33686 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE n t pe me Le savoir et l'innovation au se r v i c e d u d é v elop CONCLUSIONS DE L'INITIATIVE DE SHANGHAI SUR LE TRANSFERT MONDIAL DES SAVOIRS Sous la direction de Blanca Moreno-Dudson BANQUE MONDIALE Réduire la pauvreté à l'échelle mondiale Réduire la pauvreté à l'échelle mondiale Le savoir et l'innovation au service du développement Conclusions de l'initiative de Shanghai sur le transfert mondial des savoirs Sous la direction de Blanca Moreno-Dodson Publication de la Banque mondiale Washington ©2009 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, D.C. 20433 Téléphone : 202-473-1000 Site Internet : www.worldbank.org Courriel : feedback@worldbank.org Tous droits réservés 1 2 3 4 08 07 06 05 Le présent ouvrage a été rédigé par les services de la Banque internationale pour la reconstruc- tion et le développement/Banque mondiale. Les constatations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement les vues des Administrateurs de la Banque mondiale ou des pays qu'ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l'exactitude des données contenues dans ce rapport. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent rapport n'impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d'un territoire quelconque et ne signifient nullement qu'elle reconnaît ou accepte ces frontières. Droits et licences Le contenu de cette publication fait l'objet d'un dépôt légal. Aucune partie de la présente publi- cation ne peut être reproduite ou transmise sans l'autorisation préalable de la Banque mondiale. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale encou- rage la diffusion de ses études et, normalement, accorde sans délai l'autorisation d'en reproduire des passages. Pour obtenir cette autorisation, veuillez adresser votre demande en fournissant tous les rensei- gnements nécessaires, par courrier, au Copyright Clearance Center, Inc., 222 Rosewood Drive, Danvers, Massachusetts, 01923, USA ; téléphone : 978-750-8400 ; télécopie : 978-750-4470 ; site Web : www.copyright.com. Pour tout autre renseignement sur les droits et licences, y compris les droits dérivés, envoyez votre demande, par courrier, à l'adresse suivante : Office of the Publisher, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; télécopie : 202-522-2422 ; email : pub- rights@worldbank.org. ISBN-10 : 0-8213-6362-X ISBN-13 : 978-0-8213-6362-1 eISBN-10 : 0-8213-6363-8 DOI : 10.1596/978-0-8213-6362-1 Demande d'enregistrement au catalogue adressée à la Bibliothèque du Congrès des États-Unis d'Amérique. This work was originally published by The World Bank in English as Reducing Poverty on a Global Scale: Learning and Innovating for Development: Findings from the Shanghai Global Learning Initiativein 2005. In case of any discrepancies, the original language will govern. Ce livre a été publié en anglais par la Banque Mondiale avec le titre : Reducing Poverty on a Global Scale: Learning and Innovating for Development: Findings from the Shanghai Global Learning Initiativein 2005. En cas de désaccord, la langue d'origine sera déterminante. © ESKA 2009 ISBN : 978-2-7472-1445-2 Table des matières Avant-propos vii Les objectifs de développement pour le Millénaire xi Remerciements xiii Sigles et acronymes xv Introduction 1 Frannie A. Léautier et Blanca Moreno-Dodson 1. Le cadre conceptuel de l'analyse 15 Michele de Nevers et Mark Sundberg 2. Observations à l'échelon national 29 Blanca Moreno-Dodson 3. Le développement comme processus d'apprentissage et d'innovation : l'expérience de la Chine 57 Yan Wang 4. Analyse thématique 95 Kim Cuenco, Roberto Dañino, Waleed Malik, Anne Ritchie, Lisa Taber, Egbe Osifo-Dawodu, Gift Manase, et Karen Lashman 5. Programmes de développement impulsés par communautés locales 175 Mohini Malhotra 6. L'évaluation : Un moyen d'apprendre pour la mise à l'échelle 193 Ariel Fiszbein et Coralie Gevers 7. Conséquences au plan opérationnel 227 Ronald Kim et M. Ziad Alahdad 8. Thèmes de recherche future 253 Frannie A. Léautier et Blanca Moreno-Dodson Index 261 Avant-propos Notre monde est en situation de déséquilibre. Sur les six milliards de per- sonnes que compte le globe, un milliard détient 80 pour cent des revenus tandis que moins de 20 pour cent sont partagés par les cinq milliards res- tants. Les 20 années à venir verront naître deux milliards de personnes ; à l'exception de 50 millions d'entre elles, toutes verront le jour dans les pays en développement. D'ici 2025, sept milliards sur huit milliards de personnes vivront dans les pays en développement. En 2050, cette proportion passera à huit milliards sur neuf milliards de personnes. La pauvreté, si elle n'est pas traitée comme il se doit, connaîtra la même évolution. Malheureusement, la pauvreté n'est pas au coeur des préoccupations du monde. Le terrorisme, l'Irak, l'Afghanistan, les tensions au sein de l'alliance transatlantique, les déficits budgétaires, les querelles de clocher, qui sont des sujets plus visibles et qui semblent plus immédiats, recueillent une vive attention. Les dépenses militaires s'élèvent à 1 000 milliards de dollars tan- dis que les agriculteurs des pays nantis reçoivent 300 milliards de dollars sous forme de protection tarifaire et de subventions agricoles et que 50 à 60 milliards de dollars sont consentis à l'aide publique au développement. Les problèmes non moins graves et inévitables qui accompagnent la pau- vreté ne sont évoqués que du bout des lèvres. Le moment est venu de recon- naître que la paix et la stabilité resteront une gageure aussi longtemps que la pauvreté ne reculera pas. Quel que soit leur pays et quelles que soient les conditions dans lesquelles ils vivent, les pauvres ont exprimé leurs souhaits. Nous voulons vivre dans la sécurité ; nous voulons avoir droit à la parole et avoir l'occasion d'être entendu ; nous voulons que nos enfants soient éduqués ; nous voulons la sécurité. Plutôt que de la charité, nous voulons qu'on nous donne une opportunité, une occasion de nous en sortir. Et nous voulons apporter notre contribution à l'amélioration de notre vie. C'est à travers ces mots que nous trouvons notre mission ainsi que les défis qui l'accompagnent : le défi de la gestion, le défi des moyens de pres- sion et le défi des ressources. En 2002 la Banque mondiale a demandé que soit réalisée une recherche fondée sur plus d'une centaine d'études de cas portant sur des projets et des programmes de lutte contre la pauvreté. Ces études de cas mettent en lumière des idées (de bonnes et de moins bonnes) qui peuvent être adaptées, viii RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE exploitées pour en tirer des enseignements et mises en application dans notre travail de développement. Nous avons entrepris pendant environ un an des visites de terrain, des échanges à l'échelle internationale et des travaux d'analyse, qui ont abouti à l'initiative de Shanghai en 2004 ; nous y avons convoqué une conférence des représentants du Nord et du Sud, des ministres, des membres de la société civileet du secteur privé pour se pencher sur la question suivante : Que pou- vons-nous faire ensemble pour laisser en héritage aux plus jeunes un monde où règne la sécurité, un monde vibrant de vie et de stabilité ? La conférence a mis l'accent sur les études de cas et le but visé était d'élargir notre appro- che par rapport à la lutte contre la pauvreté. Cette conférence n'était pas le lieu indiqué pour formuler des doctrines ni pour imposer des pratiques opti- males. C'était en revanche un cadre d'échange d'idées, un environnement propice au partage d'expériences entre les pairs et une opportunité d'apprendre les uns auprès des autres. En faisant confectionner ces études de cas et en convoquant la confé- rence, notre objectif était beaucoup plus vaste. Notre objectif était et reste encore d'aller au-delà de ce que nous avons fait dans le passé, d'élargir, d'étendre et d'intensifier la lutte contre la pauvreté. Nous ne pouvons plus continuer de nous satisfaire d'avoir exécuté avec succès un projet par-ci ou un projet par-là. Le monde du développement ne manque pas de ce que j'appellerais des projets pour se donner bonne conscience. Si on nous demande ce que nous avons fait pour économiser de l'eau ou ce que nous avons fait pour protéger l'environnement, nous pouvons proposer une lon- gue liste de projets que nous avons accomplis avec succès : 200 kilomètres d'autoroute dans ce pays-ci, dix ponts dans ce pays-là et de l'aide à une cen- taine d'écoles quelque part ailleurs. Mais nous avons appris que ce n'est pas assez de se contenter d'avoir bonne conscience sur des projets individuels. Les défis auxquels nous faisons face sont bien trop importants. Ce ne sont pas cent écoles mais 10 000 qu'il faut. Ce ne sont pas dix ponts mais 5 000 qu'il faut. Ce n'est pas d'un millier mais de millions et de milliards de per- sonnes dont il est question. Nous devons trouver les voies et moyens de dépasser ces projets qui don- nent bonne conscience, les voies et moyens d'intensifier ces initiatives en profondeur et avec une portée plus large, de manière à agir sur la pauvreté et à être en mesure d'atteindre les objectifs de développement pour le Millé- naire. Nous le savons, l'intensification prend du temps. L'intensification fait appel à la gestion. L'intensification fait appel à l'adaptation continuelle de nos programmes, nos politiques et nos pratiques. Elle exige qu'on prête attention à la continuité, à une stratégie cohérente qui tienne compte du passé et des changements politiques et sociaux. Les études de cas réalisées pour le compte de la Banque mondiale, présen- tées à la conférence et analysées dans le présent ouvrage mettent en évidence des thèmes communs en rapport avec l'intensification de la lutte contre la pauvreté. Nous devons commencer par établir des objectifs stratégiques. AVANT-PROPOS ix Nous avons souvent commis l'erreur de fixer des objectifs en fonction des financements disponibles. Les actions de ce type qui sont motivées par les ressources disponibles ne sont pas indiquées. En lieu et place, nous devons faire face aux défis propres à chaque situation, identifier l'objectif que nous voulons atteindre et trouver les moyens d'atteindre cet objectif dans le temps. Nous devons comprendre que le succès ce n'est pas de dépenser 50 milliards de dollars de manière satisfaisante. Le succès consiste à atteindre l'objectif stratégique général que nous ten- tons de réaliser.Il est absolument nécessaire que nous changions notre manière de concevoir le développement et de percevoir les populations des pays en développement si nous voulons réussir l'effort d'intensification. Le développement n'est pas une chose que conçoivent les professionnels pour l'offrir aux pauvres. De plus, nous ne devons pas définir les pauvres comme étant l'objet de notre charité ou de nos pratiques de développement et les confiner dans ce rôle. Ces personnes sont une richesse, et nous devons les aider à devenir des acteurs de l'effort qui leur permettra de sortir de la pau- vreté. Dans l'effort d'intensification, nous devons mobiliser les populations qui sont démunies et qui sont en quête de solutions à leurs problèmes afin d'accéder à une vie meilleure. Ces personnes en savent plus sur la pauvreté que nous. Elles en savent plus sur leurs besoins que nous. Nous pouvons les aider en termes de structure et d'approche. Nous pouvons fournir l'infras- tructure et les ressources. Il nous faut cependant apprendre à apprécier à sa juste valeur et à tenir compte de la richesse que constituent les pauvres, les jeunes et les femmes. Ce sont des personnes riches de capacités et du désir d'améliorer leurs vies. Une fois encore, notre monde se trouve dans une situation de déséquilibre -- un déséquilibre causé par des conditions de pauvreté extrême pour une immense majorité d'êtres humains. Les objectifs de déve- loppement pour le Millénaire ont permis de mettre en évidence les défis liés à cette pauvreté. Des projets et des programmes ont été mis sur pied pour tenter de trouver des solutions à ces défis. Il revient maintenant à chacun de nous de mettre en oeuvre les moyens d'action qu'il faut pour assurer que la lutte contre la pauvreté figure au coeur du programme mondial. James D. Wolfensohn Ancien Président Banque mondiale Les objectifs de développement pour le Millénaire Objectif 1 : Réduire l'extrême pauvreté et la faim Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim Objectif 2 : Assurer l'éducation primaire pour tous D'ici à 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires Objectif 3 : Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des femmes Éliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d'ici à 2005, si possible, et à tous les niveaux de l'enseignement d'ici à 2015, au plus tard Objectif 4 : Réduire la mortalité infantile Réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans Objectif 5 : Améliorer la santé maternelle Réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle Objectif 6 : Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies D'ici à 2015, avoir stoppé la propagation du VIH/SIDA et avoir commencé à inverser la tendance actuelle D'ici à 2015, avoir maîtrisé le paludisme et d'autres maladies, et avoir commencé à inverser la tendance actuelle Objectif 7 : Assurer un environnement durable Intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales ; inverser la tendance actuelle à la déperdition de ressources environnementales xii RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Réduire de moitié, d'ici à 2015, le pourcentage de la population qui n'a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable Réussir à améliorer sensiblement, d'ici 2020, la vie d'au moins 100 millions d'habitants des bidonvilles taudis Objectif 8 : Mettre en place un environnement durable pour le développement Poursuivre la mise en place d'un système commercial et financier multilatéral ouvert, fondé sur des règles, prévisible et non discriminatoire S'attaquer aux besoins particuliers des pays les moins avancés Répondre aux besoins particuliers des États enclavés et des petits États insulaires en développement Traiter globalement le problème de la dette des pays en développement par des mesures d'ordre national et international propres à rendre leur endettement viable à long terme En coopération avec les pays en développement, créer des emplois décents et productifs pour les jeunes En coopération avec l'industrie pharmaceutique, rendre les médicaments essentiels disponibles et abordables dans les pays en développement En coopération avec le secteur privé, mettre les avantages des nouvelles technologies, en particulier des technologies de l'information et de la communication, à la portée de tous Remerciements Le présent ouvrage a été réalisé par une équipe dirigée par Blanca Moreno- Dodson, sous la conduite de Frannie A. Léautier, Vice-présidente de l'Insti- tut de la Banque mondiale. Il n'aurait pas vu le jour sans la richesse de ses idées, les orientations générales qu'elle a su donner sur le transfert des savoirs à la suite de la Conférence de Shanghai, et sans les contributions importantes qu'elle a apportées au contenu du livre. L'équipe comptait comme membres M. Ziad Alahdad (chapitre 7), Kim Cuenco (chapitre 4, section sur l'infrastructure), Roberto Dañino (chapitre 4, section sur la réforme judiciaire), Ariel Fiszbein (chapitre 6), Coralie Gevers (chapitre 6), Ronald Kim (chapitre 7), Karen Lash-man (chapitre 4, section sur l'éducation), Frannie Léautier (introduction, chapitres 1 et 8), Mohini Malhotra (chapitre 5), Waleed Malik (section sur la réforme judi- ciaire), Gift Manase (chapitre 4, section sur la santé), Blanca Moreno-Dod- son (introduction, chapitres 2 et 8), Michele de Nevers (chapitre 1), Egbe Osifo-Dawodu (chapitre 4, section sur la santé), Anne Ritchie (chapitre 4, section sur la microfinance), Mark Sundberg (chapitre 1), Lisa Taber (chapi- tre 4, section sur la microfinance), et Yan Wang (chapitre 3). L'équipe remercie les nombreuses personnes qui ont contribué au succès de cette initiative. Au premier rang de ceux-ci figure James D. Wolfensohn pour l'inspiration et le rôle directeur qu'il a joué dans le lancement de l'Ini- tiative mondiale pour l'intensification de la lutte contre la pauvreté, dont la Conférence de Shanghai et la réalisation du présent ouvrage sont l'aboutis- sement. Ont participé à la révision en qualité de pairs Alejandro Foxley, Ian Gol- din, Frannie Léautier, Marlaine Lockheed, Martin Ravallion et Dani Rodrik. Tout au long du processus, les idées de Roberto Zagha ont été une importante source d'inspiration et son soutien est resté fort. Le chapitre 6 a bénéficié des conseils de François Bourguignon. Les contributions au chapitre 7 sont venues de Bruno Laporte ainsi que de Jim Adams, John Underwood et de leur équipe du Réseau sur la politique opérationnelle et les services aux pays. Des commentaires ont également été reçus de la part de Ruben Lamdany et d'Ajay Chhibber. La version préliminaire a été soumise au Comité pour l'efficacité du déve- loppement, organe du Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale, xiv RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE pour examen le 20 juillet 2005. Les observations formulées par les Adminis- trateurs y ont été prises en compte. Le cadre conceptuel présenté dans le premier chapitre a été conçu par un groupe de travail de la Banque mondiale constitué par David Dollar, Tamar Manuelyan Atinc, Blanca Moreno-Dodson, Deepa Narayan, Michele de Nevers, Akihiko Nishio, Sudhir Shetty et Yan Wang. Ce groupe a travaillé sous la direction du Comité exécutif mis sur pied par la Banque mondiale pour la Conférence de Shanghai, dont les membres étaient Ian Goldin, Jemal-uddin Kassum, Frannie Léautier, Gobind Nankani et Nick Stern. Le Comité exécutif a également bénéficié des conseils de François Bourguignon lorsqu'il est devenu économiste principal de la Banque mondiale en 2003. Michele de Nevers, en sa qualité de directrice chargée de l'initiative de Shanghai, a supervisé les études de cas contenues dans le présent ouvrage, les visites effectuées sur le terrain et la conférence proprement dite, chacune de ces activités ayant permis de passer amplement en revue le contenu des études de cas. La contribution de Kelly Jones qui a assumé la responsabilité d'assistante de recherche et dont le travail a notamment porté sur l'annexe et le chapitre 6 a été d'une excellente qualité. Ashok Dhareshwar a contribué à la réalisation des encadrés et des tableaux présentés dans le chapitre 3. L'apport d'Alfred Friendly s'est fait sous la forme de documents de base sur des résumés de quelques études de cas. Keri Morisch s'est occupé avec effi- cacité des questions de logistique. Christine Cotting et Nancy Berg, de l'entreprise UpperCase Publication Services, Ltd., ont pour leur part joué en partie les rôles de correctrices d'épreuves et de conseils auprès des auteurs sur la préparation des versions préliminaires. Enfin, la production de cet ouvrage a été rendue possible grâce au con- cours du Bureau des publications de la Banque mondiale. Sigles et acronymes APJR Programme d'action des Philippines pour la réforme judiciaire ARC Communauté sous réforme agraire ARISP Projet d'appui à l'infrastructure pour la réforme agraire ASA Association for Social Advancement BAD Banque asiatique de développement BANSEFI Banque nationale d'épargne et de services financiers (Mexique) BRAC Bangladesh Rural Advancement Committee BRI Bank Rakyat Indonesia CARTAC Centre caribéen régional d'assistance technique DIME Évaluation de l'impact au plan du développement DOTS Ttraitement de brève durée sans surveillance directe DPEP Projet d'éducation primaire dans les districts (Inde) DPIP Projet d'initiatives de réduction de la pauvreté dans les districts (Inde) ECD Programme de développement des jeunes enfants (Philippines) EDUCO Educación con Participación de la Comunidad EPT Éducation pour tous EPU Unité de planification économique EU Union européenne FMI Fonds monétaire international GMS Programme sous-régional du Grand Mékong IDA Association internationale de développement IDE Investissement direct étranger IMG Groupe indépendant de suivi JICA Agence japonaise de coopération internationale Kalahi-CIDSS Kapitbisig Laban Sa Kahirapan -- Prestation intégrée de services sociaux KDP Projet de développement des kecamatan K-Rep Programme pour l'entreprise rurale KSBP Programme du Kazakhstan pour les petites entreprises LGOPAD Groupe directeur sur la réduction de la pauvreté et le développement (Chine) xvi RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE LGPR Groupe directeur du Conseil des affaires d'État pour la réduction de la pauvreté (Chine) LGWRP Projet de réhabilitation du bassin versant du plateau de Loess MPE Micro et petite entreprises NRM Mouvement national de résistance de l'Ouganda NRSP Programme national d'appui au secteur rural (Pakistan) OCDE/CAD Organisation de coopération et de développement économiques/Comité d'aide au développement ODM Objectifs de développement pour le Millénaire OED Département de l'évaluation des opérations OMC Organisation mondiale du commerce OMS Organisation mondiale de la santé ONG Organisation non gouvernementale PIB Produit intérieur brut PKSF Palli Karma Sahayak Foundation PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PPTE Pays pauvres très endettés RCCE Programme turc de couverture rapide de l'enseignement obligatoire -- Rapid Coverage for Compulsory Education RTC Titre de propriété, location et exploitation agricole SAGARPA Secrétariat pour l'agriculture, l'élevage, le développement rural, les pêches et la nutrition SAPAP Programme de réduction de la pauvreté en Asie du Sud SFD Fonds social pour le développement (Yémen) SFI Société financière internationale SRP Stratégie de réduction de la pauvreté SWPRP Projet de réduction de la pauvreté au Sud-ouest UPP Programme de lutte contre la pauvreté en milieu urbain USAID Agence des États-Unis pour le développement international Introduction Frannie A. Léautier et Blanca Moreno-Dodson Le défi de la pauvreté En dépit des efforts déployés par les spécialistes du développement depuis un demi siècle pour sortir des millions de personnes de la pauvreté, les pro- téger de la maladie et de la peur -- afin de leur donner espoir et de soutenir la paix -- le défi énorme que présente ce fléau reste intact. Plus de la moitié de la population des pays en développement, soit 2,8 milliards de person- nes, vit avec un revenu inférieur à deux dollars par jour, et 1,2 milliard de personnes gagnent moins d'un dollar par jour. Ces chiffres concernent des personnes réelles qui n'ont pas les moyens qu'il faudrait pour satisfaire leurs besoins élémentaires. Ces personnes ont faim, sont isolées et vulnérables aux aléas du climat, de la guerre et des fluctuations brusques intervenant sur les marchés internationaux. Les disparités de niveau de revenu, de la santé et de l'éducation entre les pays développés et les économies en développe- ment ne cessent de croître, malgré la baisse observée du niveau de la pau- vreté absolue. Au cours des 20 dernières années, de nombreuses régions à forte concen- tration de populations pauvres ont accompli peu de progrès dans la lutte contre la pauvreté. Même lorsque des résultats ont été obtenus à l'échelon national ou régional, le manque de compétences, de connaissances et de capacités nécessaires pour rassembler les expériences et pour en tirer des enseignements, doublé du manque de connaissances permettant de se servir de ces idées pour passer à l'échelle, a généralement eu pour conséquence de contribuer à passer sous silence ces quelques progrès. Le travail de qualité et les expériences positives qui auraient pu être adoptées et adaptées pour apporter des changements notables dans la vie des gens n'ont pas toujours été partagés comme il se devrait avec le reste du monde. 2 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Les objectifs établis Le premier objectif de développement pour le Millénaire (ODM ; voir la page xi), défini par la communauté internationale à l'issue d'une série de conférences des Nations Unies organisées au cours des années 90, en appelle à réduire de moitié, au plus tard en 2015, la proportion de la population mondiale vivant dans la pauvreté absolue (avec un revenu inférieur à un dollar par jour, calculé en fonction des prix internationaux ou suivant la parité du pouvoir d'achat). Cet objectif est ambitieux. Sommes-nous à même de l'atteindre ? Au stade actuel, il n'est pas possible de prédire le suc- cès avec certitude. Les expériences tirées des pays en développement de l'Asie, en particulier de la Chine et de l'Inde, sont porteuses d'espoir. Ces pays qui réunissent la moitié de la population mondiale ont vu les économies de leur région réduire collectivement de plus de la moitié la pauvreté extrême entre 1978 et 2003. Il existe par ailleurs d'autres lueurs d'espoir, sources d'idées à utili- ser et à transformer en outils qui répondraient aux besoins d'autres régions, preuves que d'autres solutions sont possibles. Des initiatives menées au Chili et en Ouganda par exemple, découlent des suggestions qui peuvent s'avérer utiles à des populations luttant contre la pauvreté à l'autre bout du monde. En général, de nombreux enseignements sont à tirer des réformes entre- prises dans le monde, qui ont contribué à améliorer le niveau de vie des pau- vres, hommes, femmes et enfants, en leur offrant de meilleures opportunités de gagner des revenus et d'accéder à la protection sociale tout en leur don- nant les moyens de se faire entendre dans la société. Les changements à opérer Mais la solution ne réside certainement pas dans la routine des activités de développement ; avec la routine, les ODM ne sauraient êtres atteints. Ce qu'il faut, c'est un véritable changement qui accentue le degré d'urgence de la situation et d'engagement de la part des dirigeants nationaux et interna- tionaux à l'égard de la lutte contre la pauvreté. Il faut également des métho- des favorisant la circulation des idées à l'intérieur des pays et entre les pays, des idées à travers lesquelles les pays pourront créer des opportunités réelles de mettre à l'essai et de découvrir des politiques et des pratiques qui com- portent des enseignements utiles à la mise en oeuvre. La mise en place d'ins- titutions, en particulier celles qui favorisent la bonne gouvernance, est un facteur fondamental ; cela permet d'assurer la pérennité des résultats de la lutte contre la pauvreté. En outre, les pays ont besoin de politiques qui per- mettent aux populations de faire connaître les initiatives efficaces, en les portant à l'échelle suivant une méthode d'approche qui contribue à réduire la pauvreté. INTRODUCTION 3 La réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale passe nécessairement par le partage et l'analyse des expériences ayant conduit à des conclusions posi- tives dans le monde en développement ; cela passe aussi par la définition et l'étude des raisons qui sous-tendent ces réalisations. Ce partage et cette ana- lyse doivent s'enrichir des apports des praticiens, des décideurs et des parte- naires du développement du monde entier. Au fur et à mesure que les pays font connaître à d'autres les méthodes leur ayant permis d'aboutir aux résultats obtenus ou de les pérenniser, ils doivent se mettre à l'école des expériences les uns des autres, y compris les leçons à tirer des erreurs et des faux-pas. Pourquoi un processus de transfert des savoirs ? Parce qu'il urge de réaliser les ODM et qu'il n'est plus à démontrer que plus d'informations sont nécessaires sur ce qui se passe dans le domaine du déve- loppement de par le monde, la Banque mondiale a lancé un processus de transfert mondial des savoirs concernant la « lutte contre la pauvreté à l'échelle mondiale ». Le moment en était bien choisi : le contexte était carac- térisé par une volonté politique forte, les récentes évolutions des outils de communication et les avancées technologiques permettaient de mettre les gens en contact à travers le monde comme ils le sont dans leurs lieux de tra- vail respectifs ; en outre tout le monde était convaincu qu'il fallait partager les idées et les pratiques pour assurer le renforcement des capacités. Ce sont autant de raisons qui ont amené la Banque mondiale, en collaboration avec le Gouvernement chinois, à mettre sur pied une plateforme de partage inter- national des expériences sur la lutte contre la pauvreté. Ce processus de transfert mondial des savoirs qui aura duré toute une année, grâce au soutien de la Banque mondiale et des autres donateurs mul- tilatéraux et bilatéraux, comprenait une série d'événements et d'activités de partage qui ont permis de tirer parti d'informations de première main et de réunir des participants du monde du développement qui, autrement, n'avaient pas de contact direct les uns avec les autres. Le point de vue des praticiens Des experts et des praticiens indépendants du monde entier ont élaboré 106 études de cas, expliquant les facteurs ayant contribué aux résultats obtenus par des initiatives de lutte contre la pauvreté. Ces études de cas visaient à répondre à un certain nombre de questions importantes : Com- ment les pays ont-ils mis en oeuvres des réformes propices à la lutte contre la pauvreté ? Comment ont-ils procédé ? Que peut-on apprendre des accom- plissements et des échecs observés dans les pays, les programmes et les pro- jets présentés dans le cadre des études ? Quels sont les principaux facteurs 4 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE contributifs, et quels semblent êtres les principaux obstacles qui freinent les pays ? Le processus de transfert mondial des savoirs s'est appuyé sur l'approche basée sur les études de cas pour étudier comment un grand nombre de pays ont entrepris leurs initiatives de lutte contre la pauvreté. Les études ont porté sur des exemples de développement comportant un potentiel de trans- fert de connaissances sur les facteurs et les défis liés à la mise en oeuvre sus- ceptibles de se faire jour au cours du processus qui, tel qu'envisagé, devait être un exercice pédagogique de partage et d'enseignements tirés de l'expé- rience des pays. L'identification des études de cas L'identification des études de cas s'est faite à travers un processus de consul- tation avec les équipes opérationnelles de la Banque, le personnel des réseaux établis par l'institution et d'autres partenaires du développement. Pour chaque étude de cas, il a été demandé aux services de la Banque mon- diale rattachés aux vice-présidences régionales et aux représentants des autres institutions partenaires du développement, de désigner des expérien- ces de développement considérées comme ayant été déterminants en termes de couverture géographique, de participation et/ou de viabilité dans le temps. Aucune évaluation quantitative formelle n'avait été prescrite. Les études présentées couvrent un ensemble de pays, de régions, de thèmes et de méthodes de lutte contre la pauvreté. Elles ont été sélectionnées de manière à ce que, mises en commun, elles illustrent une vaste gamme de situations de développement ; c'est à ce niveau que résident les principaux effets positifs de ces études de cas. Le choix des auteurs -- La parole aux praticiens Ce sont les institutions ayant choisi les études de cas qui en ont identifié les auteurs. En règle générale, ces auteurs n'étaient pas des membres du person- nel d'institutions de développement internationales mais, dans la majorité, des praticiens du monde du développement. L'objectif visé était de trouver des auteurs qui avaient pris part à l'étude de cas et qui étaient originaires du pays pour relater l'expérience du point de vue du praticien plutôt que de celui d'un universitaire ou d'un expert extérieur. L'objectif pédagogique visé Considérées comme outils pédagogiques, ces études devaient contribuer à une meilleure compréhension des pratiques en cours dans le domaine du développement. Afin de pouvoir partager et comparer les enseignements tirés des différentes études de cas, ceux qui en ont fait le choix ont reçu des INTRODUCTION 5 orientations sur les différentes initiatives souhaitées ; les auteurs ont pour leur part reçu des conseils pédagogiques sur la préparation des études de manière à assurer une certaine norme de présentation et de la cohérence dans la couverture. Une analyse fondée sur les entretiens et les visites de terrain Les études ont été réalisées avec en toile de fond le cadre conceptuel de la Banque mondiale relatif à la lutte contre la pauvreté. Elles ont fait l'objet d'un examen par les pairs mené par des praticiens, des décideurs et par d'autres responsables, au moyen de conférences audiovisuelles interactives comptant la participation de plusieurs pays ; les études ont ensuite été sou- mises à d'autres analyses. Au total, 28 échanges à participation internatio- nale ont fait intervenir environ 850 personnes (à travers des conférences audiovisuelles et des discussions en ligne) dont des auteurs, des praticiens, des décideurs et des représentants du monde universitaire et de la société civile. Un ensemble de 21 échanges de ce type ont été enregistrés, visualisés, et ont fait l'objet de débats organisés sous forme de discussions en ligne et accompagnés de réunions de suivi organisées en situation réelle. Ces échan- ges ont débouché sur d'importantes informations en retour qui se sont avé- rées utiles aux auteurs qui pouvaient par ce biais bénéficier d'un examen cri- tique de leurs travaux. Parallèlement, les visites de terrain ont permis aux spécialistes et aux décideurs de se rendre compte par eux-mêmes des initiatives relatives aux études de cas choisies. Ces visites qui ont été organisées en direction de onze sites répartis dans huit pays ont permis à 150 personnes de s'impré- gner plus encore des projets et des programmes dont traitaient les études de cas. Les entretiens et les conversations entrepris avec les spécialistes, les par- ties prenantes et les autres acteurs principaux sur le terrain ont permis de prendre en compte la dimension humaine dont la pertinence est cruciale ; cela a permis d'échanger des connaissances réelles, pratiques et basées sur les expériences relatées. Comme dans une salle de classe planétaire Le point d'orgue du processus de transfert mondial des savoirs aura été la conférence de travail convoquée à Shanghai du 25 au 27 mai 2004. Les synthèses de toutes les études de cas ont été rassemblées en un volume, publiées et distribuées aux participants. Les principaux acteurs triés sur le volet au titre des initiatives issues des pays en développement ont eu des échanges de vues avec leurs pairs des autres pays en développement et des pays développés. En tout, 1 200 participants ont discuté et participé à des débats organisés autour de quelques études pendant deux jours. Eu égard à la participation de chefs d'États, de responsables d'organismes internatio- naux de développement, de ministres et de directeurs chargés de la mise en 6 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE oeuvre, de dirigeants d'entreprises, d'organisations non gouvernementales, d'universitaires, et de la jeunesse, la conférence a pu s'enrichir de la diversité de perspectives et de centres d'intérêt, toutes choses qui ont d'autant plus nourri les enseignements à tirer. Le rôle des médias aura constitué une caractéristique importante de cet environnement de partage des connaissan- ces. Le processus qui a duré toute une année a donné lieu à la production de sept documentaires audiovisuels illustrant des exemples de pays et de pro- grammes/projets présentés de manière que tout le monde puisse les suivre. La présence de plus de 400 journalistes à la Conférence de Shanghai, ainsi que la participation de journalistes aux visites organisées sur le terrain ont permis de faire circuler rapidement les idées et de maintenir vivace, pendant toute l'année, l'intérêt que le monde porte au sujet. La Banque mondiale a mis un accent particulier sur ce processus mondial parce qu'il est indispensable de partager des expériences, et d'encourager le transfert des savoirs et des solutions entre les pairs si l'on veut accélérer les résultats permettant d'atteindre les ODM. Un objectif unique pour un public varié Le présent ouvrage résulte de l'engagement de la Banque mondiale à l'égard de l'échange d'expériences, du partage des enseignements et des découvertes. Les différents chapitres mettent en lumière les conclusions d'un sous-ensemble d'études de cas préparées suivant divers aspects de la pau- vreté en vue de la conférence de Shanghai. Les auteurs des chapitres sont des membres du personnel de la Banque mondiale impliqués, d'une manière ou d'une autre, dans l'initiative de Shan- ghai, assurant l'encadrement et l'orientation de la production des études de cas, dirigeant des discussions thématiques à Shanghai, et participant au pro- cessus d'examen par les pairs. Ce livre est une contribution aux connaissances générales actuelles sur la lutte contre la pauvreté et l'efficacité de l'aide en insistant particulièrement sur les enseignements tirés de la mise en oeuvre et les implications pour les décideurs et les spécialistes du développement, du point de vue des opéra- tions. Un manuel sur le transfert des savoirs Ce livre a été conçu pour servir de guide pour le transfert des savoirs tou- chant à divers aspects de la mise en oeuvre des initiatives multidimensionnel- les de lutte contre la pauvreté. Il a pour objectif d'enrichir les connaissances des spécialistes du développement sur ce qui a été accompli en matière de mise en oeuvre. Il ne recommande aucune solution en particulier, ne fait pas valoir que les études de cas sélectionnés constituent des exemples de meilleures pratiques, et ne prétend pas couvrir tous les enseignements dis- INTRODUCTION 7 persés dans le monde susceptibles de présenter un intérêt pour le développe- ment. En revanche, ce manuel cible les principales conclusions tirées de la vaste gamme d'exemples choisis et les relate à travers un récit thématique. Le public visé par l'ouvrage L'audience visée par ce manuel comprend les spécialistes, les décideurs, les membres d'organisations non gouvernementales, de la société civile et du secteur privé, les représentants de bailleurs de fonds et de partenaires du développement, les chercheurs et les universitaires aux échelons internatio- nal, régional et national. Les centaines de personnes qui participent au pro- cessus de transfert mondial des savoirs et qui étaient présentes à la Confé- rence de Shanghai, ainsi que les milliers d'hommes et de femmes visitant le site Internet consacré à cette expérience d'échange entre pairs (www.redu- cingpoverty.org), en quête d'idées, d'innovations et d'informations sur des méthodes intéressantes pour les programmes de lutte contre la pauvreté ne manqueront pas de trouver réponses à leurs questions. Afin d'aider le lec- teur à tirer le meilleur du processus de transfert des savoirs, aussi bien dans le site susmentionné que dans le cédérom qui accompagne le présent ouvrage, on trouvera respectivement, les versions complètes et les résumés de toutes les études de cas dont un sous-ensemble est analysé plus en détail dans ce livre. Qu'y a-t-il de singulier dans ce livre ? Qu'est-ce qui distingue ce livre des autres publications motivées par la nécessité urgente d'atteindre les ODM et qui sont centrées sur le défi général que posent la réduction de la pauvreté et l'augmentation de l'efficacité de l'aide ? En plus du processus mondial et interactif décrit ci-dessus, le tout étant centré sur l'expérience des spécialistes et enrichi des connaissances implicites que détiennent les nombreux participants à la conférence dont ceux qui ont contribué au contenu de ce livre, l'accent mis sur « l'intensification » de la lutte contre la pauvreté présente une nouvelle dimension, et une nouvelle manière de considérer la pauvreté. Étant donné que le processus de sélection ne s'est pas fait suivant une méthode scientifi- que d'échantillonnage, nous souhaitons souligner que les études entreprises représentent une large palette d'expériences mondiales plutôt que des pres- criptions de meilleures pratiques. Une définition opérationnelle de l'intensification. Tel que présenté dans le cadre de cet ouvrage, le concept de l'intensification de la lutte contre la pau- vreté s'inspire de différents éléments de la durabilité à travers le temps et l'espace dans la perspective d'une action de développement donnée (voir au chapitre 1 les différentes définitions de ce concept). La dimension macroé- conomique renvoie à la croissance durable et partagée comme étant une 8 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE base solide de la lutte contre la pauvreté dans un pays donné. Au niveau microéconomique, cette intensification concerne les effets persistants et sans cesse croissants qui découlent des projets, des programmes et/ou des prati- ques, et qui ont une incidence bénéfique sur un nombre plus grand de per- sonnes aux niveaux local, national et international. Toutefois, l'intensifica- tion de la lutte contre la pauvreté n'est pas un simple exercice de « répétition ». La spécificité du pays et du contexte semble être inhérente à toutes les expériences analysées dans le manuel. Le cadre conceptuel. Le cadre conceptuel de cette initiative mondiale a été conçu autour de quatre facteurs liés à l'exécution (engagement et économie politique au service du changement, innovation institutionnelle, échange et expérimentation, catalyseurs externes) en inscrivant toujours ce concept dans le contexte global de la lutte contre la pauvreté, et deux piliers clés (le climat des investissements et l'inclusion sociale)1. Ces deux principaux piliers du cadre conceptuel établi par la Banque mondiale pour la lutte con- tre la pauvreté étaient en droite ligne de l'édition 2000 du Rapport sur le développement dans le monde qui mettait en exergue trois dimensions de la lutte contre la pauvreté, à savoir l'opportunité, la sécurité, et l'insertion. L'importance des facteurs d'exécution. La diversité des exemples analysés dans ce manuel illustre bien à quel point les différents facteurs liés à l'exécu- tion, regroupés dans ces quatre grandes catégories, ont contribué dans une certaine mesure au processus d'intensification aux niveaux des pays, des programmes, des pratiques et des projets. Dans certains cas, ces facteurs ont favorisé un meilleur climat des investissements à travers la promotion de la gouvernance, la mise en place d'infrastructures solides et l'ouverture au commerce. Dans d'autres, ils ont suscité une meilleure intégration sociale en facilitant l'accès des pauvres aux marchés, aux actifs et aux services. Un processus permettant d'identifier les défis majeurs. Comme signe distinc- tif majeur de ce manuel, les études de cas qui y sont présentées permettent de mieux comprendre les défis pratiques inhérents à la lutte contre la pau- vreté. Les chapitres du livre sont centrés sur la manière dont les politiques et les programmes ont été définis et mis en oeuvre, ce qui les distingue d'autres études consacrées à l'évaluation de l'impact final exercé sur le nombre de personnes vivant dans la pauvreté. L'accent est mis sur les facteurs l'exécu- tion et les indicateurs intermédiaires plutôt que sur l'impact final, sauf en ce qui concerne quelques études soumises à une évaluation rigoureuse de l'impact ; celles-ci étant fondées sur des hypothèses2 (voir le chapitre 6). La principale raison pour laquelle l'accent est mis sur la manière dont les cho- ses sont faites repose sur la faiblesse générale de la capacité d'exécution par rapport à la capacité de formulation des moyens d'actions à l'échelon natio- nal. INTRODUCTION 9 L'accent est mis sur le processus d'exécution. L'accent est aussi mis sur la contribution, par opposition à l'attribution ; autrement dit, les initiatives étudiées ne sont pas les seules qui auraient pu déterminer les conclusions observées. Le livre souscrit à ce compromis parce que la principale intention qui sous-tend les études de cas est d'ordre pédagogique, à savoir mieux comprendre les diverses approches permettant de lutter contre la pauvreté et de tirer des enseignements pouvant être adaptés à d'autres situations. La validité des leçons à retenir. Enfin, étant donné que les études de cas ana- lysées ne couvrent pas exactement le même horizon de temps (cinq à 20 ans), eu égard précisément à la nature différente de ces études (program- mes-pays, projet portant sur un secteur unique, approche multisectorielle) et aux types de politiques examinées, la validité des enseignements à retenir doit être soumise à l'épreuve du temps. Plan de présentation du manuel Observations a l'Echelon National Les études sur les pays présentées dans le chapitre 2 fournissent un condensé d'indications faisant ressortir la diversité et, en particulier, la combinaison d'options d'exécution mises à l'essai dans les pays pour lutter contre la pau- vreté. Différents groupes de pays sont représentés, notamment les pays à revenu intermédiaire (la Chine, la Corée et la Pologne), les pays à faible revenu (la Tanzanie et l'Ouganda) et les pays sortis d'une situation de conflit (El Salvador) ou de crise (l'Indonésie). L'auteur de ce chapitre s'emploie à faire ressortir ce qu'ont en commun le Chili, la Chine, le Costa Rica, El Salvador, la Fédération de Russie, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, la Pologne, l'Ouganda, la République de Corée, la Tanzanie et la Tunisie. Bien qu'ayant mis en oeuvre des actions différentes dans des contextes très différents, leur engagement soutenu à l'égard des efforts de lutte contre la pauvreté, parfois déterminé par les différents types de gouvernements au pouvoir, semble avoir joué un rôle crucial dans les réa- lisations que ces pays ont faites. Il est à noter en particulier qu'aucun de ces pays n'a réussi à réduire la pauvreté sans s'attaquer à ses déséquilibres macroéconomiques ni sans établir des bases solides sur lesquelles asseoir la croissance. En outre, chacun de ces pays a parallèlement mis en oeuvre, bien qu'avec des différences, des mesures sociales axées sur sa population pau- vre. Ces pays ont pu établir et maintenir des institutions qui ont donné des exemples de bonne gouvernance. Enfin, ils ont créé un environnement dans lequel le transfert des savoirs et l'adaptation ont pu se faire. La réactivité aux crises, à la poussée technologique ou aux chocs exté- rieurs semble avoir été un autre facteur déterminant de l'expérience de ces pays. Souvent, cela est allé de pair avec leur aptitude à innover, adapter les 10 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE capacités institutionnelles, tirer des enseignements des expériences et à tirer des facteurs externes l'effet catalyseur voulu pour en faire profiter leurs populations. Dans les pays qui devaient gérer une crise ou opérer un choix d'idées venant de l'extérieur, l'importance que revêt la disponibilité d'un environnement propice au transfert des savoirs et à l'adaptation était tout particulièrement évidente. En raison de son expérience marquée par le succès de ce pays d'avoir pu réaliser une croissance économique soutenue et atteint le taux de réduction de la pauvreté à grande échelle le plus rapide de l'histoire de l'humanité au cours des 25 dernières années3, la Chine mérite une attention particulière. Le chapitre 3 commence par un examen de l'impact sur le développement et la réduction de la pauvreté en Chine, l'accent étant mis sur les sources et les modèles de croissance, puis sur la répartition des opportunités. Ce chapitre propose ensuite une analyse des incitations et des méthodes utilisées par la Chine pour tirer des leçons de son expérience et de celle des autres pays. Les points de vues sectoriels et thématiques Après les analyses sur les pays, le chapitre 4 présente divers exemples secto- riels et thématiques relatifs à l'infrastructure, à la réforme du système judi- ciaire, à la microfinance, à la santé et à l'éducation -- tous visant à illustrer comment des initiatives sectorielles peuvent prendre de l'ampleur et être à l'origine de résultats tangibles susceptibles d'avoir une incidence sur le niveau de vie des pauvres. Chacune des sections consacrées aux exemples thématiques fait ressortir des enseignements d'ordre général ainsi que des exemples spécifiques au thème ou au secteur dont il est question. Au titre des enseignements d'ordre général (et cela est aussi vrai des études de cas sur les pays) figurent les ques- tions d'engagement et de leadership, et en particulier les questions suivantes : comment former des responsables ? Comment ceux-ci s'y pren- nent-ils pour forger des coalitions en vue de favoriser le changement ; pour déterminer par où commencer et dans quel ordre exécuter les réformes ? Comment garantir la continuité des réformes et de leur mise en oeuvre ? L'accent est aussi mis sur la capacité de définir des résultats à court terme et de les atteindre. Les sections qui traitent des thèmes décrivent les processus mis à l'essai et montrent comment les équipes de projet et de programme ont mis en place et utilisé les systèmes de suivi et d'évaluation. Les questions de financement extérieur et intérieur sont traitées de même que le rôle des facteurs extérieurs, que ce soit à travers le partage des connaissances, l'échange des idées ou l'appui technique, ou encore à travers les accords de partenariat et de coopération. La section consacrée à l'infrastructure se concentre sur les voies et moyens de relever le redoutable défi de l'accès des pauvres aux investisse- ments dans l'infrastructure. Bien que les efforts à consentir requièrent une planification globale de ces investissements, notamment dans les zones INTRODUCTION 11 géographiques où vivent et travaillent les populations défavorisées, la mobi- lisation de ressources à long terme et la participation accrue du secteur privé, les réalisations ont généralement un effet sur tous les secteurs dans la mesure où elles facilitent l'accès aux écoles, aux hôpitaux et aux marchés, et créent de meilleures opportunités de percevoir des revenus. Les enseigne- ments présentés dans cette section sont tirés, entre autres, d'expériences intéressantes issues du Brésil, de la Chine, du Ghana, du Maroc et du Viet Nam. La section relative aux systèmes judiciaires traite des institutions, de l'application des décisions, du cadre juridique et de l'engagement auprès des communautés, les quatre dimensions essentielles du système judiciaire, pour promouvoir la bonne gouvernance et la démarginalisation des pauvres cen- sés attirer l'investissement national et étranger. Des réflexions profondes sont tirées de l'examen des questions et des priorités transversales, ainsi que des idées issues du contexte local comme c'est le cas pour le Guatemala, le Rwanda, les Philippines et la Russie. Les institutions à l'origine de la bonne gouvernance étant considérée comme moyen important pour lutter contre la pauvreté, cette section présente un intérêt particulier pour les personnes qui recherchent des exemples de mise en oeuvre dans des contextes formels et informels. La section sur la microfinance présente une large gamme d'organisations capables de fournir des services financiers à des couches de la population exclues par le passé du système financier formel. Les récits présentés mon- trent comment des coopératives financières, des institutions de microfinance ayant un statut d'ONG et des banques commerciales peuvent toutes élargir leur couverture pour inclure ces couches de la population dans leur clientèle en améliorant la réglementation et la supervision des pouvoirs publics, la mise en place de réseaux d'organisation et de technologie entre autres. Les exemples du Bangladesh, de l'Inde, du Kazakhstan, du Kenya, du Mexique, de la Mongolie, de la Tanzanie et du Zimbabwe montrent comment les microcrédits peuvent aider les pauvres à se doter de moyens de générer des revenus ; cela leur permet d'améliorer la nutrition, la santé, et la scolarité de leur famille, et d'éviter ou de limiter le dénuement en cas de chute soudaine du niveau de revenu. La partie consacrée à la santé fait état des progrès réalisés dans quelques pays et régions en ce qui concerne l'amélioration des conditions de santé des pauvres. Au nombre des exemples cités figurent l'amélioration de l'accès aux zones rurales en République islamique d'Iran, la lutte contre la tubercu- lose au Népal, l'éradication de la cécité des rivières en Afrique de l'Ouest, la lutte contre le VIH/SIDA dans l'état de Manipur, en Inde, en Thaïlande et en Ouganda. Selon les auteurs, compte tenu des défis énormes qui s'opposent à la santé dans le monde, il est indispensable que les dirigeants politiques du monde s'engagent davantage à poursuivre les discussions sur les questions liées à la santé, l'engagement à long terme des donateurs et la prévisibilité de l'aide. L'accent est également mis sur la nécessité de renforcer l'évaluation des 12 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE impacts produits par les initiatives novatrices entreprises dans le domaine de la santé avant leur passage à l'échelle. C'est cette partie de l'ouvrage qui fournit les arguments les plus solides en faveur du bien fondé d'une appro- che qui privilégie l'intégration de l'expérimentation et du transfert des savoirs dans les pratiques de mise en oeuvre afin que les pays découvrent rapidement ce qui marche. L'étude de cas de Manipur montre comment des essais impromptus ont conduit à la découverte de la meilleure manière d'administrer des traitements et d'assurer la prévention. Une telle découverte serait difficile en l'absence d'un environnement propice aux essais et à l'expérimentation. La section sur l'éducation qui met un accent particulier sur l'éducation des filles, tente d'expliquer comment arriver à accroître l'accès des pauvres à l'éducation. Comme le montrent les exemples de l'Égypte, de l'Inde, du Kenya, du Malawi, de la Tanzanie et de l'Ouganda entre autres, il importe de comprendre et de tirer parti des relations internes et des synergies entre l'offre et la demande d'éducation, de définir l'ordre de priorité et le ciblage des investissements, et de s'ouvrir davantage à la participation des parties prenantes. Fonds sociaux et de développement à l'initiative des populations locales Le chapitre 5 présente des enseignements tirés d'un ensemble constitué de 13 fonds sociaux et de développement communautaire, dans des pays tels que le Brésil, l'Indonésie, le Malawi, le Pakistan, le Yémen et la Zambie. Le chapitre montre comment ce type d'initiatives, généralement enracinées pro- fondément dans les communautés de base, peuvent prendre de l'ampleur en s'étendant à tous les secteurs, pour devenir une alternative de service public, ne serait-ce que temporairement, en particulier dans les situations de sortie de conflit ou de crise ; et comment ces initiatives peuvent stimuler le trans- fert des savoirs et l'échange d'idées. Le chapitre remet en cause l'idée de via- bilité à long terme de tels programmes à moins qu'ils soient intégrés dans des structures étatiques. Évaluation de l'impact sur la pauvreté Le chapitre 6 analyse l'utilisation faite des évaluations d'impact dans les études de cas présentées dans le cadre de la Conférence de Shanghai et exa- mine la question de l'utilisation de ce type d'évaluation comme outil d'apprentissage et comme étape que doivent franchir les initiatives de déve- loppement pour passer à l'échelle. Le chapitre identifie les défis à relever afin de promouvoir des interventions efficaces dans le domaine du développe- ment et reposant sur des évaluations d'impact rigoureuses ; il traite des efforts actuels de la Banque mondiale pour contribuer à relever ces défis. En matière d'évaluation d'impact, il est essentiel de parvenir à établir un équili- INTRODUCTION 13 bre entre d'une part le besoin de savoir, des chiffres précis à l'appui, qu'un processus ou une mesure donnée a un effet positif sur la vie des pauvres et, d'autre part, la pression politique exercée en vue d'accélérer la mise en oeuvre lorsque les résultats préliminaires semblent augurer d'un succès futur. Cette exigence implique qu'il y a lieu de concevoir des mesures d'impact qui soient faciles à définir et à prélever, simples à communiquer, mais suscepti- bles d'être suivies et qui se prêtent à l'analyse. Ce chapitre comprend une annexe détaillée présentant les résultats des évaluations entreprises dans le cadre de l'échantillon ayant servi aux études de cas de la Conférence de Shanghai. Enseignements pertinents du point de vue opérationnel Le chapitre 7 tente de faire ressortir, en s'appuyant sur des cas précis, des enseignements pertinents du point de vue opérationnel, qui découlent des chapitres précédents ; il identifie les voies et moyens par lesquels la commu- nauté du développement peut reprendre à son compte quelques-uns de ces enseignements et les intégrer dans les efforts visant à intensifier la lutte con- tre la pauvreté ; il traite également de la manière dont la Banque mondiale se positionne pour abriter, soutenir et promouvoir des programmes, des projets et des pratiques qui renferment un tel potentiel de connaissances à acquérir. Plusieurs sujets qui découlent des études de cas sont passés en revue dans ce chapitre : la prise en charge par le pays, le renforcement des capacités, les savoirs, le transfert des savoirs et l'innovation, l'ordre d'organisation et le calendrier, les systèmes de gestion axés sur les résultats, et l'alignement et l'harmonisation des actions des bailleurs de fonds. Le chapitre traite en outre des enseignements pertinents pour les bailleurs de fonds du point de vue opérationnel, en droite ligne des conclusions tirées des études de cas, et présente une mise à jour brève de ce que fait la Banque mondiale au niveau de chacun des sujets. Les perspectives futures Enfin, le chapitre 8 présente les perspectives futures en mettant en relief, sur la base des conclusions issues des différents autres chapitres, des sujets pou- vant faire l'objet de recherches futures. Certains parmi les enseignements importants à retenir pour la recherche future ont trait à la question du lea- dership. Les exemples analysés indiquent qu'il existe plusieurs approches possibles pour forger des coalitions qui favorisent un changement durable. Dans certains cas, un dirigeant unique est en place pendant une longue période (Corée, Malaisie et Ouganda) ; dans d'autres, les dirigeants ont pu incorporer la mise en oeuvre dans des organismes ou entités centralisées (Chine et Malaisie). D'autres dirigeants encore ont systématiquement mis en application leurs approches grâce à une utilisation intelligente des moyens 14 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE de communication avec l'appui des technocrates (Ouganda). Il se pose la question importante de savoir quel style de leadership convient le mieux à quelle situation. Pour la recherche, les questions fondamentales qui se posent concernent le choix entre la continuité au plan politique ou dans le domaine des moyens d'action assortie des concessions nécessaires dans un contexte démocratique (Chili), et les défis à relever et les approches à favori- ser pour assurer une transition en douceur d'un régime politique au suivant (Corée et Malaisie). Dans ce dernier chapitre qui sert aussi de conclusion, la question est posée au lecteur de savoir comment créer un environnement propice au transfert des savoirs et à l'innovation. Un certain nombre de facteurs ressor- tent des études de cas, tels que la nécessité d'avoir un niveau de concur- rence, peut-être entre les collectivités locales (les provinces chinoises) ou les prestataires de services (les prestataires de services de santé du Costa Rica), qui permet de créer des opportunités d'apprendre et de découvrir. Il appa- raît très nettement qu'il faut la participation de suffisamment de personnes pour assurer le partage d'une large gamme d'idées (Chili). Comme en Chine, le rôle de l'expérimentation explicite semble y être pour beaucoup. La manière dont il faut procéder pour avoir un dosage équilibré de ces diffé- rentes approches constitue un important sujet de recherche. En conclusion, ce chapitre traite des questions restées sans réponses, qui sont spécifiquement liées aux trois premiers aspects de l'intensification de la lutte contre la pauvreté présentés dans le premier chapitre et illustrés à tra- vers des exemples dans l'ensemble du livre. Les recettes publiques et le financement extérieur renvoient aux fondements macroéconomiques de cette intensification. La pérennité fait appel à l'aspect international de l'intensification, et l'interdépendance qui existe entre les zones rurales et les zones urbaines reflète bien les obstacles rencontrés par l'aspect géographique de l'intensification. Notes 1. Ce cadre conceptuel a été élaboré par un groupe de travail de la Banque mon- diale conduit en 2002 par Nick Stern, économiste principal de la Banque mondiale. 2. Bien que la majorité des études de cas de l'échantillon retenu ait été soumise à une évaluation quantitative et/ou qualitative, seulement 16 d'entre elles ont fait l'objet d'une évaluation de l'impact fondée sur des hypothèses. 3. Il convient par ailleurs de saluer la Chine pour avoir contribué à rendre possi- ble l'initiative « Réduire la pauvreté à l'échelle mondiale » et la Conférence de Shan- ghai en mai 2004. 1 Le cadre conceptuel de l'analyse Michele de Nevers et Mark Sundberg La portée tout comme le calendrier des objectifs de développement pour le Millénaire (ODM, voir p. ix) sont ambitieux. Pour les atteindre, il faudra accélérer le processus de lutte contre la pauvreté tout en soutenant le rythme de la croissance et du développement. Comment y parvenir ? Ces objectifs ambitieux peuvent-ils être atteints ? Que sait-on des pays qui ont pu réaliser des progrès jusqu'à présent ? Quels enseignements peut-on tirer de ces exemples ? L'examen de ces questions était l'objectif principal du processus de transfert mondial des savoirs et de la Conférence de Shanghai qui, sui- vant une approche multidimensionnelle, a donné aux participants l'occa- sion de tenter de tirer des leçons des efforts accomplis dans le domaine du développement.1 Le processus de transfert mondial des savoirs visait à met- tre en évidence les facteurs essentiels qui ont permis à ces pays d'obtenir des résultats de développement à grande échelle, et à partager ces enseignements avec d'autres pays et régions. Les signes d'espoir ainsi que les enseignements viennent du monde entier -- du Chili en Amérique du Sud, de la Tunisie, de l'Ouganda en Afrique et de la Pologne en Europe de l'Est. Les expériences des pays en développe- ment de l'Asie -- qui comptent la moitié de la population mondiale -- sont remarquables dans la mesure où ces pays ont atteint les ODM relatifs à la réduction de la pauvreté en l'espace de 25 ans, soit en 2003. Ensemble, ils ont pu réduire la pauvreté extrême de plus de 50 % entre 1978 et 2003. Il est important de noter en ce qui concerne l'expérience asiatique qu'en règle générale, jusqu'en 1978, les pays en développement de la région faisaient face à des difficultés. À l'évidence, il y a eu un changement d'institutions et 16 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE de politiques qui ont permis à de nombreuses localités -- mais pas à toutes -- de réduire la pauvreté à des niveaux sans précédents. Alors que quelques pays d'Asie ont réussi à atteindre l'objectif relatif à la pauvreté monétaire, dans d'autres régions, plusieurs pays ont également obtenu ce genre de résultats envisagés au titre des ODM dans les domaines de la santé et de l'éducation. Toutefois, certaines régions comptent de larges concentrations de popula- tions extrêmement démunies -- telles que l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud -- où il y a eu peu de progrès dans la lutte contre la pauvreté au cours des deux dernières décennies. Pour atteindre les ODM il faudra abso- lument intensifier les efforts pour obtenir des résultats dans ces régions. Des projets isolés et des programmes circonscrits ont contribué à l'amélioration des conditions de vie des populations dans ces zones. La question se pose toutefois de savoir comment les pays et les populations locales peuvent élar- gir ces interventions pour avoir un impact significatif sur les chiffres relatifs à la pauvreté. Malgré les progrès accomplis, les pays en développement de l'Asie abri- tent encore la moitié des populations les plus démunies de la planète. L'Inde compte, en valeur absolue, le nombre le plus élevé de personnes vivant dans l'extrême pauvreté. Il est certes réconfortant de savoir que l'Inde a réduit de moitié son taux de pauvreté, mais, ce problème reste immense. Le Bangla- desh, le Pakistan et le Viet Nam ont également des taux élevés de popula- tions extrêmement pauvres. Même avec une baisse d'environ 15 %, le taux de pauvreté en Chine calculé sur la base du niveau seuil d'un dollar par jour représente néanmoins environ 200 millions de personnes. Dans nombre de ces pays, on est bien loin d'atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire liés aux secteurs de la santé et de l'éduca- tion. Ainsi, un programme important de réduction de la pauvreté reste d'actualité et l'on a pensé que le fruit de la réflexion sur les études de cas de Shanghai concernant ce qui a permis d'obtenir des résultats ailleurs pourrait s'avérer utile pour les pays, les régions et les populations locales. L'élargissement et l'accélération du développement comportent plus d'une dimension. Ce premier chapitre commence par définir et examiner le concept de l'intensification et aborde ensuite la définition et l'analyse des différentes dimensions qu'il renferme, y compris leur rôle dans le choix et la préparation des études de cas et leur pertinence par rapport aux enseigne- ments à tirer de l'expérience internationale. Que signifie l'« intensification » ? Il est largement admis que pour atteindre les ODM, les pays en développe- ment et les pays développés doivent déployer des efforts plus importants. Il faudra à cet effet accroître l'aide au développement au moyen de stratégies de réduction de la pauvreté novatrices et plus ambitieuses ; et cela nécessitera d'intensifier les programmes, les projets et les pratiques. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ANALYSE 17 Le besoin d'aller au-delà de la routine pour embrasser les nouvelles tech- nologies, créer de nouvelles institutions et adopter de nouvelles approches qui permettront aux pays et aux populations locales de juguler les problè- mes de manque de capacités et d'améliorer l'efficacité du développement est implicite dans le concept de l'intensification. On peut distinguer quatre dimensions de la problématique du développement : · La dimension de l'intensification en rapport avec le « cadre macroéconomique » renvoie aux mesures à prendre au niveau natio- nal pour créer un environnement économique, social et institutionnel propice à la croissance et à la réduction de la pauvreté. Il s'agit des efforts visant à modifier les conditions dans lesquelles intervient l'inte- raction entre les marchés et les populations locales pour rationaliser et renforcer la croissance économique afin de s'assurer qu'elle profite aux pauvres. La réforme des marchés financiers, la rationalisation de la fiscalité, la restructuration du secteur public en vue de réduire l'intervention directe dans l'économie et promouvoir la concurrence à travers le secteur privé, la réorientation des dépenses sociales, etc., sont autant d'initiatives de reforme entreprises à l'échelon national. Ce sont des efforts qui visent à encourager l'harmonisation des politiques de réforme économique et à favoriser leur impact sur la réduction de la pauvreté au niveau du pays. · L'aspect intertemporel de l'intensification revient à prolonger la durée, promouvoir la continuité et la viabilité des projets ou des programmes afin de renforcer leur impact. Ceci est particulièrement important pour les initiatives qui nécessitent une longue période de gestation avant qu'on puisse en récolter pleinement les fruits ; ou des initiatives qui peuvent avoir des effets sur plusieurs générations, tel que l'élargisse- ment de l'éducation obligatoire et de la prestation des services d'édu- cation pour améliorer les opportunités d'emplois productifs et les pos- sibilités de formation de revenus à l'avenir pour les enfants. · L'aspect spatial de l'intensification désigne l'élargissement des projets, des pratiques ou des programmes du point de vue géographique afin de reproduire les effets positifs d'une localité dans une autre. Repro- duire un projet réalisé avec succès dans un district doit apporter des bénéfices analogues dans un autre district. Toutefois, des externalités importantes peuvent ne pas être reproduites totalement à moins d'une appropriation nationale ou généralisée. À titre d'exemple on peut citer la lutte pour l'éradication des maladies contagieuses. En l'absence de l'intensification de la prestation des services d'un programme de vacci- nation efficace dans les localités ciblées, même les efforts déployés dans le district pilote peuvent être mis à mal. · La dimension internationale et transnationale de l'intensification ren- voie particulièrement à la création d'un meilleur environnement inter- national permettant de lutter contre la pauvreté et de tirer le meilleur 18 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE parti possible des externalités transnationales. Il s'agit non seulement de la coopération internationale et des engagements relatifs à la libéra- lisation des échanges pour élargir l'accès des marchés aux exporta- tions des pays en développement, des initiatives sur l'allègement de la dette et de la coopération visant à augmenter les flux de l'aide et à la rendre plus efficace dans le financement du développement mais aussi du transfert des connaissances sur les pratiques utiles relatives au développement dans les pays et les régions (aspect transnational du passage à l'échelle). Il s'agit en outre de la coordination transfrontière sur les questions telles que le transport, la facilitation des échanges et le recouvrement des impôts. La collaboration de la communauté inter- nationale et les efforts déployés pour l'harmonisation, que ce soient de simples accords sur les normes communes relatives au gabarit d'écar- tement des chemins de fer ou sur le partage des informations sur les contribuables, peuvent contribuer de façon significative à l'efficacité du développement s'il existe entre les pays une volonté suffisante de s'enrichir mutuellement. Chacune de ces dimensions présente aussi bien des contraintes que des facteurs (catalyseurs) essentiels pour lutter efficacement contre la pauvreté. Ces contraintes peuvent survenir à tous les stades d'exécution - à l'échelon national, au niveau de la prestation de service locale, ou à travers les moda- lités d'affectation des ressources aux différents niveaux de l'administration publique. Plusieurs types de contraintes peuvent s'opposer à l'obtention de résultats, en l'occurrence les conditions macroéconomiques, les ressources financières, institutionnelles, humaines et matérielles limitées, les barrières socioculturelles ou les problèmes liés à la gouvernance et à l'administration2. L'examen de ces catalyseurs était au centre de l'initiative sur les études de cas de Shanghai et le processus de transfert mondial des savoirs. Le contexte analytique Le choix des études de cas s'est fait en gardant en ligne de mire l'objectif global de la croissance et de la réduction de la pauvreté. En ce qui concerne la première dimension (autrement dit l'axe des abscisses), la question de ce qu'il faut faire pour créer un environnement porteur pour la réduction de la pauvreté a été précisée. La stratégie à deux piliers3 qui est le cadre stratégique privilégié par la Banque mondiale pour la réduction de la pauvreté a été uti- lisée pour cette dimension : le climat de l'investissement et la démargina- lisation (ou l'insertion sociale). Ces deux piliers sur lesquelles repose la lutte contre la pauvreté découlent des principes énoncés dans l'édition 2001 du Rapport sur le développement dans le monde et présupposent un modèle de lutte contre la pauvreté dans lequel des décideurs engagés entreprennent des réformes qui poussent le secteur privé et la société civile à l'action, le tout LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ANALYSE 19 entraînant une croissance en faveur des pauvres. Le fait d'avoir sélectionné des études de cas qui mettent en évidence des actions en ligne avec ce modèle laisse supposer qu'il est possible que d'autres modèles puissent mieux expli- quer comment s'opère véritablement la réduction de la pauvreté. · Premier pilier. Pour avoir un climat propice à l'investissement il faut créer les conditions permettant aux marchés d'exister et de fonction- ner de manière efficace. L'amélioration de la gouvernance, la promo- tion de l'ouverture aux échanges et à l'investissement et la mise en place des infrastructures appropriées sont considérées comme étant les principaux facteurs qui facilitent les investissements pouvant conduire à la croissance et à la réduction de la pauvreté. · Deuxième pilier. La démarginalisation (ou insertion sociale) désigne les conditions permettant aux pauvres de participer aux processus politiques et à la prise de décision au niveau local ; de tenir l'État pour responsable des initiatives qu'il prend afin que celles-ci tiennent compte des besoins des pauvres ; et de supprimer les barrières sociales qui résultent de la discrimination fondée sur le sexe, l'ethnie, la race, la religion et le statut social. Il est nécessaire de faciliter l'accès des popu- lations les plus démunies aux biens, aux services et aux marchés pour assurer une réduction de la pauvreté pour tous et de façon durable. S'agissant de la deuxième dimension (l'axe des ordonnées), il a été demandé à ceux qui ont procédé à la sélection des études de cas et à leurs auteurs de réfléchir sur la manière dont s'est fait le passage à l'échelle des approches décrites suivant l'axe des abscisses. Pour faciliter la comparaison de l'ensemble plutôt large de cas, les études ont pris en compte quatre fac- teurs d'exécution, l'hypothèse étant que ces facteurs sont des éléments moteurs communs à tout processus d'exécution. Ces quatre facteurs sont les suivants : l'engagement et l'économie politique au service du changement, l'innovation institutionnelle, l'apprentissage et l'expérimentation et les cata- lyseurs externes. · Facteur A. L'engagement et l'économie politique au service du change- ment concerne l'engagement des décideurs à mettre en oeuvre des poli- tiques qui facilitent la réduction de la pauvreté et à promouvoir le changement et la recherche du consensus dans le but de soutenir les objectifs de réduction de la pauvreté. · Facteur B. L'innovation institutionnelle correspond au renforcement des capacités institutionnelles afin de trouver des solutions novatrices aux problèmes émergents, d'éliminer les obstacles institutionnels à l'exécution et de s'adapter aux conditions économiques et politiques en mutation. · Facteur C. L'apprentissage et l'expérimentation interviennent lorsque de nouvelles solutions sont mises à l'essai et l'évaluation est incluse dans le processus de décision qui vise à déterminer s'il faut aller de l'avant et promouvoir une approche donnée. En général, les expérien- 20 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE ces positives sont largement copiées et peuvent déclencher des effets de transfert de connaissances pouvant servir ailleurs. L'apprentissage peut comprendre le passage au crible de politiques, de programmes et de projets aux niveaux international et local, l'adoption sélective de nouvelles approches et leur adaptation aux conditions locales. L'éva- luation de l'impact est une composante essentielle du processus d'apprentissage et d'expérimentation. Le cas échéant, c'est le seul moyen de déterminer avec certitude si un projet est en voie d'atteindre ses objectifs (voir Chapitre 6). · Facteur D. Les catalyseurs externes sont des facteurs et des agents qui provoquent le changement en appui aux réformes menées par les décideurs nationaux. L'analyse des liens entre ces piliers stratégiques et les facteurs d'exécution nous a permis de mieux comprendre comment une intensification des pro- grammes, des politiques et des projets permet d'obtenir des résultats signifi- catifs sur le plan du développement. Quelques exemples (identifiés par pilier [1 ou 2] et par facteur [A, B, C, ou D]) apparaissent ci-après : 1.A : L'engagement en faveur des réformes et des politiques de change- ment a conduit à l'ouverture à l'investissement étranger et aux politiques de réforme agraire qui ont accéléré la croissance en Chine. 