ont besoin de l'État. Elle peut différer nettement de la ministre des travaux publics peut être le d'une forme de responsabilité verticale. La responsabilité politique horizontale infor- décideur responsable de la définition et de responsabilité politique horizontale est le melle, du fonctionnement réel des institu- fait que les agents de l'État demandent des tions et du contrôle effectif des décisions l'application des règles pour l'ensemble des comptes à un autre agent de l'État - par dans les organismes d'État. prestataires, et être en même temps à la tête exemple à travers la relation de « l'accord » de la plus grande organisation prestataire de entre responsables politiques et presta- Sources : Goetz & Jenkins (2002) et Aghion & de laplus randeorgaisatin pretataie de taires. Tirole (l 997). distribution d'eau, directement responsable de sa gestion. Pour que les responsabilités soient clairement délimitées, au niveau des décisions comme de la production directe, et les décideurs soient récompensés lors- un des éléments importants est la distinc- qu'ils agissent bien et pénalisés lorsqu'ils tion entre ces rôles. agissent mal. Lorsque les responsables poli- tiques ont abusé de la situation, ou même Les prestataires en première ligne. En fin de simplement lorsqu'ils n'ont pas poursuivi compte, pratiquement tous les services ont leurs objectifs avec assez d'énergie et d'effi- besoin de prestataires qui soient en contact cacité, les citoyens ont besoin de disposer de direct avec les clients: enseignants, méde- divers mécanismes - et non pas seulement cins, infirmières, sages-femmes, pharma- d'élections périodiques - pour leur deman- ciens, ingénieurs, etc. der d'en rendre compte. Les quatre relations de responsabilité Des organisations prestataires à l'État: les Des responsables politiques aux citoyens accords. Les relations entre décideurs et pres- l'expression politique. Dans ce Rapport, tataires de services peuvent être formalisées nous utilisons le terme d'expression poli- en termes d'accords. Un accord n'est pas tique pour exprimer les relations complexes nécessairement aussi spécifique et aussi de responsabilité entre citoyens et hommes applicable légalement qu'un contrat, même politiques. Au-delà de la politique, cette si un contrat puisse être une forme d'accord. notion recouvre bien d'autres choses Il s'agit plutôt d'une convention au sens large encore. Il s'agit des mécanismes politiques portant sur une relation à long terme. Le formels (partis politiques et élections) et décideur apporte des ressources et délègue informels (associations, campagnes d'infor- aux prestataires de services le pouvoir et la mation publique). La délégation et le finan- responsabilité des objectifs collectifs. Le déci- cement, entre les citoyens et l'État, concer- deur produit une information sur la perfor- nent les décisions de poursuivre des mance des organisations. La notion d'appli- objectifs collectifs et la mobilisation des res- cabilité entre en jeu lorsque l'accord spécifie sources publiques pour les atteindre. Les aussi les gratifications (et éventuellement les citoyens ont besoin d'une information sur sanctions) qui sont fonction des actes et des la manière dont l'intervention de l'État a résultats du prestataire de services. Entre fait progresser leur bien-être. Ils ont aussi « l'État » et « L'organisation prestataire du besoin d'une forme de mécanisme d'appli- secteur public », la séparation n'est pas tou- cation, pour que les responsables politiques jours facile à tracer. 60 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Des professionnels de terrain aux organisa- - vis-à-vis des citoyens comme des presta- tions prestataires: la gestion. Dans toute taires. Dans les systèmes où les relations de organisation, les outils de gestion formels et responsabilité font défaut, les emplois dans informels donnent aux professionnels de ter- les services publics (enseignants, policiers) rain des attributions et des champs de res- sont accordés comme des faveurs politiques, ponsabilité délimités, et leur apportent les ce qui crée non pas une relation de responsa- ressources dont ils ont besoin pour agir. bilité mais une relation d'obligation poli- Dans les organismes publics, cettè fonction tique. Une étude récente sur l'éducation au de gestion est parfois floue, car les presta- Népal, par exemple, a montré que dans ce taires sont des employés de l'État. Cepen- pays, « les normes de performance pour les dant, toutes les questions de gestion standard enseignants sont inexistantes. La plupart des qui concernent la sélection, la formation et la enseignants sont dans la ligne d'une des motivation des salariés d'une organisation nombreuses associations associées aux partis s'appliquent à toutes les organisations: politiques, et que leur nomination et les pra- sociétés privées, ONG, État, etc. Toute orga- tiques d'affectation sont souvent le résultat nisation prestataire de services - ministère, de la contribution de l'individu aux activités entité religieuse, ONG ou société privée - politiques ».163 doit créer une relation de responsabilité vis- L'allocation des services se fait de telle à-vis de ses prestataires en première ligne. sorte que les collectivités soient récompen- sées (ou punies) de leur soutien politique. Du prestataire au citoyen /client: le pouvoir Parfois, c'est le ministère qui est l'agent des du consommateur. Le décideur ne pouvant prestataires et non l'inverse, et la décision pas spécifier dans l'accord toutes les actions politique est alors aux mains des prestataires. des prestataires, il faut que les citoyens fas- Les prestataires profitent aussi de leur capa- sent connaître leur demande de services aux cité de contrôler les services et de leur posi- prestataires et qu'ils contrôlent la prestation. tion sociale élevée pour intimider les Les clients et les organisations prestataires pauvres. Plutôt qu'un pouvoir du consom- interagissent par le biais des personnes qui mateur, il y a dans ce cas un pouvoir du pres- fournissent les services - enseignants, méde- tataire. James Scott, chercheur en sciences cins, ingénieurs, etc. - des professionnels de politiques, a affirmé que du fait des pressions terrain et des agents de terrain. du « modernisme autoritaire avancé », l'État et son appareil bureaucratique peuvent La relation de responsabilité déterminer une « simplification étroite » n 'est pas la seule relation pour le fonctionnement des services - mais que la domination de cette réalité sur les La description qui précède ne correspond pas citoyens et leur réalité complexe peuvent à la réalité, car. elle ne considère les relations amener des conséquences non désirées. entre les acteurs que dans un sens. En réalité, les acteurs se trouvent imbriqués dans un Pourquoi l'instauration ensemble complexe de relations, dont la res- .r ponsabilité n'est pas toujours la partie la plus de relations de responsabilité importante. A travers diverses formes de coer- est si complexe cition, tantôt discrètes tantôt flagrantes, la Ce Rapport va au-delà des considérations capacité d'un certain nombre d'États à impo- sur ce que devrait faire le secteur public et ser des obligations à leurs citoyens s'est révélée met l'accent sur la manière dont il serait bien plus forte que la capacité des citoyens à possible de rendre l'action publique plus discipliner les responsables politiques et les efficace. Il faut que les agents en première décideurs (encadré 3.2). Dans bien des cas, on ligne aient des objectifs clairs, qu'ils dispo- peut même dire que les citoyens se trouvent, sent de ressources adéquates, qu'ils aient les vis-à-vis de l'État et de ses représentants, en capacités techniques et la motivation néces- position de quémandeurs. saire pour créer des services appréciables. Les responsables politiques utilisent sou- Cela ne peut être mandaté. C'est le résultat vent leur contrôle sur les services publics d'interactions entre des acteurs solides dans comme instrument pour faire du clientélisnme chacun des principaux rôles de prestation Le cadre de la prestation de services 61 de services. L'idéal est d'avoir un État fort et pouvant présenter diverses sortes de non pas faible, des organisations presta- carences. taires ayant une vision claire et une mission . Troisièmement, d'autres objectifs collec- bien définie, et non des organisations inco- tifs impliquent une action publique. hérentes dans leur composition et simple- Ainsi, par exemple, le rôle de la scolarisa- ment orientées vers le processus, des presta- tion dans la socialisation des jeunes est taires en première ligne qui fassent preuve une importante préoccupation de l'État d'autonomie et d'initiative, plutôt que des et de la société, qui ne désirent pas forcé- automates à contrôler étroitement, et des ment que les parents choisissent d'eux- citoyens affranchis qui demandent des ser- mêmes. vices plutôt que des « récipiendaires » pas- sifs sur lesquels on agit. Le problème du contrôle Des acteurs solides et capables doivent être Les services produits localement - éduca- intégrés dans de solides relations de respon- tion de base, soins médicaux, distribution sabilité. Il est cependant difficile d'instaurer d'eau urbaine et assainissement - compor- de telles relations pour ces services. Pour tent trois caractéristiques qui rendent parti- quelles raisons ? culièrement difficile la tâche de structurer les relations de responsabilité. Ils sont dis- * Certains objectifs étant collectifs et crétionnaires et intensifs en transactions. Ils d'autres privés, un système ayant créé un consistent en tâches multiples et compor- pouvoir du consommateur uniquement tent divers principaux. Enfin, l'attribution à travers le choix (par exemple) ne per- des résultats à tel ou tel facteur est difficile. mettra d'atteindre que les objectifs indi- viduels, et non les nombreux objectifs Des services discrétionnaires et intensifs en publics. transactions. Les services sont intensifs en . Les objectifs de la production et de la transactions, et les transactions impliquent coproduction publiques étant multiples une certaine marge de liberté. Les ensei- et complexes, il est difficile de créer une gnants doivent en permanence prendre des applicabilité fondée sur les résultats pour décisions relatives au rythme et à la struc- les prestataires. ture de l'activité de la classe. Les idées essen- tielles ont-elles bien été comprises ? Un Intérêts individuels autre exemple permettra-t-il aux élèves de et objectifs collectifs mieux cerner l'idée, ou va-t-il les lasser ? Un Un marché concurrentiel crée automati- médecin doit prendre des décisions relatives quement une responsabilité des vendeurs au diagnostic et au traitement en fonction devant les acheteurs. L'information clé est la du cas particulier de chaque patient. Ces satisfaction du consommateur, et la princi- exemples different de ceux des autres activi- pale applicabilité est le choix que fait le tés du secteur public qui sont discrétion- client de son fournisseur. Les marchés naires mais pas intensives en transactions, concurrentiels se sont révélés être un arran- comme la détermination de la politique gement institutionnel remarquablement monétaire ou la régulation d'un monopole, solide pour la satisfaction des intérêts indi- et de ceux des services qui sont intensifs en viduels. Cependant, pour les services, ils ne transactions sans avoir un caractère discré- suffisent pas - et ce, pour trois raisons. tionnaire, comme la gestion des dépôts bancaires ou le contrôle de la circulation. * Premièrement, le marché n'apporte de Parfois, les services sont intensifs en solution que pour ceux qui disposent transactions et discrétionnaires, mais cer- d'un pouvoir d'achat. Il ne fait rien pour taines étapes de leur prestation le sont assurer un accès universel ni une distri- moins (tableau 3.2). Même dans le secteur bution équitable, or ce sont souvent là les de la santé, on trouve divers cas de figures. objectifs collectifs d'une société. En ce qui concerne les vaccinations, l'action * Deuxièmement, la somme des intérêts appropriée est pratiquement la même pour individuels ne produit pas nécessaire- chaque individu d'une même tranche d'âge ment le meilleur résultat, les marchés (facile à déterminer). Les problèmes d'ap- 62 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Tableau 3.2 Exemples de services discrétionnaires et intensifs en transactions promettre les efforts de prévention des mala- Secteur Discrétionnaire, pas Discrétionnaire et Intensif en transactions, dies infectieuses et autres activités relatives à intensif en transactions intensif en transactions non discrétionnaire la santé publique qui ne sont pas entraînées Banque de dépôts Fixation des taux de Acceptation des prêts Gestion des dépôts par la demande. 164 rémunération des dépôts aux petites entreprises Le personnel des centres de soins est censé Protection sociale Fixation des critères Affectation des cas par Délivrance des chèques dispenser des soins préventifs et curatifs à ses d'éligibilité les professionnels de aux candidats éligibles visiteurs, ainsi qu'une éducation à la santé, terrain accompagnée d'autres mesures préventives, à Police Législation définissant le Gestion des situations Direction de tous (que les gens viennent d'eux-mêmes ou comportement criminel conflictuelles au cas la circulationn paracas non). Il est aussi censé tenir des statistiques, Éducation Définition des Enseignement Fourniture des repas assister à des sessions de formation et à des programmes scolaires à une classe scolaires conférences et inspecter l'eau et la nourriture. Santé Campagnes publiques Soins curatifs Vaccinations La police est confrontée à toutes sortes d'indi- d'information vidus, depuis les enfants perdus jusqu'aux cri- Irrigation Localisation des Allocation des flux Fourniture de colonnes minels dangereux. Une telle diversité compro- principaux canaux de distribution d'eau d'alimentation "i dans tous les villages » met la précsion des incitatons (encadré 3.3). Banques centrales Politique monétaire Réglementation Chambre de Pouvoir les résultats aux actes bancaire compensation imputer Développement Recherche des priorités Communication avec Le troisième problème que pose le contrôle de l'agriculture les agriculteurs de la prestation de services est le fait qu'il soit souvent très difficile d'imputer les résultats plication, s'ils sont considérables, sont aux actes des prestataires de services, en rai- essentiellement d'ordre logistique. En ce qui son de l'importance des « coproducteurs ». concerne les services curatifs, en revanche, Comme cela a été souligné au chapitre 1, les prestataires doivent répondre aux c'est principalement au niveau des ménages doléances des individus et exercer la discré- et des collectivités que s'observent les résul- tion que représente le choix du traitement. tats en matière de santé et d'éducation. La Les services qui sont à la fois discrétion- santé des individus dépend de leurs décisions naires et intensifs en transactions posent en matière de nutrition (sous la contrainte des problèmes par rapport à chaque type de du revenu), de leur niveau d'activité profes- relation de responsabilité: en effet, il est dif- sionnelle, de leurs habitudes personnelles en ficile de savoir si le prestataire a bien agi ou matière d'hygiène (souvent conditionnées à non. Les contrôles administratifs et bureau- la disponibilité en eau) - et des facteurs rela- cratiques qui fonctionnent bien pour les tifs à la collectivité qui déterminent l'exposi- tâches logistiques ne font pas l'affaire lors- tion aux agents pathogènes. Même si les gens qu'il s'agit de contrôler les millions d'inter- recherchent un traitement lorsqu'ils sont actions quotidiennes entre les enseignants malades, l'efficacité du traitement dépendra et leurs élèves, entre les agents de police et en partie de la qualité du prestataire et de la les citoyens, entre les prestataires en pre- façon dont ils se conformeront aux thérapies mière ligne et leurs clients, entre les méde- prescrites. cins et leurs patients. Des règles rigides, des La difficulté de contrôler les services qui règles écrites, ne permettraient pas de dis- sont discrétionnaires et intensifs en transac- poser de la latitude suffisante. tions n'est pas propre au secteur public: elle est inhérente aux services. Les patients, de De multiples principaux, de multiples tâches. manière générale, savent comment ils se sen- Les fonctionnaires servent divers maîtres. Les tent. Les études relatives aux praticiens du fournisseurs d'eau et d'énergie subissent les privé en Inde montrent généralement que pressions de différents segments du marché, l'on privilégie des pratiques permettant une des producteurs pour acheter des types spéci- amélioration à court terme au niveau des fiques d'équipement, de ceux qui veulent des symptômes (ex. injections de stéroïdes) mais connexions plus étendues et de ceux qui veu- qui ne sont pas efficaces du point de vue lent un service plus fiable et avec moins de médical - et qui sont même parfois contre- discontinuité. La pression au jour le jour de la indiquées. 65 Les patients se sentent mieux, ce demande locale de soins médicaux peut com- qui incite les gens à revenir. Mais cela ne crée Le cadre de la prestation de services 63 E N C A D R É 3 .3 Créer les contlditionls de la rc.poéiiél,a'a,îi le cis e f la police Les policiers se voient déléguer des pouvoirs l'arbitraire (la discrétion), de réduire l'informa- visibilité. Ils ont ainsi chuté de manière significa- substantiels:lepouvoirdecoercition,etsi néces- tion sur la performance, de limiter les méca- tive. Cette approche a cependant ses revers, saire le pouvoir de recourir à la violence. Quels nismes d'application (internes et externes) et de lorsque les résultats espérés ne sont pas claire- objectifs doivent-ils poursuivre, et comment laisser à l'autorité publique le pouvoir de coerci- ment spécifiés. Des études du comportement de peuvent-ils être tenus responsables ? tion (avec souvent un budget trop réduit). Les la police à Londres et à Los Angeles ont montré pauvres se plaignent souvent des abus dont ils une nette amélioration pour les variables faisant * La « satisfaction du client » n'est pas ce qui sont victimes de la part de la police. Comme le l'objet d'un suivi et d'une quantification (taux de doit régir l'activité de la police, en effet, qui disait récemment un kenyan: « On ne pas avoir criminalité et plaintes). Cependant, d'autres est ce « client » ? Certainement pas les crimi- beaucoup d'argent sur soi ces jours-ci. Il y a trop mesures - activités collectives et taux de crimina- nels, et certainement pas les seules victimes. de policiers ». lité, surtout en ce qui concerne les homicides - Les objectifs sont variés: créer un environne- Il n'est pas facile de trouver des solutions.Avec indiquaient une aggravation. ment sain,arrêter les criminels, assurer le res- une « privatisation » des attributions de la police, Il n'existe donc pas une solution générale pect des droits et de la dignité de l'individu. on aurait toujours les mêmes problèmes : quelle "optimale". Il existe cependant des solutions à des * La police ne peut pas se contenter de suivre mesure des outputs permettrait de déterminer ce cas particuliers, qui se révèlent meilleures ou pires une liste d'instructions : son pouvoir doit être qui doit être payé à l'entreprise ? Les taux de crimi- selon qu'elles sont adaptées on non à la situation discrétionnaire. Si elle appliquait des nalité ? Ils échappent au contrôle de la police (et locale. Créer davantage de services fonctionnels consignes « à la lettre » et si elle sanctionnait cela inciterait à ne pas publier les chiffres réels). Les de police implique de créer divers canaux institu- toute infraction, un certain nombre d'activi- nombre d'arrestations ? On encouragerait alors les tionnels de responsabilité : au niveau de la poli- tés plus importantes seraient stoppées. arrestations injustifiées, destinées à remplir les tique (la police n'est pas un simple instrument * La police doit être assistée d'un grand quotas de production. Des enquêtes sur le senti- d'oppression), des accords (les décideurs peuvent nombre de coproducteurs. Sans la coopéra- ment de sécurité des citoyens ? On risquerait imposer des limites à l'action de la police), de la tion des citoyens qui respectent la loi, dénon- d'avoir une police qui, par excès de zèle, violerait gestion (des stratégies organisationnelles peuvent cent les violations et apportent une aide aux les droits des individus socialement désavantagés permettre d'inculquer le sens du devoir, la loyauté, investigations, le travail de la police serait pour satisfaire la minorité. Des sanctions contre lesensdelaretenue)etdupouvoirduconsomma- impossible. Par ailleurs, un certain nombre de l'abus d'autorité ? La police serait alors incitée à en teur (les citoyens disposant de mécanismes déterminants de la criminalité échappent au faire le minimum. influençant directement le comportement de la contrôle de la police, comme par exemple la L'expérience récente de plusieurs grandes police d'une presse libre notamment). villes, de New York en particulier, montre qu'il est tendance de l'économie, l'évolution sociale possible de mieux mesurer certains outputs ou la démographie. importants. Les taux de criminalité ont été mesu- Pour faire régner l'inefficacité, l'abus et la rés par quartier, comptabilisés à intervalles régu- Sources : Moore et autres (2002) ; The Economist corruption, la recette est simple: il suffit d'égarer liers en tant qu'outil de gestion et utilisés pour l'al- (2002); Burguess, Propper & Wilson (2002); Prender- les gens avec des objectifs vagues, de répandre location du temps de travail de la police et pour la gast (2001). pas de réelle relation de responsabilité, car le Ce Rapport vise à aider le secteur public simple fait d'être satisfait du service ne à assumer sa responsabilité en matière de constitue pas une information suffisante. santé et d'éducation. Le secteur public peut Un certain nombre de résultats, même s'acquitter de cette responsabilité en dispo- s'ils sont observables par le patient et par le sant un certain nombre d'arrangements médecin, ne peuvent faire l'objet d'un institutionnels pour la prestation des ser- « contrat », dans le sens où en cas de litige, vices, comme la production directe, la sous- on ne peut prouver devant un juge ou un traitance, les transferts vers la demande, etc. autre type de médiateur que telle clause a Avant de traiter ces aspects, il est utile été ou non respectée. d'illustrer les faiblesses des deux situations extrêmes, en se référant aux cinq types de Réussites et échecs carence des services évoqués au chapitre 1: du secteur public et du marché l'inaccessibilité, les dysfonctionnements, la mauvaise qualité technique, le manque de Lorsqu'il est question de l'action publique, réactivité par rapport à la clientèle et la on se réfere souvent à deux extrêmes pour les stagnation de la productivité. arrangements institutionnels relatifs aux ser- vices: la production publique traditionnelle, La production publique avec laquelle l'ensemble de l'action et des res- Deux des innovations majeures qu'aura sources publiques est organisé sous la forme apporté un long XXe siècle (1870-1989) d'un secteur public composé de fonction- sont les idées, qui se soutiennent récipro- naires, et la production du marché, avec quement, de l'État-nation, avec ses pouvoirs laquelle le rôle du secteur public est réduit au et ses responsabilités étendus, et du fonc- minimum (les conditions fondamentales du tionnariat. Ces deux idées ont produit marché y sont au moins assurées, notam- ensemble un consensus selon lequel les ment l'applicabilité des contrats). gouvernements ont des responsabilités à 64 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 assumer pour assurer le bien-être de leurs de cet enseignement, depuis la construction administrés, et selon lequel le moyen le plus des écoles jusqu'à la détermination des pro- efficace d'assumer ces responsabilités est la grammes et des livres de textes, en passant production directe de services, à l'aide d'un par la formation, le recrutement, l'affectation secteur public composé de fonctionnaires. et le contrôle des enseignants en tant que Les idéologies controversées du XXe siècle - fonctionnaires - triomphe sans partage, à tel le communisme, le capitalisme, la démocra- point que les gens ont oublié que cette idée a tie - paraissent faiblardes à côté de la force pu être un jour contestée (encadré 3.4). des deux idées jumelles de l'État-nation et Les administrations publiques sont véri- du secteur public. Ces idéologies auront été tablement une bénédiction des temps essentiellement des notions d'utilisation de actuels. Tous les pays dans lesquels le niveau l'État-nation et de sa bureaucratie. de vie est élevé ont des enseignants pour faire Pour citer un seul exemple, au milieu du la classe, des policiers pour faire la police, des XIXe siècle, l'école se trouvait presque exclusi- juges qui jugent, des travaux publics qui vement entre les mains d'un secteur privé fonctionnent, des armées qui répondent aux (religieux pour une grande part). Aujour- menaces extérieures. Certes, la bureaucratie d'hui, l'idée de la production directe d'ensei- peut avoir ses aspects frustrants, être lente, gnement scolaire par le secteur public - avec inefficace et résistante à l'innovation. Cepen- l'État-nation comme prestataire de services dant, la folie qui consisterait à « se débarras- dominant, intervenant dans tous les aspects ser de la bureaucratie » tournerait au cauche- mar. Aucun pays ne s'est développé sans que E N C A D R É 3 . 4 L' Ere dIu pr1Ogrfes » : la création l'État ne puisse s'appuyer sur une adminis- le Ifadiinistration piubliqiue mtioder-nJe tration publique efficace pour assumer les fonctions essentielles de l'État - même si ce Samuel Hays, dans son étude de l'évolution spécifiques (...) la croissance de systèmes n'est pas toujours à travers la production de la politique conservatrice des États-Unis d'action exécutive et de représentation à directe. Aussi, comment se fait-il que cer- au début du XXe siècle, évoque avec talent l'échelledelagrandeville,àl'écolecommeau t a p les tensions politiques et sociales qui ont gouvernement, supplantant l'importance tames adminstrations pubhques soient effi- accompagné le passage aux systèmes passée de la représentation et de l'action au caces et d'autres pas ? Et comment un pays modernes d'administration publique: niveau de la circonscription; un déplacement passe-t-il d'une mauvaise administration « La dynamique de la conservation, avec similaire de bas en haut dans le domaine de la tension entre les tendances centralisatrices la gestion des écoles et des routes, de publique à une bonne ? du système et de l'expertise d'une part, et les l'échelle de la ville à l'échelle du pays et de l'É- Le cadre analytique de la relation de res- tendances à la décentralisation d'autre part, tat. reflète typiquement toute une série de ten- L'étude de l'évolution des luttes poli- ponsabiité n'offre pas seulement un moyen sions similaires entre centralisation et décen- tiques de conservation conduit donc à s'inté- de diagnostiquer les symptômes de la mau- tralisation dans la société moderne. On peut resser de près à deux systèmes politiques évoquer brièvement les points d'attache concurrents.( ... ) D'une part l'esprit de la vaise performance (inefficacité, corruption, d'une continuité autour de laquelle ces forces science et de la technologie,du système et de mauvaise performance) et d'identifier les se sont disposées. D'une part, un certain l'organisation rationnelle, a provoqué un déemn tsi éias ecssypô s nombre des aspects de l'existence humaine déplacement continu de bas en haut du lieu déterminants immédiats de ces symptômes se sont trouvés liés à des activités à échelle de la décision, entrainant un rétrécissement (manque de ressources, manque de motiva- relativement réduite, organisées autour des de l'étendue des influences qui s'y ratta- tion, mauvaise formation, faibles capacités). Il habitudes quotidiennes du travail, de la mai- chaient et guidant ce processus de décision, son, de la religion, de l'école et des loisirs dans dans un contexte de considérations vastes et permet aussi d'analyser les causes institution- lesquelles s'est développé un schéma de rela- de nature cosmopolite, d'expertise tech- nelles profondes de la mauvaise performance. tions interpersonnelles au sein de zones geo- nique, et les objectifs des agents impliqués graphiques relativement réduites(-...) dans les plus vastes réseaux de la société En ce qui concerne la production du sec- D'autre part,cependant, les formes modernes moderne. Cependant, d'autre part, on avait teur public, c'est souvent le dernier lien, celui d'organisation sociale ont donné lieu à des tout un ensemble de forces politiques, sou- d ovi ucno mtu,qifi schémas d'interactions humaines plus larges, vent séparées et en conflit, diffuses et du pouvoir du consommateur, qui fait à des liens professionnels sur des zones éten- s'opposaient dans le contexte d'un ordre défaut, aussi une production publique, pour dues, à des systèmes organisés qui se sont politique étendu. Leurs activités politiques réussir, doit-elle s'appuyer sur le « chemin étendus pour former un vaste réseau, à des soutenlaient un système politique plus ouvert formes de compréhension impersonnelles ( ) dans lequel il n'était pas admis que des long » de la responsabilité. Qu'est-ce à dire ? àstatistiques),à l'importance du savoir-faire et faits complexes et ésotériques, maîtrisés par Le décideur doit veiller aux résultats, y com- àune gestion et un contrôle centralisés... un petit nombre seulement de personnes, Pour beaucoup de gens, les caractéristiques dominent le processus de décision,et la satis- pris pour les pauvres. Il faut que cette préoc- de ce processus -efficacité, savoir-faire, ordre faction des forces politiques de base restait cupation soit transmise de manière effective ont constitué l'esprit du « progresvse» un élément constamment viable de l'ordre Ces nouvelles formes d'organisaton ont eu ue aux organismes publics qui reçoivent des res- tendance à déplacer le lieu de la décisionsources publiques pour fournir les services. plus petits niveaux de l'existence vers les plus publics grands réseaux d'jnteractions humaines. On Les organismes publics doivent recourir à peut observer ce déplacement de bas en des prestataires techniquement qualifiés et haut dans un certain nombre de domaines Source:Hays (1959). qui soient motivés pour produire les ser- Le cadre de la prestation de services 65 vices. Lorsque tout cela se produit, comme désavantagés, il réserve ses rares services à c'est souvent le cas dans les pays développés, une élite, comprenant les membres favorisés la production de services publiques est fiable du gouvernement. Dans de telles circons- et effective. En fait, les organisations les plus tances, des stratégies alternatives de gestion admirées et les plus efficaces du monde sont du secteur public ne suffiront pas pour créer parfois des organismes publics. de meilleurs services. Lorsque le chemin long ne donne pas Les analystes et les militants font souvent satisfaction, notre cadre permet de com- valoir que les ressources dévolues aux ser- prendre les insuffisances en déterminant vices ne sont pas adéquates. Cependant, ces laquelle des relations de responsabilité a allocations budgétaires sont le résultat de constitué le maillon faible - et dans une décisions politiques: des décisions concer- même relation de responsabilité, dans quel nant le niveau de taxation et la mobilisation domaine il y a eu une insuffisance. des ressources, l'allocation des budgets pour les diverses activités, la conception des pro- . Il peut y avoir des insuffisances dans le grammes déterminant qui seront les bénéfi- domaine de l'expression politique, lorsque ciaires, l'allocation des dépenses entre les l'État (contrôlé par les responsables poli- inputs (quel montant pour les salaires, etc.). tiques et les décideurs) ne se préoccupe Lorsque les ressources sont inadéquates, tout simplement pas de la prestation de lorsqu'elles ne sont pas consacrées de façon services - ou le fait d'une manière stricte- efficace à la prestation de services au bénéfice ment vénale ou clientéliste. Le signe le des pauvres, c'est souvent parce que ceux-ci plus clair est le fait qu'un budget trop ne parviennent pas à se faire entendre. réduit soit consacré aux services à l'at- Il n'est pas non plus produit une quan- tention des pauvres, ou le fait que l'allo- tité d'information qui permettrait aux cation de ce budget soit motivée par des citoyens de juger de l'efficacité de la presta- intérêts politiques. tion de services de l'État. L'information • Il peut y avoir des insuffisances dans les étant un pouvoir, elle est souvent jalouse- accords, lorsque l'État n'assigne pas à l'or- ment gardée - ou elle n'est meme pas pro- ganisation publique des responsabilités duite du tout. Les responsables politiques claires par rapport aux outputs ou aux produisent rarement de l'information sur objectifs et lorsqu'il manque de veiller à les outputs et les résultats. Les individus l'exercice des responsabilités. Les insuffi- connaissent la qualité des services auxquels sances relatives aux accords sont aussi en ils ont accès, mais il leur est difficile de tra- rapport avec les insuffisances de la gestion, duire cette connaissance en termes de pou- lorsque l'organisation du secteur public ne voir. En fait, les responsables politiques motive pas ses agents en première ligne. peuvent se servir de la prestation sélective des services comme d'un instrument pour Tout cela s'intègre dans un système dans faire du clientélisme, pour « acheter », un lequel il n'y a plus de boucle de rétroaction, soutien politique - ou pire, pour que l'État du niveau de satisfaction du client aux pres- contrôle mieux les citoyens tout en rédui- tataires en première ligne et aux organisa- sant leur pouvoir (encadré 3.5). tions prestataires. Les accords. Les insuffisances et échecs de la L'expression politique. Une raison fréquente relation complexe des accords sont variés. des carences de la production publique de Dans les États en faillite (comme ceux que la services est l'apathie de l'État. L'État attache Banque mondiale appelle les pays à revenu parfois de l'importance à certains services faible en détresse), il n'y a pas d'accords, car le pour des raisons idéologiques. Cependant, contrôle de l'État est très superficiel. C'est ce lorsque l'expression politique est réduite (ou que l'on observe lorsqu'un pays se trouve pris divisée ou conflictuelle), et lorsque l'État dans une longue guerre civile (Afghanistan, n'est pas soumis à la contrainte de satisfaire Salvador, Somalie, Soudan) ou lorsqu'une ses citoyens, les possibilités d'échec sont grande partie du pays échappe au contrôle du nombreuses. L'État n'assure rien ou très peu gouvernement (République démocratique pour ses citoyens pauvres et socialement du Congo). 66 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 dans lesquels la relation de l'accord est rela- E N C A D) R É 3 . 5 La r eclerchLe des services ei Egpte tivement facile, les objectifs étant des chiffres et la prestation de services étant un Une étude anthropologique de l'aggloméra- des pots-de-vin aux hauts fonctionnaires. Il y a problème de logistique. Les États forts, tion urbaine du Caire, qui détaille les « Ave- aussi des relations de favoritisme explicites: m nues de la participation » - la manière dont même ceux qui ont une politique répres- les habitants se sont adaptés aux demandes Dans une relation particulière,j'ai pu constater sive, offrent des exemples de réussite en de l'État et ont recherché ses faveurs - a deprèsquelesliensentrele«patron»etcelui révélé un schéma qui est commun à un cer- qui était censé être le « client » étaient très matière de prestation de services. Dans des tain nombre de pays. Premièrement, il existe étroits et réciproques. La « cliente » se voyait États socialistes comme la Chine, on a pu un vaste écart entre les réalités formelles et offrir par le responsable politique des prêts, informelles. Comme l'expliquait le patron des aliments et des vêtements en cadeau observer de grandes réussites dans les sec- d'une fabrique familiale de chaussures: pour sa famille, des appartements subven- teurs sociaux. Toutefois, aller au-delà de Nous sommes coincés au milieu de deux tionnés sur fonds publics, des emplois pour systèmestotalementséparésquine communi- elle et pour les membres de sa famille, une l'impressionnante réussite logistique et quent pas entre eux. L'un est le système légal aide pour résoudre les problèmes administra- améliorer la qualité s'est révélé bien plus [formel]. L'autre est ce que nous appelons le tifs, et une grande quantité d'informa- difficile. Même des États faibles peuvent système traditionnel, qui a bien plus d'impor- tions.(. ). 1 Au moment des élections, le client tance que la loi. C'est de cela que nous dépen- renvoyait l'ascenseur en organisant la cam- lancer et mener à bien des programmes ver- dons véritablement (p. 205). pagne électorale et en rassemblant les sou- ticaux de prestation logistique - la générali- Cet écart implique que les individus qui tiens politiques locaux du district. s'adressent à l'État doivent utiliser les liaisons sation de la vaccination des enfants dans informelles, faire jouer leurs relations et verser Source:Singerman (1995). des situations très perturbées en est un exemple classique. Cependant, passer de Même dans les États qui n'ont pas ce genre services produits selon une logique de de problème, la relation d'accord entre l'État « campagne » à des services plus discrétion- et les organismes publics prestataires de ser- naires et pour lesquels la qualité est plus vices est souvent extrêmement réduite. Sou- déterminante se révèle bien plus difficile. vent, la délégation et la spécification des objectifs sont vagues ou inexistantes, et les La gestion. Les insuffisances de la gestion responsabilités relatives aux outputs et aux sont aussi une chose fréquente dans la pro- résultats sont rarement claires. L'allocation duction publique des services. Les agents en des budgets et la manière dont les organismes première ligne sont rarement incités (de publics sont pourvus en personnel sont manière explicite ou implicite) à réussir la déterminées sans aucune relation directe avec prestation de leurs services. Il n'existe ni sti- les performances passées et sans objectifs clai- pulations relatives à la qualité ou à la quan- rement spécifiés. Cela signifie que par rap- tité, ni mesure de l'efficacité ou de la pro- port aux objectifs théoriques et irréalistes ductivité des services, et les récompenses, annoncés, les prestataires reçoivent souvent comme les sanctions, sont rares. L'organisa- un financement insuffisant. tion prestataire ne contrôle que les inputs et Faute d'une claire délégation des respon- le respect des processus et des procédures. sabilités et d'objectifs bien définis, il n'est pas Même dans ces conditions, certains États possible de produire l'information pertinente ont réussi à assurer des services, mais ces en matière de performance pour la gestion ou services restent limités, de mauvaise qualité, l'évaluation de l'organisme prestataire. Faute et leur coût est élevé. d'une information claire sur les objectifs Les problèmes sont profonds. Lorsque des organisationnels et sur le progrès réalisé, il solutions rapides semblent trop bonnes pour devient impossible de créer l'applicabiité. être vraies, elles le sont probablement. Une Cette situation décourage aussi l'innovation réponse possible à la corruption, à l'absen- et la réactivité. En matière de prestation de téisme et à la contre-performance des presta- services, il peut y avoir de nombreux taires est de rendre les contrôles plus stricts. exemples isolés de réussite et des exemples Cependant, si les objectifs ne sont pas bien frappants de fonctionnaires qui réussissent clairs et s'il est difficile de contrôler les com- même contre toute probabilité. Cependant, portements, il est difficile d'évaluer la perfor- rien, dans le système, n'incite à la généralisa- mance à partir de mesures réelles et perti- tion des innovations qui réussissent. nentes des outputs. Il ne s'agit pas de nier les considérables Ce qui permet alors de créer la « responsa- avantages que la prestation publique des bilité », ce sont plutôt des règles strictes, services a apportés. Cependant, ces avan- conçues pour empêcher les abus, et des tages se sont souvent limités aux domaines efforts pour contrôler la conformation à des Le cadre de la prestation de services 67 indicateurs mesurés de manière abrupte (l'as- que les administrations qui connaissent des siduité) ou pour réduire l'activité à des listes dysfonctionnements dégénèrent et devien- d'instructions à suivre de façon stricte. Une nent complètement corrompues, les éche- telle approche peut réussir lorsqu'il s'agit de lons inférieurs achetant de bonnes notations tâches véritablement logistiques, mais elle aux échelons supérieurs. peut aussi être contre-productive. En restrei- gnant l'autonomie des prestataires en pre- Le marché mière ligne, elle peut engendrer une frustra- Le « marché >, en tant qu'ensemble idéalisé tion chez les agents qui sont motivés de relations de responsabilité, repose de d'eux-mêmes, et aboutir à les écarter du cir- manière plus ou moins exclusive sur le pou- cuit et à compromettre le développement des voir du consommateur - et seulement sur la prestataires sérieux. partie de ce pouvoir qui est fondée sur le L'objectif est d'avoir des prestataires plus choix et qui est soutenue par le pouvoir capables, plus autonomes et avec plus de d'achat. Le pouvoir du consommateur marge discrétionnaire pour assurer des ser- constitue la principale relation de responsa- vices de qualité. Cependant, davantage d'au- bilité. Le marché comporte divers points tonomie implique davantage de responsabi- forts en matière de fourniture de services - lité fondée sur la performance. C'est mais aussi un certain nombre de points intrinsèquement difficile à réaliser, en raison faibles. Un des points forts est le fait que les des objectifs multiples (souvent non obser- consommateurs achèteront là où ils escomp- vables) de l'action publique, des exigences de teront obtenir la plus grande satisfaction: contrôle des services discrétionnaires et aussi les organisations prestataires seront- intensifs en transactions et de la difficulté elles incitées à être réactives à la clientèle. Un que représente l'imputation des outputs ou autre point fort est que ces organisations des résultats aux actions de prestataires. étant autonomes, elles peuvent gérer leurs Prenons l'exemple de l'enseignement sco- prestataires en première ligne à leur guise. laire (chapitre 7): un bon enseignement Un autre encore est le fait que compte tenu constitue une entreprise complexe. Il n'est de la diversité des organisations prestataires pas possible d'évaluer de façon stricte la qua- de services, chacune peut faire preuve d'une lité d'un enseignant à partir des notes qu'ob- certaine flexibilité par rapport à l'innovation tiennent ses élèves à un examen normalisé. et chacune est incitée à adopter les innova- Pourquoi non ? Parce que l'enseignement tions qui réussissent (sous peine de perdre scolaire répond à un certain nombre d'autres des ressources). Les marchés produisent de objectifs. Il est difficile d'en isoler la valeur l'innovation et la généralisent selon un pro- ajoutée. Par ailleurs, se contenter de payer et cessus fait d'essais et de tâtonnements, ainsi de promouvoir de la même manière tous les que de généralisation et d'imitation - pour enseignants ne favorise pas un bon enseigne- l'innovation en matière d'organisation ment: cela risque même de décourager les comme pour l'innovation en matière de pro- enseignants les plus motivés. duction. Peut-être pourrait-on faire évaluer sub- Cependant, du point de vue des services jectivement le bon enseignement par un tels qu'ils sont abordés dans ce Rapport, le autre éducateur formé, par un principal ou marché présente trois faiblesses. un chef d'établissement. Mais on créerait ainsi la tentation du favoritisme, ou pire, * Il répond exclusivement au pouvoir du d'un échange des bonnes évaluations contre consommateur, il n'existe donc pas de des sommes d'argent. Aussi convient-il de pressions en faveur de l'équité (encore limiter l'autonomie des chefs d'établissement moins en faveur de l'égalité) dans l'alloca- en les responsabilisant, de les motiver à tion des services (il n'est cependant pas récompenser les bons enseignants. Pour les évident que l'on observe davantage de chefs d'établissement, il faut une norme pressions en faveur de l'équité dans les sys- d'évaluation. Cependant, tous les problèmes tèmes politiques dans lesquels les citoyens d'évaluation de la qualité de l'enseignement manquent de pouvoir). s'appliquent aussi à l'évaluation de la qualité * En général, le marché ne satisfera pas aux des chefs d'établissement. En fait, c'est ainsi objectifs collectifs (cumulant simple- 68 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 ment les objectifs individuels). Ainsi, par financement plus important du côté de la exemple, si l'utilisation par une personne demande (et moins de production publique), d'un système d'assainissement adéquat a davantage de recours aux programmes verti- un impact sur les voisins, les individus caux pour des maladies spécifiques, et grâce à risquent de ne pas investir suffisamment un contrôle des centres de santé par les col- dans l'assainissement. lectivités locales. D'autres privilégient des Le marché ne peut être efficace dans la solutions intersectorielles: développement régulation des prestataires par le pouvoir piloté par la collectivité, budgétisation parti- des consommateurs que si ceux-ci dispo- cipative, pouvoir des autorités locales, « nou- sent de l'information pertinente concer- velle gestion des affaires publiques » ou nant la performance des prestataires. réforme de la fonction publique. Dans le cas des soins curatifs ambula- Toutes ces propositions visent à permettre toires, il est facile aux clients de savoir l'amélioration des services en changeant les quel a été leur temps d'attente et de relations de responsabilité. Il est généralement savoir comment ils ont été traités. admis que si les échecs peuvent avoir un cer- Cependant, il leur est très difficile de tain nombre de causes immédiates, les causes savoir si le traitement médical qu'ils ont profondes sont à rechercher dans l'inadéqua- reçu était efficace et approprié à leur état. tion des arrangements institutionnels. Lorsque les agents en première ligne (fonc- Des principes aux instruments tionnaires) des organisations existantes de production publique des services sont fré- Dans ce Rapport, le cadre des acteurs et de quemment absents, lorsqu'ils ont peu de leurs relations de responsabilité et de pouvoir considération pour ceux des clients qui sont sert à comprendre les raisons des réussites et pauvres, ou lorsqu'ils n'ont pas la connais- des échecs de la production centralisée de ser- sance technique nécessaire pour assurer une vices publics - et à évaluer les réformes et les bonne prestation de services, c'est cette capa- nouveaux arrangements institutionnels pro- cité organisationnelle inadéquate qui est la posés pour la prestation des services. Etant cause immédiate de la mauvaise qualité des donné les insuffisances et les limites du services. Trop souvent, ceux qui recherchent modèle traditionnel de la prestation des ser- un progrès se sont trop focalisés sur l'organi- vices - le chemin long - il sera inévitable de sation interne des réformes - sur la gestion des compter davantage sur une influence plus agents en première ligne. Si les problèmes directe de la clientèle - le chemin court. Dans organisationnels sont le résultat d'insuffi- certains cas extrêmes, dans lesquels le chemin sances plus profondes au niveau des arrange- long échoue soudainement, comme aux len- ments institutionnels (faible implication poli- demains de l'écroulement de l'Union Sovié- tique, objectifs pas clairs, absence tique, c'est, par défaut, sur le chemin court d'applicabilité), s'attaquer directement aux que l'on est amené à compter (encadré 3.6). déterminants immédiats (plus d'argent, une Toutefois, on peut vouloir délibérément meilleure formation, davantage d'informa- compter davantage sur le chemin court, et de tion interne) est une méthode vouée à l'échec. cette situation procède une vaste diversité de Différents systèmes peuvent permettre de réformes, qui peuvent chacune faire l'objet réussir. Ainsi, par exemple, les arrangements d'une justification consistante. institutionnels concernant la finance d'entre- En ce qui concerne l'éducation, les gens prise sont très différents selon les pays. Pour pensent que l'école s'améliorera grâce à le dire crûment, au Japon ce sont les entre- davantage de choix au moyen de bons, grâce prises qui possèdent les banques, en Alle- à un plus grand contrôle de la part de la col- magne c'est le contraire, et aux États-Unis les lectivité, grâce à davantage d'autonomie pour banques et les entreprises sont séparées. les établissements, grâce à davantage d'infor- Pourtant, ces trois pays connaissent de très mation sur les budgets et leur affectation et hauts niveaux de revenu - il n'est donc pas grâce à des contrôles plus intenses et une res- possible que l'un de ces arrangements institu- ponsabilisation au niveau de l'établissement. tionnels soit incompatible avec le développe- En matière de santé, certains pensent que les ment économique. En même temps, des pays soins seront de meilleure qualité grâce à un dans lesquels les systèmes financiers sont très Le cadre de la prestation de services 69 E N C A D R É 3 . 6 Les soits mi c 1aux 'en As, cen traie (t nu Caititse: chs' n lbe ni et dlieull) tcou art Les bouleversements qui ont accompagné publicdusecteur.Parailleurs,commepresquetout publics à un prestataire privé reconnu - la crois- l'écroulement de l'Union Soviétique ont eu de était produit jusqu'alors par l'État, on ne disposait sance du secteur privé a simplement été le fait graves répercussions dans le secteur de la santé, pas d'une expérience de définition des priorités en d'un marché (le chemin court) prenant le relais pour les États qui lui ont succédé. Au temps du fonction du degré de responsabilité publique que d'un État devenu incapable d'assurer les services. régime soviétique, le système de santé était chaque activité garantissait, aussi, même les bud- De même, l'offre excédentaire de lits d'hôpital géré, pratiquement dans son intégralité, par le gets concernant les biens publics les plus priori- a baissé en moyenne de 40 % depuis son niveau gouvernement central. Ce système avait ses pro- taires n'étaient pas protégés. La résurgence de cer- de 1990. Là encore, la question reste ouverte, de blèmes. Son financement se faisait de manière taines maladies qu'il était possible de prévenir par savoir si c'est là le résultat d'une politique volon- rigide,enfonctiondesinputsetnondesoutputs. les vaccins et l'essor de certaines maladies infec- taire (une chute de 55 % en Ouzbékistan - la Il était très orienté vers l'hôpital et les soins spé- tieuses (en particulier le sida et la tuberculose) en presque totalité entre les mains du secteur public) cialisés. Il reposait sur des procédures coûteuses attestent. Le facteur « accord » du chemin long ou d'une simple nécessité, à cause de l'austérité et et les séjours en hôpital étaient plus longs, com- n'était plus là. Pour l'autre facteur,celui de l'expres- des fermetures qui ont suivi la privatisation (même parativement aux autres pays industrialisés.Tout sion politique, les structures politiques restaient à chute de 55 % en Géorgie). cela était inefficace. Et le système n'était pas du développer (et dans certains cas, cela n'a pas Dans les pays de la Communauté des États tout orienté vers la clientèle. Cependant, cela changé),cequi laissait un vide. indépendants, les réformes en cours concernent fonctionnait. Les services étaient gratuits pour Tous les pays de la Communauté des États généralement des mécanismes centrés sur le tous, et c'est plus particulièrement dans les répu- indépendants s'efforcent actuellement de rempla- client comme l'assurance (un bon conditionnel) et bliques pauvres en ressources, souvent en Asie cer l'ancien système, et souffrent à la fois des les systèmes de capitation, ces mécanismes per- centrale, que ce système permettait que les baissesderevenuetd'undegréd'intensitéenhos- mettant que les versements suivent les patients. niveaux de santé publique - en termes de taux pitalisation (et en personnel) non viable, hérité de Toutefois, le progrès est lent. Il faut du temps aux de mortalité et d'espérance de vie - soient bien l'ancien régime. institutions pour se développer, et les systèmes de meilleurs qu'ailleurs, pour des niveaux de revenu Le rythme et la motivation des stratégies de collecte de l'information nécessaires à l'obtention comparables. réforme ont été très variables selon les pays de la de bons résultats, dans le domaine des pro- Le système tenait la route parce que le « che- Communauté des États indépendants.Dans la plu- grammes d'assurance,font toujours défaut. min long » fonctionnait suffisamment bien. Un partdescas,onaassistéàunecroissancemarquée Pour les pays de la Communauté des États engagement vers la couverture universelle des du secteur privé et de la tarification - aussi bien indépendants, le point de départ n'est pas le soins et autres services, inspiré des principes du informelle qu'institutionnalisée (surtout en Géor- meme que pour les pays en développement en socialisme, remplaçait la libre « expression poli- gie et en République Kirghize) dans les établisse- général :trop d'infrastructure et de ressources plu- tique»descitoyens.L'applicationdes "accords",ou ments publics. De ces deux tendances, il résulte tôt que pas assez.Cependant,dans bien des cas, plus spécifiquement de la gestion directe,sefaisait que le financement privé est devenu une partie les solutions seront similaires. Il est probable que par le contrôle substantiel que l'État exerçait sur importante du marché de la santé - atteignant en lon comptera bren davantage sur le «chemin les prestataires qu'il employait.Ce système pouvait moyenne 40 % mais allant de moins de 20 % en court » de la responsabilité, le gouvernement bénéficier d'un certain appui par le « chemin Ouzbékistanàplusde9o%enGéorgie. Lefaitque contrslant et faisant appliquer les règles du jeu court»,enraisonducontrôleexercépariesleaders l'Ouzbékistan ait conservé un secteur public sans chercher à savoir qui deviendra, en fin de locaux du Parti, mais cet aspect était clairement important est le reflet d'une économie plus solide, compte, le prestataire direct. secondaire compte tenu de la forte capacité de Le fait de disposer de ressources naturelles à gestion hiérarchique de l'État. vendre a permis de limiter la chute du revenu à Puis l'accord s'est délité. La responsabilité 5 % entre 1990 et 2000, ce qui contraste avec des devant les décideurs ne pouvait plus s'appliquer: il baisses plus typiques de 30 % en Arménie,de 45 % Source : Maria E. Bonilla-Chacin, Edmundo Murru- n'y avait plus de financement ni de contrôle de la en Azerbaidjan, ou dans les cas les plus extrêmes garra et Moukim Temourov, « Health Care During part du centre. Dans chaque république, des de 65% en Moldavie et de 70% en Géorgie. Transition and Health Systems Reform: Evidence chutes considérables du revenu ont entraîné des Même en l'absence d'une politique délibérée from the Poorest CIS Countries », Lucerne, Con- chutes non moins considérables du financement de privatisation - la vente des établissements férence de l'initiative des 7 de la CEIjanvier 2003. similaires à l'un de ces trois exemples n'ont leur imposer des autorités locales, qui ont pas su se développer. L'important est-il de peu varié d'une tribu à une autre. Les proposer des solutions variées ? Non. Ce qu'il constitutions imposées étaient raisonnable- faut, c'est que les solutions soient conformes ment bien adaptées aux normes sociales et à certains principes, mais ces principes doi- culturelles des Apaches, ce qui a permis une vent étre appliqués de manière appropriée à correspondance raisonnable entre les struc- l'époque, au lieu et au service. tures de pouvoir formelles et informelles. Les indiens d'Amérique, en tant que Au contraire, chez les Sioux, la constitution groupe humain, constituent la minorité la formelle était en contradiction avec leurs plus pauvre de tout le continent. Certaines normies, ce qui a provoqué une discorde tribus, comme les Sioux de Piine Ridge prolongée entre les modes formel et infor- Oglala, connaissent de graves difficultés me) d'exercice du pouvoir et empêché économiques (en 1989, leur taux de chô- l'émergence d'institutions efficaces."'6 mage atteignait 61%/). D'autres, cependant, Un certain nombre d'intellectuels africains comme les Apaches de White Mountain, affirment que c'est dans l'héritage du colonia- connaissent une situation qui, tout en étant lisme que se trouvent les racines des pro- mauvaise, est tout de même bien meilleure blèmes actuels de l'Afrique. Les frontières de (1 1 % de chômeurs). Une des mesures pour l'État-nation sont calquées sur le pouvoir tenter de les garder sous contrôle a été, de la colonial plutôt que sur les réalités africaines. part du gouvernement fédéral américain, de La controverse sur la manière d'adapter ou de 70 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 transformer les institutions transplantées retrouver dans un système d'incrémenta- continue aujourd'hui d'alimenter les débats. tion incrémentale. Voici comment Mamdani commence son étude, Citizen and Subject: Des coalitions en faveur des pauvres Dans la plupart des cas, rendre les services Les débats concernant la difficile situation efficaces pour les pauvres signifie rendre les qui est celle de l'Afrique aujourd'hui tour- e fficaces pour tou t le monde les nent autour de deux tendances claires la services efficaces pour tout le monde - tout tendance moderniste et la tendance commu- en veillant à ce que les pauvres y aient accès. nautaire. Pour les modernistes, le problème Ce qu'il faut, c'est une coalition qui com- est que la société civile est une construction prenne les pauvres et une représentation embryonnaire et marginale. Pour les com- significative des non-pauvres. Il est peu pro- munautaristes, le problème est que les com- munautés réelles, de chair et de sang, dont bable qe des progrès soient réalisés sans l'Afrique est constituée, se trouvent mises en une certaine adhésion des classes moyennes marge de la vie publique, comme autant de aux réformes proposées. Selon les termes de « tribus ». La solution libérale consiste à Wilbur Cohen, Secrétaire américain à la localiser la politique dans la société civile, et santé, à l'éducation et au bien-être sous le la solution africaniste consiste à placer les Président Lyndon Johnson dans les années antiques communautés au centre des affaires soixante, «les programmes pour les pauvres politiques de l'Afrique. L'un des deux camps 1so réclame un régime qui donnera la priorité ne sont pas des programmes ». aux droits, l'autre prend la défense de la cul- De Soto, dans son étude sur les droits à la ture. L'impasse, en Afrique, n'est pas seule- propriété immobilière dans les zones ment au niveau de la politique pratiq ue. urbaines, souligne que non seulement les C'est aussi la paralysie de la perspective,' pauvres sont exclus des avantages de posséder Réformer les institutions un titre sûr, mais que c'est aussi le cas de pra- tiquement toute la classe moyenne. Son étude afin d'améliorer les services de l'évolution historique des droits de la pro- pour les pauvres sera difficile priété aux États-Unis laisse fortement penser Parce que les réformes institutionnelles chan- que la réponse à la pression politique popu- gent les relations de pouvoir entre les acteurs, laire - non pas le schéma technocratique de ce sont des réformes politiques. Cependant, haut en bas - est la clé d'un système de droits la politique, en général, ne favorise pas les de propriété à large base.'69 Les pauvres se réformes qui améliorent les services pour les retrouvant exclus d'un certain nombre de pauvres. De telles réformes impliquent que services, comme l'instruction primaire ou l'on bouscule les intérêts en présence, qui ont l'eau potable, des améliorations du système pour eux l'avantage de l'inertie, de l'histoire, ont des chances de leur être particulièrement des capacités organisationnelles et de la profitables. connaissance exacte de ce qui est en jeu. Les Cependant, les larges coalitions ne suffi- responsables politiques et les décideurs sont sent pas toujours, car certains services doi- généralement plus organisés, plus informés et vent être adaptés aux groupes défavorisés ou plus influents que les citoyens, que les désavantagés (comme dans les situations citoyens pauvres surtout. Cependant, les d'exclusion d'une ethnie ou des femmes). Un réformes sont possibles, même en allant à obstacle commun à l'accès aux services est le l'encontre de ces facteurs. fait que les personnes socialement désavanta- * Les coalitions en faveur de meilleurs ser- gées soient exclues soit pour des raisons de vices pour les pauvres augmentent les politique, soit parce qu'elles se sentent exclues chances de succès. à cause de la manière dont les prestataires les * Les agents du changement et les meneurs traitent, soit à cause des agissements de de réformes peuvent dessiner l'avenir et groupes sociaux plus puissants à l'intérieur agir progressivement. même de la collectivité. Une politique de ser- * Lorsque les perspectives de succès d'une vices à l'attention des groupes désavantagés réforme institutionnelle ne sont pas est une chose encore plus difficile, car des encourageantes, il se peut que l'incré- coalitions uniquement constituées de ceux mentation stratégique soit la seule possi- qui n'ont pas de pouvoir sont souvent sans bilité. Cependant, on risque alors de se pouvoir Le cadre de la prestation de services 71 Les agents du changement - pement). Par ailleurs, elles se généralisent len- les champions des réformes tement entre les pays. Aux États-Unis, le suf- La forme que prennent les réformes dépend frage universel pour les hommes blancs n'a des champions des réformes, ceux qui entre- pas existé avant 1870, le droit de vote pour les prennent les réformes du secteur public. Leur femmes n'est venu qu'en 1925, et le véritable origine varie. Les hommes politiques peuvent suffrage universel n'est (enfin) arrivé qu'en souvent procéder à des améliorations des ser- 1965. La Suisse n'a donné le droit de vote aux vices, même lorsque la situation n'est pas femmes qu'en 1971. Le style d'assurance propice. Il leur faut agir de manière à créer et maladie canadien du « payeur unique », dont à entretenir les pressions pour la réforme. Les on a beaucoup parlé, n'a émergé que dans les associations professionnelles sont souvent à années soixante-dix. En général, lorsqu'une la fois la source de pression et la résistance réforme change le paysage institutionnel, elle aux principales innovations. Insatisfaits des progresse à la vitesse d'un glacier - mais les progrès dans leur domaine - éducation, glaciers évoluent, effectivement, et ils façon- police, santé publique, assainissement - cer- nent de nouveaux paysages. tains spécialistes deviennent des champions L'amélioration des services, qui est tou- des réformes, et font pression sur les respon- jours urgente, ne peut attendre que les sables politiques et sur les décideurs. Ainsi, bonnes conditions soient réunies. Certains par exemple, la campagne de Public Services arrangements, comme les approches de la International pour « des services publics de prestation de services pour les pauvres en qualité »> met en balance le rôle des syndicats termes d'enclave, peuvent ne pas être dans la protection des droits des travailleurs durables sur le long terme, même s'ils amé- avec le soutien à l'innovation dans la presta- liorent les résultats à court terme. Souvent tion des services publics.'70 Le fait de relier les orientées par les bailleurs de fonds, ces ini- efforts de ces « agents de l'intérieur » et des tiatives peuvent compromettre les relations « technocrates » pour former de plus larges de responsabilité au niveau national (cha- coalitions de citoyens est souvent un élément pitre 11). Parfois, l'arrangement souhaitable essentiel de réussite. consiste à renforcer le lien le plus faible. Si le lien décideur-prestataire est faible, la sous- L'incrémentation stratégique traitance des services - comme le recours, Une réforme vaste ou fondamentale des insti- au Cambodge, aux organisations non-gou- tutions est chose rare. Il faut que certaines vernementales pour les soins primaires - conditions soient réunies. Une étude récente peut être l'arrangement le plus souhaitable. montre le temps qu'il a fallu pour que les ins- Cependant, les activités de type incrémental titutions politiques se développent dans les - l'improvisation pragmatique pour faire pays considérés maintenant comme dévelop- que les services fonctionnent même dans pés (tableau 3.3). La plupart des institutions un environnement institutionnel lacunaire « modernes » de la gouvernance politique et - devraient servir à créer des conditions économique « moderne » que l'on recom- plus favorables pour les réformes à plus mande aujourd'hui ont émergé tard dans les long terme. Des palliatifs temporaires ne pays maintenant développés (à des niveaux peuvent pas et ne doivent pas remplacer la de revenu bien plus élevés que ceux que création des conditions permettant les connaissent actuellement les pays en dévelop- réformes. Tableau 3.3 les institutions modernes mettent longtemps à se développer Institution/réforme Première Malorité (des pays Dernière Royaume-Uni Etats-Unis maintenant développés) Suffrage universel masculin 1 848 (France) 1907 1907 (Japon) 1918 1870-1965 Suffrage universel 1907 (Nouvelle-Zélande) 1946 1971 (Suisse) 1928 1928-1965 Assurance maladie (la base La couverture n'est pas de ce qui est maintenant universel) 1883 1911 1911 encore universelle Pensions de retraite de l'État 1889 (Allemagne) 1909 1946 (Suisse) 1908 1946 Source: Chang (2iû21. - l'Ouganda Une éducation primaire universelle: que faut-il pour cela ? En Ouganda, le nombre d'enfants scolarisés dans le primaire est passé de 3,6 millions à 6,9 millions entre 1996 et 2001. Qi 'est-ce qui explique une progression aussi forte sur une période aussi couirte: la volonté politique ? La suppression de la tarification ? Un environnement macroéconomique favorable ? L'information ayant permis d'émanciper les bénéficiaires ? Tous les facteurs qui précèdent. L a décision du Président Yoweri Muse- qui ont suivi. La scolarisation globale, dans le dans la région dont Paul Smemogerere est veni, en 1996, de faire de l'éducation primaire,a grimpé en flèche (figure 1). originaire (la région centrale) et 72 % des L primaire universelle un thème de sa suffrages dans la région Est. campagne électorale présidentielle a marqué La démocratie émergente y est-elle Au Malawi, aux élections de 1994, le can- didat qui l'a emporté aux présidentielles avait une rupture avec sa position antérieure. pour quelque chose aussi fait de l'éducation primaire universelle Auparavant, il avait souligné que la L'argument selon lequel, en Ouganda, les une partie de son programme, mais les élec- construction de routes et d'une infrastruc- élections libres ont contribué à cette réus- tions étaient bien davantage polarisées ture engendrerait un accès aux marchés qui site, se trouve confirmé par trois observa- autour des lignes régionales qu'en Ouganda. permettrait à la population de produire un tions. L'éducation était une question fonda- Le gagnant était donc incité à continuer de revenu pour financer l'école. Cependant, en mentale pour les électeurs ougandais. cultiver une base électorale régionale plutôt mars, lors d'une allocution à la radio, il pro- L'électorat avait accès à l'information sur la que de donner la priorité à une question mit d'assurer l'accès à une éducation pri- performance du gouvernement dans ce d'ordre national comme l'éducation. maire gratuite à quatre enfants par famille, domaine. Et enfin, la réussite du pro- Les électeurs ougandais ont eu accès à jusqu'à deux garçons et deux filles et à tous gramme d'éducation primaire universelle a diverses sources d'information concernant les orphelins. contribué à pérenniser la popularité du l'initiative en matière d'éducation, ce qui Si l'éducation primaire gratuite n'était Président Museveni.'71 leur a permis d'évaluer dans quelle mesure qu'une partie du programme de Museveni, il Pour que les candidats puissent croire le gouvernement avait su donner suite à ses est vite devenu évident que cette promesse qu'ils seront jugés sur la manière dont les promesses électorales de 1996. Les princi- avait atteint une corde sensible au sein de promesses en matière d'éducation seront paux quotidiens nationaux, notamment l'électorat. Les hauts fonctionnaires du tenues, il faut que les électeurs attachent The Monitor et The New Vision, ont conti- ministère des Finances se souviennent que une grande importance à l'éducation. On nué de faire leurs gros titres avec les ques- plusieurs des conseillers de Museveni leur ont pouvait s'attendre à ce que l'engagement tions d'éducation primaire universelle. envoyé à plusieurs reprises des messages pris par Museveni en 1996 pour une éduca- Les statistiques collectées dans le cadre après les réunions électorales et ont souligné tion primaire universelle lui apporte le sou- du projet Afrobarometer montrent que les la manière dont cette promesse avait trouvé tien de la population, tandis que les prises Ougandais considèrent que le Président un écho dans le public. de position de Paul Smemogerere sur la Museveni a été très efficace, et dans leur Les élections de niai 1996 ont été les pre- rébellion du nord, l'autonomie du Bou- évaluation de la performance du gouverne- mières élections présidentielles en Ouganda ganda et la réintroduction des partis poli- ment, c'est surtout de la politique d'éduca- depuis le coup d'État militaire de 1986. S'il tiques étaient susceptibles de lui attirer un tion qu'ils sont satisfaits. Dans l'enquête de n'y a pas eu dans ces élections une concur- soutien régional. juin 2000, 93 % des personnes interrogées rence entre plusieurs partis officiels, le Prési- La victoire de Museveni ne dépendait ont indiqué être soit assez satisfaites soit dent Museveni a dû affronter un concurrent pas d'une simple base de soutien régionale. très satisfaites de la performance globale de crédible, Paul Smemogerere, le chef du Parti Il a obtenu plus de 90 % des suffrages dans Museveni. Pour 87 % des Ougandais, le démocrate. Smemogerere a promis de restau- la région Ouest du pays, 74 % des suffrages gouvernement s'occupait bien des ques- rer le multipartisme, de négocier avec le tions d'éducation, alors que sur les 12 pays mouvement des rebelles du nord de l'Ou- africains la moyenne était de 59 %. ganda, et d'accorder une plus grande autono- Figure 1 La scolarisation a progressé mie à la région du Bouganda, qui fut un jour considérablement après 1996 un royaume indépendant. Ces orientations Scolarisation primaire en Ouganda, La stabilité macroéconomique et lui ont permis de bénéficier d'un soutien entre 1996 et 2001 les institutions budgétaires régional substantiel dans le nord et le centre Millions Il se peut que ce soit la démocratie qui ait du pays. Il a aussi déclaré qu'il reprenait à son 8 incité le gouvernement ougandais à honorer compte la promesse de Museveni d'assurer sa promesse de 1996 concernant l'éducation. une éducation primaire gratuite. Cependant, s'il a réussi à réorienter les En décembre 1996, peu de temps après 6 dépenses publiques vers l'éducation pri- une victoire écrasante, le Président Museveni maire, il a fallu pour cela la stabilisation du a annoncé la suppression des tarifs scolaires. contexte macroéconomique et le développe- Depuis, on a assisté à une évolution soutenue ment d'institutions budgétaires.'72 Des des dépenses publiques en faveur de l'éduca- conditions macroéconomiques stables ont tion, surtout pour les écoles primaires. Les 2 sans aucun doute rendu plus facile la prévi- dépenses d'éducation ont augmenté par rap- sion des recettes et des dépenses. Dans un port aux dépenses publiques, passant d'une contexte économique plus instable, des États moyenne de 20 % au cours des trois années ° africains comme le Malawi ont éprouvé des budgétaires avant précédé les élections à une 1996 1998 2000 2001 difficultés à maintenir un engagement sou- moyenne de 26 % au cours des trois années Source: Murphy, Bertoncino etWang (2002). tenu à accroître les dépenses d'éducation. Pleins feux sur l'Ouganda 73 Depuis 1992, la stabilité macroécono- ment l'objet d'un audit ou d'un contrôle, et En 1995, les écoles ayant accès aux jour- mique de l'Ouganda tient aux réformes bud- la plupart des écoles et des parents dispo- naux et celles n'y ayant pas accès souffraient gétaires - on est passé d'un système de budget saient de peu d'informations sur leurs qua- des fuites de la mème manière. Entre 1995 de trésorerie au cadre de dépenses à moyen lifications pour bénéficier des dotations. La et 2001, les unes comme les autres ont terme du Plan d'action pour l'éradication de plus grande partie des fonds allaient à des connu une importante diminution des la pauvreté. Le cadre met les ressources en utilisations sans rapport avec l'éducation fuites. Cependant, la diminution des phase avec les priorités budgétaires, tandis ou à des profits privés, comme l'indiquent détournements a été significativement plus qu'avec le système de budget de trésorerie, la de nombreux articles de journaux à propos importante pour les écoles ayant accès aux discipline budgétaire globale était maintenue des inculpations de fonctionnaires de l'édu- journaux, dont le financement s'est accru lorsque les recettes étaient insuffisantes. Le cation de différents districts, parus après de 12 points de pourcentage par rapport Fonds d'action contre la pauvreté a été parti- que les résultats de l'enquête aient été ren- aux écoles qui manquaient de journaux. culièrement efficace pour faire en sorte que dus publics. Avec une action politique peu coûteuse - les priorités du gouvernement en matière de Pour apporter une réponse à ce pro- la production d'information de masse - dépenses,commel'éducationprimaire,béné- blème, le gouvernement central a com- l'Ouganda a pu réduire considérablement ficient du financement nécessaire. Il est diffi- mencé à publier dans la presse des statis- les détournements d'un programme public cile de penser que le programme d'éducation tiques sur les transferts mensuels de fonds visant à accroître l'accès aux manuels sco- primaire universelle aurait été viable sans ces vers les districts et à les annoncer à la radio. laires et autres matériels pour l'instruction. innovations au niveau des institutions bud- Il a été demandé aux écoles primaires et aux Les pauvres étant moins capables que les gétaires. administrations de district d'afficher des autres de faire valoir leurs droits vis-à-vis notes sur tous les flux de fonds entrants. des fonctionnaires des districts avant cette Le pouvoir de l'information Cela a permis une plus grande responsabili- campagne, ce sont eux qui en ont le plus pour débloquer des fonds sation, les écoles et les parents ayant accès à profité. en faveur de l'éducation l'information nécessaire pour comprendre Figure 2 Montant des dotations par capitation en faveur de l'éducation ~~et contrôler le programme d'aide finan- que les écoles ont réellement perçu En 1996, une enquête de suivi des dépenses cière. entre 1991 et 2001 publiques des autorités locales et des écoles Une évaluation de la campagne d'infor- primaires a révélé que seulement 13 % des mation permet de s'apercevoir que d'im- Part des fonds dotations par élève avaient bénéficié aux portants progrès ont eu lieu. Les écoles ne Shillings ougandais atteignant l'école écoles entre 1991 et 1995. En 1995, pour reçoivent pas encore l'intégralité des fonds 6000 100 chaque dollar dépensé par le gouvernement (et il y a des retards). Cependant, les Dotation par capitation central dans le domaine de l'éducation en détournements au profit de divers intérêts 5000 moyenne P1-P7 dehors des rémunérations, 20 % seulement le long de la chaîne, qui représentaient 80 % Pars moyenne des fonds atteignait les écoles, et c'étaient les autorités en 1995, se sont réduits à 20 % en 2001 4000 atteignant les écoles 60 locales qui détournaient la plus grande par- (figure 2). Une évaluation avant et après tie du financement. l'intervention, dans laquelle on a comparé 3000 Les élèves pauvres en ont pâti davantage les résultats pour les mêmes écoles en 1995 40 que les autres, leurs écoles recevant moins et en 2001 - et dans laquelle on a tenu 2000 Part médiane desfonds encore que les autres établissements. En compte des facteurs spécifiques aux établis- atteignant les écoes20 fait, la plupart des écoles pauvres n'ont rien sements, du revenu des ménages, de l'édu- 1000 20 reçu du tout. Des études de cas et autres cation des enseignants, de la taille des éta- 0 0 données ont montré que les fonds destinés blissements et de la supervision - indique 1991 1992 1993 1994 1995 2001 aux écoles n'allaient pas non plus aux autres que la campagne d'information explique les Source: Reinikka etSvensssn (20011 Reinikka etSvenssoî secteurs. Les déboursements faisaient rare- deux tiers des importants progrès réalisés. S203aîin Clients et prestataires C'est pour le bien-être des pauvres qu'il s'agit habitués à se faire conseiller par les pauvres. de rendre les services efficaces. La valeur de la De récentes initiatives ont commencé à corri- c h a p i t r e politique et des dépenses publiques est en ger le tir, à travers divers moyens d'accroître la grande partie déterminée par la valeur que les participation des collectivités et de la société pauvres y attachent. Lorsque des logements civile. Cependant, le potentiel d'amélioration fournis et financés publiquement restent n'a pas encore été exploité de façon appro- vacants, "4 lorsque la nourriture fournie n'est priée. '6 pas mangée, lorsque des centres de soins En bref, l'idée est de renforcer le pouvoir publics gratuits mais vides sont ignorés au de la clientèle pauvre dans le domaine de la profit de centres privés dont les tarifs sont prestation de services. Dans ce Rapport, et élevés,'75 l'argent est gaspillé. dans le présent chapitre, nous tentons de Améliorer les services signifie faire en donner au terme « émancipation » une sorte que les prestataires se préoccupent interprétation précise et concrète. Ce cha- davantage des intérêts des pauvres. Le fait pitre traite plus spécifiquement des possibi- d'engager des clients pauvres dans un rôle lités, pour les pauvres, d'exercer une actif - en tant qu'acheteurs, surveillants et influence sur les services: coproducteurs (le « chemin court ») - peut . En augmentant leur pouvoir d'achat permettre d'améliorer considérablement la individuel. Comment une politique publique peut- * En s'organisant en groupements pour elle aider les pauvres à bénéficier de meilleurs augmenter leur pouvoir collectif sur les services par ce chemin ? En accroissant l'in- prestataires. fluence de leurs propres choix. En faisant en * En augmentant leur « capacité d'éléva- sorte que les recettes des prestataires dépen- tion »' ' en leur permettant de tirer dent davantage de la demande de la clientèle parti des deux points qui précèdent pauvre. En augmentant le pouvoir d'achat grâce à la production de l'information des pauvres. Enfin, en produisant une dont ils ont besoin pour développer leur meilleure information et en créant un envi- propre sens de ce qu'ils peuvent faire et ronnement plus compétitif pour améliorer le de ce à quoi ils ont droit.'78 fonctionnement des services. Lorsqu'un tel choix n'est pas envisageable, un gouverne- À quel moment le renforcement ment peut accroître le pouvoir du consom- du lien entre le client mateur en instituant des procédures qui et le roducteur garantissent qu'il sera tenu compte des récla- pterati l plu s mations. comptera-t-l le plus ? C'est triste à dire, mais les gouvernements Selon le cadre défini au chapitre 3, le progrès et les bailleurs de fonds ont tendance à négli- du pouvoir du consommateur - le chemin ger le rôle que peut jouer la clientèle pauvre court de la prestation de services - peut per- en soutenant de meilleurs services - ou bien mettre de surmonter les diverses faiblesses ils ont tendance à traiter ce rôle essentielle- du chemin long (figure 4.1), même lorsque ment comme un moyen d'atteindre un résul- les services continuent à relever de la respon- tat techniquement déterminé. Ni les gouver- sabilité de l'État. L'aspect le plus évident est le nements ni les bailleurs de fonds ne sont contrôle des prestataires. Les clients se trou- 74 Clietits et prestataires 75 vent généralement en meilleure position, Figure 4.1 Le pouvoir du consommateur dans le cadre pour voir ce qui se passe, que la plupart des de la prestation de services superviseurs au sein de la hiérarchie de l'État - ceux qui assurent les accords et la gestion. Lorsque le lien entre le responsable politique et le prestataire est faible, parce que le per- wiOnde la resp0, sonnel de supervision est insuffisant ou diffi- '4. cile à gérer, les clients sont parfois les seuls agents à avoir des interactions régulières avec Chemin cou" les prestataires. Comme il est rappelé plu- sieurs fois dans ce Rapport, les progrès de .j "p f ii l'éducation de base ont souvent dépendu de la participation des parents. Bien que ceux-ci ne puissent pas contrôler tous les aspects de Services l'éducation, ils peuvent contrôler l'assiduité des enseignants, et même des parents anal- flexibles pour s'adapter à cette variété de phabètes peuvent dire si leurs enfants besoins. Par ailleurs, lorsque les préférences apprennent à lire et à écrire. locales varient systématiquement entre les En tant que clients, les citoyens peuvent pauvres et les autres, il peut être particulière- aussi compenser les faibles possibilités d'ex- ment difficile de satisfaire aux préférences des pression politique. Lorsque l'État ne peut pas pauvres plutôt qu'à celles des mieux lotis. ou ne veut pas essayer de déterminer les Certains problèmes d'action collective ne désirs du public et agir en conséquence, ou doivent peut-être pas être résolus au niveau lorsque les désirs des pauvres sont systémati- gouvernemental, quelle que soit la volonté du quement ignorés, les communautés pauvres gouvernement de veiller aux intérêts des peuvent n'avoir d'autre choix que de dévelop- pauvres. Les frontières de la juridiction poli- per des mécanismes leur permettant d'obte- tique peuvent ne pas correspondre aux nir les services d'une autre manière. limites du problème. Aussi les écoles consti- Plus les différences entre les clients sont tuent-elles souvent l'unité la plus appropriée importantes (leur hétérogénéité), plus ce pour la gestion et l'action. Pour les services pouvoir direct du client a des chances d'être d'assainissement, la pression de la collectivité avantageux par rapport au « chemin long ». est nécessaire, afin que chacun respecte les Plus les préférences des individus different, règles concernant les lieux d'aisance, mais ces en ce qui concerne le type et la qualité des ser- services s'organisent souvent autour de col- vices fournis, plus grande est la marge discré- lectivités plus larges ou plus petites que le vil- tionnaire dont les prestataires disposent, et lage, selon la densité de population. Il faut plus il est difficile d'en contrôler l'utilisation alors que les collectivités jouent un rôle plus de manière centralisée. Parfois, les préfé- actif. rences different géographiquement, et diffé- Il importe d'éviter d'idéaliser une forme rents niveaux de gouvernement peuvent les ou une autre de progrès du pouvoir du refléter. Cependant, pour un certain nombre consommateur: ni le choix ni la participation de services, l'hétérogénéité des préférences ne sauraient suffire pour tous les services. Les s'observe sur toute la ligne, jusqu'à l'individu. carences du marché et les préoccupations Prenons l'exemple des égards et des ménage- d'équité conduisent les sociétés à vouloir ments (les petits soins) par rapport aux com- commencer par améliorer ou étendre ces ser- pétences techniques (les soins médicaux) vices. Il n'y a pas de raison de penser que dans le domaine de la santé - ou l'exemple des parce qu'elles reproduisent certains aspects contraintes de temps chez les agriculteurs et du libre marché, les ajustements y sont auto- chez les autres membres de la même commu- matiques. nauté. Les gens n'ont certainement pas tous De même, certaines implantations besoin du même volume d'eau ou de la humaines constituent des collectivités dont même quantité d'énergie électrique, tout les membres ont assez d'intérêts communs et dépend de leurs autres besoins. Les structures de normes égalitaires pour protéger les administratives ne sont pas toujours assez pauvres, un niveau suffisant de confiance 76 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 mutuelle et la capacité de mobiliser l'infor- tages de cette prestation de services suive le mation et d'agir collectivement - en un mot, client - il s'agit de l'applicabilité de la relation un capital social.'79 Cependant, parfois, ce de responsabilité, telle qu'elle a été traitée au n'est clairement pas le cas. Combien de vil- chapitre 3. lages et de quartiers urbains y a-t-il dans les Dans les transactions sur le marché, cela pays en développement ? Des centaines de se matérialise par le versement d'une milliers ? Des millions ? Et combien de types somme par un acheteur à un vendeur. Ce de structures sociales sont représentés ? Faire n'est cependant pas la seule possibilité. Les en sorte que les pauvres aient leur mot à dire, versements de l'État à des écoles (et la paye dans un contexte aussi varié, implique que des enseignants) peuvent dépendre du l'on étudie et que l'on conçoive les politiques nombre d'écoliers qui sont inscrits et qui à mettre en oeuvre en tenant compte d'une restent scolarisés. Aux Pays-Bas, l'enseigne- grande quantité de connaissances locales et ment primaire est financé pour une part d'une bonne compréhension des conflits et largement majoritaire par l'État, mais des inégalités locales. Il est à peu près sûr que assuré par des écoles privées. Pour la méde- vouloir faire autrement ne peut qu'entraîner cine générale dans plusieurs systèmes euro- des catastrophes. péens, surtout au Royaume-Uni, les listes de Par ailleurs, pour certains services, surtout capitation constituent la méthode de rému- dans le domaine de la santé, de l'eau et de l'as- nération dominante. La satisfaction globale sainissement, il importe que les inputs tech- du consommateur peut s'exprimer à travers niques soient à la hauteur. Les patients - en la possibilité de changer de médecin, et le tant qu'individus ou en tant que panels - sont revenu de chaque praticien en dépend. de bons juges pour ce qui est de la manière Une autre méthode pour lier la rémuné- dont on les traite. En revanche, ils sont bien ration des prestataires de services aux choix moins capables de juger de la qualité clinique des consommateurs consiste à distribuer à ou de l'équilibre entre services de prévention ces derniers des bons. Le consommateur et de traitement curatif. D'autre part, certains n'est cependant pas la source initiale des problèmes relatifs à la santé ont des répercus- fonds. Tout système d'assurance maladie sions au-delà des frontières d'une collectivité. dans lequel il est possible de choisir le pres- Les vastes programmes de lutte contre les tataire en est une forme - la condition pour insectes et contre les vecteurs de maladies en bénéficier étant d'être malade. Les pres- infectieuses peuvent ne pas paraître priori- tataires intrinsèquement motivés, dont le taires à certains groupements de citoyens, et sens de leur propre valeur dépend de l'im- cependant ils ne seront efficaces que si tout le portance de la demande pour leurs services, monde participe. En fin de compte, une cer- s'emploient à satisfaire davantage de taine forme d'intervention de l'État à grande patients, quel que soit le système de paie- échelle est nécessaire. Il reste que le fait de ment. Le principe essentiel de chacune de mettre l'accent sur le pouvoir du consomma- ces méthodes est que le bien-étre du client teur constitue un stimulant bienvenu pour se traduit directement par un bien-être du l'orientation technocratique du haut vers le prestataire: les incitations correspondent. bas qui jusqu'à présent a souvent caractérisé En matière de services, il est souvent pos- la pensée économique en matière de dévelop- sible d'améliorer une situation en faisant en pement. sorte que le paiement suive le client. Ce qui permet de le penser, ce sont essentiellement Renforcer le pouvoir du des études relatives aux effets des tarifs sur consommateur grâce au choix le comportement des prestataires privés (qui doivent, bien entendu, se conformer à Le moyen le plus direct de rendre les presta- ces principes) mais cela s'applique à toute taires de services responsables devant leurs méthode de ce genre. Le paiement peut clients est de faire en sorte que tout ce qu'ils avoir quatre sortes d'effets favorables retirent de la transaction dépende de la manière dont ils satisfont les besoins et les * Améliorer le comportement des presta- désirs de ces derniers. Autrement dit, il faut taires. que l'argent (en général) ou les autres avan- * Augmenter l'offre et la durabilité. Clients et prestataires 77 * Accroître la vigilance et faire qu'à chaque obstacles qui cèdent souvent devant les transaction, on cherche à recevoir un forces du marché.'83 La rareté artificielle des meilleur service. services gratuits - qui entraîne un excès de * Mieux choisir les services que l'on veut demande - implique un rationnement par obtenir. d'autres moyens (selon le statut social, les relations personnelles, l'appartenance eth- Les deux premiers points concernent les nique), et ces autres moyens sont rarement prestataires, les deux autres les clients. à la portée des pauvres. Les groupes sociaux qui connaissent l'opprobre - comme les Le comportement du prestataire prostituées, qui ont besoin de participer à la Le manque de courtoisie, la distance sociale, lutte contre le sida - préferent souvent la la rudesse, la discrimination envers les confidentialité des cliniques privées et la femmes et les minorités ethniques, le déca- meilleure considération dont on y bénéficie. lage entre les caractéristiques du service et les préférences des individus, tous ces pro- blèmes sont liés au comportement du pres- tataire. Dans chaque cas, c'est le pouvoir E N C A D R É 4 i 1 ans 1 ' Pradesi;, c,; lutt. d'achat du client qui peut permettre un 011 prélere le steur prh'î; progrès. C'est en fait la raison pour laquelle Une étude du comportement des consommateurs et des producteurs a été réalisée sur six le secteur privé est souvent considéré districts de l'État d'Andhra Pradesh, dans le sud de l'Inde. Cette étude comprenait 72 inter- comme préférable au secteur public, dans views en profondeur et portait sur 24 groupes. - lequel le personnel est salarié (encadré 4.1). Ces différences se reflètent dans des études Privé Public portant sur des pays aussi variés que le Ban- L'ATTITUDE DES MÉDECINS gladesh, la Chine, l'Inde, le Laos, la Thaï- « Ils parlent de façon convaincante, « Ne me parle pas, s'en fiche (de ce que je lande et le Vietnam. ils s'informent sur notre état ». ressens et des détails de mes problèmes) ». En ce qui concerne la courtoisie, l'atten- « Posent des questions surtout, de A à Z». <« Ne nous dit pas de quoi il s'agit, examine tion et l'adaptation aux préférences, le secteur « S'occupent de tout le monde de manière d'anou dorir de privé résene génralemet un vantae. En égale ». demande de partir ». privé présente généralement un avantage. En I« ls se font payer n . ce qui leur permet de <« Ils sont censés nous donner 1 000 roupies et 15 général, les praticiens du privé dispensent des donner des médicaments efficaces j,..> )i kg de ri z dans l e cadre du planning familial ils services plus adaptés aux clients. Les horaires nous traitent mieux N, nous donnent 500 roupies et 10 kg de riz et nous font courir à droite et à gauche pour le reste » limités des établissements publics (le matin «( De toute façon ils toucheront leur paye, alors seulement pour les communautés agricoles) ils ne font pas très attention ». sont souvent la raison pour laquelle les gens LA COMMODITÉ vont voir un praticien du privé.'"" * Nous traitent rapidement.( ...). « Ne s'occupent pas de nous tout de suite." Qu'est-ce qui explique la différence ? < Ça nous coûte de l'argent, mais on est soi- « Il faut faire la queue pour tout ». Non pas la formation, mais la motivation: « gné plus vite N, (< Le médecin est là de 9 heures à 16 heures - (... ) ce même médecin fonctionnaire qui « »e connais Mr Reddy. C'est un médecin de au moment où il nous faut être au travail ». n'était pas facilement accessible, dont les I'Etat mais je vais le voir le soir». « Je n'y ai jamais été, mais quand je vois les , Accepte un retard de paiement de 5 à 10 quartiers autour... Je n'ai pas envie d'y aller ». prescriptions n'étaient pas satisfaisantes et jours. Il accepte ça, il habite dans le village »_._ dont les manières étaient brusques et l'atti- LE COÛT tude indifférente devenait un médecin par- « Mes dernières dépenses ont atteint 500 «* Quand on ressort, les assistants nous deman- faitement aimable et compétent lorsqu'il roupies pour3 jours... J'ai dû trouver de l'argent dent entre 10 et 20 roupies». voyait un patient en consultation pri- tout de suite ». « De toute façon, nous devons acheter des tnt '<~~~~~~~~~~~~~~ Nous devons être prêts à payer, on ne sait médicaments à l'extérieur » vée ».181 Pourquoi? Parce que le médecin lamais combien ça va nous coûter ». veut que le patient revienne. Lorsque le per- LES AVANTAGES sonnel est salarié, il n'est pas fortement incité à être arrangeant. Il n'a rien à perdre Même s il faut que j'emprunte, j'irai dans le * Le traitement du paludisme ils viennent ils privé, ils vous traitent bien ». examinent le sang, ils donnent des « de toute façon, ils toucheront leur paye, comprimés ». alors ils ne font pas très attention ».182 La « Pour le planning familial <. discrimination, surtout envers les femmes .. Des gouttes pour la polio ». et envers les minorités ethniques, et la dis- s Au cas où je ne serais pas soigné à l'hôpital tance sociale sont des obstacles aux services pnvé, mais ça arrive très rarement ». même lorsque les services sont gratuits, des Source:Probe Qualitative ResearchTeam (2002). 78 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 tiques, une pression compensatoire est néces- E N C A D R É 4.2 Les pots-de-vitn saire (voir encadré 3.6). Une possibilité en Eiurope consiste à normaliser les tarifs et mettre plus , divers tarification ou la gratuité conviendrait d'en rofiterp services de police pour chaque cas.Comme pour les autres P ._ décisions d'ordre public, la tarification doit être déterminée selon un compro- - mcacité de l'apllocation des Pauvres l'ef Est-il possible de distinguer Peut-on donner de Transférer des gonds aux pauvres er la capacité de garantir l'applicabilité et les pauvres des non-pauvres ? l'argent aux faire payer e service. la durabilité des services. Le diagramme D'un poit de vue admiistratif paues?Trans- des flux ci-contre reprend les arguments et politique ? ferts, monétaires, , Faire payer le service en exonérant e t les références du texte et souligne la bons ou nourriture ? les pauvres. Le ciblage peut étre plupart des questions qu'il est néces- auto-sélectionr. saire de traiter pour déterminer si des _ aulo-s_lect_o_. droits d'utilisation, de quelque sorte que ce soit, sont appropriés à une certaine Les Tarificaton * progressive *. Pour I eau el i electrcire, tarific ation situation.Trois points: Les tarifs peuvent-ils varier _ au coût marginal des services à parir d un seuil spécifié d utilisa- selon la quantité utilisée ? t'on Que chaque arnée. les premrires visies chez le médecin • Premièrement,le terme d'« efficacité » soient gratuites pour tous est un raccourci pour désigner les __ __ principes standard de l'économie Faire payer le service. D un point de vue empirique. ce pnncipe | publique (voir n'importe quel Les pauvres utilisent-ils le peut s'appliquer à un cena,n nombre de senrices Exemple pour manuel) qui impliquent souvent, mais service davantage que les ' un enseignement supérieur, insinuer des programmes de préts j pas toujours,que les prix soient égaux autres ? sans subventions J aux coûts marginaux sociaux, ces prix pouvant inclure des subventions; des La tarification est un mal nécessaire. Une appréc,ahon honnête taxes ou d'autres facteurs indépen- de la capacté est nécessaire pour la prestation de services selon dants de leurs effets en termes de le - chemin long o S,I Etat ne peui pas superviser les enseignanis et répartition. Ainsi, par exemple, les La prestation du service sera- les prestataires de soins ni assurer les approvisionnements en mesures de la lutte contre les mala- t-elle adéquate sans être méducamenis, alors le laut que les clents, par dofaut. disposent dies infectieuses comprendront une payante ? d mn pouvoan d'achad Les tonds de roulemek pour les mtafca- part de subvention, étant donnéeleurs mentsdanslecadredelIn:tiativedeBamako.lalalrficabonde effets externes, sans considération de ( irrigation (voir encadré 4 31. et bien d autres exemples possibles. leur impact sur les pauvres. notamment l'enseignement primaire, lorsqu il n'est pas possible * Deuxièmement, on suppose que de compter sur I Eiat. toutes les subventions sont financées Fiepyrl evc npi u qiir e fet erpri par la fiscalité. L'impact net sur les Sans être payant, le service Faire par le sfefrivaie a u robinxs qu oin laisse ouverfts, élect rért pauvres dépend de leur contribution fera-t-il l'objet d'une utilisa- ç (service imerrompu par suite d une sur-utilisationl S applique aussi aux recettes fiscales (qui peuvent être tion excessive ? Le gaspi'llageeusoncraislsqeetmpqeleesneletcnarr substantielles lorsque la fiscalité est risque-t-il d'être important se u e on baséesulesexprtatiosagricles>et lorsque les prix sont trop bas? aux soins prioritaires est complètement utilisé. et auix ronsultations de leur part de la charge improductive problomes dans des éîabhssemenrs de niveau inlénaur. que la fiscalité impose à l'économie. * Troisièmement, même lorsque les ser- Ne pas faire payer le service. Le meilleur exemple: I enseigne] vices ne sont pas tarifés sur le lieu de ment pnmaare La scolarisation reste limneea à une année par leur prestation, les collectivités peu- enfanL La valetur sociale est considérée comme importante. Les vent vouloir contribuer aux coûts du pauvres y recourent davantage que les non pauvres (figure 2.51. capital, pour la construction et l'entre- tien des écoles par exemple. une aide médicale à domicile,'92 ou sur la devraient faire l'objet d'une évaluation rigou- manière de prendre soin de soi. À cela peuvent reuse (chapitre 6). s'ajouter divers programmes de certification, la fixation de normes et des contrôles en labo- Accroître le pouvoir ratoire (de la pureté de l'eau, par exemple). Le du consommateur grâce système des bulletins de notation des services à la participation publics devrait aussi être généralisé aux pres- tataires privés et aux ONG. De l'autre côté du C'est aussi lorsque les gens peuvent faire marché, I'État peut chercher à améliorer entendre leurs préoccupations que la respon- directement la qualité des services fournis par sabiité des prestataires devant les clients peut le secteur privé. On peut envisager la forma- être une réalité. L'applicabiité, dans ce cas, se tion comme les systèmes de partenariat, la matérialise non pas à travers l'argent des sous-traitance et les autres moyens de dispo- clients mais à travers leur interaction directe: ser du personnel nécessaire. Cependant, les encouragements ou plaintes. Les possibilités tentatives d'amélioration de l'information sont faibles, pour les pauvres, de faire Clients et prestataires 83 entendre leurs doléances de manière indivi- être nécessaires pendant un certain temps, et duelle. Dans les pays riches, les gens peuvent parfois de façon permanente, et l'État peut obtenir l'assistance de systèmes juridiques aider à rendre ces inputs plus efficaces. C'est spécialisés, d'organismes de protection du souvent dans le domaine de l'éducation que consommateur subventionnés par l'État ou s'observent les meilleurs exemples. Ce sont les de médiateurs. Pour les habitants pauvres des parents qui sont les mieux placés pour voir ce pays en développement, en revanche, c'est qui se passe dans les écoles, et c'est générale- rarement le cas (même dans les pays riches, ment dans les écoles que les décisions se pren- ces systèmes ne fonctionnent pas toujours si nent le plus efficacement. Aussi, donner aux bien pour les pauvres). parents un pouvoir d'influence sur la politique Certains problèmes pour lesquels on peut de l'école est profitable. Si l'on prend l'exemple espérer que les gens puissent se faire entendre du Programme scolaire communautaire du sont insolubles. La corruption en est un Salvador (Educo - voir « Pleins feux »), ce sont exemple: le public peut être choqué par les le droit d'engager et de congédier les ensei- histoires de dessous-de-table, mais ne sera gnants et la régularité des visites de la commis- pas incité à se plaindre si, par exemple, il s'agit sion locale pour l'éducation, en partie compo- d'un médecin qui utilise les installations et le sée de parents d'élèves, qui ont permis matériel d'un centre public. Les clients savent d'accroître l'assiduité des enseignants et des que le service reste moins cher que s'ils élèves et d'améliorer les résultats scolaires. devaient recourir au marché, aussi ne protes- L'État de Madhya Pradesh, en Inde, a tent-ils pas.'93 connu de substantiels progrès des résultats Il existe une contrainte plus profonde scolaires, des taux de complétion et de l'al- même avec des possibilités d'arranger ce qui phabétisme.'