DIRECTIONS IN DEVELOPMENT Le futur de l'eau dans les villes africaines Vue d'ensemble Michael Jacobsen, Michael Webster, and Kalanithy Vairavamoorthy, (Éditeurs) DuTHE WORLD BANK Vue d'ensemble Notre étude a pour objectif général de changer la façon dont les responsables de la politique urbaine conçoivent la gestion de l'eau en ville sur le conti- nent africain, notamment du point de vue du travail de planification et des projets dans ce secteur. Les villes africaines se développent rapidement et les systèmes actuels de gestion de l'eau ne peuvent plus répondre à l'accroisse- ment de la demande. Un effort concerté des décideurs des secteurs et organes compétents sera nécessaire pour parvenir à fournir durablement des services dans le secteur de l'eau aux citadins africains. Nous considérons que cette problématique suppose des solutions innovantes et un système de gestion qui seront applicables au-delà des frontières institutionnelles, sectorielles et géographiques. Une enquête menée dans le cadre de cette étude a montré que les responsables des villes africaines et les opérateurs des réseaux publics de distribution et d'assainissement cherchent à élargir leurs plans de gestion de l'eau en y incluant des questions telles que la gestion de la ressource, la préparation aux inondations et aux épisodes de sécheresse, la collecte de l'eau de pluie et la gestion des déchets solides. Nous défendons ici l'idée selon laquelle la gestion intégrée de l'eau en ville (GIEV) aidera ceux qui tracent la politique à suivre dans les villes africaines à prendre en compte un éventail plus large de solutions possibles, à comprendre les relations de l'eau avec les autres secteurs et à assurer la résilience du secteur dans toute une gamme de contextes à l'avenir. La GIEV consiste à mettre en place des systèmes efficaces et souples de gestion de l'eau en tenant compte de toutes les composantes du cycle de la ressource en ville (approvisionnement, assainissement, gestion des eaux de ruissellement) dans le contexte du bassin hydrographique au sens large. 1 2 Le futur de l'eau dans les villes africaines La GIEV est conçue pour relever les défis de la gestion de l'eau en ville par- tout dans le monde. Elle prend en compte les principaux aspects techniques et institutionnels du travail de planification et de conception. Il convient donc que les urbanistes examinent la gamme complète des problèmes que pose la gestion de l'eau et leur interaction dans les villes et le bassin au sens large, en répondant à des questions de cette nature : • Comment l'utilisation des sols et l'irrigation en amont se répercutent- elles sur la quantité et la qualité de l'eau disponible en aval ? • Quelle incidence les futurs aménagements urbains auront-ils sur la pro- blématique de la gestion de l'eau ? • Les latrines à fosse et les mauvaises conditions d'hygiène contaminent- elles la nappe ? • Les déchets solides obstruent-ils les collecteurs, provoquant ainsi des inondations ? Les dirigeants doivent également examiner un large éventail de questions pour résoudre ces problèmes, à savoir : • Les différentes administrations prennent-elles bien en compte les besoins et les impacts des villes du point de vue du bassin hydrographique au sens large ? • D'autres sources d'approvisionnement, telles que la collecte de l'eau de pluie, le recyclage des eaux grises et les eaux souterraines, peuvent-elles compléter l'exploitation classique des eaux de surface ? • La qualité est-elle optimisée en fonction de l'usage prévu de la ressource (eau potable, irrigation, industries de transformation) ? • Les eaux usées peuvent-elles être exploitées pour produire de l'énergie de façon économique ? Les problèmes et les solutions dépassant les frontières géographiques et institutionnelles, la GIEV ne peut être mise en œuvre que si les institu- tions sont prêtes à travailler ensemble. Pour prendre en compte cette inter- sectorialité, il faut par exemple veiller à ce que les codes de la construction ne fassent pas obstacle à la collecte de l'eau de pluie, se préoccuper des règlements sanitaires qui empêchent le recyclage des eaux grises et faire en sorte que les urbanistes s'intéressent aussi aux problèmes liés à la ges- tion de l'eau. La GIEV reconnaissant que les clés du succès ou de l'échec sont dans le détail, chaque plan de gestion est défini en consultation avec les acteurs locaux, dont les utilisateurs finaux, pour veiller à ce que les solutions soient adaptées au contexte local. Ces solutions sont souples - pour répondre à la diversité des situations actuelles - et évolutives - pour répondre à l'incertitude des situations à venir. Autrement dit, plutôt que de créer de nouvelles choses, la GIEV vise à les faire différemment. Vue d'ensemble 3 La problématique L'Afrique s'urbanise rapidement. Au cours des 20 prochaines années, la po- pulation des villes du continent aura doublé. Actuellement de 3,9 %, le taux de croissance de la population urbaine en Afrique est, et continuera à être, le plus élevé du monde. Environ 320 millions de personnes vivent aujourd'hui en ville (37 % de la population du continent), soit deux fois plus qu'en 1990. D'ici 2030, il est prévu que la population urbaine passe à 654 millions, soit près de la moitié de l'effectif total. La demande d'eau est en hausse. Cette hausse tient à l'accroissement de la population urbaine, mais la croissance économique l'accélérera encore. L'expansion de l'activité entraînera une plus grande consommation d'eau, et la prospérité nourrira des attentes quant à la qualité des services fournis dans ce secteur. Ainsi, l'élargissement de la classe moyenne pourrait aller de pair avec une demande de meilleure gouvernance et de meilleurs services, notamment dans le secteur de l'eau (Banque mondiale, 2012). Quant à la consommation d'eau en dehors des villes, à