The World Bank Amélioration de la gouvernance du secteur foncier au Cameroun Mise en œuvre du Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière Paul TCHAWA Professeur de Géographie à l’Université de Yaoundé 1 Coordonnateur National du CAGF . Yaoundé, Février 2014 Liste des abréviations ACDIC: Association Camerounaise pour la Défense des Intérêts Collectifs AFD: Agence Française de Développement AfDB: African Development Bank ANAFOR: Agence Nationale d'Appui au Développement Forestier ATGE : Acquisition des Terres à Grandes Echelles AU: African Union BAD : Banque Africaine de Développement CAGF: Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière CDC : Cameroon Development Corporation CED : Centre pour l’Environnement et le Développement CEMAC: Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale CEREG: Centre d'Etudes et de Recherche en Economie et Gestion CFC: Crédit Foncier du Cameroun CIRAD: Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement CNADDT: Conseil National de l'Aménagement et du Développement Durable du Territoire COMIFAC: Conférence des Ministres des Forêts d’Afrique Centrale CTD: Collectivités territoriales Décentralisées DSCE : Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi. DUP : Déclaration d’Utilité Publique EIES: Etude d’Impact Environnemental et Social FAO: Food and Agriculture Organization FES: Fondation Ebert Stingfund FIDA : Fonds International pour le Développement Agricole GIC : Groupement d’Intérêt Communautaire GIZ: Coopération Allemande IFPRI : International Food Policy Research Institute MAETUR : Mission d’Aménagement et d’Equipement des Terrains Urbains et Ruraux MAGZI : Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles MEADEN: Mission d'études pour l'Aménagement et le Développement de la Province du Nord MEAO: Mission d’Etudes pour l’Aménagement de l’Océan MIDENO: Mission de Développement de la province du Nord Ouest MINADER: Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural MINATD: Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation MINDCAF: Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières MINEFI: Ministère de l’Economie et des Finances MINEPAT : Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire MINEPDED : Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable MINEPIA: Ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries Animales MINFOF : Ministère des Forêts et de la Faune MINHDU: Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain MINJUSTICE: Ministère de la Justice MINMIDT: Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique OCDE: Organisation pour la Coopération et le Développement Economique OIBT: Organisation Internationale des Bois Tropicaux ONU: Organisation des Nations Unies ONU-Habitat : Organisation des Nations Unies pour l’Habitat OSC: Organisation de la Société Civile PAMOCCA: Projet d'Appui à la Modernisation du Cadastre et du Climat des Affaires PAU: Plans d’Actions d’Urgence PIB : Produit Intérieur Brut POS: Plan d’Occupation des Sols PPP : Partenariat Public Privé PSFE: Programme Sectoriel Forêts Environnement PTF: Partenaires Techniques et Financiers RCA : République Centrafricaine RDC : République Démocratique du Congo REDD: Reducing emissions from deforestation and forest degradation RELUFA : Réseau de Lutte contre la Faim REPAR: Réseau des Parlementaires RRI: Rights Resources Initiative SDN: Société Des Nations SDAU : Schéma Directeur d’Aménagement Urbain SIC: Société Immobilière du Cameroun SOCAPALM: Société Camerounaise de Palmeraies SOWEDA: South West Development Association UFA : Unité Forestière d’Aménagement UNECA: United Nations Economic Commission for Africa WWF: World Wide Fund for Nature ZIC : Zone d’Intérêt Cynégétique ZICGC : Zone d’Intérêt Cynégétique à Gestion Communautaire Table des matières Introduction ................................................................................................................................ 2 1. Processus de mise en oeuvre du CAGF .............................................................................. 3 1.1. Introduction du Cadre d’analyse de la gouvernance foncière (CAGF) ....................... 3 1.2. Les arrangements institutionnels préalables à la mise en œuvre du CAGF ................ 4 1.3. Le déroulement des travaux du CAGF ........................................................................ 5 2. Données et informations de références ............................................................................... 5 2.1. Généralités géographiques, historiques et politiques .................................................. 5 2.2. Le contexte socio économique de la gouvernance foncière ........................................ 7 2.2.1. Dynamique de la population camerounaise ......................................................... 7 2.2.2. Une économie basée sur le secteur agro pastoral ................................................. 8 2.2.3. Une urbanisation au taux de croissance rapide et non maîtrisée .......................... 9 2.2.4. L’exploration minière : entre espoirs et inquiétudes .......................................... 10 2.3. Les grandes tendances de l’occupation de l’espace ................................................... 10 2.3.1. Les fondements géographiques de la diversité ................................................... 10 2.3.2. L’occupation et la gestion des espaces forestiers ............................................... 11 2.3.3. Occupation et utilisation des terres rurales......................................................... 13 2.3.3.1. La région du Nord ....................................................................................... 14 2.3.3.2. La zone des Hauts plateaux de l’Ouest ....................................................... 14 2.3.3.3. Les régions occupées par la forêt dense ...................................................... 14 2.3.4. Occupation et dynamiques des espaces urbains ................................................. 15 2.3.5. Typologie Foncière ............................................................................................ 17 2.3.6. Tableau des acteurs de la gouvernance foncière ................................................ 24 2.3.7. Organigramme du processus décisionnel en matière foncière au Cameroun ..... 29 2.3.8. Les premiers enseignements tirés de la typologie foncière ................................ 30 2.3.8.1. Le domaine national, la tenure coutumière et l’insécurité foncière ............ 30 2.3.8.2. Les types de tenure relevant de l’espace urbain : une mosaïque de tenure et d’acteurs 31 2.3.9. Les principaux repères historiques du foncier et ses caractéristiques ................ 31 2.3.9.1. Les grands principes des droits coutumiers ................................................ 31 2.3.9.2. L’appropriation coloniale des terres et la spoliation des autorités coutumières ................................................................................................................... 32 2.3.9.2.1. L’appropriation foncière sous administration coloniale allemande ......... 32 2.3.9.2.2. L’appropriation de la terre dans le Cameroun britannique ...................... 33 2.3.9.2.3. L’appropriation de la terre sous administration coloniale française ........ 33 2.3.10. Les principales réformes foncières et leurs impacts ........................................... 34 2.3.10.1. La réforme de 1963 : Des « terres vacantes » et sans maître au Domaine National 34 2.3.10.2. La réforme foncière de 1974 : la notion de domaine national prend forme 34 2.3.10.3. La Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 : une réforme aux effets mitigés ....... 35 2.3.10.4. La réforme de 2005 : une initiative insatisfaisante compte tenu de l’enjeu des défis liés à la délivrance des titres fonciers ............................................................. 36 2.3.10.5. L’ambiance préparatoire à la réforme foncière en gestation....................... 36 2.3.10.6. L’existence des dysfonctionnements .......................................................... 37 2.3.10.6.1. Sur le plan technique .............................................................................. 37 2.3.10.6.2. Sur le plan des ressources humaines ...................................................... 