«5 L'implication de la collectivité pose problème, le contrôle et le suivi sont des est un facteur puissant pour l'engagement des biens publics, dont toute la collectivité profite enseignants, pour la construction de nou- alors que les coûts sont supportés par velles écoles et pour inciter les voisins à scola- quelques-uns. C'est le cas pour les collectivi- riser leurs enfants. Les parents ont bénéficié tés comme pour les individus, mais les de la possibilité d'engager des enseignants groupes obtiennent en général plus facile- locaux, d'un niveau de formation moindre, et ment un soutien de leurs membres que d'in- de les payer une fraction seulement des taux dividus isolés. Aussi, lorsque le pouvoir du standard de rémunération - avec de meilleurs consommateur s'exerce en dehors des tran- résultats. sactions du marché, c'est presque toujours Ce dernier aspect du programme rend la par l'action collective. généralisation plus compliquée. La possibilité Renforcer la participation sur le lien d'éviter la confrontation avec les syndicats du client-prestataire permet de résoudre les pro- secteur public a été un grand avantage. blèmes par le chemin long de la fourniture Les syndicats d'enseignants permettront-ils des services par l'État. Ainsi, les groupements que ce type de recrutement devienne la qui assurent les réclamations, le contrôle et norme ?196 Les enseignants engagés à des taux les autres moyens de veiller à ce que les choses plus bas peuvent-ils s'attendre à devenir des se passent correctement devraient, à un fonctionnaires à part entière ? Pour l'heure, moment donné, prendre un aspect institu- quoi qu'il en soit, l'implication des collectivités tionnel et s'intégrer dans l'administration dans l'État de Madhya Pradesh, bien plus (plutôt dans les autorités locales) ou éven- importante que dans les autres États, a eu des tuellement céder la place à celles-ci, une fois effets considérables en termes de performance. qu'elles se sont suffisamment améliorées. Parmi d'autres projets politiques pouvant Après tout, l'action collective coûte cher: les permettre aux clients de mieux se faire gens -et surtout les pauvres - ont des choses entendre, on peut citer le fait de créer des lieux plus pressantes à faire de leur temps. Il peut plus favorables pour l'expression des leur sembler préférable de transférer cette doléances. Plusieurs études ont montré que la responsabilité à des structures permanentes, relation entre les parents et les enseignants est aussi rapidement que possible.'94 importante: il faut qu'elle soit encourageante, Cependant, les inputs et la connaissance respectueuse et coopérative, et non pas puni- locale liés à la participation directe peuvent tive ni conflictuelle. Une attitude trop agressive 84 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 peut compromettre la réussite des tentatives quer les règles, et lorsqu'il n'existe pas d'alter- des collectivités locales d'améliorer l'éducation native dans le secteur privé, des organisations scolaire. Ce principe vaut aussi dans d'autres se créent souvent spontanément.200 Certaines domaines. Au Kerala, le maintien du personnel collectivités sont venues à bout des problèmes d'un centre de santé est devenu difficile d'irrigation, de gestion forestière, de nutrition lorsque les habitants de la région se sont mon- et autres. Récemment, des gouvernements trés trop exigeants par rapport au temps que (parfois avec l'aide de certains bailleurs de devaient leur consacrer les prestataires.197 fonds) ont commencé à tirer les leçons de ces Au-delà des mesures de contrôle, les collec- expériences et se sont mis à financer des pro- tivités peuvent être le lieu approprié pour des jets et des programmes reposant et requérant inputs plus directs, et devenir effectivement la formation de groupements d'usagers coproducteurs des services. Certains services locaux et de comités pour choisir et mettre en ne peuvent pas être assurés de manière très place des projets de développement. Plutôt satisfaisante par des organismes d'État, car le que d'accorder aux individus des transferts de contexte est trop complexe et trop variable - et revenu, ce qui peut se révéler à la fois difficile le coût que représente l'interaction avec une d'un point de vue politique et d'un point de population pauvre très importante est trop vue administratif, ces gouvernements ont lourd.'98 La participation et les inputs locaux canalisé les fonds vers les groupements com- sont souvent une bonne chose pour les pro- munautaires. Les diverses approches qui ont grammes d'assainissement, car les relations été tentées permettent de répondre à deux sociales à l'intérieur d'une communauté éventuelles faiblesses du « chemin long » de la constituent souvent la meilleure garantie du responsabilité passant par l'État: au niveau de respect des mesures sanitaires, et il faut que ce la mise en place, ou de « l'accord » de la part respect des règles soit universel pour que la d'un groupement d'usagers, et au niveau du communauté puisse en tirer profit du point « pouvoir d'expression politique », qui permet de vue de la santé publique. aux collectivités de décider des projets à entre- Les points de vue et les connaissances des prendre. habitants jouent un rôle fondamental dans la Une évaluation récente de six fonds sociaux transmission de l'information nécessaire. Les parmi les premiers mis en place, généralement messages qui concernent les habitudes en destinés à répondre à des crises, a montré que matière de santé, les mesures préventives, les programmes avaient un caractère progres- l'hygiène, le comportement dans le domaine sif, mais plus d'une région à une autre qu'à de la sexualité et autres questions sensibles l'intérieur d'une même région.20' Ce sont le sont bien mieux reçus lorsqu'ils sont trans- plus souvent des groupements d'usagers créés mis au moyen de contacts directs informels, pour la circonstance qui sont intervenus. Dans lors de discussions au sein de petits groupe- le domaine de l'adduction d'eau et de l'assai- ments d'individus ayant des parcours simi- nissement en particulier, on observe de nom- laires. Ainsi, par exemple, l'organisation de breux exemples de progrès réalisés par ce discussions au sein de groupements infor- moyen. En Côte d'Ivoire, lorsque la responsa- mels de femmes peut permettre de renforcer biité de l'adduction d'eau en milieu rural s'est la crédibilité et l'impact des efforts de change- trouvée transférée du gouvernement central à ment d'attitude. Que des gens de l'extérieur des groupements d'usagers, il y a eu moins de puissent apprendre assez des moeurs locales pannes et les coûts ont diminué.202 Certaines pour exercer une influence localement, dans collectivités locales ont recouru à des sous- les conversations, en abordant ces sujets, est traitants locaux, ce qui a permis d'améliorer le possible, mais peu probable.'99 niveau de responsabilité et l'efficacité grâce à des contrats explicites.203 Lorsqu'une adminis- Exploiter le capital social local tration étatique, et surtout une administration Un certain nombre de collectivités ont déve- locale, a de sérieuses difficultés à assurer la loppé des moyens de résoudre des problèmes prestation de certains services, ce sont de telles qui se posaient depuis longtemps et qui impli- méthodes qui offrent la possibilité de réaliser quaient une action collective. Lorsque les de nets progrès. avantages de la coopération sont suffisam- De tels programmes sont nouveaux - et ils ment importants, il y a moyen de faire appli- évoluent à mesure que l'on tire les leçons de Clients et prestataires 85 l'expérience. En raison du potentiel qu'ils n'existe pas, on peut faire plus de mal que de représentent, une évaluation rigoureuse bien. S'il est une situation dans laquelle il constitue une haute priorité. Quels sont les convient d'être patient, c'est bien celle-ci. Ce éléments reproductibles ? Quelles chausse- n'est pas simplement la création de cadres de trapes peut-on éviter ? Certaines des leçons participation, mais l'encouragement des que l'on commence à tirer de ces expériences capacités des pauvres eux-mêmes qui peut ont trait à la différence entre les groupements avoir des effets durables à plus long terme. Il qui émergent de manière spontanée et ceux s'agit alors d'étudier la bonne politique à qui sont créés d'en haut avec pour objectif de envisager en matière d'éducation, de liberté canaliser l'argent. d'expression, de transparence et de temps. Le problème du détournement de l'argent Le détournement de l'argent. Un groupe- ne se limite pas au cas des groupements créés ment constitué dans le cadre d'un projet dans le cadre d'un projet. Il affecte aussi les financé par des entités extérieures peut être groupes communautaires existants et les auto- particulièrement susceptible de se voir récu- rités locales. L'élitisme ainsi que, bien souvent, péré par les élites. Un groupe local dont l'évo- l'inégalité des sexes, déterminent qui domine lution répond à des besoins ressentis depuis les communautés traditionnelles et les autori- longtemps peut on non être représentatif de tés.206 Il n'est pas évident que le problème soit plus pauvres. Cependant, lorsque les ins- toujours le détournement de l'argent par les tances dirigeantes ou les bailleurs de fonds se élites. Selon Wade (1988), la mobilisation de servent de ces groupes pour canaliser des l'action collective peut impliquer une direc- fonds dont il n'était pas auparavant question, tion par l'élite. Aussi doit-on en tirer l'ensei- même des groupes représentatifs ont ten- gnement qu'il faut s'assurer que soit le type de dance à changer d'attitude. En Indonésie, service financé selon ces méthodes possède lorsque le gouvernement faisait la promotion certaines caractéristiques d'un bien public (la de la participation par les conseils des vil- santé et l'éducation seraient placées dans une lages, on se rendait compte que la participa- zone « grise »), soit le droit au leadership peut tion accrue de certaines membres de la com- être remis en question. munauté exerçait un effet d'exclusion sur d'autres, ce qui aboutissait en fin de compte à Développer la capacité de l'État. Certains une réduction de la participation.204 En Indo- groupements d'usagers créés pour la circons- nésie, des programmes plus récents ont pro- tance, mieux financés que les autorités fité de cette expérience et ont été repensés locales, ont écarté des responsables plus pour inciter à une participation plus élargie capables pour administrer leurs fonds (on (voir « Pleins feux » sur le Programme de observe le même phénomène au niveau développement de Kecamatan). national pour d'autres projets de finance- Un risque réel est celui qui provient de la ment: voir chapitre 11). On peut émettre rapidité avec laquelle les groupes sont consti- l'hypothèse selon laquelle cela ralentit le tués et les fonds déboursés. Les élites peuvent développement de la capacité des autorités mobiliser plus vite, contrôler les règles de la locales. Cependant, la thèse inverse a égale- soumission des projets (lorsqu'elles savent ment été soutenue: que ces groupements lire alors que la majorité de la communauté constitueraient des catalyseurs pour le déve- ne sait pas lire), et apparaître devant la com- loppement de la capacité des autorités munauté comme un vecteur efficace et locales. Dans le Nord-Est du Brésil, des fonds approprié pour la réception de ces fonds. d'investissement social ont amené des villa- Dans un pays du Sahel, une large fraction des geois à s'organiser et à solliciter de respon- fonds destinés aux projets a été détournée au sables politiques à haut niveau de leur assurer profit de certains individus.205 La faute en est par exemple un enseignant pour une école en grande partie aux bailleurs de fonds qui construite par la collectivité.207 veulent débourser les fonds trop vite (cha- pitre 1), avec les limitations des incitations La durabilité. Depuis les années trente et et des capacités de contrôler le comporte- quarante, les projets participatifs d'adduction ment des leaders que cela entraîne. En se pré- d'eau ont souvent permis d'améliorer la four- cipitant pour créer un capital social là où il niture de l'eau - du moins pendant un 86 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 moment. Cependant, il arrive un moment où importante lorsque les gens ont des préfé- les pompes, ou d'autres parties du matériel, rences hétérogènes ou lorsque l'un des deux qui est coûteux, lâchent. La couverture du éléments du chemin long de la responsabilité coût du capital (élevé) et l'obtention d'une pose problème. Dans l'arbre de décision aide technique (chère également) ont tou- (figure 4.2) qui sert à déterminer lequel des jours constitué le goulot d'étranglement des huit types de solution convient, le pouvoir du projets d'adduction d'eau dans les régions consommateur importe à chacun des trois pauvres. Lorsqu'un nouvel apport de capital points de décision. est nécessaire dans un délai bref, la collectivité doit se tourner soit vers des bailleurs de Décision 1: les autorités politiques sont-elles fonds, soit vers les sources de financement favorables aux pauivres ? L'importance du régulières que sont les impôts et taxes et pouvoir du client doit être variable selon la autres recettes générales. Huit ou neuf ans capacité et l'orientation du gouvernement. La après l'investissement initial, les bailleurs de question du niveau de gouvernement qui fonds sont-il toujours là ? Leurs priorités convient est problématique. Lorsque les auto- sont-elles toujours les mêmes qu'à l'origine ? rités (I'État, les autorités locales ou l'un et Peuvent-ils répondre rapidement à des solli- l'autre) sont favorables aux pauvres, elles citations marginales ? Souvent, ce n'est pas le peuvent choisir d'enrôler des groupements cas. Ce sont les autorités locales qui pourront de clients pour qu'ils exercent un contrôle, ou répondre à de telles demandes,208 et c'est dans solliciter régulièrement leurs opinions dans ce sens qu'évoluent les projets. les formules 3 et 4. Cependant, les formules 5 De tels projets peuvent avoir mieux réussi à 8 impliquent de trouver des moyens d'éviter que s'il avait fallu compter sur des structures les problèmes de gouvernement. Elles impli- administratives inadéquates. Ce système est queront toutes les quatre une information à surtout justifié lorsque le système de gouver- l'attention des clients, sur leur éligibilité pour nement actuel, et surtout les autorités locales, les services et sur la performance de ceux-ci. sont lacunaires et avec peu de perspectives de Lorsque les niveaux de gouvernement diffe- changement dans un avenir rapproché. rent dans leur engagement en faveur des Il devrait s'agir, cependant, d'une tactique pauvres, le rôle et le soutien des groupements venant consolider une stratégie de développe- d'usagers diffèrent également. Si c'est l'État ou ment de la capacité gouvernementale à plus le gouvernement central qui défend le mieux long terme: une incrémentation stratégique, les pauvres, peut-être financeront-ils les coilec- évoquée au chapitre 3. Il convient d'être pru- tivités (si les préférences varient entre ces col- dent lorsqu'il semble qu'il y ait un dilemme lectivités) ou procéderont à des transferts entre l'amélioration des services sur le court monétaires ou à des attributions de bons (si les terme et le risque de compromettre la capacité préférences varient au sein d'une collectivité) de prestation de ces services à plus long terme. dans les formules 7 et 8. Si ce sont les autorités D'autre part, les conséquences politiques des locales qui sont les plus favorables, elles pour- projets participatifs devraient faire l'objet ront assurer les services directement ou par d'évaluations prudentes. Tout cela vient com- sous-traitance. Lorsque aucun niveau de gou- pliquer la généralisation de ces interventions. vernement n'est favorable aux pauvres, alors Les efforts de la collectivité peuvent, dans cer- les bailleurs de fonds, à supposer qu'ils soient tains cas, être reproduits en un certain nombre disposés à s'impliquer un tant soit peu, pour- d'endroits, mais savoir si c'est là le meilleur ront choisir de financer des groupements moyen de faire en sorte que tout le monde communautaires ou des organisations au sein bénéficie des services est une des nombreuses de la société civile, et il conviendra de veiller à questions qui restent ouvertes. ne pas compromettre le développement des capacités gouvernementales. Le pouvoir du consommateur, huit formules Décision 2: L 1,, '.L Jt ir. a-t-elle de I 'imnpor- tance ? Les formules 3, 4, 7 et 8 impliquent Pour résumer, augmenter le pouvoir des les clients. Lorsque les préférences diffèrent consommateurs en améliorant le choix ou selon les endroits, alors une décentralisation par la participation directe sera une chose en faveur d'autorités locales ou de groupes Clients et prestataires 87 Figure 4.2 Huit formules peuvent convenir Facile à contrôler Difficile Clientèle à contrôler homogène Clientèle Facile _ _ __ _ _ _ _ _ _ hétérogène à contrôler Politique Difficile favorable à contrôler aux pauvres Facile à contrôler Politique clientéliste Clientèle Difficile homogène à contrôler Clientèle hétérogène Facile à contrôler Difficile à contrôler g communautaires (selon la capacité et l'orien- nécessaire, dans les situations 2, 4, 6 et 8. Les tation en faveur des pauvres des premières) parents d'élèves, les patients et les usagers des peut se justifier. Lorsque les préférences diffe- services en réseau peuvent améliorer les ser- rent selon les individus, alors le pouvoir vices soit par leur choix de consommateur, d'achat et la concurrence pour les entreprises soit par leur participation active. individuelles sont préférables. La fourniture Ce n'est que dans la situation 1, lorsque d'une information aux clients est essentielle l'Êtat ést parfaitement capable de fournir pour que leurs choix puissent se traduire par directement les services, que la participation des services plus adaptés. de la clientèle est optionnelle. Ce peut être le cas éventuellement dans la situation 3, si l'É- Décision 3: Le contrôle est-ilfacile oln tIcilc? tat est en mesure de satisfaire les besoins Lorsque le contrôle est plus facile pour les variés des clients. Dans tous les autres cas, le clients que pour les gouvernements (à tout client doit être plus résolument placé au niveau), alors l'input de la clientèle peut être centre de la prestation de services. _l - i iintiative de Bainako Confier la responsabilité des services de santé aux collectivités au Bénin, en Guinée et au Mali Dans certains des pays les plus pauvres du monde, confier la responsabilité des services de santé aux collectivités et leur per- mettre de percevoir les droits et de gérer le processus a permis de rendre les services de santé locaux plus responsables et plus efficaces pour servir les pauvres. u Bénin, en Guinée et au Mali, l'ni- L'approche a consisté à instituer des tants de la communauté pour accroître tiative de Bamako a permis de centres de santé communautaires servant la demande. aconcilier la solidarité communau- une population de 5 000 à 15 000 individus. * Normaliser les procédures de diagnostic taire traditionnelle et la rémunération des L'analyse des principales contraintes dans et de traitement et instituer une supervi- prestataires avec les objectifs de l'État ces trois pays a conduit à mettre l'accent sur sion régulière. moderne. De quelle manière ? En renfor- les stratégies de fourniture de services cen- çant le pouvoir des collectivités sur les pres- trées sur les pauvres.2 Les priorités étaient Généralisation progressive tataires de services. Les décideurs ont réalisé les suivantes :212 2 un équilibre entre ce pouvoir et une impli- *Disposer, au niveau de la collectivité, de Le seté mis en place de cation centrale constante à subventionner façon progressive, avec le soutien de l'UNI- cation rglreseie-eàguelaeto fonds de roulement pour les médica- CEF, de l'OMS et de la Banque mondiale, en et réguler les services - et à guider la gestion ments pouvant être stockés et pour la s'appuyant sur divers projets pilotes.213 Le projet a permis de rendre les services gestion de l'ensemble des processus Depuis le début des années 1980, il a été Le projetépu aermibles,dere e ples disevibes financiers. progressivement étendu dans ces trois pays de santé plus accessibles, plus disponibles, * Revitaliser les centres de santé existants, - de 44 centres de santé à 400 au Bénin, en plus abordables, et d'en améliorer l'usage. étendre le réseau et fournir mensuelle- 2002, de 18 à 367 en Guinée et de 1 à 559 au en place dans ces trois pays, les services ment des services d'aide sociale aux vil- Mali. Le taux d'accès de la population à des communautaires ont permis à plus de 20 lages situés à moins de 15 kilomètres des services de santé situés à moins de 5 kilo- millions de gens de retrouver l'accès aux centres. mètres est ainsi passé à 86 % au Bénin, à services de santé primaires et secondaires . Faire progresser la mobilisation sociale 60 % en Guinée et à 40 % au Mali, pour Ils ont permis d'accroître et de maintenir la et la communication au niveau de la couvrir plus de 20 millions de personnes. Il couverture des vaccinations. Les services communauté. est important de considérer qu'un cadre ont pu bénéficier davantage aux enfants et * Tarifer les interventions les plus efficaces légal a été développé pour servir de base aux femmes du cinquième le plus pauvre de au-dessous des prix du secteur privé, aux relations contractuelles entre les collec- la population. Il en est aussi résulté un plus grâce à des subventions gouvernemen- tivités, aux arrangements de partage des net déclin de la mortalité dans les zones tales et à une aide de la part des bailleurs coûts, à la disponibilité des médicaments rurales que dans les zones urbaines. de fonds et grâce à des subventions croi- essentiels et aux mesures participatives. Les Malgré les divers mécanismes de ciblage, sées à l'intérieur du système. Les critères associations communautaires et les comités l'accessibilité financière reste un problème locaux ont été définis pour les exemp- de gestion ont été reconnus comme entités pour un grand nombre des familles les plus tions (tableau 1). légales habilitées à recevoir des fonds pauvres. Cependant, même avec si l'inté- * Obtenir la participation des collectivités publics. gration des plus pauvres reste limitée, les à un examen bisannuel des progrès réa- progrès sont significatifs.2" lisés et des problèmes liés à la couverture Des progrès pour les pauvres des services de santé - ainsi qu'à la plani- fication et à la budgétisation des ser- dans le domaine de la santé Revitaliser les réseaux de soins vices. Au cours de ces quelque 12 dernières Dans ces trois pays, la situation des services * Rechercher et retrouver les éléments années de mise en oeuvre du projet au de santé a connu de graves perturbations au défaillants - et recourir aux représen- Bénin et en Guinée, et au cours de plus de 7 cours des années 1980, par suite d'une grave récession économique et d'un endettement financier. Au Bénin, le budget de la santé est Tableau 1 Étendre les services pour en faire bénéficier les groupes les plus pauvres passé de 3,31 $ par habitant en 1983 à 2,69 $ en 1986. Au Mali, l'infrastructure rurale Ciblage Cibegéae Subventions Exemptiens était pratiquement inexistante, et en Gui- de la maladie gographique crisées pour ls pauvres née, les services de santé avaient presque Attention portée au Attention portée sur * Davantage de majorations * Exemptions laissées entièrement disparu - sauf dans la capitale, fardeau des maladies les zones rurales. et co- paiements pour les à la discrétion des Conakry - au cours des dernières années du chez les pauvres: Subventions plus maladies dont le niveau de collectivités régime de Sekou Touré. Dans ces trois pays, paludisme, diarrhée, importantes pour les priorité est moindre * Les catégories une vaste majorité des familles pauvres infections respiratoires, régions les plus * Subventions élevées pour exemptées comprennent n'avait pas accès aux médicaments ni aux malnutrition, santé de pauvres les services de santé pour les veuves et les la reproduction les enfants orphelins services professionnels de santé. La couver- i Vaccinations etthérapie ture nationale des vaccinations était infé- de réhydratation orale rieure à 15 %, et moins de 10 % des familles gratuites et activités de avaient recours aux services de soins cura- promotion tifs modernes. Pleins feux sur l'initiative de Bamako 89 Figure 1 La mortalité avant l'âge de cinq ans a été réduite au Mali, Figure 2 Des progrès en ce qui concerne la mortalité au Bénin et en Guinée, entre 1980 et 2002 avant l'âge de cinq ans chez les pauvres au Mali Décès, en milliers Nombre de décès pour mille naissances 450 - - .., ,., 400 1987 400 - Guun,~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~350 196 r*:lei mc,êûûe -- *r.c,eûne 300 i 2000 350 3.001 Guinée, pauvres 250 300 BErr pleut! . . - 200 h . 250 *. 200 Bénin, moyenee- 150 li 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 0 5' le plus 2' Intermé- 4e 5e le plus Source: Krippenberg et autres, 2003. Calculé à partir des statistiques des Enquêtes de rce démographie et de santé pour le Bénin en 1996 et 2001, pour la Guinée en 1992 et 1999, et pauvre diaire pour le Mali en 1987,1996 et 2001. Source: Calculé à partir des statistiques des Enquates de démogra- phie et de santé de 1987 et 1996 (d'après le nombre de naissances dans les cinq entées précédent l'enquête) ans au Mali, des progrès significatifs ont été sif au sein que le recours aux services pro- Pour les pauvres, les prix sont restés un réalisés en matière de santé et de services de fessionnels pour les soins prénatals,2t les obstacle.2 ` Dans chacun de ces trois pays, santé. La mortalité avant l'âge de cinq ans a accouchements, le traitement des diarrhées une forte proportion des pauvres n'utilise significativement diminué, mème parmi les et des infections respiratoires aiguës (figure toujours pas les services de santé essentiels. plus pauvres. Dans chacun de ces trois pays, 4).216 Au Bénin et en Guinée, le système de santé a l'écart entre riches et pauvres s'est rétréci Dans une étude d'évaluation indépen- permis des exemptions, et la plupart des (figures 1 et 2). En Guinée, c'est pour la dante réalisée au Bénin en 1996, 75 % des centres de soins avaient des recettes dont ils population rurale et les couches les plus personnes interrogées étaient satisfaites de auraient pu se servir pour subventionner pauvres que l'évolution a été la plus accen- la qualité des soins, même si 48 % n'étaient les plus pauvres, mais pratiquement aucun tuée. pas « pleinement » satisfaites. Les usagers ne l'a fait. En général, les comités de gestion Dans chacun des trois pays, les taux de des services de soins ont trouvé plutôt ont valorisé l'investissement selon la redis- vaccination ont augmenté.»t Au Bénin, ils bonne la disponibilité des médicaments tribution. sont maintenant proches de 80 %, un (plus de 80 % ont déclaré que les médica- chiffre appréciable, et l'un des taux les plus ments étaient disponibles) et ont trouvé Le financement communautaire - élevés de toute l'Afrique subsaharienne. En bonne la qualité générale des soins (91 %). Guinée et au Mali, les taux de vaccination Un meilleur accès a permis de réduire les un siège à la table de négociations sont plus réduits, en grande partie à cause coûts des déplacements, et la disponibilité Le financement communautaire des princi- de problèmes d'accès (figure 3). La couver- des médicaments a réduit le besoin de se paux coûts de fonctionnement a permis aux ture des autres types d'actions sanitaires est rendre à des centres de soins distants. Les collectivités d'avoir un siège à la table des aussi en progrès. Au Bénin, la fourniture de prix ont été maintenus au-dessous de ceux négociations. Les bailleurs de fonds et les services de santé aux enfants de moins de des autres sources. Au Bénin, la dépense gouvernements ont été obligés de négocier cinq ans est passée de 0,1 visite par an à plus médiane d'un ménage en soins curatifs, de manière systématique les nouveaux pro- de 1,0 visite. Au Mali, dans toutes les dans un centre de soins, était de 2 $ en 1989, jets avec les organisations communautaires. couches de la population, y compris les plus soit moins de la moitié de la dépense chez Dans chacun des trois pays, le gouverne- pauvres, des progrès ont été observés en ce les prestataires privés (5 $) ou chez les gué- ment, avec l'aide des bailleurs de fonds, a qui concerne aussi bien l'allaitement exclu- risseurs traditionnels (7 $).2î7 continué de subventionner les centres de soins, surtout dans le maintien des fonds de Figure 3 Évolution de la couverture nationale Figure 4 Soins prénatals au Mali par roulementou t d e d ents des vaccinations IDPT3), entre 1988 et 1999 un personnel médicalement formé, roulement pour l'achat de médscaments par tranche de richesse dans les régions les plus pauvres. Au Bénin et au Mali, aujourd'hui, le montant des sub- /% % ventions publiques aux services de santé, 100 Bénin par habitant, est à peu près le même dans 80 les régions riches et dans les régions 75 19 pauvres. En Guinée, toutefois, ce sont les /9 200196 couches riches de la population qui ont le 50 1987 2000 plus profité des dépenses publiques. Cepen- / .' ~ / . + - l l * l | - dant, ces trois pays se trouvent confrontés à 25 "' f É: 1& l ll l | Id i i la difficulté que représentent la promotion 20 d'une évolution du comportement des 0 *l ] 1S1 | - l | - ménages et la protection des plus pauvres et 0 0 - - i - | - l I - des plus vulnérables. Instaurer des méca- 1988 1990 1992 1994 1996 1998 5e le plus 2' InIter - 4 5' le ples nismes pour subventionner et pour proté- pauvre diaire riche ger les pauvres reste une priorité dans le Sources: OMS, UNICEF et Enquêtes de démographie et de Source: Analyse des enquetes de deémgraphie et de santé, processus actuel de réforme. santé. Citoyens et responsables politiques L 'instance politique la plus importante, ce sont les davantage d'influence sur les décisions poli- citoyeens. tiques et en associant leurs intérêts à ceux ch a p i tr e Louis D. Brandeis des non-pauvres, on peut rendre les En exprimant leurs préférences et en partici- hommes politiques plus responsables vis-à- pant à la politique, les citoyens se retrouvent vis du problème de la fourniture universelle en relation avec les personnes qui représen- des services. Il convient de donner plus tent l'État: les hommes politiques et les déci- d'importance aux élections, au vote éclairé deurs. Contrairement au chemin court de la et de renforcer les autres mécanismes tradi- responsabilité entre clients et prestataires, tionnels d'expression politique, car ces pro- dont il a été question au chapitre 4, le chemin cessus - et l'information qu'ils produisent - long de la responsabilité passe par les respon- peuvent rendre les engagements politiques sables politiques. Cette responsabilité com- plus crédibles et permettre de meilleurs prend deux aspects: la relation d'expression résultats en termes de services. Les organi- entre d'une part les citoyens et d'autre part sations non-gouvernementales et les orga- les responsables politiques et les décideurs nisations de la société civile peuvent aider à (dont il est question ici) et la relation entre amplifier le pouvoir d'expression et d'in- les responsables politiques et les prestataires fluence des pauvres, à coordonner les coali- de services (aspect traité au chapitre 6). tions pour résoudre leurs problèmes d'ac- Dans le présent chapitre, plusieurs ques- tion collective, agir comme médiateurs à tions sont posées : Pourquoi, dans les travers des mécanismes de réorganisation et démocraties qui fonctionnent, les respon- exiger davantage de responsabilité dans le sables politiques ne fournissent-ils pas avec domaine des services. Même lorsque ces davantage d'efficacité des services d'éduca- mesures ont un champ d'action limité, une tion, de santé et d'infrastructure aux meilleure information - à travers la divulga- pauvres, bien que leur élection dépende des tion publique, l'analyse de budget accessible voix de ces derniers ? Pourquoi les dépenses aux citoyens, la constitution de points de publiques sont-elles systématiquement référence pour les services et les évaluations allouées à des projets de construction et au d'impact des programmes - et des médias versement de salaires dans des administra- actifs et indépendants peuvent permettre de tions étatiques pléthoriques, souvent aux renforcer le pouvoir d'expression. dépens de l'efficacité de services comme l'enseignement scolaire ? Et pourquoi, Le pouvoir d'expression lorsque l'État dépense effectivement de l'ar- des citoyens et la responsabilité gent pour les services dont les pauvres ont politique besoin, comme les soins primaires, la qua- lité des services est-elle si mauvaise ? Finale- Devant des salles de classes sans instituteur, ment, que peuvent faire les citoyens, et sur- des dispensaires sans médicaments, des robi- tout les citoyens pauvres, lorsque les nets qui ne versent plus d'eau, des habitations responsables politiques se révèlent inca- sans lumière et une police corrompue, les pables de faire en sorte qu'ils bénéficient des citoyens pauvres se sentent souvent impuis- services ? sants.219 Les représentants élus semblent En donnant du pouvoir aux citoyens n'avoir de comptes à rendre qu'envers les pauvres, en leur permettant d'exercer intérêts les plus influents de la société, dans le 90 Citoyens et responsables politiques 91 meilleur des cas. Lorsque les responsables L'expression politique est la relation politiques ne sont pas responsables devant les de responsabilité la plus complexe, citoyens pauvres, le chemin long de la res- dans le domaine de la prestation ponsabiité - celui qui met en relation les de services citoyens avec les prestataires par l'intermé- diaire des responsables politiques - ne fonc- L'expression politique est la relation de res- tionne plus, le pouvoir d'expression des ponsabilité entre les citoyens et les respon- citoyens manque, et les prestataires ne se sen- sables politiques, l'ensemble des moyens à tent pas obligés de fournir à la clientèle travers lesquels les citoyens expriment leurs pauvre des services adéquats. Lorsque les préférences et influencent les responsables pauvres ont du pouvoir et de l'autonomie, au politiques (figure 5.1) .224 Dans ce contexte, la contraire, que ce soit par eux-mêmes ou responsabilité est la volonté des responsables grâce à des alliances, leur exigence d'une res- politiques de justifier leurs actes et d'accepter ponsabilité politique peut obliger les des sanctions électorales, légales ou adminis- hommes politiques à réagir de manière à tratives si la justification n'est pas jugée rece- compenser certaines lacunes de la chaîne de vable. La responsabilité, telle qu'elle est défi- prestation des services. nie au chapitre 3, doit se traduire par l'obligation de rendre des comptes (le droit des Les services sont une force politique citoyens à recevoir une information perti- Pour les pauvres, il arrive que la seule forme nente et une explication des actes) et par l'ap- d'interaction habituelle avec l'État se trouve plicabilité (le droit d'imposer des sanctions si sur le lieu de la prestation des services. Les l'information ou la justification est jugée campagnes électorales montrent que les res- inappropriée).225 Ce qui complique les ponsables politiques savent bien que la qua- choses, c'est notamment le fait que l'expres- lité des services conditionne la perception sion politique ne soit pas un facteur suffisant qu'ont les pauvres de l'État. En Thailande, le pour que s'exerce la responsabilité: elle peut programme de la Carte d'or de 30 bahts pro- entraîner l'obligation de rendre des comptes mettait de garantir à tous des soins médicaux mais pas nécessairement l'applicabilité. universels pas chers, et il a assuré au parti En principe, les élections garantissent aux Thai Rak Thai une victoire écrasante aux citoyens à la fois l'obligation, pour les respon- élections législatives en 2001.221 La prestation sables politiques, de rendre des comptes (le de services a aussi été un thème important droit d'évaluer l'actif et le passif d'un candi- dans la campagne électorale victorieuse du dat) et l'applicabilité (la possibilité de voter Parti travailliste en 2001, au Royaume-Uni. pour ou contre le candidat). En pratique, la Une unité dédiée à la prestation des services a réalité de ces deux aspects varie grandement été créée au sein des services du Premier d'un système démocratique à un autre, ministre pour en contrôler le progrès.--- comme la plupart des tentatives d'exercer la Même lorsque les services ne figurent pas responsabilité. Les chartes de citoyens peu- de manière explicite parmi les thèmes des élections, les hommes politiques cherchent Figure 5.1 L'expression politique dans le schéma de la prestation de services souvent à élargir leur électorat en accordant à leurs supporters des services publics gratuits ou des emplois lucratifs dans les services. Par ailleurs, la population se sent de plus en plus concernée par la responsabilité des services, \c,q de la resp,, en dehors du processus électoral. Au Brésil, eltesp00 en Inde, en Afrique du Sud, des organisations de la société civile analysent l'allocation et Chemin cou'a l'utilisation des ressources publiques dans le _ budget pour comprendre leur impact sur les I ij pauvres.223 Si les services bénéficient d'une I L Z telle attention de la part des responsables politiques, pourquoi la relation d'expression politique est-elle souvent si faible ? Services 92 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 vent spécifier les normes des services publics Un contexte de prestation de et les obligations des organismes publics services favorable aux pauvres envers leurs clients, mais sans des mesures ou un contexte de clientélisme correctives, les obligations risquent de ne pas Le fait que l'expression politique soit un pro- être applicables. En Malaisie, les chartes de la blème complexe amène encore à se deman- clientèle créées en 1993 pour les organismes der pourquoi, dans des sociétés dans les- publics font les deux, elles donnent aux quelles le citoyen moyen est pauvre, les clients le droit de s'adresser à un Bureau de services ne sont pas assurés pour les pauvres. réclamations du public si des mesures correc- La réponse réside dans le fait que le contexte tives ne sont pas entreprises.226 de la prestation des services soit « favorable Une autre complication est le fait que la aux pauvres » ou « clientéliste ». Cette dis- relation d'expression politique s'établit entre tinction est le reflet des incitations aux- un grand nombre de citoyens et un grand quelles sont confrontés les responsables poli- nombre de responsables politiques - qui sont tiques, et du fait que les services soient tous susceptibles d'avoir des intérêts diver- conçus pour être universels et accessibles au gents. Lorsque les services ne satisfont per- citoyen moyen ou pour pouvoir être orientés sonne, le pouvoir d'expression politique de vers des « clients » par des hommes poli- l'ensemble des citoyens (ou même des non- tiques corrompus. Et lorsque les services sont pauvres uniquement) peut constituer un formellement orientés vers les pauvres, il moyen de pression sur les responsables poli- s'agit de savoir si dans la pratique, ils ne sont tiques pour les inciter à rendre les services pas détournés par les élites (tableau 5.1). Un plus adaptés à l'ensemble, les pauvres com- contexte favorable aux pauvres est un pris. Cependant, lorsque ce sont principale- contexte dans lequel les responsables poli- ment les pauvres qui ne peuvent pas bénéfi- tiques se trouvent fortement incités à servir cier des services, les mécanismes d'expression l'intérêt général. Un contexte politique de politique agissent selon des conditions bien clientélisme est un contexte dans lequel, plus difficiles. Les élites peuvent être indiffé- même lorsque le citoyen moyen est pauvre, rentes à la situation catastrophique dans les responsables politiques sont fortement laquelle se trouvent les pauvres.227 Le contexte incités à réorienter les dépenses publiques en politique neutralise parfois même les mouve- faveur de certains intérêts particuliers, en ments les mieux organisés. Lorsque les inté- faveur de leurs principaux supporters ou en rêts des pauvres sont en conflit avec ceux de faveur d'électeurs « versatiles ».229 Lorsque le l'élite ou de l'autorité, les mouvements de pro- citoyen moyen est pauvre, le fait de servir des testation impliquent pour eux un coût élevé. intérêts particuliers aux dépens de l'intérêt Le fait que la société soit homogène ou hété- général est ce que l'on appelle le clientélisme. rogène importe donc, de même que le fait Il est évident que cette distinction entre qu'existe un sens développé de l'intégration, contexte favorable aux pauvres et contexte de la prise en charge et de la motivation clientéliste est une simplification à l'extrême, intrinsèque pour le leadership social et poli- mais qui constitue un moyen utile de réflé- tique du pays. Attendre des pauvres qu'ils chir aux mécanismes de prestation de ser- assument la charge principale d'exercer une vices. Il est moins probable d'obtenir une influence serait injuste - et irréaliste. bonne qualité des services pour tous lorsque Enfin, l'expression politique ne constitue les responsables politiques s'emploient à que la première partie du chemin long de la satisfaire des intérêts particuliers plutôt que responsabilité. C'est ce qui complique son les intérêts du citoyen moyen. Faire en sorte impact sur les services, cet impact dépendant que les pauvres bénéficient effectivement de aussi de la relation d'accord entre les déci- services est évidemment plus difficile dans un deurs et les prestataires. Même un pouvoir contexte clientéliste que dans un contexte d'expression fort ne permet pas toujours de favorable aux pauvres. Ce qui est moins évi- faire en sorte que les pauvres puissent bénéfi- dent, c'est le fait que si les mécanismes de la cier des services de base, si l'accord est faible. prestation de services ne tiennent pas compte Cependant, l'inverse peut aussi être vrai, de ces différences spécifiques en termes de comme c'était le cas pour l'ancienne Union pays et de services, l'échec est probable et les Soviétique. pauvres risquent d'en pâtir. Citoyens et responsables politiques 93 Tableau 5.1 Contexte de services favorable aux pauvres et contexte clientéliste lorsque le citoyen moyen est pauvre Incitations des Schéma des dépenses Intégration Détournement des responsables de prestation et exclusion des services politiques de services Favorable Pas de fortes incitations Promotion de la fourniture La plus grande partie Aucun aux pauvres à servir des intérêts universelle des services des pauvres bénéficie particuliers, préférence de base essentiels dont du même accès et pour la satisfaction bénéficient de larges de la même qualité de l'intérêt général; segments de la société, de service que les et les pauvres comme non-pauvres, pour des les non-pauvres; raisons d'infrastructure, des raisons politiques, sociales ou altruistes. Clientéliste Fortes incitations à servir Ciblage possible de Les pauvres ne bénéfi- Détournement des services des intérêts particuliers, groupes restreints de cient pas du même par les élites locales les principaux supporters « clients » non-pauvres et accès et de la même ou nationales; gouverne- ou des électeurs parfois de pauvres mais qualité de service que ments ultra-populistes « versatiles » avec des caractéristiques les non-pauvres, même (comme les « effets de qui rendent les services si ce peut être le cas Curley », voir « encadré susceptibles d'être de certains « clients » 5.21 détournés par les non- pauvres spécifiquement. pauvres L'interaction entre l'expression important est l'efficacité des institutions per- politique et la responsabilité mettant que s'exerce la responsabilité, comme Lorsque la population est hétérogène, il le Parlement, les tribunaux, les médiateurs et importe de voir qui les responsables poli- les commissions anti-corruption. Le capital tiques et les décideurs écoutent et aux social compte aussi beaucoup, car il aide à sur- demandes de qui ils répondent. Lorsque la monter le problème d'action collective qui population est polarisée sur des questions sous-tend l'expression politique, surtout pour qui ne sont pas liées aux services - par les pauvres.231 exemple des questions de religion, d'ethnie, Que peut-on faire pour renforcer le pou- de caste ou de tribu - les électeurs se préoc- voir d'expression, pour les citoyens pauvres cupent davantage de ce que les hommes en particulier, lorsqu'il s'agit de demander politiques promettent dans ces domaines des services plus adaptés ? La réponse dépend que de ce qu'ils proposent concernant les grandement du contexte politique, mais dans services, et les hommes politiques sont inci- les démocraties qui fonctionnent et dans les- tés à poursuivre d'autres objectifs aux quelles ont lieu des élections, trois choses au dépens de l'efficacité des services. Lorsque moins doivent être faites. la politique se fonde sur l'identité et sur le favoritisme, il y a peu de chances que les Approfondir la compréhension et la pauvres bénéficient des services publics, conscience des raisons pour lesquelles, si sauf s'ils ont la « bonne » identité ou s'ils souvent, la politique de prestation de ser- sont les clients des détenteurs du pouvoir vices est clientéliste et n'est pas en faveur politique. Dans un État corrompu ou en des pauvres. faillite, l'expression politique peut perdre Lorsque la politique est clientéliste, son sens. Les responsables politiques n'ont rechercher quels changements, dans les alors ni l'envie ni la capacité d'écouter. conditions de la prestation des services, Ainsi, dans quelles circonstances l'expres- pourraient faire évoluer les incitations sion politique peut-elle entraîner davantage politiques et permettre de meilleurs de responsabilité ? Les élections peuvent résultats. déboucher sur une amélioration des services Dans le choix des moyens d'assurer des ser- si les promesses faites par les politiciens sont vices, tenir compte, dans la mesure du pos- crédibles. Pour l'expression politique, le cadre sible, de l'influence en faveur des pauvres des droits des citoyens, le droit à l'informa- ou de l'influence clientéliste de la concur- tion, la manière dont sont conçus les services, rence politique sur les incitations en l'influence des médias et les procédures admi- matière de prestation de services. Recon- nistratives correctives sont autant de facteurs naître et rendre compte des échecs gouver- importants.230 Un autre facteur également nementaux procédant du clientélisme. 94 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 5.2 Le siècle de la démocratie La politique de prestation La manière dont les politiciens et les élec- Population mondiale par type de régime des services publics à l'attention teurs prennent leurs décisions et la manière % des pauvres dont les politiciens se font concurrence 100 apportent des éléments de réponse.235 90 En 1974, 39 pays seulement - soit un sur Lorsque les hommes politiques sont incités à 80 quatre - étaient des démocraties électorales. À détourner les ressources (et notamment la 70 la fin de l'année 2002, ce chiffre avait considé- corruption pure) et à réaliser des transferts 60 rablement augmenté pour atteindre 121 États vers quelques clients aux dépens du plus 50 -soit trois sur cinq.23 Au cours du sîècle der- grand nombre, les efforts pour assurer des 40 nier, le pourcentage d'individus vivant dans services publics élargis s'en trouvent compro- 30 des démocraties avec des élections dans les- mis. La mesure dans laquelle les électeurs 20 quelles divers partis s'affrontent et avec le suf- peuvent savoir quelles sont les contributions 10 frage universel a connu une très forte crois- des responsables politiques à un service parti- o sance (figure 5.2). culier - et donc la mesure dans laquelle les 1900 1950 2000 Cette démocratisation rapide a amené la hommes politiques peuvent revendiquer du * Protectorat/dépendance représentation et les libertés, mais n'a pas crédit pour ce service - varie considérable- coloniale amené d'améliorations rapides des services ment selon le service en question (encadré * Monarchie pour les pauvres.233 La plupart, sinon la 5.1). Le degré de concurrence politique lconstitutionnelle/ traditionnelle /absoluie) totalité des nouvelles démocraties sont des compte. Ainsi, par exemple, l'analyse incite à W Démocratie pays à revenu faible dans lesquels la pau- penser qu'une concurrence accrue aux élec- restreinte vreté est importante. Dans ces jeunes tions semble avoir davantage d'impact sur la Régimes démocraties, les services disponibles pour scolarisation dans l'enseignement primaire autoritaires/totalitaires les pauvres ne semblent pas être très diffé- qu'un accroissement des dépenses consacrées * Démocratie rents de ce qu'ils sont dans les régimes non à l'éducation. Source: Freedom House (1999>. démocratiques. Dans certains cas, les ser- Ainsi, trois facteurs semblent particuliè- vices sont pires que ceux qu'assurent cer- rement importants pour inciter les respon- tains gouvernements idéologiquement sables politiques à assurer une meilleure engagés mais pas élus, dans des régimes de prestation des services: parti unique, dans des pays socialistes. Le fait qu'il y ait ou non des élections ne . La manière dont les électeurs sont infor- semble pas influencer la manière dont le més de la contribution de chaque res- public perçoit la corruption, et dans la ponsable politique ou de chaque parti mesure où la corruption aggrave la mau- politique à leur bien-être. vaise situation en matière de prestation de . Le fait qu'une polarisation idéologique services pour les pauvres, cela ne semble pas ou sociale réduise ou non l'importance influencer non plus la manière dont le que les électeurs accordent aux services public perçoit l'efficacité des services.234 publics dans leur évaluation des candi- dats. Des incitations politiques . Le fait que les candidats aux élections pour les services de base puissent faire des promesses crédibles Lorsqu'ils sont assurés de manière efficace, concernant la fourniture des services des services de base comme les soins médi- publics. caux primaires et l'enseignement primaire profitent en premier lieu aux pauvres. Des électeurs informés Cependant, lorsque, dans un pays, l'électeur Les incitations aux transferts sont plus moyen est plutôt pauvre, ou lorsque les fortes lorsque les électeurs sont informés pauvres constituent la majorité de l'électo- que lorsqu'ils ne disposent pas de l'informa- rat, les responsables politiques élus démo- tion générale sur la qualité des services cratiquement semblent souvent peu enclins publics et sur le rôle que leurs élus jouent à assurer ces services de base. Quant aux dans cette qualité. Il en est de même lorsque électeurs, ils semblent incapables de faire en des électeurs non avertis se laissent facile- sorte que les hommes politiques soient ment influencer par une propagande poli- davantage incités à assurer de meilleurs ser- tique, ou lorsqu'ils votent en fonction du vices publics. Pourquoi ? charisme ou de l'identité ethnique du can- Citoyens et responsables politiques 95 didat plutôt qu'en fonction de ce dont il rêts - à condition de pouvoir coordonner peut se prévaloir. leurs efforts.240 Pour les électeurs, il est plus difficile de coordonner les récompenses et Un vote éclairé peut représenter un cOÛt les sanctions dans le domaine des soins et élevé. Des études détaillées de comporte- de l'éducation de base, en raison de la diffi- ment montrent que les électeurs ont ten- culté d'évaluation de ces services et d'attri- dance à adopter des points de repère bution des résultats aux responsables poli- simples en fonction d'une information très tiques (voir encadré 5.1). Des services limitée sur la politique publique.237 L'infor- publics intensifs en transactions, comme mation à laquelle se fient les électeurs est l'éducation et la santé, dépendent du com- généralement « libre » pour la plus grande portement au jour le jour des prestataires. part, dans le sens où elle procède de la per- La qualité est difficile à mesurer et à attri- formance sociale et économique, de buer. Aussi les carences de l'information manière accessoire.231 Ce type d'informa- conduisent-elles les électeurs à accorder tion a tendance à varier dans une large davantage de crédit aux hommes politiques mesure au sein de l'électorat, en fonction de qui lancent des projets de travaux publics la profession, du statut social et des réfé- (entre autres la construction d'écoles), qui rences culturelles. Les électeurs ont aussi accordent des subventions directes pour tendance à faire preuve d'une certaine myo- l'acquisition des biens essentiels ou qui pie, dans le sens où ils donnent bien davan- créent des emplois dans le secteur public tage d'importance aux événements proches (entre autres en engageant des enseignants du moment des élections et aux résultats et des médecins) qu'à ceux qui font en sorte immédiatement visibles, pour ce qui est des que les enseignants soient présents dans les services.239 écoles et puissent enseigner - ou que les médecins soient présents dans les centres En principe, les citoyens peuvent voter de soins et soignent les gens. selon des règles qui nécessitent très peu Lorsque les électeurs votent en disposant d'information et cependant motiver les de peu d'information, ou lorsqu'il y a peu hommes politiques à poursuivre leurs inté- de coordination entre eux mais qu'ils peu- E N C A D R É 5. 1 r/Iîti ctI-rl si ,', ' *, ' . .or les -. .i -cs ser-'ices puibic's ide salnltl et d'é(dlictioln ? Lorsque même les parents les plus pauvres se en matière de services de santé et d'éducation. risquent le plus d'en souffrir. soucient fortement de l'éducation de leurs Par ailleurs, des progrès réussis supposent un Du fait des problèmes politiques d'informa- enfants, pourquoi leur est-il si difficile de faire comportement solidaire de la part des tion et de crédibilité, les programmes publics de quelque chose pour que l'instituteur du village ménages, et lorsque les normes sociales et cul- lutte contre la pauvreté ont plus de chances de soit assidu à son travail ? Selon le point de vue de turelles sont très hétérogènes entre les prendre la forme de transferts privés tels que l'économie politique, en matière de prestation ménages, les ménages risquent d'avoir des réac- subventions pour la nourriture, pour l'électricité, desservicespublics,lagrandedifficultéd'assurer tionsvariéesauxinterventionspubliques. mesures de protection des prix des produits les soins et l'éducation de base s'explique par le . En raison de la difficulté que représentent le agricoles, projets de construction et emplois fait qu'il s'agit de services intensifs en transac- contrôle régulier de ces services et la mesure dans le secteur public. Des programmes de ce tions, dont les résultats dépendent fondamen- et l'attribution de leur impact à long terme, il type sont plus faciles à détourner et à cibler que talement du jugement et du comportement des est plus difficile pour les responsables poli- la santé et l'éducation de base, qui se prêtent prestataires, l'un et l'autre difficiles à contrôler tiques de revendiquer du crédit pour ces ser- davantage à une fourniture universelle.* C'est continuellement, et du comportement du vices que pour une route ou un puits. Par pourquoi des programmes étroitement "ciblés" ménage. ailleurs, les hommes politiques qui promet- sur les pauvres risquent de ne pas être optimaux, . L'apprentissage se fait sur despériod tentd'améliorercesservicesrisquentdeman- dans le sens où ils n'auront pas le plus grand * L'apprentissage se fait sur des périodes querdecrédibilitéetdeperdrelesélections impact sur le bien-être économique des pauvres. longues, et les avantages des soins préventifs C'est pourquoi les responsables p'olitiques ne sont pas toujours évidents. Par comparai- auront tendance à privilégier l'infrastructure sonavecd'autresservicespublicsplusvisibles plutôt que le développement humain et - distribution d'électricité, adduction d'eau, seront enclins à faire des services de santé de *D'une synthèse de recherche sur les dépenses routes en zone rurale, loi et ordre - le contrôle base et d'enseignement primaire des faveurs publiques et les pauvres, van de Walle (19981 conclut des services d'éducation et de soins d e base pour leurs « clients » plutôt que des services qu'il est substantiellement défendiable de " cibler large- suppose une demande d'information impor- universels à dispenser pour le bien commun. ment u les pauvres en allouant une plus grande part des tante de la part des électeurs comme des ressources à des services publics universels comme la hommes politiques. Ainsi, lorsque les pauvres sont mal infor- santé et l'éducation de base. Au contraire, des subven- * Les électeurs pauvres peuvent être mal infor- més, lorsque la société est polarisée selon des cli- tions à la nourriture et autres programmes de redistribu- més parce qu'ils sont analphabètes vages sociaux ou religieux, ou lorsque les tion finement ciblés peuvent parfois nuire aux intérêts * Là où la population est polarisée socialement ou hommes politiques manquent de crédibilité ou des pauvres, étant donné le fardeau des coûts adminis- hétérogène, les ménages ont moins de chances sont enclins à faire du clientélisme, ce sont les tratifs et les réactions comportementales imprévues. d'avoir des préférences claires et coordonnées services de base dont les pauvres ont besoin qui Voir aussi van de Walle & Nead (il 995). 96 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 vent être influencés par la propagande ou sociales et religieuses pour en tirer un avan- par des pots-de-vin, des groupes d'intérêts tage électoral et fut plusieurs fois réélu malgré particuliers risquent de détourner la poli- la manière dont sa politique nuisit à la crois- tique à leur profit en finançant la campagne sance économique de la ville (encadré 5.2). électorale ou en mobilisant les suffrages.24' C'est cet effet de polarisation sociale sur Ces groupes d'intérêts ne se définissent pas les incitations politiques qui explique, en nécessairement selon des clivages entre partie, les signes d'une corrélation négative riches et pauvres. Il peut s'agir de coalitions entre l'hétérogénéité ethnique et la disponi- d'électeurs (par exemple, agriculteurs ou bilité des biens publics.242 De façon plus fonctionnaires) qui font pression sur les générale, les services publics de base, sur- hommes politiques pour préserver leurs tout ceux dont on ne peut pas facilement intérêts, et pour que soient prises certaines exclure une partie de la population, comme mesures ciblées aux dépens des mesures l'enseignement primaire, peuvent aussi se dont le plus grand nombre aurait pu bénéfi- détériorer là où existe une fragmentation cier. sociale: certaines couches sociales ne vou- dront pas payer pour des biens publics qui La polarisation sociale profitent à d'autres.243 La polarisation sociale peut conduire à un vote en fonction de l'identité sociale, eth- Des responsables politiques crédibles nique ou religieuse plutôt qu'en fonction de Même lorsque les électeurs sont informés, la politique ou de la performance du candidat la politique publique peut souffrir du fait en matière de prestation de services. Ce fac- que les promesses des hommes politiques teur limite aussi les incitations à poursuivre ne soient pas crédibles. Lorsque les candi- une politique publique orientée vers l'intérêt dats aux élections ne font pas ou ne peuvent général. James Curley, un Irlandais catho- pas faire de promesses crédibles (parce qu'il lique qui fut maire de Boston pendant la pre- coûte peu aux candidats élus d'abandonner mière moitié du XXe siècle, attisa les divisions les promesses), les intéressés se trouvent plus à l'abri des effets de sanction de la concurrence politique. Les candidats E N C A D R É 5 . 2 L' « cffet Curley » concurrents ne peuvent pas mener des cam- pagnes efficaces, car ils ne peuvent pas Surnommé « le Roi Gredin », James Michael taux démographique de toutes les villes convaincre les électeurs qu'ils feront mieux. Curley a dominé la vie politique à Boston américaines de dimension comparable. Par ailleurs, lorsque les hommes politiques pendant la moitié du XXe siècle, notamment Glaeser et Shieifer (2002) appellent cela en étant élu à quatre reprises maire de la ville 1'« effet Curley »: le fait d'accroître son élec- ne sont crédibles que pour leurs « clients », entre 1913 et 1950, tout en purgeant paral- torat ou de le maintenir par la distorsion et ces derniers recevront une part plus grande lèlement deux peines de prison pour corrup- par des mesures de réduction de la richesse. des ressources publiques. Il peut en résulter tion. Admiré des familles irlandaises de la ils utilisent cette expression pour mettre en classe ouvrière, Curley s'est fait remarquer lumière la politique ethnique et de classe, d'importantes implications pour les ser- par ses emportements contre l'establish- dans le domaine de la prestation de services, v u d ment Yankee protestant ainsi que par son ayant pour effet d'appauvrir globalement la vices umversels de santé et d'éducation. Les style désordonné. collectivité. Ils montrent comment l'effet Cur- élus sont alors plus libres de poursuivre des Pour se constituer un électorat, Curley ley peut s'appliquer à Detroit, aux États-Unis, objectifs autres que ceux que préere une avat e reour a faoriism, ux pots-de- comme au Zimbabwe d'aujourd'hui, ainsi obetfaursqecxqepéeeun avait eu recours au favoretisme, avi chassdel qu'au parti travailliste au Royaume-Uni avant majorité éventuellement pauvre de vin et à la rhétorque, et il avait chassé de la sa réincarnation en New Labor. ville les citoyens protestants, plus riches, pour L'effet Curley montre que ce n'est pas citoyens. Ces objectifs peuvent consister à s'assurer une plus grande longévité politique. nécessairement à des clients riches que prof- fournir des services étroitement ciblés à Curley pratiquait le favoritisme dans les ser- te le clientélisme. Il peut aussi bien profiter à leurs supporters aux dépens des formes plus vices publics, dans les grands projets de coni- des clients pauvres, et se traduire toujours par UiC24 struction et dans les emplois publics. Au des pertes d'efficacité substantielles par suite universelles de services publics.2 cours de sa première année en tant que d'une mauvaise allocation des ressources maire, Curley avait relevé les salaires des publiques. Ainsi, le clientélisme se traduit par membres des patrouilles de police et des sur- des allocations de ressources inefficaces, qui La crédibilité et le crédit vont de pair. Des veillants des écoles, mais il avait diminué les sont ciblées et ne profitent qu'à un petit nom- problèmes de crédibilité peuvent également salaires des officiers de police plus gradés et bre, au contraire des allocations de ressources des médecins des écoles (Beatty, 1992). Des à des services publics universels qui profitent se poser lorsque les concurrents font des kilomètres de trottoirs avaient été couverts à de larges segments de la population pauvre promesses crédibles, si leur mandat est trop dans les quartiers irlandais, mais les pave- comme de la population non-pauvre, court pour revendiquer le crédit d'une poli- ments des quartiers chics yankees se désagrégeaient (O'Connor, 1995). Sous Cur- tique dont les résultats ne sont visibles qu'à ley, Boston n'était pas florissante : entre 1910 Sources: Glaeser et Shleifer (2002), O'Connor tednte résut atsmnetsont visiblessq' et 1950, elle devait connaître le plus faible (1995) et Beatty (1992). un terme relativement long. Des promesses d'emplois ou de projets de travaux publics Citoyens et responsables politiques 97 peuvent être faites peu de temps après une élection. Cependant, les promesses qui E N C A D R É 5 .3 Au Pahkistanei, ihieux vaut construire concernent l'amélioration de la qualité et des cecies eti m iilieui rl ai uie lieu les getre des résultats de l'éducation sont bien moins crédibles. De même, les électeurs peuvent Au Pakistan, les responsables politiques élus placer les écoles, les routes et l'adduction ont fait montre d'un intérêt extraordinaire d'eau près des supporters et loini des autres. facilement créditer un homme politique de dans le ciblage des services pour leurs sup- Le vote par blocs fait du favoritisme une la construction d'une école ou de la nomi- porters, mais d'un intérêt bien moindre pour stratégie politique plus efficace que la pres- nation des enseignants, mais il leur est plus les services comme l'enseignement primaire tation de services fonctionnant bien pour dont tous les électeurs pourraient profiter. tous. Le coût élevé des élections conduit les difficile de vérifier que la responsabilité de Ce résultat tient à trois aspects de la poli- responsables politiques à orienter les ser- l'homme politique dans le bon entretien des tique rurale pakistanaise : la politique à vices publics vers les supporters dont ils motivation identitaire, les votes par blocs peuvent compter sur les suffrages contre bâtiments ou dans la présence et la compé- qui facilitent l'identification des principaux des dépenses directes limitées. tence des enseignants. Si les hommes poli- supporters et le coût élevé des élections. Dans de telles conditions, les écoles peu- s n p e L'ignorance des électeurs, la mauvaise vent tre construites avec les possibilités de tiques ne peuvent pas s'attribuer le mérite information sur les candidats en présence et corruption,d'emplois et de profits qu'offre la de leurs efforts pour améliorer la qualité des l'absence de crédibilité des partis sur les construction. Les enseignants seront affec- t.u e és moins selon leur mérite et davantage cours, celle-ci risque d'être mauvaise - et les questions de politique générale incitent les selon la meilleure manière de répartir les électeurs n'attendront probablement rien hommes politiques et les électeurs à bâtir faveurs, surtout si l'absentéisme n'est pas électeurs n'atendront probblement rien des liens personnels rendant les promesses pénalisé. Au contraire, rares sont les incita- de plus. Au Pakistan, l'affectation des ensei- électorales plus crédibles. Le caractère per- tions politiques systémiques à veiller à ce s'est suvent fite seln des cnsidé- sonnel de ces liens fait qu'ils ont tendance a que les écoles marchent bien, à ce que les gnants s'est souvent faite selon des considé- être basés surdes servicesétroits et exclusifs enseignants restent responsables et à ce rations non professionnelles.25 Les incita- promis et fournis aux principaux supporters. que les enfants apprennent. tions auxquelles les hommes politiques La distance qui sépare les collectivites tionscauxquelle s trouvaient conr s politiées rurales stimule l'effficacité politique du locaux se trouvaient confrontés ont été des ciblage des avantages: il est plus facile de Source:Banque mondiale (20021). facteurs importants de la mauvaise qualité des écoles rurales (encadré 5.3). subventionner l'électricité, cette politique Dans un certain nombre de pays, les continue de bénéficier d'un plus grand sou- hommes politiques ne fondent pas leur cam- tien du public que celui dont elle bénéficie- pagne sur leur actif en politique, sur leur pro- rait si toutes les promesses électorales étaient bité, sur leur passé ni sur l'actif de leur parti. raitmsit lromesses élets étaient Les électeurs sont alors susceptibles de faire ségale ent crdbls de itérêts p uie confiance aux hommes politiques qui se sont se déveoppen ar de ritqes qui na e révélés fiables dans le domaine de l'aide per- sont pas optimales - les riches agriculteurs sonnelle. Il peut s'agir de personnes locale- captent les subventions - et cela rend le chan- ment influentes qui ont aidé des familles en gement encore plus difficile. leur accordant des prêts ou des emplois ou en Le clientélisme résolvant des problèmes administratifs. Faute de partis politiques bien développés et de lea- Le clientélisme se caractérise par une ten- ders nationaux qui soient crédibles, les pro- dance excessive, chez les hommes politiques, messes de faveurs ciblées sont tout ce sur quoi à réserver des récompenses et des traite- les électeurs peuvent se fonder dans leurs ments de faveur à des clients. Les hommes choix électoraux. politiques orientent les dépenses publiques de manière à gagner les élections. Pour ce La crédibilité peut rendre le changement dif- d air anrlséetos orc La ccrédibiiép trne letdiq- faire, ils vont par exemple assurer la fourni- ficile. Les problèmes de crédibilité politique ture de biens publics susceptibles d'améliorer peuvent favoriser les mauvaises politiques, le bien-être de tous (des biens publics géné- En matière de pauvreté, les pays adoptent ralisés comme la loi et l'ordre, l'éducation souvent des stratégies fondées sur les subven- scolaire universelle, là où il n'existe pas de tions à la consommation et à la production rivalité ni ne possibilité d'exclusion). Ou agricole, parfois aux dépens des services bien ils cibleront des localités (avec des biens publics à caractère général comme l'éduca- collectifs locaux, des projets à l'échelle d'une tion et la santé qui auraient pu contribuer à juridiction) ou des individus et des groupes la lutte contre la pauvreté et à la croissance spécifiques (le clientélisme).246 économique. L'Inde subventionne l'électri- Qu'est-ce qui distingue le clientélisme ? cité, apparemment en faveur des agriculteurs Le clientélisme suppose une menace cré- pauvres. Une fois la crédibilité fortement liée dible d'exclusion d'un ensemble d'avantages à une politique particulière comme le fait de dans le cas où l'électeur choisirait de voter 98 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 figure 5.3 Voter PRl a été payant pour l'opposition.'4' Aussi l'homme poli- hommes politiques ayant des attaches clien- Mexique dépenses de PRONASOL en fonction du parti au pouvoir tique en exercice peut-il utiliser le clienté- télistes peuvent tenir leurs promesses élec- dans les municipalités lisme pour dissuader ses principaux sup- torales mieux que les autres. Lorsque seules Dépenses moyennes par habitant porters de changer de camp. Le clientélisme les promesses clientélistes sont crédibles, les (en pesos 1995 réels) est difficile à poursuivre dans le cas des promesses de construction et d'emplois 400 biens collectifs locaux ou généralisés: les administratifs deviennent la monnaie de la 300û-~ - -.% I " bénéficiaires ne sont pas des clients fiables, concurrence pour le pouvoir, aux dépens de 200RD ;' , puisqu'ils peuvent soutenir l'opposition l'accès universel à une éducation et à des 2ûû00 ç- j'^/ -iutres» tout en continuant à en bénéficier. soins de bonne qualité (comme nous PAN Le Programa Nacional de Solidaridad l'avons vu dans l'encadré 5.3). Il est possible 100 (PRONASOL), un programme de lutte de diriger les travaux publics ou les emplois contre la pauvreté au Mexique, s'est traduit vers des individus ou des groupes d'élec- 1989 1990 1991 1992 1993 1994 par une dépense moyenne annuelle de 1,2 % teurs: c'est alors la preuve évidente que des du PIB pour l'eau, l'électricité, l'alimenta- politiciens clientélistes tiennent les pro- Note: PRI = Parti revoIutisnnaire institetisonnel PRD = Parti de la révolution démocratique, tion et l'éducation dans les collectivités messes qu'ils ont faites à leurs clients. Il est PAN = Parti d'action nationale. pauvres, entre 1989 et 1994.248 Les munici- bien plus difficile de cibler les services d'une Source Estévez, Magaloni et Diaz-Cayeros (2002). palités détenues par le Parti révolutionnaire école primaire de village ou d'un dispen- institutionnel (PRI), le parti au pouvoir, ont saire bien gérés. reçu des transferts par habitant significative- L'étude comparée entre pays des investis- ment plus élevés que celles qui ont élu un sements publics confirment l'idée que la cré- autre parti (figure 5.3). D'après une évalua- dibilité et le clientélisme sont des facteurs tion des dépenses de PRONASOL, ce pro- qui influencent de façon significative la gramme n'a réduit la pauvreté que de 3 % fourniture des services publics. Il n'existe environ. Si le budget avait été réparti en pas une variable qui refléterait de manière fonction de son impact sur la pauvreté plu- directe la crédibilité des promesses électo- tôt qu'en fonction de la fidélité au parti, la rales ou l'importance du clientélisme. Il est diminution prévisible de la pauvreté aurait cependant possible d'affirmer que dans les été de 64 % en cas de ciblage parfait, et jeunes démocraties, les candidats aux élec- même dans l'hypothèse d'un transfert pro- tions sont moins facilement capables de portionnel, universel et non ciblé à l'en- faire des promesses crédibles à tous les élec- semble de la population, cette diminution teurs et risquent davantage de compter sur aurait été de 13 %. 249 les promesses clientélistes ; et lorsque ces Même lorsque les électeurs veulent voter démocraties prennent de la maturité, les pour un candidat ou un parti de l'opposi- hommes politiques ont plus tendance à tion, ils peuvent être dissuadés de le faire accroître leur clientèle, dans la mesure où ils par la crainte d'une sanction, sous forme peuvent compter sur la fidélité de leurs d'un retrait des fonds de la part de l'autorité clients. Une étude qui résume ces faits centrale. Ainsi, les électeurs peuvent finir montre que les dépenses ciblées - l'investis- par maintenir au pouvoir un parti qu'ils sement public - sont plus importantes dans n'aiment pas, afin d'assurer le maintien du les jeunes démocraties que dans les financement des services publics locaux. À anciennes, et qu'avec le temps, les dépenses cela s'ajoute un problème de coordination. ciblées augmentent.251 Avec l'âge des démo- Même si une majorité des localités vou- craties, la corruption diminue. Ces résultats laient voter contre le parti sortant, dans l'in- s'appliquent aux services de base universels, certitude de savoir ce que les autres localités qui risquent d'être plus restreints en quan- comptent faire, la majorité finirait par sou- tité lorsque l'investissement public est élevé, tenir le parti au pouvoir pour éviter un et de moins bonne qualité lorsque la corrup- manque de coordination stratégique et la tion est importante. Des observations simi- sanction de la perte des fonds. laires, avec des comparaisons entre pays, Le clientélisme peut aussi être le résultat concernant la scolarisation dans le secon- d'une concurrence politique, lorsque la cré- daire et le primaire, confirment l'idée que la dibilité des candidats concurrents est limi- crédibilité est un facteur dont dépend de tée: les promesses électorales ne sont alors façon significative la fourniture de services crédibles que pour les « clients », 250 Les publics.252 Citoyens et responsables politiques 99 Au-delà des urnes: les initiatives rendre compte de leurs actes, d'autres visent à des citoyens pour davantage améliorer l'applicabiité. Ces initiatives et la de responsabilité réponse de l'État mettent en jeu un certain nombre de mesures. Lorsque les élections ne suffisent pas à per- Ces initiatives citoyennes couvrent un mettre que les pauvres bénéficient des ser- vaste champ de problèmes, depuis l'amélio- vices de manière effective, la pression poli- ration de la loi et de l'ordre à Karachi256 à la tique invite à de nouvelles approches qui mise en place d'un système de bulletins permettent aux citoyens de rendre les d'évaluation par les citoyens. L'échelle à hommes politiques et les décideurs plus res- laquelle elles s'appliquent varie considérable- ponsables vis-à-vis des services. Cela ne rem- ment, depuis les coalitions pour le partage de place pas le processus électoral, il s'agit plutôt la connaissance mondiale, comme d'un complément venant renforcer le chemin Shack/Slum Dwellers' International257 jus- long de la responsabilité. L'émergence de qu'aux efforts à l'échelon communautaire, à telles initiatives citoyennes et de leur potentiel Mumbai, pour contrôler les livraisons de mobilisateur s'est accompagnée d'une révo- biens subventions dans les magasins locaux à lution de l'information qui a simplifié consi- « prix équitable » pour démasquer la fraude dérablement les échanges d'information et dans le système indien de distribution l'accès des citoyens à l'information officielle. publique orienté vers les pauvres.258 Elles L'enthousiasme pour l'implication varient aussi de par leur intensité et leur por- directe des citoyens provient aussi de la tée. Pour les réformes électorales, elles vont frustration grandissante qu'entraîne la de la production d'informations sur le passé mode dominante d'une fonction publique des candidats et sur leurs résultats, en Argen- nationale assurant des prestations qui tine (Poder Ciudadano259) aux efforts de la répondent à des « besoins » de la popula- société civile pour appliquer et soutenir un tion techniquement prédéterminés.253 Cette arrêt de la Cour suprême indienne rendant frustration a engendré un intérêt accru obligatoire pour tous les candidats aux élec- pour la responsabiisation directe des tions la publication de leurs ressources patri- citoyens et pour la résolution des problèmes moniales et de leur éventuel casier judiciaire. d'action collective, qui est aussi amené par En ce qui concerne l'analyse budgétaire, les la constatation que les relations civiques et initiatives visent d'un côté à rendre les bud- le capital social constituent d'importants gets nationaux accessibles aux citoyens, et de déterminants de l'efficacité de l'État.254 l'autre, à promouvoir au niveau des villages des audits participatifs des dépenses Un vaste ensemble de questions publiques locales (encadre 5.4). et d'outils Ces initiatives citoyennes font aussi appel Certains ont vu dans la croissance rapide de à un vaste ensemble d'outils, des campagnes l'initiative citoyenne un nouveau programme de signatures au porte-à-porte à l'activisme de responsabilisation. Cette croissance sur Internet. La croissance rapide d'Internet implique « un rôle plus direct pour les gens et des technologies de la communication a ordinaires et leurs associations dans l'exi- changé considérablement les possibilités de gence d'une responsabilité à travers un pouvoir d'expression des citoyens, au niveau ensemble plus diversifié de juridictions, à national comme au niveau international, l'aide d'une vaste série de méthodes, en fonc- même si le revenu et les conditions de tion d'une norme plus précise de justice connexion limitent l'accès. Certaines appli- sociale »,255 Les citoyens concilient la respon- cations innovantes de l'administration par sabilité électorale et la participation avec ce voie électronique permettent de lutter qui aurait été traditionnellement considéré contre la corruption, de réduire le temps comme relevant des responsabilités officielles d'obtention des services, de les rendre plus de l'État. Ces initiatives concernent la respon- adaptés et plus prédictibles. Le Karnataka, sabilité à différents niveaux. Certaines visent un des États de l'Inde les plus avancés dans à renforcer le pouvoir d'expression dans le les technologies de l'information, a expéri- domaine de la prestation de services en fai- menté un système d'observation des terrains sant en sorte que les responsables aient à 100 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 5 .4 Sui,re l'argentpublic Le budget un état essentiel des priorités du gou- forums budgétaires, puis des délégués suwai (ou audition publique), un forum en plein air vernement n'est pour un grand nombre de transmettent cette information aux assemblées,ce où les résultats officiels sont présentés citoyens qu'une bolte noire, contrôlée et évaluée qui fait que les citoyens ont voix au chapitre dans conjointement avec les témoignages sous forme uniquement par les instances comptables tradi- l'allocation budgétaire et la mise en application d'interviews des habitants de la région. "Un grand tionnelles intemes, au sein du gouvernement. Il des budgets. nombre de gens se sont aperçus qu'ils avaient été peut cependant constituer un outil fondamental Le contrôle budgétaire. L'Institut pour une mis sur la liste des bénéficiaires des programmes pour les citoyens, leur permettant d'influencer et Afrique du Sud démocratique rend accessible aux anti-pauvreté, alors qu'ils n'avaient jamais reçu de contrôler la politique publique et les services. citoyens l'information relative aux allocations aucun versement D'autres ont été surpris C'est pourcela que les initiativesd'élaboration par- budgétaires provinciales et nationales. Ses d'entendre parler de versements importants à des ticipative des budgets se multiplient rapidement spécialistes techniques décomposent les budgets contractants locaux dans la construction, pour des dans plusieurs pays. Il s'agit de tenter de renforcer publics pour faciliter leur débat par le public. Des travaux qui n'avaient jamais été réalisés" (Jenkins la capacité d'action des groupes de citoyens, rapports spéciaux montrent quels sont les & Goetz, 1999). Jusqu'à ce qu'une loi d'État sur le d'inciter les hommes politiques et aux décideurs à montants alloués, par exemple pour les problèmes droit à l'information soit promulguée en 2000 - qui entendre les réactions des citoyens et à agir en concernant l'égalité des sexes ou les enfants, était dans une large mesure le résultat des actions conséquence, et de faire en sorte que les budgets L'impact le plus direct de ces travaux est le de protestation et de lobbying du MKSS - les soient compréhensibles et intéressants pour les renforcement de la capacité des parlementaires à activistes de ce mouvement étaient obligés, pour citoyens. participer plus efficacement aux débats sur les obtenir cette information, de solliciter des La planification*budgétaire. Les initiatives budgets. fonctionnaires bienveillants. Une loi nationale I.a planffioeaton budgétaire. Les initatives budget. similaire aété promulguée en 2003. les plus fameuses en matière de planification L'auditbudgétaire. LeMazdoorKisanShakti budgétaire proviennent de municipalités Sanghathan (MKSS), une organisation populaire brésiliennes comme Porto Alegre ou Belo dans l'État du Rajasthan, dans le Nord de l'Inde, a Sources: Andrews & Shah (2003), Singh & Shah 12003), Horizonte. Les quartiers font connaître leurs fait des citoyens ordinaires des auditeurs Goe Jenkins &2002) et Jenkins & Goetz (1999). besoins en matière de dépense, grâce à des financiers. Sa principale innovation a été le jan assistée par ordinateur pour le service des souffrir de ne pas devoir elles-mêmes rendre ménages ruraux (encadré 5.5). suffisamment compte de leur activité, d'un manque de démocratie en interne ou de Controverse et conflits d'intérêts lacunes dans leurs obligations.263 Le fait Dans ces projets d'expression citoyenne, on qu'un petit nombre d'organisations de la peut discerner deux tendances distinctes: société civile de dimension importante béné- les activités fondées sur la consultation, le ficient de grands contrats de prestation de dialogue et le partage de l'information, et services contribue à exclure les organisations les activités plus directes et plus controver- plus petites et à les mettre dans une situation sées, relatives au contrôle, à la conformité et financière plus difficile. Enfin, lorsque les à l'audit. Certaines activités consistent à mouvements communautaires ou civiques partir d'objectifs indirects, à renforcer la sont récupérés par des leaders peu scrupu- capacité à l'intérieur et la confiance à l'exté- leux, ces derniers peuvent manipuler les rieur, puis à s'aventurer dans des domaines bailleurs de fonds et les bénéficiaires à leur plus difficiles. L'impact de ces initiatives propre profit.264 varie selon la manière dont elles sont per- çues par les hommes politiques et les déci- Des stratégies d'information deurs et selon la réceptivité de l'État au pour renforcer le pouvoir changement. D'après plusieurs études, cette d'expression réceptivité serait fonction du stock de capi- tal social.260 Lorsque des dispositions permettent une Un problème qui se pose avec certaines de meilleure information des électeurs et une ces initiatives citoyennes est qu'elles peuvent meilleure coordination, lorsqu'elles rendent engendrer des conflits d'intérêt et limiter la plus crédibles les promesses électorales et responsabilité envers les pauvres. Confrontés lorsqu'elles permettent aux organisations de, à des incertitudes de financement, un certain la société civile de demander davantage de nombre d'organisations non gouvernemen- comptes aux responsables politiques et aux tales cherchent à se diversifier, en partant des décideurs, il y a des chances pour qu'elles activités d'expression citoyenne pour passer à engendrent une amélioration de l'accès des la prestation réelle de services. Lorsque ces pauvres aux services. Au contraire, le manque organisations deviennent à la fois défenseuses de transparence de l'information peut avoir et prestataires, il peut en résulter des conflits de lourdes conséquences. Ainsi, par exemple, d'intérêts intrinsèques.262 Les ONG peuvent en Chine, à la mi-novembre 2002, l'absence Citoyens et responsables politiques 101 E N C A D R É 5 . 