98056 Aide-mémoire Côte d’ivoire Assistance technique à la mise en œuvre de la politique foncière (P148791) Mission n°5 Dissémination du rapport d’assistance technique sur le foncier rural 18–22 mai 2015 I – Introduction et remerciements 1. Une équipe de la Banque mondiale a effectué une cinquième mission pour la mise en œuvre d’une assistance technique au secteur foncier ivoirien du 18 au 22 mai 2015. La mission conduite par Monsieur André Teyssier (Spécialiste principal en politique foncière) était composée de Messieurs Nabil Chaherli (Coordonnateur Sectoriel pour l’Agriculture, les Infrastructures et l’Environnement), Yao Haccandy (Consultant, Agro-économiste), Georges Kouamé (Consultant) et de Madame Mariame Bamba-Coulibaly (Assistante de Programme). La mission a bénéficié de l’appui et des conseils de Monsieur Ousmane Diagana, Directeur des Opérations pour la Côte d’Ivoire et de Messieurs Martien van Nieuwkoop et Simeon Ehui (Directeurs sectoriels de l’Agriculture respectivement pour la région d’Asie du Sud et Afrique de l’Ouest à la Banque mondiale). 2. Les objectifs de la mission étaient (i) de présenter et de discuter la version finale du rapport d’assistance technique intitulé « Sécuriser les droits fonciers ruraux de manière plus simple et moins chère ? » et de (ii) de suivre la réalisation du Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière (LGAF). 3. La mission adresse ses sincères remerciements au Directeur Général du Développement Rural et de la Maîtrise de l’Eau ainsi qu’au Directeur du Foncier Rural du Ministère de l’Agriculture pour leur disponibilité et leur participation active à l’atelier de restitution. 4. Temps forts de la mission – La mission a participé le 20 mai à l’atelier de restitution du Diagnostic Pays Systématique (SCD) et a présenté à cette occasion le rapport d’assistance technique sur le foncier rural. La mission a également assisté le 22 mai à une séance du sous- groupe des partenaires au développement intervenant dans le foncier rural. II – Présentation et discussion du rapport d’assistance technique 5. Le rapport d’assistance technique sur le foncier rural a été élaboré à la suite d’une première mission conduite en mai 2014 et des premières discussions avec la Direction du Foncier Rural à fin juin 2014. La partie diagnostic du rapport a été présentée officiellement une première fois au Ministère de l’Agriculture en novembre 2014. Une nouvelle présentation complétée par des indications sur les recommandations a été réalisée en janvier 2015 à l’occasion de l’atelier sur le May 28, 2015 Page 1 Foncier rural organisé par la Direction du Foncier Rural avec le soutien de l’Agence Française de Développement. La dernière présentation s’est tenue à l’occasion de cette mission dans les locaux de la Banque mondiale le 20 mai devant des représentants du Gouvernement, des organisations de la société civile, des universitaires, des représentants du corps préfectoral, des responsables d’organisations agricoles et des acteurs locaux. Il ressort de ce dernier échange un certain nombre de convergences et des points de discussion qui restent à débattre. 6. Discussion sur le diagnostic – Les deux principaux constats sont paradoxalement : (i) le caractère central de la question foncière et la nécessité de la traiter malgré sa complexité, cela en raison du fort impact des questions foncières sur l’investissement et la stabilité, de la demande sociale pour une reconnaissance des droits sur la terre et de l’engagement affiché par le Gouvernement. La question foncière est unanimement reconnue comme un prérequis à l’émergence économique et à la paix sociale ; (ii) l’application marginale de la loi de 1998 sur le foncier rural. Très peu de droits fonciers ont été validés par un certificat, encore moins par un titre foncier. Les blocages à la mise en œuvre à grande échelle de cette loi tiennent à des procédures complexes et chères, inabordables pour la majorité des agriculteurs ivoiriens, et à un manque de capacité des différents services en charge de l’enregistrement des droits sur la terre. La mise en œuvre de ce cadre légal est également freinée par des ambiguïtés juridiques. L’esprit de la loi de 1998 visait initialement à imposer la propriété privée dans un contexte rural régi par des droits coutumiers qui relèvent d’une autre logique. La procédure prévue passe par la délivrance en premier lieu d’un certificat foncier à toute personne indépendamment de sa nationalité. Le certificat doit être transformé, dans les trois années après sa délivrance, en titre au nom du demandeur s’il