38 2.3.10.6.3. Au niveau des processus et initiatives en cours ..................................... 38 2.3.11. Principaux défis à la gouvernance foncière ........................................................ 38 2.3.11.1. L’élaboration et le suivi participatif de véritables politiques foncières ...... 38 2.3.11.2. Instrumentaliser la décentralisation et la loi de l’aménagement du territoire pour reformer la gestion foncière .................................................................................. 39 2.3.11.3. Mettre en œuvre des politiques foncières orientées vers la durabilité des systèmes de productions agro pastoraux. ...................................................................... 39 2.3.11.4. Disposer des outils de gestion foncière à même d’adresser les phénomènes sociaux ou naturels imprévisibles ................................................................................. 40 2.3.12. Esquisses de réponse .......................................................................................... 40 2.3.12.1. La régulation foncière : une démarche indispensable. ................................ 40 2.3.12.2. Revenir à la prescription acquisitive ........................................................... 40 2.3.12.3. Développer des mécanismes de suivi et d’évaluation de la gouvernance foncière 41 3. Evaluation de la gouvernance foncière ............................................................................. 43 3.1. Reconnaissance de la tenure foncière .................................................................... 44 3.2. Droits sur les terres forestières et communautaires et réglementation de l’utilisation des terres rurales ............................................................................................ 47 3.3. Utilisation du sol, planification et développement urbains .................................... 53 3.4. Gestion des terres publiques .................................................................................. 60 3.5. Transparence des procédures et avantages économiques du transfert des terres publiques à un usage privé ................................................................................................ 66 3.6. Accès public aux informations foncières : registre et cadastre .............................. 74 3.7. Estimation de la valeur des terres et fiscalité foncière ........................................... 83 3.8. Résolution des litiges ............................................................................................. 87 3.9. Revue des mécanismes de coordination institutionnelle........................................ 90 3.10. Tableaux récapitulatifs des notations ................................................................. 94 4. Analyse et recommandations en matière de politiques publiques .................................... 97 Conclusion .............................................................................................................................. 104 Références bibliographiques .................................................................................................. 105 Ouvrages généraux .............................................................................................................. 105 Textes de lois et autres dispositions règlementaires ........................................................... 109 AVANT PROPOS Notre reconnaissance va tout spécialement à l’endroit de Madame le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières qui a rapidement perçu les enjeux de cette initiative et a bien voulu instruire quelques uns de ces collaborateurs à s’impliquer dans le processus d’analyse ainsi engagé. Cette marque d’intérêt est porteuse d’espoir quant à la pertinence de ce cadre à participer à l’accompagnement de la réforme foncière au Cameroun. Nous devons à l’AFD et au Ministère des Affaires Etrangères de la République de France, le soutien financier ayant donné lieu à la mise en œuvre du Cadre de l’Analyse de la Gouvernance Foncière au Cameroun. C’est le lieu de témoigner à cette auguste institution d’appui au développement toute notre reconnaissance. Nous avons le devoir de remercier la Coordination mondiale du Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière pour avoir estimé que le Cameroun constituait un cas suffisamment intéressant à étudier pour être intégré dans le processus CAGF. Merci aussi pour la confiance placée au Coordonnateur National pour faciliter ce processus qui n’a pu être conduit qu’avec la mobilisation et la disponibilité d’une équipe de spécialistes et d’acteurs de divers horizons engagée et motivée. Nous assurons également notre reconnaissance à tous les experts qui ont consacré du temps à préparer les backgrounds du document et à soutenir ce travail. C’est aussi l’occasion pour nous de remercier tous les panelistes qui ont spontanément accepté de venir partager leurs idées et savoirs. Nous pensons particulièrement au Président de l’Ordre des Architectes Urbanistes du Cameroun, Pr Yimgaing Moyo, au Secrétaire Exécutif du CED, au Dr Pierre Serge Tchounkoue, au Dr Chimère Diaw, au Dr Djachechi Yvette, au Dr Philippe Karpe, au Pr Ngoufo, à Monsieur Ngounou Tonwe Moïse, expert en fiscalité, au Chef traditionnel de Nkolbisson. Que ceux des experts contactés et qui pour des raisons de d’indisponibilité n’ont pas pu s’impliquer cette fois, sachent que le processus n’est pas terminé et que leur expérience sera sollicitée très prochainement. Nous tenons enfin à remercier le CEREG pour avoir bien voulu mettre à notre disposition les locaux pour abriter les travaux des différents panels. Le Coordonnateur National du CAGF Figure 1 : Carte administrative du Cameroun 1 Introduction La problématique du foncier focalise l’attention de la communauté nationale et internationale du Cameroun depuis quelques années. Deux raisons principales justifient cet intérêt. D’abord, les choix politiques du passé n’ont pas contribué à clarifier la gouvernance foncière. Ensuite, les questions foncières au Cameroun sont rendues complexes à la fois par l’histoire d’un pays où coexistent deux cultures d’emprunt, francophone et anglophone et par la diversité des milieux et des ressources d’un pays forestier qui, dès le début des années 2000, envisage désormais l’atteinte de ses objectifs économiques en intégrant les ressources minières. En effet, le pays a cru devoir privilégier dès le lendemain des indépendances, la grande exploitation agro-industrielle qui suscitait déjà, du temps de la colonisation, la résistance des paysans. Suite à la Conférence de Rio de Janeiro en 1992, le secteur forestier a été profondément réformé et les zonages réalisés sans être précédés d’une réforme foncière qui prendrait en compte cette nouvelle orientation politique (l’exploitation des ressources forestières). Il en est de même du Code Minier qui définit les modalités d’exploration et d’exploitation des mines sans qu’il n’ait été mis en place les mécanismes permettant de prévenir la double affectation des espaces. En principe, les réformes engagées dans les secteurs forestiers et miniers devaient s’appuyer sur une réforme foncière visant à définir la cohérence dans les différentes affectations aux espaces. Cette précaution n’ayant pas été prise, les conséquences sur la gestion des espaces sont nombreuses et essentiellement négatives. L’analyse d’un ensemble d’actes règlementaires et politiques laisse supposer que les pouvoirs publics souhaitent corriger cette imperfection de la gouvernance foncière du Cameroun. Ce choix s’inscrirait alors dans un processus visant à améliorer la gouvernance foncière en améliorant la fiscalité foncière qui actuellement est inopérante, en améliorant les règles de l’expropriation pour cause d’utilité publique (ce qui réduirait la dette indemnitaire de l’Etat), en facilitant l’accès équitable des femmes et des autres couches défavorisées à la terre, en mettant en place une conservation domaniale et foncière fiable, en renforçant la capacité du système à établir des titres fonciers et surtout à réduire le volume de litiges relatifs aux revendications foncières. C’est dans ce contexte fait de défis importants que le Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière a été lancé au Cameroun. Le Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière (CAGF) a été élaboré par la Banque Mondiale dans le cadre d’un partenariat avec la FAO, ONU - Habitat, le FIDA, l’IFPRI, l’Union africaine et plusieurs agences bilatérales de développement bilatérales. Il a pour ambition d’être un outil de diagnostic qui permet d’évaluer le statut de la gouvernance foncière d’un pays tout en facilitant l’échange des bonnes pratiques entre les pays impliqués dans des processus similaires. Le présent rapport restitue de manière globale les résultats obtenus dans le cadre des activités du CAGF. Cela se fait dans le respect des étapes suivantes : - Le rappel du processus de mise en œuvre du CAGF ; - La présentation du contexte général qui facilite la compréhension des problèmes et des esquisses de solutions à ces problèmes ; - L’économie de la typologie foncière et institutionnelle au Cameroun ; - La présentation des résultats de l’analyse de la gouvernance foncière. 