2.A : L'engagement en faveur de l'intégration sociale a été le facteur principal à la base des programmes d'éducation et de santé qui ont permis de relever les normes sociales au Chili et au Costa Rica. 1.B : L'innovation institutionnelle et les mécanismes efficaces d'exécu- tion ont favorisé les investissements à grande échelle dans les rou- tes et le secteur de l'électricité en Chine, en Thaïlande, et au Viet Nam. 2.B : La recherche de solutions novatrices pour faciliter l'accès des pau- vres aux services sociaux s'est traduite en un mécanisme de par- tage des coûts dans les secteurs de l'éducation et de la santé dans nombre de pays tels que l'Égypte, El Salvador et l'Inde, ce qui a favorisé un meilleur accès aux écoles et aux produits pharmaceu- tiques. 1.C : L'expérimentation et le processus d'apprentissage qui l'accompagne ont joué un rôle très important dans les initiatives rurales de lutte contre la pauvreté en Chine, telle que le projet du Plateau de Loess 2.C : Un système intégré d'évaluation s'est traduit en de meilleurs servi- ces d'éducation pour les pauvres en Inde et au Mexique. 1.D : Les catalyseurs externes, tels qu'une meilleure coordination de l'intervention des bailleurs de fonds ont permis d'améliorer la transparence dans l'utilisation des ressources en Ouganda. En utilisant le cadre ci-dessus, les études de cas de Shanghai peuvent être regroupées dans une structure matricielle représentée dans la figure 1.1. Figure 1.1 Matrice du cadre d'analyse du processus de transfert mondial des savoirs Réduction de la pauvreté Premier pilier : Climat de l'investissement Deuxième pilier : Intégration sociale Facteurs État de droit/ Ouverture aux échanges Qualité Accès Accès Accès d'exécution gouvernance et aux investissements de l'infrastructure aux marchés aux biens aux services de base A. Engagement LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ANALYSE politique B. Innovation institutionnelle C. Apprentissage et expérimentation D. Catalyseurs externes 21 22 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Sur l'axe des abscisses de la matrice se trouvent les piliers, le climat de l'investissement et l'intégration sociale, et sur l'axe des ordonnées se trou- vent les quatre facteurs d'exécution. Dans le cadre du processus d'apprentis- sage, il était question de tirer des enseignements des deux dimensions de la matrice tout en soulignant la nécessité d'apprendre comment faire (exécu- tion) plutôt que d'apprendre quoi faire. Création d'un environnement favorable à la réduction de la pauvreté Examinons maintenant plus en détail les éléments du cadre. Climat de l'investissement. Les études récentes dans le domaine de l'histoire de l'économie et du développement mettent l'accent sur l'importance des droits de propriété et sur la capacité du gouvernement à réglementer les marchés de manière équitable avec un minimum de corruption et d'inter- vention des groupes d'intérêt et de créer les conditions leur permettant de fonctionner de manière efficace. Il semble que la principale question qui se pose est de savoir si les personnes qui investissent en pensant à l'avenir -- que ce soit en démarrant une petite entreprise ou en envoyant leurs enfants à l'école -- le font avec la conviction qu'ils récolteront un jour les fruits de leur investissement. Dans un environnement marqué par des droits de pro- priété limités, toute richesse accumulée par les individus est plus susceptible de financer la fuite des capitaux ou les migrations internationales que d'être réinvestie dans l'économie locale. Sous la vaste rubrique de climat de l'investissement, les études de cas ont été sélectionnées pour illustrer les enseignements importants tirés des domaines de l'État de droit et de la gouvernance, de l'ouverture aux échan- ges et à l'investissement, et de la qualité de l'infrastructure. Les études sur le climat de l'investissement mettent en évidence l'impor- tance de la gouvernance au niveau local. Le développement d'un réseau rou- tier ou des télécommunications est une question nationale, mais de nom- breux facteurs clés qui affectent les entreprises au quotidien relèvent des administrations locales. Quel est le niveau de bureaucratie et de corruption au sein des collectivités locales ? En outre, quand ces collectivités sont cor- rompues, il est peu probable que les secteurs de l'eau, de l'énergie et toute autre infrastructure au niveau local fonctionnent bien. Il est vrai que la Chine ou l'Inde en général s'en sortent bien, mais il existe d'énormes diffé- rences entre les localités à l'intérieur de chaque pays. Une question essen- tielle est celle de savoir comment les localités pauvres peuvent s'inspirer de l'expérience de celles qui évoluent bien. L'ouverture aux échanges et au développement peut largement aider les pays pauvres à se développer plus rapidement et à réduire la pauvreté. Plu- sieurs parmi les études de cas de Shanghai examinent les avantages de la facilitation des échanges et du transport, en utilisant les technologies de LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ANALYSE 23 l'information pour mettre les agriculteurs en contact avec les marchés, en réduisant les barrières administratives à l'esprit d'entreprise, et en mettant en application diverses stratégies visant à encourager l'exportation. La qualité de l'infrastructure peut aider à améliorer l'environnement des affaires, et une augmentation de l'activité économique peut intensifier les appels lancés en faveur de l'amélioration de l'infrastructure. Les zones de production les plus en vue de la Chine sont pourvues d'assez bonnes infras- tructures comparées à d'autres parties du pays et à d'autres pays qui ont atteint un niveau de développement semblable il y a 10 ans. Les secteurs de l'énergie et des télécommunications ainsi que les ports fonctionnent relative- ment bien. Il faut en moyenne 8 jours pour effectuer un dédouanement en Chine, 12 jours au Bangladesh, et 17 au Pakistan. Ceci représente un avan- tage essentiel sur le plan de l'accès au marché pour les entreprises chinoises et permet d'expliquer leur croissance rapide ces dernières années. Le déve- loppement du réseau routier a contribué à la création d'un marché intérieur mieux relié. La démarginalisation/l'intégration sociale. Comme l'indiquent les cas de la Chine, de l'Inde et d'autres pays, beaucoup de personnes pauvres ont tiré bénéfice d'une plus grande prospérité nationale. Mais la capacité des pau- vres à tirer parti de la croissance et à y contribuer dépend essentiellement de l'accès aux marchés, aux capitaux, et aux services de base. L'échantillon des études de cas de Shanghai a été constitué pour illustrer les réalisations obte- nues dans chacun de ces domaines importants. Au regard de l'expérience mondiale il est clair que l'argent seul, ou sim- plement l'augmentation des dépenses publiques, ne mène pas nécessairement à l'amélioration de l'intégration sociale des pauvres. Si les fonds destinés aux pauvres ne leur parviennent pas, ils ne peuvent pas en bénéficier. Si les enseignants ne se présentent pas dans les écoles, si les méde- cins et les infirmiers ne vont pas dans les centres de santé, ou s'ils facturent les médicaments censés être gratuits ou traitent si mal les usagers qu'ils n'y retournent pas, les personnes pauvres n'y gagneront rien. De même, si la route menant au marché où les agriculteurs peuvent écouler leurs produits est en très mauvais état et rend le transport difficile, cela réduira les oppor- tunités pour ces agriculteurs de générer des revenus. L'utilisation efficace des ressources existantes ou nouvelles exige que soient mises en oeuvre des poli- tiques et des relations institutionnelles de responsabilité mutuelle entre les décideurs, les fournisseurs de services et les citoyens, en particulier les pau- vres. Pour permettre aux hommes et aux femmes pauvres de jouer efficace- ment leur rôle, il est nécessaire d'élaborer une approche du développement qui passe par la démarginalisation ; cette approche considère les personnes pauvres comme des ressources et des partenaires clés, et utilise leurs con- naissances, leurs aptitudes, leur curiosité et leur grande motivation pour les sortir de la pauvreté. Personne n'est plus concerné par la question de la réduction de la pauvreté que les pauvres eux-mêmes. Le défi consiste donc à 24 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE ôter les obstacles de leur chemin, à investir dans leurs actifs et leurs capaci- tés, et à augmenter leur accès aux opportunités. S'agissant de l'accès aux actifs, quelques études de cas portant sur la réforme foncière dans les pays comme l'Inde et le Pérou illustrent comment le fait de permettre aux pauvres d'accéder à la propriété foncière qui consti- tuerait un actif important pour eux favorise l'exercice des activités géné- ratrices de revenus et une meilleure intégration sociale. De même, les études de cas sur la microfinance (voir le chapitre 4) examinent comment l'accès au crédit peut aider les populations les plus démunies à faire vivre leurs familles et à avoir droit à la parole dans la société. En outre, l'accès aux services publics de base aide également les pauvres à se faire une place dans la société. La plupart des pays dans lesquels les per- sonnes extrêmement pauvres sont concentrées -- le Bangladesh, la Chine, l'Inde, et le Viet Nam, par exemple -- ont une densité démographique éle- vée sur leurs terres arables, et tout programme important de réduction de la pauvreté dans ces pays doit envisager une réduction significative de la main- d'oeuvre agricole en faveur des services et de l'industrie. D'où l'importance de l'éducation primaire qui est absolument nécessaire pour permettre aux populations de s'intégrer plus facilement dans les secteurs de la manufacture et des services modernes. En plus d'être un moyen de réduction de la pauvreté, l'éducation univer- selle est une importante fin en soi -- un des principaux ODM. L'un des prin- cipaux objectifs des études de cas de Shanghai était de comprendre com- ment les programmes ont favorisé l'éducation de masse, y compris dans les zones où la croissance était faible. Dans le cas de la Chine, il y a eu une amé- lioration massive de l'alphabétisation au cours des 20 années qui ont pré- cédé le début de la réforme économique. Le Bangladesh et certaines régions de l'Inde ont réalisé des progrès remarquables au cours des dernières décennies, en particulier dans le domaine de l'alphabétisation des femmes. Par ailleurs, le Bangladesh a fait des avancées significatives en matière de réduction des taux de fécondité et de mortalité infantile grâce à des inter- ventions ciblées. En Inde, la campagne nationale d'éducation primaire évo- lue bien dans quelques localités, et pas du tout dans d'autres. Comment comprendre ces différences et comment les régions à la traîne peuvent-elles tirer des enseignements des expériences des régions les plus avancées ? La question centrale ici est de savoir comment fournir des services effica- ces aux pauvres, alors qu'en règle générale, l'administration locale de ces zones pauvres fait davantage partie du problème que de la solution. Une caractéristique commune est l'importance de la participation des pauvres dans la conception et l'exécution des programmes. Facteurs d'exécution Quelles sont les caractéristiques des initiatives qui ont abouti à un change- ment réel et à des résultats durables en matière de réduction de la pauvreté ? LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ANALYSE 25 Une fois identifiées, quels enseignements peut-on tirer de la manière de gérer l'exécution des programmes, des projets, et des pratiques en rapport avec la réduction de la pauvreté ? La première caractéristique à explorer est l'importance de l'engagement des parties prenantes à l'égard de la réduction de la pauvreté et de l'écono- mie politique en faveur du changement. Dans le cas le plus évident des réformes au niveau national, celui de la Chine, il y a eu un changement notable de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté vers 1977 et 1978 et l'apparition d'un groupe de dirigeants fermement engagés à entre- prendre la réforme et à s'assurer que les masses en tirent profit. Dans plu- sieurs autres cas de réformes menées à l'échelon national, cette question de leadership et d'engagement était également importante (voir le chapitre 2 sur le cas de l'Indonésie et le chapitre 3 sur le cas de la Chine). S'agissant des micro-réformes, l'amélioration des écoles ou les campagnes de sensibilisation sur la santé par exemple, le leadership est aussi souvent un facteur important. Il se pose la question générale de savoir comment les nouveaux dirigeants et les coalitions politiques peuvent parvenir à lever les obstacles liés aux politiques qui s'opposent au progrès, et comment réaliser l'ordonnancement des réformes pour assurer leur durabilité et les optimiser (le chapitre 4 couvre des exemples tels que celui d'El Salvador sur l'éduca- tion). Bien qu'il y ait un large consensus sur le caractère indispensable de certai- nes catégories d'institutions pour le développement, il est également clair qu'il n'existe aucun modèle standard de réforme institutionnelle. C'est la raison pour laquelle les meilleurs réformateurs ont souvent fait preuve de flexibilité et ont favorisé l'émergence des institutions de façon ascendante. Nous devons mieux comprendre cette volonté d'être flexibles sur la ques- tion des modalités institutionnelles et comment ces institutions sont créées de la base au sommet. Les études de cas couvrent un large éventail de moda- lités institutionnelles, des organisations de proximité telles que le projet de développement de Kecamatan en Indonésie aux programmes internationaux tels que l'éradication de la cécité des rivières en Afrique. L'autre caractéristique que nous observons au niveau de quelques pro- grammes est l'expérimentation réelle et un processus d'apprentissage actif. La Chine a été le chef de file dans ce domaine. Sur un certain nombre de questions importantes, des réformes ont été expérimentées au niveau pro- vincial et local ; les interventions positives ont été délibérément passées à l'échelle et celles qui étaient négatives ont été abandonnées. L'un des défis les plus importants pour les études de cas de Shanghai était d'illustrer comment ce processus d'expérimentation fonctionne et ce qui peut être fait pour le promouvoir. L'Inde également s'est de plus en plus tournée vers un modèle qui encou- rage l'expérimentation et même la concurrence au niveau local. Il ressort de l'expérience de l'Inde qu'un certain nombre d'états situés pour la plupart dans le sud du pays semblent apprendre activement les uns des autres et du monde extérieur, avec pour résultat une dynamique du changement qui s'est 26 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE mise en place. En revanche, les états tels que l'Uttar Pradesh, le Bihar, et le Bengale occidental semblent prisonniers de leurs institutions faibles. Une question principale pour les pays géographiquement étendus, tels que la Chine et l'Inde, est de savoir si la réforme décentralisée amènera les régions à la traîne à s'intégrer dans le processus dynamique en cours, ou au con- traire scellera définitivement leur sort à travers des inégalités régionales. Cela explique pourquoi il est si important de comprendre ce qui favorise l'apprentissage et le changement, et de savoir de quelle manière et à quel moment la décentralisation se présente comme un outil efficace pour stimu- ler le changement dans les régions à la traîne. Concrètement, l'expérimentation et l'apprentissage reviennent à se décider à regarder autour de soi et à s'ouvrir à de nouvelles options. L'apprentissage transnational fait partie de cette ouverture. Le Viet Nam, par exemple, a suivi l'exemple de la Chine pour élaborer ses réformes agrai- res. Le système mexicain PROGRESA de transfert d'argent aux fins d'édu- cation a été emprunté au Brésil et tour à tour emprunté et adapté par les pays voisins d'Amérique centrale. Les systèmes de partage des coûts de santé se sont répandus à travers l'Afrique occidentale. Qu'est-ce qui favorise ce type d'apprentissage transnational ? Qu'est ce qui détermine si des pro- grammes peuvent être reproduits d'un pays à l'autre ? La dernière question à explorer est le rôle des catalyseurs externes, y compris les organismes de développement. Il est intéressant de noter au sujet de tous les exercices de réforme que les organismes de développement et les bailleurs de fonds étrangers n'ont joué pratiquement aucun rôle dans les premières étapes du processus. Au Chili, en Chine, en Inde et au Viet Nam, les réformes engagées peuvent être vues comme émanant fondamenta- lement du pays ; des groupes politiques ont, dans un premier temps et avec détermination, décidé d'améliorer la performance de leurs pays respectifs, puis, se sont tournés vers divers organismes étrangers pour les conseils et le financement. En dehors des grands mouvements de réforme à l'échelon national, de nombreux exemples existent sur les réformes au niveau local dans les sec- teurs de la gouvernance, de l'infrastructure, de l'éducation et de la santé entre autres. Les bailleurs de fonds ont joué le rôle de catalyseurs dans plu- sieurs cas, notamment l'éradication de la cécité des rivières en Afrique. Dans d'autres cas, ils ont manqué de tact dans leurs tentatives d'entreprendre des réformes politiques et institutionnelles. En règle générale, imposer des con- ditions de l'extérieur n'a pas été un moyen efficace d'obtenir un changement durable. Ces expériences ont amené les réformateurs à prendre de plus en plus conscience de l'importance de l'appropriation des réformes tant au niveau local que national. Parmi les questions clés posées aux auteurs des études de cas, figuraient les suivantes : qu'est-ce qui a aidé les pays à exploi- ter leurs capacités internes afin d'élaborer un processus de changement éma- nant du pays ? Les approches sont-elles transposables dans d'autres pays ? L'objectif du processus de transfert mondial des savoirs était d'apporter quelques éléments de réponse aux questions posées dans ce chapitre. LE CADRE CONCEPTUEL DE L'ANALYSE 27 Notes 1. Cette initiative de la Banque mondiale s'intitule « Réduire la pauvreté à l'échelle mondiale » (Reducing Poverty on a Global Scale) et a connu son apothéose avec la Conférence de Shanghai tenue du 25 au 27 mai 2004. 2. Les Contraintes liées à la capacité d'absorption sont traitées en détail dans le Rapport 2004 de la Banque mondiale. 3. La stratégie de développement axée sur deux piliers est présentée dans un arti- cle de Stern (2001) et notamment dans un article de Stern, Dethier et Rogers (2005). Bibliographie Stern Nicholas. 2001. A Strategy for Development, Washington : Banque mondiale. Stern Nicholas, Jean-Jacques Dethier et F. Halsey Rogers. 2005. Growth and EmpowermenGrowth and empowerment: Making Development Happen. Cam- bridge: Éditions MIT Press. Banque mondiale. 2004. « Efficacité de l'aide et modalités de financement », Comité de développement, Banque mondiale, Washington. ------. 2001. Rapport sur le développement dans le monde 2000/2001 : Combattre la pauvreté, Washington. 2 Observations à l'échelon national Blanca Moreno-Dodson Les 13 études-pays présentées dans le présent chapitre sont aussi diverses que le sont les pays concernés et les méthodes d'action qui y sont décrites1: le Chili, la Chine, le Costa Rica, la Fédération de Russie, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, l'Ouganda, la Pologne, la République de Corée, El Salvador, la Tanzanie et la Tunisie. Bien qu'il s'agisse dans de nombreux cas de facteurs similaires, l'ensem- ble des priorités et des programmes adoptés dans les différents pays ne sui- vent jamais exactement le même modèle. Les études décrivent différents par- cours suivis par différents pays, à des moments différents et dans des circonstances différentes. Globalement, elles permettent de disposer d'un guide compact sur la diversité et, en particulier, sur la souplesse de l'ensem- ble des options d'exécution qui ont été et peuvent être mises à l'essai afin d'élargir la portée et l'efficacité des efforts de réduction de la pauvreté. L'accent est mis, bien que pas exclusivement, sur les quatre facteurs d'exécution du cadre initial présentés au chapitre 1, à savoir le leadership, l'innovation institutionnelle, l'apprentissage et l'expérimentation et les cata- lyseurs externes. Ces facteurs devraient aider à atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté. Les études-pays illustrent la complexité de la recherche d'un canevas d'exécution approprié pour un pays particulier, qui comprenne tous ces facteurs. À quelques exceptions près, on ne dispose pas de preuves suffisantes pour tirer des conclusions sur l'impact final sur les pauvres. Même en République de Corée et en Tunisie où la pauvreté a dimi- nué de façon constante sur plusieurs décennies, l'analyse est tout autant utile pour la discussion sur les mesures prises par rapport aux revers que pour la description des politiques qui sous-tendent les réalisations à long terme. 30 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE La variété des expériences décrites montre avec persuasion qu'aucun modèle du développement n'est ou ne peut être universellement applicable. Comme il a été mentionné dans le cas de l'Ouganda, une esquisse des réa- lisations majeures préconisant simplement l'assistance technique pour reproduire les innovations appliquées en Ouganda ne serait pas adéquate pour faire reculer la pauvreté ailleurs. De même, les planificateurs de l'économie en Malaisie déclarent que la première leçon tirée de 30 ans de travail est que chaque pays doit formuler sa base philosophique du développement, élaborer des politiques et des plans adaptés à sa situation et à ses besoins particuliers. Toutes tentatives visant à transposer le modèle de la Malaisie entièrement dans tout autre pays en développement ne produiraient pas les mêmes résultats. Quelques études soulignent le rôle positif de l'investissement privé ; d'autres plaident en faveur d'une intervention efficace de l'État. Quelques stratégies novatrices naissent à la suite d'une crise ; d'autres émergent en réponse à la stagnation ou à un progrès jugé constant mais trop lent ou déséquilibré. Il n'est pas surprenant qu'il existe une telle variété de perspectives sur le défi de la réduction de la pauvreté. Les études récentes sur la performance de la croissance économique au cours des années 90 ont également fait état des différents modèles qui ont produit des résultats variés -- positifs et négatifs -- dans différents pays et environnements (Banque mondiale 2005a). Le principal enseignement tiré des années 90, qui du reste sous-tend une telle analyse, est qu'il n'existe aucune politique de « meilleure pratique » qui produira toujours le même résultat positif -- il n'existe pas un moyen unique de stimuler le développement. La croissance durable dépend moins du degré de conformité des politiques à une certaine meilleure pratique idéale que de leur contribution à une stratégie efficace de croissance. Les stratégies de croissance sont spécifiques au pays, à l'époque et aux institutions, et elles tiennent compte des conditions initiales. Quelque soit le contexte, certains trains de mesures sont plus importants que d'autres et l'art de formuler des stratégies se fonde sur la capacité à découvrir ce qui est le plus approprié pour un contexte donné et à abandonner des approches quand il est évident qu'elles ne donneront pas les résultats attendus. En Asie de l'Est, à titre d'exemple, la croissance qui a été appelée pendant un certain temps « miracle » ne s'est pas reposée sur une politique unique ou sur une seule séquence d'actions d'exécution. La Corée a découragé l'investissement direct étranger (IDE). La Malaisie et Singapour l'ont recher- ché. L'Indonésie a maintenu un niveau élevé de protectionnisme jusqu'au début des années 90. La Thaïlande a opté pour la libéralisation des échan- ges beaucoup plus tôt que cela. De plus, au cours des années 90, aucun modèle de politique économique n'a défini de priorité pour les actions à mener. Au moment où l'Inde a réduit les barrières tarifaires élevées qu'elle avait imposées aux échanges par exem- ple, le pays s'est trouvé confronté à de nouveaux problèmes liés à la logisti- OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 31 que commerciale tels que l'infrastructure portuaire et les procédures doua- nières. La détermination de la Malaisie dans les années 90 à réaliser un développement équitable en dépit de quelques effets négatifs sur le rythme de croissance procédait de la ferme intention politique de mettre le progrès économique au service de l'unité nationale. Le souci de la Chine de parvenir à une plus grande équité s'est manifesté plus tard au cours de la décennie et tenait de la prise de conscience qu'en dépit progrès accomplis, l'effort de réduction de la pauvreté à l'échelle nationale laissait toujours des millions de personnes du monde rural à la traîne2. Selon notre cadre conceptuel de base, l'une des hypothèses de l'analyse menée dans cet ouvrage est que l'impact potentiel et la portée des stratégies durables de croissance et de réduction de la pauvreté s'amplifient lorsque ces stratégies reposent sur des politiques qui permettent d'améliorer le cli- mat de l'investissement du pays tout en accordant une grande priorité à l'intégration sociale. L'analyse a posteriori a indiqué que la stabilité macroé- conomique est une nécessité absolue, bien qu'insuffisante, pour promouvoir la croissance et la réduction de la pauvreté et des inégalités. L'amélioration du climat de l'investissement a toujours fait appel à l'éla- boration de politiques de réforme et à l'adoption de nouvelles pratiques pour donner aux investisseurs locaux et étrangers des garanties suffisantes : · d'un système basé sur l'économie de marché qui facilite les échanges commerciaux, la mise en place de l'infrastructure et les mouvements financiers. · un système juridique et réglementaire stable, transparent, et efficace caractérisé par des recours judiciaires impartiaux et diligents. Il importe de surmonter les obstacles créés par les défaillances du marché liées au manque de coordination et aux effets de contagion provoqués par les informations afin de favoriser un climat d'investissement propice aux affaires. En outre, une place de choix doit être accordée à la bonne gouver- nance et aux institutions sociopolitiques efficaces pour soutenir le dévelop- pement. L'idée selon laquelle le développement consiste à appliquer la bonne gou- vernance et à mettre de solides institutions en place est largement admise aujourd'hui et il n'y a rien de bien nouveau à affirmer que développement et institutions solides sont étroitement liés (Besley 2005). Toutefois, les réformes dans ce domaine mettent souvent du temps à se matérialiser, et même lorsqu'elles se concrétisent, il est plus difficile d'évaluer les améliora- tions de la performance de façon quantitative. La discussion ouverte sur la gouvernance en Tunisie indique que le pays aurait pu réaliser une perfor- mance économique et sociale plus forte si la qualité globale de la gouver- nance avait été améliorée et un modèle plus transparent et plus participatif de prise de décision politique avait été mis en place. En matière d'intégration sociale, plusieurs pays ont déployé des efforts acharnés pour susciter une croissance partagée favorable aux couches les plus pauvres de la société en facilitant leur accès aux marchés, aux actifs et 32 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE aux services. La priorité au coeur de la planification et de la mise en oeuvre du développement en Malaisie sur plusieurs décennies consistait à s'assurer que les interventions des pouvoirs publics à tous les niveaux allaient d'abord améliorer le sort de la majorité de la population composée de Malais chez qui l'incidence de la pauvreté était la plus élevée, notamment à travers l'accès aux soins, à l'éducation au crédit et à l'emploi. En Ouganda, la lutte contre la pauvreté est devenue la principale priorité du gouvernement au milieu des années 90 après la mobilisation des parle- mentaires, des bailleurs de fonds et de ses propres ministres par le Président Yoweri Museveni dans le District de Luwero afin de mettre face à face les bailleurs de fonds et les politiciens sur l'état des routes, des écoles, des dis- pensaires et de l'ampleur de la pauvreté dans les campagnes. L'approche du Chili à l'intégration sociale a elle aussi été sérieusement révisée lorsqu'il a été démontré que les résultats de la croissance économi- que, bien que forte, n'ont pas atteint des groupes significatifs de personnes pauvres dans les zones urbaines. En Tunisie, où les politiques clairement conçues en faveur des pauvres étaient plutôt classiques, le coût élevé et la faible efficacité des subventions octroyées depuis plusieurs années pour les denrées de base ont conduit à un changement inédit au début des années 90 vers un système de subventions auto-sélectives pour les produits les plus susceptibles d'être achetés par les consommateurs ayant un faible pouvoir d'achat. Selon l'étude, la principale caractéristique du développement de la Tunisie peut être reliée à la promo- tion de l'éducation, de la sécurité sociale, de la santé, et de l'aide aux per- sonnes les plus démunies, au contrôle des naissances par l'amélioration du statut de la femme, et à l'investissement dans l'infrastructure de base. Parallèlement à l'importance explicite ou implicite accordée au climat de l'investissement et aux politiques d'intégration sociale, les études-pays exa- minent une variété de facteurs d'exécution qui orientent les efforts de pro- motion de la croissance et de réduction de la pauvreté. Dans ce contexte, un certain degré de continuité accompagne la diversité des expériences. Des pays différents, comme discuté ci-après, ont adopté des stratégies et des priorités analogues. Cependant, l'engagement permanent des haut-responsables d'un pays aux efforts de réduction de la pauvreté -- comme dans le cas de l'Ouganda décrit ci-dessus -- est un exemple large- ment cité. La capacité de répondre à une crise, à une innovation technologique, ou à un choc externe -- est un autre facteur fréquemment observé. Il est souvent associé à la capacité d'innover, d'adapter les capacités institutionnelles, de tirer des leçons des expériences, et de faire des facteurs externes des cataly- seurs du changement pour que la population du pays en bénéficie. Conformément au cadre décrit au chapitre 1, la première section du pré- sent chapitre entame la discussion sur le rôle que les études-pays accordent à la croissance en tant que base solide sur laquelle asseoir les efforts de lutte contre pauvreté et l'inégalité. Le reste du chapitre examine comment les quatre catégories de facteurs d'exécution ont contribué à réaliser ces objec- OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 33 tifs finaux dans les pays sélectionnés. La deuxième section porte sur le rôle joué par différents types de leadership déterminés et engagés dans le travail d'élaboration et de maintien des politiques et programmes de lutte contre la pauvreté. La troisième section essaye de mesurer au sein de différentes agen- ces gouvernementales ou institutions en charge de l'exécution, l'innovation qui constitue un élément clé. Cette innovation a trait aux changements de politique provoqués par des crises, par la mise en évidence indépendante de lacunes dans les approches existantes, et par la nécessité de réagir à des influences externes telles que la concurrence commerciale. La quatrième sec- tion présente un bref exposé sur les efforts déployés par les différents pays pour suivre les résultats des initiatives de lutte contre la pauvreté et tirer des leçons des conclusions positives et négatives. La dernière section porte sur le rôle des catalyseurs externes, particulièrement le rôle des bailleurs de fonds dans la formulation, la réorientation, et le renforcement des stratégies de lutte contre la pauvreté. La croissance économique comme socle de la lutte contre la pauvreté et les inégalités Bien que les pays aient pu obtenir des résultats comparables en appliquant différentes stratégies et en suivant divers ordonnancements pour tenir compte de leurs propres situations, tous les pays dont il est question dans notre analyse ont accompli des progrès vers la réduction de la pauvreté et l'inégalité en établissant des bases solides pour la croissance ; il fallait pour cela s'attaquer aux déséquilibres macroéconomiques. La croissance économique Toutes les études-pays analysées indiquent qu'il n'est pas possible de main- tenir la croissance sans la stabilité macroéconomique ; cela semble être absolument indispensable pour permettre aux pouvoirs publics de financer les stratégies de réduction de la pauvreté, notamment en période d'adver- sité. Au Chili où la croissance et l'équité constituaient l'objectif annoncé pen- dant les années 90, les excédents budgétaires antérieurs à la récession de 1998 pourraient être employés pour protéger les pauvres pendant les années difficiles3. C'est ici « le point de rencontre entre les politiques budgétaires conservatrices et les politiques sociales progressistes ». Les 30 années de progrès économiques marqués par l'irrégularité qu'a connues l'Indonésie avant la crise asiatique de 1997 ont commencé par la stabilisation macroéconomique, première phase de la libéralisation écono- mique et, dans une certaine mesure, sont à mettre au compte de cet équilibre macroéconomique. Les revenus pétroliers en augmentation au cours des années 70 ont fait mettre de côté les mesures d'austérité, mais quand cette 34 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE source de revenus s'est réduite dans la décennie suivante, un retour aux budgets équilibrés a permis de stimuler à nouveau la croissance. Au cours des deux décennies précédant la crise de 1997, le taux de pauvreté (par habitant) avait chuté de 40 % à 11 %, grâce à un train de mesures qui ont permis de créer les conditions macro-économiques et structurelles nécessaires à une croissance rapide, tout en parvenant à faire bénéficier aux populations rurales pauvres de cette croissance à travers l'investissement dans l'infrastructure, l'agriculture, l'éducation, et la santé. En ce qui concerne la Tanzanie où la stabilité macroéconomique n'a été atteinte que vers la fin des années 90 après plus d'une décennie d'efforts, ce résultat (et d'autres réformes connexes) a ouvert la voie à la réduction de la dette au titre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et à l'augmentation de l'aide à la réduction de la pauvreté. Dans toutes les études-pays, la croissance économique semble avoir aidé les populations pauvres, et pas seulement la société en général. Dans les cas où la croissance économique était forte, de nombreuses études de cas mon- trent que tant le nombre de personnes pauvres que leur proportion dans la population a diminué. Les résultats sont convaincants, quoique l'effet d'une telle réduction tende à être plus fort dans les zones urbaines que dans les zones rurales. En outre, dans les cas où la croissance s'est maintenue et ne suit pas un rythme épisodique, elle a eu des effets plus durables sur la réduc- tion de la pauvreté. Le Chili a utilisé la croissance économique comme outil de réduction de la pauvreté et de l'inégalité. Le Chili a connu une croissance économique soutenue de 1960 à 2003 avec une moyenne annuelle de 4,3 % et a réduit la pauvreté de 24 % en 1987 à 9,6 % actuellement (Banque mondiale, 2005d). Pour la Chine, cette corrélation est forte. La réduction de la pauvreté à grande échelle qu'a connue le pays a été réalisée principalement grâce à la croissance économique, et lorsque la croissance économique dans les zones rurales a ralenti, la réduction de la pauvreté a suivi la même tendance. (voir le chapitre 3 de ce volume pour davantage de détails sur le cas de la Chine). En Tunisie où le produit intérieur brut (PIB) a augmenté au taux moyen annuel de 5 % entre 1961 et 2001, l'incidence de la pauvreté a été divisée par cinq à partir de 1975 passant de 21,9 % de la population à 4,2 %, selon les chiffres officiels du pays). De même, le Costa Rica a pu réduire de moitié l'incidence de la pauvreté dans le pays, la ramenant de plus de 18 % à 9,5 % entre 1986 et 2000, en partie grâce à une croissance qui s'est mainte- nue en moyenne à 4,7 % au cours des 30 dernières années. L'effet opposé est également vrai. Les études sur la Pologne et la Fédé- ration de Russie confirment le lien inverse. En Pologne, le ralentissement de l'activité économique a considérablement limité les résultats obtenus grâce aux efforts consentis à la réduction de la pauvreté de 1994 à 1998. Dans le cas de la Fédération de Russie, même si les efforts de stabilisation et de libé- ralisation macroéconomiques ont été lents et irréguliers pendant une grande partie des années 90, les progrès qui se sont finalement traduits par la baisse de l'inflation ont par la suite été un facteur décisif pour la relance de la pro- OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 35 duction. En Russie, lorsque la reprise économique a commencé en 1999, elle a permis de réduire de façon notable la pauvreté qui s'était généralisée et intensifiée pendant les années antérieures marquées par une forte baisse de la production. De 1992 à 2003, la croissance moyenne annuelle du PIB de la Pologne était de 4,2 % comparée à une croissance moyenne négative de -1,2 points de pourcentage en Russie, le signe d'un fléchissement général de l'économie russe à partir de 1991 jusqu'à ce que commence une période de croissance soutenue en 1999. De 1999 à 2003 le PIB de la Russie a augmenté en moyenne de 6,7 % par an. En termes de pauvreté, le nombre de Russes vivant avec moins de deux dollars par jour a augmenté de 23 % à 36 % entre 1994 et 1998, avant de tomber à 8 % en 2002. Pendant la même période, la pauvreté extrême en Russie a plus que doublé passant de 6 à 13 %, et est retombée à 2 % à par- tir de 2002. En comparaison, le taux de pauvreté en Pologne entre 1985 de 2002 s'est constamment maintenu autour de 2 ou 3 % de la population (Banque mondiale 2005d). Réduire la pauvreté et l'inégalité S'agissant de la corrélation entre la croissance et la réduction de pauvreté, il ne fait pas de doute qu'il existe des écarts entre les pays et à l'intérieur d'un même pays. Bien que de nombreux pays connaissant une croissance soute- nue soient parvenus à réduire l'incidence de la pauvreté au sein de leurs populations, d'autres ont atteint une croissance globale mais continuent à faire face au défi de l'augmentation des revenus des pauvres. Même dans des pays cités ici en exemples dans le cadre de la réduction de la pauvreté, notamment la Chine et le Chili, les résultats obtenus ne sont pas toujours dus à la seule croissance. Les études de notre échantillon établissent clairement un lien entre la croissance et la réduction de la pauvreté. Cependant, certaines de ces étu- des-pays mettent en relief, 1) les limites de l'impact de la croissance sur la réduction de la pauvreté à moins d'établir des mesures sociales parallèles, et 2) les inégalités que la croissance peut entretenir ou même aggraver, du moins au début. La figure 2.1 illustre la réduction de la pauvreté des 20 dernières années dans plusieurs pays qui ont connu une croissance économique soutenue. Elle présente aussi les revers accusés pendant les périodes ou années durant lesquelles la croissance n'était pas assez forte pour sortir les populations de la pauvreté, comme ce fut le cas en Chine à la fin des années 90 ou au Chili en 1993. Au Chili, en dépit de la croissance soutenue qu'a connu le pays de 1988 à 2000, on a plutôt assisté à une augmentation de l'incidence de la pauvreté au début et au milieu des années 90. Cela découle probablement du proces- sus d'apprentissage qui s'est opéré de manière progressive à travers la mise 36 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Figure 2.1 Pourcentage de la population de quelques pays vivant avec moins de 2 dollars par jour 80 Croissance (%) : 70 Chili 5,8 60 Chine 9,3 Pourcentage 50 Costa Rica 3,7 40 Indonesie 6,8 30 Tunisie 5,7 20 10 0 1987 1990 1993 1996 2000 Source : Indicateurs du développement dans le monde 2005, Banque mondiale. en oeuvre des programmes sociaux. Lancés au début des années 90, ces pro- grammes se sont révélés inefficaces au début, mais se sont améliorés lorsque le Chili s'est attaqué aux problèmes de déséquilibres dans la mise en oeuvre et de contraintes institutionnelles. Le programme de réduction de la pauvreté de la Chine, toujours orienté vers les zones rurales où la pauvreté était de loin plus grande que dans les zones urbaines, a été amélioré plusieurs fois de suite afin de susciter des pro- grès plus rapides dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités grandissan- tes, en particulier vers la fin des années 904. Dès son lancement, le plan dénommé Plan 8-7 avait pour cibles principales les zones rurales laissées à la traîne et visait, entre autres, à augmenter de 50 % le financement annuel alloué à la réduction de la pauvreté ; renversant de ce fait la tendance à la baisse observée pendant dix ans pour ce type de dépenses. Les programmes de prêts subventionnés ont certes reçus le gros des financements, mais la réduction rapide de la pauvreté dans le cadre du Plan 8-7 aura bénéficié des effets conjugués de la croissance économique, d'autres mesures sociales spé- cifiquement orientées vers les pauvres, de l'augmentation des prix des pro- duits agricoles et de la migration vers les zones urbaines. Encouragés par l'augmentation rapide des opportunités dans d'autres localités, un grand nombre de pauvres issus des zones rurales s'est déplacé de la campagne vers les zones qui connaissaient une forte croissance économique. En Ouganda, de 1992 à 1996, la croissance économique a laissé les pau- vres à la traîne. Il est possible d'attribuer cela au décalage qui existait entre l'attention accordée par Museveni aux réformes économiques favorables à la croissance introduites dès 1992 et au fait que les programmes sociaux et de développement humain ne sont véritablement apparus au coeur des inter- ventions qu'en 1995. Après cette date, on observe une corrélation soutenue entre la croissance économique et le recul de la pauvreté. OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 37 À l'évidence, la croissance globale n'augmente pas nécessairement les revenus des pauvres, mais en se concentrant sur la promotion d'une crois- sance favorable aux pauvres à travers des programmes sociaux efficaces, la croissance économique peut aider à sortir de nombreuses personnes de la pauvreté. Parallèlement à la croissance économique, les pays doivent entre- prendre des programmes sociaux pour aider à briser le cycle de la pauvreté. S'agissant du rapport entre la croissance et les inégalités, à court terme, la croissance rapide peut mener à des inégalités plus grandes parce qu'il n'est pas possible que les améliorations puissent être ressenties par toutes les cou- ches sociales à la fois. Il semble cependant qu'à long terme les pays soient menacés par les disparités dans la mesure où elles les empêchent de connaî- tre une croissance durable. Ces leçons ont amené certains décideurs à con- clure qu'à moins de régler le problème de ces inégalités, leurs stratégies de croissance ne produiront pas de résultats durables. Certaines de nos études- pays montrent en effet une relation de double causalité implicite entre la croissance et les inégalités5. S'agissant de la Malaisie, l'objectif de la politique économique appliquée à partir de 1970 était principalement l'unité nationale ; elle s'est accompa- gnée d'une politique de développement élaborée de manière à profiter à la majorité de la population constituée de Malais qui étaient toutefois écono- miquement défavorisés. Cette priorité a peut-être contribué à réorienter des ressources rares au détriment d'activités qui auraient pu entraîner une crois- sance économique plus rapide. S'il est vrai que cette politique a eu pour effet d'évincer des sociétés privées, elle a cependant produit un résultat qui était plutôt escompté, à savoir l'absence presque totale de dissensions raciales. La Fédération de Russie a connu une montée en flèche des inégalités (coefficient de Gini) lorsque le secteur privé précédemment inexistant est devenu le moteur de la croissance. Selon les données de la recherche empiri- que citée dans l'étude, la polarisation de la société russe s'est poursuivie sans relâche au cours des années 90, s'accélérant après la crise de 1998 et continuant, plutôt que de ralentir, dans les années plus récentes marquées par la croissance économique. À titre d'exemple, entre 2000 et 2002, la recherche a permis de constater que 45 % de l'augmentation globale des salaires étaient concentrés au niveau de 10 % des employés les mieux payés, tandis que les ouvriers aux salaires les plus bas ont bénéficié de moins de 3 % de cette augmentation globale. Bien que la Pologne n'ait pas connu une aussi grande inégalité que la Russie, les « nouveaux » pauvres (de l'après-transition) dans les deux pays se ressemblent sensiblement. Dans les deux pays, une proportion considéra- ble de la population rurale vit dans la pauvreté, et la tendance vers la féminisation de la pauvreté saute aux yeux. À la différence de leurs homologues polonais, cependant, un grand nom- bre de retraités russes entre dans la catégorie de nouveaux pauvres dans laquelle on retrouve beaucoup de travailleurs. Les personnes dans des emplois représentent approximativement 40 % du nombre total de pauvres. 38 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Les dirigeants : prendre ses responsabilités Là où les leaders jouent leur rôle de meneurs, les résultats suivent. Telle est la leçon évidente à tirer des études-pays sur la mise en oeuvre des stratégies de réduction de la pauvreté en Ouganda, en Chine, au Chili, en Corée, et en Malaisie. En plus des exemples cités ci-dessus sur l'importance de l'engage- ment politique au plus haut niveau, les cas de la Pologne et de la Fédération de Russie offrent des réponses certes indirectes mais qui renforcent cette conclusion. L'Ouganda Le cas de l'Ouganda est à mettre à l'actif d'un leadership politique fort et guidé par une idée unique qui s'est accompagné non seulement de l'appui des réformes qu'il fallait à la base d'une croissance soutenue mais également de l'élaboration de projets sociaux ciblés lorsque l'effet de la croissance sur la réduction de la pauvreté s'est avéré insuffisant. Arrivé au pouvoir en 1986 comme vainqueur de la guerre civile, le Mou- vement national de résistance de l'Ouganda (NRM) avait un caractère populiste. Le pouvoir était concentré entre les mains du président, permet- tant ainsi une prise de décision claire, particulièrement au cours des premiè- res années. Toutefois, entre 1987 et 1992, cette prérogative n'a été exercée qu'à contrecoeur, en appui aux réformes entreprises en faveur de l'économie de marché qui ont par la suite dopé la croissance et permis de réduire la pauvreté. D'un point de vue idéologique, le NRM et le Président Museveni étaient attirés par le modèle interventionniste que l'Ouganda avait adopté dans les années 60, et ils n'ont choisi de coopérer avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale qu'en mai 1987, n'acceptant les réformes libérales qu'en désespoir de cause au plan économique. Les réformes ambitieuses entreprises en 1992 étaient dues en partie aux technocrates qui en ont fait le plaidoyer, en particulier Emmanuel Tumu- sime-Mutebile, le secrétaire général du ministère du Plan et du développe- ment économique, et une équipe centrale composée d'autres fonctionnaires. Sous la pression des bailleurs de fonds6 qui ont également joué un rôle clé en contraignant le gouvernement à entreprendre des réformes, le Président Museveni a pris une mesure décisive en 1992 en fusionnant les ministères des Finances et du Plan et du développement et nommant M. Tumusime- Mutebile à la fois secrétaire général du nouveau ministère et directeur du Trésor. En confiant de telles responsabilités au principal défenseur de la réforme libérale au sein de l'administration publique, le président a dépolitisé le recrutement au sein du nouveau ministère ; il a par ailleurs aug- menté les salaires et soutenu le recours aux conseillers étrangers pour assu- mer les rôles d'appui technique7. L'étude sur l'Ouganda rend également hommage au président qui a su orienter les réformes et les réformateurs de manière à s'attaquer à la pau- OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 39 vreté rurale. Le voyage qu'il a effectué à la campagne en septembre 1995 a permis aux bailleurs de fonds et aux politiciens de s'imprégner de l'état des routes, des écoles, et des dispensaires et de l'ampleur de la pauvreté. Ce voyage qui a permis de se rendre compte des réalités a contribué à jeter les bases politiques sur lesquelles repose l'adoption en 1997 du plan d'action pour l'éradication de la pauvreté et qui font de la lutte contre la pauvreté la principale priorité du gouvernement. En conséquence de la mise en oeuvre de l'ensemble du programme de développement depuis 1992, le volume total des exportations de l'Ouganda a plus que triplé (passant de 150 millions de dollars par an à presque 500 millions par an en 2005), les prix à l'exportation ont augmenté, et les prix à l'importation ont chuté. L'investissement direct étranger est passé de 4 à 220 millions de dollars par an (Banque mondiale 2005c). En outre, depuis 1997, le PIB par habitant s'est accru en moyenne d'environ 2,93 % par an (Banque mondiale 2005d) et la population vivant en dessous du seuil national de pauvreté a diminué de 44 % à 35 % (Appleton 2001). À l'évidence, l'influence des fonctionnaires compétents et d'une forte pression extérieure ont joué un rôle important dans la décision prise par l'Ouganda d'entreprendre des réformes libérales ; lorsque ces réformes se sont avérées insuffisantes pour véritablement améliorer le bien-être dans les zones rurales, cette influence a permis de mener une grande campagne de lutte contre la pauvreté. Le fait d'avoir un centre de décision à la fois incon- testé et sans ambiguïté a constitué un atout de poids qui a permis d'impri- mer le changement et de surmonter l'opposition aux réformes. Un lea- dership fort (tant individuel qu'institutionnel) exercé à travers de bonnes politiques peut ouvrir la voie vers le progrès. La Chine Pour formuler et suivre l'exécution de ses politiques et programmes de réduction de la pauvreté, le Gouvernement chinois a créé en 1986 un organe de haut niveau -- le Groupe directeur du Conseil des affaires d'État pour la réduction de la pauvreté (LGPR), sous la l'autorité du Conseil d'État et dirigé par un vice premier -- ministre. Le groupe LGPR était chargé d'éla- borer les politiques et les programmes de réduction de la pauvreté en Chine, de distribuer les fonds alloués au titre de la réduction de la pauvreté, et de coordonner les interactions entre les différents ministères, départements, et organismes participant à la lutte contre la pauvreté. La création du LGPR était en soi le signe que le parti communiste chinois et le gouvernement accordaient une grande place à la lutte contre la pau- vreté. La prise en compte de cette donne comme priorité dans la structure centrale de prise de décision économique et politique était la preuve d'un engagement décisif à réduire l'écart social et économique entre la Chine rurale et peu avancée et les métropoles chinoises qui connaissaient un développent rapide. 40 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Bien que ce ne soit pas le seul facteur déterminant, ce type de leadership a aidé le Gouvernement chinois à réaliser des taux de réduction de la pauvreté remarquables. En 1987, 67 % de la population vivaient avec moins de deux dollars par jour. En 2001, ce chiffre a été ramené à 47 %. Au cours de la même période, la pauvreté extrême (moins de un dollar par jour) a été pres- que réduite de moitié, de 29 % à 17 % (Banque mondiale 2005d). Des ressources publiques ont été mobilisées à tous les niveaux pour met- tre en oeuvre les stratégies élaborées par l'administration centrale. Non seu- lement des mini-LGPR ont été crées à l'échelon des provinces, des préfectu- res et des comtés à l'image du groupe LGPR institué au niveau central, mais également la plupart des ministères, des départements, et des organismes de l'État ont été impliqués dans les activités visant à réduire la pauvreté rurale et sont ainsi devenus partie intégrante l'effort national de lutte contre la pauvreté. Par exemple, le ministère de l'Éducation était chargé du contrôle des projets d'éducation primaire obligatoire et le ministère de la Santé de l'amélioration de la santé et de l'hygiène dans les régions pauvres. Les orga- nisations du parti et de l'État, les grandes entreprises publiques et les orga- nismes rattachés à État et bénéficiant de ses financements assumait conjoin- tement la responsabilité de la lutte contre la pauvreté dans les comtés pauvres qui leur ont été confiés. Comme en Malaisie (voir l'étude sur ce pays ci-après), l'utilisation d'une agence centrale puissante pour diriger les programmes de lutte contre la pauvreté a favorisé un contrôle fort au niveau central et un engagement politique continu des plus grands décideurs chinois. Le LGPR a été un ins- trument de coordination qui a permis de promouvoir la coopération entre les différents départements intervenant dans la lutte contre la pauvreté jusqu'à ce que les populations locales prennent la stratégie en main. Le Chili Les trois régimes qui ont régné au Chili depuis 1990 ont reflété non seule- ment la continuité politique (une opposition centre-gauche au régime précé- dent d'Augusto Pinochet) mais également un engagement, pris et respecté, de maintenir le combat contre la pauvreté au rang des premières priorités. Comme le confirme l'étude de cas, l'introduction d'une nouvelle stratégie de développement axée sur la recherche de la « croissance et de l'équité » a eu pour conséquence de réduire de moitié l'incidence de la pauvreté entre 1990 et 2000, la ramenant de 40 % à 20 % de la population. L'étude-pays illustrant le rôle du leadership ne doit cependant pas être considérée comme un récit d'autosatisfaction saluant la pratique de quelque vertu politique. Son message est plus nuancé. Les compromis que les partis politiques jugent nécessaires de faire pour maintenir leur pouvoir peuvent ralentir la lutte contre la pauvreté et limiter les résultats de programmes sociaux qui, autrement, sont de bons programmes. Plus précisément, les efforts déployés avec détermination pour réaliser la réforme de l'éducation OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 41 -- une stratégie clé de lutte contre la pauvreté visant à améliorer la qualité de l'éducation et l'équité dans ce secteur -- ont été freinés par le syndicat national des enseignants qui est pourtant un des partenaires de cette réforme. Bien que les dépenses dans le secteur de l'éducation aient augmenté au cours des années 90 à un taux annuel moyen de 10,6 % (supérieur au rythme des dépenses du secteur de la santé [9,4 %] et supérieur à l'augmen- tation des dépenses sociales en général qui est de 8 %), cet effort ne s'est pas traduit en des notes plus élevées en mathématiques et en de meilleures com- pétences linguistiques. Après une augmentation de 10 % dans les taux d'apprentissage pendant la période de 1990 à 1996, les taux ont stagné. Le même type de rendements décroissants se retrouvent à la fois dans l'effort de généralisation des services de santé au regard des intrants consentis et dans le ralentissement du rythme de la réduction de la pauvreté après 1996. Les agents de santé publique, les médecins employés dans les hôpitaux publics et les enseignants se sont comportés comme des forces conservatri- ces inamovibles qui sont parvenues à résister aux changements visant à améliorer la performance et la lutte contre la pauvreté. Il aura fallu trois gouvernements et 12 ans pour que les enseignants acceptent une évaluation externe de leur performance et soient d'accord sur des procédures très timi- des et lentes qui ont permis de licencier ceux dont la performance laissait à désirer. À l'analyse des rendements décroissants des dépenses sociales, nous apprenons que les adversaires de la réforme se retrouvaient dans les syndi- cats et avaient été des membres influents de la coalition centre-gauche qui a pris le pouvoir en 1990. À cette époque il était évident, du point de vue poli- tique, qu'il n'était pas sage au début du mandat d'un nouveau gouverne- ment démocratique de se mettre à dos ceux qui avaient lutté contre Pino- chet. Rétrospectivement, si les leaders à la tête de l'État avaient fait preuve de courage, on aurait pu accomplir des avancées significatives dans la réduc- tion de la pauvreté. Cela aurait probablement été bénéfique de faire face d'emblée aux intérêts corporatistes des enseignants et du personnel sani- taire. Le nombre de jours perdus à cause des grèves, sans compter le prix payé par le gouvernement au plan politique, auraient été rapidement com- pensés par d'immenses gains dans le domaine du bien-être social parce que des services sociaux plus flexibles, plus décentralisés, et adaptés à l'utilisa- teur auraient été mis en place. La Malaisie et la Corée Les études sur la Malaisie et la République de Corée montrent que la détermination constante des décideurs est un facteur essentiel dans la pour- suite du développement économique et d'une réduction correspondante de la pauvreté. Peut-être les facteurs principaux dans le cas de la Corée avaient-ils pris la forme d'un engagement des plus hautes autorités du pays 42 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE en faveur du développement économique et d'une forte perception que les politiques annoncées seraient effectivement mises en application. Les planificateurs de l'économie en Malaisie ont cité la stabilité politique comme étant un facteur non-économique utile à la croissance en faveur des pauvres. La même coalition politique a dirigé le pays de 1970 au 21e siècle, réduisant de ce fait les incertitudes normalement liées aux fréquents change- ments de régime propageant différentes idéologies. Le Premier ministre Mahathir bin Mohamad a régné sur le pays pendant plus de deux décennies à partir de 1981. Pendant ces deux décennies, le PIB de la Malaisie a triplé (de 30 milliards à 103 milliards de dollars), et l'équilibre du compte courant s'est amélioré passant d'un déficit de 3,5 milliards de dollars à un excédent de plus de 13 milliards de dollars (Banque mondiale 2005b). La Malaisie a ramené la proportion de la population vivant avec moins de 2 dollars par jour de 15 % à 9 % dans la décennie de 1987 à 1997 (Banque mondiale 2005d). Il ressort de l'expérience de la Malaisie qu'il faut avoir en place et de manière durable des gouvernements forts pour obtenir une croissance éco- nomique durable. La force vient du fait que les principaux groupes de la société sont représentés et il faut des dirigeants propres qui soient vérita- blement engagés et capables de servir la nation plutôt que de servir leurs propres intérêts. L'étude de cas sur la Malaisie montre qu'il faut disposer d'un cadre insti- tutionnel global permettant de gérer les composantes clés du développement national comme base de formulation de la politique économique. De même, la description montre clairement que l'Unité de planification économique (EPU) des services du premier ministre (un ministère à part entière) est l'organisme qui a joué le rôle de chef de file de la formulation et de l'évalua- tion de la politique nationale de développement. Toutefois, le ministère des Finances, est demeuré aux côtés de la principale agence responsable de l'exécution. L'EPU a produit deux plans-cadres industriels à long terme ainsi que six plans quinquennaux et un nombre égal d'examens à mi-parcours entre 1970 et 2000. Le processus de planification supervisé par l'EPU a placé le premier ministre au centre des interventions pour qu'il puisse surveiller les moyens d'action possibles. Ce pouvoir et cette responsabilité ont été confirmés plus avant quand de nouveaux organismes -- le Conseil national d'action d'éco- nomique accompagné d'un comité exécutif et d'un groupe de travail -- ont été créés en 1997 dans le contexte de la récession qui a frappé l'économie malaisienne. Le Premier ministre présidait le conseil de 24 membres et le comité exécutif de six membres qui ont rapidement préparé un plan natio- nal de reprise économique, base de l'effort déployé pour surmonter la crise. En Corée, pays qui a toujours eu beaucoup de programmes de développe- ment, l'importance de l'engagement politique à un niveau élevé réside dans la nécessité de convaincre le public que le gouvernement est fidèle à ses engagements. L'acceptation des actions du Président Park Chung Hee qui est arrivé au pouvoir en 1961 après un coup d'État, a été décisive. En plus du renforcement du processus de planification, le Président Park a mis OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 43 l'accent sur la réalisation effective des politiques annoncées. Leur exécution a été accomplie à travers une structure rigoureuse de récompenses et de sanctions, y compris la coercition et la discrétion administrative. Le changement notable observé dans les milieux d'affaires aura été un résultat positif qui découlait du fait que le régime avait inscrit le développe- ment économique au premier rang de ses priorités et exerçait un pouvoir résolument voué à cette cause. Comparativement au mandat du Président Syngman Rhee au cours duquel seulement un entrepreneur coréen sur cinq estimait que les décisions étaient toujours ou presque toujours mises en application, 78 % des entrepreneurs interrogés affirment qu'au cours de l'ère du Président Park, les décisions étaient toujours mises en application et qu'il était « impossible » d'éviter de s'exécuter. Une telle confiance a clairement aidé la Corée à partir d'une économie agricole à une économie industrielle, et à atteindre une croissance rapide sti- mulée par les exportations. C'est au cours du mandant du Président Park que le PIB par habitant de la Corée a augmenté de 1 133 à 3 323 dollars. Amélioration encore plus spectaculaire que celle des exportations qui se sont multipliées par 500 passant de 32 millions à 15 milliards de dollars par an, soit une augmentation de la contribution des exportations au PIB de 5 à 26 % (Banque mondiale 2005d). Jusqu'à son assassinat en l979, le Président Park a suivi les politiques de manière active et personnelle, assistant à des réunions économiques men- suelles accompagné de tous les membres de son gouvernement et les diri- geants de grands groupes économiques et financiers, sans compter les réu- nions trimestrielles de la conférence de promotion du commerce et la réunion annuelle qu'il avait avec les hauts fonctionnaires des différents ministères. À travers ses commentaires, ses propositions de solutions aux problèmes, et ses ordonnances dans les deux dernières catégories de rencon- tres, le président apportait de précieuses explications sur l'orientation des politiques et sur sa participation sans équivoque à la gestion économique. La Pologne et la Russie Ces deux pays ont dû survivre à l'effondrement de régimes totalitaires, mais la Pologne a géré sa stratégie de transition plus rapidement et de manière plus constante, réalisant une croissance et une réduction plus fortes de la pauvreté. Il faut dire que la candidature de la Pologne à l'Union européenne (EU) a agi comme un catalyseur externe positif et a aidé à promouvoir le type de leadership nécessaire à une quête plus rapide de la stabilité macroé- conomique, la croissance et la réduction de la pauvreté. On note, preuves à l'appui, que les pays qui ont entrepris des réformes de façon rapide, tel que la Pologne, ont connu une baisse plus faible comparés aux pays ayant mis en application une réforme progressive, tel que la Russie. Il est possible d'affirmer que le rythme des politiques de réforme et la conviction avec laquelle elles ont été appliquées dans les deux pays reflé- 44 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE taient, dans une certaine mesure, la cohésion et la force du leadership politi- que, ou son absence. Au moins pendant les quatre premières années après la chute du communisme, le mouvement Solidarité et son leader Lech Walesa ont gardé le pouvoir avec une majorité forte et démocratiquement élue. En Russie, Boris Yeltsin a régné pendant deux années sans mandat électoral et, quoique son programme économique de réforme ait gagné une légitimité retentissante au terme du référendum du mois d'avril 1993, son autorité a été réduite cet automne-là pendant une confrontation violente avec les membres du parlement et, au début de l'année suivante, avec la guerre civile en Tchétchénie. Dans plusieurs pays de l'Europe de l'Est et du Centre, les premiers acquis de la stabilisation économique ont aidé à renforcer la position des partisans de réformes économiques et politiques supplémentaires. Les dirigeants de la Russie n'ont pas été en mesure d'obtenir de tels résultats préliminaires, un échec qui, selon toute vraisemblance, a conduit à une performance très iné- gale dans le combat contre la pauvreté tout au long des années 90. Innovation et adaptation adéquates De nombreuses études-pays présentent des exemples de profondes innova- tions politiques et institutionnelles. La Pologne et la Russie ont tous les deux essayé d'instaurer un changement radical en passant d'une économie planifiée à une économie de marché, un processus que la Chine a accompli non seulement à travers des réformes mais par l'innovation continue dans l'exécution des programmes de lutte contre la pauvreté et les institutions qui gèrent de tels programmes. La présente section traite de l'adaptation aux conditions nouvelles, voire aux échecs, qui s'inspire de la pratique avant tout. Ici, nous nous penchons sur les études de cas du Costa Rica et d'El Salvador, où les besoins insatis- faits dans les secteurs de la santé et de l'éducation ont poussé à la reformu- lation des politiques ; du Chili, où les stratégies de lutte contre la pauvreté sont passés du soutien des revenus aux efforts visant à atteindre les popula- tions les plus vulnérables ; de l'Indonésie, où les réformateurs ont saisi l'opportunité des crises pour changer les orientations économiques et politiques ; et de la Tunisie, où la libéralisation des échanges et, en particu- lier, un accord avec l'Union européenne ont poussé à aider les microentre- prises. L'innovation sur laquelle cette section porte concerne les institutions de l'État et les réponses qu'elles ont apportées aux défis rencontrés. Le Costa Rica et le Salvador Au début des années 90 ces deux pays de l'Amérique centrale, différents à bien des égards, on fait face à des défis analogues relatifs à la lutte contre la pauvreté : comment rendre efficaces les services de santé au Costa Rica et OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 45 comment améliorer les résultats dans le secteur de l'éducation à El Salvador. Les pays ont choisi des chemins parallèles : décentraliser la responsabilité et l'obligation de rendre des comptes dans le domaine de la prestation des ser- vices pour l'un, et renforcer les responsabilités en matière de politique et de réglementation du secteur public pour l'autre. Dans les deux cas, l'innovation essentielle au niveau des politiques s'est traduite par un comportement nouveau qui consistait à s'appuyer sur des ressources et des énergies d'origine privée dans des domaines sur lesquels l'État avait longtemps gardé la mainmise. Ce changement était peut-être plus remarquable au Costa Rica où l'État avait joué un rôle central dans le financement et la fourniture des services de santé publique. En dépit des dépenses du PIB qui étaient parmi les plus élevées en Amérique latine et aux Caraïbes, et malgré les résultats impressionnants dans l'augmentation de l'espérance de vie et la réduction de la mortalité infantile, le système de santé publique du Costa Rica faisait face à de graves défis. Les coûts grim- paient plus rapidement que le financement. Les patients attendaient de lon- gues périodes pour faire des examens de laboratoire, rencontrer des spécia- listes, et subir une intervention chirurgicale. Les médecins négligeaient leurs fonctions dans les hôpitaux publics en faveur de leurs cabinets privés, et n'étaient pas sanctionnés pour leurs actions. Les hôpitaux étaient en faillite, les équipements étaient désuets, et le moral et la productivité du personnel étaient bas. Ayant pris conscience du problème et de ses origines qui relevaient d'un- système de santé dominée par les dépenses publiques (soit 80 % des dépen- ses totales, comparé à la moyenne régionale de l'Amérique latine et des Caraïbes qui est de 43 %), le Gouvernement du Costa Rica a entrepris une réforme systémique au début des années 90. Sujet d'un intense débat avant son adoption, la réforme a constitué une innovation significative en termes d'ouverture aux prestataires privés de services de santé. Hormis les princi- paux changements organisationnels qui ont éliminé l'inefficace double emploi qui avait cours dans le secteur public, les réformes ont permis d'éta- blir de nouvelles incitations financières sous la forme de contrats de perfor- mance pour les hôpitaux et de créer des coopératives privées de santé dotées de la responsabilité de fournir des services intégrés dans des zones métropolitaines spécifiques. En accordant plus de responsabilités aux acteurs locaux et privés et en les tenant comptable de leurs actions tout en renforçant les responsabilités du secteur privé en matière de politique et de réglementation, le Costa Rica a continué d'améliorer ses résultats dans le secteur de la santé. De 1990 à 2002, l'espérance de vie globale a augmenté de 77 à 79 ans, et la mortalité infantile a diminué de 15 à neuf décès pour 1 000 naissances vivantes. Le Costa Rica a également réduit les dépenses du secteur de la santé publique la ramenant de 6,7 % du PIB en 1990 à environ 5,3 % en 1999. Les frais de santé sont demeurés constants, de même que le nombre de médecins et de lits d'hôpital pour 1 000 personnes. Par ailleurs, les réformes ont assuré une telle prestation équitable des services que le plus bas décile de revenu a reçu 46 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE 19,7 fois davantage de services de santé qu'il n'y avait droit en vertu de sa quote-part de contributions. À El Salvador à la fin des années 80, une douzaine d'années de guerre civile avait tant affaibli le système éducatif -- comme la plupart des services sociaux du pays -- que seuls quatre sur cinq enfants en âge d'aller à l'école primaire (même moins dans les zones rurales) étaient inscrits. En outre, plus d'un quart de la population était illettré. Étant donné le caractère très bureaucratique et inefficace du système, il permettait à peine aux parents et aux enseignants de participer à son administration. Même avant les accords de paix de janvier 1992, les autorités salvadoriennes cherchaient les moyens de réviser le système et de renforcer sa performance. La réforme qui a suivi leurs efforts constituait une innovation sociale importante qui s'est traduite par la mobilisation de ressources privées pour remettre sur pied et gérer les systèmes éducatifs primaire et secondaire. Une campagne organisée par le ministère de l'Éducation a permis d'encourager les écoles à rechercher et à accepter l'appui des populations locales, du sec- teur privé, des organisations non gouvernementales (ONG), et des agences ou des fondations privées. Le premier syndicat des enseignants du pays s'est au départ opposé à la décentralisation qu'il considérait comme une action visant à privatiser l'éducation et a organisé des grèves et des arrêts de travail pour protester contre le programme et ses dispositions qui accordaient aux populations locales, plutôt qu'au ministère très enclin au népotisme, le pou- voir de recruter des enseignants et de fixer leurs salaires8. L'un des résultats obtenus a été l'augmentation considérable des inscrip- tions, avec un taux net d'inscription au primaire accru de 73 à 90 % (1990­ 2002). Cette augmentation a été plus notable dans les zones rurales, indi- quant des dépenses d'éducation en faveur des pauvres. En outre, les élèves restent plus longtemps dans le cycle scolaire. Le taux d'achèvement de l'école primaire a augmenté de 62 à 86 % au cours de la même période. À l'arrière plan des réformes qui ont permis de transférer les ressources et le pouvoir de décision aux écoles et d'habiliter les populations locales, se trou- vaient un leadership efficace du gouvernement, une grande participation des parties prenantes dans la prestation des services et un soutien ferme du sec- teur privé. La prise en compte de ce dernier élément aura été une innovation qui fait des efforts de réduction de la pauvreté entrepris par El Salvador un travail remarquable. Le Chili Comme à El Salvador, au Chili également, les efforts allant dans le sens de la réforme du système éducatif et de santé publique se sont heurtés à l'oppo- sition des syndicats, ce qui a retardé les effets bénéfiques escomptés du changement envisagé. Toutefois, l'innovation la plus vaste et la plus efficace opérée dans la stratégie de lutte contre la pauvreté, découle de la constata- tion suivante : même s'il est vrai qu'une croissance économique robuste OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 47 constitue une fondation solide, elle doit être renforcée par des politiques sociales agressives conçues pour améliorer le sort des pauvres. Le Chili s'étant engagé en faveur de la stabilité budgétaire, la décision d'augmenter les dépenses au bénéfice de la santé publique, des logements sociaux, et de l'éducation faisait appel à une augmentation des impôts (soit 3 % du PIB après 1990) qui avaient été réduits de façon draconienne sous le régime de Pinochet. Une innovation plus récente introduite dans la mise en oeuvre de la straté- gie de réduction de la pauvreté aura été le passage à l'échelle des expériences des années 90 pour se concentrer plus particulièrement sur les 220 000 familles les plus démunies en les considérant comme des unités individuelles et non comme des résidents d'une zone particulière ou des clients d'un ou de plusieurs prestataires de services sociaux. En lieu et place d'une approche plus classique qui consiste à inclure la population pauvre dans des programmes uniformes, nationaux ou locaux, le programme Soli- dario du Chili a commencé en 2002 à impliquer le chef de famille dans un processus d'engagement mutuel avec les agences publiques afin d'identifier conjointement les sources de vulnérabilité et les risques pour la famille et de concevoir une action intégrée et coordonnée couvrant les principales insuffi- sances telles que le revenu minimum, l'accès aux services sociaux de base, à l'éducation et à la formation, et la démarginalisation des adultes. Cette approche participative doit encore donner les preuves de son effica- cité. Les premières évaluations ont montré qu'elle a un effet de motivation très fort chez les femmes qui y participent mais font aussi ressortir une ten- dance à créer une relation de paternalisme et de clientélisme ainsi qu'à pro- duire des résultats insatisfaisants en termes de démarginalisation des familles et de motivation à leur apporter pour les amener à établir des liens avec les organisations de proximité. Le programme n'a été exécuté que sur très peu de temps pour que l'on puisse juger s'il a permis de faire passer les personnes démunies de la situation de dépendance à l'autosuffisance. Il est vrai que ce programme est innovateur et prend en compte les variables per- tinentes, mais il devra probablement être suivi de près et bénéficier d'ajuste- ments et d'améliorations opportuns. L'Indonésie Au regard de l'historique des politiques de lutte contre la pauvreté de l'Indonésie, on peut affirmer à juste titre que la crise a été à l'origine de plu- sieurs inventions. Pendant les deux crises -- une crise politique en 1966/ 1967 et presqu'une crise financière en 1997 -- les technocrates ont été investis du pouvoir de concevoir une politique de relance du pays et de son économie. Les approches novatrices adoptées dans la recherche de la stabi- lité macroéconomique, notamment à travers des dépréciations régulières et rapides pour ajuster la capacité d'absorption et rétablir la compétitivité, ainsi que l'adéquation créée entre l'éducation en zone rurale et l'adoption de 48 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE la technologie de la Révolution verte, ont porté leurs fruits même lorsque les technocrates ont perdu leur influence sur l'élaboration des politiques. Il est certes risqué d'utiliser la période où l'économie est au plus mal comme une opportunité pour mettre en oeuvre de bonnes politiques, mais cela peut augmenter les chances du pays d'avancer. Par ailleurs, recourir à des approches pragmatiques sur des questions pressantes -- telles que la sécurité alimentaire dans les années 70 -- peut être préférable à des appro- ches politiques plus idéologiques. On pourrait dire qu'en Indonésie, la ten- dance à l'improvisation qui est une forme d'expression de l'aversion contre le diktat idéologique, a donné naissance à des innovations dont la microfi- nance en milieu rural fournit un remarquable exemple de succès. Les filiales de la Bank Rakyat Indonesia (BRI) appelées Unit Desa (ou banques villageoises) reposent sur un système de subventions aux rizicul- teurs et détenaient un portefeuille de 2,7 millions de prêts en 2002. Elles servaient 16 millions d'épargnants ; affichaient constamment un taux de remboursement de 95 % et enregistraient des bénéfices même durant les années de crise et se sont avérées très profitables pour le développement rural. La croissance du système est à mettre au compte d'une erreur de politique et de la décision prise de rectifier le tir. Lorsqu'il a fallu mettre un terme au programme initial de subvention agricole en 1983 en raison de pertes lour- des, la BRI a elle aussi été forcée d'améliorer ses activités bancaires au niveau des sous-districts. Sur le plan administratif, chaque Unit Desa a été transformé en un centre de profits doté d'un personnel jouissant du même statut que tous les agents de la BRI. La BRI a également introduit un nou- veau prêt bancaire à l'intention des emprunteurs à faible revenu et a mis trois types d'instruments d'épargne à l'essai, chacun d'eux étant assorti d'un taux d'intérêt réel positif. Quatre-vingt-dix pour cent des succursales ont enregistré des profits dès 1996 alors qu'aucune n'en avait enregistré en 1983. Au cours de la même période, l'épargne mobilisée à la faveur de ces changements a augmenté de 18 millions à 3 milliards de dollars ; le nombre de prêts en cours a augmenté de 641 000 à 2 488 000 ; la valeur des prêts en cours est passée de 103 millions à 1,7 milliards de dollars ; et la somme des arriérés exprimée en pourcentage de l'encours des prêts a diminué, pas- sant de 33,3 à 3,6 % (Banque mondiale 2004). À un niveau plus élevé qui a trait aux moyens d'action, la déréglementa- tion des taux d'intérêt a donné à la BRI une nouvelle marge de sécurité. Au niveau de l'exécution, la décision de traiter les agriculteurs pauvres comme des clients à qui on accordait de l'importance a transformé l'innovation en une véritable institution. Le cas de la BRI, établie sur les ruines d'un régime non viable de prêts subventionnés est une preuve supplémentaire de l'inven- tivité remarquable dont les autorités indonésiennes ont fait montre. Au lieu d'abandonner les 3 000 succursales de la BRI au début des années 80, les autorités ont perçu la valeur de ce réseau et l'ont mis à contribution pour atteindre un meilleur objectif, permettant ainsi aux pauvres du monde rural d'avoir accès à des financements durables. OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 49 La Tunisie Depuis 1981, la Tunisie compte, dans le contexte de ses nombreuses initiati- ves de lutte contre la pauvreté, un programme de crédit de petite taille (22 000 projets) à l'intention des petites entreprises, en particulier dans le domaine de l'artisanat. En 1997 elle a élargi le concept de financement de petits projets appuyés par le gouvernement en créant une banque dont le but était d'atteindre les emprunteurs qui n'avaient pas la garantie requise pour prétendre à des prêts aux conditions du marché. Deux ans plus tard, elle a lancé un programme de microcrédit finançant de petits projets de développement à travers l'intermédiation d'ONG. Tous ces programmes visent directement ou indirectement la création d'emplois et sont considérés comme des expériences positives à un certain degré. Une approche différente et innovatrice en rapport avec la création de petites entreprises -- 94 % des 87 000 sociétés officiellement enregistrées en Tunisie emploient moins de 250 personnes -- a commencé à être appliquée dans les années 90 sous la forme « d'ajustement microstructurel » visant à permettre aux participants de se mesurer aux entreprises de l'Union euro- péenne. Cet effort de renforcement des capacités, soutenu par l'Union euro- péenne et la Banque mondiale, a bénéficié à plus de la moitié des 2 000 sociétés considérées admissibles aux crédits d'investissement. Cette innovation constitue un exemple qui illustre bien comment tirer parti d'une expérience antérieure pour faire reculer la pauvreté au moyen de la croissance économique, principal fondement de l'approche adoptée depuis de nombreuses décennies par la Tunisie pour lutter contre la pau- vreté. Mais cette innovation reflète aussi la situation d'un programme de mise en oeuvre qui s'adapte à un changement de politique ; en l'occurrence, la stratégie de libéralisation progressive des échanges adoptée par la Tunisie dans les années 90. Dans ce contexte, la conclusion au milieu de l'année 1995 d'un accord de libre échange avec l'Union européenne a modifié l'environnement de con- currence pour les sociétés tunisiennes. Après la signature de cet accord, les échanges entre la Tunisie et l'Union européenne ont augmenté considérable- ment. De 1994 à 2002, les importations en provenance de l'Union euro- péenne ont enregistré un gain de plus de 40 % et les exportations vers l'Union européenne se sont accrues de plus de 70 %9. Le programme d'ajus- tement microstructurel est une réponse à ce changement qui a servi de cata- lyseur. Les efforts déployés par la Tunisie pour s'adapter à l'intensification des échanges avec l'Union européenne est juste un exemple de promotion de la transformation économique stimulée par la libéralisation des échanges mais aussi une illustration de la réorientation de la stratégie de lutte contre la pauvreté10. 