5 Redescendre suir Terre: les techln,ologies de l'itfOrunîatioîî pe-îillette't d'ainéliorer la f(buriiituire de services cii miilieiu ruiral L'État du Karnataka, en Inde, a inauguré Bhoomi comptable du village qui contrôlait le processus, spondant en moyenne à 1,32 million de jours de (ce terme désigne la terre), un système de et le contrôle par les responsables administratifs travail, et 806 millions de roupies de pots-de-vin comptabilisation terrienne par ordinateur qui et par les clients était faible ou inexistant. Même (montant net du droit d'utilisation le plus élevé). sert 6,7 millions de clients ruraux. Sa fonction lorsqu'il n'y avait pas de fraude, le système de Lors de la mise en place de Bhoomi, il a fallu principale est de tenir une comptabilité des comptabilisation ne permettait pas facilement vaincre la résistance des comptables des vil- droits, de la gestion et des cultures: un système de gérer la division du territoire en très petites lages. Le Premier ministre, le ministre des qui joue un rôle fondamental pour les transferts parcelles sur différentes générations. recettes et les membres de, la législature ont et les héritages fonciers et pour l'obtention de Aujourd'hui, les agriculteurs peuvent obtenir assuré la promotion de Bhoomi, ce qui a bien crédits.Commencéen 1991 commeprogramme cesinformationschiffréesdansundélaide5à30 aidé. Il est maintenant projeté de l'étendre au- pilote, le système Bhoomi possède maintenant minutes et demander des modifications sur une delà des transactions foncières. Le gouverne- des bornes interactives dans chacun des 177 borne interactive de Bhoomi. L'ensemble du ment indien a proposé que les autres Etats étudi- sous-districts de l'État, qui sont exploitées par processus se déroule dans la langue vernacu- ent la possibilité de mettre en place des quelque 30.000 villages. laire, le kannada. Les clients peuvent observer un systèmes de ce type pour améliorer la respons- Avec l'ancien système, les intéressés étaient deuxième écran d'ordinateur qui leur fait face, abilité et l'efficacité dans les services qui sont confrontés à des délais longs (entre 3 et 30 pendant le traitement de leur requête. L'utilisa- vitaux pour les ménages ruraux. jours), et près de deux clients sur trois devaient teur paie un droit de 15 roupies. Au cours d'une verser un pot-de-vin :70 % payaient plus de 100 évaluation récente, 3% seulement des utilisa- roupies (alors que le tarif officiel était de 2 teurs disaient avoir dû verser un pot-de-vin. Sources: Services de la Banque mondiale, et Lobo & roupies). Il y avait peu de transparence dans la D'après cette évaluation, Bhoomi permet aux Balakrishnan (2002). maintenance de cette comptabilité : c'était le clients d'économiser un temps d'attente corre- de divulgation de l'information sur les pre- point de vue électoral, l'information avait miers cas de Syndrome respiratoire aigu son importance. sévère a permis à une nouvelle maladie infec- tieuse grave de se répandre de telle sorte que Une information spécifique. L'information sa propagation devienne pratiquement inévi- a permis d'identifier des décisions politiques table.265 Les campagnes d'information ont eu spécifiques, des décideurs spécifiques, et l'effet un impact considérable sur le comportement des décisions sur les électeurs, individuelle- des responsables politiques et des décideurs, ment ou en tant que groupes. C'est ce qui a mais un certain nombre de campagnes ont rendu facile la constitution de points de réfé- aussi échoué à engendrer un changement. Il rence - pour les comparaisons systématiques est donc essentiel de comprendre dans dans le temps et l'espace. En Ouganda, l'infor- quelles conditions une campagne d'informa- mation ne concernait pas la qualité générale tion peut réussir. de l'éducation ou le soutien général du bud- get, ni même le détournement des budgets Quels sont les déterminants d'une nationaux d'éducation. Elle concernait un stratégie de l'information efficace ? type de transfert - les dotations par tête - En Ouganda, des études sur le traçage des décomposé au niveau des écoles, dont il était dépenses consacrées à l'éducation ont révélé facile pour les parents et pour les électeurs des détournements représentant jusqu'à 90 d'attribuer la responsabilité au responsable % du total. Une fois l'information publiée, la d'établissement. Par ailleurs, cette informa- part des ressources budgétées atteignant tion permettait aux électeurs de savoir claire- effectivement les écoles a augmenté de façon ment ce que l'école avait dû recevoir. A Bue- considérable.266 D'après certaines études, en nos Aires, l'information concernait aussi les Inde, la possibilité de lire des journaux et le hôpitaux de manière spécifique. fait que des gens les lisent incitent les gouver- Les réactions de l'État aux crises alimen- nements des différents États de ce pays à taires montrent comment les électeurs peu- réagir aux crises de l'alimentation.2-7 À Bue- vent exploiter politiquement une informa- nos Aires, la publication des prix très divers tion de bonne qualité. Tout d'abord, une que payaient les hôpitaux pour acheter des crise alimentaire est un problème spécifique produits similaires a permis une convergence simple. Ensuite, on sait que la responsabilité rapide de ces prix.268 Qu'est-ce que ces stra- en incombe finalement au plus haut niveau tégies d'information avaient en commun ? des autorités locales. Enfin, la mesure de la L'information était spécifique. Au plan poli- qualité ne pose pas un problème compliqué tique, l'intérêt que représentait la résolution : les électeurs savent tout de suite s'ils en du problème était non négligeable. Et d'un bénéficient, selon qu'ils reçoivent ou non 102 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 une aide. L'établissement de références est cée par l'opposition, par les journaux et par un peu plus compliqué mais reste faisable. les autres médias.270 Plus les citoyens sont Les électeurs savent si d'autres reçoivent informés de la crise et des mesures néces- l'aide alors qu'ils la méritent moins. Cepen- saires, plus il y a de chances pour qu'ils en dant, ils ne savent pas quels efforts doit faire demandent raison aux hommes politiques le gouvernement pour répondre à la crise lors des élections. alimentaire (le cas des références dans l'étude de traçage en Ouganda est différent, Le problème revêt une grande importance du car les électeurs savaient exactement quel point de vue électoraL Lorsque les électeurs montant aurait dû parvenir aux différentes ne s'intéressent pas à l'amélioration de la per- écoles).269 formance, les hommes politiques non plus. Il se peut que les électeurs soient bien informés La résolution du problème est lourde d'en- et qu'ils sachent qui est l'homme politique jeux politiques et administratifs. Dans responsable, mais qu'ils ne lui demandent pas certains cas (l'Ouganda, et éventuellement de comptes parce que d'autres problèmes Buenos Aires), les responsables politiques constituent une menace plus importante. En au niveau national n'ont pas bénéficié des cas de prévalence des conflits ou de polarisa- détournements ni des manques d'efficacité, tion de la société, il se peut que l'attitude du et parfois cela a même pu représenter pour responsable politique soit au centre de l'at- eux une perte). C'est-à-dire que la corrup- tention des électeurs, ce qui lui permet alors tion a été davantage le produit de la gabegie de s'en tirer avec de mauvais résultats dans administrative que d'une recherche de rente d'autres domaines. En Ouganda, le président de la part des politiciens. Pour le président avait fait de l'éducation un élément central de ougandais, l'éducation était devenue un son programme électoral. À Buenos Aires, un problème majeur, et sa réputation était en certain nombre de responsables de munici- jeu. Il avait fait des promesses à la popula- palités ont pu se préoccuper du fait que les tion, qui furent suivies par une action bien électeurs voient dans la corruption au sein visible, des transferts de fonds accrus vers des hôpitaux le signe de problèmes plus pro- les écoles locales. Sa capacité d'honorer ses fonds de malversations, au niveau de l'admi- promesses s'est trouvée compromise par les nistration de la ville et, du fait que Buenos malversations des bureaucrates. Une fois Aires soit la capitale, dans d'autres grandes celle-ci révélée, la peur des sanctions a suffi villes du pays. à responsabiliser les fonctionnaires et à engendrer un changement rapide. Les bulletins d'évaluation à l'usage Dans d'autres cas, comme l'aide en temps des citoyens: quand l'information de crise alimentaire, les fonctionnaires trou- devient le moyen de l'action vent bien davantage d'occasions de se déro- politique ber à leurs responsabilités. Il est difficile aux D'autres stratégies d'information consistent citoyens d'apprécier l'ampleur de la crise, de à s'intéresser directement aux résultats des savoir quelles sont les ressources dispo- services publics (à la qualité et à la quantité nibles, et dans quelle mesure les ressources des services fournis par l'État) plutôt qu'aux sont distribuées de manière efficace et équi- inputs (prix payés, budgets constitués et table. Une telle incertitude laisse le champ alloués). L'exemple le plus connu est celui libre à l'inaction politique. Cependant, les des bulletins d'évaluation développé par le conséquences de l'inaction du gouverne- Centre des affaires publiques du Bangalore, ment - les gens qui meurent de faim et le en Inde.77' On demande aux citoyens de compte-rendu qu'en font les médias - sont noter l'accès et la qualité des services, de assez graves pour compromettre la réputa- mentionner les cas de corruption et de faire tion du principal dirigeant, ce qui donne à connaître leurs doléances concernant les ser- l'administration étatique une bonne raison vices publics. Les systèmes de bulletins d'éva- d'éviter que cela se produise. Il n'y a pas de luation à l'usage des citoyens se sont répan- famines dans les pays démocratiques, même dus dans des grandes villes des Philippines, dans certains pays très pauvres, parce que la de l'Ukraine, et dans un cadre expérimental survie du gouvernement serait alors mena- au Vietnam. Récemment, ce système s'est Citoyens et responsables politiques 103 généralisé en Inde pour couvrir les services l'absence de profit personnel évident pour les urbains et ruraux dans 24 États.72 Les résul- membres de l'ONG. L'information que pro- tats ont suscité un vif intérêt de la part des duit et que diffuse l'ONG constitue un défi médias, de l'administration et des respon- d'un point de vue politique, en raison à la fois sables politiques, et leur contribution à de la capacité visible de mobilisation des l'amélioration des services a été largement citoyens pour répondre à une enquête et du reconnue. pouvoir de cette information entre les mains Le système des bulletins d'évaluation des des électeurs informés. citoyens étant centré sur les résultats, en matière de services, il ne permet pas aux élec- teurs de disposer de l'information concernant Quelques implications les décisions spécifiques que certains décideurs pour les stratégies de l'information en particulier ont prises - ou n'ont pas prises. Il Ces exemples montrent que des stratégies ne leur permet pas non plus de disposer d'une purement fondées sur l'information sont effi- information (du moins au premier tour) sur caces dans des circonstances assez particu- les références en matière de services, si ce n'est lières. Cependant, un certain nombre de stra- dans la mesure où les organismes ont eux- tégies d'information ne sont pas conçues en mêmes institué des normes (de nouveaux bul- fonction des caractéristiques d'un pays ou letins d'évaluation pour servir de référence d'un service en particulier. L'information implicite à partir des bulletins précédents). Il concernant les chiffres globaux de la perfor- peut donc être difficile pour les électeurs d'ap- mance du secteur public - qu'elle soit basée précier, sur la base d'un seul bulletin d'évalua- sur des enquêtes, sur des études de budgets tion, dans quelle mesure les résultats justifient ou sur d'autres méthodes - a moins de que l'on vote contre les candidats sortants aux chances d'être aussi pertinente du point de prochaines élections, vue politique. Pourquoi ? Parce qu'elle ne Il semble que les bulletins d'évaluation permet pas aux électeurs de savoir dans aient eu une influence plus directe sur les quelle mesure leurs représentants au sein du hauts responsables des municipalités et sur les gouvernement les ont aidés, ou au contraire dirigeants des organismes prestataires de ser- lésés. vices, comme au Bangalore. Les bulletins Comme les bulletins d'évaluation, cette d'évaluation donnant lieu à d'abondantes information peut toujours être utile si les publications dans la presse et dans les forums électeurs sont en mesure de la comparer à un civiques, ils constituent un palmarès de l'effi- système de référence ou si la collecte même cacité des organismes municipaux. La course de l'information implique une organisation à la notoriété qui s'ensuit est renforcée par des politique latente susceptible de défier les rencontres conjointes auxquelles assistent les hommes politiques en exercice. Cependant, responsables sociaux et politiques et les dans bien des cas, l'information collectée a un citoyens. caractère ponctuel: elle est collectée par les Cependant, il est évident que les bulletins bailleurs de fonds et autres entités étrangères d'évaluation ont aussi une fonction politique. (qui, par définition, ne constituent pas une Les responsables politiques peuvent ignorer menace au plan politique), par les entreprises l'insuffisance des services publics lorsqu'ils locales d'enquêtes (pour lesquelles les ser- considèrent que les électeurs ne pourront pas vices sociaux ne représentent pas un intérêt les sanctionner pour mauvaise performance, spécifique) ou par les organisations de la ou lorsqu'ils pensent qu'un candidat concur- société civile (qui sont très attentives à la per- rent ne peut pas faire aux électeurs des pro- formance des services publics mais ne jouent messes crédibles. Lorsqu'une ONG réalise des aucun rôle électoral). enquêtes à grande échelle et distribue des bul- En fin de compte, ces efforts permettent letins d'évaluation des services publics, cela aux citoyens d'apprendre ce qu'ils savent change la donne. Les hommes politiques en déjà: que les services sont mauvais. Eventuel- exercice se retrouvent actuellement confron- lement, ils leurs permettent de savoir exacte- tés à un effort organisé pour l'amélioration de ment jusqu'à quel degré ils sont mauvais, et la fourniture des services publics. Il en résulte quels services sont pires que les autres il une force politique latente qui est crédible, en s'agit, globalement, de l'information dont les 104 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 citoyens disposaient déjà, mais plus quanti- chapitre en rapprochant les services et les fiée. Ce dont ils ne disposent pas, et qu'ils ne élus du client. peuvent obtenir sans aide, c'est l'information qui leur dirait dans quelle mesure les services Une décentralisation de leur quartier sont pires que ceux des de la fourniture deaserviles autres, et qui est responsable de la diffé- au niveau des autorités locales rence.273 Dans ce type de situation, les entités L'expérience de la décentralisation prend extérieures peuvent aider de plusieurs des formes différentes selon les pays. En manières, en soutenant: Bolivie, la création d'autorités locales rurales s'est accompagnée de transferts • Les organisations de la société civile qui importants des allocations publiques de produisent et utilisent une information l'infrastructure vers les secteurs sociaux - et spécifique sur la fourniture de services. d'une nette baisse de la concentration géo- . Les organisations de la société civile qui graphique des investissements publics, à montrent comment mobiliser les mesure qu'ils devenaient plus inégalement citoyens et comment avoir voix au cha- dispersés entre les régions. Cependant, pitre de manière crédible dans le d'autres pays ont eu moins de chance, qui domaine de la prestation de services ont connu des inégalités accrues entre les publics. régions ou le détournement des ressources * Le développement des mass media. Pre- publiques par les élites locales. Le fait que mièrement, en améliorant la capacité des certaines des plus grandes réformes de médias à poser les bonnes questions (à décentralisation ne font que commencer rendre compte de la façon dont la poli- (Indonésie, Pakistan) constitue une oppor- tique gouvernementale réussit ou tunité remarquable d'évaluer de manière échoue, et notamment à identifier les rigoureuse l'impact de différents schémas bons points de comparaison). Deuxiè- institutionnels sur la qualité des biens mement, en améliorant la crédibilité des publics. médias (l'indépendance vis-à-vis des Que faut-il pour qu'une décentralisation intérêts privés qui bénéficient des lar- politique apporte une amélioration des ser- gesses et de l'influence de l'État, des vices sociaux de base universels ? Deux recettes publicitaires ou du capital). La conditions. Premièrement, il faut que les réduction des barrières à l'entrée est ici électeurs soient plus susceptibles d'utiliser fondamentale. Troisièmement, en amé- l'information relative à la qualité des biens liorant l'interaction avec la société civile publics locaux dans leurs décisions de vote. pour produire une information qui Deuxièmement, il faut que les promesses révèle les malversations publiques ou le électorales, au niveau local, soient plus cré- délit par abstention.274 dibles que les promesses faites au niveau régional ou national. Une décentralisation En principe, on ne peut prévoir quel sera pour renforcer le pouvoir l'impact de la décentralisation sur le vote d'expression informé et sur la crédibilité politique. D'un côté, les électeurs peuvent se servir davan- La décentralisation des responsabilités liées tage de l'information sur les biens publics à la fourniture des services publics constitue locaux dans leurs décisions de vote, parce un objectif de réforme prioritaire dans un qu'une telle information est plus facile à certain nombre de pays en développement obtenir et parce que les résultats dépendent (voir Chapitre 10). La Bolivie, l'Inde, l'Indo- plus directement des actions des autorités nésie, le Nigeria, le Pakistan et l'Afrique du locales. Par ailleurs, les acteurs politiques Sud - pour n'en citer que quelques-uns - peuvent avoir davantage de crédibilité en font tous partie d'un mouvement mondial raison de leur plus grande proximité vis-à- tendant à la décentralisation. Un objectif vis de la collectivité et de la réputation issue fondamental, généralement lié à la motiva- d'une action sociale sur une période pro- tion politique à décentraliser, est de faire longée. D'un autre côté, il se peut que les que les citoyens aient davantage voix au électeurs montrent peu d'intérêt pour les Citoyens et responsables politiques 105 élections locales et disposent de peu d'in- changer cela. C'est vrai en particulier pour formation sur les disponibilités en res- des acteurs extérieurs comme les bailleurs sources et sur les capacités des autorités de fonds, mais c'est vrai aussi pour les locales. La polarisation sociale peut être acteurs nationaux, qui sont naturellement plus intense en raison des différences qui influencés par l'histoire et les traditions de existent de longue date entre les collectivi- leur système politique, de leur démocratie tés. Lorsque les relations sociales entre les parlementaire par exemple. Cependant, en représentants élus et leurs clients sont plus matière de prestation de services, ce type étroites, des promesses clientélistes à un d'évaluation peut être très profitable. Même petit nombre d'électeurs peuvent être plus dans une situation caractérisée par le clien- faciles à faire et à tenir. télisme, il est possible de faire des choix politiques susceptibles d'apporter de La décentralisation de la gestion meilleurs résultats qu'une application erro- et la crédibilité politique née des politiques qui ne se révèlent effi- Il y a eu aussi une tendance à institutionna- caces que dans un contexte favorable aux liser une plus grande autonomie du pouvoir pauvres. de décision dans les écoles, les hôpitaux et Il est possible d'associer de tels choix à les dispensaires - et à encourager une plus des considérations sur l'homogénéité ou grande participation des citoyens à travers l'hétérogénéité des préférences (un aspect des associations parents-professeurs et des des relations entre clients et prestataires comités de santé. Ces interventions institu- abordé au chapitre 4), et sur la facilité ou la tionnelles peuvent aussi permettre que les difficulté pour les décideurs de contrôler les élus aient davantage de crédibilité. Les res- services (et par conséquent sur la possibilité ponsables politiques qui sont dans les de contrats écrits entre les décideurs et les agglomérations, loin des collectivités béné- prestataires, comme nous l'avons observé ficiaires des services, ne peuvent être cré- au chapitre 3 et comme cela est abordé plus dibles lorsqu'ils promettent d'améliorer la en détail au chapitre 6). Pour dire les choses qualité de services aussi intensifs en tran- simplement, plus les gens diffèrent par leurs sactions que les soins et l'éducation de base. préférences, plus il convient que le proces- Dans le meilleur des cas, ils ne peuvent sus de décision concernant la prestation des qu'assurer la fourniture d'éléments véri- services soit décentralisé. Plus il est difficile fiables comme l'infrastructure, l'équipe- aux décideurs d'assurer le contrôle, plus les ment et les salaires. clients ont besoin d'être impliqués et plus il Lorsque la responsabilité de la prestation faut qu'ils aient du pouvoir. et du contrôle de l'enseignement primaire Des combinaisons différentes de ces est complètement centralisée, les respon- caractéristiques entraîneront des choix dif- sables politiques ne sont pas particulière- férents, certains plus heureux que d'autres, ment incités à en améliorer la qualité. aussi, s'il n'existe pas une formule unique Cependant, lorsque le contrôle des presta- adaptée à tous les cas de figure, huit for- taires est décentralisé (vers les clients), les mules peuvent peut-être faire l'affaire électeurs n'ont plus qu'à vérifier si les res- (figure 5.4). Il n'est pas possible de repré- ponsables politiques ont débloqué les res- senter avec précision chaque choix ou sources pour les écoles et les dispensaires, chaque caractéristique, car il n'y a pas fon- pour pouvoir décider de les récompenser damentalement de discontinuité entre les ou de les sanctionner lors des prochaines pays. Cependant, comprendre ces caracté- élections, et les hommes politiques devien- ristiques et ces choix possibles peut aider à nent alors plus crédibles. réfléchir aux formules les plus susceptibles de permettre que les pauvres bénéficient Le pouvoir d'expression effectivement des services. La figure 5.4 des citoyens, huit formules illustre aussi les types globaux d'arrange- ment de la prestation des services et les Il est difficile d'évaluer dans quelle mesure choix politiques appropriés dans les diffé- un système politique est favorable aux rents cas de figure. Le plus grand problème, pauvres ou clientéliste, et il est difficile de 10E RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 c'est que souvent, le choix qui est fait n'est que les services puissent fonctionner effecti- pas le plus approprié. vement (option 8). Dans un certain nombre de pays, les En général, on peut faire en sorte que les décideurs supposent que pour les services services fonctionnent dans un contexte de intensifs en transactions et difficiles à clientélisme, en choisissant des formules contrôler (comme par exemple l'enseigne- permettant de réduire les rentes de la pres- ment primaire), la politique de leur pays ou tation de services qui, autrement, seraient de leur région est favorable aux pauvres et détournées par le favoritisme et le clienté- les préférences ne sont pas très hétérogènes. lisme. Ce sont les situations décrites dans les Ils choisissent donc la prestation par le gou- options 5 à 8. Pour des services difficiles à vernement central (l'option 2 sur la figure contrôler comme les soins curatifs ou l'en- 5.4). Cependant, si, en réalité, le contexte de seignement primaire, l'option la plus la prestation des services est fondé sur le appropriée sera sans doute l'option 6 ou clientélisme, et si les préférences sont très l'option 8, selon que les préférences seront variables, alors il n'a pas été correctement homogènes ou hétérogènes. Si les arrange- tenu compte du contexte, et les pauvres ne ments institutionnels changent et si émerge bénéficieront pas des services. Il est possible un contexte de prestation de services favo- de rechercher une prestation décentralisée rable aux pauvres, il devrait être possible de accompagnée d'une implication importante passer aux arrangements correspondant de la clientèle à tous les niveaux, de manière aux options 1 à 4. Cependant, dans la à créer des choix et à imiter le marché pour mesure où ils ne changent pas, tenter une Figure 5.4 Huit formules pour tous les cas de figure Facile R = à contrôler Clientèle Difficile Clientèle Facile iit 'b *é,: 'siji;: S L 'e', $.,. lj%. flI1 Politique hétérogène à j , ' r ! r101s l4kt %hLw' favorable Difficile p i i 'in' w ner i '1', : '4 *11; PWll *ii" '-"hi. aux pauvres àcontrôler 4-à4a. ji.t j i" i. h. ,1 nr , , 'r "Or! Id'. r ' - S IH Z l,a'rS ....1 - .- 16i !.Si_.._ . "'i.'- ,i. l'-0'flmu,F.;rrh r-< 1iiij i >j - P " s-g "1' - *'"1i '. jr, .- -h ,. ' WI1: f i 'W 'i' r.? É uLuaj 42- -nsq '9Ll.'4"'11;~i . '.l ..n . .*,.i. " :1 . '1lé&j* -.t4j. -ir ¶' -* 'r "rç *"c: à contrôler V w > $Ii - ., I 1 . - Politique i4;. Jv;A. i44 ' 6M{] |;."................ *.|"J- . .1111 T ... "a, . ""I <11 clientéliste hif ..4Mw .fS'l1*JO&ti Lt '-:": s. r cierJiJ4 . u4 . Juj*. à contrôler kitt" "'.'. -tht... h -.s . L 1^'1 t4*......uLiu!_:~ !. '", '."!."..l!a hqji .'.'........... . '1 '"i.Pi I ?;IlMt-,;jRl Ip i- l9t. i..''.:p ,ili ~ 'a.,;. .,ff M... - r , ,, Io, l",. , . ._ I~ Clientèle :Ai --A::'*... 'IJ t' 'impi. iftPr lH1dI ..p ' ' ysiJ --1ihI 'mos, i '1hRh............. :"'fi|nm7Wts. ef. |ii.'~n- llS5 hétèrogène Facile J-` 'àu 'i i t - 1 1 f.-xi~l ......... ,6 6!SJ .11l i'I1jj.'.'lts . s , >. '` ;I1 'j-iwjf .fiç .'!: , l | à contrôler Y'i;k, ". ;;tq-sè"> .'lj4 . ,.1. i'èÂ.; i Difficile flj| irs;ef "; - '.' ,"il '-nbt Rq. :~.h 14. 41 .is àcontrôler **{jj:6, 4, ,laint"l ,.IlSdII¾44r14tfr4j. -S - !.l.l........................ ;|;_-, ; ; ~...... "«^,'¶ ; _alir!**.~NtpM Xww ~s.,éi..J -ls& ti ç3 - -i- 'flt' 110 *Pil% Sibbg,i. *p4 T .it- *I;;4;p'r '"? s-.-- ~~, , t h .RfibS%J1Wteaîî~ tiI' Citoyens et responsables politiques 107 généralisation des options 1 à 4 pour faire occupations des électeurs et qui est cadrée en sorte que les pauvres bénéficient effecti- de manière à susciter l'intérêt des respon- vement des services risque de rester un voeu sables politiques pour la résolution des pieu et de se traduire par un gaspillage de problèmes de prestation de services. L'in- ressources. formation issue des études d'impact peut Que ce soit dans un contexte clientéliste servir à montrer ce qui fonctionne et pour- ou favorable aux pauvres, disposer de quoi. L'information relative aux hommes davantage d'information et d'une informa- politiques peut stimuler leur crédibilité, tion meilleure permet utilement de renfor- renforcer les incitations à fournir des ser- cer le pouvoir d'expression. L'information vices publics universels et permettre d'évi- la plus efficace sera sans doute l'informa- ter que certains biens publics soient politi- tion spécifique concernant les services, quement ciblés et qu'il y ait une recherche celle qui est en relation directe avec les pré- de rente. Leprogrni -tle de dél elop; 1. 'nt de Kge i>ïatza Choix, participation et transparence dans les villages indonésiens Une nouvelle génération de projets de développement communautaire en Indonésie illustre un certain nombre des princi- paux éléments d'une prestation de services efficace. Ces projets se traduisent par un transfert direct de ressources vers une instance locale de contrôle, ce qui permet à un centre de décision local de faire un choix parmi les propositions émanant des souts-ensembles de la collectivité. Les trois principes de référence sont le choix, ma participation et la transparence. Une scène pastorale - nombre de ses membres. La plupart des La génération suivante, constituée de ou un désordre chaotique chefs de village étaient responsables devant projets plus participatifs - deux cycles de A u cours de l'ère de l'Ordre nouveau la hiérarchie - devant les gouvernements de projets d'infrastructure de village et de pro- u cours de l'èreo de , l'Ord ernouvea région - mais pas devant les villageois. La jets d'adduction d'eau et d'assainissement - d ont comparé l'ndonésie à une pein- planification ascendante n'a jamais vérita- a montré qu'une plus grande implication ture impressionniste: observée d'une cer- blemenit fonictionné: une anialyse de 770 de la communauté pouvait être véritable- taine distance, c'est une belle scène pasto- propositions au niveau du village a permis ment payante. Les taux d'échec des projets rale, mais observée de près, c'est un de constater que dans le meilleur des cas, d'adduction d'eau conçus pour intégrer la déoraie, m haisobsee de pres, c est un 3 % de ces propositions étaient retenues participation étaient bien plus réduits que Le gouvernement indonésien a lancé des dans les budgets des districts.278 ceux des projets conventionnels. Enfin, les programmes « modèles» de développement D'après les résultats empiriques d'une coùts des projets d'infrastructure de village selon une logique descendante, dans les enquête récente auprès de 48 villages, en étaient de 30 à 50 % moins élevés que les domaines de la démographie, de la santé, de zone rurale, les organisations placées sous le coûts des projets de construction gouverne- l'enseignement scolaire et de la lutte contre contrôle de l'Etat n'ont pas rendu la gouver- mentaux. Ia'pauveigne devant être mis en oeuvre par nance des villages plus réactive. Ceux qui la pauvreté - dvnêtemseourepr ont fait état de leur participation ot Uegnrlsto une administration raisonnablement fonc- déclaré avoir pu plus facilement Une généraliti tionnelle et capable. Globalement parlant, sur les problèmes du village et de manière les résultats ont été spectaculaires. Le pro- plus efficace. Cependant, cet impact, en Les crises financières et politiques qui ont duit intérieur brut par habitant a connu une écartant les voix des autres villageois, paraît commencé en 1997 ont ouvert une possi- vreté,aqui représdentait pas lon. de laumoti avoir été globalement négatif. bilité d'action. Des projets étaient déses- vreté, qui représentait pas loin de la éoitié Dans ces projets, les problèmes de gou- pérément nécessaires pour aider rapide- de la population dans les années 1970, a été vernance locale étaient évidents. La pre- ment les régions rurales. Un plan amélioré réduite à 1c 1 % en 1997. La mortachté infan- mière génération de programmes de lutte pour les projets communautaires - basé tile a chuté, le taux de fécondoté a chutér et contre la pauvreté - dotations aux collecti- sur les leçons tirées de l'histoire des dota- les taux de scolarnsat.on ont considérable- vités pauvres dans le cadre de l'IDT (Impres tions dans le cadre de l'IDT et des investis- loit durené 17inttatdsatrés Desa Tertinggal) - a tiré parti des structures sements en infrastructure dans le cadre am ative au niveau des ag taitéà de village existantes, et il a été considère que d pro vjets d'infrastructure de village - ladpoinisrties du progrèsu dus moings suri le leur impact était très limité, du point de vue etait en cours. Il comprenait des menus papoiner Ave prourè obeci la plnifcaions du e de la quantité comme de la qualité.-'-" Une ouverts et l'accent était mis davantage sur papier. Avec pour objectif la planification de étude de l'ensemble des projets dans les vil la participation communautaire et sur le la « décentralisation » et de la croissance lages (y compris les projets lancés àlsinitia- processus de décision. La crise a aussi « ascendante », cette loi a institué des lrtîve des villages eux-mêmes) a montré que constitué une opportunité de progresser conseils de village devant lesquels des repré- les projets à l'initiative des villages avaient sur les questions de transparence, de res- sentants choisis localement sont respon- dû bien plus souvent porter leurs fruits que ponsabilité locale et de corruption. sables. Le processus de planification budgé- len plus l'intiate du fruitsnquet Dans le cadre du nouveau Programme de taire comprenait des assemblées de village les projets à l'initiative du gouvernement développement de Kecamatan (KDP), des devant choisir les inputs ascendants et les (figure 1). dotations sont accordées à des sous-districts priorités budgétaires. Figure 1 Les projets à l'initiative éligibles, ou kecamnatan: unités administra- Cependant, dans la réalité, le leadership de la communauté ont plus de chances tives comprenant à peu près 10 à 20 villages au niveau des villages prenait une autre d'aboutir et de porter leurs fruits et à peu près 30 000 habitants, mais leur forme. La création de structures administra- dimension peut varier considérablement. tives multi-fonctionnelles a imposé un Pourcentage des projets ayant abouti Chaque sous-district utilise les fonds pour ordre et une uniformité en opposition avec 100 financer les propositions collectives des vil- les structures sociales existantes, en ignorant 80 lages pour des biens publics à petite échelle les organisations ayant des fonctions spéci- (routes, puits, ponts) ou des activités écono- fiques a I'eau) et un leadership traditionnel 60 miques. C'est par des forums au niveau des (adat).q76 Un certain nombre de villages t sous-districts, comprenant des délégations avaient des leaders dynamiques, mais un 40 des différents villages, que l'on décide à quels certain nombre d'autres villages avaient des - _ projets affecter le financement. leaders choisis essentiellement par le gou- 20 Le KDP a été conçu dans une optique de vernenient régional (de province ou de dis- _ _ _ _simplicité, de participation, d'indépendance, trict), lequel avait un pouvoir de veto sur les 0 de transparence et de confiance. Ce sont ces candidats.2" Le chef de village était respon- Communauté Secteur Gouver- ONG principes, même s'ils peuvent sembler d'une sable devant un conseil, mais il dirigeait privé nement grande banalité, qui ont déterminé le schéma aussi ce conseil et choisissait un certain Source:: Banque mondiale Q2001g). du projet sous plusieurs àiigles. Pleinsfeux stur le programme de développement de Kecamatan 109 La simplicité s'est traduite par l'octroi moyens d'imposer une meilleure gouver- ment ciblés n'obtiendront pas l'adhésion ni direct des fonds aux collectivités, les nance. Les hauts fonctionnaires corrompus le soutien nécessaires. administrations (des districts et des ont été poursuivis. L'argent a été récupéré. Des projets et des services techniques ou provinces) ayant ainsi un rôle de moins Les décisions ont été inversées. participatifs. Les services techniques de à jouer. Deux problèmes restent en suspens. Pre- 1'Etat (et de bien des organismes bailleurs * La participation a été encouragée, et des mièrement, le KDP est-il un produit idio- de fonds) se méfient de la pratique consis- animateurs de groupe des villages et des syncrasique du temps et du lieu qui lui sont tant à laisser les collectivités assumer la districts, choisis localement, ont aidé à propres, ou bien un modèle reproductible conception des projets, car cela peut en la préparation de propositions et ont ailleurs ? Le fait que des variantes de ce projet compromettre la qualité technique. Entre facilité la diffusion de l'information. aent été lancées en Afghanistan et aux Ptt un pont construit dans le cas d'un projet * L'indépendance a permis d'inverser la ppnes (et peut-être ailleurs) suggre cette participatif et un pont construit par des dépendance habituelle des villageois vis- dernière hypothèse. Cependant, la question ingénieurs, la plupart des gens préféreront à-vis des services techniques des min- reste ouverte de savor sp cela fonctionnera traverser le second. La question est de savoir istères et de l'administration, et elle a dans ces pays. Peut-être est-il possible d'ap- comment créer un pont avec des compé- permis aux villageois de faire appel à des pliquer les inêmes principes en adaptant le tences d'ingénieur mais qui réponde aux ingénieurs et à d'autres formes d'aide schéma à la situation locale, besoins de la collectivité. Avec d'autres ser- technique. Deuxièmement, les grands organismes vices, on tente de trouver un équilibre entre * La transparence s'est traduite par la exterieurs (comme la Banque mondiale) le contrôle par la collectivité et la qualité disponibilité publique de toute l'infor- sont-ils réellement capables de soutenir des technique: la participation dans les soins mation financière, et une information projets qui demandent beaucoup de temps médicaux ne signifie pas que l'on peut rem- détaillée sur l'utilisation des fonds a été pour un développement limité ? Peut-être placer la science médicale. S'agit-il de géné- mise à la disposition de chaque village, que oui, peut-être que non. Certains affir- raliser les mécanismes du style de KDP en sous une forme simple et facilement ment que les acteurs externes ne sont pas améliorant les liens avec les prestataires compréhensible. qualifiés, en termes de droit ni en termes de techniques ? Ou bien s'agit-il de renforcer * La confiance a permis de remplacer des savoir-faire, pour se mêler de la gouvernance les prestataires techniques et de canaliser le systèmes comptables formels com- locale. Enfini, la préservation du lien exclusif rôle « participatif » non pas vers le contrôle pliqués pour dégager les fonds à des sys- traditionnel entre les organismes externes et direct et la décision mais vers l'élection de tèmes basés sur une documentation les prestataires publics formels les met dans responsables locaux? minimale - mais avec des contrôles et l'impossibilité de contribuer à l'institution une supervision intégrés. des responsabilités locales nécessaires. Autorités locales ou régionales. Souvent, les administrations régionales se plaignent du À ce jour, la mise en oeuvre de ce projet fait que le transfert direct de ressources vers est une réussite. De 40 villages en 1998, elle Comme ceci ou comme cela ? les collectivités compromette leur aùtorité et s'est étendue à plus de 15 000 villages en Trois choix stratégique ralentisse le renforcement de capacités 2002. Un nouveau cycle est en cours, et l'ex- necessaire a la gouvernance formelle et à la périence a été reproduite dans des zones Des projets de développement conduits par démocratie. Les promoteurs du développe- urbaines. Dans le cadre de travaux d'évalua- la collectivité, comme le KDP, impliquent tion, au cours desquels on s'efforce notam- trois choix stratégiques relatifs au schéma ment communautaire répondent que la pro- ment, de manière innovante, de mesurer de la prestation de services. qu'apportent les projets communautaires en directement l'impact de la corruption, on Un ciblage étroit ou pointu. On entend termes de transparence, de processus déci- cherche à savoir si, avec le KDP, la perfor- souvent affirmer que le financement com- sion, de débat ouvert et de responsabilité. La mance des projets a progressé. munautaire est détourné par les « élites » et décentralisation des décisions concernant les Il ne s'agit pas de faire croire que le KDP qu'il n'est pas bien dirigé vers les pauvres. budgets et les programmes au niveau de la ne comporte pas des insuffisances: il s'agit L'exemple du KDP montre que les pauvres province - lorsque les gens n'ont pas déve- d'un projet de transition, dans une situa- en bénéficient vraiment, mais qu'il est diffi- loppé de traditions ni d'institutions pour la tion de transition, imbriquée dans des insti- cile d'atteindre les plus pauvres parmi les décision civile au niveau local (ou lorsque tutions existantes. Des problèmes de cor- pauvres ou de changer en profondeur les cela a été supprimé) - comporte des risques. ruption et de mauvaise qualité technique préjugés sociaux par la seule conception de Dans un contexte de transition, de simples ont été rencontrés, ainsi que des problèmes projets (malgré les mécanismes du KDP élections périodiques ne sauraient suffire à de responsables locaux « guidant » le pro- pour donner plus de pouvoir d'expression assurer une responsabilité publique. Ce qui cessus de décision participative. Cependant, aux femmes par exemple). Rares sont les est essentiel, c'est le développement de méca- le KDP apporte véritablement aux villa- grands programmes qui ont fait preuve nismes non électoraux de responsabilité geois les mécanismes structurés de décision d'une plus grande capacité de cibler les publique (transparence, recours légaux, par- et de transparence. Il leur apporte aussi les pauvres, et des programmes très étroite- ticipation directe). MAaLa Norvège et l'Estonie Développer les services sociaux et bâtir une nation La Norvège, un des pays les plus riches du monde, avec son accès universel aux soins et à l'éducation, est aujourd'hui l'Etat providence type. Cet Etat providence est cependant le résultat d'une évolution de deux siècles, et ce n'est que progressive- ment que les systèmes privés ont cédé la place à des institutions gérées par lEtat. Rendre les services sociaux disponibles pour tous a été considéré comme un aspect de l'édification de la nation norvégienne. Bien qu'elle soit géographiquement isolée, lEstonie a retrouvé son indépendance en 1991. Elle cherche à développer ses services sociaux et à bâtir une nation dans un temps bien plus court, et sous des contraintes budgétaires. La Norvège: scolarisés. De 1890 à nos jours, le secteur de L'Estonie: une évolution progressive la santé a évolué à travers des partenariats repartir, avec peu de ressources avec une pression ascendante entre le public et le privé, cette évolution Au moment de sa nouvelle indépendance, n 1860, I'Assemblée nationale norvé- étant stimulée par la pression des organisa- en 1991, l'Estonie a voulu se débarrasser des gienne 1 lAsmbléeunationale nor tions populaires et philanthropiques. L'État systèmes dont elle avait hérité pour adopter sur la santé et la loi sur l'école - c'était assumant davantage des responsabilités les systèmes des pays de l'Europe occiden- l s preière fois que l'État assurl ait la res- dans la fourniture de services universels, un tale fondés sur les réformes gouvernemen- ponsabilité de la santé et de l'éducation de processus ayant démarré dans les années tales, économiques et sociales progressives - sa population. La loi sur la santé, qui a insti- trente, il n'a pas eu besoin de partir de rien cette attitude étant motivée en partie par la tué des commissions de santé dans toutes pour mettre en place des institutions: il a perspective de pouvoir intégrer l'Union les municipalités, avait été promue par suffi de partir d'institutions déJà en place européenne. Le nouvel État a dû mettre l'élite sociale du pays pour améliorer le déjà organisées et financées par des acteurs rapidement les mécanismes d'un système bien-être des communautés agricoles et du secteur privé et par la société civile. social moderne. Cependant, le temps man- paysannes, de façon que le pays puisse quait pour établir la légitimité du système. concurrencer les nations les plus avancées La réforme des écoles La première des priorités, en 1991, ce furent d'Europe. L'élite voyait l'éducation des Depuis 1739, l'école était obligatoire à par- les services basés sur la langue et la culture ménages pauvres ruraux en matière d'hy- tir de sept ans et jusqu'à ce que les enfants de l'Estonie, des éléments critiques pour giène individuelle et environnementale sachent lire et puissent passer la confirma- l'identité nationale. Puis est venu le besoin comme un élément fondamental detcenpro- tion luthérienne. Les enfants étaient forte- urgent d'un progrès de l'efficacité et de jet, et les commissions de santé furent ment incités à arendre à lire Ne as l'équité. Cependant, les ressources néces- gées de cette tâche, Il est intéressant de msavoir lire a ne pas pas saires à la réforme se sont trouvées limitées constater que les membres de la profession s iaton egnlfiait ne pas passer la confi- par les difficultés économiques. médicale, qui jusqu'alors avaient un statut mation, et 'iabsence de confirmation ssgni- Il a fallu réorganiser complètement le social quelque peu moins élevé que d'autres fiait lI mpossibilité de se marier, de posséder système des soins. En Estonie, contraire- métiers (juristes, prêtres et militaires) se des terrais, d'avoir un emploi permanent ment à la situation qui prévalait en Nor- considéraient comme les meneurs naturels et d'être enrôlé dans les forces armees. vège, les pouvoirs administratifs, législatifs de cette campagne. D'après un médecin, Néanmoins, la population rurale restait et réglementaires étaient rassemblés en un nommer un juriste pour mener la cam- réticente à envoyer ses enfants à l école, même point: le ministère de la Santé. Faute pagne (ce qui était envisagé) « ne ferait pas principalement parce que les programmes de transparence et de contrôle suffisants, la avancer la cause ».280 scolaires paraissaient inappropriés à l'agri- corruption était florissante. Cependant, pour mener leur travail à culture. Pour résoudre ce problème, on a rem- bien, les commissions de santé ont rencon- Comme dans le domaine de la santé, les placé l'ancien système étatique par une tré des difficultés notables. Non seulement enseignants ayant reçu une formation for- assurance maladie, ce qui a permis davan- les médecins n'étaient pas formés pour melle devinrent la force motrice du recours tage de transparence et des flux financiers s'occuper de la santé publique et leur travail à l'éducation pour édifier la nation norve- réguliers. Une des principales difficultés a était mal rémunéré, mais le clivage culturel gienne. En 1848, les enseignants se sont été de faire accepter la logique et les avan- entre les élites urbaines et les agriculteurs organisés et ont demandé l'intégration des tages à long terme du nouveau système. Les des zones rurales était un obstacle. Ainsi, professionnels de l'éducation dans les ins- gens ont dû tout à coup payer pour des par exemple, bien que les engrais soient un tances de décision. La loi sur l'école de 1860 soins qui auparavant étaient gratuits. Les bien rare, les médecins tentaient de faire a transféré la responsabilité de la gestion médicaments ont été vendus aux mêmes supprimer les tas de compost situés près des des écoles du clergé vers un conseil scolaire prix qu'en Europe. Enfin, bien que l'équité habitations, pour que les gens ne soient plus élu (ayant toujours à sa tête un prêtre). Par soit un des objectifs du système, l'état de obligés de respirer un air « pourri ». suite de la pression du peuple et des agricul- santé d'un nombre d'estoniens de plus en Pendant ce temps, un certain nombre de teurs, les conseils scolaires locaux ont pu plus élevé décline, surtout chez les per- ces services étaient assurés par des organi- appointer des enseignants, définir leurs sonnes âgées, les minorités ethniques et les sations de la base. En 1920, l'Association propres « plans d'éducation » et faire du chômeurs. Environ 6 % de la population féminine norvégienne pour la santé nouveau norvégien la langue de l'instruc- n'est pas encore couvert par le nouveau sys- publique, fondée en 1896, gérait 14 sanato- tion scolaire. Cependant, un mouvement tème national d'assurance maladie. riums pour tuberculeux. Cette association ouvrier de plus en plus influent réclamait À bien des égards, l'Estonie a mieux militait aussi pour une intervention de une éducation plus universelle, si bien réussi qu'un grand nombre d'autres pays l'Etat plus importante dans le domaine de la qu'en 1889, une loi sur l'école communale a nouvellement indépendants. Cependant, santé, obtenant des autorités l'ouverture de été promulguée, et l'éducation religieuse a dans la recherche de sa propre voie pour bains publics et le contrôle régulier de la fini par céder la place à un enseignement rendre les services efficaces, elle n'a pas eu la santé des enfants en bas âge et des enfants général et à l'édification de la nation. chance d'avoir du temps devant elle. Gouvernants et prestataires Des enfants éduqués. Une bonne santé. Les accords, la gestion Une eau saine, fiable et correcte. Des quar- et le « chemin long » c h a p i t r e tiers sûrs. Des logements éclairés. Voilà ce de la responsabilité que les citoyens, les pauvres comme les riches, attendent des services. Si les déci- L'« accord » évoqué au chapitre 3 est com- deurs assument la responsabilité de four- posé des relations de responsabilité néces- nir les services, ils doivent aussi se préoc- saires pour accroître le pouvoir des incita- cuper de ces résultats et veiller à ce que les tions à la performance (figure 6.1). Il faut prestataires de services s'en préoccupent que les instructions données aux orga- également. Au chapitre 5, nous avons évo- nismes prestataires soient claires et qu'elles qué le premier défi: faire en sorte que les s'accompagnent des ressources suffisantes décideurs reflètent les intérêts des pauvres. pour une compensation adéquate et régu- Dans ce chapitre, nous traitons du lière. Il faut que les décideurs disposent deuxième défi: faire en sorte que les déci- d'une bonne information sur les actions des deurs réalisent les objectifs qui vont dans prestataires et sur les résultats de ces le sens de l'intérêt des pauvres. De quelle actions. Enfin, il faut que la rémunération manière ? en choisissant les prestataires soit associée à ces résultats aussi étroitement appropriés. En ajustant les incitations à que possible. On peut améliorer la respon- ces objectifs. Enfin, en faisant en sorte que sabilité: les décideurs fassent au moins aussi bien que les clients eux-mêmes, dans la créa- . En clarifiant les responsabilités - en sépa- tion de ces incitations. rant le rôle du décideur, responsable devant les citoyens pauvres, de celui des organismes prestataires, responsables devant les décideurs. Figure 6.1 Accord et gestion dans le schéma de la prestation de services * En choisissant le prestataire approprié - fonctionnaires, organismes publics auto- nomes, ONG ou contractants privés. .. .. Dans ce choix, la concurrence est sou- vent une aide. \0,, de la resp0,, * En produisant une bonne information - -,Nç 0%zzzo c'est là un point essentiel. Le seul contrôle de la performance des contrac- chemin cout't tants nécessite davantage de mesures, et de meilleure qualité. Garder un oeil sur l'obtention de meilleurs résultats implique aussi des mesures plus régu- lières. Cela implique aussi que l'on trouve ce qui fonctionne, en évaluant de Services manière rigoureuse les programmes et leurs effets. 111 112 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Ces étapes ne sont ni faciles ni évidentes. ne peut pas ignorer totalement la gestion. Les pressions politiques rendent souvent Une grande partie de la littérature (très impossible pour les décideurs de s'affran- limitée) sur ce qui fonctionne et ce qui ne chir de leur dépendance vis-à-vis de la per- fonctionne pas - sur les réactions des pres- formance des prestataires de services. Pour tataires aux changements intervenant dans les types de services dont il est question ici, le système d'incitations - a trait aux les accords ne peuvent pas être complets ni réformes de la gestion, aussi ces expériences déboucher sur des résultats parfaitement doivent-elles constituer une base empirique mesurables. Trouver suffisamment de per- limitée. sonnel, indépendamment du contenu des accords d'emploi, constitue pour bien des Des incitations décalées pays en développement une véritable et des carences des services gageure, en raison des migrations interna- Les échecs à rendre les services efficaces tionales, et dans le cas de l'Afrique subsaha- pour les pauvres peuvent généralement être rienne, en raison du sida. Enfin, trouver ce attribués à un décalage entre les incitations qui fonctionne - déterminer les liens entre auxquelles les prestataires sont confrontés les mesures prises, les inputs et les résultats - et les résultats. Un marché privé laissé à lui- est difficile, pas seulement pour des raisons même ne peut fournir les services appro- techniques. Souvent, les gouvernements, les priés aux pauvres. Il aura tendance à servir bailleurs de fonds et les organismes presta- les clients qui possèdent le pouvoir d'achat taires ne veulent pas savoir - ou ne veulent nécessaire pour un ensemble de services pas prendre le risque de trouver - ce qui ne relativement étroit. La médecine privée fonctionne pas.28' moderne, dispensée par des professionnels Il peut être difficile de mesurer les résul- qualifiés, et l'éducation privée, sont surtout tats des services de santé, d'éducation et utilisées par les mieux lotis. L'eau fait excep- d'infrastructure, mais c'est possible. On ne tion, dans la mesure où ce sont surtout les peut certes pas mesurer les améliorations classes moyennes qui en bénéficient alors avec autant de précision que l'on mesure que les pauvres doivent acheter de l'eau à des tonnes d'acier. Néanmoins, les résultats des vendeurs privés, et ils la payent cher. La de ces services sont bien plus mesurables gamme de services que le secteur privé peut que bien des fonctions essentielles de l'État. offrir de lui-même est limitée, en fait, aux Les taux de mortalité, les taux d'alphabéti- biens privés. Le secteur public peut sous- sation et la pureté de l'eau sont observables traiter aux prestataires du privé des services d'une manière dont on ne peut observer, destinés aux pauvres ou de véritables biens par exemple, « l'avancement des intérêts publics (qui ne peuvent pas relever du sec- internationaux de la nation », c'est-à-dire teur privé, même d'un point de vue théo- l'objectif d'un ministère des Affaires étran- rique). Mais on ne peut compter sur les gères.'8' Enfin, la connaissance technique prestataires du privé pour qu'ils les produi- permettant une évaluation rigoureuse des sent d'eux-mêmes. C'est pourquoi le sec- programmes pour atteindre les pauvres est teur public doit assumer la responsabilité certainement disponible. des services de base, surtout à destination Un mot sur l'opposition entre « accords » des pauvres. et « gestion ». Ce chapitre traite de l'accord Le secteur public a aussi ses problèmes. entre le décideur et les organismes presta- Au chapitre 5, nous posions la question de taires, et non des détails de la gestion des savoir si, en assumant cette responsabilité, prestataires en première ligne par un orga- les décideurs étaient incités à « faire ce qu'il nisme prestataire. Une gestion appropriée faut ». La réponse est souvent négative. doit être adaptée au contexte local. En se Cependant, même lorsque les mesures à préoccupant essentiellement des détails de prendre sont définies avec le soin nécessaire, la gestion, on risque de négliger la relation il est difficile de pourvoir en personnel les plus fondamentale de l'accord et de faire installations situées dans les zones pauvres bon marché de la tendance à minimiser la ou éloignées. En Indonésie, les taux de gestion. Ici, l'accent est mis sur les principes vacance des médecins vont de pratiquement de définition des incitations. Cependant, on zéro à Bali à pas moins de 60 % en Papoua- Gouvernants et prestataires 113 ciable aux pauvres, comme c'est le cas pour E N C A D R É 6 . 1 UTtn bon medélecin les écoles rurales de Zambie (encadré 6.2). est, I.'I. Même lorsque les gens acceptent des emplois dans les zones pauvres, leur absen- à trouver téisme est souvent stupéfiant (voir tableaux Les dispensaires publiques bien situés ont des taux de vacance modestes, pas plus de 1,2 % à 1.2 et 1.3 au chapitre 1). Les raisons en sont Bali et autour de 5 % dans la plupart des variables, mais les possibilités alternatives provinces des régions où se concentre la popu- lation, Java et Sumatra. Dans une région de gains en sont une des principales, pour éloignée comme la Papouasie occidentale, le des métiers dont les compétences sont faci- taux de vacance atteint 60 %, et au centre de e2 s Kalimantan, il dépasse 40 %. lement négociables sur le marché. C'est le de dispensaires sans médecins, cas des médecins et autres membres du per- parprovince,aenlendonésieen19 sonnel médical, ainsi que des enseignants qui dispensent des cours indépendants. Là 60 encore, l'impératif au jour le jour, pour les Provinces éloignées gens, de gagner leur vie, va à l'encontre du développement des services en faveur des 40 Provinces pauvres. C'est particulièrement le cas les plus pauvres lorsque la rémunération des fonctionnaires 20 est nettement inférieure à celle du secteur Be ii. privé à compétences identiques. Bali Papouasie occidentale E N C A D R É 6.2 La lib-er-té Source: Banque mondiale (1 994b). dles , "., iivs f s 'exercer u létd'Îltlrlt sie occidentale (anciennement Irian Jaya), (lespauvi'res la province la plus éloignée de Java (encadré Financement des écoles primaires rurales en 6.1). Zambie par différentes sources La difficulté de pourvoir ces établisse- Financement par écolier (en milliers de kwacha) ments en personnel varie selon le poste à 30 Discrétionnaire pourvoir. Elle est la plus grande pour les 25 personnes ayant le plus haut niveau 20 d'études et bénéficiant par ailleurs des 15 Rémunération meilleures perspectives d'emploi. Les per- 10 du personnel sonnes ayant un bon niveau d'études, dans .. Selon les pays dans lesquels elles sont rares, sont 5 _ des règles presque toujours natives des grandes agglo- 0 -------- strictes mérations, où elles ont grandi. Au Niger, 43 Les plus 2 3 4 Les plus % des parents des infirmières et des sages- pauvrichesse en cinquièmes femmes étaient fonctionnaires, et 70 % d'entre eux avaient grandi dans la grande En Zambie, les écoles rurales obtiennent des ville.283 On ne peut que trouver naturel que ressources en numéraire et en nature (person- ces personnes souhaitent la même chose à nel). Les transferts de fonds alloués selon des règles strictes de financement par tête sont leurs enfants. Et il serait naïf de croire qu'il nettement progressives. Les zones rurales suffit simplement de « les payer mieux ». En accordent des allocations de fonds significa- Indonésie, il faudrait que les médecins tou- tivement plus importantes aux écoles riches. L'indemnité des enseignants par élève aug- chent plusieurs fois leur niveau de rémuné- mente avec la richesse des enfants scolarisés, ration actuel pour accepter d'aller vivre en ce qui reflète des ratios de personnel plus Papouasie occidentale.284 Par ailleurs, don- élevés et la gravitation du personnel d'en- ner aux prestataires trop de liberté de choi- cadrement autour des zones les plus riches. sir leur lieu d'exercice pourrait être préjudi- Source: Das et autres (2003). 114 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Même lorsque les gens sont assidus à leur d'État. Ce sont surtout les pauvres qui en travail, leur performance peut être défavo- paient le prix (encadré 6.3). Dans le rable à la situation des pauvres. Le manque domaine des médicaments, la gabegie est de conscience professionnelle, le fait que partout: dans des pays comme la Côte l'on maltraite les écoliers ou les patients, le d'Ivoire, l'Inde, la Jordanie, la Thaïlande et fait qu'avec le temps, les compétences la Zambie, les vols dans les magasins publics s'émoussent (chapitre 1), tout cela est alimentent une grande partie du marché imputable à un problème d'incitations et privé. La corruption est motivée par des d'esprit de service. Des salariés qui n'ont considérations monétaires, mais elle sup- pas de possibilité d'avancement et n'ont pas pose aussi un manque d'information sur à craindre de sanction seront peu incités à des activités occultes et l'impossibilité d'im- faire bien. Au chapitre 4, on a vu qu'une poser des sanctions. Comme le dit le Capi- mauvaise attitude était liée au système d'in- taine Shotover dans Heartbreak Holuse de citations, et non à la formation. Lorsque le George Bernard Shaw, « Donnez-moi plus revenu ne provient pas des clients, il faut d'obscurité. L'argent ne se fait pas à la que les prestataires soient responsables lumière ». Une information ouverte peut devant les décideurs, et surtout que ces der- permettre de réduire à la fois l'incidence de niers puissent contrôler et récompenser les la corruption et l'étendue des dégâts qu'elle bonnes attitudes. % occasionne.286 La corruption - le profit privé non auto- La pression de la collectivité peut aussi risé à partir des ressources publiques - est corrompre les incitations des prestataires répandue dans un certain nombre de ser- publics à assumer leurs principales respon- vices, et elle est aussi imputable à des incita- sabilités. Dans bien des endroits, les fonc- tions en concurrence. En Europe de l'Est, les tionnaires sont des membres permanents dessous-de-table à l'attention des fonction- de la collectivité, qui se retrouvent confron- naires et la corruption généralisée compro- tés à des pressions sociales substantielles les mettent la légitimité de tous les services poussant à infléchir les règles en faveur des E N C A D R É 6 . 3 La cozrp ptio:C estPV iitti, I1 auxpauiïvres Au Kazakhstan, lorsqu'il s'agit d'avoir accès à la santé, à l'éducation et au système judiciaire, les pauvres versent des pots-de-vin simplement pour bénéficier des services auxquels ils devraient avoir droit (et pour éviter d'avoir « des problèmes » pour les obtenir) tandis que les personnes plus aisées paient pour être servies plus rapidement. En Roumanie, les pauvres versent sous forme de pots-de-vin des parts de revenu bien plus importantes. Kazakhstan: Les raisons de verser des pots-de-vin Roumanie: Pourcentage du revenu consacré pour la santé, l'éducation et la justice aux pots-de-vin (chez ceux qui en versent) Pourcentage de réponses partranche de revenu % 140 12 120 ~~~~~~~~-Autre 1 Pour éviter 100 dp des problèmes -, " ç ' T ~~~Pour des 8 80 4am avantages m 60 | Rapidité| 10 I Tiers le Tiers Tiers le Tiers le Tiers Tiers le plus pauvre intermédiaire plus riche plus pauvre intermédiaire plus riche Remarque: La somme des valeurs dépasse loo % en raison des réponses multiples. Source: Anderson, Kaufmann et Recanatini (2003). Gouvernants et prestataires 115 préférences locales. Cela peut parfois être pouvoir exécutif, et l'organisation presta- un bien, reflétant une certaine flexibilité qui taire est un ministère. Un certain nombre permet de satisfaire aux besoins locaux. des activités des dirigeants de « l'organisa- Cependant, pour certains services, surtout tion prestataire » ressemblent à des activités lorsque certaines caractéristiques se prêtent de décision. Il s'agit cependant de la « poli- aux sanctions, le prestataire peut ainsi être tique interne » de l'organisation, visant à amené à manquer à ses devoirs essentiels. atteindre les objectifs généraux dont il est Ainsi, par exemple, les agents forestiers qui question ici. (La littérature relative à la ges- font partie d'une communauté rurale peu- tion des affaires publiques met explicite- vent être réticents à relever les coupes illé- ment en garde contre le fait de séparer la gales réalisées par leurs voisins.287 Une prise de décision de l'application290, mais il forme de pression collective particulière- s'agit de la gestion au sein de « l'organisa- ment préjudiciable aux pauvres est le tion prestataire » et non de la séparation détournement des services par les élites dont il est ici question.) locales. Dans le Nord du Ghana, une telle Une nette séparation permet une res- pression s'est révélée, pour des prestataires ponsabilisation bien plus simple et moins jeunes, inexpérimentés et mal payés, un ambiguë de l'organisation prestataire. obstacle majeur à la réalisation des projets Lorsque le décideur est l'organisation pres- participatifs.288 tataire, les pressions journalières de la direc- Dans le secteur public, un grand nombre tion compromettent l'attention portée aux de prestataires, et généralement la plupart, résultats sur le terrain. Prenons l'exemple sont des gens qui se consacrent à leur tâche du désir de cerner les problèmes et de les et dont les intérêts sont largement compa- résoudre (voir « Pleins Feux sur Johannes- tibles avec le bien public. Cependant, leurs burg »). Lorsque le décideur assume un rôle propres besoins de s'occuper d'une famille, différent du prestataire, il est plus facile de d'assurer leur bien-être et d'entretenir de dire « je me moque de savoir quel est votre bonnes relations avec le voisinage, tout cela problème, dites-moi seulement quels sont les empêche de fournir suffisamment de les taux de vaccination. Ou les résultats des services pour que les pauvres en bénéficient. évaluations. Ou les taux de criminalité ». Si, pour atteindre les pauvres, il est néces- Lorsque les rôles sont mélangés, les admi- saire d'étendre le champ d'action, il importe nistrations ont tendance à fonctionner en de faire évoluer encore les incitations, circuit fermé et à dissimuler les erreurs. quelles soient sous forme monétaire ou La séparation est-elle réellement néces- non.289 saire ? Est-elle effective dans les pays riches ? L'éducation, par exemple, est souvent assu- Accroître la responsabilité: rée par les soins de l'administration cen- séparer le décideur trale, qui nomme directement tous les et le prestataire enseignants sans que les autres organismes (ministère des Finances par exemple) aient Les incitations diverses auxquelles sont beaucoup leur mot à dire. Peut-être cette confrontés les prestataires brouillent le séparation n'est-elle pas nécessaire pour les champ des résultats. Si l'on veut aligner les services qui fonctionnent bien. incitations des prestataires avec les résultats Cependant, les pays riches bénéficient de que les décideurs veulent obtenir pour les l'expérience d'une longue évolution des citoyens, il importe de tracer une nette relations entre l'État et les prestataires en séparation entre le rôle du décideur et le première ligne. Presque tous les services rôle de l'organisme prestataire. Qui est le fournis directement aux individus dans les décideur, et qui est l'organisation presta- pays aujourd'hui considérés comme des taire ? Le décideur est la personne directe- pays riches étaient initialement fournis par ment responsable devant les citoyens, et de le secteur privé. Ils ont fini par être absorbés préférence devant les plus pauvres d'entre ou regroupés par une institution étatique eux. Quant à l'organisation prestataire, elle séparée des organisations prestataires exis- est responsable de la fourniture des services. tantes. L'État a tout d'abord joué le rôle Souvent, le décideur est le législateur ou le d'instance extérieure de contrôle et de régu- lation des activités privées. Il a dans une 116 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 prestataires plus responsables. Cependant, E N C A D R É 6 . 4 Apprenidre à réguler si le décideur sait quels services offrir, pour- quoi ne pas simplement donner aux presta- Bien que l'État finance les soins médicaux qu'un système de gestion des écoles était taires - par contrat - les instructions néces- dans la plupart des pays de l'OCDE, ce sont déjà développé. toujours des prestataires privés qui les dis- Même les services en réseau les plus fon- saires ? Autrement dit, pourquoi ne peut-on pensent (du point de vue financier, les États- damentaux comme l'eau, l'électricité, le gaz et pss otne eséiirlsotuse Unis font exception du point de vue de la le chemin defer-des services qu'il estdevenu pas se contenter de specifier les outputs et prestation, c'est le Royaume-Uni qui fait habituel de considérer comme des de les rémunérer en conséquence ? exception). Dans ces pays, l'État assume le rôle monopoles par nature - ont d'abord été des d'assureur mais pas celui de prestataire des activités purement privées. Au Royaume-Uni, services. C'est le marché de l'assurance qui se les premiers systèmes d'adduction d'eau Des limites à la responsabilité trouve gravement atteint par de graves étaient parfois développés avec des con- carences de marché. En Allemagne, le système duites dupliquées, posées par des entreprises actuel est le résultat d'un regroupement com- concurrentes, Ce n'est qu'une fois la couver- Tous les services publics se trouvent mencé sous Bismarck en 1883, au sein d'un ture devenue importante que cette activité a confrontés à trois problèmes qui rendent système fondé sur des plans d'assurance suiv- été rationalisée - et davantage pour des cette solution impossible: les prestataires ant le schéma des corporations, raisons de santé publique que pour éviter les Dans la plupart des pays de l'OCDE, le sys- duplications. Les chemins de fer allemands ont affaire à des commanditaires multiples, tème actuel de propriété ou de contrôle éta- ont aussi connu, au début des lignes ils réalisent des tâches multiples, et ils pro- tique date d'une époque, après la Seconde dupliquées. Dans d'autres cas, les compagnies Guerre mondiale, où les revenus étaient au mettaient au point des accords aboutissant à duisent des résultats qui sont difficiles à moins aussi élevés que ceux des pays à une division des marchés sans qu'il y ait une observer et qu'il est difficile d'attribuer à revenu intermédiaire de la tranche superieure duplication comme sur les marchés du 291 doaeunjturd éupAvlanutqueité pus bplrqo,rammetsne chemin de fer aux États-Unis et en Angleterre leurs activites. posait déjà de pouvoirs de régulation sur la - parexemple,lessystèmesd'autobusdans un posait ion mdie. Lar coen iédultedan s le certain nombre de vastes zones urbaines, ou Des commanditaires multiples profssin méicae. a cdnciencedan le le réseau allemand de gaz naturel. Un régime temps était fortuite, car c'est seulement au eréguainat XXe siècle que les progrès techniques de la de rulation a été ensuite instauré, mais Les instructions que le décideur peut don- médecine ont fait de la supervision publique seulement après que l'on ait atteint un degré ner aux prestataires ne sont pas les seules une chose essentielle. élevé de pénétration du service. L'éducation publique universelle est aussi Dans chacun de ces exemples, la capacité qui importent. Les fonctionnaires doivent une chose assez récente, Elle résulte d'un con- regulatrice indépendante du décideur a servir plusieurs maîtres. Les prestataires de flit entre l'église et l'État. Dans une période de precédé l'intégration des prestataires privés se développement des établissements publics, dans un système public. l'enseignement sont soumis à la pression le principal mécanisme consistait à intégrer des parents des enfants pauvres (représentés les écoles privées au système public, une fois Source: Klein et Roger(1994). par le décideur), des parents des autres enfants, des syndicats d'enseignants, des employeurs potentiels, des divers groupes large mesure gardé cette indépendance de au sein de la société qui veulent (ou qui contrôle une fois ces activités devenues refusent) telle ou telle chose en particulier, publiques (encadré 6.4). et d'autres encore. Les fournisseurs d'éner- Pour les pays en développement, le désir gie et d'eau sont soumis à la pression de dif- d'expansion rapide du financement public férents segments du marché pour les sub- et de la prestation publique des services ventions croisées, des producteurs pour court-circuite ce développement historique. l'achat de types d'équipements spécifiques, Le contrôle et la prestation se produisent de ceux qui réclament des connexions plus simultanément. Ce n'est pas nécessairement étendues et d'autres qui réclament un ser- un mal: s'il n'en était pas ainsi, les pauvres vice continu, plus fiable. La pression au jour devraient peut-être attendre bien plus long- le jour de la demande locale en soins médi- temps pour pouvoir bénéficier des services. caux peut compromettre les efforts de pré- Mais cela montre que les caractéristiques vention des maladies et d'autres activités institutionnelles actuelles des pays riches ne liées à la santé publique qui ne sont pas 292 se transposent pas directement aux pays induites par la demande. Qui un presta- pauvres sans l'instauration d'une structure taire doit-il écouter ? régulatrice complémentaire, une structure qui peut devoir être mise en place à Des tâches multiples l'avance. En l'absence de cette structure, le Dans les centres de soins, le personnel est progrès risque d'être lent - probablement censé dispenser aux visiteurs des soins cura- plus lent que si un secteur à but non lucratif tifs. Il doit aussi les vacciner, leur dispenser ou un secteur privé peut se développer puis une éducation sanitaire et faire bénéficier à se retrouver supervisé par l'État. tous de mesures préventives, qu'ils viennent Le fait de séparer le décideur de l'organi- d'eux-mêmes ou non. Il doit aussi tenir des sation prestataire aide aussi à rendre les statistiques, assister à des séances de forma- Gouvernants et prestataires 117 tion et à des conférences et procéder à des contrôles de l'eau et de la nourriture. La E N C A D R É 6 . 5 Attettioti à ce qute i'o souhlaite - I police a affaire à toutes sortes de gens, des enfants perdus aux dangereux criminels. « Quiconque a déjà travaillé dans une organ- parisiens veulent faire pression sur les isation formelle - mêmne si c'est une petite autorités municipales à propos de la réguila- Les policiers doivent tantôt enquêter sur des organisation, strictement régie par des tion ou des tarifs, il leur arrive de lancer une meurtres, tantôt jouer un rôle social en règles détaillées - sait que les manuels et les grève du zèle. Cette grève consiste simple- directives écrites ne permettent pas du tout ment à suivre méticuleusement toutes les intervenant dans les conflits de famille et de d'expliquer comment cette organisation règles du Code de la route, ce qui paralyse voisinage, tantôt diffuser de l'information, fonctionne. Qu'elle puisse fonctionner en d'un seul coup la circulation du centre de douceur s'explique par tout un ensemble Paris. Les chauffeurs tirent ainsi parti, du Cette diffusion nuit naturellement à la pré- pratiquement infini et mouvant de com- point de vue tactique, du fait que la circula- cision des incitations, préhensions implicites, de coordinations tion n'est possible que parce que les con- tacites et de réciprocités pratiques que ne ducteurs maîtrisent un ensemble de pra- pourrait jamais reflétervalablement un code tiques qui ont évolué en dehors des règles Mesurer et attribuer les résultats écrit. Ce fait social omniprésent sert les formelles, et souvent en contradiction avec intérêts des employés et des syndicats. Le ces règles.» Les problèmes les plus difficiles, surtout principe qui sous-tend ce que l'on appelle pour les secteurs sociaux, sont les pro- couramment les grèves du zèle est un exem- blèmes doubles de la mesure des résultats et ple typique. Lorsque les chauffeurs de taxi Source: Scott (1998). de l'attribution de ces résultats à l'activité des prestataires. Les systèmes de notation peuvent refléter de manière adéquate cer- l'élimination des tâches difficiles à mesurer tains objectifs éducatifs, mais il n'est pas (encadré 6.6). Ce risque a été traité par la facile de mesurer la pensée abstraite et littérature consacrée à l'éducation sous la l'adaptabilité sociale. L'effacement de la rubrique « enseignement pour le test ». douleur est un jugement subjectif du Lorsque l'avantage qui revient à l'ensei- patient. Un certain nombre de résultats, gnant (sa rémunération ou sa perspective même observables par le patient et par le de promotion) se mesure par la perfor- médecin, ne peuvent faire l'objet d'une mance des élèves à un test normalisé, cela garantie par contrat dans le sens où en cas entraîne une tendance à négliger les aspects de litige, il serait possible de prouver de l'enseignement qui ne sont pas couverts quelque chose devant un juge ou un média- par le test et à se focaliser sur ceux qui le teur. Enfin, attribuer les impacts à l'activité sont. Au Kenya, les enseignants ont mani- des prestataires est difficile, pour presque pulé les résultats des tests en donnant des tous les services à caractère social. cours spécialement orientés vers ces tests. Il Du fait de ces problèmes, il est impos- n'y a pas eu de progrès dans les autres indi- sible de faire dépendre contractuellement cateurs de la qualité, comme les devoirs, les des résultats la rémunération de chaque absences des enseignants ou les méthodes prestataire en première ligne. Les contrats d'enseignement.293 seraient tous nécessairement incomplets, ils Plusieurs pays industrialisés, dans leur supposeraient au moins un versement de réforme de la fonction publique ou de la salaires indépendant des outputs. Lorsque prestation des services publics, ont tenté de l'activité est spécifiée avec un haut niveau de recourir à des contrats fondés sur la perfor- détail, les résultats sont souvent inférieurs à mance. Les résultats sont mitigés294: un cer- l'optimum, en raison de l'inflexibilité de la tain nombre de problèmes sont liés à la réponse aux variations locales. L'impossibi- dépendance du décideur vis-à-vis de l'in- lité de spécifier de telles règles à l'avance est formation que délivre l'organisme - un pro- illustrée par les « grèves du zèle », par les- blème en liaison étroite avec la réglementa- quelles les grévistes paralysent une activité en suivant le règlement à la lettre (encadré 6.5). L'équilibre entre le contrôle et la flexi- E N C A D R É 6 . 6 Attentioti ià ce quie l'ai> souhaite - 2> partie bilité n'est pas facile à réaliser. bilité n'est pas acile à réaliser.La compagnie Sears a perdu 48 milliards de de prestations. L'affirmation selon laquelle Par ailleurs, le prestataire accomplissant dollars lors d'un recours collectif en justice, en donnant ses instructions, elle ait eu l'in- un certain nombre de tâches, dont cer- son département réparation automobile tention d'encourager un comportement étant accusé de saboter délibérément les fair-play, n'a pas impressionné le tribunal. taines, si ce n'est toutes, sont difficiles à véhicules de ses clients. La compagnie a été observer pour le décideur, le risque est tou- tenue pour responsable,car elle avait stipulé Source:: Sears Automotive Center Consumer les paiements correspon- à ses employés qu'elle paierait des priÎmes à Litigation, Action No.C-g2-2227, U.S. District jours présent que les paiements correspon- celles de ces filiales qui cumuleraient le plus Court San Francisco. dant à des résultats mesurés aboutissent à 118 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 tion des entreprises privées. L'information fonction de décision politique de l'organi- utilisée pour les contrats de performance sation prestataire, le décideur pourra assu- peut facilement être falsifiée, ou, de manière mer la gestion des objectifs généraux de moins condamnable, être présentée sous un l'éducation tandis que le prestataire recevra jour trop favorable. Ainsi, par exemple, au des instructions plus précises et aura davan- Royaume-Uni, au moment des réformes de tage rendre des comptes au décideur. Les l'éducation, l'absentéisme a été redéfini sous pauvres pourront légitimement déléguer le terme d'absences excusées.295 aux décideurs le développement des pro- grammes ainsi que la responsabilité d'équi- Surmonter les limites librer leurs intérêts avec ceux des syndicats. Séparer les décideurs des organisations Les organisations et les individus prestataires peut permettre d'inciter davan- Des prestataires indépendants ne peuvent tage à aider les pauvres. En assignant aux accepter des contrats de performance qui décideurs le rôle de définir les accords avec les exposeraient à des risques trop élevés. les organisations prestataires et en assignant Cependant, la variabilité de la performance aux organisations prestataires la responsa- globale sur l'ensemble des prestataires au bilité de la gestion, on rend possible l'utili- sein d'une organisation - par exemple ceux sation de fortes incitations à aligner les inté- qui luttent contre la mortalité infantile sur rêts du prestataire en première ligne avec un district - est bien plus réduite, d'où la ceux du décideur qui représente les pauvres, possibilité de partager le risque. Si un seul pour les trois raisons suivantes. Première- médecin peut ne pas être capable d'assumer ment, les décideurs, en compensant les le risque que représenterait, pour son pressions politiques, peuvent aider à mettre revenu, la malchance d'un patient donné, les prestataires à l'abri du problème de un service de santé à l'échelle d'un district devoir satisfaire des maîtres dont les objec- peut l'assumer. Des équipes - écoles, dis- tifs sont en conflit et leur permettre de rece- tricts scolaires, services de santé, commissa- voir des instructions qui soient univoques. riats de police - peuvent être les destina- Deuxièmement, les organisations presta- taires des incitations basées sur la taires peuvent accepter des versements performance, contrairement aux ensei- basés sur la performance, ce qui n'est pas gnants, aux infirmières et aux agents de possible aux individus. Troisièmement, les police (voir « Pleins Feux sur le Costa Rica » dirigeants des organisations prestataires, et « Pleins Feux sur Cuba »). Ce qui peut s'ils disposent d'une flexibilité suffisante être considéré comme mesurable varie pour les décisions opérationnelles, peuvent selon la taille de l'organisation - il est plus superviser le personnel et choisir la forme facile de demander des comptes aux organi- de rémunération appropriée, celle qui sations les plus grandes. reflète le mieux la situation locale. Le problème des tâches multiples est aussi, en partie un problème d'économies Tenir les prestataires d'échelle. Certaines tâches peuvent être à l'écart de la politique divisées en groupes d'activités complémen- Le fait que les prestataires aient à satisfaire taires: par exemple, l'ensemble des vaccina- un certain nombre de maîtres reflète l'inca- tions, ou l'ensemble des activités d'éduca- pacité de l'État à les tenir à l'écart des pres- tion sanitaire basées sur les visites à sions politiques. Tandis que les décideurs, domicile (chapitre 8). Ensuite, une organi- dans le domaine de l'éducation, ont besoin sation relativement homogène peut se voir de résoudre les problèmes des employeurs confier la responsabilité de mener à bien potentiels, des syndicats d'enseignants ou une série de tâches plus simples, avec des des groupes d'intérêts qui veulent exercer normes de responsabilité qui soient claires. une influence sur les programmes, il n'y a La réforme intervenue à Johannesburg, aucune raison pour que cela affecte l'acti- en Afrique du Sud (voir « Pleins Feux »), vité quotidienne d'une école, ou même une était pour une grande part une réévaluation organisation quelconque de prestataires en de l'ensemble le plus approprié de services à première ligne. S'il est possible de séparer la regrouper pour offrir des outputs spécifiés. Gouvernants et prestataires 119 Les départements ont été réorganisés pour ment qui ont tenté de promouvoir ce sens que leurs outputs soient clairement identi- du devoir devraient prendre garde de ne pas fiables et vérifiables, et que le responsable le compromettre. Cependant, avant de pré- d'un département soit en mesure de retenir tendre en faire une préoccupation priori- toute économie réalisée sur les dépenses taire, il faut qu'ils soient honnêtes avec eux- contractuelles. À un extrême, des entre- mêmes. prises commerciales - comme le stade La rémunération selon la performance d'athlétisme, l'aéroport et le gaz métropoli- est parfois appropriée et nécessaire, mais il tain - ont été tout simplement vendues au convient d'expérimenter localement ce sys- secteur privé et se sont retrouvées directe- tème. Certains projets, en matière de santé, ment confrontées aux forces du marché, où ont grandement bénéficié d'un système de la rémunération est très dépendante des motivation des travailleurs à la perfor- résultats.296 mance (encadré 6.7). Dans d'autres situa- tions, ces incitations sont précisément ce La flexibilité de la gestion qui est nécessaire pour obtenir des résultats Chacun de ces effets potentiels dépend de la particuliers que l'on souhaite. Dans le sys- flexibilité et de l'autorité dont peuvent dis- tème national de santé britannique, la paie poser les dirigeants des organisations pres- des praticiens généralistes est, pour l'essen- tataires pour définir les motivations des tiel, déterminée sur la base de versements prestataires en première ligne. C'est ce qui par capitation: c'est-à-dire en fonction du leur permet de s'adapter à l'évolution locale nombre de personnes qui sont leurs (ou sectorielle) pour voir ce qui fonctionne patients. Elle est cependant complétée par le mieux, entre la rémunération à la perfor- des versements spécifiques correspondant à mance et les salaires assortis d'une supervi- l'administration de vaccins, afin de contrer sion. La flexibilité, pour les dirigeants, est toute incitation à lésiner sur ce service prio- essentielle, elle constitue un élément fonda- ritaire. mental de la « capacité institutionnelle ». Il importe que les dirigeants exercent un contrôle sur le système de rémunération ou aient la possibilité de sanctionner les contre-performances. E N C A D R É 6 . 7 Motivation des travailleurs Les systèmes de salariat fonctionnent à la nla ntîas:cc tant qu'existe une capacité de licencier ou d'accorder des promotions en fonction du Le Comité pour le développement rural du A Haiti, des ONG ont obtenu directement mérite. La pire des situations est celle où les Bangladesh (BRAC), une des plus grandes de l'Agence américaine pour le développe- ONG de ce pays, a payé des agents pour mens international des contrats basés sur la salariés n'encourent pas de sanction en cas qu'ils apprennent aux mères à recourir à la performance, pour dispenser des soins de contre-performance et ne peuvent espé- thérapie de réhydratation orale lorsque les préventifs tels que vaccins, éducation à la enfants sont atteints de diarrhée. Des santé, soins prénatals et planning familial. Là rer d'augmentation ni de considération primes, indépendantes des prestataires, ont encore, on a fait appel à une instance de particulière en cas de bonne performance. été versées en fonction d'enquêtes sur des contrôle indépendante, l'Institut haïtien de échantillons aléatoires de S à 10 % des l'enfance, qui est un organisme local d'é- À Singapour, les fonctionnaires ont des mères. Plus le nombre de femmes capables tudes statistiques et d'enquêtes, pour con- salaires élevés et jouissent d'un prestige d'expliquer comment préparer et utiliser la trôler la performance. Les taux de vaccina- solution de réhydratation était important, tion ont notablement progressé, comme enviable, mais ils travaillent aussi sous la plus la rémunération était élevée. Plus de la d'autres outputs. Il est intéressant de con- menace crédible d'être licenciés. Un pro- moitié de la contrepartie globale a été ver- stater que certaines des ONG ont elles- sée sous forme de primes. mêmes expérimenté la rémunération à la blème que posent certaines des réformes Le nombre de mères instruites, dans ce performance, mais ont obtenu des résultats récentes entreprises par les pays développés, domaine, a considérablement progressé: faibles en termes de moral et de perfor- deux ans après la formation, il atteignait 65 % mance lorsque les agents (eux-mêmes mal qui instituent des relations contractuelles des mères ayant suivi les cours. Plus impor- payés) se sont retrouvés confrontés à une avec les prestataires, est qu'elles compro- tant les techniques utilisées par les forma- telle incertitude de revenu. Les ONG, tout en teurs ont évolué, les cours classiques laissant étant satisfaites du système stimulant d'inci- mettent l'esprit de service (« si je dois être de plus en plus la place à des démonstrations tations selon lequel elles ont été traité comme un mercenaire, autant se sous forme de travaux pratiques. Plutôt que rémunérées, ont trouvé de meilleurs d'utiliser les bonnes techniques de formation moyens de payer les prestataires en pre- comporter en mercenaire »). Le supplément spécifiées par la hiérarchie, les agents ont mière ligne en fonction du contexte local. de responsabilité résultant des incitations développé la meilleure façon d'atteindre les financières a été en partie neutralisé par une résultats qui ont pu être mesurés : i ont s: Chowdhury (2001) et Eichler, Auxilia & trouvé eux-mêmes ce qui fonctionnait dans le Sources:hwhr/20)tiheAxla déresponsabilisation au niveau de la moti- contexteauquelilsétaientconfrontés. Pollock(2001). vation interne.29' Les pays en développe- i l~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 120 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 De nouveaux prestataires Lorsque existent des monopoles natu- pour étendre l'offre rels, il peut y avoir une concurrence pour le D'où viendront les prestataires de services ? marché. Les concurrents potentiels soumet- Une possibilité est que la concurrence pour tent des offres pour les concessions - les les accords attire davantage d'organisations accords - afin de fournir les services. Dans prestataires. Les avantages de la concur- les pays plus riches, une grande part des ser- rence sont la réduction des coûts, des efforts vices publics fonctionne selon ce modèle. Il plus importants et une meilleure informa- suppose la capacité de laisser au gagnant les tion - même lorsque la prestation publique contrats explicites et de les contrôler et de est la forme dominante, tant que les organi- les appliquer. Des innovations récentes dans sations prestataires publiques et autres sont l'État de Madhya Pradesh, en Inde, permet- logées à la même enseigne. Trois types de tent aux ONG de concourir pour obtenir les concurrence se prêtent aux services: la concessions des écoles primaires. La rému- concurrence sur le marché, la concurrence nération est conditionnée aux progrès des pour le marché et l'établissement de points résultats scolaires, mesurés de manière de référence. indépendante. Un avantage qu'ont les pays en développement sur les pays d'Europe La concurrence. La concurrence sur le dont l'expérience est plus ancienne est le fait marché signifie simplement que les presta- de disposer d'entreprises fortes d'une taires privés sont autorisés. Pour la santé et bonne réputation et d'une expérience solide l'éducation, ces prestataires sont partout, et dans l'offre d'eau, d'énergie et de transport - en bien des endroits, ce sont des acteurs et de tribunaux internationaux pour la plus importants que l'État (chapitre 4). Les résolution des litiges.301 Cependant, l'expé- progrès technologiques récents ont rendu rience récente d'Enron, dans l'État du possible l'ouverture à la concurrence de ser- Maharastra, en Inde, vient tempérer l'en- vices que l'on considérait jusqu'alors thousiasme excessif que pourraient suggé- comme des monopoles par nature. Ainsi, rer ces avantages. par exemple, on peut recourir à des produc- Les points de référence peuvent être utili- teurs indépendants d'énergie électrique sés lorsque différents prestataires ont la pour vendre l'électricité sur un plus vaste charge de gérer des parts d'un système plus quadrillage. Le coût que représente la libre vaste. Même lorsque le secteur public est le entrée sur le marché d'un monopole naturel principal prestataire de services, une infor- est le risque d'une duplication inefficace des mation sur des expériences variées peut être investissements. Une réglementation effi- utile. L'information sur les coûts de pro- cace est nécessaire, mais c'est une chose duction peut être bien moins chère à obte- compliquée. En cas de limitation politique nir par la simple observation de ses propres et administrative importante de l'indépen- activités que par des évaluations sophisti- dance et de l'efficacité des régulateurs, per- quées et détaillées. L'information sur les mettre une telle duplication peut bien être préférences du consommateur peut être le moindre de deux maux.298 moins chère à obtenir en comptant les On ne peut déterminer à l'avance l'im- clients qu'en se livrant à des recherches sur pact de la concurrence: la présence du sec- le marché. teur public peut imposer au secteur privé Pour la construction des routes à Johan- une discipline indirecte, à la fois sur les prix nesburg, un contrat explicite avait été signé et sur la qualité. En Malaisie, un système de entre le responsable de la gestion de la soins médicaux publics crédible a permis de municipalité et un organisme public auto- maintenir les hausses de prix à un niveau nome, la Johannesburg Road Agency, pour modeste dans le secteur privé.299 Les avan- construire un nombre donné de kilomètres tages de la prestation publique s'étendent de route pour un prix négocié. La base de la au-delà du nombre de patient traités dans le négociation était la série des coûts histo- secteur public. De même, la présence d'un riques avec les organismes publics. Le res- personnel médical qualifié peut entraîner ponsable de cet organisme autonome a des progrès de la qualité sur les marchés pri- ensuite pris comme cocontractants à la fois vés. 300 le département des travaux publics et des Gouvernants et prestataires 121 entreprises du secteur privé. C'est la concurrence entre les cocontractants qui a E N C A D R É 6 . 8 Les ONG peui vent être plus flexibles déterminé les allocations de fonds qui ont que V État suivi. Même s'il n'était pas possible de licen- Un avantage que peuvent avoir les ONG par elles discutaient très agréablement de la sit- cier le personnel de l'organisme public, la rapport au secteur public est qu'elles ne uation de cette famille. Lorsque j'ai raconté subissent pas les contraintes fixes d'un cette histoire lors d'une réunion, j'ai été concurrence pour les fonds a fait que cet règlement ou de procédures opéra- interrompu par le responsable du départe- organisme a égalé les entreprises privées en tionnelles normalisées comme dans le fonc- ment de psychologie clinique d'une univer- efficacité (cela a été le cas pour un certain tionnariat. La responsabilité s'en trouve sité qui a déclaré « Ce qu'a fait cette effiacit (cea aété e ca pou uncertain réduite à certains égards, mais on évite des thérapeute n'est pas professionnel ». nombre de contrats). On pourrait envisager contraintes non nécessaires. Eh bien, tout ce que je peux dire, c'est un transfert progressif de la prestation des Une assistante sociale travaillant pour un que si nous voulons que nos interventions services vers le secteur privé, mais seule- programme de protection de la famille rend soient efficaces et qu'eiles se soldent par des visite à une famille dont un enfant risque de progres au sein de la population, alors nous ment sur la base d'une performance avérée, lui être retiré à cause de sa négligence. Elle ferions bien de redéfinir ce qui est profes- est accueillie par la mère, qui lui dit « S'il y a sionnel et ce à quoi il est possible de con- Les limites à la concurrence et la recherche une chose dont je n'ai pas besoin en ce s moment dans ma vie, c'est d'avoir encore de fournisseurs. Pour les contrats qui ne une assistante sociale qui me dit ce que je (d'après Common Purpose par Schorr, 1997) peuvent être complets, les éléments de pres- dois faire. Vous savez de quoi j'ai vraiment besoin ? Que ma maison soit nettoyée ». tation en dehors du contrat resteront une L'assistante sociale, qui se trouvait être Dans un certain nombre de pays, les question de confiance. Pour la fourniture de une psychologue clinicienne hautement agents sociaux employés par l'État ne qualifiée, lui a répondu :« Aimeriez-vous sauraient transgresser l'avis de ceprofesseur services aux pauvres, cette confiance revêt commencer par la cuisine ? » Pendant que d'université,maisdesONG,quidisposentde une importance particulière, car travailler les deux femmes procédaient au nettoyage, davantage d'indépendance, peuvent le faire. dans les régions pauvres comporte moins d'avantages: on travaille des heures (notamment le personnel médical et les sissent où et comment elles veulent fournir enseignants) pour toucher peu, et les condi- ces services. Dans cette mesure, du point de tions de vie sont plus rudes. vue de la planification des services publics, À long terme, ce qui sera nécessaire, c'est on pourrait les assimiler au reste du secteur un secteur public avec un sens développé du privé. L'État ne devrait pas se mêler de rem- service public. Dans bien des endroits, cela placer. existe déjà. Cependant, il serait vain de pré- Les ONG ayant une tradition de service tendre que dans les conditions actuelles de altruiste peuvent souvent être des produc- recrutement et d'incitations, le développe- teurs à coûts réduits. Dans une étude ment de la fonction publique attirera les récente, on a constaté que les ONG reli- personnes les plus aptes à servir les pauvres. gieuses qui dispensaient des soins médicaux Au Népal, une étude anthropologique a en Ouganda assuraient une meilleure qua- montré que la vision que les membres du lité de service que leurs homologues du sec- personnel de santé avaient de leur travail teur privé. Par ailleurs, les salaires y étaient était souvent différente de celle qu'en moins élevés que dans le secteur privé et avaient les responsables politiques.302 Nom- bien moins élevés que dans le secteur breux étaient les agents de santé qui ne public. Contrairement au secteur privé, voyaient dans le programme de santé elles pouvaient facilement dispenser des qu'une source d'emplois. Il faut qu'un services de santé publique (par opposition ensemble plus large de prestataires poten- aux simples soins médicaux) et pratiquer tiels accepte les accords. des prix inférieurs. Enfin, une dotation sup- Les ONG - qui sont si importantes sur la plémentaire en numéraire leur servait à scène politique en Afrique et qui sont si abaisser leurs tarifs et à fournir davantage actives dans certains pays comme le Bangla- de services, comme des tests en laboratoire, desh - sont des candidats possibles. Elles tandis que le secteur public utilisait cette forment un ensemble varié. Un certain dotation pour augmenter les salaires.303 nombre d'entre elles ne sont pas directe- Les ONG sont souvent davantage ment impliquées dans la prestation de ser- capables, mais pas toujours, d'atteindre les vices, et un certain nombre associent le ser- pauvres. Dans la clientèle des ONG qui dis- vice et le militantisme. Celles qui pensent des soins médicaux en Zambie, la fournissent des services disposent souvent part qui provient des segments les plus d'une autonomie appréciable, et elles choi- pauvres de la société est nettement plus éle- 122 RAPPORT SUR LE DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 vée que dans la clientèle des établissements ONG, dont certaines ne sont pas du tout d'État ou des prestataires privés.304 Elles ont motivées par l'altruisme.306 En fait, il cependant du mal, elles aussi, à toucher les semble qu'un certain nombre d'entre elles habitants qui sont véritablement les plus soient gérées par d'anciens fonctionnaires pauvres. Les ONG sont aussi souvent mieux ayant perdu leur emploi par suite d'un redi- placées, grâce à leur plus grande flexibilité mensionnement du secteur public mais qui et à leur motivation interne, pour offrir des savent comment traiter avec les bailleurs de services à des couches de la société qui par fonds et avec les organismes qui passent des ailleurs s'en trouvent exclues (encadré 6.8). contrats avec l'État. Une généralisation Enfin, des organisations plus petites peu- rapide des contrats avec les ONG aura ten- vent toucher une population marginale dance à attirer le même type de personnes, qu'une administration à large base risque dont les motivations peuvent être exacte- d'avoir des difficultés à servir. ment les mêmes que celles des entreprises à Dans la lutte contre le sida, les employés but lucratif: ce qui rend nécessaire le même de l'aide sociale communautaire ont sou- niveau de contrôle et d'attention pour l'ap- vent affaire à des prostituées, à des toxico- plicabilité des contrats. Des ONG ayant à manes et à des gens très malades et éprou- leur actif une bonne performance et une vés. On se trouve confronté aux mêmes action soutenue en faveur des pauvres problèmes lorsque le secteur public affecte constituent des éléments potentiellement du personnel dans les zones éloignées pour très importants d'une stratégie visant à atteindre ces franges de la population. Au généraliser les services à ceux qui sont le Brésil, cependant, des ONG en concurrence plus dans le besoin. Cependant, une organi- pour obtenir des subventions gouverne- sation n'acquiert pas un palmarès aussi vite mentales ont pu atteindre des segments à que le souhaiteraient les bailleurs de fonds. haut risque de la société qui cherchent Il faut du temps pour que se développe la généralement à éviter ces programmes confiance. (comme les prostituées), et elles ont pu dis- tribuer 2,6 millions de produits contracep- De nouveaux défis du côté de l'offre. tifs et recevoir Il 000 appels téléphoniques Même s'il peut exister des moyens d'ac- d'urgence. L'indépendance relative des croître l'offre des prestataires à travers la ONG vis-à-vis du noyau des services promotion de la concurrence et une sous- publics leur permet plus facilement de traitance efficace avec les ONG et le secteur financer leurs activités à partir des res- privé, on assiste depuis peu, dans les pays en sources publiques tout en gardant leurs dis- développement, à deux phénomènes à tances vis-à-vis des décideurs politiques. cause desquels le personnel qualifié se raré- Les motivations altruistes de ceux qui fie ou devient plus cher. Premièrement, les travaillent au sein des ONG leur permettent spécialistes - médecins, enseignants, ingé- de compenser les carences des contrats. En nieurs - font de plus en plus partie des mar- général, les ONG prestataires risquent chés mondiaux intégrés, et leur recrutement moins que les prestataires à but lucratif doit se conformer aux taux de salaire mon- d'exploiter les difficultés de maîtrise des diaux. Et ce n'est pas seulement vers les pays termes des contrats à leur propre avantage. riches que ce personnel émigre. Le Bots- Leur altruisme peut compenser partielle- wana, par exemple, s'est mis à recruter des ment une réticence à s'implanter dans les enseignants provenant d'autres pays anglo- zones rurales difficiles et éloignées dans les- phones plus pauvres. Le marché mondial quelles les fonctionnaires ne veulent pas des services est en évolution rapide, par aller. C'est ce qui a incité un analyste, à pro- suite d'accords internationaux, et cela peut pos de l'Afrique, à conclure que pour le engendrer de nouvelles sources pour l'offre. moment, il convient de laisser à ce type Il reste à voir si ce phénomène contribue au d'organisations, et surtout à l'Eglise, le soin progrès des services dans les pays en déve- d'assurer les services pour les pauvres.305 loppement, ou s'il l'empêche (voir encadré Là encore, il s'agit de faire preuve de 6.9). patience. L'enthousiasme des bailleurs de Deuxièmement, le sida, en Afrique sub- fonds a engendré une prolifération des saharienne surtout, a fait des dégâts dans les Gouvernants et prestataires 123 rangs des prestataires de services. Au Lorsqu'un facteur de production devient Malawi, en 2000, davantage d'enseignants rare, il convient de préserver son usage - sont morts du sida qu'il n'en est entré dans d'une ou deux façons. Premièrement, on la profession (voir encadré 1.2). Le Bots- peut choisir les techniques les moins inten- wana, initialement en quête d'enseignants sives en savoir-faire. L'enseignement à dis- pour satisfaire une demande d'éducation en tance, s'il ne constitue pas une méthode expansion, a dû donner à cette recherche pédagogique idéale, peut mériter d'être pris une nouvelle urgence en raison du pro- au sérieux lorsqu'il s'agit d'économiser le blème de sida que connaît ce pays. Enfin, temps d'enseignement. De même, il peut juste au moment où la demande d'agents être opportun de recourir à des systèmes des services de santé est en augmentation, d'adduction d'eau nécessitant moins d'in- l'offre se trouve restreinte. puts techniques pour l'entretien. Deuxiè- E N C A D R É 6 . 9 Le GATS est-il un7ie aide ou. un11 obstacle ? Pour un nouvel accord qui à ce jour n'a pas encore constitué les principaux objectifs des négociations nouvelles règles dans des domaines comme la eu beaucoup d'impact sur la politique réelle, l'Ac- - maiscertaines étaientdélibérées,surtout dans les réglementation intérieure. Sans aucun doute, un cord général sur le commerce des services (GATS) télécommunications. La plupart des engagements débat éclairé serait le moyen de permettre que les de l'OMC suscite un degré surprenant d'espoir existants impliquaient peu de libéralisation au- engagements futurs et les règles futures du GATS comme d'appréhension. Dans le programme delà des conditions existantes du marché. Un cer- reflètent les préoccupations plus larges relatives actuel de négociations de Doha, certains se tour- tain nombre de pays se sont engagés sur les ser- au développement, et non pas seulement les exi- nent vers le GATS pour l'obtention de la réforme vices du tourisme, de la finance, des affaires et des gences d'une économie politique intérieure ou très demandée des services dont les pauvres télécommunications, mais relativement peu dans une pression extérieure à la négociation. bénéficieront aussi, tandis que d'autres y voient les services de la santé, de l'éducation et de l'envi- À ce stade, cependant, le principal problème une menace à la souveraineté en matière de régu- ronnement.sur les 145 pays membres de l'OMC,43 n'est pas tant ce que le GATS oblige les pays à faire lation et aux projets en faveur des pauvres. seulement (dont 12 pays en développement) ont ou ce qu'il les empêche de faire, que le fait qu'il ne En principe, des négociations multilatérales pris des engagements dans le domaine de l'en- prévoit pas-etqu'il nepuissevraimentpas prévoir peuvent faciliter la réforme des services, comme seignement primaire, 52 (dont 24 pays en - l'intervention complémentaire qui s'impose pour pour les biens de consommation, en éliminant ou développement) dans le domaine des services assurer une libéralisation favorable aux pauvres. en réduisant les obstacles protecteurs grâce à un hospitaliers, et aucun dans le domaine de l'adduc- Ce qui suscite une préoccupation légitime: dans accord mutuel et en accordant de la crédibilité aux tion d'eau (qui ne faisait pas explicitement partie un domaine complexe comme celui des services, de résultats atteints par le moyen d'engagements de la liste initiale des secteurs de services soumise simples négociations commerciales risquent légalement applicables. Il est espéré que des aux négociations). d'amener une réforme qui ne serait que partielle ou marchés plus ouverts et une plus grande pré- La critique la plus sérieuse faite au GATS con- qui ne seraitpas conçue de manière appropriée. Une dictibilité de la politique permettront la prestation cerne non pas sa portée limitée en matière de possibilité - déjà observable dans certains cas - est de services la plus efficace possible. C'est là la libéralisation - après tout, ce processus n'a com- que l'on mette moins l'accent sur l'introduction de logique du GATS. Nous traitons ici de trois ques- mencé que récemment - mais le fait qu'il prive les la concurrence que sur un éventuel transfert de tions: quelle ouverture de marché le GATS a-t-il gouvernements de la liberté de poursuivre des propriété des monopoles de l'État vers l'étranger permis à ce jour ? Cet accord empêche-t-il de politiques en faveur des pauvres. Il est affirmé que ou sur la protection de la position des agents recourir aux mesures complémentaires néces- les règles de l'accord menacent les services de l'en- extérieurs déjà présents. Une autre possibilité est saires pour que les pauvres aient accès aux ser- seignement public, de la santé et de l'environ- que l'ouverture des marchés soit initiée dans des vices essentiels sur des marchés libéralisés ? Le nement, qu'elles rendent illicites les obligations de pays qui n'ont pas développé de cadre de régula- processus du GATS pourrait-il amener la libéralisa- service universel et les subventions de l'offre, et tion ni de mécanismes pour atteindre les objectifs tion avant que d'autres réformes nécessaires aient qu'elles compromettent la possibilité d'une régle- de politique sociale de base. On peut concevoir pu être réalisées, et comment peut-on éviter cela ? mentation nationale efficace. Il ne semble pas que que ces manquements aboutissent à empirer la Le champ du GATS est certainement large. Le ces critiques soient très fondées, et ce pour trois situation des pauvres. Le problème se trouve GATS s'applique à pratiquement toutes les raisons. Premièrement, les services fournis dans le accentué par la difficulté d'inverser les choix poli- mesures gouvernementales relatives aux cadre de l'exercice de l'autorité gouvernementale tiques inappropriés qui se sont traduits par des échanges commerciaux pour presque tous les ser- sont exclus du champ d'application du GATS, bien engagements extérieurs. vices, notamment l'éducation, la santé et les ser- que la définition - services n'étant pas fournis dans Le danger d'aboutir à des résultats défavorables vices liés à l'environnement. Par ailleurs, tenant un cadre commercial ou concurrentiel - puisse serait nettement réduit si l'on accordait un soin compte du fait qu'un certain nombre de services demander à être clarifiée. Deuxièmement, même soutenu, au niveau international, à deux activités. supposent une proximité entre les consomma- dans des secteurs qui ont été ouverts à une con- La première est le renforcement des recherches et teurs et les fournisseurs, le commerce des services currence intégrale, l'accord n'empêche pas la du conseil en politique, au sein des pays en est défini de manière à inclure non seulement l'of- poursuite d'objectifs politiques nationaux, entre développement et à l'extérieur, pour identifier les fre transfrontalière mais aussi l'investissement autres l'octroi de subventions et l'imposition éléments d'une réforme réussie - et pour dis- extérieur et la migration transitoire des consom- d'obligations relatives à la prestation universelle tinguer les domaines dans lesquels il y a peu de mateurs et des fournisseurs de services. La portée de services, tant que cela se fait sans discrimina- raisons de retarder l'ouverture du marché de ceux élargie du GATS fait contraste avec la flexibilité de tion à l'encontre des fournisseurs étrangers. Enfin, dans lesquels il existe une incertitude significative ses règles. Les règles généralement applicables l'accord reconnaît le droitdes pays membres,eten et par conséquent un besoin de créer des termes impliquent simplement que les mesures que peut particulier des pays en développement, de régle- de négociation tempérés. Un besoin plus grand prendre chaque pays et qui ont une influence sur menter de manière à atteindre des objectifs poli- encore est celui d'une aide technique et financière les échanges commerciaux soient transparentes et tiques nationaux, et ses règles actuelles ne sont renforcée pour améliorer l'environnement régle- non discriminantes entre les partenaires commer- vraiment pas de nature à empiéter sur la régle- mentaire et favoriser les politiques favorables aux ciaux. Ainsi, si un pays devait interdire toute offre mentation nationale de chaque pays. pauvres dans les pays en développement. La com- extérieure et rendre ce fait public, il ne dérogerait Toutefois, les préoccupations dont il a été ques- munauté des organismes de développement four- pas,cefaisant,à sesobligations. tion précédemment ne portent pas tant sur ce nit déjà cette aide, mais il serait possible d'établir La limite de louverture des marchés qu'un pays qu'est le GATS que sur ce qu'il pourrait devenir une relation plus solide entre toute ouverture de garantit dépend de ses engagements spécifiques après le cycle actuel (et tout cycle futur) de négoci- marché négociée au niveau international et l'aide aux secteurs concernés. Ces promesses d'éliminer ations - qui tendra à promouvoir des engage- à la réforme complémentaire nécessaire pour une ou de limiter les barrières à l'offre extérieure ont ments allant plus loin dans la libéralisation et de libéralisation réussie. 