LES VILLES HAÏTIENNES: DES ACTIONS POUR AUJOURD’HUI AVEC UN REGARD SUR DEMAIN APERÇU LES VILLES HAÏTIENNES: DES ACTIONS POUR AUJOURD’HUI AVEC UN REGARD SUR DEMAIN © 2017 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone: 202-473-1000 Site Internet: www.worldbank.org La publication originale de cet ouvrage est en anglais sous le titre de Haiti Urbanization Review: Actions today with an eye on tomorrow. En cas de contradictions, la langue originelle prévaudra. Le présent écrit est le produit du travail des équipes de la Banque mondiale et de certaines contri- butions externes. Les observations, les interprétations et les conclusions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement le point de vue des administrateurs de la Banque mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données présentées. Les frontières, les couleurs, les dénominations et autres informations figurant sur les cartes ne sont pas le fruit d’un jugement de la Banque mondiale concernant le statut juridique d’un territoire ou l’approbation ou l’acceptation de ces frontières. Droits et licences Le contenu de cette publication est protégé par les droits d’auteur. Cependant, la Banque Mondiale encourage la diffusion de son travail, et donc cette publication peut être reproduite, entièrement ou en partie, à des fins non commerciales, et à condition que l’attribution complète soit faite. Pour tous renseignements sur les droits et licences doivent être adressées à World Bank Publications, The World Bank Group, 1818 H Street, NW, Washington, DC, 20433, USA ; télécopie : 202-522-2625 ; courriel : pubrights@worldbank.org. Photo de la couverture : © Ingrid Nelson. Nouvelle autorisation requise pour toute réutilisation. Conception de la couverture : © Ingrid Nelson. Nouvelle autorisation requise pour toute réutilisation. REMERCIEMENTS La Revue de l’Urbanisation d’Haïti a été préparée par une équipe dirigée par Nancy Lozano- Gracia (Economiste en Chef GSU10– Directrice de Projet), et composée de Sarah E. Antos (Experte en Informatique, Gestion des Informations et des Données, ITSOP), Paolo Avner (Economiste Urbain, GSUGL), Andrea Colombo (Consultant, GSU10), Chandan Deuskar (Consultant, GSU10), Marisa Garcia Lozano (Consultante, GSU10), Alexandra Panman (Consultante, GSU10), Jonas Ingemann Parby (Spécialiste Urbain en Chef, GSU10), Joseph Denis (Consultant, GSU10), Claudia Soto (Spécialiste en Gestion des Risques et Désastres, GSU10), et Benjamin P. Stewart (Géographe, GGSCE). Claudia P. Pacheco Florez (Assistante de Programme, GSU10) a fourni une assistance administrative globale. Le travail du Chapitre 3 représente une collaboration entre la Banque mondiale, la Fondation Flowminder, le Projet WorldPop, et Digicel Haïti. L’équipe de Flowminder a été composée de Guilherme Augusto Zagatti, Miguel Gonzalez Canudas, Chris Brooks, Maximilian Albert, Elisabeth Zu Erbach-Schoenberg, Alessandro Sorichetta, Simon Dutka, Priya Burci, Andrew Tatem, Erik Wetter, et Linus Bengtsson. L’équipe souhaite exprimer sa gratitude à Roger Gorham (Économiste Transports, GTI04), à Augustin Maria (Spécialiste en Développement Urbain en Chef, GSU11) et à Michel Matera (Spécialiste Urbain en Chef, GSU13) pour leurs évaluations collégiales. Des contributions supplé- mentaires ont été apportées par Roland A, Bradshaw (Spécialiste en Chef en en Gestion des Risques et Désastres, GSU10), Lauren Nicole Dauphin (Consultante, GGSCE), Sergio Dell’Anna (Spécialiste en Gestion des Risques et Désastres, GSU10), Katie L. McWilliams (Experte en Infor- matique, Gestion des Informations et des Données, ITSOP), Emilie Perge (Économiste, GPV04), et Franck Taillandier (Spécialiste en Chef Transports Urbains, GTI08). L’équipe a bénéficié de l’accompagnement technique de Catalina Marulanda (Manager de Pratique, GSU12) et de Pierre Xavier Bonneau (Chef de Programme, LCC8C). Des conseils et des commentaires précieux ont été apportés par Judy Baker (Économiste Urbaine en Chef, GSU10) et Raju Singh (Chef de Programme, LCC8C). Le rapport a été préparé sous la direction générale de Ming Zhang (Manager de Pratique, GSU10). En outre, l’équipe est reconnaissante pour le soutien reçu de l’ancienne « Envoyée Spéciale » pour Haïti, Mary A. Barton-Dock. Le Revue a été éditée par « Communications Development Incorporated » et Jean-Dany Joachim a fourni un soutien éditorial pour tout le rapport. La conception et la mise en page du livre ont été élaborées par Ingrid Nelson. La réunion-débat d’orientation de ce rapport a bénéficié des conversations avec des responsables gouvernementaux de haut niveau et des parte- naires de développement y compris des représentants : du Comité Interministériel d’Aménage- i ment du Territoire (CIAT), du Centre National de l’Information Géo-Spatiale (CNIGS), de l’Institut Haïtien de Statistique et Informatique (IHSI), du Ministère de l’Intérieur et des Collec- tivités Territoriales (MICT), du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE), et du Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (MTPTC). Des remerciements spéciaux vont à Michèle Oriol et Rose-May Guignard du CIAT pour leur orienta- tion globale et la contribution à ce travail. Ce rapport a été rendu possible grâce à la contribution financière de trois fonds fiduciaires provenant de: la Facilité mondiale pour la prévention des catastrophes et le relèvement “Global Facility for Disaster Reduction and Recovery (GFDRR) TF0A2693”; du « Jobs Umbrella Trust Fund » de la Banque mondiale, soutenu par le Département du Développement international du Royaume-Uni « Department for International Development (DFID) », les gouvernements de la Norvège, de l’Allemagne et de l’Autriche, l’Agence autrichienne pour le développement et l’Agence suédoise de développement « Swedish International Development Cooperation Agency (SIDA) », TF0A2893; et du programme <>, menées par la division globale des opérations en analyse de données et de texte, division incluse dans les thématiques globales de la Vice-Présidence à la Banque mondiale. ii ABBREVIATIONS ASEC Assemblée de la Section Communale CASEC Conseil d’Administration de la Section Communale CDD Développement Communautaire Participatif (Community Driven Development) CFPB Contribution Foncière des Propriétés Bâties CIAT Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire CNIGS Centre National de l’Information Géo-Spatiale DGI Direction Générale des Impôts DHS Enquêtes de Santé Démographiques (Demographic Health Surveys) DINEPA Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement CE Commission Européenne ECVH Enquête sur les conditions de vie en Haïti ECVMAS Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages Après Séisme EDH Electricité d’Haïti FGDCT Le Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales FY Exercice comptable (Fiscal Year) GHSL Global Human Settlements Layer GUF Global Urban Footprint GVA Valeur Ajoutée Brute (Gross Value Added) HTG Gourde haïtienne (devise) IHSI Institut Haïtien de Statistique et Informatique FMI Fonds Monétaire International OIT Organisation Internationale du Travail JRC Centre de Recherches Conjointes (Joint Research Centre) LAC Amérique Latine et Caraïbes MARNDR Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développent Rural MDE Ministère de l’Environnement MEF Ministère de l’Économie et des Finances MSPP Ministère de la Santé Publique et de la Population MICT Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération Externe iii MTPTC Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications ONACA Office National du Cadastre PDNA Evaluation des Besoins Post-Catastrophe (Post-Disaster Needs Assessment) PIB Produit Intérieur Brut PRAFIPUM Programme d’Amélioration des Finances Publiques Municipales QCA Quartier Central des Affaires UN WUP Perspectives d’Urbanisation Mondiales des Nations Unies (United Nations World Urbanization Prospects) US$ Dollar des Etats Unis USAID Agence des Etats Unis pour le développement international (United States Agency for International Development) WDI Indicateurs de Développement Mondiaux (World Development Indicators) iv APERÇU PARTIE NORD DU CAP-HAITIEN, NORD. PHOTOGRAPHIÉE PAR REMI KAUP, 2006 SOURCE: WIKIMEDIA, CREATIVE COMMONS LICENSE APERÇU Aujourd’hui, plus de la moitié de la population haïtienne est installée dans les villes et les bourgs, ce qui représente un changement majeur par rapport aux années cinquante, où environ 90 % des Haïtiens vivaient à la campagne. L’urbanisation en général va de pair avec la croissance économique, une plus grande productivité et des niveaux de vie plus élevés, mais en Haïti elle a suivi un parcours différent. Ses bénéfices potentiels ont été assombris par d’énormes défis qui nécessitent une action immédiate. Pour mieux comprendre les facteurs qui font obstacle au développement inclusif et durable des villes haïtiennes, cette Revue de l’Urbanisation organise les défis selon trois dimensions de dével- oppement urbain : la planification, la connectivité et le financement. La planification examine les défis en soutenant une croissance résiliente pour créer des villes économiquement dynamiques, durables d’un point de vue environnemental et habitables. La connectivité se concentre sur les obstacles qui empêchent physiquement le lien entre les personnes et les emplois ainsi qu’entre les entreprises et les marchés alors que le financement se concentre sur l’identification des principaux obstacles institutionnels, en matière de gouvernance et de capital qui représentent des barrières lorsqu’on aborde les défis de connexion et de planification. Dans ce contexte, l’analyse indique trois principaux défis pour les villes haïtiennes: PLANIFICATION: La croissance urbaine résiliente est gênée par des déficits importants en matière de services de base, une exposition plus importante aux catastrophes naturelles et un aménage- ment du territoire inefficace. CONNECTIVITÉ: La mauvaise connectivité dans les villes haïtiennes entrave l’émergence des marchés du travail intégrés et l’accès aux opportunités économiques. FINANCEMENT: La capacité des gouvernements locaux à planifier, viabiliser et connecter les villes et les bourgs est largement restreinte à cause des ressources limitées au niveau municipal. 