2 1. Processus de mise en oeuvre du CAGF 1.1.Introduction du Cadre d’analyse de la gouvernance foncière (CAGF) Le Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière est élaboré par la Banque Mondiale dans le cadre d’un partenariat avec la FAO, ONU-Habitat, le FIDA, l’IFPRI, l’Union africaine et des agences bilatérales de développement pour faciliter l’évaluation du statut de la gouvernance foncière d’un pays d’une part et faciliter le partage des bonnes pratiques ou des expériences des différents pays impliqués dans les processus similaires d’autre part. Le CAGF est un processus dont la durée est limitée dans le temps (trois mois). C’est la raison pour laquelle dans son déploiement, il est préconisé une approche participative et une valorisation des compétences locales s’appuyant davantage sur des données existantes que sur une expertise importée. Dans l’optique de favoriser la collecte et la valorisation des informations nécessaires à l’accompagnement de la réforme foncière actuellement en cours au Cameroun, les principaux axes d’intervention du CAGF se résument en cinq grands thèmes : - Le cadre juridique et institutionnel ; - La planification de l’utilisation du sol, la gestion des terres et la fiscalité foncière ; - La gestion des terres publiques y compris le processus des acquisitions de terres à grande échelle ; - L’accès public aux informations foncières ; - La résolution des litiges et la gestion des conflits. Le CAGF donne une vision synoptique de ces thèmes qui dans le passé ont fait l’objet d’analyses individuelles. N.B : Ces thèmes sont complétés par d’autres modules facultatifs mais suffisamment utiles pour faciliter la compréhension de la problématique foncière comme la gouvernance forestière. Le processus CAGF permet d’établir des consensus entre les préoccupations ou les intérêts des principaux acteurs de la gouvernance foncière au Cameroun et de définir des actions prioritaires relatifs aux : - Données manquantes pourtant pertinentes pour la gouvernance foncière : Le CAGF a pour but de collecter les informations pertinentes pour la réforme engagée dans le cadre de la gouvernance foncière et actuellement non disponibles. - Domaines susceptibles de faire l’objet d’une réforme réglementaire ou institutionnelle, aux nouvelles approches ou approches pilotes ainsi qu’aux interventions visant à améliorer la gouvernance foncière à une plus grande échelle (par exemple en renforçant les droits fonciers et en améliorant leur application) ; - Critères permettant d’évaluer l’efficacité de ces mesures : Le CAGF contribue à mettre en place une structure, un processus et des outils permettant de suivre dans le temps et de manière systématique les progrès accomplis dans le cadre de l’amélioration de la gouvernance foncière. En somme, le CAGF peut être considéré comme une expérience innovante dont les résultats peuvent constituer un outil d’accompagnement de la réforme foncière au Cameroun. 3 1.2.Les arrangements institutionnels préalables à la mise en œuvre du CAGF Après le lancement du CAGF en février 2013, l’enjeu a été la mise en place d’un mécanisme garantissant l’appropriation et l’institutionnalisation des acquis et processus de la gouvernance foncière. Sur ce point, les principaux ministères impliqués de manière directe ou indirecte à la gouvernance foncière au Cameroun ont été contactés et invités à s’impliquer dans le processus porté par le CAGF. Il s’agit des ministères ci-après : - Le Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières (MINDCAF) : Il s’agit de l’administration chargée de la gestion directe du foncier au Cameroun. En tant que telle, elle détermine et applique la politique du Gouvernement en matière de cadastre, des domaines et du foncier. - Le Ministère de l’Economie, du Plan et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) : Cette administration est chargée de coordonner la mise en œuvre des objectifs économiques du pays. Elle est également responsable de l’élaboration et de l’application de la politique d’aménagement du territoire. Dans le cadre de cette mission, elle doit s’assurer la cohérence entre les objectifs de développement du pays et les différentes affectations des espaces par la création d’une synergie entre les administrations impliquées dans la gestion de la terre. - Le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED) : Cette administration est chargée de veiller à ce que les activités de développement économiques s’inscrivent dans une perspective de durabilité en respectant les critères et les normes environnementales. En d’autres termes, l’action du MINEPDED à ce niveau est de s’assurer que les différentes affectations de terres sont conformes aux normes environnementales en vigueur au Cameroun. - Le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) : Cette administration est chargée de la gestion des ressources forestières et fauniques du Cameroun. Elle doit s’assurer que les différentes concessions forestières (UFA et forêts communautaires) et les autres affectations des terres faites dans le cadre de ses attributions (ZICGC, ZIC, aires protégées, etc.) sont en cohérence avec la politique d’aménagement du territoire. - Le Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) : Le MINHDU est responsable de la politique d’habitat et d’urbanisation au Cameroun. Cela suppose également une compétence foncière dont l’exécution doit se faire en conformité avec les attributions des autres administrations en la matière. - Le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) : La politique économique du pays est essentiellement basée sur l’agriculture. En 2011, dans son allocution sur la nouvelle orientation économique du Cameroun, le Chef de l’Etat a annoncé la mise en place d’une agriculture de seconde génération. Cette agricult ure nécessite d’importants espaces dont l’attribution se fait par le MINADER. L’objectif ici est de s’assurer que les affectations des terres faites par cette administration sont conformes à la politique d’aménagement du territoire. - Le Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique (MINMIDT) : Les ressources minières constituent elles aussi l’un des socles sur lesquelles les pouvoirs publics veulent bâtir le développement du Cameroun. L’objectif ici est de s’assurer que les différents permis délivrés par cette administration sont conformes aux autres affectations des terres pour éviter les chevauchements qui sont actuellement observés. 