124 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 mement, certains types de services qui se et instituer des normes professionnelles, révèlent très intensifs en savoir-faire peu- éthiques et techniques pour les prestataires vent être restreints. Les services de méde- de soins médicaux, les enseignants et les cine curative faisant appel à des profession- ingénieurs. Cependant, le risque avec l'au- nels compétents peuvent être rationalisés torégulation, c'est que des groupes profes- par rapport aux travaux publics ou à l'édu- sionnels s'orientent vers un lobbying en cation à la santé publique, plus intensifs en faveur de leurs membres. capital et en main-d'oeuvre non qualifiée. Une troisième source de contrôle est le peut-être n'a-t-on jamais suffisamment public. Même si les clients ne jouent pas un sollicité ces services (systèmes d'adduction rôle de contrôle actif comme au chapitre 4 - d'eau peu coûteux à entretenir, recours aux c'est-à-dire s'ils ne sont pas acheteurs des agents de santé du village ou aux guéris- services ni participants directs à la presta- seurs traditionnels). Peut-être les tendances tion des services - solliciter l'information récentes ont-elles simplement rendu cette (comme le font souvent les entreprises pri- mauvaise répartition plus coûteuse. vées) peut être utile, dans le domaine des services publics. Pour un certain nombre Contrôle et performance des services gérés par la Bangalore Munici- Tous les contrats - aussi bien les accords pal Corporation, la publicité faite aux résul- que les relations de direction au sein des tats des bulletins d'évaluation a permis un organisations prestataires - doivent être progrès substantiel. Cette méthode a été contrôlés en toute indépendance et en généralisée à la plupart des États de l'Inde. toute objectivité. Par suite de la séparation Lorsqu'un contrôle au jour le jour pour entre le décideur politique et l'organisation l'évaluation de la performance n'est pas prestataire, le décideur cherchera à savoir si possible, un contrôle indépendant de la per- les dispositions prévues dans les accords formance des services de manière occasion- sont respectées. nelle peut encore être un système valable - La concurrence entre prestataires est car cela permet une information au public utile, elle permet d'éviter que le décideur se sur le comportement des prestataires. La sente prisonnier d'un seul prestataire et Public Expenditure Tracking Survey qu'il soit obligé d'ignorer les mauvaises (enquête de suivi des dépenses publiques), nouvelles. Si la séparation entre décideur et en Ouganda (voir «< Pleins Feux sur l'Ou- prestataire n'est pas entièrement réalisée, il ganda ») en est un exemple. Une publicité convient de confier les activités de contrôle plus régulière sur les caractéristiques des à un régulateur ou à un auditeur indépen- services par rapport à plusieurs aspects - dant. taux d'absentéisme, fourniture régulière des Un système de prestation clair et obser- médicaments, nombre d'heures de fonc- vable rend le contrôle plus facile. Lorsque tionnement pour l'eau ou l'électricité - per- les dispositions ne sont pas très facilement met de mobiliser l'attention de la collecti- observées, il se peut que le décideur ait vité et l'influence informelle. besoin de solliciter d'autres types de contrôle. Dans le cadre du programme de L évaluation santé de Cearà, au Brésil (voir « Pleins Feux La production et la diffusion d'information »), on a fait appel à des candidats qui sont des moyens importants d'améliorer la n'avaient pas été sélectionnés en tant qualité des prestations de services. Ce sont qu'agents informels du contrôle. aussi à l'évidence des biens publics et des Lorsque le contrôle est difficile en raison responsabilités fondamentales de l'État. de la nature technique du service, un auto- Une information précise peut motiver le contrôle par les professionnels peut être public, et surtout les pauvres, à exiger de nécessaire. Au Bangladesh, l'assiduité du meilleurs services - des prestataires et des personnel est bien meilleure dans les éta- décideurs - et les faits dont le public est blissements de grande taille, en raison de ainsi informé sont autant d'armes dont il l'autocontrôle informel et d'autres fac- dispose. La connaissance de l'impact réel teurs.307 Les associations professionnelles des programmes aide le décideur à définir peuvent aussi jouer ce rôle d'autocontrôle les priorités et à concevoir de meilleurs Gouivernants et prestataires 125 accords. La connaissance de l'impact de sûr fondamentale. Lorsque le contrôle est techniques différentes de prestation de ser- facile - formules 1, 3, 5 et 7 - il convient vices aide l'organisation prestataire à mieux d'étudier les possibilités d'incitations plus se conformer à l'accord qu'elle a signé. Si les explicites et d'utilisation des contrats. moyens d'un meilleur service consistent à Cependant, contracter des entreprises du mettre le système d'incitations en phase secteur du privé est souvent une mauvaise avec les objectifs, il est fondamental de idée dans les cas 5 et 7. De tels contrats sont savoir quels sont ces objectifs et de quelle une source fréquente de corruption que les manière les services contribuent à leur réa- gouvernements trouvent plus difficile à lisation. gérer et les citoyens plus difficile à détecter Une bonne évaluation est ce qui est que lorsque la prestation des services est nécessaire, du point de vue de l'étude, pour assurée par l'État. établir une relation de causalité entre les Lorsque le contrôle pose problème - inputs des programmes et les résultats réels. dans les formules portant des numéros Il convient qu'elle soit orientée vers l'impact pairs - un objectif est d'améliorer la capacité intégral des programmes - et non simple- de contrôle grâce aux méthodes traitées ment vers les résultats directs de certains dans ce chapitre. Davantage de concur- projets spécifiques. Cependant, rares sont rence, une mesure plus circonspecte des les évaluations qui ont été bien faites, même résultats, l'évaluation de l'effet des inputs si la plupart des principaux bailleurs de sur les résultats et des incitations envers des fonds (y compris la Banque mondiale) ont groupes de prestataires comme les écoles ou toujours pris des dispositions pour cela. les districts, tous ces facteurs peuvent aider. L'évaluation, si elle relève principalement D'après ce schéma, huit formules peu- de la responsabilité des gouvernements, est vent être indiquées, selon le contexte. On y un domaine dans lequel les bailleurs de voit aussi la difficulté relative et le degré de fonds peuvent apporter leur contribution. risque de carence de l'État associé. De façon Elle coûte une petite part des programmes générale, le risque de carence de l'État s'ac- étudiés et une petite part de la valeur de croît avec le numéro de la formule. Le degré l'information produite, mais elle suppose de carence de marché justifiant des mesures véritablement des inputs techniques coû- relativement simples est modeste, ou, ce qui teux. Enfin, dans la mesure où les résultats revient au même, les mesures les plus prio- profiteront aux autres pays, la communauté ritaires sont celles correspondant aux internationale devrait assumer une partie carences importantes du marché ayant des des frais. effets notables en termes de redistribution. La collecte de ce genre d'information se Pour les cas les plus difficiles, comme la for- heurte à certains obstacles. Souvent, les mule 8, il faut que les carences du marché organisations prestataires ne veulent pas soient très coûteuses pour justifier l'inter- reconnaître leur manque d'impact (même vention, compte tenu des diverses exigences si cela n'affecte pas directement leur rému- légitimes vis-à-vis de l'État. nération), mais savoir quand cela ne fonc- La prise en compte de la capacité de mise tionne pas est essentiel pour faire des pro- en oeuvre de l'État - c'est-à-dire le degré de grès. Par ailleurs, il importe de savoir non carence de l'État à envisager - peut entraîner pas seulement ce qui fonctionne mais aussi un reclassement substantiel des mesures de pourquoi cela fonctionne - afin de pouvoir politique publique relativement aux ana- reproduire le programme et étendre lyses conventionnelles. Pour les systèmes de l'échelle de son application. sécurité sociale, par exemple, il n'existe pas de raison particulière, sur la base de consi- Les incitations des prestataires dérations économiques conventionnelles, en huit formules pour que le secteur public émette des chèques au bénéfice des assurés. Pourtant, Si l'on revient à l'arbre de décision de la dans un certain nombre d'États où les pro- figure 6.2 en adoptant le point de vue des cédures administratives sont bien dévelop- incitations du prestataire, la décision pées, cela fonctionne très bien, et il n'y a pas concernant la difficulté du contrôle est bien de raison pour que cela change: les carences 126 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 6.2 Huit formules peuvent convenir Facile "1 Difficile . . Clientèle à contrôler., -- homogène , , . "'" . . - ; . lx . .. ~~~ rS|.1Il r Srj; - * 'fi' *. s .8l Clientèle..u -' hétérogène Facile . . . .im:;, . . ., à contrôler . : , PolitiqueL 1, ¢,,. favorable ..,; **,,1., . w aux pauvres Difficile I à contrôler j . I ,, !,".1' .ii. i||1 Y~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ . " "". '':,., Facile Politique à contrôler clientéliste - '' '- ' ' ' ' "'111!t.1........... .]'1,l Clientèle Difficile ." homogène à contrôler n!'.l ".:! ..... il";':. Clientèle hétérogène Facile . à contrôlert _ Difficile à contrôler 1 . " . ,1 , du marché ne sont pas trop gênantes, mais quelque peu le fonctionnement de l'État. la tâche n'est pas non plus trop dure pour Cependant, si celui-ci agit déjà de manière l'État. C'est autour de cette idée que tourne acceptable, les gains risquent d'être faibles pour une grande part le débat pour savoir si et probablement de ne pas justifier les per- les pays riches doivent imiter les réformes turbations entraînées par ce changement. de la Nouvelle-Zélande. En ce qui concerne Appliquées au secteur de la santé, cer- la passation de contrats avec le secteur privé taines prescriptions standard se trouvent ou avec un organisme gouvernemental, de renforcées par ces considérations, tandis nouvelles innovations peuvent améliorer que d'autres se trouvent remises en ques- Gotuvernants et prestataires 127 tion. La prestation de services de santé ou une crise particulière (et non reproduc- publique traditionnels, comme la lutte tible) qui renforce les bases d'une innovation contre les vecteurs de transmission de mala- politiquement difficile. Ainsi, une réussite dies infectieuses, est relativement facile à ponctuelle n'est pas toujours reproductible. assurer. Cependant, pourvoir en personnel L'expérimentation qui débouche sur un véri- et entretenir un vaste réseau de centres de table enseignement est le seul moyen d'adap- soins primaires dans des zones éloignées est ter les mesures adéquates avec la situation souvent une tâche ardue, même si les effets particulière à chaque pays. de redistribution sont potentiellement très Généraliser implique aussi de réduire, favorables. Il peut être plus sage, en atten- c'est-à-dire d'abandonner les expériences dant une amélioration des capacités de lÉ- qui ont échoué, sauf si l'on trouve une rai- tat, de tenter d'amener les pauvres aux éta- son sérieuse et un remède. Cet abandon est blissements publics, et même aux hôpitaux plus difficile qu'il paraît. Admettre l'échec qui ont mauvaise réputation, que d'amener est déjà difficile, surtout pour les hommes les établissements aux pauvres. Non seule- politiques. Cependant, avec les contraintes ment on résoudrait ainsi un grave problème sévères en matière de ressources que de carence du marché, l'absence d'assurance connaissent les pays en développement - pour les soins coûteux, mais ce serait plus après tout, ce sont des pays pauvres - des facile à mettre en oeuvre, puisque l'emploi programmes qui ne seraient pas perfor- dans les zones pas trop excentrées est plus mants ne sont tout simplement pas envisa- cohérent avec les intérêts des prestataires et geables. Lorsque les programmes sont plus facile à gérer, avec un moins grand intensifs en ressources de gestion (et les nombre d'établissements.308 auditeurs et les compétences de gestion sont des ressources rares), ou intensifs en per- Généraliser, réduire l'échelle sonnel qualifié (et les enseignants et les et mettre dans le coup médecins sont des ressources rares), un État et mettre dans le coup a besoin de renoncer aux programmes qui Il n'existe pas une « bonne » méthode pour ne fonctionnent pas et de trouver d'autres que les pauvres bénéficient effectivement des moyens de faire progresser la situation. services. Les interventions techniques appro- Si la volonté politique existe, la générali- priées - et les structures institutionnelles sation passe par l'information. Au-delà de dans lesquelles elles prennent naissance - l'évaluation des programmes et des projets, varient considérablement. L'éducation s'est s'attacher durablement à faire que les remarquablement étendue au Chili grâce aux pauvres bénéficient des services - que leurs marchés et à un système de bons, à Cuba enfants soient éduqués, que leurs condi- grâce à un ministère centralisé, et au Salva- tions sanitaires s'améliorent, qu'ils bénéfi- dor grâce aux comités scolaires locaux. Au- cient d'un approvisionnement fiable en eau delà des expérimentations et des erreurs, la et en électricité, que les rues soient plus généralisation suppose que l'on porte atten- sûres - implique que l'on poursuive l'éva- tion à ce que l'on est en train de faire, que luation du progrès vers ces objectifs. « Ce l'on évalue dans quelle mesure c'est efficace, qui compte, c'est ce qui est mesuré ». Cette que l'on détermine pourquoi cela fonctionne priorité aux résultats permet aux décideurs ou pourquoi cela ne fonctionne pas, que l'on politiques de choisir les meilleures options reproduise ce qui réussit et que l'on évalue pour servir les pauvres. Elle permet aux aussi ce qui a été reproduit. Parfois, cela prestataires de savoir à quel moment leur fonctionne pour des raisons idiosyncra- travail est satisfaisant. Enfin, elle permet siques, comme la présence d'un leader cha- aux clients de juger des performances des rismatique (et littéralement irremplaçable) premiers comme des derniers. le Cambodge Des contrats pour améliorer - rapidement - les services de santé En 1998, le Cambodge a commencé à expérimenter différentesformes de sous-traitancepour améliorer les services de santé du pays. La conclusion qu'une bonne évaluation a permis de tirer de l'expérience est que la sous-traitance peut aider à élargir assez rapidement la couverture de certains services essentiels. ,près plus de 25 années de conflit, Des crédits budgétaires supplémentaires de pourcentage dans les districts où les ser- 4 1'infrastructure de santé du Cam- ont été accordés aux districts dont les ser- vices de soins de santé étaient entièrement £L.. bodge était quasiment réduite à vices étaient partiellement externalisés et externalisés (figure 1). Cette progression s'ex- néant. À la fin des années 90, les indicateurs aux districts témoins afin d'égaliser à peu plique peut-être par le fait que ces districts de santé du pays étaient parmi les plus près les dépenses de fonctionnement. n'appliquaient pas la tarification officielle ; ils mauvais de l'Asie du Sud. L'espérance Les indicateurs de performance ont été décourageaient par ailleurs le système de moyenne de vie à la naissance était infé- mesurés dans tous les districts, par ménage, paiement « officieux » des soins en offrant rieure à 55 ans, la mortalité infantile attei- et des enquêtes sur les installations ont été aux agents de santé une rémunération nette- gnait 95 pour 1 000 naissances viables, et la effectuées en 1997, avant que ne démarre ment plus élevée que dans les autres districts. mortalité maternelle était de 437 pour l'expérience. Dans chaque district, la pro- La progression suit une tendance ana- 100 000 naissances viables.309 Le système portion des installations sanitaires qui logue pour une diversité d'indicateurs de public de soins de santé restait rudimen- fonctionnaient n'atteignait pas 20 % de la services et de couverture (figure 2). Les dis- taire: l'utilisation moyenne des installa- capacité prévue. Partout, la couverture des tricts où l'externalisation des services de tions était de 0,35 contact par personne et services de santé était très faible. Et la situa- santé est totale ont souvent de meilleurs par an, et les patients se plaignaient de la tion socioéconomique des habitants était à résultats que ceux où la gestion seulement très mauvaise qualité des services. peu près la même dans tous les districts. est externalisée, ces derniers affichant à leur Puis, en 1998, le gouvernement a passé Les indicateurs de performance ont été tour de meilleurs résultats que les districts avec des entités non gouvernementales des mesurés dans tous les districts, par ménage, témoins. Tous les indicateurs n'évoluent contrats portant sur la fourniture de ser- et des enquêtes sur les installations ont été cependant pas au même rythme. La pro- vices de santé dans plusieurs districts. La effectuées en 1997, avant que ne démarre portion des accouchements assistés ne s'est sous-traitance a permis d'élargir l'accès de l'expérience. Dans chaque district, la pro- guère modifiée dans les trois types de dis- la population aux services de santé sans portion des installations sanitaires qui tricts. Et, en ce qui concerne la couverture pour autant sacrifier l'équité. fonctionnaient n'atteignait pas 20 % de la de la vitamine A, il n'y a aucune différence capacité prévue. Partout, la couverture des entre les districts où l'externalisation est services de santé était très faible. Et la situa- totale et ceux où elle est partielle. Les taux Externaliser (en totalité tion socioéconomique des habitants était à de vaccination dans les districts où l'exter- peu près la même dans tous les districts. nalisation est totale sont eux aussi restés ou en partie) les services de soins Le montant annuel des dépenses de fonc- assez faibles et n'ont jamais dépassé 40 %. de santé primaires tionnement par habitant prises en charge par Les dépenses de santé prises en charge par Les zones d'intervention et les zones les bailleurs de fonds et l'État était plus élevé les patients ont chuté de façon spectaculaire témoins étaient des districts ruraux de dans les districts où tous les services étaient dans les districts où l'externalisation est totale, 100 000 à 200 000 habitants chacun, choisis externalisés il était de 2,80 dollars pour le mais elles ont légèrement augmenté dans les de façon aléatoire.310 Les entreprises groupe de districts dont les services étaient deux autres groupes de districts. Cette baisse contractantes étaient sélectionnées par voie partiellement externalisés, de 4,50 dollars des dépenses a été particulièrement sensible d'appel d'offres sur la base de la qualité des pour le groupe dont les services de santé chez les pauvres (35 $ par an, soit 70 %), ce propositions techniques et des propositions étaient totalement externalisés, et de 2,90 qui dénote un meilleur ciblage et des trans- de prix faites par les soumissionnaires. Trois dollars pour les districts témoins.3" Ces dif- ferts ou des subventions plus efficaces. formules ont été retenues férences sont importantes et représentent moins de 20 % des dépenses de santé (inves- Figure 1 Pourcentage des maladies traitées * Sous-traitance totale. Les entreprises con- tissements privés compris, mais investisse- dans une installation de santé dont la clientèle tractantes assument l'entière responsabil- ments publics d'infrastructure non compris) est issue des 50 % les plus pauvres ité de la prestation des services spécifiés del'ensembledesdistricts. d^ la population dans le district, elles recrutent directe- 35 ment leurs agents et elles contrôlent entièrement la gestion (deux districts). Sous-traiter pour obtenir 30 * Sous-traitance partielle. Les entreprises de meilleurs résultats 25 contractantes ne fournissent aux agents La couverture des services a rapidement aug- 20 2001 des services de santé qu'une aide à la menté dans tous les districts. Au bout de 15 gestion, et les dépenses de fonction- deux années et demie seulement (sur les 10 1997 nement, qui sont prises en charge par quatre qu'a duré l'expérience), tous les dis- l'État, sont financées par les circuits tricts avaient rempli leurs obligations 5 _ _ administratifs normaux (trois districts). contractuelles pour la plupart des indicateurs ô * Districts témoins. Le système habituel de d'évaluation.31 L'utilisation des services de Districts Sous-traitance Sous-traitance soins de santé publics est maintenu santé par les 50 % les plus pauvres de la témoins partielle totale (quatre districts). population a augmenté de près de 30 points Source: Bhushan, Keller et Schwartz (2002). Pleins feux sur le Cambodge 129 Figure 2 Augmentation en points de pourcentage de la couverture santé pour les aligner sur les salaires de certains services de santé entre 1997 et 2001 dans les districts moyens du secteur privé. En retour, elles témoins et les districts pratiquant l'externalisation ont demandé à ces agents de travailler à % plein temps dans les installations de santé et 60 nictrirtc témoins de ne pas avoir de clientèle privée. 50 I n,,"i.- vnijr:e tin,uell Dans les districts où les services étaient 40 û 31 suce cule partiellement externalisés, les ONG ont 40 \ \ \ pris en charge le versement d'un complé- 30 \ \ \ ment de salaire aux agents de santé et, dans 20 un district, elles leur ont alloué une part I plus importante des paiements effectués 10 . \ \ .. l |par les patients en règlement des soins dis- 0 J ~ 0 - pensés. Les districts témoins, abandonnés à -10 leurs propres moyens, ont laissé les agents Soins Anatoxine Accouche- Vaccina- Couverture de santé continuer de demander des paie- anténataux du tétanos ments tions de la ments officieux aux patients et de servir assistés complètes vitamine A une clientèle privée, pratiques habituelles Source :htushan (2003). qui leur permet de maximiser leur revenu, au détriment des services de soins de santé Le ministère de la Santé a encouragé tous * L'offre de services de santé dans les vil- publics pour les plus déshérités. les districts à appliquer la tarification offi- lages a permis aux patients de réduire Uétablissement d'une tarification trans- cielle, mais seul un district où les services leurs frais de déplacement, et les ONG parente et prévisible est un élément impor- étaient partiellement externalisés a instauré ont renforcé les règles interdisant les tant pour améliorer l'accès aux services de un système formel de tarification dont le paiements officieux par les patients. santé. Seul un des districts dont les services produit sert à financer chaque mois des étaient partiellement externalisés a instauré primes de performance ou de ponctualité Accord sur les prestations un tarif officiel en consultation avec les pour les agents de santé. Cela pourrait expli- à fournir et contrat exécutoire communautés afin de fournir des incita- quer le niveau un peu plus élevé des En sous-traitant des services de santé aux tions aux agents de santé. Pour éviter toute dépenses dans ce groupe de districts.313 ONG, on peut accroître la couverture des ambiguïté au sujet du prix des services, le Plusieurs raisons peuvent expliquer services pour les pauvres. Au Cambodge, il a barème a été affiché bien en vue dans toutes cette amélioration des résultats pour les fallu un accord sur les prestations à fournir les installations de santé. Cela a découragé pauvres dans les districts où l'externalisa- et un contrat exécutoire, ce qui impliquait la pratique de la clientèle privée et permis tion des services est totale. d'instaurer un système indépendant de véri- d'intégrer dans le système les paiements • Le fait que des médicaments et un per- fication des résultats. Une fois définis les effectués jusque-là sous forme de ' dessous- sonnel qualifié soient disponibles en per- objectifs à atteindre pour 13 indicateurs de de-table a Les dépenses de santé à la charge manence a permis d'améliorer la qualité santé essentiels concernant les pauvres, les des patients ont diminué dans ce district. des services fournis par les centres de progrès accomplis en direction de ces objec- Les deux autres districts du groupe n'ont santé dans les villages, où sont concentrés tifs ont été mesurés au moyen d'enquêtes pas introduit de tarification, pas plus que la plupart des pauvres, indépendantes auprès des ménages et de les districts témoins, où ces dépenses n'ont vérifications par sondage effectuées par des * Les organisations non gouvernemen- agents de l'État. Les paiements étaient liés à pas diminué. tales (ONG) contractantes ont utilisé un l'obtention des objectifs fixés, et des primes Pour les gouvernants, il est parfois diffi- système de rémunération et d'avantages étaient versées en cas de dépassement des cile d'accepter de sous-traiter la fourniture sociaux fondé sur le marché pour attirer objectifs. des services de santé à des ONG. Mais l'ex- et retenir les agents de santé. Si l'on veut améliorer les services de périence cambodgienne montre que la for- • La réduction des dépenses de santé à la santé destinés aux pauvres, il faut que les mule peut être efficace et équitable. Désor- charge des patients et l'instauration agents de santé soient suffisamment rému- mais convaincues que l'expérience peut être d'une tarification plus prévisible et plus nérés et correctement encadrés et soutenus. reproduite à plus grande échelle, les autori- transparente ont stimulé la demande de Les ONG opérant dans les districts où l'en- tés ont décidé de l'étendre à Il districts services de santé émanant des groupes semble des services de santé étaient sous- pauvres et éloignés, où les services publics défavorisés. traités ont relevé les salaires des agents de sont d'une qualité déplorable. Services d'éducation de base Il conviendrait de juger d'un arrangement le choix - s'il est correctement pensé - peu- institutionnel pour l'éducation de base vent constituer des éléments appréciables c h a p i t r e selon la manière dont il engendre un ensei- d'un plan général d'amélioration de l'en- gnement de qualité équitablement distri- seignement scolaire. bué. Cela suppose que les enfants soient effectivement présents à l'école et qu'ils Les problèmes généraux apprennent. Pour cela, il faut des systèmes de la prestation de services éducatifs qui créent des relations de respon- sabilité entre les citoyens, les responsables Les systèmes d'éducation connaissent les politiques, les décideurs et les prestataires, problèmes qui sont de manière générale avec des objectifs clairs, des ressources adé- ceux de la prestation de services, tels qu'ils quates, des prestataires capables et motivés, sont évoqués au chapitre 1: le fait que des évaluations des progrès réalisés et une l'école soit inabordable pour certains, les gestion orientée vers la performance. dysfonctionnements de l'école, la mauvaise Les systèmes d'éducation qui réussissent qualité technique, la faible réactivité à la peuvent être très différents les uns des autres. clientèle et la stagnation de la productivité. Certains sont centralisés, d'autres sont décen- Cependant, tous les pays ne connaissent pas tralisés. Certains ne sont pratiquement ces mêmes problèmes. Dans un certain constitués que d'écoles publiques, tandis que nombre de pays parmi les plus pauvres, une dans d'autres, des prestataires privés bénéfi- partie consistante de la population n'a tou- cient d'un soutien public. Cependant, toutes jours pas les moyens de bénéficier de l'école. les formules ne sont pas toujours viables. Les pauvres y ont moins accès, ils sont plus éloignés, et l'éducation dont ils peuvent * De la politique d'éducation - et surtout de bénéficier est de moins bonne qualité que la possibilité réelle pour les pauvres d'avoir pour les personnes mieux loties. Dans un voix au chapitre - dépendent à la fois les certain nombre de pays, les services assurés objectifs du système scolaire et les res- par le secteur public connaissent de nom- sources publiques consacrées à l'éducation. breux dysfonctionnements et la corruption * L'accord entre les décideurs politiques et est monnaie courante. La qualité technique, les prestataires de l'enseignement doit en matière d'instruction et d'apprentissage, permettre un équilibre entre l'autonomie est scandaleusement mauvaise, surtout chez des écoles et des enseignants et l'évalua- les pauvres. Enfin, même les pays les plus tion des performances. avancés ont du mal à rendre les systèmes * Il faut que les écoles (et le système sco- éducatifs plus productifs. laire) soient gérables du point de vue de Les lacunes par rapport à une complé- la recherche de la performance - et sur- tion de l'école primaire - un résultat com- tout, que l'on puisse trouver des moyens biné tenant compte des enfants qui ne vont efficaces de former et de motiver les jamais à l'école, de ceux qui ne progressent enseignants. pas, et de ceux qui abandonnent - reflètent * La participation directe des parents les lacunes du système. À Madagascar, 52 % d'élèves et de la collectivité dans l'éduca- seulement des jeunes de 15 à 19 ans, au sein tion scolaire, les stimulations du côté de la du cinquième le plus pauvre de la popula- demande pour étendre la scolarisation, et tion, sont déjà allés à l'école, et 4 % seule- Services d'éducation de base 131 ment sont allés ne serait-ce que jusqu'à la le déficit est bien moindre, il se concentre Figure 7.1 Les enfants pauvres ont fin de la cinquième année (figure 7. 1). Au chez les pauvres des zones rurales et il est moins de chances de commencer l'école et pins de chances de l'abandonner Brésil, 89 % des adolescents pauvres ont été plus élevé chez les garçons que chez les Part des jeunes de 15 à 19 ans en première année d'école primaire, mais filles. ayant terminé chaque année d'études seulement 30 % ont terminé la cinquième Madagascar 1997 année, du fait des taux importants d'aban- Des écoles à problèmes % don et de redoublement. En Turquie, il y Lorsque les taux de complétion et l'apprentis- 100 _ peu d'abandons au cours du primaire, mais sage laissent à désirer, ce peut être parce que 80 beaucoup plus au cours du secondaire, ce les prestataires sont dysfonctionnels. Si la plu- =el qui indique que des solutions systémiques part des enseignants essaient de faire leur 60 =. riche et institutionnelles s'imposent pour que métier consciencieusement, une étude 40 davantage d'enfants aillent au bout de leur récente montre que dans l'État d'Uttar Pra- scolarité. Au Bangladesh, 60 % seulement desh, en Inde, un tiers des enseignants sont 20 \ le plus des adolescents pauvres ont terminé la pre- absents. Dans un certain nombre de cas, le 0 auvre mière année du primaire, et seulement 36 % mauvais comportement des enseignants est o 1 2 3 4 5 6 7 8 9 la cinquième. scandaleusement courant ils sont saouls, ils Année abusent physiquement des enfants, ou ils ne Turquie 1996-97 Un accès non-abordable font simplement rien. Ce n'est pas un ensei- 10°0 Bien qu'il soit reconnu depuis au moins 55 gnement de « mauvaise qualité »: ce n'est pas ans que l'instruction universelle est le moteur du tout de l'enseignement.314 80 du développement, et malgré des engage- 60 ments rhétoriques répétés pour atteindre une Une mauvaise qualité technique scolarisation universelle, même l'objectif La qualité de l'instruction peut aussi être 40 modeste d'une scolarité primaire complète mauvaise à cause de la faiblesse des capacités 20 universelle n'a pas encore été réalisé. Certains et des motivations, ou à cause du manque pays ont accompli de grands progrès. Au Bré- d'inputs complémentaires. Dans un contexte ° sil, par exemple, les taux moyens de complé- de revenus très faibles, la situation de l'ensei- Année tion sont passés de moins de 50 % en 1990 à gnement peut être catastrophique. En Tanza- Brésil 1996 plus de 70 % en 2000. Cependant, si les pays nie, d'après le Primary School Leavers Exami- % ne font que maintenir leur rythme actuel de nation de 1994, une vaste majorité des élèves 100 progrès, la complétion primaire universelle n'avaient pratiquement rien appris au cours 80 ne sera atteinte au Moyen-Orient et en de leurs sept années d'école: plus des quatre Afrique du Nord qu'après 2020, en Asie du cinquièmes répondaient correctement à 60 Sud qu'après 2030, et elle ne sera pas atteinte moins de 13 % des questions sur la langue ou dans un avenir prévisible en Afrique subsaha- les mathématiques.315 Au Bangladesh, 30 % 4 rienne. des élèves ayant terminé la cinquième année 20 Dans les pays qui sont véritablement les n'avaient pas acquis les capacités minimales 0 plus pauvres, les lacunes de la scolarisation de lecture, et 70 % n'avaient pas acquis les o 1 2 3 4 5 6 7 8 9 s'étendent à toutes les couches de la popula- capacités minimales d'écriture.316 Année tion, mais elles se concentrent pour l'essen- En matière d'apprentissage, les résultats Bangladesh 1996"97 tiel chez les enfants des ménages pauvres. que l'on peut observer sont affligeants, """ Dans les pays dans lesquels le taux de scola- même dans les pays à revenu intermédiaire. 100 risation est particulièrement peu élevé, Ainsi, par exemple, dans le récent Pro- 80 comme le Mali, la population est essentiel- gramme for International Student Assess- 60 lement rurale, et l'on observe des lacunes ment concernant les capacités acquises par substantielles en matière de scolarisation les enfants de 15 ans à l'école, 5 % seule- 40 primaire même parmi les familles urbaines ment des jeunes Brésiliens atteignaient la 20 et parmi les familles relativement aisées. En médiane de l'OCDE pour les connaissances Inde, les pauvres des régions rurales (les 50 mathématiques (figure 7.2). Toujours chez 0 % les plus pauvres) ont représenté 72 % des les jeunes Brésiliens, 56 % étaient au niveau o 1 2 3 4 5 6 7 8 9 lacunes de la complétion pour la cinquième 1 (sur 5) pour les capacités de lecture, Année Souce:Anaysedesstatistiques des enquêtes année du primaire chez les jeunes de 15 à 19 contre 18 % dans les pays de l'OCDE. Seule- de démographie etde santé. ans, et la complétion est plus élevée chez les ment 4 % atteignaient les niveaux de maî- garçons que chez les filles. Aux Philippines, trise 4 ou 5, à comparer avec 31 % dans les 132 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 318 Figure7.2 Les jeunesâgésdequinzeans,auBrésiletauMexique,obtiennentdesrésultats notes soient meilleures. Une étude de la bien plus mauvais aux tests normalisés que les élèves des pays de l'OCDE scolarité dans les régions rurales du Nigeria a Distribution des notes en mathématiques Distribution des notes en lecture montré que souvent, les villageois n'espé- Moyenne OCDE raient plus rien des écoles d'État et préfé- 0,5 0,5 raient en assumer eux-mêmes le fardeau.3'9 50 % 50 %Un ,L iîeà.;us X L au-dessus Uneproductivité stagnante -de 50 e 0 _ e 500 . : . . ] ; de 500Créer et entretenir un environnement insti- oo - -- _ tutionnel promouvant une plus forte pro- Mexico 367 500 625 366 500 623 ductivité et un meilleur apprentissage n'est 0,5 0,5 pas facile. Une récente série d'études a mon- tré que les dépenses par élève, en termes 8,6 % u ç u " 18 réels, avaient augmenté de 50 % ou davan- àudessus . au aee ue de 500 - S.". de 5û0 tage, et avaient souvent doublé ou triplé, o0, ,oo dans pratiquement tous les pays de l'OCDE Brazil 281 387 496 311 422 535 et de l'Extrême-Orient. Pourtant, dans 0,5 0,5 aucun de ces pays, les résultats scolaires n'ont connu d'amélioration en propor- ____ 4,4% t jl4 % il % tion.320 L'implication évidente de ces deux au dn.,Sut - au-dessus , d oe sjri de 500 faits est que le degré d'apprentissage mesuré 0.0 - ' `'` 0.0 de 50 par dollar dépensé a considérablement 212 334464 288 396 507 chuté dans chacun des pays étudiés. Notation de test normalisée Notation de test normalisée Remarque: Les distributions sont évaluées en fonction de la moyenne et de l'écart type indiqués dans les sources ini- tiales. Source: OCDE (2001) Pour des systèmes de meilleure qualité, renforcer les relations pays de l'OCDE.317 Il ne s'agit pas de distin- de responsabilité guer le Brésil pour ses mauvaises perfor- mances: au contraire, le Brésil est large- Malgré des différences considérables, d'un ment reconnu pour les progrès qu'il a pays à un autre, en termes de progrès, réalisés, et la volonté de ce pays de partici- d'équité et de niveau d'apprentissage, les per à cette étude ainsi que son courage de systèmes scolaires présentent des simili- publier les résultats sont les preuves d'une tudes frappantes. La prestation publique forte implication dans des objectifs en constitue presque toujours la forme domi- termes d'éducation (d'autres pays ont parti- nante, sinon exclusive, de soutien étatique cipé à l'étude et ont ensuite refusé de de l'éducation. Que ce soit en Argentine, en publier les résultats). Par ailleurs, dans une Egypte, en Inde, en Indonésie, au Paraguay comparaison antérieure entre 1t1 pays ou en Tanzanie, les systèmes publics se d'Amérique Latine, le Brésil disputait à l'Ar- caractérisent par une organisation en gentine la deuxième place pour les capacités classes selon l'âge et le niveau, une repro- mathématiques des enfants ayant accompli duction des structures et des inégalités la 4e année. sociales et des méthodes similaires de for- mation, de recrutement, de rémunération et Une faible réactivité à la clientèle de promotion des enseignants. Malgré ces Lorsque les collectivités ne sont pas impli- similarités en surface, la situation varie lar- quées dans la création, le soutien ou la super- gement. Le Nigeria et Singapour ont gardé vision d'une école, l'école est souvent perçue l'un et l'autre un certain nombre des carac- comme un corps étranger. Les villageois par- téristiques d'organisation du système lent de « l'école du gouvernement » au lieu d'éducation britannique. Pourtant, lors de dire « notre école ». Dans Voices of the d'un test international d'évaluation dans les Poor, les gens se plaignent souvent des ensei- années 1980, le Nigeria a été parmi les pays gnants absents ou abusifs et des exigences obtenant les plus mauvais résultats, tandis illégales de paiement pour que les enfants que Singapour, comme c'est le cas en géné- soient admis à l'école ou pour que leurs ral, était parmi les premiers. Services d'éducation de base 133 Le fait que souvent, la prestation voir d'expression, le choix, la participation publique n'ait pas permis d'obtenir une directe et la direction et le contrôle organisa- scolarisation réelle universellement dispo- tionnels, les responsabilités fonctionnelles nible n'implique pas qu'il faille rechercher étant réparties entre les administrations cen- la solution en adoptant une orientation trale, régionale, locale et scolaire. Il faut que radicalement différente (décentralisation tous ces éléments s'emboîtent pour former un complète, contrôle total par des groupes de système. Si le choix des parents prend plus parents d'élèves, choix généralisé), ou se d'importance mais si l'information sur les out- focaliser étroitement sur les déterminants puts de l'école n'est pas plus développée, les immédiats (davantage de manuels scolaires, résultats ne seront pas nécessairement davantage de formation pour les ensei- meilleurs. Des systèmes d'information qui gnants). Une éducation universelle et de produisent des données sur les inputs mais qui qualité est possible avec des systèmes très ne font pas évoluer les capacités ni les incita- centralisés (comme en France ou au Japon) tions du côté des prestataires en première ligne comme avec des systèmes très décentralisés ne peuvent permettre de faire progresser la dans lesquels la responsabilité et la flexibi- qualité. Il n'est pas possible de rendre les écoles lité sont très importantes au niveau local et les enseignants plus responsables de leurs (comme aux États-Unis). Dans un certain résultats sans leur accorder l'autonomie et les nombre de pays, l'école privée est très mar- ressources suffisantes ni des opportunités de ginale, dans d'autres elle prend beaucoup renforcer leurs capacités. Inversement, il n'est d'importance (comme en Hollande). Ce qui pas possible de donner aux écoles davantage compte, c'est la façon dont se déroule la d'autonomie sans leur avoir assigné des objec- classe. Si l'on ne résout pas les problèmes tifs clairement définis et sans une évaluation qui sont à l'origine des échecs, aucun de ces régulière des progrès. systèmes ne peut réussir. Le point commun des systèmes d'éduca- Dans les chapitres 3 à 6, nous avons déve- tion qui réussissent, c'est une structure viable loppé un cadre d'analyse de la prestation de de responsabilité : des objectifs clairs, des res- services, en considérant quatre relations de sources adéquates et des prestataires capables responsabilité. Pour l'éducation, ces quatre et motivés. Dans ce Rapport, il est question des relations sont les suivantes: réformes institutionnelles qui permettraient de réaliser un tel système de responsabilité, L Le pouvoir d'expression, ou la manière plutôt que des déterminants immédiats de la dont les citoyens peuvent demander des réussite que sont la conception des pro- comptes à l'État - aux responsables poli- grammes, les méthodes pédagogiques, les tiques et aux décideurs politiques - sur la manuels scolaires, la formation des ensei- performance de l'éducation dont ils lui gnants, la construction des écoles et les nou- délèguent la responsabilité. velles technologies de l'information. Les • Les accords, ou la manière dont les res- réformes institutionnelles permettront d'at- ponsabilités et les objectifs de l'engage- teindre les objectifs recherchés en jouant sur ment public sont communiqués aux les déterminants immédiats - et les détermi- organismes publics et privés qui assurent nants immédiats d'une bonne éducation sont la prestation des services (ministère de les résultats de systèmes bien structurés et qui l'Éducation, districts scolaires). fonctionnent bien. Cependant, les efforts pour . La gestion, ou les activités par lesquelles améliorer les déterminants immédiats au ces organismes disposent de prestataires moyen de projets de gestion interne ont géné- en première ligne efficaces (enseignants, ralement échoué. Pourquoi ? Non pas par personnel de direction). ignorance de ce qu'il fallait faire, mais parce • Le ponvoir du consonjiniatenr, ou la que l'on ne disposait pas d'une pression soute- manière dont les citoyens, en tant que nue de la part de l'administration, du marché, clients, peuvent rendre les écoles et le sys- des parents et des hommes politiques qui soit tème scolaire plus responsables. suffisante pour que cela puisse fonctionner. L'expérience décevante de la formation Les solutions efficaces consistent vraisem- des enseignants montre les limites d'une blablement à trouver un dosage entre le pou- approche dans laquelle on s'en tient aux 134 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 déterminants immédiats (encadré 7.1). un progrès ardu et par étapes, à travers l'in- Lorsque les enseignants ne sont pas consultés crémentation stratégique, associant les actions pour la conception de la formation - c'est opérationnelles actuelles aux stratégies et aux souvent le cas - le résultat laisse à désirer. La objectifs institutionnels à long terme. formation ne peut pas être intégrée au sys- tème, comme lorsque les enseignants sont Citoyens et clients, responsables formés sur des méthodes qui ne sont pas politiques et décideurs: cohérentes avec les examens publics et sont voix au chapitre donc réticents à les adopter. Souvent, en dehors d'une éventuelle fierté profession- Dans l'administration de toute école, il convient de nelle, les enseignants sont peu incités à adop- garder à l'esprit que les choses doivent être faites ter de nouvelles méthodes. non pas pour les élèves mais pour le pays Si les problèmes sous-jacents ne sont pas - Mori Anori, Ministre japonais de l'Éducation résolus, ni l'administration ni le marché ne pourront fonctionner de manière satisfai- sante. Il importe de renforcer le pouvoir du Les responsables politiques jouent un rôle consommateur en créant des mécanismes clé dans la définition des objectifs du sys- permettant aux collectivités et aux parents tème d'éducation - au plan de la répartition d'améliorer localement leurs écoles. Cepen- comme de la qualité - et dans la mobilisa- dant, ce chemin court de la responsabilité ne tion des ressources. La raison de cela est que suffit pas. L'amélioration des services l'instruction scolaire, surtout au niveau implique aussi les mécanismes plus solides basique, est devenue un élément important du chemin long de la responsabilité: la res- de la socialisation de l'enfant. ponsabiité des hommes politiques et des Ceux qui contrôlent l'État se servent de décideurs par rapport à l'éducation et une l'enseignement public pour promouvoir des efficacité accrue de l'administration croyances qu'ils considèrent comme dési- publique, celle-ci étant comptable des résul- rables. Pratiquement partout, cela signifie tats. Il ne saurait y avoir de solution immé- que les écoles vont promouvoir un sens de diate dans un domaine aussi vaste et com- l'identité nationale, une langue nationale et plexe que l'instruction publique, seulement une loyauté envers l'État-Nation - en concur- rence avec des appartenances plus locales ou ethniques - et dans des cas plus extrêmes, un E N C A D R É 7 . 1 La situation laimenit(able de lafjrinmation endoctrinement politique particulier. Les des tlit ivîluiÎî aui Pakistani vers 1990 États modernes - depuis la France de la Troi- sième République jusqu'à la Turquie « La formation des enseignants, dans cette Une enquête nationale auprès des écoles d'Atatürk - ont aussi utilisé l'école publique province, c'est de la foutaise. Nous devrions primaires au Pakistan laisse penser que ces pour supplanter ou pour faire disparaître fermer les instituts de formation des maîtres comptes-rendus anecdotiques ne sont que .. 321 Les et arrêter cette absurdité. Cela fait des trop vrais. Les statistiques d'enquête sur les l'istruction relgieuse.3 Etats autori- années quej'enseigne en niveau B.A./B.Ed et pratiques de l'enseignement « ne donnent taires ont utilisé l'éducation scolaire pour je ne vois aucun signe du moindre impact aucune ndication qui permettrait de consi- diffuser une idéologie unique acceptable qu'aurait mon enseignement sur mes engendre une différence substantielle dans par exemple la promotion, par Suharto, des élèves.» la manière dont les enseignants enseignent cinq règles 32 , - Un professeur de pédagogie d'université, ». D'après une étude sur la formation des de yU aLLae&Ss. s citéinWarwicketFReimers(1995). enseignants,réaliséeen 1998,« le personnel exemples ne sont pas l'exception mais la « La plupart des membres de ce système fessionnellementlintetrfénrenpa fdrmés proi- règle un peu partout dans le monde, les [deux instituts de formation des maîtres] tique est une chose répandue, les ressources Etats utilisent l'instruction scolaire de n'ont pas de respect pour eux-mêmes, par et le matériel laissent à désirer et ne sont pas manière explicite pour inculquer des idées conséquent ils n'ont pas de respect pour les bien utilisés, la motivation et les attentes autres. Les enseignants pensent que les sont faibles, et il n'existe aucun système sur l'organisation correcte de la société. élèves sont des tricheurs, et les élèves pen- d'accréditation pour appliquer les normes ». sent ue ls eneignnts nt bisé eurs Faisan t partie d'un système d'éducation ton- L 1 sent que les enseignants ont brisé leurs damentalement caractérisé par l'irresponsa- Lepouvoir dexpression idéaux. La plupart sont désabusés. Ilis n'onti bilité et l'absence de toute orientation vers et les objectif's de l'éducation scolaire plus d'espoirs, plus de buts, plus d'ambi- des objectifs, la formation des enseignants L'éducationcscolaireIestudevenuesun lcham tions. Ils vivent au jour le jour, en contem- est le reflet des plus mauvaises pratiques. L'éducation scolaire est devenue un champ plant avec détachement l'effondrement du de bataille pour les conflits politiques. Les système autour d'eux. » Sources Warwick et Reimers (1995); Kizilbash différents camps ont de l'éducation scolaire -Nauman (1990). (1 998), p. 45. des exigences différentes - et souvent Services d'éducation de base 135 contradictoires. Les parents pauvres voient ciée à des objectifs à long terme acceptés, et dans l'éducation la possibilité pour leurs que tout cela procède des parties intéressées: enfants de vivre mieux, mais il arrive aussi un dialogue informé avec les parents, les qu'ils attendent de l'éducation scolaire employeurs, les leaders religieux, ceux qui qu'elle renforce les valeurs traditionnelles. quittent l'école et les autres. L'absence d'une Les élites peuvent vouloir une éducation telle stratégie partagée de qualité des services universelle, mais souvent, elles veulent que à long terme, orientant les ressources rares les dépenses publiques pour améliorer vers la qualité plutôt que vers la quantité, a l'éducation profitent à leurs propres laissé le secteur éducatif ouvert à l'influence enfants. Les coalitions urbaines et profes- d'idées provenant de sources étrangères: des sionnelles peuvent chercher à promouvoir bailleurs de fonds, dont il est douteux que les l'éducation parce que celle-ci permet d'ac- projets servent les intérêts du pays, ou des croître la productivité de leurs employés, et diplômés qui, après avoir étudié outremer, les industriels peuvent s'opposer discrète- reviennent avec leurs propres projets, les- ment à ce qu'il y ait « trop d'éducation » de quels, bien que procédant de bonnes inten- peur que les ouvriers deviennent rétifs. Une tions, sont influencés par des informations étude récente portant sur les patrons et les fausses. »323 dirigeants des usines modernes du Nord- Pour avoir d'excellentes écoles, la démo- Est du Brésil évoluant vers des méthodes de cratie n'est pas nécessaire. Dans l'implication gestion à la pointe du progrès a révélé une à développer une éducation scolaire, les diffé- troublante absence de soutien au dévelop- rences notables que l'on peut observer entre pement de l'éducation. Un certain nombre les divers États de l'Inde suffisent à laisser considéraient qu'une éducation primaire penser que la démocratie électorale ne suffit (huit ans) est utile, mais qu'au-delà, l'édu- pas non plus à garantir assez de pouvoir d'ex- cation était « dangereuse » car cela donnait pression pour que l'on obtienne une éduca- des ouvriers moins dociles. Pour un certain tion universelle (voir « Pleins feux » sur le nombre d'entre eux, « trop d'éducation Kerala et l'Uttar Pradesh). Cependant, les nuit » (Tendler, 2003). Les responsables mauvais côtés de l'absence de démocratie et politiques peuvent souhaiter tenir leurs d'autres moyens d'expression politique effi- promesses de parvenir à une éducation sco- cace des citoyens ne sont pas négligeables. S'il laire universelle tout en se servant aussi du arrive qu'un régime de parti unique produise système éducatif pour offrir des emplois à de bons résultats (voir « Pleins feux » sur le leurs protégés (l'exemple du Pakistan, dans Costa Rica et Cuba), un certain nombre de l'encadré 5.3, n'est pas unique). Les ensei- régimes autoritaires ne trouvent pas d'intérêt gnants et leurs syndicats veulent une éduca- à développer l'éducation ni à en améliorer la tion universelle de qualité mais aussi des qualité. Il y a deux risques: le système peut salaires plus élevés. être efficace mais avec des objectifs entière- Pour obtenir ce que l'on veut, il faut savoir ment définis par les responsables politiques et ce que l'on veut. Cependant, ce qu'une les décideurs, ou le système peut être ineffi- société veut de ses écoles n'est pas simple et cace parce que les responsables politiques et ne peut être décidé par les seuls experts. les décideurs ont d'autres objectifs que la D'une étude récente portant sur les tentatives fourniture efficace de services. Les résultats: d'améliorer la quantité et la qualité de l'édu- trop peu de ressources allouées à l'éducation, cation de base dans un pays d'Asie dans les trop peu de ces ressources atteignant les années 1990, il ressort que même un certain pauvres et une allocation inefficace des res- nombre de réformes cohérentes d'un point sources (les prestataires ayant davantage d'in- de vue interne et d'un point de vue pédago- fluence que les citoyens). gique n'ont pas eu un impact durable sur les À mesure que davantage de pays s'orien- méthodes d'enseignement ni sur l'apprentis- tent vers des moyens plus démocratiques de sage des élèves. Pourquoi ? choisir leurs dirigeants, le contrôle des Parce que le système éducatif n'avait pas citoyens sur la structure et le contenu des une orientation cohérente et consensuelle: « programmes gagne en importance. Une Pour que les réformes tiennent, il faut vision commune négociée des objectifs du d'abord qu'il y ait une vision de l'avenir asso- soutien public à l'enseignement scolaire per- 136 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 met de passer plus facilement aux autres Cependant, dans bien des cas, le pro- stades de l'amélioration de la qualité de celui- blème est simplement que les ressources ne ci : la mobilisation et l'allocation des res- sont pas utilisées de manière efficace. Elles sources, la communication des objectifs aux ne sont pas allouées à la bonne combinai- prestataires, et la délégation de la responsabi- son d'inputs. Une part trop grande échoit lité et de l'autonomie aux établissements sco- aux plus hauts niveaux de l'éducation. Ou laires. Faute d'une vision claire des objectifs, alors, les systèmes sont inefficaces dans la la réforme se réduit à une simple focalisation transformation des ressources en outputs. sur les inputs et le processus. Un problème fréquent est le fait que les Plus forte est la demande d'éducation et salaires des enseignants, même lorsque le plus nette est la vision. Au Malawi, en taux de salaire est très faible, absorbent Ouganda et plus récemment au Kenya, l'im- toutes les ressources aux dépens des autres plication dans la recherche d'une éducation inputs. Une étude récente a montré que sur universelle est devenue une attitude popu- 55 pays étudiés, 44 allouaient plus de 70 % laire - bien qu'un tel engagement reste diffi- et la moitié (23) allouaient plus de 80 % des cile à tenir par rapport aux ressources (voir dépenses aux salaires. Souvent, de tels « Pleins feux sur l'Ouganda »). niveaux de dépenses impliquent soit que les autres inputs ne bénéficient pas d'une cou- Des ressources adéquates réparties verture inadéquate soit que les parents sont de manière adéquate taxés de manière formelle ou informelle. Pour atteindre leurs objectifs en matière Des études empiriques montrent aussi que d'éducation, les responsables politiques et les des hausses des salaires des enseignants décideurs - soit d'eux-mêmes soit sous la n'ont pas d'impact significatif sur les résul- pression de l'expression populaire - doivent tats en termes d'apprentissage (pour plus de assurer la fourniture des ressources adé- détails, voir plus loin). D'après un certain quates. Pour que les enfants apprennent véri- nombre d'études, l'impact du choix du tablement, il faut qu'ils aient les moyens d'ac- matériel éducatif ou des établissements sco- céder à l'infrastructure, aux inputs et à laires peut être estimé environ 10 fois plus l'instruction - ce qui, dans bien des pays, est important que l'impact des salaires des loin d'être le cas. Une étude récente sur le enseignants (ce qui ne veut pas dire qu'une financement du programme « Education approche simplement en termes d'équipe- pour tous » présentait un comparatif des pays ment permettrait de résoudre les pro- qui réussissent et de ceux qui réussissent blèmes). Un autre problème fréquent est la moins selon trois points de vue: tendance à utiliser des ressources pour réduire les effectifs moyens des salles de . La mobilisation des recettes de l'État pour classe, alors que cela donne souvent des l'éducation primaire (taux globaux d'im- petites classes inefficaces: on gonfle ainsi les position, part des dépenses publiques coûts unitaires tout en limitant l'accès. consacrée à l'éducation, part de ce mon- La répartition des ressources publiques tant consacrée à l'éducation primaire). étant un problème politique, une réparti- . Le coût unitaire d'une année de scolari- tion efficace des ressources est donc une sation effective (salaires des enseignants question de pouvoir d'expression citoyenne. et effectif de la classe). L'observation de résultats empiriques . Efficacité interne (nombre d'années de montre que les caractéristiques communes scolarisation assurées par élève termi- d'un manque de ressources trop important nant l'école primaire). pour les inputs à haute productivité sont si omniprésentes (la figure 7.3 n'en illustre Même avec un effort budgétaire approprié, que deux des nombreux exemples pos- des coûts raisonnables et une efficacité interne sibles) que l'on peut s'attendre, typique- certaine, un grand nombre de pays ne produi- ment, à être en présence d'une économie sent pas assez de ressources pour atteindre la politique n'intégrant pas de manière appro- complétion universelle. Pour ces pays, une priée les voix des pauvres. Changer cette aide internationale supplémentaire serait par- répartition des ressources implique davan- ticulièrement justifiée (voir encadré 2.3). tage qu'un simple ajustement technique - Services d'éduication de base 137 comme l'a montré l'exemple du Brésil et de Figure 7.3 Progression des résultats des tests par dollar dépensé dans différents inputs ses réformes dans les années 1990. Nord-Est du Brésil (années 1980) Inde lannees 199U) Les enfants des pauvres étant presque tou- jours les derniers à être scolarisés, des de l'enseignantI de lenseignint dépenses supplémentaires pour étendre l'ac- Formation minimale cès à l'école seront plus favorables aux de 3 années Action ménages les plus pauvres que les dépenses denseignement p 19 daméloataon| 1,2 déjà existantes. Une étude réalisée en Inde a tous les enrseignarnts sement montré que même si les dépenses d'éduca- le professeur, Un pied ca e tion n'étaient pas plus favorables aux pauvres, tapbour les aes ' supplémentaire 1,7 dans leur orientation, qu'un transfert uni- et autre« mobilier» E nsembles Ensemble forme des ressources, les pauvres profitaient complet 19,4 complét 14 en plus forte proportion des dépenses margi- de fournitures de fournitures nales lorsque l'éducation primaire était éten- éducatives éducatives 0 O 0 15 2 5 10 15 20 due (les enfants des ménages plus aisés étant Progression des résultats des tests Progression des résultats des tests déjà scolarisés).324 Ainsi donc, des dépenses pa dolla de sala da l'enseignant par dollar de salaire de l'enseignant d'éducation qui permettent d'étendre l'accès Source: Pritchett et Flmer 1999E à l'école sont finalement mieux orientées vers les pauvres que le ressources destinées à amé- liorer uniquement la qualité. ces niveaux, ce sont globalement les enfants Cependant, le dilemme entre qualité et des ménages les plus aisés qui profitent des quantité est autre chose qu'une simple ques- dépenses éducatives. À Madagascar, une seule tion de choix entre créer davantage de places année d'éducation pour les niveaux plus éle- à l'école et améliorer l'enseignement. Pour les vés coûte 20 fois plus cher qu'une année enfants des pauvres, un des principaux pro- d'éducation primaire - et seulement 3 % des blèmes, dans presque tous les cas de figure, est enfants qui terminent le premier cycle du le fait qu'ils abandonnent l'école avec une secondaire proviennent des 40 % des plus forte fréquence, en partie à cause de la ménages les plus pauvres (tableau 7.1). Le qualité si mauvaise de l'enseignement scolaire problème n'est pas le seul coût relatif. Le pro- qu'ils reçoivent. C'est pourquoi il importe blème est de savoir si un financement réparti que les progrès quantitatifs s'accompagnent sur les différents niveaux est équitable et effi- de progrès qualitatifs. cace, ou s'il est orienté exclusivement selon les Les dépenses pour l'enseignement pri- préférences d'une élite. maire sont en progression douce, mais ce Les conditions politiques nécessaires pour n'est pas le cas des dépenses pour les plus une allocation budgétaire appropriée en hauts niveaux d'éducation. Les enfants des matière d'éducation, ne sont pas évidentes. On ménages les plus pauvres étant peu suscep- est tenté de rechercher des réponses simples tibles d'atteindre les niveaux les plus élevés, et comme la « démocratie » - mais ce ne sont que les dépenses par élève étant plus élevées dans de fausses réponses. L'Inde est un pays démo- Tableau 7.1 A Madagascar, pour les niveaux d'éducation les plus élevés, les coûts unitaires sont bien plus élevés et la part des pauvres bien plus faible Ratio du coût d'une année Dépenses publiques cumulées Part des 40% les plus Part des 40 % les plus d'éducation secondaire par élève réussissant pauvres parmi ceux qui pauvres parmi ceux qui sur le coût d'une année chaque niveau terminent chaque niveau atteignent chaque niveau d'école primaire (en % du PIB) (%> (%) Pas de scolarisation 0 0 37,6 57,8 Primaire (niveaux 1 à 5) 1 0,4 7,3 33,7 Secondaire, premier cycle (niveaux 6 à 9) 2,75 1,25 0,5 3,1 Secondaire, deuxième cycle (3 ans) 5,5 2,56 * * Niveaux supérieurs (4 ans) 19,6 8,84 * assimilable à 0. Sources:Banque mondiale (2091c1 et analyse des Enquêtes de démographie et de santé pour Madagascar. 138 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 cratique depuis son indépendance, et pourtant Une première étape consiste à clarifier les les inégalités des chances dans l'éducation, liées objectifs et les rôles des décideurs politiques à la richesse, y sont plus importantes que dans et des prestataires. Faute de spécifier les n'importe quel pays dont les statistiques objectifs et les résultats désirés, il n'existe seraient comparables par ailleurs. Une étude aucun moyen de dire si les ressources sont empirique au moins laisse penser que les pays suffisantes (suffisantes pour faire quoi ?) ni non démocratiques dépenseraient davantage si elles sont utilisées de façon efficace (par pour l'éducation.325 Il existe cependant un rapport à quel objectif ?). Une supervision risque que ces gouvernements se soucient non vague et des objectifs vagues réduisent la pas de la qualité de l'éducation mais d'utiliser gestion à une conformation à des règles for- l'école pour propager un endoctrinement reli- melles pour les inputs et les processus. Le gieux, laïque ou national. Dans les pays où ont manque de clarté qui en résulte engendre lieu des élections démocratiques, les possibii- souvent une « dérive de mission » et des tés de scolarisation peuvent être limitées et les conflits gênants avec le ministère de l'Édu- ressources d'éducation peuvent servir au favo- cation. Lorsque sa mission n'est pas claire, le ritisme et au clientélisme si les citoyens n'ont ministère de l'Éducation est souvent accusé pas assez voix au chapitre et si le contrôle d'être sous la coupe des syndicats d'ensei- repose entre les mains d'une élite étroite. gnants au lieu de représenter l'intérêt géné- Orienter les ressources vers les défavorisés et ral dans l'enseignement. les désavantagés présente aussi des dangers sur Cette insistance du Premier ministre le plan politique. Des systèmes qui sont conçus irlandais à propos des examens est une principalement pour les citoyens pauvres en réaction commune à la vision que l'on a des négligeant la classe moyenne ont tendance à défaillances des écoles: la tentation de défi- être moins viables financièrement et à être nir les outputs du système scolaire exclusi- moins obligés de rendre des comptes: ils ont vement sous forme de notes d'examens et donc tendance à être inefficaces et à négliger la de demander des comptes aux établisse- qualité. ments scolaires pour les notes qu'ils produi- sent. Cependant, une responsabilité mesu- Les accords entre les décideurs rée ainsi de manière trop étroite entraîne et les organisations prestataires une distorsion du système éducatif. Seul ce qui est mesuré peut se faire. C'est en grande Je me moque dtuJait que cela cloque les enseignanits. partie pour cela que l'examen rigoureux de je nîi'ituteresse mioinis a la mtiéthiode du professeu r fin d'école primaire institué avec tant d'as- qu'au résultat qu 'il obtient. (... ) Il faudrait qu'il y ait un exa nein à lafin, pour voir si des résultats sotnt surance par le gouvernement irlandais dans obtenus. (...) Nous qui représenitons la collectivité, les années 1940 a disparu dans les années disons ici et maintenianit qu'il devrait y en avoir ufl 1960. [un examenz], et peu importe qui s'y oppose. ( ... ) Si L'accord entre les décideurs politiques et nous voulonspouvoirconistaterqutui certaini niveau les organisations prestataires doit créer un est atteint et si nolUs en payons le prix, nous avons le contexte dans lequel tous les établissements droit d'attendre un résultat de cet argenit. scolaires auront les moyens et les motiva- Eamon de Valera, Premier ministre irlandais, en 1941326 tions de dispenser un enseignement de qualité. Que ce soit un service public ou un service délivré par une série de prestataires De manière générale, la ligne qui sépare l'État financés par l'État, l'accord doit être éla- en tant que décideur politique pour l'éduca- boré en fonction des objectifs et des résul- tion (fixant les règles du jeu) et l'État en tant tats. Cela suppose un moyen d'évaluer la que principale organisation prestataire contribution d'un établissement aux objec- (gérant le système scolaire) est floue. Un tifs de la collectivité en matière d'éduca- ministre de l'Éducation doit souvent assumer tion, et l'instauration d'un contexte per- ces deux rôles. Souvent, la mesure des résul- mettant aux organisations d'innover et de tats ne présente pas d'intérêt, il n'y a donc pas généraliser leurs innovations: un contexte lieu de rendre le prestataire public respon- d'autonomie des établissements et de res- sable des résultats. ponsabilité. Services d'éducation de base 139 L'us et I 'abus de la responsabilité problèmes encore plus complexes, car diffé- Créer de la responsabilité dans l'enseigne- rents acteurs assignent des valeurs diffé- ment scolaire est difficile. L'enseignement rentes à des objectifs différents. est une activité à caractère discrétionnaire Il est difficile de concevoir un système et intensive en transactions. Ses outputs comptable en la matière, car il est difficile sont multiples et different de par leur mesu- d'attribuer des résultats spécifiques - ou rabilité et par la difficulté de les attribuer. Il même des outputs - à des acteurs spécifiques. suppose aussi une relation complexe - et Si un enfant de 15 ans maîtrise les concepts mal comprise - entre les inputs et les out- de l'algèbre, à quoi le doit-on, et dans quelle puts. Une éducation performante est por- mesure ? Aux gènes hérités des parents ? Au teuse de compétences, d'attitudes et de régime nutritionnel de l'enfant ? Aux moti- valeurs. Certaines étapes de ce processus vations et aux efforts des parents ? Aux peuvent se résumer à un programme camarades de classe ? Aux professeurs de détaillé. D'autre part, certaines parties de mathématique ou aux instituteurs du pri- cette activité peuvent être remplacées par la maire ? À un autre enseignant qui a su moti- technologie. Cependant, le face-à-face ver l'enfant à progresser dans toutes les disci- pédagogique et la flexibilité sont fondamen- plines ? Au professeur actuel de l'enfant ? taux pour une instruction scolaire de qua- D'après pratiquement toutes les études lité. Il faut que les enseignants disposent empiriques portant sur les résultats mesu- d'une marge de discrétion: dans leur éva- rables de l'apprentissage scolaire, le contexte luation de la maîtrise des élèves, dans le familial est le facteur qui explique le plus les feed-back et dans leur manière d'adapter différences de résultat, surtout dans les classes l'enseignement à l'élève et à la matière. du primaire. Ces mêmes études divergent Cette activité de conduite de la classe est fortement lorsqu'il s'agit de savoir quelle part extrêmement difficile à contrôler. est imputable à l'école qu'a fréquenté l'enfant. Les outputs de l'éducation scolaire sont Le récent Programme international pour le multiples: certains sont faciles à évaluer, suivi des acquis des élèves a permis d'observer d'autres non. Évaluer la maîtrise ou des d'importantes variations, en ce qui concerne compétences simples par des tests normali- les différences de performance des élèves à sés est chose simple. En revanche, il est diffi- l'intérieur d'un établissement et entre les éta- cile d'évaluer dans quelle mesure l'école a blissements (tableau 7.2). La variation de per- apporté aux jeunes une maîtrise des formance entre les établissements était due au concepts applicable aux problèmes du moins pour moitié aux différences de statut monde réel. Il est plus difficile encore d'éva- socioéconomique des élèves et non à des fac- luer dans quelle mesure l'école leur a trans- teurs contrôlables par l'école. Dans les pays mis des valeurs. Évaluer la réussite pose des plus pauvres, l'effet des établissements est Tableau 7.2 Les écoles ne représentent qu'une petite part de la divergence des résultats de la scolarité (en %) Part de la divergence totale entre les élèves 1 il Ili lv Due à des différences Due à des différences Due à des différences de Part de la variation totale des de perfonnance entre entre les établissements profil des élèves résultats de tests qui est non attribuable à des différences de profil des élèves entre les établissements (Il moins illl Brésil 55 45 25 20 Russie 63 37 17 20 République Tchèque 48 52 4 18 Corée du Sud 62 38 14 24 Mexique 46 54 32 22 Moyenne des pays développés 66 34 20 14 Source:OCDE (2001), annexe Bl, tableau 2.4. 140 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Des systèmes d'évaluation E N C A D R É 7. 2 La responsabilisationt d'une école par les Des systèmes nationaux d'évaluation sont tests: r-ieni de nouveau souis le soleil essentiels pour contrôler les acquis en matière d'éducation. Cependant, l'évaluation de la per- La responsabilisation d'une école par les tion apportait aux enseignants (qui à cette formance est aussi complexe que les nom- tests pourrait sembler être la dernière nou- époque avaient une formation rudimen- veauté. Ce n'est pas le cas. Déjà, en 1862, la taire) des indications claires de ce qui était breux objectifs que les sociétés assignent à leur législation britannique pour le financement important, ainsi que des gratifications tan- système scolaire. La mesure de la performance scolaire avait institué un système de « rému- gibles en cas de réussite. n est 'vs une tentative de réduire loutput de nération aux résultats ».A une dotation de Les adversaires de ce système recouraient base (fonction du nombre d'élèves inscrits), aux mêmes arguments qu'aujourd'hui. Les l'enseignement scolaire à la capacité des élèves s'ajoutait une dotation que les écoles rece- enseignants enseigneraient en fonction des à répondre à des questions lors d'examens vaient pour chaque élève réussissant une tests et ignoreraient les sujets que les tests série de tests organisés par des inspecteurs ne couvriraient pas (comme l'histoire et la normalisés. Cela fait au moins 140 ans que l'on et portant sur la lecture, l'écriture et l'arith- géographie). Une responsabilisation de discute des dangers d'une évaluation de l'en- métique. l'école par les tests allait favoriser des Les promoteurs des tests faisaient valoir méthodes d'enseignement axées sur l'ap- seignement scolaire par les tests (encadré 7.2). que les transferts financiers en fonction de prentissage par coeur et le bachotage. Un On a pour ce qu'on donne, mais accorder trop la performance n'étaient qu'une question éducateur affirma que « la rémunération aux p de bon sens, dans la mesure où c'était J'ar- résultats » était une chose dont « on se sou- peu d'attenhon à la performance comporte gent public qui était en jeu. L'un des parle- viendrait avec honte ». aussi des dangers. Il importe de ne pas mentaires partisans des tests raisonnait ainsi Ce système particulier de « rémunération confondre les trois types d'évaluation :les éva- :le système de rémunération à la perfor- aux résultats » a été aboli en 1890, mais le lain atrdéhniln iatàsir mance sera soit économique (si peu d'écoles débat continue aujourd'hui. luations à partir d'échantillons visant à suivre atteignent le niveau suffisant) soit coûteux (si un grand nombre d'élèves obtiennent de la performance dans le temps, les examens « de bons résultats), mais il ne sera pas à la fois passage » qui constituent de lourds enjeux cher et inefficace. Les historiens de l'éduca- Sources: d'après Bowen (1981) et Good &Teller pour les élèves, et les évaluations de la perfor- tion affirment que ce système de rémunéra- (1969). m mance de l'établissement. plus important - et l'effet du contexte paren- Suivre les progrès. Un moyen de renforcer tal est moindre. Cependant, en général, il l'accord entre les décideurs et les prestataires, n'est pas simple de déterminer la valeur abso- dans le domaine de l'éducation, consiste à lue de l'école. développer des systèmes de mesure et de Même pour les outputs plus faciles à spé- comptabiisation permettant l'étude de la ren- cifier et à mesurer, on sait peu de choses sur tabilité des dépenses. Les examens normalisés la manière dont les inputs les influencent. constituent un dispositif relativement bon Les économistes désignent cette relation marché pour suivre et contrôler le progrès et sous le terme métaphorique de « fonction l'efficacité. Cependant, dans les pays en déve- de production ». On en sait peu sur cette loppement, rares sont les systèmes d'éduca- fonction, car l'instruction scolaire implique tion ayant décomposé le coût de la gestion des êtres humains - enseignants et élèves - d'une école, et plus rares encore sont ceux qui dans toute leur complexité. Ainsi, par savent quelle est la relation entre ce coût et exemple, on assiste actuellement à un vif l'apprentissage. Il n'existe donc pratiquement débat à propos de l'influence de l'effectif des pas de comptes-rendus établis sur ce type de classes sur les résultats des examens. Cer- mesure. Le manque d'information entraîne tains affirment que l'effectif ne compte pas, une impossibilité d'agir en conséquence. ou peu s'en faut. D'autres affirment que les Les statistiques, lorsqu'elles sont connues, réductions d'effectif des classes ont un peuvent surprendre. Dans une étude ayant impact si bénéfique sur la performance produit des statistiques relatives aux dépenses qu'elles constituent un moyen rentable et à l'apprentissage au niveau des établisse- d'améliorer celle-ci.32' Après une expé- ments scolaires en Afrique, on n'a pas trouvé rience de plus d'un siècle d'instruction sco- de corrélation significative: dans des écoles laire, des chercheurs intelligents, de bonne mauritaniennes ayant des dépenses simi- volonté et qui maîtrisent des méthodologies laires, les taux de réussite allaient de moins de élaborées discutent toujours d'une question 5 % à plus de 95 % (figure 7.4). aussi simple en apparence. Cela montre à Pour une gestion active, ce sont les statis- quel point les questions qui se posent ici tiques qui sont nécessaires: sur les coûts sont véritablement complexes: les résultats scolaires, sur les caractéristiques des élèves, varieront dans le temps, selon le contenu et et sur la performance des établissements selon le contexte. lors des tests d'acquis cognitifs. Une fois mis Services d'éducationi de base 141 Figure 7.4 La réussite scolaire dépend et inadéquats du point de vue éducatif, des de bien autre chose que des dépenses par élève pressions néfastes peuvent nuire à une qua- Taux de réussite des écoles primaires en Mauritanie pion néfaste peuven nuirefàtun e lité véritable de l'éducation au profit de Taux de réussite 1%) notes meilleures aux examens. 100 80 ' + * * Une responsabilité au niveau des établisse- t+ *- * + + ments vis-à-vis des résultats des examens. 60 *.+-t * W * * La question de la responsabilisation de l'école ,F * *+ * *. " + - - est controversée, et elle a de bonnes raisons de 40 * ^ * * * * * l'être. D'un point de vue empirique, on * *~ * ;- + * constate que les mécanismes de responsabili- 20 + * * t.V* + ^+ * + sation basés sur les résultats d'examens font k *- * ;- S S * ~~~de l'enseignement une « préparation aux exa- 0 mens » et incitent à des truquages des résul- û 55000 000 15000 20000 tats. Des observations provenant de lieux Coût unitaire (en devise mauritanienne) aussi divers que les zones rurales du Kenya Source Mingat (2003). (voir chapitre l l et encadré 7.5 plus loin dans le présent chapitre) et les zones urbaines de en place, ces systèmes à base d'échantillon- Chicago montrent que la responsabilisation a nage peuvent être progressivement généra- entraîné une hausse des résultats des exa- lisés pour obtenir davantage de mesures sta- mens - mais aussi que les enseignants ont tistiques. manipulé les élèves et ont orienté leur ensei- gnement vers la préparation du test. Les examens de passage. Dans la plupart Cependant, le fait que les enseignants des pays, les examens sont considérés orientent leur enseignement vers la prépa- comme un moyen équitable d'allouer un ration de l'examen n'est critiquable que si nombre limité de places dans les établisse- l'examen n'est pas une évaluation fiable du ments. D'après une étude, l'impact sur la savoir-faire qui constitue l'objectif du sou- performance des élèves des examens centra- tien public de l'enseignement scolaire - ou lisés conçus en fonction des programmes si du fait de l'examen, les enseignants se scolaires est aussi important que celui des détournent d'activités plus productives différences d'éducation parentale ou d'une telles que l'enseignement d'aptitudes intel- formation nettement plus formelle des lectuelles. Il existe un dilemme entre ce que enseignants (figure 7.5). Les examens cen- coûte le test (conception, organisation et tralisés rendant l'information utile large- notation) et la manière dont il reflète l'out- ment disponible, ils peuvent servir à assurer put scolaire désiré. Dans certains cas, les une responsabilisation des établissements. examens peuvent détourner les enseignants L'impact des examens publics sur les des activités les plus productives vers les incitations des divers acteurs renvoie à des considérations en termes de système. Ainsi, Figure 7.5 Les examens centralisés par exemple, les programmes de formation ont un fort impact sur la performance des élèves des enseignants visent souvent à leur incul- Note de test incrémentale quer des techniques pédagogiques favori- 20 sant de hautes compétences intellectuelles. 15 ,-,ioîisesdas le diîstr~îicti de.. i a Kënllj' Depuis 1996, un groupe de chercheurs travaille d'effet parce qu'ils étaient trop ardus pour l'élève l'ascaride, le trichuriasis et la bilharziose a mon- avec une organisation hollandaise à but non type. tré que celui-ci réduisait l'absentéisme, d'un lucratif (International Christelijk Steunfonds) quiqur.Clsinfetlqetotcqicmp, aide les écoles rurales du Kenya, à estimer l'im- Des incitations pour les enseignants. Tou t le quart. Cla sigéNn. ifie-t-idueitou ce quigcmpntéle, pact de diverses interventions. On a choisi monde sait que le fait que les enseignants soient cetl at o.S 'siut umné e quelques écoles de manière aléatoi're pour y réa- suffisamment motivés est un facteur capital. Pour- réutsdetssneesotpsa lié. liser ces interventions d'abord, les autres écoles tant, une étude sur les incitations et les motiva- Faisons trois observations. Premièrement, des devant suivre. Les chercheurs ont ainsi pu tester tions des enseignants,.fondèe sur les résultats des facteurs que tout le monde « sait » être impor- un certain nombre d'idées. élèves aux tests, a montré que « les enseignants tants n'ont pas eu l'effet prévu, tandis que l'inter- ont réagi au programme principalement en cher- vention dont on attendait le moins a eu des chant à influencer les résultats des tests à court effets notables. Deuxièmement, ces résultats Desmanuels scolaires. Tout le monde sait que terme. ( ... ) Les taux d'absentéisme des ensei- observés sur une centaine d'écoles d'une région les manuels sont importants et que leur absence gnants n'ont pas diminué, la quantité de devoirs isolée du Kenya ont suscité une attention parti- est un obstacle majeur à un enseignement effi- n'a pas augmenté, les méthodes d'enseignement culière des scientifiques, en raison de la grande cace. Pourtant, d'après la première étude, « rien n'ont pas évolué ». Cela signifie-t-il que les motiva- rareté des évaluations aléatoires rigoureuses des n'indique que la fourniiture de manuels scolaires tions des enseignants ne comptent pas ? Non. Le initerventions en milieu scolaire. Troisièmement, dans les écoles primaires, au Kenya, ait eu un comportement des enseignants a changé :ils « l'étude de chaque intervention ne révèle pas des impact positif notable sur les résultats des tests, ont organisé des sessions spéciales de coaching résultats à valeur universelle et immédiatement ni qu'il y ait un impact sur l'assiduité quoti- et ont encouragé les élèves à passer le test ». Ce gééaials ai lervl esapcspri dienne, sur le redoublement ni sur le tauxgeeaialsmisleréèedsspcsat- d'abndon». Cla sgniie-til qe le manels qui laisse penser qu'on apour cequ'on paye -que culiers et il apparaît que les conclusions en d'bnedomtntps ? Non.Mêm signfetiu les manuels cela plaise ou non. matière d'efficacité ne peuvent être apprises et n'ont pas entraîné une hausse de la performance L'administration de vermifuge. Dans la litté- utilisées que dans le contexte local. de l'élève type, ils ont permis une meilleure per- rature sur l'efficacité de l'enseignement scolaire, formance de la part des élèves qui faisaient de l'administration de vermifuge est rarement évo- leur mieux dans la préparation du test. Ce qui quée. Pourtant, un essai randomisé d'un traite- Sources: Miguel et Kremer 120011 ; Glewwe, Ilias et laisse penser qu'ici, les manuels n'ont pas eu ment médical peu coûteux pour l'ankylostome, Kremerl(2000); Glewwe, Kremer et Moulin (1 9971. Services d'éducation de base 145 On n'en recherche pas moins, dans des n'est davantage envisageable en l'absence de études récentes de l'USAID, des solutions l'autonomie organisationnelle suffisante aux problèmes du lien entre l'autorité, la res- pour qu'un établissement ou un groupe ponsabilité et la transparence pour renforcer d'établissements puisse décider comment l'éducation de base à travers une réforme agir au mieux. institutionnelle. Il existe plusieurs moyens d'étendre et de généraliser les bonnes pra- La gestion des organisations tiques.33 Le moyen le plus évident consiste à prestataires et des prestataires recourir à davantage d'autonomie - de laisser en première ligne à la direction de l'école le loisir de définir une mission, un mandat et une tactique - et à Gérer les services de manière à les rendre davantage de responsabilité pour permettre efficaces signifie pourvoir les postes avec des le contrôle de la performance. L'autonomie personnes possédant les compétences et la et la responsabilité sont sources d'incitations formation qui conviennent (capacité). Cela à adopter des méthodes ayant fait leurs signifie aussi mettre à leur disposition l'in- preuves, à évaluer l'efficacité des initiatives frastructure appropriée et les inputs avec locales et à développer le sens de la fierté et lesquels elles puissent travailler (logistique). de l'engagement au sein de l'école. Enfin, cela signifie assurer la motivation (à Naturellement, il est difficile de définir la la fois extrinsèque et intrinsèque) des agents notion de responsabilité. S'agit-il d'une res- en première ligne. L'école publique type se ponsabilité au sein de l'administration (les trouve souvent handicapée sous pratique- décideurs pouvant choisir et remplacer les ment tous les aspects possibles. Souvent, les dirigeants des établissements en fonction de responsables d'établissement ne peuvent leur performance) ? S'agit-il de la participa- pas choisir leurs propres enseignants et ne tion directe des parents ou des conseils sco- peuvent pas les démettre de leurs fonctions laires dans le choix de l'équipe de direction - même pour une bonne raison. La forma- de l'école ? S'agit-il du choix des parents ? tion des enseignants et le renforcement des Il existe des alternatives. L'une consiste à capacités sont souvent mal conçus et mal permettre aux acteurs compétents (chefs intégrés dans le système, et deviennent donc d'établissement, enseignants) de gérer plus hors de propos. Les questions de logistique qu'une école. Les plus compétents pour- se situent au-delà du contrôle au niveau raient alors gérer un plus grand nombre d'une école: les décisions sont centralisées d'enfants - on réduirait ainsi la sphère d'in- au niveau de l'administration. Les struc- fluence des moins compétents. Une tures de rétribution ont tendance à être deuxième possibilité consiste à systématiser basées sur l'ancienneté et le niveau d'ensei- divers modèles faciles à reproduire et à délé- gnement ou de formation et non sur les guer, soit à une administration soit à un preuves d'une maîtrise du savoir-faire. prestataire privé. Ce type de modèle devrait Enfin, si la rémunération et les autres moti- être basé sur des recherches effectuées loca- vations extrinsèques ne sont pas les seules lement, concernant l'activité courante des motivations des professionnels de l'ensei- responsables d'établissement capables dans gnement, la structure habituelle de leurs diverses situations réelles, ainsi que sur des conditions de travail et du système de discussions avec les citoyens autour des rémunération compromet même les moti- modèles émergents. Les modèles pourraient vations intrinsèques des prestataires. aussi être basés sur l'analyse statistique de l"< output » maximum produit par les La relation d'emploi et la structure écoles, en se référant au niveau moyen de de la rémunération et des avantages ressources mobilisé par les établissements. Il n'existe pas une approche unique qui serait Aucune de ces approches visant à en savoir la meilleure, en ce qui concerne la rétribu- plus sur l'apprentissage n'est possible sans tion, le renforcement des capacités et l'auto- évaluation des outputs il ne s'agit pas de se nomie au niveau de la classe. En fait, un des limiter à des examens standard mais d'éva- principaux avantages d'une plus grande luer tous les outputs de l'enseignement sco- autonomie est que cela permet d'expérimen- laire concernés. Aucune de ces approches ter davantage et que cela permet une plus 146 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 grande flexibilité dans la mise en oeuvre et viables.333 Cependant, l'absence totale de lien dans la reproduction. L'autonomie des éta- entre les incitations et la performance fait que blissements permet aux organisations d'excellents enseignants qui travaillent dans concernées d'essayer différents systèmes de des circonstances défavorables et ceux qui ne rétribution, différentes méthodes de forma- sont jamais présents pour faire cours soient tion et différents modes d'interaction entre payés la même chose. Cette situation est pré- parents et enseignants, et de les évaluer par judiciable au moral des bons enseignants et rapport à leurs objectifs en termes d'outputs les incite à quitter la profession. et de résultats. Si le secteur public peut spéci- Cependant, l'argent n'est pas la seule moti- fier ce qu'il attend d'une école - un accord vation, comme le montre une étude portant clair - il peut laisser à la direction de l'établis- sur les enseignants de trois types d'écoles à sement le soin de gérer la rétribution des Merida, au Venezuela (les écoles à but non enseignants et laisser triompher le système lucratif, les écoles d'État et les écoles natio- qui se révèle être le meilleur. nales). Les écoles Catholiques Fe y Alegria - La rémunération des enseignants peut qui servent les familles à revenu faible - privi- être trop faible (lorsque l'inflation a érodé légient l'autonomie de l'établissement et l'in- les salaires réels au point d'obliger les ensei- put de l'enseignant dans la décision. Même si gnants à recourir à d'autres sources de la paie est à peu près la même que dans les revenu) ou trop élevée (lorsque leur paie écoles d'État et dans les écoles nationales, le représente plusieurs fois le montant néces- degré de satisfaction des enseignants et la saire pour attirer de bons enseignants). performance des élèves y sont bien meilleurs Cependant, un niveau de rétribution appro- (tableau 7.3). prié ne se détermine pas uniquement selon Il est évident que le renforcement des le niveau de la paie. Ce sont l'attrait global capacités des enseignants est fondamental de la profession et la structure de la rétribu- pour un enseignement de bonne qualité, tion qui motivent la performance.332 La paie mais l'expérience de leur formation est sou- des enseignants dépend généralement de vent décevante, principalement à cause du facteurs qui ne sont pas liés à la perfor- manque d'applicabilité de la formation à la mance des élèves: elle dépend principale- tenue de la classe. Ce dont les enseignants ont ment de leur ancienneté. Aussi les revenus besoin, c'est d'une formation qui leur per- des enseignants sont-ils bien moins mette de mieux faire leur travail. Cependant, variables que les revenus que l'on peut l'autonomie, la motivation et les évaluations observer dans d'autres branches. On devrait des prestataires (en fonction des outputs et rémunérer la qualité de l'enseignement plu- des résultats) sont nécessaires pour que la tôt que simplement la longévité. formation puisse engendrer des progrès au niveau des résultats. Motivation et capacités Le processus scolaire est si complexe - et les Le pouvoir du consommateur difficultés d'attribution si grandes - que de simples propositions de « rémunération à la Dans les systèmes scolaires publics, le pouvoir performance » des enseignants et des chefs du consommateur n'a pas une grande d'établissement se sont rarement révélées influence. Canalisé selon des intérêts étroits, il Tableau 7.3 Autonomie et résultats à Merida, au Venezuela, au milieu des années 1990 Type d'école Coût par élève et Salaires en pourcentage Satisfaction Performance des élèves Taux de rétention, par heure (en bolivars) des dépenses des enseignants0 (moyenne math, niveaux 1 à 6 (%) de fonctionnement lecture et écriture, en %) D'État (escuelas integrales) 190, 24 95 3.75 40 51 Nationales 160, 32 99 3.57 39 42 Privées (Fe yAlegria) 155, 31 88 4.02 53 100 a. Une note égale à 5 indique un accord total avec l'affirmation i je suis satisfait de mon travail n. Source: Navarro et de la Cruz 11998). Services d'éducationi de base 147 a peu d'impact. Dans pratiquement tous les * L'émergence d'écoles gérées par la collecti- pays, les parents peuvent choisir l'école où vité au Salvador a permis de constater que iront leurs enfants, dans certaines limites. ces écoles avaient d'aussi bons résultats en Cependant, ce choix a peu d'impact, globale- termes de notes d'examen et de taux ment, sur la qualité de l'école, car i reste sans d'abandon que les écoles gérées par le effet sur les écoles qui perdent des élèves ministère de l'Éducation, lesquelles rece- comme sur celles qui en gagnent. Même vaient des enfants plus aisés (voir « Pleins lorsque les parents renoncent à l'école feux sur Educo »). publique et payent une école privée - comme . Au Cambodge, un projet financé par les cela se produit dans un certain nombre de bailleurs de fonds visait à améliorer les pays - il ne s'ensuit pas une pression au chan- écoles en stimulant l'implication com- gement, car les ressources gouvernementales munautaire et en recourant à des trans- continuent d'alimenter les écoles publiques. ferts budgétaires directs vers les écoles La participation directe des parents à l'école (encadré 7.6). n'est pas non plus, généralement, un facteur * L'exemple de l'Argentine montre que la dont on peut beaucoup espérer, car l'in- participation des parents et l'autonomie fluence que peuvent avoir les parents sur les des établissements concourent à engen- écoles publiques est très limitée. Souvent, la drer une hausse des performances des direction de l'école et les enseignants eux- élèves.334 mêmes ne disposent pas de l'autonomie . Les ONG peuvent apporter une contribu- nécessaire pour procéder à des changements. tion utile à la fois par leur engagement Les organisations de parents ne sont qu'un direct vis-à-vis des collectivités et par la moyen de mobiliser des ressources supplé- production et la diffusion de l'information mentaires pour l'école. - comme dans le système d'information Il existe des moyens de changer cela, scolaire pour les collectivités au Népal, d'utiliser le pouvoir du consommateur pour soutenu par Save the Chilfren-UK. faire progresser la situation. Un de ces moyens consiste à impliquer directement les Il existe des écoles informelles et commu- citoyens dans l'évaluation et la gestion des nautaires dans divers contextes. La plupart écoles. Un autre moyen consiste à recourir du temps, ce sont les parents qui ont pris les aux subventions, du côté de la demande, choses en main et ont fait en sorte que leurs pour accroître les possibilités pour les enfants reçoivent un enseignement en pauvres d'accéder à l'école. Un troisième dehors du système formel. Cette forme d'en- moyen consiste à rendre les ressources des seignement est souvent soutenue par des prestataires dépendantes du choix du ONG ou par des organisations religieuses. consommateur: que l'argent suive les élèves. Une étude récente des projets menés en Aucun de ces moyens n'est la panacée, mais Ethiopie montre les possibilités de ce type de chacun peut faire partie d'une stratégie pour le progrès de l'enseignement. E N C A D R É 7 . 6 Les .' e scolaire La participation directe: aui C'asîbodge l'implication de la collectivité Pour faire progresser la qualité de l'école, le tique d'éducation. Les animateurs bénéfi- dans l'école ~~~~~~~~~~~Projet d'amélioration de la qualité de l'école, cient, au niveau local, du soutien pédago- dans l'école rtau Cambodge, adopte une approche partici- gique et organisationnel d'un réseau d'assis- Dans la mesure où les élèves, et de manière pative et une gestion des ressources en tants techniques. fonction de la performance. Mis en oeuvre Ce projet a favorisé l'émergence d'un indirecte leurs parents, sont en interaction dans trois provinces, ce projet couvre 23 % dialogue dynamique au niveau de l'établis- quotidienne avec le système éducatif, ils dis- de la population de l'école primaire. Les col- sement, au niveau du groupement d'établis- posent d'une information valable sur la per- lectivités locales définissent leurs besoins et sements et au niveau de l'administration sur formulent des propositions de changement m ani veaulde l'admnsti sur formance du prestataire, laquele a tendance à et d'investissement. Les fonds sont affectés la manière d'améliorer l'école. lia aussi été le directement à des groupements d'écoles point de départ d'un processus d'évolution être ignorée dans les systèmes purement par le ministère de l'Éducation, de l'administration de l'enseignement et des bureaucratiques. Plusieurs expériences réus- La gestion des réformes est soutenue méthodes d'enseignement et d'apprentis- sies, au cours desquelles les parents ont pu par des « animateurs » au niveau des dis- sage. Il en est résulté un niveau de responsa- tricts, qui tirent des leçons générales de l'ex- bilisation sans précédent au niveau de l'éta- exercer un rôle formel dans la gouvernance périence des dotations destinées au progrès blissement et des dirigeants locaux. des écoles, ont accru l'intérêt que présente ce de la qualité des écoles et conseillent l'Etat modèle: sur la manière de faire progresser la poli- Source:Banquemondiale(2002c). 