1 Pour relever ces défis, la Revue de l’Urbanisation propose trois stratégies globaes, qui font partie intégrante de la matrice du sommaire, Tableau 0.1: PLANIFICATION: Pour aborder les déficits actuels en infrastructures et préparer la croissance urbaine à venir, il faut un changement vers une planification urbaine résiliente. Il s’agit donc d’investir dans les déficits en services de base, d’exploiter les informations pour la prise de décision et de renforcer les droits de propriété. CONNECTIVITÉ: Une meilleure connectivité et accessibilité au sein même des villes sont réalis- ables en améliorant le transport motorisé et en renforçant la coordination entre l’aménagement du territoire et les investissements dans les transports. Il s’agit donc d’investir et d’améliorer l’efficacité tout en rendant les transports plus abordables et en renforçant la coordination entre l’aménagement du territoire et les investissements dans les transports. FINANCEMENT: Le renforcement des finances municipales est essentiel pour combler le déficit en services et en infrastructures ainsi que pour s’adapter à l’augmentation de la population urbaine. Il s’agit donc de consolider, d’harmoniser et d’appliquer les cadres existants, de renforcer les capacités et d’élargir les opportunités financières tout en élargissant et en exploitant la base des recettes locales. “NOUS SOMMES COMME UN ROSEAU, NOUS PLIONS MAIS NOUS NE CASSONS PAS” Les proverbes sont un composant intégral de la culture et du parler haïtiens. Avec les métaphores, les images et les récits, ils sont une forme traditionnelle de communication utilisée pour transmettre des connaissances et la sagesse d’une génération à l’autre. Même si les obser- vations et les messages de la Revue de l’Urbanisation sont techniques, ils n’en demeurent pas moins en résonance avec un proverbe haïtien très connu qui illustre bien le combat des Haïtiens au jour le jour et leur espoir d’un avenir meilleur. Nou se wozo, nou pliye nou pa kase— est un proverbe en Créole haïtien qui signifie : “Nous sommes comme un roseau, nous plions mais nous ne cassons pas.” Ce proverbe capture bien la longue histoire de résilience d’Haïti face à l’esclavage, au colonialisme, à l’oppression politique, aux destructions de grande envergure provoquées par les catastrophes naturelles, à l’exclusion sociale, aux inégalités et à la pauvreté qui ont tous façonné l’urbanisation du pays, un processus qui détermine ses défis actuels en matière de développement mais, plus important encore, les opportunités qui l’attendent. Historiquement, la fragilitéi en Haïti a été générée par la violence et l’instabilité politiques (Banque mondiale 2015b).ii Cette instabilité a affaibli les institutions de l’État, l’État de droit et le climat d’investissement, menant à la violence et à la suspicion par rapport aux autorités 1 La Banque Mondiale classifie Haïti d’état « fragile » étant donné son classement faible dans l’Evaluation des politiques et institu- tions du pays (CPIA acronyme en anglais) en matière économique, sociale, institutionnelle et de la qualité du secteur public. De façon générale, la fragilité se définie par rapport à la faiblesse des institutions et la vulnérabilité à l’instabilité, violence et conflit. 2 En moins de 30 ans (1986-2014), le pays a connu une succession de 18 gouvernements et a souffert d’élections reportées, parmi lesquelles celles en 2015 qui ont entrainé la dissolution du parlement. 2 publiques (Singh et Barton-Dock 2015). Malgré quelques améliorations des indicateurs de gouvernance, le pays se classe le plus bas en Amérique latine et dans les Caraïbes (LAC) en ce qui concerne le contrôle de la corruption. Dans son histoire récente, alors que la fragilité d’Haïti remonte au régime de Duvalier (1957– 1986), l’instabilité politique et institutionnelle qui a suivi a exacerbé la volatilité. Entre 1986 et 2014, Haïti a connu 18 changements de gouvernement et plus de 20 remaniements ministériels majeurs. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, des facteurs comme de mauvaises politiques agricoles et la surexploitation des terres ont détérioré l’économie rurale et généré une migration massive des paysans vers les zones urbaines à la recherche de sécurité, d’opportunités et d’accès aux services, notamment à Port-au-Prince, la capitale. Mais la fourniture de services de base ne s’est pas développée pour répondre aux pressions de la nouvelle population et les villes se sont trouvées incapables de répondre aux demandes des arrivants. Les impacts destructeurs du tremblement de terre de 2010 qui sont arrivés dans la foulée d’une saison cyclonique dévastatrice en 2008, et qui ont été suivis par l’ouragan Matthew encore plus dévastateur en 2016, ont affaibli encore plus les ressources qui auraient pu permettre de générer une plus grande prospérité dans tout le pays puisque la plupart des efforts se sont concentrés sur le relèvement et la reconstruction. En dépit de ces obstacles, comme le dit le proverbe, les Haïtiens « plient mais ne cassent pas». Tout en étant confronté à l’instabilité politique et aux énormes pertes dues aux catastro- phes naturelles, le pays a également pris des mesures importantes pour se développer. Des étapes clés sur les fronts économiques et sociaux ont été franchies, y compris la réduction de l’extrême pauvreté et le développement des services de santé et d’éducation. Aujourd’hui, 90 % des enfants vont à l’école et le taux de mortalité infantile a baissé de 9 % entre 2005 et 2012. Les principales villes du pays sont aujourd’hui toutes connectées au principal réseau routier, le tourisme s’est développé et l’accès au financement, notamment aux micros crédits, s’est renforcé (Banque mondiale 2015b). On observe un regain d’optimisme pour l’avenir. Haïti est arrivé aujourd’hui à un point décisif de son histoire au moment où le pays laisse de se concentrer sur la reconstruction et passe à un développement sur le long terme et à une planification visionnaire. Comme le dit un autre proverbe, Wè jodi a, men sonje demen, ou “Vit aujourd’hui, mais pense à demain.” Ce proverbe est une manifestation de la culture haïtienne qui est forte et déterminée à agir aujourd’hui en gardant demain à l’esprit. La Revue de l’Urbani- sation d’Haïti vise à contribuer des solutions aux problèmes confrontés par les villes aujourd’hui et fournir des recommandations pour aider à la « réflexion » sur des solutions pour des lende- mains meilleurs. 3 A prix constant de 2010. 