Findings - Africa Region 32989 N° 81 Juin 2005 IK Notes fournit des rapports périodiques sur les Initiatives en matière de développement des Savoirs Locaux (IK) en Afrique Sub-Saharienne et occasionnellement sur des initiatives similaires en dehors de la Région. Il est publié par le Africa Region's Knowledge and Learning Center dans le cadre d'un partenariat évolutif entre la Banque mondiale, les communautés, les ONG, les institutions de développement et les organisations multilatérales. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles des auteurs et ne devraient en aucun cas être attribuées au Groupe de la Banque mondiale ou ses partenaires dans cette initiative. Une page web sur les IK est disponible à l'adresse : http:///www. worldbank.org/afr ik/default.htm Intégration des Savoirs Locaux des Pasteurs Borana dans les Stratégies de Gestion des Pâturages au Sud de l'Ethiopie Gestion des pâturages chez les Borana: passé et présent | Les savoirs locaux (IK) des pasteurs autochtones sur l'écologie et l'organisation sociale ont conduit à des stratégies de gestion des pâturages appropriées pour les conditions de pluviométrie irrégulière des terres arides africaines. La transhumance des troupeaux était traditionnellement pratiquée comme principale stratégie d'exploitation des ressources des pâturages dispersés sur de grands espaces. Des régimes fonciers de propriété commune des ressources ont été conçus pour permettre aux groupes d'utilisateurs de longue durée de coordonner l'accès à ces ressources partagées des pâturages durant les années normales et de négocier l'utilisation des ressources essentielles pendant les périodes de pénurie. Les pasteurs Borana du sud de l'Ethiopie et du nord du Kenya ont développé un système particulièrement efficace de gestion des ressources naturelles. L'approvisionnement en eau permanente était limité à quelques unités de puits profonds groupés dans une zone centrale. L'accès à l'eau déterminait l'utilisation des pâturages environnants. Les troupeaux étaient déplacés entre les pâturages de saison sèche et de saison humide. L'organisation sociale coordonnait et faisait respecter les décisions concernant la gestion des pâturages entre les différents utilisateurs de ces ressources. Spécialisés dans l'élevage de bétail, les Borana ont atteint un niveau exceptionnel de productivité en termes de ressources en bétail et en pâturages. Cependant, les interventions de recherche et de développement ne prenaient pas en compte les connaissances et les compétences des Borana dans la gestion des pâturages. Les interventions visaient http://siteresources.worldbank.org/INTINDKNOWLEDGE/64199955-1141165834035/20839317/friknt81.htm (1 of 7)03/17/2006 10:13:35 AM Findings - Africa Region simplement à accroître la productivité des pâturages initiée dans les années 70. La construction d'étangs d'abreuvage dans les zones de pâturage de saison humide avait pour but de diminuer la pression sur les pâturages de saison sèche. Mais au lieu de cela, cette stratégie a ouvert les zones de pâturage de saison humide à une utilisation sur toute l'année et a poussé ces pâturages à libre accès et deux groupes importants de puits vers la région administrative somalienne voisine. Cet état de fait a privé effectivement les Borana de l'accès aux pâturages les plus fertiles, a détruit les arrangements réciproques qui existaient entre les Borana et les communautés pastorales somaliennes et a amené des conflits ethniques. Les services d'encadrement agricole favorisaient la culture dans ces zones précieuses de pâturage et bloquaient les mouvements des troupeaux. L'interdiction officielle de brûlure dans les pâturages et l'installation de ranchs commerciaux privés ont aggravé la désintégration du système traditionnel Borana d'utilisation des ressources. L'expérience des Borana montre très clairement que ignorer les IK des pasteurs contribue à la dégradation progressive des pâturages, à l'érosion de structures sociales importantes et à la pauvreté parmi les populations pastorales. Le défi pour toute future planification de développement pastoral est de concevoir des concepts pratiques pour revitaliser les IK des pasteurs. La solution n'est pas de romancer ces IK, mais plutôt de soutenir les pratiques aux valeurs avérées et de réorienter les interventions externes de manière à soutenir les stratégies des pasteurs en vue de préserver leurs moyens d'existence. Des approches innovatrices sont nécessaires pour intégrer les connaissances autochtones et exogènes dans la planification et la prise de décision en matière de développement. Des leçons peuvent être tirées des recherches ayant exploré les possibilités de développement pastoral basé sur les IK dans les prairies Borana du Sud de l'Ethiopie. Une approche par étapes a produit des connaissances spécifiques sur les stratégies des pasteurs dans la gestion des pâturages et a aidé à comprendre les difficultés actuelles rencontrées dans leur application. Étapes dans l'exploration du système de gestion des pâturages basé sur les IK Identification des