106306 standard disclaimer Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mon- ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale diale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire Les observations, interprétations et opinions qui y sont quelconque et ne signifient nullement que l’institution re- exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la connaît ou accepte ces frontières. Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale Rien de ce qui figure dans le présent ouvrage ne constitue ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ni ne peut être considéré comme une limitation des privi- ouvrage. 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Publishing and Knowledge Division The World Bank Adaptations 1818 H Street NW Si une adaptation de cet ouvrage est produite, veuillez Washington, DC 20433, USA ajouter à la mention de la source le déni de responsabili- télécopie : 202-522-2625 té suivant : Cet ouvrage est une adaptation d’une œuvre courriel: pubrights@worldbank.org liste d’abbréviations 2 liste d’abréviations Acte III Acte III de la Décentralisation ADL Agence de Développement Local ADM Agence de Développement Municipal AGETIP Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public Contre le Sous-Emploi APIX Agence Nationale Chargée de la Promotion de l’Investissement et des Grands Travaux ANAT Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire ANSD Agence Nationale de Statistique et de la Démographie BAD Banque Africaine de Développement  BHS Banque de l’Habitat du Sénégal BM Banque Mondiale BRT Système de Bus Rapides (Bus Rapid Transit System) CADAK Communauté des Agglomérations de Dakar CADAK-CAR L’Entente des Communautés des Agglomérations de Rufisque et Dakar CAHF Center for Affordable Housing Finance in Africa CAR Communauté des Agglomérations de Rufisque CC Crédit Communal CEPOD Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement CETUD Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar CUD Communauté Urbaine de Dakar DPEE Direction de la Prévision et des Etudes Economiques ESAM 2 Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages FBCF Formation Brute de Capital Fixe FCFA Franc CFA FDD Fonds de Dotation de la Décentralisation FDV Fondation Droit à la Ville FECL Fonds d’Equipement des Collectivités Locales  MEF Ministère de l’Economie et des Finances MHU Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme NASA National Aeronautics and Space Administration NOAA National Oceanic and Atmospheric Administration NRC National Research Council PAC Programme d’Appui aux Communes PGDU Projet de Gestion et de Développement Urbain PIB Produit Intérieur Brut PPA Parité de Pouvoir d’Achat PRECOL Programme de Renforcement et d’Equipements des Collectivités Locales PSE Plan Sénégal Emergent SDAU Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisation SICAP Société Immobilière du Cap Vert SN-HLM Société Nationale des Habitations à Loyers Modérés WDI World Development Indicators remerciements 3 remerciements Le présent document a été préparé par une équipe composée de Salim Rouhana (Spécia- liste en Développement urbain et Résilience), Paolo Avner (Economiste urbain) et Dina Ranarifidy (Spécialiste en Développement urbain), et s’inscrit en complément de la Revue de l’Urbanisation du Sénégal, préparé par Anne Sinet, Victor Chomentowski et Lucien Go- din. Ce document complète notamment la Revue initiale par des analyses économiques, et tente d’expliquer les implications de la bipolarité entre Dakar et le reste du maillage urbain, les défis structurels auxquels la métropole dakaroise est aujourd’hui confrontée ainsi que le rôle des villes secondaires dans le nouveau paysage institutionnel sénégalais. L’équipe remercie Isabel Wetzel (Consultante), Connie Kok Shen (Assistante de Programmes Principale) et Fatim Seck (Assistante d’Equipe) pour leur précieuse contribution tout au long de la préparation du document. L’équipe souhaite ici exprimer ses plus vifs remerciements à tous les partenaires sénégalais pour leur contribution et leur soutien continu durant toute la préparation de ce travail. Nous pensons notamment à S.E.M. El Hadji Omar Youm, Ministre de la Gouvernance Locale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire, S.E.M. Abdoul Aziz Tall, Ministre en charge de la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE), M. Khalifa Sall, Maire de la Ville de Dakar, M. Oumar Sow, Directeur de l’Urbanisme et l’Habitat, M. Alioune Thiam, Directeur du Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD), et M. Kabir Sow, Directeur de l’Agence de Développement Municipal au moment de la préparation de l’étude. Nous remercions également les partenaires au développement, notamment l’Agence Française de Développement, la Coopération Allemande (GIZ) et l’Agence Internationale de la Coopé- ration Japonaise (JICA) pour avoir pris activement part au dialogue dès les débuts du projet. Nos remerciements vont également à l’endroit de tous les participants aux deux tables rondes organisées à Dakar, respectivement en mai 2014 sur les défis et opportunités de l’ur- banisation au Sénégal, et en décembre 2014 pour présenter et discuter des résultats préli- minaires de la Revue. Le présent document s’est considérablement enrichi des idées et re- commandations partagés par l’ensemble des participants à ces deux sessions techniques. La préparation de ce document a bénéficié du soutien stratégique de Sameh Naguib Wahba (Responsable secteurs Développement Urbain et Gestion des Risques et Catastrophes), d’Alexander Bakalian (Responsable secteur Eau) de Somik Lall (Economiste urbain en chef) de Roland White (Spécialiste en Chef, Finances et Décentralisation), et Javier Sanchez-Reaza (Spécialiste Principal en Développement Urbain). L’équipe tient également à exprimer sa gratitude envers le Bureau de la Banque mondiale à Dakar, notamment Vera Songwe (Direc- trice des Opérations), Louise J. Cord (Directrice des Opérations) et Demetrios Papathanasiou (Coordonnateur Principal du Secteur Développement Durable) pour leur soutien continu à Dakar, ainsi qu’à l’égard des collègues qui ont apporté leur éclairage technique et critique sur la revue, notamment Sylvie Debomy (Spécialiste en Chef en Développement Urbain), Josef Leitmann (Spécialiste en Chef en Gestion des Risques et Catastrophes), Serdar Yilmaz (Economiste Principal, spécialisé en Gouvernance) Mohammed Dalil (Economiste Principal en Infrastructures), Alexandra Ortiz (Chef de programmes urbains), Tojo Ramanankirahina (Spécialiste Transports), et Djibril Ndoye (Economiste Pauvreté). sommaire 4 sommaire introduction Trajectoires d’urbanisation et de développement économique 5 dakar Une métropole en mutation face a des défis structurels 12 i. densité 12 Un manque de structure et des investissements limités ii. distance 14 Déficit d’accessibilité iii. division 17 Inégalités et vulnérabilités iv. approche métropolitaine 21 Gouvernance et financement villes secondaires Une absence de relais à Dakar sur le territoire 23 i. une meilleure connectivité pour exploiter les potentialités du territoire national 24 Connectivité inter-urbaine et développement des villes secondaires ii. dynamique spatiale 28 Planification urbaine et accès aux services iii. financement 29 iv. gouvernance 30 vers des institutions fortes 32 références 36 perspectives urbaines 5 introduction trajectoires d’urbanisation et de développement économique Le Sénégal est un pays urbanisé à 43%. Si l’on se réfère aux Le Sénégal a encore à bénéficier des effets économiques chiffres de la Banque Mondiale, la population urbaine re- porteurs de l’urbanisation. Les villes en concentrant sur présentait 23% en 1960, 30% en 1970, 36% en 1980, 39% une superficie géographique restreinte, des populations, en 1990 et 43% en 20131. A titre de comparaison, l’Afrique des employeurs, du capital et des infrastructures per- Sub-saharienne dans son ensemble affiche un taux d’urba- mettent de réduire les distances économiques, et de favo- nisation de 37% en 2013 donc le Sénégal est nettement en riser la circulation d’idées, l’échange et la production. Cette avance sur la trajectoire continentale. Ce processus d’urba- concentration géographique permet de bénéficier d’éco- nisation n’a pas été linéaire. On constate une forte accéléra- nomies d’agglomération et d’augmenter la productivité tion des années 1970 aux années 1990 puis une croissance économique tout en stimulant la créativité et en favorisant beaucoup plus mesurée depuis. Ces 20 ans séparant 1970 de l’apprentissage. Du fait de ces mécanismes l’urbanisation 1990 correspondent à des périodes de sécheresse intense est traditionnellement associée à une croissance des reve- qui ont vu une large part de la population quitter les cam- nus par habitant comme on peut l’apercevoir sur le volet Fig. 1: Distribution de la population au Sénégal (Russ, Barra, and Damania 2015). pagnes et tenter leur chance en ville. L’urbanisation mar- de gauche de la Fig. 2: Gauche/ Une relation positive entre quée dans ces années est donc fortement dépendante d’une taux d’urbanisation et PIB/tête ; Droite/ qui ne se vérifie migration rurales-urbaines déclenchée par des facteurs pas au Sénégal. Cependant, en zoomant et en se focalisant « push ». Ces facteurs « push » ont plus tard été accompa- sur la trajectoire du Sénégal (volet de droite de la Fig. 2: gnés par des facteurs « pull » notamment l’importance de Gauche/ Une relation positive entre taux d’urbanisation et Dakar, et son port, moteur de commerce régional et inter- PIB/tête ; Droite/ qui ne se vérifie pas au Sénégal) au cours national. La Fig. 1: Distribution de la population au Sénégal des cinquante dernières années on s’aperçoit que ce lien (Russ, Barra, and Damania 2015). montre la distribution spa- semble au minimum ténu puisque sur la période, malgré tiale de la population au Sénégal. On retrouve des concen- des variations erratiques, la tendance est à une régression trations locales qui correspondent aux espaces urbains et légère ou à une stagnation du PIB/tête associé à une urba- en particulier la métropole de Dakar à l’Ouest. nisation croissante. 1/ La définition officielle de l’urbain au Sénégal ne correspond pas à des critères de population minimum ou de continuité du bâti mais est purement adminis- trative. Si ce critère est retenu alors la population urbaine représente 45% de la population Sénégalaise en 2013. Si l’on choisit d’autres critères le taux d’urbani- sation oscille peu entre 43% (WDI 2015) et 48% d’après Geopolis – AfricaPolis. introduction | Trajéctoire d’urbanisation et de développement économique 6 taux d’urbanisation vs pib par tête taux d’urbanisation vs pib par tête 100 55 50 80 45 Taux d’urbanisation % Taux d’urbanisation % 40 60 35 40 30 25 20 20 0 15 5 6 7 8 4 6 8 10 12 Log du PIB/tête $2005 constant Log du PIB/tête $2005 constant All countries 2013 Senegal, 1960-2013 All countries 2013 Senegal 2013 Senegal 1960 Fig. 2: Gauche/ Une relation positive entre taux d’urbanisation et PIB/ tête ; Droite/ qui ne se vérifie pas au Sénégal La croissance économique au Sénégal a été limitée. Bien quant le début de l’exode rurale et de l’émigration vers les que le PIB du Sénégal ait crû sur la période 1960 – 2013 à pays du Nord. Le Sénégal a ensuite traversé une crise finan- un rythme annuel moyen de 2.7%, le PIB/habitant a en re- cière intense entre 1985 et 1994. A partir de 1994 et de la vanche connu une évolution beaucoup plus heurtée avec dévaluation du Franc CFA, la situation macroéconomique une décroissance marquée sur la période 1960-1994 avant s’est améliorée sensiblement et le PIB/habitant a recom- une reprise depuis 1994 2. Le PIB/habitant du Sénégal vient mencé à croître rapidement. La période récente de 2006 tout juste en 2013 de retrouver son niveau de 1970 et reste à 2011 a quant à elle été marquée par quatre évènements en deçà de celui de 1960 (Figure 3). La décroissance du PIB/ extérieurs défavorables : un épisode de sécheresse impor- habitant sur l’ensemble de la période traduit le fait que la tant, 2 crises des prix alimentaires notamment en 2008 et croissance démographique a été plus rapide que la crois- la crise financière globale qui a tari les envois d’argent des sance économique. D’autres pays de la région tels que le migrants Sénégalais depuis l’étranger. Depuis 2011 la situa- Ghana ou la Côte d’Ivoire ont également connu des trajec- tion s’est nettement améliorée. toires de PIB/habitant erratiques alternant des périodes de croissance et de décroissance mais le Sénégal semble avoir L’urbanisation sénégalaise a fortement contri- à la fois la décroissance la plus prolongée et une reprise de- bué à la réduction de la pauvreté au niveau natio- puis 1994 assez rapide qui s’est ralentie depuis 2006. nal. Un des bénéfices statistiquement associé à l’ur- banisation est la réduction de la pauvreté. La Fig. 4 : Cette croissance lente montre une vulnérabilité écono- L’urbanisation va de pair avec une réduction de la pauvreté mique aux chocs extérieurs. Entre 1970 et 1985, le Sénégal (WDI 2015) montre ainsi cette relation pour 214 pays de a largement souffert des deux chocs pétroliers et de la la base de données « World Développement Indicators » dévaluation du dollar dans les années 70 suite à sa désin- en 2013. Cette relation négative entre taux d’urbanisation dexation de l’or. C’est également la décennie qui a connue et taux de pauvreté est vérifiée également pour le Séné- ce que l’on a appelé les « Grandes Sécheresses » (1970-73, gal puisque l’augmentation de la proportion de résidents 1976-77 et 1983-84), mettant à bas les 2 piliers agricoles urbains de 39% en 1991 à 42.5% en 2011 est associée une de l’économie sénégalaise (l’arachide et l’élevage) et mar- réduction du taux de pauvreté de plus de 20% (81% en 1991 2/ Les PIB et PIB/habitant sont mesurés en $ 2005 constants. introduction | Trajéctoire d’urbanisation et de développement économique 7 evolution du pib sénégalais evolution du pib/hab sénégalais 12 000 1000 10 000 800 PIB, millions de $2005 constants PIB/hab, $2005 constants 8 000 600 6 000 400 4 000 200 2 000 0 Année Année Fig. 3: Evolution du PIB et du PIB par habitant Sénégalais entre 1960 et 2005$( 2013 constants), (WDI 2015) et 60% en 2011). Le taux de pauvreté, mesuré ici comme la tional. L’environnement économique domestique (hausse proportion de la population totale vivant avec moins de 2$/ des prix des produits de premières nécessités survenus en jour a connu une diminution drastique bien que son niveau 2008) et international (baisse des transferts due à la crise absolu reste très élevé. Les estimations du taux de pauvre- financière de 2007) ainsi que les chocs climatiques (déficits té varient selon que l’on retient le critère de 2$/jour en pa- pluviométriques entre autres) ont fortement contribué à  rité de pouvoir d’achat (PPA), 1.25$/jour (PPA) ou le critère cette quasi-stagnation. de pauvreté national. Dans les trois cas, le taux de pauvreté en 2011 s’établit à 60%, 34.1% et 46.7% respectivement. Au Cette réduction de la pauvreté