3 URBANISATION EN HAÏTI: DES VILLES QUI NE SONT PAS DESSERVIES ET QUI SE DÉVELOPPENT DANS UN ENVIRONNEMENT FRAGILE ET RISQUÉ Dans le monde entier, l’urbanisation a souvent eu un effet positif sur la croissance économique. Les liens étroits entre les niveaux d’urbanisation et les revenus ont été largement documentés. Des données historiques entre 1996 et 2015 pour plus de 180 pays montrent une augmentation des revenus au fur et à mesure que la proportion de la population vivant dans des zones urbaines augmente. Les densités dans les villes promeuvent la productivité et offrent des opportunités pour améliorer les moyens d’existence des gens et leur qualité de vie en permettant finalement à beaucoup d’entre eux de sortir de la pauvreté. Pour les entreprises et les travailleurs dans les villes, la proximité rend l’adéquation entre les compétences et les emplois mais aussi la recherche d’emplois plus efficaces. Pour les gouvernements, les services publics et les infrastructures de base peuvent être fournis à moindrescoûtsgrâce aux économies d’échelle. Les rapports entre l’urbanisation et la croissance ne sont pourtant pas toujours linéaires. Seules de fortes densités de population ne suffisent pas pour créer les économies d’agglomération souvent attribuées aux villes. Lorsque les densités sont mal gérées, des externalités comme les encombrements, la pollution et les taux de criminalité élevés peuvent assombrir les bénéfices de l’urbanisation. En Haïti, l’urbanisation n’est pas allée de pair avec la croissance économique.Le produit intérieur (PIB) par tête a stagné et a même baissé en passant de $757 USen 1996iiià $727 USen 2013, alors même que les taux d’urbanisation augmentaient pour passer de 33 à 58 %. À l’inverse de pays similaires dans la région LAC, Haïti n’a pas profité de l’urbanisation. Une fragilité généralisée et des catastrophes naturelles très coûteuses ont miné les bénéfices du processus d’urbanisa- tion. Un examen plus approfondi du système desvilles du pays, des déficits en infrastructures et en services urbains, des limites de la gouvernance et du financement urbain au niveau des gouver- nements locaux, contribuentà expliquer pourquoi Haïti s’est urbanisé sans croissance économique. Depuis 2000, Haïti s’est urbanisé rapidement, même si le phénomène est en retard par rapport àses pairs dans la région LAC.En 1950, environ 10 % de la population du pays vivaient dans les zones urbaines mais à partir de cette décennie jusque dans les années 80, le nombre de citadins a augmenté quatre fois plus vite que le taux de la population rurale. Dans les années quatre-vingts, la population urbaine a augmenté à un taux plus rapide que celui de la population totale pour arriver à 30 % au milieu des années quatre-vingt-dix. D’après les chiffres officiels, 52 % de la population en 2015 résidaient dans des zones urbaines. Les Perspectives d’Urbanisation dans le Monde des Nations Unies (ONU) avancent le chiffre de 57 % pour cette même année avec un taux moyens annuel d’urbanisation de 5 % entre 2000 et 2015. En 15 ans, la population urbaine haïtienne a augmenté de 3,6 % plus rapidement que la moyenne dans les pays des Caraïbes et a doublé en taille pour passer de légèrement en dessous de 3 millions de personnes à presque 6 millions. Chaque année, on compte jusqu’à 133 000 citadinshaïtiens supplémentaires (Banque mondiale2015b). Dans 10 ans le nombre de citadins devrait avoir augmenté d’environ 2 millions de personnes et pourrait monter à environ 11 millions en 2050 avec un taux urbain de 76 %. L’imagerie satellitaire pour mettreà jour ce qui est urbain en Haïti indique que la population urbaine pourrait même être supérieure à ce qu’indiquent les statistiques officielles.Les définitions des zones urbaines en Haïti sont obsolètes et utilisent des critères peu clairs. Pour abordercette 4 contrainte, ce rapport utilise une mesure différente de « ce qui est urbain » basée sur des estima- tions de population maillées et des seuils de densité de population. En produisant une classifi- cation de l’urbain par rapport au non urbain à haute résolution (cellules de 100m x 100m) et en identifiant les zones urbaines bâties, l’analyse indique que Haïti a une population urbaine de plus de 6 millions de personnes, soit environ 64 % de la population totale –une différence marquée par rapport aux 52 % déclarés par les chiffres officiels basés sur des projections à partir du dernier recensement. Cette situation fait d’Haïtile quatrième pays de la région LAC en matière d’urban- isation, juste derrière Porto Rico, Trinidad et Tobago, et le Mexique, au lieu d’être classé20ème à partir des données des Perspectives d’Urbanisation dans le Monde des Nations Unies (FigureO.1). PROPORTION DE LA POPULATION DANS LES CLUSTERS URBAINS ET À HAUTE DENSITÉ. (WORLDPOP PAR RAPPORT AUX TAUX D’URBANISATION Figure O.1. DES PERSPECTIVES D’URBANI-SATION DANS LE MONDE DE L’ONU.) Source: Deuskar, Stewart, et Lozano-Gracia (2016) basé sur WorldPop (2015), les seuils de la Commission Européenne pour les zones urbaines et les perspectives d’urbanisation dans le monde de l’ONU (2015). 5 6 PLANIFICATION: POUR ABORDER LES DÉFICITS ACTUELS EN INFRASTRUCTURES ET PRÉPARER LA CROISSANCE URBAINE À VENIR, IL FAUT UN CHANGEMENT VERS UNE PLANIFICATION URBAINE RÉSILIENTE Les villes haïtiennes ne sont pas équipées d’infrastructures urbaines et de services de base adaptés, ce qui mine la productivité et l’habitabilité.Plutôt que de bénéficier des fortes densités, les villes haïtiennes aujourd’hui sont surpeuplées et souffrent de déficits importants en infrastructures et en services. La croissance urbaine résiliente est gênée par ces déficits et par une exposition accrue aux catastrophes naturelles ainsi que par un aménagement du territoire inefficace. Jusqu’à 35 % des citadins n’ont pas accès à une source d’eau améliorée et la part des familles qui possède une arrivée d’eau à l’intérieur de leur habitation ou qui a accès à une borne-fontaine publique a considérablement baissé entre 2000 et 2012 (respectivement de 24 à 3 % et de 65 à 21 %). Deuxtiers des citadins n’ont pas d’assainissement amélioré et on estime que 8 % des résidents urbains pratiquent la défécation en plein air. Haïti a le taux de collecte de déchets solides le plus bas de la région LAC (12,4 %) —loin derrière l’avant-dernier pays de la région, le Paraguay (57 %), et derrière des pays africains à bas revenus comme le Sénégal, le Bénin, le Mali et le Ghana avec des taux de collecte de 21, 23, 40, et 85 % respectivement (Hoornweg et Bhada-Tata 2012). D’autre part, les villes se développent sans coordination ni réglementation, ce qui renforce leur exposition aux risques de catastrophes naturelles.Haïti est l’un des pays au monde les plus exposé- saux catastrophes naturelles multiples. Plus de 93 % de son territoire et plus de 96 % de sa population sont exposés à au moins deux risques de catastrophes (Banque mondialeet ONPES 2014). Entre 1976 et 2012, les événements hydrométéorologiquesont coûté à l’économie presque 2 % du PIB par an (Banque mondiale2016). Le tremblement de terre de 2010, d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter, a infligé des pertes économiques énormes, représentant 120 % du PIB (Banque mondiale2015a). Les zones bâties sont particulièrement vulnérables puisqu’elles sont concentrées d’une manière disproportionnée dans les zones à haut risque sismique (60 %), et que la moitié d’entre elles sont considéréescomme exposées aux risques d’inondation. La manière dont les zones urbaines se développent dans le pays et dont les bâtiments et les infrastructures sont construits est cruciale lorsque de grandes étendues de terrain sont exposées à différents types de catastrophes naturelles. D’autre part, la faiblesse de l’administration foncière, les déficits en information et des réglementations inadaptées empêchent une prise de décision efficace et exacerbent les défis en matière de planification. Les informations sur le foncier sont limitées et obsolètes, ce qui affecte la qualité globale de l’administration foncière en Haïti qui est parmi les moins performantes dans larégion LAC d’après l’index 2017 de «Doing Business». Sur 190 pays, Haïti estclassé180ème lorsqu’il s’agit d’enregistrer un bien foncier et 166ème lorsqu’il s’agit d’obtenir un permis de construire.ivLes frais de permis de construire représentent 15 % du coût total de la construction, ce qui est beaucoup plus élevé que la moyenne de 2,5 % dans la région LAC et de 7,6 % en Afrique subsaharienne.vLes obstacles en matière de coûts et de temps sont associés au développement informel et non planifié et il a été a calculé que 60 % des ménages haïtiens ne possédaient aucun document formel attestant de leur propriété foncière (USAID 2010). L’absence de cadastre national est un obstacle majeur aux droits de propriété effectifs qui sont essentiels pour réaliser des programmes d’investissements à grande échelle dans le logement urbain ou les infrastructures. Des efforts sont en cours pour mettre en 7 place un cadastre de ce type, maisle processus est très compliqué compte tenu de la fragmen- tation du système d’enregistrement foncier. Les défis en matière de gouvernance restent l’obstacle fondamental à la croissance urbaine résiliente sur le long terme.Depuis 2010, le gouvernement s’est concentré sur les activités de reconstruction. Pourtant, récemment, il a entrepris un effort plus large pour passer à une planification urbaine d’ensemble visionnaire. Le gouvernement promeut la décen- tralisation pour renforcer le rôle des gouvernements locaux dans la planification urbaine grâce au Plan Stratégique de Développement d’Haïti, qui met en exergue les réformes territoriales en tant que tremplin pour atteindre les objectifs de développement du pays. Des plans stratégiques ont été élaborés pour guider la prise de décisionentre différents niveaux et secteurs du gouvernement. Toutefois, leur mise en œuvre effective pour façonner les zones urbaines haïtiennes est confrontée à des obstacles majeurs : les plans existent bien dans la loi, maisne sont pas mis en œuvre dans la pratique et lorsque des plans sont élaborés, il y a un écart important entre les attentes générées par ces plans et les capacités