148 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 soutien pour permettre d'étendre l'accès à Afrique du Sud, indique le rôle fondamental l'école (encadré 7.7). La grande question est que peut jouer la formation en groupe des de savoir comment lier ces efforts au sys- parents: sans cette formation, ce sont les tème formel, pour que les écoles informelles populations les plus avantagées qui bénéfi- ne soient pas un cul-de-sac. cient de l'enseignement, tandis que les plus Une plus grande implication des parents pauvres et ceux qui ont le moins d'influence dans la gestion scolaire n'est pas sans risques. sont perdants. Les parents ont besoin d'accéder à l'informa- La participation directe à l'enseignement tion utile et au pouvoir de réaliser des chan- pose le problème difficile des droits de l'usa- gements. Ils doivent s'attacher à la perfor- ger et de leur lien avec l'implication de la col- mance et non à la micro gestion de la classe lectivité. Certains affirment que les droits pour laquelle les enseignants doivent garder perçus localement, tant qu'ils sont retenus l'autonomie. Pour les parents, il est vraiment par l'établissement, sont une bonne chose, simple d'évaluer dans quelle mesure l'ensei- pour deux raisons. Premièrement, des études gnant est présent, et n'abuse pas des élèves. empiriques montrent que les ressources Cependant, un enseignement de qualité ne contrôlées au niveau central sont presque peut se réduire à une liste de tâches program- toujours consacrées en grande partie aux mées. Souvent, les parents ont des méthodes salaires, tandis que les ressources collectées au d'enseignement une conception très conser- niveau de l'établissement permettent d'aug- vatrice, et ils ont tendance à favoriser le menter la qualité de l'enseignement bien bachotage lorsqu'il y a des examens de pas- davantage que des ressources équivalentes sage. Il est essentiel de faire en sorte que les venues d'un niveau plus élevé.335 Une étude plus pauvres ne se retrouvent pas exclus de ce relative au Mali a montré que lorsque les processus - et c'est difficile. L'expérience du parents payaient des droits, leur situation ne contrôle à l'échellé de l'établissement, en s'en trouvait que meilleure (en moyenne) car la valeur du gain en qualité de l'enseignement était bien plus grande que le montant de ces E N C A D R É 7 . 7 D) 'autres 'oies possibles polir Il'édifctiotl droits.336 Deuxièmement, pour que les collec- ile base efo Ethiopie tivités puissent se sentir fières de leur école et . . ~~~~~~~~~~~~~~~~pour que leur participation leur donne du L'Éthiopie est un vaste pays dont la popula- paLii tion est hétérogène. Les niveaux d'éducation * L'implication de membres de la commu- pouvoir, il faut sans doute une contribution y sont peu élevés : 24 % seulement des nauté dans le contrôle de l'assiduité des de la part des parents. Plutôt qu'un versement enfants terminent l'école primaire. Dans les enseignants et des élèves. régions pauvres et éloignées, les écoles sont * Le fait de viser des classes d'environ 35 direct de droits d'usager, ce peut être une très rares : seulement 30 % environ des élèves. contribution en nature, par exemple des enfants de dix ans, dans les zones rurales, ont * Le recrutement local d'enseignants et déjà été à l'école à un moment ou à un autre. d'assistants, payés moins que des ensei- heures de main-d'oeuvre pour la construc- Cependant des innovations récentes, finan- gnants professionnels. tion de l'école. cées par des ONG, montrent d'autres voies * Davantage de dépenses pour les manuels possibles pour que ces enfants bénéficient de scolaires, d'autres matériels pédago- Cependant, il s'agit de comparer ces l'école. giques,la formation et la supervision. avantages potentiels d'une plus grande Les programmes gérés par six ONG mon- trent comment il est possible d'étendre la sco- Les résultats sont prometteurs. Les implication de la collectivité avec d'une part larisation même dans des zones éloignées - enfants qui vont dans ces écoles poursui- les effets négatifs, apparemment impor- pour un coût raisonnable et sans sacrifier la vent leur scolarité jusqu'à des niveaux plus , qualité. L'ONG ActionAid a proposé d'adapter élevés. Par ailleurs, il ne semble pas que l'ap- tants, que peuvent avoir sur la scolarisaton, à l'Éthiopie les modèles scolaires utilisés par le prentissage en ait souffert. Les notes des dans les pays pauvres, même des droits très Comité pour le progrès rural du Bangladesh, examens, au deuxième niveau, ont été plus réduits, et d'autre part l'accroissement des et depuis, plusieurs autres ONG ont financé élevées d'environ 20 % que dans les écoles des programmes similaires. Les écoles ont en d'Etat, et au quatrième niveau, les notes inégalités lié à ces droits (voir encadré 4.4). commun plusieurs caractéristiques: n'ont été que légèrement inférieures, alors Certains affirmeront que l'idéal est de trou- * La compression de quatre années du pro- que ces écoles accueillent les enfants de familles plus pauvres. Et tout cela pour un ver un compromis un droit d'un montant gramme officiel sur trois années, moindre coût par élève,.asnalmn prpi nfnto e * La rationalisation des programmes pour De o emeurent néanmoins - raisonnablement approprié en fonction des réduire la répétitivité et supprimer les élé- es problèmes dcollectivités afin de produire un capital ments jugés non-pertinents par rapport surtout en ce qui concerne la généralisation aux besoins locaux. de ces programmes pour atteindre davan- mais avec des exemptions significatives * L'utilisation de techniques d'apprentis- tage d'enfants, étant donné que la réussite pour les ménages pauvres (subventionnées sage qui sollicitent l'enfant, comme les initiale est due à une poignée d'individus à partir d'un fonds centralisé). L'expérience chansons et le travail en groupe. énergiques. * La programmation des cours à des jours récente de ce genre de ciblage (en Afrique et à des heures qui conviennent à la com- Source : Ministère Éthiopien de l'Éducation du Sud par exemple) montre qu'il n'est pas munauté. (2000). facile de le faire fonctionner.337 Services d'éducation de base 149 Des transferts financiers naissance apparente du choix des parents, il du côté de la demande n'y a pas de consensus relatif à son rôle. En pratique, le choix est large. Une part Pour obtenir que davantage d'enfants soient non négligeable de l'enseignement scolaire scolarisés, un certain nombre de gouverne- est assurée par un ensemble de prestataires ments recourent aux bourses d'études ou privés: établissements à but lucratif, écoles aux transferts financiers conditionnels (les religieuses et confessionnelles, écoles gérées ménages recevant une allocation si leurs par des ONG et écoles communautaires. enfants sont scolarisés). Le programme Dans certains pays, la proportion d'enfants mexicain d'éducation, de santé et de nutri- scolarisés dans l'enseignement privé est en tion (Progresa) a beaucoup fait parler de lui, croissance rapide - même sans subventions parce qu'il était conçu - et c'est inhabituel publiques. Au Pakistan, la proportion pour ce type de projet - pour permettre des d'élèves dans les écoles publiques urbaines études d'impact rigoureuses. Ce programme est passée de 72 % en 1991 à 60 % en 1996 a permis une hausse substantielle du nombre et à 56% en 1998 - pour l'essentiel, au béné- d'entrées dans l'enseignement secondaire.338 fice des écoles privées non religieuses (1 % Au Bangladesh, une étude a montré que des seulement pour les écoles religieuses). Par- transferts conditionnels de riz permettaient fois, l'État soutient ces écoles - c'est le cas d'accroître la scolarisation. Le programme pour les écoles catholiques en Argentine ou s'est aussi révélé rentable par rapport aux les écoles islamiques en Indonésie - ou bien autres interventions, bien que l'État ait les parents qui choisissent les écoles privées récemment décidé de donner à ces avantages bénéficient d'une aide - comme au Chili, une forme monétaire en raison de problèmes aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande et en de triche.339 L'Indonésie, en réponse à la crise République Tchèque. économique de 1997, a lancé un vaste pro- Quelle sorte de relation un État doit-il gramme de bourses d'études. Ce programme avoir avec les prestataires non-publics ? Il a permis de maintenir le niveau de scolarisa- s'agit notamment de décider si les transferts tion dans les premières années de l'enseigne- financiers orientés vers la demande et les ment secondaire.340 bourses d'études peuvent bénéficier aux Les transferts conditionnels en numé- écoles qui ne sont pas publiques. La Colom- raire se sont révélés efficaces pour accroître bie a utilisé des programmes de bourses à la scolarisation, mais ce système n'est pas destination des écoles privées pour étendre sans failles. Il est centré sur les taux de scola- la scolarisation des enfants pauvres. Le fait risation et ne fait rien pour inciter à amélio- que les participants aient été choisis de rer la qualité de l'école. Dans la mesure où manière aléatoire parmi un ensemble de les transferts du côté de la demande consis- candidats a permis une étude d'impact tent à utiliser des fonds qui autrement rigoureuse, dont il est ressorti que les effets auraient été consacrés à améliorer l'ensei- positifs sur les bénéficiaires des bourses gnement scolaire, le risque existe d'accroître étaient significatifs.34' Cependant, alors la quantité aux dépens de la qualité. On s'est même que ce programme était à la fois ciblé largement préoccupé du fait que les pro- et apparemment efficace, il a été inter- grammes alimentaires, en Inde, soient rompu - pour des raisons administratives et « trop efficaces » pour attirer les élèves. Les politiques. Une autre décision à prendre écoles ont été submergées d'enfants trop concerne le soutien aux écoles non- jeunes, qui n'étaient pas en mesure d'ap- publiques de manière plus générale. Il est prendre, ce qui a mis la qualité de l'école à généralement difficile de parler de « choix » plus rude épreuve encore pour les premiers sans déclencher une controverse, mais nous niveaux qui sont critiques. présentons ici quatre propositions. Les ressources et le choix du client Des subventions généralespourl'école privée: La Déclaration Universelle des Droits de ni une catastrophe ni une panacée. Bien l'Homme (Article 26) stipule que les parents que l'impact d'un choix généralisé fasse l'ob- ont « le droit de choisir le genre d'éducation à jet d'un débat empirique élargi et dont on donner à leurs enfants ». Malgré cette recon- ignore encore l'issue, l'octroi de subventions 150 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 générales à l'enseignement privé n'a jamais lorsque la socialisation est le choix d'un été une catastrophe - ni une panacée. Les gouvernement autoritaire pour réprimer les Néerlandais, depuis 1920, peuvent entière- droits des individus ou de certains groupes, ment choisir entre les prestataires publics et le choix en est d'autant plus important. confessionnels, sans que cela n'ait jamais eu des répercussions terribles. Les Chiliens ont L'utilisation des impôts et taxes pour l'ensei- le choix depuis 1980, et s'il existe une cer- gnement privé suppose une responsabilisa- taine controverse pour savoir si cela a tion. Si les parents devraient pouvoir choi- apporté des gains substantiels dans les résul- sir l'éducation scolaire que recevront leurs tats mesurables en matière d'acquis scolaires enfants et en assumer eux-mêmes la respon- (Hsiao et Urquoila, 2002), personne n'af- sabilité, l'utilisation des impôts et taxes pour firme que cela a été un désastre. Le choix de financer l'enseignement privé suppose une l'école existe en Nouvelle-Zélande depuis responsabilité publique. Pour que le choix 1991, et dans une évaluation récente portant soit efficace par rapport à une responsabili- sur 32 pays, elle est arrivée troisième pour sation accrue, il faut que les parents dispo- les acquis en mathématiques et sixième pour sent d'une information pertinente et adé- les acquis en lecture et en sciences. Quant à quate. Cela ne se produira pas la République Tchèque et à la Suède, elles nécessairement de façon spontanée, car des connaissent le financement public des écoles évaluations comparables entre les écoles en privées depuis les années 1990. sont la condition. Les décideurs politiques Ainsi, le choix n'est ni une idée vaine éla- pourraient faire savoir qu'une école satisfait borée dans une tour d'ivoire ni un cheval de aux normes minimales en utilisant un Troie idéologique susceptible de provoquer moyen d'information simple, quelque chose l'écroulement de l'enseignement public. Il de facilement visible comme des symboles n'est pas non plus un remède universel. affichés de façon voyante à l'entrée de l'éta- L'expansion réussie du choix n'a pratique- blissement. Un moyen plus élaboré consiste- ment jamais débouché sur un programme rait à diffuser largement une information plus général de réforme et de progrès de statistique sur les outputs et les résultats - l'enseignement scolaire. avec peut-être une normalisation en fonc- Les parents qui exercent un choix se sen- tion de la situation socioéconomique. tent eux-mêmes avantagés. Cependant, l'enseignement scolaire transmet des Faire du choix un élément des réformes. Le croyances et des valeurs, ce qui implique secteur public reste toujours un prestataire une distinction entre la satisfaction des important, et le choix complète les réformes objectifs collectifs des citoyens, par rapport dans le processus d'amélioration du secteur au financement public de l'enseignement, et public. Les partisans de la liberté de choix la satisfaction des clients de l'enseignement. mettent l'accent sur les effets positifs latents Les parents, agissant en tant que citoyens, de la concurrence - qui sont cependant peuvent vouloir des écoles soutenues par controversés. Il y a d'autres aspects à l'État, pour que tous les enfants soient inci- prendre en compte. Comme élément des tés à être tolérants et respectueux des réformes, le choix présente trois avantages croyances des autres. Pourtant, ces mêmes parents, agissant en tant que clients, peu- . Permettre le choix de l'école oblige à dis- vent vouloir que leurs enfants reçoivent une tinguer les rôles. Pour que le choix soit instruction absolument conforme à un efficace, il faut que l'État se montre expli- ensemble particulier de croyances. Un sys- cite dans son double rôle consistant à tème satisfaisant aux exigences particulières fixer les règles du jeu pour l'ensemble des de tous les parents risquerait de ne pas satis- prestataires et à gérer les écoles en tant faire aux objectifs collectifs des citoyens que plus grand prestataire. concernant le soutien public de l'école. Les . Décider comment réguler les prestataires doutes concernant le bien-fondé du choix privés peut obliger à un débat sur les objec- procèdent souvent de l'impact de l'ensei- tifs de l'éducation, en termes d'output gnement sur la socialisation.342 Cependant, comme de résultat, ce qui favorise la res- cet argument est à double tranchant ponsabiisation de chaque école. Services d'éducation de base 151 * Enfin, le choix engendre souvent une nou- cats d'enseignants peuvent promouvoir le velle forme d'acceptation de l'évaluation changement - ou au contraire lui résister. dans le cadre du contrôle des prestataires, qui peut être étendue à toutes les écoles. La décentralisation La décentralisation peut être motivée par Les modalités du choix et la politique. Les le désir de rendre les services plus proches décisions relatives aux modalités du choix des gens. Cependant, la réussite dépend de sont politiques par nature. Aux États-Unis, le la manière dont les relations de responsa- soutien public aux écoles gérées par des orga- bilité en seront affectées. Si la décentralisa- nisations religieuses est interdit. Au contraire, tion ne fait que remplacer les fonctions du la ville de Cordoba, en Argentine, a soutenu ministère central par celles d'un niveau activement les écoles catholiques.343 La Hol- d'administration légèrement inférieur lande, de façon explicite, soutient à la fois les (province ou État) et si tout le reste écoles catholiques et les écoles protestantes. demeure inchangé - accord, gestion et Plutôt que d'être basés sur la perception de pouvoir du consommateur - il est difficile l'efficacité relative des différentes écoles, ces d'espérer un changement positif. L'hypo- choix politiques semblent refléter l'opinion thèse est que la décentralisation a pour publique au moment où les décisions sont effet de renforcer le pouvoir d'expression prises: par exemple, le souci de l'influence politique des citoyens de manière à per- catholique au sein de la majorité protestante mettre un progrès au niveau des services. aux États-Unis, la prédominance de la reli- Cependant, d'un point de vue théorique et gion catholique à Cordoba ou une réparti- empirique, les choses peuvent évoluer de tion plus équilibrée des religions en Hol- diverses manières. La décentralisation n'est lande. De même, la suppression des écoles pas une formule magique. Il faut qu'elle islamiques dans certains pays et le soutien atteigne la salle de classe, et elle ne sera dont elles bénéficient dans d'autres, ou la efficace que dans la mesure où elle engen- décision d'interdire les écoles privées au drera de nouvelles opportunités de Pakistan et au Nigeria dans les années 1970, réforme scolaire (chapitre 10). ont peu de rapport avec l'efficacité de l'école. La promotion du choix à travers un système Les meneurs de réforme de bons en République Tchèque a été consi- Programmer une réforme de l'éducation dérée comme une réaction contre l'utilisation n'est pas un mince exploit, et obtenir que des écoles pour l'endoctrinement politique. cette réforme soit politiquement soutenue Si le choix de l'école est une donnée poli- et appliquée est plus difficile encore. Si les tique, il est possible de concevoir un système parents défendent bien la cause de leurs scolaire efficace autour de cette contrainte. Si enfants, cela ne se traduit pas nécessaire- le choix de l'école est politiquement exclu, il ment par un progrès du système. Si les en est de même. meneurs de réforme se rencontrent souvent parmi les enseignants, c'est parce que ces Permettre les réformes derniers sont davantage que les autres confrontés aux problèmes, au sein même Le présent chapitre traite de la possibilité de de la salle de classe et de l'école. Il est changer la relation de responsabilité pour cependant bien plus facile de mobiliser le obtenir des progrès de l'éducation, en soutien des professionnels de l'éducation créant les conditions institutionnelles per- pour certains types de réformes (générali- mettant une évolution techniquement favo- sation du système, accroissement des res- rable. Cependant, comment peut-on chan- sources, progrès de la pédagogie, réforme ger les institutions ? Comment peut-on technique des programmes) que pour créer et exploiter des ouvertures pour les d'autres (davantage de choix).344 réformes ? La décentralisation est source Les hommes politiques ou les techno- d'opportunités. Les meneurs de réforme crates, au niveau local ou national, peuvent peuvent émerger à partir des intérêts poli- aussi constituer des forces pour mener les tiques, commerciaux, professionnels ou réformes de l'éducation, surtout s'ils ont le parentaux. Enfin, les associations et syndi- sentiment que celles-ci sont étroitement liées 152 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 7. 8 Leés rélfôrn-iti es dle I édi citio io et les syndficat:ts h w ei Ai i' i'. 1 ' Latinll Les réformes destinées à promouvoir une plus d'opposition aux réformes de l'éducation. Ils ont Les syndicats d'enseignants voulaient que le grande implication des parents, une plus grande tous recouru à la grève pour affirmer leur pouvoir gouvernement résolve le problème des salaires autonomie des établissements scolaires, une (...) contre des changements non souhaités. Le et des conditions de travail et craignaient que la plus grande importance accordée aux résultats pouvoir de perturber la vie publique, de faire fer- décentralisation et l'autonomie conférée aux et une des progrès dans la formation, la sélec- mer les écoles et les ministères, de bloquer la cir- tion, l'affectation et la rémunération des ensei- culation dans les capitales, de solliciter l'opinion écoles compromettent les relations et les habi- gnants ont un caractère explosif, du point de vue publique, tout cela faisait partie de leur panoplie tudes de négociation plus familières qui pou- politique - surtout avec les syndicats d'ensei- habituelle ». En avril 1999, lorsque le ministère vaient exister entre une administration scolaire gnants. Lors d'une étude portant sur cinq tenta- bolivien de l'Éducation a annoncé son intention centralisée et une union syndicale centralisée. tives de réforme de l'éducation incluant un cer- de transférer les centres de formation pédago- Même lorsqu'un Etat parvient à imposer des tain nombre de ces éléments, en Amérique gique dans la sphère des universités publiques, réformes, les conflits avec les syndicats en ren- Latine dans les années quatre-vingt-dix, on a on a vu les enseignants et les étudiants de ces dent l'application problématique, une réforme constaté que les syndicats d'enseignants s'oppo- centres « provoquer des émeutes dans les rues, saient à pratiquement toutes ces tentatives, de casser les vitres, s'attaquer aux forces de police, Pov difcents p façon catégorique et véhémente. lancer des pierres et mettre le feu aux voitures" des enseignants. « Les syndicats d'enseignants du Mexique, du (le gouvernement a utilisé ces images pour dis- Minas Gerais, au Brésil,de la Bolivie,du Nicaragua créditer les syndicats aux yeux de l'opinion et de l'Equateur ont suivi les mêmes stratégies publique). Source:Grindle (à paraître). à la performance économique. Cependant, il savoir-faire professionnel et une certaine est bien plus facile de mobiliser le soutien des vision de la politique publique. En tant décideurs politiques pour certains types de qu'instruments de négociation collective, réformes de l'éducation (responsabilité ils sont censés privilégier les ressources et étroite) que pour d'autres (progrès pédago- les conditions de travail. gique). Trop nombreux sont les pays dans les- quels le dialogue entre le gouvernement et Les enseignants et les syndicats d'ensei- les syndicats d'enseignants ne differe pas du gnants. La compétence des enseignants dialogue entre une grande compagnie et ses est ce sur quoi repose tout système éduca- syndicats. Au lieu de ressembler à un simple tif, mais comment le pouvoir des ensei- jeu de marchandage, la relation entre les gnants peut-il être mis au service du pro- décideurs politiques et les organisations grès de l'éducation ? Pour certains, les d'enseignants devrait plutôt prendre la enseignants n'ont pas assez de pouvoir et forme d'un jeu à somme positive. C'est les réformes de l'éducation se font en igno- certes plus facile à dire qu'à faire. De la rant leur point de vue. Si c'est le cas, alors même manière que les organismes spéciali- on peut aboutir à des réformes qui igno- sés dans le développement, les syndicats rent les réalités des classes et des niveaux d'enseignants doivent pouvoir concourir à scolaires, et qui continueront de démorali- l'éthique professionnelle et renforcer la res- ser les enseignants et de compromettre le ponsabilité mutuelle. Ils peuvent servir à progrès de l'éducation. Pour d'autres, les organiser la participation des enseignants à enseignants, et surtout les syndicats d'en- la résolution des problèmes techniques de seignants, ont trop de pouvoir et ne s'inté- réforme de l'éducation, notamment les pro- ressent qu'aux salaires et aux conditions de blèmes d'évaluation, d'autonomie au travail (encadré 7.8). L'observation des niveau de la classe, de discipline des élèves faits peut alimenter chacun de ces deux et de formation des enseignants. Si les syn- points de vue. Le débat tourne en grande dicats refusent d'assumer ce rôle, et préfe- partie autour de la double fonction des rent ne s'occuper que des salaires et des syndicats d'enseignants. En tant qu'organi- conditions de travail, alors on ne voit pas sations professionnelles, ils sont censés très bien sur quelles lignes de conduite les promouvoir l'efficacité, le progrès du réformateurs peuvent s'appuyer. _ - ED (O Éducation avec la participation de la communauté au Salvador En passant directemlenit des accords avec les communautés, El Salvador a pu accroître defaçon spectaculaire les tauix de scolarisation dans les régions pauivres et écartées, sans sacrifier pour autant la qualité de l'enseignement. out au long des années 80, El Salva- Pendant la guerre, de nombreuses com- concernant six ACE dans trois départe- 3 dor a subi les ravages de la guerre munautés avaient recruté des enseignants ments, le programme a été étendu à l'en- civile. Le conflit s'est soldé par 80 locaux et créé des écoles communautaires semble du pays pour couvrir tous les dépar- 000 morts - sur une population totale de 5 dont elles supportaient les coûts, payant les tements en 1993. Les effectifs des écoles millions d'habitants environ - et un enseignants quand elles le pouvaient. Le gou- primaires dans les régions rurales sont pas- nombre bien plus important de blessés ou vernement s'est inspiré de ce modèle de sco- sés de 476 000 en 1992 à 555 000 en 1995 - d'invalides. Le revenu par habitant a chuté larisation de proximité pour en faire la base les écoles EDUCO accueillant plus de 75 % de près de 40 % entre 1978 et I983.34' En d'un programme officiel financièrement et des nouveaux inscrits (figure 1). En 2001, 1989, le parti conservateur de l'Alliance administrativement soutenu par le ministère les écoles primaires EDUCO comptaient républicaine a obtenu la majorité des sièges (Educacién con la participaciôn de la Comu- près de 260 000 élèves, dont 41 % inscrits à l'Assemblée nationale, dont la présidence nidad), qui visait à encourager la création dans des écoles rurales - et plus de 100 000 a été confiée à Alfredo Cristiani. Malgré des d'écoles maternelles et d'écoles primaires, ou petits dans les écoles maternelles EDUCO, négociations houleuses, un accord de paix a de salles de classe dans les établissements soit 57 % du total des effectifs à ce niveau. pu être signé en janvier 1992.346 existants. En dépit de l'accroissement rapide des La guerre avait porté un coup très rude Lancé en 1991, le programme EDUCO a inscriptions, il ne semble guère établi que la au système éducatif. Les communications ciblé 78 des municipalités rurales les plus qualité de l'enseignement a souffert. Une entre le ministère central et les écoles ont déshéritées du pays (qui compte en tout 221 étude effectuée en 1996 sur 30 écoles pri- été interrompues et de nombreux ensei- municipalités urbaines et rurales). En 1993, il maires EDUCO et 101 écoles tradition- gnants, considérés par certains comme des a été élargi à toutes les régions rurales, et nelles ne fait apparaître aucune différence « agents > du gouvernement et par d'autres notamment à un grand nombre de zones importante entre les moyennes obtenues comme des agents de l'opposition sociale, auparavant contrôlées par l'opposition. Mais aux épreuves de mathématiques et de ont abandonné leur poste. En 1988, plus du toutes les « écoles popuilaires » créées pendant langues par les élèves de la troisième année tiers des écoles primaires du pays avaient la guerre n'ont pas été incorporées dans le d'études de ces deux types d'établisse- fermé leurs portes.34 Et, la fin de la guerre, programme. Certains observateurs ont pré- ments. - Une étude de suivi effectuée en à peu près 1 million d'enfants avaient tendu que cette sélectivité était une forme de 1998 montre que le passage d'une année à déserté l'école.348 favoritisme politique; pour d'autres, le fait de l'autre et les taux de redoublement sont ne pas incorporer les écoles populaires dans également similaires dans les deux Mise en place du programme un programme gouvernemental était un groupes.353 Lorsque le programme expéri- EDUCO - Une éducation moyen de soutenir le système spontané mental a atteint son rythme de croisière, les d'éducation de proximité. ' arrangements institutionnels qu'il avait de proximité Chaque école EDUCO (ou section introduits se sont imposés et ont permis Le ministère de l'Éducation a rapidement EDUCO dans un établissement classique) est d'augmenter rapidement le nombre des compris que l'élargissement de l'accès à gérée par une Association communautaire places dans les écoles ainsi que la scolarisa- l'éducation de base et l'amélioration de la d'éducation (ACE). Ce comité élu, constitué tion des enfants de milieux défavorisés, qualité de l'enseignement dispensé étaient pour l'essentiel de parents d'élèves, conclut apparemment sans coût substantiel en des objectifs prioritaires - tant pour recons- un accord d'un an renouvelable avec le termes de qualité de l'enseignement.354 truire l'unité nationale que pour promou- ministère. L'accord définit les droits, les res- voir le développement économique à long ponsabilités financières et le montant des terme du pays. Issue des rangs réformateurs transferts financiers. Le ministère de l'Éduca- Figure 1 Nombre des élèves inscrits de l'aile « modernisatrice » du parti de l'AI- tion conserve son droit de regard sur les dans les écoles rurales traditionnelles liance républicaine, Cecilia Gallardo de orientations de base et la conception tech- et dans les écoles primaires EDUCO Cano, alors ministre de l'Éducation, était nique. Avec l'argent qui lui est directement résolue à atténuer la méfiance qui s'était transféré, l'Association sélectionne, recrute et Milliers d'élèves instaurée entre les anciens adversaires. surveille les enseignants ; c'est elle qui décide 700 Mais un grand scepticisme régnait. Dans de les maintenir en poste ou de les licencier, 600 de nombreuses régions du pays, la popula- selon le cas. Les enseignants des écoles 500 Traditionnelles tion et des groupes organisés tels que l'As- EDUCO ont des contrats d'un an renouve- 400 sociation nationale des enseignants nour- lables. Les responsables expliquent aux rissaient une grande méfiance à l'égard du parents comment les écoles sont gérées et 300 ministère de l'Éducation. On jugeait que commentaiderleursenfants àlamaison.35' 200 l'expansion du système d'éducation tradi- 100 tionnel n'était qu'un moyen détourné uti- EDUCO = lisé par le gouvernement pour reprendre le Accueil des trois quarts 0 contrôle du pays et gagner des appuis poli- des nouveaux inscrits 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 tiques dans les régions dominées par l'op- Le programme EDUCO a été un succès à Note: Les chiffres indiqués pour 2002 sont des estimations. position.349 plus d'un titre. à l'issue d'une phase pilote Source. Ministère de l'Éducation d'EI Salvador. 154 Plainsfeux sur ÉDUCO Figure 2 EDUCO a favorisé la participation volontiers voir les enseignants, qu'ils enseignants du programme EDUCO sont des parents aidaient plus volontiers aussi à surveiller recrutés (et éventuellement licenciés) par les Visites des parents Amélioration des notes l'assiduité des élèves ou à entretenir le comités de parents, ce qui n'est pas le cas dans les salles de classe des épreuves liée aux mobilier des écoles.355 pour les écoles classiques. au cours du mois visites des parents De quelle façon le programme EDUCO précédent dans les écoles et la participation des parents ont-ils influé Nombre de visites Augmentation des notes sur les résultats des épreuves ? Le phéno- pp 6 5 7 en % mène s'explique au moins en partie par le ailleurs ? _57 6 ' fait que les enseignants étaient en général Les résultats du programme EDUCO peu- 5 5 plus assidus dans les écoles EDUCO (1,2 vent paraître idiosyncrasiques. La fin du 4 4 3,8 jour d'absence par mois en moyenne au lieu conflit sanglant qui avait plongé le système 4 _ 4 3,6 _ de 1,4). Les élèves des écoles EDUCO d'éducation traditionnel dans le chaos a 3 _ 3 étaient aussi plus assidus (trois jours d'ab- offert une occasion unique de réformer la M _ _ sence en moins par mois) que ceux des gestion des écoles. C'est en partie grâce aux 2 1,6 2 écoles traditionnelles.356 En outre, le sys- solutions de fortune imaginées pendant la - _ 1 _ _ ~~~~~~~~tème de rémunération du programme guerre civile que la participation des com- EDUCO étant plus souple, les gains des munautés est entrée dans les moeurs en El û _ _ û _ _ enseignants étaient plus variables, ce qui Salvador. De fait, les associations commu- Écoles Écoles Maths Langues donne à penser que les associations de nautaires semblent avoir mieux fonctionné traditionnelles EDUCO parents ont utilisé la rémunération comme dans les villages qui avaient déjà une expé- Source:Adapted from Jimenez and Sawada g1999i. un moyen d'inciter les enseignants à mieux rience de l'organisation communautaire.358 faire.35' Le pouvoir conféré aux ACE en De plus, après la guerre, il existait un réser- Les visites régulières des parents matière de recrutement et de licenciement voir particulièrement important de main- dans les salles de classe était déjà une incitation à cet égard, et les d'oeuvre instruite sans emploi (phénomène ont joué un rôle très important ACE en ont usé. Les taux de rotation parmi qui a coïncidé avec l'augmentation rapide les enseignants d'EDUCO étaient élevés, ce des places dans les universités suite à l'ou- Les résultats obtenus par les écoles EDUCO qui semble indiquer que l'éventualité d'un verture de l'enseignement supérieur au sec- sont d'autant plus étonnants que ces écoles licenciement n'était pas une vaine menace. teur privé). servaient les plus défavorisés des jeunes et Ce que ces éléments suggèrent, c'est qu'il les régions les plus déshéritées du pays. ne sera pas nécessairement facile de repro- Comment y sont-elles parvenues ? Sur la Convergence avec les écoles duire le modèle EDUCO dans un contexte base de données rétrospectives permettant de type traditionnel différent. Mais certains des enseignements de neutraliser les effets des caractéristiques L'administration du programme EDUCO a que l'on peut tirer de ce programme ont un des enfants, des ménages, des enseignants et été intégrée dans les services du ministère de caractère général. Premièrement, s'il y a une des élèves - et de les ajuster pour tenir l'Éducation, et le programme est devenu un volonté politique, on peut modifier les rela- compte du fait que les aptitudes inobser- important modèle du système éducatif dans tions entre les acteurs en présence dans vées des enfants pourraient différer systé- le pays. On note à certains égards une l'éducation de base. Deuxièmement, on matiquement entre les deux groupes convergence entre les écoles classiques et les peut modifier le fonctionnement des écoles d'écoles - , les chercheurs ont constaté que écoles EDUCO. C'est ainsi que les écoles tra- de manière à promouvoir la scolarisation, le succès du programme est en grande par- ditionnelles font davantage appel à la parti- la participation et l'apprentissage - même tie attribuable à la participation des com- cipation des parents pour la gouvernance et chez les enfants issus des milieux les plus munautés. la gestion des établissements scolaires; elles défavorisés. Troisièmement, en incitant les Les parents sont plus actifs dans les ont aussi acquis une plus grande autonomie parents à participer efficacement à la ges- écoles EDUCO (figure 2). Et leur participa- avec l'instauration d'un système de dotation tion des établissements, on peut remédier à tion influe sur l'apprentissage. Après globale. De même, les systèmes de rémuné- certains des problèmes posés par la fourni- chaque visite des parents d'élèves dans les ration des enseignants ont tendance à se ture de services d'éducation - en particulier salles de classe, les notes obtenues aux rapprocher: les professeurs du programme le suivi de l'enseignement dans les régions épreuves de maths et de langues s'amélio- EDUCO reçoivent les mêmes salaires et les écartées. Quatrièmement, il est possible de raient nettement, quel que soit le type mêmes avantages sociaux que leurs homo- transposer à plus grande échelle les pro- d'école. Les parents étaient plus actifs égale- logues des écoles classiques. Malgré tout, une grammes novateurs qui ont une incidence ment au plan informel: ils allaient plus distinction fondamentale demeure: les importante sur les résultats nationaux. Services de santé et de nutrition Dans la plupart des pays, les pauvres sont ceux Si les services de santé ne sont pas assurés qui connaissent les moins bonnes conditions pour les pauvres, ce n'est pas en raison d'un c ha p i tr e de santé. La mauvaise santé contribue à les manque de connaissance relatif à la préven- enfoncer davantage dans la pauvreté. Par tion et au traitement des maladies, c'est ailleurs, ils sont souvent exclus des réseaux de parce que les systèmes de santé sont pris soutien qui renforcent les avantages sociaux et dans un noeud de relations de responsabilité économiques d'une bonne santé. Chez les déficientes. Pour en sortir, il est possible de pauvres, les conditions de santé et de nutri- concevoir des arrangements pour les trois tion, contrairement aux conditions d'éduca- classes suivantes de services: tion, sont le produit des ménages - avec la . Le plus difficile est de faire en sorte que contribution d'un certain nombre de services. les pauvres profitent des services médi- Or les services de santé et de nutrition jouent caux personnalisés, très intensifs en un rôle dans les autres éléments du bien-être transactions et discrétionnaires. Pour humain, comme la protection de la popula- avoir une influence sur la qualité, il faut tion contre des dépenses médicales catastro- que les clients pauvres aient davantage de phiques. Il conviendrait donc de juger de ces pouvoir - grâce à un financement par des services selon la manière dont ils contribuent tiers, grâce à l'information et grâce à une au bien-être des pauvres en matière de santé, à meilleure appréhension des agents et des la protection des citoyens contre les dépenses établissements de soins. Les citoyens de santé susceptibles de les appauvrir et à organisés peuvent exercer ce pouvoir en aider les pauvres à sortir de l'exclusion sociale contribuant aux ressources budgétaires et dont ils sont victimes. en coproduisant et en contrôlant les ser- Dans l'Histoire, les pauvres ont souvent dû vices. Cependant, compte tenu des payer directement les prestataires de soins. carences du marché de l'assurance, des Cependant, ce chemin court entre le client et asymétries de la connaissance et des le prestataire souffre d'asymétries de l'infor- conflits d'intérêt, il faut que l'État inves- mation et de conflits d'intérêt. Un autre pro- tisse dans l'achat des services fondamen- blème est que les pauvres n'ont pas l'argent taux pour protéger les ménages pauvres nécessaire pour réaliser les transactions sur le et promouvoir une attitude profession- marché. Diverses carences du marché - des nelle qui leur soit favorable. effets externes liés à la maladie et la fragmen- . Les services à destination de la popula- tation du marché de l'assurance - et des tion - des services normalisés qui peu- considérations d'équité justifient l'interven- vent comprendre le contrôle des agents tion de l'État pour le financement des services infectieux, les vaccinations et la distribu- de santé et d'alimentation. Toutefois, les gou- tion de compléments en vitamine A - vernements trouvent difficile de contrôler la sont plus faciles à contrôler pour les performance des agents de santé, et plus par- décideurs. Même un État dont la capa- ticulièrement de ceux qui assurent des ser- cité est limitée peut assurer ces services - vices à caractère très discrétionnaire comme ou passer des contrats avec des organisa- les soins cliniques. Enfin, les carences du mar- tions publiques ou privées pour la pres- ché de l'assurance affectant tout le monde, ce tation de ces services. La mise sur pied de sont souvent les non-pauvres qui monopoli- coalitions pour renforcer le pouvoir sent le financement public des soins. d'expression collectif des pauvres est une 155 156 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 condition essentielle à l'adéquation des de mortalité infantile sont en augmentation. E N C A D R É 8. 1 ressources publiques à ces services. Dans 22 pays d'Afrique subsaharienne, la appartenalnIce * En ce qui concerne les services orientés mortalité avant l'âge de cinq ans est en train ethnique ci la santé vers les communautés ou les familles et de s'accroître. Dans un certain nombre de qui impliquent des précautions indivi- pays d'Afrique, le taux de retards de crois- Aux Etats-Unis, d'après des statis duelles, comme l'information et l'aide sance est en hausse, et en Asie du Sud il reste de vie des amérindiens et des sociale pour la promotion de l'alimenta- élevé. En 1995, dans le monde, 500 000 autochtones de l'Alaska serait infé- tion des bébés au lait maternel ou d'une femmes sont mortes des complications de la rieure de cinq ans à celle de la population générale. L'Aboriginal sexualité protégée, les organisations grossesse, la plupart dans les pays en dévelop- Health Service, en Australie, communautaires, les organisations de la pement. L'épidémie du sida est en train de constate qu'en 1996, l'espérance de vie des aborigènes était inférieure société civile et les réseaux commerciaux s'étendre en Afrique, en Inde, en Chine et en de 20 à 25 ans que celle de leurs sont souvent bien placés pour rappro- Russie, et l'on assiste également à une résur- compatriotes. À Choc6, en Colom- bie, où 9g % de la population est cher la prestation des services des gence de la tuberculose.36> Les taux de morta- d'origine africaine,letauxcde morta- ménages pauvres. L'État peut instaurer lité chez les adultes ont empiré en Russie et lité infantile chez les garçons est supérieur à 90 décès pour 1 000 des formules de partenariat, produire de dans plusieurs pays voisins. naissances viables, alors que la l'information et accorder des subven- La situation est nettement pire au sein des moyenne nationale est de 25 pour 1 000. Au Guatemala, l'espérance tions ciblées. populations défavorisées. Dans les pays à de vie des natifs de la capitale est revenus faible et intermédiaire, les taux de supérieure de 10 ans à cedle des Il importe que les décideurs politiques aient mortalité avant l'âge de cinq ans sont 2,3 fois capàn,oùplusde96%0delapopula- à rendre compte de la situation en termes de plus élevés dans le cinquième le plus pauvre tion est indigène. Pour la Colombie, santé, ce qui signifie qu'il faut investir davan- de la population que dans le cinquième le le Pérou et l'Equateur, le ratio de la prévalence du retard de croissance tage dans le contrôle et l'évaluation des méca- plus riche. Les taux de retard de croissance chez les indigènes par rapport aux nismes dont dépendent les disparités dans ce sont 3,4 fois plus élevés (figure 8.2),361 en non-indigènes est supérieur à 3 deux. En Afrique du Sud, le recense- domaine.35 termes absolus, que les riches. À Pelotas, au ment de 1996 a montré que malgré Brésil, la mortalité infantile des 7 % les plus les efforts systématiquesdel'Étatle La santé des pauvres riches de la population était comparable en taux de mortalité infantile était 5,5 fois plus élevé chez les noirs que 1993 à sa valeur moyenne aux Pays-Bas en chez les blancs, une disparité signi- 36 ficativement plus importante que Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, 1998. - ce que l'on aurait pu prédire en se des progrès notables ont eu lieu dans le Les maladies contagieuses, la malnutrition fondant sur les différences de d revenu. domaine de la santé, et cette tendance devrait et les affections liées à la reproduction repré- se poursuivre dans un certain nombre de sentent la plus grande part de l'écart de mor- Source:Torres Parodi (2003). pays. Cependant, les espoirs d'une tendance talité entre les pays à revenu élevé et les pays à toujours meilleure s'estompent, les progrès revenu faible et entre riches et pauvres.363 Les s'étant bien ralentis dans les années 1990. Au pauvres souffrent aussi souvent de taux plus rythme actuel, la plupart des régions du élevés de maladies non contagieuses, comme monde en développement n'atteindront pas la dépression et les maladies cardio-vascu- les Objectifs de développement du Millénaire laires en Amérique du Nord, ou de problèmes en 2015 (figure 8.1). En Asie centrale, les taux d'éthylisme comme en Russie. La malnutri- Figure 8.1 Pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire dans le domaine tion est un double fardeaul: ce sont les de la santé: accélérer le progrès couches les plus pauvres de la population qui Tendances de la mortalité avant cinq ans, par région du monde connaissent les taux les plus élevés à la fois de malnutrition et de diabète et d'obésité.364 Nombre de décès pour mille Nombre de décès pour mille Améliorer les conditions de santé des 250 250 auv res les co mplexe au res Afrique subsaharienne pauvres est une tâche complexe. Au revenu 200 . 200 s'ajoutent d'autres facteurs exerçant une influence sur ces conditions: l'âge, le statut 150 Asie 150 social, la religion, le lieu de résidence (cha- du Sud `,Amérique Latine etAntilles pitre 1), l'origine ethnique (encadré 8.1) et le 100 \ ' 100 sexe - surtout dans le sud de l'Asie. En Inde, 50 - == _Extrême-Orient pour les filles, le risque de décès entre un et 50 ~~~~~~ ~~~~ > 50 ~~~~~~~et Océanie Moyen-Orient - - - Europe centrale 5 . = cinq ans d'âge est de 30 à 50 % plus élevé que 0 et Afrique du Nord 0 et de l'Est pour les garçons.365 La mortalité maternelle 1970 1985 2000 2015 1970 1985 2000 2015 dépend principalement des services de santé, tandis que les problèmes de nutrition et la Source:: Bese de données des Indicateurs de déveluppement dans le monde (2003). Services de satité et de nutrition 157 mortalité avant l'âge de cinq ans dépendent Figure 8.2 Pour atteindre les Objectifs de développement d'un certain nombre d'autres services * édu- du Millénaire dans le domaine de la santé: s'occuper cation, eau, sécurité alimentaire, communi- des ménages pauvres Prévalence du retard de croissance chez les enfants cation, électrification et transports. L'épidé- de 3 à 5 ans, par tranche de richesse mie de sida aura constitué une épreuve ._ 5e le plus riche particulière pour les décideurs politiques et PérouP pour les prestataires, les obligeant à envisager _2' le plus riche les liens avec les autres secteurs et à se préoc- Maroc C cuper davantage du comportement et des Turquie l intermédiaire valeurs sociales. Ghana 2e le plus pauvre Les services de santé peuvent être efficaces pour les pauvres Kazakhstan X le plus pauvre L'expérience du Brésil, du Chili, du Costa 0 10 20 30 40 50 Rica et de Cuba (« Pleins feux »), de l'Iran % (encadré 8.2), du Népal, du Matlab (Bangla- Source Analyse des enquêtes de démnoraphie et de santé, 1990-2002 desh), de la Tanzanie et de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest (« Pleins feux ») montre l'émergence de coopératives pour commer- que les services de santé, si leur prestation se cialiser des produits agricoles.365 fait dans de bonnes conditions, peuvent amé- liorer même la situation des couches les plus Cependant, ceux qui en ont le plus pauvres de la population. Un programme de souvent besoin obtiennent le moins... santé dans le district de Gadchiroli, en Inde, a Malgré ces succès, la disponibilité de bons ser- permis de réduire les taux de mortalité néo- vices de santé a tendance à varier en sens natale de 62 %. On doit aux services de sages- inverse du besoin.369 Les populations pauvres femmes et aux hôpitaux communautaires des et les régions pauvres bénéficient moins sou- réductions notables de la maternité néonatale et maternelle au Sri Lanka et en Malaisie. En Ouganda et en Thaïlande, les efforts de l'État E N C A D R É 8 . 2 . 'c !CS Seri'wus de S t& t/tL_' ont abouti à un changement de comporte- p S e iVlcs J t" ''z' -uIru ment en matière de sexualité, ce qui a permis En 1974, le taux de mortalité infantile en Iran En mars 2002, il existait 16 340 centres était de 120 pour 1.000 naissances viables ruraux de santé, couvrant chacun environ de réduire la prévalence du sida. Dans les pays dans les zones rurales et de 62 dans les 1 500 habitants et servant environ 84 % des à revenu faible et intermédiaire, les services zones urbaines. En 2000, ce taux était de 28 collectivités rurales. Le reste était couvert dans les zones urbaines et de 30 dans les par des équipes mobiles. Des centres de de promotion de la thérapie orale de réhydra- zones rurales. Dans les zones rurales, les taux soins ont été créés, dispensant des soins tation ont permis de faire diminuer la morta- de mortalité maternelle sont passés de 370 obstétriques d'urgence 24 heures sur 24 lité infantile liée à la diarrhée.366 pour 100 000 à 55 entre 1974 et 1996. Les (avec trois sages-femmes) et le transport de taux de vaccination, le traitement des mala- la patiente, chacun de ces centres couvrant Les services de santé contribuent aussi à dies infantiles et les soins prénatals ont pro- environ 20 000 habitants. la protection du revenu des pauvres. Des gressé considérablement pour atteindre Malgré le nombre élevé de professionnels aujourd'hui des niveaux comparables dans de la santé en Iran, affecter à ces établisse- systèmes de financement gérés localement les zones rurales et urbaines, même si la par- ments le personnel nécessaire était difficile.En au Niger, une sous-traitance des services au ticipation d'un personnel qualifié lors des effet les gens n'étaient pas facilement dispo- d'assurance cibls laccouchements reste plus faible (75 %) dans sés à accepter des postes en milieu rural. On a Cambodge et des plans d'assurance ciblés les zones rurales que dans les zones donc affecté à ces centres de soins des agents sur les pauvres en Thaïlande et en Indonésie urbaines (95 %). Tout cela, malgré le fait de santé des deux sexes, appelés behvarz. ont permis de réduire les dépenses directes qu'en 1997, 76 % des enfants des zones Choisis dans les villages où ils devaient être rurales ne bénéficient pas d'une assurance affectés, avec la participation des autorités de et d'étendre la couverture du filet de sécu- maladie et que 56 % des femmes y soient ces villages, ils devaient justifier de huit rité chez les pauvres. 367 toujours analphabètes. années de scolarité formelle. Leur formation rité chez les pauvres. Comment cela a-t-il pu se produire ? En durait deux ans,elle était dispensée essentiel- Les services de santé, lorsqu'ils fonction- 1980, après la révolution iranienne, une nou- lement sur place et se faisait sur leterrain,sous nent, peuvent aussi permettre aux pauvres velle constitution a obligé le gouvernement le contrôle de superviseurs et de collègues à accorder des avantages en termes de plusexpérimentésUnsystèmesimpledinfor- d'être plus autonomes et contribuer à leur santé de base aux « défavorisés » (mostaza- mation sur la santé - l'Horoscope vital - a per- intégration sociale. Ils servent parfois de feen). Le problème le plus immédiat était mis aux behvarz d'identifier les familles dont d'accroître l'accès aux soins dans les zones lsefnso e èe onisin e point de départ pour des activités de dévelop- ru re L des ressources poues problèmes de santé et de les mettre en rela- pement plus larges, comme en République services en milieu rural a progressé jusqu'à tlon avec les services de soins. Démocratique du Congo où les plans de représenter aujourd'hui environ un tiers du financement communautaire ont permis budget de la santé dans les régions rurales. Source:Mehryar,Aghajanian et Ahmadnia (2003). 158 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 8.3 Les pauvres utilisent moins les services à fort impact Pour financer les soins médicaux dont ils ont Au-oessous Au-nessus besoin, ils vendent leurs biens. En Kirghizie, du seuil du seuil c'est le cas pour 45 % des patients en milieu dem pauvresé dealadiesé trural.37' On estime qu'en 1998, les dépenses Traitement des maladies ~ respiratoires aiguës de santé ont plongé 3 millions de Vietna- Prestation de soins V V miens dans la pauvreté. Les dépenses directes Tar ux derouverturel PT3 yay entraînent les ménages pauvres plus loin encore dans la pauvreté, mais elles entraînent Soins prénatals V V aussi vers la pauvreté extrême des ménages Compléments t Y qui n'étaient pas pauvres. Les pauvres s'enga- alimentaires gent rarement dans des plans d'assurance Utilisation de la thérapie t V volontaires, et ils bénéficient rarement des orale de réhydratation plans d'assurance obligatoires. Même lors- O 20 40 60 80 q'las en bénéficient, ls doivent encore assu- % de la population au-dessous et au-dessus qu du seuil de pauvreté de 1$ mer d'importantes dépenses directes de qui utilise les services de santé santé sous forme de primes d'assurance, de Source: Calculs de l'auteur, d'après les statistiques des enquêtes de démographie et co-paiements et de contribution à des ser- de santé, moyenne pondérée pour 30 pays à revenu faible et intermédiaire. vices non couverts.372 Figure 8.4 La situation des plus riches est meilleure dans l'absolu. 5eleplus 5eleplus ~~~... et n'ont pas la possibilité 5' le plus 5' le plus pauvre riche de s'assurer de bonnes conditions Inde t V de santé Turquie y y les principaux facteurs qui déterminent de mauvaises conditions de santé sont les mau- Indonésie t vaises habitudes alimentaires, le manque de Zambie précautions dans l'utilisation de l'eau et dans Zambie Tl'évacuation des déchets et des eaux usées, et Cameroun l l'inadéquation des soins en cas de maladie. L'analphabétisme, l'ignorance des femmes Égypte dans le domaine de la santé et le manque de Guatemala t t pouvoir de décision en sont souvent les causes (figure 8.5).37 Des études portant sur Philippines l l'écart entre la situation des riches et celle des 0 20 40 60 80 100 pauvres en matière de santé montrent que les % de naissances assistées par un personnel qualifié réactions des pauvres et des non-pauvres, Source: Gwatkin et autres (2000), enquêtes de démographie et de santé, moyenne pour les mêmes niveaux d'inputs, peuvent pondérée pour 30 pays à revenu faible et intermédiaire. être différentes. Au Sénégal, l'efficacité des vent des systèmes d'assainissement et du pauvres, pour ce qui est de tirer parti de l'eau contrôle des agents pathogènes.370 Une analyse potable, de l'assainissement et des services de portant sur 30 pays a montré que les per- santé, est de 39 % inférieure à celle des riches. sonnes qui disposent pour vivre de moins de 1 Au Mali, ce différentiel d'efficacité n'est que dollar par jour recourent toujours moins aux de 16 %, mais l'écart s'élargit avec le temps: soins médicaux que les autres (figures 8.3 et alors que la disponibilité des inputs pro- 8.4). gresse, la capacité des ménages pauvres à valoriser ces inputs en termes de santé reste ...payent le plus... insuffisante. La maladie enfonce les ménages dans la pau- vreté, en raison des pertes de salaire, des Carences du marché dépenses élevées qu'impliquent les graves et carences de l'État problèmes de santé et des traitements à répé- tition qu'impliquent les autres affections. Les Les carences du marché et le souci d'équité ménages les plus pauvres consacrent à la impliquent une forme de financement gou- santé une part plus importante de leurs vernemental des services de santé et de nutri- dépenses non alimentaires que les autres. tion. Un type de carence de marché est l'in- Services de santé et de nuitrition 159 suffisance de la fourniture des services de Figure 8.5a Les femmes pauvres en savent peu prévention et de traitement des maladies qui sur le sida se répandent au sein de la population géné- Se le plus 5' le plus rale. Un autre type de carence est la crise des pauvre riche marchés de l'assurance et du crédit, qui Tanzanie entraîne un appauvrissement des popula- tions.375 Le souci d'équité procède soit d'un Senegal choix social soit de l'idée que la santé est un Pérou t des droits de la personne humaine (voir Turquie V encadré 2.2). Mali Les conflits d'intérêt et la capacité des ser- vices à provoquer de graves dégâts justifient Madagascar V V aussi l'implication de l'État dans la presta- Indonésie V V tion de services. Les patients parviennent _ difficilement à attribuer leur état de santé à Guatémala V V telle ou telle mesure. Ils ne peuvent donc pas Comores V V juger correctement de la qualité des presta- Bolivie V V taires de soins. Même si la réactivité aux besoins des patients est souvent meilleure Indie t V dans le secteur privé, la qualité technique 0 20 40 60 80 100 des services y varie largement, elle peut être Pourcentage de femmes ayant des connaissances sur la transmission sexuelle du sida, très bonne comme elle peut être très mau- par tranche de richesse vaise (chapitre 4). La complexité des services Source: Calculs de l'auteur duaprès les enquêtes de démographie cliniques, d'un point de vue technique, et de santé, 1995-2002. confere aux prestataires un pouvoir considé- Figure 8.5b Les maris disent non à la contraception rable pour influer sur la nature et sur la quantité des services qu'ils assurent - pour riche pauvre leur propre profit financier. La recrudes- Boii cence récente des césariennes dans les pays à Boivie revenu élevé comme dans les pays à revenu Turquie V V faible en est une bonne illustration.376 Tanzanie V V Les gouvernements tentent souvent de PéY résoudre les conflits d'intérêt au moyen de la Pérou prestation directe de services, avec un Kenya V V contrôle administratif serré et l'application Bangladesh t V d'un esprit de service public. Cependant, contrôler si les services sont véritablement Philippines v V assurés et si leur qualité est adéquate est par- Côte d'ivoire t V fois difficile. Ces carences « bureaucratiques » Namibie V V sont particulièrement importantes dans le cas de services à caractère très discrétionnaire et Ouganda V V intensifs en transactions comme le diagnostic République ' t et le traitement des maladies. Dans les centres Centrafricaine éle 0~ ~~~~ 20 40 60 80 100 de santé, les taux d'absentéisme sont élevés37' Pourcentage de femmes ayant indiqué que leur mari (chapitre 1) et même si la qualité technique n'approuve pas le recours à la contraception, est souvent légèrement meilleure dans le sec- par tranche de richesse Source: Calculs de I auteur d après les enquêtes de démographie teur public que dans le privé, les insuffisances et de santé, 1995-2092. de qualité y restent présentes. En 1996, en Tunisie, 20 % seulement des cas de pneumo- chés de l'assurance en gérant des hôpitaux nie étaient traités correctement et dans 62 % publics « gratuits ». Les bénéficiaires de ces des cas, on y observait une administration services sont généralement les non-pauvres d'antibiotiques inappropriée.378 des zones urbaines (chapitre 2). Ils utilisent Les gouvernements cherchent aussi à leur poids politique pour assurer le main- résoudre le problème des carences des mar- tien des dépenses publiques consacrées à ces 160 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 hôpitaux (qui coûtent cher) - souvent aux pauvres, qui se tournent principalement dépens de services qui auraient pu avoir un vers les prestataires privés pour le traite- impact réel sur les pauvres. ment des maladies, comptent sur le secteur Un certain nombre de services de santé public pour les vaccinations (93 %) et les sont des biens privés, et tous les pays dispo- soins prénatals (74 %).380 sent d'un marché des soins privés. La plu- Les frontières entre services du secteur part des pays industrialisés ont commencé public et services du secteur privé sont avec des systèmes de santé privés. Dans les devenues floues. Un certain nombre de pays à revenu faible et intermédiaire, les gouvernements subventionnent des services dépenses directes ponctuelles représentent assurés par des prestataires privés - ce que une part importante des dépenses de santé, font tous les pays riches, et de plus en plus même dans les pays où les systèmes publics souvent, les pays à revenu faible et intermé- fonctionnent bien (figure 8.6). Enfin, Au diaire, comme l'illustrent l'exemple du Sys- cours de ces 20 dernières années, on a tème de sécurité sociale thaïlandais, assisté à une croissance notable de la presta- l'exemple du système polonais d'assurance tion privée (souvent sans contrôle) et des sociale et l'exemple des subventions aux dépenses privées de santé.379 prestataires à but non lucratif en Ouganda. Dans le monde, les couches sociales les Un certain nombre d'établissements publics plus riches recourent généralement davan- font payer leurs services, et introduisent tage au secteur privé, mais la situation dif- ainsi un système de transaction de marché fere selon les pays. Les plus riches utilisent dans la prestation de services publics,38' et aussi davantage les établissements publics - les pauvres dépensent des sommes substan- ce qui indique que les subventions ne sont tielles pour pouvoir en bénéficier.382 pas bien ciblées. La répartition entre secteur On a aussi constaté une croissance géné- public et secteur privé varie selon le type de ralisée des paiements informels aux presta- service (figure 8.7). Le secteur privé est taires publics en Afrique, en Extrême- impliqué dans un certain nombre de ser- Orient et en Europe de l'Est,383 ce qui vices fondamentaux, comme le contrôle des représente une tendance informelle des ser- maladies infectieuses et la santé de l'enfant vices publics à suivre les règles du marché. et de la reproduction. Cependant, c'est plus Les paiements informels ont fait gonfler le souvent le secteur public qui assure les vac- coût des soins de maternité « gratuits » au cinations, le planning familial et les soins de Bangladesh, qui atteint 31 $ pour un accou- maternité qualifiés. Même en Inde, les chement normal - un quart du revenu men- Figure 8.6 Une responsabilité publique, mais les dépenses dans le secteur privé sont importantes. Par revenu Sélection Privé (dépenses ponctuelles et par région du monde de pays -d irectes) Revenu faible Public _ Georgie Revenu intermédiaire, Cambodge tranche inferieure Revenu intermediaire, Inide tranche supérieureé C n Revenu élevé (groupé) >ame Égypte Mexique Asie du Sud Bangladesh Extrême-Orient Malaisie Moyen-Orient Guatémala Afrique subsaharienne 1 Mozambique Amérique Latine et Antilles Arabie Saoudite Europe et Asie centrale Turkménistan 0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 lûû Pourcentage des dépenses publiques et privées de santé en proportion du total des dépenses Source:OMS (1999), National Health Accounts, mise à jour2ûû2. Services de santé et de nutrition 161 Figure 8.7 La répartition entre secteur public et secteur privé varie entre les pauvres et les riches et selon le type d'action. Taux de traitement pour affections respiratoires aiguës Taux d'accouchements des établissements publics et privés des établissements publics et privés 5e le plus riche 5' le plus pauvre 5e le plus riche 5' le plus pauvre Afrique subsaharienne Zambie _Ouganda Mozambique Madagascar Ghana Public _ | Privé Éthiopie Cameroun Bénin Privé Public Asie du sud Pakistan Népal * Inde Bangladesh Moyen Orient Afrique du Nord Yémen Maroc Égypte Amérique Latine, Antilles Pérou Nicaragua Halti - ~~~~~~~~ ~ ~ ~ ~~Guatémala _ __ République Dominicaine Brésil _ * , m Bolivie Extrême Orient, Pacifique Vietnam Philippines Indonésie Cambodge Europe et Asie centrale Turquie - - Ousbékistan Kyrgyzstan Kazakhstan 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 Proportion d'accouchements ayant lieu dans un centre de soins Proportion d'enfants atteints de fièvre et de toux qui sont vus par un médecin dans les deux semaines Source: Calcuis de l'auteur d'après les enquêtes de démographie et de santé, 1995-2002. suel moyen du ménage - et 118 $ pour un taires grâce à leur argent et à leur capacité accouchement par césarienne.384 d'imposer une certaine discipline. Il s'agit d'autre part du chemin long de la responsa- L'application du cadre: bilité publique, des clients pauvres aux déci- les classes de services deurs politiques et des décideurs aux presta- Aux chapitres 3 à 6, nous avons développé un taires. En ce qui concerne les services de cadre pour l'analyse de la prestation de ser- santé, il arrive souvent que le chemin court vices qui identifie deux chemins selon les- ne fonctionne pas, en raison des conflits quels les pauvres peuvent en bénéficier. Il d'intérêt et de l'asymétrie de l'information. s'agit d'une part du chemin court, par lequel Par ailleurs, les pauvres n'ont pas l'argent les clients exercent un pouvoir sur les presta- nécessaire pour procéder aux transactions de 162 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 marché. Cependant, la complexité des ser- formation destinée à promouvoir une évo- vices et l'hétérogénéité des besoins en lution du comportement en matière de matière de santé rendent difficile la presta- nutrition ou de sexualité. Il s'agit d'un ser- tion de services et le contrôle de la perfor- vice discrétionnaire, qui doit être personna- mance - une des principales carences lisé en fonction du contexte social de la « bureaucratiques » du chemin long de la famille, mais qui implique des transactions responsabilité. Le fait que les pauvres n'aient professionnelles moins intensives que les pas suffisamment voix au chapitre dans les services liés au traitement d'une maladie. décisions relatives à l'utilisation de l'argent Les carences du chemin court et du chemin public est une autre carence de ce chemin long sont peu importantes. long. Certains services professionnels, malgré Les services de soins cliniquies sont des ser- leur caractère technique et intensif en tran- vices à caractère très discrétionnaire et inten- sactions, sont aussi bien normalisés et moins sifs en transactions, les diagnostics et les trai- discrétionnaires. Ces services comprennent tements devant être très personnalisés. C'est ceux qui répondent à des besoins homogènes ce qui rend difficile l'un des deux aspects du de la population: contrôle des vecteurs de chemin long, le contrôle du prestataire par le maladies infectieuses, vaccinations, complé- décideur. Pourtant, les carences du marché de ments en vitamine A, dépistage du diabète. l'assurance impliquent l'intervention de l'État Ces services orientés vers la population peu- dans les services à coût élevé, comme les ser- vent être assurés à travers une action sociale vices d'hospitalisation et de traitement des ciblée sur les pauvres. Lorsque les interven- pathologies graves. Cependant, souvent, ces tions dans le domaine de la santé ont d'im- services onéreux financés par l'État profitent portants effets externes comme le contrôle principalement aux non-pauvres. L'autre des maladies contagieuses, le chemin court, aspect du chemin long (le pouvoir d'expres- tendance marché, risque fort de ne pas fonc- sion) pose donc problème également. Autre- tionner. Si la technologie permet la normali- ment dit, les pauvres doivent revenir au che- sation, c'est alors cette formule qui est à choi- min court des achats directs de services. sir, les décideurs politiques pouvant Cependant, ce chemin ne fonctionne pas non contrôler la performance et les conditions plus, à cause de l'asymétrie de l'information dans lesquelles se fait la prestation. entre le client et le prestataire - ainsi que du La technologie est en évolution constante, manque d'argent du client. Un dilemme! et aucun type d'intervention n'appartient La tâche est un peu plus facile pour les automatiquement à une catégorie (encadré services qui aident à l'auto-prise en charge 8.3). De nouvelles méthodes de prestation de des familles et des collectivités, comme l'in- services sont continuellement développées, E N C A D R É 8 . 3 L'équiilibr'e chan771gean1t en1tre soin1s et précaultion1 qui7 traite quoi, et où ? Tout au long du XXe siècle, les institutions presta- services requis. Le traitement hospitalier de la s'est développée d'abord dans les pays occi- taires de services ont répondu - parfois avec len- tuberculose (le sanatorium) a été remplacé par dentaux, où elle a constitué le fondement des teur - à l'évolution rapide des technologies de la des soins cliniques en consultation externe - systèmes. La prédominance des hôpitaux en santé. Chaque pays a choisi une certaine combi- grâce aux antibiotiques. Plus tard, le dépistage occident ne date que du 20e siècle. Au naison de « modes de prestation » en fonction des et le traitement - DOTS (traitement de courte contraire, les hôpitaux ont joué un rôle bien coûts et des normes internationales mais aussi de durée sous surveillance directe) - ont été nor- plus important dans la prestation de soins en ses caractéristiques propres, telles que contraintes malisés pour permettre la prestation à travers consultation externe en Europe de l'Est et en géographiques et de densité, capacités de trans- l'assistance sociale aux communautés. De Asie centrale, ainsi qu'en Amérique Latine, au port et d'infrastructure, de l'infrastructure de santé même, les nouveaux traitements du sida et du Vietnam et au Sri Lanka. En Afrique, les sys- héritée des innovations technologiques du passé, cancer n'exigent plus une longue hospitalisa- tèmes de santé se sont développés par le biais caractéristiques du marché du travail, formation et tion. Les fonctions de soin et de prévention de des hôpitaux et des centres de soins mobiles orientation des prestataires, etc. D'un pays à un l'hôpital évoluent aussi. Les hôpitaux devien- depuis le début du 20e siècle, les soins pri- autre, ce qui fait l'objet d'un traitement en séjour nent des centres de soins à long terme pour les maires n'émergeant que dans les années hospitalier, d'un traitement en consultation personnes âgées, tandis que les procédures quatre-vingts. On recourt aussi à différents externe,sous forme de prestation d'un dispensaire complexes sont de plus en plus souvent réali- niveaux de compétence pour les mêmes ou de visite à domicile est loin d'être normalisé. Il sées dans le cadre de soins ambulatoires. Les interventions. Le recours aux techniciens de la en est de même de ce qui est effectué par les pro- soins à domicile reviennent à la mode. santé et aux infirmières pour les césariennes a fanes, par les infirmières, par les médecins généra- . Pour des niveaux de technologie similaires, les été une réussite au Mozambique, alors que listes et par les spécialistes. pays ont opté pour différents modèles et ont dans les autres pays, on fait appel à des méde- Le progrès technologique engendre des modifi- obtenu des taux de réussite comparables. La cins généralistes ou à des obstétriciens quali- cations de nature, de type et de quantité des prestation par des praticiens indépendants fiés. Services de santé et de nutrition 163 qui réduisent le besoin et la difficulté du pays comme la Bolivie, l'Inde, le Maroc ou contrôle, aussi bien pour l'État que pour les le Mozambique, moins de 30 % du cin- citoyens. Les modes d'intervention de l'État, quième le plus pauvre de la population ont dans différents pays, sont de plus en plus nor- accès aux médias. Rares sont les ménages malisés là où la technique est élaborée et où pauvres qui reçoivent la visite des agents de des services moins discrétionnaires peuvent développement, les visites atteignant un pic être mis en place, contrôlés et assurés par l'É- de 20 % des ménages en Indonésie et au tat, avec des actions pour que les pauvres en Pérou. bénéficient. Ces interventions peuvent être La plupart des pays ont connu un certain destinées à des couches de la population dont succès en améliorant l'accès physique des les besoins sont similaires. Un autre moyen communautés pauvres à des services orien- de procéder consiste à rendre les services tés vers la population - témoins la vaccina- moins intensifs en transactions - et à réduire tion universelle des enfants, les efforts le besoin d'un contrôle de la part de l'État - en d'éradication de la polio et l'élimination de donnant aux pauvres le pouvoir de diriger les l'onchocercose. En Egypte et au Mexique, services qui correspondent à leurs besoins et les dispensaires itinérants sont une réussite. à leurs caractéristiques (figure 8.8). Cependant, poursuivre ces efforts pour les Le tableau 8.1 présente certains des prin- pauvres n'est pas sans poser des problèmes. cipaux obstacles qui limitent la couverture En Inde, une faible demande et une mau- des pauvres en ce qui concerne les services vaise qualité réduisent l'efficacité des ser- liés à la santé et à la nutrition. Le manque vices de planning familial. Un État peut d'accès à l'information et aux réseaux de facilement contrôler de tels services, mais distribution des biens liés à la santé est un souvent, il n'y investit pas assez. Dans les des principaux obstacles à l'utilisation des pays en transition d'Europe et d'Asie, le systèmes d'aide à l'auto-prise en charge remplacement de la prestation publique de orientée vers la communauté ou la famille. services par une assurance sociale a engen- Souvent, les populations rurales ne peuvent dré une confusion à propos du rôle de l'État se procurer au détail des préservatifs, du dans le domaine de la santé, avec pour savon, des récipients pour l'eau ou des conséquence une négligence de ces services moustiquaires. Lorsque la possibilité existe, et, par suite, une recrudescence des mala- c'est le prix qui reste un obstacle. Dans des dies contagieuses. Figure 8.8 Rendre les services de santé plus faciles à assurer, grâce à une normalisation et à davantage d'autonomie Intervention complexe: forte marge Autonomie discrétionnaire, activité intensive en transactions, Normalisation importante asymétrie de l'information, > ,-^ ~~besoins hétérogènes A l'initiative du client À 19 natiative du decideur politiu 164 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Tableau 9.1 Sélection d'exemples d'obstacles à la fourniture de services de santé et de nutrition aux pauvres Dimensions des performances Soutien à l'auto-prise en charge Services cliniques orientés Aclion sociale orientee des services de santé orienté vers la communauté vers l'individu vers la population et la famille Générale Connaissance Dem nde Analphabétisme et manque de Demande importante, mais forte asymétrie Faible demande pour des services connaissances des techniques de l'information entre une population peu essentiels (ex. vaccinations en Inde) de soins chez les pauvres, et surtout instruite et les prestataires; accès réduit chez les femmes à l'information technique Autonomie Allocation aux ménages défavorable Pas de contrôle sur les prestataires sociale- Faible pouvoir de décision des femmes aux femmes et aux enfants, surtout ment puissants; pas d'intégration des pauvres dans la vie publique, surtout au Moyen- en Asie du Sud dans les plans d'unification des risques Orient Accessibilité financière Faible accessibilité financière de I eau Faible accessibilité financière des primes Coûts de transport et d'opportunité saine, de l'alimentation, de la radio, d'assurance et des tarifs des services, et élevés pour les pauvres, même lorsque des magazines, des moustiquaires, appauvrissement provoqué par les maladies les services sont gratuits des préservatifs, etc. graves Accessibilité sociale Des facteurs sociaux et culturels ont Distance sociale entre les gens et les Information sur les avantages des et culturelle un impact sur les habitudes en matière prestataires: classes sociales et minorités services inadaptée par rapport aux de nutrition et de soins ethniques, castes en Inde, prestataires ayant valeurs locales et aux normes sociales reçu une éducation à l'occidentale en Afrique Accessibilité physique Manque d'accès à l'eau saine, aux Accès géographiquement réduit aux établis- Accès et demande accrus à travers réseaux de distribution et aux médias sements, en Afrique surtout, mais aussi dans des stratégies mobiles mais taux les zones pauvres d'autres régions du monde d'abandon élevés Disponibilité des Ceux qui fixent les normes, les leaders Déséquilibre notable entre régions pauvres et Modes de formation et de rémunération ressources humaines d'opinion, les aînés de la communauté régions riches et entre zones urbaines et zones des agents de santé n'incitant pas et les voisins résistent parfois au rurales pour les ressources humaines à assurer ces services changement qualifiées Disponibilité des Marchés déficients: absence de Médicaments trafiqués ou dangereux, surtout Souvent peu sensible à la dynamique facteurs consommables moustiquaires, de préservatifs, etc. en Afrique subsaharienne et en Extrême-Orient de marché Dualité de l'organisation Canaux d'information inappropriés: ex. Mauvaises conditions de fonctionnement des Souvent induite par l'offre, même si en cas information sur le sida et les préservatifs hétablissements, heures d'ouverture de planification centralisée, avec peu dans les dispensaires plutôt que dans inappropriées, mauvaise attitude du personnel d'implication des bénéficiaires les écoles ou les bars Qualité technique Information normalisée non comparable, Larges variations de la qualité des soins dans La normalisation permet une assurance diffusion d'information erronée les services privés, mauvaise utilisation des de qualité, mais la supervision peut être médicaments, prescription excessive de inappropriée, ce qui engendre des médicaments carences au niveau de la qualité Input/efficacité Efficacité technique de l'information Mauvaise combinaison des inputs: mauvais L'intégration dans les services cliniques technique fournie/du soutien communautaire équilibre entre investissement et dépenses est inefficace si le recours à ces services souvent inconnue récurrentes, manque d'inputs récurrents non est lent et en l'absence d incitations salariaux Gestion des ressources Faible niveau de coordination Insuffisance des médicaments et des fonds; Les approches verticales en termes de pluri-sectorielle absentéisme, travail au noir, pratiques infor- programme peuvent entraîner des coûts melles chez les fonctionnaires d'opportunité, en mobilisant des ressour- ces qui auraient pu être utilisées par d'autres services et en faussant le système d'incitations Gouvernance Offre Détournement des subventions par les Manque de transparence dans le financement Financement souvent dépendant des groupes les plus riches des centres de soins, détournement important bailleurs de fonds dans les pays par les groupes les plus riches à revenu faible D'après Claeson et autres i2003). Les pays à revenu faible ont des difficul- de qualité pour les segments de la popula- tés à assurer l'accès physique aux services cli- tion exclus, vulnérables et difficiles à niques d'une grande partie de leur popula- atteindre. Une unification des risques tion. Au Tchad, 20 % seulement du inéquitable laisse les pauvres exposés au cinquième le plus pauvre de la population risque financier de maladie dans la plupart habite à moins d'une heure d'un centre de de ces pays. Des études montrent la grande soins. Les pays à revenu intermédiaire ont inefficacité avec laquelle les centres de soins plus de mal à assurer des soins abordables et sont gérés. En Turquie, une étude a montré Services de santé et de nutrition 165 que 54 seulement des 573 hôpitaux non * Que l'implication des pauvres dans la Figure 8.9 Avec des services de santé spécialisés - publics et privés - pouvaient coproduction et le contrôle des services gérés au niveau communautaire, une étre considérés comme fonctionnant de soit encouragée. utilisation accrue et moins de dépenses 385 E~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~tude randomisée sur trois districts manière efficace.35 Que le pouvoir du consommateur soit au Niger, entre 1992 et 1994. Compte tenu d'une grande diversité des étendu, pour que celui-ci puisse se servir % d'augmentation du nombre situations et des problèmes, il s'agit fonda- des mécanismes de réclamation et de de consultations curatives mentalement de trouver un équilibre entre correction. 120 secteur public et secteur privé pour mini- 25% les plus pauvres miser les conséquences à la fois des carences Payer pour les services donne 80 du marché et des carences de l'État dans le du pouvoir Population moyenne financement et la prestation des services. Souvent, la première utilisation que font les 60 Un accroissement des ressources pour les pauvres du secteur commercial consiste à services de santé ne se traduira par une acheter les biens essentiels à l'amélioration _ meilleure situation pour les pauvres que si de leur santé. En Colombie et au Mexique, ces ressources servent à surmonter les obs- des coopératives communautaires distri- _ tacles à la prestation des services qui sont buent des moustiquaires traitées à l'insecti- 20 spécifiques au pays concerné (encadré 8.4). cide. Dans plus de 40 pays, les programmes Cela suppose évidemment que l'on défi- de marketing social reposent sur les incita- nisse les responsabilités de ceux qui doivent tions du marché. Ils ont permis d'accroître _ - faire en sorte qu'il y ait les ressources, l'in- l'utilisation des moustiquaires, des préserva- 20 formation et les mécanismes de mise en tifs, des contraceptifs, du savon et des désin- oeuvre nécessaires pour que tout cela fonc- fectants produits localement pour le traite- Contrôle Tarification Taxation tionne. L'équilibre entre le pouvoir de la ment de l'eau (lesquels ont réduit le risque ettarification clientèle et l'intervention de l'État devra être de diarrhée de 44 à 85 %),387 réduite différent selon la nature des services, le De modestes co-paiements peuvent aussi d'evolution des depenses de santé 3 86( dans chaque cas pays, les institutions et le gouvernement. constituer le ticket d'entrée des pauvres 20 dans les services cliniques, en réduisant le détournement des services prétendument 0 gratuits par les groupes les plus riches du consommateur (Encadré 4.4). Des études contrôlées, dans -20 C'estnotrepeuple. C'est notreargent, vous niepoan- plusieurs pays, montrent que les pauvres I . vez pas y toucher bénéficient davantage des services lorsque le _40 Le Président des comités de santé du Bénin, co-paiement leur a permis d'obtenir davan- en réponse à la tentative du ministère de la santé tage de transparence et de responsabilité de _60 de centraliser les fonds communautaires la part des prestataires (figure 8.9). Cepen- Contrôle Tarification Taxation destinés à la santé et de les re-transférer dant, pour qu'ils soient favorables aux ettarification à la trésorerie...réut pauvres, il faut que les co-paiements soient eduite retenus localement et liés à la performance, Source: Diop, Yazbeck et Btran 1995 Renforcer le pouvoir du consommateur peut et il faut qu'ils constituent une contribution permettre aux pauvres de mieux bénéficier au revenu des prestataires plutôt qu'une des services, grâce à une substitution ou à une compensation à l'inadéquation des fonds correction des faiblesses du chemin long de la publics (chapitre 4). responsabilité. Partout dans le monde, les Pourtant, pour un certain nombre de ser- pauvres se trouvent impliqués en tant vices, le pouvoir d'achat des pauvres reste qu'acheteurs, coproducteurs et contrôleurs des services de santé. Pour que les clients Tableau 8.2 L'accessibilité financière reste un problème pour les pauvres desusrvies ient svanté. P re orlesu clents Ratio (en %) du prix moyen annualisé des services de santé par rapport au revenu pauvres aient davantage de contrôle sur lesRuse -ArqedSd -Béil Tnae prestataires de services de santé, il faut: Plus pauvres 11,9 34,6 20,6 4,4 . Que le revenu des prestataires de services Moins pauvres 5,3 20,3 11,6 2,7 de santé dépende davantage de la Niveau intermédiaire 3,3 13,3 7,2 2,0 demande des clients pauvres. Moins nches 2,1 9,2 4,1 1,3 * Que les pauvres disposent d'un plus Plus riches 0,8 3,2 1,2 0,5 Sources.. Calculs de l'auteur, d'après les Enquêtes sur le niveau de vie et le développement au Brésil (19961, en Afrique grand pouvoir d'achat. du Sud (1993), en Tanzanie (1993-94), en Ouganda (1999), et enquête de contrôle longitudinale en Russie (1998). 166 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 ENCADRÉ 8.4 Mettre le prix pourlatteitndre les Objectifs e deéveloppettmeni tdui 8-'îî,ii Où sont les goulots d'étranglement ? Quels seraient le coût et l'impact d'une solution à ces goulots d'étranglement ? Améliorer l'auto-prise en charge au Madya Pradesh Coût par habitant % Scénario 3: élargir l'accès Scénario 2: généraliser Scénario 1: En dollars US 100 aux services de soutien les habitudes domestiques améliorer 0,8 _ --' ----------! saines la qualité 80 ~~~~~~~~~~~~~~ ~~des habitudes 0,6 80 |------------;- domestiques 0,4 60 - - - - - - -0,2 Accès - réduit M 0. 0 40 -5 Initiation _ Mauvaises -10 réduite habitudes15 20 domestiques -20 * ~~~~~~~~~~~~~~~~-25 0 -30 % des enfants % de la population % des enfants de % des enfants de Taux de mortalité avant l'âge vivant avec leur bénéficiant d'une 1 à 3 mois nourris 4 à 5 mois nourris de cinq ans mère ou avec assistante/infirmière/ exclusivement exclusivement leurs deux parents sage-femme au lait maternel au lait maternel Services d'action sociale en Éthiopie % En dollars US loo Scénario 3: élargir l'accès Scénario 2: Scénario 1: 0,5 _ É rûulie l'utilisation réduire 04 _........... . _ le nombre 0 80 d'abandons 0,3 0,2 60 0,1 0,0 O 40 | | Faible utilisation -10 20 - - Abandons -15 0 -20 % besoins % de la population <15 km % d'enfants % d'enfants Taux de mortalité avant l'âge satisfaits en d'un centre de soins vaccinés BCG vaccinés de cinq ans infirmières (auxiliaires) fonctionnel ou DPT1 DPT3 Soins cliniques à Madagascar % En dollars US 100 Scénario 3: davantage Scénario 2: accroître Scénario 1: d'équité dans l'accès la demande de services améliorer 4 80- --------------- cliniques la qualité 3 des traitements 2 60 i | Ô _ . 0 40 I O I 0 Faible -10 _ _ ~~~~~~~~utilisation _. __-15 20 - M Mauvaise -20 - m utilisation ~~~~~~~~qalté-25 M -30 % besoins % de la population % des cas de patho- % des cas de pathologie Taux de mortalité avant l'âge satisfaits en < 5 km d'un centre logie respiratoire respiratoire traités par de cinq ans personnel soignant de soins pour lesquels des un centre de soins Impact sur la santé publique (réduction (1/10 000) fonctionnel soins sont demandés ou par un agent à partir du seuil de départ sur 5ans) hors domicile de santé qualifié Services de santé et de tnuitrition 167 E N C A DR É 8 . 4 Aettre le prix rf î atteindre les t i,f:1 / 'olarip l .L " (111 Nfillémnaire (suite) Souvent, les approches budgétaires ne font pas le limitées, d'où une "frontière de couverture" réelle rentes qui soutiendront de façon spécifique les lien entre l'argent dépensé et les résultats atten- (à 80%). En Ethiopie, le principal goulots d'étran- stratégies les plus susceptibles d'améliorer l'effi- dus. L'impact des fonds publics investis dans les glement est constitué de la couverture avec au cacité de la demande (scénario 1), de favoriser services de santé et leur contribution aux Objectifs moins une dose de DTC (vaccin diphtérie-tétanos- un accroissement de la demande (scénario 2) ou de développement du Millénaire sont donc diffi- coqueluche) par rapport à l'accès géographique, d'élargir l'accès aux services de santé et d'ac- ciles à évaluer. Dans la budgétisation de la contri- tandis que le taux d'abandon, entre la première croître la disponibilité du personnel de santé bution des services de santé et de nutrition aux dose et la troisième, constitue un autre obstacle à (scénario 3). Cela permet aux ministères de la Objectifs, il convient de réfléchir aux trois ques- une couverture adéquate par les services d'action santé et des finances de déterminer le montant tionssuivantes: sociale.Accroîtrel'utilisationdesservicesdevacci- des dépenses nécessaires pour soutenir les 1. Quels sont les principaux goulots d'étrangle- nation grâce à l'information et à la communica- objectifs, et pour inciter les décideurs à assurer le ment qui empêchent la prestation des services ion (scénario 2) et rechercher ceux qui y échap- financement des activités prioritaires, celles qui de santé, et quelles sont les possibilités d'amélio- pent (scénario 1) peuvent permettre de porter la visent à résorber les principaux goulots d'étran- ration ? couverture adéquate à plus de 80%. Dans l'État de Madhya Pradesh, en Inde, une initiation tardive et glement en matière de couverture. L'analyse des déterminants de la couverture le fait que les bébés ne soient pas nourris unique- 3. En résorbant les goulots d'étranglement, que basique des interventions, en termes de disponi- ment au lait maternel sont les principaux goulots peut-on obtenir dans le domaine de la santé bilité des ressources critiques (humaines et d'étranglement identifiés dans le domaine de publique ? matérielles), d'accessibilité physique, de l'auto-priseen charge.Accroître l'utilisation (initia- demande (utilisation des services) et de conti- tion précoce à l'allaitement maternel, scénario 2) Le progrès de la couverture, dans des interven- nuité et de qualité des services de santé, aide à et la qualité (exclusivité de l'allaitement maternel tions spécifiques réalisables au moyen de straté- identifier les principales contraintes liées à l'élar- scénario 1) des pratiques domestiques saines' gies bien ciblées et de budgets, tels que définis gissement de la couverture. grâce à l'information, et la création d'un contexte précédemment, peut se traduire par des À Madagascar, les goulots d'étranglement, favorable peuvent faire passer la couverture effec- mesures de progrès dans le domaine de la santé, pourlessoinscliniques,sesituentprincipalement tiveà prèsde80%. à l'aide de divers modèles épidémiologiques. au niveau de la mauvaise qualité, de l'utilisation et L'analyse préliminaire peut faire apparaître la de la disponibilité des ressources humaines. Un 2. Quel montant est nécessaire pour obtenir les réduction du taux de mortalité avant l'âge de accroissement de la demande de services cli- résultats que l'on souhaite? cinq ans à attendre d'une suppression des gou- niques (scénario 2), surtout pour ce qui concerne Une fois identifiés les goulots d'étranglement lots d'étranglement relatifs aux soins cliniques, l'utilisation des centres de soins et le recours aux relatifs à la couverture et les possibilités d'amé- aux services d'action sociale et à l'auto-prise en agents de santé qualifiés pour le traitement des lioration (les frontières de la couverture) pour charge à Madagascar, en Ethiopie et au Madhya infections respiratoires graves (scénario 1) pour- chaque mode de prestation des services de Pradesh,en Inde. rait porter à près de 60% la couverture effective santé, il est possible de calculer le coût des stra- de ce type d'intervention. Les possibilités d'amé- tégies, en utilisant les statistiques propres au lioration de la disponibilité du personnel de santé pays concerné. On peut alors préparer les bud- dans les zones rurales pauvres (scénario 3) sont gets d'investissement et de dépenses récur- Source: UNICEF et Banque mondiale (2003). insuffisant pour surmonter les obstacles tari- soins cliniques pour les adultes, ont rendu les faires (tableau 8.2). Les programmes de com- premiers services plus abordables.393 mercialisation des préservatifs ont peu de Les transferts directs vers les ménages chances de favoriser les pauvres au cours de clients - subventions du côté de la demande - leurs premiers stades, et le souci de la couver- peuvent aussi renforcer le pouvoir du ture des coûts aboutit à exclure les plus consommateur. L'expérience des bons pour pauvres.389 L'État peut alors accorder des sub- promouvoir l'utilisation de certains services ventions, comme c'est souvent le cas pour la bien définis est probante. Les bons alimen- nourriture destinée à compenser la malnutri- taires peuvent permettre d'augmenter la tion. Il faut parfois que les subventions soient consommation alimentaire.: )4 Au Honduras très élevées pour que l'utilisation des services et au Nicaragua, les familles reçoivent des s'en trouve substantiellement accrue chez les subsides à condition qu'elles utilisent les pauvres, comme le montre l'expérience des principaux services de santé préventive.395 Le programmes de distribution de préservatifs soutien financier au moyen de bons de gratuits aux prostituées39< et de distribution consultation a permis de réduire la préva- de moustiquaires dans le cadre des soins pré- lence des maladies sexuellement transmis- natals.39' La segmentation du marché, la tari- sibles chez les prostituées (encadré 8.5). On fication par degrés et la différenciation des peut citer aussi les allocations dont les produits peuvent ici être utiles. Au Malawi, les pauvres ont bénéficié en Chine.396 Toutefois, moustiquaires pour femmes enceintes, hau- la manière dont les subventions sont gérées a tement subventionnées, different par leur son importance. En Tanzanie, les femmes couleur et leur forme des moustiquaires nor- enceintes pauvres ciblées par le programme males vendues au prix du marché. En Boli- de distribution de moustiquaires n'ont vie, les subventions croisées des services de presque jamais utilisé les bons, probable- santé préventive, maternelle et infantile, avec ment parce que le montant des subventions l'utilisation des marges sur la tarification des était insuffisant.397 168 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 tives à la nutrition, la coordination et la ges- E N C A D R É 8 . 5 boi I poii l les jprtostitiées tion étant assurées par des volontaires choi- sis par les collectivités locales. Au Hondu- ras, le programme AIN-C, impliquant À Managua,au Nicaragua, un programme de prostituées utilisatrices des bons, l'incidence fortement la communauté, a permis de bons fonctionne depuis 1995, dont l'objectif des maladies sexuellement transmissibles a est d'accroître le recours des prostituées aux chuté de 65 % au cours des trois premières réduire de 31 % la malnutrition sévère. Les services de santé de la reproduction. Les années de fonctionnement de ce pro- organisations de la société civile peuvent bons leur donnent droit à des services gra- gramme. Ces bons sont maintenant à la . ... tuits dans certains dispensaires, qui peuvent portée des clients des prostituées et de leurs servir d'itermédiaires entre les clents et les être publics, à but non lucratif ou gérés par partenaires. prestataires. Des associations de soutien aux des ONG. Le dispensaire retourne le bon à femmes ont aidé à répandre la pratique de l'agence émettrice, laquelle rembourse le prestataire selon un tarif convenu. Parmi les Source: Gorter et autres (1999). l'allaitement maternel exclusif en Afrique et en Amérique Latine. Parmi les autres exemples de réussite, on peut mentionner le Un problème que posent les subventions recours accru aux solutions de réhydrata- est qu'elles n'atteignent pas toujours les tion par voie orale, le progrès de la santé pauvres comme il le faudrait. En Thaïlande, environnementale et le progrès des inter- dans le cadre du projet d'assurance pour les ventions contre le sida.400 revenus faibles, les subventions orientées du Les communautés s'impliquent souvent côté de la demande ont été utilisées pour les dans la construction de centres de soins. services cliniques, mais un tiers environ des Cependant, elles assument aussi, souvent, la bénéficiaires n'étaient pas des pauvres, et la prestation et la gestion des services profes- moitié des pauvres n'en ont pas bénéficié.398 sionnels de santé, comme au Pérou où plus Les subventions du côté de la demande ont de 500 dispensaires gérés par les collectivités aussi leurs limites, lorsqu'elles sont accor- locales couvrent plus de 2 millions d'habi- dées isolément. Même des programmes de tants.40' Des pharmacies coopératives ont transfert bien ciblés, dans le domaine ali- fleuri en Haïti, au Nigeria et à Singapour. La mentaire, ont rarement un impact mesu- disponibilité de médicaments de qualité rable sur la malnutrition, lorsqu'ils ne sont progresse, grâce à des fonds de roulement pas accompagnés de programmes destinés à contrôlés par la clientèle en Mongolie, au promouvoir l'allaitement maternel, les Vietnam et en Afrique de l'Ouest, et grâce à compléments alimentaires, l'hygiène et le des pharmacies spéciales en Ethiopie. De tels traitement des maladies des enfants. Au projets, qui sont particulièrement résistants Mexique, la réussite du programme d'édu- aux crises, peuvent être une source de stabi- cation, de santé et de nutrition (Progresa - lité et de durabilité. En République Démo- voir « Pleins feux ») a été rendue possible cratique du Congo, le projet zones de santé a par un programme parallèle d'équipes de permis de continuer d'assurer des vaccina- santé itinérantes.399 tions par le biais de services gérés au niveau communautaire après plus de vingt ans, sans La coproduction des services que soit nécessaire un soutien de l'État ni des de santé bailleurs de fonds.402 L'auto-prise en charge est un type de copro- Le contrôle du client sur le personnel de duction de service particulièrement impor- santé, en termes de finance et de gestion - le tant, qui sollicite les pauvres comme les pouvoir de recruter et de congédier - peut riches et qui est plus répandu dans les pays permettre de faire en sorte que les services industrialisés que l'utilisation des services soient véritablement assurés. Au Mali, des professionnels. Un soutien aux familles et associations d'usagers emploient et paient aux communautés pauvres permet à celles- des professionnels de la santé qui servent ci de lutter contre la malnutrition, comme plus de 6 millions d'habitants (voir « Pleins en Extrême-Orient où des programmes feux sur l'initiative de Bamako »). Là, communautaires ont été liés aux structures comme au Pérou, la participation des pres- de prestation des services, souvent à tataires est importante et les centres com- l'échelle des villages pour les soins de santé munautaires sont fortement impliqués primaires. Des fonctionnaires ont reçu une localement. Cependant, cette approche peut formation pour s'occuper d'actions rela- poser problème. La relation entre les com- Services de santé et de nutrition 169 munautés et le personnel de santé peut un pic. Cependant, un changement des com- devenir antagoniste, et une intervention de portements n'est possible que lorsqu'il est l'État peut être nécessaire pour arbitrer en fondé sur une bonne compréhension des cas de désaccord. Enfin, le droit des comités normes culturelles et des liens entre le com- locaux de recruter et de congédier le per- portement et la maladie - et lorsque les sonnel ne signifie pas grand-chose dans des acteurs locaux sont impliqués. Les pro- pays confrontés à de graves pénuries des grammes de nutrition communautaires ont ressources humaines. En Zambie, au cours souvent permis des progrès dans ce domaine de la réforme des services de santé, la plu- grâce à des échanges d'information, comme part des districts ont employé le personnel dans le Tamil Nadu en Inde. Les programmes qui travaillait déjà dans les centres de soins. de micro-crédit du Comité d'action rurale au Au Mali, la pénurie des infirmières a rendu Bangladesh ont permis aux femmes d'avoir difficile le recrutement, ce qui a compromis un plus grand contrôle sur les ressources le contrôle des clients sur les prestataires en mais ils ont aussi engendré un progrès des première ligne.403 connaissances.40' Les mécanismes de solidarité destinés à Les clients peuvent avoir davantage d'in- protéger les couches socialement et écono- fluence sur les prestataires lorsqu'ils partici- miquement défavorisées en unifiant les res- pent au processus de décision et au contrôle sources financières peuvent permettre aux de certains aspects de la fourniture des ser- communautés d'être davantage en position vices. En Bolivie comme au Vietnam, le de force dans les négociations avec les pres- contrôle communautaire de la performance tataires de soins. Des plans de micro assu- des services de santé permet aux collectivi- rance maladie ont été conçus en fonction de tés d'appréhender les principaux obstacles modes traditionnels d'auto-organisation situés du côté de la demande et de faire en comme l'épargne tournante - comme dans sorte que ces services répondent aux le cas des abotas en Guinée-Bissau et les sys- besoins de la collectivité. En Nouvelle- tèmes communautaires traditionnels aux Zélande, des représentants de la société Philippines.404 En Allemagne et en Corée du civile font aussi partie des comités de santé. Sud, de petites sociétés d'assurance à but Ces approches permettent une gestion plus non lucratif sont devenues des acheteurs transparente. Cependant, ces comités de indépendants de services de santé qui santé restent aussi vulnérables à un détour- signent des contrats avec des prestataires nement éventuel par les élites locales, sauf publics et privés.405 La proximité entre ces lorsque des mécanismes institutionnels per- assureurs et leurs assurés permet un mettent aux clients défavorisés d'être repré- contrôle réel. Cependant, la petite taille du sentés (chapitre 5).408 pool de risque les rend très vulnérables. La réassurance peut être utile,406 mais au prix Mise en oeuvre et réglementation de davantage de complexité, ce qui peut Les mécanismes de résolution de conflits entraîner les mêmes problèmes de gestion légaux et autres - services de médiation, sys- et de gouvernance que dans la prestation tème judiciaire et pressions sur les associa- publique à grande échelle. La transparence tions professionnelles - permettent l'exercice du contrôle direct de la part de la commu- de la responsabilité du prestataire. Cepen- nauté n'est plus possible. La généralisation dant, rien n'indique que ces mécanismes du système peut dès lors être fatale. favorisent les pauvres. Une étude réalisée aux États-Unis en 2000 a montré que 97 % des Information et contrôle gens ayant subi un préjudice mineur n'enga- Un des facteurs les plus efficaces pour renfor- geaient pas de poursuites. Les clients les plus cer le pouvoir du consommateur est l'infor- aisés allaient au tribunal, pas les plus pauvres. mation. L'information joue un rôle fonda- En Inde, les femmes des castes inférieures mental dans l'évolution des comportements sont moins susceptibles de recourir aux juri- d'auto-prise en charge. En Thaïlande, sous le dictions. 