des fins agricoles et énergétiques, elle augmentera encore plus rapidement, sollicitant davantage une ressource qui s'amenuise. Si l'on tient compte de tous ces facteurs, il est prévu que la demande d'eau en Afrique quadruple quasiment au cours des 25 prochaines années, un rythme de progression beaucoup plus important que dans n'im- porte quelle autre région du monde (2030 Water Resources Group, 2009). Les ressources en eau diminuent et leur qualité se dégrade. Sous la pression de la demande, les villes sont contraintes de se tourner vers des sources d'ap- provisionnement plus éloignées, et plus coûteuses à exploiter. La modification de l'occupation des sols, notamment par le développement de l'irrigation non réglementée et des industries non structurées, a changé le régime saisonnier du ruissellement : les inondations sont plus nombreuses pendant la saison des pluies et l'eau est moins abondante, mais plus trouble, pendant la saison sèche. Les nappes souterraines sont certes une autre source d'approvisionnement pos- sible, mais les mauvaises conditions d'hygiène les menacent. Le changement climatique rend encore plus incertain l'avenir des ressources en eau sur le conti- nent. La protection des sources d'approvisionnement, qui passe par la prise en compte de la question de l'allocation de la ressource, et l'amélioration de la gestion des eaux usées doivent nécessairement faire partie de toute solution. Le captage de l'eau crée des problèmes auxquels les villes ne s'attendaient pas. Mbale, en Ouganda, l'un des cas étudié dans cet ouvrage, est située dans une zone très arrosée au pied du mont Elgon, là où l'eau de surface a toujours été abondante. Pourtant, la ville a dû rationner la ressource pour la première fois en février 2012, lorsque l'une des rivières qui l'alimentait s'est asséchée et que la turbidité a augmenté dans les autres. Les habitants, contraints de s'installer plus haut sur la montagne du fait de la pression démographique, utilisaient les torrents pour arroser leurs champs, réduisant d'autant l'eau dis- ponible en aval pour la ville. Cette augmentation des conflits d'usages dans un même bassin hydrographique se produit partout en Afrique et des villes qui 4 Le futur de l'eau dans les villes africaines n'imaginaient pas devoir faire face à des pénuries en subissent aujourd'hui les conséquences. Malgré les progrès réalisés, les villes africaines ont du mal à relever le défi de l'eau aujourd'hui. Entre 2000 et 2010, 83 millions de citadins ont eu accès à de meilleures sources d'approvisionnement en eau et 42 millions à de meil- leurs équipements d'assainissement. Mais l'accroissement de la population des villes a terni ces succès, et la part des habitants ayant accès à de meilleures sources d'approvisionnement en eau et de meilleurs services d'assainissement est restée inchangée : 83 % et 43 %, respectivement. Compte tenu de la com- plexité du problème que posent les facteurs de hausse de la demande et de baisse des sources traditionnelles d'approvisionnement, il est peu probable que l'approche classique - une source d'approvisionnement, un système d'ali- mentation, un dispositif d'évacuation - puisse résoudre l'équation. Perspectives de changement Enjeux et perspectives. La croissance rapide en Afrique signifie que la moitié de la ville de 2035 n'a pas encore vu le jour. Les nouveaux systèmes de gestion de l'eau doivent s'affranchir des anciennes infrastructures et des vieilles concep- tions. Il est temps aujourd'hui de préparer l'avenir en faisant appel à des tech- nologies ultramodernes et à des systèmes de gestion novateurs. Les approches intégrées et diversifiées proposées dans ce rapport peuvent radicalement chan- ger les choses en tout juste 20 ans. Plus important encore, ces approches sont par nature souples et évolutives. En effet, ayant tendance à s'appliquer à plus petite échelle et à prendre en considération les liens entre les différents secteurs, elles peuvent projeter dans l'avenir un ensemble de situations plus large que ne le ferait un système central traditionnel. Compte tenu des incertitudes qui entourent le profil de croissance et le futur climat des villes africaines, cette souplesse est un atout clé de l'approche intégrée de la gestion de l'eau. Nous défendons ici l'idée selon laquelle une approche plus intégrée, du- rable et souple, voulue par les responsables des villes africaines, et concrète- ment réalisable, est nécessaire en Afrique. La conduite de projets témoins, le transfert des acquis d'autres régions et la modification de la manière dont les projets relatifs à l'eau des villes sont préparés, conçus et réalisés constituent les premières mesures à prendre pour mettre en œuvre cette approche. Nous avons passé en revue les problèmes et les capacités de 31 villes en Afrique. Ces problèmes et capacités dans le secteur de l'eau ont été rapprochés de ceux d'autres villes du continent. La plupart des villes où les problèmes sont relativement importants ont aussi une capacité d'intervention assez élevée (figurel), même si cette capacité peut être jugée faible face aux problèmes redoutables qui se posent. Ces villes peuvent commencer à réfléchir à l'appli- cabilité de la GIEV pour répondre à leurs besoins en matière de gestion de l'eau. Les autres villes devront bien entendu commencer par renforcer leur capacité à gérer leurs eaux de façon plus intégrée. Vue d'ensemble 5 Figure 1 Problèmes relatifs à la gestion de l'eau en ville par rapport aux capacités institutionnelles et économiques de la ville Indice: 0 à I 1.00- Villes aux capacités importantes confrontéesà Villes aux capacités importantes confrontées à des problèmes limités dans le secteur de l'eau des problèmes importants dans le secteur de l'eau 0.90 X CPT X DUR JHB 0.80 OUA X 0.70 xco X KAM 0.60X ADO X DSM L BLZ 0.60~~~~ XDAK NO