techniques et financières pour les mettre en œuvre. Une planification urbaine résiliente est un élément central pour le développement économique et social d’Haïti.Une planification visionnaire doit être adoptée pour orienter la croissance urbaine vers une augmentation des revenus et des économies d’agglomération en se débarrassant des encombrements et de la surexposition aux risques. Les contours et la forme que prennent les villes peuvent avoir de véritables impacts sur la productivité et l’habitabilité. Des investissements intelli- gents et ciblés sont nécessaires pour engranger les bénéfices de l’urbanisation et contrôler les coûtséconomiques, sociaux, et environnementaux associés qu’elle pourrait provoquer. Planifier pour un développement résilient, c’est accompagner une action coordonnée pour contribuer à façonner la croissance urbaine de telle manière qu’elle soutienne les objectifs de développement du pays et de ses villes tout en gérant les risques de catastrophes naturelles pour protéger les avancées durement acquises en matière de conditions de vie. Au fur et à mesure que la pression de la croissance de la population urbaine augmente, il sera nécessaire de mettre en place des bases qui permettront aux villes de fonctionner grâce à une meilleure planification. La transition vers une planification urbaine résiliente requiert des actions dans les trois domaines suivants pour aborder les déficits actuels en infrastructures et préparer la croissance urbaine. Investir pour aborder les déficits en service de base Les énormes déficits en matière de services urbains comme l’eau, l’assainissement et la collecte de déchets solides, imposent de gros investissements immédiatement. À court terme, Haïti peut investir dans les services de base en exploitant l’implication de la communauté et en améliorant la gestion et la prestation des services grâce au renforcement des capacités des gouvernements locaux. L’implication de la communauté et les approches participatives sont des éléments-cléspour moderniser avec succès l’accès aux services dans les zones où le développement n’a pas suivi de règles, carils sont liés au renforcement de la confiance dans le gouvernement et à la durabilité à long terme du développement urbain. L’expérience haïtienne, en matière deprojets de développement par la communauté, atteste de leur potentiel, maisleur conception pourrait être améliorée pour mieux aborder les défis urbains spécifiques comme les niveaux élevés de violence, d’activités criminelles et d’exclusion sociale. À court terme, le gouvernement peut consolider la prestation de services 8 de base en capitalisant sur « ce qui fonctionne » –en d’autres termes, améliorations des services de base qui peuvent être considérées comme une étape où chaque effort de modernisation renforce les capacités et ouvre la voie pour de nouvelles initiatives plus avancées initiées par les gouvernements locaux. Le gouvernement national peut contribuer au renforcement de capacités et à l’amélioration de la prestation de services en fournissant les bonnes incitations. Des allocations, des subventions ou des transferts aux municipalités basées sur des résultats spécifiques ou desperfor- mances en matière de prestation de services peuvent aider à ouvrir la voie. Exploiter les informations pour faciliter une prise de décisions coordonnée Pour gérer la croissance débridée et minimiser l’exposition des villes haïtiennes aux risques,les ménages, les entreprises et les gouvernements locaux doivent être équipés de planspertinentsde développement du territoire et d’informations afférentes aux risques. En particulier, la plani- fication résiliente dans les villes peut être réalisée en diffusant les résultats des analyses de risques pour accompagner la prise de décision, en mettant en place les réseaux d’infrastructure- spour les services avant le développement et en intégrant des connaissances afférentes aux risques de catastrophes dans un processus de prise de décision transparenterelatif aux investissements dans les infrastructures urbaines.Les informations relatives aux risques dans les zones urbaines doivent être à la disposition du public pour accompagner des mesures non structurelles de protection des personnes contre les risques, comme la planification d’urgence et les campagnes d’information pour encourager les comportements permettant d’atténuer les risques d’inonda- tions. Après le tremblement de terre de 2010, Haïti a développé des outils pour renforcer les infor- mations relatives à la gestion des catastrophes dans la planification comme des évaluations de risques pour plusieurs catastrophes, une cartographie de zonage sismique et la localisation des biens exposés. Les innovations technologiques peuvent également fournir de nouvelles opportu- nités pour impliquer les citoyens et diffuser des informations sur les risques. En Tanzanie, des véhicules aériens sans pilote –drones –ont été utilisés pour cartographier les plaines inondables à Dar-es-Salaam, la plus grande ville du pays. Les informations ont été utilisées pour planifier et prédire comment l’eau pourrait se déplacer en cas d’inondation. Cette approche rentable pourrait être envisagée en Haïti. Fournir des services de base dans des zones non planifiées coûte plus cher et il est plus compliqué que de mettre en place des réseaux d’infrastructure avant le développement urbain. Planifier à l’avance permet d’économiser des ressources financières. Même si les plans peuvent être un outil efficace pour anticiper la croissance urbaine, les acteurs locaux manquent parfois de fonds ou d’incitations pour mettre en œuvre les décisions. Dans ce cas, des plans simples, largement diffusés, peuvent être très efficaces pour guider un nouveau développement. On peut encourager le respect des plans en mettant à la disposition des ménages et des entre- prises des informations claires et crédibles pour leur permettre de prendre de meilleures décisions éclairées. C’est ce qui a été fait à Tunis, en Tunisie où plutôt que d’essayer de limiter l’expansion urbaine dans des zones non planifiées, des informations claires et transparentes ont été fournies aux ménages, ce qui a contribué à sécuriser les droits de passage pour de futurs investissements (Banque mondiale2014). 9 Pour minimiser l’exposition aux risques, on pourrait arriver à une situation gagnant-gag- nant en intégrant les informations de gestion des risques d’inondation aux objectifs de dével- oppement plus larges comme le cas ducorridor nord d’Haïti. Les zones nord et nord-est d’Haïti vivent des pressions importantes dues à la croissance de la population, un déficit de services de base et d’infrastructures de transport et des risques d’inondation importants. Si on ne fait rien dans ces zones, on peut s’attendre à une augmentation du nombre de personnes à risques. Renforcer les droits de propriété et promouvoir des réformes institutionnelles pour une meilleure gouvernance La planification résiliente est un effort de long terme qui requiert des réformes institu- tionnelles et un renforcement institutionnel, mais il est possible de poser des jalons dès aujourd’hui. Le gouvernement peut commencer par des actions spécifiques, y compris le renforce- ment des droits de propriété avec des mécanismes de règlement des différends et promou- voir la coopération municipale dans les plus grandes villes d’Haïti.La mise en place d’un registre unique de propriétésqui soit exact est essentiellepour le développement urbain résilient, mais les défis sont nombreux sur la voie des réformes du cadastre et de la mise en place d’un système d’enregistrement foncier efficace. En Haïti, l’incertitude juridique qui frappe les droits de propriété est l’un des principaux obstacles et tout effort pour mettre en place des titres de propriété formels dépend d’une largestructure institutionnelle des droits de propriété. Pourtant, des efforts initiaux peuvent être faits pour renforcer les mécanismes de règlement des différends et pour contribuer à solutionner les différents non résolus en matière de droits de propriété, ce qui pourrait faciliter la création d’un registre foncier officiel. La construction de cadres de coopération municipale devient de plus en plus importante à la lumière des progrès réalisés par Haïti vers une décen- tralisation fiscale et politique. La prestation de services efficace est une priorité pour les réformes institutionnelles,mais la coordination entre les frontières municipales et même départementales est nécessaire pour éviter la duplication des activités ou des contradictions en matière de politiques. Ceci est réalisable en élaborant des cadres de coordination pour promouvoir la coopération. CONNECTIVITÉ : UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ ET ACCESSIBILITÉ AU SEIN DES VILLES SONT RÉALISABLES EN AMÉLIORANT LE TRANSPORT MOTORISÉ ET EN RENFORÇANT LA COORDINATION ENTRE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LES INVESTISSEMENTS DANS LES TRANSPORTS