50 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Suivre les différentes étapes : le processus de suivi et d'évaluation L'information et l'analyse exactes ne constituent pas une garantie pour une action corrective opportune. Cependant, sans une évaluation rigoureuse de l'impact de divers programmes -- les subventions agricoles en Indonésie, les subventions à la consommation en Tunisie, la dépendance par rapport aux collectivités locales en mal de financements au Chili -- les responsables nationaux et leurs partenaires internationaux ne peuvent pas savoir quelle approche gagnerait à être améliorée, abandonnée ou reproduite à grande échelle pour continuer la lutte contre la pauvreté. Le Chili, comme il a été indiqué précédemment, a non seulement changé sa stratégie de lutte contre la pauvreté quand les données ont montré que les progrès étaient inadéquats, mais a également affecté des responsables à l'accompagnement et au suivi de chaque famille vivant dans la pauvreté absolue et participant au programme Solidario, lequel a été conçu pour aider à pallier les insuffisances antérieures. Par ailleurs, en utilisant une variété d'outils basés exclusivement sur la performance, le Chili a ouvert la voie à un modèle de suivi et d'évaluation systématiques des programmes du gouvernement au niveau national, qui fait école en Amérique latine, voire dans les pays développés. Entre autres, les indicateurs sont l'efficience, l'effi- cacité, et la qualité. Tous les indicateurs font l'objet de compte rendu soumis au Congrès chilien, et sont intégrés dans le processus de prise de décision, de conception et de gestion des programmes. La Chine offre un autre exemple de situation où il a fallu rectifier le tir notamment en matière de suivi et d'évaluation. Comme indiqué précédem- ment, au début du 21e siècle, la Chine a réduit la portée de sa stratégie de lutte contre la pauvreté -- le Plan 8-7 lancé en 1994 -- la ramenant à l'échelle des villages plutôt que des comtés. La décision est venue en partie des résultats tirés des études entreprises sur la pauvreté en milieu rural dans les 592 comtés considéré comme étant pauvres, où le suivi s'est amélioré après une conférence de haut niveau qui s'est tenue en septembre 1996 pour évaluer la performance du Plan 8-7. Parmi les facteurs principaux, l'accent mis sur l'apprentissage et l'expéri- mentation est très prédominant dans le cas de la Chine. La réduction de la pauvreté est un processus permanent d'études et d'explorations. Au cours du quart de siècle passé, et dans le cadre précis du Plan 8-7, les méthodes de gestion de la réduction de la pauvreté appliquées par la Chine ont été exa- minées et améliorées par le biais d'expérimentations dont l'objectif était d'en augmenter l'efficacité. Il a été possible de tirer des leçons de l'expé- rience à travers le système administratif, les analyses entreprises, la collecte d'informations en retour auprès des agences gouvernementales impliquées dans les programmes de réduction de la pauvreté aux niveaux central et local, et les leçons apprises. Pour favoriser le partage et la diffusion du savoir, les agences impliquées dans la réduction de la pauvreté organisent OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 51 des ateliers annuels pour tirer des leçons des activités en cours sur la réduc- tion de la pauvreté et pour tirer parti de l'expertise extérieure. De hauts fonctionnaires de l'État participent à des ateliers organisés régulièrement sur les politiques, discutent des questions de mise en oeuvre et analysent les implications des leçons apprises pour les actions à mener. Le processus d'évaluation continue autrement appelé processus d'Hellei- ner, du nom de son principal défenseur, le professeur Gerry Helleiner de l'Université de Toronto, a permis à toutes les parties de s'exprimer avec franchise et de s'auto-examiner. Ce processus qui a produit ses propres rap- ports en 1997, 1999, et 2000, a conduit à la création en 2002 d'une institu- tion conjointe, le groupe indépendant de suivi (IMG). Constitué de six membres indépendants -- dont trois européens, deux tanzaniens, et un haut responsable ougandais -- le groupe a institutionnalisé l'évaluation périodi- que de la performance de gouvernements et de bailleurs de fonds, faisant désormais partie intégrante d'un cadre de responsabilité. Comme exemple de résultat de cet exercice de suivi en collaboration, on peut citer l'augmentation du flux de l'aide qui, selon l'étude de cas, a permis d'améliorer les prestations de services publics, de réintroduire l'éducation primaire universelle, de supprimer les frais de scolarité, d'augmenter la dis- ponibilité de médicaments et de fournitures médicales dans les formations sanitaires de base, d'étendre et de remettre en état le réseau routier. L'aug- mentation de l'aide a également été bénéfique pour la réforme du secteur bancaire et la libéralisation des échanges. En conclusion, l'étude de cas indi- que que « le processus d'Helleiner a aidé à établir la confiance entre l'État et les bailleurs de fonds et a encouragé la transparence de part et d'autre ». « Plus important encore, il a inauguré l'approche du partenariat pour le développement ». Le groupe indépendant de suivi de la Tanzanie constitue une autre varia- tion d'une pratique plutôt courante : mesurer les résultats positifs (ou néga- tifs) des stratégies de lutte contre la pauvreté pour guider les décideurs dans les prochaines mesures à prendre. Bien que d'autres pays tendent à considé- rer la collecte et l'analyse des données comme étant des responsabilités à caractère national, les décideurs tanzaniens estiment que l'absence d'une méthodologie normalisée ou d'un examen minutieux indépendant peut con- trecarrer l'utilité du travail de suivi. À l'opposé, le suivi et l'évaluation des résultats des exportations, pour ne citer que cela, étaient des fonctions assumées au plus haut niveau sous le régime du Président Park en Corée. À peine une année après que le Président Park ait prit le pouvoir, le ministère du Commerce et de l'industrie avait commencé à fixer des objectifs d'exportation répartis en fonction des pro- duits et des destinations. Les exportateurs qui atteignaient leurs objectifs avaient facilement accès aux crédits et autres incitations ; les exportateurs qui échouaient pouvaient rapidement subir des sanctions économiques ou d'autres types de pénalités. Le président présidait en personne une réunion mensuelle des exportateurs pendant laquelle les objectifs d'exportation étaient discutés et les obstacles à leur atteinte étaient levés. 52 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE En Malaisie, le suivi des politiques et des plans de développement était considéré comme étant essentiel à la production d'un ensemble important d'intrants nécessaires à la fonction de coordination qui faisait appel à divers ministères et responsables nationaux et locaux afin d'exécuter les stratégies de développement national élaborées sous la direction du premier ministre. Il n'est donc pas surprenant, qu'une agence rattachée aux services du pre- mier ministre -- la Cellule de coordination de l'exécution -- s'occupe de la gestion du travail de suivi à plusieurs niveaux. Cette cellule était bien con- nue pour avoir lancé un système ou une technique de suivi des projets de développement appelé le Manuel de développement de l'économie rurale (DER). Le système permettait d'assurer le suivi hebdomadaire et mensuel des progrès accomplis dans la réalisation de chaque projet physique (par exemple, une école ou un hôpital) et dans l'utilisation du budget alloué à cette fin au regard des progrès qui auraient dû être accomplis au cours de la même période. Catalyseurs externes Un certain nombre d'études-pays illustrent le rôle productif que joue l'aide internationale à travers l'appui qu'elle permet d'apporter aux pays dans la réforme de la politique économique globale lorsque l'intervention apportée vient soutenir des réformes entreprises à l'initiative du pays et promouvoir l'appropriation de celles-ci à l'échelon national. En Tunisie, un prêt de la Banque mondiale a permis de soutenir un pro- gramme qui comportait un élément résolument novateur basé sur un mécanisme d'auto-sélection dont le but était d'améliorer le ciblage des sub- ventions alimentaires destinées aux pauvres. La réforme a permis de réduire le coût des subventions et a modifié le programme, le faisant passer du sta- tut d'un programme qui favorisait le transfert de bénéfices absolus au profit des riches à celui d'un programme principalement favorable aux pauvres. Les relations entre les bailleurs de fonds internationaux et les décideurs nationaux, ne sont toutefois pas toujours une collaboration sans heurts. Après que sa monnaie et son économie aient failli s'effondrer, l'Indonésie a fait appel au programme d'appui du FMI au début du mois d'octobre 1997 pour la première fois depuis 1973. Le pays s'est initialement accommodé d'un léger resserrement de sa politique budgétaire et monétaire sans toute- fois respecter les conditions concernant la fermeture d'un certain nombre de banques insolvables. Un calendrier d'exécution plus précis de fermeture de ces banques convenu en janvier 1998 n'a pas permis de rétablir la crédibilité du système ; et un autre accord avec le FMI en avril 1998, envisageant l'abolition progressive des subventions pétrolières a eu un effet inverse. Après trois jours de protestations violentes ayant suivi l'annonce de procé- der immédiatement à de fortes augmentations du prix du carburant et du transport en autobus, le Président Suharto a été forcé de démissionner du poste qu'il occupait depuis presque 20 ans. OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 53 Au terme d'une transition politique lente et incertaine, l'Indonésie est devenue à la fin de 2003 le dernier pays affecté par la crise asiatique à sortir du programme du FMI et, grâce à des politiques largement modifiées, le pays a retrouvé une partie de la croissance qui avait contribué de manière décisive à réduire la pauvreté au cours des décennies antérieures. Lorsqu'un pays en développement accepte la nécessité de procéder à des réformes et l'éventualité d'introduire des changements dans ses politiques pour aider à lutter contre la pauvreté, les relations qu'il entretient avec les bailleurs de fonds peuvent être fortement productives. En Ouganda, comme indiqué précédemment, l'action du FMI et de la Banque mondiale visant à suspendre l'aide en 1992 a permis de rompre avec des habitudes d'indéci- sion au plus haut niveau en ce qui concerne les réformes, un comportement caractéristique du régime du Président Museveni depuis son arrivée au pou- voir. Ce moment déterminant aura eu entre autres conséquences d'amener l'Ouganda à devenir le premier pays à être admissible à la réduction de la dette au titre de l'initiative PPTE, un résultat qui a favorisé l'augmentation de l'aide étrangère dans les secteurs tels que la construction de routes, l'édu- cation primaire, et la lutte contre le VIH/SIDA. La collaboration dans le cadre de la réduction de la pauvreté est allée au- delà des investissements dans l'infrastructure et les services sociaux pour couvrir un engagement pluriel à l'égard des réformes et des réformateurs. Les bailleurs de fonds, en particulier la Banque mondiale et le FMI ont favo- risé la mise en place d'une élite bureaucratique acquise à la cause des réformes. Ces institutions ont aidé à créer des entités à financement spécial au sein des principaux ministères, à mettre sur pied un centre de recherche et à établir un programme de maîtrise à l'université de Makerere, sans compter la formation de fonctionnaires. Les programmes d'assistance tech- nique de la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds ont permis de renforcer la capacité et l'expertise dans les institutions assurant la gestion de la réforme économique. En Tanzanie, le dialogue direct avec des partenaires de développement a été un catalyseur important pour le processus de réforme économique dans la mesure où il a enrichi les premières discussions sur les questions économi- ques et contribué indirectement à l'élaboration de programmes entrepris à l'initiative du pays. Ce dialogue a également favorisé une plus grande prise en main du processus par le gouvernement et contribué à faire passer les relations entre le gouvernement et les bailleurs de fonds de l'étape d'un rap- port de confrontation à celle d'un partenariat. Il a en outre suscité la néces- sité de se concentrer sur l'efficacité de l'aide et de réexaminer et d'améliorer les mécanismes de mise à disposition de l'aide. Vers la fin des années 70, pendant le long règne du Président Julius Nye- rere, le FMI a suspendu son programme d'appui, provoquant non seule- ment la baisse des contributions accordées par d'autres bailleurs de fonds mais également une discussion interne sur la nécessité d'entreprendre des réformes économiques. Lorsque le successeur de Nyerere, bien qu'étant un fervent défenseur de la libéralisation au cours de son premier mandat, n'a 54 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE pas pu ensuite limiter les exonérations massives d'impôt ni le flux de crédits consentis à des entreprises publiques, la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds ont suspendu leurs décaissements au titre d'ajustement. L'impasse n'a été rompue que grâce à un accord conclu entre le Danemark et la Tanzanie en 1994 pour évaluer (en fait assurer la médiation) les rela- tions entre le pays et les bailleurs de fonds. Le processus qui s'est focalisé sur l'efficacité de l'aide, la crédibilité du gouvernement, et l'appropriation par le gouvernement du programme de réforme, a joué un rôle de catalyseur en aidant les Tanzaniens à se rendre compte que la réforme ne se déroulait pas comme prévu et à mettre en place un cadre de coopération plus équili- bré entre le gouvernement et les bailleurs de fonds. En Chine, la contribution des organisations internationales s'est faite en termes de partage du savoir et de mise à disposition de financements impor- tants pour la réduction de la pauvreté. Au total, les organismes internatio- naux de développement, les institutions financières internationales, les agen- ces bilatérales et les ONG internationales ont mobilisé environ 10 milliards de yuan renminbi au cours de la période de 1994 à 2000 pendant laquelle le Plan national 8-7 a été exécuté. Plus important encore, les activités de lutte contre la pauvreté conduites en Chine par ces organisations ont influencé la perception de la pauvreté par le gouvernement et contribué à améliorer la compréhension des approches de la lutte contre la pauvreté. L'introduction des pratiques participatives de lutte contre la pauvreté et de la planification intégrée de la lutte contre la pauvreté en Chine peut être attribuée en partie à l'appui des organisations internationales (voir le chapitre 3 de ce volume pour davantage de détails). Les leçons de l'expérience Au début de ce chapitre, l'accent a été mis sur les différences entre les études de cas, les pays et les approches par rapport au défi d'élargir l'étendue et d'intensifier l'impact des stratégies efficaces de lutte contre la pauvreté. Le fait qu'aucune formule ne soit transposée d'un pays à un autre pourrait sug- gérer qu'à travers ces pages l'ouvrage ne propose aucune connaissance utile et pratique. Une telle conclusion serait toutefois erronée. Chaque étude rapporte le récit de décideurs qui tentent de s'adapter à des situations de succès, d'échec ou de succès partiel. Toutes rendent compte de changements majeurs ou mineurs intervenus dans les plans initiaux. Cha- cune à sa manière tire des leçons à étudier et à peut-être mettre à l'essai sous différentes formes dans une autre région, une autre culture ou un environne- ment économique différent. Les messages n'indiquent pas une voie unique à suivre mais mettent plutôt en évidence les effets positifs de l'innovation, des leçons à tirer de l'expérience et de l'exemple des autres. OBSERVATIONS À L'ÉCHELON NATIONAL 55 Notes 1. Les cas suivants sont analysés dans le présent chapitre : A. Foxley, succès et échecs de l'éradication de la pauvreté : Le cas du Chili ; W. Sangui, L. Zhou, et R. Yanshun, le Plan national 8-7 -- le programme national de réduction de la pauvreté en Chine -- la stratégie nationale et son impact ; J. Marquez, le Costa Rica et El Salvador : Trouver le rôle approprié pour les secteurs publics et privés dans la réduc- tion de la pauvreté ; L'Inde : Démocratie locale et démarginalisation des défavorisés -- une analyse de la décentralisation démocratique ; B. Hofman, E. Rodrick- Rodrick-Jones, et K. W. Thee, Indonésie : Croissance Rapide, institutions faibles ; République de Corée : Quatre décennies de croissance équitable ; Unité De Planifica- tion Économique, Le Département Du Premier Ministre, La Malaisie : 30 ans de réduction de la pauvreté, de croissance et d'harmonie raciale ; M. Dabrowski, O. Rohozynsky, et I. Sinitsina, La Pologne et la Fédération de Russie -- étude compara- tive de la croissance et de la pauvreté ; A. Muganda, Réformes économiques de la Tanzanie et leçons apprises ; S. Ghali et P. Mohnen, Le chemin de la Tunisie vers le développement : 1961-2001 ; L'Ouganda : Du conflit à la croissance soutenue et aux réductions profondes de la pauvreté. Sauf indication contraire, les statistiques et les parties citées dans le présent chapitre sont extraites des études-pays pertinentes. 2. Ces observations ne signifient pas nécessairement que l'un ou l'autre pays ait réalisé une intégration sociale parfaite parce qu'il existe toujours des groupes margi- nalisés dans ces deux pays. 3. Puisque les chiffres relatifs à la pauvreté changent en fonction des cycles éco- nomiques, les décideurs doivent distinguer la pauvreté extrême de la pauvreté cycli- que, et utiliser les instruments de finances publiques à leur disposition pour protéger les pauvres de manière à faire face à ces cycles, notamment dans les périodes difficiles. 4. Par ailleurs, la période des inégalités grandissantes en Chine coïncide avec une période marquée par une ouverture plus grande et par la promotion de l'investisse- ment direct étranger. 5. Ces observations sont également étayées par des études empiriques. L'effica- cité (facteurs de production rémunérés selon leur productivité) et l'équité (revenu et capital humain répartis de manière égale entre tous les segments de la population) sont souvent sujettes à des compromis. Voir, par exemple, Schwartz et Ter-Minas- sian (2000) pour un examen de la littérature. D'une part, les riches ayant un taux d'épargne plus élevé que les pauvres, l'augmentation des inégalités peut se traduire par une croissance plus rapide due à l'augmentation de l'épargne globale qui en résulte. D'autre part, trois arguments en faveur de la réduction des inégalités sont proposés : 1) les inégalités causées par des revenus élevés provoquent l'instabilité politique qui freine la croissance (Barro 1991) ; 2) les effets positifs de la santé et de l'éducation sont susceptibles de créer un effet d'incitation permettant d'améliorer la productivité du travail et de l'épargne, et par conséquent la croissance ; et 3) une plus grande équité accentue la croissance en favorisant l'accumulation des facteurs de production. 6. Le FMI et la Banque mondiale ont cessé de fournir leur appui à la balance des paiements. 7. En tant qu'homme politique national, il a certes recherché l'expertise étran- gère mais il a su entreprendre la réforme de la fonction publique de manière à garder et à attirer un personnel local compétent. 56 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE 8. Voir la section sur l'éducation au chapitre 4 pour une analyse du programme EDUCO à El Salvador. 9. Données issues de UN Comtrade, la base de données de l'ONU donnant accès aux statistiques sur le commerce par produit, disponibles auprès de la Division sta- tistique des Nations Unies et accessibles en ligne à l'adresse http://unstats.un.org/ unsd/comtrade 10. De même, en Corée la décision du régime du Président Park de donner la prio- rité aux exportations comme fondement de la croissance a nécessité la promotion d'une main-d'oeuvre instruite et techniquement préparée. Cela a incité à investir dans l'éducation, favorisant du même coup une réduction conséquente de la pau- vreté. Pour les Chiliens, bien qu'un régime plus ouvert aux échanges a favorisé une croissance économique forte et permis d'entreprendre de vastes programmes sociaux, la croissance à elle seule n'a pas bénéficié à « ceux qui se trouvaient en marge » du marché du travail, les chômeurs, et ceux dont les emplois étaient seule- ment temporaires et mal rémunérés. La réponse des autorités a consisté à soutenir la croissance impulsée par les échanges commerciaux au moyen de programmes sociaux novateurs de vulgarisation. Bibliographie Appleton, Simon. 2001. « Poverty in Uganda, 1999/2000: Preliminary Estimates from the Uganda National Household Survey. » Photocopie. Université de Not- tingham, Royaume Uni. Barro, Robert J. 1991. « Economic Growth in a Cross Section of Countries. » Quar- terly Journal of Economics 106 (mai) : pages 407­501. Besley, Timothy. 2005. « Introduction. » In Development Challenges in the 1990s: Leading Policymakers Speak from Experience, ed. T. Besley and N. R. Zagha, 1­ 13. Washington : Banque mondiale. Schwartz, G., et T. Ter-Minassian. 2000. « The Distributional Effects of Public Expenditure. » Journal of Economic Surveys 14 (juillet). World Bank. 2005a. Economic Growth in the 1990s: Learning from a Decade of Reform. Washington : Banque mondiale. ------. 2005b. La Malaisie en bref. Disponible sur le site www.worldbank.org/ data/countrydata/aag/mys_aag.pdf. ------. 2005c. l'Ouganda en bref. Disponible sur le site www.worldbank.org/data/ countrydata/aag/uga_aag.pdf. ------. 2005d. Indicateurs du développement dans le monde. Disponible en ligne sur le site www.worldbank/data/wdi2005. ------. 2004. « Financial Sector Policy Issues Note: Viet Nam Bank for Social Policies. » Annex 5: Bank Rakyat Indonesia as a Possible Model for Transforma- tion. Financial Sector Group, East Asia and Pacific Region, Hanoi, Vietnam. 3 Le développement comme processus d'apprentissage et d'innovation : l'expérience de la Chine Yan Wang Au cours du dernier quart de siècle, la Chine a atteint le rythme de croissance économique soutenue et de réduction de la pauvreté le plus rapide et le plus généralisé de l'histoire de l'humanité. Si on s'en réfère à la définition officielle que le Gouvernement chinois donne de la pauvreté absolue (l'indigence)1, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté dans les zones rurales est tombé de 300 millions à 26 millions entre 1978 et 2004 (NBS 2005). En utilisant l'étalon de la Banque mondiale d'un revenu d'un dollar par jour, presque 400 millions de personnes ont été sorties de la pauvreté de 1981 à 2001 (Banque mondiale 2005b), ce qui représente une baisse de l'incidence de la pauvreté de 53 % en 1981 à 8 % en 2001 (Ravallion et Chen 2004). De nombreux écrits ont tenté d'identifier les secrets du cas de la Chine. Plusieurs discussions ont eu lieu sur les sources de la croissance et sur la réduction de pauvreté en Chine. Les facteurs moteurs suggérés vont de l'accumulation rapide du capital, avec des taux d'épargne et d'investisse- ment élevés, à la croissance de la productivité attribuée aux réformes insti- tutionnelles (gai ge) et à l'ouverture aux échanges commerciaux ainsi qu'à l'investissement direct étranger (kai fang) ; d'un gouvernement fort ayant adopté une approche interventionniste par rapport à la décentralisation budgétaire et à l'initiative locale ; et, plus récemment, de la croissance rapide à une croissance en faveur des pauvres. Le cas de la Chine est à la fois fascinant et extrêmement complexe ; il a attiré et continue à attirer beaucoup de chercheurs et d'analystes. Les huit 58 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE études de cas sur la Chine écrites par des professionnels et des chercheurs Chinois à l'occasion de la Conférence de Shanghai reflètent les différentes facettes de l'histoire avec un accent particulier sur les événements qui se sont produits plus tard dans les années 902. Les études peuvent être classées comme suit : · Le Programme national chinois 8-7 de lutte contre la pauvreté, con- centré sur la période de 1994 à 2000 -- un programme ciblé (Étude de cas no 1 ; encadré 3.1) ; · Deux études sur les projets orientés vers les pauvres vivant en zone rurale qui ont été élargis aux provinces : le Projet de réduction de la pauvreté au Sud-ouest (Southwest Poverty Reduction Project -- SWPRP) et le Projet de réhabilitation du bassin versant du plateau de Loess (Loess Plateau Watershed Rehabilitation Project -- LPWRP) (Études de cas no 2 et no 3 ; encadrés 3.2 et 3.4) ; · Trois études sur les programmes sectoriels -- l'éducation, les routes rurales, et l'approvisionnement en eau et l'assainissement (Études de cas no 4, no 5, et no 6) ; · Une étude sur l'innovation institutionnelle en Chine et le développement du secteur privé -- les modèles de Sunan et de Wenzhou (Études de cas no 7 ; encadré 3.3) ; · Un article sur un modèle unique de coopération régionale -- l'Ouest aide l'Est à réduire la pauvreté : Shanghai aide Yunnan (Études de cas no 8). Ce chapitre tente de résumer ces différentes initiatives en un tout cohé- rent et de les relier avec d'autres études pertinentes de récente date sur la réduction de la pauvreté, car le récit sur le cas de la Chine serait incomplet s'il ne s'enrichissait pas des nombreuses études produites sur les réformes entreprises dans le pays depuis 1978. La principale valeur ajoutée du chapi- tre procède de ce qu'il se penche plus sur les aspects liés au cas de la Chine qui ont été jusqu'ici les moins approfondis : le rôle de l'apprentissage, de l'expérimentation, des institutions propres au pays par rapport aux institu- tions modernes, et de la découverte de soi3. Il est clair que la Chine n'a pas marqué que des points positifs tout au long de ces 25 dernières années et qu'il y a des leçons positives et négatives à tirer de son expérience. Avec le recul, on peut à présent affirmer que certai- nes parmi les mesures prises n'étaient certainement pas en faveur des pauvres ; tel était le cas des prélèvements imposés aux agriculteurs au béné- fice de l'industrialisation, de la limitation, jusqu'à une date encore récente, de la migration des zones rurales vers les zones urbaines, et de la partialité en faveur des zones urbaines notamment en matière d'offres de services publics et d'autres politiques. Le gouvernement ayant commencé à aborder ces questions, ce chapitre n'en présente qu'un bref résumé. Dans le présent chapitre, le cadre d'analyse repose sur les hypothèses suivantes : LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : · Le développement est un processus empreint de nombreuses incertitudes, et chaque pays a son histoire, et ses antécédents politiques et culturels (Banque mondiale 2005a). En raison de ces incertitudes et de la spéci- ficité des pays, le développement doit être un processus d'apprentissage et d'innovation. · À la différence de la connaissance qui est un concept relatif au bilan, l'apprentissage est une série d'actions dont le but est d'aider à l'acqui- sition de connaissances et de capacités, et à l'adaptation à de nouvelles institutions. Au même titre que la croissance, l'apprentissage est un concept relatif au flux. C'est l'accumulation de connaissances qui donne aux acteurs du développement, aux étudiants, aux sociétés, aux collectivités locales et à d'autres entités les moyens d'agir. En mettant les acteurs -- individus ou entités qui agissent -- en avant, ce concept d'apprentissage touche aux aspects qui ne sont pas habituellement étudiés dans les textes sur l'économie du savoir. On commencera par examiner dans ce chapitre les preuves de « ce qui a marché » et a permis le développement rapide et la réduction de la pauvreté en Chine, y compris les sources de croissance, les modèles de croissance et la place des opportunités. Plus loin, il sera question du « comment » des études de cas concernant la Chine, des incitations et des approches qui ont permis à ce pays de tirer rapidement des leçons de sa propre expérience et de celle des autres. Le tableau taxonomique fourni à l'annexe de ce chapitre (tableau A3.1) se présente comme une légende liant les études de cas à l'apprentissage et aux innovations spécifiques qui y sont relatées. La dernière section fait un récapitulatif des enseignements tirés des politiques qui ont échoué et s'achève en évoquant les nouveaux défis auxquels la Chine fait face. « Ce qui a marché » -- les facteurs moteurs La réduction de la pauvreté à grande échelle observée en Chine a été réalisée principalement à travers la croissance économique rapide et la transforma- tion des institutions. Toutefois, dans le temps comme dans l'espace, les pro- grès accomplis dans la lutte contre la pauvreté restent très inégaux (figure 3.1). C'est à juste titre que certains ont avancé que le modèle de croissance choisi avait joué un rôle décisif dans la réduction de la pauvreté et que la composition sectorielle de la croissance y avait compté pour beaucoup. La quasi-totalité de l'effort de lutte contre la pauvreté pouvait être attribué à la mise en oeuvre des réformes dans le secteur rural entreprises à travers l'éta- blissement, l'expérimentation, et le passage à l'échelle du Régime de la res- ponsabilité des ménages de 1979 à 1984 (Ravallion et Chen 2004 ; Lin 1992 ; Qiu 2005). Un autre argument, justifié lui aussi, voudrait qu'aussi bien la croissance des revenus que la réduction de la pauvreté découlent des politiques mises en oeuvre. Il se pose dès lors les questions ci-après. Comment réaliser une 60 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE croissance rapide ? Comment maintenir une croissance stable pendant plus de 25 ans tout en évitant des interruptions significatives ? Quel genre de croissance est plus favorable aux pauvres ? Les sources de la croissance rapide Les réformes qui ont permis de créer des institutions locales et propres au pays (à travers l'apprentissage et l'expérimentation) semblent être les princi- pales clés du succès enregistré à travers la croissance de la productivité à l'échelon national. La Chine s'est trouvée à la traîne derrière plusieurs pays voisins après plus de 10 ans d'agitation pendant la période dite de la Révo- lution culturelle. Le désir de changement, la soif d'apprendre et de « se rattraper » ressenti aussi bien par les hauts dirigeants que par les villageois, a motivé l'ouverture initiale et les premières réformes entreprises au niveau local. Entre 1976 et 1977, un débat sur « les voies optimales des réformes » a eu lieu sur la base des expériences des pays de l'Europe de l'Est -- la Hon- grie et la Pologne -- qui ont devancé la Chine sur cette voie. Mais la vraie réforme a commencé au niveau des populations locales par le biais des villa- geois de la province d'Anhui qui ont lancé le Régime de la responsabilité des ménages, qui a permis d'obtenir des résultats significatifs. Le pragmatisme s'est imposé lorsque les autorités se sont rendues compte que la meilleure manière d'accéder aux réformes consistait à commencer par laisser les populations prendre des initiatives et à tirer des leçons de l'expérience. C'est à cette époque que le leader chinois Deng Xiaoping a proposé « de traverser le fleuve en s'appuyant tant bien que mal sur les pierres du fond » et a encouragé la mise en oeuvre des réformes institutionnelles par l'expérimen- tation. Depuis 1978, la réforme économique et l'ouverture sont devenues deux stratégies principales de la croissance et de la réduction de la pauvreté qui ont été uniformément mises en application pendant plus de 25 ans. Les réformes ont commencé dans les zones rurales et, au fil des années, des expériences ont été lancées en utilisant les institutions chinoises ; ces expériences qui ne sont certes pas parfaites pour le marché ont été élargies à plus grande échelle lorsqu'elles ont été considérées positives. Il s'agissait notamment du Régime de la responsabilité des ménages, des entreprises de commune et de village et les zones économiques spéciales. Au moment de leur lancement, ces expériences étaient de véritables innovations et corres- pondaient au contexte politique d'alors. Comme l'a affirmé Francis Fukuyama, professeur d'économie politique internationale à l'université Johns Hopkins, « il n'est pas possible de fournir d'avance à un pays des institutions parfaites ». La Chine donne certes l'exemple d'un pays qui a mis en place des institutions de second choix ; mais celles-ci ont le mérite d'être des institutions nationales. Qian (2000) a divisé la période des réformes en Chine en deux. Au cours de la première période (1978-1993), la Chine a introduit des incitations et la concurrence en adoptant des institutions nationales quoiqu'imparfaites, la décentralisa- LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : Figure 3.1 Réduction de la pauvreté à grande échelle en Chine : progrès inégal (indice de pauvreté, 1981-2001) 60 50 Nouveau seuil de pauvreté rurale, 850 yuan par personne, par an, au cours de 2002 40 Ancien seuil de pauvreté rurale, 300 yuan par personne, par an, au cours de 1990 Pourcentage 30 20 10 0 1980 1985 1990 1995 2000 Note : L'indice de pauvreté indique le pourcentage de la population vivant dans les ménages avec un revenu par habitant inférieur au seuil officiel de pauvreté. L'indice des prix à la con- sommation en zone rurale est utilisé comme déflateur. Source : Ravaillon et Cheng, 2004. tion de l'administration publique en adoptant une double approche de la libéralisation qui intègre l'utilisation simultanée de l'économie planifiée et de l'économie de marché. Au cours de la seconde période (1994 à ce jour), l'objectif de la Chine est de s'enrichir des meilleures expériences d'institu- tions de l'économie de marché et d'en faire la promotion en actualisant ses lois et ses réglementations conformément aux principes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en procédant à la réforme de l'administra- tion publique et en commençant à privatiser les entreprises publiques4. le tableau A3.2 à l'annexe du présent chapitre énumère certaines de ces insti- tutions à caractère local et endogène, dont certaines n'ont pas été prises en compte dans les huit études de cas. En plus de l'importance de la place de la réforme des institutions dans la croissance, un débat s'est instauré sur l'importance de l'accumulation de facteurs au regard de la croissance de la productivité pour expliquer la croissance de la Chine. Certains se sont concentrés sur le taux d'épargne élevé et sur l'accumulation rapide du capital, affirmant que la croissance de la Chine ralentirait en raison de la faible croissance de la productivité, à l'instar de l'ex-Union soviétique (Krugman 1994 ; Young 2000). Pour d'autres, les réformes institutionnelles rapides et l'ouverture aux échanges et à l'investissement direct étranger (IDE) servent de moteur à la croissance rapide de la productivité totale des facteurs (PTF) (Lin, Eao, et Li 1996 ; Qian 2002). 62 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Comme indiqué dans le tableau 3.1, d'abord en tenant compte du capital humain, on note que la croissance de la PTF a contribué de manière consi- dérable à la croissance de la production, soit 24,3 % de la croissance entre 1978 et 2002. L'analyse de sensibilité conduite sur la base de différentes hypothèses indique que la contribution de la croissance de la PTF est cons- tamment négative pour la période antérieure aux réformes et positive pour la période des réformes. Il convient toutefois de noter que jusqu'ici, une part non négligeable de la croissance de la PTF découle de la répartition de la croissance en fonction des secteurs ; et pour que la Chine maintienne son rythme de croissance, la croissance de la PTF dans ces secteurs devra être prépondérante. Deuxièmement, l'accumulation du capital humain en Chine, telle que mesurée par le nombre moyen d'années d'instruction dans la tran- che de la population âgée de 15 à 64 ans, était assez rapide et a contribué de manière décisive à la croissance et au bien-être tant dans la période précé- dant les reformes qu'au cours des années ayant suivi les réformes. Toutefois, le rythme de l'accumulation du capital humain a ralenti après les réformes, en partie en raison de la fourniture insatisfaisante des services d'éducation et de santé dans les zones rurales. Troisièmement, l'accumulation du capital physique a énormément contribué à la croissance économique, soit plus de 50 % de la croissance du produit intérieur brut (PIB), et encore plus pen- dant la période qui a suivi les réformes. Ce que cette analyse ne peut toutefois pas montrer, c'est que l'accumula- tion rapide du capital physique n'est pas une condition suffisante pour assu- rer la croissance rapide et la réduction de la pauvreté. Un pays a besoin d'une accumulation de toutes les formes de capital --physique, humain, naturel, et social -- ainsi que d'un environnement politique favorable qui permet aux populations de disposer des moyens d'agir, favorise leur créati- vité, ouvre le pays à de nouvelles idées, et permet d'entreprendre des réformes institutionnelles et de l'expérimentation. Les études de cas sur la Chine montrent clairement qu'en l'absence des réformes institutionnelles qui ont permis aux agriculteurs, aux entrepreneurs, et aux collectivités loca- les de disposer des moyens d'action voulus, le décollage économique n'aurait été qu'un rêve. L'importance d'avoir le « bon » modèle de croissance Le modèle de croissance ou la répartition sectorielle de la croissance est importante pour la réduction de la pauvreté. Plusieurs études ont montré que la croissance rapide des revenus agricoles ou ruraux est le facteur moteur pour la réduction de la pauvreté. La réforme économique de la Chine a commencé dans les secteurs ruraux par l'introduction du Régime de la responsabilité des ménages, offrant des droits équitables d'utilisation des terres sur une base de 15 ans, plus tard prorogée à 30 ans. Dans l'intervalle, les prix d'achat officiels des céréales ont été sensiblement relevés. Avec l'accès équitable à la terre et moins de distorsion dans les prix, les agricul- teurs ont bénéficié de bonnes incitations leur permettant d'augmenter leur LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : productivité. De 1978 à 1985, la production agricole totale et la producti- vité ont augmenté rapidement et le revenu net par habitant dans les zones rurales s'est accru à un taux annuel supérieur à 15 pour cent (Qiu 2005). Tableau 3.1 Sources de la croissance économique, 1953­2002 (taux de croissance annuels en pourcentage) Avant Pendant les réformes les réformes Élément (1953­1978) (1979­2002) Taux de croissance annuel moyen Production 6,12 9,36 Capital physique 6,14 9,99 Main-d'oeuvre 2,24 1,96 Capital humain 5,46 2,22 Productivité totale des facteurs ­0,80 2,28 Contribution à la croissance du PIB (%) Capital physiquea 50,2 53,3 Main-d'oeuvrea 18,3 10,5 Capital humaina 44,6 11,9 Productivité totale des facteurs ­13,1 24,3 Notes : La part des facteurs utilisés est de 0,50 pour le capital, la main-d'oeuvre, et le capital humain suppose une dépréciation de 5 %. a. Le ratio de la croissance de la production, pondéré par la part du facteur par rapport à la croissance du PIB. b. Le ratio de la croissance de la PTF par rapport à la croissance du PIB. Source : Wang et Yao (2003), mis à jour par les auteurs. Il ressort des résultats d'une étude économétrique que 46,9 % de l'aug- mentation de la production totale enregistrée durant cette période peut être attribuée au Régime de la responsabilité des ménages (Lin 1992). Ravallion et Chen (2004) ont découvert que près de la moitié de la réduction de la pauvreté qui s'est produite avant 1985 résultait de la réforme rurale, éga- lement à l'origine d'une définition claire des droits de propriété, d'un plus grand accès à la terre et de la réduction des distorsions dans les cours des produits agricoles. La grande importance à accorder à la croissance des revenus en zone rurale demeurait une question à « résoudre à tout prix ». La taxation des agriculteurs chinois durait depuis plus de 50 ans, mais l'ampleur de l'impo- sition a été sensiblement réduite après la mise en oeuvre des réformes rurales en 1978, grâce aux augmentations des prix d'achat officiels des produits agricoles et à la réduction des prix des intrants agricoles. Cependant, l'évo- lution de la croissance du revenu en zone rurale s'est faite en dents de scie au cours des 25 dernières années, cela ayant des conséquences notables sur les résultats de la lutte contre la pauvreté. La réduction de la pauvreté était 64 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE rapide quand l'accent était mis sur la réforme rurale et un appui fort était apporté à la politique agricole (1979-1984 et 1994-1996). Son rythme a baissé au cours de deux périodes (1985-1993 et 1997-2002), lorsque les zones rurales n'ont plus bénéficié de cette attention. En lieu et place, les zones urbaines ont été favorisées dans les affectations budgétaires et la pres- tation des services publics, ce qui a contribué à exacerber les termes de l'échange, à faire baisser les niveaux de revenu des agriculteurs, et à accen- tuer l'inégalité des revenus (Chen et Wang 2001 ; Qiu 2005). En fait, l'écart entre la croissance et la réduction de la pauvreté pendant la période allant de 1985 à 1993 est à l'origine de la décision de la Chine de lancer un pro- gramme national ciblé de lutte contre la pauvreté en 1994, le Plan 8-7 (voir l'encadré 3.1). Encadré 3.1 8-7 -- Un plan national à caractère général pour la réduction de la pauvreté Afin d'intensifier les efforts de réduction de la pauvreté qui avaient commencé dans la deuxième moitié des années 80, en 1994, la Chine a introduit le Plan national 8-7 sur la réduction de la pauvreté, visant à placer, en sept ans, de 1994 à 2000, une grande proportion de ses 80 millions de pauvres au-dessus du seuil de pauvreté fixé par le gouvernement. Ce plan qui était peut-être la plus grande initiative de lutte contre la pauvreté jamais entreprise dans le monde, se présen- tait comme le premier programme national de lutte contre la pauvreté assorti d'objectifs, de mesures, de cibles, et de délais spécifiques. Il visait à donner aux pauvres les moyens de développer leurs propres capacités ; le plan apparaît donc comme une étape décisive dans l'approche de réduction de la pauvreté de la Chine, une réorientation qui permet de passer de l'aide au développement -- et d'une approche exclusivement menée par le gouvernement vers une approche élargie impliquant le secteur non étatique, y compris les organisations non gou- vernementales. Dans le cadre du plan, les dépenses annuelles du gouvernement central consenties au titre des programmes de lutte contre la pauvreté se mon- taient à 13 milliards de yuan renminbi (13,6 milliards de dollars), autrement dit 5 à 6 % des dépenses publiques totales. Le Plan 8-7 portait en particulier sur trois programmes principaux : les prêts subventionnés accordés aux entreprises et par la suite aux ménages menant des activités dans les domaines de l'industrie et de l'agriculture, les programmes nourriture-contre-travail qui utilisaient les excédents de main-d'oeuvre agricole pour développer l'infrastructure, et les dons du gouvernement en appui à l'inves- tissement dans différents secteurs des zones pauvres (le plan incluait aussi des projets multisectoriels de réduction de la pauvreté et des initiatives novatrices, telles que l'aide de L'Est à l'Ouest pour lutter contre la pauvreté). L'agriculture et l'industrie ont respectivement reçu 30 % des fonds et environ 35 % sont allés à l'infrastructure. Étant donné le calendrier plutôt court du plan et en raison des énormes besoins d'infrastructure dans les zones rurales, l'accent était mis sur l'investissement dans les installations bien plus que dans les secteurs de l'édu- cation et de la santé. Une autre raison qui explique l'attention relativement faible LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : accordée au développement du capital humain dans le cadre du plan réside dans les rendements très faibles de l'éducation, eu égard notamment aux graves distorsions survenues sur le marché du travail en Chine jusque vers la fin des années 90. Le plan a eu des conséquences immenses et variées. Malgré son succès inégal dans la réduction de la pauvreté, le Plan 8-7 a été d'une valeur inestimable en tant qu'expérience d'apprentissage et comme laboratoire virtuel pour l'expéri- mentation des pratiques novatrices telles que le fonctionnement d'un mécanisme multi-départemental de coordination, les méthodes de partage et de diffusion des connaissances, l'utilisation généralisée des études pilotes, la passation des mar- chés à travers des procédures d'appel d'offres publiques, la gestion des comptes spéciaux, les systèmes de remboursement et les dispositifs de suivi et de transpa- rence. La prise de conscience de l'inefficacité des prêts subventionnés et de la complexité des besoins des villages pauvres a incité le gouvernement à lancer des projets multisectoriels de développement rural, tels que le Projet de lutte contre la pauvreté dans le Sud-ouest de la Chine (voir l'encadré 3.2). Malgré son succès inégal dans la réduction de la pauvreté, le Plan 8-7 a été d'une valeur inestimable en tant qu'expérience d'apprentissage et comme labo- ratoire virtuel pour l'expérimentation des pratiques novatrices telles que le fonctionnement d'un mécanisme multi-départemental de coordination, les méthodes de partage et de diffusion des connaissances, l'utilisation généralisée des études pilotes, la passation des marchés à travers des procédures d'appel d'offres publiques, la gestion des comptes spéciaux, les systèmes de rembourse- ment et les dispositifs de suivi et de transparence. La prise de conscience de l'inefficacité des prêts subventionnés et de la complexité des besoins des villages pauvres a incité le gouvernement à lancer des projets multisectoriels de déve- loppement rural, tels que le Projet de lutte contre la pauvreté dans le Sud-ouest de la Chine (voir l'encadré 3.2). Le Plan 8-7 s'est avéré une plateforme de lancement efficace pour la pro- chaine initiative de lutte contre la pauvreté : le Plan du nouveau siècle pour la réduction de la pauvreté en milieu rural au titre de la période 2001-2010. En plus des 592 comtés pauvres, le nouveau plan vise 148 000 villages pauvres (couvrant de ce fait les villages pauvres dans des comtés qui eux ne sont pas pauvres) qui avaient été exclus dans le Plan 8-7. Le nouveau plan intensifie éga- lement la planification participative au niveau du village et les approches multi- sectorielles, les systèmes de santé de base et de la sécurité sociale, la migration urbaine, et les services d'éducation dans les zones rurales. En mettant l'accent sur l'agriculture et un secteur d'exportation à forte intensité de main-d'oeuvre, la Chine a pu mieux tirer parti de ses avantages comparatifs. Avant la réforme économique, la stratégie de développement de la Chine consistait à réaliser des investissements importants dans le sec- teur de l'industrie lourde en faisant payer des taxes aux agriculteurs. Pour combler son retard, la Chine a étudié l'expérience des tigres de l'Asie de l'Est. Quelques économistes chinois ont qualifié leur stratégie axée sur l'exportation de « stratégie d'avantage comparatif » qui utilise entièrement le potentiel d'un pays (Lin, Eao, et Li 1996). En tirant des leçons de cette 66 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE expérience, la Chine a bien fait de mettre l'accent sur les réformes en zone rurale et l'intégration au système du commerce international dès le début du processus. Avec la réforme progressive des prix et la libéralisation commerciale uni- latérale qui s'est accélérée dans les années 90, la croissance qui s'en est sui- vie dans les secteurs manufacturier et du commerce s'est rapprochée des avantages comparatifs de la Chine. La réaffectation des ressources à ces sec- teurs productifs a débouché sur la croissance rapide de la productivité. La croissance rapide des entreprises villageoises (étude de cas no 2) accompa- gnée des investissements lourds consentis dans l'infrastructure a contribué à stimuler davantage la hausse des revenus dans les zones rurales à travers la diversification au profit des activités non agricoles et les transferts de fonds par les travailleurs émigrés. Améliorer l'égalité d'opportunités L'amélioration de l'égalité des chances est également un facteur décisif pour assurer une meilleure croissance économique partagée. Un pays peut avoir à son actif plusieurs atouts indispensables à sa croissance : capital physique, humain, naturel et social. Pour que la croissance ait un impact sur la pau- vreté, les actifs dont disposent les pauvres, en particulier le capital humain et la terre, doivent être augmentés et répartis plus équitablement. La répartition des actifs est le reflet de l'égalité des chances et constitue une condition préalable à l'augmentation de la productivité et des revenus indi- viduels (Wang 2000, ch. 3). L'accès équitable à la terre et à l'éducation sont également importants. Le principal atout de la plupart des personnes pauvres est leur main- d'oeuvre ; l'investir dans le capital humain est un excellent moyen d'amélio- rer leurs ressources, de corriger les inégalités et de réduire la pauvreté. Il existe cependant d'innombrables inégalités dans le niveau d'instruction, qui reflètent les insuffisances inhérentes au marché et au sous-investissement dans le capital humain des pauvres. L'exemple de la Chine illustre bien cette dualité : des progrès rapides d'une part et de grandes disparités de l'autre. Même avant les réformes éco- nomiques de 1978, la Chine avait fourni un accès plus équitable à l'éduca- tion de base et aux services de santé que d'autres pays en développement à niveau de revenu comparable5. Le taux d'alphabétisation des adultes qui résulte des effets cumulés de l'investissement antérieur dans l'éducation a augmenté, passant de 60 % en 1960 à 74 % en 1994 et à 85 % en 1999. Le nombre moyen d'années d'études pour la population âgée de 15 ans et plus s'est élevé de moins d'un an dans les années 50 à 4,3 ans en 1975 et à 6 ans en 1999. En 2000, la Chine était bien en voie d'atteindre ses objectifs de développement pour le Millénaire en matière d'éducation avec une moyenne de 6,3 ans d'études. Les données officielles confirment cette constatation (étude de cas n° 6). Cet accès relativement plus équitable à l'éducation au LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : début des réformes représente une répartition plus équitable des opportuni- tés. Cependant, le rythme du progrès s'est ralenti depuis le début des réformes et il y a eu de plus en plus de disparités dans le niveau d'instruction entre les régions urbaines, rurales, côtières et occidentales. La différence du nombre d'années d'études entre un enfant né à Beijing et un autre né dans une région éloignée peut atteindre huit ans (Wang et Yao 2003)6. Bien que l'accès à une éducation de qualité soit important en raison de sa contribution à améliorer la capacité des individus à générer des revenus, cela reste insuffisant pour assurer une plus grande productivité et partant, la réduction de la pauvreté. Pour être plus productives, les populations doivent pouvoir combiner leur capital humain avec d'autres moyens de production, tels que la terre, les fonds propres et des possibilités d'emploi sur un marché libre. Toutefois, les opportunités d'emploi sont loin d'être également acces- sibles en raison du système d'enregistrement des ménages (hukou) et des res- trictions sur la migration urbaine, un sujet qui est traité ci-dessous. Ouverture et amélioration du climat de l'investissement Pendant que la Chine instituait des réformes rurales, elle a ouvert son régime des échanges à travers la libéralisation unilatérale du commerce, la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, et l'introduction de la concurrence internationale dans les secteurs manufacturiers, toutes choses qui ont contribué à la croissance rapide des régions côtières. Les droits de douane moyens qui s'élevaient à près de 50 % dans les années 80 ont été réduits à 36,3 % en 1994, et à 16 % dans les années 2000, le processus s'étant accéléré au cours des années 90 (Ianchovichina et Martin 2004). Le nombre de sociétés commerciales s'est multiplié par dix, passant de 800 à 8 000. Après le succès des quatre premières zones économiques spéciales, des centaines de villes et de zones de développement ont été ouvertes à l'inves- tissement étranger. Le climat a continué de s'améliorer, ce qui a donné lieu à un afflux massif d'investissements dans plusieurs grands centres de crois- sance le long de la côte orientale et à la création de millions d'opportunités d'emploi non agricoles pour les populations les plus démunies. Grâce à l'augmentation du revenu rural et au libre échange, des millions d'entreprises villageoises ont été créées au début des années 80, rivalisant avec les sociétés d'État et les dépassant par la suite. Le nombre d'entreprises villageoises s'est accru, passant de quelques milliers en 1980 à 1,5 million dans les années 90. Ces entreprises employaient plus de 135 millions d'ouvriers ruraux dans des activités non agricoles en 1996 et maintiennent ce niveau jusqu'ici. (Figure 3.2)7. On peut soutenir que les dépenses publiques et les avantages fiscaux ont eu pour effet de faire peser la balance de la croissance de la Chine exagéré- ment en faveur des zones urbaines et côtières, créant des disparités à travers les régions et un modèle de réduction de la pauvreté inégalement répartie dans l'espace. En outre, les restrictions sur la migration des zones rurales 68 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Figure 3.2 Emplois créés à travers les entreprises villageoises, de 1985 à 2003 (en millions). 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1985 1990 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Source : Annuaire statistique de la Chine, Bureau de la statistique. vers les zones urbaines, même si elles sont graduellement allégées ont empê- ché les pauvres des zones rurales de tirer plus largement parti des avantages de la mondialisation. Plusieurs études ont analysé les différences salariales énormes qui existent entre les travailleurs ruraux et ceux des zones urbaines alors que tous ont pourtant des expériences et des compétences compara- bles (Zhao 1999 ; Sicular et Zhao 2004). La Chine a commencé à prendre en main cette question de façon systématique, comme le fait ressortir l'introduction à une composante relative à la mobilité de la main-d'oeuvre au titre du Projet de lutte contre la pauvreté dans le Sud-ouest de la Chine (étude de cas n° 2). Il est à noter, cependant, que la composante mobilité de la main-d'oeuvre a permis d'obtenir des résultats positifs en raison de l'ouverture opérée et de la croissance enregistrée dans la région de la côte occidentale de la Chine8. À l'échelon national, ce sont plus de 100 millions de travailleurs émigrés des zones rurales travaillant en zone urbaine qui envoient des fonds d'une valeur de plus de dix milliards de yuan renminbi dans leurs foyers d'origine. Cela a commencé à changer la configuration des communautés urbaines et rurales. Encadré 3.2 Le Sud-ouest de la Chine -- engagement et participation à un projet multisectoriel de lutte contre la pauvreté Dans la mesure où plusieurs facteurs contribuent à créer la pauvreté, toute approche de lutte contre la pauvreté basée sur un secteur unique comme moyen d'intervention ne saurait aboutir à des résultats durables. Pour leur part, les projets multisectoriels n'ont généralement pas répondu aux attentes. Le Projet de lutte contre la pauvreté dans le Sud-ouest de la Chine (SWPRP) -- le premier LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : projet appuyé par le Groupe de la Banque mondiale en Chine à adopter une approche intégrée et multisectorielle du développement rural pour combattre la pauvreté extrême dans une zone caractérisée par un manque de ressources criard -- a particulièrement réussi à atteindre ses objectifs. Cela explique qu'il soit enrichissant d'examiner les facteurs qui sous-tendent le modèle suivi par le Projet de lutte contre la pauvreté dans le Sud-ouest de la Chine. Le Projet de lutte contre la pauvreté dans le Sud-ouest de la Chine (SWPRP) mis en oeuvre entre 1995 et 2001 comme partie intégrante du Plan national 8-7 (voir encadré 3.1) dans les provinces de Guizhou et de Yunnan et dans la région autonome de Guangxi, couvre 35 des comtés les plus pauvres de la Chine, avec environ 2,8 millions de bénéficiaires directs. La zone du projet est dominée par une magnifique topographie karstique constituée de montagnes à hauteurs irré- gulières façonnées dans du calcaire, de cavernes, de rivières souterraines, et de lopins de terres arables, toutes choses qui rendent malheureusement très difficiles les conditions de vie des populations rurales. Les trois principaux objectifs du projet étaient i) d'exploiter les avantages d'une approche multisectorielle parti- cipative de la réduction de la pauvreté ciblant les villes et les villages pauvres ; ii) d'élaborer un programme adapté aux besoins du marché en vue de créer des emplois au profit des pauvres issus des zones rurales qui se retrouvent dans les régions urbaines de la Chine en phase de croissance rapide ; et iii) d'améliorer les capacités de suivi de la pauvreté aux niveaux national et local. Le projet com- portait six composantes : 1) les services sociaux, y compris l'éducation et la santé ; 2) la mobilité de la main-d'oeuvre ; 3) l'infrastructure rurale ; 4) la mise en valeur des terres et la démarginalisation des agriculteurs ; 5) la création d'entreprises villageoises ; et 6) le renforcement des institutions et le suivi de la pauvreté. Une fois achevé, le projet avait a eu un impact sensiblement favorable sur beaucoup d'aspects, y compris les niveaux de revenu, la production agricole, la sécurité alimentaire, l'accès à l'infrastructure et les indicateurs sociaux permet- tant de suivre le bien-être général de la majorité des ménages pauvres de la zone concernée. En aidant approximativement 280 000 personnes à obtenir des emplois non agricoles, la composante du projet relative à la mobilité de la main-d'oeuvre a été bénéfique pour les populations extrêmement démunies vivant dans la zone du projet et a eu des conséquences importantes au plan de l'action des pouvoirs publics. Le projet s'est également avéré bénéfique pour les femmes et l'environnement. Ci-après, quelques facteurs clés ayant favorisé le succès du projet : · Les autorités à la tête du pays, y compris le Président et le Conseil d'État, ont marqué leur engagement au projet à travers des lettres et la participa- tion à des réunions, contribuant de la sorte à créer une atmosphère poli- tique propice à la coordination mutuelle au sein du gouvernement et entre ses différents démembrements à divers niveaux en vue de l'exécu- tion du projet sans heurts. · La conception du projet avait prévu -- caractéristique majeure de l'ini- tiative -- une large participation des ménages pauvres olontaà toutes les étapes du projet à savoir la sélection, l'exécution, la main-d'oeuvre vire, les fonds de contrepartie et les activités de formation. · Dès le début, un accent particulier a été mis sur le renforcement des capa- cités, la flexibilité (avec des ajustements à mi-parcours des composantes et de la politique du projet), la transparence, et la prise en compte des élé- 70 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE ments susceptibles de favoriser la pérennisation (particulièrement le suivi de la gestion du projet). En termes d'impact sur la réduction de la pauvreté, le projet a démontré de nouvelles approches concernant la mobilité de la main-d'oeuvre, la planification du développement des villages et le suivi de la pauvreté. Les principales leçons tirées du projet sont désormais partie intégrante de la politique de réduction de la pauvreté de la Chine et ont été étendues aux comtés pauvres dans tout le pays. Le modèle inspiré du projet du Sud-ouest a été adopté pour un certain nombre de projets de lutte contre la pauvreté financés par la Banque mondiale en Chine et ailleurs, dont par exemple, le projet de lutte contre la pauvreté dans le nord du Viet Nam (Northern Mountains Poverty Reduction Project). Comment lutter contre la pauvreté ? La Chine a abordé le défi énorme de la réforme et du développement avec pragmatisme et humilité. La première raison de l'ouverture tient au besoin de se mettre à l'école du monde extérieur et de se hisser au niveau de déve- loppement rapide en cours dans les pays de l'Asie de l'Est. Cette section vise à présenter le cadre général d'échange et d'acquisition de connaissances, en mettant l'accent sur les questions ci-après : qui sont ceux qui ont été dotés de moyens d'agir et mobilisés pour l'apprentissage et l'expérimentation ? Quelles sont les incitations dont ils ont bénéficié ? Auprès de quelles sources et où l'échange a-t-il eu lieu ? Comment l'existence d'un environnement ouvert et propice a-t-elle favorisé l'apprentissage et l'innovation ? Les étu- des de cas serviront d'exemples pour étayer ces idées. Un cadre d'apprentissage L'apprentissage et l'acquisition de connaissances sont fonctions de facteurs liés à la loi de l'offre et de la demande. Selon le modèle de production du capital humain, les incitations du marché du travail et l'environnement macroéconomique jouent un rôle important à cet égard. Un agent économi- que, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, est motivé à appren- dre si le taux de rentabilité escompté de l'apprentissage est plus élevé que le coût financier et le coût d'opportunité du temps passé à apprendre, compte étant tenu de dotations et d'autres facteurs externes. Le taux de rentabilité escompté est alors affecté par l'environnement macroéconomique et les con- ditions du marché du travail du pays concerné. Du point de vue de l'offre, les opportunités d'apprentissage sont déterminées par les dispositions régissant les secteurs public et privé, la liberté d'accès aux marchés, l'accès aux technologies et à l'information, les barrières réglementaires ou idéologi- ques et les conditions macroéconomiques -- que le pays soit ouvert aux échanges, à l'investissement ou aux idées. Il n'est pas possible de produire de capital humain sans faire intervenir les facteurs liés à l'offre et à la LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : demande (Kaufmann et Wang 1996), autant dire qu'autrement, il serait impossible d'assurer le renforcement des capacités. Au début des réformes, de longs débats ont été consacrés à ce qui relevait du socialisme et à ce qui n'en relevait pas. Cependant, les barrières idéologi- ques ont fait place au pragmatisme au fur et à mesure que les premiers résultats des réformes rurales et de l'ouverture ont prouvé que la bonne approche était de procéder par la méthode empirique. Ce pragmatisme s'illustre bien à travers le bon dosage qui a été fait d'une structure politique centralisée et d'une décentralisation accompagnée de la concurrence que se livrent les villes et les collectivités locales en Chine. Aux dires du grand lea- der chinois Deng Xiaoping, « Qu'il soit blanc ou noir, le chat qui peut attra- per la souris est un bon chat ». Cela a donné le feu vert pour entreprendre des essais et des expérimentations indépendamment des barrières idéologi- ques. Les collectivités locales, les personnes individuelles et les entreprises ont été encouragées à apprendre, à expérimenter et à innover. On a encou- ragé le goût du risque et les approches novatrices considérées comme des exemples de succès, ont été récompensées. Décentralisation de l'autorité de l'État En 1979, la Chine a lancé un processus de décentralisation qui s'est traduit par la dévolution du pouvoir de l'État du niveau central au niveau local, notamment à l'échelon des provinces, des préfectures, des comtés, des villes et des villages. Cette dévolution de l'autorité de l'État s'est accompagnée d'incitations financières, et les collectivités locales ont été encouragées à adopter des approches novatrices par rapport aux réformes et ont été récompensées pour avoir favorisé le développement de leurs économies locales. Au début des années 80, un système de contrat de recouvrement des impôts a remplacé le système existant d'unicité de caisse et de dépenses. Dans le cadre du nouveau système, les collectivités locales peuvent passer des contrats à long terme avec les échelons supérieurs de l'administration publique et retenir une partie des recettes supplémentaires recouvrées au niveau décentralisé. Ce système, quoiqu'imparfait et par la suite remplacé par un système d'imposition en 1994, a énormément incité les collectivités locales à promouvoir les économies locales à travers l'apprentissage, la mise à l'essai de nouvelles idées, l'ouverture au commerce extérieur et à l'investis- sement étranger. L'étude de cas sur le modèle de Sunan et Wenzhou illustre clairement le rôle des collectivités locales dans l'apprentissage et l'expéri- mentation (Encadré 3.3). L'équilibre entre les prérogatives du gouvernement central et celles des collectivités locales aura donc été un facteur important qui a permis à la Chine de mettre en oeuvre ses programmes et projets de réduction de la pau- vreté. Le niveau central définit les politiques et décide des priorités d'affecta- tion des fonds publics, mais les programmes et les projets sont mis en appli- cation par les collectivités locales. Par exemple, chacun des 2 000 comtés 72 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Encadré 3.3 Innovation institutionnelle, amélioration du climat de l'investissement et réduction de la pauvreté -- les modèles de Sunan et de Wenzhou Cette étude de cas décrit les différentes voies empruntées par deux régions qui se sont engagées dans l'innovation institutionnelle à travers des entreprises vil- lageoises dans le combat qui les a conduits de la pauvreté absolue à la prospé- rité. La région de Sunan compte une population d'environ 14 millions d'habi- tants, et comprend les villes de Suzhou, Wuxi et de Changzhou ainsi que les zones riveraines du delta du Yangtze. Cette région est la base industrielle de la Chine depuis le 19e siècle. Au cours des années 60 et 70, cependant, son écono- mie a stagné en raison du fait que les populations rurales n'étaient pas autorisées à créer des industries ou à se déplacer vers les villes. Vers la fin des années 70, le revenu annuel net des agriculteurs n'était que de 204 yuan renminbi et n'avait pas changé au cours des 20 années précédentes. Lorsque le gouvernement central a créé des opportunités permettant de développer l'industrie rurale, la réponse du Sunan ne s'est pas faite attendre. La stratégie suivie consistait à mettre sur pied des entreprises villageoises collectives dans des filières industrielles de la transformation à forte intensité de main-d'oeuvre. Les nouvelles sociétés collec- tives se sont développées rapidement en raison des avantages comparatifs d'une main-d'oeuvre de haute qualité, de l'ouverture aux échanges et à l'investissement, et de la capacité de mobilisation sociale des collectivités locales. La région de Sunan attire maintenant la plus grande partie de l'investissement direct étranger en Chine. Son revenu net annuel par habitant qui s'élevait à 5 657 yuan renminbi en 2001 s'est accru et représente plus du double de la moyenne nationale, l'essen- tiel de cette croissance pouvant être attribué au modèle de développement éco- nomique basé sur les entreprises villageoises. La région de Wenzhou, dans le Sud de la province de Zhejiang, compte une population de six millions d'âmes. L'État y ayant réalisé peu d'investissements au cours des trois décennies antérieures à 1979, la région était bien connue pour sa pauvreté, avec un revenu net annuel de 13 yuan renminbi par agriculteur, soit un revenu inférieur à celui de 1952 en valeur réelle. Mais l'accès de Wenzhou à la mer et à un bon port naturel avait favorisé l'essor de l'industrie artisanale et du commerce. Les populations de Wenzhou ont développé une culture locale peu orthodoxe qui mettait l'accent tant sur le commerce que sur les échanges et le goût du risque dans le domaine de l'agriculture traditionnelle. En tirant parti de leur traditionnel goût du risque, ces populations ont créé des entreprises pri- vées dans les secteurs industriel et commercial et ont progressivement jeté les bases d'une production spécialisée. Elles ont été aidées en cela par les collectivités locales qui ont protégé les droits de propriété individuelle, assuré le bon fonction- nement des forces du marché, et créé un cadre social favorable aux entreprises privées. Au plus tard en 1986, un tiers des ménages des agriculteurs de la région de Wenzhou gagnait plus de 4 000 yuan renminbi et en 2001, le revenu par habitant rural de Wenzhou était de 4 680 yuan renminbi. Le cycle vertueux de l'apprentissage et de l'expérimentation a permis aux régions de Sunan et de Wenzhou de réussir relativement vite. Dans le Sunan, ce cycle a été impulsé par le gouvernement tandis que dans le Wenzhou la diffu- sion de l'expérience a été un processus spontané, organisé et conduit des popu- lations locales vers le sommet. LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : environ dispose de ses propres bureaux spécialisés dans l'agriculture, l'eau, la santé, l'éducation et la lutte contre la pauvreté. Les postes de responsa- bles des collectivités locales sont rotatifs ; ceci assure l'impartialité, évite le favoritisme, et facilite l'apprentissage dans les provinces et les différentes localités. Cette structure d'organisation de l'administration publique a permis de disposer d'un cadre approprié pour assurer la mise en oeuvre du projet du Sud-ouest (Southwest Poverty Reduction Project -- étude de cas n° 2) et du projet de réhabilitation du bassin versant du Plateau de Loess (Loess Plateau Watershed Rehabilitation Project -- étude de cas n° 3). Cette mise en oeuvre s'est faite dans le contexte du système en place composé d'un groupe jouant le rôle de chef de file de la lutte contre la pauvreté et de bureaux de gestion de projet, le tout étant représenté à chaque échelon de l'administration publique et un bureau central de gestion de projet étant établi au niveau de l'État. Le travail effectué à chaque niveau était vérifié par le niveau suivant de l'administration pour assurer la qualité du projet et l'exactitude des demandes de décaissement. Les études de cas sur l'approvisionnement en eau (étude de cas n° 4), les routes rurales (étude de cas n° 5), et l'éducation (étude de cas n° 6) présentent une approche similaire de gestion de projet. L'exemple qui présente l'aide de Shanghai à Yunnan (étude de cas n° 8) est unique en ce qu'il montre que le transfert des savoirs à travers les régions constitue le moteur de la croissance et de la réduction de la pauvreté. Il s'agit d'un programme lancé par les collectivités locales. En tant que plus grand centre industriel et commercial de la Chine, Shanghai jouit d'un excellent capital humain, d'un large secteur de l'exportation et de la transformation ; en outre, ses recettes fiscales au niveau des municipalités connaissent une croissance rapide. Le programme d'aide officiel de Shan- ghai a principalement consisté à investir dans le capital humain des pauvres, à fournir des services d'assistance technique et à faciliter le renforcement des capacités à travers un programme d'échange de personnel avec la province de Yunnan. Cela a facilité le transfert de connaissances entre les différentes régions et pallié l'insuffisance de leadership et de capacités au sein du gou- vernement provincial de Yunnan. Les responsables de la fonction publique sont évalués sur la base de leurs indicateurs de performance, qui sont généralement liés à la croissance du PIB et à d'autres indicateurs de l'économie locale. Ces responsables sont parfois promus à des grades supérieurs en guise de récompense pour leur rôle dans l'innovation et les excellents résultats obtenus au titre du dévelop- pement des économies locales. A Sunan (étude de cas n° 7) qui est un modèle de ce qu'il y a lieu de faire pour attirer l'investissement direct étran- ger, notamment à travers la croissance axée sur l'exportation, plusieurs res- ponsables de la ville de Suzhou ont été promus plus tard à des postes au sein du gouvernement central et de l'administration provinciale. 