IK dans la gestion des pâturages Deux zones en pays Borana ont été comparées. Celles-ci différaient en termes de leurs fonctions dans le système traditionnel de gestion des pâturages et de l'ampleur des interférences externes. Web est traditionnellement une zone de pâturage de saison sèche contenant une des unités de puits profonds groupés les plus anciens. Dida Hara est une ancienne zone de pâturage de saison humide où la construction d'étangs d'abreuvage a induit un pacage ininterrompu sur toute l'année et une occupation incontrôlée des terres. En se basant sur la classification des pâturages par les pasteurs, des schémas saisonniers d'utilisation des territoires ont été identifiés. Une cartographie participative de l'utilisation des territoires a été combinée à des mesures par GPS des catégories d'utilisation des territoires et à des calendriers de mouvements des troupeaux. Les mouvements des troupeaux se sont considérablement réduits avec le temps: il y a http://siteresources.worldbank.org/INTINDKNOWLEDGE/64199955-1141165834035/20839317/friknt81.htm (2 of 7)03/17/2006 10:13:35 AM Findings - Africa Region 30 ans, la gestion des pâturages chez les Borana était organisée sur de grands espaces. Les campements permanents étaient groupés à proximité des puits profonds traditionnels, seule source permanente d'eau. Pendant les saisons des pluies, les pasteurs emmenaient leurs troupeaux à des pâturages très éloignés. Cela dispersait la pression du pacage. Pendant les saisons sèches, le manque d'eau de surface forçait les troupeaux à revenir aux pâturages autour des puits. Les vaches que l'on devait traire étaient gardées dans le cercle intérieur du pourtour des puits, et les autres animaux étaient gardées dans le cercle extérieur du pourtour des puits. Les bergers ­ qui étaient en contact étroit avec leurs troupeaux, leur environnement naturel et les autres bergers ­ savaient exactement où mener leurs troupeaux pour trouver du fourrage et de l'eau. L'interférence du développement a limité la mobilité des troupeaux, et des différences sont apparues entre les deux zones. Un an après la dernière sécheresse au sud de l'Ethiopie, il y a eu à peine de mouvements des troupeaux à Dida Hara, la zone où des interventions de développement d'approvisionnement en eau avaient eu lieu, tandis qu'à Web la mobilité était encore prononcée. Les installations de troupeaux à Dida Hara avaient augmenté rapidement, du fait que les transhumances sur de longues distances durant la saison humide n'étaient plus nécessaires. Quelques riches Borana s'y sont établis avec de très grands troupeaux, tandis que la plupart des ménages pouvaient à peine conserver leur bétail qui était leur moyen de subsistance. Les ménages coopéraient beaucoup moins dans l'élevage, leurs animaux étaient devenus plus susceptibles de mourir pendant les périodes de sécheresse, et les pâturages autrefois abondants se dégradaient rapidement. Les bergers de Web n'avaient pas de zones de pâturages de saison humide pour leurs troupeaux mobiles et devinrent confinés aux zones plus proches des puits profonds. Dans ce groupe de pasteurs, l'écart en termes de richesse était resté moindre et la plupart des ménages ont continué à coopérer dans la gestion de très petits troupeaux. Cette comparaison montre que les possibilités de mouvement des troupeaux étaient considérablement réduites. La disponibilité de l'eau a ainsi perdu sa fonction de régulation de l'organisation spatiale du pacage. Les Borana ont presque cessé de distinguer les pâturages réservés aux animaux producteurs de lait et les pâturages réservés aux troupeaux plus mobiles. Des systèmes différents de pacage se sont donc développé à Dida Hara et à Web, renforcés par des tendances socio-économiques différentes. L'analyse des IK des pasteurs a ainsi révélé le bien-fondé des stratégies locales de gestion des pâturages et les effets négatifs des interventions opérées au nom du " développement pastoral ". Comparaison des changements dans les institutions locales Les changements dans les institutions Borana réglementant la gestion des ressources naturelles ont été analysés au moyen de réunions communautaires participatives. Conformément aux règles traditionnelles, les anciens de Dida Hara et de Web ont été invités à déléguer des participants à ces réunions, tenues aux lieux traditionnels de réunion. Les pasteurs ont ensuite été divisés en deux groupes et ont dessiné des diagrammes de Venn pour montrer toutes les institutions pertinentes pour l'utilisation http://siteresources.worldbank.org/INTINDKNOWLEDGE/64199955-1141165834035/20839317/friknt81.htm (3 of 7)03/17/2006 10:13:35 AM Findings - Africa Region des ressources naturelles ­ un groupe décrivant les institutions actuelles et l'autre décrivant la situation avant les interventions de développement. Les groupes ont ensuite présenté conjointement les diagrammes de Venn réalisés et ont discuté des différences observées. La comparaison a montré comment l'accès organisé aux ressources naturelles avait été perturbé. Traditionnellement, la