est Ivoirien ou au nom de l’Etat s’il est étranger. Chacun s’accorde à reconnaître que le texte pose problème car il stipule (i) que la propriété foncière est réservée aux ressortissants ivoiriens, les étrangers pouvant obtenir un bail après immatriculation au nom de l’Etat tout en affirmant (ii) que le certificat foncier consacre la propriété de tout requérant. Ces questions demeurent d’un traitement difficile et d’une grande sensibilité. Elles se traduisent par la persistance de doutes qui peuvent attiser des ressentiments entre communautés et qui participent à la faible motivation pour la sécurisation foncière. En 2015, avec moins de 1000 certificats établis pour environ un million de parcelles rurales, force est de constater que la conversion des droits coutumiers en droits de propriété ne s’est pas véritablement réalisée. Aussi, un ajustement du dispositif de formalisation des droits semble nécessaire pour envisager, conformément à la volonté du Gouvernement, un enregistrement massif des droits fonciers dans le cadre d’un Programme National de Sécurisation Foncière Rurale. 7. La loi de 1998 contient des dispositions qui ouvrent des perspectives intéressantes pour la formalisation des droits de tous les occupants d’une parcelle. Le rapport d’assistance technique relève des cas de certification collective où les droits des propriétaires natifs et ceux négociés avec des migrants sont tous enregistrés, ce qui contribue à une clarification équitable des droits et à la stabilisation des relations entre communautés. 8. Discussion sur les recommandations – Le rapport d’assistance technique a formulé cinq recommandations : (i) Une politique foncière rénovée, basée sur deux principes, à savoir la May 28, 2015 Page 2 reconnaissance de tous les droits revendiqués sur une parcelle par la délivrance d’un document pour tous (le certificat pour le propriétaire et le bail pour l’exploitant) et la reconnaissance du bail et du certificat comme documents finaux ; (ii) une plus grande implication du niveau local par la démultiplication et la professionnalisation des Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale (CVGFR) notamment pour la réalisation d’une phase initiale de « préparation » (pré repérage du parcellaire, identification des accords fonciers initiaux) ; (iii) un renforcement de la maîtrise d’ouvrage ciblé sur l’amélioration des capacités de l’administration en charge du foncier rural et sur une clarification de l’emprise des différents statuts domaniaux ; (iv) une externalisation de la maîtrise d’œuvre afin de favoriser l’implication du secteur privé et une culture de performance pour une meilleure activation des procédures ; (v) une révision des procédures pour des délais plus courts et des coûts moins élevés grâce à la mise en œuvre des mesures préconisées par le Comité de Relecture des Textes, à l’expérimentation de nouvelles technologies, à la mise en concurrence des opérateurs, à l’instauration d’un paiement forfaitaire des coûts de procédure et à la prise en charge partielle par l’Etat des coûts de sécurisation foncière. 9. Au cours des dernières discussions, un consensus a été obtenu sur quatre des cinq recommandations. La séance de restitution a une nouvelle fois révélé des opinions partagées sur l’intérêt d’une généralisation du titre foncier. La question centrale de la conversion obligatoire du certificat en titre reste un point essentiel à discuter. Cette orientation, qui nécessite le maintien de procédures chères et complexes, semble difficilement compatible avec la volonté du Gouvernement de procéder à une action massive de sécurisation foncière dans les huit prochaines années. D’autres pistes sont à explorer : pourquoi ne pas formaliser les droits coutumiers et à les rendre cessibles par un certificat dont la validité juridique ne serait plus limitée dans le temps ? Pourquoi ne pas formaliser les contrats fonciers tels qu’ils sont spontanément mis en œuvre dans une grande majorité de villages ? Ces orientations seraient plus motivantes pour les usagers et plus faciles à mettre en œuvre par les pouvoirs publics. Elles présentent des solutions pour alléger les procédures, réduire les coûts, rassurer les usagers et atteindre l’objectif de massification de la sécurisation foncière. Elles sont un préalable important pour clarifier les droits et favoriser l’émergence d’un marché foncier. Notre mission estime que le caractère obligatoire de cette conversion devrait être questionné. Le cadre légal pourrait être ajusté dans le sens d’une plus grande flexibilité de façon à favoriser une évolution non contraignante vers le titre foncier tout en répondant immédiatement à un besoin de formalisation des droits. 