76 % des médecins indiens considè- patronage du gouvernement, des messages rent que la Loi sur la protection du consom- sur le sida ont été diffusés toutes les heures à mateur n'est que modérément efficace, en la radio au moment où l'épidémie atteignait raison d'une application insuffisante et d'une 170 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 résistance de la part des professionnels. Les diale, l'État devenant alors le leader incontesté sanctions constituent souvent une menace du système formel de santé. Un certain insuffisante, les prestataires de santé ayant nombre de pays en développement ont suivi, tendance à se couvrir mutuellement, et les les services de santé faisant partie du contrat chemins de la responsabilité ne favorisent pas social entre les États (souvent) nouvellement les clients pauvres. Dans bien des pays, une indépendants et leurs citoyens. Le modèle n'a corruption rampante au sein du système légal pas toujours été une réussite - si l'on en juge porte aussi préjudice aux pauvres.409 par les disparités qui persistent en termes de santé publique entre riches et pauvres dans les Faire que les citoyens aient pays à revenu faible et intermédiaire. Cepen- davantage voix au chapitre dant, certains pays - le Brésil, la Malaisie, le Sri davantage ~~~~~~~~Lanka et le Costa Rica (chapitre 1) - ont réussi Ne votez touit sitnplement pas pour votre mnaire mieux que d'autres à rendre le chemin long de (... ) s'il ne vots garantit pas l'accès à votre la responsabilité efficace pour les pauvres, progranitte de sainté. grâce aux éléments suivants: Les gestionnaires du Programme de santé ayant réduit la mortalité infantile à Ceara, au Brésil * La canalisation des ressources collectives vers les pauvres à travers divers méca- nismes d'allocation comprenant le Depuis l'antiquité, les conseils municipaux ciblage des maladies chez les pauvres, des ont toujours été impliqués dans la lutte contre régions pauvres, des prestataires de ser- la propagation de la peste, du choléra et de la vices proches des pauvres et des groupes lèpre. En revanche, ce n'est qu'au XXe siècle et individus vulnérables. que l'État est devenu le principal acteur de la * Le développement de coalitions permet- santé publique. Cela s'est produit d'abord tant aux pauvres de participer au proces- dans les systèmes de planification centralisée - sus de décision politique aussi bien à tra- Union Soviétique et autres - puis en Europe vers les élections qu'à travers l'expression occidentale après la Seconde Guerre mon- politique au sein de la société civile. L'instauration de règles de responsabilité pour le progrès, surtout chez les pauvres, E N C A D R É 8 . 6 Rendre l'assilratice nlal(idie effic(ice à travers davantage d'information et de poRdr les p rn aev-es contrôle des services de santé par les polir les pauvres ~~~~~~~citoyens. Les co-paiements n'ont pas toujours un carac- revenu consiste à instaurer une taxation pro- tère régressif (voir Chapitre 4), et le pré-paie- gressive de l'assurance sociale basée sur la mentetl'assurancenesontpasfavorablesaux rémunération, assortie d'un système égali- Quels services et pour qui ? pauvres par nature. Dans le système de finan- taire de répartition des profits. Cependant. cement communautaire tanzanien, les co- un tel système est souvent difficile à mettre Comment savons-nous si les pauvres ont paiements des couches les plus pauvres de la en oeuvre dans les pays en développement voix au chapitre ? On ne saurait dire aujour- population ont servi à subventionner des et en transition dont les capacités de taxa- d'hui si l'un des principaux mécanismes de soins au bénéfice d'assurés plus aisés. C'est en tion sont réduites (en Chine, la proportion petit nombre que les pauvres souscrivent à du produit intérieur brut collectée par itÉtat production de ressources pour les services des systèmes volontaires d'assurance mala- est passée de 30 % en 1980 à 10 % en 1999). de santé fondé sur l'action collective - assu- die, comme au Cameroun, au Ghana et au Par ailleurs, dans les pays à revenu faible, les Rwanda, et en proportion moindre que les impôts sont souvent dégressifs. rance sociale (modèle de Bismark) ou la plus riches, comme en République démocra- Une alternative, pour l'État, consiste à taxation générale (modèle de Beveridge) - tique du Congo,en Guinée et au Sénégal.On a subventionner l'assurance pour les pauvres, constaté que des systèmes d'assurance à l'aide d'échelles coulissantes en fonction fonctionne mieux pour les pauvres."' Pour sociale fondés sur l'emploi profitaient aux du revenu pour les primes et les co-paie- favoriser les pauvres, il faut que ces modèles couches plus aisées de la population, surtout ments. Les contributions en fonction du enAmériqueLatineetenAfrique.D'aprèsune revenu ont permis de promouvoir l'équité utilisent un certain niveau de subventions étudedessystèmesdefinancementenAsie,le en Israël, ainsi que dans le cadre du pro- croisées - soit par des primes différenciées niveau d'équité est faible. Les dotations desti- gramme de financement communautaire de nées à permettre le paiement des primes d'as- Gomoshasthaya Kendra au Bangladesh. L'É- soit par l'impôt progressif. Pour les pauvres, surance sont souvent détournées parles élites tat peut aussi développer des systèmes spé- c'est le paiement par un tiers (assurance ou locales, comme en Thalande pendant les pre- cifiques pour les pauvres, comme cela a été r r miers temps du système des cartes de santé. fait avec succès en Indonésie et en Thaï- autre forme de fonds de solidarité), davan- Parfois, les allocations permettent simple- lande. Ces deux approches supposent des tage que le pré-paiement, qui fait la diffé- ment aux couches plus aisées de la popula- moyens d'évaluation et la rétribution adé- r d 8.6` tion de recourir au secteur privé plutôt qu'aux quate en temps et en heure des prestataires. rence (encadré .6). services publics pour les soins. Il faut d'attendre aussi à des fuites. De même, on ne sait pas très bien si l'accès Un moyen qu'ont les gouvernements universel à un ensemble limité de services et d'assurerauxpauvres une protection de leur Source:Prekeretautres (2001). le ciblage des pauvres constituent les bonnes Services de santé et de nutrition 171 options. Souvent, ce n'est pas en ces termes dans quelle mesure les mécanismes qu'il a que se fait le débat. La plupart des pays de mis en place sont efficaces (tableau 8.3). l'OCDE recourent aux deux approches. Un La décentralisation a souvent été mise en certain nombre de pays à revenu intermé- oeuvre dans l'espoir qu'elle permettrait de diaire évoluent progressivement, et dévelop- mieux ajuster les dépenses aux besoins locaux pent divers programmes pour la protection et de réduire l'asymétrie de l'information des enfants, des femmes et des pauvres, entre citoyens et hommes politiques. Cepen- comme en Colombie, en Indonésie, en Iran dant, dans le domaine de la santé, les résultats ou en Turquie. Ces programmes finissent de la décentralisation sont inégaux.411 Elle ne parfois par fusionner pour former un sys- s'est pas toujours accompagnée d'un accrois- tème national de couverture universelle, sement des ressources dans les zones pauvres. comme cela s'est produit dans les pays indus- Le transfert de la fonction de prestataire vers trialisés et plus récemment en Thaïlande. les autorités locales a souvent représenté pour Souvent, un ciblage selon la géographie, l'âge ces régions un fardeau, qui ne leur a pas laissé ou l'individu - malgré des dérapages - per- beaucoup de capacités ni d'incitations à déve- met d'atteindre les pauvres. Cependant, il lopper la fonction politique et à promouvoir semble qu'une combinaison de mécanismes le contrôle par les citoyens. Le transfert de soit nécessaire, et chaque pays doit évaluer propriété des actifs - hôpitaux et dispensaires Tableau 8.3 Comment savons-nous si les pauvres ont pu se faire entendre ? Questions fondamentales Constatations Problèmes Existe-t-il un engagement constitutionnel * La plupart des pays ont une constitution qui exprime * L'absence de priorités et de ciblage incite les non- ou législatif à garantir à tous un certain niveau certains engagements à accorder un accès universel pauvres à chercher à obtenir davantage des services ou de services de santé ? ou des droits universels aux soins. Rares sont les pays à quitter les prestataires privés pour recourir aux pres- pour lesquels il existe un engagement explicite envers tataires publics. les segments les plus pauvres de la société. Des pro- * La répartition des ressources de santé est influen- positions fondées sur des droits comme la Session cée par une population ayant davantage de moyens spéciale pour les enfants de l'Assemblée générale des de se faire entendre et qui est souvent urbaine, et les Nations Unies peuvent constituer des bases légales ressources se concentrent autour d'une infrastruc- pour la revendication de l'accès aux services. ture hospitalière urbaine bien visible, comme au * A l'exception du Mexique, de la Turquie et des Népal. À l'exception de quelques pays (ex. Costa Rica, États-Unis, tous les pays de l'OCDE offrent aujour- Malaisie), les dépenses publiques de soins profitent d hui à leur population une protection universelle souvent de manière disproportionnée aux non- contre le coût de la maladie. pauvres (chapitre 2). Les maladies dont souffrent les pauvres * Les ensembles de services rentables qui répondent à * Les interventions rentables, dans le domaine de la sont-elles des priorités de l'action publique ? la charge globale que constituent les maladies recou- santé, sont souvent aussi détournées, dans une large pent souvent les maladies qui affectent surtout les mesure, par les couches sociales plus aisées. pauvres. * Le profil épidémiologique est souvent polarisé entre riches et pauvres. La priorité est-elle donnée aux services * Des études de l'incidence des soins primaires mon- * Dans un certain nombre de pays, les soins primaires qui sont proches des pauvres ? trent que ceux-ci sont significativement plus favo- profitent aussi davantage aux couches plus aisées de la rables aux pauvres que les soins hospitaliers. population. Les zones désavantagées en bénéficient-elles * Un financement basé sur la population et les besoins * Les régions les plus riches reçoivent souvent des sub- autant ou davantage que les zones plus riches? favorise le financement des dépenses de santé des ventions gouvernementales plus importantes que les couches pauvres. Au Brésil, des États plus riches régions les plus pauvres, comme on peut le constater comme le Parana ont vu leur part se réduire au profit pour le Bangladesh, la Kirghizie, la Mauritanie, le des Etats plus pauvres du Nord-Est. Mozambique, le Pakistan et le Pérou. * Résistance politique à l'égalisation. Les enfants, les femmes et les personnes âgées * La politique thailandaise d'exemption pour les * Les enfants pauvres et les femmes pauvres ne béné- bénéficient-ils des services publics? enfants et les personnes âgées a été largement une ficient pas toujours des services. Des hommes réussite. Au Mozambique, la politique d'exemption pauvres adultes en sont aussi exclus, dont la situation pour le traitement des maladies des enfants au niveau affecte indirectement celle des enfants et des des soins primaires a été en partie une réussite :65 % femmes. des enfants ont bénéficié de l'exemption. Les ménages bénéficient-ils de mesures * Les exemptions peuvent être efficaces lorsque des * Les exemptions se révèlent profiter trop rarement aux de protection spécifiques ? fonds sont disponibles pour rémunérer les prestataires, pauvres, elles profitent souvent aux fonctionnaires et à comme dans le cas du fonds d'assurance de la Kirghi- leurs familles. zie ou du plan Type B en Tha'ilande. Au Ghana, le pro- * L'évaluation du ciblage des individus est laissée aux gramme d'exemptions de droits pour les pauvres a été prestataires, ce qui engendre un conflit d'intérêt. initialement une réussite, mais il a vacillé par la suite, les prestataires ne recevant pas leur rémunération. Sources: Pearson et Relli (2003) et Soucat et Rani (2003ai 172 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 - aux autorités locales a aussi incité les élites Les organisations de la société civiles peu- locales à faire des rentes. En Ouganda, les vent assumer la défense des intérêts des allocations aux services de santé ont diminué groupes qui sont autrement oubliés ou qui lorsque les districts se sont retrouvés respon- font l'objet d'une discrimination, comme lors sables de la prestation des services, de la ges- de la campagne et de l'action en justice pour tion du personnel et de l'allocation des res- interdire l'utilisation de la quinacrine dans le sources de santé. Les dépenses de soins cadre de la stérilisation chimique en Inde. De primaires sont passées de 33 % à 16 % entre telles organisations peuvent bâtir des coali- 1995 et 1998, et l'utilisation des services de tions pour servir les intérêts des défavorisés. santé maternelle et infantile s'est significati- Aux Philippines et en Afrique du Sud, la pres- vement restreinte412 (chapitre 10). sion des groupes d'entraide et des ONG a débouché sur un dialogue productif à propos Des coalitions en faveur des pauvres de la manière de répondre au sida. Le bénéfice des services de santé étant large- Pourtant, malgré des années de participa- ment détourné vers les non-pauvres, il est tion, la plupart des systèmes de santé restent fondamental de former des coalitions favo- réticents à permettre à la société civile de rables aux pauvres, pour influencer les s'impliquer davantage dans la manière dont dépenses de santé. Le processus démocra- les allocations doivent être dirigées. Les tique traduit ce qui est important pour les réformes du secteur de la santé se heurtent citoyens pauvres en matière de santé et de souvent à l'opposition de puissants syndicats soins. L'étendue des avantages des services de et d'associations professionnelles, qui dispo- santé et leur financement représentent un sent d'un poids bien plus fort que les enjeu électoral dans les pays industrialisés - citoyens pauvres et qui peuvent se battre et, de plus en plus, partout ailleurs. En Thaï- pour maintenir le statu quo, comme cela s'est lande, l'accès aux services de santé a été la produit en Nouvelle-Zélande. Néanmoins, pierre angulaire de la plate-forme politique des coalitions entre prestataires et citoyens du parti Thai Rak Thai, et son projet d'assu- peuvent parfois être motivées par une vision rance universelle, avec un co-paiement altruiste et permettre de meilleurs services. unique de 30 bahts, a fini par être mis en Des associations de médecins ruraux en oeuvre.413 Au Brésil, l'éradication de la faim a Thaïlande et de sages-femmes au Guatemala été un des principaux thèmes des récentes ont ainsi assuré la promotion de modes élections. alternatifs de prestation de services de santé Au-delà des urnes, les citoyens pauvres dont les pauvres profitent davantage. peuvent communiquer leurs préférences à l'occasion de consultations nationales, L information et le contrôle comme celles relatives aux documents de stra- pour davantage de responsabilité tégie de lutte contre la pauvreté (chapitre 11). vis-à-vis des résultats Une étude du processus de consultation por- Rendre les décideurs politiques responsables tant sur 25 documents de stratégie de lutte devant les citoyens pour la prestation des ser- contre la pauvreté montre que les pauvres vices de santé n'est pas une tâche facile. Un attachent une grande importance aux services patient qui meurt alors qu'il faisait la queue de soins, et plus particulièrement à l'accès, au pour entrer à l'hôpital public fait la une des prix et à la distance sociale. Dans l'Oregon, journaux. Cependant, les milliers d'enfants aux États-Unis, les compromis sur la couver- qui meurent de maladies qui auraient pu être ture des avantages sont discutés en consulta- traitées ou que l'on aurait pu prévenir par la tion avec le public. Aux Pays-Bas, le Rapport vaccination ne font pas autant parler d'eux. Dunning, qui proposait des critères pour Les responsables politiques trouvent plus rationaliser les services de santé, reposait net- facile de revendiquer la construction d'un tement sur les consultations des citoyens. hôpital ou la création d'emplois pour des L'implication des citoyens dans la budgétisa- infirmières et des médecins que la réduction tion est maintenant le moyen de leur donner de la malnutrition sur un sous-ensemble davantage voix au chapitre dans le domaine nomade de la population. Pourtant, lorsque de la prestation des services de santé, comme à ces services souffrent d'un ensemble de Porto Alegre, au Brésil (chapitre 5).4î4 carences du marché et de l'Ëtat, c'est aux Services de santé et de nutrition 173 décideurs qu'il revient de créer les conditions a établisse une norme de performance pour d'un progrès. Il faut qu'ils aient des comptes les services qu'il peut facilement contrôler; à rendre non pas par rapport à une produc- . facilite la prestation des services cli- tion de services en quantité de plus en plus niques par des prestataires autonomes; grande, mais par rapport à la juste réparti- a institue une fonction de contrôle solide. tion des progrès en matière de santé, à la pro- tection des citoyens contre les effets ruineux des dépenses de santé et à une assistance per- Mettre le prix mettant aux pauvres de sortir de l'exclusion Les insuffisances très courantes en matière de sociale. qualité technique et d'éthique, du côté des Lorsque les citoyens sont mieux informés prestataires en première ligne qui servent les et mieux éduqués, les hommes politiques pauvres - qu'ils soient publics ou privés - sont peuvent être plus responsabilisés. Les organi- les révélateurs d'un problème au niveau des sations de la société civile peuvent compenser incitations. 16 La solution réside dans une l'asymétrie de l'information entre les citoyens forme d'accord entre le décideur et le presta- pauvres et les décideurs politiques. Elles peu- taire visant à accorder les incitations du pres- vent faire appel à la participation des collecti- tataire avec les souhaits du décideur (La vités, pour que l'avenir des pauvres soit pris Bruyère avait déjà compris cela au XVIIJ en compte dans la politique. Le contrôle de la siècle). La manière dont un pays pourra créer performance de l'État, à l'aide d'un système des incitations pour que les prestataires de de bulletins comme au Bangalore ou en services de santé, autonomes ou dispersés, Ukraine (chapitre 5), peut être efficace, sur- aient à rendre compte des résultats, dépend tout lorsque des statistiques décomposées de la nature des services et de la capacité de selon les tranches de revenu sont disponibles. créer la responsabilité vis-à-vis des objectifs La société civile peut aussi servir de senti- publics au niveau de l'achat et de la réglemen- nelle. Un journal médical belge, en attirant tation.4'' l'attention sur certains dangers, est à l'origine Les contrats basés sur les résultats sont dif- de six décrets royaux relatifs à la législation ficiles à mettre en oeuvre car en matière de protectrice. En Bolivie, on a privilégié une santé, les résultats évoluent souvent lente- approche en termes d'étude d'impact asso- ment, il est difficile et coûteux de les mesurer, ciant des aspects pragmatiques, quantitatifs et ils dépendent de divers facteurs extérieurs et qualitatifs.4'5 Cependant, produire l'infor- aux services de santé. De tels contrats sont dif- mation permettant de soutenir les coalitions ficiles à rédiger lorsque les résultats dépendent en faveur des pauvres est un problème. Les d'une variété de services, certains profession- enquêtes épidémiologiques négligent parfois nels et d'autres non, comme dans le cas des les besoins des couches sociales marginales, tentatives de lutter contre la mortalité avant des minorités ou des personnes atteintes de l'âge de cinq ans ou contre le sida. Cependant, maladies moins fréquentes. l'expérience des programmes de nutrition pour les pauvres à Madagascar et au Sénégal Les accords: inciter montre que c'est possible, du moins en ce qui les prestataires à servir les pauvres concerne la malnutrition (encadré 8.7). Ce qui est moins difficile à mettre en Tant que les Itomnmes pourronit mourir, et qu 'ils oeuvre, ce sont les contrats basés sur les out- aimeront à viv're, le nmédecin sera (.b.) bien payé puts qui spécifient des critères pour l'octroi de subventions publiques - sur la base de l'ac- Jean de La Bruyère, 1645-1696 croissement des taux de vaccination par exemple. Ce genre de contrat est particulière- Même lorsque les décideurs se soucient ment efficace dans le cas de services facile- réellement de rendre les services de santé ment contrôlables, mono produits, orientés accessibles pour les pauvres, il n'est pas vers la population et pouvant être généralisés. facile de passer du désir à la réalité. Pour Les contrats explicites se sont révélés efficaces que l'accord entre les décideurs et les presta- pour servir les groupes de population taires soit efficace du point de vue des pauvres et difficiles à atteindre.418 Il est pos- pauvres, il faut que l'État: sible d'envisager des services payants en fonc- 174 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 sance acquise par leurs clients de la thérapie E N C A D R É 8. 7 L 'Ëat comtiie acheteir dyniamniquie orale de réhydratation. et niatière de perfornîances de santé, Des contrats implicites centrés sur des grâce à des con2trats stratégiquies outputs spécifiques peuvent aussi être une solution valable, comme l'ont montré la Dans le cadre de projets communautaires de venant des quartiers ciblés, sélectionnées nutrition à Madagascar et au Sénégal, des par les collectivités et supervisées par les campagne unverselle de vacciation des contrats ont été passés pour la prestation de médecins engagés pour le projet. Pour enfants des années 1980 et le programme de services. Les coûts de transaction liés à la sélectionner les ONG qui allaient superviser complémentation en vitamine A et de ser- passation et au suivi de ces contrats ont le projet, on a procédé, à Madagascar, à un représenté 13 % du coût total du projet à appel d'offres. Les services à assurer et le vices de santé itinérants en Egypte, en Indo- Madagascar et 17 % au Sénégal. Ces deux nombre de bénéficiaires ont été spécifiés nésie et au Mexique.419 Au Malawi et en Ouz- projets se sont révélés bien ciblés pour dans des accords contractuels, avec un atteindre les collectivités pauvres. contrôle et un suivi mensuels assurés par la békistan, la couverture des vacciations a pu Ces projets comprenaient le contrôle de la collectivité concernée et par le projet. atteindre 90 % chez les pauvres, au prix de croissance des enfants, des services d'éduca- Avec chacun de ces deux projets, la mal- tion des mères à la santé et à la nutrition, la nutrition infantile a significativement dimi- dépenses par habitant très limitées. Cepen- fourniture de compléments alimentaires nué. Au Sénégal, une évaluation réalisée 17 dant, en Bolivie, au Guatemala et en Turquie, pour les enfants souffrant de malnutrition et mois après le lancement du projet indiquait malgré des niveaux de dépenses plus élevés, des visites médicales dans les centres ou à une prévalence presque nulle de malnutri- domicile dans la mesure du nécessaire. À tion infantile sévère entre 6 et 11 mois et la recherche d'une couverture équitable s'est Madagascar, le projet comprenait aussi un une réduction de la malnutrition modérée révélée bien plus problématique (figure fonds social pour les activités génératrices de de 28 à 24 % chez les enfants de 6 à 35 mois. 8 revenu,etau Sénégal,le projet comprenait un effort d'amélioration de l'accès à l'eau. Les contrats fondés sur la performance, A Madagascar, les prestataires en pre- mière ligne comprenaient des femmes pro- Source:Mareketautres(1999). quils soientpassés directementavecles pres- tataires de santé ou avec les acheteurs ou les assureurs, supposent une adéquation entre tion des outputs lorsque la qualité et la quan- les fonds et l'effort, avec la prise en compte tité peuvent être définies. Cela contribue alors des niveaux d'effort différents nécessaires au progrès de la productivité. Au Bangladesh, pour produire un output donné dans les on a payé des professionnels de terrain appar- régions pauvres et désavantagées ou parmi tenant à des ONG en fonction de la connais- les collectivités plus aisées.420 Les coûts des services peuvent être bien plus élevés dans les Figure 8.10 Des dépenses importantes ne sont pas la garantie d'une situation plus équitable zones rurales éloignées, et l'on a pu observer en ce qui concerne les vaccinations d'importantes variations du coût des vacci- Ratio de vaccination DPT3 des pauvres par rapport aux riches nations selon les régions d'un même pays.421 1,2 Il est plus difficile d'établir des normes Ouzbékistari de performance pour les services plus dis- Égypte crétionnaires et multi-tâches, comme les Malawi soins cliniques. Il est difficile de spécifier à Zimhbabwé Kazakhstan Namibie ciius pcfe République Kirghize l'avance quels services seront nécessaires Kigie Nîcaragea Zambie Pérou pour qui, quand, où, comment et en quelle 0,8 Ghana*Kenya * résl quantité. L'effort et la qualité ne sont pas Bénin Philippines *Colombie immédiatement vérifiables. Les prestataires Tanzanie* g engladesh u é.4 Indonésie *Vietna Républhqe Dominicaine ont une plus grande marge de libert Au Burkina Faso Guatemala Paraguay Turquie Royaume-Uni, les paiements ciblés destinés Mali+ Bolivie à favoriser les frottis vaginaux ont abouti à CaômtbelavmerGuinée .Mauritanie une augmentation du nombre de frottis sur CedIsnire+ Gané Maurtaie I4 Togod Mada Hai le court terme, mais sur le long terme les N4ger* Tug Pakistan prestataires ont réorganisé leurs activités Rép ublique* Éthiopie *CentrafrcainMozambique pour continuer à recevoir ces versements Nigeria sans fournir les services.423 + * Par ailleurs, la mise au point et l'applica- Tchad tion des contrats portant sur les services cli- niques mobilisent considérablement les o capacités.424 Un achat de services en fonc- 10 100 1 000 tion de l'output - par visite, par cas, par Dépenses publiques par habitant pour la santé (en $ US) - échelle logarithmique journée d'hôpital - entraîne une hausse de Source: Calculs de l'auteur, d'après les statistques des enquêtes de démographie et de sasté et de la Banque mondiale. la quantité des services cliniques fournis Services de santé et de nutrition 175 (parfois principalement parmi les plus aisés) et une escalade des coûts. Dans les E N C A D R É 8 . 9 Des versemzents au.x prestalatres >'uo(dufrs réformes du système de la santé, on essaie eo fonctio de Cd iteëes de revenu souvent de contenir les coûts en établissant des contats à pix déteriné - ds paie- La Kirghizie a créé un fonds d'assurance payenit les montants les moins élevés de des contrats à prix déterminé - des paie- pour acheter les services des centres de droits, que les établissements obtiennient la ments par capitation ou des budgets prévi- soins,pourcompenserfinancièrementl'utili- meilleure indemnisation. Parmi les patients sionnels globaux - avec des plafonds et un sation accrue des services et pour rendre ces pauvres, 68 % ont préféré le système du co services financièrement plus accessibles aux paiement au système antérieur théorique- transfert des risques vers le prestataire. pauvres. Les établissements font payer des ment gratuit, qui impliquait souvent des Cependant, les prestataires en première droits aux patients et se font payer par le paiements "informels. Avec le nouveau sys- fonds d'assurance selon une échelle mobile tème, un certain nombre de paiements ligne se retrouvent ainsi investis de la res- basée sur cinq catégories de patients ceux informels ont été remplacés par des co ponsabilité de rationaliser les services, ce qui viennent de leur propre initiative, les paiements formels. Les plus pauvres ont qui ouvre des possibilités d'écrémage. Les assurés, les non-assurés, ceux qui sont en accès aux traitements grâce à un fonds de partie exemptés des droits et ceux qui sont réserve. prestataires risquent alors d'abaisser le entièrement exemptés. C'est pour les clients niveau de leurs soins, de refuser leurs ser- de ces deux dernières catégories, ceux qui Source:Kutzin (2003). vices à une partie de la clientèle ou d'impo- ser des tarifs supplémentaires informels étant plus difficiles à définir. Au Cambodge, (encadré 8.8). où des dispositions spécifiques avaient été Pour une distribution équitable des ser- prévues pour que les pauvres bénéficient vices, il faut donc que les prestataires aient à davantage des services cliniques, les résul- la fois la capacité technique de gérer le pro- tats n'ont pas toujours été probants (voir cessus de rationalisation et une attitude « Pleins feux sur le Cambodge »). Il est pos- favorable aux pauvres, afin que ce processus sible de renforcer les incitations à servir leur soit profitable: c'est là une double ceux qui sont le plus dans le besoin en cali- condition souvent difficile à obtenir. C'est brant les versements aux prestataires en pourquoi les pays à revenu faible et inter- fonction de l'impact de leur activité sur la médiaire ont de plus en plus tendance à santé publique et en prévoyant des mon- déléguer la passation de contrats pour les tants plus élevés pour les soins obstétriques services cliniques à un organisme d'assu- d'urgence, comme au Burkina, ou pour les rance sociale autonome - souvent parapu- services fournis aux pauvres en général blic. Ils comptent sur des contrats et sur des comme en Kirghizie (encadré 8.9). Toute- systèmes de contrôle plus élaborés faisant fois, pour que les pauvres soient exemptés appel à des méthodes de paiement com- du prix des services, il faut que les presta- plexes. Ainsi, par exemple, des versements taires reçoivent une rémunération adé- au cas par cas en Géorgie ou des groupe- quate en temps et en heure. ments selon le diagnostic en Hongrie. Il est souvent nécessaire, dans le cadre des L'identification des groupes cibles de la contrats, d'associer des éléments de renfor- population pauvre et le contrôle des résul- cement des capacités permettant de complé- tats sont aussi plus difficiles dans le ter la satisfaction des besoins à des gratifica- domaine des soins cliniques, les besoins tions selon la performance. L'expérience des contrats de vaccination fondés sur la perfor- E N C A D R É 88L>. mance, dans le cadre de l'Alliance mondiale pour les vaccinations, a montré que les de's-'e ''' ', contrats à base nulle et la menace de sup- pail ,' . , pression des ressources n'étaient pas très En 1999, en Pologne, Mme K. payait une cotisa- efficaces pour améliorer la couverture."' Les tion d'assurance maladie qui représentait 7,5 % variations d'une collectivité à une autre peu- de son salaire, mais elle ne pouvait pas consulter, ne serait-ce qu'une seule fois, un médecin « non vent être prises en compte par un système payant » des assurances publiques ou privées. d'allocations en deux parties. La première Elle avait essayé plusieurs fois d'obtenir un ren- dez-vous avec le médecin au dispensaire où elle partie peut être allouée à des autorités s'était inscrite. Mais à chaque fois, on lui disait locales sur la base d'une capitation - comme qu'« il n'y a pas de tickets » pour aujourd'hui. Elle a fini par aller voir un médecin du secteur privé en Argentine, au Brésil, en Ethiopie ou en en le payant de sa poche."25 Pologne - et la deuxième peut être allouée à Source:Banquemondiale(2001d). un fonds d'assurance ou à un organisme acheteur chargé de maximiser l'efficacité de 176 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 l'allocation des ressources et d'acheter un lucratif - sera probablement meilleur qu'un ensemble adéquat, du point de vue de la autre. Les centres de soins publics peuvent répartition et de la quantité, de services cli- être remarquablement efficaces, comme en niques - comme en Corée du Sud ou en Malaisie, ou nettement inefficaces comme Nouvelle-Zélande (figure 8.11). au Gabon, où les niveaux de vaccination On ne peut tirer de conclusions définitives stagnent au-dessous de 30 %. Les ONG ne concernant l'impact sur les pauvres des chan- sont pas non plus nécessairement favorables gements intervenant au niveau du paiement aux pauvres. Lorsqu'elles signent des des prestataires, lorsque l'on passe d'un sys- contrats avec les États, les ONG ont aussi tème fondé sur les inputs à un système fondé tendance à se rapprocher du secteur public. sur les outputs. Les évaluations dans ce Il n'y a pas beaucoup de différence entre un domaine sont insuffisantes. Cependant, la hôpital parapublic autonome en France, qui séparation entre d'une part la décision poli- profite d'une flexibilité appréciable du tique et d'autre part l'achat et la prestation de point de vue du financement et de la ges- services permet de créer des canaux plus dis- tion, et un hôpital d'une ONG, sous contrat tincts pour la responsabilité. Les prestataires avec l'État, au Canada. autonomes ont davantage de flexibilité pour Pour les services orientés vers la popula- gérer la combinaison d'inputs appropriée, y tion qu'il est possible de normaliser, l'État compris le recrutement et le licenciement, peut généralement signer des contrats avec comme au Kenya ou en Zambie.427 Les orga- des prestataires publics ou privés. Les déci- nismes acheteurs sont des acteurs plus indé- deurs peuvent spécifier les caractéristiques pendants, qui sont sujets à un double niveau des services et contrôler et faire appliquer le de responsabilité car ils sont souvent financés contrat. Au Tadjikistan et en Tunisie, les par l'État et par le contribuable par l'intermé- prestataires gouvernementaux obtiennent diaire des systèmes d'assurance. Il faut que des taux de vaccination élevés - mais il en l'État y soit impliqué pour déterminer quels est de même au Cambodge et en Haiti avec sont les services dont les pauvres ont le plus des ONG agissant sous contrat. En tant que besoin, pour évaluer le soutien nécessaire contractants, les ONG peuvent étendre l'ac- sous forme de subventions et pour limiter les tion sociale en faveur des services et tester conflits d'intérêt entre les prestataires. de nouvelles approches de la fourniture des services.)8 Sélectionner les prestataires Pour le soutien de l'auto-prise en charge, On ne saurait présumer qu'un type de pres- ce sont souvent les services privés - qu'ils tataire - public, à but lucratif ou à but non soient à but lucratif ou non lucratif - qui Figure 8.11 Les citoyens exercent leur pouvoir à la fois sur les prestataires et sur les acheteurs sont les plus appropriés. Des prestataires pri- vés à but lucratif peuvent être très efficaces - _ _ dans la production de l'information et la dis- _ ~ Achat tribution des biens - comme le montre le des résultats succès du marketing social. Pour l'informa- g _ _ ~~~~~~~~~~~~~~tion et l'aide sociale, des organisations de la Achat base, de petits prestataires privés et des orga- d'outputs nisations communautaires font souvent mieux que les organismes publics, souvent Citoyens de services plus rigides. L'État peut sous-traiter certains services fondamentaux comme l'informa- tion. Pourtant, les services publics peuvent <4.rmo *Sae'G& parfois être plus favorables aux pauvres que i2t&se en charge.ÀÇîct,1s 5°a\5 les services des ONG. À Ceara, au Brésil, « un certain nombre d'ONG assuraient les ser- Résultats dans vices dans les dispensaires alors que les ser- le domaine vices publics envoyaient leurs agents dans les de la santé42 Intégration publique Protection foyers » 429 voir « Pleins feux »). sociale lObiectifs de du revenu développement En ce qui concerne les services cliniques, le du Millénaire) contraste est plus marqué. La prestation Services de santé et de nutrition 177 publique fonctionne bien lorsqu'il existe une revenu faible ne parviennent pas à réglemen- forte motivation publique, lorsque les diri- ter avec succès leur marché des produits phar- geants politiques sont favorables aux pauvres maceutiques, encore que le Cambodge ait et lorsque les lois sont appliquées. Les presta- relativement bien réussi. Lorsque la réglemen- taires à but lucratif - qualifiés ou non - sont tation est un échec, l'éducation de l'utilisateur, généralement au diapason de la demande, associée à la formation du prestataire, peut mais un contrôle externe est rendu nécessaire donner les meilleurs résultats.432 L'implica- par le caractère inhérent des conflits d'intérêt. tion de l'État, par le biais des appels d'offres au Au Liban, comme partout ailleurs, l'expan- niveau national, d'un plafonnement des prix sion du secteur privé n'a pas beaucoup pro- ou d'une réduction des tarifs, a aussi eu un fité aux pauvres.430 En Inde, les prestataires impact sur les prix des médicaments.433 Glo- privés qui servent les populations pauvres balement, l'applicabiité des contrôles régle- sont souvent très peu qualifiés. Les autorités mentaires est souvent faible, et elle est princi- ne peuvent alors exercer un contrôle que si palement centrée sur l'habilitation du elles disposent d'une réglementation élaborée personnel. Les mêmes carences politiques et et de fonctions d'achat. en l'absence de ces institutionnelles qui handicapent la prestation conditions, un partenariat entre I'Ëtat et les des services de santé affectent les services organisations de la société civile peut remé- législatifs, administratifs et judiciaires néces- dier à la situation en renforçant le pouvoir du saires à une réglementation efficace. consommateur sur les prestataires de services La généralisation de l'accès aux presta- cliniques. taires de soins professionnels - en particulier Les organismes à but non lucratif ayant aux services des sages-femmes, à la chirurgie souvent l'avantage d'une forte motivation permettant de réduire la mortalité en couches intrinsèque et d'un engagement profession- et aux soins permettant de réduire la morta- nel solide, l'État peut aussi signer avec ces lité prénatale - est une priorité si l'in veut organismes des contrats à durée indétermi- atteindre les Objectifs de développement du née tout en espérant que les prestataires Millénaire. Dans un certain nombre de pays, feront le nécessaire. Une fourniture des ser- le déséquilibre entre les zones rurales et les vices par les ONG peut permettre de zones urbaines, en termes de disponibilité reconstituer le lien entre décideurs et pres- d'un personnel de santé qualifié, est extrême. tataires de services cliniques, d'une manière En Turquie, on trouve un médecin pour 266 qui soit significativement avantageuse pour habitants dans la région la plus riche et un les pauvres. Au Guatemala, un tiers environ médecin pour 2 609 habitants dans la région de la population est maintenant servi par la plus pauvre. Au Ghana et au Sénégal, plus des ONG prestataires, et les populations de la moitié des médecins se concentrent pauvres indigènes ont ainsi bien davantage dans la capitale, où vit moins de 20 % de la accès aux services, même si l'on a constaté population. Dans les régions rurales, où le des problèmes de gestion et des problèmes turnover est élevé, les agents de santé n'ont relatifs à la qualité.43' pas assez d'opportunités. Les agents y seront moins souvent des femmes et y seront moins Réglementation et application souvent instruits. Le manque de services Un État peut aussi se servir de la réglementa- (écoles, eau) et le manque d'accès à la forma- tion du marché pour lutter contre les conflits tion et à l'éducation sont les principaux fac- d'intérêt. En Hongrie, les mécanismes d'accré- teurs qui incitent à quitter les zones rurales. ditation se sont révélés tout à fait efficaces Des structures de rémunération indifféren- pour établir des critères de qualité des presta- ciées découragent de travailler dans les taires. Afin de réduire l'offre excédentaire et de régions où vivent les pauvres, car il est diffi- compenser l'insuffisance des investissements cile d'y trouver des opportunités de complé- dans les contextes les plus défavorables, la plu- ter un maigre salaire par la consultation pri- part des pays utilisent des certificats de vée, l'enseignement ou le conseil.434 besoins (États-Unis), des comités de planifica- Le Chili, le Mexique et la Thaïande435 ont tion (Australie) ou une cartographie de la recouru à des systèmes d'incitations finan- santé (Espagne et la plupart des pays cières et autres pour obtenir qu'un personnel d'Afrique). Cependant, la plupart des pays à qualifié travaille dans les zones rurales. En 178 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Indonésie, on a aussi permis aux médecins du secteur public et du secteur privé.438 Au de consulter en privé pendant et après leurs Guatemala et en Nouvelle-Zélande, des asso- heures. D'autres pays ont tenté d'instaurer de ciations de sages-femmes développent et nouvelles références, l'Ethiopie par exemple promeuvent des règles de conduite favo- pour le personnel médical qualifié, l'Inde et rables aux pauvres (encadré 8.11). le Brésil pour les agents formés dans les com- munautés (voir « Pleins feux sur Ceara »). L'information et le contrôle Une autre approche consiste à améliorer La décentralisation, la délégation et la sous- progressivement les compétences des presta- traitance des services en fonction de l'output taires traditionnels, comme les sages-femmes rendent plus importante une information des communautés en Malaisie, ou à favoriser précise et pertinente pour le contrôle de la le recrutement et la formation des agents de performance. Les statistiques nationales et santé dans les zones non desservies ou dans internationales ne reflètent pas encore l'en- les couches sociales concernées, comme cela semble des habitudes ni la performance de s'est fait en Indonésie et en Iran. Avec le tous les prestataires de soins. La plupart des Comité pour le progrès rural du Bangladesh ministères de la Santé connaissent mal le sec- (BRAC), des agents des communautés teur privé, ce qui ne facilite pas le développe- concernées sont formés pour aller rechercher ment de partenariats ni les contrats de sous- les habitants extrêmement pauvres qui ont traitance, encore que certains pays tentent de besoin de soins médicaux d'urgence. Cepen- mener des enquêtes sur les prestataires, la dant, pour que ce genre de projet réussisse, il Pologne par exemple.439 L'information sur faut qu'il soit conçu et évalué avec attention. l'accès, la qualité et l'efficacité est rare et sou- Au Salvador, des agents peu qualifiés, chargés vent non comparable. Par ailleurs, un certain de promouvoir la santé publique dans les vil- nombre de facteurs extérieurs au secteur de la lages ruraux, ont fait peu de chose pour que santé ayant des répercussions sur l'état de la la situation s'améliore et pour que les gens santé publique, un contrôle et une planifica- soient plus soucieux du progrès de la tion intersectoriels s'imposent également, à santé.436 En raison de la crise mondiale du l'image de ce que réalise régulièrement le marché du travail pour les services cliniques, Comité national de développement écono- des stratégies d'innovation sont aussi néces- mique et social en Thaïlande. saires pour que les zones rurales et les Souvent, le contrôle des résultats moyens pauvres bénéficient des services profession- et des aspects de l'utilisation des services ne nels (encadré 8.10). révèle pas où le changement se produit. Les De par la complexité et la nature dispersée changements, dans les taux de fécondité et des services cliniques ainsi que les possibili- l'utilisation des contraceptifs dans la plupart tés de conflits d'intérêt, il est fondamental, des pays d'Afrique subsaharienne, dans les pour une prestation de services efficace, que années quatre-vingt-dix, se sont produits les prestataires assurent un contrôle de leur surtout au niveau des segments les plus propre activité. Historiquement, la régula- riches de la population, les segments urbains. tion interne à la profession a été la réponse En Tanzanie, le recours de moins en moins habituelle aux conflits d'intérêt. Cependant, fréquent aux soins par un personnel qualifié en raison de la position dominante de l'État entre 1993 et 1999 peut être attribué princi- dans un grand nombre de pays, les orga- palement à une utilisation déclinante de la nismes professionnels ont plutôt peu de part des segments les plus pauvres de la pouvoir. Si les prestataires peuvent gérer eux- population. Lorsque la collecte d'informa- mêmes l'évolution de l'organisation des tion sur le revenu est difficile, il est possible prestations de services, les avantages pour les de recourir à d'autres indicateurs comme clients peuvent être substantiels, comme l'origine ethnique, la caste, la région, le sexe, dans des projets tels que Health workers for le groupe linguistique ou la religion. Des Change.43' Le système de santé allemand est pays aussi différents que la Colombie, l'Indo- dans une large mesure autorégulé. Au Zim- nésie, l'Iran, le Mexique et les Philippines uti- babwe, des associations professionnelles lisent des cartes pour identifier les individus assurent le maintien de normes et d'une et les ménages qui ont besoin de visites à éthique professionnelle chez les infirmières domicile et d'une attention particulière.440 Services de santé et de nutrition 179 E N C A D R É 8 . 1 o La crise des ressourrces hutmaitnes dants les services de santé Lorsque la communauté internationale s'est mobi- Les taux élevés d'absentéisme reflètent le décou- 2001, le Royaume-Uni a accordé 22.462 permis de lisée en 1955 pour éradiquer le paludisme, ragement face à de mauvaises conditions de travail. travail à des infirmières provenant des pays en l'Afrique est restée sur la touche, faute de disposer Des études portant sur les professionnels de la développement. du personnel formé adéquat. Aujourd'hui, ce per- santé au Ghana, en Inde, au Mozambique, etTanza- Pour retenir un personnel de santé compétitif sonnel fait toujours défaut en Afrique, mais ce nie et en Ouganda montrent que la main d'oeuvre - sur le marché international, les pays pauvres continent doit entreprendre des efforts particu- les infirmières et les médecins en particulier - se sen- devront pouvoir offrir des salaires et des avantages liers pour lutter contre plusieurs épidémies. Au tent débordés et dépréciés. En Guinée, en Maurita- compétitifs. Cela suppose de remplacer une poli- Burkina, le nombre moyen de médecins était de nie, en Pologne et en Russie, les salaires du person- tique du service civil inflexible par des approches 3,4 pour 100 000 habitants dans les années nel de santé ont diminué en valeur réelle. plus souples. Une formation spécifiquement orien- quatre-vingt-dix, à comparer avec 303 dans un On a pu observer une émigration importante tée vers les marchés nationaux peut aussi être ensemble de neuf pays industrialisés. En Zambie, le des professionnels de la santé en provenance des utile. Les pays qui reproduisent les normes des nombre de médecins,qui déjà ne dépassait pas 8,3 pays en développement. Plus de 600 médecins pays industrialisés en matière de formation ont pour 100 000 habitants dans les années soixante, sud-africains sont actuellement répertoriés en tendance à être plus vulnérables au débauchage est descendu à 6,9 dans les années quatre-vingt- Nouvelle-Zélande, et cela représente pour le (Ghana). L'expérience de l'Ethiopie et de la Gambie dix. Pour satisfaire aux exigences du programme contribuable sud-africain un coût d'à peu près 37 montre que des infirmières et des professionnels d'intervention sanitaire prioritaire recommandées millions de dollars. On estime que 61% des méde- de la santé faisant partie de la communauté et par l'OMS, le Tchad aurait besoin de multiplier par cins ghanéens formés entre 1985 et 1994 ont dont les titres ne sont pas internationalement sept son personnel de santé. quitté leur pays. Les infirmières partent aussi: en reconnus risquent moins d'émigrer. Les restrictions relatives aux ressources humaines pour les soins cliniques Pourcentage d'accouchements pris en charge Sri Lanka r.wt.t.4 w. Salvador Soudar aeu * * * t * *Azerbaïdian Cap vert Turquie Iran Sfrique du Sud 80 Beauze * Arqed Zimbabwe *Namibit .* Pa raguav'chiee Tadjikistan Comores Vietnam Bénin L I esotho * Belivie *Égypte , * *Indnnesd a Pérou * Philippines * TamrpN 0Fgg8n°ndurau Irak Sénég ail vir.. Zamrbie *Mda *d Gha n 4 Guatembala 40 Pays soumis Sierre Léene Maroc aux restrictions Tunzani BurkintFEas Cnmbodge Haiti* Gambie Mali* ' * *Luus *ig* Yémen Pakistan Tchad- Erythrée * shutan sangladesh * Guinée û Équatoriale û 10 100 1000 10000 Effectifs médicaux (médecins et infirmières> pour 100 000 habitants (échelle logarithmique) Sources:Liese etautres(2003), Commissior pourla macroéconomie etla santé (2001), Ferrinho etVan Lerberghe (2003), etReinikka etSvensson (203b). Six formules peuvent convenir ? peut bien faire avancer les choses si les déci- Quels mécanismes de responsabilisation deurs politiques sont suffisamment motivés faudrait-il privilégier pour que les res- ou sont idéologiquement enclins à faire des sources, dans le domaine de la santé, aillent choix décisifs concernant les services de là où elles doivent aller ? Il n'existe pas une santé à assurer et leur objectif - comme à solution unique. Divers facteurs influent Cuba,441 en Malaisie ou en Iran. Une plus sur le chemin court et sur le chemin long de grande intégration des pauvres dans le la responsabilité, il faut donc envisager plu- débat politique peut influencer les déci- sieurs options. Pour les services de santé et deurs politiques, comme au Brésil où la de nutrition, il n'existe pas une option politique de la santé s'est orientée davan- unique. La solution ne sera pas la même tage en faveur des pauvres au cours des 10 selon le pays et le type de service. Une dernières années (voir « Pleins feux sur approche solide fondée sur l'identité entre Ceara »). Cependant, lorsque l'orientation celui qui commande et celui qui contrôle est moins claire et lorsque les leviers pour la 180 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 8 . 1 1 Tl, 1 il l S ùr t :. i' h ' gt s '+',uÎ .S Selon les mots d'un professeur d'obstétrique,« Les de voir se développer une culture "sage-fémin- chez les sages-femmes. (...)Il faut que nous puis- sages-femmes doivent être capables d'assumer iste'propre à protéger les sages-femmes et à per- sions former un contrat, (...) et nous y tenir, en un rôle plus affirmé, un rôle "féministe' Ce n'est pétuer les problèmes. ( ...) On peut aussi con- respectant toujours l'individualité de la femme et pas sans implication du point de vue de la régula- solider le processus formel par un processus la culture dans laquelle elle vit.Tout cela implique tion. Il faut un certain degré d'autorégulation, moins formel (un contrôle par des gens de la pro- un niveau suffisant d'éducation pour que ce soit mais il faut que les femmes elles-mêmes s'im- fession) pour assurer à de nombreuses sages- bien fait,et assez de pouvoir pour avoir une influ- pliquent dans le processus, ainsi que les sages- femmes un contact avec des collègues et un ence sur le système.Voilà ce que je qualifierais de femmes. (...) Il faut que les sages-femmes soient apprentissage. Un tel système "avec les femmes "professionnel ». fortement impliquées dans le processus, ( ... ) mais /pour les femmes"peut alors être le fondement de si elles sont les seules à s'impliquer, le danger est ce à quoi peut ressembler le "professionnalisme" Sources: ICM (2003) et Davies (2001). mise en oeuvre sont déficients, c'est le che- accordées à des systèmes de soins locaux min court de la responsabilité, à travers le (comme en Allemagne ou en Pologne), à partenariat entre client et prestataires privés des systèmes spécifiques aux pauvres et communautaires, qui permet aux (comme en France, en Indonésie ou en pauvres d'avoir davantage de contrôle sur Thaïlande) ou directement à des groupe- les services. ments de pauvres (fonds de solidarité en Ainsi, s'il n'existe pas une solution Chine) (5). unique, peut-on se contenter de six options Il arrive aussi que le chemin long de la res- ? La figure 8.12 vise à représenter des situa- ponsabilité ne fonctionne pas - soit parce que tions type pour guider la réflexion. Les le processus politique est détourné au profit situations varient en fonction de l'homogé- des couches les plus aisées de la population, néité des besoins en matière de santé, de la soit parce que le processus administratif (lac- nature des services et des caractéristiques du cord) n'est pas efficace. Auxquels cas il y a peu processus politique. Lorsque le chemin long de chances qu'un surcroît d'investissement de la responsabilité est efficace pour les sur le chemin long, par le biais de la fiscalité et pauvres - lorsque leurs préoccupations sont d'une intervention renforcée de l'État, amé- intégrées au processus politique - ils profi- liore notablement la situation des pauvres. Il tent de l'action publique. L'Etat peut assurer est plutôt nécessaire de leur donner davantage ou sous-traiter des services normalisés voix au chapitre, en développant les organisa- orientés vers la population (1), et accorder tions de la société civile et en formant des coa- des subventions du côté de la demande pour litions en faveur des pauvres pour les services les familles pauvres et pour les soins appro- pour lesquels une action collective s'impose. Il priés (3). On peut homogénéiser les besoins est alors possible de faire pression sur les gou- en soins cliniques grâce à une rationalisation vernements dont la capacité d'intervention est des services en fonction de l'égalisation des limitée, pour qu'ils privilégient la sous-trai- avantages. Dans ce cas, une approche inté- tance de services orientés vers la population, grée de la prestation de services - ou un sys- en partenariat avec des prestataires intrinsè- tème universel à payeur unique - peut être la quement motivés - organisations commu- bonne solution, comme à Cuba, en Finlande nautaires ou de la société civile - pour que les ou au Vietnam (5). services soient effectivement assurés (2). Cependant, ces conditions sont loin Dans les pays en développement, la d'être universelles. Les besoins en matière nécessité de servir des besoins hétérogènes d'auto-prise en charge et de services cli- alors que le chemin long de la responsabilité niques sont rarement homogènes. Il est ne fonctionne pas est une situation cou- possible de tenir compte de cette hétérogé- rante, et elle implique que les pauvres soient néité dans un contexte favorable aux impliqués dans le contrôle du processus par pauvres, grâce à une décentralisation et à le biais de leur pouvoir du consommateur. une sous-traitance flexible basée sur les out- Pour aider l'auto-prise en charge, ce sont les puts et sur les résultats, associée à une égali- réseaux commerciaux et médiatiques, les sation des subventions entre régions riches coopératives et les activités de développe- et régions pauvres (3 et 5). Les subventions ment pilotées au niveau communautaire pour les services cliniques peuvent être qui conviennent le mieux (4). Les systèmes Services de santé et de nutrition 181 Figure 8.12 Six formules peuvent convenir Oui Politique favorable aux Non Oui Facile à contrôler pour l'Etat ? Yes Non OuiNf _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Facile à contrôler pour les usagers i: Non Oui 4.zPIJiIIue Non de micro assurance, ainsi que les services de cliniques (6). Cependant, cette forme de santé et fonds pour les médicaments cogé- pouvoir ne suffit pas à éviter les conflits rés par la communauté sont particulière- d'intérêt. Les systèmes de règlement des ment adaptés pour ce qui concerne les soins litiges ne constituent qu'une aide limitée. 182 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Ce qui est plus important, c'est le rôle que Aucune de ces solutions n'est rapide ni peuvent jouer des prestataires motivés par facile. Toutefois, il est évident qu'elles peu- des intérêts altruistes, notamment des orga- vent être couronnées de succès, comme nismes à but non lucratif, dans le dévelop- l'ont montré des centaines d'exemples. "Peu pement d'un esprit de service favorable aux importe la lenteur avec laquelle on avance, pauvres soutenu par une autorégulation au tant que l'on ne s'arrête pas" (Confucius, niveau de la profession (6). 551-479 av. JC). -;all:ao -Le Costa Rica et Cuba Un niveau de santé publique satisfaisant pour un niveau de revenu (initialement) faible Le Costa Rica et Cuba ont l'un et l'autre atteint des niveauix de mortalité infantile très réduits au couirs de ces 50 dernières années. En ce qui concerne le Costa Rica, cela s'expliquefiacilementpar la croissance rapide du revenui etpar l'attenition portée à la santé publique, ainsi que par des approches innovantes au cours de ces dernières années danls le domaine du financemiientpuiblic des soins. D'un autre côté, tout en restant trèspauvre, Cuba a sui mlainitenir des niveaui de mtortalité infanitilepliisfaibles qu 'un certain nombre depays industrialisés et éradiquer des maladies infectieuises répandues dans les pays en développement. Cela a étépossible dans le contexte d'unm système de santé communautaire avec de nonmbreuix agZents de santé, un personnlel mnotivé, ainsi qu 'un contrôle et une évaluation stricts des résultats. Le modèle cubain pourra-t-il sur- vivre aux revers économniques des années quatre-vingt-dix et à la pression pour une société plîs libre etplus oluverte ? T e Costa Rica et Cuba ont tous deux des diminué du même taux. Une croissance du et infirmières et servant une population de - taux de mortalité infantile réduits et revenu de 40 % en 1980 et une couverture 25 000 à 30 000 habitants. A cela se sont I...jtrès similaires - presque aussi réduits universelle des soins se sont accompagnées ajoutées les campagnes pour vacciner bien que celui du Canada, bien que les niveaux de d'une nouvelle chute de la mortalité infani- davantage de gens, pour contrôler les vec- revenus y soient considérablement moindres tile, de 60 %. Après des récessions dans les teurs des maladies (notamiiment les miious- (figure 1).442 Les chemins qui ont mené ces années 1980, la croissance est revenue et le tiques) et pour promouvoir les bonnes pra- deux pays à ces heureux résultats ont cepen- progrès de la santé publique se poursuit. Il tiques en matière de santé. dant été tout à fait différents. est sûr qu'un moyen de parvenir à un bon En second lieu, il v a eu la création d'un En 1945, la mortalité infantile - mesurée niveau de santé publique avec des revenus programme de santé communLautaire, avec par le nombre de décès d'enfants de moins initialement faibles consiste à cesser d'avoir des spécialistes prenant en charge les d'un an pour 1 000 naissances viables - était des revenus faibles. patients dans les dispensaires aussi bien de 100 au Costa Rica et de 40 à Cuba. Jus- qu'à la maison, à l'école ou au travail. qu'en 1960, le Costa Rica a progressé en L'énigme cubaine: Au milieu des années 1980, cette grande partie grâce à la croissance éconio- une bonnesantésanscroissance approche communautaire s'est intensifiée mique et à des prorammes de santé ne bonne sant sa Comme nce avec le Programiime du médecin de famille. publique volontaristes.~- Un programnme iL énigme, c'est Cuba. Commient ce pays a-t- L'objectif était de placer dans chaque quar- lancé en 1942 a permis d'éradiquer l'ankylo- il réussi à conserver un taux de mortalite tier (pour 150 famnilles) unl médecinl fornié lanc en1942a prmi d'éadiuer anklo- infantile au moins aussi réduit que celui de stome, et les campagnes pour la santé e n ipte quel ays edéloppemelut de aux soins primaires et une infirmiiière. En publique ont connu un essor après la révolu- n importe quel paoys n déeoev mdet de oin comptait plus de 30 000 médecins l'hémisphère ouest et miême celui de cer- tion de 1948. Cela a eu pour effet d'éradiquer - soit un taux de uni miédecin de famnille aussi m~~~~~~~~t,.is pays ilautilss?Jatnii ussi vers 1960 le paludisme, la tuberculose ta p dustrialisés l'attention pour 365 cubain.444 Les services sont gra- et venues plprt des maladies pouvantêtre pré- constanite portée par les dirigeants pol- tuits, sauf que les patients qui ne sont pas venues par vaccination à cette époque. Au tques à la santé, penidanit plus de 40 ans, y optaié doivent participer au paiemient contair, l nivau e mrtaité nfatil de est sûremenit pour beaucoup. Après la révo- hsiaié Cuba, dont il faut reconnaître qu'il était lution, l'uni des trois principaux objectifs du des médicameits. Cuba, dont il faut reconiiaître qu'il était ~~Si cette approche contribue évidemmientt faible, a stagné, sous un régime politique gouvernement a été d'avoir des soins uni- au progrès de la santé publique elle est particulièrement corromipu. versels et équitables. Le gouverniemenit a a rgè el aiépbiu,el s Depus 190, u Cota ica,le rogrs a conisidéré la sanité commte un indicateur de chère par ailleurs. Eu fait, Cuba dépense éterpuide mais auCssez faci,le àepliquer. Le performance essentiel en tant que tel. pour la santé unie part substanitiellemenit été apie mis ssezfacle exl s'est MagéuefilLmraiéifnie plus imnportante de son PIB que les autres revenu réel par habitant, au Costa Rica, avant Mlagrévoutin, files zonsruralesé sofntil pays d'Amnérique Latine : 6,6 O/ eni 2002 (les accru de 25 % enitre 1960 et 1970 - la coin- resntées trèsvàlautram esprrppru zonesruae ot dépenses publiques de santé sonit en cidence étanlt que la mortalité infanltile a urbaines. Le nouveau gouverement, quie moyenne de 3,3 % sur la région Amérique Figure 1 Mortalité infantile à Cuba: Faible s'est engagé à changer cela, s'est attaché à LIatine et Antilles, mais certains autres pays dans les années 1950, encore plus faibleB en 2WO favoriser les soins dans les zones rurales. Il a dépeniset aussi des m°ontats suibstanltiels obligé tous les nouveaux diplômnés des écoles le Costa Rica 4,4 5A, et le Pantama 5,2 %l),44fl Décès pour 1 000 naissances viables médicales à y servir pendant un an. Il a aussi 160 Chil augmenité le nombre de centres de soins en Spécifier ce que l'on veut - Chi l zone rurale. En 1961, le gouvernement a et rester au fait de ce qui se passe 120 nationalisé les coopératives d'aide mutuelle Le modèle de santé cubaini repose sur trois Costa Rica et les hôpitaux privés, ce qui a fait du secteur idées : donner des instructions claires aux République Dominicaine public l'unique prestataire de services de prestataires. inotiver le personnel, et assurer 80 santé - une caractéristique que ce svstème a le contrôle et l'évaluation du svstème.'-" Jarnaïquè' -_ conservé jusqu'à aujourd'hui. A cette I)es directives claires émanent des commis- 40 époque, un grand nombre de professionnels sions nationales de conseil spécialisées - qui Cuba ... de la santé ont quitté le pays (pas moins des définissent des normes et des procédures 0 Canaaa deux tiers, selon une estimation). techniques (et évaluent la performance des 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 . Entre le milieu et la fin des années médecinis et des spécialistes) - et de la régle- soixante, il y a eu deux innovations impor- mentationi qui régule les activités du svs- Note. 1945 fait référence aux annsées 1945-1949, 1950à tantes dans le système de santé. Tout tème national de soins hospitaliers. 1950r1954 d'abord, il v a eu la création des polycli- À Cuba, les personnels de santé sont Source : 1945, 1950 du rappurt annuel démographique des Nations Unies de 1961. Les données de 1960 à 2000 provien- niques - l'unité de base des services de santé généralement très motivés. La formation nent de l'UNICEF - chacune employvant plusieurs spécialistes médicale met l'accent sur l'altruisme du 184 Pleins feux sur le Costa Rica et Ctuba service médical - qui culmine souvent avec santé, à la fin de chaque année, mêle les Les dépenses gouvernementales pour les un service d'un ou deux ans à l'étranger. Il citoyens au processus. Par ailleurs, ces der- services sociaux, surtout pour les soins, ont s'agit d'un service volontaire, mais qui est niers peuvent se plaindre des prestataires. été protégées. En 2000, les dépenses favorisé par de fortes pressions sociales. Leurs réclamations peuvent circuler à tra- publiques de santé dépassaient 10 % du PIB. Pour un certain nombre de médecins nou- vers le système de santé - la polyclinique, Cependant, en valeurs réelles, les dépenses vellement formés, servir dans les zones par exemple, qui coordonne les centres de ont diminué. Les indicateurs relatifs à la rurales pauvres de Cuba reste un droit de soins locaux, le conseil de santé municipal, santé publique se sont dégradés au début et passage. Les programmes de télévision qui les administrateurs des hôpitaux. Ou bien, au milieu des années quatre-vingt-dix, et ce font l'éloge des agents de santé engagés elles peuvent passer par les canaux de la n'est qu'à la fin de la décennie qu'ils ont dans des missions de solidarité internatio- politique - par exemple par les représen- commencé à se rétablir quelque peu. nale rehaussent leur image et contribuent tants locaux de l'Assemblée du peuple, qui Si l'infrastructure de la santé a souffert, au sens de la fierté des médecins cubains. sont obligés de répondre. Malgré ce système les services de transport également. Au Cuba veille aussi attentivement à ce qui de contrôle, le contrôle direct par les début des années quatre-vingt-dix, les se passe dans les centres de soins. Le citoyens est limité: la participation aux transports publics avaient pratiquement contrôle est important et l'information part conseils de santé ne va pas beaucoup plus disparu, et des pénuries de carburants limi- dans plusieurs directions. Les principaux loin que la définition d'objectifs globaux.447 taient l'utilisation des automobiles particu- éléments sont les suivants: De même, les citoyens ne jouent qu'un petit lières. Les cubains se remettaient à parcou- rôle dans la définition des priorités au sein rir des kilomètres à pied pour aller au • Un système national de statistiques de du secteur de la santé et entre ce secteur et travail, et l'utilisation des bicyclettes grim- santé intégré qui collecte régulièrement les autres. pait en flèche.449 des données auprès des prestataires de services. Les indicateurs les plus particu- Cuba peut-il faire durer affaiblir la motivation du personnel. Les lièrement sensibles, comme le taux de mortalité infantile, sont mesurés à une ce système ? médecins sont relativement bien payés, ils fréquence élevée - certains sont même Les années quatre-vingt-dix ont été diffi- gagnent presque 15 % de plus que le salaire mesurés de façon quotidienne. ciles pour Cuba. L'écroulement du système national moyen.-"' Cependant, leur rémuné- * Une inspection régulière et des visites de socialiste en Europe et en Union Soviétique ration est en devise locale, et le pouvoir supervision dans les centres de soins. et le durcissement de l'embargo écono- d'achat a diminué continuellement pendant * Des évaluations annuelles des techni- mique des Etats-Unis ont entraîné une la dernière décennie. La légalisation d'une « ciens de la santé sur les résultats tech- récession économique sévère. Cuba a perdu économie du dollar » séparée a rendu très niques et scientifiques de leurs travaux. les partenaires commerciaux auxquels ce prisées les activités payées en dollars. On Par ailleurs, un échantillon prélevé au pays devait la plus grande part de ses entend souvent parler de médecins qui hasard sert à une évaluation externe. importations de médicaments, d'aliments, abandonnent leurs occupations formelles * Des rapports annuels du ministère de la de combustibles et d'équipements pour pour rejoindre cette économie parallèle - Santé Publique et des Commissions de l'agriculture et l'industrie minière. Entre pour conduire des taxis, par exemple.451 Santé Provinciales et Municipales à des- 1988 et 1993, les importations de médica- Le temps dira si une approche fondée sur tination de l'Assemblée du peuple. ments ont diminué de plus de 60 %. En la disponibilité d'un médecin pour 150 1994, la production agricole avait presque familles, payé par l'Etat, est durable lorsque la Le contrôle et l'évaluation vont au-delà chuté de moitié. Cuba connait encore conjoncture économique est défavorable - et des évaluations statistiques et de l'expertise. aujourd'hui des pénuries de médica- dans une situation de concurrence avec une La diffusion publique des indicateurs de ments.448 économie davantage fondée sur le dollar. Eau potable, assainissement et électricité En matière de développement humain, les leurs clients. Pour séparer les décideurs poli- facteurs dont dépend la situation d'un pays tiques des prestataires et renforcer les accords, c ha p i tr e à un moment donné sont notamment l'eau le pouvoir des consommateurs et leur pou- potable, l'assainissement, l'évacuation des voir d'expression politique, on peut disperser ordures, l'électricité, les routes en zone la propriété des moyens de production des rurale et les transports urbains (document services par la décentralisation et la participa- 1.1). Comme les services d'éducation et de tion du secteur privé, promouvoir la concur- santé, les services d'infrastructure ont un rence à travers un système de références, assu- impact direct sur le développement humain rer l'accès aux services grâce à des prestataires (ex. lutte contre les maladies infectieuses indépendants et faire payer les services liées à l'eau, un des principaux facteurs de la Dans un contexte rural, réseau ou non, la mortalité infantile). L'impact est aussi indi- communauté et l'auto-production sont les rect, à travers la croissance économique.452 caractéristiques dominantes. Le décideur, Cependant, comme dans le cas de l'éduca- en tant que source de normalisation et ren- tion et de la santé, les pauvres ne bénéficient forçateur de capacités au profit du client, généralement pas de ces services. fait défaut. Pour éviter les problèmes qui Le présent chapitre traite des services peuvent résulter de cette situation, comme d'adduction d'eau, d'assainissement et de par exemple la présence d'arsenic dans l'eau distribution d'électricité. À partir du cadre potable en milieu rural au Bangladesh, il de prestation des services du rapport, on faut que les décideurs aident les clients à s'efforce de trouver pourquoi et de montrer obtenir la qualité et l'accès aux services. comment des améliorations sont possibles. Dans un contexte rural sans réseau, et dans Souvent, les leçons à tirer en matière de le domaine de l'assainissement, c'est dans le réforme, par rapport à ces services qui sont village ou la communauté que l'on peut cer- ou non en réseau, peuvent aussi s'appliquer ner les effets externes. Ainsi, une aide du côté aux autres services d'infrastructure. de l'offre, au niveau du ménage, doit être com- En ce qui concerne les services en réseau, plétée par des actions au niveau de la collecti- tels que la distribution urbaine de l'eau et vité - qu'il s'agisse d'information relative à l'électricité, les principales raisons de l'inter- l'hygiène ou de subventions aux latrines - vention de l'État sont la régulation des presta- conçues pour stimuler la demande des taires et le souci d'assurer aux pauvres l'accès ménages et créer une pression à internaliser à des services abordables. C'est là qu'inter- les externalités. Dans un contexte urbain, où vient le chemin long de la responsabilité. la demande en services d'assainissement peut Cependant, les citoyens pauvres n'ont pas être plus importante, les droits de propriété et beaucoup voix au chapitre, l'eau et l'électri- la possibilité de recourir au secteur privé peu- cité étant particulièrement vulnérables au vent être une aide aux efforts de la collectivité. favoritisme politique. Les prestataires finis- sent par être davantage responsables devant L'état des services d'adduction les décideurs que devant leurs clients, ce qui d'eau et d'assainissement rompt le chemin long de la responsabilité. La solution consiste à séparer les décideurs En 2000, dans les pays en développement, politiques des prestataires - et à rendre les 2 personnes sur 10 environ n'avaient pas prestataires davantage responsables devant accès à une eau saine, 5 personnes sur 10 ne 185 186 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 9.1 Peu de progrès dans l'accès à une eau améliorée et à l'assainissement, en 1990 et en 2000 estime que plus d'un tiers de l'infrastruc- uouverture de lapprovisionnement en eau Uouverture ae l'assainissement ture rurale existante subit des dysfonction- par région du monde par région du monde nements5 100 i oo Les pauvres subissent plus souvent qu'à < < ',rA.dhannlesbrg n'est pas unvel vlem t Pendant les deux années qui ont suivi, les chargées de la mise en oeuvre. D'un côté, Johannpsbell est nfrot pas une ville dépenses budgétaires ont été fortement une administration de base s'occupait de la pauvre. Mais elle est confpontée à de sérieux réduites. Les responsables politiques ont planification stratégique, de la gestion des problèmes de développement et d'organisa- contrôlé bien plus étroitement les décisions contrats et des services aux entreprises en tion des services. Sous le régime de l'apar- quotidiennes des édiles en les tenant pour matière de financement, de planification et theid, les banlieues exclusivement blanches responsables de la crise et en mettant ainsi fin de communication. Et de l'autre, deux séries étaient assurées de disposer de tous les ser- à leur gestion discrétionnaire. Ils ont taillé d'entités étaient mises en place: 1 1 nou- vices nécessaires, les résidents noirs étant dans les budgets d'investissement et de fonc- velles administrations régionales pour les quant à eux contraints de s'installer dans de tionnement, et même dans les dépenses bibliothèques, la santé, les loisirs et d'autres tentaculaires bidonvilles sous-développés. La nécessaires pour maintenir un niveau de ser- services communautaires; et des entités situation des pauvres, des chômeurs et des vice minimum. Ils ont gelé des postes, ce qui semi-indépendantes à finalité unique sans logis est encore aggravée par le problème a entraîné un surcroît de travail énorme dotées d'un budget propre, qui avaient pour plus profond de l'inégalité, lorsque les fonctionnaires désespérés ont mission de réorganiser les services munici- La municipalité métropolitaine de Johan- commencé à partir. Puis ils ont entrepris paux de plus large envergure. nesburg a été élue démocratiquement en 1995 d'explorer les possibilités de partenariat entre Ces organismes d'exécution étaient la pour remédier aux inégalités dans les services. le secteur public et le secteur privé. grande innovation d'iGoli 2002. Elle s'est rapidement trouvée aux prises avec Trois services d'utilité publique ont été une crise financière et institutionnelle. créés pour les services payants - eau et La municipalité de Johannesburg était La ville en or - iGoli 2002 assainissement, électricité et gestion des alors constituée non pas d'une, mais de La nouvelle équipe de gestion de la ville déchets. cinq institutions, avec un Conseil métropo- s'est rendu compte que Johannesburg avait Deux organismes ont été mis en place - litain qui coiffait l'ensemble, et quatre besoin d'un nouveau système de contrôle l'un chargé des parcs et des cimetières, et conseils au niveau primaire. Chacun de ces financier de la prestation de services, dans l'autre des routes et des eaux de pluie - conseils pouvait établir ses propres priorités le cadre d'une architecture institutionnelle pour les activités qui restaient financées et approuver son propre budget. Mais pour fondamentalement différente. Pour remé- par les recettes fiscales. les services essentiels, les responsabilités dier à la fragmentation du système et aux * Des unités plus petites, fonctionnant selon étaient partagées entre les deux niveaux, et très graves aléas de moralité, il fallait réuni- les principes du marché, ont été créées les budgets de fonctionnement des conseils fier la ville. La réflexion politique a porté pour des installations telles que le zoo et le ne devaient être équilibrés qu'au niveau essentiellement sur deux modèles de coor- théâtre municipal. global. Autrement dit, les conseils pou- dination de la métropole: Toutes ces entités ont pris la forme de vaient tranquillement dépenser ce qu'ils Un modèle fondé sur la définition plus sociétés nouvelles, avec le conseil comme voulaient en partant du principe que leur précise des règles régissant la budgétisa- unique actionnaire. déficit serait comblé par le voisin. tion, les transferts financiers et l'organi- Deux services clés auront pour mission Ce système ne pouvait aboutir qu' à une sation des services entre l'administration de conseiller et de surveiller les nouvelles catastrophe. Toutes les municipalités ont métropolitaine et les administrations entités : une unité de planification des dépensé sans compter et lancé des pro- municipales, en renforçant ces deux entreprises, chargée de la planification grammes d'infrastructure ambitieux sans se niveaux d'administration stratégique pour l'ensemble de la ville, et soucier de leur financement. La détériora- La création d'une administration une unité de gestion des contrats, chargée tion des recettes municipales - conséquence métropolitaine à un seul niveau. de réglementer les entreprises d'utilité d'une culture de boycott du paiement des Johannesburg a choisi une solution publique au moyen d'une panoplie de services héritée de la lutte contre l'apartheid hybride. Elle a placé l'autorité politique, la nouveaux instruments, notamment des - , la pauvreté et une distribution du crédit gestion de la trésorerie et la planification spa- accords de licence et des accords portant mal maîtrisée ont encore aggravé les choses. tiale sous la tutelle d'une administration sur un niveau annuel de service. La ville a dû piocher dans ses réserves, mais métropolitaine centrale. Mais en ce qui elles n'étaient pas sans fond, de sorte qu' à la concerne la fourniture de services, elle a opté Il n'y a pas deformule unique fin de 1997 elle s'est trouvée dans l'incapacité pour une structure décentralisée. Elle a donc Les entités chargées des opérations n'étant de rembourser ses principaux créanciers. Au fusionné les cinq conseils municipaux en une pas tenues de se conformer à des règles plus fort de la crise, elle accusait un déficit superstructure municipale et mis en place administratives contraignantes, elles ont eu d'exploitation de 314 millions de rands. des structures intégrées de prestation de ser- la possibilité de se différencier. Chacune a Johannesburg se trouvait dans une vices avec un nouveau système d'incitations. pu définir la structure de gestion, les voies situation grave. Ayant décentralisé les res- hiérarchiques, les modes de délégation, les ponsabilités, l'administration centrale Responsabilités en matière descriptifs de poste, les systèmes de gestion appliqua les règles qui gouvernaient les d'organisation des services de la performance et les méthodes de fonc- relations entre administrations et refusa de Sous l'égide d'un conseil métropolitain, tionnement de son choix. Chacune a égale- renflouer la ville. Johannesburg devait iGoli 2002 a séparé l'institution responsable ment pu définir ses procédures internes de Pleinsfeuixsur Johannesburg 209 contrôle financier pour les adapter au mode Les améliorations ainsi apportées aux marchés sont passées en l'espace de deux ans d'organisation des services retenu. En voici activités de gestion se traduisent déjà par de de 300 millions de rands à un montant trois exemples: meilleures prestations de services. La collecte dépassant largement un milliard de rands. Les départements de l'eau et de l'assainis- des déchets a été étendue pour la premiè Risques et perspectives d'évolution seetont été fusionnés en un seul fois aux qurir eativement plus défavori- Riqeetprecvsd'olin dépternent o et convertis, en application sés. Une flotte d'autobus neufs dessert main- Johannesburg va-t-elle maintenir la sépara- département sociétés, en une lntreris tenant les communautés de la grande ban- tion entre gouvernants, prestataires de ser- du droit des sociétés en une entreprilse lieue. Par ailleurs, les dépenses consacrées à vices et organismes chargés de la réglementa- d'utilité publique dotée d'un conseil d'ad- l'infrastructure de l'eau ont augmenté, et la tion ? Les rôles respectifs des usagers des ministration dont la ville est propriétaire, couverture des services d'alimentation en eau services et des entreprises contractantes sont Les actifs et les agents des départements a été étendue. Ces résultats transparaissent encore en évolution. Ladministration cen- ont été transférés à l'entreprise, dont la également dans la situation financière de la trale conserve toujours certains moyens d'in- gestion a été confiée à une entreprise pri- ville, comme en témoigne le redressement tervention au niveau opérationnel. Comme vée dans le cadre d'un contrat de gestion spectaculaire des budgets d'exploitation et auparavant, les responsables sont parfois de cinq ans. d'investissement (figure 1). appelés à expliquer leur action devant les Le département des routes a été converti conseillers. Il reste encore des questions de en un organisme municipal doté d'un Engager d'autres parties prenantes gouvernance à trancher: le Conseil estime conseil professionnel, qui comprenait Main-d'oeuvre Malgré de longues par exemple que les conseillers devraient ètre deux départements, l'un chargé de la pla- négociations, iGoli n'a pas reçu l'aval des mieux représentés dans les conseils d'admi- nification et l'autre des contrats. Le dépar- organisations svndicales. Pour les syndicats, nistration des entités chargées des opéra- tement des contrats travaillait sur la base la crise que traversait la ville n'était pas due à tions. d'un ensemble d'objectifs déterminés par un dysfonctionnement de la structure Les cinq conditions suivantes devront être le département de la planification, étant institutionnelle. Elle s'expliquait par « un remplies si l'on veut que les principes d'iGoli entendu que, si les objectifs n'étaient pas manque de qualifications et d'expérience et 2002 soient durablement respectés: atteints, il risquait de voir ses attributions par le fait que les responsables n'avaient pas Les unités chargées du suivi et de la régle- sous-traitées au secteur privé. voulu [mettre en place] des organisations mentation doivent rester dans le giron de •La compagnie du gaz a été cédée au sec- fonctionnelles et ... [avaient pris] des l'administration municipales : elles ne sont teur privé. décisions financièrement irrationnelles ». ni juridiquement, ni administrativement Administration centrale : Léquipe a indépendantes. Les réformes ont conféeré l'autonomie de négocié une subvention de restructuration de Il faut maintenir l'autonomie opération- gestion aux entités chargées des opératlons. 500 millions de rands avec le Trésor national nelle et les moyens d'action du service C'est ainsi que les salaires ont ét relevs u pour appuyer iGoli 2002, moyennant quoi chargé de la gestion des contrats - et donc pouvoir attirer descandidatsèhautement qua- elle s'est engagée à prendre des mesures l'indépendance des services chargés des lifiés, et de nouveaux systèmes ont été achetes énergiques pour exécuter les principaux opérations. pour faciliter la tàche dans tous les domaines, volets du plan de restructuration dans les La décentralisation budgétaire et finan- depuis la gestion des ressources humaines délais voulus. Cet instrument clé de la relation cière doit être définitivement acquise. Les jusqu'à la mesure de la pression de l'eau à de responsabilité établie entre l'administra- municipalités qui comptent d'abord sur distance, ce qui a permis d'accroître la pro- tion centrale et l'administration municipale leurs propres sources de revenu pour ductivité et l'efficacité des services. Les est devenu un système d'incitations pour remplir leurs devoirs démocratiques sans réformes ont aussi conduit à introduire des encourager toutes les villes du pays à en appeler aux garanties de l'État sont en programmes novateurs de valorisation des s'engager dans la voie de la restructuration. général plus responsables envers leurs ressources humaines et des systèmes de Marchés des capitaux: Mettant en avant administrés. rémunération au mérite. la solidité des réformes, les responsables Le système qui régit actuellement les rela- Les entités opèrent en toute indépendance municipaux ont cherché à obtenir une tions entre les différents échelons de l'ad- du conseil, mais leur sens des responsabilités nouvelle note de solvabilité afin de regagner ministration comporte une dévolution a été renforcé parce que le mécanisme de base la confiance de la communauté bancaire de la des pouvoirs et des responsabilités aux n'est plus le rapport indigeste établi par le ville. Lorsque le budget fortement déficitaire villes, et il faut conserver ce système. comité sur les problèmes opérationnels ren- de la ville est revenu à l'équilibre, les Both counciors and officials consistently contrés au jour le jour. Les conseillers focali- dépenses d'investissement financées par les adhering to a clear, courageous, and far- sent maintenant leur surveillance sur les sighted strategy. Sustaining momentum points essentiels, à charge pour les respon- Figure 1 Retour à l'excédent d'exploitation - will require greater citizen voice at all levels. sables d'atteindre les résultats clairement grâce à iGoli 2002 The decentralized operating entities and définis dans les contrats de services. L'infor- Millions de Rends the administrative regions have mecha- mation est transmise via des circuits structu- 150 nisms for engaging citizens. Using them rés, qui aboutissent soit à l'unité chargée de 100 will be critical for sustaining iGoli 2002. la gestion des contrats, soit aux conseils d'ad- 0 Les conseillers et les édiles municipaux ministration des entreprises, qui comptent 50 _ doivent adhérer de façon systématique à des spécialistes extérieurs capables de vérifier une stratégie claire, courageuse et ouverte les résultats des prestations. -50 sur l'avenir. Pour maintenir la dynamique, Les entités chargées des opérations ont -100 M il faut que la population ait davantage voix aussi institué des forums d'usagers qui per- -150 au chapitre à tous les niveaux. Les entités mettent aux communautés de faire connaître -200 décentralisées qui sont chargées des opéra- leurs besoins, de formuler des plaintes et -250 tions et les régions administratives dispo- même de participer activement à la fourni- -300 sent des mécanismes nécessaires pour ture des services. Les responsables munici- -350 amener la population à s'impliquer, et il paux sont devenus bien plus sensibles aux 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 sera d'une importance cruciale de les utili- problèmes posés par l'évolution constante ser si l'on veut que les réformes engagées des services à fournir. Source :Alln, Gotz etJoseph (2001) par iGoli 2002 s'inscrivent dans la durée. Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics Quant auxformes de gouvernement, que toutfou le déploiement de la capacité administrative à conteste; le mieux organisé est bien meilleur prendre des décisions cohérentes au plus haut c ha p i tr e ete l'atteste niveau, et à les appliquer correctement ; la lutte contre la corruption ; et les leçons tirées Alexander Pope, Essai sur l'homme. des succès et des échecs. Les réformes du secteur public prennent Pour que les services de base d'éducation, du temps et nécessitent un talent politique. Il de santé et d'infrastructure fonctionnent au est facile de convenir d'objectifs désirables, profit des pauvres, il faut que les gouverne- mais il est difficile de gérer la transition. ments soient impliqués. Que l'État assume Lorsque les capacités de départ sont réduites, cette responsabilité en assurant la produc- il peut être nécessaire, pour améliorer la per- tion, le financement, la régulation ou le formance, de procéder par petites étapes: contrôle des services ou en produisant l'in- c'est ce qui, dans ce Rapport, est appelé l'in- formation sur ces services, il faut que son crémentation stratégique. Il convient de fonctionnement de base soit le soutien et commencer par réformer le système d'incita- non pas l'obstacle à leur efficacité. tions de base dans le sens du renforcement Lorsque le fonctionnement de l'État laisse des responsabilités et de l'élévation des per- à désirer, il ne peut assurer le soutien des formances vers des normes formelles. arrangements institutionnels et des relations Lorsque le système d'incitations est davan- de responsabilité qui déterminent la bonne tage en phase et davantage intégré, à mesure qualité des services. Si l'on considère l'en- que les capacités administratives se dévelop- semble de l'action d'un État, il y a des chances pent, il est possible de lancer des réformes pour que les principaux avantages, pour la plus étendues pour promouvoir en évolution fourniture des services, proviennent de plus profonde des institutions et pour chan- quelques interventions décisives : des ger d'échelle. Tout au long de ce processus, il dépenses raisonnables et adéquates, de convient d'ajuster les réformes en fonction manière prédictible, par rapport aux priori- des leçons tirées des succès et des échecs. tés, et coordonnées entre les différents sec- teurs ; une gestion de la décentralisation per- Renforcer les fondements mettant de tirer avantage d'une plus grande de l'État proximité de la clientèle; le développement et Pour que les services de base profitent aux Figure 10.1 Renforcer les fondements du secteur public pour la fourniture des services pauvres, le rôle de l'État est essentiel, mais ce suppose la coordination des diverses relations d'accord n'est pas parce qu'un village dispose d'une école d'État que les enfants vont apprendre, et _- - > - _ce n'est pas parce qu'une maternité est gérée ff r :. .v ., ~par l'État que les mères accoucheront dans des conditions convenables de sécurité. Dans _ 3 _ + + + + un cas comme dans l'autre, des transferts budgétaires appropriés sont nécessaires, ainsi coal,TuonsJInIéoratlon 1 _ qu'un système de distribution d'électricité .jà*j h"i, fiable, des connexions routières, de la probité 210 Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 211 dans les processus d'achat, et des fonction- dent. Lorsque l'allocation des budgets est naires compétents. Pour promouvoir des ser- inadaptée, les services de base n'ont pas le vices qui fonctionnent, il faut aussi que fonc- financement dont ils auraient besoin et les tionnent des structures plus larges, au niveau prestataires en première ligne se retrouvent du fondement de l'État. handicapés. Enfin, lorsque les fonds ne vont Qu'ils assurent la production, le finance- pas là où ils devraient aller, la qualité, la quan- ment, la régulation ou le contrôle des ser- tité et l'accès aux services en souffrent. Le vices, les gouvernements qui se préoccupent budget constitue le lien critique sur le chemin de la situation des pauvres doivent renforcer long de la responsabilité, celui qui relie les la relation d'accord entre les décideurs et les citoyens aux prestataires par l'intermédiaire prestataires, sur le chemin long de la respon- des responsables politiques et des décideurs. sabilité.486 En ce qui concerne les services de La gestion des dépenses publiques - la base dans le domaine de l'éducation, de la définition, la mise en oeuvre et le contrôle des santé et de l'infrastructure, les décideurs doi- budgets annuels - est une tâche difficile, sur- vent gérer diverses relations d'accord avec les tout lorsque les capacités sont limitées et prestataires, dans différents secteurs, dans lorsque le chemin long de la responsabilité est l'espace et dans le temps (figure 10.1). De déficient. Le Chapitre 5 traite de la manière même qu'un ensemble de musiciens peut dont les initiatives budgétaires citoyennes faire de la bonne musique lorsqu'il est bien peuvent permettre aux citoyens d'avoir coordonné, et non pas simplement parce davantage voix au chapitre. Le présent cha- qu'il comporte des virtuoses, le renforcement pitre traite de la manière dont les respon- du chemin long est plus facile lorsque l'acti- sables politiques et les décideurs peuvent ren- vité générale de l'État est performante sur forcer l'accord en utilisant la gestion des toute la gamme, et non pas seulement dans dépenses publiques pour chercher systémati- certains secteurs ou au niveau de certains quement à atteindre trois objectifs désirables organismes. Plus le fonctionnement de base susceptibles de permettre que les services de l'État est cohérent, plus solides seront les soient efficaces: une discipline budgétaire fondements des réformes des services. globale, une allocation des ressources efficace Dans la gestion des activités de l'État, les et équitable, et un impact opérationnel.487 trois structures institutionnelles les plus sus- ceptibles d'avoir une influence sur la fourni- Une discipline budgétaire globale ture des services sont les budgets, la décentra- Faute de mécanismes efficaces pour lisation et l'administration publique. Pour un répondre aux demandes concurrentes de gouvernement désireux de faire en sorte que budgets des hommes politiques, des les services fonctionnent pour les pauvres, les ministres et des autorités locales, les tâches essentielles sont les suivantes : définir dépenses publiques dépasseront le montant les allocations budgétaires et les mettre en des fonds disponibles. Les déficits budgé- application, organiser et contrôler les niveaux taires non viables qui en résulteront ris- de l'administration assurant la prestation, le quent d'entraîner une inflation importante, financement et la réglementation des ser- des taux d'intérêt élevés et l'apparition de vices, et gérer les fonctionnaires impliqués déficits des comptes courants. Malgré la dans la fourniture des services. logique élémentaire de ce raisonnement - et parfois sous l'influence de chocs extérieurs - Dépenser de manière certains pays glissent vers des crises écono- raisonnable miques qui entraînent inévitablement l'aus- térité. Un pays en crise n'a parfois pas Lorsque les services font défaut aux pauvres, d'autre possibilité que de restreindre des la bonne manière de commencer à chercher services de base, même si la chaîne de pres- les causes du problème consiste presque tou- tation fonctionne bien en temps normal. jours à regarder de quelle manière le gouver- L'Argentine n'en est que l'exemple le plus nement dépense l'argent. Lorsque les respon- récent (encadré 10.1). sables politiques et les décideurs dépensent Un pays peut promouvoir la discipline au-delà de leurs moyens, les services se dégra- budgétaire en définissant avec plus de 212 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 min long de la responsabilité et ce qui en E N C A D R Ê 1 o . 