74 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Introduction des éléments de l'économie de marché Dans certaines conditions, la liberté d'accès et la concurrence sur le marché renforcent également le transfert des savoirs et la découverte de soi. La Chine a introduit la liberté d'accès au marché et la concurrence tôt (dans les années 80) dans le processus de réforme, tout en retardant la privatisation. Cela a notamment permis aux nouvelles entreprises et institutions de se développer et de se mesurer aux entreprises publiques existantes ; au fil du temps, leur présence a amené ces entreprises publiques à faire face à de gra- ves contraintes budgétaires. Avec la libéralisation unilatérale des échanges et l'accession de la Chine à l'OMC, le rythme de la concurrence s'est accéléré sur le marché9. Une men- talité du type « s'adapter ou périr » s'est installée et a été largement accep- tée, ce qui a forcé les entreprises publiques à se restructurer à travers des fusions et des acquisitions ou en se transformant en des sociétés de droit commercial. Li Rongrong qui dirige la puissante commission chargée de la gestion des actifs publics a informé les entreprises publiques que « si vous ne pouvez pas être parmi les trois premières sociétés de votre secteur, soyez prêts à être racheté par une autre société ». Cela explique pourquoi de gran- des entreprises publiques sont devenues plus désireuses de se restructurer lorsqu'il a fallu faire face à une concurrence internationale sans merci après l'accession de la Chine à l'OMC10. Pour les millions d'entrepreneurs que compte la Chine, la liberté d'accès aux marchés et la concurrence présentent de grandes opportunités de se redécouvrir à travers la recherche de créneaux commerciaux. La mentalité basée sur le principe « s'adapter ou périr » est aussi vraie pour les sociétés d'État ou privées que pour les citoyens et les collectivités locales. Avec une plus grande intégration dans le monde, le marché du travail de la Chine est devenu plus flexible et la prime de compétence ne cesse de croî- tre, permettant aux ouvriers qualifiés, aux gourous des technologies de pointe, et aux gestionnaires talentueux de bénéficier de taux de rentabilité plus élevés. Les ouvriers non qualifiés confrontés à la pression du chômage sont désireux de saisir les opportunités de suivre des formations sur le tas ou d'obtenir des diplômes plus élevés. Compte tenu des grandes incitations et de la forte pression, on note une augmentation rapide du niveau d'éduca- tion des responsables régionaux de la Chine. Comme l'a observé le cher- cheur américain Cheng Li (2003, p. 3) en 1982, seulement 20 % des res- ponsables provinciaux de la Chine avaient fait des études supérieures. En 2002, ce nombre était de 98 %. Le nombre de détenteurs de diplômes uni- versitaires supérieurs à la licence est passé de 12,9 % en 2001 à 29 % en 2003. Parmi les responsables les plus jeunes, ceux de la « quatrième génération » âgés de moins de 54 ans, deux-tiers sont détenteurs d'une maî- trise ou d'un doctorat. Grâce à l'ouverture aux flux de capitaux étrangers, les collectivités loca- les se font la concurrence pour attirer les investissements directs étrangers. La liberté d'accès et la concurrence sur les marchés a également permis aux LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : collectivités locales de trouver leurs avantages comparatifs au niveau local. Certaines collectivités locales ont laissé les forces du marché promouvoir le développement des entreprises privées (étude de cas n° 7, le modèle de Wenzhou) ; d'autres ont eu recours à une approche plus interventionniste en jouant le rôle de chef de file pour attirer les investissements étrangers. De nombreux modèles différents ont rivalisés les uns avec les autres, et les meilleurs résultats ont été récompensés. Au cours des dernières années, s'appuyant sur les enquêtes internationales relatives au climat de l'investis- sement (Dollar et al 2002), les collectivités locales ont commencé à promou- voir la concurrence pour améliorer le climat de l'investissement. La transpa- rence et la liberté de la presse ont également contribué à tenir les collectivités locales comptables de leurs actions. Les rapports publiés sur les indicateurs de la pollution atmosphérique et de la dégradation de l'environ- nement ont servi de moyens de pression sur les autorités pour les amener à améliorer leur performance. Partenariat avec les organismes étrangers Dans le meilleur des cas, la relation entre les pays en développement et les organismes de développement internationaux et bilatéraux est un partena- riat qui s'inscrit dans un processus d'échange. Depuis toujours, le transfert des savoirs est un exercice qui marche dans les deux sens ; par exemple, la Banque mondiale se met à l'école du pays client, et le pays client à son tour se met à l'école de la Banque mondiale. Deux études de cas illustrent le caractère mutuel du transfert des savoirs. Dans la première qui concerne le projet de réhabilitation du bassin versant du Plateau de Loess, le chef de projet de la Banque mondiale s'instruit, auprès des populations locales, de l'utilité des interdictions de pâturage. Il se rend sur le terrain pour se rendre compte de ce qui a fonctionné et trouve un petit village où le pâturage a été interdit. Cette interdiction est incorporée à la conception du projet et élar- gie. Le projet produit des résultats tellement positifs en termes de réduction de la pauvreté et de réhabilitation de l'environnement que le Gouvernement chinois récompense le chef de projet (Encadré 3.4). Dans la seconde étude qui elle se rapporte au projet de réduction de la pauvreté dans le Sud-ouest, les autorités locales de la province de Guangxi ont au début une approche qui cible les comtés. Leur objectif est d'y implan- ter des usines ; elles ne s'intéressent pas à cibler les ménages pauvres. Après de longues discussions et une visite de terrain dans des villages éloignés, la Banque mondiale réussit à convaincre les responsables locaux que cibler les ménages pauvres est la meilleure option. Dans la conception du même pro- jet, la Banque mondiale est disposée à écouter les doléances des populations autochtones. Une composante de mobilité de la main-d'oeuvre qui finit par s'avérer très efficace, est ajoutée au projet plus tard, après avoir reçu des doléances émanant d'enquêtes conduites auprès de populations pauvres locales en quête d'opportunités d'emploi pour leurs progénitures. 76 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE L'apprentissage et le renforcement des capacités ont été décrits dans le programme national de réduction de la pauvreté 8-7 (étude de cas n° 1). Au terme d'un effort conjoint sur un rapport d'évaluation de la pauvreté en 1992 et plusieurs conférences et ateliers internationaux de formation, la stratégie de réduction de la pauvreté de la Chine a été fortement influencée par les meilleures pratiques internationales, passant du ciblage des comtés pauvres au ciblage des ménages pauvres comme mesure complémentaire. L'approche participative a été introduite au niveau de la planification de la lutte contre la pauvreté dans les villages, permettant aux villageois de choi- sir par voie de vote les sous-projets qu'ils voudraient voir réalisés. À pré- sent, plus de 140 000 villages ont achevé le processus de planification parti- cipative des projets d'investissement pour la réduction de pauvreté. Encadré 3.4 Le Projet de réhabilitation du bassin versant du Plateau de Loess -- apprendre auprès des bénéficiaires Comment briser le cercle vicieux de la dégradation environnementale et de la pauvreté et réaliser un développement qui tienne compte de la nature ; c'est là le défi pressant que connaissent beaucoup de régions du monde. Le succès du projet de réhabilitation du bassin versant du Plateau de Loess est une source d'enseignements utiles pour relever ce défi. Le plateau de Loess en Chine couvre 640 000 kilomètres carrés dans les parties supérieures et moyennes du bassin de drainage du fleuve jaune. Les pratiques agricoles non viables couplées à une forte pression démographique ont provoqué l'érosion massive du sol, l'inonda- tion en aval, et la pauvreté généralisée dans la région. Les efforts antérieurs de lutte contre l'érosion ont échoué. Le projet en cours n'a pas visé seulement la lutte contre l'érosion du sol, ni uniquement la lutte contre la pauvreté. Il a visé le développement de petits bassins versants de manière durable et coordonnée au plan social, des ressources, de l'économie et de l'environnement, intégrant l'aménagement des petits bassins versants au développement économique et à l'amélioration des conditions de vie des populations. Le projet comportait deux parties : la première portait sur la conservation de la terre, le contrôle des alluvions, l'augmentation du revenu agricole à tra- vers la culture en terrasses, le boisement, la création de vergers, la plantation d'herbes, la construction de barrages de contrôle des alluvions et de routes ; la deuxième partie concernait le renforcement des capacités par la formation, la recherche scientifique et la promotion des techniques. La planification et l'exé- cution du projet ont impliqué la conception de cartes détaillées de l'utilisation des terres dans le présent et à l'avenir, réalisée de manière itérative avec la par- ticipation des agriculteurs. La viabilité a été améliorée en offrant aux agricul- teurs des contrats à long terme -- 30 ans au moins -- pour toutes les terres mises en valeur dans le cadre du projet. Le projet a bénéficié à plus de 1,2 million d'agriculteurs et a changé leur vie fondamentalement. La population vivant au-dessous du seuil de pauvreté dans la zone du projet a considérablement baissé en raison des mesures de réduction de la pauvreté prises dans le cadre du projet et par le gouvernement. En outre, le projet a été un succès à trois niveaux. Il a permis : de remplacer la pratique LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : insoutenable de cultures sur des pentes raides par une culture viable et de bien meilleure qualité sur des terrasses larges et plates ; de planter une variété d'arbres, d'arbustes, et d'herbes sur les pentes pour stabiliser le sol et produire les combustibles, le bois de construction et le fourrage ; de réduire sensiblement la destruction des alluvions sur les pentes et les ravins. Par ailleurs, parce qu'environ 70 % des travailleurs agricoles sont des femmes, les sources de revenu d'origines diverses et l'amélioration de l'efficacité de la production leur ont été particulièrement bénéfiques. Le pâturage libre des chèvres et des moutons a toujours été une cause impor- tante d'érosion du sol sur le plateau. Il s'en suit que la décision prise d'interdire le pâturage, dans un premier temps par les comités villageois dans la zone du projet, puis à l'échelon national par plusieurs comtés, a été un tournant décisif du projet. L'interdiction de pâturage n'était pas prévue dans le projet initial, mais est plutôt apparue comme le résultat des actions volontaires entreprises par les villageois. En conséquence de cela, on a instauré les pratiques de l'ali- mentation en enclos du bétail en lieu et place du pâturage libre et de l'introduc- tion de races améliorées de bétail. Cette politique est maintenant adoptée large- ment au delà des comtés du projet ; et l'on assiste à une révolution dans la gestion de la terre et du bétail. Suivi et évaluation Une meilleure collecte de données, un meilleur accès à l'information et la transparence facilitent l'apprentissage et l'évaluation. La Chine a investi dans la transformation et l'amélioration de son système de production de données et de suivi avec l'aide des organismes financiers internationaux (Chen et Ravallion 1996). Le Bureau national de la statistique conduit les enquêtes de ménage qui sont accessibles au public et suit l'évolution de la réduction de la pauvreté. L'analyse empirique transnationale montre que les pays dans lesquels l'information circule mieux ont en effet une meilleure gouvernance (Islam 2003). Des efforts spéciaux ont été faits pour améliorer les systèmes de suivi et la transparence au titre du Projet de réduction de la pauvreté dans le sud-ouest (SWPRP) (étude de cas n° 2). Les systèmes informatisés de suivi et de gestion des agriculteurs dans le cadre du projet global de réduction de la pauvreté a été conçu pour suivre et évaluer les avantages du projet. En 1995, avec l'appui de la Banque mondiale, le Bureau national de la statistique et le Groupe directeur sur la réduction de la pauvreté et le développement (LGO- PAD) ont conjointement installé un système d'évaluation de la pauvreté et de l'impact du projet dans la région du SWPRP. De 1995 à 2001, une équipe du Bureau national de la statistique a réalisé des enquêtes rurales, et des évaluations indépendantes ont été entreprises sur les résultats de la lutte contre la pauvreté dans 35 comtés répartis dans trois provinces. Ceci a con- sidérablement augmenté le degré de transparence et de responsabilisation des responsables de projet. 78 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE De manière plus générale, les incitations, le mérite, et la responsabilité s'améliorent en Chine. Grâce à l'innovation institutionnelle, la Chine peut structurer les incitations destinées aux responsables des échelons central, provincial, et local en fonction de ses objectifs de développement, et mettre en application un système fondé sur le mérite qui tient les fonctionnaires comptables de leurs actions. Les responsables sont en effet tenus responsabi- lités de la performance de l'économie locale et du bien-être des populations. Des responsables ont été forcés à démissionner ou ont été rétrogradés pour mauvaise performance. De 1996 à 2003, plus de 16 000 fonctionnaires ont été licenciés et 30 000 ont démissionné de leurs fonctions (Bolin 2005). C'est là le signe d'un système orienté vers les résultats, assorti de récompenses et de sanctions claires et crédibles, qui permet à l'administration d'être plus efficace. Au sein de ce système, l'information est transmise rapidement et les politiques peuvent être mises en oeuvre efficacement. L'environnement externe Il est essentiel de créer et de s'enrichir d'un environnement externe ouvert et adapté aux nouvelles idées et à l'innovation afin de pouvoir lutter contre la pauvreté. Le tableau A3.1 qui présente une classification des huit études de cas sur la Chine, indique les caractéristiques spécifiques de l'apprentissage et de l'innovation, les facteurs moteurs de la théorie classique de la croissance et les progrès accomplis dans l'intensification de la lutte contre la pauvreté. Ce tableau permet de constater que l'ouverture de la Chine à l'environne- ment extérieur a facilité l'apprentissage et l'innovation : · L'ouverture aux échanges internationaux, à l'investissement et aux nouvelles idées a été essentielle à l'apprentissage et à l'innovation, y compris la volonté d'essayer les idées « étrangères » en mettant moins l'accent sur les barrières idéologiques ; en d'autres termes, il y a une liberté d'accès aux connaissances et aux technologies de pointe. · La transparence a été introduite dans plusieurs secteurs et dans tous les aspects de la vie. Il existe une concurrence féroce non seulement entre les entreprises mais également entre les gouvernements régionaux et locaux. Une entreprise qui n'est pas en mesure d'appren- dre assez rapidement ne peut pas survivre. Si une collectivité locale ne tire pas des leçons des nouvelles idées, son économie locale peut en souffrir et la promotion des responsables peut en pâtir. · Le goût du risque a été encouragé pendant le processus de réforme. Les gouvernements régionaux et locaux sont autorisés ou encouragés à essayer leurs propres méthodes. S'ils trouvent une nouvelle manière de répondre aux questions pressantes, ils seront récompensés. Le « modèle de Zhucheng » relatif à la privatisation des petites entrepri- ses publiques gérées par les collectivités locales constitue un exemple dans ce domaine. Ces entreprises publiques déficitaires et inefficaces représentaient un grand fardeau pour les finances des administrations LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : locales qui souhaitaient les vendre. Le modèle de Zhucheng est une manière de vendre ou de privatiser les petites entreprises publiques par le rachat de la direction et d'autres méthodes similaires. Quand ce modèle s'est avéré concluant, l'ancien premier ministre Zhu Rongji a visité le site et en a confirmé l'utilité ; on est alors passé à la réalisation grandeur nature dans tout le pays. Cependant, il y a eu de nombreux échecs qui montrent que le goût du risque a été suscité. · On a aussi incité les gens à apprendre, en gardant l'esprit ouvert et avec humilité, auprès des petits comme des grands pays, des pays pau- vres comme des pays à revenu élevé, à travers les succès comme les échecs. À cet égard, on peut citer comme exemples la stratégie de pro- motion des exportations adoptée par les tigres de l'Asie de l'Est, et l'adoption de l'approche participative apprise auprès d'autres pays à faible revenu. Le microfinancement conçu au Bangladesh a aidé la Chine. Les leçons tirées des crises financières de l'Asie de l'Est en 1997 ont été intensément étudiées. · La concurrence a été introduite dans la sélection des fonctionnaires à travers des systèmes de concours d'entrée, de mérite et de promotion. La promotion est soumise à un concours qui prend en compte de nom- breux critères, y compris l'expérience pratique des candidats dans l'une des provinces pauvres. Au moment où sont rédigées ces pages, 60 % des six millions de fonctionnaires sont sélectionnés et promus sur concours (Bolin 2005). La rotation des fonctionnaires facilite la diffusion de nouvelles idées, comme dans l'initiative à travers laquelle Shanghai a aidé Yunnan ; de nombreux fonctionnaires et gestionnaires sont partis de Shanghai pour Yunnan, apportant de nouvelles idées et l'expérience pratique d'une région côtière avancée (étude de cas n° 8). · L'accent a été mis sur l'esprit d'équipe et la formation parce que la capacité institutionnelle dépend des équipes. Dans la province de Guangxi, dans le cadre du projet SWPRP (étude de cas n° 2), les objec- tifs visés étaient de « créer un ensemble d'institutions et de réglementations, de constituer une équipe de travail forte et compé- tente, et de sortir une grande partie de la population de la pauvreté ». Des bureaux/postes de gestion de projets ont été installés à plusieurs niveaux et un ensemble de normes comportementales ont été rendues publiques. Le projet a permis d'organiser des sessions de formation pour un total de 10 000 personnes. Avec une équipe du bureau de ges- tion du projet constituée de 169 agents dans les comtés, et de 487 autres dans les villes, cela revient à des opportunités de formation de dix à 15 sessions par personne. La formation est devenue une acti- vité institutionnalisée et, à l'échelon national, environ deux millions de fonctionnaires y participent tous les ans. Des approches et des nor- mes de comportement nouvelles ont été mises en application au moyen de la formation. Sans cet effort énorme visant à établir une équipe et des institutions fortes, l'objectif de « sortir une grande partie de la population de la pauvreté » ne peut qu'être vain. 80 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Les défis futurs Des leçons positives et négatives peuvent être tirées des expériences anté- rieures de la Chine ; quelques politiques ont fonctionné et d'autres ont échoué. Comme le montrent les récentes réformes en faveur des pauvres, il reste à résoudre certains problèmes qui perdurent. En outre, la Chine fait face à de nouveaux défis au cours du nouveau millénaire. Le rythme de la réduction de la pauvreté a ralenti sensiblement et l'inégalité s'est rapidement accrue (Qiu 2005). La présente section passe brièvement en revue les pro- blèmes qui persistent et les nouveaux défis, ainsi que les mesures adoptées récemment par les pouvoirs publics pour y faire face. Les problèmes qui perdurent et les nouvelles réformes en faveur des pauvres Les nouveaux dirigeants chinois ont reconnu la grande importance des ques- tions agricoles et rurales (San-nong), et ont proposé une nouvelle idéologie, celle de « donner la priorité aux hommes » et de « construire une société en harmonie fondée sur cinq équilibres ». Dans l'effort visant à créer une telle société, de nouvelles mesures ont été adoptées en 2005 dans le but de sup- primer des politiques jusqu'alors favorables aux zones urbaines et de résou- dre certains problèmes qui persistent. Quatre exemples sont fournis ici : 1. La Chine fait payer des impôts aux agriculteurs depuis les années 50 et ces impôts sont maintenant considérés comme étant dégressifs. En janvier 2005, le Gouvernement de la Chine a annoncé que les impôts sur l'agriculture seraient réduits chaque année et éliminés dans un délai de cinq ans. Selon le vice ministre Liu Jian du groupe LGOPAD, les 592 comtés participant au programme national de lutte contre la pauvreté seront exonérés de la taxe agricole. En outre, de nombreuses provinces orientales ont réduit ou supprimé les taxes agricoles avant le délai imparti. 2. La répartition des dépenses publiques ne tient pas convenablement compte de la question de la pauvreté et des disparités régionales. La répartition régionale des dépenses publiques penchait en faveur des villes et était favorable aux régions riches. Celles-ci recevaient plus de ressources publiques par habitant que les régions pauvres. Cette situa- tion change progressivement. Un certain nombre de mesures ont été prises par les autorités, y compris des subventions directes aux pro- ducteurs de céréales, à ceux qui utilisent les variétés améliorées et la fixation d'un prix de base pour l'achat des céréales importantes. Ces mesures ont entraîné une forte augmentation à hauteur de 22 % des dépenses budgétaires du gouvernement central sur l'agriculture, les populations et les zones rurales (Gao 2005). LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : 3. Les frais de scolarité et autres rétributions pour les écoles primaires rurales sont relativement élevés, comparés au niveau de revenu, ce qui reflète bien l'insuffisance du financement public des services sociaux tels que l'éducation de base dans les zones rurales. Cette année, les étudiants issus des familles démunies originaires des 592 principaux comtés pauvres seront exemptés des frais pour les manuels scolaires et de charges supplémentaires pendant leur période d'éducation obliga- toire. Les étudiants résidents obtiendront des subventions pour des dépenses relatives au séjour à l'école. L'effort visant à former de jeunes ouvriers ruraux et de les aider à s'orienter vers les secteurs non agrico- les sera accéléré (Gao 2005). 4. La qualité des activités de microcrédit rural est insatisfaisante. Jusqu'à la fin des années 90 par exemple, les entreprises privées ou collectives de Wenzhou n'ont pas reçu plus de 7 % du total des crédits bancaires, quoiqu'ils aient produit plus de 90 % du PIB. Le microcrédit n'a pas été très réussi en Chine pour plusieurs raisons ; l'une de ces raisons étant l'intervention et les subventions excessives du gouvernement et des banques d'État. Des leçons utiles peuvent être apprises d'autres pays, tels que le Bangladesh. De nouveaux défis et de nouvelles politiques adaptées En ce 21e siècle, la Chine fait face à un certain nombre de nouveaux défis. D'abord, le rythme de réduction de la pauvreté a ralenti sensiblement. Le nombre de pauvres ruraux a diminué de 13,7 millions par an pendant les années 80, de 6,2 millions au cours des années 90, et de seulement 1,5 million au cours du nouveau siècle. Ensuite, l'inégalité de revenu continue à empirer et les écarts régionaux se sont considérablement creusés. L'indice de Gini relatif aux revenus s'est élevé de 30 % à 44 % sans tenir compte des effets dus au coût de la vie et de 28 % à 39 % si on en tient compte. Entre autres défis figurent la gestion de ressources naturelles rares telles que la terre, l'eau, et l'énergie, et la nécessité de créer des emplois pour les populations rurales qui n'ont pas de terres, les personnes en chômage, et les ouvriers ruraux migrants. Plusieurs nouvelles politiques sont adoptées pour relever ces défis (Qiu 2005 et Gao 2005). Le gouvernement envisage de : · procéder à la réforme des politiques macroéconomiques en contradic- tion avec l'objectif d'allégement de la pauvreté, y compris le régime fis- cal et le système de transferts, et d'augmenter les intrants dans le déve- loppement agricole et rural pour continuer à favoriser la croissance de la productivité et réduire la pauvreté rurale ; · renforcer la prestation des services publics dans les zones rurales en améliorant les systèmes de santé et d'éducation et en réduisant les frais et autres dépenses liées à la scolarité ; · transformer le modèle de croissance pour le concentrer davantage sur les personnes, la création d'emplois, la productivité et l'efficacité, en 82 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE développant les centres urbains susceptibles de « stimuler et de soute- nir » la croissance des zones rurales et pauvres. La suppression des barrières à la mobilité de la main-d'oeuvre et à l'exode rural sera pous- sée plus avant, et les jeunes agriculteurs seront formés dans le but de faciliter leur migration et leur recherche d'emplois non agricoles ; · redéfinir les seuils de pauvreté et de retenir le « seuil de pauvreté lié au revenu faible » (di shou ru) comme nouveau seuil de pauvreté, en s'attaquant aux problèmes rencontrés par les personnes vivant en-des- sous du seuil de faible revenu ou pas loin de ce seuil, y compris les pauvres des villes. Concernant les « groupes de base » composés de personnes pauvres vivant sous l'actuel seuil de pauvreté absolue, notamment les personnes vivant dans les régions montagneuses éloi- gnées, les malades et les personnes âgées et les groupes vulnérables, le gouvernement apportera une aide sociale plutôt que de se baser seule- ment sur « la réduction de la pauvreté à travers le développement économique » (kaifa fupin) ; et · consentir davantage d'investissements au renforcement des capacités pour la réduction de la pauvreté, ainsi qu'au suivi et à l'évaluation. Plusieurs nouvelles initiatives sont entreprises, y compris le Projet Sunshine, qui favorise la mobilité de la main-d'oeuvre des jeunes ouvriers ruraux. Un centre international de réduction de la pauvreté en Chine a également été crée récemment pour servir de cadre d'apprentissage et d'échange Sud-Sud, favoriser la formation et le ren- forcement des capacités en Chine ainsi que dans les pays voisins. Annexe Voir Tableaux pages suivantes : Tableau A3.1 Classification des études de cas sur la Chine concernant les aspects relatifs à la croissance et à l'apprentissage. Tableau A3.2 Innovations institutionnelles essentielles à la réduction de la pauvreté : ordre d'introduction de nouvelles institutions. Notes 1. Fixé à 300 yuan renminbi au prix de 1990, le seuil officiel de pauvreté est bas, la Chine ayant commencé à un faible niveau de revenu en 1978. En 2004, il avait atteint 668 yuan renminbi, soit 0,78 dollars au taux de change officiel (NBS 2005). Ce taux est utilisé ici pour obtenir des données chronologiques sur une plus longue période, de 1978 à 2004. 2. Les études de cas citées dans le présent chapitre sont les suivantes : Étude de cas n°1 -- W. Sangui, L. Zhou, et R. Yanshun, Le programme national 8-7 sur la réduction de la pauvreté en Chine -- La stratégie nationale et son impact ; Étude de cas n° 2 -- W. Guobao, Q. Yang, et C. Huang, Projet de réduction de la pauvreté Tableau A3.1 Classification des études de cas sur la Chine concernant les aspects relatifs à la croissance et à l'apprentissage Facteurs Degré de Caractéristiques clés de croissance Degré Intitulé du cas Type Période transposition Forces Faiblesses d'apprentissage dans la fonction de succès ailleurs et d'innovation de production Programme Programme 1994 Capital physique, Réussi Conditionné Engagement ; innova- Absence d'objectifs clairs ; Introduction du groupe LGOPAD, national 8-7 national -2000 capital humain mais tion institutionnelle ; mauvais ciblage dans cer- nouvel organisme de coordination, sur la réduction et PTF progrès apprentissage mutuel tains cas ; faible approche et de nouvelles approches dans la de la pauvreté inégal entre le client et le participative ; aspects liés conception du projet, la répartition en Chine donateur et apprentis- au développement humain des ressources financières et la ges- sage par l'action. pas bien pris en compte tion. Introduction du ciblage au niveau des ménages ; approche par- ticipative dans la planification dans les villages ; quoique limitée à la phase initiale. Projet Programme 1995- Capital physique, Significatif Élevé Multisectoriel, Droits de propriété mal Apprentissage mutuel dans la phase de réduction ciblé 2001 capital humain, pluriannuel ; appro- définis ; problèmes de viabi- de conception du projet ; introduc- de la pauvreté mobilité de la che participative ; lité (réparations, coopérati- tion du ciblage au niveau des ména- dans le main-d'oeuvre et ciblage ; ves médicales) ; avantages ges et approche participative dans la sud-ouest PTF engagement ; renfor- et inconvénients de certai- planification au niveau du village ; le de la Chine cement des nes règles de la Banque renforcement des capacités (au capacités ; transpa- mondiale. niveau de l'équipe du projet et des rence villageois) fait partie du projet ; accent mis sur l'esprit d'équipe, la formation et l'obligation pour les res- ponsables des bureaux de gestion de rendre des comptes ; flexibilité au niveau des politiques et de la gestion de projet ; mise en oeuvre d'un bon système de collecte de données pour le suivi et l'évaluation. LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : Tableau A3.1 Classification des études de cas sur la Chine concernant les aspects relatifs à la croissance et à l'apprentissage 84 Facteurs Degré de Caractéristiques clés de croissance Degré Intitulé du cas Type Période transposition Forces Faiblesses d'apprentissage dans la fonction de succès ailleurs et d'innovation de production Projet de réha- Projet de 1994- Capital humain Significatif Élevé Harmonisation des Absence de composante Acquisition de connaissances bilitation du la Banque 2002 et PTF objectifs ; engage- concernant l'approvision- auprès des villageois à la phase bassin versant mondiale, ment ; approche nement en eau de conception du projet ; introduc- du plateau de Gestion des participative droits de tion de l'interdiction de pâturage Loess (LPWRP) ressources propriété ; renforce- (approche locale) à l'échelle naturelles ment des capacités ; nationale ; le renforcement des suivi capacités faisait partie du projet ; introduction de nouveaux produits, approches et technologies. Projet d'adduc- Quatre 1985- Capital humain Significatif Élevé Approche participa- L'accent n'est pas mis sur Introduction de la prestation de tion d'eau projets sec- 2005 tive, recouvrement l'éducation à la santé et à services décentralisée et du recou- et d'assainis- toriels de des coûts ; engage- l'hygiène vrement de tous les coûts (caracté- sement rural la Banque ment ; coordination ristique singulière de ce cas) ; en Chine mondiale collaboration entre plusieurs sec- teurs pour promouvoir l'approche dite « trois en un », recrutement sur concours des agents des services de planification de l'eau et gestion participative ; mise en oeuvre d'une approche de formation à l'acquisition de compétences à l'intention des agents du projet et pour l'exploitation des installations. RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Tableau A3.1 Classification des études de cas sur la Chine concernant les aspects relatifs à la croissance et à l'apprentissage Facteurs Degré de Caractéristiques clés de croissance Degré Intitulé du cas Type Période transposition Forces Faiblesses d'apprentissage dans la fonction de succès ailleurs et d'innovation de production Infrastructure, Projet de la 2001- Capital physique Significatif Conditionné Approche participa- Financement insuffisant La Chine a introduit les approches croissance Banque 2002 tive ; diverses sources en provenance des niveaux modernes de gestion de projet pré- et réduction mondiale, de financement ; pro- supérieurs de l'administra- conisées par la Banque mondiale de la pauvreté Améliora- vision pour entretien tion publique ; dépendance après les années 80 (y compris les en Chine tion des rou- durable excessive à l'égard de la appels d'offre internationaux) et tes pour la main-d'oeuvre volontaire formé un groupe de gestionnaires lutte contre de projet très professionnels -- cela la pauvreté s'applique à ce projet également. Neuf années National/ 1985 Capital humain Réussi Engagement ; Financement insuffisant ; Prise en compte des meilleures d'éducation sectoriel à ce jour mais mobilisation ; suivi ; faible rentabilité pour l'édu- pratiques internationales ; obligatoire pour progrès participation d'ONG cation primaire professionnalisation ; longues la réduction de inégal ; et des médias périodes d'essai avant de passer la pauvreté dans écarts à une échelle plus grande. la Chine rurale élevés entre les niveaux d'éduca- tion LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : Tableau A3.1 Classification des études de cas sur la Chine concernant les aspects relatifs à la croissance et à l'apprentissage 86 Facteurs Degré de Caractéristiques clés de croissance Degré Intitulé du cas Type Période transposition Forces Faiblesses d'apprentissage dans la fonction de succès ailleurs et d'innovation de production Innovation Stratégie 1984 Capital physique, Significatif Conditionné Initiative et engage- Les collectivités locales Processus continu d'innovation et institutionnelle : régionale à ce jour capital humain ment des collectivités participaient au choix d'adaptation ; entreprises collectives modèle de et PTF locales ; ouverture des gagnants, agissant en créées et soutenues/dirigées par Sunan au commerce et à « juge et partie » ; approche des collectivités locales ; l'ouverture l'investissement par trop interventionniste ; au commerce extérieur et à l'investis- étranger ; améliora- droits de propriété mal sement étranger a entraîné l'intensi- tion du climat de définis dans certains cas fication et le progrès technologique ; l'investissement ; l'ouverture aux technologies étran- sécurité sociale au gères et à la concurrence sur les bénéfice des zones marchés ont considérablement rurales et des zones contribué à renforcer les capacités urbaines. et les compétences. Innovation Stratégie Début Capital physique, Significatif Élevé Initiative privée dans Faible niveau de technolo- Introduction par des entrepreneurs institutionnelle : régionale des capital humain un environnement gie et petite échelle au privés ; encouragement et facilitation le modèle de années et PTF favorable créé par les départ ; questions relatives de la part des collectivités locales Wenzhou 80 collectivités locales ; à la mise à jour ; questions grâce à une approche non interven- à ce jour droits de propriété de gouvernance et de tionniste ; longue période d'expéri- bien définis réglementation (contre les mentation et d'essai avant de passer produits de qualité moindre à une échelle plus grande. et la violation des droits de propriété intellectuelle) RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Tableau A3.1 Classification des études de cas sur la Chine concernant les aspects relatifs à la croissance et à l'apprentissage Facteurs Degré de Caractéristiques clés de croissance Degré Intitulé du cas Type Période transposition Forces Faiblesses d'apprentissage dans la fonction de succès ailleurs et d'innovation de production L'Ouest aide Initiative En cours Capital physique, Approprié Limité Utile -- Subordonné Faible niveau de participa- Programme conçu suivant l'hypo- l'Est à réduire la de renforce- depuis capital humain à d'autres plans tion des pauvres à la prise thèse du « vol d'oies sauvages » pauvreté : Shan- ment de 1996 et PTF et projets ; renforce de décision ; administration de manière à favoriser le transfert ghai aide Yunnan la stratégie les ressources efficiente nécessaire pour de savoir à partir des succès enre- nationale de disponibles ; fait inter- être efficace gistrés par les zones côtières ; lutte contre venir de nombreuses l'une des principales composantes la pauvreté couches sociales a consisté à envoyer des fonction- entreprise différentes naires, des responsables et des par l'État gestionnaires de Shanghai à Yunnan au niveau pour renforcer les capacités dans les infranational régions pauvres ; l'investissement dans l'éducation et le renforcement des capacités sont des composantes clés Source : informations préparées par les auteurs sur la base des études de cas. LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : Tableau A3.2 Innovations institutionnelles essentielles à la réduction de la pauvreté : ordre d'introduction de nouvelles ins- 88 titutions. Année de démarrage Degré Innovation institutionnelle et de passage Passage à l'échelle accompli de complexité Résultats/conclusions en bref à l'échelle de l'apprentissage Début des réformes (1978­1993) : institutions locales Régime de la responsabilité des 1978­1983 D'un village de la province d'Anhui à 1 Incitations aux agriculteurs ; augmen- ménages dans les zones rurales toute l'étendue du territoire tation rapide de la productivité en zone rurale Les zones économiques spéciales, 1978 De 4 en 1978­1980 à 12 villes 2 Facilitation de l'expérimentation et de zones de développement des techno- à ce jour côtières et à des centaines de zones l'apprentissage à partir d'expériences logies de pointe, double approche du spéciales et à la pointe de la techno- propres développement régional logie Entreprises villageoises Années 80 Prolifération ; emploi de 135 millions 3 Moyens d'action aux entrepreneurs ; de travailleurs promotion ultérieure du développe- ment du secteur privé Décentralisation budgétaire : le style Années 80­90 Expérimentation suivie d'un passage 4 Moyens d'action aux collectivités loca- chinois (avant les réformes de 1994) à l'échelle nationale du sommet à la les et motivation à entreprendre des et système d'imposition après 1994 base expérimentations Introduction et mise en oeuvre du sys- Années 80 Passage à l'échelle à travers la for- 5 Amélioration de l'efficacité dans l'exé- tème d'appel d'offres international et à ce jour mation, l'apprentissage par l'action et cution du projet et des impacts d'autres approches de gestion de par l'exécution des projets projet Seconde phase des réformes (de 1994 à ce jour) : création d'institutions modernes et utilisant les meilleures pratiques Entreprises d'État remplacées par 1990 Le modèle de Zhucheng a été repro- 10 Réforme en cours des entreprises modernes et des à ce jour duit à l'échelle nationale sociétés par action ; Entreprises villa- geoises privatisées RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Tableau A3.2 Innovations institutionnelles essentielles à la réduction de la pauvreté : ordre d'introduction de nouvelles ins- titutions. Année de démarrage Degré Innovation institutionnelle et de passage Passage à l'échelle accompli de complexité Résultats/conclusions en bref à l'échelle de l'apprentissage Plus grande intégration à l'économie 1990 Application des lois et règlements 10 Réforme en cours ; l'apprentissage mondiale ; avec l'accession de la à ce jour conformes aux principes de l'OMC par l'action et par l'exportation se Chine à l'OMC, des centaines de lois du sommet vers la base à l'échelon poursuit ; et apprentissage à partir des sont réécrites en conformité avec les national meilleures pratiques internationales principes de l'OMC Réformes inachevées : réforme du 1990 Introduction de la concurrence au 20 En cours secteur financier, le secteur bancaire à ce jour niveau local, suivie de l'ouverture à (plus complexe) par exemple l'étranger ; il reste encore beaucoup à faire LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : 90 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE dans le sud-ouest : une approche multisectorielle ; Étude de cas n° 3 -- C. Shaojun, W. Yue, et W. Yije, Projet de réhabilitation du bassin versant du Plateau de Loess ; Étude de cas n° 4 -- M. Shuchen, T. Yong, et L. Jiayi, Projet d'adduction d'eau et d'assainissement rural en Chine ; Étude de cas n° 5 -- D. Yan et F. Hua, l'infrastruc- ture, la croissance et la réduction de la pauvreté en Chine ; Étude de cas n° 6 -- Z. Tiedao, Z. Minxia, Z. Xueqin, Z. Xi, et W. Yan, Neuf années d'éducation obliga- toire pour la réduction de la pauvreté dans la Chine rurale ; Étude de cas n° 7 -- Y. Peng, S. Boyuan, et Z. Min, Transition institutionnelle, amélioration du climat de l'investissement et réduction de la pauvreté à Sunan et Wenzhou ; Étude de cas n° 8 -- X. Zuo, H. Quan, T. Wang, et G. Shen, L'Est aide l'Ouest à réduire la pauvreté -- Shanghai aide Yunnan. 3. Cet exemple a été retenu parce qu'en dépit du fait que la situation qui prévaut en Chine est unique dans tous les sens du terme dans le monde en développement et que la plupart des approches adoptées par la Chine sont spécifiques à ce pays et non transposables, l'approche relative à l'apprentissage et à l'expérimentation pour l'innovation peut être reproduite dans tous les pays. 4. Qian (2000) a tiré les conclusions suivantes : un pays peut atteindre un niveau de croissance rapide s'il adopte des institutions adaptées quoiqu'imparfaites ; les incitations et les contraintes budgétaires rigoureuses doivent être appliquées non seulement en ce qui concerne les entreprises mais aussi les gouvernements ; il est pos- sible et politiquement souhaitable de mettre en oeuvre des réformes sans créer des perdants. Les réformes graduelles appliquées par la Chine en ayant recours à une double approche de la libéralisation permet de soutenir une croissance stable et d'éviter de générerbeaucoup de perdants -- les nouveaux pauvres -- pendant la transition historique vers une économie de marché (voir la troisième section du pré- sent chapitre). 5. Sen (1992, p. 126) affirme que « dans le cas de la Chine, la forte augmenta- tion de l'espérance de vie et la baisse des taux de mortalité ont eu lieu avant les réformes économiques de 1979, et sont survenus en réalité dans une période de croissance économique très modérée ». 6. Dans certaines régions pas si pauvres de l'ouest de la Chine, l'inscription à l'école primaire varie d'un village à un autre et le taux d'abandon scolaire reste élevé. Les inégalités observées au titre du succès dans le système éducatif sont frap- pantes. L'indice de Gini sur l'éducation, un indicateur de l'inégalité dans l'éducation, a baissé en Chine de 0,55 en 1975 à 0,38 en 2000, ce qui reste élevé comparé à celui de la Corée qui se situe à 0,19 (Thomas, Wang, et Fan 2001). 7. Comme le montre le cas de Wenzhou et Sunan (cas n° 7), ces nouvelles entre- prises ne disposaient initialement pas de droits de propriété clairement définis,certai- nes étaient des propriétés collectives et d'autres ont été plus tard transformées en entreprises privées. Elles permettaient aux ménages des zones rurales pauvres d'obte- nir des revenus plus élevés et plus diversifiés, et les aidaient directement à sortir de la pauvreté. À la fin des années 90, certaines des entreprises villageoises ont été transformées en entreprises privées, en partenariats ou en sociétés par actions. 8. Pendant le visite sur le terrain dans le comté de Dongguan à Guangdong, les participants ont été informés que 14 000 entreprises étrangères exerçaient leurs acti- vités et employaient 5 millions de travailleurs migrants parmi lesquels 100 000 ouvriers venant de la ville de Guangxi Hechi à Dongguan au titre de la composante mobilité de la main-d'oeuvre avec un montant global de transferts s'éle- vant à environ 300 millions de yuan renminbi. LE DÉVELOPPEMENT COMME PROCESSUS D'APPRENTISSAGE ET D'INNOVATION : 9. John Sutton (2005) montre, arguments frappants à l'appui, que la mondiali- sation et la concurrence ont contraint les entreprises à assurer leur compétitivité à travers le transfert de connaissances et le renforcement des capacités sans lesquels elles ne sauraient survivre. 10. Comme conséquente de l'adhésion à l'OMC, il est probable qu'il y ait une légère baisse des salaires et des revenus ruraux. Les effets néfastes sur la pauvreté seront probablement négligeables et pourront être traités avec des mesures telles que l'amélioration de la technologie et de l'infrastructure en zone rurale, l'élargissement des opportunités d'éducation dans les zones rurales et la réduction des barrières à la migration en dehors des zones rurales. Par ailleurs, cette adhésion peut avoir un impact favorable sur l'économie rurale à long terme. En tant que membre clé de l'OMC, le Chine peut exiger la réduction des barrières érigées contre ses exporta- tions agricoles car elles sont au moins quatre fois plus élevées que celles érigées con- tre les exportations non agricoles (Martin 2001). Bibliographie Ahmed, Etisham, et Yan Wang. 1991. « Inequality and Poverty in China: Institutio- nal Change and Public Policy, 1978­1988. » World Bank Economic Review 5 (2): 23 1­57. Bolin, Zhang. 2005. "Speech by the Minister of Personnel." 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Dans l'ensemble, la littérature y afférente tend à montrer que les services de transports, de télécommunications et d'électricité sont très importants pour la croissance et la réduction de la pauvreté, tandis que les routes, l'eau et l'assainissement en milieu rural sont essentiels à l'amélioration des conditions de vie des populations les plus démunies1. Les études de cas sur l'infrastructure qui ont été présentées à Shanghai, ainsi que les projets de réforme en cours, qui servent de cadre au développe- ment de ces infrastructures, constituent une base diversifiée à partir de laquelle on peut élaborer une stratégie permettant de relever les défis de plus 1. Les cinq sections thématiques de ce chapitre ont été rédigées ainsi qu'il suit : Infrastructure, Kim Cuenco ; Réforme judiciaire, Roberto Dañino et Waleed Malik ; Microfinance, Anne Ritchie et Lisa Taber ; Santé, Egbe Sifo-Dawodu et Gift Manase ; et Éducation, Karen Lashman. 96 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE en plus complexes dans le secteur de l'infrastructure -- promouvoir la crois- sance et la réduction de la pauvreté, deux objectifs qui se renforcent mutuel- lement.La présente section s'inspire de 12 études de cas. Les cas retenus sont variés, dont cinq sur les stratégies et politiques d'ensemble dans le domaine de l'infrastructure, trois sur l'accès à l'eau, deux sur les transports et deux sur le développement urbain intégré. Les leçons sur la manière dont on peut intensifier la lutte contre la pauvreté au moyen des investissements dans l'infrastructure sont tirées de cet ensemble de cas2. L'impact spécifique de l'infrastructure sur la pauvreté a été étudié sous plusieurs angles. Les services d'infrastructures peuvent entraîner une aug- mentation en termes réels des revenus réels des populations les plus pauvres. Ils peuvent également permettre d'améliorer l'accès des plus pauvres aux services d'éducation et de santé3. La définition la plus large qui est donnée de la pauvreté met l'accent sur la manière dont les services d'infrastructures renforcent l'intégration sociale, les capacités humaines et la liberté. Une conclusion que l'on peut tirer de ces études est que l'accroissement des investissements dans les services d'infrastructures n'entraîne pas toujours une amélioration de l'accès des pauvres aux services sociaux de base et une meilleure qualité de la vie. Si l'impact général du développement de l'infras- tructure sur la pauvreté peut souvent être positif, des études ont montré que ses effets socioéconomiques locaux peuvent se révéler négatifs sauf s'ils sont délibérément atténués (dans le cas des projets de production hydroélectrique par exemple). Le développement intégré de l'infrastructure Assurer des services d'infrastructures sans risques, fiables et efficaces par rapport aux coûts contribue largement à relever le niveau de vie et à amélio- rer la qualité de la vie. Cependant, accroître les investissements dans les ser- vices d'infrastructures et s'assurer que les retombées de ces interventions bénéficient également aux couches les plus pauvres demeurent des défis redoutables pour de nombreux pays. Les études de cas présentées illustrent certaines leçons clés qui permettraient de s'assurer que les résultats du déve- loppement de l'infrastructure sont au service du bien-être des populations. Le Projet de routes rurales au Maroc révèle l'importance de deux facteurs qui lui ont permis d'avoir un plus grand impact sur la réduction de la pau- vreté, à savoir, le fait de privilégier les résultats (accessibilité) et celui de favoriser la participation des autorités locales. L'impact de ces facteurs sur les procédures du gouvernement central a permis d'étendre le projet à l'échelle du pays. Lors de la conception de ce projet, le gouvernement avait pris la décision stratégique de privilégier l'accessibilité plutôt que le nombre de routes construites afin de s'assurer que les services routiers bénéficient aux populations les moins accessibles, qui comprennent normalement une ANALYSE THÉMATIQUE 97 proportion plus élevée de personnes les plus pauvres. Un facteur clé qui a contribué à la mise en oeuvre de cette approche est la participation active des collectivités territoriales dans le processus de planification, bien que la responsabilité en matière d'élaboration et d'exécution du programme ait été confiée à l'Agence nationale des routes. Ce processus participatif a été ren- forcé par la contribution financière des diverses collectivités territoriales au profit du programme routier. Le processus sera davantage renforcé dans le cadre du projet de suivi, qui prévoit une contribution plus importante et plus ciblée pour l'amélioration et l'entretien des routes rurales au niveau local. Parallèlement, en privilégiant l'amélioration de l'accessibilité des infrastructures rurales, le gouvernement a exercé une influence sur l'Agence nationale des routes, qui a ainsi cessé de mettre l'accent sur le nombre d'infrastructures physiques, pour se fixer des objectifs en fonction du nom- bre de personnes qui bénéficieront d'un accès amélioré à un réseau routier fiable. Une grande leçon que l'on peut tirer de cette étude est que les effets des interventions réalisées dans le domaine de l'infrastructure peuvent se répercuter au-delà du secteur, étant donné que les retombées des investisse- ments dans un secteur, à l'instar du secteur routier, ont souvent une large portée et touchent un grand nombre de secteurs et de services. Bien que ces effets soient prévisibles, d'autres sont plus difficiles à prévoir et dépendent des circonstances locales. Toutefois, ces conséquences secondaires peuvent offrir une excellente opportunité permettant d'exploiter les effets positifs des investissements réalisés dans un secteur afin d'élargir la couverture des avantages à d'autres services apparentés4. Expérimentation et prise de risque Maintenir la lutte contre la pauvreté comme un objectif central peut impli- quer un certain niveau d'expérimentation. La phase pilote permet de tester un modèle pour voir dans quelle mesure ce dernier peut être reproduit à grande échelle. L'introduction d'un nouveau mode de fonctionnement impli- que généralement qu'il faut prendre un certain degré de risque, procéder par des expérimentations et des essais. Pour produire un impact sur la lutte con- tre la pauvreté, les leçons de la phase pilote peuvent être incorporées dans un programme national. Au Ghana, le secteur de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement des zones rurales a été transformé au cours de la dernière décennie, passant d'un modèle centralisé impulsé par l'offre, à un système dans lequel les communautés exploitent et entretiennent les systè- mes, tandis que le secteur privé offre les biens et services. Comme le rap- porte l'étude, la réforme a débuté par un dialogue entre les principales par- ties prenantes, et a par la suite été mise en oeuvre au moyen de nombreux projets pilotes de grande ampleur. Les leçons tirées des phases pilotes ont finalement été incorporées dans un programme national. 98 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE La prise de risque peut préparer le terrain. En Inde où investir dans les services d'infrastructures est considéré comme une entreprise de haut risque pour le secteur privé, le gouvernement de l'État du Tamil Nadu a exploré de nouvelles voies en lançant plusieurs projets révolutionnaires d'infrastructu- res privés, dans le but de viabiliser la participation du secteur privé dans un environnement qui est caractérisé par la peur du risque et dominé par le sec- teur public. Cet État a mis en place trois grandes institutions faîtières en partenariat avec le secteur privé : Tamil Nadu Water Investment Company ; Tamil Nadu Urban Infrastructure Financial Services, Ltd ; et Tamil Nadu Road Development Company. Chacune de ces institutions a été structurée de façon novatrice et investie de pouvoirs étendus en matière de conception et de développement de projets avec la participation du secteur privé. La Banque asiatique de développement a défini des critères permettant de s'assurer que le développement de l'infrastructure vise la satisfaction des besoins des populations les plus démunies. Ces critères sont résumés dans l'encadré 4.1. Encadré 4.1 BAD -- Leçons tirées des projets d'infrastructures Lorsque les circonstances le permettent, les projets d'infrastructures peuvent considérablement contribuer à réduire la pauvreté. Les études d'évaluation menées par la Banque asiatique de développement dans les secteurs des routes et des transports ont permis d'identifier les facteurs clés ci-après, qui permet- tent d'accroître l'impact des projets d'infrastructures sur la pauvreté : 1. Engagement en faveur d'un développement favorable aux pauvres : Dans les pays qui mettent en oeuvre des politiques et programmes favora- bles aux pauvres, l'amélioration de l'infrastructure a entraîné l'accroisse- ment des opportunités de développement économique et social qui, directement ou indirectement, ont très souvent bénéficié aux pauvres. Sans un tel engagement politique, il n'est pas certain que l'infrastructure mise en place aurait autant influencé la vie des pauvres. 2. Politiques de tarification complémentaire des infrastructures et de prestation de services : L'utilisation de subventions croisées, la subven- tion du raccordement initial dans le but de faciliter l'accès des pauvres et l'application d'une tarification diversifiée, sont des exemples de politi- ques qui permettraient de ressentir l'impact sur la pauvreté des investis- sements dans les services d'infrastructures. En l'absence de politiques appropriées, on court le risque de voir les non pauvres et les groupes d'intérêts détourner les ressources. De même, des tarifs de transport abordables peuvent permettre aux populations les plus pauvres d'avoir accès à des infrastructures routières améliorées si un climat de concur- rence est instauré dans les services de transport. 