planification à grande échelle de l'utilisation des territoires était coordonnée par des réseaux institutionnels complexes. Le droit de libre accès à l'eau et aux pâturages pour tous les Borana était régi par une administration de chaque puits confiée à un clan spécifique. Des surveillants désignés s'occupaient de l'administration quotidienne des puits. La gestion de l'eau au niveau du clan était soutenue par des institutions déterminées par localité de pacage. Des comités d'anciens coordonnaient l'accès du bétail à chaque puits associé à l'utilisation du pâturage avoisinant. D'autres comités étaient responsables des zones de pâturage partagées. La responsabilité de la planification locale d'utilisation du territoire était conférée à des sous-comités de groupes d'établissements, de voisinage et de villages individuels. La paix sociale, y compris la résolution à l'amiable des conflits sur l'utilisation des ressources, était assurée par des représentants locaux des clans. Les directives pour la bonne gouvernance de l'ensemble de la société Borana émanaient d'un système administratif complexe comprenant une assemblée législative qui examinait les prérogatives et les obligations existantes. Des conseillers spéciaux étaient nommés comme médiateurs au sein du réseau institutionnel. L'introduction par le gouvernement d'unités administratives locales ­ les " Associations Paysannes " (PAs) ­ a sapé le contrôle flexible exercé par les anciens expérimentés. Des membres plus jeunes de la communauté, inexpérimentés en matière de gestion des pâturages, ont été nommés et investis de pouvoirs de prise de décision au niveau local. Le transfert supplémentaire de l'autorité aux PAs pour l'éducation formelle, les services de secours et d'encadrement a sapé davantage l'autorité des institutions traditionnelles. Aujourd'hui, les comités d'anciens ne peuvent plus faire jouer leurs connaissances. Cela a amené des conflits entre les générations et au sein des communautés. Les comités qui étaient responsables de la coordination générale des mouvements des troupeaux ont presque perdu leur fonction. En lieu et place, les réactions immédiates en cas d'urgence sont décidées par les chefs de village et l'administration formelle. Les multiples interconnexions des institutions locales responsables de la planification de l'utilisation du territoire avec celles chargées de la paix sociale ont presque totalement été détruites. La médiation par l'organe traditionnel de gouvernance est à présent minimale. Néanmoins, les diagrammes de Venn montrent que ­ en dépit de l'érosion de la plupart des institutions autochtones ­ celles concernées par l'administration de l'eau (telles que des puits profonds de Web) ont gardé leur importance. Les principes essentiels de la gestion de l'eau ont été transférés aux étangs d'abreuvage nouvellement construits à Dida Hara. Dans le but de reconquérir le contrôle de la gestion des pâturages, les anciens dans les deux localités ont commencé à négocier avec les comités des PAs en vue d'une ré-institution des directives traditionnelles de limitation des installations et de stopper ainsi la surexploitation des pâturages. http://siteresources.worldbank.org/INTINDKNOWLEDGE/64199955-1141165834035/20839317/friknt81.htm (4 of 7)03/17/2006 10:13:35 AM Findings - Africa Region L'analyse des institutions pastorales existantes impliquées dans le contrôle du mouvement des troupeaux a révélé des faiblesses dans les structures de pouvoir et des conflits qui y sont associés. L'application des décisions relatives à l'utilisation, à l'entretien et à la réhabilitation des ressources des pâturages a été gravement affaiblie. Le manque de pâturages et d'eau, ainsi que les conflits inter-ethniques qui en résultent, a conduit au non-respect des directives. Les procédures de négociation en constante détérioration ont affaibli les structures d'information et de communication nécessaires pour coordonner les mouvements des troupeaux dans le temps et dans l'espace. Cependant, les diagrammes ont également montré l'expertise organisationnelle et les structures sociales toujours viables des Borana. Les initiatives actuelles des anciens montrent que les pasteurs peuvent innover dans l'adaptation de leurs stratégies aux changements des conditions. Détermination des profils socio-économiques des ménages pastoraux Une enquête approfondie auprès de 60 ménages a été effectuée à Dida Hara et à Web afin de déterminer les caractéristiques socio-économiques qui ont favorisé les mouvements des troupeaux pendant et après la dernière sécheresse. Pendant la sécheresse, les mouvements des troupeaux étaient semblables à Dida Hara et à Web, dans la mesure où les mouvements des troupeaux étaient causés par la crise. La seule tendance claire qui soit ressortie était que les ménages qui vendaient leurs animaux aux marchés d'exportation étaient ceux qui étaient les plus mobiles. L'année suivant la sécheresse, la mobilité des ménages était plus élevée à Web qu'à Dida Hara. La mobilité des ménages augmentait lorsque ceux-ci faisaient partie de groupes