a été plus rapide en milieu Sénégal, la baisse significative de la pauvreté amorcée au urbain que rural dans un premier temps. Du point de vue début des années 2000 s’est nettement ralentie au bout tendanciel, en désagrégeant les évolutions des taux de de dix ans. La population en situation de pauvreté est pas- pauvreté selon les zones de résidences (Fig. 5: Evolution sée de 55,2  à 48,3 % sur la période 2001-2006 (DPEE 2004) des taux de pauvreté urbaine et rurale au Sénégal mesu- avant de se situer à 46.7% 2011 (WDI 2015) en critère na- rés aux critères de pauvreté nationaux et taux de crois- pauvreté vs urbanisation 100 80 Part de la population pauvre a 2$/jour (PPA) 60 40 20 0 0 20 40 60 80 100 Taux d’urbanisation % Tous pays Senegal, 1991-2011 Senegal 2011 Senegal 1991 Fig. 4 : L’urbanisation va de pair avec une réduction de la pauvreté (WDI 2015) introduction | Trajéctoire d’urbanisation et de développement économique 8 evolution du taux de pauvreté au sénégal selon la zone de résidence et de la croissance du pib/hab 2 1,9 1,03 1 0,45 0 -1 -0,5 Point de pourcentage -2 -1,7 -3 -4 -5 -6 -7 -6,3 -8 -7,6 -8,1 -8 -9 2001-2005 2005-2011 2001-2011 Urbain Rural Taux de croissance annuel du PIB/hab Fig. 5: Evolution des taux de pauvreté urbaine et rurale au Sénégal mesurés aux critères de pauvreté nationaux et taux de croissance annuel moyen du PIB/tête entre 2001 et 2005 (WDI 2015) sance annuel moyen du PIB/tête entre 2001 et 2005 (WDI Lorsque l’on compare les évolutions des taux de pauvreté 2015)), on constate tout d’abord une forte baisse qui profite urbaine et rurale depuis le début des années 2000 du Sé- d’avantage aux urbains (-7.6%) qu’aux ruraux (-6.3%) sur négal à d’autres pays Africains et notamment ses voisins, la période 2001-2006 puis une baisse beaucoup plus mo- on constate (Fig. 6 : Evolution des taux de pauvreté urbaine dérée voire une quasi-stagnation sur la période 2006-2011 et rurale mesurés aux critères nationaux dans différents qui profite d’avantage aux ménages ruraux (-1,7%) qu’aux pays Africains au cours de la dernière décennie (WDI 2015)) urbains (-0.5%). Les évolutions des taux de pauvreté dans que le Sénégal a une performance bien au-dessus de la ces deux zones sont, sans surprise, fortement liés à l’évo- moyenne. Seul le Mali fait mieux avec des réductions res- lution des taux de croissance des PIB/habitant. Les baisses pectivement de 8 et 14% des taux de pauvreté urbaine et sur longues périodes de 2001 à 2011 sont quasiment iden- rurale3. tiques dans les deux zones. La prévalence de la pauvreté reste plus concentrée en zones rurales avec plus d’une per- Le Sénégal s’urbanise à des niveaux de revenus faibles. sonne sur deux encore touchée  par ce phénomène (57% en Dans une perspective historique, lorsque l’on compare 2011) contre un tiers chez les citadins (33.1%). les niveaux économiques qui prévalent dans différentes régions du monde lorsque le taux d’urbanisation atteint Les ménages urbains, et surtout les pauvres, sont plus 40%, on constate que le Sénégal s’urbanise à des niveaux vulnérables aux chocs extérieurs. L’examen des deux ten- de revenus par habitant beaucoup plus faibles qu’ailleurs dances de pauvreté entre les deux périodes laisse entrevoir (Fig. 7 : Comparaisons des PIB/hab suivant les régions que  les ménages urbains semblaient être plus vulnérables lorsque l’urbanisation atteint 40% et dates auxquelles ces aux chocs survenus sur la seconde période. Ce qui se tra- régions ont atteint 40% de population urbaine). En com- duirait par une baisse plus faible de la pauvreté. En effet,  parant à la moyenne régionale d’Afrique Sub-saharienne, la hausse vertigineuse des prix du riz importé, du gaz et le Sénégal s’urbanise à la fois plus tôt et avec des PIB par du carburant de 2008 ainsi que la baisse des transferts des habitant d’environ 300$ plus faibles (en $2005 constants). migrants (dont bénéficient plus les ménages des zones ur- L’urbanisation est historiquement associée à une crois- baines) suite à la crise financière dans les pays développés sance des revenus et à une réduction de la pauvreté (Fig. 2: ont concerné beaucoup plus les ménages citadins que ru- Gauche/ Une relation positive entre taux d’urbanisation et raux. PIB/tête ; Droite/ qui ne se vérifie pas au Sénégal et Fig. 4 : 3/ Ces chiffres doivent cependant être lus avec précaution en raison de l’absence de données à certaines dates ce qui rend les comparaisons malaisées. Ils servent à donner une idée générale des dynamiques à l’œuvre en termes de réduction des taux de pauvreté mais ne peuvent être directement comparés entre pays. introduction | Trajéctoire d’urbanisation et de développement économique 9 evolution des taux de pauvreté dans la dernière décennie 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 -10 -12 -14 Cote Guinea- -16 Sénégal Burkina d'Ivoire Ghana Guinea Bissau Mali Nigeria Togo (2001-2011) (2003-2009) (2002-2008) (2005-2012) (2002-2012) (2002-2010) (2001-2010) (2004-2010) (2006-2011) Urbain Rural Fig. 6 : Evolution des taux de pauvreté urbaine et rurale mesurés aux critères nationaux dans différents pays Africains au cours de la dernière décennie (WDI 2015) L’urbanisation va de pair avec une réduction de la pauvreté La distribution par secteur d’activité de la population ac- (WDI 2015)), cette dynamique est donc une chance pour le tive et de la valeur ajoutée du Sénégal (Fig. 8 : Composition Sénégal. Cependant, cette urbanisation se produit à des du PIB et répartition de la population active au Sénégal, au niveaux de revenus moyens plus faibles qu’ailleurs ce qui Ghana et en Afrique du Sud (Banque mondiale – World de- pose certains défis, notamment le financement des in- velopment indicators 2009. Sénégal : ANSD, Comptes Na- frastructures urbaines. tionaux. Retraitement CEPOD)) présente un déséquilibre: le secteur tertiaire, principalement généré par l’économie Cette urbanisation exerce une pression grandissante sur urbaine, pèse pour plus de 60 % dans la valeur ajoutée les infrastructures urbaines. Les infrastructures telles que mais occupe seulement un tiers de la population active. Les les routes, le réseau d’assainissement, réseau électrique plus gros effectifs de la population active sont employés etc… qui permettent une urbanisation efficace et harmo- dans l’agriculture et dans la pêche qui génère moins de 15 nieuse nécessite des investissements très importants qui % du PIB. La pression exercée sur les villes pour soutenir sont difficilement réalisables à de faibles niveaux de reve- l’ensemble de l’économie nationale est donc particulière- nus. L’afflux massif de migrants en ville exerce donc une ment forte. pression importante sur les infrastructures existantes. En particulier, le secteur électrique rencontre des problèmes La comparaison avec le Ghana et l’Afrique du Sud montre malgré des améliorations récentes, le Sénégal figure d’ail- comment des économies en bonne santé tendent vers leurs en 183ème position sur 189 dans la facilité d’accès à l’équilibre entre valeur ajoutée produite et répartition des l’électricité (World Bank 2014). La fourniture d’électricité est emplois. La comparaison avec ces deux pays très différents de mauvaise qualité avec de nombreuses coupures qui ont est intéressante : l’Afrique du Sud est un pays à revenu in- d’ailleurs déclenché en 2011 des manifestations d’exaspé- termédiaire tranche supérieure dont le PIB par habitant en ration à Dakar et la destruction d’agences de la Sénélec4. 2013 est plus de sept fois plus élevé que celui du Sénégal La faiblesse de l’accès à l’électricité est considérée comme (6090 $2005 constant) ; le Ghana malgré un PIB par habi- un frein majeur au développement économique et notam- tant en 2013 légèrement plus faible que celui du Sénégal ment industriel. (769 vs 796 $ 2005 constant) connaît des taux de crois- sance des PIB/hab systématiquement supérieurs à 3% de- Le Sénégal souffre d’un modèle économique déséquilibré. puis 2008 et pouvant atteindre 12% (2011). En comparaison 4/ Le problème énergétique du Sénégal ne relève pas d’un problème de distribu- tion mais de production. Le Sénégal va devoir importer son énergie (de la Mau- ritanie : barrage de Manentali). introduction | Trajéctoire d’urbanisation et de développement économique 10 niveaux économiques à 40% d’urbanisation 4 000 3 617$ PIB/hab, $2005 constant 3 500 3 000 2 500 1 860$ 1 806$ 2 000 aep (1994) Asie de l'Est 1 500 et Pacifique 1 018$ lac (1950) mena (1958) 1 000 Afrique du Nord 673$ Amérique Latine et Caraïbes et Moyen Orient ass (2013) 500 Afrique Sub- Saharienne Sénégal (1998) 0 Fig. 7 : Comparaisons des PIB/hab suivant les régions lorsque l’urbanisation atteint %40 et dates auxquelles ces régions ont atteint %40 de population urbaine composition du pib et répartition de la population active % 100 31,00% 34,50% 80 41,70% 62,80% 65,90% 64,90% 60 14,00% 14,60% 26,10% 40 50,80% 22,60% 55,00% 20 26,00% 31,30% 32,20% 14,60% 8,80% 0 2,80% population valeur ajoutee population valeur ajoutee population valeur ajoutee active (pib) active (pib) active (pib) senegal ghana afrique du sud Secteur Primaire (agriculture et pêche) Secteur Secondaire (industries) Secteur Tertiaire (services) Fig. 8 : Composition du PIB et répartition de la population active au Sénégal, au Ghana et en Afrique du Sud (Banque mondiale – World development indicators 2009. Sénégal : ANSD, Comptes Nationaux. Retraitement CEPOD) le taux de croissance du PIB/habitant du Sénégal a dépas- notamment industriels et émergents (Thaïlande, Indoné- sé les 3% une seule fois dans la dernière décennie (2003) sie) au même niveau d’urbanisation. Les données pour ap- et a même été négatif à cinq reprises depuis 2000 (WDI précier ce mouvement vers une économie moderne sont 2015). La Fig. 8 : Composition du PIB et répartition de la po- minces mais il est permis de penser que le Sénégal est sur pulation active au Sénégal, au Ghana et en Afrique du Sud ce sentier bien que les populations agricoles restent éle- (Banque mondiale – World development indicators 2009. vées. Toutefois, l’industrie sénégalaise repose en large par- Sénégal : ANSD, Comptes Nationaux. Retraitement CEPOD) tie sur le phosphate (acide) et la transformation de l’ara- montre que le Sénégal, s’il y est engagé, n’a pas achevé sa chide et de la pêche or tous ces secteurs sont en perte de transformation structurelle. vitesse sous la pression de la concurrence internationale. Dans une perspective dynamique, la question se pose donc Néanmoins, la part de l’emploi industriel qui sert parfois de de savoir si le Sénégal pourra retrouver en compétitivité référentiel de mesure pour apprécier l’existence ou absence dans ces secteurs industriels ou si d’autres industries per- de transformation structurelle, semble dans l’ensemble as- formantes peuvent émerger pour en prendre le relais. sez cohérent avec les niveaux observés dans d’autres pays, introduction | Trajéctoire d’urbanisation et de développement économique 11 part de l’emploi industriel lorsque l’urbanisation atteint 41% 35 Part de l’emploi industriel, % 30 25 20 15 10 5 0 Gambia The Albania Philippines Senegal Indonesia Thailand Honduras China Moldova Guatemala Mauritius (1993) (1999) (1983) (2006) (1999) (2008) (1992) (2004) (1981) (1990) (2007) Fig. 9: Comparaison des parts de l’emploi industriel dans l’emploi total dans une sélection de pays à niveau d’urbanisation similaire de %41 (WDI 2015). Le secteur informel génère plus de 60 % du pib sénéga- vrait inciter à comprendre les raisons qui poussent à l’infor- lais et emploie plus de 80 % de la population active. Sur malité et à les corriger. une population active estimée à 3,5 millions de personnes, on compte moins de 10 % de salariés (350 000), dont 80 Le diagnostic actuel sur les liens entre urbanisation et éco- 000 fonctionnaires. 90 % des travailleurs recensés au plan nomie au Sénégal révèle ainsi des messages mixtes. On national sont des agriculteurs et des travailleurs de l’in- constate ainsi que malgré une réduction de la pauvreté tant formel, principalement localisés dans les villes (Fall 2010). rurale qu’urbaine au cours des 20 dernières années la crois- Mais d’après certaines analyses (UN Habitat 2008), la pré- sance des villes peine à dynamiser réellement l’économie pondérance du secteur informel n’est pas pour autant un Sénégalaise et notamment à se traduire en revenus par ha- signe de mauvaise santé économique. Si un segment de bitants plus élevés. Dans une perspective dynamique, alors l’emploi informel se caractérise par sa « fonction de sur- que le Sénégal progressera vers le statut de pays à revenu vie » et joue un rôle d’amortisseur de la pauvreté, une autre intermédiaire avec des taux d’urbanisation qui atteindront composante joue un rôle économique important avec des dans les prochaines décennies 60 voire 80%, il est essentiel productivités relativement élevé. Il est ainsi intéressant de saisir ce moteur de croissance dès aujourd’hui. Il est en de constater que les emplois informels ne se limitent pas effet important de reconnaître que la croissance des villes au petit commerce mais se trouvent aussi dans les activi- est potentiellement un levier majeur de développement tés manufacturières (notamment les mines), le bâtiment, économique et social mais que pour profiter de ses bien- le transport et la transformation de produits locaux. Ces faits celle-ci doit être bien gérée par un ensemble de règles informations de 2008 mériteraient d’être révisées mais et d’incitations cohérentes porté par une vision et suppor- semblent indiquer que l’emploi informel n’est pas forcé- té par des mécanismes de financement performants. En ment un handicap même si sa proportion importante de- particulier, le Sénégal se classe 161ème sur 189 pays en 2015 quant à l’environnement réglementaire des affaires. Mal- part de l’emploi formel et informel dans gré des progrès rapides notables – le Sénégal était classé la composition du pib sénégalais 171ème en 2014 – l’accès à l’électricité, l’obtention de per- 100 2% mis de construire, l’enregistrement des propriétés, la pro- 80 tection des investisseurs, l’accès au crédit ou l’application 56% 54% des contrats (respect) demeurent faibles et/ou coûteux 60 et représentent des obstacles importants à un dévelop- pement économique fort au Sénégal. Si ces éléments ne 40 98% sont qu’une partie des freins à la croissance, comme nous 44% 46% le discutons dans ce rapport en apportant une approche 20 systémique centrée sur les villes, ils témoignent de progrès 0 encore à accomplir pour aligner le cadre réglementaire Agriculture et pêche Industries et mines Services et commerce avec les objectifs du Sénégal d’atteindre le statut de nation Informel Formel à revenu intermédiaire. Fig. 10 : Part de l’emploi formel et informel dans la composition du PIB Sénégalais entre 2005 et 2009 (MEF 2011) 12 dakar une métropole en mutation face a des défis structurels La capitale du Sénégal, Dakar, est le moteur de l’économie effet d’entraînement sur le reste du pays. Ces problèmes nationale. La région de Dakar abrite un quart de la popu- l’empêchent également d’accéder pleinement au rôle de lation du pays et près de 50% de sa population urbaine. En capitale régionale auquel elle peut prétendre et qui la 2008, elle concentrait 46% des fonctionnaires sénégalais, mettrait en concurrence avec des villes comme Lagos et 97% des salariés du commerce et des transports, 96% des Abidjan. Dakar, comme de nombreuses métropoles, doit employés de banque, 95% des entreprises industrielles et répondre à des urgences telles que venir en aide aux popu- commerciales et 87% des emplois permanents. Aujourd’hui lations affectées par les inondations récentes. Cela néces- elle génère aux alentours de 55% du PIB du Sénégal. La ré� - site donc de mettre au point des mécanismes qui lui per- partition inégale des activités entre les villes sénégalaises mettent de répondre à de tels besoins à très court terme. est également illustrée par les données sur la patente5 Cependant des actions structurelles de plus long terme dont le produit revient en totalité aux communes. 