Aujourd’hui, le manque de connectivité au sein des villes haïtiennes gêne les marchés du travail intégrés ainsi que l’accès aux opportunités économiques.Même en tenantcompte des varia- tions dans les différentes régions, l’accessibilité aux opportunités économiques est limitée dans les villes haïtiennes. Le transport public dans les zones urbaines est inabordable pour de nombreuses personnes, ce qui limite leur accès auxopportunités économiques, notamment pour les ménages les plus pauvres.viLes Tap-Tap sont la forme de transport public la plus largement utilisée à Port-au-Prince et ils représentent 56 % du marché.viiMême s’il est réglementé par le Ministère des AffairesSociales, le prix de la course en Tap-Tapest inabordable pour de nombreux ménages pauvres. À partir des tarifs actuels, en faisant un déplacement en Tap-Tap 10 deux fois par jour, cinq jours par semaine, les dépenses en transport représenteraient entre 25 et 73 pour cent des dépenses par tête du quintile le plus bas. La proportion des ménages qui ne dépensaient rien en transport en 2011 –2012 était de 57,1 % d’après l’Enquête Haïtienne sur les Dépenses des Ménages (IHSI 2012), ce qui veut dire qu’un peu moins de 60 % des ménages n’util- isaient aucun transport motorisé. Haïti est en train d’éliminer les subventions sur le prix des carburants,ce qui pourrait rendre les transports publics encore moins abordables sans mesures compensatoires. La suppression de ces subventions part d’une bonne intention parce qu’elles sont largement régressives,mais elle pourrait entraîner des coûts supérieurs pour les opérateurs de Tap-Taps’ils doivent absorber les augmentations du prix des carburants. Toute augmentation des prix du transport destinée à compenser des coûts supplémentaires pourrait rendre le transport encore moins abordable et exclure davantage les pauvres de l’accès aux opportunités économiques. Ce rapport est le premier à utiliser les données d’appels téléphoniques pour comprendre les modèles de déplacement et le degré d’inadéquation géographiqueentre les emplois et les habita- tions en Haïti. Une bonne compréhension de la manière dont les travailleurs se déplacent dans les grandes villes, de la localisation des principaux bassins d’emplois et de leur degré d’accessibilité pour différents segments de la société urbaine haïtienne ainsi que l’identification des segments routiers les plus cruciaux pour assurer que l’accessibilité aux emplois n’est pas affectée par unecatastrophe, peuvent fournir des informations importantes pour une prise de décision fondée sur des données factuelles. L’absence de recensement et d’enquête sur les déplacements à jour nous a amené à mesurer l’accessibilité aux opportunités dans les villes haïtiennes en utilisant les données des téléphones mobiles. Les enregistrements de données des appelsviiiont été utilisés pour suivre la localisation des utilisateurs pendant la journée et même la nuit. Ces informations ont été consignées sur les cartes qui ont montré où les emplois étaient concentrés géographique- ment dans les deux principaux centres urbains de Port-au-Prince (FigureO.2) etdeCap-Haïtien. L’image générale montre une concentration autour du centre-ville pendant la journée, là où sont les principaux emplois, et inversement une diffusion vers la périphérie pendant la soirée. Une analyse des modèles de déplacement montre que les marchés du travail sont fragmentés en Haïti.Port-au-Prince et Cap-Haïtien souffrent d’un niveau d’accessibilité aux emplois limitétel que nous l’avons mesuré à partir des modèles de déplacement. Les données montrent que seule une petite partie de la population dans les deux villes se déplace pour aller travailler et que les distances parcourues par ces navetteurs sont courtes. Seuls 42 et 40 % de la population sont considérés comme des navetteurs à Port-au-Prince et Cap-Haïtien, respectivement, c’est-à-di- requ’ils sedéplacent en dehors de leur cluster d’habitation (rayon d’1km). Ces modèles sont symptomatiques d’un appariement local entre emploi et employé, ce qui veut dire que l’accès à une large gamme d’opportunités économiques est restreint. Même si des déplacements courts ne sont pas négatifs en eux-mêmes, ils pourraient refléter la difficulté de se déplacer et les coûts inabordables du transport. Le transport motorisé est lent et prend beaucoup detemps à Port-au-Prince principalement à cause de la combinaison du manque d’infrastructures routières, du mauvais entretien des routes et de l’utilisation sous-optimalede la voirie l’espace viaire.À partir des carnets de déplacement de différents véhicules, on a pu constater que la vitesse à Port-au-Prince est réduite, avec une moyenne 11 LA JOURNÉE POUR DES ACTIVITÉS INHÉRENTES AU TRAVAIL Figure O.2. (À GAUCHE) ET PENDANT LA SOIRÉE (À DROITE) Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICIEL. de 10,9 km/heure. Les transports publics vont même moins vite et les utilisateurs de Tap-Tap déclarent un temps moyen de déplacement à bord de 44 minutes pour une distancemoyenne de 5,9 km,ce qui indique une vitesse moyenne pour les Tap-Tap de 8 km/heure. Une partie des problèmes est due au manque d’espace viaire, mais Kopp et Prud’homme (2011) argumentent que les princi- paux facteurs responsables de l’encombrement sont les utilisations sous optimales de l’espace viaire ainsi que le mauvais entretien des routes. Il y a empiètement sur l’espace public lorsque les trottoirs sont utilisés par les marchands pour vendre leurs produits et que les piétons n’ont donc plus d’autre option que de marcher sur la chaussée. Parallèlement à l’utilisation des routes par les piétons, l’espace consacré aux routes est également occupé par des véhicules en stationnement. Ces facteurs combinés entraînent des pertes de vitesse importantes et desrisques accrus de sécurité pour les piétons. Les villes devraient devenir des marchés du travail intégrés qui fournissent des opportunités aux résidents et leur permettent de choisir des emplois à partir d’une offre plus large pour augmenter ainsi leur prospérité (Bertaud 2014). Des marchés du travail intégrés existent lorsqu’un individu à la possibilité d’atteindre une large part des opportunités d’emplois dans une ville à un coût raisonnable ou avec une durée de déplacement raisonnable. Les grands marchés du travail intégrés accompagnent un meilleur appariement entre emploi et travailleur en augmen- tant le nombreet la diversité des employeurs et des demandeurs d’emploi, ce qui permet de faire correspondre au mieux leurs compétences et leurs aspirations. Avec un bon niveau d’accès, les entreprises bénéficient également de la proximité des produits et des marchés du travail que permet 12 la densité des villes. À l’inverse, lorsque l’accessibilité est limitée, la probabilité de trouver un bon appariement est plus réduite parce que les entreprises et les ménages doivent choisir à partir d’un plus petit nombre de travailleurs et d’options d’emplois. Les emplois à l’extérieur des clusters économiques à forte densité ont tendance à être plus rares, plus informels et moins bien payés. Une accessibilité réduite contraint également les familles à s’installer plus près des emplois, ce qui peut s’avérer être un inconvénient puisque les terrains et les logements y sont généralement plus chers, ce qui force à son tour ces familles à vivre dans des conditions basiques et donc à entre- tenir le phénomène des bidonvilles centraux que l’on trouve par exemple dans de nombreuses villes africaines (Antos, Lozano-Gracia, et Lall 2016). La connectivité et l’accessibilité sont des conditions nécessaires –mais pas suffisantes –pour avoir des marchés du travail urbains efficaces. Créer des emplois et réussir à mettre en place des marchés du travail efficaces demandent une solution multidimensionnelle pour dépasser de nombreux obstacles qui vont du manque de système financier et de système bancaire pour créer des entreprises, en passant par un niveau d’éducation limité et un cadre réglementaire onéreux. Améliorer l’accessibilité ne va pas solutionner tous ces problèmes mais ne pas traiter les défis d’accessibilité urbaine limite les progrès en matière de productivité et d’habitabilité. Pour aborder les défis de connectivité dans les villes haïtiennes, des actions sur trois axes sont essentielles. Augmenter la vitesse de déplacement et améliorer la qualité des services grâce à un renforcement des investissements et à une meilleure efficacité dans les zones urbaines Il existe plusieurs options pour augmenter la vitesse du transport motorisé dans les zones urbaines qui amélioreraient l’accessibilité et aideraient les villes à devenir de meilleurs inter- médiaires entre personnes et opportunités économiques. Une manière de procéder serait d’entreprendre de gros investissements dans les routes et les transports publics,mais une telle option demanderait des ressources financières importantes et il est peu probable qu’elle soit très efficace avant d’avoir réglé les défis chroniques dont souffre le réseau actuel. Une solution plus immédiate consisterait à commencer par améliorer le fonctionnement et l’entretien du réseau actuel. Ces deux options ne sont pas incompatibles,mais le séquencement le plus efficace serait de commencer par améliorer le réseau existant. Des alternatives moins onéreuses comme l’amélioration de la gestion du trafic, une meilleure affectation de l’espace viaire et l’entre- tien des routes pourraient apporter des résultats significatifs. Pour améliorer l’espace viaire, il est nécessaire de libérer la chaussée pour la circulation au lieu qu’elle soit encombrée par les véhicules en stationnement et les piétons. Parallèlement, les trottoirs doivent donner la priorité à la mobilité des piétons et non aux activités des vendeurs ambulants,ixtout en assurant le confort et la sécurité de ceux qui se déplacent à pied. L’entretien des routes –la réparation des nids de poules et des surfaces routières inégales –peut permettre d’économiser des coûts d’entre- tien et du temps de déplacement. Une première étape serait de réalimenter lesfonds d’entre- tien routier qui existe en Haïti. À plus long terme, des voies dédiées aux transports collectifs pourraient être une approche prometteuse pour réduire les durées de déplacement dans les zones urbaines. 