3. Cadre institutionnel ouvert et compétitif : Les services d'infrastructures sont mieux assurés dans un contexte d'ouverture et de compétitivité, ce qui contribue à promouvoir un bon climat des affaires, entraînant un accrois- sement de la production, du volume des échanges commerciaux et de la ANALYSE THÉMATIQUE 99 croissance. Tel que le montre l'exemple de la région du Grand Mékong, s'engager fermement pour l'amélioration du fonctionnement des marchés et l'accroissement du volume des échanges et des investissements afin de promouvoir la croissance est un facteur important dans la mise en place d'infrastructures à vocation régionale. Les différentes dimensions du passage à l'échelle Passer à l'échelle supérieure à travers des interventions dans le domaine de l'infrastructure comporte différentes dimensions. La présente section exami- nera comment les effets des interventions dans le domaine de l'infrastruc- ture peuvent être accélérés lorsque les conditions économiques et politiques appropriées sont réunies, comme dans les cas de la Chine et du Viet Nam. Il y a également une dimension spatiale, telle que mise en exergue à travers le programme d'assainissement des quartiers insalubres de la ville de Rio de Janeiro et dans les projets d'infrastructures régionales financés par la Ban- que asiatique de développement dans la sous-région du Grand Mékong. La troisième dimension est illustrée par le jumelage des villes. Cette approche permet aux municipalités de nouer des liens autour de programmes axés sur la lutte contre la pauvreté. Elle propose ainsi une forme de coopération potentiellement efficace, que l'on peut utiliser pour diffuser les bonnes prati- ques, partager les connaissances et plaider la cause des villes. Passage à l'échelle à travers une croissance diversifiée Des pays comme le Viet Nam et la Chine ont réussi à réduire considérable- ment la pauvreté en maintenant le rythme d'une croissance accélérée, à tra- vers la mise en oeuvre de réformes délibérées portant sur les politiques publi- ques et les institutions, avec pour but de stimuler la croissance tout en renforçant les capacités humaines. Investir dans l'infrastructure en associa- tion avec d'autres interventions de lutte contre la pauvreté a été un facteur déterminant dans l'élaboration de cette stratégie de développement. En guise d'illustration, au cours de la dernière décennie, l'économie vietna- mienne a enregistré une croissance moyenne annuelle de 7,6 %, soit l'une des plus rapides du monde. Cette croissance a été remarquablement favora- ble aux pauvres, dans la mesure où elle a libéré quelque 20 millions de per- sonnes du joug de la pauvreté en moins d'une décennie. L'investissement dans les services d'infrastructures a été le principal facteur qui a permis de réduire la pauvreté, en association avec la mise en oeuvre de programmes ciblés de lutte contre la pauvreté. Les projets régionaux de grande envergure exécutés dans le domaine des transports ont beaucoup contribué à établir des liens entre les centres de croissance et les zones rurales environnantes. Parallèlement, les investissements réalisés dans les secteurs de l'eau, de 100 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE l'assainissement et des transports, en particulier, ont eu un grand effet posi- tif sur la lutte contre la pauvreté au niveau provincial. De même, la Chine a investi lourdement dans les transports afin de four- nir l'accès aux marchés, faciliter l'intégration du marché intérieur, réduire les coûts de production et de transport, et rendre le pays compétitif sur le plan international. En plus d'entraîner la croissance, cet investissement a permis de réduire la pauvreté en améliorant l'accès aux services et aux opportunités économiques. Toutefois, étant donné que le rendement des investissements dans les services d'infrastructures diminue avec le temps, la Chine devra envisager une stratégie plus large qui permettrait de maintenir sa croissance économique et ses programmes de lutte contre la pauvreté. La dimension spatio-temporelle du passage à l'échelle Le programme Fayela Bairro, qui figure parmi les programmes d'aménage- ment urbain les plus populaires d'Amérique latine, est considéré comme une référence pour les projets d'assainissement des quartiers insalubres. Le suc- cès de ce projet peut être attribué dans une large mesure à son approche intégrée, aussi bien en termes d'investissements qu'en termes d'interven- tions, associée à l'utilisation de critères de sélection transparents et de pro- cessus participatifs dans sa mise en oeuvre. En effet, depuis la mise en oeuvre de ce projet, le niveau de vie dans les établissements informels concernés a été relevé ; les conditions sanitaires se sont améliorées ; la valeur de l'immo- bilier a augmenté ; et les risques liés à la pauvreté parmi les groupes les plus vulnérables ont été réduits. Des contrôles financiers et de gestion efficients et fiables, l'utilisation de critères de sélection transparents, une forte participa- tion communautaire et une bonne information de la communauté sur les avantages du programme ont été déterminants pour le succès de ce dernier. Le programme Favela Bairro a introduit au Brésil un modèle de passage à l'échelle qui a suscité l'intérêt d'autres pays tels que l'Argentine, la Bolivie, l'Équateur et l'Uruguay. Ces pays ont entamé des actions similaires. D'autres programmes mis en oeuvre au Brésil ont été influencés par la con- ception du programme Favela Bairro. L'étude de Favela Bairro illustre l'importance d'adopter une approche intégrée qui combine à la fois les amé- liorations physiques et sociales avec une forte participation communautaire. Les solutions concernant un seul secteur ne sauraient permettre de résoudre des problèmes urbains complexes5. Les inégalités croissantes entre les zones rurales et les zones urbaines posent également de nouveaux défis en matière d'infrastructures, tandis que l'urbanisation rapide exerce une forte pression sur l'infrastructure urbaine et la capacité des gestionnaires urbains à satisfaire la demande. De nouvelles poches de pauvreté émergent dans les établissements périurbains. Pérenniser et étendre les effets positifs des investissements dans le domaine de l'infras- tructure nécessiteront que l'on examine la dimension spatiale de la pauvreté et établisse l'ordre des priorités des investissements, le tout dans un contexte ANALYSE THÉMATIQUE 101 marqué par la rareté des ressources. Cela nécessitera des arbitrages qui doi- vent être soigneusement opérés. L'une des leçons clés qui sont transversales aux différents cas est la nécessité de mettre en place un cadre qui permettrait de prendre les décisions concernant l'établissement de l'ordre des priorités et l'échelonnement des interventions. La dimension régionale du passage à l'échelle Bien que l'appui à l'infrastructure soit très souvent fourni dans un contexte national ou local, des projets régionaux dans le domaine de l'infrastructure ont permis à de nombreux pays de réduire la pauvreté à une plus grande échelle, notamment en exploitant les économies d'échelle, les occasions et les réseaux transfrontaliers. Cette réalité est particulièrement évidente dans le secteur routier. La mise en réseau des voies de communication peut per- mettre de réduire considérablement la pauvreté (Encadré 4.2). Encadré 4.2 Évaluation d'une infrastructure de transport de grande envergure dans le Nord du Viet Nam L'amélioration de la route nationale No 5(NH5) dans la région du Delta du fleuve rouge figure parmi les programmes de grande échelle les plus importants qui ont été entrepris dans le domaine de l'infrastructure au Viet Nam. La NH5 est la seule route qui relie Hanoi, la capitale nationale, à la ville portuaire de Haiphong, et véhicule l'essentiel de l'activité économique et sociale du Nord du Viet Nam. En 1992, les Gouvernements vietnamien et japonais avaient con- venu d'améliorer la NH5 et de réhabiliter le port de Haiphong. Le projet a porté sur l'expansion de l'activité économique dans les zones situées le long de la NH5, le développement d'une production agricole de grande valeur, l'amé- lioration de l'accès à l'enseignement supérieur et aux services médicaux. Les résultats de ce grand projet sont nombreux tant au niveau des ménages qu'au niveau régional. L'investissement direct étranger (IDE) dans les principales zones industrielles a considérablement augmenté, et une enquête réalisée auprès de plus de 70 gestionnaires d'entreprises étrangères ayant consenti des investis- sements directs dans le pays indique que près de 90 % des nouveaux investisse- ments sont directement dérivés de cette amélioration. Parallèlement, les provin- ces situées le long du corridor ont également connu des taux de croissance plus élevés du revenu par habitant et une réduction du nombre de ménages pauvres par rapport à la moyenne du delta du fleuve rouge dans tout le pays. Les avan- tages de la croissance se sont étendus aux zones environnantes avec une trans- formation similaire de l'économie rurale. L'amélioration des services de trans- port a également entraîné l'accroissement des activités touristiques dans la baie de Ha Long. En Asie et dans le Pacifique, la coopération économique régionale a faci- lité la mise en réseau d'un certain nombre de pays, permettant ainsi de par- 102 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE tager facilement les leçons à une échelle beaucoup plus large. Le programme sous-régional du Grand Mékong (GMS) qui est financé par la Banque asiati- que de développement constitue à cet égard un bel exemple. Depuis le lance- ment de ce programme en 1992 par les six pays membres du GMS, de nom- breux acquis ont été enregistrés. Des liens économiques ont été renforcés à travers une série de projets d'infrastructures et d'autres projets apparentés. Par ailleurs, l'émergence d'une nouvelle zone commerciale a attiré les inves- tisseurs, ce qui a contribué à promouvoir la croissance économique et le développement social de la région tout en améliorant les rapports entre les pays membres. L'investissement dans les infrastructures de transport a été complété par l'amendement du cadre réglementaire. Tout cela a favorisé la croissance des échanges et des flux d'investissements dans la région, laissant ainsi entrevoir la corrélation qui existe entre le commerce et les investisse- ments. L'intégration à travers des liens infrastructurels régionaux est particulièrement importante pour les pays enclavés. Le programme GMS a inspiré la mise en place d'organismes qui couvrent actuellement l'ensemble de la région Asie-Pacifique, dont l'Organisation de coopération économique en Asie centrale et le Forum commercial d'Asie centrale et du Sud6. La dimension internationale du passage à l'échelle La stratégie de jumelage des villes montre que la coopération internationale et la coopération entre les municipalités peuvent permettre d'atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire (ODM) à travers l'établisse- ment de liens de coopération entre les villes. Deux couples de villes -- Tamale au Ghana et sa ville jumelle de Louisville au Kentucky ; Dushanbe au Tadjikistan et Boulder au Colorado -- ont convenu de se concentrer sur les ODM dans le cadre du Programme pour un développement durable des villes de l'ONG internationale Sister Cities International. Ces deux couples de villes font partie d'un réseau de 1 500 villes d'Asie, d'Afrique et d'Améri- que latine qui se sont jumelées avec 750 villes des États-Unis d'Amérique. Le projet est différent de ceux qui ont été présentés à la Conférence de Shan- ghai. Tout d'abord, il est essentiellement le fruit de la coopération horizon- tale au niveau des municipalités et qui fonctionne déjà à une très grande échelle -- des milliers de villes -- issues d'une bonne partie du monde. Ce projet de coopération municipale est un moyen potentiellement puissant pour diffuser les bonnes pratiques, partager les connaissances et plaider la cause des villes. ANALYSE THÉMATIQUE 103 Facteurs de réussite dans la mise à l'échelle des infrastructures Leadership et volonté politiques Les champions -- hommes politiques, décideurs, ONG, bailleurs de fonds -- jouent un grand rôle dans la diffusion des avantages des infrastructures sur la réduction de la pauvreté et la croissance. Encadré 4.3 Indicateurs du passage à l'échelle Le passage à l'échelle est effectif lorsque : · les tests pilotes concluants sont traduits en pratique -- l'extension régionale de l'approvisionnement en eau dans les zones rurales du Ghana, du Lesotho et d'Afrique du Sud par exemple ; · les solutions trouvées à un niveau sont reproduites à d'autres niveaux -- par exemple, les routes rurales et le projet de lutte contre la pauvreté au Maroc ; · des opérations intégrées sont utilisées pour résoudre des problèmes mul- tiples -- à l'instar du projet Favela-Bairro au Brésil ; · les décisions concernant l'échelonnement des actions et l'établissement des priorités sont bien prises, tel que dans tous les cas retenus dans la présente section du chapitre. Le passage à l'échelle requiert une vision à long terme et des efforts soute- nus. En particulier, la volonté politique au plus haut niveau, traduite par l'allocation des ressources et une législation favorable, est essentielle pour la mise en oeuvre des programmes de lutte contre la pauvreté. Deux cas méritent une attention particulière : la Chine et le Viet Nam. Au cours de ces 20 dernières années, le Gouvernement chinois a beaucoup investi dans les infrastructures publiques. En effet, des investissements ciblés dans les domaines des transports, de l'approvisionnement en eau et de l'assainisse- ment constituent une composante essentielle de son programme de lutte contre la pauvreté. En particulier, l'approvisionnement en eau et l'assainis- sement des zones rurales sont considérés comme des composantes essentiel- les de la lutte contre la pauvreté. De l'avis du Gouvernement chinois, il ne s'agit pas tout simplement d'un problème technologique et économique ; il s'agit également d'une priorité politique. En conséquence, il s'est fixé des objectifs ambitieux, avec pour but d'offrir l'accès à des services améliorés d'eau potable à 95 % de sa population rurale (dont 70 % avec accès à l'eau courante) et 65 % avec accès aux latrines sanitaires à l'horizon 2010. Cette initiative était toutefois fondée sur la conviction qu'un leadership et une volonté solides sont nécessaires non seulement au niveau national, mais 104 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE également aux niveaux provincial et local. Pour un pays aussi grand que la Chine, la décentralisation était essentielle pour le développement rapide de l'infrastructure. Dans le cadre de l'appui apporté à ce programme, le gou- vernement a non seulement alloué les ressources nécessaires, mais il a sim- plifié le cadre institutionnel afin de réduire le double emploi et améliorer la coordination entre les agences à différents niveaux. Sans ces conditions, le passage à l'échelle dans le secteur de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement des zones rurales aurait rencontré des difficultés insurmon- tables. Toutes ces initiatives nécessitent un degré élevé d'engagement de la part des dirigeants politiques et des décideurs. Mais le gouvernement a éga- lement besoin du pouvoir administratif et politique pour pouvoir mener à bien ce programme. La Chine se distingue à cet égard. Au Viet Nam, une volonté politique claire s'est avérée déterminante pour la réduction de la pauvreté dans les économies rurales. La stratégie globale de lutte contre la pauvreté et de croissance a servi de cadre à la mise en oeuvre du projet de la route nationale no 5 (Encadré 4.2). Dans le cadre de cette stratégie, l'administration centrale et les administrations provinciales ont apporté un appui intégré aux agriculteurs pauvres. L'augmentation du volume des crédits ruraux octroyés par les banques étatiques constitue à cet égard un bel exemple. Sans ces interventions complémentaires, les agricul- teurs auraient été incapables d'exploiter les opportunités économiques offertes par l'amélioration de l'infrastructure dans le domaine des trans- ports. Ce projet dans le domaine des transports permet d'apprécier les nom- breux rôles que l'infrastructure peut jouer pour stimuler la croissance éco- nomique et contribuer directement à réduire la pauvreté à travers des voies multiples. Mais cela aurait été impossible si le gouvernement n'avait pas fait preuve d'une volonté politique claire et ferme7. Les initiatives menées en Albanie et en Afrique montrent à quel degré l'engagement de haut niveau et une législation claire sont nécessaires pour étendre les interventions dans les secteurs de l'eau et de l'assainissement. En Albanie, l'appui politique en faveur de la réforme institutionnelle et de la mise en place d'un cadre juridique, afin de permettre aux collectivités terri- toriales d'assumer l'entière responsabilité en matière d'offre des services d'eau, a été le moteur du changement. En incluant le droit aux services d'approvisionnement en eau et d'assainissement de base dans l'ensemble des droits sociaux, économiques et environnementaux, la Constitution de la République d'Afrique du Sud de 1996 a fait des programmes d'approvision- nement en eau et d'assainissement en milieu rural une composante inté- grante du programme national des droits de l'homme tel que reconnu par la loi. Au Lesotho, le cadre juridique a évolué avec le passage du programme d'assainissement de la phase pilote à la phase de mise en oeuvre effective dans l'ensemble du pays, notamment à travers la création d'un programme national d'assainissement en 1987. De même, en 2000, le Gouvernement albanais a approuvé une nouvelle loi sur les collectivités territoriales, qui a consacré le transfert de la responsabilité en matière d'approvisionnement en eau aux communes et municipalités8. Bien que de nombreux textes d'appli- ANALYSE THÉMATIQUE 105 cation soient encore attendus pour l'entrée en vigueur de cette loi, elle cons- titue un grand pas en avant dans la mesure où elle développera le sens de l'appropriation et encouragera l'amélioration des prestations au niveau local. Bien que des études aient de façon cohérente reconnu que le rôle de pre- mier plan revient aux gouvernements nationaux, l'habilitation et l'implica- tion des communautés et de la société civile locales sont des conditions préalables pour assurer de bons résultats. Les principes de gestion commu- nautaire se sont révélés importants au Ghana et au Lesotho, et dans quel- ques aspects (notamment l'assainissement) en Afrique du Sud. En Albanie, les agriculteurs et les associations d'utilisateurs d'eau ont joué un grand rôle dans la diffusion des avantages de ces programmes. Force de l'innovation L'apprentissage et l'innovation peuvent permettre de rompre le cercle vicieux de la mauvaise performance dans le secteur de l'infrastructure. Le projet de production d'électricité par le secteur privé de Pamir au Tadjikis- tan est né de la nécessité de trouver des moyens novateurs pour assurer des services essentiels dans un pays où les ressources publiques sont extrême- ment limitées et dans des domaines où le secteur public est peu disposé à s'engager. L'innovation institutionnelle consistait en la création d'une entre- prise régionale de service public entièrement opérationnelle, qui a permis de dégrouper, sur le plan géographique, l'entreprise nationale de service public qui détenait le monopole dans le domaine9 ; la création d'un mécanisme de protection sociale entièrement financé, suivi et administré par une tierce partie crédible (la Banque mondiale en l'occurrence) ; et la participation de l'Association internationale de développement (IDA) au financement d'une entreprise relative au projet et dans laquelle la Société financière internatio- nale (SFI) détient 30 % des parts. Les tarifs ont progressivement été aug- mentés sur une période de dix ans, et un compte de garantie bloqué a été ouvert pour amener le gouvernement à payer ses factures d'électricité au fil du temps. Bien que certains aspects de ce projet soient uniques (par exemple, un investisseur privé intéressé par le développement), le cas du Tadjikistan est également singulier du point de vue de la pauvreté et des risques. Si ce modèle de partenariat entre les secteurs public et privé a permis de structu- rer un projet d'infrastructures viable avec la participation du secteur privé dans l'un des pays les plus pauvres du monde, il doit également être applica- ble ailleurs. Au Tadjikistan, une volonté politique ferme, associée à l'ouver- ture à l'innovation, l'expérimentation et l'apprentissage, et appuyée par des organismes de financement et d'aide extérieurs, a favorisé la mise en oeuvre du programme. 106 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Mobiliser les ressources pour investir dans l'infrastructure La disponibilité de ressources financières suffisantes à long terme constitue une condition nécessaire. L'Asie de l'Est à elle seule aura besoin de près de 200 millions de dollars chaque année durant les cinq prochaines années. Un grand obstacle à l'expansion de l'infrastructure est le niveau bas des dépenses courantes dans ce domaine, associé à l'utilisation inefficiente des ressources rares pour maintenir les infrastructures existantes et étendre les ressources. La performance insuffisante du secteur, quant à elle, est due à l'inadéquation de la planification des investissements, de la coordination et de la mobilisa- tion des ressources, ainsi qu'à la baisse de la participation du secteur privé. Afin de mobiliser les ressources nécessaires à la mise à l'échelle du déve- loppement infrastructurel, les gouvernements devront adopter une vision économique à long terme, qui reconnaisse la nécessité de mettre en place des mécanismes de financement durables. Cela pose la question des redevances et des subventions, du partage des risques et des avantages entre les secteurs public et privé en matière de financement de l'infrastructure, et de la mobili- sation des financements des bailleurs de fonds pour stimuler l'innovation et l'expérimentation. L'initiative du Tamil Nadu sur les partenariats public- privé ; l'exemple d'appui budgétaire et de partage des risques dans le secteur de l'électricité au Tadjikistan ; et l'exemple du recouvrement des coûts des services de base en Chine (Encadré 4.4), y compris l'approvisionnement en eau et l'assainissement, illustrent l'importance de cette question. Rôle des catalyseurs externes L'assistance extérieure au développement de l'infrastructure peut apporter une grande contribution à la lutte contre la pauvreté (Encadré 4.5). La ques- tion qui se pose est celle de savoir comment cibler et mobiliser les finance- ments publics (qui sont limités par rapport à la taille des besoins à satisfaire afin d'introduire les réformes) ; renforcer les institutions et les capacités ; attirer les investissements privés ; promouvoir l'innovation ; et introduire de nouvelles technologies, de nouvelles techniques de gestion et de nouvelles approches pour le fonctionnement et la maintenance. Encadré 4.4 Recouvrement des coûts d'approvisionnement en eau des zones rurales en Chine En Chine, les niveaux élevés des investissements dans l'infrastructure ont été soutenus par des politiques de promotion du recouvrement de coûts au niveau inférieur. L'adoption d'un système économique plus ouvert et axé sur le marché a joué un grand rôle dans le changement de l'état d'esprit sur les politiques de recouvrement de coûts en matière d'approvisionnement en eau et d'assainisse- ment. Le principe du recouvrement total des coûts dans la limite des possibilités ANALYSE THÉMATIQUE 107 des résidents a été bien admis par les administrations des provinces, des comtés et des municipalités, les comités villageois de développement et les résidents ruraux. Dans la plupart des cas, le fonctionnement et la maintenance des instal- lations d'eau en milieu rural sont également entièrement financés par les résidents ruraux à travers des tarifs d'eau réglementés par les services compé- tents au sein des comtés. Ces politiques de financement ont été mises en oeuvre pendant de nombreuses années et se sont révélées très efficaces. Les avantages liés aux investissements dans le domaine de l'infrastructure sont impossibles sans la volonté politique et le consentement des consommateurs à consacrer des ressources à de nouveaux investissements aussi bien qu'au fonctionnement et à la maintenance. Perspectives Comment l'infrastructure peut-elle promouvoir et renforcer un développe- ment bénéfique pour tous ? Bien que les cas retenus dans le cadre de la Con- férence de Shanghai limitent la discussion à des interventions spécifiques, ils sont une illustration du fait que l'infrastructure peut entraîner la croissance et le partage des avantages au profit des couches les plus démunies de la société lorsque les conditions sont réunies. L'étude phare sur l'infrastructure dans la région Asie de l'Est/Pacifique achevée en 200510 illustre bien ces liens. Cependant, il faut pour cela mettre au point des politiques rigoureuses, qui soient favorables aux pauvres et soutiennent les processus de croissance, les nouveaux partenariats établis avec les populations locales et le secteur privé, ainsi qu'une volonté politique en faveur des initiatives régionales. Enfin, les investissements réalisés dans l'infrastructure sont généralement de gros investissements qui s'étendent sur plusieurs zones géographiques. Réa- liser un impact durable à une grande échelle constitue de ce fait un grand défi. Étant donné que l'ampleur et la complexité des défis liés à l'infrastruc- ture gagnent du terrain, l'urgence qu'il y a de passer à l'échelle supérieure s'accentuera également. Les cas examinés présentent des options qui sem- blent se prêter à la reproduction dans d'autres régions et secteurs. EXPÉRIENCES PARTAGÉES EN MATIÈRE DE RÉFORME JUDICIAIRE Il est largement admis que les systèmes juridiques et judiciaires sont des piliers clés du développement. Cela reflète la preuve croissante que des cadres juridiques et des institutions efficaces peuvent contribuer à réduire la pauvreté en améliorant le climat de l'investissement et l'accès des pauvres aux retombées du développement11. 108 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE L'expérience acquise à travers les activités de modernisation et de réforme des systèmes judiciaires a permis d'établir des liens entre la réforme judi- ciaire et les objectifs de développement de haut niveau. Les défis à relever consistent à multiplier ces expériences, mettre en valeur les bonnes prati- ques, et partager les connaissances afin de développer des approches straté- giques susceptibles de rendre ces liens opérationnels et en accroître l'impact sur le terrain. Bien qu'il ne soit pas possible d'appliquer une approche unique aux défis qui interpellent les systèmes judiciaires, l'une des leçons les plus claires de la Conférence de Shanghai est qu'on peut récolter des retombées positives en examinant les stratégies et priorités transversales, aussi bien que d'autres innovations qui se prêtent aux applications locales. Les représentants de quatre pays, à savoir, le Guatemala, le Rwanda, les Philippines et la Russie, qui ont chacun une histoire et une tradition nettement différente, ont par- tagé leurs expériences en matière de réforme judiciaire au cours de la Conférence12. Cette section du chapitre a pour but de présenter quelques unes de ces expériences. La réforme judiciaire est un processus de longue haleine. « Évidemment il n'existe aucune formule unique en matière de réforme judiciaire. Il est cependant important de porter l'attention sur quatre dimensions -- les insti- tutions, l'application des décisions, le cadre juridique, et l'engagement de la société13. » Combien de temps faut-il pour changer de culture (judiciaire) ? Combien de temps faut-il pour rééduquer les juges ? Comment les diri- geants et les parties prenantes peuvent-ils étendre et évaluer les programmes ? Il s'agit-là de questions ouvertes, qui sont jusqu'ici sans réponses et sur lesquelles experts et praticiens doivent se pencher. Au cours des deux dernières décennies, de nombreux pays ont mis en oeuvre des projets de réforme judiciaire avec l'appui des bailleurs de fonds. La Banque mondiale, « depuis qu'elle a commencé son action dans ce domaine au début des années 90, a financé 1 300 projets de réforme juridi- que dans le cadre de ses opérations normales de prêt; et a aujourd'hui près de 30 prêts consacrés entièrement à la réforme judiciaire »14. Il ressort de l'édition 2005 du Rapport sur le développement dans le monde consacrée au climat de l'investissement que des systèmes judiciaires responsables, dignes de confiance et efficients permettent de réduire les obstacles à l'inves- tissement et peuvent promouvoir le développement économique et social. En outre, la confiance accordée au système judiciaire d'un pays fait partie des indices mesurés dans le cadre des études de la Banque mondiale sur le climat des investissements, tout comme les effets des incertitudes politiques, la corruption et la criminalité (Il existe une corrélation entre tous ces fac- teurs, les forces de l'État de droit et le système judiciaire)15. L'importance des institutions judiciaires dans le contexte des priorités de développement a souvent été comprise comme découlant du rôle que ces institutions jouent en tant qu'arbitres des conflits sociaux et dans la résolu- tion de différends, et en tant que garants des droits civils, des droits de l'homme et de la primauté du droit. Les conséquences sociales des systèmes ANALYSE THÉMATIQUE 109 judiciaires qui fonctionnent comme il se doit sont bien connues. Toutefois, on a à peine commencé à mesurer leurs impacts économiques (mai 2005). Il existe au moins quatre moyens par lesquels le renforcement des systè- mes judiciaires peut contribuer à renforcer la lutte contre la pauvreté. Il s'agit de : · la démarginalisation des pauvres en leur donnant les moyens d'exami- ner leurs griefs sociaux, civils et économiques, résoudre pacifiquement les différends, et statuer sur les questions de droits devant l'instance appropriée ; · l'amélioration de la gouvernance par le renforcement de l'obligation de rendre compte, de la transparence et de l'efficience des acteurs judi- ciaires, et par l'accroissement de la participation de la société civile dans la modernisation de la gouvernance ; · la promotion d'un environnement propice au développement humain, social et économique ; et de · la promotion des investissements nationaux et étrangers par l'assainis- sement du climat des affaires. Cela concerne tous les aspects des affaires : création d'entreprises, recrutement de personnels, exécution de contrats, mobilisation de crédits, achat d'intrants et exportation de biens et services. Facteurs de réussite dans la mise en oeuvre des réformes judiciaires Le contexte dans lequel s'est opérée la réforme judiciaire, ainsi que les défis auxquels elle s'est confrontée étaient différents pour chacun des quatre pays. La modernisation du système judiciaire au Guatemala est intervenue après l'institution d'un régime démocratique dans le cadre de la mise en oeuvre des Accords de paix qui ont permis de mettre fin à la guerre civile de 36 ans. Dans le cas du Rwanda, la réforme a été suscitée par la nécessité d'administrer une justice traditionnelle à grande échelle et créer un environ- nement stable, qui soit favorable au développement social et économique après le génocide. Les systèmes judiciaires de ces deux pays ont joué des rôles de premier plan pour restaurer l'ordre, promouvoir la démocratie et empêcher la poursuite de la violence. Les Philippines ont des défis de développement significatifs, qui durent depuis des années et tentent d'actualiser et de changer leur système judi- ciaire traditionnel afin d'en améliorer la performance. Les réformes judicai- res en Russie sont consécutives à une option radicale qui a pour but de rem- placer le communisme par la démocratie et créer les conditions requises pour une économie de marché viable. Dans une certaine mesure, toutes ces expériences s'inscrivent dans une logique visant à rétablir ou restaurer la légitimité des institutions judiciaires et combattre la violence dans les socié- tés concernées. 110 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Le rôle du système judiciaire dans ces circonstances n'est pas difficile à saisir, surtout tel qu'on peut le démontrer dans les cas dits de « transition » où l'État est appelé à abandonner une réalité politique, économique ou sociale pour en construire une nouvelle, telles que des marchés ouverts, la démocratie et la paix. Il est très difficile pour les systèmes judiciaires dans ces contextes de relever leurs nouveaux défis (aussi bien que leurs défis actuels). Engagement et économie politique du changement Dans la plupart des pays étudiés, le besoin de réformer le système judiciaire a été induit par une demande pressante des populations et l'appui interna- tional en faveur du changement, après des décennies de guerre et de grand mécontentement dû à l'impunité et à la corruption généralisées, ainsi qu'à l'inadéquation totale de l'accès des populations aux services judiciaires. La modernisation et la réforme judiciaires sont nécessaires pour renforcer l'obligation de rendre compte, la transparence et la performance. Dès lors, il est pertinent de s'interroger sur le degré d'adhésion et de consensus que sus- cite la réforme judiciaire au sein des populations, ainsi que sur les facteurs susceptibles d'élargir et d'approfondir le cercle des parties prenantes afin de réduire la résistance au changement (notamment parmi les juges). Les expé- riences partagées nous édifient énormément à ce sujet. L'adoption d'une approche participative en matière de conception et de mise en oeuvre, ainsi que l'établissement de partenariats avec les parties pre- nantes, sont les facteurs qui ont contribué au succès du programme de modernisation du système judiciaire du Guatemala, dans la mesure où ils ont permis d'élargir et d'approfondir l'adhésion à un programme de réforme continue. Cette large adhésion est particulièrement importante au Guatemala où la Cour suprême est renouvelée tous les cinq ans et où les juges élisent un président chaque année pour gérer l'administration des tri- bunaux. Les juges, les ONG, les médias, les milieux d'affaires, les groupes traditionnels et les écoles de droit ont entièrement participé au processus de planification de la réforme. Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont de façon générale appuyé la réforme et cet appui a survécu les changements intervenus dans l'administration publique depuis la signature des Accords de paix en décembre 1996. Les garanties constitutionnelles visant à sécuriser le budget du système judiciaire et l'engagement des ressources propres du gouvernement dans le projet ont tous contribué à démontrer le grand intérêt que toutes les parties prenantes accordent au projet. Les changements inter- venus à la tête des pouvoirs exécutif et judiciaire n'ont pas eu d'effet négatif majeur sur la mise en oeuvre de ce projet (Wanis-St. John 2004). Au Rwanda, les dirigeants politiques et les responsables exécutifs ont pris la décision de se débarrasser du triste héritage des conflits inter ethniques en se refusant d'attendre que le système judiciaire conventionnel joue son rôle traditionnel. Au contraire, ils ont encouragé le recours aux mécanismes de justice traditionnelle et les ont adaptés à la situation changeante. Ils ont pro- ANALYSE THÉMATIQUE 111 cédé rapidement dans le but de régler les principaux cas de conflits en ins- tance. Par rapport à cette approche, le système conventionnel était faible et constitue toujours un frein au développement. Il convient de relever, en outre, que le mécanisme traditionnel de médiation familiale, connu sous le nom de gacaca et qui s'appuie sur les dirigeants communautaires et autres anciens, a été remis en question parce qu'il ne répond pas aux normes judi- ciaires conventionnelles. Le programme d'action des Philippines pour la réforme judiciaire (APJR) est piloté par le juge en chef Hilario G. Davide, qui est le chef du système judiciaire. Ce dernier a apporté une contribution de haut niveau et dirigé les différents aspects du processus de modernisation. Le juge Davide a explici- tement reconnu que le système judiciaire des Philippines subit un change- ment dans sa structure organisationnelle. L'APJR a donc intégré un pro- gramme d'appui à la réforme destiné à harmoniser les besoins de justice des différents secteurs et parties prenantes aux Philippines et garantir leur soutien à mesure que le système judiciaire subit des changements (Davide 2004). La Russie a attaqué la réforme judiciaire en créant un cadre juridique à partir de rien et a investi les responsables judiciaires de la principale mission consistant à adopter ces changements dans leurs institutions. Dans ce cas, il a fallu mettre en place un nouveau système de tribunaux commerciaux (cours d'arbitrage) avec les ressources humaines disponibles et les compléter avec de nouveaux juges et personnels issus essentiellement des organismes de maintien de l'ordre et d'autres entités du secteur judiciaire. Étant donné que ces réformes (les réformes juridiques essentiellement) ont été conduites par des dirigeants externes issus de l'exécutif et du parlement, leur appro- priation ne s'est pas suffisamment étendue. Le progrès dans la mise en oeuvre est irrégulier. La résistance au changement manifestée par certaines parties prenantes du système judiciaire, notamment le parquet, les procu- reurs et les huissiers de justice, a également ralenti le processus de réforme et en a limité les effets. Développement institutionnel, innovation et renforcement de capacités Chacun des quatre pays procède essentiellement par le développement de son système judiciaire à travers la formation des personnels, l'assistance technique et l'amélioration des politiques. Aucun des pays n'avait en place un système adéquat lui permettant de satisfaire soit les besoins courants, soit les nouveaux besoins de l'État, que le défi à relever soit un traumatisme post-conflit, un crime de guerre, un mauvais climat des investissements, le manque de confiance de la part du public, ou le besoin de nouveaux systè- mes d'économie de marché. La modernisation du système judiciaire tel qu'elle a été entreprise au Guatemala n'est rien d'autre qu'une réinvention de fonds en comble du sys- tème judiciaire et de la manière dont ce dernier interagit avec les popula- 112 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE tions. Institutionnaliser une carrière judiciaire pleine, assurer la formation judiciaire, recycler les administrateurs, bien déterminer la part de la fonc- tion publique dans le système et combler l'écart entre les systèmes judiciai- res conventionnel et traditionnel font partie intégrante du processus. Le cas du Rwanda est très différent. Aucune approche classique de la modernisation ne suffirait pour satisfaire les besoins extraordinaires créés par les centaines de milliers de cas graves en rapport avec le crime et le génocide. En pareille situation, la formation et le renforcement de capacités sont nécessaires sans toutefois être suffisants. « Au rythme des tribunaux conventionnels, il aurait fallu 150 ans pour juger toutes les personnes sus- pectées de génocide qui se trouvaient dans les prisons rwandaises. Durant une grande partie de l'année 2003, le Rwanda comptait plus de 100 000 prisonniers, dont 85 % étaient en attente de jugement pour des cri- mes en rapport avec le génocide. Plus de 100 projets ont été initiés, y com- pris des projets portant sur la formation des avocats, des juges, des enquê- teurs et des policiers, ainsi que des projets sur la réforme des procédures judiciaires et administratives. Cependant, au début de l'année 2000, environ 3 000 suspects seulement étaient parvenus au terme des procédures judiciai- res initiées à travers le système conventionnel et il était clair que ce dernier n'était pas capable d'accélérer les procédures de manière à épuiser les cas en instance » (Musoni 2004). Au lieu de s'appuyer sur le système judiciaire conventionnel des tribu- naux, l'expérience rwandaise, avec les juridictions gacaca, a nécessité la mise en place d'une infrastructure nationale avec pour but de juger les déte- nus dont le nombre restait élevé et de donner au peuple rwandais la possibi- lité de dire la vérité, d'accuser, de châtier et de se réconcilier. Pour que cela soit possible, il a fallu former les personnels administratifs et les juges afin de permettre l'extension du programme gacaca à l'échelle du pays. Le programme de réforme judiciaire des Philippines a adopté une appro- che holistique, qui fait du développement institutionnel un objectif clé pour l'amélioration de la prestation des services, de l'intégrité de l'infrastructure, de la responsabilité et des mécanismes disciplinaires. Il repose essentielle- ment sur l'amélioration des compétences des personnels et des compétences institutionnelles dans l'ensemble du système judicaire. Les systèmes d'appui, la transparence et la technologie sont passés à l'échelle supérieure afin de combler les écarts d'informations en matière d'évaluation de la performance et atteindre les citoyens dans les différentes parties du pays. La médiation et la sensibilisation communautaires sont des éléments clés du programme. Il en est de même des efforts consciemment déployés à l'effet d'apprendre de l'expérience d'autres pays et de s'inspirer des bonnes pratiques enregistrées à l'échelle internationale. Des visites sur le terrain ont été effectuées par les juges en Asie et en Amérique latine. La création de tribunaux commerciaux en Russie a impliqué la mise en place d'un nouveau cadre de lois et codes ; la sélection, le recrutement et la formation de nouveaux juges et personnels ; la création de l'espace voulu et la mise à disposition d'autres outils nécessaires au fonctionnement des ANALYSE THÉMATIQUE 113 tribunaux ; l'établissement de liens et de mécanismes de communication avec d'autres acteurs du secteur judiciaire ; et l'information des entreprises et autres utilisateurs sur le fonctionnement et les responsabilités de ces tri- bunaux. À l'heure actuelle, environ 4 100 juges des tribunaux commerciaux s'occupent de 7 % du nombre total des affaires jugées chaque année par l'ensemble du système judiciaire. Ils ont une large assise en Russie. Dans tous les pays étudiés, « apprendre par la pratique » a joué un rôle important. Au Guatemala, la longue exclusion du peuple Mayan (notam- ment les femmes qui sont les plus pauvres) a en partie retenu l'attention à travers la création explicite de centres de médiation; ces centres sont sou- vent administrés par des membres des communautés traditionnelles et les procédures y sont conduites dans l'une des langues Mayan (on en compte plus de vingt) parlées dans l'ensemble du pays. Certains centres de média- tion sont logés dans les nouveaux centres d'administration de la justice ; à titre expérimental, d'autres sont hébergés au sein des unités mobiles qui des- servent les communautés enclavées longtemps marginalisées par le gouver- nement. Environ 6 000 personnes ont bénéficié des services d'un tribunal mobile au cours de la première année d'existence de ce dernier. Des femmes parlant la langue locale ont également été recrutées comme juges ou mem- bres du personnel. Après la Conférence de Shanghai, le juge en chef des Philippines a visité le Guatemala et s'est directement imprégné du fonctionnement des tribu- naux mobiles de ce pays. Il a très vite mis en valeur l'apprentissage par l'expérience en dotant les Philippines de son programme de justice mobile (Justice on Wheels), qui s'inspire du modèle du Guatemala dans la mesure où il offre des services de justice pour jeunes à Manille16. S'appuyant sur l'expérience de ses autres voisins asiatiques qui ont une population diversi- fiée et plurielle, les Philippines s'attèlent également à instituer des program- mes de sensibilisation culturelle à l'intention des groupes ethniques. Dans une perspective mondiale, les cours d'arbitrage introduites en Rus- sie n'étaient pas nouvelles ; elles n'avaient tout simplement pas été expéri- mentées en Russie. Le nouveau système est opérationnel et des études mon- trent que les entreprises sont mieux servies aujourd'hui qu'avant le début des réformes. Il est important de relever ici que l'ensemble du système judi- ciaire de Russie est extrêmement vaste, et que les tribunaux à compétence générale qui s'occupent de l'essentiel du volume de travail du secteur judi- ciaire appliquent des procédures complexes. Mais de nombreux projets et réformes ont été initiés et ont connu des périodes de démarrage et d'arrêt au cours de la dernière décennie. L'aspect suivi et évaluation du renforcement des capacités a souvent fait défaut dans ces pays, avec quelques exceptions aux Philippines. Soit les autres pays ont négligé cet aspect, soit ils ont à peine commencé à mettre au point les méthodes et les outils appropriés. Ce domaine semble être l'une des principales lacunes des programmes de réforme qui ont été partagés (point de vue qui est généralement en cohérence avec d'autres conclusions sur ce thème du secteur judiciaire). 114 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Catalyseurs externes Les Accords de paix signés en 1996 ont été le principal catalyseur de la réforme du système judiciaire au Guatemala. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), des groupes militant en faveur des droits de l'homme, et la communauté internationale des bailleurs de fonds (y compris la Banque mondiale) ont contribué à rendre cette réforme possi- ble. Le processus de réforme qui est localement piloté se poursuit avec l'appui de la communauté internationale. Ce partenariat a permis de pro- mouvoir les liens nécessaires entre la demande et l'offre pour l'accès aux services judiciaires, et d'étendre progressivement les services aux zones urbaines et rurales. Il a également permis de maintenir la pression sur les questions de corruption et de reddition de comptes dans le système judi- ciaire. Mais il reste beaucoup plus à faire. L'ampleur de la dévastation interne du Rwanda était tellement grande et on en avait tellement parlé que l'appel au changement est venu de toutes les directions. Les bailleurs de fonds continuent d'apporter un appui à grande échelle pour le renforcement des capacités et la promotion de la reconstruction après la guerre. Aux Philippines, les efforts impulsés par le système judiciaire ont été sou- tenus par la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement. Ces efforts on été portés à l'attention des bailleurs de fonds bilatéraux. Le sys- tème a besoin de ressources concessionnelles qui permettraient de réduire l'impact de la réforme judiciaire sur les ressources budgétaires. Beaucoup de bailleurs de fonds financent certaines activités, ce qui a permis de maintenir l'appui et la collaboration des autres branches du gouvernement et des ONG. Environ 20 % des besoins d'assistance technique du système judi- ciaire sont financés à travers des dons. En Russie, les bailleurs de fonds se sont montrés généreux dans leur appui à la mise en place d'un État de droit. Cette générosité a suscité l'éla- boration de programmes qui se chevauchent, des conseils conflictuels sur les priorités, et des problèmes de coordination des bailleurs de fonds. Étant donné que le degré d'adhésion au système judiciaire est faible et que les principaux architectes sont généralement externes au système (par exemple, le parlement et les universitaires), ces catalyseurs n'ont pas été entièrement productifs. De plus en plus, les décideurs du système judiciaire reconnais- sent qu'il est nécessaire de réviser la première approche de la réforme juridi- que afin de la compléter par un leadership judiciaire proactif, le renforce- ment institutionnel, et l'éducation des citoyens, dans le but d'améliorer les résultats de la réforme et gagner la confiance des citoyens. Perspectives Bien qu'il paraisse clair que dans ces « quatre pays, qui ont chacun des con- sidérations différentes, qui ont chacun des défis, et qui pensent chacun que pour lutter contre la pauvreté il faut nécessairement réformer le système ANALYSE THÉMATIQUE 115 judiciaire »17, les approches sont différentes et traduisent les motivations et les réalités locales. Le Guatemala et les Philippines ont lancé de grands pro- jets de modernisation à l'échelle du système et ont considérablement mis à contribution leurs propres ressources et leurs populations dans leurs efforts en cours. Ils ont régulièrement appris des autres et entre eux. L'expérience du Rwanda est singulière compte tenu de la situation particulièrement pré- occupante de son système judiciaire. Elle constitue une réponse admirable face aux conséquences insupportables du génocide. Les efforts de la Russie ont porté sur une grande innovation qui touche toute l'arène commerciale. Le Guatemala et les Philippines sont bien placés pour créer des opportu- nités permettant de démarginaliser les pauvres tout en améliorant le climat général des investissements à travers l'accroissement et la poursuite de leurs efforts. Les efforts déployés par le Rwanda en vue de moderniser son système judiciaire seront poursuivis et bénéficieront des enseignements tirés d'autres programmes de réforme judiciaire, à l'instar de ceux mentionnés ici, dans la mesure où les cas spéciaux liés au génocide seront épuisés, permettant ainsi de se concentrer désormais sur l'administration ordinaire de la justice. Au lancement de ces réformes, la capacité institutionnelle elle-même -- aussi bien que les activités concrètes, les ressources humaines, les ressources financières, l'infrastructure et les services -- étaient, à plusieurs égards, ina- déquats par rapport aux défis qui consistaient à contribuer à la mise en place de conditions favorables à la prospérité et à la paix. Il n'est donc pas surprenant de constater que ces réformes et programmes se sont tous appuyés sur une volonté politique certaine, l'apprentissage et l'expérimenta- tion, un renforcement significatif de capacités, et une prise en compte des facteurs externes favorables. Cette étude rétrospective montre que l'apprentissage par l'expérience peut être un complément important de la préparation et de la planification des projets de développement, y compris le travail essentiel qui consiste à améliorer la gouvernance en tant que pilier du développement économique. Mais, l'apprentissage par l'expérience peut prendre du temps ; les réforma- teurs ont souvent besoin d'attendre qu'un projet soit bien lancé afin de pou- voir l'analyser dans les détails et en tirer d'éventuelles leçons. Une façon de réduire le temps d'apprentissage consiste à mettre à contribution l'expé- rience des projets similaires mis en oeuvre dans d'autres pays. MICROFINANCE Il y a bien lieu de penser que les pays qui disposent de systèmes financiers mieux développés connaissent une réduction plus rapide des inégalités dans les revenus et de la pauvreté (Beck, Demirguc-Kunt, et Levine 2004). Alors que le développement d'un système financier efficace entraîne une crois- sance favorable aux pauvres, les avantages immédiats qui découlent des ser- vices de crédits, d'épargne et de paiements se manifestent seulement chez 116 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE ceux qui ont un accès direct au système financier. Ces avantages compren- nent la possibilité d'accumuler le capital susceptible d'accroître la producti- vité afin d'améliorer les revenus, les moyens de garder de l'argent en toute sécurité dans un compte d'épargne afin de l'utiliser en cas d'urgence, et la capacité d'accéder efficacement aux paiements effectués au titre de trans- ferts par des membres de la famille travaillant ailleurs18. Au Kenya par exemple, les pauvres utilisent l'épargne et les crédits pour investir dans les affaires (inventaire, salaires), épargner pour l'avenir (éduca- tion, frais médicaux), satisfaire les besoins de liquidités des ménages (loyer, alimentation), investir dans les actifs (terrain, logement, équipement), et faire face aux crises et autres événements de la vie (maladie, mariage, funé- railles). Des données issues de la Tanzanie (Beegle, Dehejia, et Gatti 2003) montrent comment l'accès des ménages au crédit se substitue au travail des enfants ; et des études menées au Zimbabwe, au Bangladesh et en Inde ont établi un lien entre l'amélioration des résultats en matière de santé et d'édu- cation pour les clients des établissements de microfinance et leurs enfants (Littlefield, Morduch et Hashemi 2004). La microfinance appui ainsi la réalisation des ODM en mettant des ressources à la disposition des pauvres afin de leur permettre de renforcer leur capacité de création de revenus pour pouvoir améliorer la nutrition, la santé et l'éducation de leurs familles, et éviter ou réduire la misère lorsque le revenu baisse brusquement. L'offre efficace et durable des services financiers destinés aux pauvres se développe avec beaucoup de promesses dans de nombreux pays de par le monde. Cette section rend compte des particularités des expériences menées dans cinq pays par divers types d'organisations : une banque publique de développement en Mongolie, des banques privées et commerciales au Kazakhstan, des établissements spécialisés de microfinance au Bangladesh, une ONG qui a été transformée en banque de microfinance au Kenya, et des coopératives de microfinance au Mexique19. Elle analyse les facteurs de réussite qui ont permis à ces organisations de réaliser leurs buts, et conclut en tirant les leçons susceptibles d'éclairer le processus d'intensification des services financiers pour les pauvres à l'échelle globale afin de permettre d'atteindre les ODM. Améliorer l'accès des pauvres aux services financiers : exemples de quelques pays Les exemples des pays présentés ci-dessous mettent en évidence l'ensemble des organisations qui peuvent fournir des services financiers à une large frange de la population qui n'avait pas accès au système financier conven- tionnel. Ces exemples illustrent comment des banques commerciales ont, de façon rentable, élargi leur clientèle pour inclure les ménages et entreprises à revenu faible ; comment les ONG qui sont des établissements de microfi- nance ont couvert les pauvres dans l'ensemble du territoire national ; et ANALYSE THÉMATIQUE 117 comment les coopératives financières peuvent se professionnaliser et élargir leur couverture aux pauvres à travers une approche intégrée comprenant l'amélioration de la réglementation et de la supervision par l'État, aussi bien que le développement de réseaux organisationnels et techniques. Mongolie : redressement et privatisation d'une banque publique Après son lancement en 1991, la Banque de développement agricole de Mongolie a été régulièrement vidée de ses ressources au début du siècle, étant donné que les responsables locaux, nommés par les autorités provinciales et nationales, prenaient les décisions concernant les prêts sur la base de critères politiques. En 1996, le volume excessif des créances improductives et des déficits d'exploitation a amené la Banque centrale à nommer un administra- teur judiciaire pour cette institution devenue insolvable. Le degré de politisa- tion et le coût élevé de la mauvaise performance de la Banque de dévelop- pement agricole pour le gouvernement avait fait de cette institution un candidat indiqué pour la liquidation. Toutefois, la Banque de développement agricole était la seule institution financière conventionnelle qui disposait d'agences dans toutes les zones rurales de Mongolie. Sa fermeture aurait donc eu un impact négatif sur l'économie rurale. En 1999, parallèlement à un programme financé par la Banque mondiale à l'effet de renforcer le secteur financier et avec l'appui financier de l'Agence des États-Unis pour le déve- loppement international (USAID), le gouvernement décida de réformer cette institution. Mettre fin à l'interférence du politique dans les opérations de la Banque de développement agricole était nécessaire pour un nouveau départ. Le gou- vernement décida de remplacer son conseil d'administration par des mem- bres indépendants et confia à ces derniers la mission de veiller à ce que cette institution renoue avec la rentabilité financière pour être vendue. Même après le changement de gouvernement intervenu en 2000, au terme duquel le Parti démocratique passa le témoin à l'ancien Parti communiste, il était clair pour les nouveaux dirigeants de Mongolie que l'offre durable des servi- ces financiers dans les zones rurales était très peu viable en l'absence d'une approche commerciale. En juillet 2000, la nouvelle équipe de gestion retenue à la suite d'un pro- cessus d'appel d'offre international s'est mise au travail à l'effet de rétablir la solidité financière de la Banque de développement agricole, en étendre les services à la population rurale et préparer l'institution à une gestion indé- pendante suivie de la privatisation. Cette équipe s'est focalisée sur l'accrois- sement des revenus des agences non rentables plutôt que sur leur fermeture, notamment à travers le lancement de nouveaux produits, la mise à jour des politiques et procédures de la banque, la décentralisation de la responsabi- lité en matière de prise de décisions au profit des chefs d'agence, l'améliora- tion des performances du personnel à travers la mise en oeuvre d'un pro- gramme de formation de tous les personnels de l'institution, l'application 118 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE d'un système de rémunération au rendement dans le but de stimuler la per- formance financière, et le recours à l'expertise commerciale externe afin de soigner l'image de l'institution et attirer de nouveaux clients. Le processus de réforme et de privatisation a entraîné une croissance impressionnante en termes de couverture et de viabilité. De juillet 2000 à février 2004, les dépôts ont enregistré une croissance de 740 % ; le nombre de prêts accordés a avoisiné un million, les petits clients constituant l'essen- tiel des emprunteurs (la taille moyenne des crédits était de 382 dollars en février 2004) ; et 90 % de tous les crédits ont été accordés aux zones rura- les. La rentabilité a été établie en 2001, et deux années plus tard, la Banque de développement agricole a été vendue à une firme japonaise. Le nouveau propriétaire a également contribué à cette croissance. Notamment, il a réinvesti les bénéfices non distribués de près de 7 millions de dollars durant sa première année en tant que propriétaire, soit plus du double de l'assise financière de l'institution. Il compte continuer à étendre la couverture des groupes cibles -- les ménages à revenus faibles et ceux des zones rurales. Kazakhstan : Développement d'unités de micro entreprise au sein des banques commerciales En 1997, le Gouvernement du Kazakhstan avait adressé une demande urgente à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement sollici- tant une aide qui lui permettrait de mettre en place un programme de prêts crédible, à l'intention des micros et petites entreprises (MPE). À l'époque, une ligne de crédit existant depuis quatre ans et qui permettait aux banques d'accorder des prêts aux MPE n'avait jusque-là débloqué qu'un tiers des fonds disponibles. La qualité du portefeuille était faible, et un manquement de la part d'une banque avait coûté au gouvernement 9,5 millions de dollars au titre de la garantie du portefeuille des MPE. Le programme du Kazakhstan pour les petites entreprises (KSBP) est le résultat des efforts déployés afin de mettre en place une approche plus efficace permettant d'accorder des prêts aux MPE de façon durable. Le précédent programme avait échoué essentiel- lement parce que la ligne de crédit n'était pas associée à une assistance tech- nique -- les banques n'avaient pas d'intérêt ou de connaissances sur la manière dont on peut développer une opération de crédit viable à l'intention des micro et petites entreprises. Le nouveau programme avait donc pour but d'amener des professionnels chevronnés à transférer le savoir-faire aux ban- ques participantes, et d'encourager ces dernières à s'intéresser à l'octroi de crédits MPE, notamment en démontrant qu'il s'agit d'une activité rentable. Le programme a choisi les banques partenaires en se basant sur des critè- res d'éligibilité stricts, dont la santé financière et l'engagement au plus haut niveau en faveur des prêts MPE. Ces partenaires avaient l'obligation de créer des départements MPE distincts et gérés par le personnel du KSBP. Les experts internationaux qui ont été recrutés pour apporter un appui dans ce sens ont sélectionné et formé des équipes locales de responsables de prêts. ANALYSE THÉMATIQUE 119 Le programme a été lancé dans huit agences réparties entre cinq banques, et a commencé par un nombre limité de produits MPE. Le KSBP s'est concentré sur l'élaboration des procédures de prêt et des systèmes d'information de gestion dont on a besoin pour gérer efficacement un portefeuille MPE. Il s'est également intéressé à la formation du personnel, à la mise en cohérence des structures d'incitation avec les objectifs de per- formance du portefeuille, et à l'expérimentation de nouveaux produits. La stratégie consistait à ériger les départements MPE en des entités rentables et autonomes au sein de chaque banque, et à étendre progressivement la gamme de produits et la portée des opérations pour inclure davantage de villes. Dans cette perspective, la première promotion des responsables de crédits expérimentés a été mise à contribution pour conduire des projets de forma- tion et mettre en place des départements MPE dans les nouvelles localités. En deux ans, l'expérience des premières unités MPE a suscité l'enthou- siasme et l'adhésion des banques participant au programme. Ainsi, la direc- tion de la banque a été amenée à étendre le concept à d'autres agences situées dans d'autres localités. Bien plus, le succès obtenu par leurs concur- rents a amené d'autres banques à s'intéresser au programme. Le KSBP s'est alors penché sur l'intensification de la couverture. À cette fin, il a introduit de nouveaux projets tel que « express » micro crédit sans conditions de garantie et à décaissements rapides, intégré les départements MPE dans les organigrammes des banques, et assuré le transfert de la gestion qui, progres- sivement, a cessé d'être assurée par des experts externes pour revenir au per- sonnel local formé et expérimenté. La formation des personnels qui n'étaient pas des spécialistes MPE a été bien accueillie car, à ce moment, les banques avaient commencé à percevoir les MPE comme étant des clients valables dans les marchés financiers de plus en plus compétitifs du Kazakhstan. En février 2004, les banques partenaires du KSBP avaient ouvert des gui- chets MPE dans 185 localités situées dans plus de 40 villes. Le portefeuille MPE qui se montait à 162 millions de dollars comprenait plus de 35 000 prêts, dont 1 % seulement avait des arriérés de plus de 30 jours. Au total, 90 % des clients du KSBP n'avaient jamais bénéficié d'un prêt ban- caire. La rentabilité des unités MPE a encouragé les banques partenaires qui ont progressivement porté à 40 % la portion des prêts MPE financée sur la base de leurs ressources propres, plutôt que les lignes de crédits financées par les bailleurs de fonds. Bangladesh : Une large couverture par des institutions spécialisées de microfinance Après l'indépendance du Bangladesh en 1971, ses institutions de micro finance ont commencé à explorer les voies qui permettraient de réaliser la démarginalisation sociale et économique des pauvres. À la fin des années 80, nombre de ces organisations s'étaient rendu compte de ce que le renforcement du pouvoir économique des populations les plus pauvres 120 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE nécessitait des crédits pour le démarrage et l'expansion de petites activités économiques. Les principaux établissements de microfinance -- Grameen, Bangladesh Rural Advancement Committee (BRAC), Proshika et Associa- tion for Social Advancement (ASA) --ont adopté une approche du micro- crédit centrée sur l'octroi de crédits à des particuliers organisés en groupes. Les membres du groupe offraient des garanties mutuelles à leurs crédits, et bénéficiaient d'un appui solide des personnels de terrain dans les différentes agences. La plupart des organisations proposaient des prêts types, dont la taille et les délais de remboursement étaient standardisés. Au début des années 90, de nombreux établissements de microcrédit avaient acquis les capacités de gestion et l'expertise pratique leur permettant d'entreprendre une expansion de grande ampleur. Cette croissance a été facilitée par une méthodologie bien comprise par le personnel et les clients, ainsi que par une forte densité de la population, ce qui a permis aux établissements de micro- finance d'assurer des services à une population essentiellement rurale à un coût raisonnable. Elle a également été alimentée par des montants élevés de financements fournis par les bailleurs de fonds aussi bien pour le renforce- ment des capacités que pour la constitution des fonds nécessaires à leurs activités de prêt ; par des niveaux élevés de remboursements des prêts, qui ont permis aux établissements de microfinance de recycler leurs fonds de prêts ; et par l'engagement de ces établissements dans la voie du recouvre- ment total des coûts afin de pouvoir se passer à terme des subventions des bailleurs de fonds. En 1990, une structure faîtière dénommée Palli Karma Sahayak Founda- tion (PKSF) a été mise en place dans le cadre du partenariat public-privée avec pour but d'acheminer les fonds de prêt aux établissements de microfi- nance. En plus de fournir le financement nécessaire à l'expansion, le PKSF a joué un grand rôle dans l'amélioration du professionnalisme de l'industrie de la microfinance au Bangladesh. Il a notamment établi les critères d'éligi- bilité qui intègrent le progrès vers la viabilité financière, le renforcement des capacités de nombreux établissements de microfinance, et le plaidoyer sur les questions touchant l'ensemble de l'industrie (le développement d'un cadre réglementaire approprié par exemple). Toutefois, beaucoup d'établis- sements de microfinance avaient déjà une capacité de prestation de services de détail relativement solide à la création du PKSF. Les structures faîtières dans d'autres pays ont échoué lorsqu'elles ont mis des sommes élevées à la disposition des établissements de microfinance qui n'avaient ni la capacité de mener les opérations de détail, ni les mesures d'incitation nécessaires pour pouvoir absorber ces financements. Durant la dernière décennie, la diversification des produits est devenue un aspect important de l'innovation pour les établissements de microfinance au Bangladesh, dans la mesure où l'expérience avait montré que le prêt type laissait les besoins de nombreux clients insatisfaits. Des règles telles que les montants minimums de prêts, les montants fixes de remboursement hebdo- madaires, et les garanties de prêts octroyés aux pauvres par les personnes les moins pauvres font souvent obstacle à l'expansion de l'accès. Les grands ANALYSE THÉMATIQUE 121 établissements de microfinance ont introduit de nouveaux produits à l'effet d'atténuer certaines de ces difficultés : l'ASA a mis en place un programme de prêt flexible avec des montants de crédits et des échéanciers de rembour- sement qui sont plus flexibles que son prêt type. Grameen propose des prêts au taux d'intérêt nul pour les indigents, tandis que le programme Income Generation for Vulnerable Group Development combine l'aide alimentaire avec le micro crédit et la formation à l'intention les populations les plus pauvres. Suite à ces efforts déployés pendant plus de deux décennies, quelque 1 200 établissements de microfinance couvrent maintenant 13 millions de ménages. Chaque district du pays est couvert, bien qu'il existe encore quel- ques zones isolées avec une couverture limitée ou sans couverture. La portée de la couverture des couches les plus pauvres de la population et la couver- ture géographique de toutes les parties du pays sont remarquables. Kenya : Transformation d'une organisation à but non lucratif en banque Au Kenya, le Programme pour l'entreprise rurale (K-Rep) qui a débuté comme un projet de l'USAID en 1984, s'est transformé en ONG à la fin des années 80, pour devenir une banque commerciale une décennie plus tard. La principale raison de cette transformation était de permettre à cette orga- nisation d'accroître sa clientèle en mettant à contribution les sources com- merciales de financement, y compris les fonds propres et les dépôts. En tant qu'ONG, K-Rep ne pouvait pas attirer les financements provenant des investisseurs et des épargnants. L'épargne obligatoire collectée auprès des clients ne pouvait être utilisée que comme garantie des prêts. Elle devait être gardée dans une institution financière conventionnelle qui ne sert pas les intérêts des populations les plus pauvres. Cet état de choses n'était avanta- geux ni pour le K-Rep, ni pour ses clients. K-Rep ne pouvait pas utiliser l'épargne des clients pour leur accorder des prêts ; les clients ne pouvaient pas avoir accès à leur épargne au moment où ils en avaient le plus besoin. La transformation de l'ONG en banque a suscité beaucoup de questions et de défis. Il fallait, avant tout, trouver de vrais partenaires d'investisse- ment, qui partagent la vision de K-Rep, celle de fournir à titre lucratif des services financiers aux pauvres, et qui puissent contribuer à surmonter les réserves émises par la Banque centrale du Kenya. Il était tout aussi impor- tant d'identifier la structure de l'actionnariat qui conviendrait, y compris la propriété des nombreux actifs qui ont été acquis au fil des années par cette ONG. La transformation a finalement nécessité la création de quatre entités : le Groupe K-Rep, une société de holding qui détient le plus grand nombre de parts (28,8 %) dans la K-Rep Bank ; la K-Rep Bank Ltd., une société privée à but lucratif ; et K-Rep Development Agency, une ONG entièrement détenue par K-Rep Group et qui s'intéresse principalement à la recherche et à l'innovation dans le domaine de la microfinance. 122 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Développer les capacités humaines et susciter l'engagement des uns et des autres ont constitué un défi majeur. De nouveaux personnels, y compris des banquiers, ont été recrutés pour assumer les nouvelles fonctions rendues nécessaires par la transformation en banque : activités de guichet et d'arrière-guichet supplémentaires, activités de compensation bancaire, res- pect de la réglementation et gestion de la trésorerie. Un conflit culturel s'est fait jour entre les anciens personnels de K-Rep, qui soutenaient fermement les objectifs sociaux, et les nouveaux banquiers plutôt préoccupés par la rentabilité. Le moral et l'engagement ont finalement été rétablis à travers des actions telles que la mise en oeuvre d'un plan d'actionnariat des employés et la réaffirmation de la vision de la banque. L'appréhension au sujet d'un éventuel détournement de la mission au profit des clients les plus nantis ne s'est pas matérialisée. Les dépôts effectués par les non pauvres ont été utilisés comme base pour assurer l'expansion de la couverture des servi- ces offerts aux pauvres, tandis que de nouveaux produits bénéficiant à la fois aux pauvres et aux moins pauvres ont été introduits. Il s'agit des prêts individuels, des découverts bancaires, des prêts à la consommation, des prêts octroyés à des fins de santé, de l'épargne sur livret, des comptes cou- rants, et des dépôts à terme. Certaines difficultés ont été rencontrées quant à l'introduction de bon nombre de ces nouveaux produits, notamment les produits ayant trait à l'épargne, et quant au basculement des données pour les faire passer des anciens systèmes aux nouveaux systèmes d'information. Cependant, malgré toutes ces difficultés, l'accroissement de la couverture s'est effectué rapide- ment. Durant les quatre années qui ont suivi la transformation de K-Rep, sa clientèle a augmenté, passant de 15 000 à plus de 90 000 clients. Celle-ci comprend les 48 000 actionnaires des associations autonomes de services financiers créés et gérées par K-Rep Development Agency. Mexique : Une approche intégrée de renforcement des coopératives financières Une étude récente menée dans les villes mexicaines a montré qu'environ trois quarts des adultes (et 85 % des entrepreneurs) n'utilisent pas les servi- ces des institutions financières conventionnelles (Caskey, Ruiz, et Solo 2004). En 2002, moins de 6 % des ménages disposaient de comptes d'épar- gne ou de crédits auprès d'institutions financières dans les zones rurales. Parmi ceux qui avaient accès à des intermédiaires financiers, 7 % de la population économiquement active, soit 3 millions de personnes, avaient recours à de petites coopératives commerciales et ONG aux fins de conser- vation de leurs épargnes ou d'octroie de prêts. La plupart de ces organisa- tions n'étaient pas réglementées. En conséquence, les épargnants ont perdu des millions de dollars d'épargne lorsque certaines coopératives financières mal gérées ou gérées sans scrupules sont tombées en faillite entre 1998 et 2000. En outre, ces petites institutions à assise communautaire ne pouvaient ANALYSE THÉMATIQUE 123 pas assurer à leurs clients l'accès au système national de paiement, ni four- nir le type de services proposés par des institutions financières plus grandes et technologiquement plus avancées. Dans ce contexte, le Gouvernement mexicain et un certain nombre de coopératives ont commencé à travailler sur l'élaboration de la loi sur l'épar- gne et le crédit (Popular Savings and Credit Act), qui a été promulguée en 2001. Cette loi a établit le cadre réglementaire et de supervision applicable à toutes les institutions d'épargne et de crédit autres que les banques. Elle consacre l'utilisation des fédérations ou groupes de coopératives pour accomplir certaines fonctions de surveillance. Parallèlement, une banque publique d'épargne a été transformée en banque nationale d'épargne et de services financiers (BANSEFI), avec pour but d'ouvrir aux coopératives nouvellement réglementées, l'accès aux liquidités, aux services arrière-gui- chet, et une plateforme technologique partagée, qui leur permettrait d'accé- der aux systèmes de paiement et de rendre automatiquement compte au superviseur bancaire. La BANSEFI signe également des contrats avec des prestataires d'assistance technique à l'effet de renforcer les capacités des centaines de coopératives financières et celles de leurs fédérations, ce qui est très important dans le nouveau cadre de supervision. Le but de cette démarche nationale est d'aider les coopératives financières à satisfaire les conditions juridiques et réglementaires requises par la nou- velle loi afin d'offrir des services financiers plus sûrs et efficients à la clien- tèle à revenus plus faibles qu'elles ont pour mission de servir. La BANSEFI est une banque de développement unique en son genre, car sa mission et ses méthodes excluent les activités de prêt, sa finalité étant d'être cédée aux coopératives. L'investissement lourd réalisé par le gouvernement dans le sec- teur a donc pour but de permettre aux coopératives financières du pays d'évoluer de façon durable, à travers des institutions fonctionnant en réseaux à plusieurs niveaux. Le Secrétariat pour l'agriculture, l'élevage, le développement rural, les pêches et la nutrition (SAGARPA) a mis en place un mécanisme d'accompa- gnement qui permet aux coopératives financières de taille plus petite, géographiquement isolées et, dans de nombreux cas, plus faibles, et qui mènent leurs activités dans les zones rurales marginales, de bénéficier éga- lement d'un appui pour mettre leurs pratiques en matière de comptabilité, de gestion des risques et de gouvernance en cohérence avec les normes éta- blies par la nouvelle loi, et élargir leur couverture des populations particulièrement vulnérables dans ces régions. SAGARPA octroie des sub- ventions de petite taille, en nature, et des contrats à des organisations inter- nationales qui, en collaboration avec des professionnels locaux, apportent une assistance technique aux coopératives afin de permettre à celles-ci de se constituer une base de membres durable, en y incluant des personnes issues de zones rurales particulièrement pauvres ainsi que de nombreuses commu- nautés traditionnelles. Les efforts déployés pour renforcer les coopératives dans ces zones rurales marginales portent sur la culture de la conscience, de la confiance et de l'engagement entre les nouveaux membres et les institu- 124 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE tions financières afin que les avantages, les droits et les responsabilités de chaque membre soient compris et qu'ils partagent un sentiment d'investisse- ment mutuel. Au mois de janvier 2004, le programme de SAGARPA avait permis à environ 35 000 personnes issues des régions de Huasteca, Chiapas, Veracruz, et Guerrero d'avoir accès à des institutions financières sûres et réceptives. Plus de 80 000 personnes issues des groupes les plus pauvres et les plus marginalisées du Mexique devraient accéder au système financier par cette voie d'ici 2007. Facteurs de réussite De nombreux facteurs ont favorisé l'expansion des services financiers aux groupes pauvres dans les pays examinés plus haut. Engagement et leadership Comme l'illustrent les exemples des pays étudiés, de nombreuses catégories d'intermédiaires financiers exercent maintenant leurs activités conformé- ment aux principes qui permettent de desservir les populations à faibles revenus de façon rentable. Toutefois, un changement fondamental dans la culture institutionnelle est souvent nécessaire : il faut en effet choisir d'accorder la priorité soit aux populations les plus pauvres, soit à l'aspect commercial de l'activité. L'engagement institutionnel et le leadership sont donc nécessaires, depuis le conseil d'administration jusqu'au niveau des per- sonnels qui assurent les services aux clients sur le terrain. Au Bangladesh, les responsables des principaux établissements de microfinance, qui sont des visionnaires, ont énormément contribué au développement international de l'industrie de la microfinance, ainsi qu'à la vitalité et au dynamisme du sec- teur dans le pays. Au Kenya, le fait que les responsables des organisations soient toujours prêts à relever les défis, ainsi que la capacité du personnel à s'informer constamment sur les besoins des clients afin de les satisfaire, ont été déterminants pour la transformation de K-Rep qui est passé du statut d'une organisation à but non lucratif à celui d'une banque commerciale. L'engagement et le leadership des décideurs est également un facteur décisif pour promouvoir un plus grand accès aux services financiers. Le gou- vernement doit nécessairement créer un environnement macroéconomique stable, soutenir le développement d'un cadre réglementaire qui encourage une concurrence saine et vigoureuse entre les institutions financières, et faire preuve de leadership en mettant fin à l'influence politique au sein des insti- tutions financières. Au Mexique, le gouvernement s'est engagé de façon décisive en faveur des coopératives financières, ce qui contribue à améliorer les performances et à renforcer la viabilité de ces coopératives à long terme. En Mongolie, l'engagement du gouvernement a été crucial pour la transfor- mation de la banque publique de développement agricole. ANALYSE THÉMATIQUE 125 Expérimentation, innovation et apprentissage La microfinance constitue un domaine où l'expérimentation, l'innovation et l'apprentissage durant de nombreuses années ont abouti à une conclusion révolutionnaire : les pauvres sont en effet solvables. Bien qu'il soit coûteux de gérer les petites transactions, il est possible pour les institutions financiè- res de couvrir les coûts des services assurés à cette catégorie de clients. Les pauvres peuvent donc être intégrés dans le système financier d'un pays sans qu'on ait besoin d'accorder des subventions sur de longues périodes. L'expérimentation et l'innovation ont montré qu'il n'existe pas de modèle organisationnel distinct qui se prête le mieux aux activités de microfinance. À titre d'exemple, bien qu'on pense qu'il soit difficile de réformer les ban- ques publiques, un certain nombre d'institutions publiques ont maintenant introduit des services bancaires destinés aux pauvres. La Banque agricole de Mongolie et la Halyk Bank au Kazakhstan en sont des exemples. Les fac- teurs favorisant la mise en oeuvre qui sont communs à ces institutions -- et toutes les institutions financières -- y compris la bonne gouvernance et la bonne gestion, la demande de produits adaptés, des systèmes d'information efficaces, et des mesures d'incitation qui encouragent le personnel à choisir soigneusement les emprunteurs et à recouvrer toutes les créances. Toutefois, la fourniture adéquate des services aussi bien aux ménages pauvres qu'aux MPE nécessite des produits, des processus et des systèmes bien différents de ceux du système bancaire conventionnel. À titre d'exem- ple, l'expérimentation des produits et services qui sont conformes aux besoins des clients est capital pour attirer les couches à revenu faible du marché des services financier. En Mongolie, en se concentrant sur les activi- tés génératrices de revenus, on s'est aperçu que la diversification des pro- duits peut comporter de nombreux avantages aussi bien pour les institu- tions que pour les clients. La banque a augmenté les revenus de ses agences sous-utilisées et qui enregistraient des pertes en créant des produits pour de nouveaux types de clients, à l'instar des bergers nomades. La demande con- cernant ces produits et d'autres nouveaux produits a permis de transformer les agences rurales en unités rentables. Les innovations technologiques ont également permis aux institutions de microfinance de surmonter de nombreuses difficultés liées à l'offre des servi- ces financiers à un grand nombre de petits clients qui sont souvent géographiquement dispersés. Au Kenya, les services bancaires mobiles offerts par Equity Building Society ont permis à cette organisation de servir efficacement ses clients dans les zones sous peuplées qui ne peuvent pas sup- porter les coûts fixes liés à la gestion d'une agence. Au Mexique, l'utilisation d'une plateforme technologique commune permet aux petites ou aux orga- nisations décentralisées de bénéficier de rendements d'échelle, et d'obtenir des services tels que la gestion de la trésorerie et l'analyse des risques du portefeuille à un coût réduit. Le développement de systèmes d'information de gestion qui enregistrent soigneusement les données sur les clients a permis aux institutions de micro- 126 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE finance d'améliorer la qualité du portefeuille et de savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas dans leurs organisations. Les gestionnaires utilisent ces systèmes pour identifier et suivre précocement les clients qui ont des crédits à problème ou vice versa. Les bons clients peuvent être facilement identifiés et récompensés par des prêts de plus longues échéances. En outre, les clients bénéficient souvent des effets de l'amélioration des systèmes d'information. Par exemple, le nouveau système d'Equity Building Society a permis de ramener de 30 à 5 minutes, le temps passé par le client au guichet. Catalyseurs externes Les bailleurs de fonds ont joué un rôle fondamental dans la promotion de la croissance et du développement de l'industrie de la microfinance durant le dernier quart de siècle. Ils ont financé une bonne partie des activités d'expé- rimentation qui sont à l'origine des pratiques utilisées par de nombreux éta- blissements de microfinance aujourd'hui. Ils ont capitalisé les fonds de prêt des organisations à but non lucratif ; financé l'assistance technique pour le développement de processus organisationnels et de systèmes d'informations ; établi des programmes d'échange permettant l'acquisition horizontale de connaissances entre les praticiens de la microfinance ; et con- tribué à mettre en place l'infrastructure de l'industrie de la microfinance, y compris des associations d'institutions de microfinance, des centres de for- mation, et des systèmes communs d'informations