87 % dont les retombées positives ne sont pas immédiates mais des produits de la patente sont recouvrés dans les 7 uni- s’étalent dans le temps sont également nécessaires, en tés constitutives de la région de Dakar pour un rapport de partie d’ailleurs pour diminuer les besoins d’interventions population d’environ 50 %. En d’autres termes le Sénégal d’urgence et faire de Dakar une ville inclusive et résiliente. est caractérisé par une macrocéphalie urbaine (UN Habi- C’est sur ces problématiques structurelles que le rapport tat 2008). Et, Dakar continue d’être une terre de migration tente d’apporter un éclairage. Parmi ces défis auxquels Da- aujourd’hui malgré le nombre plus faible d’épisodes de sé- kar doit faire face on trouve (i) la gestion d’afflux de mi- cheresse depuis le début des années 2000 qui en avaient grants malgré des ressources financières et des infrastruc- initialement fait une destination de choix avec près d’un tures limités, (ii) la maîtrise de sa forme urbaine afin de million de migrants entre 2000 et 2004 (DPEE 2004). pouvoir continuer d’offrir logements et accessibilités aux opportunités économiques à ses résidents et enfin (iii) la Toutefois, la métropole de Dakar fait aujourd’hui face à un réduction des inégalités, divisions et vulnérabilités. certain nombre de problèmes qui limitent son potentiel i. densité un manque de structure et des investissements limités Avec 4 649 habitants/km2 ou 46 habitants/hectare (un plateau considéré comme le centre-ville puis plus loin aux habitat 2012), Dakar est une agglomération dont la den- alentours de 10km du centre-ville. Le déclin très rapide des sité moyenne est modérée en comparaison de métropoles densités entre ces deux pics correspond aux quartiers ai- comme paris (80,9 habitants/hectare) par exemple (apur sés de Fann notamment. A partir du kilomètre 16, les den- 2004). La manière dont ces populations sont organisées sités de population décroissent de nouveau brutalement. dans l’espace urbain en 2012 d’après la base de données Or, la somme des populations situées dans ces banlieues Landscan (Bright, Rose, and Urban 2013) est particulière plus lointaine de la région de Dakar sont loin d’être négli- comme en témoigne la Figure 11. On s’aperçoit en effet geables avec environ 450 000 habitants soit environ 15% que Dakar présente deux pics de densité, au niveau du de la population de Dakar évaluée à près de 3 millions. Ain- 5/ La patente est l’impôt payé par l’ensemble des activités aux Communes. Il est de la Division des Grands Entreprises, a pu perturber ce principe et ramener au calculé sur un barème établi en fonction de la nature de l’activité et du chiffre lieu d’implantation des sièges sociaux (souvent à Dakar), l‘intégralité de la pa- d’affaires estimé. Il a l’avantage d’être dû à la collectivité sur le territoire de tente recouvrée notamment au niveau des branches ou succursales exerçants laquelle l’activité est exercée, même si l’intervention, depuis quelques années, à l’intérieur du pays. dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 13 dakar - densité de population croissance urbaine rapide. En Chine, les investissements 400 (infrastructure, logement, bâtiments de bureaux) sont pas- 350 sés de 35% du PIB en 1980 à presque 48% en 2014, accom- pagnant ainsi la hausse rapide des populations urbaines de 300 18% en 1978 à 52% en 2012. Au niveau urbain on retrouve Personnes / hectare 250 la même conclusion : les villes en Afrique ont des niveaux 200 d’infrastructure par habitant plus faibles qu’ailleurs dans le monde. Le ratio présenté sur la Fig. 13 : Ratio d’infrastruc- 150 ture par tête approximé par l’intensité lumineuse mesurée 100 à 2h du matin dans diverses villes du monde (Bright, Rose, 50 and Urban 2013; NOAA 2013) est construit à partir de l’in- tensité lumineuse mesurée par des satellites de la NASA à 0 0 10 20 30 40 50 60 2 heures du matin (NOAA 2013) et représente une approxi- Distance au centre ville (km) mation des investissements en infrastructures dans de Fig. 11: La densité de la population de Dakar nombreuses villes du monde. Si l’on compare de nouveau Dakar et Barcelone qui ont une taille de population très si, on peut distinguer deux zones bien distinctes dans Da- similaire, on constate que Barcelone est environ neuf fois kar : une ville structurée et dense autour de la péninsule à mieux doté en infrastructures. De plus, le modèle de dé- laquelle on peut ajouter un second pic de densité jusqu’à 16 veloppement spatial de Dakar basé sur un usage extensif kilomètres du centre puis une zone peu structurée et étalée du sol place une contrainte additionnelle sur les finances caractérisée par de faibles densités résidentielles à l’Est, là publiques, puisque le cout des infrastructures – et notam- où les réserves foncières sont les plus importantes. ment les réseaux – par habitant augmente drastiquement avec des densités urbaines faibles (Transportation Research La croissance rapide de Dakar à un niveau de développe- Board - NRC 2002). ment économique faible implique que les infrastructures physiques nécessaires pour tirer profit des économies d’ag- Le port de Dakar a longtemps été considéré comme l’épine glomération sont sous-financées. Cela signifie aussi que la dorsale de l’économie du Sénégal : il concentre encore 90 congestion (automobile mais aussi en termes de logement) % des échanges commerciaux entre le Sénégal et le reste est plus difficile à gérer pour les gouvernements. Plus spé- du monde, génère 85 % des recettes douanières, et ali- cifiquement, même si le Sénégal investit plus en capital mente 40 % du budget de l’état. Le trafic du port de Dakar (27.41% du PIB en 2014) que la moyenne des pays Africains demeure relativement stable depuis 2002 voire en légère Sub-Sahariens (19.76% du PIB en moyenne en 2014), elle reste nettement plus basse en comparaison a d’autres pays ratio d’infrastructure par tête, par taille de ville en développement ou émergents (31.88% du PIB en 2014). et niveau de revenu 1,2 Par exemple, les pays d’Asie de l’Est tels que la Chine, le Ja- pon ou la République de Corée ont augmenté leurs inves- paris tissements dans les infrastructures durant les périodes de 1 Ratio d'intensité lumineuse par tête barcelona 0,8 investissement % du pib 35 30 0,6 25 0,4 rio de janeiro 20 durban 15 maputo accra 10 0,2 lusaka dar es nairobi 5 dakar salaam abidjan lagos kigali kinshasa kampala addis ababa 0 0 0 2 4 6 8 10 12 14 Senegal Population en millions (2012) Pays Emergents et Pays en Developpement High income Upper-middle income Low income Lower-middle income Afrique Sub-Saharienne Fig. 13 : Ratio d’infrastructure par tête approximé par l’intensité Fig. 12: Investissements comme % du PIB - Source FMI lumineuse mesurée à 2h du matin dans diverses villes du monde (Bright, Rose, and Urban 2013; NOAA 2013) dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 14 hausse en tonnage et les échanges avec le Mali à travers le par le port d’Abidjan. Le port de Dakar est classé 110ème sur Port de Dakar ont augmenté très nettement sur la même 155 ports en 2012 (Harding, Pálsson, and Raballand 2007). période. Le panier de la ménagère sénégalaise reste d’ail- leurs fortement dépendant des produits importés, et donc Le gouvernement sénégalais affiche sa volonté de moder- du coût de passage des marchandises. Toutefois, sa mon- niser le port de Dakar par de nouveaux investissements et tée en puissance est aujourd’hui essentiellement fonction de nouvelles perspectives liées à l’exploitation de minerais de la progression du marché intérieur. Les pays enclavés via: (Mali, Burkina, Niger) sont maintenant principalement connectés aux ports d’Abidjan, de Lomé et de Cotonou ; • Une concession de 25 ans qui vient d’être attribuée au et la position stratégique favorable détenue par Dakar groupe français Necotrans (mai 2014), avec des inves- (premier port en eau profonde sur les lignes maritimes en tissements programmés pour moderniser le système provenance de l’Europe et des Etats Unis) n’a pas pu résis- d’exploitation portuaire à hauteur de 40 Md FCFA. ter à d’autres arguments plus porteurs : insuffisance des infrastructures (transbordement, containeurs), faiblesse • L’exploitation des minerais à l’Est du Sénégal et le long de l’intégration des services terrestres et maritimes, tarifs de la Côte entre Dakar et Saint Louis (y compris du zir- douaniers et management. Le port de Dakar apparaît doré- con dont le Sénégal détiendrait 7 % des réserves mon- navant comme un port secondaire, l’éclatement des mar- diales), qui donne la perspective d’un renforcement chandises en provenance d’Europe et des continents amé- des infrastructures sur le port en eaux profondes de ricain et asiatique étant assuré, pour l’Afrique de l’Ouest, Bargny au sud de la Région de Dakar. ii. distance déficit d’accessibilité Fragmentation et manque de maitrise du développement de la ville Dakar subit une expansion urbaine peu maîtrisée. Entre 2008 dans la région métropolitaine de Dakar (Wang, Mon- 1988 et 2008 l’usage des sols a évolué considérablement toliu-Munoz, The Geoville Group, and Gueye 2009)) et donc notamment sous la pression migratoire. En particulier, on a des opportunités économiques. En parallèle, la population assisté à une conversion accélérée des surfaces non bâties de l’agglomération de Dakar a augmenté de plus de 70% ou recouvertes de végétation en zones bâties. Les surfaces durant la même période. On ne peut donc pas conclure à bâties ont augmenté de 29km2 entre 1988 et 2008 soit une un étalement urbain où la croissance des surfaces urbaines variation de 52,4% (Wang, Montoliu-Munoz, The Geoville (52.4%) dépasserait celle de la population. En revanche la Group, and Gueye 2009). La Fig. 14: Changement de l’usage croissance des populations péri-urbaines de Guediawaye des sols entre 1988 and 2008 dans la région métropolitaine et Pikine (+90%) ainsi que des populations situées en de Dakar (Wang, Montoliu-Munoz, The Geoville Group, and zones rurales dans le département de Rufisque (+80%) ont Gueye 2009) permet de voir la distribution géographique dépassé la croissance des populations de Dakar (+60%), in- de ces nouvelles zones urbaines (résidentielles et non rési- diquant un phénomène de péri-urbanisation. dentielles). Si une fraction non-négligeable d’entre elles a « rempli » des zones non bâties dans la ville de Dakar, no- Cette urbanisation non-maitrisée mène vers une métro- tamment autour de l’aéroport, et à la frontière entre Dakar pole déséquilibrée en lieux d’emplois et de logement. Les et Pikine, une large part est localisée en périphérie de mé- activités commerciales, administratives et institutionnelles tropole dans les villes de Pikine et Guédiawaye. Ces zones sont concentrées au niveau du Plateau et de Fann donc au périphériques se situent loin du centre-ville de Dakar et de sud de la pointe de la Presqu’Ile de même que la majorité la pointe de la Presqu’Île qui continue d’accueillir la majo- des services et équipements publics. Les zones industrielles rité des zones industrielles et commerciales (en violet sur quant à elles sont distribuées de manière légèrement plus la Fig. 14: Changement de l’usage des sols entre 1988 and homogène entre les villes de Dakar, de Pikine et de Rufis- dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 15 1988 2008 Residential areas Forest Non-residential urban areas Water Transport units Agricultural areas Fig. 14: Changement de l’usage des sols entre 1988 and 2008 dans la Green urban areas région métropolitaine de Dakar (Wang, Montoliu-Munoz, The Geoville Group, and Gueye 2009) que mais demeurent très concentrées géographiquement ment disponible. Des premiers résultats montrent néan- le long du littoral. On les trouve aux alentours du Port et le moins que les zones périphériques en croissance rapide long du littoral Sud. Le reste du territoire est dominé par présentent des temps de déplacement moyens pour motif les zones résidentielles qui continuent de s’étendre vers de travail très élevés, de l’ordre de 70 minutes, témoignage l’Est. Ce déséquilibre territorial entre emplois/services pu- ici aussi d’un difficile accès aux opportunités économiques blics et résidences crée des besoins de mobilité pendulaires (CETUD 2014). Les flux de transport depuis ces zones sont élevés entre la périphérie et le centre majoritairement (Fi- d’ailleurs très fortement pendulaires (davantage que gure 15) ce que l’étalement urbain, les faibles densités rési- Pikine et Guédiawaye qui sont aussi des pôles attracteurs) dentielles à Fann et dans les banlieues lointaines ainsi que et orientés vers le centre le matin. la géographie particulière de Dakar en forme d’entonnoir contribuent à alimenter. En conséquence les distances de La ségrégation grandissante entre zones résidentieles et déplacements moyennes sont élevées, de l’ordre de 5.6km/ zones d’emplois/services publics n’est pas problématique par déplacement motorisé en 2003 (CETUD 2007) sachant en soi, de nombreux auteurs argumentent même que la qu’en moyenne les Dakarois réalisaient environ trois dépla- concentration d’activités économiques permet des éco- cements par jour en 2000. Une enquête « ménages – dé- nomies d’agglomération (Duranton and Puga 2004), mais placements » est en cours en ce moment même à Dakar peut le devenir lorsqu’elle crée un déficit d’accessibilité. Or et permettra de réactualiser ces statistiques dans un futur la mobilité à Dakar est très contrainte, avec près de 88% proche ; elle n’est malheureusement pas encore totale- des déplacements effectués à pieds depuis les zones péri- flux quotidiens de déplacements motorisés A: Plateau - Médina B: Fann / Point E / Amitié - Mermoz - Liberté C: Colobane - Grand Dakar - HLM / Ouagou Niayes - Castors D: Zone Industrielle - Hann E: VDN / Foire - Ouakam - Ngor / Yoff F: HLM Grand Yoff - Patte d’Oie - Mariste - Parcelles Assainies G: Dagoudane - Dalifort - Forail H: Guédiawaye - Thiaroye / Yeumbeul - Malika / Keur Massar I: Diamaguène - Mbao / Zone Franche - Thiaroye ? Mer - Ginaw Rail J: Rufisque - Bargny - Sébitkhotane - Sangalkam - Diamniadio - Yenn Fig. 15: Flux quotidiens de déplacements motorisés dans l’agglomération de DAKAR en 2000 (EMTSU2000-, CETUD, 2007) dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 16 phériques dites en croissance rapide en 2014 (CETUD 2014). important : sa forme physique en forme d’entonnoir crée Sur l’ensemble de l’agglomération, la part de la marche ce que le CETUD appelle un « piège parfait pour la mobi- à pieds comme mode de déplacements représentait en lité », à savoir des goulots d’étranglement au niveau de 2000 autour de 81% (CETUD 2001, 2007) selon l’enquête Pikine combinés à des zones résidentielle toujours plus sur la mobilité, le transport et les services urbains à Dakar. distantes du centre-ville. En 2000 il était estimé que plus Il s’agit de chiffres particulièrement élevé par rapport aux de 200 000 heures ont été perdues chaque jour dans les autres villes de la sous-région ; en effet, dans à Bamako, embouteillages, représentant selon certaines estimations Niamey ou Ouagadougou, la part de déplacements effec- jusqu’à 4.6% du PIB du Sénégal (UN Habitat 2008). tués à pied est respectivement de 57%, 69% et 42% (Go- dard 2013). Le conseil exécutif des transports urbains de Dakar (CE- TUD) a bien identifié le risque de fragmentation géogra- La prédominance de la marche à pieds comme mode de dé- phique pour une mobilité urbaine durable et inclusive. placement dans la région de Dakar trouve ses raisons dans Notamment le CETUD a bien diagnostiqué la déconnexion la faiblesse des taux de motorisation, dans l’insuffisance, la géographique entre zones résidentielles et zone d’emploi faible qualité et la cherté des offres de transports publics comme facteur important affectant la mobilité à Dakar. Il relative aux revenus des résidents de la région de Dakar. est cependant à craindre que bien que le diagnostic soit La standard disclaimer montre ainsi que, comparé à une juste, les solutions pour y remédier déçoivent. sélection de 10 villes Africaines, les taux de motorisation à Dakar demeuraient faible en 2007. La situation évolue et à mesure que les revenus moyens s’accroissent, les ménages Le CETUD gère l’ensemble du transport urbain dans l’agglomération de Dakar Dakarois s’équipent en conséquence (Lhomet 2014). depuis 1997, date de sa création. Il est en charge du développement stratégique du secteur transports et notamment du Plan de Déplacement Urbain de Dakar. La qualité du travail mené et en particulier de ses analyses prospectives à l’ho- taux de motorisation, 2007 rizon 2025 fait que l’existence de cet organisme représente une véritable oppor- 90 tunité pour le développement cohérent de la région. Les transports urbains à Voitures/1000 habitants 80 70 Dakar sont d’ailleurs en pleine métamorphose sous l’impulsion du CETUD avec 60 50 l’étude de faisabilité et la mise en œuvre prochaine de deux lignes de Bus Rapide 40 en site propre (BRT). 30 20 10 0 am ab a ka r la ga li ja n ne ry cr a go u go s En particulier les différents projets du Plan Sénégal Émer� - la Da ua Ki id en ak Ac La a Ab Do Ab oy n ou sS di s M Co a d gent (PSE) consistant à promouvoir le polycentrisme à re Ad ag Da Ou travers en particulier les « Pôles Urbains » présentent le risque d’accroître le déséquilibre entre emplois et rési- Fig. 16: Taux de motorisation (voitures/1000 habitants) dans une sélection de 10 villes africaines en 2007, (Kumar and Barrett 2008) dences en espérant l’arrivée d’activités économiques dans ces nouvelles zones. Il y a fort à craindre que ce développe- ment synchronisé espéré échoue et que ces pôles urbains En 2008 l’ensemble des bus et minibus circulant dans la aggravent la déconnexion entre emplois et zones résiden- région de Dakar représentaient 65% des déplacements tielles. Des projets similaires ont été développés dans les mécanisés tandis que les taxis et voitures particulières périphéries de villes telles le Caire et Mexico, qui faute de comptaient pour moins de 25% (CETUD 2007). Le trans- connectivité efficace entre lieux de vie et de travail ont per- port mécanisé, public ou privé souffre de l’impact de la du leur attractivité et sont même devenus obsolètes. congestion qui diminue les vitesses – entre 10 et 15km/h pour les bus (UN Habitat 2008) – augmente les temps de transports et en conséquence les coûts. Ici, outre le faible niveau d’investissement et de maintenance des routes (CETUD 2007), la géographie de Dakar et la concentration des activités dans le département de Dakar jouent un rôle dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 17 iii. division inégalités et vulnérabilités Des vulnérabilités qui affectent en premier lieu les pauvres et les derniers arrivants L’occupation de zones inondables dans les banlieues de pluies dans la région de Dakar. Les épisodes d’inondation Dakar est l’une des retombées les plus visibles de l’insuf- récents de 2005, 2009 et 2012 ont mis en lumière des coûts fisance des documents de planification urbaine, d’occupa- économiques et humains astronomiques. Les inondations tion des sols et de l’accès au foncier. Elle concernerait 49 de 2009 dans la région de Dakar ont affectées environ 30 % des logements. Dans une perspective dynamique, 40% 000 habitations aujourd’hui abandonnées pour la plupart des nouveaux arrivants entre 1988 et 2008 se seraient lo- et coûté aux alentours de 82 millions de dollars en pertes calisés dans des zones où le risque d’inondation est élevé et dommages. Peu de contrôles ont été exercés de la part (World Bank 2010) principalement dans les zones humides des autorités afin de prévenir l’installation de nouveaux des villes de Pikine et Guediawaye (Fig. 17: Lieux de rési- arrivants dans ces zones à risque. De plus les surcoûts in- dences des nouveaux arrivants à Dakar entre 1999 et 2008 duits par les lotissements réalisés en zones inondables et risques d’inondations. Une large part des nouveaux sont rarement pris en charge (infrastructures de drainage arrivants s’est localisée dans les zones périphériques de et d’assainissement des eaux usées) et sont exclus dans Dakar où les risques d’inondations sont élevés (en particu- les zones d’installation informelle. La sévérité des inonda- lier à Pikine et Guediawaye) ; World Bank (2010) based on tions de ces dernières années (notamment 2006 et 2009) (Wang, Montoliu-Munoz, The Geoville Group, and Gueye a permis au Gouvernement de tester des mécanismes, no- 2009).) mais dont le caractère inondable n’était pas visible tamment financiers, et la capacité des promoteurs publics en temps de sécheresse (entre 1970 et 2005). Or depuis les et privés à produire du logement économique dans des années 2000 on estime que chaque année entre 100 000 délais contraints6. Les résultats sont mitigés et la priorité et 300 000 personnes sont affectées durant la saison des est accordée au maintien des populations dans les zones Fig. 17: Lieux de résidences des nouveaux arrivants à Dakar entre 1999 et 2008 et risques d’inondations. Une large part des nouveaux arrivants s’est localisée dans les zones périphériques de Dakar où les risques d’inondations sont élevés (en particulier à Pikine et Guediawaye) ; World Bank (2010) based on (Wang, Montoliu-Munoz, The Geoville Group, and Gueye 2009). 6/ le Plan Jaxaay : 1 800 logements de 15 millions FCFA l’unité, sub- Le programme « une famille, un toit » : opération de 5 000 logements sur le ventionnés par l’Etat à hauteur de 75 %, destinés aux ménages vic- site de Diamniadio, réservés à des fonctionnaires bénéficiant d’un prêt de 5 times des inondations de 2006; ces conditions sont difficilement re- millions FCFA de la DMC (Direction de la Monnaie et du Crédit). Les logements productibles à une plus grande échelle l’opération sera clôturée en sont construits par des promoteurs qui reçoivent gratuitement le terrain de 2010. Le programme aura toutefois eu comme impact positif de per- l’Etat et bénéficient d’une exonération de taxes. mettre l’aménagement de bassins de rétention dans les zones libérées. dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 18 moyennant l’aménagement d’infrastructures de drainage miques par district (Figure 18), on constate que les zones à la hauteur des enjeux. à haut risque d’inondation sont également celles qui sont en priorité habitées par les populations les plus pauvres. Les zones inondables sont habitées par les populations Cette situation n’est pas de typique de Dakar et se retrouve les plus pauvres. En comparant les cartes de niveaux de dans de nombreuses villes de pays en développement. Ain- risque (Fig. 17: Lieux de résidences des nouveaux arrivants si les populations les plus pauvres cumulent de nombreux à Dakar entre 1999 et 2008 et risques d’inondations. Une handicaps puisqu’outre la vulnérabilité aux inondations, large part des nouveaux arrivants s’est localisée dans les elles souffrent d’un faible niveau d’accessibilité aux oppor- zones périphériques de Dakar où les risques d’inondations tunités économiques concentrées majoritairement dans sont élevés (en particulier à Pikine et Guediawaye) ; World le département de Dakar puisqu’elles en sont loin géogra- Bank (2010) based on (Wang, Montoliu-Munoz, The Geo- phiquement et que leurs revenus sont en moyenne trop ville Group, and Gueye 2009).) et de profils socio-écono- faibles pour pouvoir bénéficier du transport public. Fig. 18: Les inégalités de revenus dans l’agglomération Dakaroise (ANSD 2008) Des divisions créées par le système foncier et par la politique d’habitat La pénurie de logement dans la région de Dakar mène à catif de la cherté du logement et du foncier à Dakar tient l’étalement urbain, au développement anarchique de l’ag- en l’absence de structure en charge de l’aménagement glomération ainsi que l’informalité. La cherté du foncier foncier en dehors du MHU et des collectivités locales elles- combinée à des revenus limités et à un système financier mêmes. Il en résulte une production de parcelles en péri- très étroit limite la densification du bâti. La cherté du fon- phérie des villes, dans le cadre de plans de lotissement ou cier s’explique par l’afflux massif de migrants ruraux ou parfois simplement d’alignement, sommairement amé- d’autres villes et par la géographie de Dakar qui limite la nagées, et cédées officiellement au prix des frais de bor- disponibilité foncière7. Un autre élément important expli- nage. En conséquence tout ménage acquéreur potentiel 7/ Les migrants jouent également un rôle non-anecdotique dans la cherté du qu’ils transforment pour les louer notamment à des fonctionnaires exclus foncier. Depuis les années 70, les émigrés acquièrent en deuxième main des des programmes publics de logement. Depuis les années 90, ces propriétaires terrains et y réalisent, dans des délais relativement courts, des constructions loueurs seraient deux fois plus nombreux que les propriétaires résidant locale- en dur, contribuant ainsi à l’extension et surtout à la montée des prix des ment (Tall 2002) terrains situés dans ces zones. Les émigrés achètent également des maisons dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 19 de foncier est poussé vers la périphérie de Dakar dans des population (estimée à 6 %). Le nombre de ménages ayant zones où l’accessibilité aux emplois est limitée et où la souscrit un prêt est de 4 %, et ne dépasse pas 0,1 % si l’on mobilité est contrainte. En parallèle, l’agglomération Daka- ne prend en compte que les prêts souscrits pour acquérir roise qui pourrait se développer sur un modèle similaire à un logement neuf ; 1,8 % des ménages ont souscrit un prêt Hong Kong ou Singapour (d’autres métropoles contraintes pour l’auto construction. En revanche, 26 % des ménages géographiquement) ne parvient pas à transformer ses im- sénégalais auraient obtenu un prêt de leurs parents ou portantes valeurs foncières en habitat collectif et en den- amis dont une partie pour le logement8. sité de bâti, malgré la présence de bâtiments de plusieurs étages dans le département de Dakar. L’autopromotion et l’auto construction ont répondu à cette pénurie de logement, ce secteur a des limites, no- Un marché financier embryonnaire qui ne permet pas tamment au regard de sa faible organisation. Le taux d’au- le développement d’un secteur immobilier viable. L’une to-construction de logements au Sénégal et à Dakar dans des raisons possibles au fait que peu d’opérateurs in- une moindre mesure, sans architecte, est très élevé de vestissent dans la construction de logements collectifs l’ordre de 80% (CAHF 2014) avec des coûts de construction dans la Presqu’île ou dans les Départements directement en moyenne inférieurs à 56 000$. Mais cette modalité de adjacents tient en l’étroitesse du marché financier. En par- production de logement ne permet pas de combler le déficit ticulier le «Center for Affordable Housing Finance in Afri� - chronique à Dakar estimé aux alentours de 200 000 unités ca» indique que 80% des demandes de prêts au secteur et qui croît à 10% par an et surtout l’utilisation de parcelles bancaire pour les entreprises Micro, petites et de moyenne pour du logement de basse densité pousse les nouveaux taille sont refusées faute de collatéral (CAHF 2014). De plus, arrivants encore plus en périphérie et donc dans des zones le Sénégal se classe parmi les derniers pays Africains en de faible activité économique. En réponse à ce déficit de termes de montants de prêts immobilier par unité de PIB logement le gouvernement Sénégalais a mis en place de- – 0.07% du PIB en 2013 – loin derrière le Kenya (3.45%), l’Ou- puis longtemps une série d’initiative de production de lo- ganda (0.90%), ou le Nigeria (0.58%) et le Ghana (0.45%) gement public et social. Récemment le programme « une pour citer des voisins plus proches (CAHF 2014). Une autre famille, un toit » a vu le jour. Dans le passé cependant les possibilité est le coût de la construction prohibitif qui mal- résultats de ce type d’initiative se sont révélés modestes. gré des valeurs foncières importantes ne permet pas de ré- En 50 ans, les performances des deux sociétés publiques aliser de plus-values. Plus de recherche sur cette question de promotion immobilière, la SICAP et la SN-HLM ont été serait nécessaire mais il est probable que les deux aient un faibles. Leur production actuelle représente moins de 1 % rôle important. des besoins annuels de la région de Dakar. La demande en logement est pour sa part, sous la Les difficultés rencontrées par l’Administration pour ré- contrainte de la faiblesse du nombre de ménages sol- pondre à cette demande ont entraîné une aggravation du vables (Fig. 19: Répartition des ménages par strates de re- phénomène de l’habitat spontané au cours des dernières venus (CAHF 2014)) et du faible taux de bancarisation de la années : les estimations varient entre 30 % (CAHF 2014; UN Habitat 2008) et 60% (FDV and Urbaplan 2011) de la su- 100% > $10 per day perficie de l’agglomération dakaroise. UN Habitat (2008) estime le taux d’irrégularités des structures à 21,76% dans $4- $10 per day l’agglomération de Dakar, principalement concentré dans 75% le département de Pikine (42.42%). La lenteur et la com- $2 - $4 per day plexité des procédures administratives pour obtenir un permis de construire y contribue largement également. Le 50% rapport 2015 ‘Doing Business’ de la Banque Mondiale in- $1.25 - $2 per day dique ainsi que pas loin de 13 procédures sont nécessaires et que le temps d’attente avant l’attribution du permis est 25% d’environ 200 jours soit 42 de plus que la moyenne des < $1.25 perx day pays d’Afrique Sub-Saharienne (World Bank 2014). 