10. Les discussions sur le diagnostic et les recommandations ont confirmé la nécessité de clarifier les orientations de politique foncière au terme d’un processus consultatif. La mission a été informée d’un document en cours de préparation et dont une première version provisoire est attendue pour le mois de juillet. La mission salue cet effort pour définir une politique foncière. Elle recommande de prêter l’attention requise aux différentes phases de concertation de sorte à ce que ce document de portée historique soit pleinement légitimé. Il serait opportun de procéder en deux temps, en procédant à la rédaction d’une première note qui servirait ensuite de support aux débats avec les parties concernées. L’enjeu est de parvenir à une vision partagée, ce qui requiert nécessairement un temps de dialogue. May 28, 2015 Page 3 III - Suivi du Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière (CAGF / LGAF) 11. Rappel sur le processus CAGF / LGAF - Cet outil élaboré par la Banque mondiale dans le cadre d’un partenariat avec la FAO, ONU-Habitat, le FIDA, l’IFPRI, l’Union africaine et des agences de développement bilatérales, permet une auto-évaluation de la gouvernance foncière d’un pays par des experts nationaux. Il s’agit d’un processus participatif de 4 à 6 mois qui s’appuie sur le savoir-faire local et sur des données existantes et se concentre sur cinq grands thèmes (le cadre juridique et institutionnel ; la planification de l’utilisation du sol, la gestion des terres et la fiscalité foncière ; la gestion des terres publiques ; l’accès public aux informations foncières ; la résolution des litiges et la gestion des conflits) complétés par des modules facultatifs couvrant d’autres thèmes (les acquisitions de terres à grande échelle, ou bien la gouvernance forestière). Le processus CAGF a pour principal avantage d’ouvrir le dialogue à toutes les parties prenantes du secteur foncier et peut déboucher sur une matrice de propositions utile au moment d’élaborer une politique foncière. 12. Suivi du processus CAGF / LGAF – Le coordonnateur national LGAF a sélectionné les six experts chargés de préparer des rapports thématiques qui seront soumis au débat dans le cadre de panels de discussion. Leur recrutement s’est finalisé durant la mission et les rapports seront disponibles à la mi-juillet. La liste des panelistes est en cours de finalisation ; elle regroupera un large éventail d’acteurs des secteurs foncier rural et urbain. Un calendrier de réalisation est en cours de mise à jour. IV – Prochaines étapes 13. Diffusion du rapport d’assistance technique sur le foncier rural – Cette assistance technique prend fin en juin 2015. L’équipe de la Banque mondiale va remettre au Gouvernement un rapport final qui tient compte de certaines observations recueillies au cours de cette mission. Le rapport final, joint à cet aide-mémoire, comprend quatre parties : (i) un état des lieux du secteur foncier rural; (ii) une analyse des contraintes à la mise en œuvre du cadre légal ; (iii) une série de recommandations et (iv) une contribution pour une réflexion sur les options stratégiques de politique foncière en vue d’alimenter les débats préalables à la déclaration de politique foncière. 14. Un document de politique foncière en préalable – La Banque mondiale est particulièrement attentive à l’importance de la question foncière et a considéré ce sujet parmi les principales thématiques du nouveau Cadre de Partenariat Pays (2015-2019). La préparation d’une nouvelle politique foncière et la prochaine mise en œuvre des mesures de simplification de la certification foncière témoignent d’un engagement manifeste pour mettre en œuvre des solutions à la hauteur des enjeux. Les orientations qui seront esquissées par le prochain document de politique foncière sont attendues avec intérêt. Elles devraient permettre de clarifier la ligne centrale de la politique foncière ivoirienne entre imposition systématique de la propriété privée et formalisation des droits existants. Le processus de consultation préalable à l’élaboration d’un document de politique foncière devrait permettre de clarifier ces questions essentielles, avant l’engagement d’un programme de sécurisation foncière à l’échelle nationale. La Banque mondiale, en synergie avec les autres partenaires financiers actifs dans le foncier rural, est disposée à accompagner la mise en place d’une nouvelle politique foncière réaliste et ajustée au contexte. May 28, 2015 Page 4