4 Parallèlement à cette démarche, des consultations ont été engagées pour identifier au sein de la société civile et de la communauté scientifique (universités et centres de recherches) des acteurs compétents susceptibles de mettre leur compétence au profit du processus engagé par le CAGF. 1.3.Le déroulement des travaux du CAGF L’action du CAGF s’articule autour d’un cadre constitué de 27 indicateurs de gouvernance foncière répartis dans les 5 grands thèmes ci-dessus définis. Ces indicateurs sont chacun divisés en 3 ou 4 dimensions auxquelles sont attribuées des notations par des panels d’experts sur la base de réponses pré-codifiées (sur une échelle de A à D) selon une grille qui s’appuie sur l’expérience des divers pays en matière foncière. La mise en œuvre se fait par étapes successives qui sont supervisées par le Coordonnateur du CAGF. Pour obtenir un socle commun de données et d’informations indispensables à l’obtention d’un consensus sur le classement et les actions prioritaires, deux ensembles de documents sont préparés. Le premier vise à caractériser le contexte par la définition de la typologie des tenures foncières. Ce premier ensemble de documents rend compte de la situation de la tenure foncière au Cameroun, quantifie les superficies concernées et renseigne sur la population qui relève de chaque catégorie. Ces documents identifient aussi les principales carences, les zones de chevauchement entre les catégories et les institutions du secteur en faisant ressortir leurs faiblesses et les différents domaines où il existe des conflits de compétences. Le second ensemble de documents est une synthèse de la documentation pertinente préparée par des experts locaux à partir d’études existantes et de la littérature « grise ». Cette synthèse prend la forme de rapports structurés selon les grands thèmes du CAGF et qui fournissent les informations requises pour l’évaluation des acquis ou des manquements de la gouvernance foncière. Pour chaque thème, la coordination du CAGF organise des séances de travail d’une journée réunissant 3 à 6 experts thématiques et des utilisateurs des systèmes fonciers. Lors de ces panels, les participants discutent de chacune des dimensions pour parvenir à une notation consensuelle et convenir des priorités de politique publique. Les discussions sont résumées dans des procès-verbaux et le compte rendu de ces discussions est relu et approuvé par les membres du panel. Les différents documents produits ainsi que les notes tirées du procès-verbal sont ensuite synthétisés par l’équipe de coordination du CAGF dans un rapport national largement diffusé. Le présent rapport restitue de manière globale les résultats obtenus dans le cadre des activités du CAGF. Cela se fera en deux étapes à savoir la présentation des données de référence sur le Cameroun et l’analyse de la gouvernance foncière au Cameroun. 2. Données et informations de références 2.1.Généralités géographiques, historiques et politiques Le Cameroun s’étire sur de 1° 40’ au 13° de latitude Nord, couvrant ainsi 11° au Nord de l’équateur. Cette position géographique lui confère l’avantage de réunir l’essentiel des climats de l’Afrique tropicale. Cet avantage a pour conséquence majeure de favoriser l’existence d’un écosystème varié organisé selon la disposition des bandes climatiques. Les milieux camerounais ont exercé un attrait particulier sur les peuples en mouvement ou se sont, par la force des choses, retrouvés dans l’axe de divers courants migratoires. Le Cameroun est l’un 5 des pays d’Afrique où convergent des peuples aux civilisations aussi divergentes que les Bantous venus du sud et des Soudanais issus des steppes du nord. Le Cameroun doit cette position particulière à son histoire. En effet, le pays a subi l’influenc e de plusieurs nations européennes. Les premiers furent les portugais qui abordèrent les côtes camerounaises en 1472. Le pays doit son nom à ce premier contact. Par la suite, les Allemands se sont installés à la faveur de leur Protectorat signé en 1884 avec les chefs dualas. Après la fin de la première guerre mondiale et la défaite allemande, le Cameroun passe sous le mandat de la SDN exécuté par la France (Cameroun oriental) et la Grande Bretagne (Cameroun occidental). A la fin de la seconde guerre mondiale, le statut du mandat de la SDN évolue vers celui de la tutelle de l’ONU toujours exécuté par ces deux pays suivants les mêmes conditions. De cette présence franco-britannique se forgeront les deux cultures d’emprunt actuellement en cours au Cameroun marqué par la coexistence du français et de l’anglais. A l’Ouest, dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, lesquelles constituent le Cameroun sous administration anglaise, l’anglais est la langue officielle utilisée tandis que dans le reste du pays, la langue officielle est le français. Cette situation a favorisé le développement d’un bilinguisme officiel, en perpétuelle évolution et qui en dépit des difficultés observées reste l’unique exemple connu en Afrique. Sur le plan géopolitique, le Cameroun reste la locomotive de la sous région d’Afrique Centrale. Il est avec les Républiques du Gabon et de Guinée Equatoriale le pays le plus stable de la CEMAC. Les principaux indicateurs macroéconomiques du Cameroun indiquent que le pays peut s’inscrire dans un rythme de croissance à deux chiffres. Sur le plan de l’action des acteurs non étatiques, la structuration de la Société Civile s’est considérablement améliorée au fur et à mesure des années et ses compétences ou sa capacité à agir s’est aussi renforcée. Sur le plan politique, en dépit du lancement des inscriptions biométriques sur les listes électorales, les partis d’opposition réclament un code électoral plus ouvert et plus équitable. Avec les élections sénatoriales qui ont eu lieu en 2013, le pays expérimente actuellement le bicaméralisme. S’agissant de l’organisation administrative, le Cameroun est structuré en 10 régions et 58 départements. Les arrondissements sont les unités administratives les plus petites. Le processus de décentralisation engagé il y a une dizaine d’années environ est encore loin d’avoir abouti à cause notamment des retards observés dans le transfert des moyens financiers et des responsabilités aux communes. Enfin, plusieurs grands travaux d’infrastructures ont été lancés dans tout le pays depuis bientôt deux ans. Il s’agit notamment de la construction des infrastructures hydroélectriques (barrages Lom-Pangar, Memeve’ele, Bini Warak, Mentchum, centrales à gaz de Kribi, etc.) portuaires (port en eau profonde de Kribi) routières (autoroute Douala-Yaoundé, du deuxième pont sur le Wouri,), etc. 6 2.2.Le contexte socio économique de la gouvernance foncière 2.2.1. Dynamique de la population camerounaise D’après le dernier recensement de la population qui s’est fait en 2005, le Cameroun compte dix sept millions quatre cent soixante trois mille huit cent trente six habitants (17 463 836)1, soit 8 831 800 femmes et 8 632 036 hommes. Cette population présente trois caractéristiques principales : une inégale répartition sur l’ensemble du territoire national, une urbanisation galopante et une population extrêmement jeune. En 2010, la population du pays était évaluée à 19 400 000. La population du Cameroun est inégalement répartie sur l’ensemble national. On peut classer les 10 régions administratives du Cameroun dans 3 groupes, en fonction de l’importance numérique de l’effectif de leur population. Le premier regroupe les régions de l’Extrême- Nord (3 111 792 habitants), du Centre (3 098 044 habitants) et du Littoral (2 510 263 habitants). Ce sont les plus peuplées, avec chacune plus de 2 millions de personnes. Elles concentrent un peu moins de la moitié de la population totale (49 ,9%) sur un peu plus d’un quart de la superficie (26,4%). Le deuxième groupe compte le Nord-Ouest (1 728 953 habitants), l’Ouest (1 720 047 habitants), le Nord (1 687 959 habitants) et le Sud-Ouest (1 316 079 habitants). Ce groupe rassemble une population de 6 454 938 habitants sur une superficie de 123 602 Km² soit 36,96% de la population sur 26,47% de la superficie totale. Le dernier groupe comprend les régions ayant chacune moins d’un million d’habitants : l’Adamaoua (884 289 habitants), l’Est (771 755 habitants) et le Sud (634 655 habitants). Elles contiennent 2 290 899 habitants pour une superficie de 219 894 km² soit, 13,12% de la population totale éparpillées sur 46,28% du territoire. L’économie de cette répartition est faite dans le tableau ci-dessous : Tableau 1 - Répartition de la population et densité du peuplement par région au Cameroun N Régions Chef-lieu Population Superfici Densité % Nombre % superficie ° e au km² Pop. de Totale totale ménages 1 Adamaoua Ngaound 884 289 63 701 13,9 5,06 159226 13,64 éré 2 Centre Yaoundé 3 098 68 953 44,9 17,74 539361 14,77 044 3 Est Bertoua 771 755 109 002 7,1 4,42 159633 23,34 4 Extrême-Nord Maroua 3 111 34 263 90,8 17,82 598829 7,34 792 5 Littoral Douala 2 510 20 248 124 14,37 487753 4,34 283 6 Nord Garoua 1 687 66 000 25,5 9,66 269992 14,13 859 7 Nord-Ouest Bamenda 1 728 17 300 99,9 9,90 314991 3,70 953 8 Ouest Bafoussa 1 720 13 892 123, 9,85 374928 2,98 m 047 8 9 Sud Ebolowa 634 855 47 191 13,4 3,63 113074 10,11 1 Sud-ouest Buea 1 318 26 410 51,8 7,55 252815 5,66 1 Bureau Central des recensements et des études de population (BUCREP) 2005 7 0 079 Source : Recensement