0% Dans une perspective de développement polycentrique Fig. 19: Répartition des ménages par strates de revenus (CAHF 2014) et pour faire face aux enjeux d’accessibilité et de pénurie de logements le Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme 8/ Source : 2012 Global Financial Inclusion (Global Findex) - The World Bank dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 20 (MHU) annonce la création de 25 Pôles Urbains d’ici 2035, peut saluer la prise de conscience et l’initiative de création dont 5 dans la zone qualifiée de prioritaire de Dakar-Thiès- des pôles urbains, il convient de se méfier de ces grands Mbour. Ces pôles Urbains s’apparentent à la création projets qui n’ont pas historiquement rencontrés de francs de villes nouvelles notamment en périphérie de Dakar succès et qui se sont traduits à long terme par des parcs et visent au développement concerté d’activités écono- de logement sous-utilisés et largement déconnectés des miques conjointement à de larges projets d’habitat. Si l’on opportunités économiques. Conditions de vie dans les zones d’habitat spontané Bien que le phénomène de l’habitat spontané à Dakar soit par la Banque Mondiale en 2004. Leurs conclusions sont massif, il est cependant important de noter que les condi- que malgré des taux de pauvreté bien supérieurs et des ni- tions de vie qui y prévalent ne sont pas désastreuses, en veaux d’éducation très inférieurs, les résidents des zones comparaison tout du moins de celles qui sont rencontrées de bidonville à Dakar ont des conditions de vie meilleures dans les bidonvilles de Nairobi ou de Johannesburg (Gu- (notamment en termes d’accès aux infrastructures de base lyani, Talukdar, and Jack 2010). Gulyani, Bassett et Taludkar (eau, électricité, construction en dur). (2014) ont réalisé une comparaison détaillée entre les bi- donvilles de Dakar et Nairobi à partir de données collectées dakar nairobi welfare welfare 18 % au dessus de la pauvreté 28 % au dessus de la pauvreté education conditions de vie education conditions de vie 36% ont complété 74% avec eau, electricité 79% ont complété 3% avec eau, electricité l’école primaire et murs permanents l’école primaire et murs permanents emploi emploi 39% travaillent 68% travaillent Fig. 20: « Development diamonds » comme présentés par Gulyani et al. (2014). Comparaison des bidonvilles à Dakar et Nairobi en fonction de l’accès de leurs habitants aux infrastructures, de leur niveau d’éducation, du taux de pauvreté et de leur statut d’emploi. dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 21 iv. approche métropolitaine gouvernance et financement Le Grand Dakar avec ses 2.7 millions d’habitants requiert une vision globale et L’Acte III de la décentralisation pourrait créer un problème des mécanismes de coordination et de mutualisation budgétaires afin de tirer de disparités entre les nouvelles communes de plein exer- profit de ses potentialités économiques, dans le nouveau contexte apporté par cice de Dakar. Les disparités de ressources existant entre les l’Acte III de la Décentralisation. ex-communes d’arrondissement d’avant l’Acte III étaient en partie atténuées par la dotation de la Ville, et plus par- ticulièrement par « une péréquation par la dépense » : les La gouvernance métropolitaine du grand Dakar constitue charges scolaires et de santé, ou l’éclairage public, étaient un enjeu important pour le renforcement de la compétiti- réglées par la Ville indépendamment de la situation finan- vité de Dakar dans l’ensemble ouest-africain. La nouvelle cière des communes d’arrondissement. La nouvelle situa- étape encore à franchir en matière de décentralisation ren- tion posée par l’Acte III entraîne de nouvelles disparités en voie à un paysage institutionnel du Grand Dakar caracté- termes de capacité de prise en charge des compétences risé par l’émiettement des responsabilités et des moyens, transférées. Le manque d’un mécanisme de péréquation tant au niveau local9 que central10, qui répond de manière risquerait ainsi de créer des conflits potentiels entre Ville et insatisfaisante aux enjeux soulevés dans le PSE. Communes d’arrondissement. Dakar est la seule ville à dégager une épargne consé- Les ressources des communes d’arrondissement vont être quente, gage d’une capacité d’investissement. Cette situa- bouleversées. En récupérant des ressources fiscales et sur- tion s’explique fondamentalement par la concentration tout un grand nombre de taxes municipales, elles vont des ressources fiscales à Dakar, et notamment, en valeur, brasser un volume plus grand de ressources, pour financer au niveau de la patente (l’impôt pesant sur les entreprises); des dépenses également plus grandes. Mais la capacité il est vraisemblable que les entreprises acquittent tous de péréquation financière qu’avait la ville, recherchant à leurs impôts locaux au siège de leur établissement à Dakar. assurer un niveau de service équivalant sur l’ensemble de C’est surtout le cas pour celles qui sont gérées par la direc- son territoire, pour tous ses 19 arrondissements, sera per- tion des Grandes Entreprises. En parallèle, la taxe foncière due. Les plus riches des arrondissements (le Plateau par qui devrait être l’impôt local par excellence rapporte peu (2 exemple), aura 4 ou 5 fois plus de ressources par habitant 675 FCFA par habitant à Dakar, soit aux alentours de 5US$), que les arrondissements les plus pauvres. du fait principalement des difficultés d’identification des contribuables, mais aussi à cause de logiciels défaillants et L’agglomération de Dakar souffre de l’absence de struc- surtout des exonérations et abattements substantiels. tures intercommunales efficaces. La création en 1983 de la Communauté urbaine de Dakar (CUD) chargée de gérer dakar : évolution du produit des patentes les services d’intérêt intercommunal pour toutes les com- munes de la presqu’île de Dakar jusqu’à Rufisque aurait dû 16 000 15 000 représenter une bonne solution. Dotée de compétences 14 000 correctes (planification urbaine, grande voirie, ordures mé- millions fcfa 13 000 nagères), elle n’avait cependant aucune ressource fiscale, 12 000 et dépendait de participations des communes membres, 11 000 telles que prévues par la loi, mais surtout du bon vouloir 10 000 des communes. De fait, seule la ville de Dakar affectait des 9 000 8 000 ressources à la CUD et en contrepartie bénéficiait d’une 7 000 grande partie de son activité, renforçant ainsi la position 2007 2008 2009 2010 2011 2012 des autres communes de ne pas s’y investir. Dissoute en Figure 21 - Dakar: Evolution du produit de la patente 2001, la CUD est remplacée en 2004 par deux « Commu- nautés d’agglomération »: la CADAK (Dakar, Pikine et Gué- 9/ 48 communes de plein exercice, 4 villes dont les compétences doivent être re- 10/ Multiplicité des agences sectorielles, absence de document de planification visitées sur la base des moyens qui leur sont dorénavant accordés, 4 départe- partagée, etc. ments, 2 structures intercommunales - CADAK et CAR - tentant d’intervenir de manière combinée sur l’ensemble du territoire à travers l’Entente CADAK-CAR dakar | une métropole en mutation face a des défis structurels 22 diawaye), et la CAR (Rufisque, Bargny, Diamniadio ainsi que Dakar et permettant de donner un sens aux infrastructures les communautés rurales de Sangalkam et de Yène). Sans de liaison et à l’aménagement des grands projets déjà en- ressources propres, ces communautés ont du mal à se pé- gagés. renniser. L’Acte III de la décentralisation est l’opportunité remettre à plat la question de la gouvernance métropolitaine et de réfléchir à l’adéquation entre (i) territoire fonctionnel et (ii) territoire institutionnel. Comment faire valoir que la métropole est l’échelle pertinente pour résoudre les pro- blèmes de transport, de logement, d’environnement et de développement économique ? Une réflexion sur les nou- veaux outils stratégiques (en matière de transport, d’habi- tat, d’environnement, de grands projets, etc.), et les moda- lités adaptées de gouvernance à mettre en place à l’échelle du Grand Dakar s’avérerait donc indispensable11. Finalement, l’intercommunalité pourrait constituer une réponse potentiellement pertinente au risque de désagré- gation communal. Dans le cadre du Grand Dakar, l’ANAT imagine l’émergence de plusieurs intercommunalités au sein du périmètre d’envergure régionale (cf. Carte schéma- tique ci-dessus). L’objectif est d’inciter à la création de pôles structurants contrebalançant le rôle de l’agglomération de Fig. 22: Acte III - Intercommunalités 11/ La légitimité de la métropole pour la population est généralement faible : le territoire métropolitain ne constitue pas une réalité par rapport au quartier ou à la commune perçus comme les échelles reconnues de la subsidiarité, ou par rapport à l’Etat qui assume encore une part importante des services. Difficulté de développer un espace métropolitain démocratique. dakar 23 villes secondaires une absence de relais à dakar sur le territoire Au moment de l’indépendance du Sénégal, en 1960, les Cette dépression économique s’accompagne d’une concen- villes secondaires constituaient le moteur du développe- tration de la pauvreté urbaine dans les villes secondaires ment du pays. Le Sénégal était alors l’un des pays les plus et petites, dont les taux sont supérieurs à Dakar. Les villes urbanisés d’Afrique sub-saharienne, devant le Ghana et la secondaires constituent le premier relais de migration des Cote d’Ivoire. Il devait cette situation privilégiée notam- populations rurales qui fuient la sécheresse et le déclin de ment au lien étroit entre développement agricole et urba- la production agricoles (La part de la population urbaine ré- nisation qui avait conduit à faire émerger une armature ur- sidant dans les villes secondaires a dépassé celle de Dakar baine relativement structurée et équilibrée. Ces villes dites en 2000). Cet afflux vers les villes secondaires, incapables secondaires ont été fortement impliquées dans le trafic le d’offrir les conditions de vie à ces nouveaux arrivants, et en long du fleuve Sénégal et dans le développement de la pro- proie à un fort déficit en termes d’accès aux services ur- duction arachidière. Plus tard, la distribution spatiale de la bains de base, a conduit à une concentration de la pauvre- population se caractérisera par le développement de villes té urbaine. Les taux enregistrés (41.2%) sont beaucoup plus le long de la côte. élevés qu’à Dakar (26.1%)12. 14 000 000 tendances de la pauvreté au sénégal 12 000 000 90,00 10 000 000 8 000 000 78,75 6 000 000 67,50 4 000 000 56,25 2 000 000 45,00 0 33,75 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 Population agglomération de Dakar Population hors aggo. de Dakar 22,50 Fig. 23: Répartition de la population urbaine entre l’agglomération de 11,25 Dakar et l’intérieur 0,00 1994/1995 2001/2002 2005/2006 2011 Le déclin des activités agricoles des années 1970 ont for- Zones rurales Villes secondaires Dakar tement affecté le potentiel économique des villes secon- daires. Les départements les plus affectés sont ceux de la Fig. 24: Tendances de la pauvreté au Sénégal suivant les zones de résidences Casamance (Ziguinchor et Kolda) et ceux du centre (Louga, Tambacounda et Fatick). En Casamance, les principaux fac- teurs sont les 25 ans de conflit, les difficultés de passage La contribution des villes secondaires à l’économie sénéga- via la Gambie, et l’irrégularité des liaisons maritimes et laise demeure modeste. En effet, les villes secondaires ont aériennes. Les départements du centre sont touchés par des difficultés à développer des économies fortes et com- le déclin des activités agricoles (arachide, mil, maïs) qui pétitives à l’image de la ville de Dakar. Les entreprises sont a suivi les réformes de la fin des années 80 marquant la concentrées à 65% à Dakar, contre seulement 13% à Thiès. diminution des appuis de l’État au niveau de l’acquisition Les 9 régions restantes se partagent 22% des entreprises du des intrants. Les régions de Thiès, Saint-Louis, Diourbel et pays (ANSD - RNEA 2012). Les villes secondaires demeurent Matham ont, eux, été moins durement touchés grâce no- otages d’une spécialisation économique historique. La Fig. tamment aux revenus liées aux activités touristiques, aux 25: Distribution géographique du PIB du Sénégal (Russ, cultures irriguées, à la pêche, à la présence d’industries Barra, and Damania 2015). montre une forte concentration agroalimentaires en particulier pour Saint Louis, et aux in- économique aux alentours de Dakar et la contribution li- dustries extractives pour la région de Thiès. mitée des villes secondaires au PIB du Sénégal. 