1 L 'inipact de la crise argentitie fait la force, surtout pour ce qui concerne le SuIr les services de santié et d'éducationi lien entre décideurs et prestataires. Com- ment un État doit-il allouer les budgets Après trois années de récession, la crise éco- doute davantage exposée aux risques. Les pour faire progresser l'éducation et la santé nomique et financière de l'Argentine a pris statistiques du contrôle épidémiologique ubliue ? Premièrement, il s'agit de cerner fin, en 2001. L'impact social a été catastro- indiquent une recrudescence de certaines p q phique. Les taux de pauvreté ont dépassé 40 maladies endémiques. la problématique de l'efficacité de l'inter- %. La détérioration de la qualité des services, L'éducation a été touchée de la même vention de l'État: existe-t-il des carences du de l'accès et des conditions d'utilisation des manière, avec des retards dans le versement services sociaux est de plus en plus visible. des salaires et des interruptions du travail marché, dues à des biens publics ou à des Près de 12 % des assurés sociaux ont vu leur dans plusieurs provinces. Au cours de l'an- effets externes ? Ou alors, l'objectif est-il de couverture s'interrompre ou se réduire, d'où née 2002, sur une année scolaire de 180 reitbur ls esocs pur ls une pression accrue sur les hôpitaux publics, jours, environ un tiers des provinces ont redistribuer les ressources pour plus déjà en situation difficile, qui sont les presta- connu des fermetures des écoles pendant d'équité ? Deuxièmement, compte tenu de taires traditionnels pour les personnes non . . , assurées. Des problèmes de transferts entre des durées de 2 à 80 JOUrS. Un certai la problématique suivie, quel est Iinstru- les États de la fédération ont entraîné de nombre de provinces ont été obligées dle graves pénuries de fournitures médicales concentrer leurs ressources en chute libre ment approprié : le financement public, la dans l'ensemble du secteur hospitalier. La sur les salaires, et par conséquent de réduire réglementation ou l'éducation du public ? pression pour maintenir le financement des nettement le financement des repas des Troisièmement, quels sont dans le temps les soins curatifs très coûteux a entraîné des cantines scolaires, de l'infrastructure et des coupes supplémentaires dans les ressources autres investissements. coûts budgétaires, et quel est le rapport déjà faibles allouées aux soins primaires. La entre les avantages attendus et ceux des santédesmèreetdesjeunesenfantsestsans Source:ServicesdelaBanquemondiale. autres dépenses de financement que pour- rait faire l'État ? En examinant ces ques- tions, les responsables politiques et les déci- rigueur les budgets, au niveau du ministère deurs devront accorder une attention des Finances. Les législatures et les minis- particulière à ce que l'on appelle les déter- tères peuvent privilégier les restrictions minants pluri-sectoriels du niveau de la constitutionnelles ou législatives. Le Brésil santé publique et de l'éducation dans leur et le Chili ont des lois relatives à la respon- pays (voir document 1.1). La réduction de sabilité budgétaire qui limitent les possibili- la mortalité infantile peut avoir autant tés de déficit dans les budgets. En Colom- d'importance que la manière dont le minis- bie, au Pérou, aux Philippines et en tère chargé de l'eau (pour une eau propre), Uruguay, la constitution restreint les bud- le ministère de l'Éducation (pour l'alphabé- gets ou interdit les révisions destinées à les tisation des femmes) ou le ministère de la accroître. Une gestion cohérente des Santé obtient et utilise son budget. dépenses publiques suppose des prévisions Lorsque l'on étudie la problématique et de recettes fiables et des budgets exhaustifs les instruments des interventions de l'État, il ne dissimulant ni garanties ni autres passifs faut prendre garde à un certain nombre de exigibles. Lorsque les budgets ne sont pas pièges. Si l'on s'attache uniquement aux exhaustifs, les conséquences peuvent être carences du marché (asymétrie de l'informa- désastreuses, comme cela s'est produit en tion, absence des marchés de l'assurance), on Thaïlande en 1997 lorsque le gouvernement suppose que les carences de l'implication de a fait l'impasse sur le passif exigible par les l'État sont sans importance. C'est vrai là où il secteurs bancaire et financier, ce qui a existe une véritable prestation publique ou entraîné une crise financière dans toute la un véritable financement public (tableau région. 10. 1). Cependant, lorsque les carences de l'É- tat outrepassent celles du marché, le fait de Une allocation des ressources les ignorer peut conduire à une situation efficace et équitable dans laquelle d'importantes dépenses Pour que les services de base dans le publiques ne profiteront qu'aux non- domaine de l'éducation, de la santé et de pauvres, ou dans laquelle les services seront l'infrastructure profitent aux pauvres, il faut si défaillants que leurs coûts d'opportunité que l'État soit impliqué, comme cela ressort dépasseront les avantages qu'ils apporteront clairement du chapitre 2. Cela suppose des à la plupart des pauvres. En ce qui concerne budgets cohérents. Des allocations budgé- les soins cliniques difficiles à contrôler, si les taires convenables et orientées vers les résul- dispensaires de soins primaires en milieu tats constituent à la fois un objectif du che- rural manquent de personnel qualifié et de Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 213 Tableau 10.1 Des marchés faillibles, des gouvernements faillibles, ou les deux? Carence de l'État Farte Faible Farte Situations ambiguës et difficiles à contrôler, dans lesquelles la Les carences du marché font que les services ne profitent pas aux carence de l'État risque de l'emporter sur la carence du marché, et pauvres. En fonction de la nature de ces carences, l'action publique donc le financement public, motivé par des considérations peut aller de la prestation publique ou du financement public d'efficacité ou d'équité, risque de ne pas profiter aux pauvres (les (subventions) à la réglementation ou à la diffusion d'information, sans enseignants du primaire, dans l'enseignement public, peuvent ne pas exclure les réponses du secteur privé, ou tout du moins en en tenant assurer les cours, les dispensaires publics risquent d'exclure les compte. pauvres des soins). Les dépenses publiques doivent être consacrées au renforcement du pouvoir du consommateur à travers des subventions du côté de la demande, aux co-paiements, au Carence renforcement du contrôle des clients, du contrôle mutuel des du prestataires et de l'information, an renforcement du pouvoir marché d'expression (grâce à une décentralisation, à des formes de prestation permettant de disposer de davantage d'information, à une analyse budgétaire participative), et au soutien des prestataires altruistes. La prestation des services sur le marché et au niveau de la collectivité doit permettre le renforcement des institutions publiques dans le temps. Faible Prestation privée et financement avec une réglementation publique Prestation privée avec réglementation appropriée, et interventions de ou une éducation appropriée l'État motivées par l'équité, en étant au fait des réponses possibles du secteur privé. médicaments et si le contexte politique n'est bien public que les gouvernements et leurs pas favorable aux pauvres, les prestations partenaires extérieurs devraient financer). publiques et même les subventions aux pres- Déterminer les coûts véritables et leur impact tataires privés risquent d'être sans effet pour pour prendre les bonnes décisions en matière les pauvres. Il vaut alors mieux envisager des d'allocation budgétaire n'est pas facile, sur- subventions du côté de la demande ou finan- tout lorsque des organismes hiérarchiques cer des hôpitaux de districts, où le contrôle intéressés sont fortement incités à manipuler est plus facile et où la pression des pairs peut ou à dissimuler l'information provenant du jouer. Lorsque le contrôle est facile, comme ministère des Finances. Cette asymétrie de dans les campagnes de vaccinations, passer l'information risque de favoriser des pra- des contrats avec des prestataires privés peut tiques perverses (si par exemple des adminis- être une bonne solution. trations transferent les coûts sur les années De même, le fait d'ignorer la réaction pro- postérieures) qui nuiront à la transparence bable du secteur privé à l'intervention de l'É- budgétaire, à sa mise en phase avec les priori- tat (l'élimination des prestataires privés ou les tés globales et aux considérations des aspects effets sur le revenu des ménages des subven- pratiques de ce qui fonctionne. tions gouvernementales) peut entraîner l'in- Au cours de ces dernières années, plusieurs efficacité des dépenses publiques. Des pays se sont intéressés à ces problèmes de dépenses publiques visant à rétablir l'équité transparence et d'orientation des résultats peuvent, au bout du compte, ne profiter dans la formulation des budgets, dans des qu'aux non-pauvres si, lors de l'élaboration schémas de dépenses à moyen terme. Ces d'une politique, on ignore une analyse mon- plans de dépenses sur plusieurs années ren- trant que ni les services ni l'argent n'attei- dent plus transparents les compromis néces- gnent les pauvres. saires entre les secteurs et dans le temps et Il n'est pas possible de répondre à ces synchronisent l'établissement des priorités à questions sur la problématique et les instru- moyen terme avec le cycle budgétaire annuel. ments de l'intervention de l'État sans disposer Ils offrent la promesse d'une meilleure ges- d'une information détaillée sur le secteur, le tion budgétaire, même si leur mise en oeuvre service, la nature et la profondeur du marché précoce laisse penser que pour obtenir des et des carences de l'Etat, sans savoir qui profi- résultats, du temps et des efforts seront néces- tera (incidence des dépenses) et sans saires ainsi que des améliorations parallèles connaître les réactions du secteur privé et des dans l'application et le contrôle du budget.488 particuliers aux interventions de l'Etat. Cette Correctement appliqué, un schéma de information doit être développée à l'aide d'un dépenses à moyen terme peut permettre travail d'analyse en profondeur (il s'agit d'un d'éviter que les hauts fonctionnaires soient 214 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 incités à trafiquer l'orientation des loppement du Malawi pour 1996-1997, la dépenses, et les vrais coûts des choix poli- part allouée à la santé représentait 21 % du tiques faits lors de la budgétisation peuvent total, mais ce secteur n'a reçu que 4 %.490 ainsi apparaître. Ce schéma peut utilement Mettre en application les plans de dépenses à résoudre le problème de l'asymétrie de l'in- moyen terme est difficile, cela peut prendre formation entre le ministère des Finances et une douzaine d'années ou davantage, comme les organismes qui en dépendent, car le sys- le montre l'expérience des pays qui s'y sont tème d'estimation prévisionnelle implique employés les premiers comme l'Ouganda. Il que les administrations chiffrent les coûts semble qu'un fondement solide pour l'exécu- de leurs programmes sur le moyen terme: il tion et le contrôle du budget soit essentiel, s'agit essentiellement d'un budget glissant mais c'est aussi une condition difficile à réali- sur 3 ou 4 ans. Un système d'estimation ser. Mettre en application les plans de prévisionnelle qui fonctionne correctement dépenses à moyen terme peut aider à jeter les peut conduire les administrations à dispo- bases, de la même manière que les projets de ser des fonds pour les coûts récurrents et à budgétisation participative dont il est ques- améliorer la fourniture des services qui tion au chapitre 5. Les autres facteurs de réus- souffrent d'une inadéquation de la mainte- site sont l'adaptation prudente des capacités, nance, comme les écoles primaires. le réalisme dans les prévisions et les estima- Avec la croissance de la capacité de gestion, tions budgétaires, la distinction entre la res- un schéma des dépenses à moyen terme peut ponsabilité collective au niveau ministériel et offrir d'autres avantages. Il est possible de les intérêts des administrations locales, et développer des plans de dépenses spécifiques l'engagement de celles-ci dans la phase straté- aux secteurs et de les relier au schéma général, gique avant de prendre en compte les estima- ce qui incite davantage à considérer le budget tions détaillées, lorsque la problématique et comme étant de plus en plus orienté vers les les instruments de l'intervention de l'État ont résultats (le chapitre 8 traite de cette pu être soigneusement étudiés. approche de la budgétisation dans le domaine de la santé au Mali). À l'aide d'un L'impact opérationnel schéma pluriannuel, les décideurs politiques En fin de compte, même les meilleures alloca- peuvent s'occuper de nouveaux programmes, tions budgétaires ne valent que ce que vaut dans la mesure où les allocations pour les leur impact sur les objectifs souhaités au programmes existants, décidées au cours des niveau de la population pauvre. Abstraction années qui précèdent, n'ont besoin que d'être faite du revenu national, des études compara- mises à jour. Un ministère des Finances peut tives montrent que les dépenses publiques alors, de manière plus transparente, deman- par habitant et les résultats ne sont que faible- der aux administrations qui dépendent de lui ment corrélés (chapitre 2). À une évolution de réaliser des coupes pour financer de nou- similaire des dépenses correspondent veaux programmes. Ces administrations diverses variations des résultats, et à diverses seront incitées à connaitre à tout moment les variations des dépenses correspondent des programmes les moins efficaces, cela créera variations similaires des résultats. Cela ne une demande pour un contrôle systématique, veut pas dire que les dépenses publiques ne pour une capacité d'étude d'impact et pour sont jamais efficaces: des pays comme la un feedback de la clientèle. Thailande ont nettement réduit leurs taux de Cependant, malgré tous les avantages, les mortalité infantile grâce à une politique plans de dépenses à moyen terme ne sont pas volontaire et appropriée et à des dépenses. une panacée. Globalement comme au niveau Mais cela signifie que les dépenses publiques sectoriel, les résultats sont mitigés, et le déve- seront inefficaces si elles ne sont pas orientées loppement des capacités n'est pas toujours vers les résultats. Ces dernières années, des probant. Certaines applications progressent efforts notables ont été observés pour que les lentement (en Albanie, en Afrique du Sud, en décideurs et les prestataires rendent compte Ouganda), certaines sont encore en cours de non seulement de la manière dont ils dépen- formation (Rwanda, Tanzanie) et certaines sent l'argent mais aussi de leurs résultats s'enlisent (Bolivie, Burkina, Cameroun, (outputs intermédiaires et résultats finals). Ghana, Malawi).489 Dans le budget de déve- Les pays utilisent plusieurs instruments: des Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 215 approches mono et pluri-sectorielles en l'aide extérieure. Selon une étude récente termes de programmes, la mise en phase des des capacités des systèmes de gestion bud- stratégies nationales globales avec les budgets, gétaire à suivre les dépenses en faveur des des outils permettant de vérifier la destina- pauvres, dans les pays pauvres très endettés, tion des fonds et des contrôles renforcés pour il reste beaucoup à faire.492 Tout en recon- lutter contre la fraude et le détournement des naissant que le progrès de la gestion des fonds publics. dépenses publiques prendra du temps,493 les intervenants du pays comme les bailleurs de Des approches en termes de programmes. fonds ont mis en évidence le besoin de Un projet d'investissement risque de ne pas développer et de mettre en oeuvre des plans atteindre son objectif si l'on ignore les liens détaillés pour réaliser ces améliorations. et les incompatibilités dans le temps et l'es- Dans l'idéal, les stratégies de lutte contre pace et entre les secteurs. Le chapitre 11 la pauvreté devraient être pleinement inté- traite des approches au niveau sectoriel grées à la budgétisation, mais cela reste une comme moyen de renforcer l'impact du approche nouvelle et dont le degré de réus- développement, de bâtir des partenariats site varie. Dans certains pays, l'intégration a plus solides avec les bailleurs de fonds, été un objectif prioritaire (l'Albanie). La d'améliorer la gestion des ressources secto- Tanzanie et l'Ouganda ont intégré leurs rielles et de généraliser ce qui réussit. Utili- stratégies de lutte contre la pauvreté dans sées dans des pays aussi variés que le Ban- leurs plans de dépenses à moyen terme, ce gladesh, la Bolivie, le Brésil, le Burkina, qui a renforcé, dans celles-ci comme dans l'Ethiopie, le Ghana, le Mali, le Mozam- ces derniers, l'orientation, la légitimité et la bique, le Pakistan, la Tanzanie et la Zambie, stabilité. Cependant, d'autres pays ont délé- les approches au niveau sectoriel montrent gué la responsabilité de préparer leur straté- qu'avec le temps, les stratégies et les objec- gie de lutte contre la pauvreté à un minis- tifs s'articulent mieux et que les systèmes tère qui n'était pas directement concerné d'aide à la gestion, de contrôle, d'évaluation par la planification des dépenses publiques. et de planification des ressources sont Au Ghana, cette responsabilité a été initiale- mieux implantés dans les secteurs où l'on ment attribuée au ministère de la planifica- recourt à ces approches que dans les autres. tion, mais par la suite c'est le ministre des Finances qui a hérité de la compétence en Les stratégies de lutte contre la pauvreté. matière de planification. La stratégie de lutte contre la pauvreté choi- sie par un pays peut relier explicitement les Les enquêtes de suivi des dépenses publiques. dépenses publiques à la fourniture de ser- À travers l'appréciation de l'impact opéra- vices aux pauvres, permettre à ce pays de tionnel - la fourniture des services en qualité développer une structure de responsabilités et en quantité, où les fonds alloués sont et renforcer le pouvoir d'expression poli- dépensés, comment et avec quel effet - les tique des citoyens au moyen de consulta- enquêtes de suivi des dépenses publiques per- tions de la société civile. En 1999, les pays à mettent de suivre le flux des fonds à travers revenu faible ont commencé à préparer des les différents niveaux d'administration pour plans de stratégie de lutte contre la pauvreté déterminer si les fonds parviennent réelle- (PRSP) comme base pour des prêts subven- ment aux écoles et aux dispensaires auxquels tionnés de la Banque mondiale et du Fonds ils sont destinés. Non seulement ces enquêtes monétaire international et pour l'allège- de suivi mettent en lumière l'utilisation et ment de la dette dans le cadre de l'Initiative l'abus des fonds publics, mais elles donnent en faveur des pays pauvres très endettés aussi des indications sur les dévoiements, la 491 (HIPC).4 Un certain nombre de pays et de rentabilité, la décentralisation et la responsa- bailleurs de fonds ont mis l'accent sur le bilité.494 Même lorsque l'on dispose de peu progrès de la gestion des dépenses d'information financière, les enquêtes de publiques comme moyen de suivre les suivi peuvent montrer dans quelle mesure dépenses en faveur des pauvres et de res- l'argent est censé parvenir à une collectivité et ponsabiliser davantage les bailleurs de dans quelle mesure il y parvient véritable- fonds comme les récipiendaires vis-à-vis de ment. Rendue publique, cette information 216 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 permet de renforcer les relations d'expression ment pertinente lorsqu'il s'agit des préoccu- politique et de pouvoir du consommateur pations d'efficacité opérationnelle des bud- (encadré 10.2). gets, et elle est le signe d'une notion étendue de la responsabilité. Ceux qui gèrent les La gestion financière. L'audit aide un gou- finances publiques ont maintenant besoin vernement à se responsabiiser vis-à-vis de la d'assumer un rôle de contribution aux résul- manière dont les décideurs politiques et les tats finals, autant que de contrôle.495 prestataires dépensent l'argent. Traditionnel- lement, les audits sont centrés sur les Les achats. Le coût et la qualité des pro- contrôles financiers de base et sur les flux de grammes gouvernementaux dépendent de trésorerie. Cette orientation est le reflet des façon critique du processus d'achat à travers habitudes qui prévalent en finance publique lequel les budgets sont dépensés. Les achats en matière de contrôle et de la vision bien englobent inévitablement un ensemble com- ancrée selon laquelle la responsabilité de l'uti- plexe de règles et de procédures, chacune sus- lisation des fonds cimente l'utilisation disci- ceptible de retarder ou de favoriser la transpa- plinée des ressources dans le sens prévu dans rence, la concurrence, la responsabilité et les budgets. Pourtant, ces dernières années, l'efficacité. Les fuites, principalement sous les processus comptables et d'audit ont été forme de fraude et de corruption, peuvent se mis au défi d'étudier la performance en traduire par un niveau de qualité des équipe- matière de dépenses aussi bien que la confor- ments et de l'infrastructure inférieur aux mité aux règles. La nouvelle orientation de normes, des insuffisances de l'offre de biens et l'audit vers la performance est particulière- de services médicaux essentiels, un manque de manuels scolaires, la prédominance de biens E NCADRÉ1 Losuï n qed l're :lseqêe non prioritaires et des services publics de E N C A D R É 1 0. 2 Lorsqu til manque de l'argent: les enquetes mauvaise qualité. Lorsque les procédures sont de suivi des dépenses publiques inefficaces, les coûts sont plus élevés pour les Au début des années 1990, le gouvernement ferait de Vaso de Leche un programme de fournisseurs, ce qui élève d'autant les coûts des ougandais a augmenté considérablement transferts financiers conditionnel, polyva- programmes. L'amélioration de la fonction ses dépenses d'éducation primaire. Cepen- lent, avec une plus forte obligation de achats suppose une analyse étendue de ses dant, les taux de scolarisation ont stagné. Est- rendre des comptes aux citoyens. ce que l'argent ne serait pas parvenu aux De ces enquêtes de suivi et d'autres règles, de ses procédures et de ses arrange- écoles Pour répondre à cette question, on a menées au Ghana, au Honduras, au Mozam- ments institutionnels. Pour promouvoir la commencé en 1996 à collecter des données bique, en Papouasie-nouvelle-Guinée, au sur les transferts gouvernementaux aux Rwanda, au Sénégal, en Tanzanie, au Tchad et rationalisation, plusieurs pays se sont tournés écoles, dans le cadre d'une enquête de suivi en Zambie, il semble que l'on puisse tirer plu- vers les technologies de l'information et de la des dépenses publiques. On a ainsi constaté sieurs leçons. Elles confirment le fait que que 87 % des ressources destinées aux écoles l'exécution des budgets soit un grand pro- communication. Le Brésil, le Chili, la Corée du en dehors des salaires étaient en réalité blème et montrent que trop souvent les pro- Sud, le Mexique et les Philippines, parmi consacrées à d'autres usages. Cette informa- cédures ne sont pas claires et les processus tion a été rendue publique et a provoqué une ne sont pas sans déraper. On constate que la d'autres, ont développé des systèmes élaborés vive réaction du gouvernement qui, conjoin- mauvaise gestion des ressources est souvent d'achat par voie électronique qui réduisent les tement avec les parents d'élèves,a exercé une le résultat d'une trop grande discrétion dans pression sur les responsables des établisse- l'allocation des ressources lorsque l'informa- coûts et permettent davantage de transpa- ments scolaires pour que les fuites soient col- tion est restreinte, lorsque les contrôles sont rence, de concurrence et d'efficacité.496 matées (voir « Pleins feux sur l'Ouganda »). insuffisants et lorsque d'importants intérêts Des études de suivi ont montré que la situa- sont de la partie. Les enquêtes de suivi per- tion s'était améliorée. mettent de mieux voir ce qui se produit au Décentraliser Les enquêtes de suivi permettent de niveau du fonctionnement véritable (plutôt trouver les problèmes là où on ne les attend que du fonctionnement formel) des écoles et pour ameéliorer les services pas. Au Pérou, une enquête dans laquelle on des dispensaires et elles permettent de faire suivait un programme participatif de distri- des comparaisons entre les prestataires Des gouvernements de toutes tailles transfe- bution de compléments alimentaires (Vaso publics, privés et non-gouvernementaux. Ces de Leche, ou « Verre de lait ») a révélé que enquêtes sont très rentables dans la mesure rent actuellement des responsabilités à des moins d'un tiers de chaque dollar alloué par où il est mis fin aux fuites qu'elles révèlent. niveaux inférieurs, en partie en raison d'un l'État parvenait aux bons destinataires. C'est Cependant,encore faut-il qu'elles bénéficient surtout au-dessous du niveau municipal d'un contexte adéquat: faute d'un solide désir de rapprocher les responsables poli- que se produisaient les fuites - au niveau des engagement politique en faveur d'une plus tiques et les décideurs des clients et de rendre Comités des mères et des ménages. Ces grande transparence, les organismes gouver- résultats ont mis à mal la croyance qui sous- nementaux risquent d'être réticents à mon- les services plus efficaces. Les deux plus tendait le programme, selon laquelle les trer leurs livres de comptes. La difficulté est grands pays du monde, la Chine et l'Inde, ont organisations communautaires locales d'institutionnaliser les enquêtes de suivi au étaient toujours plus responsables que les sein du régime de contrôle financier propre à entrepris chacun une décentralisation. La organismes publics. Les autorités ont alors chaque pays. croissance industrielle phénoménale de la décidé de faire fusionner tous les pro- grammes de nutrition en un fonds social qui Source:Servicesde la Banque mondiale. Chine s'est produite dans un cadre institu- tionnel caractérisé par la décentralisation, et Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 217 l'Inde a amendé sa constitution en 1992 pour Figure 10.2 La part des dépenses déléguée promouvoir les gouvernements locaux.497 aux autorités locales varie considérablement Cependant, l'ampleur de la décentralisation Par pays, pour l'année la plus récente possible varie considérablement, et elle est probable- Pérou Niveau étatique ment moindre que ce que l'on imagine géné- Argentin rovincial ralement: même dans les pays développés, Inde Panama 1 ces dernières années, la part moyenne des Costa Rica dépenses gérée localement dépassait à peine Nicaragua M 30 % (figure 10.2). Trinidad etTobago M lie Maurice Les autorités locales peuvent être des pres- Kenya n Niveau local tataires de services et des régulateurs efficaces Botswana M Portugal dans le mesure où existent les bonnes incita- Thaïlande tions institutionnelles et où l'on peut savoir Roumanie fait quoi - et avec 498Belgique clairement qui fait quoi - et avec quoi. Croatie Cependant, une plus grande autonomie peut Israël aussi ouvrir la voie à un comportement Francg opportuniste et engendrer une situation d'in- Albanie certitude morale, avec pour conséquence des Bulgarie République Tchèque coûts qui nuisent à la responsabilisation et Lithuanie compromettent les avantages de la décentra- Pologne 499 -ci fonctionne, U ~~~~~Hongrie lisation.49 Pour que celle-ci fonctionne, il Lettonie faut qu'elle soit bien conçue, gérée de Pays-Bas manière cohérente, et il faut une adaptation Itaule - constante assurée à la fois par l'État et par les Islande autorités locales. Norvège Mongolie La décentralisation Biélorussie et la fourniture des services Finlande La décentralisation n'est pas de la magie. Le Danemark fait de déléguer davantage de responsabilités Antilles Néerlandaises aux autorités locales n'est pas en soi une Autriche transformation du mode de fourniture des Bolivie Espagne services. Tout dépend des motivations de la Allemagne décentralisation qui peuvent correspondre à Brésil Etats-Unis des objectifs de réforme politique, de réforme Australie budgétaire ou de réforme des services. Suisse Souvent, la décentralisation est principale- Afrique du Sud 20 30 40 50 60 70 80 ment un acte politique visant une plus % grande autonomie régionale. La décentralisa- tio ndes serv ie unasous-prdutencadré Par région du monde, pour l'année la plus récente possible tion des services est un sous-produit (encadrée fiu ushren 4 10.3). En 1999 et 20dO, l'Indonésie a décen- Afrique subsaharienne (4) tralisé la responsabilité d'un certain nombre Extrême-Orient et Océanie <4) de services, parmi lesquels l'enseignement Amérique Latine scolaire, dans le cadre d'un mouvement plus et Antilles 19) global vers une plus grande autonomie régio- Europe - nale. Dans ce genre de situation, la décentrali- et Asie centrale (13) sation est une réalité à laquelle les éducateurs à revenu élevé l-t) - doivent se confronter, et non pas une réforme Asie du Sud 1) délibérée de l'éducation. Toutefois, de nou- o 20 40 60 velles dispositions peuvent toujours engen- % drer des opportunités de réforme. Pour qu'il Note: Moyennes simples des observations les plus récentes pur drer des opportunités e réforme. Pour qu'fl les pays dont les statistiques sont disponibles. Les chiff res entre soit tiré profit de ces opportunités, il faut que parenthèses indiquent le nombre de pays représentés. L'Asie du ., . . . , ~~~~~~~~~~Sud fait référence à ['Inde seule. deux conditions soient satisfaites. Première- ment, i faut qu'il existe une information per- Source: FMI, Government Finance statistics, Services de la Banque msndiale. 218 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 régions qui sont à la traîne ou de promouvoir E N C A D R É 1 0. 3 La décentralisation comtmie imnpératif des filets de sécurité pour les familles pauvres. politiquie: le cas de l'Éthiopie La décentralisation peut aussi être motivée par un désir de rapprocher l'administration En Éthiopie, la décentralisation a été une oeuvreetde contrôler le programme détaillé des services de la population. Cependant, la réponse aux pressions des groupements de l'éducation primaire et la formation des régionaux et ethniques en faveur d'une plus enseignants a été déléguée aux régions. Le réussite dépend de la manière dont la décen- grande participation politique. Lorsque le programme général est resté sous le tralisation affecte les relations de responsabi- Front démocratique révolutionnaire popu- contrôle du centre, le contenu étant modulé . S la d n f que r laire éthiopien a renversé la dictature de Men- par chaque région. Auparavant, l'amharique lté. Si la décentralsation ne fait que rempla- gistu en 1991, le nouveau gouvernement s'est était l'unique langue de l'enseignement, cer les fonctions du ministère central par un retrouvé confronté à un paysage politique mais la nouvelle politique a donné à tous les niveau d'administration légèrement inférieur complexe. Les clivages politiques étaient enfants le droit de recevoir une éducation orientés à l'extrême vers l'appartenance eth- primaire dans leur langue maternelle. Bien (celui d'une province ou d'un État fédéré) nique, et le combat contre Mengistu était que l'amharique reste la langue officielle, mais si tout le reste, pour ce qui concerne la mené par des organisations qui faisaient la l'enseignement se fait aujourd'hui dans pas fun ure des e , rest c hangé, ilry a promotion du nationalisme ethnique au sein moins de 18 langues. fourniture des services, reste inchangé, il y a de la population diversifiée du pays. Le gou- Les implications d'une décentralisation peu de raisons d'espérer une évolution favo- vernement du parti unique, le Front démocra- mise en oeuvre pour des raisons politiques tique révolutionnaire populaire éthiopien, sont déterminantes pour l'impact d'une rable. L'hypothèse est que la décentralisation avait besoin de contrôler l'ensemble du pays, réforme. Les politiques d'éducation adop- fonctionne en renforçant le pouvoir d'expres- de donner une légitimité à son autorité et tées dans le cadre de la décentralisation d'intégrer d'autres mouvements dans son sys- politique pourraient bien être une bonne sion des citoyens dans un sens qui conduise à tème politique. chose pour améliorer la qualité de J'ensei- une amélioration des services. Cependant, La constitution de 1994 a fait de l'Ethio- gnement et de l'apprentissage. Cependant, . , pie une fédération organisée selon les cli- si l'amélioration de la qualité n'est pas un pour des raisons à la fois théoriques et empi- vages ethniques,et les responsabilités admi- objectif central dans la décentralisation de riques, la situation est à double tranchant. La nistratives ont été décentralisées sur neuf l'éducation en Ethiopie,il peut en résulter un régions. Les réformes de l'éducation qui ont manque d'implication à atteindre cet objec- queston cruciale est toujours de savoir si la accompagné cette décentralisation ont été tif, qui peut devenir l'obstacle le plus difficile décentralisation accroit l'obligation de rendre définies dans la « Politique de l'éducation et à surmonter. des comptes aux citoyens, par rapport à l'al- de la formation pour 1994 ». La responsabi- lité de planifier, de définir, de mettre en Source: Pritchett et Farooqui (2003). ternative. Lorsque les autorités locales ne sont pas plus vulnérables que le centre aux détour- nements, la décentralisation a des chances de tinente sur la performance entre les juridic- permettre à la fois davantage d'efficacité et tions, de sorte que les citoyens puissent exer- davantage d'équité.500 cer une pression justifiée sur les responsables L'impact de la décentralisation sur les ser- politiques et les décideurs si un retard est à vices se complique encore lorsque, comme déplorer. Deuxièmement, il faut un contexte c'est généralement le cas, les objectifs poli- permettant aux juridictions d'expérimenter tiques, budgétaires et administratifs ne sont et d'évaluer les nouvelles approches. pas poursuivis simultanément ou de manière La décentralisation peut aussi être motivée solidaire. L'expérience de la décentralisation par des considérations d'ordre budgétaire, dans huit pays d'Amérique Latine laisse pen- par le souci de mettre la responsabilité des ser que ce sont souvent les objectifs politiques services en phase avec le niveau d'administra- qui ont servi de déclencheurs mais que par la tion le plus à même de gérer et de mobiliser suite les chemins ont divergé (encadré 10.4). les ressources pour ces services. Il existe un Seuls certains pays ont eu comme principal danger que l'État prenne ce fait comme objectif une décentralisation budgétaire ou excuse pour reléguer les responsabilités des administrative. Une telle variation, inévitable dépenses à des juridictions qui ne peuvent lorsque les pays s'adaptent, rend difficiles la pas recourir à un financement susceptible prédiction du tour que prendra la décentrali- d'être inflationniste. Si cette situation peut sation et la mesure de ses coûts et de ses avan- engendrer une plus grande disposition à tages.50 Compte tenu des diverses voies pos- payer davantage d'impôts locaux (les citoyens sibles, les résultats en matière d'amélioration percevant un lien direct entre les impôts et la des services sont variables: on observe des qualité des services), il n'y a pas de raison de succès remarquables (la décentralisation de penser que ce sera automatiquement le cas. l'éducation en Amérique centrale, la dévolu- Une décentralisation motivée par des consi- tion en Bolivie, les réformes municipales en dérations budgétaires est une chose particu- Afrique du Sud), des revers (en Russie et dans lièrement inquiétante lorsque c'est au centre certaines parties de l'Arnérique Latine), et cer- que revient la responsabilité de soutenir des tains cas sont trop récents pour être évalués efforts particuliers d'égalisation pour les (les initiatives en Indonésie et au Pakistan).502 Réformer les services: responsabilités des pouvoirs puiblics 219 E N C A D R É 1 0 . 4 Les divers chemninis de la décentralisation: le cas de l'A*.,i..'i iùùît' Latine L'histoire de la décentralisation en Amérique Latine Cette expérience de l'Amérique Latine montre montre comment, dans chaque pays, les objectifs ont que les pouvoirs politique, budgétaire et administra- changé avec le temps et comment ils ont déterminé tif ne sont pas nécessairement transférés d'une les résultats et le rythme de ce processus. Là où la manière simultanée ni selon un ordre cohérent. En décentralisation a été motivée principalement par des fait, ce n'est que dans la tentative bolivienne de objectifs politiques (comme en Équateur, au Pérou et réforme de 1994 que ces pouvoirs ont été transférés au Venezuela), le transfert de ressources a souvent été ensemble. Le Chili s'est démocratisé en 1990, la parti- significatif, mais le transfert des responsabilités a été cipation populaire a été instaurée,mais sans qu'il y ait plus difficile à mener à bien. Là où la décentralisation des élections régionales ni une dévolution, et au politique a été associée à l'autonomie budgétaire milieu des années 1990, la délégation des pouvoirs régionale et motivée par cette idée, d'une manière administratifs qui avait marqué le régime militaire complexe mais avec un décalage (comme en Argen- précédent a été poussée plus loin. Parmi ces pays, on tine et au Brésil), des crises économiques et politiques peut aujourd'hui considérer que c'est le Chili qui cycliques se sont produites, en raison de l'incapacité entreprend la plus profonde décentralisation admi- du centre à imposer une discipline budgétaire aux nistrative et politique, en raison de la croissance de la autorités locales. En Colombie, bien que la décentrali- ., sation ait été initialement motivée par des considéra- capacite locale et de l'absence de cnses budgétaires tions politiques, les ajustements budgétaires et admi- régionales comme celles qui ont frappé nombre de nistratifs ont été plus profonds, et dans les systèmes ses voisins sur leur chemin vers la décentralisation budgétaire et administratif, des ajustements cycliques ont souvent eu lieu. Source: Frank, Starnfeld et Zimmerman (2003). La décentralisation La décentralisation gétaires et le financement central que la et la responsabilité dans les services décentralisation peut déboucher sur un sys- Il faut que la décentralisation touche le dis- tème de contrôle mutuel pouvant motiver à la pensaire, la salle de classe et les installations fois le gouvernement central et les autorités locales de distribution d'eau et d'électricité de locales à faire que les services fonctionnent telle sorte que des opportunités soient créées bien localement. Cependant, le progrès de de renforcer la responsabilité entre citoyens, l'obligation de rendre compte risque de ne pas hommes politiques ou décideurs et presta- avoir lieu et les avantages de la décentralisa- taires. En fonction de son degré - déconcen- tion risquent d'être manqués si les incitations tration, délégation et dévolution - et de sa budgétaires et autres, qui sous-tendent la rela- mise en oeuvre, la décentralisation offre des tion entre le centre et les autorités locales, ne opportunités de renforcer différentes parties sont pas en phase, de sorte que le système de de la chaîne de prestation des services (figure contrôle mutuel soit inefficace. Une étude 10.3). La déconcentration affecte principale- portant sur le transfert de la responsabilité des ment la relation d'accord entre les décideurs établissements d'enseignement secondaire centraux et leurs prestataires locaux en pre- aux provinces en Argentine, entre 1994 et mière ligne, et a souvent peu d'influence loca- lemien lge, pta ouvoir d'inflexp ess on de Figure 10.3 La décentralisation et le schéma de la prestation de services lement sur le pouvoir d'expression des citoyens. À l'autre extrémité, la dévolution implique que les responsables locaux dispo- - Responsables Déc,deurs sent de davantage de pouvoir et de ressources, polT1qes et offre donc davantage de perspectives de renforcer le pouvoir d'expression politique, priT-bues l'accord avec les prestataires locaux et le pou- voir du consommateur localement. La déléga- tion est à mi-chemin. Le degré de décentrali- sation a donc un impact différent sur le chemin court et sur le chemin long de la res- ponsabilité (tableau 10.2). En pratique, la décentralisation suppose inévitablement un Non pauvres Pauvres lrgansarions panachage de déconcentration, de délégation et de dévolution. C'est surtout lorsqu'il existe un bon équi- Serices libre entre la fiscalité locale, les pouvoirs bud- 220 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 1998, a montré que si les moyennes aux exa- inférieurs se justifie par des considérations mens étaient en hausse, les progrès étaient d'efficacité et d'équité.505 Il convient que les bien plus faibles lorsque les écoles étaient décisions et les dépenses qui concernent les transférées à des provinces très mal gérées services soient déléguées au plus bas niveau (selon le critère des déficits budgétaires com- d'administration pouvant en internaliser les parés entre les provinces).503 coûts et avantages - ce que l'on appelle le prin- Pour que la décentralisation atteigne les cipe de subsidiarité. Selon ce principe, ce sont salles de classe, les dispensaires, les hôpitaux les autorités locales qui doivent administrer et les services de travaux publics d'une les services basiques de santé et d'éducation. manière propre à accroître l'obligation de Cependant, l'établissement de normes mini- rendre compte et l'efficacité des services, trois males (pour la quantité, la qualité et l'accès) et domaines sont essentiels: la finance au le financement de l'accès minimal doivent niveau sous-national, la division des respon- relever des responsabilités du centre, pour des sabiités administratives entre le centre et les raisons d'équité entre les juridictions. Dans la autorités locales et la capacité locale. pratique, les choses sont plus compliquées. Souvent, les dépenses ne sont pas assignées Avoir les bonnes incitations aux autorités locales de façon prudente.506 budgétaires L'État central retarde les transferts. Les res- Une autorité locale sera plus faiblement incitée ponsabiités relatives aux dépenses partagées à assurer des services rentables qui satisfassent sont les plus délicates à gérer, et elles peuvent à des normes minimales si elle a la possibilité entraîner des problèmes de comportement de de manipuler le financement (provenant du profiteur et une tendance à transférer les défi- centre ou d'emprunts sur le marché) pour cits et les coûts, d'où un relâchement de la transférer ses dettes au centre (ce que l'on contrainte budgétaire. appelle une contrainte budgétaire lâche).504 Pour accroître localement la réactivité Les dettes sous-nationales peuvent être des vis-à-vis des citoyens, les autorités locales déficits contractuels, des déficits budgétaires ont besoin d'un instrument budgétaire local ou correspondre à une fourniture insuffisante et doivent disposer de la liberté de fixer les d'un bien public. Le relâchement de la taux. Un autre facteur important est la pos- contrainte budgétaire compromet l'obligation sibilité de transferts simples, transparents et de rendre des comptes aux citoyens, engendre selon des formules, à partir du centre, et qui l'incertitude morale et constitue une menace à soient prévisibles sur plusieurs années. Lors- la stabilité macroéconomique, en produisant qu'elles dépendent des outputs des services, des passifs exigibles que le centre risque de les dotations forfaitaires permettent aux trouver difficile de refuser de couvrir. Le sous- pauvres de bénéficier d'un niveau minimal développement des marchés de capitaux et le de prestation de services, elles permettent fait que les responsables locaux ne soient pas d'égaliser les capacités budgétaires entre les sanctionnés par les élections pour avoir trans- juridictions et elles sont sources d'incita- féré les coûts et les déficits constituent une par- tions à la performance. Dans l'idéal, les tie du problème. Une contrainte budgétaire dépenses, les affectations des recettes et les stricte renforce l'obligation de rendre compte transferts doivent être définis conjointement mais elle suppose un système budgétaire inter- de sorte qu'une fois établis, toute nouvelle gouvernemental solide. Elle incite le centre, qui demande de dépense soit satisfaite par le a dévolu la responsabilité et les ressources, à biais de la fiscalité plutôt que par les dota- soutenir une gestion locale et une prestation tions.50' Moins ces principes sont respectés, de services efficaces, et l'on évite ainsi les pro- plus les transferts s'accompagnent d'événe- blèmes budgétaires et l'insatisfaction des ments incontrôlés et moins ils sont prédic- citoyens. tibles et stables, plus la contrainte budgétaire se relâche.508 Avoir un bon système budgétaire intergouver- nementaL Selon les règles habituelles de Ajuster le système d'emprunts au niveau l'économie du bien-être, l'attribution des res- local. Lorsqu'ils sont suffisamment déve- ponsabiités des dépenses, des recettes et des loppés, les marchés de capitaux peuvent sti- octrois de fonds aux niveaux administratifs muler la responsabilité au niveau local. Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 221 Tableau 10.2 La décentralisation n'est jamais simple Les aspects politiques, budgétaires et administratifs essentiels de la décentralisation et l'obligation de rendre des comptes dans la prestation des services Degré de décentralisation Aspects poliîtques Aspects budgétaires Aspects administratifs Déconcentration * Pas d'autorité locale élue. * L'autorité locale est l'instrument du centre * Le personnel prestataire travaillant au niveau Déconc r * Leadership local centré sur des respon- pour la prestation des services et dispose local est employé par le centre et rend compte d(changement) sables locaux . Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 229 et à l'orienter davantage vers les résultats pour bénéficier d'un traitement particulier concernent plusieurs secteurs à la fois. La de la part du tribunal, de la douane ou du lutte contre la corruption en est un fisc. Des enquêtes auprès des ménages mon- exemple. La corruption affaiblit l'offre de trent que ce sont les pauvres qui ont le services, et ce sont les pauvres qui en subis- moins de chances de savoir comment obte- sent le plus les conséquences. nir réparation lorsque des hauts fonction- naires abusent de leur position. Les services Comprendre les couts économiques discrétionnaires qui sont intensifs en tran- et sociaux de la corruption sactions et difficiles à contrôler offrent des La corruption - l'abus de la fonction possibilités particulièrement larges de cor- publique pour un avantage privé - est le ruption, les prestataires bénéficiant d'un symptôme d'une faiblesse des relations dans fort avantage sur leurs clients en ce qui la chaîne des services. La grande corruption concerne l'information. (celle qui implique des responsables poli- La corruption au sens large, c'est-à-dire tiques, des dirigeants et un détournement le détournement des ressources publiques au niveau de l'État) et la corruption et du processus de décision, affecte les déci- mineure (celle qui implique des fonction- sions relatives aux dépenses publiques. La naires de moindre niveau, des procédures perte de recettes, la dilapidation des fonds administratives et des services publics de publics et l'évasion fiscale qui accompa- routine) affaiblissent toutes deux les ser- gnent la corruption impliquent que l'État a vices. Les voies de la corruption sont nom- moins de ressources à dépenser pour l'édu- breuses dans les domaines de l'éducation, cation, la santé et l'infrastructure. Des de la santé et de l'infrastructure: elles com- études ont montré que la corruption est prennent l'absentéisme, le favoritisme, les inversement liée à la part des dépenses dessous-de-table dans le secteur de la publiques de santé et d'éducation 532 et aux construction, les fraudes sur les achats, la résultats dans ces deux domaines. Les res- vente de responsabilités lucratives, les ponsables politiques peuvent préférer fausses certifications, l'abus des biens dépenser moins pour que les services de sociaux, les services injustifiés (césariennes soins primaires et d'éducation fonctionnent injustifiées, paiement d'enseignants du sec- et plus pour les nouvelles constructions et teur public pour des cours particuliers) et pour l'infrastructure, qui offrent davantage pots-de-vin au niveau de la fourniture des d'opportunités de corruption.533 Enfin, la services.529 Pour les pauvres, les pots-de-vin corruption, d'un point de vue empirique, sont l'aspect le plus courant de la corrup- s'accompagne d'une réduction des taux de tion, avec les versements aux prestataires croissance économique. pour qu'ils contournent les procédures réglementaires ou pour qu'ils accomplissent S 'occuper de la corruption ce qui relève de leur devoir. Une fois instal- Des progrès rapides ont été réalisés dans les lée, la corruption réduit les incitations et les outils de diagnostic pour mesurer la cor- capacités des décideurs politiques à contrô- ruption, pour évaluer la prestation de ser- ler les prestataires, elle réduit les incitations vices et pour porter des jugements informés et les capacités des citoyens à contrôler les sur les points d'entrée pour les réformes.534 décideurs politiques, et elle réduit les incita- Les enquêtes de diagnostic, déjà mises en tions et les capacités des clients à contrôler oeuvre dans quelque 20 pays, sont générale- les prestataires. ment constituées de trois éléments séparés Un certain nombre d'études récentes mais liés qui couvrent les ménages, les permettent de mesurer les coûts de la cor- entreprises et les responsables des adminis- ruption.530 La corruption est un impôt trations. C'est ce qui permet une triangula- régressif qui pénalise les pauvres davantage tion des perspectives par rapport à l'éten- que les autres.: Les pauvres paient souvent due, à l'incidence, au lieu et aux causes de la des pots-de-vin pour avoir droit aux ser- corruption.535 Les enquêtes de suivi des vices de base dans les domaines de l'éduca- dépenses publiques et les enquêtes quanti- tion et de la santé, tandis que les ménages tatives sur la prestation des services portant riches ont tendance à verser des pots-de-vin sur des installations spécifiques peuvent 230 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 apporter une information utile sur les sieurs fronts, pour traiter un certain contours de la corruption et permettre nombre de problèmes: responsabilité poli- l'identificatiQn des points d'entrée pour les tique, restrictions institutionnelles, pou- réformes. Les enquêtes sur la prestation des voir d'expression politique des citoyens, services permettent de mesurer les incita- efficacité des médias, lois sur la diffusion tions et l'efficacité du personnel et appor- publique de l'information, concurrence, et tent des informations sur les déterminants bonne performance du secteur public de la qualité des services et des données (figure 10.8). Une stratégie sur plusieurs qualitatives sur la corruption. Ces enquêtes fronts est toujours difficile, mais elle est permettent ensemble un contrôle par particulièrement difficile là où la corrup- recoupement des causes et des consé- tion est généralisée et où le contexte insti- quences de la corruption, et elles apportent tutionnel est lacunaire. Les diagnostics une information qui renforce la relation contre la corruption peuvent permettre de d'expression politique et le pouvoir du faire la lumière sur les différents aspects de consommateur. la corruption et sur ses causes profondes, La corruption dans la prestation des et ainsi d'ordonner les priorités de réforme services est le symptôme d'un malaise sys- et de proposer des points d'entrée appro- témique sous-jacent. En s'attaquant à la priés. Dans les économies de transition qui corruption par étapes, on risque de traiter mettent en place de nouvelles institutions le symptôme et non le mal. Lutter contre la publiques tout en redistribuant massive- corruption suppose une stratégie sur plu- ment les actifs de l'État, des opportunités Figure 10.8 Un certain nombre de forces en jeu dans la lune contre la corruption dans la prestation des services 1 q jr,~~~~~~~~~~d .. . . ....i .. Source. Banque mondiale (2000a1. Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 231 surgissent aussi bien pour la corruption Gérer les transitions: administrative que pour le détournement surmonter les obstacles de l'État.136 Lorsque la corruption admi- aux réformes nistrative est importante mais pas le détournement des ressources par l'État, Les réformes du secteur public peuvent pro- renforcer l'obligation de rendre des voquer une vive opposition de la part de comptes au sein de l'administration ceux pour qui les relations existantes sont publique et généraliser les enquêtes de avantageuses. Comment peut-on atténuer suivi des dépenses et autres outils de res- cette opposition ? Et comment expliquer le ponsabilisation financière peut être la dilemme des « réformes considérables dans bonne manière de commencer. Cependant, un contexte politique caractérisé par des lorsque le détournement, au niveau du possibilités d'échec " dont un exemple nous centre, est important, ce sont la responsa- est donné par les réformes controversées de bilisation des politiques et la décentralisa- l'éducation en Amérique Latine.5-3 Il tion qui peuvent être les meilleurs points n'existe pas de réponse facile, mais un fac- d'entrée. teur important est la manière dont les res- Un pouvoir judiciaire indépendant et ponsables politiques et les décideurs gèrent efficace est vital pour combattre la corrup- les nombreuses transitions qui accompa- tion, et constitue souvent un point d'en- gnent les réformes du secteur public et de la trée viable. En faisant appliquer la loi et en prestation des services, et s'engagent auprès instituant un système de contrôles mutuels des citoyens et des prestataires en première au niveau des pouvoirs des décideurs et des ligne pour promouvoir le changement. prestataires, les tribunaux renforcent L'expérience semble montrer que c'est au directement le pouvoir d'expression de la niveau de l'économie politique de ces tran- société civile. Dans un certain nombre de sitions que se trouve la tâche la plus ardue pays, toutefois, les tribunaux sont eux- des réformateurs. Si l'expérience de chaque mêmes une arme de corruption du gou- pays est unique, certains principes généraux vernement. Même lorsque les juges sont permettent de déterminer un point de au-dessus de tout reproche, les avocats, départ (encadré 10.7). Cependant, savoir ce clercs et autres juristes concernés peuvent sur quoi l'on peut agir et ce qu'il convient alimenter ce réseau de corruption. Les de retenir est un art qui n'est pas facile à ingrédients des réformes sont variés - apprendre ni à enseigner. liberté d'information, plus grande transpa- Il faut que les gestionnaires fassent un rence et lois sur la transparence, autorégu- choix approprié entre les réformes du pre- lation grâce à des associations du Barreau mier et du deuxième stades. Même une et associations de juristes réformistes, réforme comme la mise en application du modernisation des lois et procédures obso- budget implique un leadership, une capa- lètes, et enfin, indépendance, compétence cité et une coordination notables entre plu- et intégrité du personnel judiciaire - mais sieurs parties du gouvernement. Choisir des leur assemblage est compliqué et il faut du réformes du deuxième stade dans un temps pour que tout cela prenne forme. contexte institutionnel faible peut être dou- L'expérience montre que d'importants blement difficile. Non seulement il y a des progrès sont réalisables lorsque les chances pour que l'on rencontre une oppo- réformes portent sur les incitations, les sition significative (les réformes du relations institutionnelles et l'accès à l'in- deuxième stade représentent un change- formation plutôt que seulement sur les ment plus important par rapport au statu règles formelles, les procédures et le déve- quo que les réformes du premier stade) loppement de la fonction judiciaire. Une mais les réformes peuvent parfois être sou- législation anti-corruption au niveau de la tenues pour des raisons qui ne sont pas les capacité d'application du pays, des organi- bonnes (l'anticipation des possibilités de sations suprêmes d'audit qui soient indé- profit privé lorsque les réformes complexes pendantes et une supervision par le pou- échouent dans un contexte institutionnel voir législatif peuvent être utiles, informel). Ainsi, un décalage entre les 232 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 ces forces sont importantes: lorsque les E N C A D R É 1 O . 7 Gérer la politiqlie épinieuse des réfornies réformateurs disposent d'un important dle lapresttitioti des services eii faveiii- levier au sein de la société et du monde despaup res politique, lorsqu'ils sont de bons communi- cateurs qui ont réussi à vendre leur vision Qui dit réforme dit changement et qui dit et notamment devancer l'opposition, en des choses à une majorité de la population, changement dit opposition, une opposition utilisant la diffusion de l'information et souvent politique. C'est le cas en particulier les médias pour renforcer les soutiens, et et lorsque les institutions à réformer se prê- pour les réformes relatives aux services de rechercher les points d'entrée straté- tent au changement et à la réhabilitation. base, dans lesquelles l'État est impliqué en giques. tant que prestataire, financeur ou régula- * Atteindre les dilemmes sensible sensibles En revanche, dans un contexte où ces forces teur, et pour lesquelles le chemin long de la entre réformes globales et réformes par font défaut, les réformateurs doivent avan- responsabilité entre donc en jeu. étapes, rechercher des victoires rapides cer sur un terrain glissant, et même la mise Les réformes institutionnelles portant sur pour les parties prenantes, et soutenir les la prestation de services d'éducation, de champions des réformes et les équipes en ouvre des réformes du premier stade santé et d'infrastructure sont particulière- inter organismes susceptibles de gagner peut être difficile à réaliser. ment complexes. La présence d'acteurs mul- à la cause d'autres éléments. Dans ces conditions, comment les réfor- tiples, les longs plannings, la précocité des * Accepter la controverse politique comme coûts et le temps nécessaire pour voir arri- inévitable, mais l'utiliser pour mobiliser mateurs peuvent-il lancer et mettre en ver les avantages font que les risques sont les parties en présence, pour bâtir des oeuvre des réformes dans un contexte défa- nombreux et ne sont pas tous connus, et coalitions et pour gagner en crédibilité vorable ? la réponse est évidemment fonc- qu'il en est de même pour les opposants. Il électorale. est facile d'organiser un soutien pour la * Obtenir un soutien large et durable aussi tion du pays concerné, et elle se situe au- généralisation de l'accès aux services (nou- tôt que possible, et éviter un retour de delà des principes simples énoncés dans veaux emplois, nouveaux contrats, nouvelles manivelle en visant des services univer- opportunitésdefavoritisme),maisilestdiffi- sels qui profitent à tous les usagers, y l'encadré 10.7. Par-dessus tout, lancer des cile de faire progresser la qualité. compris les pauvres, plutôt qu'à certains réformes lorsque les forces favorables font Il est plus facile de mettre en oeuvre des groupes particuliers. défaut est une question d'opportunité et de réformes dans un contexte favorable aux * Marginaliserlesoopposants avant,pendantppo r pauvres, en raison d'un consensus sur et après la mise en oeuvre, surtout ceux patience. Pour pouvoir saisir les opportuni- l'équité sociale. Il s'agit alors souvent de qui ont un pouvoir de veto, et exploiter tés lorsqu'elles se présentent, les réforma- contrer un populisme qui ne saurait durer, les clivages dans leurs rangs pour dépas- teurs ont besoin de nouer à l'avance des de promouvoir des services publics univer- ser l'arithmétique statique des gagnants alncs ave les princ ux acteurs.clsdon sels et de bâtir des coalitions au sein de la et des perdants. alliances avec les principaux acteurs. Ils ont population pauvre et de la classe moyenne La gestion de la politique de réforme est besoin de favoriser la diversité et l'expéri- de façon à disposer d'un large soutien pour souvent un processus technocratique des- mentation et de tirer rapidement et systé- les réformes. cendant dirigé par des équipes de concep- Dans un contexte clientéliste, en teurs au niveau central, sans la participation matiquement des leçons des résultats. Ils revanche, il peut être difficile de parvenir à et la transparence qui seraient nécessaires, ont aussi besoin de créer leurs propres un consensus sur les réformes entre les res- et parfois même sans légitimité. C'est géné- ponsables politiques, les décideurs et les ralement une erreur. Sans un bon feedback, opportuntés, et de construire à partir de ce éventuels opposants (administrations gou- il est difficile de maîtriser des domaines de que le contexte leur offre. vernementales, associations profession- conflit en évolution. Pour que les services nelles, syndicats, organisations non-gouver- fonctionnent pour les pauvres, il faut qu'ils Évaluer et apprendre nementales). Un certain nombre aient davantage voix au chapitre et que de d'institutions peuvent avoir été dévelop- ce fait, l'obligation de rendre des comptes pées par des groupes d'intérêts et des rela- s'en trouve renforcée. C'est ainsi que se Ce sont le contrôle et l'évaluation qui don- tions de clientélisme. Les réformateurs réduit positivement le champ d'action des devront alors créer un espace politique en réformateurs. Un processus de décision et nent un sens aux relations de responsabilité gérant leur politique de réforme de façon un processus de mise en oeuvre inclusifs entre les clients des services, les décideurs et plus volontaire. sont à la fois un moyen et une fin dans la . . . Si chaque situation est différente, cer- gestion de la politique de réforme des ser- les prestataires. Traditionnellement, les tains principes de base peuvent cependant vices pour les pauvres. gouvernements ont associé le contrôle et être tirés de l'expérience: l'évaluation aux différents domaines du sec- * Fixer les termes du débat, contrôler le pro- Sources: Grindie (à paraître), Nelson (2000), teur public - le système d'audit, l'étude des gramme d'action et prendre la bonne voie, Weyland (1997) et Olson (1971). comptes financiers audités par la législature - mais la tendance dans celui-ci a été de res- ter déconnecté et myope. Ce qui a manqué, réformes et les conditions initiales dans les- c'est le feedback sur les résultats et les quelles elles prennent place peut aboutir à conséquences des actions à chaque stade de la subversion de ces réformes, de l'extérieur la chaîne de prestation des services qui relie comme de l'intérieur. les décideurs politiques, les prestataires et Même lorsque les réformateurs recon- les clients. Un système de contrôle et d'éva- naissent le besoin de commencer par des luation en fonction des résultats associant réformes du premier stade, ils sont confron- l'information provenant des efforts de tés au problème des forces de réforme.538 contrôle plus traditionnels à l'information Lancer une réforme est moins difficile là où du cadre de la prestation des services peut Réformer les services: responsabilités des pouvoirs publics 233 guider les réformes institutionnelles néces- Faute d'une certaine compréhension de saires à l'amélioration de la prestation des la manière dont l'information est utilisée, services. Il peut être particulièrement utile ceux qui la collectent peuvent trouver que le d'intégrer des règles d'évaluation à une stra- processus nécessite beaucoup de temps et tégie de lutte contre la pauvreté, afin que n'est pas gratifiant, et qu'il en résulte un l'on puisse voir quel est l'effet de la stratégie faible niveau de respect des règles et de qua- sur la manière dont les services profitent lité. À mesure que progresse la décentralisa- aux pauvres. tion dans un certain nombre de pays, il La technologie du contrôle et de l'évalua- importe de mettre en place des capacités de tion est largement connue, et généralement contrôle et d'évaluation décentralisées, de spécifique au mécanisme de service et de sorte que le système central et les systèmes prestation.: "Ce sur quoi il est plus impor- locaux soient complémentaires. tant de porter son attention, ce sont les inci- Comme cela a été souligné ailleurs dans tations sous-jacentes au contrôle et à l'éva- ce Rapport, une évaluation systématique luation, et la manière dont on pourrait faire des programmes peut constituer un puis- en sorte que la demande d'information sant outil pour montrer ce qui fonctionne conduise l'offre. Trois questions se déga- et ce qui ne fonctionne pas. Compte tenu de gent: le cadre institutionnel du contrôle et la complexité des réformes du secteur de l'évaluation, le rôle de l'évaluation systé- public et de la difficulté de choisir les points matique des programmes et ses effets sur la d'entrée et l'ordonnancement approprié, les décision politique, et l'importance de la dif- gouvernements essaient constamment de fusion de l'information. nouvelles approches politiques et de nou- Créer un nouveau système d'informa- velles manières de concevoir les pro- tion permettant davantage de transparence, grammes. Certaines de ces approches se de responsabilité et de visibilité doit chan- révèlent efficaces, un certain nombre pro- ger les équations du pouvoir politique. Les duisent des résultats médiocres et un cer- idées conventionnelles sur la performance tain nombre échouent. Cependant, à moins des programmes peuvent être remises en d'une évaluation systématique des question, de nouvelles décisions peuvent réformes, il n'existe aucun moyen d'être sûr émerger concernant l'allocation des res- qu'elles ont réussi grâce à la politique ou au sources, et le leadership des responsables programme suivi plutôt que grâce à actuels peut être remis en question. L'enca- d'autres raisons."'0 Enfin, à moins que les dré 10.8 met en lumière l'importance du résultats ne jouent un rôle essentiel dans la fait de comprendre les aspects institution- nels et politiques d'un système de contrôle et d'évaluation fondé sur les résultats et la E N C A D R É 1 0 . 8 Prêts pour les résultats ? manière dont la demande de contrôle et d'évaluation doit diriger l'offre, plutôt que * Distingue-t-on facilement dans le pays * Qui collecte et analyse de façon régulière le contraire. Les efforts pour améliorer le ceux qui favorisent un contrôle et une l'information liée au contrôle et à l'éva- système de statistiques, par exemple, se sont évaluation fondés sur les résultats ? luation pour évaluer la performance de souvent concentrés sur la résolution des . Quelles sont les réformes en cours ou l'État, que ce soit à l'intérieur ou à l'exté- prévues auxquelles on pourrait associer rieur de ses structures ? problèmes d'offre par le renforcement des un projet de contrôle et d'évaluation fon- O où peut-on trouver la capacité locale systèmes nationaux de statistiques permet- dés sur les résultats ? pour la gestion publique, les enquêtes, tant la collecte, le traitement et la diffusion a Qui utilisera l'information provenant du l'évaluation et la gestion des statistiques contrôle et de l'évaluation fondés sur les devant soutenir l'offre et la demande de des données, plutôt que sur la compréhen- résultats pour évaluer la performance de contrôle et d'évaluation fondés sur les sion des sources de la demande. C'est ce qui la prestation des services ? résultats ? a conduit dans certains cas à une offre plé- a Quel plan de gestion, au sein de l'État, per- * Existe-t-il des propositions de projets ou thorique d'information : en Tanzanie, par mettra de superviser la mise en place et le des projets en cours soutenus par des thoiqeml,lsssèe d'information su a fonctionnement d'un système de contrôle bailleurs de fonds comme PRSP, auxquels exemple, les systèmes d'information sur la et d'évaluation fondé sur les résultats ? puisse être lié un projet de contrôle et santé abondent, mais il reste difficile d'obte- a Existe-t-il des liens entre les procédures d'évaluation fondés sur les résultats ? nir des estimations précises concernant la de budgétisation et d'allocation des res- sources et l'information liée au contrôle couverture assurée par les prestataires de et à l'évaluation ? Source: D'après Kusek, Rist et White (2003). services. 234 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 conception des nouveaux mécanismes de contrôle et d'évaluation est cruciale pour prestation, il n'existe aucun moyen d'être l'amélioration de la prestation des services. sûr que les gouvernements pourront réussir Faute d'être largement diffusés à l'intérieur lorsqu'ils décideront de généraliser le nou- et à l'extérieur de l'État au moyen de méca- veau système. nismes adaptés à des audiences particu- En fin de compte, comme le soulignent le lières, ces résultats risquent de ne pas pro- chapitre 5 et le reste du Rapport, une large duire tout leur potentiel d'amélioration de diffusion des résultats des activités de la prestation des services. - Cearda 170 000 agents de santé communautaires pour 80 millions de Brésiliens Un des Etats les plus pauivres du Brésil, le Ceara, a réuissi à réduire considérablement sa mortalité infantile etntre la fin des années 1980 et les antnées quatre-vinigt-dix. Un effort important de la part des autorités locales a motivé les agetnts de santé, les nmuinicipalités, les collectivités locales et les familles à oeuvrer pour le progrès de la santé publique D ans les années 1980, le Ceara, un le traitement de la pneumonie, de la diar- mesures des outputs: vaccinations, thérapie État du Nord-Est du Brésil qui rhée et d'autres maladies. de réhydratation orale, allaitement au sein et compte environ 7 millions d'habi- En 2001, plus de 170 000 agents de santé surveillance du poids des enfants. tants, était l'un des États de ce pays dans les- communautaires couvraient 80 millions de Des observations ponctuelles montrent quels les valeurs des indicateurs socioéco- brésiliens (figure 1). En 1994, les équipes que des impacts sont perceptibles dans les nomiques étaient au plus bas. Le taux de d'agents de santé communautaires ont été autres États. La mise en oeuvre du Pro- mortalité infantile avoisinait 100 décès progressivement développées pour com- gramme de santé familiale dans la ville de pour I 000 naissances viables. Moins de prendre un médecin, une infirmière, une Camaragibe a fait baisser la mortalité infan- 30 % des municipalités disposaient d'une assistante de l'infirmière et cinq à six agents tile de 65 pour 1.000 naissances viables en infirmière. Enfin, les services de santé de santé communautaires pour 800 familles. 1993 à 17 à la fin des années quatre-vingt- essentiels ne profitaient qu'à 20 à 40 % de la Ce programme de santé familiale s'inspi- dix, et à Palmas l'incidence de la diarrhée a population. En 1986, le gouvernement local rait du succès des municipalités de Sao Paulo, diminué de moitié, la couverture des soins a entrepris un effort massif de réduction de Porto Alegre et Niteroi avec les< (médecins de prénatals avant doublé entre 1997 et 1998.542 la mortalité infantile. Il a réussi. En 2001, la famille ». L'innovation, par rapport aux ser- mortalité infantile était descendue à 25 vices existants, résidait dans le suivi des décès pour 1 000 naissances viables. familles à risque et les soins à domicile pour Trouver un équilibre les maladies chroniques. Les médecins de entre la décentralisation Envoyer des agents de santé famille et les aide-infirmières dispensent et une orientation résultats chez les ménages pauvres aussi des soins curatifs et prescrivent des En 1987, le gouvernement de l'État du consultations dans les hôpitaux. En 2002, Mobiliser les acteurs Cearà a commencé à recruter, à former et a 150 000 équipes de santé pour les familles Recourant au système des fonds d'apparie- déployer un ensemble d'agents de sat assuraient des services pour 45 millions d'ha- ment pour motiver les municipalités à lan- communautaires. Au début des années bitants. cer de nouveaux programmes, les déci- quatre-vingt-dix, ces agents de santé visi- deurs politiques de l'État du Ceara taient 850.000 familles par mois, et c'était le Les résultats en matière de santé cherchent un équilibre entre la décentrali- premier service public à atteindre de publique entre 1987 et 2001 sation des responsabilités vers les munici- manière régulière pratiquement l'ensemble La réduction de la mortalité infantile et de la palités et un objectif en termes de résultats des collectivités locales. malnutrition peuvent être attribuées en par- à travers le contrôle étatique sur des Les visites mensuelles effectuées auprès tie aux progrès de la couverture des vaccina- aspects fondamentaux du programme. des familles et les données comptabilisées tions, de la thérapie de réhydratation orale et Des stratégies ont aussi été développées ont permis des progrès dans la thérapie de de l'allaitement au sein (figure 2). Les inéga- pour renforcer le pouvoir des collectivités réhydratation par voie orale, l'allaitement lités socioéconomiques de la couverture ont vis-à-vis des prestataires de santé et pour au sein, la vaccination, les soins prénatals et aussi été réduites, et c'est au niveau de la par- renforcer leur pouvoir d'expression poli- le contrôle de la croissance - ainsi que dans tie la plus pauvre de la population qu'ont été tique. La sélection, au sein des collectivités, accomplis les plus grands progrès.54' Des d un grand nombre d'agents de santé com- Figure 1 Le nombre d'agents de santé progrès ont aussi été réalisés dans les munautaires, qui a fait l'objet d'une large communautaires a augmenté considérablement publicité, a aidé à « socialiser " le pro- gramme. Les organisations communau- Milliers Figure 2 L'évolution des indicateurs de santé taires ont été impliquées dans le deuxième 100 et de nutrition au Ceara entre 1987 et 1994 cycle d'évaluations pour l'Approbation 90 et entre 1997 et 2001 municipale - un programme pour inciter 80 % les municipalités à faire progresser la situa- 70 2001 80 tion (encadré 1). 70 60 60 Le financement 50 50 Taux de Plusieurs mécanismes de financement ont 40 1994 40 mortalité couvert des coûts annuels du programme 30 30 infantile \ d'environ 1,50 $ par bénéficiaire. En 30 ~ ~ - 2 ~ conformité avec la Constitution de 1988 et 20 20 Malnutrition les lois de 2001 sur le financement de la 10 10 santé, les municipalités peuvent retenir des 0 0 recettes fiscales mais elles doivent en consa- Nord- Nord Centre- Sud Sud- 1987 1994 1997 2001 crer 25 % à l'éducation et 10 % à la santé. Est Est Est Source: Pour 1987-1994, Victors et autres (2000a): pour Les salaires des agents de santé communau- Source:Ministère brésilien de la Santé (2001). 1997-2001, Fuentes et Nijmi (2002). taires (60 $ par mois) et les coôts de la 236 Pleins feux sur Ceara probation et d'élargir la compréhension des E N C A D R É 1 Le Progr-amnme (les sceauix indicateurs sociaux nécessaires à la certifica- tion. Il s'agissait aussi bien de disques com- u:approbatiot ninicîpal dut Cearà pacts pour guider la couverture radio que En 1990, le Brésil a promulgué le Statut des des enfants et au développement ainsi qu'en d'élections de « maires des enfants » ou de enfants et des adolescents, une des lois les plus fonction de la gestion administrative de la bulletins d'indicateurs relatifs aux municipa- modernes dans le monde concernant les droits santé, de l'éducation et de la protection des .P des enfants, avec l'institution de conseils enfants. htés. Pour le Programme des sceaux d'appro- juridiques locaux et de conseils de surveillance Ces sceaux ne sont pas assortis d'une bation, les municipalités devaient disposer pour aider à définir, à mettre en oeuvre et à con- récompense financière, mais les municipalités d'indicateurs de la santé meilleurs que la trôler des politiques publiques pour les enfants. peuvent les afficher sur les sites officiels et dans moyenne du groupe dans lequel elles étaient En 1997, le Cearà a créé le Programme des les centres de santé, les écoles et autres lieux classées en fonction de critères socioécono- sceaux d'approbation municipal, avec le sou- officiels de prestation de services. Les maires, tien de l'UNICEE Les sceaux d'approbation ont qui se montrent intéressés, aiment étre vus miques. Des cartes codées par des couleurs été décernés aux municipalités en fonction des comme "aimant les enfants" et comme étant de ont facilité le contrôle et ont permis de indicateurs de performance relatifs à la survie bons gestionnaires. suivre l'évolution des indicateurs. Une mise en oeuvre passant supervision et des médicaments sont cou- cipalités mettent en oeuvre le Programme par le recrutement et le licenciement verts directement par l'État. Les municipali- de santé familiale. Bien que le programme soit décentralisé au tés ne doivent couvrir que les salaires des niveau des municipalités, une équipe spéciale infirmières en chef (300 $ par mois), mais Contrôle et diffusion de l'information dépendante du gouverneur l'État contrôlait un certain nombre assument volontaire- Pour inciter les municipalités à participer, les le recrutement et le licenciement des agents ment d'autres coûts. hauts fonctionnaires de l'État du Ceara ont de santé communautaires et contrôlait un Le gouvernement du Brésil offre des tenté de créer un programme « image » qui fonds spécial créé pour le programme. dotations d'appariement aux municipalités soit fort. Les citoyens ont été informés des Un certain nombre d'agents de santé pour l'éducation et la santé, pour les inciter avantages, et on fait pression sur les maires communautaires ont été recruté dans les à mettre en oeuvre des programmes priori- pour que ces derniers y participent. La mise collectivités selon un processus de sélection taires. Les dotations pour les soins de base en oeuvre a commencé, avec d'abord les rigoureux, ce qui a contribué à promouvoir minimaux se montent à 10 reals par per- municipalités ayant manifesté un intérêt et l'appropriation du projet et à rendre les col- sonne et par an, 2 400 reals par agent de des dispositions, ce qui a stimulé la concur- lectivités capables d'exiger des maires des santé et par an pour les municipalités qui rence entre les municipalités. services meilleurs. Les candidats non sélec- mettent en oeuvre le Programme des agents Les stratégies innovantes de mobilisation tionnés ont assuré le contrôle public de la de santé communautaire et 28 000 à 54 000 sociale ont permis d'attirer l'attention du performance des agents de santé commu- reals par an et par équipe lorsque les muni- public sur le Programme des sceaux d'ap- nautaires. Les donateurs et la réforme des services Tiioeo danaos et dota fereutes. - Je crains les grecs pose l'influence sur la réforme des ser- niênie quanid ils apportent des cadeaux vices dans les pays bénéficiaires. c h a p i t r e Laocoôn, à propos du Cheval de Troie. . Ils doivent renforcer les relations critiques Dans un certain nombre de pays en dévelop- entre décideurs, prestataires et clients. S'ils pement, des donateurs extérieurs soutien- font l'impasse sur ces relations, la presta- nent la réforme des services. Dans les pays à tion des services risque de s'en trouver revenu intermédiaire et dans les grands pays affectée. à revenu faible, ils pilotent principalement . Les donateurs doivent soutenir les institu- les innovations ou mettent en application tions bénéficiaires en évaluant systémati- des projets de démonstration. Choisis straté- quement les innovations, en harmonisant giquement et évalués correctement, ces pro- et en réajustant leur aide financière et leurs jets peuvent avoir un fort impact. Dans les transferts de compétences par rapport à la autres pays à revenu faible, la situation est prestation de services du pays bénéficiaire tout à fait différente. Dans plus de 60 de ces (surtout lorsque la part de l'aide consacrée pays, les donateurs fournissent 20 % ou aux dépenses est importante), et en s'atta- davantage des ressources publiques, et dans chant aux objectifs et aux résultats. pas moins de 30 pays pauvres, comme la * Dans un contexte national favorable, où Bolivie, Madagascar, le Népal ou la Tanzanie, existent de vrais réformateurs, les dona- ils en fournissent plus de 40%. Dans ces pays, teurs doivent aussi intégrer leur soutien à les flux d'aide ont évidemment une grande la stratégie de développement, à la budgé- importance pour la prestation des services. tisation et au système de prestation de ser- La communauté internationale a mis du vices du pays bénéficiaire. temps à comprendre ce qui rendait l'aide . Dans les pays à revenu faible qui sortent plus efficace et à décider de sélectionner les d'un conflit ou dont les institutions sont pays bénéficiaires.543 L'idée de ce chapitre faibles, les donateurs doivent soutenir les est qu'avec la sélection des pays, la manière services sociaux urgents et autres, tout en dont les donateurs accordent leur aide identifiant les mécanismes permettant de compte beaucoup. bâtir à plus long terme des institutions Les donateurs sous-estiment encore la dif- publiques transparentes. Une unification ficulté que représente la tentative d'influen- de l'aide permet de réduire les coûts de cer les réformes sans saper les responsabilités transaction. intérieures. Trop conscients des échecs dans les relations de responsabilité essentielles, Tout cela est bien, mais les multiples dans les pays bénéficiaires de l'aide, les dona- objectifs de l'aide extérieure incitent les dona- teurs ont tendance à passer outre. On peut teurs à contrôler directement leurs interven- ainsi avoir de bons projets isolés, mais cela tions plutôt qu'à les mettre en phase avec les peut aussi affaiblir les systèmes internes du systèmes de prestation de services des pays pays bénéficiaire et les relations de responsa- bénéficiaires. En raison de ces incitations, la bilité (chapitres 3 à 6). Le présent chapitre réforme de l'aide ne sera pas facile. Pourtant, suggère les idées suivantes: pour que la réforme des services réussisse, il faut que les donateurs accordent à l'efficacité . Les donateurs ont besoin d'accorder une de l'aide et aux résultats du développement plus grande attention aux problèmes que une priorité plus grande encore. 237 238 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 Figure 11.1 La boucle de feedback entre les bénéficiaires et les contribuables des pays donateurs est rompue. Donateur Bénéficiaire = = A aAidetprogrammqatique Projets d'auto-assistance Projets d'investissement L'aide et les responsabilités pour l'.aide, il resterait difficile d'exercer une Il existe d'importantes différences entre influence de l'extérieur sans compromettre l'aide et le financement intérieur des ser- les relations locales de responsabilité. Pour vices. Les bénéficiaires et les donateurs ne illustrer le problème inhérent à la présence sont pas seulement bien distincts, ils vivent d'acteurs extérieurs, prenons l'exemple de la dans des pays différents dont les caractéris- finance d'entreprise. Lorsque des bailleurs tiques politiques sont différentes.544 Cette de fonds ou des investisseurs veulent exer- séparation géographique et politique - entre cer une influence sur l'entreprise qu'ils les bénéficiaires dans le pays qui reçoit l'aide financent, ils en deviennent actionnaires, et et les contribuables dans le pays donateur - sollicitent éventuellement un siège au empêche qu'il y ait la boucle normale de conseil d'administration. Il est évident que feedback en fonction de la performance des pour les donateurs, il ne serait pas politi- prestataires de services (figure 1 1. 1). Ainsi, quement envisageable de solliciter des par exemple, il se peut que les bénéficiaires, sièges dans les instances dirigeantes du pays dans un pays qui reçoit l'aide, aient la possi- bénéficiaire. Pourtant, l'influence quexer- bilité d'apprécier la performance des orga- cent les donateurs sur les dépenses nismes d'aide. Cependant, ils ne pourront publiques de celui-ci ressemble souvent à pas récompenser ni sanctionner les déci- celle qu'exerce un actionnaire investisseur deurs qui, dans le pays donateur, sont res- sur son entreprise. ponsables de cette performance. Le fait que la boucle de feedback soit rompue entraîne Renforcer - et noin affaiblir - davantage de biais dans les programmes l'accord d'aide, liés aux incitations, que dans les pro- grammes nationaux. Par conséquent, l'effi- Lorsque les flux d'aide sont importants par cacité de l'aide est déterminée non seule- rapport aux ressources du pays bénéficiaire, ment par la performance du bénéficiaire les donateurs exercent sur l'accord entre mais aussi par le système d'incitations inhé- décideurs et organisations prestataires (cha- rent à l'environnement institutionnel des pitre 6) un impact sous diverses formes. En organismes d'aide. Comprendre ces incita- influençant le profil des dépenses et les pro- tions est essentiel pour toute réforme de cessus budgétaires, les donateurs interferent l'aide visant à mieux soutenir la fourniture directement avec la forme de l'accord. Enfin, des services. en touchant directement les organisations La divergence et la distance entre les col- prestataires, les donateurs évitent le déci- lectivités et les clients peuvent être impor- deur aussi bien que l'accord. tantes, mais il y a autre chose. Mêmne si les L'influence des donateurs sur le profil collectivités donatrices avaient adopté le des dépenses et les processus budgétaires du feedback des clients comme critère général pays bénéficiaire prend diverses formies: 54 Les donateurs et la réforme des sers'ices 239 * Les donateurs peuvent ne soutenir que fois il existe aussi d'autres tendances. En ce les dépenses de capital (dans la construc- qui concerne les fonds mondiaux, qui tion) et attendre du gouvernement qu'il représentent un partenariat entre le secteur assure la fourniture des inputs complé- privé et le secteur public au niveau global, le mentaires (personnel, entretien). Sou- choix a été fait de financer directement les vent, le gouvernement ne finance pas les prestataires de services des pays pauvres en inputs complémentaires. fonction des projets.: Le nouveau fonds • Les donateurs peuvent financer les pro- mondial pour la santé développe aussi une jets qui ne suscitent pas l'intérêt des gou- politique d'approvisionnement global et de vernements. Cela contredit la prise de distribution de biens tels que mousti- participation, encore que cela puisse quaires, vaccins et médicaments essentiels. fonctionner lorsque les effets d'un bon Par bien des côtés, la prestation des fonds projet pilote incitent à une nouvelle mondiaux - d'une source de financement approche, ou lorsqu'une intervention mondiale directement au prestataire local - ponctuelle s'impose. reflète le besoin pour les donateurs de mon- • Les donateurs peuvent apporter leur aide à trer que les fonds ne font que s'ajouter à ce un secteur prioritaire et supposer que les qui aurait été donné autrement. Cependant, dépenses que fera l'État sur ses propres res- cela peut refléter aussi une insatisfaction par sources seront inchangées. Or les gouverne- rapport au fonctionnement des relations de ments ont tendance à limiter les dépenses en responsabilités du pays bénéficiaire et par ajustant leurs propres allocations.546 rapport aux organismes d'aide. Il n'est toute- . Les donateurs peuvent définir des cibles fois pas évident qu'il s'agisse là d'une solution pour la part de dépenses dans des secteurs durable aux problèmes institutionnels. L'ex- particuliers, en fonction des conditions périence ougandaise montre que les fonds fluctuantes de l'aide. Si l'on considère la mondiaux peuvent susciter l'opposition des préférence actuelle des donateurs pour les décideurs du pays bénéficiaire - chargés du secteurs sociaux, qui semble avoir entraîné programme global de dépenses - contre les à la fois une hausse des dépenses publiques organisations prestataires, qui font directe- du pays bénéficiaire dans ces secteurs et ment pression pour des fonds hors budget au une augmentation de la part de l'aide niveau international (encadré 11. 1). Des consacrée au social (de 14 % des flux mécanismes de financement parallèle ris- d'aide en 1991 à 34 % en 2000).547 Cepen- quent aussi de compromettre les efforts pour dant, lorsque les donateurs ont des préfé- rationaliser les dépenses, pour réformer les rences bien marquées, d'autres secteurs systèmes gouvernementaux et pour accroître importants risquent de manquer de finan- la transparence au niveau du pays. cement, et le secteur qui se trouve ainsi privilégié risque de faire l'objet d'incita- tions perverses. En Zambie, la protection E N C A D R É 1 1 . 1 Le . Sur les K, i., uu,,zldia,î, des dépenses sociales a abouti à des coupes /t cilS follnls sociail d 'iltestissel it: l e *,A cils d.c l Sur la manière dont les projets d'auto-assistance capable de motiver un ensemble plus large à d'action collective, mais les profits sont plus fonctionnent réellement, il y a davantage de contribuer au projet. Et une fois sa construction importants pour les individus les plus instruits questions que de réponses. Permettent-ils terminée, l'installation est généralement consi- et les plus organisés. Le processus peut donc d'améliorer la participation et le ciblage ? Contri- dérée comme appartenant à la communauté, et être considéré comme un « détournement buent-ils au renforcement des capacités pour le résultat semble susciter la satisfaction géné- volontaire »: les élites dominent le processus, l'action collective ? Un moyen de répondre à ces rale, Il apparaît aussi, toutefois, que les avantages mais d'une manière qui profite finalement à la question consiste à analyser le fonctionnement sociaux d'une intervention communautaire peu- collectivité. Au sein des communautés partici- du processus dans un contexte politique, social vent être difficiles à maintenir sur le long terme, pantes comme celles qui ne sont pas partici- et culturel particulier. surtout dans les collectivités qui souffrent de pantes, on observe un processus de décision Une étude de cas, relative au Fonds d'investis- divisions profondes. davantage basé sur la communauté, ce qui sement social en Jamaïque, comprend des statis- Des statistiques quantitatives concernant indique un effort élargi de promouvoir un déve- tiques quantitatives et qualitatives provenant de 500 ménages sélectionnés de manière aléatoire loppement participatif. cinq paires de communautés sélectionnées de à partir de ces mêmes cinq paires de collectivi- L'expérience du Fonds d'investissement social manière aléatoire. Dans chaque paire, les carac- tés reflètent ces résultats qualitatifs. Au sein jamalcain montre que l'auto-assistance n'en- téristiques sociales et économiques sont simi- d'une communauté, le « ciblage préférentiel » traîne pas nécessairement une « émancipation laires, mais une seule paire a participé au fonds est faible, trois des cinq communautés partici- des pauvres » et qu'elle peut ètre dirigée soit par social. Ce fonds utilise généralement les ONG pantes n'obtenant pas le projet préféré par la l'offre soit par la demande. Cependant, il semble pour mobiliser les communautés. Les ONG tra- majorité. À la fin de la construction, cependant, véritablement que l'implication de la collectivité vaillent en étroite collaboration avec les élites 80% des membres de la communauté se sont rende la prestation de services plus efficace, sociales, avec les pasteurs et les enseignants déclarés satisfaits du résultat. Les individus les grâce à davantage d'appropriation et de partici- notamment. La sélection des projets n'est pas plus instruits et les plus organisés dominent le pation et grâce à une capacité accrue d'action généralement participative, mais elle est dirigée processus de sélection et ont plus de chances collective. par ce petit groupe motivé. Cependant, une fois de voir leurs priorités satisfaites. Le Fonds d'in- que commence la construction d'un centre de vestissement social semble aussi avoir permis prestation de services, ce groupe est souvent des progrès dans la confiance et la capacité Source:Rao (2003) et Rao et lbaÀez (2003). Les donateurs et la réforme des services 245 derniers tentent de s'en acquitter de diverses l'aide ? En principe, il existe aujourd'hui un manières: ce qui témoigne de l'importance large consensus pour admettre que l'accord du pouvoir d'expression politique dans la sur l'aide doit contenir non pas des condi- réforme des services. Il s'agit notamment tions mais plutôt des indicateurs vérifiables d'imposer des conditions et de fixer des cri- permettant la mesure de la performance. tères de performance relatifs aux flux d'aide Cependant, dans la pratique, l'utilisation là où le pourvoir d'expression est limité, d'ap- d'indicateurs de performance n'a pas encore porter un soutien direct à la gouvernance changé les incitations qui sous-tendent la démocratique et de promouvoir activement relation entre bénéficiaires et donateurs.>" la transparence et les processus participatifs. Des indicateurs de performance aujour- En imposant des conditions, les dona- d'hui utilisés, rares sont ceux qui mesurent les teurs tentent de discipliner les décideurs résultats: la plupart mesurent toujours les pour compenser le manque de pouvoir d'ex- inputs et le processus. A ce jour, le lien entre pression politique des citoyens (chapitre 5). ces indicateurs de la performance opération- Pourtant, les conditions des donateurs sont nelle et les objectifs de résultats définis dans fondamentalement différentes de l'expres- les stratégies de lutte contre la pauvreté reste sion des citovens, laquelle est diffuse, posté- vague. Par ailleurs, il existe peu de méca- rieure aux faits et fonctionne comme un nismes transparents permettant aux dona- processus à long terme. Dans les années teurs de signaler au bénéficiaire les conditions 1980, les prêts d'ajustement structurel ont en fonction desquelles il peut s'attendre à un étendu les conditions relatives aux projets à accroissement ou à une réduction de l'aide. un vaste ensemble de politiques écono- Les initiatives pour améliorer la mesure des miques gouvernementales, de processus et résultats sont à l'étude, mais il faudra du de dépenses publiques. Aujourd'hui, il est temps pour établir un lien réel entre le amplement démontré que des conditions volume de l'aide et la performance. fondées sur des promesses ne sont pas très Il existe aussi une tension entre les fonc- viables, car elles compromettent l'appro- tions de contrôle et d'incitation des indica- priation du programme de réformes."6" teurs de pertormance. Les donateurs, préoc- Lorsque les décideurs ne sont pas incités à cupés par des questions d'ordre fiduciaire, développer leurs propres positions, par ont tendance à surveiller étroitement les pro- exemple sur la privatisation de la distribution grammes qu'ils soutiennent : l'accent est de l'eau ou d'autres services, mais comptent donc mis sur les engagements dans un pro- sur les conditions des donateurs, ils peuvent cessus à court terme plutôt que sur les véri- plus facilement décliner leur responsabilité tables mesures de résultats, en tant que en cas d'échec par la suite. Ce n'est pas l'im- déclencheurs pour l'évaluation de la perfor- portance de l'aide qui fait que la politique du mance.5'2 Cependant, cela peut déboucher pays bénéficiaire est bonne ou que se produi- plutôt sur la micro gestion, qui est précisé- sent les réformes institutionnelles. Des études ment ce que le nouveau système de condi- empiriques montrent que le financement de tions en fonction de la performance vise à l'aide n'est pas efficace pour entraîner une éviter. Faute de résoudre ce problème, les réforme dans un contexte politique défavo- accords d'aide deviennent incohérents. rable.-"" Ce qui est plus efficace, c'est de choi- Un certain nombre de donateurs bilaté- sir les pays bénéficiaires avec plus de soin, en raux vont plus loin et soutiennent la partici- fonction de la performance (sélectivité des pation électorale et la démocratie directe- pays), et de fixer des conditions pour récom- ment, et recourent à l'aide pour engendrer et penser l'accomplissement des réformes plu- récompenser ce genre de réformes (encadré tôt que les promesses de réformes.'<" 11.3). Ainsi, par exemple, les donateurs ont La conditionnalité traditionnelle n'est pas récompensé le Ghana pour avoir organisé très efficace. Par conséquent, comment les des élections libres en 1992, malgré les donateurs peuvent-ils allouer leur aide de dépenses publiques excessives qui les ont manière à inciter fortement le pays bénéfi- précédées et qui ont entraîné une mauvaise ciaire à promouvoir le pouvoir d'expression performance macroéconomique. du citoyen et à entreprendre des réformes des Les donateurs soutiennent aussi des services, et à accroître ainsi l'efficacité de mécanismes informels pour renforcer le 246 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 1 1 . 