général de la population et de l’habitat 2005 D’avril 1987 à novembre 2005, la densité de population du Cameroun est passée de 22,6 habts/km² à 37,5. En 2005, cet indicateur connaît de grandes variations géographiques : les régions les plus densément peuplées sont par ordre d’importance : le Littoral (124 habts/km²) et l’Ouest (123,8 habts/km²), le Nord-ouest (99 habts/km²) et l’Extrême-nord (90 habts/Km²), tandis que celles qui le sont le moins, sont : l’Adamaoua (13,9 habts/km²), le Sud (13,4 habts/km²) et l’Est (7,1 habts/km²). L’urbanisation est très certainement le fait démographique le plus marquant que révèlent les résultats définitifs du 3ème recensement général de la population (RGPH). En effet, le nombre de villes de plus de 100 000 habitants est passé de 6 à 9 entre 1987 et 2005, avec 2 villes, Douala et Yaoundé, qui ont chacune environ 2 millions d’habitants. De cette situation, le taux d’urbanisation est passé de 37,9 % à 48,8 % de 1987 à 2005 pour atteindre 52% en 2010 soit 10 088 000 habitants. La répartition par âge de la population urbaine montre également son extrême jeunesse, avec 39,2% de la population urbaine âgée de moins de 15 ans. L’Annuaire Statistique du Cameroun 2011 de l’INS dans son Chapitre 4 relatif aux caractéristiques de la population camerounaise fournit plus d’informations sur cette particularité de la population camerounaise. En effet, il ressort des travaux de cet institut que la moitié de la population du Cameroun a moins de 17 ans et selon le sexe, l’âge médian est de 18 ans chez les femmes et 17 ans chez les hommes. En ce qui concerne la structure par grands groupes d’âge de la population, la population de moins de 15 ans représente 43% et le sommet effilé de la population de 65 ou plus représente 3,5% (INS-2011). Les conclusions de ces travaux réalisés par l’INS en 2011 fournissent plus de détails sur les tranches d’âge de la population camerounaise : En 2007, les personnes de moins de 15 ans représentent 42,47% de la population totale tandis qu’en 2012, on estime cette population à 42,49%. Celles qui ont entre 15 et 25 ans représentent 20,50% en 2007 alors qu’en 2012, ils sont estimés à 19,36%. Le troisième groupe d’âges (25 à 64 ans) représente 33,91% et les estimations de 2012 prévoyaient 34,88%. Le dernier groupe (65 ans et plus) qui représente 3,31% en 2007, était estimé en 2012à 3,29 % de la population totale (INS-2011). 2.2.2. Une économie basée sur le secteur agro pastoral L’économie du Cameroun est basée sur le secteur agropastoral. Les cultures vivrières et les cultures d'exportation, l'élevage, la pêche et la sylviculture constituent les piliers de l'économie du pays. En 2005, l’agriculture camerounaise comptait pour 41,5% du PIB, employait près de 50% de la population active et générait plus de la moitié des recettes totales d'exportation. L’état de ce secteur se traduit aussi par l’évolution des superficies. La superficie agricole par rapport à la superficie totale du pays qui était de 19,6% en 1985 est passée à 20% en 2005. Cette agriculture est soutenue pour l’essentiel par les exploitations familiales, caractérisées par leur petite taille, le sous-équipement et les difficultés d’évacuation des produits. Toutefois, le secteur agricole a vu apparaitre les entrepreneurs agricoles au courant des années 1990. Il s’agit des exploitants qui gèrent d’importantes superficies agricoles sur lesquelles sont cultivées des produits aussi variés que le palmier à huile, le cacao, les arbres fruitiers etc. Ces produits sont pour l’essentiel destinés à l’exportation que se soit dans les pays de la sous région de l’Afrique Centrale que dans ceux d’Europe ou au-delà de l’Occident. L’activité des 8 entrepreneurs agricoles qui sont le fait d’une élite urbaine (hauts responsables de la fonction publique pour la plupart) ont un impact majeur sur les ressources foncières du pays. Mais, depuis 2012, le choix des pouvoirs publics en faveur d’une agriculture de seconde génération est clairement établi. Les grandes et moyennes exploitations ainsi qu’une mécanisation de l’agriculture sont désormais les priorités clairement définies par les pouvoirs publics. En réalité, il s’agit là d’une option constante de l’Etat camerounais exprimée de différentes manières au fil des décennies (G. Courade, 1980, Konings, 1988). Cette option stratégique de l’Etat est facilitée de nos jours par un ensemble de mesures. Ces mesures peuvent prendre la forme de l’incitation des élites urbaines à s’investir dans la création des exploitations agricoles dans leur village, des exonérations accordées aux promoteurs d’activités agro industrielles, de la possibilité désormais reconnue d’acquérir les terres à grande échelle, etc. Cependant, il convient de constater que toutes ces orientations données au secteur agropastoral n’ont pas eu d’impact majeur sur l’inversion de la courbe de la pauvreté. En effet, l’analyse des chiffres de la BAD indique que depuis l’adoption des décisions politiques relatives à la réorientation de la politique agricole du Cameroun, les indices de pauvreté au Cameroun n’ont pas significativement baissé puisqu’ils sont passés de 40% en 2003 à 39% en 2009 (BAD, 2009). 2.2.3. Une urbanisation au taux de croissance rapide et non maîtrisée L’urbanisation est très certainement le fait démographique le plus marquant que révèlent les résultats définitifs du 3ème recensement général de la population (RGPH). En effet, le nombre de villes de plus de 100 000 habitants est passé de 6 à 9 entre 1987 et 2005, avec 2 villes, Douala et Yaoundé, qui ont chacune environ 2 millions d’habitants. De cette situation, le taux d’urbanisation est passé de 37,9 % à 48,8 % de 1987 à 2005 pour atteindre 52% en 2010 soit 10 088 000 habitants. Afin de cerner les contours de ce phénomène, il importe de l’étudier dans sa dynamique. L’analyse de l’urbanisation au Cameroun sur plusieurs décennies indique que ce phénomène qui se distingue par sa rapidité, est l’une des caractéristiques majeures de la dynamique socio spatiale du pays. C’est ce qui ressort des données collectées dans le cadre des efforts visant à cerner ce phénomène. Actuellement au Cameroun, 8 514 938 personnes vivent en ville et 8 948 898 en milieu rural, soit un taux de 48,8%. La proportion de personnes vivant dans les zones urbaines s’est régulièrement accrue. Elle était de 28,1% en 1976, de 37,9% en 1987 et autour de 52% en 2010. Cela équivaut à un taux d’accroissement annuel compris entre 6 à 6,5% par an. Cette forte urbanisation matérialisée par des flux migratoires importants vers les zones urbaines a pour conséquence directe d’accroitre la pression foncière dans les centres urbains en vue de la satisfaction des besoins en logement, en équipements socio collectifs et en services. La forte urbanisation soulignée s’observe également dans l’augmentation des villes de plus de 100 000 habitants. Ces villes sont passées de 6 à 9 entre 1987 et 2005. Cette réalité permet à titre de comparaison avec les autres villes des pays d’Afrique francophones du Sud du Sahara de constater que le Cameroun est le seul pays à disposer d’autant de villes moyennes. En effet, l’examen de la situation urbaine de quelques pays voisins comme le Gabon, le Congo, la RCA et le Tchad révèle une bicéphalie urbaine qui, en plus de la capitale, n’ont pas plus de trois villes de plus de 100 000 habitants. Le Cameroun quant à lui en compte une dizaine parmi lesquelles Bamenda, Bafoussam, Garoua, Maroua et Bertoua. 