13 Rendre les transports collectifs plus abordables pour un appariement inclusif entre individus et opportunités La réduction des coûts opérationnels pourrait contribuer à réduire les frais de transport et à rendre les déplacements plus abordables grâce à plusieurs moyens.Le premier est d’augmenter la vitesse sur le réseau routier grâce à des interventions sur le réseau et avec des itinéraires de Tap-Tap rationalisés pour permettre aux conducteurs de Tap-Tap de faire plus d’allers-retoursen un temps donné. Cette option permettrait d’augmenter les recettes et les marges des opérateurs de Tap-Tap, tout en réduisant les tarifs et c’est donc la plus prometteuse. Une autre approche consisterait à rendre les véhicules Tap-Tapplus économes en carburant –qui roulent souvent depuis plus de 25 ans (Kopp et Prud’homme 2011)—pour diminuer le volume de carburant nécessaire.Des interventions publiques pour mettre à la casse des vieux minibus informels et peu économes en carburant et subventionner l’achat de véhicules plus efficaces ont été adoptées au Sénégal et en République Dominicaine. Les enseignements tirés de ces expéri- ences pourraient aider en Haïti. De 2003 à 2008, la zone urbaine de Dakar (Sénégal), par exemple, a subventionné les opérateursde cars rapidesinformels (minibus) pour qu’ils achètent des véhicules économes en carburant(Kumar and Diou 2010).Les opérateurs ont reçu des prêts subventionnés pour l’achat de minibus plus économes en carburant, qui ont couvert presque 75 % des coûts d’achat. En échange, les propriétaires de “car rapides” devaient retirer leurs véhiculesde la circulation, et formaliser leurs activités. Il serait possible de concevoir un modèle adapté au contexte haïtien en s’appuyant sur les enseignements tirés du Sénégal, pour qu’il puisse être ensuite négocié avec les opérateurs locaux. Une assistance technique en cours de la Banque mondiale explore les différents mécanismes de compensation des augmentations des coûts de carburantset les résultats permettront de savoir si la mise à la casse des vieux Tap-Tap est une option viable. À plus long terme, des subventions sur les transports soigneusement ciblés pourraient être dirigées vers les ménages les plus pauvres dans les zones urbaines en Haïti pour s’assurer qu’ils obtiennent ou qu’ils gardent l’accès aux opportunités. Renforcer la coordination entreles investissements dans l’aménagement du territoire et dans les transports pour améliorer l’accès et la résilience Des interventions visant à coordonner l’aménagement du territoire et le transport réduisent la déconnexion entre les zones résidentielleset les opportunités d’emplois et contribuent à construire la résilience après les catastrophes naturelles. Deux principales manières d’améliorer l’accessibilité aux opportunités dans les zones urbaines ont été identifiées : augmenter la vitesse et réduirela distance. La première consiste à investir dans le réseau de connexion et à rendre le transport motorisé plus abordable, alors que la deuxième option consiste à réduire la fragmentation de l’empreinte urbaine en encourageant la densité de population et d’opportunités et une meilleure intégration de l’aménagement du territoire et du transport. Aujourd’hui, la densité de la population à Port-au-Prince et auCap-Haïtien estélevée et il y a donc peu de marge de manœuvre pour réduire les distances entre les personnes et les opportunités économiques en continuant à renforcer les densités. Toutefois, la modification de l’organisation spatiale pour encourager l’aménagement du territoire en clusters peut améliorer l’accessibilité au cours d’une période déterminée. Il existe également une grande marge de manœuvre pour améliorer l’accessibilité 14 en planifiant l’expansion urbaine tout en réduisant l’exposition aux catastrophes naturelles. Les deux villes de Port-au-Prince et Cap-Haïtien présentent des exemples de développement urbain soit dans des zones plus sûres mais mal connectées, soit proches des opportunités économiques,mais dans des emplacements plus risqués. Il est important d’éviter ce genre d’arbitrage et de réaliser des investissements qui donnent la priorité aux deux types de mesures. Une première étape dans la construction d’une stratégie de renforcement de la résilience contre les catastrophes naturelles consiste à identifier les segments routiers les plus cruciaux du réseau.À partir d’une analyse de criticité, nous avons déterminé que les segments routiers qui nécessitent l’inter- vention la plus urgente dans le réseau de Port-au-Prince sont la RN2 qui connecte le centre-ville à Carrefour et, plus loin vers l’ouest, la RN1 qui connecte le centre-ville et les zones nord de la capitale, un segment isolé entre le centre-ville et Pétion-Ville, et quelques segments qui connectent Canaan au reste du réseau. FINANCEMENT : IL EST ESSENTIEL DE RENFORCER LES FINANCES MUNICIPALES POUR COMBLER LE DÉFICIT EN SERVICE ETEN INFRASTRUCTURES ET POUR S’ADAPTER À L’AUGMENTATION DE LA POPULATION URBAINE Compte tenu de son urbanisation rapide actuelle, Haïti est confronté à de gros défis relatifs au renforcement des finances publiques. Aujourd’hui,la capacité des gouvernements locaux à planifier, viabiliser et connecter les villes et les bourgs est grandement perturbée par les ressou- rces limitées au niveau municipal. Depuis une vingtaine d’années, l’écart entre les capacités de financement d’Haïti et le rythme de la croissance urbaine a généré un déficit constant en infra- structures et en services urbains dans les villes et dans les bourgs. Le déclin progressif de l’aide inter- nationale ne fait que creuser davantage le déficit de financement. D’après la Banque mondiale(2016), Haïti est confronté à des défis critiques, y compris dans l’adaptation aux réductions financières, une meilleure levée de fonds internes et une meilleure utilisation des fonds existants. En dépit d’amélio- rations des recettes fiscales du pays, en passant de moins de 10 % du PIB en 2004 à 12,6 % du PIB en 2014, Haïti reste le pays le moins performant en matière de mobilisation de recettes dans la région LAC (Banque mondiale2016). Cette situation gêne considérablement la capacité du pays à réaliser les dépenses en développement dont il a grand besoin, notamment dans les infrastructures, la santé, l’éducation et d’autres secteurs clés. Au fur et à mesure que les villes grandissent en taille et en population, le défi qui consiste à financer un développement urbain inclusif et durable devient de plus en plus complexe. Les gouvernements municipaux ne sont pas en mesure de fournir des infrastructures et des services adaptés à cause de la décentralisation incomplète et du faible cadre juridique des financesmu- nicipales. La Constitution de 1987 (y compris les amendements de 2012) et les Décrets Présiden- tiels de 2006 instaurent l’autonomie financière des communes, la décentralisation de la fourniture de services publics et l’institutionnalisation des recettes municipales. Mais même si le cadre de décentralisation est en place, la décentralisation effective des fonctions de dépenses et de recettes clés aux gouvernements municipaux n’a pas encore été réalisée. Un cadre de financement municipal fragmenté gêne la capacité des gouvernements locaux à collecter des recettes pour financer la presta- tion de services. Améliorer la capacité des gouvernements locaux à gérer les finances publiques reste 15 un élément clé pour une décentralisation réussie des responsabilités aux communes et pour une décentralisation fiscale effective. Seul 0,6 % du PIB est actuellement dépensé au niveau communal,et les recettes municipales totales ne représentent que 1,7 % des recettes globales. Il est important d’aborder