12/ ESAM 2011 villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 24 nomique (des secteurs tels que l’agriculture, les activités minières ou le tourisme) et le manque de diversification, les rend très vulnérables aux chocs économiques. Cette vulnérabilité pourrait mettre en péril des années d’efforts de développement économique et sociaux. Le cas de la pro- duction arachidière, marqué par le déclin de la productivité agricole et les crises climatiques, mais aussi l’insécurité et le conflit réduisant l’attrait du tourisme ont fortement af- fecté les efforts de réduction de la pauvreté et de dévelop- pement économique. A travers le plan Sénégal émergent, le gouvernement sé- négalais entend promouvoir la contribution de l’ensemble des territoires au développement économique du pays13. Le PSE devrait constituer une opportunité pour les villes se- Fig. 25: Distribution géographique du PIB du Sénégal (Russ, Barra, and condaires de devenir des relais importants de la stratégie Damania 2015). de développement économique du Sénégal. Le PSE prévoit en effet une réorganisation de l’ensemble du territoire na- Les villes secondaires au Sénégal sont davantage vulné- tional en Pôles Territoires, avec l’objectif de favoriser l’inté- rables aux chocs économiques. La spécialisation historique gration territoriale, ainsi que la préparation et la mise en des villes secondaires, leur dépendance à un secteur éco- œuvre de projets structurants. i. une meilleure connectivité pour exploiter les potentialités du territoire national connectivité inter-urbaine et développement des villes secondaires La dégradation continue des voies routières affectent la 26: Pourcentage des entreprises qui considèrent le trans- compétitivité régionale. Le réseau inter-urbain est carac- port comme une contrainte grave ou très grave à la perfor- térisé par une mauvaise qualité ou absence de routes qui mance économique (Escribano, Guasch, and Pena 2010)). affecte la mobilité des populations et constitue un obsta- Par ailleurs, la densité de routes au Sénégal se situe aux cle majeur à l’échange des biens et services. En effet, selon alentours de 76km de voies construites par 1000km2, ce qui Escribano et al (2010), plus de 50% des entreprises basées est en dessous de la moyenne de l’Afrique sub-saharienne au Sénégal considèrent les problèmes liés au transport (204km par 1000km2) (BAD/BM/Autorités Sénégalaises comme source de contre-performance économique. Ce 2015). La durée des liaisons inter-urbaines sont parfois si- taux place le Sénégal en cinquième position au sein d’un gnificatives ce qui entraine une hausse des coûts de trans- groupe de 26 pays africains affectés par ce problème (Fig. port. Ceci constitue un obstacle majeur à l’implantation 13/ La croissance recherchée est harmonieuse et donc inclusive : elle repose sur un marché intérieur que sur la compétitivité-coût et les performances à l’ex- un marché intérieur dynamique, des salaires plus élevés et donc une classe portation. La stabilité politique et institutionnelle du pays constitue un de ses moyenne élargie. Le pari et la stratégie de communication qui l’accompagne atouts majeurs, notamment par rapport aux autres pays de la sous-région et sont cruciaux, la croissance du Sénégal comme de l’ensemble des pays de la même du continent. sous-région, étant fortement extravertie, et reposant naturellement moins sur villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 25 d. transport Burkina Benin Cameroon Kenya Senegal Zambia Malawi Niger Burund Madagascar Tanzania Uguanda Cape Verde Lesotho Mali Mauritania Namibia Swaziland Ehtiopia Mauritius South Africa Botswana Eritrea Morocco Egypt Algeria 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Pourcentage de firmes Fig. 26: Pourcentage des entreprises qui considèrent le transport comme une contrainte grave ou très grave à la performance économique (Escribano, Guasch, and Pena 2010) d’entreprises dans ces régions et à l’investissement privé. gion de Tivaouane (Kayar, etc.). La Figure 27 montre ainsi la Les coûts élevés du transport inter-urbain constituent un faible qualité des routes Sénégalaises: si certaines régions, obstacle majeur à la compétitivité économique des firmes. notamment Dakar bénéficient d’un réseau en état accep- table, ce n’est pas le cas de nombreuses régions notamment Le réseau de transport actuel parvient à desservir la plu- à l’Est du pays. Le volet de droite de la Figure 27 montre par part des villes mais son état dégradé constitue une en- ailleurs que les coûts de transports de marchandises sont trave à la connectivité. Le réseau routier14 actuel du Séné- étroitement liés à la qualité de du réseau routier. D’après gal assure le désenclavement relatif de la plupart des villes certaines estimations, la réduction des coûts de transports et régions à l’intérieur du pays. 38 des 60 agglomérations de 10% pourrait permettre un accroissement du PIB rural de plus de 10 000 habitants que comptait le pays en 2010 de 1.7% en permettant aux productions agricoles de trou- étaient localisées à moins de 5 km du réseau routier princi- ver des débouchés sur les marchés locaux (Russ, Barra, and pal15, soit 63 % de la catégorie des plus de 10 000 habitants. Damania 2015). Ces agglomérations constituaient 100 % de la population urbaine totale en 1950 et 91 % en 2000. Ces voies sont ce- Malgré les progrès réalisés par certaines villes secondaires, pendant pour la plupart dégradées, et affectent notam- notamment Thiès et Touba, les autres localités demeurent ment les localités suivantes : (i) le nord de la Casamance, le insuffisamment connectées, et donc isolées économique- long de la frontière avec la Gambie (Bignona, Marsassoum) ment. L’analyse des données économiques et démogra- en raison des contraintes de la route traversant la Gambie, phiques montre en effet que, hormis Dakar, les villes les plus (ii) le Nord-Est de Touba dans la région de Louga (Linguere, dynamiques du Sénégal sont Thiès et Touba. Or, ces deux Dara), (iii) le long de la côte au Nord de Dakar, dans la ré- agglomérations bénéficient de conditions particulières qui 14/ Le réseau est en effet principalement routier : l’aménagement du fleuve Séné- chor. Toutefois, le PSE a programmé la réhabilitation de sept aéroports régio- gal est toujours d’actualité et permettrait de désenclaver économiquement la naux, dont l’apport à l’économie nationale restera toutefois dépendant de la région en connectant les villes de quatre pays (Sénégal, Mauritanie, Mali, Gui- présence de compagnies (publique ou privée) décidées à investir sur le trans- née) et en facilitant la sortie des minerais de la région du Sud-Est. Le fleuve est port intérieur aérien. toutefois longé par une route nationale de Saint Louis à Bakel qui répond en 15/ Le choix des axes routiers obéit ici à deux critères : la catégorie de la route (RN) partie aux besoins. Il en est de même pour la Casamance reliée à Dakar princi- et son importance en termes de trafic. C’est ce dernier critère qui explique le palement par la route14. La liaison ferrée entre Dakar et Bamako est interrom- fait que certaines portions du réseau principal ne sont pas présentées sur la pue depuis 2010, mais maintenue jusqu’à Thiès pour acheminer le phosphate carte qui suit, car le trafic y est réduit et ne génère donc pas de dynamiques de Taïba (près de Thiès). La remise en état du couloir ferroviaire entre Dakar et d’urbanisation notoires. Il s’agit des axes suivants : Diourbel-Kaolack, Lou- Bamako a été inscrite dans la SAP 2013-2017 de la Banque mondiale (exercice ga-Darou Mousty-Touba, Kaolack-Karang-Bignona, Touba-Linguère et Tamba- 2014). La ligne de chemin de fer entre Dakar et Saint Louis a été abandonnée counda-Kidira. en 1932. Les liaisons aériennes nationales sont inexistantes excepté sur Ziguin- villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 26 Fig. 27: Droite/ Etats des principaux axes routiers au Sénégal ; Gauche/ coûts de transport de marchandises aux marchés les plus proches (Russ, Barra, and Damania 2015). croissance des agglomérations de plus de 10 000 hab. 1968 - 2010 4,2 - 5,7% MAURITANIE 3,0 - 4,2% Podor Dagana 2,6 - 3,2% Rosso Ndioum Richard Toll 2,3 - 2,6% Thilogne 1,8 - 2,3%% 1,2 - 1,8% 0,7 - 1,8% St-Louis 2 400 000 Matam Louga Ouro Segui Kebemer 600 000 Mboro Dara Kanel Mekhe 2 80 000 Linguere Waounde 100 000 Kayar Tivaouane 30 000 Touba Bakel Dakar Pout Khombole Bambey MALI Thies Mbacke Ru sque Bargny Sebikotane Diourbel Diamniadio Nguékokh Tiadiaye Gossas Fatick Mbour Guinguineo Gandiaye Ka rine Joal Koungheul Kaolack Sokone Ndo ane Nioro Tambacounda GAMBIE Velingara Kolda Sedhiou Bignona Kedougou 0 50 100 km Ziguinchor Goudomp GUINEE-BISSAU GUINEE Fig. 28: Croissance des villes 2010-1998 villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 27 leur permettent de se distinguer (voir paragraphes et ). résident dans le tourisme religieux et le secteur agricole. Les autres villes secondaires sont incapables d’assurer le La croissance de Touba est remarquable mais elle est forte- relais territorial de Dakar et de s’imposer comme forces ment dépendante du tourisme religieux, et ne se fonde pas motrices économiques. Ces régions, à l’instar de la Casa- sur l’implantation d’activités économiques alternatives. mance sont pénalisées par une certaine isolation vis-à-vis Cette spécificité, fait que Touba demeure un modèle peu de Dakar et du reste du pays. Ces trois cas, Thiès, Touba et la reproductible et qui ne peut donc pas guider l’émergence Casamance, sont emblématiques du développement terri- d’autres villes secondaires et moyennes. torial du Sénégal moderne et témoignent tous d’une faible connectivité territoriale d’ensemble. Il est donc intéressant de s’y arrêter et d’en décrire brièvement les traits caracté- ristiques. La majeure partie des villes sénégalaises sont enclavées, isolées à l’image de la région de Casamance. En effet, la La ville de Thiès tire sa croissance économique du fait de Casamance et ses alentours sont pénalisés par le mauvais sa proximité avec la ville de Dakar. Avec une population état et parfois l’absence de routes adaptées aux besoins de 291 088 habitants, la ville de Thiès est la troisième ville locaux. Le manque d’infrastructures adaptées handicape la plus peuplée du Sénégal (ANSD 2010). Elle fonctionne l’économie casamançaise qui est principalement basée sur comme une ville satellite de Dakar, dont elle est située à le tourisme et l’agriculture. Le développement de la Casa- seulement 60 km. La proximité de Thiès par rapport à la mance a été également freiné par des problèmes de sécu- capitale rend possible le transport des biens et services de rité qui ont entraîné une baisse des activités touristiques manière efficiente et à un coût modéré. La ville bénéficie et une migration des populations vers d’autres régions du en effet d’un système de transport interconnecté avec Da- pays. kar et des aménagements qui résultent de la construction du nouvel aéroport Blaise Diagne. Par ailleurs, la ville de Des investissements importants en matière d’infrastruc- Thiès a bénéficié du prolongement de l’autoroute de Dakar tures, soutenus notamment par la banque mondiale, sont jusqu’à Thiès qui a, d’une part, réduit le temps de transport en train d’être effectués pour désenclaver la Casamance. entre les deux villes à un peu plus d’une heure, et d’autre La construction du corridor trans-gambien permettrait de part, a augmenté son attractivité et atténué la pression désenclaver la Casamance, mais également de tirer davan- exercée sur Dakar en matière de logements et de services tage profit des bénéfices de la connectivité entre Dakar publics. Ces éléments font donc de la ville de Thiès la deu- et Lagos. L’aménagement de ce corridor repose en grande xième ville économique du pays après Dakar. partie sur la construction d’un pont sur le fleuve Gambie dont le financement serait assuré par la Banque Africaine La santé économique fondée sur le tourisme religieux de Développement (BAD) ($75 millions USD) et dont la li- reste une exception. La ville de Touba, capitale religieuse vraison est prévue en 2017. La simplification des formalités du mouridisme, est aujourd’hui la deuxième ville la plus transfrontalières permettrait aussi d’augmenter sensible- peuplée du Sénégal devant Thiès, Kaolack, Saint Louis et ment les relations entre la Casamance et le reste du pays. Ziguinchor avec une population estimée en 2013 à près de Des infrastructures, notamment de transport, adaptées 550 000 habitants (2007). L’histoire de Touba, sa croissance aux besoins des populations appuyés par une politique ur- et la migration dont elle a bénéficié, fait figure de cas par- baine rigoureuse permettraient à la région de profiter de ticulier au Sénégal et son modèle de développement ne ses potentialités économiques. Bien que l’enclavement de peut pas être étendu au reste du territoire national. La la Casamance ait été identifié comme un problème majeur croissance économique de Touba est fondée essentielle- et que des projets soient à l’étude et en cours de réalisa- ment sur les ressources que les migrants ont investi dans tion, la situation casamançaise demeure emblématique l’immobilier ce qui a contribué de manière significative à la d’un manque de connectivité Sénégalais qui pénalise l’im- croissance de la ville. Les autres atouts de la ville de Touba plantation d’activités économiques en dehors de Dakar. villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 28 ii. dynamique spatiale planification urbaine et accès aux services Les villes secondaires se trouvent dans un cercle vicieux de déclin économique villes pourcentage de la superficie et de faibles capacités de gestion urbaine. Les efforts de redynamisations éco- Dakar 35 nomiques soulignées dans le Plan Sénégal Emergent doivent aller de pair avec une meilleure gestion urbaine, afin de créer un environnement favorable aux Thies 40 entreprises et aux ménages. Saint Louis 30 Kaolak 25 Les espaces urbains sénégalais sont confrontés à un Louga 10 manque criant de planification. L’efficacité des procédures Djourbel 15 et outils d’urbanisme est confrontée à trois grands types Ziguinchor 25 de faiblesse: (i) la lenteur dans l’élaboration des documents de programmation (moyens insuffisants du Ministère de Tambacounda 20 l’Habitat et de l’Urbanisme (MHU)), (ii) la résistance des Kolda 15 élus et autorités traditionnelles aux contraintes qui résul- Fatick 10 teraient d’un urbanisme planifié, et (iii) la priorité accordée aux opérations d’aménagement ponctuelles (lotissement, Matam 10 projet structurant) par rapport à une programmation d’en- Tab. 1: Proportion de l’espace occupé par les quartiers irréguliers et non semble. Ces contraintes ont constitué des espaces urbains lotis, à Dakar et dans les capitales régionales – 200416 souvent ségrégatifs, constitués d’un centre équipé et de quartiers périphériques souvent dépourvus d’infrastruc- tures et d’équipements. L’absence d’aménageurs fonciers empêche une expansion planifiée des villes et l’optimisation de la ressource fon- La planification des extensions a été handicapée par la lé- cière. Le manque d’aménageur public rend la viabilisation gislation foncière relative au domaine national. Les quar- foncière sporadique et spéculative. Ceci mène à une pro- tiers périphériques se développent le plus souvent dans duction de parcelles en périphérie des villes, dans le cadre l’informalité, dans un contexte marqué par des conflits fon- de plans de lotissement ou parfois simplement d’aligne- ciers qui peuvent opposer l’administration et les autorités ment, sommairement aménagées, et cédées officiellement coutumières, mais également les maires et les présidents au prix des frais de bornage. Quelques grandes opérations de communautés rurales, ou encore les représentants des d’aménagement foncier ont toutefois été réalisées par le communes avec les préfets et sous-préfets. Il était pour- MHU qui s’est appuyé sur la procédure des ZAC instituée tant attendu que la loi n°64-46 du 1er juin 1964 relative au en 1988 (ZAC de Mbao, Thiès, etc.). Ces opérations ont éga- domaine national permette à l’État de mener une politique lement rencontré un certain nombre de difficultés du fait active d’offre de terrains, soit sous forme de parcelles dans de l’absence d’un organisme spécialisé prenant en compte le cadre d’opérations de lotissements, soit sous forme de la commercialisation des parcelles et par l’absence de mé- grandes opérations d’aménagement intégré dont la valori- canismes pérennes de financement. sation serait confiée à des sociétés d’aménagement. Les villes secondaires souffrent d’un accès limité aux ser- Le développement immobilier hors de Dakar intéresse vices urbains de base. 68% des ménages des villes secon- peu le secteur privé. Le faible nombre de foyers solvables daires sont connectées à l’eau potable et une grande partie encore moins nombreux dans les villes secondaires qu’à des ménages restants accèdent à l’eau à travers les bornes Dakar, crée peu d’incitations pour les firmes immobilières fontaines - en comparaison, 80% des ménages dakarois privées. Ces villes sont dès lors délaissées avec peu de pro- sont connectés à l’eau potable. En termes d’assainissement grammes immobiliers publics, ce qui encourage les pra- urbain, seulement 36.7% des urbains ont accès à un sys- tiques d’auto-construction et d’autopromotion souvent tème d’assainissement de base (fosse septique ou latrine). non maîtrisées (plus de 80% de la production de logement A part Dakar, seulement six centres urbains sont partielle- urbain est en auto construction). ment équipés de réseau collectif d’eaux usées : Rufisque, Louga, Saint Louis, Kaolak, Thiès, et la station touristique de Sally à Mbour. 