sur les crédits. La mise à l'échelle Renforcer la capacité à assurer les services de détail Une forte capacité de prestation de services de détail doit être développée avant le passage à l'échelle. Cela dépend également des nombreuses prati- ques de bonne gouvernance et de bonne gestion mises en exergue tout au long de cette section, telles que le renforcement des capacités des personnels internes à travers la formation sur le tas et la formation conventionnelle. Les résultats dépendent aussi de la mise en place de mesures pertinentes d'incitation à la performance ; d'une bonne communication entre les agen- ces et la direction générale ; d'une culture de l'excellence dans la prestation des services ; et de la disponibilité de systèmes fournissant des informations en temps utile pour la prise de décisions, la transparence et la reddition de comptes. En d'autres termes, l'organisation doit avoir un ensemble de pro- duits financiers que les clients sont disposés à acheter, ainsi que des proces- sus et des systèmes lui permettant de fournir ces produits de manière renta- ble avant de passer à l'échelle supérieure. Le passage à l'échelle doit se dérouler en plusieurs phases, en ayant recours à la comptabilité des centres de profit afin de permettre le suivi de la performance de l'unité ou du pro- ANALYSE THÉMATIQUE 127 gramme de microfinance. Avec la croissance de l'institution, la décentralisa- tion de la responsabilité au profit de l'échelon le plus bas de la structure administrative où l'obligation de rendre des comptes peut être assurée est susceptible de faciliter les résultats. Promouvoir une politique favorable et un environnement propice Quelle que soit la position occupée par une organisation, sa capacité et sa motivation par rapport au passage à l'échelle sont également fonction des conditions favorables du marché. Dans une large mesure, ces conditions dépendent de la politique mise en oeuvre par le gouvernement. Le gouverne- ment doit en effet créer un environnement qui encourage la croissance pro- ductive des activités économiques de toutes les tailles, y compris les activités agricoles. Il doit mettre en place un cadre réglementaire qui stimule la con- currence et permet l'entrée en scène sélective de nouvelles institutions finan- cières. Il doit également faciliter le développement des infrastructures finan- cières, y compris des systèmes efficaces de paiement et d'information sur le crédit. Rendre l'appui des bailleurs de fonds efficace Les bailleurs de fonds sont plus efficaces s'ils travaillent ensemble de manière coordonnée. Le manque de coordination de leurs missions, le recours à des modalités de décaissement disparates et l'utilisation de critères différents en matière d'établissement de rapports sont des facteurs d'inefficacité ; par ailleurs, l'imprévisibilité des flux de ressources destinées aux établissements de microfinance entrave la planification judicieuse des activités. Pour contribuer à établir des règles du jeu équitables qui facilitent la concurrence entre différents types d'institutions financières, les bailleurs de fonds doivent harmoniser les conditions liées à leur appui et se garder d'accorder des avantages inéquitables à une catégorie d'organisations par rapport à une autre. En outre, les personnels des bailleurs de fonds en charge de la programmation dans le domaine de la microfinance doivent être formés sur les éléments fondamentaux d'une microfinance viable et sur la nécessité d'adopter des approches novatrices et flexibles. Évaluer les stratégies pour la mise à l'échelle Le contexte qui a cours dans un pays donné déterminera l'approche organi- sationnelle qu'il convient d'adopter pour assurer une large expansion des services financiers afin d'atteindre les ménages pauvres et les MPE. Dans les pays où des banques privées ou publiques ont déjà mis en place d'immenses réseaux d'agences, il est indiqué d'impliquer ces institutions dans les activi- tés de microfinance dans la mesure où leurs réseaux d'agences peuvent être 128 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE mis à contribution pour déployer des produits auprès d'une nouvelle clien- tèle plus rapidement que les nouvelles ou les petites institutions spécialisées dans la microfinance. Dans certains pays, les grands réseaux de coopératives ou les grandes ONG financières qui disposent de démembrements peuvent avoir le même potentiel. Il existe également des réseaux internationaux d'institutions de microfinance qui disposent de méthodologies et de systè- mes bien développés, mis au point à la suite d'une longue expérimentation dans de multiples contextes. Ces institutions pourraient être en mesure de transposer rapidement leurs propres méthodes. Dans les pays ou les régions qui comptent un grand nombre de petites institutions, comme les associassions d'épargne et de crédit, les coopératives financières ou les ONG financières, les fédérations ou les réseaux peuvent fournir des économies d'échelle dans de nombreux domaines, y compris la mise au point des produits, le partage des infrastructures technologiques, et la passation de contrats pour les audits externes. Ils peuvent assurer la cré- dibilité en établissant les normes, en définissant les indicateurs de référence pour la mesure de la performance, en certifiant la conformité, et en adop- tant une marque permettant d'identifier les institutions participantes qui se conforment aux normes convenues. Une institution financière faîtière peut aider à gérer les liquidités, comme on l'a vu avec les cas de BANSEFI au Mexique et de PKSF au Bangladesh. Il faut garder à l'esprit qu'un pays doit jouir d'une capacité suffisante dans la conduite des opérations de détail pour garantir le succès de la structure financière faîtière, étant donné que la capacité d'absorption des fonds peut facilement être surestimée. Dans la plupart des cas, le facteur majeur faisant obstacle à la croissance est la capacité institutionnelle plutôt que les con- traintes de financement. Relever le défi Les fournisseurs des services de microfinance n'ont atteint qu'une infime proportion de la population dans la plupart des pays. Le défi qu'il faut rele- ver consiste à aller au-delà des quelques ménages qui bénéficient des services de microfinance aujourd'hui pour élargir l'accès aux nombreux ménages qui n'ont pas encore accès à ces services. Les gouvernements doivent promou- voir le développement de marchés financiers dynamiques ; les bailleurs de fonds doivent continuer à financer l'innovation ; et les institutions financiè- res favorables aux pauvres doivent réaliser des opérations d'une ampleur suffisamment grande pour générer l'efficience et la rentabilité. Étant donné que les populations les plus pauvres du monde sont de plus en plus en mesure d'investir dans des activités économiques productives et de bien gérer les ressources financières de leurs ménages, elles pourront gagner des revenus leur permettant d'acheter la nourriture, payer le loyer, l'éducation et les soins de santé. La microfinance pourra alors continuer de jouer un grand rôle dans l'atteinte des ODM. ANALYSE THÉMATIQUE 129 SANTÉ La moitié des ODM sont directement liés à la santé. En 1990, plus de dix millions d'enfants âgés de moins de cinq ans sont décédés dans les pays en développement -- dont la grande majorité des suites de causes évitables tel- les que la mauvaise nutrition et la diarrhée due à une eau de boisson insalubre ; plus de 500 000 femmes sont décédées des suites des complica- tions de la grossesse et de l'accouchement ; plus de deux milliards de per- sonnes font les selles en plein air ; et le VIH/SIDA, avec le paludisme et la tuberculose, ont entraîné le décès de plus de cinq millions de personnes. Mis ensemble, ces différents problèmes ont eu -- et continuent d'avoir -- un effet particulièrement dévastateur sur le bien-être des ménages et les écono- mies des pays en développement. Atteindre les ODM en rapport avec la santé est une tâche immense, qui passe par la réalisation de 270 000 nouveaux branchements d'eau par jour durant les dix prochaines années, ainsi que la fourniture de l'accès aux ser- vices d'assainissement de base à 2 milliards de personnes (OMS 2003, Ban- que mondiale 2004b). Les besoins en matière de lutte contre le VIH/SIDA sont d'ailleurs plus énormes. Sur les cinq à six millions de personnes qui ont besoin d'un traitement contre le VIH dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire, 400 000 seulement (soit 7 %) avaient accès à ce traitement en 2003. Les difficultés qui entravent la réalisation des ODM se traduisent par la lenteur des progrès accomplis en direction des objectifs ciblés. À titre d'exemple, aucune région n'est en bonne voie pour réduire des deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans d'ici 2015 -- excepté éventuellement l'Amérique latine et les Caraïbes. De même, tou- tes les régions -- exceptés le Moyen Orient et l'Afrique du Nord -- sem- blent en retard par rapport à l'objectif qui consiste à réduire le taux de mor- talité maternelle des trois quarts d'ici 2015. De façon générale, au rythme actuel, la plupart des pays n'atteindront pas l'essentiel des ODM -- surtout ceux qui sont en rapport avec la santé (Banque mondiale 2004c). Il s'en suit que réaliser les ODM dans le domaine de la santé nécessite des approches novatrices et des efforts supplémentaires. Les cas présentés à la Conférence de Shanghai montrent que lorsque la volonté politique, les mesures appropriées, et l'appui externe sont effectifs, on peut accomplir de grands progrès en direction des ODM dans le domaine de la santé. Le défi consiste à déterminer comment intensifier ces initiatives de manière à éten- dre la couverture des soins de santé aux populations les plus pauvres. Informations liminaires sur la mise à l'échelle des services de santé La présente section a pour objectif de partager les leçons tirées du processus de transfert mondial des savoirs, qui puissent éclairer les efforts visant à 130 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE produire des réponses positives en matière de santé, en s'appuyant sur six études de cas présentées à la Conférence de Shanghai20. Ce sous- ensemble de cas consacrés à la santé illustre deux dimensions du passage à l'échelle : la dimension spatio-temporelle et la dimension transnationale. La dimension spatio-temporelle Les innovations réalisées à l'échelle locale peuvent être transposées dans d'autres régions ou atteindre un plus grand nombre de personnes dans une région si elles sont largement adoptées et adaptées. Les actions de sensibili- sation, d'information et d'éducation sur la prévention du VIH/SIDA menées à l'intention des consommateurs de drogues injectables dans l'État de Mani- pur en Inde illustrent le passage à l'échelle dans l'espace et le temps. Initiées par trois organisations de base avec un appui extérieur limité, ces activités basées sur l'approche de réduction des risques étaient initialement limitées à quelques communautés et ciblaient les consommateurs de drogues injecta- bles. À mesure que les informations circulaient sur les résultats remarqua- bles de ce programme, les communautés, les bailleurs de fonds et le gouver- nement se sont impliqués. L'organisme public de l'État de Manipur pour la lutte contre le sida (Manipur State AIDS Control Society) a adopté l'appro- che de réduction des risques et élaboré une politique visant à rendre sa mise en oeuvre obligatoire dans l'ensemble de l'état, ouvrant ainsi la voie à l'expansion de la riposte à d'autres régions du pays. Vers la fin de 2002, le programme avait atteint 18 000 consommateurs de drogues injectables, contre 6 000 personnes au démarrage. En 1998, il avait été élargi à sept États à travers la création du réseau Nord-Est. Toutefois, il existe de nombreux exemples d'initiatives locales positives dans le secteur de la santé qui n'ont pas réussi, en partie par manque de sou- tien de la part des décideurs. Le plaidoyer, la sensibilisation, et la démons- tration des résultats peuvent être utilisés pour obtenir l'appui des décideurs. Le passage à l'échelle du programme indien de sensibilisation, d'informa- tion et d'éducation sur le VIH/SIDA, par exemple, a été rendu possible par la mise en évidence des résultats, aussi bien que par la sensibilisation et l'implication des décideurs de manière éclairée et durable. La dimension transnationale La lutte contre la cécité des rivières, par exemple, a commencé dans les années 40 par la lutte antivectorielle au niveau des villages, et s'est élargie aux cours d'eaux dans sept pays, avant d'être systématiquement étendue à onze, puis à 30 pays en Afrique de l'Ouest, en Afrique centrale et en Afrique de l'Est. L'engagement au niveau politique le plus élevé et la coordination sont indispensables pour la transposition des réponses sanitaires dans d'autres pays. ANALYSE THÉMATIQUE 131 Facteurs de réussite dans la mise à l'échelle des réponses sanitaires Les cas présentés à la Conférence de Shanghai ont illustrés les progrès remarquables accomplis pour améliorer les résultats en matière de santé, notamment parmi les couches pauvres. Au nombre des facteurs susceptibles d'être transposés dans d'autres pays et régions figurent le leadership et la volonté politiques, l'innovation institutionnelle, la faculté d'apprendre et d'expérimenter, ainsi que des catalyseurs externes. Leadership et volonté politiques La manière dont le gouvernement perçoit la nature et l'ampleur du pro- blème de santé (qu'il soit aigu ou chronique) influence l'intensité de sa réponse. Cette réalité se traduit par des différences dans les approches de lutte contre l'épidémie du VIH/SIDA (qui est un problème de santé aigu) et la mortalité infantile (un problème beaucoup plus chronique). Lorsque les gouvernements thaïlandais et ougandais s'étaient rendus compte que le VIH/SIDA n'était pas tout simplement une autre maladie limitée à groupe de personnes donné, mais qu'il constituait une urgence du fait de la menace qu'il faisait peser sur l'ensemble de la population et le processus de dévelop- pement, les réponses proposées ont été intensives, urgentes et massives. Des politiques et des institutions ont été mises en place pour combattre le fléau, des ressources ont été mobilisées, et de vastes campagnes de sensibilisation ont été organisées. À titre d'exemple, des spots publicitaires obligatoires de 30 secondes sur le VIH/SIDA ont été présentés toutes les heures à la télévi- sion et à la radio en Thaïlande. Cette approche intensive axée sur la maladie contraste nettement avec l'approche progressive et diversifiée proposée par la République islamique d'Iran face aux disparités chroniques qui caractérisent la situation sanitaire, notamment en ce qui concerne les taux de mortalité infantile entre les zones rurales et les zones urbaines. On reconnaît généralement que la volonté politique au plus haut niveau joue un rôle crucial. Le défi majeur auquel sont confrontées les personnes chargées de la mise en oeuvre des projets est de savoir comment garantir cette volonté politique lorsqu'elle n'est pas encore acquise. Les expériences des différents pays présentées lors de la Conférence de Shanghai jettent un éclairage utile sur ce processus et mettent en exergue trois manières par les- quelles on peut susciter l'engagement politique : la bonne présentation de données, l'implication des leaders politiques et la pression communautaire (Encadré 4.6). Ces facteurs tout seuls ne sont cependant pas suffisants pour engendrer et soutenir des résultats. En plus de cela, le gouvernement doit être disposé à accepter le changement, élaborer des politiques favorables aux pauvres sur la base des informations recueillies à travers la recherche ou les systèmes d'informations sanitaires et à rendre des comptes. 132 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE La volonté politique peut se traduire par l'élaboration de politiques et stratégies appropriées permettant d'orienter les réponses, la participation active des responsables politiques, et l'appui budgétaire pour la mise en oeuvre de ces politiques. Dès que le gouvernement reconnaît qu'une maladie ou une situation sani- taire représente une menace contre le bien-être et le développement national et accepte d'y trouver des solutions, des politiques et stratégies nationales appropriées doivent être élaborées pour orienter les réponses. Les expérien- ces de Cuba, de la République islamique d'Iran et de la Thaïlande illustrent bien ce point. Cuba a mis en place une politique nationale favorisant l'accès gratuit et universel aux services sociaux, l'élargissement de la gratuité des soins de santé aux groupes ruraux et aux groupes urbains à revenu faible étant l'un de ses objectifs prioritaires. L'Iran a adopté un mandat constitu- tionnel à l'effet d'offrir l'accès universel aux services de santé de base, tandis que la Thaïlande a élaboré sa Politique de prévention et de lutte contre le sida dont la mise en oeuvre est dirigée par les services du Premier ministre. Encadré 4.6 Méthodes permettant de mobiliser la volonté politique Présentation stratégique des données La présentation des conclusions convaincantes de recherche ou des données statistiques issues des enquêtes de surveillance ont suscité un intérêt politique et entraîné l'adoption du VIH/SIDA, de la tuberculose et de la cécité des rivières comme priorités, respectivement en Thaïlande, au Népal et en Afrique de l'Ouest. La volonté politique a besoin d'être fondée sur une bonne compré- hension de la nature, de l'ampleur et des effets socioéconomiques du problème de santé. Le premier cas de VIH/SIDA en Thaïlande a été identifié en 1984 mais la réponse du gouvernement a été lente, parce qu'elle était influencée par le sen- timent général suivant lequel l'épidémie se limiterait aux groupes ayant des comportements à haut risque, à savoir les consommateurs de drogues injecta- bles et les homosexuels. Toutefois, ce point de vue a radicalement changé lors- que les conclusions de la première enquête épidémiologique nationale ont mon- tré que la pandémie se répandait rapidement au sein de la population générale -- 44 % des professionnelles du sexe dans la province de Chiang Mai était infectés, contribuant ainsi, dans un premier temps, à des taux élevés d'infection parmi leurs clients de sexe masculin, et par la suite, au sein de la population générale. Ces résultats d'enquête, portés à l'attention du public par les ONG, ont fait en sorte qu'il n'était plus facile de refuser la réalité de la maladie et ont amené le gouvernement à proposer une réponse ferme, rapide, et intégrée. De même, la cécité des rivières sévissait de façon endémique parmi les popu- lations pauvres d'Afrique de l'Ouest, mais les administrations coloniales étaient indifférentes, estimant que cette maladie n'affectait que les populations les plus pauvres vivant dans les zones rurales les plus reculées, et par conséquent ne constituait aucun danger pour elles. Toutefois, la recherche scientifique a révélé des faits à la fois spectaculaires et préoccupants -- 60 % de la population dans ANALYSE THÉMATIQUE 133 la zone de savane était porteuse du parasite, 30 % des personnes avaient des problèmes de vue, et 10 % des adultes étaient aveugles. Les effets socioé- conomiques étaient catastrophiques. Le taux élevé de prévalence parmi les adultes a réduit la main-d'oeuvre agricole. Les pénuries alimentaires et l'effon- drement subséquent des économies agraires ont obligé les résidents à abandon- ner les vallées fertiles pour s'installer dans les régions montagneuses surpeu- plées, sèches et infertiles. Enfin, la cécité des rivières a entraîné les communautés qui étaient jusque là prospères dans une grande misère. La pré- sentation du niveau de prévalence et de son impact catastrophique sur le plan économique a amené les gouvernements et les acteurs du développement à faire de la lutte contre la cécité des rivières une priorité, tout d'abord en Afrique de l'Ouest, et par la suite en Afrique centrale et en Afrique de l'Est. Implication des dirigeants politiques dans les discussions portant sur les problèmes de santé Le constat fait plus haut montre que les statistiques peuvent susciter des discus- sions entre les leaders politiques et les décideurs. Les discussions entre chefs d'États peuvent être un moyen particulièrement efficace pour se communiquer des messages et convaincre d'une ligne d'action spécifique. Ce fut le cas avec la lutte contre le VIH/SIDA en Ouganda, lorsque le président Museveni fut avisé par son homologue Fidel Castro de Cuba en ces termes : « vous avez un pro- blème. Votre armée sera anéantie, non par les balles tirées par l'ennemie, mais par le VIH » (Banque mondiale 2004b). Cet avertissement amena le président Museveni à diriger personnellement les premiers efforts de lutte contre le VIH/ SIDA dans son pays. Les actions de plaidoyer menées à l'occasion des rencon- tres nationales et internationales réunissant des chefs d'États peuvent être utili- sées pour susciter la prise de conscience parmi les dirigeants politiques, les ame- ner à inscrire les problèmes de santé au nombre de leurs priorités et de s'influencer mutuellement afin de réaliser autant de progrès que possible. Pressions communautaires Dans les pays qui favorisent la communication entre les communautés et les décideurs, les communautés pauvres peuvent demander des services de santé et amener les gouvernements à adopter des politiques qui leur soient favorables. En République islamique d'Iran, par exemple, l'objectif de fournir les services sociaux de base aux pauvres -- y compris les soins de santé- est consacré par la Constitution. Cette disposition, renforcée par les promesses électorales à l'effet d'offrir de meilleurs services et promouvoir une plus grande influence des com- munautés rurales, a entraîné une forte demande, par les populations rurales, des mêmes services de santé publics que ceux dont jouissent leurs compatriotes dans les zones urbaines. Le système des soins de santé primaire est en effet la façon concrète par laquelle l'État a répondu à cette demande. Une autre forme d'engagement réside dans la participation active des dirigeants politiques à la mise en oeuvre des politiques. En Thaïlande, la politique de lutte contre le sida a été placée sous l'égide des services du Pre- mier ministre, qui était le président du Comité multisectoriel national de prévention et de lutte contre le sida. En Ouganda, le programme de lutte 134 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE contre le sida tenait des réunions hebdomadaires sous la présidence du pré- sident Museveni en personne. Cette implication directe des dirigeants politi- ques a insufflé un sentiment d'urgence et amené le gouvernement et les autres acteurs du développement à traiter le problème en tant que tel. En Thaïlande, le nombre de nouvelles infections a été considérablement réduit, passant de 200 000 nouveaux cas en 1991 à 17 000 nouveaux cas en 2003. L'Ouganda a réussi à réduire la prévalence du VIH parmi les femmes encein- tes pour la ramener de plus de 20 % en 1992 à 6,5 % en 2001. Compte tenu de la rareté des ressources dans les pays en développement et eu égard à la concurrence que le secteur de la santé et les autres secteurs se livrent dans l'utilisation de ces ressources, les ressources humaines et financières dont on a besoin pour résoudre les problèmes de santé ne peu- vent être garanties que s'il y a une volonté politique au plus haut niveau pour faire de la santé une priorité. Cette réalité est clairement illustrée par le cas Cuba où, au plus fort de la crise économique qui a fait chuter le produit intérieur brut (PIB) de 35 %, les dépenses du gouvernement sur les services sociaux (santé, éducation, pensions, et assistance sociale) ont effectivement accru en termes réels et en pourcentage du PIB, passant de 15,8 % à 20,7 %, entre 1989 et 2000. De même, en 2001/2002, l'Iran a alloué 38 % des dépenses publiques à la santé dans le cadre de sa politique d'accès uni- versel aux services de santé de base. Cependant, il ne suffit pas d'augmenter les dépenses publiques. Augmenter tout simplement les dépenses publiques sans en améliorer l'efficience et le ciblage n'est pas susceptible d'améliorer les résultats en matière de santé. La plupart des dépenses publiques dans le domaine de la santé bénéficient à des personnes qui ne sont pas pauvres et une bonne partie n'atteint pas les prestataires des services sur le terrain (Banque mondiale 2004c). L'innovation institutionnelle : la décentralisation Il est établi depuis longtemps que les dispositions institutionnelles ont une grande influence sur la réussite ou l'échec des systèmes de santé. Au cours des 20 dernières années, la décentralisation -- définie comme transfert du pouvoir politique, de la prise de décisions, des fonctions de mobilisation et d'allocation des ressources du gouvernement central et de ses agences aux niveaux infranationaux -- a gagné en popularité21. Les arguments avancés en faveur de la décentralisation portent sur l'amélioration de l'efficience dans l'allocation des ressources, la satisfaction des besoins locaux et la responsabilité22. Le principal défi auquel sont confrontés les personnes chargées de la conception et de la mise en oeuvre des projets est de savoir comment initier une réforme institutionnelle. Cela nécessite un grand chan- gement de politiques, auquel les agents de l'État et les politiciens peuvent s'opposer. La tâche est davantage compliquée par l'absence de données empiriques sur l'efficacité des différents types et formes de décentralisation. Bien qu'ils ne constituent pas une panacée, le système des soins de santé pri- ANALYSE THÉMATIQUE 135 maires (SSP) de la République islamique d'Iran, le Programme de mise en oeuvre de la stratégie de traitement de brève durée sans surveillance directe (DOTS) au Népal, et la lutte contre la cécité des rivière en Afrique de l'Ouest constituent, en matière de décentralisation, des exemples d'innova- tions institutionnelles simples, qui peuvent permettre de déployer les servi- ces de santé de façon efficace et durable, surtout dans un contexte où les res- sources humaines et financières sont limitées (voir encadré 4.7). Toutefois, la décentralisation en tant que telle ne peut faciliter, ni garantir la viabilité des services de santé. En plus des structures décentralisées, le niveau des services et des technologies doit être approprié. Il faut par ailleurs renforcer les capacités et assurer une coordination étroite entre les différentes agences. Si l'Iran réussit à maintenir des services de santé destinés aux populations pauvres des zones rurales, cela est certainement dû au fait qu'il a mis à con- tribution une combinaison de facteurs : décentralisation institutionnelle, priorité aux soins préventifs (vaccination, santé publique, soins prénatals, etc.), par opposition aux soins curatifs, utilisation de technologies et d'une main-d'oeuvre appropriées (les behvarzan et non les médecins), établisse- ment de systèmes intégrés d'informations sanitaires (voir encadré 4.7). Ce système contraste nettement avec le système de santé centralisé de Cuba, qui privilégie les soins curatifs, a recours à une technologie de pointe et aux médecins, et qui de ce fait n'était pas viable. Encadré 4.7 Innovations institutionnelles Afin d'améliorer l'accès aux services de santé dans les zones rurales reculées, et compte tenu de ses ressources humaines et financières limitées, la République islamique d'Iran a mis en oeuvre un système de soins de santé publique novateur, à la fois simple, adéquat et efficace. Les dispositions institutionnelles pour la mise en oeuvre des systèmes de soins de santé primaire comprennent les cases de santé rurales instituées dans les villages reculés -- situés au plus à une heure de marche du ménage le plus éloigné de la zone de couverture. Ces cases de santé sont dotées de personnels de santé recrutés au sein des communautés locales. Les communautés participent à la sélection des agents de santé locaux, connus loca- lement sous le nom de behverzan. Le second niveau du système est constitué du centre de santé rural conçu et localisé de manière à soutenir cinq centres de santé rurale, et doté de médecins, d'infirmiers et de techniciens de laboratoire. Le troi- sième niveau de référence est constitué du centre de santé de district, qui, entre autres missions, est chargé de la formation des behvarzan au sein du district, de la supervision des centres de santé rurale, et de la fourniture des soins tertiaires aux malades référés. Au niveau provincial, les universités des sciences médicales et des services de santé sont chargées de la planification et de l'administration des services de santé dans la province. Bien qu'il soit possible que d'autres évé- nements intervenant dans le pays aient joué un rôle important, on pense souvent que la baisse du taux de mortalité infantile et la réduction de l'écart entre les zones rurales et les zones urbaines sont des progrès accomplis grâce à ce système. 136 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE En 1974, lorsque la République islamique d'Iran a initié le programme des SSP, le taux de mortalité infantile pour 1 000 naissances vivantes était de 120 et de 62 respectivement dans les zones rurales et les zones urbaines. En 2000, ces taux étaient respectivement de 30 et 28. Aujourd'hui, le pays figure parmi les quelques pays en bonne voie pour réaliser les ODM en ce qui concerne la mor- talité infantile et la santé maternelle. Le Népal était confronté à des taux de mortalité et de morbidité élevés dus à la tuberculose. Au milieu des années 90, le taux de succès du dépistage et du traitement de la tuberculose était très bas. Toutefois, l'adoption, en 1996, de dispositions institutionnelles novatrices pour la mise en oeuvre de la stratégie DOTS -- tout d'abord comme un projet pilote dans quatre districts et par la suite élargi à tous les 75 districts -- ont permis d'augmenter le taux de gué- rison, atteignant l'indicateur international fixé à 85 % et un taux de détection des cas de 70 % en 2003. Il en est de même de la lutte contre la cécité des rivières en Afrique, où la mise en oeuvre des réseaux novateurs de distribution de médicaments à assise communautaire dans six pays a permis d'élargir la couverture du traitement, pour passer de 60 000 personnes au début (utilisant le système de santé officiel) à un nombre résiduel de 35 millions de personnes -- dont la majorité vit dans des zones rurales reculées où les services de santé étatiques sont limités ou inexistants. Le renforcement des capacités joue un rôle prépondérant dans la qualité des services à différents niveaux des systèmes de santé décentralisés et dans la réduction du déficit chronique en personnels de santé, notamment en Afrique23. Le programme de mise en oeuvre de la stratégie DOTS au Népal a une forte composante de renforcement de capacités qui lui permet d'assurer la disponibilité de personnels compétents à tous les niveaux. L'Agence japo- naise de coopération internationale (JICA) a soutenu la formation des res- ponsables du Programme national de lutte contre la tuberculose à Tokyo ; les séminaires organisés chaque année sur la tuberculose facilitent les échanges de connaissances et d'expériences ; et les manuels, les directives, et les formu- laires offrent aux praticiens des outils de référence à usage simple. Bien que la décentralisation institutionnelle et l'approche multisectorielle soient toutes les deux indiquées et souhaitables (voir les résultats dans l'encadré 4.7), il est également nécessaire que les différents acteurs collabo- rent étroitement. Le fait de confier le rôle du point focal national à une ins- titution phare comme le Centre national de lutte contre la tuberculose a été déterminant dans la mise en oeuvre de la stratégie DOTS au Népal. Étant donné les effets transversaux du VIH/SIDA, la riposte est multisectorielle et implique de nombreuses organisations qui ont des approches différentes. Pour coordonner les actions de lutte contre le VIH/SIDA, la Thaïlande et l'Ouganda ont créé des comités nationaux de lutte contre le sida sur la base du principe des « Trois uns » -- un cadre d'action commun permettant de disposer d'une base de coordination, d'un organisme national de coordina- tion commun, et d'un système commun de suivi et d'évaluation. ANALYSE THÉMATIQUE 137 Plus de 80 partenaires sont impliqués dans le programme de lutte contre la cécité des rivières, dont 26 bailleurs de fonds, 30 pays africains, une grande firme pharmaceutique, 12 grandes ONG, et des dizaines de milliers de com- munautés locales. Cette large coalition est difficile à maintenir, bien qu'elle crée des synergies et des avantages énormes telles que traduites par les réa- lisations remarquables du programme. Un accord international global (Mémorandum d'accord) qui définit clairement les rôles et les responsabilités de chaque partie a encouragé la collaboration dans la mise en oeuvre de ce programme de 30 ans. Faculté d'apprendre et d'expérimenter L'apprentissage et l'expérimentation ont lieu lorsque différentes stratégies sont d'abord essayées à l'échelle locale et, sur la base des résultats, intégrées systématiquement dans les stratégies nationales ou régionales les plus pro- metteuses. Les types d'actions que l'apprentissage illustre dans les expérien- ces des pays vont de la recherche scientifique institutionnalisée à des essais dictés par les circonstances effectués par des communautés (Encadré 4.8). Encadré 4.8 Apprentissage et expérimentation La recherche scientifique en Afrique de l'Ouest La recherche scientifique est impérative dans l'apprentissage par l'action parce qu'elle fournit l'information scientifique qui est très nécessaire sur la maladie ou les conditions sanitaires, tel que le montre le programme sur la cécité des rivières en Afrique de l'Ouest. Cette initiative a commencé par la pulvérisation d'une superficie de 660 000 km2 -- on pensait initialement que cette superficie était suffisamment grande pour contenir la simulie qui est le vecteur de la cécité des rivières. Toutefois, après trois mois de pulvérisation réussie, il y a eu une invasion des mouches noires venues des zones non traitées. De nouvelles données scientifiques ont révélé que la simulie peut effectuer une distance atteignant 600 kilomètres. Ces nouvelles données scientifiques ont montré que pour lutter efficacement contre la cécité des rivières, la pulvérisation doit couvrir toutes les zones endémiques. Cette réalité, associée au fait que la durée de vie de la femelle se situe entre 10 et 15 ans, signifie que même avec une maîtrise instantanée et complète de la transmission, la cécité des rivières ne sera pas éradiquée naturel- lement avant 15 ans. Ces conclusions ont permis de redimensionner le pro- gramme à l'échelle régionale avec une vision à plus long terme. En 1980, la recherche et les expérimentations ont révélé que la simulie déve- loppe une résistance génétique contre l'unique larvicide qui était utilisé dans le cadre du programme. La recherche et les expériences scientifiques ont généré une stratégie novatrice permettant d'utiliser sept larvicides en rotation -- stratégie qui est devenue le modèle standard dans la lutte antivectorielle. À travers la recherche, le projet a également développé une cartographie épidémiologique rapide de l'onchocercose, technique qui est vitale pour assurer la cartographie rapide et accélérer le passage à l'échelle. Actuellement, ce programme consacre 10 % de son budget à la recherche opérationnelle. 138 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Apprentissage communautaire par l'action en Inde L'étude de cas sur l'Inde illustre combien il est important de soutenir l'innova- tion au niveau local. Les actions de sensibilisation, d'information et d'éduca- tion menées par le Centre pour le développement social en matière de lutte con- tre le VIH/SIDA parmi les consommateurs de drogues injectables dans l'État de Manipur en Inde ont démarré dans le cadre d'un projet agricole qui avait pour but d'encourager la culture en terrasse, la location des engins à un prix aborda- ble, ainsi que la construction de logements et de latrines à un coût abordable. Toutefois, le progrès dans la mise en oeuvre de ce projet a été freiné par les effets débilitants des médicaments et du VIH/SIDA -- juste un an après que le premier cas de VIH/SIDA ait été signalé dans l'État en 1989, la prévalence chez les consommateurs de drogues injectables est passée à 50 %, pour atteindre 80 % en 1997. Face à cette situation et en l'absence de mécanismes gouverne- mentaux, le Centre pour le développement social, en collaboration avec deux autres organisations de base -- dont une créée par un médecin local et l'autre par des anciens toxicomanes -- a initié des interventions novatrices et sans pré- cédents, à l'effet d'arrêter l'utilisation des drogues et la transmission du VIH/ SIDA. Les approches initialement appliquées par ces trois organisations de base ont mis l'accent sur l'abstinence. Toutefois, s'appuyant sur l'évaluation de la situation à Manipur et sur son expérience ailleurs, l'Agence suédoise de coopération au développement inter- national a préconisé l'approche de réduction des risques par opposition à l'approche de l'abstinence qui prévalait. Cette approche consistait à doter les consommateurs de drogues injectables de nouvelles seringues et de produits de nettoyage tels que l'eau de Javel. Comme l'on pouvait s'y attendre, l'approche de réduction des risques a rencontré une forte opposition de la part des com- munautés et des organismes chargés de l'application de la loi. Toutefois, les trois organisations ont réagi en élargissant le champ de leurs activités pour inclure l'éducation et la sensibilisation des communautés et des organismes chargés de l'exécution de la loi sur les liens qui existent entre la thérapie de réduction des risques et la prévention du VIH/SIDA. Leurs efforts ont permis de créer un environnement libéré de toute forme de représailles, condamnation ou de pres- sion sur les centres sociaux ouverts aux consommateurs de drogues injectables. Cette initiative a connu un tel succès qu'en 1998, L'organisme public de l'État de Manipur pour la lutte contre le sida (Manipur State AIDS Control Society) a adopté l'approche de réduction des risques et élaboré des politiques pour rendre sa mise en oeuvre obligatoire dans l'ensemble de l'État. La société de lutte contre le sida a également fourni le leadership et l'engagement gouver- nementaux dont on avait tant besoin. Flexibilité dans la conception du programme : La flexibilité dans la concep- tion et le suivi des programmes est un facteur essentiel de l'apprentissage et de l'expérimentation. La flexibilité facilite l'innovation et l'apprentissage par l'action. Les com- munautés tirent profit de leurs innovations en évaluant et en partageant sys- tématiquement les informations sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. Les activités sont ajustées en fonction des circonstances qui changent et sui- ANALYSE THÉMATIQUE 139 vant une meilleure compréhension des problèmes de santé. C'est le cas avec la lutte contre la cécité des rivières en Afrique de l'Ouest, qui a démarré avec des programmes pilotes mis en oeuvre au niveau des villages mais s'est rendu compte que la nature du problème nécessitait une approche à long terme impliquant plusieurs pays. Le programme a évolué pour passer d'un programme de lutte antivectorielle de nature verticale et catégorique à un programme communautaire de distribution de médicaments, et aujourd'hui, à un programme de mobilisation communautaire dans le but d'assurer d'autres services de santé. Malgré le fait que le programme de mise en oeuvre de la stratégie DOTS au Népal disposait de directives et de manuels, son exécution a été s'est faite avec souplesse afin de permettre son adapta- tion aux situations locales et donner aux ONG la possibilité d'explorer de nouvelles approches plus efficaces. De même, l'Ouganda dispose de directives et de manuels pour la lutte contre le VIH/SIDA. Le gouvernement maintient cependant une politique libérale qui laisse aux acteurs l'opportunité d'essayer des approches novatrices. Suivi. Le suivi joue un rôle primordial dans la recherche par l'action24. À travers le suivi, l'efficacité de la nouvelle approche peut être évaluée et des observations faites dans le but d'effectuer des améliorations. Dans le pro- gramme DOTS du Népal, le suivi a permis aux équipes des districts et régions d'évaluer régulièrement leurs performances afin de prendre immé- diatement des mesures correctives le cas échéant. Plus important, le suivi génère des informations qui peuvent être utilisées pour influencer la prise de décisions au niveau politique. Comme on l'a vu plus haut, la surveillance épidémiologique de l'ensemble de la population, la surveillance par réseau sentinelle des groupes dont les membres ont des comportements à haut ris- que, et la surveillance des comportements à risque ont produit des informa- tions qui ont contribué à changer la manière dont les dirigeants politiques thaïlandais perçoivent le VIH/SIDA. Ces mesures ont également permis à la Thaïlande d'identifier le problème précocement et de prendre des mesures pour combattre l'épidémie. En conséquence, des systèmes d'informations sanitaires simples mais efficaces sont indispensables dans la mesure où ils offrent une voie pour la circulation des informations, à travers laquelle les innovations positives réalisées à l'échelle locale peuvent être identifiées. Catalyseurs externes Les concours financiers des bailleurs de fonds permettent d'avoir les ressources extérieures nécessaires pour intensifier les réponses sanitaires. En 2002, l'aide publique au développement était de 57 milliards de dollars dont environ 13 % consacrés au secteur de la santé (Joint Learning Initiative, 2004). Dans la plupart des cas relatifs à la santé -- à l'exception des cas sur la Répu- blique islamique d'Iran, et Cuba dans une certaine mesure -- le financement extérieur direct a contribué à étendre les réponses. Le cas de la cécité des 140 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE rivières en Afrique de l'Ouest propose des leçons positives sur la volatilité de l'aide fournie par les bailleurs de fonds -- une question qui soulève des débats passionnés, notamment dans les pays qui devraient bénéficier de montants substantiels d'aide pour la lutte contre le VIH/SIDA. La figure 4.1 montre l'évolution des engagements des bailleurs de fonds, qui rend difficile, pour les gouvernements, l'établissement de plans à long terme. Dans le cas de l'aide pour la lutte contre le VIH/SIDA, par exemple, les ministères en charge de la santé ne peuvent pas recruter de nouveaux personnels de santé pour intensi- fier les activités car ils ne sont pas certains de la durée des engagements des bailleurs de fonds. D'autre part, les décaissements ne sont pas prévisibles. Figure 4.1 Engagements des bailleurs de fonds en pourcentage des dépenses totales de santé dans quelques pays 100 80 Mauritanie Pourcentage 60 Tanzanie 40 Mali 20 Érithrée 0 1997 1998 1999 2000 2001 Source : Gottret et Schieber, 2004. Pour que le financement extérieur soit efficace dans l'amélioration et la préservation de l'état de santé des communautés bénéficiaires, il doit porter sur le long terme, les décaissements doivent être prévisibles, et les procédures d'accès à l'aide doivent être simples. Lorsque le programme de lutte contre la cécité des rivières a démarré en 1974, il a bénéficié de l'appui de 18 bailleurs de fonds. Aujourd'hui -- 31 ans plus tard --, 15 des bailleurs de fonds ini- tiaux continuent de soutenir activement ce programme. Les concours finan- ciers des bailleurs de fonds au titre de ce programme sont passés de 63 millions de dollars au démarrage du programme à 157 millions de dollars au moment où la maladie a été vaincue en Afrique de l'Ouest en 1991. En Afrique de l'Ouest, le programme a réussi à accroître la productivité de la main-d'oeuvre, empêché 600 000 cas de cécité, et rendu 25 millions d'hectares de terre abandonnée propres aux établissements humains. Après 1991, l'aide des bailleurs de fonds a diminué avec la transposition du programme dans d'autres régions d'Afrique où la cécité des rivières, bien que présente, n'était pas aussi grave qu'en Afrique de l'Ouest. Entre 1974 et 2004, le pro- gramme a reçu plus de 500 millions de dollars. L'engagement des bailleurs de fonds en faveur de ce programme a été maintenu sur le long terme à tra- vers l'ouverture, la fourniture régulière de l'information en retour, et une définition claire des rôles et des responsabilités. ANALYSE THÉMATIQUE 141 L'appui externe sous forme d'assistance technique contribue à l'intensifi- cation des réponses, tel qu'on l'a vu dans les cas du Népal et de l'Inde. En 2003, les organismes bilatéraux ont dépensé 2,5 millions de dollars au titre d'assistance technique en rapport avec la formation, le personnel, et l'équi- pement dans le secteur de la santé et d'autres secteurs. L'assistance techni- que apportée par JICA sous forme d'équipements et de conseils sur les poli- tiques et les dispositions institutionnelles ont joué un rôle clé dans le succès du programme de mise en oeuvre de la stratégie DOTS au Népal. De même, l'assistance technique fournie par l'Agence suédoise de coopération interna- tionale au développement sur l'approche de réduction des risques par oppo- sition à l'approche prédominante d'abstinence a encouragé une plus grande adhésion des consommateurs de drogues injectables et s'est révélée plus effi- cace dans la lutte contre la transmission du VIH. Perspectives Le monde oeuvre à la réalisation des ODM relatifs à la santé. Atteindre ces objectifs constitue une tâche fastidieuse, qui est davantage compliquée dans un contexte caractérisé par la pénurie des ressources humaines sectorielles, les restrictions budgétaires, la volatilité de l'aide fournie par les bailleurs de fonds, et les effets socioéconomiques dévastateurs de la pandémie du VIH/ SIDA. Toutefois, il ne s'agit pas d'une tâche insurmontable, tel que l'ont montré les études de cas qui ont fait l'objet d'échanges à la Conférence de Shanghai. Les cas étudiés ont fait état des accomplissements remarquables réalisés à travers la recherche de solutions adéquates à des situations de cri- ses sanitaires. En examinant les principaux facteurs (leadership, innovation, apprentis- sage et catalyseurs externes) jugés indispensables pour le déploiement des services de santé, notamment en faveur des pauvres, les études de cas réa- lisées dans le domaine de la santé ont jeté un éclairage sur la manière dont ces facteurs peuvent être préservés. À titre d'exemple, l'utilisation efficace des données, l'implication des dirigeants politiques, et la création de la demande des services de santé au sein des communautés à travers des cam- pagnes de sensibilisation font partie des outils qui peuvent être mis à contri- bution pour susciter l'engagement politique et renforcer l'obligation de ren- dre compte. Ces cas montrent également qu'il est nécessaire d'adopter des politiques favorables aux pauvres, d'utiliser des technologies et des niveaux de service appropriés, de renforcer les capacités à différents niveaux, de mettre en place des mécanismes de coordination efficaces, de créer un envi- ronnement favorable à l'appui extérieur, de rendre l'aide des bailleurs de fonds plus prévisible, et d'établir des systèmes d'informations sanitaires sim- ples, mais efficaces. Sur la base des données fournies par les programmes mis en oeuvre dans les différents pays, nous pouvons conclure que si ces fac- teurs sont réunis, les nations peuvent accomplir des progrès remarquables en direction des ODM qui ont trait à la santé. 142 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE ÉDUCATION L'éducation, le développement et la croissance sont intimement liés. Les principaux effets redistributifs de l'éducation, ainsi que son incidence sur la réduction de la pauvreté ont fait l'objet de nombreuses études et publica- tions à travers le monde25. Les investissements réalisés dans l'éducation produisent de multiples avantages économiques, politiques et sociaux, tan- dis que l'éducation des filles a des rendements particulièrement élevés pour les individus, leurs familles et les sociétés26. En dépit des progrès substantiels accomplis dans le monde au cours de ces dernières décennies en ce qui concerne l'amélioration de l'accès pour tous à une éducation primaire de qualité, donner à tous les enfants d'âge primaire les moyens d'achever leurs études d'ici 2015 demeure un défi majeur pour de nombreux pays. On estime aujourd'hui à 104 millions le nombre d'enfants qui ne vont pas à l'école dans le monde, dont 58 millions de filles. Le progrès accompli en direction de cet ODM a été beaucoup plus lent que prévu, compte tenu des taux actuels de croissance du PIB en Asie du Sud, au Moyen Orient et en Afrique du Nord, et il est probable que l'Afrique subsaharienne restera très loin de cet objectif si les efforts dans ce sens ne sont pas sensiblement accélérés. Les enfants issus de familles pau- vres, ceux qui vivent dans des zones rurales ou qui ont des besoins particu- liers courent davantage le risque de ne pas achever leurs études27. En effet, la proportion des filles inscrites à l'école augmente plus rapide- ment que celle des garçons dans la plupart des pays. Cependant, l'ODM relatif à l'élimination des disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d'ici à 2015 ne sera pas atteint. Bien plus, en raison des grandes disparités qui continuent d'exister au niveau de la scolarisation des garçons et des filles, de nombreux pays seront incapables de réaliser cet objectif même à l'horizon 2015 si leurs gouvernements ne déploient pas des efforts remarquables et sans l'appui de la communauté internationale de développement. Il s'agit non seulement d'accroître les ressources, mais éga- lement d'explorer et d'introduire des approches novatrices, adaptées à cha- que type de situation, afin de surmonter les contraintes courantes relatives aussi bien à la demande qu'à l'offre, qui limitent l'inscription et la rétention des filles dans les écoles. Par ailleurs, des centaines de millions d'enfants dans le monde reçoivent une éducation de mauvaise qualité. De nombreux établissements scolaires n'ont pas le minimum de ressources qu'il faut pour dispenser un enseigne- ment de bonne qualité et garantir des résultats probants, à savoir : des enseignants qualifiés, judicieusement déployés et bien rémunérés ; des manuels scolaires et du matériel didactique en nombre et de qualité suffisants ; des dirigeants et une administration scolaires compétents ; et une infrastructure physique adéquate. De grands dysfonctionnements internes existent dans de nombreux systèmes, se traduisant souvent par des taux éle- vés d'absentéisme enregistrés chez les enseignants et les élèves, ce qui contri- ANALYSE THÉMATIQUE 143 bue à des taux de redoublement et d'abandon excessifs, empêchant ainsi aux élèves de fournir le meilleur d'eux-mêmes sur les plans scolaire, écono- mique et social. Pourtant, quelques pays ont bien réussi à mettre à disposition des services éducatifs de qualité, notamment dans le niveau primaire et pour les enfants hautement vulnérables. Nombre de ces expériences ont été retenues pour la Conférence de Shanghai28. Elles mettent en évidence de nombreuses carac- téristiques communes aux réformes menées avec succès dans le domaine de l'éducation à travers des pays qui ont des statuts économiques et sociaux, des superficies, des systèmes politiques et des structures organisationnelles largement disparates. Bien plus, beaucoup de ces expériences ont été vécues dans des pays caractérisés par une grande diversité. Les différences sociocul- turelles à l'intérieur de chacun de ces pays étaient de façon générale au moins aussi importantes que les différences entre plusieurs pays. Ces exem- ples proposent donc plusieurs leviers politiques prometteurs que les nom- breux pays qui accomplissent encore des progrès lents en matière de déve- loppement éducationnel peuvent mettre à contribution afin d'accélérer la réalisation de l'objectif de l'éducation pour tous. Facteurs de réussite dans la mise à l'échelle Un direction fort, une volonté politique constante, et des stratégies bien conçues Un direction fort et dynamique, la volonté de réformer les politiques et les institutions, ainsi que les investissements, ont joué un grand rôle dans presque tous les pays étudiés, ce qui est en cohérence avec les résultats enregistrés dans d'autres secteurs. Un corollaire essentiel est la volonté de mettre en place des politiques « appropriées ». Cela souligne l'importance de l'apprentissage, de l'expérimentation, du suivi et de l'évaluation dans l'orientation du passage à l'échelle, tel qu'on le verra plus tard dans ce chapitre. La genèse d'un tel engagement accru en faveur de l'objectif de l'éducation pour tous varie considérablement. Au Kenya, au Lesotho, au Malawi et en Ouganda, où la réalisation de l'objectif de l'éducation primaire pour tous a longtemps été entravée par l'opposition politique et dans certains cas par l'instabilité politique, les gouvernements démocratiques pluralistes qui ont été nouvellement élus ont fait de la gratuité de l'enseignement primaire un élément central de leurs plateformes politiques. Les dirigeants ont senti qu'ils avaient signé un contrat social inviolable avec leur électorat et ont immédiatement aboli les frais de scolarité -- considérés dans une large mesure comme le principal obstacle à l'universalisation de l'enseignement primaire, notamment chez les enfants les plus pauvres. Estimant que la popularité dont ils jouissent à l'échelle nationale est due à la qualité de l'éducation qu'ils ont reçue, eux qui sont d'origine rurale, des 144 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE groupes d'élites au Bangladesh sont devenus des grands adeptes de l'éduca- tion pour tous. Ventant le rôle primordial que joue l'éducation dans la réalisation des objectifs nationaux de développement, ces dirigeants ont contribué à forger un engagement partagé qui transcende les barrières poli- tiques et administratives. Reconnaissant l'importance de l'éducation pour la compétitivité économique et la mondialisation, les dirigeants politiques de la République arabe d'Égypte ont effectivement transformé l'éducation pour tous en priorité nationale, et en conséquence, les allocations budgétai- res des autres secteurs ont été redistribuées pour soutenir les investissements dont on avait besoin. De même, encouragé par une décision historique de la Cour suprême prise en 1993, qui réaffirme les droits de chaque enfant à l'éducation, et le Sommet EFA-9 sur l'éducation pour tous organisé la même année à New Delhi, le gouvernement central en Inde a lancé une initiative majeure en par- tenariat avec les États, à l'effet d'atteindre son objectif de l'éducation pri- maire pour tous, à travers le projet d'éducation primaire dans les districts (DPEP) dont la réalisation était jusqu'alors restée hypothétique. Compte tenu de la diversité du pays, et eu égard aux défis particuliers que les petites communautés et les communautés enclavées présentent pour l'offre de servi- ces, le DPEP a encouragé l'expérimentation aussi bien avec des modèles sco- laires formels qu'avec des modèles informels tel que celui adopté à la fin des années 90 dans l'État de Madhya Pradesh. L'initiative Education Guarantee Scheme (EGS) est devenue la mission phare du gouvernement de l'État, et a bénéficié de la plus grande priorité politique et budgétaire de son ministre en chef29. La stabilité des équipes dirigeantes chargées de la mise en oeuvre de la réforme a également contribué à pérenniser l'élan en faveur du programme dans au moins deux pays étudiés -- El Salvador et l'Inde (Madhya Pradesh). Les équipes-cadres dans chaque cas sont restées au pouvoir pendant au moins une décennie, donnant à leurs mouvements de réforme qui était à l'état naissant la stabilité dont ils avaient besoin pour survivre et gérer les attentes populaires -- des facteurs cruciaux compte tenu de la lenteur intrinsèque du processus de changement30. À l'analyse, on pense toutefois que le statut des dirigeants est le facteur qui a permis de déterminer le rythme, l'étendue et la profondeur des expé- riences positives, notamment la mesure dans laquelle les stratégies de réforme en matière d'éducation ont réalisé un équilibre entre les approches centralisées et les approches décentralisées, dans le contexte spécifique de chaque pays et avec des rôles et responsabilités clairement définis pour cha- que niveau du système. Le bon enchaînement des réformes s'est également avéré important. Il s'agissait là de défis substantiels pour de nombreux pays, tel que souligné dans les expériences qui ont été partagées lors de la Confé- rence de Shanghai. Leadership centralisé et approche globale d'acquisition. Parmi ceux des pays étudiés qui ont initié des réformes hautement centralisées, conçues et ANALYSE THÉMATIQUE 145 mises en oeuvre dans une large mesure suivant une approche procédant du haut vers le bas, nombreux étaient ceux qui avaient également adopté des méthodes globales d'acquisition en instituant simultanément de multiples composantes de la réforme. Cette démarche a souvent entraîné une expan- sion relativement rapide de l'accès aux services éducatifs au début, à un niveau où la grande majorité des enfants d'âge scolaire ont été scolarisés (des taux de scolarisation net de 70 à 80 %). Les effets positifs souvent très visibles et immédiats des réformes rapides et hautement centralisées ont per- mis de gagner au moins le soutien politique de l'ensemble de la population à court terme. Le programme turc de couverture rapide de l'enseignement obligatoire (Rapid Coverage for Compulsory Education -- RCCE) en est un excellent exemple. Conçu dans une période caractérisée par une crise économique grave, l'instabilité politique et l'alternance de gouvernements de coalition de courte durée, sa survie initiale semblait imputable en partie à l'adoption consciente d'une approche d'acquisition globale hautement centralisée, qui a permis de réduire la possibilité pour les groupes d'intérêts opposés de compromettre sa réussite. L'intensité des efforts de réforme déployés par le gouvernement dans le domaine de l'éducation, couplé à la promulgation d'une nouvelle loi qui a permis au secteur de l'éducation de bénéficier de dons déductibles d'impôt, ont également déclenché une dynamique de parti- cipation imparable au sein du grand public. Les apports substantiels de fonds qui en ont suivi, notamment ceux issus de la Bourse d'Istanbul (ISE), ont contribué à accélérer le passage à l'échelle31. Le manque fréquent de consensus politique et social adéquat en amont, ou de planification et de gestion en profondeur dans ces réformes introdui- tes en procédant du haut vers le bas, y compris souvent le fait d'accorder peu d'attention au renforcement des capacités institutionnelles, peut entraî- ner des conséquences négatives et imprévisibles, préjudiciables à leur viabi- lité à moyen et à long terme. Tous les pays étudiés qui ont mis des réformes en oeuvre ont eu à mobiliser le soutien de principaux groupes de parties pre- nantes pour assurer la viabilité de leurs programmes. Plus important, ces expériences laissent penser que les modèles impulsés uniquement à partir du centre sont moins efficaces quant à l'atteinte des sous-groupes les plus vul- nérables, à l'instar des pauvres vivant dans les zones rurales, des minorités, des filles et des personnes handicapées. Approches locales participatives et cumulatives. De nombreux pays ont mobi- lisé une forte participation des collectivités et des communautés locales dans leurs réformes des systèmes éducatifs. Ces pays ont facilité une adaptation relativement rapide des modèles de réforme du système éducatif aux besoins et contextes particuliers, ce qui leur a permis d'accomplir des avancées en direction de l'objectif d'achèvement des études primaires pour tous. Les réformes introduites en procédant du bas vers le haut et qui sont initiées ou pilotées par les communautés, telles que le programme d'éduca- tion avec la participation communautaire (EDUCO) en El Salvador et le 146 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE programme EGS en Inde, constituent des modèles de partenariats solides avec l'État et traduisent les avantages qui peuvent résulter de l'adoption d'approches de réforme à caractère plus cumulatif. Leur processus graduel et séquentiel a permis une planification et une gestion plus rigoureuses que celles lancées au moyen de méthodes globales d'acquisition. Depuis le début, les deux gouvernements centraux avaient confié des rôles clés de direction aux communautés locales et à la société civile, en ce qui concerne le développement, la mise en oeuvre et le suivi de la prestation des services éducatifs. Cette démarche s'est avérée décisive pour atteindre les enfants les plus vulnérables en temps voulu et de manière efficace. Bien plus, le senti- ment fort d'adhésion locale que ces mesures ont suscité semble être détermi- nant pour la viabilité des réformes à long terme. Le programme EDUCO a considérablement modifié le rôle du ministère de l'Éducation d'El Salvador en ce qui concerne l'enseignement en milieu rural. Le gouvernement central est resté le principal financier et surveillant de l'enseignement public, et a joué un rôle clé de renforcement de capacités locales et d'assistance technique. La prestation des services, toutefois, est devenue le domaine des communautés locales à travers des associations autonomes pour l'éducation communautaire constitués de membres élus, comprenant notamment les parents d'élèves, qui ont signé des contrats avec le ministère de l'Éducation à l'effet d'appliquer un programme bien précis à un nombre déterminé d'élèves. Pour la première fois, la gestion des établis- sements scolaires a été décentralisée au profit des établissements eux- mêmes. En 2003, les associations autonomes pour l'éducation communau- taires exerçant dans le pays (on en compte plus de 2 000), ont géré au total 50 millions de dollars ou quelque 12 % du budget national de l'éducation. Ce modèle a non seulement changé profondément la manière dont la prestation des services éducatifs est assurée en milieu rural, mais il a stimulé le développement d'un grand capital social communautaire. Le transfert du contrôle des écoles aux parents a donné à ceux-ci les moyens de jouer pour la première fois un rôle de premier plan dans l'éducation de leurs enfants et les a encouragés à améliorer leurs propres niveaux d'instruction. Au plan opérationnel, on a pu réaliser des gains d'efficacité. Le caractère flexible du nouveau modèle a permis de réduire le délai de démarrage des nouvelles écoles, le ramenant de la moyenne traditionnelle qui était de trois à quatre ans à quelques mois seulement dans la plupart des cas, ce qui a é été facilité par la transformation générale de nombreuses infrastructures communau- taires existantes en structures scolaires. Le cadre des résultats adopté a enre- gistré des rendements élevés. Les contrats de recrutement des enseignants étant basés sur la performance, le degré d'absentéisme de ceux-ci s'en est trouvé considérablement réduit. Les enseignants sous contrat avec les asso- ciations communautaires travaillaient en moyenne cinq jours par semaine contre trois jours de travail pour ceux des écoles rurales. Bien plus, il y a lieu de penser que les services éducatifs gérés dans le cadre du programme EDUCO sont de meilleure qualité que ceux offerts par les écoles tradition- nelles. ANALYSE THÉMATIQUE 147 L'expérience de ce modèle à assise communautaire qui a été bien étudié a amené le gouvernement central à adopter une loi portant institution des conseils scolaires dans tout le territoire. Ces conseils sont chargés d'assurer la gestion des fonds transférés du niveau central dans toutes les écoles publi- ques traditionnelles32. EDUCO a également encouragé des réformes signifi- catives au sein du ministère central de l'Éducation, qui ont été mises en oeuvre avec l'appui financier et technique de la Banque interaméricaine de développement et de la Banque mondiale. Le programme EGS de Madhya Pradesh est un exemple similaire de changement radical opéré dans le paradigme scolaire de cet État, encouragé et guidé par le programme DPEP que le gouvernement central de l'Inde avait lancé en 1994. Bien que conçu et financé suivant une approche du haut vers le bas, le programme DPEP a encouragé l'adoption de modèles de prestation de services décentralisés, flexibles et révolutionnaires, adaptés à la demande du pays qui est fondée sur la diversité et qui a pour but d'adap- ter la conception et la gestion du programme en fonction des besoins locaux. Il a notamment ciblé les districts qui avaient un taux d'alphabétisa- tion féminin bas. Ces districts sont devenus les foyers de la planification en matière d'éducation, s'inspirant des expériences substantielles accumulées et de l'expertise acquise en dehors du système scolaire traditionnel, y compris auprès des ONG, pour les nouvelles idées et approches visant à améliorer la capacité du système, étendre la couverture, et accroître l'égalité des chances en matière d'éducation entre les garçons et les filles. En net contraste avec le système formel qui a cours en Inde, et adoptant une approche similaire à l'approche EDUCO, ces écoles étaient entièrement la propriété de la communauté ; le DPEP transférait les budgets de l'éducation directement aux comités de gestion des écoles composés de villageois locaux. Les com- munautés adoptaient également le calendrier scolaire en fonction des cycles agricoles et des besoins saisonniers du travail des enfants. Tout comme dans le processus d'universalisation de l'enseignement primaire en Chine, le transfert interétatique des connaissances et des compétences sur la réforme faisait partie intégrante de l'approche DPEP. L'État de Madhya Pradesh a bénéficié directement des analyses conduites par le DPEP pour diriger son mouvement de réforme du système éducatif. Le programme EGS a également été éclairé par une enquête auprès des ménages réalisée en 1996, qui avait révélé qu'environ un garçon sur quatre et plus d'une fille sur trois d'âge scolaire ne vont pas à l'école, la plupart d'entre eux ne s'étant jamais inscrits. La réforme qui en a suivi a remodelé le système scolaire de Madhya Pradesh, qui a ainsi cessé d'être un système tra- ditionnellement très centralisé pour devenir un système de partenariat uni- que, mutuellement bénéfique entre la communauté, la collectivité locale et l'État33. À travers l'initiative EGS, le Gouvernement de Madhya Pradesh a offert une garantie juridique unilatérale lui permettant de réagir dans les 90 jours par la mise à disposition de fonds nécessaires à chaque institution locale autonome -- panchayat -- qui introduit une demande de création d'une 148 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE école primaire à distance de marche de sa communauté. Le montant promis couvre le financement de l'État pour la construction de l'école, l'achat des manuels et autres matériels didactiques essentiels, ainsi que la formation ini- tiale et la formation en cours d'emploi des nouveaux maîtres identifiés par la communauté. Ces nouvelles écoles avaient le plus souvent un seul maître et comprenaient des classes multigrades. Le Gouvernement de Madhya Pra- desh a également conservé la responsabilité en matière de supervision, de suivi et d'évaluation des écoles primaires communautaires, afin de s'assurer qu'elles ont le même niveau que les écoles primaires traditionnelles en ter- mes de ressources, de résultats, et d'acquis scolaires. Les communautés loca- les quant à elles offraient le terrain ou de l'espace pour la construction des nouvelles écoles et s'occupaient du repas scolaire de la mi-journée. En parti- culier, EGS a pour la première fois introduit des mécanismes formels per- mettant aux communautés et aux panchayats de participer directement à la gestion et à la supervision locales des écoles, ainsi qu'à l'amélioration de la qualité des enseignements. Ainsi, EGS a « efficacement fait basculer la pyramide de la responsabilité », pour instituer un système éducatif responsable devant la communauté villageoise locale, dans lequel l'école appartient entièrement aux comités villageois de l'éducation devant lesquelles elle est comptable. Le taux de scolarisation a augmenté rapidement sous EGS, avec 1,2 millions d'enfants inscrits au cycle primaire entre 1997 et 2002. La grande majorité des élèves étaient issus des familles rurales socialement défavorisées, et pres- que la moitié était constituée de filles, contribuant ainsi à combler l'écart qui existe entre les garçons et les filles, et augmentant le taux d'alphabétisa- tion des filles -- exploit convoité dans une bonne partie de l'Inde. Cette amélioration des taux de scolarisation a été rendue possible par des investis- sements substantiels réalisés dans les ressources humaines et les infrastruc- tures physiques34. Réaliser un équilibre entre les initiatives de l'Union, les initiatives prises par les États et les initiatives locales. Des modèles qui sont hautement décentra- lisés peuvent engendrer des inégalités criardes dans l'offre des services édu- catifs entre les régions, les districts et les communautés à l'intérieur d'un même pays, étant donné, entre autres, que les capacités budgétaires et insti- tutionnelles de ces différentes entités varient considérablement. Par ailleurs, comme le soulignent les projets de réforme exécutés ailleurs, la mise en oeuvre rapide qui facilite la visibilité précoce des résultats peut jouer un grand rôle dans la mobilisation de l'appui politique et par conséquent, dans la viabilité des programmes. Les réformes qui ont un rythme plus lent cou- rent ainsi le risque intrinsèque d'être mis à mal par des opposants avant d'être suffisamment enracinées et de gagner la confiance nécessaire auprès d'un grand nombre de parties prenantes. Ainsi, un suivi étroit du climat politique et de la performance de ces systèmes est nécessaire pour résoudre les problèmes politiques aussitôt qu'ils naissent. ANALYSE THÉMATIQUE 149 Les gouvernements centraux doivent par conséquent continuer à jouer des rôles clés dans la promotion de l'équité à travers des mesures telles que la définition des normes en matière d'éducation, le suivi et l'évaluation des systèmes et de la performance des élèves, y compris les acquis scolaires, ainsi que l'octroi de subventions là où les contraintes budgétaires sont sus- ceptibles de créer des disparités aux niveaux des intrants, des extrants et des résultats. Réaliser et maintenir l'équilibre optimal entre les approches procé- dant du haut vers le bas et celles procédant du bas vers le haut demeure un défi majeur. Le Bangladesh offre un excellent exemple de la valeur d'un système de formulation de politiques et de planification hautement centralisé au début du processus de réforme, et l'adoption, par la suite et en cas de nécessité, d'un modèle plus intégré, participatif, centralisé et décentralisé, abordant la prestation des services éducatifs dans une optique pluraliste. Au début, les méthodes globales d'acquisition ont entraîné l'augmentation rapide des taux de scolarisation dans l'ensemble du pays mais se sont révélées moins efficaces quant à la couverture des enfants qui couraient un risque élevé de ne pas aller à l'école -- les enfants des zones rurales et les filles. Ainsi, le cadre de politique générale initial et la conception du programme ont dû être modifiés pour permettre et encourager vivement la participation d'autres fournisseurs de services éducatifs. Les nouveaux acteurs compre- naient les districts et les communautés locales comme dans de nombreux autres projets entrepris dans le domaine de l'éducation, ainsi que les ONG qui dispensent des programmes d'enseignement primaire non formels et de nouveaux partenariats public-privé dans l'enseignement secondaire. Une telle diversification du modèle de prestation des services éducatifs a entraîné l'ouverture, dans l'ensemble du territoire national, d'au moins onze types différents d'écoles primaires publiques au Bangladesh. Cette diversification du paysage scolaire au Bangladesh est intervenue, toutefois, sans grande décentralisation de l'autorité du gouvernement cen- tral en ce qui concerne la politique et la planification en matière d'éduca- tion. Ainsi, le gouvernement central est demeuré le principal fournisseur des services éducatifs, assurant directement la gestion et la fourniture de toutes les ressources pour près de la moitié des écoles primaires publiques, et agis- sant en qualité d'acteur majeur dans la subvention de leur fonctionnement et leur surveillance afin d'assurer que toutes les écoles répondent aux nor- mes des programmes scolaires. La Chine a également adopté une stratégie « de centralisation stratifiée par catégorie » dans son programme de scolarité obligatoire pour la réduc- tion de la pauvreté (Universal Nine-Year Compulsory Education Program for Poverty Reduction). Cette réforme graduelle mise en oeuvre de façon progressive a été guidée par un plan directeur dont l'élaboration a suivi une approche centralisée. Pour accomplir des progrès rapides vers la réalisation de l'objectif de l'enseignement primaire pour tous, il a toutefois fallu que le gouvernement soit disposé (particulièrement dans les zones rurales) à adop- ter des mesures et des calendriers de mise en oeuvre différents pour la 150 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE réforme, élaborés en étroite collaboration avec les collectivités territoriales et régionales après des analyses profondes et la mobilisation de ressources communautaires substantielles. Cette démarche tenait directement compte du statut scolaire et de la capacité de réforme qui varie considérablement aussi bien à l'échelle locale qu'à l'échelle régionale. Travailler sur la stratégie. Les études présentées ont révélé que le choix de stratégie de réforme opéré par les dirigeants peut considérablement influen- cer le progrès dans la mise à l'échelle des programmes éducatifs. Les straté- gies qui semblent produire les meilleurs résultats de réforme sont entre autres 1) la formulation d'objectifs bien définis et la division des responsabi- lités dans l'accomplissement de ces objectifs, ainsi qu'une diffusion large et efficace de ces stratégies auprès de groupes de parties prenantes ; 2) l'établissement des priorités et le ciblage des investissements et des inter- ventions, y compris leur adaptation aux conditions locales, notamment dans les pays à système fédéral et géographiquement grands ; 3) la résolu- tion des problèmes généraux liés à la demande qui entravent l'inscription et la rétention des élèves dans les écoles, y compris les questions relatives à la qualité, concomitamment avec l'expansion de l'offre. Les réformes qui se sont révélées efficaces avaient généralement des objectifs stratégiques clairs (souvent hautement sélectifs) obtenus au terme de la définition d'un ordre de priorité et du ciblage des investissements à consentir aux sous-groupes et aux interventions qui sont susceptibles d'avoir le plus de répercutions positives. Les programmes de réforme initiés par de nombreux pays ont donc porté sur les élèves les plus difficiles à atteindre, notamment les pauvres des zones rurales et les filles, comme cela a été le cas en Chine, en Égypte, en Turquie et au Bangladesh. La Chine avait reconnu depuis bien longtemps qu'un accès élargi aux ser- vices d'éducation de base était capital pour son développement, notamment pour la majorité de sa population habitant dans les zones rurales. Son pro- gramme d'éducation pour la réduction de la pauvreté, lancé en 1986, a per- mis de rattraper le retard accusé dans la poursuite de cet objectif. Son objec- tif primordial était de s'assurer que tous les enfants bénéficiaient d'au moins neuf années d'enseignement de base et que tous les adultes sachent lire et écrire. Une stratégie bien limitée a été mise en oeuvre avec des investisse- ments concentrés pour l'essentiel dans deux domaines principaux -- l'amé- lioration des infrastructures scolaires afin de satisfaire les normes minima- les, et le renforcement de la qualité des enseignants à travers une procédure générale de certification. Des améliorations significatives ont été enregistrées dans ces deux domaines. Au cours des quinze premières années de mise en oeuvre du programme de la Chine, le taux net de scolarisation pour le programme d'enseignement obligatoire pendant neuf ans aurait atteint 85 %, et le taux d'analphabé- tisme parmi les jeunes adultes a été ramené à moins de 5 %. L'accroissement significatif des proportions d'enseignants qualifiés dans le primaire et le pre- mier cycle du secondaire (qui ont atteint 94 % et 88 % respectivement) est ANALYSE THÉMATIQUE 151 l'un des principaux facteurs qui ont contribué à ce succès). Les résultats de ces réformes ont permis de les reconduire dans le cadre du dixième Plan quinquennal de la Chine (2000-2005). L'Égypte a également établi des priorités d'investissement, privilégiant l'amélioration de la qualité des enseignements qui, d'après les recherches effectuées à l'échelle nationale, a le plus d'impact sur l'inscription et la rétention des filles. L'Égypte a préconisé des classes de petite taille, des ratios élèves/enseignant plus faibles, une proximité plus étroite et l'amélioration des conditions physiques des écoles, des enseignements et des programmes non axés sur la problématique homme-femme, ainsi que davantage d'activi- tés périscolaires et d'enseignement ménager. Bien plus, des paramètres stricts ont été fixés, tels que la distance maximale de marche que l'on peut parcourir pour arriver à l'école, et les mécanismes obligatoires de suivi de la présence ; les indicateurs permettant de mesurer la performance des écoles ont également été définis. Entre 1999 et 2003, les taux d'abandon scolaire aussi bien chez les gar- çons que chez les filles auraient été réduits de moitié, pour être ramenés à 4 % ; les effectifs moyens par classe ont été ramenés à quelque 41 élèves ou à peu près à la moyenne mondiale ; et les systèmes de double et de triple vacation ont été supprimés. Ces progrès ont été rendus possibles par des investissements majeurs réalisés dans la création de nouvelles écoles, essen- tiellement dans les zones les plus pauvres ; la formation initiale et la forma- tion en cours d'emploi des enseignants, y compris la formation sur les ques- tions de parité hommes-femmes ; et la fourniture d'uniformes et de fournitures scolaires à quelque 46 000 enfants défavorisés, y compris 15 000 enfants qui avaient abandonné les études. Ces efforts ont abouti à la réalisation de l'égalité des sexes dans l'éducation primaire en 2005. Si ces réformes sont maintenues comme on l'espère, l'Égypte est bien placée pour réaliser l'objectif de l'éducation primaire pour tous à l'horizon 2015. Le programme RCCE de la Turquie, lancé en 1997, avait un objectif primordial : scolariser les 35 % des élèves qui sont les plus difficiles à attein- dre, et qui se recrutent essentiellement parmi les enfants ruraux de onze à 14 ans et les filles. Des interventions ont été identifiées et des priorités éta- blies à travers une analyse en profondeur du groupe ciblé par l'Office natio- nal de planification ; des stratégies bien précises ont été arrêtées. La déli- mitation des indicateurs quantitatifs et qualitatifs de performance du secteur de l'éducation dans le Plan directeur quinquennal a permis de ren- forcer la confiance du public en la capacité de ce programme de produire des résultats. Cette stratégie de développement bien ciblée a apparemment eu des rendements élevés. Le nombre total d'enfants scolarisés a augmenté de 1,5 million après 1998, et le taux de scolarisation net pour le cycle obli- gatoire de huit ans a été porté à 95 %. Après un accroissement de 162 % réalisé au cours de la première année du programme, le nombre de filles rurales inscrites en sixième année du cycle d'enseignement primaire a conti- nué d'augmenter considérablement chaque année. 