les incohérences dans ladévolution et la décentralisation pour que les fonctions suivent les finances. Des sources de recettes municipales limitées et imprévisibles minent la capacité à planifier, budgétiser et livrer les services dont les zones urbaines ont tant besoin.Les gouvernements locaux ont quatre principales sources de recettes : les transferts du gouvernement central, les taxes collectées pour le compte des communes par la Direction Générale des Impôts (DGI), les droits et les royalties collectés par les communes, ainsi que d’autres sources externes (comme les partenaires de développement). Pourtant, les gouvernements locaux dépendent d’une manière disproportionnée des transferts nationaux, principalement du Fonds de Développement Local (FGDCT). Sauf pour Port-au-Prince, Pétion-Ville, et Delmas, c’est la principale source de revenus des communes et ils représentent en général entre 80 et 95 pour cent des revenus. Le système de transfert manque pourtant de transparence et n’est pas fiable. Seule la moitié des fonds affectés aux communes est trans- férée et une bonne partie des transferts va vers des structures inactives ou inexistantes. D’autre part, les transferts nationaux réduisent les incitations des gouvernements locaux à améliorer la gestion des finances publiques, puisqu’ils ne sont ni liés à une amélioration des performances dans la prestation de services ni basés entièrement sur les besoins. La capacité financière des autorités locales est encore compromise par leur capacité limitée dans le recouvrement des impôts.Très souvent, les municipalités ne recouvrent qu’une fraction de leur potentiel de recettes. Les recettes provenant de sources propres sont largement concentrées dans les grandes villes et les cinq communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince collectent 80 % de toutes les ressources propres des communes haïtiennes. Une meilleure planification, connectivité et viabilisation des villes et des bourgs en Haïti nécessitentdes interventions substantielles pour examiner, réviser et renforcer leurs instruments financiers. Une plus grande transparence des transferts fiscaux, le développement de sources plus dynamiques de recettes locales et un renforcement des finances municipales sont des étapes cruciales pour guider la croissance urbaine vers des densités saines et productives et loin du surpeu- plement. Les niveaux de recettes sont aujourd’hui très loin de la demande actuelle en services. Il y a un besoin urgent d’améliorer le volume, la prévisibilité, la ponctualité et la gestion des finances ainsi que d’identifier des mécanismes supplémentaires pour générer des recettes propres. Pour ce faire, un effort systématique d’ajustement et de mise en œuvre des réformes est nécessaire, visant à améliorer la gestion des gouvernements au niveau local et national ainsi que le contrôle des ressources. Depuis mai 2014, le gouvernement a élaboré une stratégie et un plan d’action exhaustifs de réforme de la gestion des finances publiques visant à mettre en place un système financier qui promeuve la transparence, la reddition de compte, la discipline fiscale et l’efficacité dans l’utilisation et la gestion des ressources publiques en augmentant les recettes provenant des impôts et des droits de douane, pour permettre de renforcer l’autonomie des gouvernements locaux. Les paragraphes suivants mettent en exergue les actions clés nécessaires pour renforcer les finances des municipalités et leur capacité à fournir les services locaux dont elles ont grand besoin. 16 Consolider, harmoniser et mettre en vigueur le cadre réglementaire et juridique du finance- ment municipal Les options politiques devraient d’abord combler les lacunes des cadres réglementaires, institutionnels et de financement des gouvernements locaux.Le développement urbain en Haïti s’organise dans un contexte de décentralisation incomplète et de cadre juridique peu clair en termes de financement municipal. Un cadre réglementaire qui clarifie les rôles et les ressources est crucial pour une décentralisation effective. Pour avancer dans ce sens, il est nécessaire d’examiner le cadre normatif des municipalités, tel qu’il est fixé dans les décrets de 2006, et d’identifier des actions pour sa mise en œuvre, de formaliser les fonctions d’imposition et les responsabilités des gouvernements municipaux, et d’examiner la législation et les réglementations, notamment celles relatives à la taxe foncière et à la patente. Ces actions combinées s’efforcent de clarifier les responsabilités, les systèmes, les incitations et les rapports de responsabilités pour le finance- ment et la prestation des services ainsi que pour la capacité des gouvernements locaux à gérer et à affecter les financements supplémentaires. Le récent travail de réformes a ouvert la voie à des opportunités pour approfondir les efforts de décentralisation. Un projet de loi sur l’autonomie financière des communes et des sections communales fait partie de l’agenda législatif. Consolider le système des finances municipales pour renforcer les capacités et la reddition de comptes tout en élargissant les opportunités financières Un système financier municipal plus solide est nécessaire pour renforcer l’autonomie financière des gouvernements locaux.Comme nous l’avons déjà mentionné, les villes subissent d’énormes contraintes dues à leurs sources de recettes limitées et dépendent largement des transferts du gouvernement national. Les solutions peuvent être différentes entre les petites villes et les grandes villes. Pour les petites villes, les efforts peuvent se concentrer sur le renforcement de la gestion, du contrôle et dela transparence du FGDCT, y compris en termes de mobilisation des fonds, d’affectation, de transfert, de dépenses et de comptabilité ainsi que d’utilisation des fonds en tant qu’opportunité pour renforcer les capacités locales de mise en œuvre. Les grandes villes, par contre, doivent donner la priorité au renforcement de capacités pour le recouvrement, la gestion et les dépenses de recettes provenant de ressources propres. Élargir et exploiter la base de recettes locales Les municipalités doivent renforcer leur autonomie en termes de recettes en ayant accès à des sources plus larges et plus solides de recettes locales.Le système de financement en place nefonctionne pas à l’avantage des gouvernements locaux : non seulement les niveaux de recettes sont trop bas pour répondre à la demande en infrastructures et en services publics,- mais les options pour augmenter les recettes sont biaisées et laissent peu de marge de manœuvre pour accéder à des ressources financières adéquates. Pour que les municipalités réussissent à générer et à recouvrer des recettes de sources propres, les efforts doivent être articulés autour du renforce- ment de capacités des municipalitésen matière de planification et de budgétisation, y compris avec des prévisions de recettes. Pour améliorer la capacité de gestion financière des gouvernements locaux, le Ministère des Finances et de l’Économieet le Ministère de l’Intérieur pourraient élaborer 17 un manuel de gestion des finances publiques à l’attention des gouvernements locaux qui fixe les normes et les procédures basiques en matière de budgétisation, de comptabilité, de reporting, de passation de marchés et d’audit. Cette amélioration pourrait être réalisée grâce à des programmes de renforcement de capacités qui se concentrent sur quatre domaines principaux: renforcement des capacités administratives des entités financières municipales, renforcement des capacités des municipalités en termes de gestion de projets pour des décaissements rapides des fonds du FGDCT qui leur sont alloués, renforcement des capacités de mobilisation de recettes municipales y compris en renforçant les compétences techniques du personnel et proposer aux municipalités des incitations à explorer des mécanismes de financement alternatifs. “VIVRE AUJOURD’HUI MAIS PENSER À DEMAIN.