16/ Source : Comité National Habitat II et ONU-Habitat, 2004 villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 29 Des efforts considérables ont été réalisés en matière d’édu- à Tambacounda, Diourbel, Fatick et Tambacounda. 58 % cation de base mais des disparités territoriales impor- des établissements se trouvent en zone urbaine, dont tantes subsistent au niveau du secondaire. Le poids de la 24,5 % à Dakar. Le taux de scolarisation du secondaire population urbaine de moins de quinze ans nécessite de ( jusqu’au bac) est de l’ordre de 21 % ce qui est faible. Le donner une importance déterminante à l’efficacité du sys- taux est tiré vers le bas par les régions qui affichent les tème éducatif. plus faibles taux de scolarisation au primaire. • Une augmentation de 80 % du nombre d’écoles pri- Le mode de développement peu dense des villes secon- maires sur l’ensemble du territoire national a été daires, dû aux déficiences des politiques de planification et constatée entre 2000 et 2011 et repose pour l’essentiel de logement, augmente le coût de viabilisation et d’accès sur le secteur public17. Le taux d’achèvement au pri- aux services par habitant. Les villes secondaires se déve- maire est estimé à 66,5 % en 2011, à comparer aux 95 loppent aujourd’hui à des densités relativement basses ce % que s’est fixé le Sénégal pour 2015. Ce taux d’achè- qui peut avoir des conséquences de long terme en raison vement présente des disparités importantes selon les de phénomènes de lock-in et de dépendance au sentier. En régions : il est élevé à Dakar et faible dans des régions effet, le capital immobilier et les infrastructures associées comme celles de Louga (50,7 %), Tambacounda (44,9 représentent des coûts fixes importants et donc des du- %), Diourbel (38,9 %) et Kaffrine (27,2 %). rées de vie s’étalant entre quelques décennies à plus d’un siècle. Il apparaît prudent et robuste de mettre en place • Les disparités territoriales se creusent avec l’enseigne- dès aujourd’hui les conditions d’un développement urbain ment secondaire : le taux de scolarisation du secon- compact et relativement dense plutôt que d’inverser la daire 1er degré (niveau collège) plafonne à 53,2 % au tendance à l’étalement urbain à l’avenir lorsque des inves- niveau national ; il est de 83,6 % à Dakar et même de tissements coûteux auront déjà été réalisés. 86,7 % à Ziguinchor, tandis qu’il chute à moins de 30 % iii. financement Le développement des villes secondaires est contraint par semblent peser d’un poids moindre dans les finances lo- le manque de financement. Le poids des collectivités lo- cales, elles ne sont pas inertes et ont connu des croissances cales dans l’économie reste faible au Sénégal. On estime de recettes parfois remarquables. Ainsi, pour les capitales le volume financier de toutes les catégories de collectivités régionales (hors la ville de Dakar), en y adjoignant deux confondues (ex-région, communes, ex-communautés ru- communes qui ne sont pas des chefs-lieux de région mais rales) à 114 Milliards de FCFA en 2011. Avec environ 114 Mil- dont l’importance est reconnue, on constate que la crois- liards de ressources sans doubles comptes, les collectivités sance annuelle moyenne s’est située au-dessus de 10 % locales représentent : sauf pour 4 communes (Kolda, Fatick, Thiès, Mbour). Ces communes ont eu des croissances nettement supérieures • 1,7 % du PIB à 5 % par an. Pour la plupart des communes, comme à Da- • 2,3 % de la formation brute de capital fixe (FBCF) kar, c’est la patente qui explique la croissance des recettes. • 5,9 % du budget de l’État (en dépenses) Ce n’est pas du tout le cas à Kaffrine dont les recettes ont 25 % de leurs ressources proviennent de transferts de l’État augmenté grâce aux taxes municipales, ni à Sedhiou, Lou- (FECL, FDD), principalement absorbés par les ex-régions et ga et Mbour pour la même raison mais dans une moindre les ex-communautés rurales qui n’ont pratiquement pas mesure. de ressources propres. L’effort de l’État en transfert vers les collectivités se limite néanmoins à 1,5 % de ses ressources. Le développement des capitales régionales et des villes moyennes dépendra de l’évolution et du rôle des em- Cependant, les recettes locales, et en particulier celles prunts. Avec la crise économique et financière du début des villes secondaires, se sont améliorées aux cours de la des années 80, les anciennes solutions de financement des dernière décennie. Même si les communes de l’intérieur investissements communaux ont été abandonnées. Le re- 17/ Les données disponibles sont fournies par académie et ne distinguent pas l’ur- bain du rural. villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 30 cours à l’emprunt notamment a disparu avec la restructu- viennent de l’État (FECL) ou de bailleurs. Le CC fut toutefois ration de la dette de l’ancienne commune de Dakar. Les 48 très limité : 6 communes ayant monté un projet pour un communes qui existaient alors ne pouvaient financer leurs total de 1,3 milliards de FCFA. Les conditions d’éligibilité, qui investissements qu’avec leur épargne et de faibles sub- réservaient les prêts à des équipements à récupération de ventions du Fonds d’Équipement des Collectivités Locales coût, étaient assez strictes. (FECL). Les prêts ont introduit une discipline financière de rem- Le Projet de Gestion et de Développement Urbains (1988-1995), le Programme boursement, afin d’accéder à de nouveaux financements. d’Appui aux Communes (1998-2004), et le Projet d’Equipement des Collectivi- Le remboursement intégral des prêts du CC était en effet tés Locales (2007-2013) sont des programmes de développement communaux une condition imposée aux communes pour bénéficier du inities par le Gouvernement Sénégalais et supportes financièrement et techni- PAC. Le remboursent des prêts du PAC devenait ensuite une quement par la Banque Mondiale et d’autres bailleurs tel l’Agence Française de condition d‘accès au projet urbain qui a suivi, le PRECOL. Développement. En plus de l’équipement des collectivités locales et des villes par Pour les deux projets, en octobre 2013, sur un total de 13,9 des infrastructures de base, ces projets ont permis de développer et tester diffé- MM de FCFA, 11,7 MM ont été remboursés, soit un taux de rents modèles de crédit aux communes. remboursement de 80%. Le CC a été presque entièrement remboursé et le taux de recouvrement du PAC est très cor- rect. Le 3ème projet urbain de la Banque mondiale, le Projet de Gestion et de Développement urbains (PGDU), a permis Paradoxalement, la poursuite d’une politique de prêts ne entre autres, la mise en place d’un système de prêt expéri- repose pas uniquement sur la capacité des communes à mental, le Crédit Communal (CC) logé à la Banque de l’Ha- emprunter, mais sur l’existence d’un organisme, ou d’une bitat du Sénégal (BHS). Cette stratégie a contribué, à travers institution susceptible d’en proposer. En effet, l’ADM, qui a des prêts à moyen terme, à la réalisation d’infrastructures porté la gestion des prêts avec une certaine efficacité ne génératrices de revenus dans certaines communes éli- pourra plus continuer dans ce sens pour des raisons statu- gibles. L’objectif du crédit communal était d’amorcer un taires. Il faudra trouver une institution ou une banque de la système revolving de prêts, les remboursements offrant la place, mais aussi revoir les conditions globales : nouveaux possibilité de fournir de nouveaux prêts. Une nouvelle fois, modes de mixage des financements, nouveaux contrats de après une décennie, les communes n’étaient pas limitées villes avec de meilleures mesures de performance, système à se financer uniquement selon des subventions qu’elles de garantie des prêts. iv. gouvernance Le « pôle territoire » présenté par le plan Sénégal émergent Vu les ressources et capacités limitées des collectivités lo- devrait constituer la nouvelle assise du développement cales, des outils de coordination et de coopération doivent durable et du rayonnement des territoires et remplace de leur être proposés. Avec la multiplication des communes, et fait les régions. Il s’agit de regrouper les 14 régions en 6 à 8 des départements en nombre supérieur aux régions qu’ils pôles, pour asseoir des territoires viables et compétitifs por- remplacent, la coopération entre collectivités va devenir teurs de développement durable. Ces «Pôles Territoires»18 un élément primordial. Pour répondre à cette évolution, et constitueraient l’échelon de mise en cohérence des outils à défaut d’une loi, il conviendrait de donner un cadre de de planification des actions de développement dans un es- montage de coopérations soit institutionnelles (syndicats, pace socio-économique et culturel d’ampleur régionale, et syndicats mixte comprenant des collectivités et d’autres homogène au plan éco-géographique. Il est attendu que la organismes19), soit contractuelles (convention-type entre promotion de tels territoires contribue à l’émergence d’un communes, ou entre communes et département, ou dé- maillage et d’un développement poly-centré de l’espace partement-département, etc.).20 communautaire. 18/ La Commission sur la Cohérence territoriale a proposé un regroupement des 20/ La possibilité de regroupement intercommunal n’est spécifiée qu’avec la Ville régions du Sénégal en 6 pôles territoires. (article 180), mais de grandes possibilités de coopération entre les collectivités 19/ Des solutions sont plus adaptées à la coopération en terme de gestion de ser- sont envisagées avec un mode de type contractuel ; aucun article n’évoque les vice et de mutualisation des dépenses, et d’autres mieux adaptées à la gestion communautés d’agglomération. de projets et la programmation du développement. villes secondaires | Une absence de relais à Dakar sur le territoire 31 Au Sénégal, en dehors des grandes villes, peu de com- L’application de l’Acte III de la décentralisation va exercer munes ont la capacité technique pour le montage de pro- une nouvelle pression sur ces agences, en multipliant le jets. Puisque Dakar concentrait en 2008 46% des fonction- nombre de petites communes. L’évolution de ces agences naires Sénégalais pour environ un quart de la population, apparaît donc comme un élément prioritaire de l’agenda les 54% restants sont répartis sur l’ensemble du territoire. urbain et municipal de ces prochaines années. Ces agences Cet état de fait est représentatif de la faible dotation en ont su à plusieurs reprises adapter leurs procédures, no- moyen humains des autorités locales hors Dakar. La plu- tamment pour garantir une meilleure écoute vis-à-vis des part des communes disposent de services techniques em- collectivités locales : meilleure représentativité des maires bryonnaires, et recourent aux services d’agents voyers mis dans les conseils de gestion et assemblées générales de à disposition par les services déconcentrés. Leur capacité l’AGETIP, du CETUD, de FDV, etc., garantir une meilleure pro- de programmation est souvent très limitée. Ceci explique grammation des investissements communaux, etc. Ceci d’ailleurs le succès du recours à la maitrise d’ouvrage dé- n’exclut pas de nouvelles étapes allant dans le sens d’un léguée (AGETIP), ainsi qu’aux agences de développement renforcement de la qualité de la maîtrise d’ouvrage com- type ADM et ADL. munale (du moins pour les grandes communes) et d’une amélioration des performances des agences intervenant L’Agence de Développement Municipal (ADM), l’Agence de Développement Lo- actuellement dans le secteur urbain, souvent mises à cal (ADL), les Agences Régionales de Développement (ARD), et l’AGETIP sont des mal par des dysfonctionnements internes et un manque agences publiques ou/et a statut associatif ou particulier, qui ont rempli des d’avancées dans les réformes. fonctions souvent complémentaires dans le développement Urbain et local. L’ADM s’est positionnée comme plateforme de support aux collectivités locales, et a permis de piloter les mécanismes de crédit aux communes, les Audits Ur- bains parmi d’autres. L’ADL s’est focalise pour des années sur les collectivités rurales. L’AGETIP et les ARDs sont des agences de maitrise d’ouvrage déléguées, spécialisées sur des localités et échelles souvent différentes. dakar - gouvernance 32 vers des institutions fortes Au Sénégal, le focus a majoritairement porté sur des inter- Dans ce cadre, la gouvernance et le financement des villes ventions ponctuelles et limitées dans l’espace. Ces actions connaissent aujourd’hui une nouvelle étape au Sénégal sont extrêmement importantes pour accroître la compéti- avec l’adoption de l’Acte III de la décentralisation, mais tivité urbaine ou nationale, améliorer la qualité de vie et également une certaine remise en cause des mécanismes à tendre vers plus d’équité ou encore favoriser des activités l’œuvre depuis une vingtaine d’années. La réflexion est en- économiques génératrices d’emploi. Cependant, il est au- gagée en direction de solutions opérationnelles qui vien- jourd’hui nécessaire que les interventions gouvernemen- draient optimiser les acquis et mieux prendre en compte tales s’insèrent dans un cadre cohérent afin de peser struc- l’impact économique des investissements sur le dévelop- turellement sur le développement économique du Sénégal pement des territoires, urbains comme ruraux. et de ses villes en particulier. Ce diagnostic renvoie à des réformes visant l’amélioration des capacités institution- Ces réflexions, et les potentielles actions en découlant nelles. doivent s’organiser autour de certains incontournables: Dakar, la capitale du Sénégal doit continuer d’assurer son • Accroître la croissance économique du Sénégal et la rôle moteur de l’économie sénégalaise mais doit égale- création d’emploi ment s’affirmer comme capitale régionale. Des actions à l’échelle métropolitaine sur sa structure urbaine et ses • Une meilleure gouvernance urbaine pour la métropole infrastructures devraient lui permettre de réduire ses de Dakar coûts de congestion et donc faciliter l’accès de ses rési- dents aux opportunités économiques tout en la plaçant • Des institutions de gestion foncière et de planification sur une trajectoire de développement soutenable et in- urbaine mises en cohérence et qui permettent de faire clusive. En parallèle, le Sénégal a besoin de relais de crois- face à une croissance urbaine galopante sance à Dakar sur le territoire national. C’est le rôle des villes secondaires dont la petite taille et la faible traction • Améliorer l’accès aux services de base (eau, électricité, économique trouvent une partie de leurs racines dans une gestion des déchets, éducation, santé, logement…) et faible connectivité territoriale. Des actions, projetées et en les infrastructures cours sur le réseau routier du pays, témoignent de la prise de conscience des autorités Sénégalaises sur ce thème et • Une ingénierie financière inclusive et diversifiée, au doivent être soutenues. Pour constituer des relais de crois- service des villes Sénégalaises de tailles et capacités sance à Dakar, ces villes doivent également adopter dès diverses aujourd’hui des plans et des outils pour leur permettre de grandir sans affaiblir leur attrait. Elles peuvent à ce titre apprendre des réussites et des échecs des expériences in- ternationales et Dakaroise. 