152 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Cette expérience montre également, toutefois, que les réformes qui sont trop circonscrites peuvent avoir d'énormes conséquences néfastes sur les groupes exclus. Le fait pour le Bangladesh de centrer son action exclusive- ment sur l'accroissement du taux de scolarisation des enfants pauvres des zones rurales, notamment les filles, a eu pour conséquence l'oubli d'autres sous-groupes marginalisés, dont les chor, les minorités tribales, et les enfants vivant dans les quartiers insalubres des zones urbaines, dont les besoins par- ticuliers ont à peine commencé à être pris en compte. De tels systèmes de prestation de services reflètent les tendances générales que les gouverne- ments ont de compter sur d'autres prestataires et modalités, y compris des services informels, pour atteindre davantage de groupes géographiquement et socialement marginalisés. Dans tous les pays étudiés, tout comme dans la plupart des pays en déve- loppement, des stratégies de réforme positives ont permis de satisfaire non seulement le besoin d'accroître rapidement et considérablement l'offre des services éducatifs, mais également, ce qui est souvent le plus important, elles ont abordé les contraintes relatives à la demande qui font obstacle à la réalisation de l'objectif d'enseignement primaire pour tous. Des obstacles socioéconomiques majeurs à l'entrée et à la rétention dans les écoles ont été enregistrés, notamment en ce qui concerne l'éducation des filles. Ces obsta- cles traduisent souvent le grand questionnement des parents quant à la valeur et à la pertinence des programmes par rapport au rôle traditionnel des femmes au sein de la société. Les coûts directs et indirects de la scolari- sation, qui sont particulièrement élevés, couvrent non seulement les frais de scolarité, mais aussi les manuels scolaires, le matériel, les examens, les uni- formes, les repas scolaires, les activités sportives et culturelles, et parfois, le complément des salaires des enseignants, ce qui représente un grand fardeau financier, surtout pour les familles les plus pauvres. Les expériences du Malawi et de l'Ouganda -- premiers pays africains à entreprendre la réforme de leurs systèmes éducatifs -- révèlent qu'il est important de poursuivre la politique d'éducation pour tous comme partie intégrante des programmes systémiques et sectoriels, à l'instar du cas de l'infrastructure présenté plus haut. Les approches systémiques doivent s'accompagner d'une définition précise des priorités afin d'orienter la prise de décisions sur le volet le mieux indiqué pour la réforme. Dans ce contexte, les études menées en Afrique subsaharienne soulignent le rapport étroit qui existe entre la qualité du système éducatif et la demande en matière de sco- larisation. L'augmentation sans précédent du taux de scolarisation suite à l'introduction de politiques favorisant la gratuité de l'enseignement pri- maire laisse penser que les frais de scolarité constituaient un obstacle majeur au relèvement du taux de couverture scolaire. La suppression de ces frais a entraîné une « crise des effectifs » grave car les systèmes éducatifs ont eu du mal à répondre aux multiples besoins, notamment le manque criard d'ensei- gnants, de manuels scolaires et autres matériels didactiques. En outre, il a fallu une refonte systématique des méthodes d'enseignement pour faire face aux exigences en matière d'éducation dans une salle de classe bien plus ANALYSE THÉMATIQUE 153 diversifiée que par le passé, avec des élèves dotés d'une gamme variée d'apti- tudes et issus de milieux socioéconomiques bien différents, certains présen- tant des besoins particuliers dans le domaine de l'éducation (en raison du caractère plus inclusif des politiques éducatives), et un grand nombre d'élè- ves considérablement âgés qui ne s'étaient jamais inscrits ou qui se réinscrivaient après avoir abandonné les classes. Au Malawi et en Ouganda, les initiatives antérieures n'ont pas réussi à entraîner un accroissement durable du taux de scolarisation primaire. Le taux d'abandon scolaire a grimpé rapidement à mesure que la qualité de l'enseignement se dégradait en raison de la dépendance croissante à l'égard des systèmes de double et triple vacation institués pour faire face à ces demandes de scolarisation sans précédent. Ces échecs ont servi de leçons fortes aux nouveaux réformateurs tels que le Kenya et le Lesotho. Ces deux pays ont beaucoup appris des visites sur le terrain effectuées dans les pays appliquant déjà des politiques d'enseignement primaire gratuit, et ont par la suite adopté des stratégies plus planifiées, échelonnées, et intégrées afin d'accroître le taux de scolarisation tout en améliorant la qualité de l'ensei- gnement. Ces approches plus graduelles leur ont également permis de con- sulter les principaux groupes de parties prenantes et de négocier avec eux, contribuant ainsi à susciter l'adhésion des communautés locales au proces- sus de réforme. Sur la base des expériences antérieures, les nouveaux réformateurs ont également entamé des consultations intenses avec la com- munauté internationale afin de répondre au manque de financement, et per- mettre ainsi de stabiliser ces systèmes éducatifs. La suppression des frais de scolarité a servi de catalyseur à de nombreu- ses autres réformes systémiques au Kenya, au Lesotho, au Malawi, et en Ouganda. Ces réformes allaient des programmes d'études et manuels scolai- res aux nouvelles modalités de formation de l'enseignant et aux pratiques dans les salles de classe, et même à l'introduction des langues locales afin de faciliter l'apprentissage au cours des premières années d'études primaires35. Ces expériences prouvent également la nécessité de prendre des mesures afin de prévenir les conséquences potentiellement négatives liées à l'adop- tion de politiques favorisant la gratuité de l'enseignement primaire. Les étu- des menées sur plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne par Kattan et Bur- nett (2004) laissent penser que la mise en oeuvre de politiques d'éducation primaire gratuite auraient, tout au moins au début, empêché les parents de s'engager de façon ferme et durable en faveur de l'éducation de leurs enfants dans les pays concernés, et suscité de nouvelles attentes selon lesquelles le gouvernement central devait dorénavant assumer toutes les responsabilités ainsi que toutes les charges liées à l'éducation des enfants. Par conséquent, le gouvernement a dû déployer de nombreux efforts depuis 2000 pour relancer la participation communautaire dans des secteurs clés tels que la construction des écoles et la prise en charge de l'enseignant. Même si l'intro- duction planifiée des politiques d'enseignement primaire gratuit, niveau par niveau, a considérablement facilité l'ajustement de la plupart des systèmes par rapport à la crise inhérente à l'expansion rapide, elle a également 154 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE entraîné le truquage du taux de scolarisation à certains niveaux dans au moins un pays -- le Lesotho. On a ainsi enregistré une flambée du taux de scolarisation en première année du primaire où plusieurs parents ont inscrit des enfants en très bas âge pour éviter de payer les frais de scolarité dans l'enseignement préscolaire non couvert par les politiques d'enseignement primaire gratuit et en dernière année du primaire (quelques parents empê- chant même la promotion de leurs enfants au niveau supérieur qui n'était pas gratuit). Avec le temps, et grâce aux ajustements de politiques nécessaires, la gra- tuité de l'enseignement primaire aurait entraîné une augmentation significa- tive et durable du taux de scolarisation primaire, notamment chez les enfants issus de familles démunies. Les taux de scolarisation chez les enfants les plus démunis et les plus nantis sont aujourd'hui presque les mêmes, en particulier en Ouganda. Comme on l'a vu plus haut, les politiques favorisant la gratuité de l'ensei- gnement primaire ne constituent pas une panacée pour atteindre l'objectif de l'enseignement primaire pour tous. Bien que le Malawi soit le premier pays d'Afrique subsaharienne à adopter la gratuité de l'enseignement pri- maire, les coûts directs de l'éducation dans ce pays demeurent une barrière significative pour les familles démunies. Il existe en effet un écart de près de 18 % entre le taux de scolarisation des enfants issus des familles pauvres et celui des enfants venant des familles riches. Par ailleurs, le revenu par habi- tant qui est relativement faible au Malawi, ainsi que le ratio de la dette constituent de véritables défis pour le financement et la viabilité de l'ensei- gnement primaire gratuit. Les stratégies de communication et de participation à travers les grands médias et les canaux traditionnels, tels que les chefs religieux, se sont avé- rées capitales pour l'appropriation de la réforme par les principaux groupes au Kenya, au Lesotho, au Malawi, et en Ouganda. La mobilisation des chefs religieux a également joué un rôle capital dans la recherche de consen- sus social en Egypte. Les imams ont été systématiquement mis à contribu- tion dans les campagnes de sensibilisation communautaire lancées afin de pousser les parents à davantage demander à scolariser leurs enfants, en par- ticulier les filles et surtout dans la Haute-Egypte qui enregistre généralement un faible taux de scolarisation des filles. En Turquie, des chaînes de télévi- sion et de radio ont volontairement consacré un temps d'antenne pour dif- fuser les informations sur le nouveau programme d'études obligatoires sur une période de huit ans et pour encourager la scolarisation, en particulier celle des filles qui étaient sensiblement absentes des écoles dans certaines régions du pays. Promotion des innovations institutionnelles La plupart des pays qui ont partagé leurs expériences dans le cadre du pro- cessus de transfert mondial des savoirs les ont expérimentées avec de nou- ANALYSE THÉMATIQUE 155 velles structures institutionnelles et de nouveaux mécanismes juridiques. Certains ont transformé leur paradigme éducatif, partant d'un système d'administration traditionnelle fortement centralisée à un système dans lequel les communautés locales et les parents aussi jouent des rôles clés. On citera à titre d'exemples pertinents, les associations d'éducation communau- taires du Salvador, les associations des parents d'élèves et les comités villa- geois d'éducation institués dans l'État de Madhya Pradesh en Inde.36 Ces entités et législations donnent aux parents et aux autorités locales, qui étaient jusqu'ici ignorés dans une large mesure, une nouvelle voix dans leurs écoles -- une voix qu'ils ne cèderaient pas facilement. Au Bangladesh, l'ouverture du système éducatif à d'autres prestataires, notamment les ONG, a non seulement accéléré l'accroissement du taux de scolarisation mais plus intéressant encore, elle a stimulé l'expérimentation des innovations telles que l'octroi de subventions en nourriture ou en espè- ces aux familles dont les enfants ont régulièrement été présents à l'école. Les programmes de subventions en faveur des filles mis en place par le Comité de développement rural du Bangladesh (la plus grande ONG du pays), ont entraîné une augmentation rapide du taux de scolarisation dans le secon- daire, en particulier chez les filles issues des familles pauvres. Cette expé- rience qui a été bien étudiée a permis d'étendre les programmes de subven- tions à tout le reste du pays. Parmi les innovations institutionnelles les plus efficaces figurent celles qui ont été mises en oeuvre pour susciter une plus grande responsabilisation du secteur public en matière d'éducation. La loi de 2002 sur l'éducation au Madhya Pradesh (Madhya Pradesh's People Education Act) a apporté une plus grande visibilité et renforcé l'obligation pour l'administration scolaire de rendre compte au panchayat, à travers des outils tels que les rapports annuels des districts scolaires37. En Chine, un nouveau système de suivi et d'inspection a permis de suivre étroitement et de réglementer les efforts des collectivités territoriales pour une scolarisation de qualité élargie à tous les enfants. A cet effet, des comp- tes bancaires spéciaux, des procédures de passation de marchés transparen- tes, et la formation du personnel local ont été institués, avec un accent parti- culier sur la mise en place d'un cadre solide pour le système d'information de gestion du programme. La disponibilité de données locales plus fiables et en temps voulu qui en a résulté a servi d'appui à la nouvelle base nationale de données sur l'éducation et au réseau de partage d'information. Elle a ainsi permis une meilleure distribution et utilisation des ressources. Après que des études aient indiqué une distraction substantielle des fonds alloués à l'éducation, l'Ouganda a décidé d'affecter les budgets scolaires locaux aux communautés, afin de permettre le contrôle de l'utilisation des ressources au niveau local. Cette politique traduit la ferme volonté du gou- vernement d'accroître de manière significative la transparence et la respon- sabilité dans la gestion des fonds alloués à l'enseignement public. Elle a éga- lement déclenché un important mouvement international pour l'institution d'enquêtes de traçabilité des dépenses publiques38. 156 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE De nombreuses innovations institutionnelles se sont inspirées des résul- tats positifs des activités pilotes initiales menées à une échelle relativement petite. L'Egypte s'est considérablement appuyé sur quatre activités pilotes pour augmenter de manière significative le nombre d'écoles dites de la « deuxième chance », qui sont pour la plupart des écoles à classe unique simple, permettant ainsi d'offrir des chances de scolarisation aux enfants plus âgés et aux jeunes qui n'ont jamais été à l'école ou qui ont abandonné l'école. Entre 1999 et 2003 seulement, environ 1 600 filles et 800 garçons se sont ainsi inscrits à l'école. Les efforts déployés par plusieurs pays se sont avérés peu efficaces, à court et à moyen terme, pour apporter des changements majeurs dans les cultures et attitudes organisationnelles existantes à tous les niveaux, depuis les ministères centraux jusqu'aux districts et écoles locales -- des réformes jugées cruciales pour le passage à l'échelle. Comme souligné dans les cas étudiés, le processus de réforme du secteur de l'éducation peut être en soi lent. Ainsi, après avoir institué les politiques visant la gratuité de l'enseigne- ment primaire, le Lesotho et l'Ouganda ont décidé (tout au moins à court terme) de contourner, dans une large mesure, les institutions traditionnelles apparemment réfractaires à la réforme -- y compris leurs propres ministères en charge de l'éducation -- afin d'accélérer l'exécution des principaux aspects de leur réforme. Le Lesotho a choisi son Institut autonome de ges- tion pour former de nouveaux cadres révolutionnaires d'enseignants para professionnels, pour faire face aux effectifs pléthoriques, et un corps de ges- tionnaires pour conduire le processus de redynamisation du système éduca- tif. L'Ouganda a considérablement eu recours à des consultants étrangers afin de satisfaire les besoins immédiats et à court terme du système, notam- ment en ce qui concerne la révision des programmes d'études dans l'ensei- gnement primaire. Dans les cas du Kenya, du Lesotho, du Malawi, et de l'Ouganda, des « enclaves d'innovation » intérimaires ont été créées au sein des ministères en charge de l'éducation, quelque peu à l'abri de la grande bureaucratie, afin d'accélérer le processus de réforme. Ces expériences ont valablement démontré le grand potentiel qui existait pour l'accélération des réformes. Mais elles ont également souligné la nécessité d'intégrer les bon- nes nouvelles pratiques dans les institutions existantes afin d'assurer la via- bilité des réformes. Faculté d'apprendre et d'expérimenter en permanence Dans tous les cas étudiés, les décisions concernant la conception générale ainsi que les aspects les mieux indiqués pour lancer des réformes efficaces ont été systématiquement fondées sur une recherche appliquée et approfon- die menée à l'échelle locale. À titre d'exemple, le programme de promotion de l'éducation lancé par le Gouvernement égyptien a énormément puisé tant dans la recherche menée à l'échelle nationale et les études financées par les bailleurs de fonds que dans les projets pilotes exécutés à l'intérieur du pays ANALYSE THÉMATIQUE 157 et l'expérience internationale dans l'ensemble. Ces connaissances composi- tes ont conduit au ciblage des zones rurales pauvres et culturellement con- servatrices (notamment en Haute-Egypte) qui font face à de sérieuses con- traintes culturelles en matière d'éducation des filles, tels que les mariages précoces et la préférence qu'ont les grandes familles de scolariser plutôt les garçons. Elles ont également révélé plusieurs grands obstacles liés à l'offre qui freinent la scolarisation des filles et qui sont restés jusque-là méconnus. Celles-ci concernent la situation géographique de l'école et l'état des infras- tructures, les méthodes d'enseignement, ainsi que l'adoption de politiques encourageant l'abandon scolaire chez les filles. Des solutions pratiques face à ces obstacles ont immédiatement été proposées. En Turquie, la conception du programme RCCE s'est inspirée de l'ana- lyse approfondie conduite par un bureau de planification national sur les raisons qui justifient la non scolarisation de 35 % des enfants les plus diffi- ciles à atteindre. Cette recherche a servi de catalyseur permettant de tester les variantes qu'offrent le cycle primaire régulier de huit ans et de nombreux nouveaux programmes qui ont pour but de satisfaire les besoins spécifiques des enfants pauvres en milieu rural. Au nombre de ces besoins figurent, entre autres, le transport par bus de ceux résidant dans de petites commu- nautés isolées ; et des écoles régionales avec internat gratuits ou des écoles dotées de facilités d'hébergement dans les zones où le trajet par bus est plus long. En outre, la Turquie a élaboré un programme extrabudgétaire (le Fonds social de solidarité) destiné au financement des repas des enfants transportés par bus, et a subvenu à un certain nombre de besoins tels que les repas gratuits, les manuels scolaires, et les uniformes chez les élèves démunis dans l'optique de réduire les coûts d'opportunité directs et indirects de la scolarisation et partant, accroître le taux de scolarisation. Ce programme a expérimenté plusieurs formules autres que la formule traditionnelle en matière de recrutement et d'affectation des enseignants, des politiques de rémunération, y compris les primes d'astreinte, les primes de logement, ainsi que d'autres modèles de prestation de services tels que « l'enseignement de base ouvert » pour les abandons scolaires de plus de 15 ans. En outre, ce modèle a tenté d'instaurer la coopération entre les municipalités et les col- lectivités territoriales en matière de prise de décision concernant le site des nouveaux établissements scolaires. En 1996, un exercice d'identification du problème, dans le cadre duquel les responsables des panchayat, les enseignants et les défenseurs de l'alpha- bétisation se sont mis ensemble pour mener une enquête porte-à-porte dans l'État de Madhya Pradesh en Inde, base d'établissement d'un Registre sco- laire villageois -- un véritable « système d'information de la population » qui a par la suite été utilisé pour assurer le suivi du progrès accompli par chaque localité en direction de l'enseignement primaire universel. Parmi les principales causes de la non-scolarisation identifiées figurent le manque d'écoles au niveau local, les contraintes financières des familles, et des fac- teurs liés à l'école. La résistance sociale en ce qui concerne l'éducation des filles s'est avérée être moins largement répandue qu'on le croyait. Ces fac- 158 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE teurs ont transformé les plans élaborés aux niveaux des panchayat pour l'enseignement et recentré les efforts de réforme. Une autre enquête menée en 1999 a permis d'en savoir plus sur les réalisations et de définir les axes stratégiques futurs. Le fait que ce gouvernement ait maintenant mis le projet à l'échelle tout en mettant un terme à la création d'autres établissements publics donne à cette initiative une légitimité et un statut appréciables, même si, dans une large mesure, le modèle reste perçu comme étant une « alternative » dans certaines régions de l'Inde. Une évaluation prudente de la marge de manoeuvre politique et technique semble également importante pour assurer l'efficacité des réformes. Le fait que l'Égypte ait déjà largement résolu les questions générales d'accès à l'éducation lui a conféré la base politique requise pour tourner l'attention vers les filles -- groupe qui est le plus en retard en matière de scolarisation -- à travers son programme de promotion de l'éducation. L'expérience d'El Salvador dans le cadre du programme EDUCO laisse penser que les innova- tions peuvent mieux s'enraciner si elles sont initiées dans des sous-groupes ou dans les zones géographiques qui sont les moins susceptibles de porter atteinte aux institutions et systèmes traditionnels, tels que les zones rurales mal desservies ou pas du tout couvertes. Le programme EDUCO a résolu un problème d'accès dans les zones rurales que le système formel n'avait pas réussi à résoudre. Ce faisant, il a contribué à réduire l'opposition des syndi- cats d'enseignants et d'autres groupes politiques. Lorsque son efficacité a été bien prouvée et reconnue, le programme EDUCO a élargi sa couverture de façon relativement aisée, depuis le niveau préscolaire jusqu'en troisième année, en sixième année, puis en neuvième année du primaire, devenant au bout du compte le modèle de choix pour l'enseignement en milieu rural. Dans de nombreux pays, la recherche appliquée a joué un rôle important dans l'analyse des résultats de la réforme, l'identification d'éventuels effets non prévus, et l'orientation des ajustements le cas échéant. La recherche menée au Kenya a révélé que les mariages et les grossesses précoces sont à l'origine des taux élevés d'abandon scolaire chez les filles, et que les pro- grammes scolaires « inintéressants », l'échec aux examens, et le redouble- ment des classes seraient les principales causes d'abandon chez tous les élè- ves -- plutôt que les coûts de la scolarité, comme c'était le cas avant l'introduction de l'éducation pour tous (EPT). L'invalidité et la maladie con- tribuent également à l'abandon scolaire. Au Malawi et en Ouganda, con- trairement au Kenya, les coûts indirects de la scolarité se sont avérés un obs- tacle permanent à l'inscription et à la rétention scolaires chez les enfants malawites et ougandais les plus pauvres, en dépit de la mise en oeuvre de politiques EPT. Dans l'ensemble, ces résultats soulignent le rôle crucial que la recherche menée au niveau local joue en éclairant la prise de décisions concernant les interventions qu'il convient de mener pour accroître la demande, afin de compléter l'expansion de l'offre, dans le but de promou- voir l'achèvement d'un cycle complet d'études primaires par tous et l'égalité des sexes en matière de scolarisation. ANALYSE THÉMATIQUE 159 La plupart des pays ont largement expérimenté des stratégies très dive- rsifiées et des modèles révolutionnaires. Le suivi et l'évaluation systémati- ques de ces stratégies et innovations ont permis de réduire les risques poten- tiels et les risques réels, et ont joué un rôle de rétroinformation remarquable, permettant d'orienter une plus grande intégration des appro- ches les plus prometteuses. La nécessité de veiller à ce que l'information programmatique de base atteigne la population cible de façon opportune a transformé les ministères de tutelle en véritables organismes d'apprentis- sage. La Chine offre à cet égard un bel exemple. Les écoles participant au projet sur l'enseignement primaire obligatoire pendant neuf ans servent de sites de démonstration aux autres communautés scolaires. En outre, les régions les plus riches du pays ont apporté un appui aux comtés pauvres, et les enseignants expérimentés ont été envoyés assister les plus jeunes, les moins expérimentés. Ce modèle de coopération technique impulsé de l'inté- rieur a été un véhicule clé permettant la mise à l'échelle, de façon durable, du processus de réforme du système éducatif chinois. La recherche permanente et le suivi étroit du programme peuvent permet- tre d'identifier rapidement les effets négatifs inattendus des nouvelles réformes et y apporter des solutions appropriées. À titre d'exemple, les don- nées issues du Kenya, du Lesotho, du Malawi, et de l'Ouganda semblent indiquer que les enfants qui sont handicapés ou ceux qui ont des besoins spécifiques peuvent figurer parmi les premières victimes des salles de classe surpeuplées lorsque les effectifs s'accroissent rapidement. Le nombre de ces abandons scolaires et la question de savoir s'ils traduisent principalement des facteurs d'origine interne ou externe méritent qu'on en fasse immédiate- ment un sujet de recherche. La réduction du temps de travail de l'enseignant dans le but de satisfaire les besoins accrus des élèves en termes de ressources peut être un facteur qui contribue à cet état de choses. Les données sur l'Ouganda ont également révélé que les taux de rétention scolaire ont chuté, passant de presque deux élèves sur trois à un peu plus d'un élève sur trois après l'expansion rapide de la couverture, suite à l'institution des politiques EPT. Dans ce contexte, les enfants les plus pauvres sont ceux qui sont les plus exposés au risque d'abandonner l'école39. Assurer non seulement la capacité, mais également la volonté politique des systèmes scolaires afin de leur permettre de répondre de manière oppor- tune et appropriée au retour de l'information fournie par le système de suivi et d'évaluation a été un corollaire essentiel des réformes qui se sont avérées efficaces. Lorsque le système de suivi et d'évaluation de la Turquie a révélé que les efforts déployés par ce pays pour regrouper les petites écoles de cam- pagne ont eu un impact négatif sur la scolarisation des filles, le gouverne- ment a par exemple décidé de rouvrir 1 200 de ces écoles au titre de l'année scolaire 2003/2004. 160 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Catalyseurs externes et internes du changement Les conférences internationales et régionales, les déclarations et les engage- ments ont joué un rôle important (et continuent d'influer) sur l'accélération des actions visant à promouvoir le développement des systèmes éducatifs, notamment dans les pays les plus pauvres. Au nombre des facteurs qui ont été les plus influents figure la Conférence sur l'éducation primaire pour tous, sponsorisée par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, qui s'est tenue à Jomtiem, Thaïlande en 1990. Cette Conférence a suscité une énorme vague de réformes scolaires au cours de la décennie qui en a suivi. Quant aux gouvernements du Kenya, du Lesotho, du Malawi, et d'Ouganda, les discussions de Jomtiem ont été le principal facteur qui les a amenés à supprimer les frais de scolarité obligatoires et par- tant, accroître les taux de scolarisation, notamment chez les enfants les plus démunis. De même, la Conférence de Jomtiem a fortement influencé les réformes scolaires en El Salvador et en Inde, entre autres pays. Étant donné qu'El Sal- vador sortait d'une guerre civile longue et dévastatrice, la Conférence de Jomtiem et la Déclaration sur les droits internationaux de l'enfant ont été déterminants pour la mobilisation de l'appui international nécessaire à la reconstruction de son système scolaire. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance a également joué un rôle important dans la période qui a immédia- tement suivi la fin du conflit. Il a en effet financé une grande étude secto- rielle qui a mis en exergue la forte potentialité qu'ont les communautés de reprendre le rôle de premier plan qu'elles avaient joué dans le secteur pen- dant la guerre civile. Alors que cette étude a orienté la conception du pro- gramme EDUCO des écoles communautaires, les prêts et l'assistance techni- que de la Banque mondiale ont par la suite permis au gouvernement de remédier aux contraintes budgétaires et aux problèmes de capacité afin de pouvoir lancer le programme EDUCO. Le fait que les bailleurs de fonds aient commencé à investir lourdement dans l'éducation après la Conférence de Jomtiem a donné une impulsion supplémentaire non seulement aux efforts de réformes menées par les gou- vernements, mais également aux programmes mis en oeuvre par les ONG nationales et internationales. Au Bangladesh par exemple, les bailleurs de fonds ont encouragé le gouvernement à laisser les ONG étendre leurs activi- tés dans le secteur, contribuant de ce fait à la mise en place du système plu- raliste qui est actuellement en vigueur. La réaffirmation ferme des engage- ments internationaux en faveur de l'éducation pour tous, notamment le Cadre d'action de Dakar qui est une émanation du Forum mondial sur l'éducation tenu au Sénégal en 2000 et, tout récemment, la promulgation des ODM et la définition des actions concrètes, y compris les responsabilités conjointes des gouvernements et de la communauté internationale qu'il faut pour réaliser ces objectifs (tel que brièvement présentés dans le Consensus de Monterrey), ont permis de maintenir l' intérêt et l'élan. ANALYSE THÉMATIQUE 161 Les rencontres régionales et internationales, ainsi que le recours accru aux voyages d'étude ont également constitué des sources importantes de connaissances sur les approches prometteuses et novatrices en matière d'accélération des réformes scolaires (bien qu'adaptées au contexte local). Le Lesotho par exemple a institué la prise en charge communautaire des repas scolaires après avoir étudié les approches de sous-traitance au profit du secteur privé qui sont en vigueur en Asie. La communauté internationale a également favorisé l'introduction de nouveaux cadres de développement, notamment les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté et de nouveaux cadres de dépenses à moyen terme qui ont aidé les gouvernements à justifier les dépenses de base dans le domaine de l'éducation. L'accroissement des programmes sectoriels a faci- lité une plus grande harmonisation des bailleurs de fonds, ainsi que la mobi- lisation des ressources. L'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés a permis à de nombreux ministères en charge de l'éducation de se tailler une grande part du budget national, tel que requis, afin de promouvoir l'accès et la qualité en matière d'éducation de base. En résumé, parmi les facteurs externes qui ont le plus contribué à la réforme des systèmes scolaires, figure le grand engagement de la commu- nauté internationale en faveur de l'éducation pour tous, notamment à tra- vers plusieurs grandes conférences internationales organisées au cours de la dernière décennie. Il y a également l'introduction de nouveaux cadres de développement qui donnent d'amples détails sur l'importance des investisse- ments dans l'éducation afin d'atteindre les objectifs de développement et de réduction de la pauvreté, et l'ouverture accrue des pays à l'ensemble des expériences et connaissances sectorielles dans le monde. Malgré les effets de ces facteurs externes, les catalyseurs qui ont le plus contribué à accroître les possibilités d'accès à l'enseignement dans la majo- rité des pays étudiés sont d'origine interne. Dans l'ensemble le rôle cataly- seur clé est joué par le ministère de l'éducation à travers des efforts conce- rtés visant à rallier l'appui nécessaire et établir de nouvelles alliances avec d'autres ministères de tutelle, et instituer de nouveaux partenariats natio- naux pour l'éducation, notamment avec le secteur privé (y compris les ONG et les communautés) dans la poursuite d'objectifs communs. Au Kenya, au Lesotho, au Malawi, et en Ouganda, le principal facteur qui a facilité l'expansion de l'enseignement primaire est d'origine interne, bien que l'appui externe d'un grand bailleur de fonds au moins ait permis d'accélérer l'expansion de chaque système scolaire (notamment à travers la formation accélérée des enseignants et la construction de salles de classe). Un appui externe complémentaire a été essentiel non seulement pour subve- nir rapidement aux besoins suscités par la grande vague de nouveaux élèves, mais également pour instaurer la confiance publique par rapport au proces- sus de réforme qui s'en est suivi. De même, au Bangladesh, les ressources intérieures ont constitué le mécanisme de financement de premier recours pour les efforts initiaux de mise à l'échelle, ce qui a permis d'assurer la dis- ponibilité des ressources lorsque le besoin était pressant et contribué à pro- 162 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE mouvoir une forte adhésion des populations locales aux programmes de réforme. Ce n'est que par la suite que l'aide extérieure a joué un rôle impor- tant dans ce processus, notamment par le truchement du projet visant à pro- mouvoir l'accès des filles à l'enseignement secondaire (Female Secondary Education Project) qui bénéficie d'un appui de la Banque mondiale. Le Gouvernement égyptien a mobilisé un nombre impressionnant de par- tenariats public-privé pour l'éducation, notamment à travers la contractua- lisation de 171 ONG et associations de développement communautaire, avec pour but d'appuyer son processus de réforme. Au nombre des appro- ches de partenariat les plus novatrices figure celle introduite en 2002 au Madhya Pradesh en Inde. Bien que le projet DPEP conduit par le gouverne- ment central ait servi de catalyseur externe solide pour la réforme du sys- tème scolaire de Madhya Pradesh, le Programme « Financer un établisse- ment scolaire », initié par le gouvernement de cet État a joué un rôle primordial dans la mobilisation des financements privés qui ont permis d'appuyer l'enseignement public au cours de la décennie suivante. Par le tru- chement d'un site web local, ce projet d'adoption d'un établissement sco- laire permet de faire des dons directement à travers le compte d'un établisse- ment spécifique. Près de 1 000 personnes et institutions y ont pris part à ce jour. En Turquie, c'est essentiellement le désir national d'être entièrement inté- gré au sein de l'Union européenne qui a permis au secteur éducatif de mobi- liser le grand appui intersectoriel dont il avait besoin pour lancer et poursui- vre ses réformes. Un élément clé de cette stratégie a été la suppression du certificat d'études primaires délivré à la fin de la cinquième année pour le remplacer par un diplôme de fin d'études de base qui n'est délivré qu'à la fin de la huitième année. Cette situation a entraîné, au cours des cinq dernières années, un accroissement considérable du taux de scolarisation dans l'ensemble du cycle obligatoire, avec des niveaux d'acquis scolaires moyens beaucoup plus proches de ceux des pays membres de l'Organisation de coo- pération et de développement économiques. Deux autres facteurs incitatifs ont également contribué à l'expansion des possibilités d'accès à l'enseigne- ment en Turquie : 1) la signature d'un accord avec le Fonds monétaire inter- national pour une allocation minimale annuelle de l'ordre de 4,25 % du PIB en faveur de l'éducation, ce qui a renforcé la confiance du gouvernement en ce que le programme RCCE proposé serait durable et que les attentes du public seraient atteintes s'il est amorcé ; et 2) la préoccupation accrue du gouvernement au sujet de l'instabilité sociale généralisée et du risque de ter- rorisme qui y est associé, notamment chez les groupes de population qui s'estiment victimes d'exclusion sociale. En outre, la Bourse d'Istanbul a de sa propre initiative établi dans les années 90 un nouveau partenariat du secteur social avec le ministère de l'Éducation afin d'accélérer le développement du secteur éducatif. Les reve- nus issus des dons financiers considérables effectués par l'ISE au profit du secteur public ont permis de soutenir un vaste programme de construction et de rénovation, y compris l'achat du mobilier et du matériel informatique ANALYSE THÉMATIQUE 163 pour les écoles impliquées dans le programme d'enseignement de base de huit ans. Cette initiative vise particulièrement les petites zones rurales situées dans les régions pauvres de l'Est et du Sud-est du pays, où on enre- gistre de grands écarts entre les taux de scolarisation des filles et des gar- çons. La conception même des écoles est révolutionnaire et adoptée à la suite d'un processus compétitif. Elle permet aux handicapés d'avoir accès pour la première fois à l'éducation. Ce partenariat a amené le gouvernement à entreprendre des campagnes visant à mobiliser d'autres ressources auprès du secteur privé afin d'étendre les enseignements préscolaire et secondaire -- devenus les nouveaux centres d'intérêts des efforts nationaux de réforme. L'introduction récente des déductions d'impôts au titre des dons effectués par le secteur privé aurait entraîné un accroissement significatif des engage- ments de ressources provenant de sources internes. Le réseau régional latino-américain Fe y Alegria comprend des écoles pri- maires privées à but non lucratif, gérées par des jésuites, et qui desservent près d'un million d'enfants issus des communautés les plus pauvres de 15 pays. Son approche dynamique est caractérisée par une forte participa- tion communautaire. Sous l'initiative de la fondation AVINA qui est l'une des plus grandes fondations latino-américaines, ce réseau est actuellement impliqué dans le programme Centro Magis. Ce programme permet aux grands hommes d'affaires de la région d'enrichir le réseau d'enseignement Fe y Alegria des meilleures pratiques et valeurs en matière de gestion privée. Cette situation a non seulement contribué à l'amélioration de son système d'information de gestion et de son système de gestion financière, mais elle a encouragé le partage systématique de connaissances dans toutes ses écoles de la région. Ce partenariat permet au réseau Fe y Alegria, qui est une insti- tution confessionnelle, de faire entendre une voix qui était jusqu'ici absente dans les forums régionaux consacrés à l'éducation -- ce qui traduit une démarcation potentiellement significative par rapport au rôle traditionnel des écoles confessionnelles qui, dans de nombreux pays, se limite à leur implication dans l'élaboration de la politique scolaire. D'autres facteurs internes contribuent également de façon remarquable à la promotion de l'accès à une éducation de qualité dans certains pays. Au Bangladesh, le milieu économique et social national, qui subit des mutations à un rythme accéléré, caractérisé par l'accroissement du nombre de divorces et de désertions des foyers, ainsi que l'augmentation du coût de la dot dans les années 80 (surtout dans les communautés pauvres), a fait perdre aux familles la confiance qu'elles fondaient sur le mariage et son rôle tradition- nel en tant que garant de la sécurité économique de la femme. L'émergence de nouvelles possibilités d'emplois féminins au cours de la même période, y compris au sein de l'industrie naissante des vêtements destinés à l'exporta- tion, semble également avoir beaucoup encouragé les familles non seule- ment à inscrire leurs filles à l'école, mais à veiller à ce qu'elles terminent au moins le niveau primaire afin d'assurer leur insertion dans le monde du tra- vail. 164 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Défis permanents En dépit des expériences enrichissantes qui ont été partagées à travers le processus de transfert mondial des savoirs, de nombreux pays doivent rele- ver quatre défis immédiats afin de réaliser intégralement leur potentiel de développement humain. L'espace fiscale et la viabilité du financement La réforme scolaire est un processus continu. Malgré tout, l'explosion démographique que connaissent de nombreux pays pauvres entraînera une forte pression sur les ressources humaines, physiques et financières qui sont déjà limitées pour pouvoir faciliter l'accès à une éducation de grande qua- lité. Par ailleurs, ce processus est considérablement ralenti dans les pays où l'incidence du VIH/SIDA est forte et qui par conséquent enregistrent des taux élevés d'absentéisme et de décès parmi les enseignants -- qui consti- tuent le coeur même des systèmes éducatifs. Réaliser les ODM dans ce con- texte nécessite que de nombreux pays mobilisent et utilisent efficacement des niveaux sans précédents de financements externes et internes au profit de l'éducation. Ces investissements peuvent être très rentables à long terme à travers la constitution d'une base de ressources humaines nationales plus qualifiées. Mais il comporte également quelques risques importants. Pour obtenir le rendement escompté, tous les investissements réalisés dans l'édu- cation doivent être soigneusement organisés par ordre de priorité et ciblés, et les dépenses doivent être bien gérées. Il s'agit-là d'un défi majeur pour de nombreux pays en développement, étant donné que la capacité de planifica- tion sectorielle et d'exécution du budget est faible dans ces pays, qui dans l'ensemble manquent d'expérience dans les domaines de la mobilisation et du suivi des partenariats internes et externes absolument nécessaires pour assurer la viabilité des réformes. L'importance du volume total de financement requis sur une longue période a poussé plusieurs pays à rechercher « l'espace fiscal » qui leur per- mettrait de combler les déficits à travers des financements considérablement accrus sous forme de prêts au développement ou de dons40. De telles décisions doivent être soigneusement pesées afin de ne pas sacrifier d'autres secteurs productifs dans un contexte où les priorités d'investissement sont nombreuses et concurrentes. Par ailleurs, l'accroissement des flux financiers doit être prévisible et soutenu à moyen et long termes. Cela permet de limi- ter l'incertitude et les coûts élevés qu'entraîne éventuellement l'abandon de projets après leur lancement. Ces flux doivent s'accompagner de mesures systématiques visant à réduire, à terme, la grande dépendance actuelle vis-à- vis des financements extérieurs. Tel que le démontrent les expériences de l'Egypte, de l'Inde, et de la Turquie, les partenariats établis avec le secteur privé peuvent permettre de mobiliser une bonne partie des ressources nécessaires. Il faut prendre soin de ne pas transférer la charge financière aux ANALYSE THÉMATIQUE 165 communautés locales, notamment aux couches les plus démunies qui ont une capacité budgétaire limitée, afin de ne pas accroître les inégalités en matière d'accès aux services éducatifs de qualité. Renforcement institutionnel aux niveaux local et communautaire Plusieurs interrogations demeurent en ce qui concerne les conditions opti- males permettant de pérenniser la réforme des systèmes éducatifs. Une ana- lyse restreinte a été entreprise à ce jour sur les conditions qu'il faut réunir pour que les changements hautement transformationnels et paradigmati- ques entrepris dans de nombreux cas étudiés prennent racine de façon dura- ble. Les questions-clé qui se posent sont les suivantes : pour combien de temps les structures institutionnelles relativement jeunes, dont dépendent la plupart des réformes, peuvent-elles survivre avant que certaines forces ne tentent de les déstabiliser pour un retour aux modèles traditionnels ? Le processus de décentralisation démocratique qu'elles représentent est-il natu- rellement irréversible ? Comment la communauté internationale peut-elle pérenniser au mieux ces réformes prometteuses ? En matière de réforme du système éducatif, le partage des responsabilités entre les gouvernements centraux, les collectivités territoriales, les commu- nautés et les parents est source d'opportunités spéciales permettant d'accélé- rer les réformes, mais il pose également un certain nombre de défis majeurs. Tel que l'ont souligné plusieurs études de cas, la décentralisation peut être un puissant moyen d'offrir des services éducatifs qui soient plus adaptés aux besoins et aux contextes locaux. Mais la capacité actuelle des collectivités territoriales et des communautés à jouer entièrement et de manière adéquate les nouveaux grands rôles qui leur sont proposés est particulièrement faible dans de nombreux pays. Par conséquent, une grande priorité doit être accordée au renforcement de ces capacités afin de leur permettre d'exécuter et d'assurer le suivi des services éducatifs, et d'améliorer la responsabilité globale des systèmes. Intensifier l'expérimentation, la recherche et le partage des modèles promoteurs L'on a besoin de beaucoup plus de connaissances pour comprendre com- ment procéder afin d'intensifier les efforts de réforme des systèmes éduca- tifs, notamment en ce qui concerne les modèles qui fonctionnent le mieux dans des contextes distincts, et par rapprochement, les facteurs déterminants de leur mise en oeuvre effective. Le processus de transfert mon- dial des savoirs constitue le premier pas important vers un meilleur partage de connaissances. Toutefois il faut davantage acquérir et échanger de façon plus systématique les connaissances sur les modèles et les processus de réforme qui se sont révélés prometteurs. Dans cette perspective, la recherche sur les coûts et la rentabilité des solutions de substitution est d'une urgence 166 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE particulière. Les données relatives au coût sont remarquablement absentes des études préparées pour la Conférence de Shanghai. Ces données sont pourtant très importantes dans les modalités de financement des projets, plus précisément pour réaliser l'objectif portant sur l'achèvement des études primaires par tous et pour mobiliser les fonds nécessaires. Il est nécessaire d'analyser, documenter et diffuser les expériences locales sur une échelle beaucoup plus large, au regard du nombre sans cesse croissant de program- mes et projets conçus et exécutés hors du secteur formel et des canaux d'investissement officiels. Il est également important d'assurer un suivi minutieux de certaines inno- vations adoptées afin d'étendre rapidement l'accès à une éducation de qua- lité. Des études sur les solutions de substitution qui permettraient de com- bler le manque criard de ressources humaines qui freine actuellement la mise en oeuvre de nombreux programmes de réforme sont particulièrement nécessaires. Quelles sont les perspectives d'utilisation durable d'autres caté- gories de cadres, tels que les auxiliaires de l'enseignement ou les enseignants contractuels ? Quelle leçon peut on tirer des modèles de formation d'ensei- gnants qui ont permis de recruter des gens avec des niveaux d'instruction relativement bas au début et les ont formés principalement sur le tas afin de leur permettre d'enseigner des classes successives (comme les modèles en vigueur dans certains pays d'Afrique subsaharienne) ? Les programmes qui actuellement s'appuient énormément sur des enseignants contractuels dont les salaires sont inférieurs à ceux de la fonction publique sont-ils viables à long terme ? Certaines forces politiques tenteront-elles de compromettre une telle alternative, qui propose des approches plus abordables, malgré la grande performance des enseignants qui est largement étudiée dans de nom- breux pays41 ? Existe-t-il d'autres options viables, surtout pour les pays les plus pauvres ? Assurer et maintenir la qualité, facteur déterminant pour maintenir l'élan Les exemples des pays étudiés dans le cadre de ce processus de transfert mondial des savoirs laissent penser que la mise à l'échelle rapide de la qua- lité en matière d'éducation est beaucoup plus audacieuse que la mise à l'échelle de la quantité des services offerts ou de la couverture du système. En effet, les détails sur la contribution de ces réformes à l'amélioration de la qualité ne sont pas fournis de façon systématique. La plupart des informa- tions contenues dans les études présentées à Shanghai reflètent les différents intrants et extrants tels que les changements concernant les taux de scolari- sation, le nombre de nouveaux enseignants mobilisés et d'écoles construites, ou les taux d'achèvement du cycle primaire. Aucune donnée sur les résultats n'a été présentée, tels que les niveaux des acquis scolaires, l'insertion dans le marché du travail ou le revenu. Des niveaux élevés d'absentéisme parmi les élèves (et les enseignants) continuent de ruiner de nombreux systèmes édu- ANALYSE THÉMATIQUE 167 catifs, réduisant de ce fait le potentiel d'apprentissage. Si les services éduca- tifs ne permettent pas aux diplômés d'acquérir les connaissances et les apti- tudes suffisantes pour leur insertion totale dans leurs systèmes économiques et leurs sociétés, l'inversion des niveaux de scolarisation élevés, dans les localités où ceux-ci sont déjà atteints, continuera d'être une réelle menace. L'évaluation scolaire doit donc faire partie intégrante de toutes les initiatives visant à promouvoir l'éducation pour tous, afin de suivre les résultats scolai- res et ajuster les systèmes en cas de besoin dans le but d'assurer des services de haute qualité. Cela nécessitera le renforcement de capacités dans de nom- breux pays. L'élan imprimé à la réforme scolaire doit pouvoir intégrer les opportunités croissantes qui s'offrent par rapport à l'offre d'une éducation secondaire et tertiaire de qualité, étant donné que les nations ont besoin de niveaux d'instruction de plus en plus élevés pour s'intégrer avec succès dans l'économie mondiale du savoir. Notes 1. Le travail d'évaluation entrepris par la Banque asiatique de développement (BAD) dans les secteurs du transport routier et de l'énergie laisse penser que le trans- port routier et l'électricité permettent de réduire la pauvreté monétaire, le transport routier ayant un effet plus marqué. 2. Les cas suivants, qui sont classés par domaine d'intérêt, sont analysés dans la partie infrastructure du présent chapitre. Access to water: A. Rohde, T. Konishi, and S. Janakiram, Albania: Reforming Irrigation and Domestic Water Supply and Sani- tation Services to Benefit the Poor; M. Shuchen, T. Yong, and L. Ji- ayi, China's Rural Water and Sanitation Program--Scaling Up Services for Poor People; J. Lane, Ghana, Lesotho, and South Africa: Regional Expansion of Water Supply in Rural Areas. Transportation: H. Levy, Morocco: Rural Roads and Poverty Alleviation; H. Mitsui, Impact Assessment of Large-scale Transport Infrastructure in Northern Viet- nam. Infrastructure strategies and policies: S. Chaterjee, Asia-Pacific: Infrastructure, Regional Cooperation, and Poverty Reduction--Lessons from the Region; D. Yan and F. Hua, China: Infrastructure, Growth, and Poverty Reduction; S. Vyas, India: Addressing Infrastructure Needs of the Poor--The Tamil Nadu Experience with Public-Private Partnerships; A. Markandya and R. Sharma, Tajikistan: Reducing Poverty through Private Infrastructure Services -- The Pamir Private Power Project; T. I. Larsen, H. L. Pham, and M. Rama, Vietnam: The Impact of Infrastructure Development on Rural Poverty Reduction. Integrated urban: J. Brakarz and W. E. Aduan, Brazil: Favela-Bairro --Scaled Up Urban Development; T. E. Campbell and S. Marjanovic, The City-to-City Challenge in Ghana, Morocco, Tadjikistan, and the United States. En tirant des conclusions, les lecteurs doivent se rappeler que la liste des cas est assez longue et que le format a été dicté par la conception générale de la recherche. 3. Une définition plus large de la pauvreté fait allusion au progrès accompli en direction des objectifs de développement pour le Millénaire. 4. Ce fut le cas au Maroc, qui a enregistré deux effets positifs inattendus : un accroissement exponentiel du taux de scolarisation, en particulier chez les filles, et l'affranchissement des femmes par rapport à la corvée quotidienne qui consiste à 168 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE ramasser le bois de feu pour la cuisson -- ce qui est dû à l'introduction du butane, elle-même rendue possible par la réduction des coûts de transport et l'amélioration de l'accessibilité. 5. Malheureusement, il n'y a qu'une étude de cas sur la relation entre les inves- tissements dans l'infrastructure et la pauvreté urbaine. Un grand nombre de cas aurait permis de développer une typologie de la gamme de projets d'infrastructures urbains et de leur impact sur les pauvres. 6. Il existe d'autres exemples en dehors des cas étudiés, tel que le Centre interna- tional de mise en valeur intégrée des montagnes au Népal, qui encourage la coopéra- tion et le développement dans les régions montagneuses de six pays en Asie centrale et du Sud-est. 7. Toutefois, l'évaluation de l'impact d'un projet d'infrastructures de grande échelle, tel que le projet d'infrastructures de transport du Viet Nam, est plus difficile que l'évaluation de l'impact des interventions dans un secteur spécifique ou des interventions bien circonscrites dans l'espace. 8. Loi No 8652 du 31 juillet 2000 portant organisation et fonctionnement des collectivités territoriales. 9. Par opposition au sens fonctionnel de la distinction entre la production, la transmission, et la distribution. 10. Cette étude a été réalisée conjointement par la Banque asiatique de développe- ment, la Banque japonaise de coopération internationale et la Banque mondiale. Un exem- plaire du rapport le plus récent est disponible sur le site Inweb18.worldbank.org/ eap.nfs/0/11BB5BBB5C35EO3D85256EB604EFF2E ?OpenDocument. 11. La session consacrée à la réforme judiciaire lors de la Conférence de Shanghai a donné lieu à la réflexion et au partage d'expériences suivant plusieurs perspectives nationales. Cette partie s'appuie surtout sur les discours prononcés à la Conférence de Shanghai par le Dr. Carlos Esteban Larios Ochaita, juge de la Cour Suprême du Guatemala ; l'honorable Protais Musoni, ministre d'État rwandais pour la bonne Gouvernance ; l'honorable Hilario G. Davide, juge en chef de la Cour suprême des Philippines ; et Eduard Nikolaevich Renov, Vice-président de la Cour suprême arbi- trale de la Fédération de Russie. Il leur avait été demandé d'évaluer la validité et la force des facteurs d'exécution affectant les réformes judiciaires citées dans le cadre général de la conférence : 1) engagement et économie politique du changement, 2) développement institutionnel et renforcement de capacités, et 3) catalyseurs exter- nes. S'appuyant sur ce cadre, ils ont examiné certains aspects clés des différentes expériences en matière de réforme et de modernisation du système judiciaire dans leur pays. Cette partie s'appui également sur les commentaires pertinents de l'ancien président de la Banque mondiale, James Wolfensohn, et de Roberto Danino, premier Vice-président et Conseil juridique de la Banque mondiale lors de cette session. 12. La Conférence de Shanghai a rassemblé les décideurs et les praticiens du déve- loppement impliqués dans l'apprentissage interpays et interrégional dans au moins douze domaines différents du développement, y compris la réforme judiciaire. De tous les pays concernés par la réforme judiciaire, deux sont des pays qui sortent d'un conflit. Il s'agit du Guatemala et du Rwanda. Le Guatemala et les Philippines parta- gent également un certain nombre de défis économiques et sociopolitiques, tandis que tous les quatre pays oeuvrent au renforcement et à la modernisation des institu- tions démocratiques, mais suivant des perspectives et des bases différentes. Trois sont des pays du « Sud ». Les Philippines sont un pays en développement, tandis que la Russie poursuit sa transition vers l'économie de marché. Tous les quatre pays ont ANALYSE THÉMATIQUE 169 des traditions juridiques, des niveaux de développement, des contextes culturels et traditionnels, et des régions géopolitiques également différents. Ils ont vécu des expériences différentes en matière de réforme judiciaire, notamment en ce qui con- cerne le temps qu'ils ont déjà passé dans le processus et ce qu'ils ont accompli. 13. La citation est tirée du discours prononcé à la Conférence de Shanghai par Roberto Danino qui affirmait : « D'abord les institutions. Les institutions doivent être solides, fiables, et indépendantes, dotées de personnels formés, pour pouvoir appuyer efficacement l'administration de la justice à travers une application transpa- rente de la loi. Ensuite, le système juridique. Il est nécessaire de disposer d'une struc- ture juridique moderne qui soit transparente et reflète les conditions sociales afin de s'assurer que les institutions du secteur de la justice sont en mesure d'accomplir leur mission de manière efficace et efficiente. Troisièmement, l'application. Les institu- tions doivent avoir la capacité de mettre effectivement en oeuvre la structure juridi- que. Quatrièmement, l'engagement de la société. Les institutions, les lois et leur application ne sont viables qu'avec l'engagement et la participation active de la société. Le fait pour le public de comprendre les avantages d'un système juridique qui fonctionne bien est une composante essentielle. Pour cette raison, il est impor- tant d'entretenir un dialogue permanent et cohérent entre tous les acteurs impliqués, à savoir : le gouvernement, les législateurs, le pouvoir judiciaire, les partis politiques, et la société civile ». 14. Ibid. Les projets autonomes de réforme judiciaire antérieurs appuyés par la Banque étaient généralement orientés vers la modernisation de la législation, le déve- loppement de nouveaux codes et de la capacité des tribunaux. Le renforcement des capacités des tribunaux a été centré sur l'amélioration de l'efficacité par la suppres- sion des retards et la réduction des délais à travers l'informatique, l'adoption de nouvelles structures organisationnelles et de nouvelles méthodes de travail. Ces acti- vités ont souvent joué un rôle important dans les évaluations et la recherche, notam- ment sur le partage des connaissances afin de diffuser les expériences à travers la région et ailleurs. De nouvelles approches ont également été introduites ces dernières années par rapport à la recherche et au développement ; elles ont porté sur les usages et les usagers des systèmes de justice. L'amélioration des services dans le but de faci- liter un plus grand accès aux mécanismes de résolution de conflits était également une composante majeure des programmes dans ce secteur, axés sur les groupes les plus démunis et socialement exclus. Au cours des dernières années, les résultats obte- nus dans ce domaine ont été mitigés, mais dans l'ensemble, on a enregistré quelques avantages pertinents liés à l'amélioration de l'attention accordée à l'égalité des sexes et questions connexes et aux populations indigènes et autres groupes minoritaires. 15. Voir Banque mondiale (2005), pages 86-89 et 246, et Kaufmann, Kraay et Mastruzzi (2005). 16. Ce tribunal mobile visite les centres de détention et les centres de services sociaux afin de satisfaire les besoins des jeunes, contribuer à la promotion de la pré- vention des crimes, et protéger les droits des jeunes. Plusieurs jeunes injustement détenus en raison de l'inefficacité du système ont été relaxés. Étant donné que les Philippines sont constituées de plusieurs îles, l'option des tribunaux mobiles installés sur des bateaux constitue la prochaine étape. 17. Propos de James Wolfensohn à la suite des discours. 18. Pour une bonne analyse des avantages liés à l'accès des ménages aux services financiers, voir Honohan (2004). 170 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE 19. Les cas ci-après ont été consultés aux fins de cette partie : Bangladesh: Growth, Achievements, and Lessons in Micro-finance; Bangladesh: Scaling Up a Program for the Poorest--BRAC's IGVGD Program; Kazakhstan: Commercial Banks Entering Micro and Small Business Finance--The Kazakhstan Small Business Program; Kenya: Scaling Up Microcredit--The K-Rep Story; Mexico: Integrating the Poor into the Mainstream Financial System: The BANSEFI and SAGARPA Pro- grams; and Mongolia's Agricultural Bank. À moins qu'il n'en soit indiqué autre- ment, les statistiques et citations contenues dans le présent chapitre sont tirées des études de cas sur les pays concernés. 20. Les cas suivants sont analysés dans le présent chapitre : C. Mesa-Lago, Achie- vement and Deterioration of Universal Access to Social Services, Cuba; A. Andersson-Singh, An Outreach Intervention among Injecting Drug Users and Their Sexual Partners in Manipur, India; A. Mehryar, Primary Health Care and the Rural Poor in the Islamic Republic of Iran; M. Sharma, Nepal's National Tuberculosis Control Program; J. Rwomushana, Uganda: Conquering "Slim": Uganda's War on HIV/AIDS; and C. Novinskey, West Africa: Defeating Riverblindness--Success in Scaling Up and Lessons Learned. Les auteurs se sont également appuyés sur un document de travail en ce qui concerne les données sur la Thaïlande : Ross-Larson et al. 2004. À moins qu'il n'en soit indiqué autrement, les statistiques et citations con- tenues dans le présent chapitre sont tirées des études de cas concernées et du docu- ment de travail. 21. Un cadre permettant de s'assurer que les décideurs et les prestataires de servi- ces rendent compte aux communautés qu'ils servent a été examiné dans Banque mondiale (2004c). 22. Il existe trois types de décentralisation : la décentralisation politique, la décentralisation administrative, et la décentralisation fiscale ; et quatre principales formes de décentralisation : la dévolution, la délégation, la déconcentration et le désengagement. Pour une présentation détaillée de la décentralisation, le lecteur doit se référer au site web de la Banque mondiale (wwwl.worldbank.org/publicsector/ décentralisation/decent.doc) et aux travaux (2002). 23. Le Rapport de l'initiative conjointe sur l'apprentissage (Joint Learning Initia- tive - 2004) a examiné le problème de la pénurie des agents de santé de façon détaillée. Il ressort de ce rapport que l' Afrique ne dispose que de 0,8 travailleurs de santé pour 1000 personnes contre 2,3 pour l'Asie, 2,6 pour l'Amérique Latine, et 4,2 pour la moyenne mondiale. Aussi des mesures institutionnelles révolutionnaires sont-elles impératives pour la mise à l'échelle des réponses sanitaires en Afrique. 24. Le suivi peut se définir comme étant « une surveillance périodique d'un pro- cessus, ou l'exécution d'une activité, qui a pour but d'établir la mesure dans laquelle les prestations, le calendrier des travaux, ainsi que d'autres actions requises et résul- tats ciblés se déroulent conformément au plan, afin que l'on puisse prendre des mesures en temps utile pour redresser les éventuelles carences » (OMS 2003). 25. Les rapports qui existent entre l'éducation, le développement et la croissance sont mis en exergue, par exemple, dans Banque mondiale (1991), qui souligne l'importance d'investir sur les personnes, et dans Hanushek et Kimko (2000). Pour une analyse en profondeur de l'importance de l'investissement dans le capital humain féminin, voir Schultz (1995), qui est arrivé à la conclusion que les sociétés qui font de la discrimination entre les sexes ont tendance à enregistrer des taux de croissance économique et de réduction de la pauvreté beaucoup plus lents par rap- port à celles qui traitent les hommes et les femmes sur un pied d'égalité. Pour un ape- ANALYSE THÉMATIQUE 171 rçu des barrières, avantages et politiques relatives à l'éducation des femmes, voir King et Hill (1993). 26. L'éducation des filles, en particulier, a des effets positifs sur la fécondité et la santé maternelle dans la mesure où elle permet aux filles de se marier tardivement, de faire leur premier enfant à un âge plus avancé, et d'effectuer un nombre limité d'accouchements mieux espacés. L'éducation des filles contribue également au bien- être des enfants, étant donné que les mères mieux éduquées accordent une grande priorité à l'éducation de leurs enfants et assurent à ces derniers une bonne nutrition et un accès opportun aux soins de santé. 27. L'Initiative pour la mise en oeuvre accélérée du programme Éducation pour tous, qui bénéficie de l'appui de plusieurs bailleurs de fonds et à laquelle participe la Banque mondiale, promet d'accélérer le progrès dans les pays retardataires à travers la mobilisation de ressources financières substantielles et l'assistance technique. Pour une analyse complète des perspectives en rapport avec les ODM, voir chapitre 2 de Banque mondiale (2004a). 28. Cette partie s'appuie sur les cas ci-après, qui ont été préparés pour la Confé- rence de Shanghai : F. Iqbal and N. Riad, Arab Republic of Egypt: Increasing Girls' School Enrollment; N. Hossain, Access to Education for the Poor and Girls: Educa- tional Achievements in Bangladesh; Z. Tiedao, Z. Minxia, Z. Xueqin, Z. Xi, and W. Yan, Universalizing Nine-Year Compulsory Education for Poverty Reduction in Rural China; D. Meza, J. L. Guzman, and L. de Varela, EDUCO: A Community- Managed Education Program in Rural Areas of El Salvador (1991­2003); V. Rama- chandran, India: A Community-Government Partnership That Gets Millions into School in Madhya Prades; R. Avenstrup, with X. Liang and S. Nellemann, Kenya, Lesotho, Malawi, and Uganda: Universal Primary Education and Poverty Reduc- tion; Latin America: Fe y Alegria--A Jesuit Education Movement Supported by AVINA; I. Dulger, Turkey: Rapid Coverage for Compulsory Education-- The 1997 Basic Education Program. À moins qu'il n'en soit indiqué autrement, les statistiques et citations contenues dans le présent chapitre sont tirées des études de cas sur les pays concernés. 29. Un aperçu du Programme DPEP est donné dans Pandey (2000). Une brève synthèse de la stratégie graduelle de développement du secteur de l'éducation que l'Inde a mise en oeuvre après son indépendance figure dans Wu, Kaul, et Sankar (2005). 30. Le fait d'avoir conservé pendant longtemps une vision et un engagement lar- gement partagés en faveur d'une éducation de qualité pour tous, et d'avoir active- ment poursuivi cet objectif pendant de nombreuses décennies, malgré l'alternance des gouvernements qui avaient des orientations politiques remarquablement diver- ses, ont été identifiés comme étant les principaux facteurs qui ont permis au Chili de réaliser l'un des niveaux d'éducation les plus élevés de la région. Pour plus de détails, voir Perry et Leipziger (1999). 31. Le rôle de la Bourse d'Istanbul est également examiné dans la partie consacrée aux catalyseurs externes et internes du changement. 32. Le mouvement scolaire rural conduit par les communautés a enregistré beau- coup de résultats positifs, notamment parce qu'il s'est concentré sur les élèves des zones rurales -- ceux qui sont le plus exposés au risque de ne pas aller à l'école, de scolarisation tardive, de redoublement et d'abandon. Au cours d'une période relati- vement courte (1991-2003), le programme EDUCO a recruté 7 000 nouveaux ensei- gnants et scolarisé 362 000 élèves des zones rurales. Les écoles du programme 172 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE EDUCO comptent aujourd'hui 40 % de tous les élèves des zones rurales inscrits au titre des enseignements préscolaire et de base. Le taux de scolarisation net dans les zones rurales s'est accru, passant de 76 % à 82 % au cours de la période 1992- 2003, tandis que celui des zones urbaines est resté inchangé. Le programme EDUCO a également réduit les entrées tardives en première année du primaire. 33. Comme le stipule l'étude de cas sur l'Inde, l'expérience historique... [montre] que les modèles centralisés de prestation de services ont retardé l'expansion de l'enseignement primaire même dans les cas où les ressources étaient disponibles. 34. Selon les données de l'Enquête nationale sur la santé familiale, 80 % des gar- çons et 74 % des filles sont allés à l'école en 1998/1999 par rapport à 61 % et 47 % seulement, respectivement en 1992/1993. Le taux d'alphabétisation féminin s'est accru de 21 % au cours de la période 1991-2001. Le relèvement des taux de scolari- sation bruts chez les castes, les tributs et d'autres groupes sociaux défavorisés aurait également été effectif. Les investissements ont porté sur le recrutement et la forma- tion de quelque 32 000 nouveaux enseignants, encadrés par les centres d'appui pro- fessionnel (Block and Cluster Resource Centers) qui sont financés par la DPEP, et sur la construction de 26 571 nouvelles écoles. Quelque neuf sur dix élèves d'âge pri- maire au Madhya Pradesh sont maintenant scolarisés, tandis que le nombre de ceux qui ne vont pas à l'école a chuté pour se situer à 748 000 au cours de l'année sco- laire 2002/2003, ce qui représente le quart du niveau de l'année 1996. 