3 Les doinateurs soutietnnient pauvreté. Les gouvernements oeuvrent à enrichir le débat avec les points de vue d'un la gouv,ernance démtiocratitiquie ensemble élargi de parties en présence. Des La plupart des donateurs bilatéraux incluent valeurs essentielles: notamment représenta- pays comme Madagascar, le Rwanda et le la promotion de la démocratie dans les tion, obligation de rendre des comptes, tolé- Vietnam disposent aujourd'hui de davan- objectifs de leurs programmes d'aide. rance et ouverture. Les programmes d'aide L'Agence américaine pour le développe- dans le domaine législatif ont souvent tage d'information pertinente, on y parle ment international dépense à elle seule plus échoué, en raison du manque de connais- davantage les langues locales et la participa- de 700 millions de dollars par an dans des sances des donateurs à propos de la dyna- programmes: soutien aux élections libres, mique politique et humaine des institutions tion y prime sur la consultation. On appui aux organisations de la société civile et qu'ils essaient de refondre, de leur détermina- constate aussi que ces processus entraînent renforcement du pouvoir parlementaire, tion à appliquer des modèles inadaptés à la judiciaire et politique. Dans la promotion de situation locale et de l'attention qu'ils accor- une évolution vers une consultation élargie la démocratie, l'aide aux élections est l'élé- dent aux solutions techniques (par exemple autour des décisions gouvernementales, au- ment le plus en avant. C'est surtout dans les aux nouvelles règles de pourvoi en personnel situations postérieures aux conflits que de ou d'accès à Internet) lorsque les problèmes delà de la stratégie de lutte contre la pau- nombreux donateurs bilatéraux, organisa- ont une nature profondément politique. vreté. Cependant, de grandes difficultés tions internationales - comme l'ONU, l'Orga- Pour surmonter certains de ces problèmes, nisation des États d'Amérique ou l'Organisa- l'Agence suédoise pour le développement persistent lorsqu'il s'agit de généralser cette tion de sécurité et de coopération en Europe international (ASDI) a inauguré un nouveau plus grande ouverture dans le processus de - et organismes privés envoient des missions type d'analyse des intéréts sous-jacents et décision gouvernementale. d'observation et apportent leur aide aux des relations de pouvoir, dans le cadre d'un administrateurs des élections. Au Nicaragua, programme de soutien aux institutions poli- Dans les stratégies de lutte contre la pau- plus de 80 organisations internationales ont tiques au Burkina, en Ethiopie, au Kenya et au vreté, on s'efforce de promouvoir le renfor- observé les élections de 1996. L'aide à la pro- Mali. En ce qui concerne l'assistance aux élec- motion de la démocratie est passée de 0,5 % tions, l'ASDI est passée à des programmes à cement du pouvoir d'expression politique du total de l'aide officielle au développe- plus long terme et à une collaboration plus des citoyens, et le lien est effectivement éta- ment en 19gg1 à 5 % en 2000.. rapprochée des donateurs en Afrique du Sud L'approche de la gouvernance démocra- et en Zambie. Au cambodge, elle soutient un bli avec les dépenses publiques. Mais on tique par les donateurs - démocratie, partici- « forum sur les questions nationales » pour s'efforce aussi de faire évoluer la relation pation, droits de l'homme et autorité de la loi elargir le débat public sur des sujets comme - présente avec le reste de l'aide des similari- la corruption et le trafic des femmes et des entre les bénéficiaires et les donateurs, en tés frappantes: un effort héroïque à court enfants, à la télévision et à la radio, sur l'en- donnant la priorité, dans les programmes terme pour insuffler à un pays un élan vers la semble du pays. de réforme, à leur appropriation par le démocratie. Plutôt que de tenter de repro- duire certains types d'institutions, les dona- bénéficiaire. Il existe souvent des dilemmes, teurs pourraient plus activement entretenir Sources: Carothers il999),Ottaway et Chung lorsqu'un instrument sert à atteindre divers les processus politiques essentiels et les (1 999),Knack (2001) et ASDI. objectifs. Les pays qui préparent les pre- miers plans stratégiques de lutte contre la pauvreté (PRSP) se sont trouvés confrontés pouvoir d'expression des citoyens. Ainsi, à de nombreuses difficultés dans la gestion par exemple, ils font la promotion des pro- du processus participatif et dans leur tenta- cessus participatifs dans le développement tive de relier leur stratégie au budget, alors des stratégies de lutte contre la pauvreté et qu'ils suivent des calendriers contraignants des processus budgétaires (encadré 11.4). pour l'allègement de la dette dont les PRSP Cependant, les organismes d'aide et les sont une des conditions. L'expérience d'un États bénéficiaires ont parfois un point de certain nombre de pays laisse penser que vue différent sur la forme que doit prendre lorsqu'un gouvernement présente une stra- la participation. Les organismes d'aide tien- tégie nationale de développement soutenue nent rarement un dialogue avec les parle- par une large appropriation et des priorités mentaires, ils privilégient plutôt les aspects sectorielles bien définies, cela contribue extra-gouvernementaux de la participation dans une mesure non-négligeable à susciter qui impliquent une vaste part de la société un large soutien de la part des donateurs. civile. Les parlementaires considèrent par- Par ailleurs, cela permet aussi de disposer fois que la priorité que les donateurs accor- d'un cadre pour mieux ajuster et harmoni- dent à la société civile compromet la légiti- ser l'aide de ces derniers. mité des représentants élus, surtout dans les démocraties émergentes. Ils remettent aussi Ajuster l'octroi de l'aide en question la légitimité des ONG choisies à la prestation des services pour parler au nom du « peuple ». Les donateurs ont encouragé un certain Les donateurs souhaitant ajuster l'octroi de nombre de pays à revenu faible à ouvrir le leur aide à la prestation des services dans les débat politique et les discussions lors de la pays bénéficiaires trouveront dans ce Rap- préparation des stratégies de lutte contre la port trois messages importants. Les donfateurs et la réforme des services 247 Premièrement, il s'agit d'évaluer les inter- ventions et les projets d'aide et leur impact. Des évaluations plus svstématiques, rela- tdes proceSsuIS lnihdgëtaurjç t'. I i <' tives par exemple aux effets d'une interven- le c is de la Tï 1Za;iuc tion sur l'apprentissage des élèves ou sur la Depuis 1997,laTanzanieprocèdeàuneétude pays, plutôt que sur les procédures santé publique, sont d'une importance cri- annuelle de ses dépenses publiques, d'étude et de suivi du donateur, ce qui tique pour lagénéralisatioidecesproconduite par le gouvernement avec la partici- ouvre la possibilité pour les corps tique pour la généralisation de ces projets, pation des bailleurs de fonds et d'une grande constitués du pays d'utiliser de plus en dans les pays à revenu intermédiaire partie de la société civile. Un premier objectif plus ce processus pour leurs propres comme dans les pays à revenu falible. Dans consiste à étudier les plans prévisionnels de besoins de contrôle législatif, de feed- dépenses du gouvernement dans le cadre de back, de débat public et de lobbying. une situation où les donateurs travaillent ses dépenses à moyen terme, à discuter du * Le fait d'étendre le champ d'investiga- avec d'autres prestataires de services, en programme avec les donateurs et de confir- tion dans le temps, depuis les préoccu- mer le financement extérieur. Depuis son pations immédiates des donateurs - sur raison d'un conflit ou d'une carence de lE- commencement, ce projet a aussi eu comme la manière dont leurs intérêts ont été tat, une évaluation associée aux premières objectif de développer un processus de pris en compte dans les plans budgé- consultation publique destiné à engager un taires ou sur la manière dont leur finan- étapes de la restauration de la capacité de vaste ensemble de corps constitués, au sein cement apparaît dans le schéma - jus- celui-ci est de première importance. de la nation, vis-à-vis de la performance et qu'à des préoccupations plus larges de réduire les coûts des plans prévisionnels du gouvernement. Le politique et de performance, relatives Deuxièmement, afin de réduire les coùts groupe de travail qui supervise ce processus par exemple à la stratégie globale du qu entraîne la fragmentation de l'aide et est dirigé par le ministre des finances, mais il gouvernement et sur la manière dont pour renforcer*lescapai , il s t dcomprend des membres des organismes elle est reflétée par les plans budgé- pour renforcer les capacités, il s'agit de tra- donateurs et un ensemble d'organismes non- taires, les résultats en termes de perfor- vailler avec les autres donateurs pour har- gouvernementaux. mance et les efforts pour renforcer la Plusieurs aspects de ce processus mon- prestation des services. L'étude est aussi moniser et ajuster les mesures prises, les trent comment les exigences concernant l'occasion d'un forum national pour procédures et les pratiques en fonction des I'obligation de rendre compte, vis-à-vis des s'occuper des divers secteurs et des systèmes qui sont ceux du pays bénéfi- donateurs, peuvent être satisfaites d'une niveaux inférieurs d'administration. manière propre à promouvoir un système *Le fait que les acteurs nationaux partici- ciaire. Là où ces systèmes sont déficients, il national de comptabilité qui soit durable: pent davantage aux cycles budgétaires importe de les renforcer afin de satisfaire . Le fait de ne pas lier les consultations à un successifs, au sein du gouvernement donateur unique ou à un instrument de comme à l'extérieur de l'exécutif et aux normes des bonnes pratiques, plutôt financement unique. Les donateurs peu- notamment dans le législatif et les que de les contourner et de les remplacer vent chacun utiliser le processus dans le représentations de la société civile. par les systèmes et procédures propres au conte te de leurs propres procédures de donateur. Dans les pays à revenu faible qui . Le fait de fonder le processus d'étude reçoivent une part subistantielle de leurs sur le cycle décisionnel et budgétaire du Source: Services de la Banque mondiale ressources publiques de l'aide extérieure, c'est l'efficacité de cette aide qui en dépend. Cependant, cette exigence s'ap- Innover et évaluer plique aussi aux pays à revenu intermé- Les grandes organisations du secteur public diaire dans les secteurs dans lesquels les - dans les pays donateurs comme dans les donateurs sont particulièrement actifs, pays bénéficiaires - s'attachent à l'évaluation comme dans le domaine de la protection de l'input et des processus plutôt qu'aux sociale en Amérique Latine et ailleurs. outputs et aux résultats (encadré 11.5). Les Troisièmement, l'harmonisation et le organismes d'aide y sont plus incités encore, réajustement se font mieux au niveau du du fait que la boucle de feedback entre les pays, et par le renforcement des institu- contribuables du pays donateur et les béné- tions existantes du pays bénéficiaire. Dans ficiaires dans le pays qui reçoit l'aide est les pays dans lesquels la gestion des rompue (figure 11.1). Les évaluations des dépenses est satisfaisante et où de véri- résultats et des impacts sont rarement inté- tables réformes des services sont entre- grées aux projets d'aide. Une attention parti- prises - et où la confiance règne entre culière est nécessaire pour contrer la ten- donateurs et bénéficiaires - le budget doit dance des organismes d'aide à être orientés étre considéré comme un outil d'aide vers les inputs et pour accroître la part des valable. L'unification des ressources peut interventions sujette à une évaluation d'im- aussi se révéler efficace, pour l'extension pact rigoureuse. Des objectifs internatio- de la prestation des services et la réduction naux orientés vers les résultats, comme les des coûts de transaction dans les pays à Objectifs de développement du Millénaire, revenu faible qui sont sous pression - par peuvent inciter avantage les organismes exemple, en raison d'un conflit passé ou d'aide à aller au-delà de cet attachement aux actuel.>'3 inputs. 248 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 toire des vers intestinaux chez les écoliers E N C A D R É 1 1 . 5 Pouirquioi les orgatismes d'aid s'attacliewit kenyans a pu ainsi faire l'objet d'une évalua- II..V iinptits tion similaire575. Du fait de la rupture de la boucle de feed- résultats des projets d'aide et à l'évaluation Cependant, dans un certain nombre de back entre les contribuables du pays dona- rigoureuse des impacts. Le biais des inputs et contextes opérationnels, il n'est pas possible teur et les bénéficiaires du pays qui reçoit le besoin de s'attaquer aux problèmes poli- d'appliquer la randomisation, et il est l'aide et du fait de la complexité de la tiques et aux pressions fait que l'on recrute mesure de la performance, les organismes plutôtdesgénéralistesetdesgestionnaires, nécessaire de trouver d'autres méthodes d'aide s'attachent essentiellement aux Pourtant, La plupart des projets d'aide pour effectuer une comparaison équilibrée. inputs. Il est en effet plus facile de gérer et comprennent une exigence d'évaluation for- Même lorsqu'il existe des statistiques rela- d'affecter les budgets, les contrats et les melle. Les évaluations des processus - audits, dépenses pour les projets que les résultats contrôles et vérifications que l'action prévue tives aux bénéficiaires avant et après l'appli- et les impacts des projets d'aide. a bien eu lieu - sont souvent menées à bien. . d Dans les pays donateurs, les décideurs élus Les évaluations des résultats sont rarement caton d'un programme ou d'un change- imposentdesprocéduresadministrativesaux intégrées, et lorsqu'elles existent elles sont ment politique, en déterminer les effets organismes d'aide pour restreindre leur pou- sous-traitées aux consultants par la suite. réels suppose que l'on dispose de statis- voir discrétionnaire. Par ailleurs, les adminis- Lorsque les évaluations constituent une part trations ont tendance à développer leurs réduite du marché de l'aide extérieure de ces tiques relatives à des groupes comparables propres procédures, ce qui ajoute à la com- consultants,elles ont aussi tendance à souffrir pour faire la part de ce qui se serait produit plexité. Dans ce sens, les organismes d'aide du biaisdesinputsetrisquentde ne pas révé- sont semblables à n'importe quelle autre ler des résultats susceptibles d'affecter leur sans ce changement. Pour certains plans, organisation publique de grande dimension. principal marché. Ce ne sont pas nécessaire- lorsque l'on ne dispose pas de statistiques Dans les pays donateurs, les consultations ment les consultants qui s'abstiennent étendues avec des organisations non-gou- consciemment de transmettre l'information: initiales, il est possible de constituer un vernementales entraînent un risque de pres- en général, la pression du marché agit de groupe témoin adéquat à partir des statis- sion politique - et les soumissions complexes façon plus subtile. Les contractants qui tra- . ,s.u s à . C etlesprocédurescontractuellesdésamorcent vaillent principalement pour les organismes tques postérieures à Intervention. Cepen- les critiques des prestataires des services d'aide deviennent souvent eux-mêmes des dant, pour d'autres programmes, des statis- d'aide. Avec une telle structure d'incitations, généralistes. tiques initiales sont indispensables, c'est le les organismes d'aide allouent comparative- ment peu de ressources à la vérification des Source:Martens et autres (2002). cas par exemple pour les projets de routes rurales dont l'impact sur la pauvreté, la santé publique et l'éducation est Dans l'évaluation des impacts d'un pro- important.5'6 gramme public quelconque, une des plus Il n'est pas possible d'évaluer l'impact de grandes difficultés tient au fait que les béné- n'importe quel programme, aussi convient- ficiaires sont rarement choisis de manière il que les gouvernements et les donateurs aléatoire. En fait, la plupart des pro- choisissent soigneusement les programmes grammes sont ciblés vers des groupes ou à évaluer, en s'attachant aux domaines dans des régions spécifiques. Il est donc tortueux lesquels une nouvelle connaissance s'im- d'isoler les impacts des circonstances ayant pose. les interventions découpées en phases amené la participation. Pourtant, si on pour des raisons budgétaires ou en raison s'abstient de le faire, les résultats peuvent d'autres contraintes constituent de bonnes induire en erreur. Ce sont les projets dans opportunités d'évaluation d'impact effi- lesquels les participants sont choisis au cace. De même, lorsqu'une étude pilote est hasard qui se prêtent le mieux à une évalua- nécessaire avant de généraliser un pro- tion d'impact non-biaisée. Un exemple est gramme à grande échelle, une évaluation celui du Programme d'éducation, de santé d'impact peut permettre de disposer d'une et de nutrition du Mexique (Progresa), un information importante pour les décideurs. vaste programme de transfert gouverne- mental (voir « Pleins feux »). Les preuves Harmoniser l'aide des donateurs flagrantes de l'impact notable de ce pro- avec les systèmes gramme ont conduit à l'étendre à l'en- des pays bénéficiaires semble du Mexique et à adopter des pro- L'harmonisation est plus facile lorsque le grammes similaires ailleurs. Un autre pays bénéficiaire adopte une stratégie natio- exemple est le programme de bons pour nale de développement performante et une l'enseignement secondaire en Colombie, procédure budgétaire pouvant servir de dans lequel les bénéficiaires sont choisis par cadre commun. Ce ne sont cependant pas là un système de loterie, ce qui permet de faire des conditions préalables: en effet, même en une comparaison entre ceux qui ont reçu l'absence de ces facteurs, l'harmonisation et des bons et ceux qui n'en ont pas reçu.574 l'unification de l'aide peuvent apporter des Un programme pilote de traitement aléa- avantages significatifs et réduire les coûts de Les doniateurs et la crîuefti-ie des services 249 transaction. 577 Dans les pays à revenu faible qui sortent d'un conflit ou dans lesquels les E N C A D R É 1 7 . 6 Un 9 %vt, u1î qui plaide institutions publiques sont très lacunaires, Ce? iaveulir de l1lzarunllisationj: la Boliitie un « budget dans le budget » - avec des En Bolivie, dans le secteur de la santé, trois sent des critiques en cas de problème, on a mécanismes comptables séparés pour les donateurs ont convenu de cofinancer la envisagé que chaque donateur finance cer- construction d'un bâtiment. Cependant, il tains étages, assure l'achat des matériaux et donateurs - ou un organisme de services était difficile de trouver une approche com- contracte les constructeurs selon ses indépendant financé par les donateurs, ou mune dans la mesure où chaque donateur propres règles et ses propres procédures. avait ses propres procédures d'approvision- L'idée était qu'un organisme donateur fini- un consortium de prestataires non-gouver- nement. Les donateurs ne pouvaient pas uni- rait les deux premiers étages, puis le nementaux choisis conjointement selon un fier leurs contributions sous forme d'un deuxième construirait le troisième étage, et processus transparent peuvent être des fonds commun, les règles auxquelles ils le troisième terminerait la construction. s-8 étaient soumis interdisant le transfert moné- Après de longues discussions, l'un des options valables.' Ces arrangements peu- taire vers un autre organisme. Aucun de ces donateurs s'est retiré du projet. Sur les deux vent l'un et l'autre être liés aux efforts de organismes ne pouvait accepter les procé- qui sont restés, celui dont la contribution dures des autres, et deux d'entre eux serait moindre a accepté les règles du dona- réforme du secteur public qui émergent avec n'étaient pas disposés à adopter les règles teur qui apportait la plus grande partie des le temps. Cependant, pour qu'elle soit effi- qui avaient cours en Bolivie. fonds. Il serait fait appel à un seul contrac- cace l'harmonisation suppose un réajuste- C'est tout d'abord une approche théma- tant, et non aux trois qui avaient été pres- cace, tique qui a été envisagée. Un donateurs sentis, et la construction serait supervisée ment radical des procédures et des poli- financerait la conception, un autre les tra- par un seul ingénieur. L'un des deux orga- tiques opérationnelles des organismes vaux de construction, et le troisième finan- nismes superviserait l'ensemble du proces- cerait la peinture, l'air conditionné, l'installa- sus, Tout cela a pris deux ans, et la première donateurs, comme l'illustre le projet sani- tion électrique et les sanitaires. Ensuite, pour pierre n'est pas encore posée. taire bolivien (encadré 11.6). des raisons pratiques et administratives, et Pour les services financés par des dona- pour éviter que les autres organismes subis- Source: Banque mondiale (2002i). teurs, transférer la responsabilité - et donc l'obligation de rendre des comptes - vers le bénéficiaire. Troisièmement, il faut que les bénéficiaire permettrait de limiter les donateurs évitent le piège qui consiste à faire redondances, le gaspillage et les coûts de d'un niveau donné de capacité la condition transaction. Cela permettrait aussi d'éviter pour l'ajustement ou l'unification de l'aide, que les donateurs se bousculent dans les alors que dans bien des cas, cette unification secteurs à la mode - et ainsi, de limiter les suscite des efforts qui peuvent faire progres- problèmes de capacité d'absorption. Enfin, ser la capacité jusqu'à un niveau proche de cela entraînerait un renforcement des capa- celui qui est désirable. Cela dit, il y aura tou- cités, un progrès de l'apprentissage collectif, jours des situations dans lesquelles les dona- et davantage d'incitations à contrôler et à teurs jugeront (plutôt que de déterminer évaluer les impacts et les résultats. scientifiquement) qu'une unification serait On entend souvent dire que les pays inappropriée, compte tenu des risques fidu- bénéficiaires ont besoin d'améliorer leur ciaires. gestion financière et leurs méthodes d'ap- provisionnement sur les marchés publics Les approches au niveau sectoriel avant que les donateurs puissent ajuster leur Depuis le milieu des années 1990, un cer- aide à leurs systèmes. La réalité est cepen- tain nombre de pays se sont employés à dant plus nuancée. Premièrement, il faut intégrer l'activité de l'État et des donateurs que les donateurs se demandent si compter dans le cadre d'un secteur. Dans l'approche sur les systèmes des pays bénéficiaires est idéale, mise en évidence dans les premiers plus risqué que l'alternative dans laquelle les documents relatifs aux approches au niveau risques sont bien délimités. Actuellement, sectoriel, l'État et ses partenaires convien- les pays en développement qui empruntent draient d'une enveloppe prédictible de res- doivent produire chaque année 8 000 rap- sources et d'un contexte politique cohérents ports d'audit à l'attention des banques de avec le budget national et la stratégie écono- développement multilatérales, dont 5 500 mique.57' Ils conviendraient ensuite de la pour la Banque mondiale. Une telle frag- manière d'allouer les ressources à l'intérieur mentation des activités ne peut pas favoriser de cette enveloppe. Les procédures de la responsabilisation. Deuxièmement, déboursement seraient harmonisées, et les même si ce choix est plus risqué, il s'agit de fonds seraient unifiés. Toutes les activités tenir compte des avantages plus durables refléteraient une vision partagée des priori- que comporte le soutien au renforcement tés et des coûts. Les désaccords seraient des institutions et des systèmes du pays résolus par des compromis dans la concep- 250 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 tion des programmes et non pas au niveau trouver rapidement du nouveau person- des activités entreprises. Il n'y aurait pas de nel, comme c'est le cas pour les secteurs différence détectable entre l'approche choi- de l'éducation et de la santé en sie pour les activités financées par l'État et Ouganda.283 l'approche choisie pour les activités finan- * Il est nécessaire de concevoir des procé- cées par les donateurs : en fait, cette distinc- dures en gardant à l'esprit les limites de tion disparaîtrait. capacité, surtout aux niveaux où se fait la Dans un certain nombre de pays à revenu décentralisation. Cela impliquera sou- faible, les approches au niveau sectoriel ont vent d'encourager la transparence été développées dans plusieurs secteurs : publique et le contrôle ascendant, afin de santé, éducation, agriculture, transports, promouvoir des obligations de rendre énergie et distribution d'eau.530 Dans un cer- compte qui soient simples mais appli- tain nombre de pays à revenu faible, les quées avec rigueur. Dans les procédures approches au niveau sectoriel ont été déve- d'achat, qui constituent souvent une des loppées dans plusieurs secteurs : santé, édu- plus grandes difficultés, il importe de cation, agriculture, transports, énergie et dis- trouver un équilibre entre rigueur et tribution d'eau. Les efforts réalisés à ce jour simplicité. ne sont que des représentations partielles de * Les contraintes de capacité ne sont pas l'idéal. Dans une certaine mesure, détermi- une raison pour remettre à plus tard une ner ce qui constitue une approche au niveau approche au niveau sectoriel. Rares sont sectoriel reste une décision arbitraire. Toute- les pays qui atteignent la situation idéale, fois, ces dernières années, des progrès ont été mais la plupart peuvent tirer parti de cer- accomplis vers l'unification des fonds. Pour tains aspects du processus. les 24 programmes suivis par le Partenariat stratégique avec l'Afrique en 2002, 41 % de Les évaluations des approches au niveau l'aide est arrivée sous forme de projets sectoriel ont donné des résultats mitigés. (contre 56 % deux ans plus tôt), 13 % par les Dans les scores du Partenariat stratégique ONG, 11 % sous forme de fonds communs avec l'Afrique en 2002, les programmes et 35 % sous forme de soutien budgétaire. obtiennent en moyenne, pour la mise en Dans le programme du Ghana pour la santé, oeuvre, entre 0,42 et 0,58 selon le secteur (sur le système d'unification a commencé avec « une échelle où 0 signifie mauvais, 0,33 cor- un donateur et un financement minimal >» rect, 0,66 bon et 1 très bon). Il se peut toute- pour atteindre finalement 40 % des res- fois que ces notes relativement mauvaises sources du programme.?8 traduisent aussi le caractère ambitieux des La préparation et la mise en oeuvre des programmes d'approche au niveau sectoriel. approches au niveau sectoriel peuvent être On peut prendre le risque de conclure que les un processus long et décourageant. L'accord approches au niveau sectoriel constituent entre les décideurs et les organisations pres- une part importante de la stratégie de lutte tataires, dans le pays bénéficiaire, peut aussi contre la pauvreté et non une alternative, et s'en trouver affaibli, plutôt que renforcé, le que tous les avantages ne sauraient en être secteur ne faisant plus partie du processus tirés tant que les mécanismes de financement national de décision, surtout en ce qui ne seront pas devenus plus flexibles. concerne le processus budgétaire, la gestion financière et l'achat public.582 Des approches au niveau sectoriel se dégagent Le soutien budgétaire quatre enseignements: L'allègement de la dette des pays pauvres très endettés a eu pour effet d'accentuer la prio- * Une analyse institutionnelle du secteur rité au soutien budgétaire, l'allègement étant est recommandée avant toute chose, réparti sur les secteurs prioritaires par l'inter- comprenant l'étude des relations entre ce médiaire du budget du pays bénéficiaire. Le secteur et le reste du secteur public. soutien budgétaire permet de reconstituer * Si la contrainte de capacité se situe au l'accord entre décideurs et prestataires. Il niveau du ministère de tutelle plutôt permet la remise en question des dépenses qu'au niveau du pays, on peut parfois publiques, et il permet de réduire les coûts Les donateurs et la réforme des services 251 liés à la fragmentation et à la séparation des unités de mise en oeuvre des projets. Le fait E N C A D R É 1 1 . 7 Lier le soultiel T 1"#", ,jj que les fonds soient dirigés vers le budget ài la perform-lanice général permet aussi un meilleur cadre de La Commission européenne lie explicitement cateur: un point si l'objectif convenu est discussion des allocations entre secteurs. Les une partie de son soutien budgétaire à la per- atteint, un demi point si un « développe- financement plus important formance. Le montant à débourser est fonc- ment positif substantiel » est clairement partisans d'un nnancement plus Important tion du progrès de la prestation des services observable, et zéro en l'absence de progrès. sur un secteur particulier doivent montrer sociaux, notamment dans les domaines de la Le soutien budgétaire accordé est le mon- que celui-ci est marginalement plus rentable santé et de l'éducation, et du progrès de la tant maximal disponible multiplié par la que ceu-ietmriaeetpu etbe gestion des dépenses publiques. Ce progrès moyenne (non pondérée) du score de per- que les autres.584 Lorsque les fonds sont diri- se mesure à l'aide d'une petite série d'indica- formance (comprise entre O et 1). Cette gés vers des secteurs dans lesquels on peut teurs de performance approuvés par le paYs approche n'est pas mécanique, elle prend gés ~~~~~~~~~~~~~~~bénéficiaire et par la Commission euro- aussi en compte les facteurs extérieurs. montrer que la pauvreté diminue - de péenne. Ces indicateurs sont généralement Le système fondé sur la performance manière directe ou indirecte - les donateurs déterminésenfonctiondelastratégiedelutte met en lumière la qualité des statistiques. contre la pauvreté du pays bénéficiaire. Pour Selon la Commission européenne, ce sys- doivent se montrer flexibles vis-à-vis des le premier ensemble de pays, les indicateurs tème est un moyen et non une fin : il s'agit allocations budgétaires. les plus fréquemment utilisés sont: d'obtenir que dans les pays en développe- Le soutien budgétaire, comme le finance- * Les dépenses planifiées et réelles dans les ment, les décideurs politiques et le public secteurs sociaux, accordent davantage d'attention aux résul- ment global dans le cas d'une approche au a Les différences de coûts unitaires des prin- tats qu'aux déclarations d'intention et aux niveau sectoriel, soulève la question du cipaux inputs. conditions fixées par les donateurs. fiduciire. Cpendan, il nest pa dit a L'utilisation des services de soins primaires À ce jour, 30 % du soutien budgétaire risque fiduciaire. Cependant, il n'est pas dit et prénatals. accordé par la Commission européenne est que le risque sera plus grand dans le cas du a Lestaux devaccination. lié aux indicateurs de performance. Il s'agit soutien budgétaire que dans le*cas,de l'aide * Le nombre de naissances prises en charge d'un fait délibéré, motivé par le désir de soutien budgétaire que dans le cas de l'aide par un personnel médical. promouvoir progressivement une nouvelle à un projet.585 Ce qui importe, ce sont des * Les taux de scolarisation des garçons et approche et d'équilibrer la récompense de systmestranparnts ourl'achat et une *des filles. la performance et le besoin, pour le pays systèmes transparents pour 1 achat et une .aLe coût de l'éducation primaire (dans le bénéficiaire, d'un financement budgétaire information du public, de sorte que le mou- privé et dans le public). prédictible. vement des fonds à travers le système puisse Après une évaluation réalisée conjointe- être puliquemnt obsevé et ue les ment par le gouvernement et les dona- être publiquement observé et que les teurs, on calcule un score pour chaque indi- Source: Commission européenne. charges payées pour les services soient clai- rement définies. C'est en faisant la promo- tion de ces systèmes dans les pays bénéfi- ciaires que les donateurs peuvent Une solution consiste à unifier les trans- contribuer de la meilleure manière. Le ferts de connaissance et le travail d'analyse groupe de donateurs d'Utstein - Royaume- au niveau du pays, y compris les évalua- Uni, Pays-Bas, Norvège et Allemagne - tions d'impact des interventions et des développe des systèmes de contrôle dans cet programmes. Tout le travail d'analyse que esprit. L'Union européenne conditionne soutiennent les donateurs devrait stimuler une partie de son soutien budgétaire à la les capacités du pays, notamment les uni- performance à l'aide d'un petit ensemble versités, l'État et le secteur privé (encadré d'indicateurs (encadré 11.7). 11.8). Qu'est-ce qui ressort de tout cela ? Que l'aide sera plus efficace lorsqu'elle sera Des institutions lacunaires - accordée de manière flexible à des pays les États sortant d'un conflit bénéficiaires justifiant de stratégies globales et I États en faillite cohérentes et de programmes sectoriels bien conçus. Une aide flexible permet, au Dans un contexte institutionnel faible - par sein d'un État, de catalyser les processus de exemple dans le cas d'un État sortant d'un production de stratégies cohérentes, de pro- conflit ou d'un État « en faillite » - les dona- grammes de dépenses rationnels et de ser- teurs peuvent ne pas être en mesure de vices efficaces. compter sur les canaux habituels de la pres- tation de services, les décideurs et les presta- Les transferts de connaissance taires n'ayant pas la capacité nécessaire ou La concurrence pour les nouvelles idées, n'ayant pas la motivation d'utiliser les res- entre les donateurs, peut profiter au pays sources de manière satisfaisante."86 Quel que bénéficiaire. Elle peut aussi engendrer une soit le vecteur de la prestation à court terme confusion, surtout dans les pays à revenu ou même à moyen terme, il faut qu'à plus faible dont les capacités sont trop limitées. long terme l'aide contribue à la reconstruc- 252 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 E N C A D R É 1 1 . 8 UnJîifier les transsferts de con niaissance Pour améliorer l'accès des pauvres aux servi'ces ainsi que dans les Andes,ce programme dispose d'infrastructure, plusieurs donateurs ont unifié * Une production, un transport, une distribu- d'un réseau bien établi de spécialistes de secteur leurs fonds, en vue de faire progresser et de dif- tion et une consommation de l'énergie qui ragi ` la demand fuser la connaissance relative à ces services. Ce soient écologiquement durables. flctapabes de réagi rapidnèemetàl.ead support, géré par la Banque mondiale, constitue Le programme d'adduction d'eau et d'assai- L'unité de conseilen infrastructure publique une source de connaissance et de conseils « iso- nissementest destiné à aider les gouvernements, et privée est un organisme d'assistance tech- lée » des activités de crédit de la Banque. Les les municipalités, les autorités locales, les ONG, les nique qui aide les pays en développement à donateurs sont le Canada, le Japon, les Pays-Bas, organisations communautaires, les prestataires améliorer leur infrastructure grâce à la participa- le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et le Pro- de services privés et les organismes extérieurs à tion du secteur privé. Cet organisme poursuit sa gramme des Nations Unies pour le développe- permettre aux pauvres d'accéder durablement à . . s moyen suivants ment. de meilleurs services de distribution et d'assainis- mission par les moyens suivants Le programme de conseil et de gestion du sement.llestorientévers: * L'assistance technique aux gouvernements secteur de l'énergie,un programme d'assistance . Les services de conseil en politique, stratégie sur les stratégies destinées à permettre de technique globale, est centré sur l'énergie dans et réforme insti. tirer parti de tout le potentiel que représente le développement économique, avec pour * Les solutions innovantes aux problèmes, y la participation du secteur privé à l'infrastruc- objectifs de contribuer à la lutte contre la pau- compris projets pilotes et projets de démons- ture. vreté et au développement économique, d'amé- tration. * L'identification, la diffusion et la promotion liorer les conditions de vie et de préserver l'envi- * Les services de soutien à l'investissement avec des meilleures pratiques relatives à la partici- ronnement. Il est orienté vers: une sélection stratégique, y compris le travail pation du secteur privé à l'infrastructure. * La réforme et la restructuration du secteur de en réseau et le partage de la connaissance. l'énergie, avec une orientation marché. Avec une forte présence sur le terrain en * L'accès à une énergie rentable et abordable. Afrique, en Asie du Sud et en Extrême-Orient Source: Services de la Banque mondiale. tion d'un secteur public et d'un système de sent d'une certaine autonomie institution- prestation de services efficace. La tentation nelle pour pouvoir rendre des comptes d'éviter de passer par l'État peut se com- directement aux donateurs selon des règles prendre. Cependant, faute d'une stratégie rigoureuses. Pour ce faire, peut-être faut-il claire et partagée de la part des donateurs, que le recrutement se fasse en dehors du pour la reconstruction d'un État réactif et secteur public. Là encore, les donateurs efficace, la prolifération d'organisations non- devront se coordonner et unifier leur aide gouvernementales et d'organisations com- pour éviter le gaspillage et la redondance en munautaires - et des initiatives d'auto-assis- finançant à la fois les dépenses récurrentes tance et de fonds sociaux - manquera et les dépenses de capital. d'ampleur en termes d'impact et de durabi- Les donateurs se trouvent confrontés à lité. Ce ne sont pas les organisations de la une difficulté, trouver un équilibre entre les société civile qui peuvent définir la politique carences institutionnelles à court et moyen ou les normes nationales. Elles ne peuvent terme et la création à long terme d'un État pas non plus remplacer sur le long terme la efficace capable d'assumer ses responsabili- relation entre citoyens et décideurs poli- tés publiques en matière de prestations de tiques. services. Les donateurs ont tenté de Pour les donateurs, les options vont du répondre aux besoins en services à court soutien sélectif aux programmes existants, terme par l'intermédiaire des ONG natio- comme les programmes de vaccination mis nales et internationales, des fonds sociaux, en oeuvre pas l'État ou par des prestataires des agences des Nations Unies ou d'une privés, à l'établissement d'une autorité combinaison de ces prestataires. Il serait indépendante pour les services disposant nécessaire d'accorder autant d'importance à d'un mandat temporaire pour fournir ou l'identification des moyens de renforcement réguler les services de base.55' Entre les des capacités et de lutte contre le favori- deux, il y a les projets d'auto-assistance et tisme et la corruption spécifiques au pays les fonds sociaux. Une autorité indépen- concerné. Pour la prestation des services, les dante pour les services et un fonds social, ce canaux non-gouvernementaux peuvent sont là des moyens d'assurer la prestation donc jouer un rôle très important, mais des services dans des circonstances diffi- doivent être considérés comme une straté- ciles, peut-être à travers une vente globale à gie de transition pour le renforcement des un consortium local ou à des ONG, des capacités de l'Etat à long terme. organisations religieuses ou des entreprises Même dans les États les plus affaiblis, privées. Il faut que ces organisations dispo- les donateurs et les intéressés tireraient Les doniateurs et la réforme des services 253 profit d'une unification des efforts en vue souvent à travers des projets «< distincts », de meilleurs résultats. L'harmonisation de pour faciliter le feedback des contri- l'aide peut ne pas être réalisable dans le buables et maintenir le soutien politique cadre du soutien budgétaire, mais un des flux d'aide. Il est plus facile de se pré- accord sur un cadre commun et sur des valoir d'un nouvel hôpital que du résul- systèmes de mise en oeuvre pour la presta- tat d'une réforme politique ou d'un sou- tion des services permettront d'éviter de tien budgétaire. faire peser une charge trop lourde sur la * Les organismes d'aide, face à des pres- capacité intérieure du pays. Par ailleurs, il sions au déboursement, ont besoin de est important de partager les enseigne- présenter rapidement des résultats aux ments de l'expérience et de reconnaître contribuables - et les ONG ont besoin que l'aide peut être moins efficace lorsque d'en montrer à leurs donateurs. Lorsque des arrangements qui fonctionnent dans ce sont les donateurs qui ont la charge un contexte politique favorable sont d'intervenir, c'est plus facile. appliqués à une situation différente. Avec * Dans les pays donateurs, les responsables le principe de la flexibilité des « huit politiques et les décideurs ne peuvent pas options en tout », on met fortement l'ac- s'affranchir des groupes d'intérêts qui les cent sur la situation particulière du pays soutiennent, et ces groupes sont suscep- considéré. tibles d'accorder la priorité, dans les pays en développement, au financement de Pourquoi réformer l'aide bénéficiaires ayant les mêmes orienta- est si difficile tions. Un certain nombre de pays donateurs Les effets négatifs imprévus du comporte- limitent le marché des services d'aide et ment des donateurs ne sont pas une décou- des fournitures à leurs propres ressortis- verte récente. Le Rapport sur le développemnent sants (aide liée). L'aide extérieure sou- dans le inionide 1990: La pauivreté (Banque tient une importante industrie d'assis- mondiale, 1990) traitait du rôle de l'aide dans tance technique dans les pays de l'OCDE, la lutte contre la pauvreté, en attirant l'atten- estimée à 4 milliards de dollars par an tion sur des problèmes similaires. Pourquoi pour l'Afrique subsaharienne, soit 30 % n'y a-t-il pas eu davantage de réformes ? de l'aide sur ce continent. Pourquoi, par exemple, les donateurs sont-ils . Les préférences en matière de dépenses si réticents à canaliser l'aide comme une part different selon les pays donateurs, ainsi du budget du pays bénéficiaire? qu'entre donateurs et bénéficiaires. Sou- Simplifier les politiques, les procédures vent, les donateurs sont plus à l'aise avec et les pratiques des donateurs et diriger les systèmes de prestation de services du l'aide de manière flexible selon des même type que ceux qui fonctionnent approches au niveau sectoriel ou diriger le dans leur propre pays. Ainsi, par processus budgétaire permettrait d'abaisser exemple, les conseillers britanniques et les coûts de transaction qui sont élevés dans nordiques sont habitués à un service de les pays à revenu faible, et cela permettrait santé gratuit en dispensaire, ce sont donc aux pays bénéficiaires de poursuivre plus ces systèmes qu'ils préferent promouvoir efficacement leurs objectifs. Ce serait pos- dans les pays à revenu faible. sible si les donateurs n'étaient motivés que * Les préoccupations d'ordre fiduciaire et par la lutte contre la pauvreté - et si les pays les incitations des organismes d'aide bénéficiaires étaient perçus comme engagés poussent les donateurs à se soucier du vers ce même objectif. Cependant, le monde contrôle des inputs et des processus. Là est plus complexe. Les incitations des orga- encore, le contrôle est plus facile dans nismes d'aide et l'économie politique de l'aide aux projets lorsque le donateur l'aide dans les pays donateurs vont à l'en- contrôle la conception et la mise en contre de cette vision oeuvre de chaque intervention. . Les donateurs peuvent chercher à . Les organismes d'aide veulent pouvoir convaincre les bénéficiaires de la valeur identifier leurs propres contributions, d'une approche différente grâce à un 254 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 projet pilote, pour en démontrer l'effica- Ces objectifs multiples incitent les dona- cité. teurs à financer et à contrôler directement Les donateurs bilatéraux distribuent leurs leurs interventions d'aide. Cela crée des budgets d'aide parmi un grand nombre problèmes aux pays bénéficiaires: souvent, de bénéficiaires et de secteurs, pour les donateurs ignorent (ou veulent ignorer) accroître la visibilité de leurs pro- ce que font les autres donateurs et le bénéfi- grammes, ou pour susciter ou récompen- ciaire, d'où des redondances, du gaspillage ser un soutien diplomatique de la part des et des lacunes dans les services.5'9 En ce pays bénéficiaires.588 Une plus grande spé- moment, les donateurs ont tendance à favo- cialisation entre les secteurs ou les bénéfi- riser les projets du secteur social par rap- ciaires, si elle est efficace, peut exposer le port aux autres dépenses publiques. S'ils donateur à des charges dont il néglige n'accordent pas d'attention à ce que font les l'importance, par exemple en cas de crise autres, ils risquent de trop se concentrer sur mondiale de la santé ou de crise humani- les secteurs les plus prioritaires et de délais- taire régionale. De telles considérations ser les autres secteurs, qui seront à court de aident à comprendre pourquoi, en 2000, fonds, comme c'est le cas pour les routes le donateur bilatéral type a accordé une rurales en Zambie. Ou bien, des insuffi- aide officielle au développement (AOD) à sances dans les domaines prioritaires peu- près de 115 nations indépendantes. Même vent être dues au fait que personne n'a une en omettant les bénéficiaires ayant reçu vision correcte de la réalité. Cependant, moins de 100 000 dollars, le nombre entre les donateurs, les priorités sont moyen de bénéficiaires de l'AOD, pour variables, et leurs approches évoluent avec chacun des 22 principaux donateurs bila- le temps.590 Il existe donc des possibilités - téraux, était 95. et des espoirs - de progrès. Note bibliographique Ce Rapport a etc redigé a partir d'un vaste ensemble de docurments Mark Gradstein, Vincent Greaney, Daniela Gressani, Charles Griffin, de la Banque mondiale et de nombreuses sources extérieures. Les Merilee S. Grindle, Jan Willem Gunning, Christopher Hall, Kirk notes et documents préparatoires ont été élaborés par Abdelwahid Hamilton, Clive Harris, Robert Hecht, John Hellbrunn, Susanne El Abassi, A. Aghajanian, S. Ahmadnia, Harold H. Alderman, James Hesselbarth, Norman Hicks, Dale Hill, James Keith Hinchliffe, Karla Anderson, Matthew Andrews, Aida Atienza, Suresh Balakrishnan, Hoff, Nlary Kathryn Hollifield, Robert Holzmann, Timothy Irwin, Nabhojit Basu, Paolo Carlo Belli, Surjit Bhalla, Gerry Bloom, Jaime Jaramillo-Vallejo, Abhas Kumar Jha, Anne Johansen, Olga Ronelle Burger, T. Edgardo L. Campos, Indu Bushan, Yero Boye Jonas, Ruth Kagia, Satu Kâhkônen, Jeffrey A. Katz, Philip Keefer, Camara, lonathan Caseley, Premna Clarke, Dave Coady, Alberto Damoni Kitabire, Homi Kharas, Stuti Khemani, Jeni Klugman, Steve Diaz-Caveros, Richard Crook, Monica Das Gupta, Antara Dutta, Knack, Valerie Kozel, Dan Kress, Jody Kusek, Karen Lashman, Fran- Dan Erikson, Paulo Ferrinho, Angela Ferriol, Varun Gauri, Anne nie Leautier, Danny Leipziger, Brian Levy, Samuel Lieberman, Soe Marie Goetz, Kelly Hallnman, Maija Halonen, Susanne Hesselbarth, Lin, Magnus Lindelôw, Marlaine Lockheed, Elizabeth Laura Lule, Rob lenkins, Anuradha Joshi, Henry Katter, Daniel Kaufmann, Mattias Lundberg, Akiko Maeda, Wahiduddin Mahmud, Nick Man- Philip Keefer, Peyvand Khaleghian, Stuti Khemani, Stephen Knack, ning, Bertin Martens, Om Prakash NMathur, Subodh Mathur, Aaditya Rudolf Knippenberg, Kenneth Leonard, Bernard Liese, Angela Mattoo, Elizabeth McAllister, Judith McGuire, Oey Astra Meesook, Lisulo, Annie Lord, John Mackinnoni, Beatriz Magaloni, Nick Mlan- Vandana IMehra, Alain Mingat, Mick Moore, Christopher Murray, ning, James Manor, Nelkiory Nlasatu, A. Nehryar, Anne Mills, M\ick David Nabarro, Raj R. Nallari, Deepa Narayan, W. Paatii Ofosu- Moore, Tovce Mlsuva, Fatoumata -Traore Nafo, Joseph Naimoli, Amaah, Peter O'Neill, Elisabeth Page, Elisabeth Pape, Puspa Pathak, Andrew Nickson, Rami Osseni, C. Torres Parodi, Harry Patrinos, Harry Patrinos, Judith Pearce, Ronald F. Perkinson, David Peters, Mark Pearson, Victoria Perez, Janelle Plummiier, Benjamin Powis, Guy Pfeffermann, Tomas Philipson, Janelle Plummer, Alexander Didio Quintana, Carole Radoki, Aminur Rahman, Francesca Reca- Preker, Robert Prouty, Firas Raad, Anand Rajaram, Mamphela Ram- natini, John Roberts, James Robinsonl, F. Halsey Rogers, Pauline phele, Vijayendra Rao, Ray Rist, Peter Roberts, E Halsey Rogers, Rose, Suraj Saigal, R. Sarwal, Parmesh Shah, Maureen Sibbons, lan- David Rosenblatt, Alex Ross, James Sackey, Mauricio Santamaria, mejay Singh, Hilary Standing, David Stasavage, Jonas Gahr Store, Sarosh Sattar, William Savedoff, Eugen Scanteie, Norbert Schady, Denise Vaillancourt, Servaas van der Berg, Wim van Lerberghe, George Schieber, Ruth Ingeborg Schipper-Tops, Supriya Sen, Nemat Avesha Vawda, Emiliana Vegas et Peter Wolf. Talaat Shafik, Monica Singh, John Snow, Lyn Squire, Lynn Stephen, Les documients préparatoires du Rapport sont disponibles soit sur Mark Sundberg, M. Helen Sutch, Jakob Svensson, Jee-Peng Tan, le World Wide Web via http://econ.worldbankorg/wdr/wdr2004/ Judith Tendler, Gregory Toulmin, Emmanuel Tumusiime-Mutebile, soit auprès du World Development Report office. Les points de vue Brian van Arkadie, Caroline van den Berg, Dominique van de Walle, exprimés dans ces documents ne sont pas nécessairement ceux de la Rudolf van Puymbroeck, Hema Visnawathan, Adam Wagstaff, Jeffrey Banque mondiale ni de ce Rapport. Waite, Wendy Wakeman, Christine Wallich, Maitree Wasuntin- Un certain nombre de personnes, à l'intérieur et à l'extérieur de la wongse, Hugh Waters, Dana Weist, Michel Welmond, Richard Banque monidiale, ont prodigué leurs commentaires à l'équipe de Westin, Howard White, Mark Williams, James D. Wolfensohn, rédaction. Ont apporté leurs précieux commentaires et contribu- Mlichael Woolcock, Alan Wright, lan P. Wright, Salman Zaheer, Abdo tions Christopher Adam, James Adams, Orville Adams, Olosodji Yazbeck et Jurgen Zattler. Adeyi, Shafiul Azam Ahmed, Asad Alam, Aya Aoki, Omar Azfar, Raja Nous remercions également pour leur aide précieuse Mary Bitek- Rehan Arshad, Yvette Atkins, Melvin Avogu. Raja Bentaouet Kattan, erezo, Soucha Borlo, Johanna Cornwell et le personnel des biblio- Peter Berman, Paul Berminghan, Markus Berndt, John Besant Jones, thèques de la Banque mondiale, John Garrison, Phillip Hay, Rachel Robert Beschel, David Bevan, Anil Bbandari, Helena Bjuremalm, Winter Joues, Agnes Kaye, Emily Khine, Zenaida Kranzer, Angela John Briscoe, Colin Bruce, Barbara Bruns, Donald A. P. Bundy, Lisulo, Precinia Lizarondo, Joaquin Lopez, Jr., Jimena Luna, Karolina Pronita Chakravarty, Vandana Chandra, Mlae Chu Chang, Robert Ordon, Carolyn Reynolds. Le Programme pour l'eau et l'assainisse- Chase, Marian Claeson, Paul Collier, Michael Crawford, Jishnu Das, ment (WSP) en Asie du Sud a favorisé la consultation au Bangladesh Angelique de Plana, Jean-Jacques Dethier, Annette Dixon, Paula et l'accès aux travaux de recherche et d'intervention en cours du WSP. Donovan, William Porotinskv, Nlark Dumol, Ibrahim Elbadawi, Malgré nos efforts pour dresser une liste complète, certaines Poul Engberg-Pedersen, Gunnar Eskeland, Antonio Estache, Barbara personnes ayant apporté leur contribution peuvent avoir été Evans, Shahrokh Fardoust, Armin Fidler, Ariel Fiszbein, Jonas Frank, oubliées par inadvertance. L'équipe de rédaction s'excuse pour tout Ahmad Galal, Marito Garcia, Varun Gauri, Alan Gelb, Ejaz Ghani, oubli éventuel et réitère sa gratitude à tous ceux qui ont contribué à Elizabeth Gibbons, Indermit Gill, Daniele Giusti, Philip S. Goldman, l'élaboration de ce Rapport. 255 Notes 1. Le fait de considérer le monde de façon globale masque le fait 31. Angrist et autres (2002). que l'Afrique subsaharienne est hors trajectoire pour atteindre l'ob- 32. Interview par John Briscoe. jectif de réduction de la pauvreté en termes de revenu. 33. Banque mondiale (1998a) et Banque mondiale (2002a). 2. Walker, Schwarlander et Bryce (2002). 34. Recommander même d'appliquer les mesures qui passent 3. Devarajan, Miller et Swanson (2002). avec succès le test de l'analyse coûts-avantages sociaux ne suffit pas. 4. Peters et autres (2003), p. 218. Cette analyse consiste à évaluer les résultats obtenus et les moyens 5. Reinikka et Svensson (2001). mis en oeuvre sur la base d'un ensemble approprié de prix de 6. Chaudhury et Hammer (2003). référence (Bell et Devarajan 1987, Dreze et Stern 1987). Mais le 7. Jaffré, Olivier et de Sardan (2002). problème est que, dans bien des cas, les moyens mis en oeuvre ne 8. Equipe PROBE en association avec le Centre for Develop- permettent pas d'atteindre les résultats souhaités parce que les inci- ment Economics (1999); Rosskam (2003). tations sont insuffisantes. La remarque vaut également pour les cas 9. Analyse des statistiques des enquêtes de démographie et de où l'on recommande de recourir à des interventions « efficaces par santé (voir Tableau 1.1 du Rapport). U.K. Department of Interna- rapport aux coûts » dans le secteur de la santé (Banque mondiale tional Development (2002). (1993). 10. Bhushan, Keller et Schwartz (2002). 35. Pleins feux sur le Cambodge. ll.Ahmad (1999). 36. Schick (1998). 12. Banque mondiale (2002n). 37. Constatant que le systènme d'éducation central avait conduit 13. Behrman et Hoddinott (2001) et Gertler et Boyce (2001). à une représentation très insuffisante des jeunes issus de milieux à 14. Pleins feux sur Educo et Pleins feux sur l'initiative de faible revenu, l'Institut d'études politiques (« Sciences Po »), l'une Bamako. des grandes écoles de France, a décidé d'adopter des critères d'ad- 15. Glaeser et Shleifer (2002). mission distincts pour les étudiants des quartiers défavorisés. 16. Diaz-Cayeros et Magaloni (2002). 38. Leonard (2002). 17. Pleins feux sur Costa Rica et Cuba. 39. La plupart des directeurs de projet en particulier ne sont 18. Besley et Burgess (2002). guère enclins à investir dans des études qui pourraient montrer que 19. Pleins feux sur le Kerala et l'Uttar Pradesh. leur programme est un échec. 20. Quand on lui demande pourquoi il ne s'est pas plaint, un 40. Ce compte-rendu du New York Times, extrait de Brooke villageois répond: « J'aurais pu avoir un accident sur la route. On (1993), relate l'effort conjoint sans précédent des responsables poli- aurait pu me mettre dans un four à briques. J'aurais pu me rompre tiques, des agents de santé et des collectivités pour mettre en place les os. » (Pleins feux sur le Kerala et l'Uttar Pradesh). un programme destiné à réduire substantiellement la mortalité 21. Pleins feux sur Johannesburg. infantile dans l'État du Ceara, au Brésil. Pour les enfants nés au 22. Organisation internationale du travail (OIT) (2002). Ceara entre 1981 et 1985, le taux de mortalité infantile était de 142 23. Scott (1998). décès pour 1 000 naissances, et pour les enfants nés entre 1986 et 24. Reinikka et Svensson (2003b). 1990 le taux descendait à 91, soit une diminution de presque 40 %. 25. Chomitz et autres (1998). Le taux de mortalité infantile du cinquième le plus pauvre de la 26. L'informatisation de l'enregistrement de la propriété terri- population est passé de 154 à 113 - soit presque 30 % de diminu- enne au Karnataka, en Inde, a réduit le temps de transaction à 30 tion. La baisse du taux de mortalité infantile dans les États voisins minutes et éliminé les versements de pots-de-vin, qui avaient du Nord-Est du Brésil a été de 20 % sur la même période (Analyse atteint 25 à 50 fois le prix de l'enregistrement. des statistiques des enquêtes de démographie et de santé). 27. Koenig, Foo et Joshi (2000). 41. Department for International Development et Water and 28. Jimenez et Sawada (1999). Environmental Health à London et à Loughborough (1998). En 29. Hsieh et Urquiola (2003). Ethiopie, plus de 70 % des ménages utilisent une source d'eau à ciel 30. Gauri et Vawda (2003). ouvert ou un fleuve comme principale source d'eau potable, et près Notes 257 de 80 % des ménages n'ont pas de toilettes (Analyse des statistiques 74. Thomas, Lavy et Strauss (1996). des enquétes de démographie et de santé). 75. Alderman et Lavv (1996). 42. Kunfaa et Dogbe (2002). 76. Thomas, Lavy et Strauss (1996). 43. Lewis, Eskeland et Traa-Valerezo (1999). 77. Schleicher, Siniscalco et Postlewaite (1995). 44. Mtemeli (1994). 78. Equipe PROBE en association avec le Centre for Develop- 45. Voir aussi Gwatkin et autres (2000) et Wagstaff (2000). ment Economics (1999). 46. Voir aussi Filmer et Pritchett (1999a) et Filmer (2000). 79. Schleicher, Siniscalco et Postlewaite (1995). 47. UNESCO (2002). 80. Banque mondiale (2002m). 48. UNICEF (2001). 81. GfK Prague - Institute for Market Research (2001). 49. Les divers déterminants de la santé des enfants sont traités 82. Banque mondiale (2000c). dans Wagstaff et autres (2002). 83. McPake et autres (2000) et Lévy-Bruhl et autres (1997). 50. Voir Deaton (1997). 84. Di Tella et Savedoff (2001a). 51. Pour plus de détails concernant cette approche, voir Filmer 85. Naravan et autres (2000a). et Pritchett (2001). 86. Knippenberg et autres (1997). 52. Voir par exemple Banque mondiale (2001k). 87. King et Ozler (2002). 53. Office de planification nationale de Papouasie-nouvelle- 88. Lewis, La Forgia et Sulvetta (1996). Guinée (1999). 89. OMS (1998). 54. Gibson (2000) d'après une enquête menée en 1996. La dis- 90. Langsten et Hill (1995). tance moyenne peut avoir diminué depuis, car une réforme de l'éd- 91. Rowe et autres (2001). ucation est intervenue qui a entraîné un accroissement du nombre 92. Lakshman et Nichter (2001). d'écoles élémentaires et primaires. 93. Voir par exemple Bruns, Mingat et Rakatomalala (2003) ou 55. Forum international sur les transports ruraux et le Pritchett et Filmer (1999). développement, 2002 input pour l'équipe du Rapport sur le 94. Millot et Lane (2002). développement dans le monde. 95. Banque mondiale (1998b). 56. Estimations pour 2000 du Programme conjoint de contrôle 96. Waitzkin (1991). pour l'adduction d'eau et l'assainissement de l'OMS et de lU- 97. Betancourt et Gleason (2000) et Koenig, Foo et Joshi (2000). NICEF (2001). On définit comme sources d'eau « améliorées » les 98. Lewis, Eskeland et Traa-Valerezo (1999). sources qui produisent la qualité et la quantité d'eau adéquates 99. Jaffré et Prual (1994). (c'est-à-dire un raccordement de l'habitation à un réseau ou un 100. OMS et Banque mondiale (2002). puits protégé, et non pas un puits non protégé ni de l'eau en 01. Schneider et Palmer (2002). bouteille). Les installations sanitaires « améliorées » sont les toi- 102. Narayan et autres (2000b). lettes avec chasse d'eau et les latrines privées. 103. Haddad et Fournier (1995). 57. Les sources d'eau « améliorées » constituent dans le meilleur 104. Davis et Patrinos (2002). des cas une approximation grossière de l'accès à une eau saine. 105. Rao et Walton (à paraître). Ainsi, par exemple, au Bangladesh, l'accès à l'eau par des puits tubés 106. Dutta (2003). - une source « améliorée » - est extrêmement courant, bien que 107. Ce « Pleins feux » s'inspire de Coady (2003) et Levy et l'eau à laquelle on accède de cette manière soit souvent polluée à Rodriguez (2002). l'arsenic (voir chapitre 9). 108. Pourcentages provenant de la base de données Indicateurs 58. Filmer, Lieberman et Ariasingam (2002). On trouvera une du développement dans le monde. évaluation des résultats du programme en termes de scolarisation 109. Bruns, Mingat et Rakatomalala (2003). et desituation du marché du travail dans Duflo (2001). 110. Indonésie: ministère de l'Éducation Nationale (2002) 59. Voir la discussion dans Alderman et Lavy (1996). Indonésie: ministère des Affaires Religieuses (2002); et Filmer, 60. D'après Banque mondiale (2002s). Lieberman et Ariasingam (2002). 61. Radoki (2003). 111. Hutchinson (2001). 62. Leonard, Mliga et Mariam (2002). 112. 137 000 centres de santé secondaires, 28 000 dispensaires, 63.Yip et Berman (2001). 23 000 centres de soins primaires, 3.500 centres urbains de bien- 64. Leonard, Mliga et Mariam (2002). être familial, 3 000 centres de soins communautaires auxquels s'a- 65. Samrasinghe et Akin (1994) et Akin et Hutchinson (1999). joutent 12 000 hôpitaux secondaires et tertiaires (Peters et autres 66. Pakistan Institute for Environment Development Action et (2003). L'Ouganda, l'Indonésie et l'Inde comptent respectivement Project Management Team (1994). 22 millions, 210 millions et 1 015 millions d'habitants. 67. Alderman et Lavy (1996) et Lloyd et autres (2001). 113. Hutchinson (2001). 68. Chaudhury et Hammer (2003). 114. Peters et autres (2003). 69. NRI et Banque mondiale (2003). 115. On trouvera une présentation complète de ces idées dans 70. Chomitz et autres (1998). Stiglitz (2000). 71. Équipe PROBE en association avec le Centre for Develop- 116. Articles 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de ment Economics (1999). l'Homme. (http ://www.un.org/Overview/rights.html). 72. Schleicher, Siniscalco et Postlewaite (1995). 117. Voir par exemple OMS (2002). 73. Banque mondiale (200le). 258 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 118. Articles 23 et 24 de la Déclaration universelle des droits de chez Gupta, Verhoeven et Tiongson (2002) ; 32 chez Gupta, Verho- l'Homme. (http ://www.un.org/Overview/rights.html). even et Tiongson (à paraître) ; 116 chez Gupta, Davoodi et Tiong- I 19. Hunt (2002). son (2002) ; 32 chez Wagstaff (2002) ; 35 chez Bidani et Ravallion 120. Voir discussions dans Green (1990), Pritchett (2002) et (1997). Il existe une littérature parallèle, quoique un peu moins Kremer et Sarychev (2000). large, sur la situation en matière d'éducation et de dépenses: par 121. Voir par exemple une discussion théorique dans Gradstein exemple WôBmann (2003); Gupta, Verhoeven et Tiongson (2002). et Justman (2002) et une étude empirique dans Ritzen, Wang et 139. Cette discussion fait référence à Lieberman (2003). Duthilleul (2002). 140. De telles études de l'incidence des dépenses de santé et d'é- 122.Appleton (2001). ducation permettent une description utile, mais elles ne peuvent 123. À Madagascar, le PIB par habitant était d'environ 250 dol- pas représenter l'ensemble de la situation. Premièrement, elles con- lars en moyenne sur les années quatre-vingt-dix et le taux de mor- stituent un instantané qui n'est pas la même chose que dire qui talité était de 156 en 2000. Au Burundi, le PIB par habitant était bénéficierait des ressources marginales allouées à ce secteur. Deux- d'environ 160 dollars en moyenne sur les années quatre-vingt-dix ièmement, si ces statistiques sont souvent basées sur les meilleures et le taux de mortalité était de 190 en 2000. Ces deux pays arrivent données disponibles, elles ont leurs limites -surtout lorsqu'il très près de la droite de régression entre revenu et mortalité, entre s'agit d'évaluer les coûts de chaque unité du service fourni. les pays. Ces statistiques relatives à la mortalité chez les enfants Troisièmement, ces études supposent de manière implicite que la proviennent de l'UNICEF (2002). valeur des dépenses est la même chez tous les usagers. Quatrième- 124. Voir en particulier: Barro (1991), Bhargava et autres ment, elles ne prennent pas en compte l'incidence des fonds collec- (2001), Bils et Klenow (2000), Pritchett et Summers (1996) et tés - autrement dit, un profil de dépenses plutôt régressif peut Savedoff et Schultz (2000). encore être favorable aux pauvres s'il est financé par un système fis- 125. Dans ce paragraphe, les montants en dollars sont en dollars cal très progressif. Cinquièmement, il est difficile de savoir ce que US 2001 et font référence aux moyennes sur les années quatre- serait une « bonne " allocation sans la comparer à d'autres types de vingt-dix. dépenses sociales. 126. Les montants en dollars sont en dollars US 2001. 141. Reinikka et Svensson (2001). 127. Par ailleurs, dans ces estimations sur plusieurs pays, l'asso- 142. Foster (1990). ciation entre revenu et résultats a des chances d'être surestimée, car 143. Banque mondiale (1994a). ces calculs ne tiennent pas compte des caractéristiques spécifiques à 144. Filmer, Hammer et Pritchett (2000). chaque pays. Les taux de croissance dont il est question ici sont 145. Gertler et Molyneaux (1995). dans le meilleur des cas des sous-estimations des taux nécessaires. 146. 66 % est le chiffre recommandé par Bruns, Mingat et 128. Dans cette liste, les montants en dollars sont exprimés en Rakatomalala (2003) d'après une étude des pays ayant accompli des dollars US 1995. progrès substantiels vers la complétion universelle. 129. Entre 1980 et 2000, la croissance annuelle moyenne du PIB 147. Bruns, Mingat et Rakatomalala (2003). par habitant était: Ethiopie -0,55 % ; Malawi 0,25 % ; Thaïlande 148. Devarajan, Miller et Swanson (2002) utilisent une 0,046 %; Pérou -0,41 %; Mexique 0,74 %; Jordanie -0,57 %; Côte approche similaire pour chiffrer les coûts du premier des Objectifs d'Ivoire -0,017 % ; Haïti -0,025 % (d'après la base de données des de développement du NMillénaire, réduire de moitié la pauvreté en Indicateurs du développement dans le monde). termes de revenu entre 1990 et 2015. 130. Hammer, Nabi et Cercone (1995). 149. Devarajan, Miller et Swanson (2002) évitent en partie le 131. van der Berg et Burger (2003). double comptage en calculant le coût des objectifs de santé, d'édu- 132. Duflo (2001). Filmer, Hammer et Pritchett (2000) traitent cation et d'environnement indépendamment de l'objectif relatif à plus loin des observations à l'intérieur de chaque pays. la pauvreté financière et en calculant ensuite le coût de l'objectif 133. Ce résultat est aussi valable pour les autres objectifs. Ainsi, relatif à la pauvreté financière indépendamment de tous les autres. par exemple, le Programme international de suivi des acquis des 150. Ce calcul provient de Paul (2002). élèves de l'OCDE a permis de constater qu'à des dépenses accrues 151. Tiré de Community Driven Development (2002). pour l'éducation correspondaient de meilleurs résultats aux tests 152. Ces "Pleins feux" concernent l'Uttar Pradesh tel qu'il exis- dans un échantillon de pays dont le revenu est largement plus élevé tait avant que ses districts montagneux soient séparés pour former (OCDE, 2001). Toutefois, Cette relation devient presque nulle (et un nouvel État, l'Uttaranchal, à la fin de l'année 2000. donc non-significative) lorsque l'on tient compte du PIB par habi- 153. Ramachandran ( 1996) et Dreze et Gazdar ( 1996). tant. 154. Mencher ( 1980), Nag (1989) et Antia ( 1994). 134. Filmer et Pritchett (1999b). 155. Dreze et Gazdar (1996) et Equipe PROBE en association 135. Bidani et Ravallion (1997) et Wagstaff (2002). avec le Centre for Development Economics (1999) 136. Gupta,Verhoeven et Tiongson (2002). 156. Voir Shah et Rani (2003). 137. Rajkumar et Swaroop (2002) ; Gupta, Verhoeven et Tiong- 157. Dreze et Sen (2002). son (2002) ont trouvé que la corruption était importante, mais 158. Keefer et Khemani (2003), Shah et Rani (2003). Jayasuriya et Wodon (2002) ont trouvé le contraire. 159. Chandran (1999). 138. Ainsi par exemple, le nombre de pays et la couverture du 160. Dreze et Gazdar (1996), p. 111. pays, dans les études entre pays des dépenses et de la mortalité, sont 161. Ramachandran (1996), p. 268. Le rescrit de Tranvancore les suivants: 98 chez Filmer et Pritchett (1999b) ; 22 chez Anand et était paru 55 ans avant la Loi Meiji sur l'éducation de 1872, au con- Ravallion (1993); 76 et 56 chez Jayasuriya et Wodon (2002) ; 22 tenu similaire, au Japon. Notes 259 162. Narayan (2002). 209. Mehrotra et Jarrett (2002). 163. Banque mondiale (2001h). 210. Gilson et autres (2001). 164. Hammer et Jack (2001) et Gertler et Hammer (1997b). 211. Gilson et autres (2001). 165. Das et Hammer (2003). 212. Knippenberg et autres (1997). 166. Cornell et Kalt (1995); Cornell et Kalt (1997); Cornell et 213. Au début des années 1980, on a d'abord analysé la réussite Kalt (2000) de la prestation des services de soins primaires en se référant à l'ex- 167. 1samdani (1996). périence des projets Narangwal, Lampang et Bohol en Asie, ainsi 168. Cohen (1957). qu'à celle des projets Danfa, Kintampo, Kisantu, Kasongo et Insti- 169. de Soto (2000). tute of Child Health Nigeria en Afrique de l'Ouest. Ces bonnes pra- 170. Public Services International et Education International tiques ont été transposées pour former un ensemble cohérent de (2000). stratégies de prestation des services, de systèmes de gestion et d'in- 171. Stasavage (2003). struments dans le cadre du projet pilote de Pahou au Bénin 172. Tumusiime-Mlutebile (2003). (1982-1986). 173. Reinikka et Svensson (2001), Reinikka et Svensson (2003a). 214. Nlinistère Guinéen de la Santé (2002). 174. Shreenivasan (2002). 215. Ministère de la Santé du Bénin (2003). 175. Akin, Guilkey et Denton (1995) et Peters et autres (2003). 216. Zhao, Soucat et Traore (2003). 176. Pritchett et Woolcock (2002). 217. Soucat,Gandaho et Lévy-Bruhl (1997). 177. Appadurai (2001). 218. Gilson (1997) et Gilson et autres (2000). 178. Dans la littérature, on appelle cela l'égalisation de leur 219. Narayan et Pettesch (2002) et Narayan et autres (2000a). organisme (Rao et Walton (à paraître). Le terme « émancipation , 220. Pour une explication des termes relatifs au cadre de la fait aussi référence aux capacités des pauvres à exercer une influ- prestation des services, voir le Glossaire. ence sur la structure de pouvoir politique, mais c'est là le sujet du 221.Voirhttp://www.hiinso.moph.go.th/30baht-En)glish/index.htm. Chapitre 5, « Citoyens et responsables politiques >». 222. Voir http ://www.cabinet-office.gov.uk/pmdu/. 179. Conning et Kevane (2002) traitent ce point dans le contexte 223. International Budget Project (2000). des programmes communautaires ciblés. Voir aussi Mansuri et Rao 224. Hirschman (1970) a défini la compréhension du terme (2003). "voice" comme signifiant une protestation dirigée, aussi bien dans 180. Cela ne s'applique pas à la qualité technique, qui peut ètre le domaine électoral (vote) que non-électoral (argumentationi, lob- tout à fait mauvaise -et plus variable -dans le secteur privé. bying, nomination /désaveu, participation à la décisioni). 181. Equipe Probe de recherche qualitative (2002). 225. Goetz et Tenkins (2002) et Schedler (1999). Les diverses sig- 182. Ibid. Equipe Probe de recherche qualitative (2002). Voir nifications attribuées au terme « accountability , - un terim1e gal- aussi Leonard (2002). vaudé - sont souvent susceptibles de créer la confusion). Ainsi, on1 183. Beckler (1971). distingue parfois la responsabilité « verticale » (les citoyens deman- 184. Lewis (2000). dant des comptes à I'Ëtat soit individuellement soit collectivement, 185. Tan, Soucat et Mingat (2000). comme lors des élections) de la responsabilité « horizontale " au 186. Wolfensohn (1997). sein du gouvernement (un ministre ou un haut responsable oblig- 187. Gertler et Hammer (1997b). eant formellement un autre haut fonctionnaire à lui rendre des 188. Communication personnelle avec le Dr. Zafrullah Chowd- comptes). Dans les Etats autoritaires, la responsabilité horizontale hury, de Gonoshasthaya Kendra. est souvent bien visible, mais la responsabilité verticale est souvent 189. Nichols, Prescott et Phua (1997). assez réduite. 190. Case (2001). 226. Shah (2003a); voir aussi http ://ww w.mampu.gov.mv/Cir- 191. Das et Hammer (2003). culars/Clients_Charter.htm. 192. Werner, Thuman et Maxwell (1992). 227. Hossain et Moore (2002). 193. Shleifer et Vishny (1993) qualifient cette corruption de vol. 228. Jenkins et Goetz (2002) traitent de l'engagenment de la 194. Goetz et Gaventa (2001). société civile vis-à-vis du système public indien de distribution 195. Glinskaya et Jalan (2003). pour les biens de base dirigés vers les pauvres. Lorsque le système 196. Grindle (à paraitre). était exploité comme source de favoritisme, les associations de la 197. Chandran (1999). société civile qui réclamaient une prestation plus efficace n'avaient 198. Ostrom (1990). pas d'emprise pour leur programme motivé par l'équité, et les pau- 199. Scott (1998) et Mackey (2002). vres en pâtissaient. 200. Wade (1987) et Blomquist et Ostrom (1958). 229. Pour une étude du clientélisme et de la manière dont le 201. IWorld Batik Economic Reviewv, numéro spécial (2002) vote, stable ou occasionnel, peut avoir un impact sur les services, 202. Hino (1993). voir Diaz-Cayeros et Nlagaloni (2003). 203. Programme d'adduction d'eau et d'assainissement (2001). 230. Joshi et Moore (2000) traitent du rôle que joue le droit à un 204. Alatas, Pritchett et Wetteberg (2003). travail garanti dans le système de garantie d'emploi du Maharastra, 205. Platteau et Gaspart (2003). en Inde, et de ses implications pour la mobilisation et le pouvoir 206. Agarwal (2001). d'expression politique des pauvres. Jenkins et Goetz (1999) exami- 207. Banque mondiale (1998c). nent le rôle du droit à l'information dans l'État du Rajasthan, en 208. Mansuri et Rao (2003) et Kleemeier (2000). Inde. 260 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 231. Putnam, Leonardi et Nanetti (1992) et Boix et Posner 269. Il n'est évidemment pas possible de savoir si les résultats (1998). réels, dans les États les mieux informés, ont été meilleurs d'un point 232. Freedom House (2002). On définit les démocraties comme de vue social. Il se pourrait tout aussi bien que les autorités locales, étant les systèmes politiques dont les dirigeants sont élus dans le là où la couverture médiatique des crises alimentaires a été impor- cadre de processus concurrentiels multipartites et avec plusieurs tante, aient consacré davantage de ressources à l'aide que ce qu'elles candidats, dans lesquels les partis d'opposition ont légitimement lui auraient consacré autrement, notamment la fourniture d'une une chance d'accéder au pouvoir ou d'y participer. assistance non seulement à ceux qui en avaient besoin mais aussi à 233. Pour une discussion concernant la démocratie et la pau- ceux qui n'en avaient pas besoin mais étaient des supporters ou des vreté, voir Moore et Putzel (2001). électeurs stables ou occasionnels. 234. Keefer (2002). 270. Sen (2002) et Dreze et Sen (1991). 235. Tiré de Keefer et Khemani (2003). 271. Paul (2002) et Balakrishnan (2002). 236. Keefer (2003), d'après des pays disposant de statistiques de 272. Pour plus d'information sur les Millennial Surveys, voir dépenses d'éducation, parmi les 117 pays de la Base de données des http ://www.pacindia.org. Institutions politiques, 1975-1995 (Beck et autres, 2001). 273. Deichmann et Lall (2003). 237. Voir divers articles dans Ferejohn et Kuklinsky (1990). 274. Pour une discussion récente sur le rôle des médias dans le 238. Fiorina (1990). développement, voir Banque mondiale (2002q). 239. Voir la littérature consacrée aux cycles politiques dans les 275. Faguet (2001). pays en développement, notamment Shi et Svensson (2003), Khe- 276. Wetterberg et Guggenheim (à paraître). mani (à paraitre), Block (2002) et Schuknecht (1996). 277. Evers (2003). 240. Fiorina et Shepsle (1990) et Chappell et Keech (1990). 278. Evers (2003). 241. Grossman et Helpman (1999). 279. Molyneaux et Gertler (1999) et Alatas (1999). 242. Easterly et Levine (1997); Alesina, Baqir et Easterly (1999) 280. Schiotz (2002). Betancourt et Gleason (2000). 281. Pritchett (à paraître). 243. Alesina, Baqir et Easterly (1999). 282. Wilson (1989). 244. Ferejohn (1974) et Persson et Tabellini (2000). 283. Jaffré et Prual (1993). 245. Gazdar (2000). 284. Chomitz et autres (1998). 246. Diaz-Cayeros et Magaloni (2003). 285. Chaudhury et Hammer (2003). 247. Medina et Stokes (2002). 286. Shleifer et Vishny (1993). 248. Diaz-Cayeros et Magaloni (2003). 287. Vasan (2002). 249. Miguel (1998), comme le notent les résultats de Diaz- 288. Botchway (2001). Cayeros et Magaloni (2003) avec lesquels il y a cohérence. 289. Lazear (2000). 250. Keefer (2002) et Robinson et Verdier (2002). 290. Boston (1996) et Stewart (1996). 251. Keefer (2002). 291. Dixit (2000) et Holmstrom et Milgrom (1991). 252. Keefer et Khemani (2003). 292. Hammer et Jack (2001) et Gertler et Hammer (1997a). 253. Alatas, Pritchett et Wetteberg (2003). 293. Glewwe, Ilias et Kremer (2000). 254. Putnam, Leonardi et Nanetti (1992). 294. Dixit (2000) et Burguess, Propper et Wilson (2002). 255. Goetz et Jenkins (2002) ; Voir aussi Narayan (2002). 295. Fitz-Gibbon (1996). 256. Masud (2002). 296. Conseil municipal de Johannesburg (2001). 257. Voir http ://www.sdinet.org/ et Appadurai (2001). 297. Frey (1997). 258. Jenkins et Goetz (2002). 298. Irwin (2003). 259. Voir http ://www.poderciudadano.org.ar/. 299. Hammer, Nabi et Cercone (1995). 260. Boix et Posner (1998). 300. Hammer et Jack (2001). 261. Les ONG peuvent apporter au développement humain des 301. Klein et Roger (1994). contributions substantielles en intervenant pour assurer des ser- 302. Aitken (1994). vices localement selon une logique communautaire là où le secteur 303. Reinikka et Svensson (2003b). public est peu présent. Cependant, ces ONG peuvent ne pas avoir 304. Banque mondiale (20011). de façon crédible voix au chapitre pour réformer les services 305. Leonard (2002). publics, car elles sont parfois perçues comme ayant un intérèt à voir 306. Bierschenk, Olivier de Sardan et Chauveau (1997); Beb- perdurer les systèmes de prestation de services existants. bington (1997); Meyer (1995); Chabal et Daloz (1999); Platteau et 262. Goetz et Gaventa (2001). Gaspart (2003). 263. Manor (2002). 307. Chaudhury et Hammer (2003). 264. Platteau (2003) et Crook (2002). 308. Ce sujet est traité plus en détail dans Filmer, Hammer et 265. ONMS (2003). Pritchett (2000), Filmer, Hainmer et Pritchett (2002). 266. Voir Pleins feux sur l'Ouganda, dans ce Rapport. 309. Institut national des statistiques du Cambodge et ORC 267. Besley et Burgess (2002) Macro (2001). 268. National Democratic Institute for International Affairs et 310. Le programme de recherche opérationnelle a été lancé par Banque mondiale (1998); Di Tella et Schargrodsky (à paraître). l'Asian Development Bank. Notes 261 311. Bhushan, Keller et Schwartz (2002). ment que les résultats utilisés sont « au petit bonheur la chance » - 312. Il n'existe qu'un seul exemple. celui de la couverture de la dans la mesure où si les effets de l'effectif de la classe sont mesurés distribution de vitamine A, dans lequel un district n'a pas aug- pour deux sujets sur trois degrés, on observera des effets de l'effec- menté la couverture au moment de l'évaluation à la moitié du tif pour certains degrés et certains sujets et pas pour les autres - terme. sans que se dégage une tendance particulière; que la littérature est 313. Soeters et Griffiths (2003). sujette à un « biais de publication " notable dans la mesure où des 314. Equipe PROBE en association avec le Centre for Develop- résultats statistiquement significatifs ont bien plus de chances ment Economics (1999). d'être notés et publiés, même si, en fait, ils sont rares; et que des 315. Galabawa, Senkoro et Lwaitama (2000). expérimentations randomisées dans lesquelles les enseignants con- 316. Greaney, Khandker et Alam (1999). Pour la lecture, naissent l'objet de l'expérimentation ne constituent pas, en fait, un capacités minimales » signifie être capable de répondre à trois test rigoureux, car les enseignants tenteront d'être performants questions sur cinq basées sur un passage d'un texte; pour l'écriture, pour justifier la réduction des effectifs des classes (Hoxby 2000). « capacités minimales » signifie être capable d'écrire un passage Hanushek (2002) poursuit en mettant l'accent sur une importante court (12 mots) à partir d'une image. littérature dans laquelle il constate une absence générale de corréla- 317. Et les tests des jeunes de 15 ans encore scolarisés suresti- tion - les « meilleures . études ayant le moins de chances de mon- ment la performance du Brésil par rapport à celle des pays de trer des effets - et parle d'une évidence « globale » ayant peu de l'OCDE, car un nombre important de jeunes Brésiliens ont déjà chances d'être affectée par les " arguments de l'endogénéité "- les abandonné l'école. séries chronologiques des États-Unis et des pays de l'OCDE dans 318. Narayan et Pettesch (2002). lesquelles les effectifs des classes ont chuté substantiellement alors 319. Daramola et autres (1998). que les résultats scolaires ont stagné, et le manque de preuves sur 320. Gundlach et Wôgman (2001) et Gundlach, Wùlsman et des comparaisons entre pays. Hoxby (2000) apporte des preuves Gmelin (2001). La principale idée empirique qui se dégage de ces quasi expérimentales des États-Unis (Vermont) de l'absence d'effet études est que l'on peut inférer l'évolution de l'apprentissage pour de l'effectif de la classe, et affirme que ses résultats sont plus typ- les pays qui ne maintiennent pas eux-mêmes une comparabilité iques et plus représentatifs que ceux des autres. dans le temps en établissant un lien entre leur performance et celle 328. Vegas (2002). des États-Unis à un moment dans le temps, en se basant sur des 329. Banerjee et autres (2003). examens comparables au plan international, puis en les reliant aux 330. Crouch et Healey (1997). résultats de l'U.S. National Assessment of Education Progress, qui 331. Sillers (2002). sont comparables dans le temps. 332. Ainsi par exemple, des études empiriques de la corrélation 321. Lewis (1961). entre les salaires (ou les revenus) et certaines caractéristiques (âge, 322. Ces cinq, en bref la crovance en un Dieu suprême; une sexe, éducation) et incluent une variable factice (ou des termes humanité juste et civilisée l'unité de la démocratie indonésienne d'interaction) pour les enseignants apportent une réponse pure- est la philosophie de cette délibération; la justice sociale pour ment statistique à la question « La régression des salaires surestime- l'ensemble du peuple indonésien. t-elle ou sous-estime-t-elle les salaires (ou les revenus) des 323. Sweeting (2001). enseignants ? » Mais même cette réponse n'est pas clairement inter- 324. Lanjouw et Ravallion (1999). prétée, et ces études, en elles-mêmes, ne répondent pas à la question 325. Lott (1999). « Les enseignants sont-ils sous-payés ? " (Psacharopoulos, Valen- 326. Cité dans Nladaus et Greaney (1985). zuela et Arends (1996); Liang (1999); Filmer (2002); Vegas, 327. Le débat tourne en grande partie autour de la manière Pritchett et Experton (1999). Dans certaines situations dans d'isoler correctement l'impact causal des variations de l'effectif des lesquelles ces régressions ont laissé penser que les enseignants classes, principalement pour les données qui ne sont pas expéri- seraient'« sous-payés », le nombre de nouveaux enseignants formés mentales. Cela pose un problème, car si l'effectif des classes est chaque année dépassait le nombre de postes disponibles d'un fac- choisi consciencieusement de manière à produire une corrélation teur élevé (ce qui indiquait que la rémunération des enseignants entre la performance et cet effectif - par exemple, par des respon- n'était pas adéquate), tandis que dans d'autres cas, dans lesquels les sables d'établissement qui réduisent l'effectif des classes com- régressions semblaient montrer que les enseignants étaient « sur- prenant des enfants à problèmes (qui feraient baisser la perfor- payés >, il y avait peu de nouveaux enseignants et les salaires étaient mance - afin que l'enseignant puisse plus facilement maîtriser la en hausse (ce qui indiquait que la rémunération des enseignants situation) ou par les élèves qui, ayant le choix à l'intérieur de l'étab- n'était pas adéquate). lissement, choisiront les enseignants ayant la meilleure réputation 333. Murnane et Cohen (1986). - alors les données observées, non-expérimentales, pourront 334. Eskeland et Filmer (2002). présenter une corrélation négative ou nulle entre l'effectif de la 335. King, lames et Surivadi (1996) et Pritchett et Filmer (1999). classe et la performance, alors même qu'une variation véritable- 336. Birdsall et Orivel (1996). ment exogène de l'effectif de la classe entraînerait une amélioration 337. Case (2001). de la performance. Une expérience randomisée de Tennessee mon- 338. Voir « Pleins feux sur Progresa'». tre que l'effectif de la classe exerce un effet raisonnablement impor- 339. Wodon (1999). tant et des statistiques « quasi expérimentales " le montrent aussi en 340. Cameron (2001). Israël (Angrist et Lavv, 1999), en Afrique du Sud (Case et Deaton, 341. Angrist et autres (2002). 1999) et en Bolivie (Urquiola, 2001). Cependant, des critiques affir- 342. Carnoy (1997) et Ladd (2002). 262 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 343. Banque mondiale (1996). 375. Schieber et Maeda (1997). 344. Grindle (à paraitre). 376. Cai et autres (1998). 345. Banque mondiale (2002s). 377. Chaudhury et Hammer (2003). 346. Eriksson, Kreimer et Arnold (2000). 378. OMS (1998). 347. Cette évaluation de la situation des enseignants et des fer- 379. Bennet et McPake (1997). metures d'établissements scolaires est due à Reimers (1997). 380. Waters et Aselsson (2002), Soucat et Rani (2003c) et Peters 348. Programme d'apprentissage par l'action dans le cadre des et autres (2003). processus participatifs pour le PRSP (2003). 381. Bloom et Standing (2001). 349. Programme d'apprentissage par l'action dans le cadre des 382. Peters et autres (2003). processus participatifs pour le PRSP (2003). 383. Lewis (2000). 350. Pour un exemple de cette critique, voir Davies (2000) et 384. Nahar et Costello (1998). une discussion dans Reimers (1997). 385. Banque mondiale (2003b) 351. Des études initiales indiquaient que rares étaient les pro- 386. Soucat et Rani (2003b) et Schieber et Maeda (1997). grammes d'<< école des parents >» de ce type qui étaient lancés. Mais 387.Mills et autres (2002) et Macy et Quick (2002). c'était devenu un programme officiel -soutenu financièrenment - 388. Gilson et autres (2000) ; Soucat, Gandaho et Levy-Bruhl au cours des cinq dernières années et il semble que depuis, l'expéri- (1997); Diop,YazbecketBitran (1995); Litvacket Bodart (1993). ence se soit étendue. 389. Price (2001). 352. Jimenez et Sawada (1999). 390. Rojanapithayakorn et Hanenberg (1996). 353. limenez et Sawada (2002). 391. UNICEF (2002). 354. En fait, une évaluation antérieure d'après une enquète 392. Population Services International (2003). auprès de 140 établissements scolaires en 1993 a montré qu'il y 393. Mintz, Savedoff et Pancorvo (2000) ; Cuellar, Newbrander avait peu de différence entre les différents types d'écoles (Reimers, et Timmons (2000) ; Soucat, Gandaho et Lévy-Bruhl (1997) ; Diop, 1997). Yazbeck et Bitran ( 1995). 355. Équipe d'évaluation du Salvador (1997). 394. Castafieda (1999), 356. Jimenez et Sawada (1999). 395. Mesoamerica Nutrition Program Targeting Study Group 357. Sawada (1999). (2002). 358. Reimers (1997). 396. Institute For Health Sciences et Banque mondiale (2001). 359. Pour ce chapitre, on trouvera une bibliographie détaillée 397. Marchant et autres (2002). dans Soucat et Rani (2003a). 398. Jongudomsuk, Thammatuch-Aree et Chittinanda (2002). 360. UNAIDS et OMS (2003). 399. Banque mondiale (2002j) et Gertler et Boyce (2001). 361. Gwatkin et autres (2000). 400. Van Lerberghe et Ferrinho (2003). 362. Victora et autres (2000a). 401. Cotlear (2000). 363. Gwatkin et Guillot (2000) et Bonilla-Chacin et Hammer 402. Porignon et autres ( 1998). (2003). 403. Maiga, Nafo F. et El Abassi (1999). 364. Haddad et Gillespie (2001) et Wang, Monteiro et Popkin 404. Criel (1998). (2002). 405. Barnighausen et Sauerborn (2002) et Baris (2003). 365. Das Gupta (1987) et Claeson et autres (2000). 406. Dror et Preker (2003). 366. Victora et autres (2000a) ; Mehryar, Aghajanian et Ahmad- 407. Domenighetti et autres (1988); Ainsworth, Beyrer et Sou- nia (2003) ; Suwal (2001) ; Bhuiya et autres (2001) ; Schellenberg et cat (2003) ; Lamboray (2000> ; Haddad et Gillespie (2001) ; Hadi autres (2001) ; Bang et autres (1999) ; Pathmanathan et autres (2001). (2003) ; Rojanapithayakorn et Hanenberg (1996); Victora et autres 408. Platteau et Gaspart (2003). (2000b). 409. Studdert et autres (2000) et Bhat (1996). 367. Diop,Yazbeck et Bitran (1995); Soeters et Griffiths (2003); 410. Jonsson et Musgrove (1997). Bhushan, Keller et Schwartz (2002) ; Saadah, Pradhan et Sparrow 411. Janovsky (2002). (2001). 412. Akin, Hutchinson et Strumpf (2001). 368. Evans (1996) et Moens (1990). 413. Pannarunothai et autres (2000). 369. Hart (1971). 414. Van Lerberghe et Ferrinho (2003). 370. Das Gupta, Khaleghian et Sarwal (2003). 415. Perry et autres (1999). 371. Comme le montrent des études relatives à Madagascar, au 416. Nous nous attachons ici à la manière dont les gouverne- Ghana, à la Géorgie et à la Kirghizie. Makinen et autres (2000), Pan- ments peuvent obtenir des outputs et des résultats dans le domaine narunothai et Mills (1997), Peters et autres (2003). Castro-Leal et des services de santé, par opposition à l'achat d'inputs - services autres (2000), Chawla (2001), Lewis (2000). auxiliaires et de sécurité, consommables, équipement - ce qui 372. Comme le montrent des études relatives à la Chine, à l'E- relève de la fonction de gestion, comme pour le cadre présenté au gypte, au Liban, au Pérou et au Vietnam. Carrin et autres (1999), chapitre 3. Cotteril et Chakaraborty (2000), Preker et autres (2001), Wagstaff 417. Manning (1998). et van Doorslaer (à paraitre). 418. Nieves, La Forgia et Ribera (2000) ; Eichler, Auxilia et Pol- 373. Cebu StudyTeam (1991) et Glewwe (1999). lock (2001) ; Chowdhury (2001). 374. Wagstaff, van Doorslaer et Watanabe (2001). 419. Banque mondiale (2002j). Notes 263 420. Naimoli et Vaillancourt (2003). 464. Dumol (2000). 421. Brenzel et Claquin (1994). 465. Shirley (2002). 422. Holmstrom et Mlilgrom (1991) et Mills et Bromberg 466. Smith (2003). (1998). 467. Raghupati et Foster (2003). 423. Hughes (1993). 468. Brook et Locussol (2001 ). 424. Mills, Broomberg et Hongoro (1997) ; Commission sur la 469. Gômez-Lobos et Contreras (2000); David Savage, commu- macroéconomie et la santé (2002); Taylor (2003). nication personnelle. 425. Banque mondiale (2001d). 470. Plummer (2003). 426. Save the Children (2002). 471. Nickson et Vargas (2002). 427. Hanson et autres (2002) et NlcPake (1996). 472. Parker et Skvtta (2000) et Banque mondiale (2002o). 428. Hanson (2000) et Brinkerhoff et McEuen (1999), 473. Tremolet (2002). 429. Tendler (1998). 474. lyer (2002). 430. Van Lerberghe et autres (1997) et Tangcharoensathien et 475. Terme suggéré par Peter Kolsky d'après ses travaux dans ce Nittayaramphong (1994). domaine. 431. Comme en Bolivie, au Cambodge et au Matlab 476. Hoy et Jimenez (2003). (Bangladesh), Nieves, La Forgia et Ribera (2000) ; Nlintz, Savedoff 477. Banque mondiale (2001i). et Pancorvo (2000) ; Bhuiya, Rob et Quaderi (1998) ; Bhushan 478. von der Fehr et Millan (2001). (2003). 479. Briscoe (1997). 432. Mills et autres (2002). 480. Shirley (2002). 433. Comme au Vietnam, Banque mondiale (2001j). 481. Briscoe (1997). 434. Lindelow, Ward et Zorzi (2003) et MIozambique Health 482. Allan, Gotz et Joseph (2001). Facilitv Survey, Ferrinho et Van Lerberghe (2003). 483. iGoli means " citv of gold. » 435. Nitayaramphong, Srivanichakom et Pongsupap (2000). 484. Ahmad (1996). 436. Lewis, Eskeland et Traa-Valerezo (1999). 485. Allan, Gotz et Joseph (2001). 437. Onyango-Oumiia et autres (2001). 486. Pour l'explication des termes relatifs au cadre de la presta- 438. Ferrinho et Van Lerberghe (2003). tion des services, voir Glossaire dans ce Rapport. 439. Banque mondiale (2001d). 487. Tiré de Andrews et Campos (2003). Voir aussi Campos et 440. Cochi et autres (1998). Pradhan (1997). 441. Ferriol et autres (2003). 488. Pour une étude, voir Holmes (2002), Roberts (2002) et Le 442. ONU (1961). Houerou et Taliercio (2002). 443. Les références au Costa Rica sont d'après Lisulo (2003). 489. Holmes (2002). 444. Erikson), Lord et Wolf (2003). Cela correspond à 2,75 490. Le Houerou et Taliercio (2002). médecins de famille pour 1 000 habitants - sur l'ensemble de la 491. FMI et IDA (2002). région Amérique Latine et Antilles, on a 1,5 médecin (tous types 492. FNII (2002). confondus) pour mille habitants (Indicateurs du développement 493. Pour une discussion sur l'importance de la gestion des dans le monde 2002). dépenses publiques dans les PRSP et sur l'importance des diffi- 445. Ferriol et autres (2003) et Banque mondiale (2002s). cultés liées aux réformes de la gouvernance que montrent les pre- 446. Ferriol et autres (2003). miers PRSP, voir Shah (2003b). 447. Ferriol et autres (2003). 494. Dehn, Reinikka et Svensson (à paraître). 448. Uriarte (2002). 495. Andrews (2001). 449. Uriarte (2002). 496. Voir Talero (2001). Pour unl point de vue au niveau du pays, 450. Ferriol et autres (2003). voir le plan stratégique intégral d'achat électronique du Chili pour 451. Erikson, Lord et Wolf (2003) et Uriarte (2002). 2002-2004, ChileCompra (2002) et autres documents sur le même 452. Pour une discussion approfondie concernant l'infrastruc- site WEB. Pour un profil de l'achat électronique de l'Australie, du ture économique, voir Banque mondiale ( 1994c). Brésil, du Canada, du Chili, du Danemark, des États-Unis et du 453. Fonds monétaire international et Banque mondiale (2003). Mlexique, voir http 454. Programme pour l'habitat humaini (2003). ://wblnOO18.worldbank.org/OCS/egovforum.nsf/Main/ccp. 455. Parker et Skvtta (2000). 497. Pour une étude récente, voir Bardhan (2002). 456. Programme pour l'eau et l'assainissement (WSP-AF) 498. Litvack, Ahmad et Bird (1998) et Burki, Perry et Dillinger (2003). (1999). 457. Schleifer et Vishny (1994). 499. Prud'homme (1995) et Rodden, Eskeland et Litvack 458. Savedoff et Spiller (1999). (2003). 459. Foster (2002). 500. Bardhan et Mookherjee (2002). 460. Foster (2002). 501. von Braun et Grote (2000). 461. Smith ( 1997a), Smith (1997b), Irwin, personal communi- 502. Pour l'éducation, voir Grindle (à paraître) et pour cation. l'Amérique Latine de manière plus générale, voir Burki, Perrv et 462. Guasch (2003). Dillinger (1999) ; pour la Bolivie, voir Faguet (2001) ; pour 463. Apoyo Opinion y Mercado S.A. (2002). l'Afrique du Sud, voir Ahmad (I1999); pour les économies en tran- 264 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2004 sition, voir Banque mondiale (2001a) ; pour l'Indonésie, voir 530. Pour une liste récente de ces études, voir par exemple Banque mondiale (2002f) ; et pour le Pakistan, voir Banque mondi- Banque mondiale (2000a) et Abed et Gupta (2002). ale (2002k) et Lundberg (2002). 531. Anderson, Kaufmann et Recanatini (2003). 503. Galiani et Schargrodsky (2002). 532. Mauro (1998). 504. Rodden, Eskeland et Litvack (2003). Une anticipation de 533. Rajkumar et Swaroop (2002), Abed et Gupta (2002), Azfar renflouement reflète une contrainte budgétaire lâche. et Gurgur (2001) et Di Tella et Savedoff (2001b). 505. Musgrave (1959). 534. Pour une discussion sur les méthodes de diagnostic pré- 506. En 1999, pour des raisons de convenance politique, le par- coce, voir Kaufmann, Pradhan et Ryterman (1998). lement indonésien a été amené à promulguer précipitamment des 535. Anderson, Kaufmann et Recanatini (2003) mettent en lois pour mettre en oeuvre une décentralisation rapide, de style lumière les résultats de ces enquétes relatives aux diagnostics dans « big-bang », mais la loi sur les dépenses est restée ambiguë en ce le domaine de la prestation des services. qui concerne la manière dont ces dépenses doivent être allouées. 536. Banque mondiale (2000a). Ces lois sont maintenant en cours de révision; voir Banque mondi- 537. Grindle (à paraitre). ale (2002d). 538. Banque mondiale (2002e). 507. En Indonésie, la loi sur les dépenses de 1999 a été promul- 539. Pour des indications sur la manière de concevoir un sys- guée indépendamment de la loi régissant l'allocation des recettes; tème de contrôle de la pauvreté, voir par exemple Chapitre 3 de voir Banque mondiale (2002d). Banque mondiale (2002b). 508. Khemani (2003). 540. Kremer (2002). 509. Ahmad (1999). La décentralisation financière (la possibilité 541. Victora et autres (2000a). d'emprunter) est habituellement considérée comme un élément de 542. Davey (2000). la décentralisation budgétaire. La séparation de ces deux notions 543. Banque mondiale (1998a), Burnside et Dollar (2000a), permet de mettre davantage en lumière les interactions entre elles. Burnside et Dollar (2000b) et Collier et Dollar (2002). 510. Ahmad (2003). 544. Martens et autres (2002) et Ostrom et autres (2001). 511. Pour une étude récente des méthodes de recrutement dans 545. Mackinnon (2003). un contexte de décentralisation au Bénin, en Inde, en Indonésie, au 546. La littérature consacrée à ce phénomène - notamment Mexique, au Pakistan, aux Philippines, en Ouganda et en Pologne, Devarajan et Swaroop (1998) ; Devarajan, Rajkumar et Swaroop voir Evans (2003). (1999); et Feyziogly, Swaroop et Zhu (1998) -montre qu'une par- 512. Une grande partie de la prestation de services étatique a tie seulement de l'aide reste dans le secteur concerné :lorsque l'État déjà été déconcentrée, par conséquent, même si des changements reçoit une aide spécifique à un secteur, il transfert en partie ses pro- sont intervenus dans les méthodes de comptabilisation, la plupart pres ressources vers les autres secteurs. Il conviendrait donc que les des salariés n'ont fait que se déplacer physiquement d'un bureau à donateurs adoptent une approche plus holistique des dépenses un autre, dans la même ville. publiques du pays bénéficiaire. 513. Grindle (à paraitre). 547. Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. 514. Bahl et Linn (1992). 548. Banque mondiale (20011). 515. Blondel et Manning (2002). 549. Ainsi, par exemple, l'association Global Funds to Fight 516. Schacter, Haid et Koenen-Grant (1999); Koenen-Grant et AIDS, Tuberculosis and Malaria; L'Alliance mondiale pour les vac- Garnett (1996). cins et les vaccinations ; le Global Vaccine Fund ; et le Global Envi- 517. Devarajan, Dollar et Holmgren (2001). ronment Facility. Pour des détails sur les fonds mondiaux dans le 518. Collier et Pattillo (2000). domaine de la santé, voir Kalter (2003). 519. Beschel et Manning (2000). 550. Ostrom et autres (2001). 520. Evans et Rausch (à paraitre) 551. Boyce et Haddad (2001). 521. Organisation internationale du travail (2001). 552. Banque mondiale (2001f). 522. Le débat se poursuit pour décider s'il convient de lancer la 553. Brâutigam (2000). Nouvelle gestion publique dans les pays en développement: Schick 554. Banque mondiale (1998a). (1996), Bale et Dale (1998), Schick (1998), Batley (1999), Manning 555. Cohen et Wheeler (1997). (2001). 556. Les statistiques pour le Development Gateway proviennent 523. Banque mondiale (2000b). du CAD de l'OCDE et d'autres sources du côté des donateurs, sur 524. Dixon (2002). une période de plusieurs décennies. Malheureusement, la base de 525. Schick (1998). données ne comporte aucune indication sur le nombre de projets 526. Tiré de Manning et Parison (2003) et Banque mondiale en cours à un moment donné. (2002e). 557. On calcule d'abord un indice de Herfindahl pour la con- 527. Wade (1982); Wade (1985). centration des donateurs en additionnant les carrés des parts d'aide 528. Même dans les pays dans lesquels existe une forte tradition sur l'ensemble des organismes donateurs impliqués dans le pays de fonctionnariat, le problème de l'interférence de la politique peut bénéficiaire (O'Connell et Saludo, 2001). Cet indice, dont les être pernicieux, comme le montre le gros problème que rencontre valeurs sont comprises entre 0 et 1, est ensuite retranché à 1 pour l'Inde avec les transferts ad lôoc de fonctionnaires vers les « postes obtenir un indice de la fragmentation des donateurs, des valeurs sanctions » ; voir Sundaram (2001). élevées indiquant une fragmentation plus importante (Knack et 529. Azfar (2002). Rahman, 2003). Notes 265 558. La valeur de l'indice n'augmente pas nécessairement avec 570. Svensson (2003). les niveaux d'aide et le nombre de projets: si l'aide de la part de 571. Adam et Gunning (2002). chaque donateur ou le nombre de projets double alors que le nom- 572. Adam et Gunning (2002). bre de donateurs et leurs parts d'activité restent constants, la valeur 573. Banque mondiale (2002r). de l'indice reste inchangée. 574. Angrist et autres (2002). 559. Les statistiques proviennent du CAD de l'OCDE. La ten- 575. Miguel et Kremer (2001). dance observée peut conduire à surestimer la dégradation de la sit- 576. van de Walle (2002) et van de Walle et Cratty (2003). uation en matière de fragmentation, dans la mesure où l'unification 577. Riddel (1999). des fonds des donateurs a aussi progressé, car dans le calcul de 578. Banque mondiale (2002r). l'indice en fonction des déboursements, il n'est pas fait de distinc- 579. Harrold et Associates (1995). tion entre les fonds unifiés et les fonds non-unifiés. 580. L'approche au niveau du secteur a fait l'objet d'un certain 560. Knack et Rahman (2003). Les indices de la qualité de l'ad- nombre d'études, notamment Brown (2000a), Conway (2000), Fos- ministration sont des évaluations subjectives provenant du Guide ter (2000), Foster, Brown et Conway (2000), Jones (1997), Jones et international du risque pays (ICRG). Des scores élevés reflètent « la Lawson (2001) et Banque mondiale (2001b). force et le savoir-faire d'une gestion sans changements politiques 581. Fozzard et Foster (2001) et Kanbur et Sandler (1999). drastiques ni interruptions des services gouvernementaux ». Les 582. Adam et Gunning (2002). scores sont en corrélation étroite avec des évaluations indépen- 583. Brown (2000b). dantes et plus détaillées de la structure et de la stabilité administra- 584. Mackinnon (2003). tives « Weberiennes . (Evans et Rauch, 1999), disponibles pour un 585. C'est la perception du risque fiduciaire - plutôt que sa réalité sous-ensemble de pays couverts par l'ICRG. -qui risque d'entraîner une réduction du soutien politique à l'aide 561. Picazo (2002). extérieure dans le pays donateur. Cependant, il s'agit là d'une question 562. Picazo (2002). de politique qui se pose au niveau des pays riches, et non d'un problème 563. Mansuri et Rao (2003). de prestation de services qui se poserait au niveau des pays pauvres. 564. Chase (2002), Newman et autres (2002), Paxson et Schady 586. Banque mondiale (2002r). (2002) et Van Domelen (2002). 587. Banque mondiale (2002r). 565. Banque mondiale (2002p). 588. La plupart des donateurs bilatéraux accordent davantage 566. Platteau et Gaspart (2003). d'aide aux pays qui votent de la même manière qu'eux à l'Assem- 567. Banque mondiale (2002r). blée générale des Nations Unies, où chaque nation détient une voix 568. Gunning (2001). quelle que soit sa taille (Alesina et Dollar (2000) et Wang, 1999). 569. Collier (1997), Kapur et Webb (2000), Devarajan, Dollar et 589. Halonen (2003). Holmgren (2001), Dollar et Svensson (2000). 590. Voir par exemple Tarp et Hjertholm (2000). Références Le mot «< polycopié " désigne les travaux reproduits de manière infor- Health Sector in Uganda:' Abt. 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