9 Au niveau régional, l’on observe de grandes variations des taux d’urbanisation. Ainsi, les régions du Littoral et du Centre s’illustrent par des taux très élevés, respectivement de l’ordre de 96,1% et 74,8%. Aucune des 8 autres régions du pays n’atteint un niveau d’urbanisation au moins égal à la moyenne nationale. La rapidité de la croissance urbaine pose le problème de l’accès à la terre. L’urbanisation rapide observée au Cameroun entraîne une forte pression sur les terrains urbains et les services responsables de la gestion des affaires foncières et domaniales. Dans les faits, en l’absence des plans d’urbanisation clairs, les quartiers se sont construits de manière anarchique avec des conséquences négatives sur l’environnement et l’hygiène. La situation n’est guère plus stable dans les zones rurales car plus de 70% des maisons n’ont pas de titre de propriété. Les résidents des zones urbaines sont pour la plupart propriétaires coutumiers des parcelles sur lesquelles sont bâties leurs maisons ou locataires. Enfin, le phénomène d’urbanisation observé dans les villes du Cameroun a également apporté de plusieurs types de problèmes. Les villes du Cameroun comme celles de la plupart des pays de l’Afrique Subsaharienne sont secouées par une crise économique depuis plusieurs années. Cette situation a accentué la pauvreté urbaine dont les caractéristiques sont la faiblesse de la délivrance des services d’eau et d’électricité ainsi que l’augmentation de l’insécurité. L’une des solutions envisagées par les pouvoirs publics pour faire face à ces difficultés est le renforcement de la décentralisation. L’idée ici est de transférer des responsabilités aux communes en particulier dans le secteur de l’urbanisme et de l’habitat afin que toutes les difficultés nées de la forte urbanisation soient gérées au niveau local. 2.2.4. L’exploration minière : entre espoirs et inquiétudes Depuis le début des années 2000, l’exploration minière a été autorisée par les pouvoirs publics camerounais. Pour matérialiser cette ambition désormais revendiquée des autorités d’utiliser les ressources minières pour soutenir les efforts de développement du Cameroun, plusieurs permis d’exploration ont été délivrés à diverses entreprises minières notamment Camiron, Venture capital Group, Resource Generation Limited. Les permis sont délivrés sur des espaces situés dans les régions de l’Est et du Sud du Cameroun. Plusieurs types de minerais sont concernés mais les plus importantes sont le fer, le cobalt, le nickel et le diamant. Le problème que soulève la délivrance des permis d’exploration et très bientôt d’exploitation est celui du chevauchement des espaces sur lesquels ces permis sont délivrés. En effet, les permis d’exploration n’ont pas été délivrés suivant une démarche holistique. Seul le zonage forestier a été réalisé et il arrive régulièrement que les permis d’exploration chevauchent d’autres usages, créant de nombreux conflits dont certains opposent diverses institutions étatiques. Les procédures visant à résorber ce type de difficultés sont longues et très peu transparentes, ce qui risque d’avoir une conséquence réelle sur la délivrance des permis d’exploitation. Cette situation pousse à considérer l’opportunité constituée par l’exploration comme étant l’un des plus grands risques auxquels est confrontée la gouvernance foncière au Cameroun. 2.3.Les grandes tendances de l’occupation de l’espace 2.3.1. Les fondements géographiques de la diversité L’essentiel des terres du Cameroun sont cultivables. Cet avantage est dû à la situation géographique du pays. En effet, la position latitudinale du pays lui permet non seulement de 10 disposer de la plupart des climats de l’Afrique Tropicale sur son sol, mais aussi de disposer d’une gamme variée d’écosystèmes organisés selon la disposition des bandes climatiques. Cette diversité des ensembles phytogéographiques explique la grande variété des paysages et des utilisations foncières qui sont observées sur l’ensemble du territoire national depuis la forêt équatoriale (qui s’étend au sud et à l’Est) jusqu’à la zone désertique qui commence au Nord pour s’étendre jusqu’à la région de l’extrême Nord qui elle fait déjà partie de la bande sahelienne. Le tableau ci-dessous est une synthèse des données obtenues en 2005 sur l’occupation des sols en milieu rural au Cameroun. Tableau 2 - Occupation des sols en milieu rural au Cameroun, estimation de 2005 Superficie totale 47 544 000 ha Terres cultivables 36 000 000 ha Superficies cultivées 7 016 000 ha Superficie des cultures vivrières 3 006 339 ha Autres cultures de rente 3 609 661 ha Superficie approximative des acquisitions à grande échelle 400 000 ha en 2011 Source : compilation de données Agristat (N°15) et Rapport Friedrich Ebert 2.3.2. L’occupation et la gestion des espaces forestiers Le Cameroun occupe le plus grand massif forestier du continent après la RDC soit 19,6 millions d’ha ce qui représente environ 40% du territoire camerounais. Cet important massif forestier n’est cependant pas uniforme. Il est reparti ainsi qu’il suit : - Le Domaine Forestier Permanent (12,8 millions d’hectares): Il représente les terres définitivement affectées à la forêt et appartenant à l’Etat (forêts domaniales) et aux collectivités publiques (forêts communales). - Le Domaine Forestier Non Permanent ou forêts à vocation multiple) : Ce sont les terres du domaine national. Elles peuvent être affectées à divers usages (agriculture, élevage, projets de développement, forêts communataires et forêts de particuliers). Ces terres représentent 6,8 millions d’ha. - La Mangrove : Selon la FAO (2005), la mangrove du Cameroun couvrait une superficie totale de 472 500 ha en 1980. Cependant, elle s’est réduite pour ne représenter que 250 000 ha en 2010. Tableau 3 - Situation (juin 2009) de l’utilisation de l’espace forestier au Cameroun Types d’utilisation des forêts Superficie (ha) % Boisements 57828,6 0,21 Forêts communautaires 621245 3,16 Forêts communales 372669 1,90 Parcs et aires protégées 4 072274 20,74 Unités Forestières d’Aménagement et réserves forestières 7 732452 39,39 Forêts non classées au sein du domaine national 6 774531 34,51 Total 19631000 100 Source : P. Mbile et al. RRI, Yaoundé, 2009 11 Les politiques de gestion des terres au Cameroun varient selon l’utilisation qui en est faite. Dans les forêts relevant du domaine non permanent, les stratégies d’utilisation de l’espace préconisent un aménagement conservatoire ou d’attente, adaptées à l’évolution et aux besoins des populations riveraines. Dans la forêt du domaine permanent, l’objectif est la mise en place d’un couvert forestier représentant au moins 30% du territoire national et composé de massifs forestiers gérés sur la base des plans d’aménagement. Ce système d’aménagement privilégie la mise en place des unités forestières d’aménagement (UFAs), dont le suivi de la mise en œuvre incombe au MINFOF et son financement supporté par l’activité forestière qui s’y développe. Les Unités Forestières d’Aménagement (UFA) constituent la base d’attribution des concessions aux opérateurs économiques. Ces concessions sont de grandes superficies forestières attribuées pour une gestion à long terme afin de sécuriser l’investissement de l’opérateur économique en lui permettant de s’impliquer dans l’aménagement des forêts. Plus concrètement, l’exploitation forestière est autorisée dans les forêts permanentes par convention d’une validité de 15 ans renouvelables pour ce qui est des concessions forestières ne pouvant dépasser 200 000 ha. Dans la forêt non permanente, elle est autorisée dans le cadre des ventes de coupe d’une superficie de 2500 ha pour une durée de 3 ans. L’exploitation est actuellement assurée par une centaine de sociétés forestières (dont 41 % appartiennent à des nationaux) implantées sur près de 6 millions ha 2. L’industrie forestière compte parmi les plus développées de la sous-région, avec une capacité installée de plus de 2,5 millions de m3. Le revers de ce développement reste l’importance du taux de déboisement au Cameroun qui est de 0,9% par an soit le plus élevé d’Afrique. Dans le même ordre d’idées, des efforts sont fournis pour assurer la conservation des ressources forestières. Ainsi, les plans de zonage ont permis l’organisation du territoire suivant les exigences du décret d’application du régime des forêts signé en 1995. Les plantations forestières sont réalisées aussi bien par les organismes publics que sur la base des initiatives privées. Le réseau des aires protégées du Cameroun couvre 12,5% du territoire national soit 6 127 566 ha. L’objectif des pouvoirs publics est de porter cette superficie à 30%. Ces efforts sont soutenus par le PAU (Plan d’Action d’Urgence) issu de la Déclaration de Yaoundé (2009). L’idée portée par cet instrument juridique international est de trouver des solutions durables aux problèmes de la gestion des ressources forestières du Cameroun exacerbés par la crise économique mondiale avec l’appui PTF. Depuis l’entrée en vigueur de la loi forestière de 1994, le nombre d’exploitants agréés croît considérablement : 450 en 1995, plus de 900 en 1999. A cette date, environ 90% d’entre eux sont des nationaux (MINEFI, 2000). En 1999, les agréments à la profession forestière se résument ainsi qu’il suit : Tableau 4 - Les agréments à la profession forestière par catégories Type d’agrément Nationaux Etrangers Total Nationaux (%) Exploitation de bois d’œuvre 535 80 615 87 Bois d’œuvre par permis 372 0 372 100 Sylviculture 3 0 3 100 Inventaire forestier 15 0 15 100 Exploitation des produits spéciaux 48 2 50 96 2 Depuis la loi forestière de 1994, le nombre d’exploitants agréés croît au fur et à mesure des années : 450 en 1995, plus de 900 en 1999. A cette date, environ 90% d’entre eux so nt des nationaux (MINEFI, 2000). Les détails sur le développement de l’exploitation forestière sont fournis à l’annexe 1. 