-WÈ JODI, MEN SONJE DEMEN” Les défis présentés dans ce rapport nécessitent des mesures aujourd’hui.Mais comme le dit le proverbe, les décideurs doivent penser à demain. Il est bien évident que tout ne peut pas être fait aujourd’hui et qu’il est donc essentiel de définir ce qui doit être réalisé maintenant et comment ces réalisations ouvriront la voie aux changements dont on a grand besoin. Le Tableau O.1 résume les recommandations de politiques et propose des actions spécifiques qui peuvent être engagées à court, moyen et long terme en faisant une distinction entre les actions à priorité haute, moyenne et basse ainsi qu’en identifiant les institutions pour les conduire.La plupart des actions requièrent l’implication de plusieurs institutions et nous insistons donc sur l’importance des efforts de collaboration pour réaliser un développement urbain qui profite à tous. 18 Tableau O. 1. TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DE POLITIQUES: PLANIFIER, CONNECTER ET FINANCER LES VILLES EN HAÏTI Clés du Tableau. NIVEAU DE PRIORITÉ HORIZON PRÉVISIONNEL H Haut M Moyen B Bas C Court terme M Moyen terme L Long terme (les 12 mois à venir) (entre un et trois ans) (entre trois et cinq ans) PASSER DE LA RECONSTRUCTION À UNE PLANIFICATION URBAINE RÉSILIENTE POUR UN AVENIR MEILLEUR Un changement vers une planification urbaine résiliente est nécessaire pour aborder les déficits actuels en infrastructures et préparer la croissance urbaine à venir HORIZON NIVEAU DE INSTITUTION RECOMMENDATION PRÉVISIONNEL PRIORITÉ PRINCIPALE/ PROBLÈME LARGE ACTIONS SPÉCIFIQUES (S, M, L) (H, M, L) CHAMPION* Des déficits impor- Investir dans les Améliorer et élargir l’accès aux services, exploiterles C H MTPTC tants dans les services infrastructures et pour efforts passés réalisés par la communauté mais Communes aborder les déficitsactuels renforcer les capacités sur le long terme. urbains de base et des en service urbain de base. investissements limités Améliorer la gestion et la prestation des services C H MICT dans les infrastruc- de base tout en construisant et en consolidant les Communes capacités des gouvernements locaux grâce à des tures pour répondre mécanismes basés sur les performances. aux besoins croissants de la population. Diffuser les résultats de l’analyse de risques pour M H MICT-DPC accompagner une prise de décision éclairée, CNIGS accompagnée de mesures vitales non structurelles MTPTC pour protéger des risques les personnes et les biens. Croissance débridée Exploiter les informations Utiliser les informations pour aligner les incitations : C M MPCE des villes sans tenir pour faciliter une prise de informer les citoyens sur les plans futurs et les risques Communes décision coordonnée entre pour leur permettre de prendre de meilleures décisions suffisamment compte les ménages, les entreprises des risques de catastro- et le gouvernement. Intégrer les connaissances en matière de M M MTPTC phes naturelles. risques d’inondation avec une prise de décision MARNDR transparente lorsqu’il s’agit d’investissements dans les infrastructures urbaines. Réaliser des évaluations de vulnérabilité des infra- C H MTPTC structures publiques cruciales. Administration forcée Renforcer les droits de Renforcer les droits de propriété avec des L M CIAT à limiter lesinforma- propriété et promouvoir des mécanismes de règlement des différends. réformes institutionnelles tions 19opaques sur la pour une meilleure Pour les grandes villes haïtiennes, élaborer des L M MICT propriété foncière et gouvernance. cadres de coopération municipale. MPCE réglementations fon- cières inappropriées. FAÇONNER LES MARCHÉS DU TRAVAIL : CONNECTIVITÉ, EMPLOIS ET RISQUES Une meilleure connectivité au sein des villes et une meilleure accessibilité sont réalisables en améliorant le transport motorisé et en renforçant la coordination entre l’aménagement du territoire et les investissements dans les transports HORIZON NIVEAU DE INSTITUTION RECOMMENDATION PRÉVISIONNEL PRIORITÉ PRINCIPALE/ PROBLÈME LARGE ACTIONS SPÉCIFIQUES (S, M, L) (H, M, L) CHAMPION* Marchés du travail Augmenter la vitesse et Mieux gérer l’espace dédié à la chaussée et l’espace C H MTPTC fragmentés à cause de améliorer la qualité du dédié aux trottoirs pour augmenter la vitesse, Communes transport grâce à des le confort des piétons et faire baisser le nombre l’inadéquation spatiale investissements et un d’accidents de la route. entre les opportunités renforcement de l’efficacité. économiques et les em- Guider l’expansion urbaine vers des sites sûrs et acces- C H MPCE sibles et sécuriser les droits de passage pour des inves- Communes placements résidentiels. tissements dans de futures infrastructures. Investir dans l’entretien des routes pour faire baisser les C H MTPTC coûts de réparation à l’avenir et augmenter la vitesse. Système de trans- Rendre les transports Construire des arrêts de Tap-Tap et des voiesdédiées M M MTPTC ports publics lent collectifs plus abordables aux transports publics pour augmenter la vitesse Communes pour des appariements de et l’accessibilité et faire baisser les coûts pour les et inabordable. qualité entre personnes et opérateurs et les tarifs pour les utilisateurs. opportunités économiques pour tous. Promouvoir le retrait des Tap-Tap à grosse consomma- M M MEF tion en carburant pourfaire baisser les coûts des opéra- teurs et les tarifs des déplacements ainsi que réduire la vulnérabilité à une augmentation du prix des carburants. Coordination limitée Renforcer la coordination Construire la résilience du réseau de transports en C H MTPTC entre l’aménagement entre l’aménagement du identifiant les segments les plus cruciaux et en les DPC territoire et les investisse- modernisant ou en investissant dans la redondance. du territoire et la plani- ments dans les transports fication du transport pour un meilleur accès et En parallèle, mettre en vigueur les codes de construction L M MTPTC qui réduitl’accessibilité une meilleure résilience. pour minimiser les impacts des catastrophes naturelles Communes comme les tremblements de terre. et augmente la vul- nérabilité du réseau. Élaborer des registres et des systèmes statistiques pour L M IHSI des subventions ciblées des transports publics côté demande pour les plus pauvres et les plus vulnérables. * LEADING INSTITUTION is shown bolded Abréviations des institutions (en ordre alphabétique): DPC Direction de la Protection Civile MARNDR  Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural DGI Direction Générale des Impôts MEF Ministère de l’Économie et des Finances IHSI Institut Haïtien de la Statistique et de l’Information MICT Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales CIAT Comité Interministériel de Développement Territorial MTPTC Ministère des Travaux Publics, des Transports et des Communications CNIGS Centre National d’Informations Géo spatiales MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération Extérieure FINANCER LES VILLES HAÏTIENNES Le renforcement des finances municipales est essentiel pour combler le déficit en infrastructures et services urbains et pour s’adapter à la population urbaine croissante HORIZON NIVEAU DE INSTITUTION RECOMMENDATION PRÉVISIONNEL PRIORITÉ PRINCIPALE/ PROBLÈME LARGE ACTIONS SPÉCIFIQUES (S, M, L) (H, M, L) CHAMPION* Décentralisation Consolider, harmoniser et Examiner le cadre normatif des collectivités C H MICT incomplète et un cadre mettre en vigueur le cadre territoriales tel qu’il a été instauré dans les cinq réglementaire et juridique décrets de 2006 et identifier des actions possibles juridique fragile et frag- du financement municipal. pour la mise en œuvre. menté qui gouverne les finances municipales. Formaliser les compétences en matière d’imposition C H MICT confiées aux municipalités conformément à MEF-DGI l’Article 142 du cadre de décentralisation. Revisiter les lois sur les impôts municipaux, M H MEF-DGI notamment ceux afférents à la taxe foncière et à MICT la patente. Sources limitées de Renforcer le système Renforcer les outils disponibles pour relier la C M MICT recettes municipales. qui régit les finances planification des investissements, la budgétisation Departments municipales et élargir et l’exécution pour les gouvernements locaux. Communes les opportunités de financement. Renforcer les capacités locales de gestion du M M MICT budget pour une exécution budgétaire rapide et Departments une meilleure prestation de services. Communes Réaliser des évaluations foncières dans toutes les C H MEF-DGI municipalités et mettre à jour le regitstre de la taxe Communes foncière en conséquence pour élargir l’assiette fiscale. L M MEF Lack of transparency Réaliser un diagnostic des inefficacités du FGDCT, MICT and limited reliability et se mettre d’accord sur un plan d’action. of the transfer system L M MEF Mettre en œuvre un plan d’action pour renforcer MICT le FGDCT (allocation, gestion, transfert, suivi et évaluation) et initier la préparation d’une stratégie fiscale intergouvernementale. (IFGG). * LEADING INSTITUTION is shown bolded Abréviations des institutions (en ordre alphabétique): DPC Direction de la Protection Civile MARNDR  Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural DGI Direction Générale des Impôts MEF Ministère de l’Économie et des Finances IHSI Institut Haïtien de la Statistique et de l’Information MICT Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales CIAT Comité Interministériel de Développement Territorial MTPTC Ministère des Travaux Publics, des Transports et des Communications CNIGS Centre National d’Informations Géo spatiales MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération Extérieure RÉFÉRENCES Antos, S. E., N. Lozano-Gracia, and S. V. Lall. 2016. “The Morphology of African Cities.” Policy Research Working Paper 7911, World Bank, Washington, DC. Bertaud, A. 2014. “Cities as Labor Markets.” Working Paper #2, Marron Institute on Cities and the Urban Environment, New York University, New York. 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