plus importants de pasteurs et était plus élevée pour les ménages ayant assez d'animaux pour vivre uniquement de leur bétail. Les ménages ayant des chameaux (une innovation dans la composition des troupeaux introduite par les Borana en réaction aux conditions changeantes des pâturages) se déplaçaient beaucoup plus que les autres. Plus de ménages à Web avaient des chameaux qu'à Dida Hara. Le fait d'avoir une plus grande mobilité était lié à une plus grande taille de troupeau et/ ou à la capacité d'organiser des réseaux de coopération. A mesure que les troupeaux deviennent plus petits et que les membres de la famille se trouvent obligés de s'engager dans d'autres activités, la coopération est essentielle pour soutenir la mobilité. C'est pourquoi l'on prévoit que la différentiation socio-économique actuellement en cours et la perte des réseaux de négociation et de diffusion de l'information aboutiront à une plus grande réduction de la mobilité. Initiation et encouragement de plate-formes multi-parties prenantes Des représentants des communautés locales, de la recherche, des acteurs du développement et du gouvernement ont été invités aux ateliers multi-parties prenantes à la fin des enquêtes sur le terrain. Les objectifs étaient de donner la rétro-information à ceux impliqués dans l'étude et de discuter des implications pour une gestion durable des pâturages. Les ateliers ont également fourni des plate-formes pour la réflexion commune en vue de soutenir les efforts en cours dans la planification participative du http://siteresources.worldbank.org/INTINDKNOWLEDGE/64199955-1141165834035/20839317/friknt81.htm (5 of 7)03/17/2006 10:13:35 AM Findings - Africa Region développement. Les participants ont reconnu que les IK en matière de gestion pastorale étaient sous- utilisés. Leurs déclarations étaient en parfait accord avec la recommandation de l'étude de mettre l'accent sur la mobilité des troupeaux afin d'offrir des options concrètes pour une meilleure gestion des pâturages. Cette approche aide à définir les responsabilités institutionnelles telles que la planification de l'utilisation du territoire au niveau des groupes de campements locaux, des réserves de pâturage contrôlées par des comités de bergers mobiles, du monitoring / évaluation participatifs par de vrais organes au sein du système traditionnel, et de la médiation entre les parties prenantes par des représentants pastoraux sensibilisés. Le rôle du gouvernement serait alors de faciliter l'application des décisions. Conclusions Les IK des Borana ont été exposés à des perturbations externes et internes, mais ils subsistent dans certaines stratégies appliquées de gestion des pâturages et des réseaux de négociation. L'apport d'un appui extérieur est justifié afin de faciliter la mise en place de structures pour la poursuite des expérimentations pastorales et des réseaux de négociation. Les plate-formes multi-parties prenantes peuvent fournir un cadre d'exploration participative des potentiels et des contraintes pour un développement s'appuyant sur les IK. Les mesures précédentes permettent un débat bien informé par l'intermédiaire des agents du développement. Ces agents devraient également aider les communautés de pasteurs à redéfinir leurs objectifs et à développer davantage leurs innovations. Un défi fondamental est la mise en oeuvre d'une politique pastorale favorable. Cela dépend de la disposition à apprendre des IK des pasteurs, afin d'assurer un échange transparent de l'information et de convenir d'actions concertées de développement. La restructuration de la gestion mobile des pâturages ne fera pas retourner à l'ancienne époque ni ne changera le fait que beaucoup de ménages Borana dépendent de sources de revenu supplémentaires et ne peuvent plus vivre uniquement du pastoralisme. La croissance démographique, les sécheresses récurrentes, le manque d'opportunités d'investissements, et la marginalisation politique et économique sont un frein au progrès. Cependant, explorer les moyens de soutenir la mobilité et le contrôle par les pasteurs de l'utilisation des ressources rend les efforts de développement plus tangibles et mieux ciblés. Soutenir les pasteurs nomades dans l'organisation politique et l'utilisation constructive des réseaux existants peut aider à préserver les IK et à les rendre constructifs. Cet article a été écrit par Sabine Homann et Barbara Rischkowsky, Department of Livestock Ecology, Giessen University (contact sabine.homann@agrar.uni-giessen. de). Il est basé sur un travail de recherche pour le Ph.D. par Sabine Homann mené dans le Sud de l'Ethiopie en 2000­2002 avec l'appui financier et logistique du Tropical Ecological Support Programme (TOEB/GTZ), Allemagne, et du Borana Lowlands Pastoral Development Programme (BLPDP/GTZ), Ethiopie. http://siteresources.worldbank.org/INTINDKNOWLEDGE/64199955-1141165834035/20839317/friknt81.htm (6 of 7)03/17/2006 10:13:35 AM Findings - Africa Region http://siteresources.worldbank.org/INTINDKNOWLEDGE/64199955-1141165834035/20839317/friknt81.htm (7 of 7)03/17/2006 10:13:35 AM