12 TOTAL 973 82 1055 92 Source : MINFI, 2000 2.3.3. Occupation et utilisation des terres rurales Il conviendra d’examiner tour à tour l’occupation et l’utilisation des terres dans les zones rurales du Cameroun. Cette approche facilitera la compréhension de l’exploitation des ressources foncières localisées dans les zones rurales. Les terres arables sont estimées à environ 7,2 millions d’hectares, mais seulement 1,8 millions d’hectares sont effectivement cultivées. L’enquête AQUASTAT, réalisée par la FAO en 2005, a permis de situer le potentiel du Cameroun en terres irrigables à 290 000 ha. Le secteur de l’irrigation s’est développé suivant deux systèmes: intensif (ou moderne) et traditionnel. En 2000, le système intensif couvrait une superficie de 25 654 ha, dont 22 450 ha correspondaient aux zones équipées en maîtrise totale de l’eau dans les périmètres gérés auparavant par des sociétés d’État. En somme, moins de 33 000 hectares de terres sont actuellement irrigués. A cette superficie, il faut ajouter 2 800 ha d’épandage de crues aménagés près de Garoua dans le Nord pour la culture du sorgho et 404 de bas-fonds équipés, d’une part, par les projets du Fonds Spécial d’Aménagement Rural II (FSAR II) sur 250 ha à Moulvoudaye et, d’autre part, par le Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire (PSSA) sur 145 ha dans l’Ouest et 9 ha dans l’Extrême-nord. La superficie du système irrigué traditionnel n’est pas connue. Cette catégorie concerne divers petits périmètres rizicoles disséminés sur l’ensemble du territoire national et de nombreux îlots maraîchers cultivés par des agriculteurs individuels ou de petits groupements. Cela permet de constater l’importance du potentiel qu’offre la disponibilité de ces immenses terres réputées fertiles. Un potentiel qui trahit aussi la sous utilisation des terres. La mise en valeur du potentiel agricole du Cameroun paraît donc faible: seulement 17% des terres irrigables sont exploitées, alors que 26% seulement des terres arables sont cultivées. Face à cette situation, les autorités se sont investies pour améliorer l’utilisation des terres arables du pays : 30 milliards FCFA issus de l’allègement de la dette ont récemment été investis pour s’engager dans le programme « Installation de 15 000 jeunes dans l’agriculture ». La création et le développement des moyennes et grandes exploitations sont encouragés par la mise à disposition par l’Etat de terres du domaine foncier national et l’aménagement de zones d’installation. Les opérateurs économiques engagés dans ce processus bénéficient également d’un appui conseil spécifique et d’un appui au développement de leurs plantations. Le tableau ci-dessous renseigne sur les chiffres des superficies cultivées au Cameroun : Régions Superficie (ha) Disponible Cultivée % Extrême Nord 3 426 000 402 700 11,8 Nord 6 779 800 149 600 2,2 Adamaoua 6 199 200 82 700 1,3 Est 10 890 000 134 500 1,2 Centre 6 894 200 256 200 3,7 Sud 4719 000 114 500 2,4 Littoral 2 022 000 76 000 3,8 Sud-Ouest 2 491 000 189 000 7,6 Nord-Ouest 1 730 000 200 500 11,6 13 Ouest 1 389 000 199 800 14,4 Cameroun 46 540 200 1 966 800 3,9 Tableau 5 - Superficies cultivées par région en 2000 (AGRISTAT) 2.3.3.1.La région du Nord Dans la région du Nord, près de 45% de la surface est dévolue à la chasse et à l’environnement et moins de 10 % à l’agriculture, avec de fortes différences selon les départements. Ainsi, 50 % de la ressource se trouve dans le Mayo Rey. La Bénoué offre 40 % de sa surface pour le pâturage. Le Mayo Louti et le Faro ont des surfaces pâturables comparables alors que le Mayo Louti se caractérise par un émiettement marqué en une multitude de zones de pâturage et une part importante de la surface dévolue aux parcours (50 % environ, des montagnes). Enfin, le Faro, occupé à près de 60 % par les parcs et les zones de chasse, réserve peu d’espace pour le pâturage. Sur la base de ces informations, il a été constaté l’existence des secteurs surchargés (Mayo Louti), des secteurs relativement équilibrés (Bénoué) mais aussi des secteurs dont le potentiel est encore largement sous exploité (Faro, Mayo Rey). Cette situation donne d’aboutir à la conclusion selon laquelle le potentiel des parcours de la région du Nord est compatible avec une projection du cheptel en 2007 estimée à 1 400 000 UBT (CIRAD-TERA, 1998). Dans la région du Nord, la ressource est inégalement répartie dans l’espace et dans le temps. Seule la transhumance permet de s’adapter à cette disponibilité inégale de la ressource et d’optimiser son utilisation. 2.3.3.2. La zone des Hauts plateaux de l’Ouest Les régions de l’Ouest et du Nord-Ouest montrent des tendances d’occupation de l’espace très similaires. Le milieu naturel favorable avec un climat d’altitude et des sols volcaniques relativement fertiles expliquent les fortes densités de populations (114 hab./Km²). Sur le plan social, cette zone est caractérisée par des structures coutumières fortes et hiérarchisées. Elles sont ainsi le domaine des cultures céréalières (maïs, haricots, riz, etc.) mais surtout d’une polyculture en petites exploitations. C’est le domaine par excellence de la culture du café. Tandis qu’à l’Ouest, se répandent les cultures maraîchères au dépend des raphiales des bas - fonds, dans le Nord-Ouest, la principale difficulté est l’existence de deux types de conflits qui apparaissent régulièrement. Le premier type oppose les agriculteurs locaux et éleveurs Mbororos tandis que le second type de conflits est marqué par la persistance des tensions entre agriculteurs locaux et grandes plantations industrielles de théiculture (CDC, Ndu Tea Eastate, Ndawara). 2.3.3.3. Les régions occupées par la forêt dense La zone des forêts humides couvre la région côtière et maritime. Elle s'étend sur 9671,3 Km² environ et se caractérise par une forte concentration humaine. Le développement des activités industrielles, agricoles, portuaires et pétrolières en a fait une zone d’immigration importante (respectivement 52,3% et 51,6% d’hommes dans les provinces du Littoral et du Sud-Ouest). La densité moyenne de la population y est de 132,6 hab./Km². C’est le domaine des grandes exploitations industrielles (bananeraies du Mungo, hévéaculture de Tiko et de Kribi, palmeraies de Kribi, Edéa, théiculture des versants du Mont Cameroun). La typologie des 14 conflits fonciers observés dans cette zone est celle opposant les entreprises agro industrielles et les communautés coutumières. Les régions de l’Est, du Sud, du Centre et du Littoral peuvent être associées à ces régions de forêts denses. Ces régions couvrent une superficie de 181 681,5 Km². Dans ces régions, les cultures vivrières sont dominées par les tubercules tandis que le cacao y constitue la principale culture de rente. La densité moyenne de la population dans cette zone est relativement faible (42,7 hab./Km²) avec des variations de moins de 10 hab./km2 au sud-est du pays et plus de 100 hab./km2 dans le département de la Lékié au nord de Yaoundé. Ici, compte tenu de la prégnance de la forêt, la question de la reconnaissance des droits des peuples autochtones demeure un défi, en dépit des avancées récentes en matière de gouvernance forestière au Cameroun. Si l’on considère les zones agro écologiques plutôt que la structuration administrative ci-dessus, les grandes tendances des terres cultivées sont définies dans le tableau suivant : Zones Superficies Cultivées Remarques agroécologiques Zone soudano 102 680 23% Parcs et réserves, sahélienne pâturages Savanes guinéennes 138 000 12% Petite agriculture Hautes terres de 86% < de 2ha/ famille l’Ouest Zones côtières 9671 53% 60% agro industries Zones forestières 181 681 4% Concessions forestières