1 accroître la croissance économique du sénégal et favoriser la création d’emplois La croissance économique du Sénégal et donc la création et permettrait aux villes Sénégalaises de jouer leur rôle de d’emplois est très fortement pénalisée par un environne- catalyseur de l’innovation. En parallèle un effort impor- ment des affaires inadéquat qui rend coûteux entrepre- tant doit être fourni afin d’assurer une forte accessibilité neuriat. Bien que cette thématique ne soit pas spécifique- à la fois aux opportunités économiques au sein des villes ment urbaine, le retrait de ces obstacles, souvent mais pas qu’entre villes pour permettre l’émergence de relais de uniquement administratifs, libérerait des forces créatives croissance à Dakar. vers des institutions fortes 33 • Le Sénégal se classe 161ème sur 189 pays en 2015 quant des villes secondaires et petites. Les efforts de moder- à l’environnement réglementaire des affaires. Malgré nisation du réseau routier doivent être soutenus dans des progrès rapides notables – le Sénégal était classé le temps. En parallèle une attention particulière doit 171ème en 2014 – l’accès à l’électricité, l’obtention de per- être portée au désenclavement de la Casamance. mis de construire, l’enregistrement des propriétés, la protection des investisseurs, l’accès au crédit ou l’ap- • Au sein des villes et dans la métropole de Dakar, l’ac- plication des contrats (respect) demeurent faibles et/ cessibilité aux emplois et aux services administratifs ou coûteux et représentent des obstacles importants est nécessaire pour permettre aux villes Sénégalaises à un développement économique fort au Sénégal. Il de réellement réduire les distances économiques. De convient de continuer les réformes afin de diminuer le nouveaux investissements tels que les lignes proje- temps et le coût des procédures administratives d’en- tées de Bus à Haut Niveau de Service peuvent y contri- registrement d’une propriété, d’obtention d’un permis buer tout en diminuant la congestion et en limitant de construire mais également de démarrage d’une af- les externalités négatives en termes d’émissions de faire. En parallèle, les investisseurs doivent être proté- Gaz à Effet de Serre et de particules. Cependant, ces gés juridiquement. investissements doivent être pensés conjointement à un usage des sols plus économe et moins extensif. • La réduction des coûts de transports entre villes est En particulier l’ouverture à l’urbanisation de parcelles une condition importante pour permettre l’émer- dont l’accessibilité est faible doit être découragée gence de villes secondaires et d’une spécialisation et celles qui sont situées à proximité de stations de territoriale (World Bank 2009). Les travaux en cours et transport en commun doivent être encouragées avec projetés témoignent de la prise de conscience du gou- des densités de population importantes. vernement sénégalais quant à la faible connectivité 2 gouvernance du grand dakar Le rôle prééminent de Dakar et de son agglomération est permet la coordination entre agences en charge des une chance pour le Sénégal qui possède ainsi sur son ter- transports, de l’habitat et de la provision des différents ritoire une des principales villes d’Afrique de l’Ouest. Les services de base. futures actions devront s’attacher à améliorer la qualité de vie de ses résidents et créer les conditions d’un dynamisme • Harmoniser les instruments d’intervention pu- économique. bliques tels que les documents de développement métropolitain (SDAU et autres documents de plani- • Promouvoir une gestion intégrée et cohérente des fication sectorielle) ; les agences techniques (CETUD, différents secteurs stratégiques tels que l’aménage- APIX, AGETIP, ADM, Entente CADAK-CAR, etc.), minis- ment foncier, l’habitat, les transports et la mobilité, les tères associés et partenaires privés (concessionnaires déchets, les risques environnementaux, la localisation de services publics, promoteurs immobiliers, autorités des zones d’activités, etc… Si ces secteurs sont abor- portuaires, etc.) ainsi et les procédures participatives dés de manière isolée, il existe un risque important et procédures d’intervention, pour réussir cette tran- de créer des arbitrages entre priorités. Par exemple, sition. la promotion de l’habitat dans des zones mal des- servies en transport en commun ou vulnérables aux - Dans ce cadre-là, le rôle du CETUD pourrait être inondations peut limiter l’accès des populations da- élargi afin de mieux structurer les liens entre poli- karoises aux zones d’emplois ou mettre en péril leur tique foncière et mobilité urbaine santé et leurs biens. A contrario, une vision d’ensemble et articulée de ces problématiques peut permettre de - De plus, pour changer les pratiques courantes de trouver des synergies afin de favoriser l’accès de tous développement urbain, la création d’un aména- aux opportunités économiques et aux services de base. geur public, et favoriser l’émergence d’aména- Cette vision d’ensemble doit s’incarner dans des docu- geurs privés semble essentielle pour assurer une ments de planification à l’échelle métropolitaine mais action concertée sur le territoire, et de mieux récu- également dans une architecture de gouvernance qui pérer les charges foncières d’urbanisation. vers des institutions fortes 34 • Une solution de gouvernance doit être élaborée à nouvelle réforme mais également d’assurer une co- l’échelle de l’agglomération de Dakar qui est le cadre hérence territoriale en termes de gestion des aména- pertinent puisqu’il correspond au fonctionnement de gements structurants qui débordent sur la région de la métropole. Cette gouvernance doit permettre en Thiès tels que le transport ou le nouvel aéroport. En particulier de résoudre les questions de répartition fi- particulier, la révision rapide du SDAU du Grand Dakar nancière entre les collectivités (Ville et ex-communes englobant la zone du nouvel aéroport s’impose. d’arrondissement) qui subsisteraient à l’issue de la 3 une meilleure planification urbaine et une gestion du foncier à repenser Face aux insuffisances actuelles du contrôle de l’urbanisa- la viabilisation foncière sporadique et mène à une tion il faut développer de façon réaliste un renforcement des production de parcelles situées majoritairement en capacités d’action et d’intervention de l’État et des collectivi- périphérie des villes. Une valorisation du foncier, signi- tés locales conformément aux lois de décentralisation. ficative à l’échelle d’une Ville ou d’un grand quartier, passe nécessairement par un processus d’aménage- • Une simplification des procédures de planification. ment professionnel. Des mesures destinées à favoriser Dans la perspective d’une meilleure couverture na- l’émergence d’aménageur publics et privés aptes à tionale de plans d’urbanisme, les pratiques tradition- récupérer des charges foncières d’urbanisation (voi- nelles (de planification et de réglementation), lourdes rie, équipements, etc.) dans les meilleures conditions et coûteuses, doivent être simplifiées et adaptées aux doivent être mises en place rapidement. réalités locales. Cela passe notamment par une simpli- fication du code de l’urbanisme. Le MHU estime ainsi • En parallèle l’offre foncière doit être pensée de ma- à 30 % le taux de couverture des villes par des plans nière à promouvoir l’accessibilité aux opportunités d’urbanisme, notamment en raison des difficultés tou- économiques au sein des villes Sénégalaises et dans chant l’efficacité des procédures. un souci de protection des populations locales face aux épisodes d’inondations ou aux conséquences • Clarifier les ambiguïtés quant au rôle de l’État et des à venir du changement climatique. Il convient ainsi autorités coutumières afin d’améliorer l’offre foncière d’inciter à la densification autour de zones bien des- en proposant plus de terrains constructibles sécuri- servies par le transport en commun et les lignes à ve- sés. Les modalités d’organisation d’un partenariat et nir de bus à Haut niveau de service. En parallèle il faut de conventionnement avec les autorités coutumières décourager l’installation de résidents dans des zones doivent être recherchées, définies et mises en place. mal connectées aux opportunités économiques ou vulnérables aux catastrophes naturelles telles que les • L’absence d’aménageurs fonciers empêche une ex- inondations qui ont frappé la périphérie de Dakar ces pansion planifiée des villes et l’optimisation de la res- dernières années. source foncière. Le manque d’aménageur public rend 4 améliorer l’accès aux services de base Malgré des progrès récents dans certains domaines tels entrepris pour augmenter l’accès à l’eau potable et corriger que l’éducation, le Sénégal et ses villes continuent de souf- les disparités régionales dans ce domaine. Enfin comme frir d’un accès faible à de nombreux services de base et de discuté à plusieurs reprises dans ce document, le faible ac- disparités régionales importantes. Des investissements cès à l’électricité dans les villes Sénégalaises les pénalise sont particulièrement urgents dans les réseaux d’assai- économiquement et contribue à affaiblir les conditions de nissement qui ne couvrent en moyenne que 36% des mé- vie de leurs résidents. nages urbains. En parallèle des efforts doivent aussi être vers des institutions fortes 35 • Les pôles urbains représentent une opportunité • La question des déchets solides est illustrative des dif- pour améliorer la provision et la qualité de l’ha- ficultés d’accès aux services de base dans les villes Sé- bitat. Ils peuvent constituer l’impulsion qui sup- négalaises et apparait comme un secteur d’interven- pléera le manque d’initiative spontané. Encore tion prioritaire. Il faut définir des systèmes de gestion faut-il que leur définition et mise en œuvre soient efficaces et financièrement réalistes au niveau des adaptées aux populations cibles en termes de capaci- communes en se focalisant sur les fonctions primaires té financière mais également en nombre de logement. que sont la collecte, le transfert et le traitement et en explorant les opportunités de valorisation, en impli- Nombreux types de montages institutionnels ont été quant au maximum les communautés dans la chaine adoptés dans différents pays, avec des résultats assez de collecte. Une politique de recouvrement de la re- divergents. devance auprès de la population afin d’augmenter les recettes propres du secteur à au moins 50% au lieu de - Un pilotage professionnel des pôles urbains est moins de 10% aujourd’hui est nécessaire. Des mesures une nécessité et une attention particulière doit à plus long terme, comme le renforcement du corpus être portée à l’accessibilité de leurs résidents aux réglementaire et le développement de politiques de opportunités économiques. minimisation des déchets doivent aussi être envisa- gées. Dans ce cadre, une meilleure coordination inter- - D’avantage, le modèle relationnel entre gouver- communale (planification, financement et gestion des nance des nouveaux pôles, et les collectivités lo- services) mènera à une meilleure efficacité en termes cales existantes doit être bien approfondi afin de provision de services, et une optimisation des res- d’éviter les redondances et compétitions institu- sources limitées disponibles au niveau de chacune de tionnelles sur le même territoire. ces collectivités. 5 faire évoluer l’ingénierie financière avec l’acte iii de la décentralisation L’accompagnement du secteur urbain avec l’Acte III appelle et une solution de véhicule financier pour accorder des une ingénierie financière nouvelle. Certes les transferts de prêts aux collectivités doivent être trouvées. l’État (FECL et FDD) seront sollicités mais la recherche de nouvelles ressources (fiscalité, emprunts, etc.) demande • Sans préjuger de choix futurs, il est raisonnable de des réflexions nouvelles et des modalités encore peu utili- penser que des outils comme les contrats de ville, ou sées comme la péréquation. de futurs contrats territoriaux dans les Pôles territoires pourraient former des outils performants de relation entre les collectivités et l’État qui restera de toute fa- • Le succès de l’Acte III de la décentralisation repose sur çon le principal initiateur et donneur d’ordre en ma- un partage des ressources entre l’État et les collectivi- tière d’investissement urbain. tés en cohérence avec les compétences et responsabi- lités de chacun. Comme l’exercice des nouveaux textes • La ville de Dakar, tout comme les villes secondaires et ne sera pas immédiat, c’est une remontée progressive les capitales régionales, se trouvent face à des opportu- des ressources des collectivités qui doit être program- nités de financements innovants, tels les Partenariats mée pour les 10 prochaines années. Publics-Prives, les Émissions Obligataires et autres. Le projet d’émission obligataire de la ville de Dakar, ainsi • Il est nécessaire d’organiser une ingénierie financière que leurs différents prêts des banques de la place, en efficace pour le financement des investissements lo- est le meilleur exemple sur l’intérêt du secteur privé caux, donc urbains. Elle doit concerner les quatre pi- dans le financement d’équipements et infrastructures liers du financement : les dotations et transferts de urbaines, et le potentiel rôle ces nouveaux modes de l’État, les bailleurs, les emprunts, et l’autofinancement, financement pourront avoir dans le façonnement fu- c’est-à-dire la fiscalité. Les fonds aux communes (FECL, tur des villes. FDD) doivent être redéfinis, utilisant mieux des critères objectifs de répartition. Des ressources fiscales stables réfeérences 36 références ANSD. 2008. Troisième Recensement Général de la Population et de l’Habitat - RGPH 2002. Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie. APUR. 2004. Déplacements dans les Villes Européennes. Atelier Parisien d’Urbanisme. http://www.apur.org/sites/default/files/documents/156.pdf. Bright, Eddie A., Amy N. Rose, and Marie L. Urban. 2013. “Landscan 2012.” http://www.ornl.gov/landscan/. CAHF. 2014. Africa Housing Finance Yearbook 2014. 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