Tableau 6 – Grandes tendances des terres cultivées par zone agro écologique 2.3.4. Occupation et dynamiques des espaces urbains Le Cameroun est l’un des pays les plus urbanisés d’Afrique subsaharienne, avec un taux d’urbanisation envoisinant le pourcentage de 50% en 2003 et estimé à 52% en 2010. Les deux métropoles, Douala et Yaoundé dont le taux de croissance annuel est d’environ 5,6 % concentrent 39 % de la population urbaine du pays. En 2010, Douala couvrait une superficie de 210 km2 sur 1000 km2 potentiellement disponibles et Yaoundé 180 km2 sur 304 km2 disponibles. Entre 1973 et 1988, la ville de Yaoundé s’est étendue à un taux moyen de 8,1 % par an. Dans le même temps, la surface urbanisée de cette ville est passée à 12 848 ha contre 3 975 ha en 1973 (R. Sietcheping, 2000). Elles sont suivies par 18 villes qui comptent entre 100 000 et 300 000 habitants et 34 villes ayant entre 10 000 et 100 000 habitants. Selon certaines estimations, 68% des Camerounais vivront en ville en 2020. En 2000, la population urbaine était de 7,3 millions et elle est estimée à 17,5 millions en 2020, soit plus de la moitié de la population totale (le taux de croissance moyen annuel de la population urbaine est de 5%). Dans les villes du Cameroun en général et les métropoles Douala et Yaoundé en particulier, le problème de logements se pose avec acuité. Les demandes en nouveaux logements sont évaluées à 30 000 unités par an alors que les organismes formels réalisent moins de 5 000 unités par an. En raison de la faiblesse de leur pouvoir d’achat, une bonne partie de la population urbaine ne peut se loger décemment. Il existe une inadéquation entre la demande et l’offre de logements. Pour y faire face, des quartiers spontanés mal desservis et sous-équipés se créent à la périphérie des villes. En dépit de cette situation, les prévisions indiquent que les flux migratoires vers les zones urbaines seront encore plus importants. Ces migrations vont entrainer une pression foncière 15 dans les centres urbains qui s’exprimera en termes de demandes en logements, équipements socio collectifs et en services. Les défis en lien avec la gestion foncière, la sécurisation des droits et des transactions foncières vont s’accroître dans les centres urbains et semi-urbains. Sur ce point, le marché foncier formel aura tendance à se concentrer dans les milieux urbains et périurbains, confirmant la tendance actuelle en la matière. A titre de précision, 50% des immatriculations foncières sont le fait des fonctionnaires ou agents publics tandis que seulement 5% de ces dernières faites par les paysans (Rapport Banque Mondiale). 16 2.3.5. Typologie Foncière Types de tenure Superficie et Reconnaissance juridique et Chevauchements et problèmes potentiels population caractéristiques I.1. Domaine national de 1ère Régit par l’Ord. n° 74/1/ du catégorie 06/8/1974 fixant le régime Terres occupées ou exploitées avant foncier & loi n°94/01/ du le 05/08/1974 non classées ni dans 20/01/1994 portant régime des le domaine public ni dans le forêts, de la faune et de la domaine privé de l’Etat, ni dans le pêche. domaine privé des tiers La majorité des occupants coutumiers des I.1.1 Domaine urbain 10,5 millions villes croient être les légitimes propriétaires L’art. 15 de l’ord. N° 74-1 du d’habitants en 2010 Régi par le Décret N° 79-189 et ne jugent pas bon d’immatriculer ces 06/07/1974 fixant le régime foncier soit environ du 17/5/1979 réglementant la terres. Il s’agit des terres du domaine I - DOMAINE (al.1) stipule que les terrains 4 millions pour les 2 délimitation des centres national de 1ère catégorie se retrouvant en NATIONAL d’habitation sont des dépendances métropoles Douala urbains, la ville relève du zone urbaine et donc dans le domaine privé du domaine national. Cependant, on et Yaoundé domaine privé de l’Etat (Art.4). de l’Etat si le périmètre du centre urbain est Terres qui, à la trouve aussi dans l’espace urbain fixé. Ceci crée des chevauchements et des date du des pans du domaine privé de l’Etat conflits. 05/08/1974, ne et des particuliers, tout comme des sont pas classées espaces relevant du domaine Les transactions sur ce domaine se font dans le domaine public. En termes de Terres sur lesquelles sont souvent sous seing privé. Ces espaces font public ou privé proportion, le installées des communautés plus tard l’objet des opérations de de l’Etat ou dans domaine urbain non locales (domaine national) qui restructuration ou de rénovation urbaines. le domaine privé Domaine urbain non planifié loti représente 80 à par la suite ont été morcelées et des tiers. 90% de la superficie vendues aux tiers. Le domaine urbain loti à fonction des villes d’habitation et celui loti affecté aux activités Domaine Planifié à la suite des industrielles empiète sur le second dans transversal où se lotissements publics (domanial toutes les grandes villes. Les litiges liés aux retrouvent toutes Faiblement ou communal) ou privés avec déguerpissements préalables à la mise en les autres représenté une fonction d’habitation (géré concession de ces espaces ne sont pas catégories Domaine urbain loti S’est constitué par la MAETUR [Décret N° entièrement purgés (MAGZI, Yaoundé, surtout 81/185 du 04/5/1981] ou les Ngaoundéré, Bafoussam…) privés) ou industrielle (géré par la MAGZI [Décret de création La constitution récente des réserves N° 71DF 95 du 01/3/1971]). foncières dans les grandes villes est une astuce trouvée par l’Etat pour faire passer d’importantes superficies du domaine national à son domaine privé. La loi autorise Les réserves foncières Loi N° 2004/003 du le gestionnaire de la réserve à démolir après Prévues par la loi 21/04/2004 régissant mise en demeure les constructions qui s’y mais en cours de l'urbanisme (Art. 91). trouvent (Art. 93 de la Loi N° 2004/003 du constitution, donc à Acquises par l'Etat ou les 21/04/2004) et ce sont des problèmes en ce stade elles ont une collectivités territoriales en perspective. faible emprise zone urbaine ou périurbaine spatiale par voie de droit commun, Terres et réserves coutumières ne faisant pas incorporation, expropriation l’objet d’un droit de propriété exploitées pour cause d'utilité publique ou avant le 05/08/1974. I.1.2 Domaine rural droit de préemption. Sur ces terres rurales, l’Etat a en vertu de Terres de culture, de plantation, de l’ord. n° 74/1/ du 06/8/1974 les mêmes pâturage et de parcours dont prérogatives que sur son domaine privé. l’occupation se traduit par 8,5 millions Il n’a aucune reconnaissance l’emprise évidente de l’homme sur d’habitants en 2010 juridique à part l’occupation et Y sont aussi fondues des terres relevant du la terre et une mise en valeur l’exploitation. Ces terres domaine public, en particulier les terres probante. Art. 15, 3 006 339 ha en comprennent, les terroirs occupées par les chefferies traditionnelles, Ordonnance N° 74-1 du vivrier villageois, les jachères, les les cours d’eau et leurs abords, les 06/07/1974. 3 609 661 ha en plantations, les habitations et marécages et les étangs. Dans le domaine rural il y a à la cultures de rente terres de parcours et les fois le DN de 1ère catégorie et le pâturages DN de 2ème catégorie I.2 - Domaine national de 2ème Terres libres de toute catégorie occupation, terres occupées ou L'exploitation des forêts du domaine exploitées après le 05/08/1974. national s'effectue par vente de coupe, Régi par l’ordonnance n° 74/1/ permis ou par autorisation personnelle de du 06/7/1974 fixant le régime coupe. foncier et la loi n°94/01/ du En dehors des espaces sollicités pour 18 20/01/1994 portant régime des l’exploitation forestière, ce domaine fait forêts, de la faune et de la l’objet de nombreuses sollicitations pêche. concessions agro industrielles par 12,8 millions d’ha emphytéose I.2.1 Domaine forestier permanent Il doit couvrir au - Art. 21 de la Loi N° 94/01 du Il comprend : 30 % de la superficie20/01/1994. L’article 25 de la Loi forestière de 1994, il du pays etAttribuées par concession (Loi est écrit que les forêts domaniales relèvent Forêts domaniales : représenter sasus citée et Décret du domaine privé de l’Etat. diversité écologique.n°95/531/PM du 23/08/ 1995). Le problème de la rétrocession des réserves On y retrouve d’une part les aires Convention d’exploitation se pose. Après déclassement, la plupart des protégées et les réserves et d’autre Parcs et aires