35. Parmi les leçons les plus importantes tirées à ce jour de la recherche inter pays sur les frais de scolarité figure la nécessité, avant que ces frais ne soient supprimés ou réduits, de les remplacer par des revenus dont les niveaux et l'efficacité sont équiva- lents, chaque fois que ces frais contribuent de manière significative au financement de l'accès à l'école et/ou de la qualité. Les dépenses liées aux frais de scolarité et autres frais connexes représentent une proportion significative des dépenses des ménages dans de nombreux pays, et peuvent constituer un obstacle majeur à l'ins- cription et au maintien des élèves à l'école, surtout en ce qui concerne les familles les plus démunies. À ce jour, aucune analyse systématique n'a été entreprise concernant l'impact des redevances sur l'accès à l'école et l'achèvement des études, ou les effets relatifs des autres approches qui pourraient être adoptées pour aider les familles à faire face à ces coûts lorsque la suppression des frais n'est pas envisageable (tarifica- tion proportionnelle, subventions ciblées, bourses d'étude).Une étude de la question des redevances, qui résume les défis et opportunités inhérents à la suppression des redevances, est disponible dans Kattan et Burnet (2004). L'actualisation de cette étude est en cours. 36. Le programme de Madhya Pradesh a également institutionnalisé les groupes d'alphabétisation des femmes dans le but explicite de renforcer les capacités des fem- mes afin de leur permettre de participer à la gestion scolaire. Comme corollaire, le gouvernement de l'État a rendu obligatoire qu'au moins un tiers des postes dans le gouvernement local soient tenus par les femmes 37. Ce texte a rendu exécutoires les amendements constitutionnels de 1992 qui transfèrent aux panchayats villageois la responsabilité en matière d'enseignement primaire, tandis que les rapports de district s'appuyaient sur l'expérience de la DPEP avec les bulletins de notes de district. Le Gouvernement central de l'Inde a joué un rôle important dans le renforcement des capacités de l'État par rapport à l'orienta- tion de ces réformes. 38. Les obstacles et les approches prometteuses en rapport avec le renforcement de la responsabilité publique en matière de prestation des services sociaux et de suivi ANALYSE THÉMATIQUE 173 des dépenses du secteur de l'éducation sont contenus dans Banque mondiale (2004c) et Reinikka et Smith (2004), respectivement. 39. Les taux de survi sont les pourcentages de cohortes spécifiques d'élèves ins- crits au premier niveau qui devraient atteindre chaque niveau supérieur. 40. Pour un bref aperçu du débat sur l'espace fiscal, voir Heller (2005). 41. Une recherche approfondie sur les maîtres contractuels est dirigée par la Ban- que mondiale en Afrique subsaharienne, avec l'appui financier de AID Irlande et l'assistance technique de l'université de Quebec au Canada. Cette approche est abor- dée dans Banque mondiale (2004a). Bibliographie Beck, Thorsten, Ashi Demirguc-Kunt, and Ross Levine. 2004. "Finance, In-equality and Poverty: Cross-Country Evidence." Policy Research Working Paper 3338, Banque Mondiale, Washington. Beegle, Kathleen, Rajeev Dehejia, and Roberta Gatti. 2003. "Child Labor, Income Shocks, and Access to Credit." Policy Research Working Paper 3075, Banque Mondiale, Washington. Caskey, John P., Clemente Ruiz Durán, and Tova Maria Solo. 2004. "The Unbanked in Mexico and the United States." Brussels: World Bank Savings Institution. Davide, Hilario G. 2004. "Philippines: The Role of the Judiciary in Scaling Up Poverty Reduction." Paper prepared for the Shanghai Conference, 25­27 mai 2004. Gottret, Pablo, and George Schieber. 2004. "Increasing Investments in Health Out- comes for the Poor." Geneva: World Health Organization. Hanushek, Eric A., and Dennis D. Kimko. 2000. "Schooling, Labor Force Quality and the Growth of Nations." American Economic Review 90 (5): 1184­208. Heller, Peter. 2005. "Back to Basics--Fiscal Space: What It Is and How to Get It." Finance and Development 42 (2): 32­33. Honohan, Patrick. 2004. "Financial Sector Policy and the Poor: Selected Findings and Issues." Working Paper 43, World Bank, Washington, Joint Learning Initia- tive. 2004. Human Resources for Health: Overcoming the Crisis. Cambridge: Harvard University Press. Kattan, Raja Bentaouet, and Nicholas Burnett. 2004. "User Fees in Primary Educa- tion." Education for All Working Paper 30108, Education Sector, Human Deve- lopment Network, Banque Mondiale, Washington. Kauffman, Daniel, Aart Kraay, and Massimo Mastruzzi. 2005. "Governance Mat- ters IV: Governance Indicators for 1996­2004." 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Le portefeuille de programmes CDD et de fonds sociaux Les programmes sous étude ont tous des origines différentes et ont débuté à des périodes distinctes. Ils sont mis en oeuvre dans des pays aux réalités éco- nomiques, politiques, sociales et culturelles différentes, visent des objectifs distincts et sont réalisés à des échelles largement inégales. Le portefeuille examiné est composé de plusieurs programmes CDD réputés : programmes nationaux d'appui au secteur rural du Pakistan (NRSP) datant de 1982, portefeuille de projets CDD exécutés dans les États du nord-est du Brésil depuis 1985, et Projet de développement des kecamatan (KDP) mis en route en Indonésie en 1998. Ce portefeuille comporte également des initiatives relativement nouvelles prises en Europe de l'Est. 176 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Malgré leurs singularités, tous ces programmes ont été conçus suivant les mêmes principes et obéissent à la même approche, ce qui les marque de la même « estampille ». Ces initiatives visent toutes à accroître et à améliorer les moyens de subsistance des pauvres et des populations les plus démunies d'au moins une des trois façons suivantes : 1) augmentation des revenus ; 2) accès à certains services : approvisionnement en eau, santé, éducation et routes, notamment ; et 3) renforcement de l'autonomisation des individus et de leur capacité à influer sur les résultats qui affectent leur condition. En général, ces programmes confient les subventions directement aux commu- nautés pauvres qui se chargent de la planification et prennent les décisions concernant leur utilisation. Les communautés ont certes la latitude d'inves- tir ces fonds dans tout domaine qu'elles jugent prioritaire, cependant ces dotations sont généralement affectées au financement des infrastructures de base et des services sociaux : routes, réseaux d'approvisionnement en eau, dispensaires, écoles, moulins à grains, garderies, etc. Les communautés cofi- nancent ces investissements à une hauteur précise et se chargent du fonc- tionnement et de l'entretien des infrastructures et services mis en place. Mais comme le relèveraient les partisans de ce modèle de développement, la caractéristique la plus marquante des programmes de développement menés par la communauté est probablement la démarche démocratique qui les sous-tend. Les choix et les décisions concernant l'utilisation des ressour- ces allouées aux populations locales leur reviennent entièrement, et les décisions se prennent dans des forums aux processus transparents et partici- patifs, comme l'illustre le programme KDP (Encadré 5.1). Encadré 5.1 Configuration d'un programme de développement mené par la communauté : Comment le KDP fonctionne en Indonésie Le système administratif indonésien est composé de provinces, de districts, de sous-districts (kecamatan -- se prononce ketchamatan) et de villages. Un keca- matan compte entre 20 et 50 villages. Un kecamatan de Java est peuplé d'envi- ron 50 000 à 75 000 habitants en moyenne, tandis qu'un kecamatan des îles orientales à populations peu denses peut compter seulement 10 000 à 12 000 âmes. L'architecture de base du Projet de développement des kecamatan (KDP) est simple, contre toute apparence. Elle est composée d'un système d'octroi de dotations globales directement aux conseils des kecamatan qui peuvent les uti- liser pour financer les plans de développement élaborés dans le cadre d'un long processus participatif de planification de quatre à six mois. Variant de 60 000 à 110 000 dollars par kecamatan, ces fonds peuvent servir à financer presque toute sorte de bien public que les villageois considèrent prioritaire pour leur développement ou servir de fonds autorenouvelables. PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 177 Présidé par le chef de sous-district, le conseil du kecamatan est officiellement constitué des responsables élus des groupes de planification villageois. Les con- seils des kecamatan sont restés inertes des années durant, se réunissant tout au plus une fois l'an, mais ils ont été relancés sous le programme KDP. D'autres membres sans droit de vote sont élus par acclamation populaire. Pour élargir la participation, tous les promoteurs de projets sont conviés aux réunions du con- seil au cours desquelles les projets sont approuvés. Chaque village peut présenter deux projets au conseil du kecamatan dont il relève. On a donc toujours plus de projets que de fonds disponibles et les villa- geois doivent se concerter pour décider des projets à retenir. Selon les règles du programme KDP, tout groupe villageois soumettant un projet doit se faire représenter par une délégation d'au moins deux femmes et un homme à la réu- nion de décision du kecamatan pendant laquelle les villageois présentent les projets et choisissent ceux à financer. Une fois ces choix opérés, plus personne à l'échelle supérieure de la hiérar- chie ne peut les changer. Les fonds sont libérés par les services provinciaux du Trésor national et transférés directement vers un compte bancaire établi au nom de tous les villages, sans passer par les autorités de la province et du dis- trict. Le processus de planification est soutenu par un système de facilitateurs à plusieurs niveaux. Les populations de chaque village couvert par le programme élisent un homme et une femme pour le représenter au sein de chaque projet, avec pour principale mission de faire connaître le projet à toutes les institutions officielles et non officielles du village. Ils passent donc beaucoup plus de temps dans les hameaux que dans les villages mêmes. L'échelon supérieur suivant est le kecamatan où sont présents un facilitateur social et un facilitateur technique désignés par le projet. Le premier explique aux intéressés les règles du projet, contrôle la participation et forme les facilitateurs du village ; le second aide les villageois à évaluer la qualité de leurs infrastructures et les forme à l'entretien. Les ingénieurs du district contrôlent la qualité des travaux physiques ; et au niveau de la province, une unité de gestion conduit la formation, contrôle l'évo- lution des travaux sur le terrain et donne suite aux plaintes qu'elle reçoit des villages. Sources : Étude de cas : le Programme KDP ; Guggenheim, à paraître. Le présent chapitre associe programmes menés par la communauté (CDD) et fonds sociaux parce qu'ils privilégient tous la prestation de servi- ces suivant une approche de proximité ; mais ces deux types de programmes se distinguent par le fait que le modèle CDD vise à confier la prise des décisions concernant le choix des investissements aux populations locales concernées et fait de ce processus leur responsabilité, alors que pour les fonds sociaux, les populations présentent des projets, mais il revient au pro- gramme de décider de ceux qui seront financés. Au fur et à mesure que ces programmes arrivent à maturité et évoluent, ces distinctions s'estompent -- plusieurs fonds sociaux confèrent la prise de décisions aux communautés ou aux administrations locales tout en continuant de contrôler le décaissement des fonds. 178 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE La mise à l'échelle des programmes CDD et de fonds sociaux : Constatations La transposition des programmes CDD et de fonds sociaux à une plus grande échelle donne lieu à cinq observations générales possibles. Les programmes CDD et les fonds sociaux peuvent être transposés à différentes échelles Au nord-est du Brésil, le Programme de réduction de la pauvreté en milieu rural a financé 55 000 petites opérations d'investissement touchant 7,5 millions de personnes dans 1 500 municipalités sur les 1 650 que comp- tent les États de la région. La couverture géographique a été élargie de sorte à en faire bénéficier les populations de tous les dix États du nord-est. Plus important encore, les autorités de ces États et les administrations locales affectent et transfèrent aujourd'hui des fonds pour des programmes d'autres États et pour des programmes fédéraux en faveur des pauvres des zones rurales, et elles procèdent à une intégration transsectorielle des programmes par l'application des mêmes principes et mécanismes institutionnels, dont les conseils municipaux de proximité constitués et améliorés dans le cadre du programme CDD. Chaque dollar que la Banque mondiale investit dans ce programme mobilise dix fois plus de fonds. Le rôle des conseils munici- paux évoluent : ils participent aux délibérations des administrations locales sur des questions larges concernant la planification de la lutte contre la pau- vreté et les budgets à l'échelon municipal dont l'intégration transsectorielle des activités et la répartition des fonds que l'État fédéral ou les États fédérés mettent à la disposition des collectivités locales. La nouvelle génération de projets menés par les populations locales dans l'État de Maranhão vise clai- rement à utiliser les conseils municipaux comme garde-fous institutionnels de la planification des programmes de réduction de la pauvreté (Encadré 5.2). Les programmes de fonds sociaux du Malawi, du Yémen et de la Zambie ont atteint une couverture nationale depuis leur lancement dans les années 90. Pour ce qui est du fonds social du Yémen, ils touchent un tiers des 20 millions d'habitants que comptent les 20 gouvernorats du pays. Et s'il est vrai que tous les programmes pris en échantillon ont commencé par fournir des infrastructures, de l'électricité et des installations d'irrigation à une échelle réduite, leurs deuxième et troisième phases quant à elles con- naissent une expansion horizontale comprenant des projets de développe- ment économique et social. Très peu a pourtant été fait dans le sens de l'intégration verticale de ces programmes aux structures administratives des collectivités locales, en raison de la relative étendue de la décentralisation dans ces trois pays. Un grand nombre d'habitants et de villages bénéficient des prestations de services fournies dans le cadre du KDP qui est passé du petit projet pilote exécuté dans 25 villages en 1997 à un vaste programme couvrant plus de PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 179 Encadré 5.2 Architecture institutionnelle du programme CDD du Brésil Les associations de proximité sont au coeur de l'exécution des projets, du début à la fin du processus, y compris l'entretien, et elles bénéficient de l'aide des tech- niciens spécialistes sous contrats. Les conseils municipaux ont été créés par les projets et sont constitués des représentants des communautés et des administrations locales à 80 et 20 % res- pectivement. Ils allouent des ressources au cours de réunions publiques dont l'annonce est largement diffusée et assument une grande responsabilité en matière de supervision, de gestion financière et d'assistance technique. Dans certains cas, la décentralisation revêt une forme plus avancée où le conseil municipal gère le budget annuel alloué par les services techniques de l'État. Les services techniques des États fédérés sont des organes quasi autonomes rattachés au secrétariat d'État en charge de la Planification, qui coordonnent et planifient les projets en se concentrant sur la supervision et la promotion. La plupart de ces services sont stables et rompus à la tâche, et ont acquis une grande expérience technique et administrative. Les gouvernements des États fédérés se chargent du financement de contre- partie et contractent les prêts directement auprès de la Banque mondiale. Source : Étude de cas : Le Brésil. 28 000 villages, touchant plus de 35 millions de personnes dans 30 des 34 provinces de l'Indonésie. Le programme KDP connaît une expansion horizontale, élargissant la base de ses infrastructures et de ses fonds autore- nouvelables en incluant la santé, l'éducation et la gestion des ressources naturelles. Ce programme fait « tache d'huile » là où les villageois deman- dent que des fonds publics hors KDP soient affectés aux principales activités du programme, et il connaît également une expansion verticale à travers les structures administratives des districts. Le KDP et son équivalent en zone urbaine, le Programme de lutte contre la pauvreté en milieu urbain (UPP), constituent aujourd'hui le principal pilier de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté adoptée par le Gouvernement indonésien. Les programmes CDD et les fonds sociaux peuvent fonctionner et passer à l'échelle en situation d'instabilité et de conflit Le programme KDP a débuté en 1998 en réaction et en réponse aux crises économique, financière et politique qui ont frappé l'Indonésie. La chute du régime du Nouvel ordre et la recherche de crédibilité par la Banque mon- diale auprès des pouvoirs publics indonésiens ont donné naissance à l'un des programmes CDD les plus importants et probablement les plus cotés au monde. La mise en oeuvre des programmes CDD et de fonds sociaux en Afghanis- tan, en Bosnie, au Cambodge et au Tadjikistan, ainsi qu'au Timor oriental, 180 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE illustre combien ces programmes sont sollicités et la rapidité avec laquelle ils décollent en engageant des travaux de reconstruction des infrastructures détruites, créent des emplois et instaurent la stabilité dans les pays sortant d'un conflit. Au Tadjikistan dont la population totale est de 6 millions d'habitants, ce programme a touché 600 000 personnes pendant les cinq premières années, soit plus du double de l'objectif initial. Les programmes CDD peuvent constituer une solution viable pour remplacer les services publics Les coûts des infrastructures des programmes CDD et de fonds sociaux pris en échantillon étaient en général de 25 à 50 % inférieurs à ceux des solu- tions du secteur public. Dans les cas où une évaluation a été faite (Indonésie et Yémen, notamment), la qualité des infrastructures était au moins simi- laire sinon supérieure à ces alternatives3. Avec un taux de rendement de 25 % sur un portefeuille d'un milliard de dollars dans le cas du programme KDP, on réalise des économies qui n'échappent pas à l'attention des admi- nistrations locales -- un argument de poids pour en faire des alliés. La fai- blesse des coûts, ajoutée aux contributions des populations locales exami- nées ci-après, fait des programmes CDD une proposition financièrement attrayante pour les municipalités et les pouvoirs publics. Force est toutefois de reconnaître les limites de ces programmes et des fonds sociaux. En effet, ils ne sont pas une solution pour la construction d'infrastructures plus importantes obéissant à des normes techniques com- plexes et à une planification de réseau de premier ordre telle que celle de l'assainissement en milieu urbain. La plupart de ces programmes ne consti- tuent pas non plus une solution viable pour prendre en compte les investis- sements nécessitant des dépenses courantes -- salaires des enseignants, par exemple -- à moins qu'ils ne soient bien intégrés aux budgets et à la planifi- cation des districts ou des provinces. La plupart des fonds sociaux ont une origine nationale mais leur conception et les modalités de leur exécution s'enrichissent de l'expérience internationale Les programmes s'inspirent les uns des autres, contribuent mutuellement à accélérer l'évolution les uns des autres, et adaptent les manuels opération- nels et les enseignements découlant des autres programmes à leur réalité propre. Les programmes CDD du Brésil se sont inspirés du programme de fonds sociaux mexicain « Solidaridad » ayant un volet « développement impulsé par la communauté » à l'occasion d'un voyage que des autorités de l'État fédéral et des États fédérés brésiliens ont effectué à cet effet au Mexi- que en 1993. Les nouveaux projets menés par les populations locales au Mexique s'inspirent aujourd'hui des programmes brésiliens. Ceux-ci sont actuellement adaptés en Argentine, en Bolivie, au Ghana, au Guatemala, PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 181 dans six États de l'Inde, au Malawi, au Népal, au Panama et au Sri Lanka. Influencé par le programme de fonds sociaux égyptien, plus ancien, celui du Yémen représente aujourd'hui une source de connaissances et d'inspiration pour le programme marocain plus jeune et pour d'autres fonds sociaux du Moyen Orient. Des projets dérivés du programme KDP sont en cours d'exé- cution notamment en Afghanistan, au Laos, aux Philippines et au Timor oriental. Pendant le processus mondial de transfert des savoirs, il s'est avéré que les procédures et manuels opérationnels du programme brésilien et du KDP avaient été traduits en kirghize pour servir au nouveau programme CDD du Kirghizstan. La relation optimale avec les pouvoirs publics reste obscure La décision de faire exister les programmes CDD et les fonds sociaux paral- lèlement aux pouvoirs publics ou de procéder à une intégration verticale au sein des canaux gouvernementaux n'a pas été prise et est fonction de la con- joncture du pays. On réalise que la pérennité des effets positifs et des pro- cessus introduits et mis en oeuvre par nombre de programmes CDD et de fonds sociaux est tributaire de l'intégration de ces mêmes processus à la manière dont les pouvoirs publics travaillent avec les citoyens. On pourrait penser qu'on peut mieux connaître le processus d'intégration verticale en exa- minant les programmes plus anciens, mais en réalité ce processus est l'aspect des programmes CDD le plus étroitement lié à la conjoncture des pays. Plus récent, le programme Kalahi qui a démarré aux Philippines en 2003 a réalisé une avancée notable au plan de la collaboration avec les adminis- trations locales, la décentralisation étant plus avancée dans le pays, com- paré à l'Indonésie par exemple qui lançait à peine son vaste programme de décentralisation au moment où le programme KDP était mis en route. Le programme Kalahi applique une approche largement intégrée où la collecti- vité locale est impliquée dès le départ -- le cycle du programme est synchro- nisé avec les cycles de planification et de préparation budgétaire de l'admi- nistration locale, de sorte que les plans des communautés sont mieux intégrés aux plans officiels du village et de la municipalité, et chaque muni- cipalité participant au programme dispose d'un plan biennal détaillant la manière dont elle institutionnalisera les processus du programme. C'est ainsi que la législation locale a adopté ces processus comme outil de planifi- cation et d'allocation des ressources. Aujourd'hui à sa troisième phase, le programme KDP connaît une large expansion verticale au niveau du district, un échelon au-dessus du sous-dis- trict auquel il s'est heurté. Entamant déjà sa quatrième année d'existence, le KDP avait institué un programme de fonds de contrepartie afin que les dis- tricts intègrent les kecamatan ou sous-districts en puisant dans leur propre budget pour contribuer 80 % de la dotation globale accordée aux sous-dis- tricts. Plus d'un tiers des districts ont participé à ce programme pendant l'année de lancement. 182 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Aspects pratiques de la mise à l'échelle La manière dont les différents programmes ont atteint leur dimension actuelle est aujourd'hui examinée à la lumière des hypothèses du cadre théo- rique de la Conférence de Shanghai. Cette analyse est particulièrement importante parce qu'il ressort de certaines études qu'il est assez difficile d'extrapoler les programmes CDD à une échelle supérieure si on ne s'y prend pas comme il se doit (voir Banque mondiale 2005b). Engagement et économie politique pour le changement Aucun des programmes examinés n'aurait pu voir le jour sans l'appui des responsables politiques des pays concernés sous forme notamment de finan- cement des programmes ou de prise en compte des enseignements qui en découlaient dans la politique et les programmes nationaux de réduction de la pauvreté. A minima, les dirigeants politiques accordent une autonomie aux programmes et s'abstiennent le plus souvent de toute ingérence à carac- tère politique. Le programme CDD du Brésil a débuté en 1985 lorsque le pays renouait avec la démocratie. Les changements constitutionnels qui s'en sont suivis en 1988 ont donné la possibilité de tester et d'étendre des mécanismes de déve- loppement participatifs et décentralisés afin de transférer le pouvoir et les ressources budgétaires aux États et aux administrations locales, et de poser les jalons politiques, juridiques et financiers destinés à soutenir les initiatives locales de développement. Les effets positifs des programmes CDD, les éco- nomies qu'ils permettent de réaliser et la désillusion suscitée par les modèles antérieurs qui n'ont pas réussi à appuyer le développement du secteur rural font en sorte que ce soit les principes du développement impulsé par la com- munauté qui, aujourd'hui, sous-tendent la stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Au niveau des États, les services techniques assurent la supervision de la mise en oeuvre du programme depuis 1996 et ont ainsi ren- forcé leur expertise, instauré une certaine continuité et suscité l'adhésion des intéressés à l'approche adoptée. En Indonésie, la crise financière qui a frappé l'Asie et la désillusion susci- tée par le régime du Nouvel ordre ont ouvert une brèche qui a permis au programme KDP de se poser en solution adéquate pour le gouvernement qui recherchait des réponses urgentes aux attentes des populations. De son point de vue, ce programme a permis de construire d'importantes infras- tructures dans des zones difficiles d'accès, de décaisser les fonds plus rapide- ment que pour tout autre projet de la Banque mondiale, et de réaliser des projets presque sans aucun préfinancement du Trésor national. Par ailleurs, il était très largement bien conçu en comparaison aux investissements publics longtemps réalisés dans le cadre des initiatives de réduction de la pauvreté partant de la base. Pour la Banque mondiale, le programme KDP constituait un moyen d'entreprendre une reforme du dispositif de lutte con- PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 183 tre la pauvreté et de gouvernance à un moment où son portefeuille de prêts s'était amenuisé de 75 % et où elle avait besoin de redorer son blason terni par la collaboration avec le régime du Nouvel ordre. Au Pakistan, le programme NRSP a bénéficié du soutien des plus hautes autorités gouvernementales motivé par les acquis des initiatives pilotes pri- ses dans cinq districts isolés du nord du Pakistan. Le gouvernement a mis en place le programme et levé des fonds pour son expansion tout en lui laissant les coudées franches et une autonomie politique. Tout comme au Brésil, les programmes pakistanais sont mis en place sur fonds publics. Transposition à grande échelle : Innovations Autrefois des innovations, les aspects pratiques de la conception des pro- grammes CDD et des fonds sociaux constituent aujourd'hui une référence pour la planification de programmes similaires. · Le système de décaissement comprend des transferts directs de fonds aux conseils municipaux créés par les projets sans aucune intervention des autorités de la province et du district, comme c'est le cas au Brésil par exemple, ou le transfert de fonds par le canal gouvernemental, du Trésor aux comptes bancaires des villages au niveau du kecamatan, comme c'est le cas en Indonésie. · Les décaissements sont plus rapides grâce à un système modulaire où les sous-districts sont indépendants les uns des autres, ce qui évite d'enrayer le système à cause des sous-districts moins performants. · Les contributions non monétaires des communautés sont acceptées. · Les détournements de fonds sont sévèrement sanctionnés. · Il est procédé au renforcement des capacités d'un réseau de facilita- teurs formés qui fournissent aux populations locales divers services : prise de décisions participative, appels d'offres, et travaux et conseils techniques (le programme KDP s'est constitué un réseau de 45 000 entrepreneurs privés). · L'accent est mis sur la normalisation des procédures, des formulaires (d'une page en général), et des processus simples, ce qui entraîne une valorisation à grande échelle de la marque du programme et lui con- fère une capacité de franchise. Les règles du jeu sont transparentes. La clarté et la compréhension du mécanisme budgétaire, des processus et des procédures entraînent une plus grande responsabilité vis-à-vis des clients et, en retour, leur donnent le pou- voir de réclamer leur dû -- un principe réitéré à maintes reprises dans le cadre du programme. Un des objectifs précis des programmes CDD et de fonds sociaux est de bâtir des systèmes de gouvernance transparents pour réduire la pauvreté. Les ressources budgétaires sont octroyées directement aux col- lectivités qui les investissent dans les projets de leur choix. Dans chaque vil- lage couvert par le programme KDP, des panneaux d'affichage indiquent les investissements en cours, y compris les modalités de passation des marchés 184 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE et les montants alloués ; il est demandé aux fournisseurs de présenter leurs devis estimatifs au cours de réunions publiques plutôt que sous plis fermé ; des organisations non gouvernementales (ONG) indépendantes sont enga- gées dans chaque province pour contrôler l'exécution des projets ; et aux termes d'un contrat juridiquement contraignant pour lui, le Gouvernement indonésien donne carte blanche aux médias de dénoncer tout acte de cor- ruption. Quelque 850 articles ont été publiés à ce jour, dont un tiers sur la corruption. Ces principes sont repris dans nombre de programmes CDD et de fonds sociaux, bien qu'assortis de mécanismes variés. Le partage des coûts est un aspect obligatoire pour tous les programmes afin de s'assurer que les prestations sont réellement sollicitées par les popu- lations pour qui elles sont envisagées. Bien que la contribution minimale ait été fixée à 10 % pour les communautés, des contributions invariablement plus importantes ont été enregistrées. Dans le cadre de la récente initiative bosniaque, dans bien des cas la con- tribution des collectivités a atteint les 80 % du coût du projet (pour des pro- jets dont le coût total s'élevait à 50 000 dollars en moyenne). En Indonésie, le montant des contributions des communautés varie largement, mais il repré- sente en moyenne 17 % du coût du projet. Aux Philippines, les villageois et les administrations locales fournissent approximativement 40 % du coût du projet. Au Tadjikistan, l'un des 20 pays les plus pauvres au monde, l'apport des populations locales représente entre 10 et 50 % du coût du projet (pour des projets dont le coût total s'élève à 30 000 dollars en moyenne). Le fait d'investir dans le renforcement des capacités a permis d'institu- tionnaliser cette démarche et d'étendre les programmes. Pour passer à l'échelle supérieure, le programme KDP a investi dans le renforcement des capacités de 45 000 entrepreneurs privés -- facilitateurs, ingénieurs, techni- ciens. Le fonds social du Yémen investit dans le renforcement des capacités d'une société civile naissante afin de bâtir des partenariats et de faciliter la prestation de services. Il investit aussi dans les ministères d'exécution pour transférer son expérience et les enseignements tirés des projets afin d'amener le gouvernement à être plus à l'écoute des citoyens. Ces programmes passent en général par des canaux spéciaux hors des ministères sectoriels ou par des mécanismes locaux créés par les projets qui deviennent le canal de la fourniture coordonnée des services. Comment les programmes multisectoriels s'assurent-ils que des enseignants seront affec- tés dans les écoles qui ont été construites, ou que du personnel médical sera disponible pour faire fonctionner les dispensaires ? Dans le cadre du pro- gramme Kalahi mené par les populations locales aux Philippines, cette inté- gration horizontale est prise en compte par le biais du comité municipal interagences, un mécanisme de coordination interdépartemental mis à l'épreuve et testé dans l'ancien programme CDD. Dans chaque commu- nauté participant au programme Kalahi, ce comité est présidé par le maire et composé des chefs de départements, des représentants des agences natio- nales, des ONG et des bailleurs de fonds locaux. De même, au Brésil, les conseils municipaux créés dans le cadre du programme CDD jouent un rôle PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 185 de plus en plus important dans la planification et la répartition entre diffé- rents secteurs des ressources affectées à la réduction de la pauvreté octroyées par l'État. Au Yémen, lorsque les ministères en charge de la santé et de l'éducation n'ont pas été en mesure de pourvoir suffisamment de personnel médical féminin et d'enseignantes pour les dispensaires et les écoles que le fonds social et la population construisaient, le fonds a tout simplement changé de cap. Il a cessé de construire de nouveaux établissements hospitaliers et sco- laires pour commencer à former du personnel médical et enseignant afin de doter les infrastructures sociales existantes de personnel. La durabilité insti- tutionnelle est probablement le plus gros défi pour les programmes CDD et les fonds sociaux, ou pour tout type de programme nécessitant une coordi- nation et une exécution multisectorielles. Les structures de gestion décentralisées ont besoin de solutions innovan- tes. À mesure que s'étendait la couverture du programme KDP, la plupart des fonctions de gestion étaient transférées du centre vers les unités de ges- tion régionales. Les NRSP du Pakistan utilisent un modèle intéressant con- sistant à transposer plutôt qu'à étendre le seul et même programme. Ces dix programmes d'appui au secteur rural sont des entités distinctes qui gardent leur petite dimension et restent adaptées au contexte local, mais continuent d'être reliées les unes aux autres par une équipe-réseau centrale. Et dans les pays au relief hostile comme le Tadjikistan et le Yémen, la décentralisation est une nécessité si l'on veut toucher les pauvres ou les populations disper- sées. Chaque programme opère donc à partir de bureaux décentralisés (huit et six bureaux respectivement). La communication des méthodes à succès tirées de ces programmes est importante pour leur extension verticale et horizontale. Le fonds social du Malawi communique avec la population par le biais de pièces théâtrales radiodiffusées ou télédiffusées. Les messages diffusés expliquent les princi- pes de responsabilité et de transparence, et donnent des instructions sur des questions techniques spécifiques telles que l'approvisionnement et la passa- tion des marchés. Pour le passage à une plus grande échelle, il est essentiel d'avoir des orga- nisations bien gérées au personnel dévoué. Le fonds social du Yémen est un cas d'école en la matière. Au nombre de la multitude de méthodes qu'il applique figurent le recrutement fondé sur le mérite, les contrats axés sur les résultats et la place de choix accordée aux résultats. Apprentissage et expérience Le Brésil a connu une longue phase d'expérimentation qui a débuté en 1985 avec dix projets de la Banque mondiale comprenant un volet « développement mené par la communauté », lequel est par la suite devenu la seule composante des programmes corrigés de développement rural adop- tés en 1993. Le programme KDP a mis à profit les dix ans d'expérience du 186 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Gouvernement indonésien et de la Banque mondiale en matière d'approches de la planification en partant de la base, et il a pu rassembler les différents courants sous un programme global qu'il a transposé à grande échelle par les mêmes canaux administratifs et institutionnels. Le NRSP du Pakistan était initialement un projet pilote de six ans exécuté dans cinq districts démunis. Le programme Kalahi a aussi été implanté en terrain fertile et a capitalisé les approches participatives qu'appliquait le Département des affaires sociales et du développement, son agent d'exécution actuel. Les décisions du fonds social de passer à une échelle supérieure sont sous- tendues par un processus d'apprentissage par l'action et un suivi actif assurés par des systèmes de gestion de l'information bien conçus. Nombre d'initiatives ont souligné l'importance de disposer d'un système solide, notamment pour pouvoir contrôler plusieurs petites opérations de décaissement effectuées dans des zones géographiques dispersées. Cet investissement s'avère rentable. Les données sur les résultats dont disposait l'État de Bahia l'ont encouragé à allouer des fonds supplémentaires au programme CDD. Un moyen novateur de couvrir les coûts d'un tel système au Brésil consistait à impliquer les cher- cheurs des universités locales dans le suivi et l'analyse des données. Catalyseurs externes Il faut des fonds pour extrapoler des programmes à une grande échelle. À titre d'illustration, le programme KDP et le fonds social du Yémen ont, à ce jour, mobilisé approximativement 700 millions et 650 millions de dollars respec- tivement auprès de la Banque mondiale. Les NRSP pakistanais ont collecti- vement mobilisé plus de 100 millions de dollars au titre d'aide extérieure. La simplification des procédures des bailleurs de fonds et leur présence sur le terrain ont aussi facilité l'extension de ces programmes. La simplifica- tion des procédures de la Banque mondiale a été capitale au Brésil et en Indonésie. Les fonds étaient transférés directement par les canaux gouverne- mentaux du Trésor national vers les comptes des villages ; les fonds de con- trepartie comprenaient notamment des contributions non monétaires ; et un mécanisme modulaire de décaissement permettait au système de fonctionner normalement et de ne pas être ralenti par les unités qui étaient à la traîne. Un autre facteur essentiel dans les cas du Brésil, du programme KDP et du Yémen est la présence sur le terrain d'une équipe-projet centrale des services de la Banque mondiale qui assure la continuité des politiques et de la mise en oeuvre et fournit un appui en temps utile. Durabilité, impact et questions à examiner pour l'avenir Les sous-projets ou les projets de proximité font la preuve, certes limitée mais nouvelle, de leur durabilité au-delà des premiers acquis. Dans le cadre PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 187 du programme KDP, plus de 80 % des villages participants ont constitué des comités d'exploitation et d'entretien, et des examens des investissements réalisés dans le cadre des projets antérieurs ont révélé que 85 % des routes rurales entretenues étaient en bon état. Concernant l'adoption des processus et des principes des programmes CDD et de fonds sociaux, le programme Kalahi aux Philippines devrait pouvoir être couronné de succès après trois ans en raison de ses structures décentralisées qui sont mieux établies. Au Brésil et en Indonésie, les aspects fondamentaux de la conception des programmes ont été intégrés aux straté- gies nationales de réduction de la pauvreté. Quand est-ce que les projets sont dits durables ? Et les programmes devraient-il exister parallèlement ou être intégrés les uns aux autres ? À quel moment les processus des programmes de développement impulsé par la communauté et de fonds sociaux sont-ils intégrés dans les actions des pou- voirs publics vis-à-vis des citoyens, par opposition à la motivation entrete- nue par les projets ? De même, pendant combien de temps les bailleurs de fonds externes comme la Banque mondiale devraient-ils rester impliqués dans ces initiatives pour s'assurer qu'elles arrivent à maturité ? Le cas des NRSP plaide en faveur de la patience et de la persévérance. Il a fallu en effet 10 à 12 ans pour engager les organisations de proximité qui comptaient 80 % des ménages de chacun des six districts initialement couverts par le programme, le pourcentage considéré comme masse critique nécessaire pour enraciner le processus de mobilisation sociale, avoir des effets positifs évidents et mesurables, et influencer les politiques et les programmes natio- naux au Pakistan. Quelle est la vision à long terme des fonds sociaux et des initiatives de développement prises par la communauté -- pour faire partie en permanence du paysage institutionnel ou devenir une entité transitoire avec pour objectif de transférer et intégrer leur savoir-faire aux ministères d'exécution existants4 ? (Cela semble paradoxal puisque plusieurs ministè- res ne sont pas enclins à assumer de telles fonctions dans plusieurs parties du monde, raison pour laquelle ces mécanismes spéciaux avaient été créés au départ.) La tension est due au fait que les fonds sociaux qui enregistrent de bons résultats, et sont parfois les seules agences de développement fonc- tionnant bien, comme au Yémen, attirent de plus en plus de fonds, renfor- çant ainsi leur propre viabilité et leur pérennité alors que les ministères d'exécution se meurent. Quel cadre institutionnel permet une intégration multisectorielle ? Les institutions spécialisées bénéficiant d'un solide appui qui leur donne mandat pour assurer la coordination horizontale sont-elles la seule voie réaliste à suivre ? Comment les initiatives de développement menées par la commu- nauté et de fonds sociaux peuvent-elles être soumises à une meilleure coor- dination horizontale à l'échelon local ? Si on veut pérenniser ces programmes, l'idéal serait de les institutionnali- ser en les intégrant aux agences sectorielles existantes. C'est précisément à ce niveau que les tensions liées aux questions de pré carré et à la coordina- 188 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE tion surviennent, et la raison pour laquelle plusieurs programmes ne décollent jamais de la phase pilote. Les projets devraient-ils améliorer les conditions de vie là où les popula- tions se trouvent ou les déplacer vers de meilleures zones ? La question a été particulièrement débattue au cours des descentes sur le terrain effectuées dans le cadre du processus mondial de transfert des savoirs au Brésil, au Yémen et dans les régions les plus démunies du sud-ouest de la Chine. Devrait-on privilégier l'amélioration des conditions de vie de petits groupes de population dispersés dans des zones peu viables aux sols arides et hosti- les où la fourniture des services de base est onéreuse et difficile ? Ou les populations devraient-elles être encouragées à se déplacer vers des zones où la prestation de services est moins coûteuse et où il existe des solutions plus viables ? Que savons-nous de l'impact du développement impulsé par la commu- nauté et des fonds sociaux ? La plupart des initiatives sont à même de faire valoir des résultats concrets produits par leurs propres systèmes de suivi : kilomètres de voies de desserte construites, écoles et dispensaires construits, citernes d'eau installées, par exemple. Dans quelques cas, ces produits sont liés aux résultats intermédiaires que les projets ont eux-mêmes évalués. Ces investissements sont à l'origine d'acquis divers : augmentation des taux de scolarisation, services de santé, approvisionnement en eau potable, élargis- sement de l'accès aux services financiers, et réduction de la durée des déplacements pour accéder aux marchés et aux services. L'étude de cas du Brésil5 fait mention des évaluations réalisées conjointe- ment par la Banque mondiale et l'Organisation des Nations Unies pour l'ali- mentation et l'agriculture en 1994, 1995 et 2000. Les populations ont majoritairement choisi d'investir dans l'approvisionnement en eau et l'élec- trification en milieu rural. Depuis leur lancement dans les années 90, les fonds sociaux du Malawi et de la Zambie ont, mis ensemble, construit ou rénové près de 9 000 salles de classe, 3 500 logements pour enseignants, plus de 450 dispensaires et maternités, 5 000 points d'eau, 16 000 latrines, près de 11 000 kilomètres de routes, et plus de 1 000 ponts. Le programme KDP quant à lui compte à son actif 19 000 kilomètres de routes, 3 500 ponts, 5 200 systèmes d'irrigation, 2 800 unités d'approvi- sionnement en eau propre, 1 300 unités sanitaires, 475 écoles, et 140 agences villageoises. Au nombre des autres acquis cités dans l'étude de cas figurent les gains en temps sur les déplacements, la création d'emplois à courte durée pour 2,8 millions de villageois pour des travaux d'infrastruc- ture à fort potentiel de main-d'oeuvre, l'accès aux services financiers, la res- ponsabilisation des populations par la participation dans la prise des décisions, et le renforcement de la responsabilité publique. Un rapport de fin d'exécution de 2003 fait savoir que le programme KDP a atteint ses trois objectifs : augmenter les revenus des populations rurales, renforcer les administrations des kecamatan et des villages et les institutions locales, et améliorer les infrastructures publiques par des méthodes à forte intensité de main-d'oeuvre. Ce rapport note par ailleurs que le programme a PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 189 permis de renforcer le rôle de la société civile qui assure le suivi en stimulant des partenariats avec les médias et les ONG. Outre les acquis mentionnés ci- dessus, le rapport attribue au KDP l'extension de la prestation des services de défense juridique et d'éducation dans les villages couverts par le pro- gramme (Banque mondiale 2003b). Il ressort d'une évaluation de l'impact du fonds social yéménite réalisée en 2003 que les taux de scolarisation au supérieur ont augmenté, notam- ment pour les filles. Avant 1999, trois ans après la conception du pro- gramme, les taux de scolarisation des filles au sein des groupes de popula- tions bénéficiant d'une aide étaient de 20 % plus élevés que dans les groupes comparables, affichant ainsi une augmentation de 41 à 48 %. Les données de 2003 montrent que la proportion de filles scolarisées a augmenté de 42 % en 1999 à 56 % en 2003, et le taux global de scolarisation est passé de 60 à 68 %. Les dépenses du fonds social consacrées à l'éducation repré- sentaient 20 % du total des investissements du pays dans ce domaine. Les programmes CDD sont partis d'un principe très simple consistant à laisser aux populations le choix de l'utilisation et le contrôle des ressources qui leur sont destinées. Ce principe devient de plus en plus un code dictant la manière de parvenir à un « développement intelligent ». En y intégrant les principes de participation, de transparence et de responsabilité, on réduit la portée de la corruption, comparé aux projets partant du sommet pour la base. Le défi ici concerne le temps nécessaire pour que l'intervention exté- rieure permette à ces processus de prendre racine et de se poser en norme. Notes 1. Les études de cas relatives à des programmes CDD et de fonds sociaux sui- vantes sont abordées dans le présent chapitre : A. Masefield, « Afghanistan: The Role of the National Solidarity Program and National Emergency Employment Pro- gram in National Re-construction » ; A. Roumani, « Brazil: Community-driven Development in Rural Communities of the Northeast » ; H. Andersen, « Cambodia's Seila Program: A Decentralized Approach to Rural Development and Poverty Reduction » ; W. Guobao, Q. Yang, et C. Huang, « Southwest Poverty Reduction Project: A Multisectoral Approach » ; M. Naqvi, F. Kirlic, et S. Dukic, « The Community Development Project in Bosnia Herzegovina: Citizen-driven Deci- sion-making » ; S. Guggenheim, T. Wiranto, Y. Prasta, et S. Wong, « Indonesia's Kecamatan Development Program: A Large-scale Use of Community Development to Reduce Poverty » ; « Malawi and Zambia: Using Social Funds to Expand Infrastructure » ; S. F. Rasmussen, M. M. Piracha, R. Bajwa, A. Malik, et A. Man- soor, « Pakistan: Scaling Up Rural Support Programs » ; J. Tanaka, « The Pakiv European Roma Fund Initiative: A Civic Approach to Combating Socio-economic Exclusion among Roma (Gypsies) in Central and Eastern Europe » ; « Philippines: The Kalahi-CIDSS Project » ; « The South Asia Program for Poverty Alleviation » ; J. Penrose et O. Vasilenko, « The National Social Investment Fund of Tajikistan » ; W. Struben, « The Yemen Social Fund for Development ». Sauf indication contraire, toutes les statistiques et citations sont extraites des études de cas concernées. 190 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE 2. À partir de 2003, le Département de l'évaluation des opérations de la Banque mondiale (OED) a commencé à évaluer les projets de développement de proximité (CBD) et des projets de développement impulsés par la communauté (CDD) (Banque mondiale 2003a). Il a sélectionné un échantillon de 84 projets qu'il a examinés en profondeur. En plus d'une étude des documents des projets, l'OED a examiné les documents relatifs à la stratégie d'aide aux pays concernés, les documents de straté- gie pour la réduction de la pauvreté et les travaux menés sur les secteurs économi- ques formel et informel. Cette évaluation comprenait deux des cas sous étude dans le présent chapitre : le programme KDP et le programme CDD du Brésil. Seul le pre- mier a fait l'objet d'une évaluation rigoureuse dans le cadre du processus de Shan- ghai, et la méthode utilisée n'était pas la même que celle que l'OED utilise pour son évaluation multi-projets. Ses constations concernant le programme du Brésil sont nettement différentes de celles mentionnées dans le présent chapitre, et l'étude de cas sur le Brésil qui est analysée ici n'a pas fait l'objet d'une évaluation solide. Dans un souci d'harmonisation, nous prendrons bonne note des constations de l'OED dès lors qu'elles diffèrent des conclusions du présent chapitre. 3. Ces conclusions ne concordent pas avec celles de l'OED qui, dans son évalua- tion, fait observer que la préparation et la supervision des projets CDD sont plus onéreuses que celles des autres types de projets. En outre, les coûts encourus par l'emprunteur pour appliquer une approche participative sont très importants. Bien que les projets CDD aient aidé à diminuer les coûts des infrastructures destinées à la prestation des services encourus par les pouvoirs publics, les populations locales supportent aujourd'hui une part accrue des coûts de ces infrastructures. Par ailleurs, l'OED note qu'il est difficile de maintenir une prestation de service de qualité à tra- vers les infrastructures construites dans le cadre des projets CDD. 4. Il a également rassemblé des preuves probantes qu'il est difficile d'assurer la durabilité au-delà de la durée des projets : · Les projets de développement de proximité sont beaucoup plus efficaces lorsqu'ils soutiennent les efforts des populations locales à un stade avancé. · Ils aident à rénover les infrastructures et à multiplier les emplois au sortir d'un conflit, mais les effets des projets se trouvent réduits lorsqu'il manque des éléments complémentaires à la prestation de services tels que le person- nel enseignant ou le personnel médical. · Il est difficile d'assurer la durabilité des infrastructures et des services financés après le départ de la Banque mondiale. · Les projets de développement de proximité, en particulier lorsqu'ils sont impulsés par la communauté, représentent un défi permanent sur le plan du respect des politiques de sauvegarde et des normes fiduciaires. 5. Selon l'OED, il n'est pas clairement établi que les effets positifs des efforts mentionnés dans les études de cas sont attribuables aux projets de la Banque mon- diale. Bibliographie Guggenheim, Scott. « Crises and Contradictions: Understanding the Origins of a Community Development Project in Indonesia. », à paraître, dans The Search for Empowerment: Social Capital as Idea and Practice at the World Bank, éd. M. PROGRAMMES DE DÉVELOPPEMENT IMPULSÉS PAR COMMUNAUTÉS LOCALES 191 Woolcock, A. Bebbington, S. Guggenheim, et E. Olson. Bloomfield, CT: Kuma- rian Press. Malhotra, Mohini, 2005a. « Community-Driven Development Evaluation: Study Components ». Département de l'évaluation des opérations. Disponible sur http:/ /www.worldbank.org/oed/cdd/study_components.html. ------. 2005b. « The Effectiveness of World Bank Support for Community Develo- pment: An OED Evaluation ». Département de l'évaluation des opérations, Washington. ------. 2004. « Lessons: Scaling Up Successful Efforts to Reduce Poverty ». Dispo- nible sur http://www.reducingpoverty.org. Banque mondiale, 2003a. « Community-driven Development: A Study Methodology ». Département de l'évaluation des opérations. Disponible sur http://www.worldbank.org/oed/cdd/docs/discussion_paper.pdf, ------. 2003b. « Indonesia: Kecamatan Development Fund Project ». Rapport de fin d'exécution 26163, Département de l'évaluation des opérations, Banque mon- diale, Washington. 6 L'évaluation : Un moyen d'apprendre pour la mise à l'échelle Ariel Fiszbein et Coralie Gevers S'il est un aspect important du dialogue qui s'est instauré à la Conférence de Shanghai, c'est bien le raisonnement selon lequel l'atteinte des objectifs de développement pour le Millénaire (ODM, voir page xi) dépendra non seule- ment de l'augmentation des ressources mais aussi de la confirmation de l'engagement d'adapter et d'accélérer l'application des approches favorables à la réduction de la pauvreté. Mais comment savoir qu'une approche a du succès ? Grâce à des évaluations rigoureuses de l'impact des programmes, la communauté du développement, et les dirigeants des pays en développe- ment en particulier, ont largement l'assurance que les programmes qu'ils financent, mettent en oeuvre et envisagent transposer à une plus grande échelle ont effectivement un impact positif. On est très souvent tenté de conclure au « succès » d'un programme en se fondant sur des informations partielles ou incomplètes. En cherchant à rele- ver les défis du développement (ceux dont font l'objet les ODM, notam- ment), on court toujours le risque de tirer des conclusions hâtives par des extrapolations du succès apparent. C'est une tentation à laquelle il faut résister -- et garder un « oeil inquisiteur le processus d'évaluation » en est un bon antidote. Voici la quintessence du message que le défunt écrivain ita- lien, Primo Levi (1998, p. 24), véhicule si dramatiquement : 194 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Parce que le bon prophète se distingue difficilement du mauvais, nous devons nous méfier de tous les prophètes : il vaut mieux se garder des vérités révélées, aussi exaltantes que leur simplicité et leur splendeur puissent nous paraître et aussi convenables qu'elles que nous les trou- vions parce qu'elles n'ont pas de coût. Autant mieux se contenter de vérités plus modestes et moins exaltantes, durement et méticuleusement établies, sans prendre de raccourci, en ayant recours à l'analyse, au débat et au raisonnement, et que l'on peut attester et démontrer. Tout en restant dans le sillage de Levi, le présent chapitre souligne le fait que la valeur des échanges de connaissances (réels et virtuels), comme ceux intervenus à Shanghai, se trouve largement appréciée dès lors que cette démarche se fonde sur des évaluations rigoureuses de l'impact final des ini- tiatives de développement. Il passe en revue l'application de ces évaluations aux études de cas présentées à la Conférence de Shanghai et analyse les prin- cipaux défis de la vulgarisation de l'utilisation de ces types d'évaluation comme outil d'apprentissage et comme action nécessaire pour accroître l'impact des programmes de développement. L'évaluation d'impact : Un puissant outil parmi un éventail d'approches de l'évaluation Il existe plusieurs approches de l'évaluation qui sont appliquées. Un volet essentiel d'une approche du développement qui privilégie les résultats con- siste à suivre les progrès de la mise en oeuvre d'un programme et à déte- rminer si les objectifs visés sont atteints (par exemple, raccorder x ménages à un réseau de distribution d'eau ou construire y kilomètres de routes en terre au coût de z dollars). De même, la mise en évidence systématique des changements observés dans des résultats spécifiques (tels que la mortalité infantile ou la pauvreté monétaire) constitue un élément fondamental que les décideurs et les organismes de développement doivent prendre en compte. Bien que nécessaires pour s'assurer qu'un programme a été mis en oeuvre comme il se doit, ces éléments d'information peuvent ne pas suffire à dire si ce programme a effectivement atteint ses objectifs. Prenons le cas d'un pro- jet d'éducation visant à augmenter le taux de scolarisation au cycle primaire par la fourniture de repas gratuits dans les écoles, et supposons que, après deux ans d'exécution, le gestionnaire du projet et les pouvoirs publics cons- tatent l'augmentation souhaitée. Ils concluent donc au succès du projet et décident de le transposer à l'échelle nationale. Mais en dépit du succès apparent auquel laisse penser la simple comparaison des taux de scolarisa- tion avant et après l'exécution du projet, rien ne garantit que ce dernier soit le facteur déterminant de l'augmentation des taux de scolarisation. Cette augmentation pourrait en effet s'expliquer par une forte croissance écono- L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 195 mique au cours de la période concernée ayant permis aux familles démunies d'envoyer leurs enfants à l'école. Auquel cas la décision d'extrapoler le pro- jet à l'échelle nationale pourrait ne pas être judicieuse et entraîner le gas- pillage des ressources publiques. On peut tout aussi bien imaginer un cas où, après deux ans d'exécution d'un projet similaire, les pouvoirs publics et le gestionnaire du projet ne constatant aucune progression des taux de scolarisation décident de mettre fin au projet. Cette décision peut également s'avérer peu judicieuse : il est en effet possible qu'à cette période l'économie était en récession et que n'eût été le projet, les parents auraient peut-être retiré leurs enfants de l'école. Ces deux exemples élémentaires montrent que les décideurs ne sauraient se limiter à la seule observation d'un projet avant et après son exécution pour juger de l'efficacité d'un programme et décider d'en élargir ou d'en réduire l'échelle. Par ailleurs, on peut décider de comparer les résultats entre un groupe de personnes bénéficiant d'un projet et un autre n'en bénéficiant pas. Une démarche qui pourrait s'avérer tout aussi insidieuse. Le groupe exposé au projet pourrait en effet avoir des caractéristiques propres qui augmentent (ou réduisent) les chances de succès du projet -- il pourrait par exemple être plus (ou moins) motivé ou plus (ou moins) outillé que l'autre groupe. Auquel cas, on ne saurait inscrire au compte de l'ensemble de la population l'impact obtenu pour le groupe ayant bénéficié du projet. Les décideurs doi- vent donc s'appuyer sur des évaluations plus rigoureuses pour juger si un projet est le facteur déterminant du changement des résultats. Pour pouvoir établir cette relation de cause à effet entre un projet et les résultats observés, les évaluateurs et les chercheurs ont mis et continuent de mettre au point des méthodes généralement regroupées sous le vocable éva- luation d'impact. Ces méthodes ont pour but de mesurer les résultats spéci- fiques susceptibles d'être attribués à une intervention donnée (par exemple l'amélioration de l'apprentissage scolaire par le changement du profil des enseignants, ou l'augmentation des revenus des micro-entrepreneurs par l'élargissement de l'accès au crédit). Pour ce faire, elles se basent sur un scé- nario hypothétique représentant la situation des bénéficiaires en l'absence de l'intervention. La difficulté, du point de vue méthodologique, consiste à échafauder le scénario approprié. Ces méthodes sont expliquées dans l'enca- dré 6.11. L'évaluation d'impact constitue le procédé privilégié pour mesurer les résultats, en particulier lorsqu'elle est utilisée de façon stratégique pour tes- ter l'efficacité d'une approche spécifique de prise en compte des défis du développement. Les informations qui en sont extraites sont particulièrement importantes non seulement pour les décideurs directement en charge du programme évalué, mais aussi pour tous ceux qui envisageraient « transposer » (adapter) le programme dans leur propre pays ou milieu. D'expérience, les évaluations d'impact les plus répandues dans le domaine du développement sont celles des programmes de santé et d'éduca- tion. Un examen récent des évaluations de l'impact des projets financés par 196 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Encadré 6.1 Méthodes d'évaluation d'impact Il existe deux approches de base pour échafauder un scénario en absence d'intervention. Les modèles expérimentaux (aussi connus sous le vocable « modèles randomisés contrôlés ») élaborent un tel scénario à travers une sélec- tion aléatoire des bénéficiaires du programme à évaluer parmi une population donnée. Ce groupe constitue alors le « groupe expérimental » alors que ceux qui n'ont pas été sélectionnés constituent le « groupe témoin ». La taille appro- priée des échantillons aidant, le processus de sélection aléatoire assure l'équiva- lence des caractéristiques, observables ou non, entre le groupe expérimental et le groupe témoin et permet ainsi d'éviter les biais de sélection. L'impact du pro- gramme est déterminé par la différence des résultats moyens entre les groupes expérimental et témoin. Bien que considérées comme l'approche optimale pour évaluer l'impact d'un programme, les plans d'expérience randomisés peuvent s'avérer difficiles à réaliser pour diverses raisons, dont la réticence pour des considérations politiques ou de coût. L'autre approche, les modèles quasi-expérimentaux (encore appelés modèles non expérimentaux), s'appuie sur les modèles statistiques ou les caractéristi- ques conceptuelles d'un programme (qui produisent parfois des expériences non planifiées « naturelles ») pour élaborer un scénario en absence d'interven- tion. Des techniques sophistiquées d'économétrie sont utilisées pour constituer un groupe de comparaison dont les caractéristiques initiales sont autant que possible similaires à celle du groupe expérimental. Au nombre des modèles quasi-expérimentaux figurent des approches telles que la discontinuité de la régression, l'appariement par le score de propension et les variables instrumen- tales. Les méthodes quasi-expérimentales sont beaucoup plus courantes que les modèles randomisés contrôlés, notamment parce qu'elles peuvent s'appuyer sur des sources de données existantes pour évaluer un programme et, parfois, être utilisées après le démarrage du programme. Pour plus de détails sur les méthodes d'évaluation d'impact, se référer à Baker (2000), Ravallion (à paraître) ou Rossi (2003). Banque mondiale a par exemple montré que deux tiers de ces évaluations portaient essentiellement sur le secteur du développement humain2. Cela s'explique au moins en partie par les difficultés d'ordre méthodologique rencontrées par les évaluateurs pour élaborer les scénarios en absence d'intervention appropriés pour certains types de projets. Mais les cher- cheurs repoussent les limites de l'évaluation et mettent au point des moyens innovants de prise en compte des questions de sélection ou d'endogénéité pour des projets autrefois jugés impossibles à évaluer tels que les program- mes de microfinancements, d'infrastructures routières ou même d'autono- misation des femmes. Par le passé, l'exercice de ces évaluations se heurtait à l'absence de don- nées et aux difficultés techniques liées à l'élaboration d'un scénario en absence d'intervention. Certains progrès accomplis ces dernières années sur ces deux fronts ont toutefois facilité la réalisation systématique d'évalua- tions d'impact. Plus de pays en développement disposent désormais, et de L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 197 façon plus régulière, de données microéconomiques -- recueillies par le biais d'enquêtes sur les ménages ou sur la population et la santé, et un éven- tail de méthodes d'évaluation a été mis au point pour définir les postulats : des méthodes randomisées aux méthodes quasi-expérimentales (Ravallion, à paraître). C'est pourquoi des organismes publics, des chercheurs et des organismes de développement internationaux produisent de plus en plus d'évaluations d'impact pour les interventions dans le domaine du dévelop- pement. L'évaluation d'impact occupe une place de plus en plus importante dans ce domaine (se référer par exemple à Deaton [2005], Duflo et Kremer [2005] et Rawlings [2005]). Études de cas présentées à la Conférence de Shanghai : Évaluations et enseignements La Conférence de Shanghai représentait une initiative exceptionnelle visant à évaluer à l'échelle mondiale l'effectivité des programmes de lutte contre la pauvreté. Bien que les descriptions des cas examinés dans le cadre du pro- cessus mondial de transfert des savoirs fournissent souvent peu de détails sur l'approche appliquée pour évaluer chacun de ces programmes, la plu- part des évaluations procédaient d'une simple comparaison des résultats avant et après l'exécution des projets. Au regard de ce qui précède dans le présent chapitre concernant la valeur de l'évaluation d'impact dans la mise en évidence de la relation de cause à effet entre un programme et son impact, une recherche documentaire sur la question a été menée pour cha- cun des cas présentés à la Conférence de Shanghai afin de déterminer ceux qui ont véritablement fait l'objet d'une évaluation d'impact. Des 106 cas examinés, seize ont fait ou font actuellement l'objet d'une évaluation d'impact rigoureuse. Plusieurs autres cas ont fait l'objet d'un mélange d'évaluations quantitatives et qualitatives (voir annexe). C'est ainsi que dans quelques cas, les évaluations livraient des données sur la qualité d'un programme de développement ciblant des familles démunies, tandis que pour d'autres elles consistaient en une comparaison des niveaux de résultats du programme avant et après sa mise en oeuvre. Cependant, seize cas seule- ment peuvent assurément se prévaloir d'une « évaluation d'impact » qui soit le fruit d'un effort sérieux de comparer les résultats pour les bénéficiaires par rapport à un scénario en absence d'intervention approprié. Les programmes ou projets évalués sont présentés au tableau 6.1 suivant leur classification dans le recueil des résumés des études de cas présentées à la Conférence de Shanghai. Il ressort de ce tableau que les méthodologies adoptées pour mener les évaluations d'impact peuvent être adaptées à diverses interventions -- de la délégation de la gestion des écoles aux associations de parents d'élèves (Pro- gramme EDUCO à El Salvador) à la délivrance de titres de propriété aux familles démunies (Programme d'attribution de droits fonciers au Pérou). Tableau 6.1 Études de cas assorties d'une évaluation d'impact 198 Thème Expérience Méthode État d'avancement Microfinance Brésil : Compenser les meilleures pratiques par la croissance Expérimentale En cours de démarrage ­ Le programme CrediAmigo de la Banco do Nordeste Éducation Programme EDUCO, El Salvador : Un programme d'éducation géré Variable instrumentale Achevée par la communauté dans les zones rurales Santé : Philippines : Programme de développement des jeunes enfants Appariement par le Achevée ­ Pallier les effets néfastes de la pauvreté score de propension Transport Viêt Nam : Grandes infrastructures de transport au nord du Viêt Nam Appariement par le Achevée score de propension Développement mené par Programme de développement des kecamatan en Indonésie : Appariement par le Achevée la communauté/fonds Recours à grande échelle au développement de proximité pour score de propension sociaux réduire la pauvreté Projet de lutte contre la pauvreté en milieu urbain en Indonésie, Phase II Discontinuité de la En cours (une extension du Programme de développement des kecamatan) régression Zambie : Utiliser les fonds sociaux pour développer les infrastructures Appariement par le Achevée score de propension Philippines : Projet Kalahi-CIDSS Analyse par grappes En cours Programme d'Asie du Sud pour la réduction de la pauvreté À déterminer En cours de démarrage Fonds social pour le développement du Yemen Comparaison sans Achevée scénario en absence d'observation RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Tableau 6.1 Suite Thème Expérience Méthode État d'avancement Accès à la terre Programme d'attribution de droits fonciers du Pérou Appariement par le Achevée score de propension et variable instrumentale Inde : Système d'attribution en ligne des droits fonciers Différence simple Achevée Philippines: Projet d'appui à l'infrastructure pour la réforme agraire Différence simple Achevée Programmes ciblés Programme Bolsa Família du Brésil À déterminer En cours de démarrage Projet de réduction de la pauvreté dans le sud-ouest de la Chine : Une Appariement par le Achevée approche multisectorielle score de propension Programme Oportunidades du Mexique Expérimentale Achevée N B : Concernant l'état d'avancement, la mention « achevée » ne signifie pas que le projet est achevé, mais plutôt qu'au moins une évaluation du projet a été publiée. L'annexe au présent chapitre donne une vue d'ensemble plus complète des évaluations réalisées pour chacun des projets ou programmes, y compris les détails concernant les méthodes d'évaluation, les principales constations, et des références complètes. L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 199 200 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE L'évaluation du programme « Oportunidades » (précédemment dénommé PROGRESA) au Mexique illustre parfaitement la valeur de ce type d'évaluation. Ayant débuté en 1995 par un projet pilote, ce programme vise à améliorer la condition des familles démunies, aux plans de l'éduca- tion, de la santé et de la nutrition, et à encourager la responsabilisation et la participation active des familles dans le domaine de l'éducation. À la demande des pouvoirs publics mexicains, un volet « évaluation », exécuté par un groupe indépendant, International Food Policy Research Institute, a été intégré à ce programme dès sa conception. Cette évaluation a très vite mis en lumière les effets positifs du programme : progression de tous les indicateurs liés à la santé infantile, aug- mentation des taux de scolarisation, réduction de l'écart entre les taux de scolarisation des filles et des garçons, et augmentation sensible du nombre total d'années de scolarisation. Ces résultats ont décidé les pouvoirs publics mexicains à non seulement maintenir le programme, malgré les pressions politiques exercées pour qu'il soit changé, mais aussi à le transposer à une plus grande échelle. Au départ, ce programme privilégiait les zones rurales et profitait à 300 000 familles pauvres ; aujourd'hui il en touche cinq mil- lions à travers tout le Mexique. Les effets de l'évaluation de l'impact du programme «Oportunidades» se sont répercutés au-delà des frontières mexicaines, suscitant un intérêt dans d'autres pays (dont la Colombie), ce qui a donné lieu à des programmes similaires de transferts conditionnels de liquidités. Vu sous cet angle, on peut être fondé à dire que l'évaluation de l'impact d'un programme a favo- risé son extension dans le pays d'origine mais aussi la transposition horizon- tale d'une approche efficace de la réduction de pauvreté dans d'autres pays. Le tableau 6.1 met aussi en évidence les éléments permettant de comparer les évaluations d'impact d'interventions similaires -- exercice également appelé méta-évaluations3. Comme le relève l'analyse plus approfondie qui en est faite dans la prochaine section, ces méta-évaluations constituent une source de connaissances riche pour la communauté du développement et méritent de ce fait un appui concerté de sa part. Elles livrent aux décideurs des informations sur ce qui marche et ce qui ne marche pas -- ou sur les conditions du succès ou de l'échec. Elles aident aussi à établir des références. Grâce aux évaluations de projets antérieurs, un décideur saura à quoi s'attendre en mettant en oeuvre ce type de projet. L'évaluation d'impact comme outil d'apprentissage et d'élaboration des politiques : Les perspectives Le processus d'apprentissage de Shanghai nous donne une idée précise de l'avantage qu'on tire en mettant constamment à profit un processus d'apprentissage systématique basé sur des évaluations rigoureuses. Une vision proactive de l'effort d'apprentissage mondial s'inspirant des interven- L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 201 tions efficaces en matière de développement pourrait former une bonne base pour renforcer la réduction de la pauvreté dans les pays en développement. La section suivante traite des défis à relever pour traduire dans la pratique cette vision et examine les efforts actuellement déployés par la Banque mon- diale pour aider à relever ces défis. L'évaluation comme outil d'apprentissage mondial : Les défis Comme on l'a souligné précédemment, les évaluations (tous types confon- dus, mais en particulier celles visant essentiellement à établir une relation de cause à effet et donc celles plus pertinentes pour les personnes n'étant pas directement impliquées dans le programme évalué) représentent un bien public -- souvent international. Les évaluations d'impact génèrent en effet des connaissances permettant de savoir quelles sortes de programmes pro- duisent des résultats notables. Une telle information est particulièrement importante non seulement pour les décideurs directement en charge du pro- gramme évalué, mais aussi pour tous ceux qui envisageraient de le « transposer » (ou de l'adapter) dans leur propre pays ou milieu. Les éva- luations d'impact peuvent donc avoir un très grand effet sur le développe- ment si elles sont entreprises convenablement. Mais la consommation des études d'évaluation n'est généralement pas concurrentielle : leur exploita- tion par ceux qui les commandent n'est en aucun cas limitée lorsque des tiers les exploitent également. Elles sont aussi non exclusives, souvent : il est (de plus en plus) difficile d'éviter que les résultats de ces études parviennent à d'autres utilisateurs4. Le fait que l'exploitation des études d'évaluation ne soit ni exclusive ni concurrentielle en fait un bien public international dont la fourniture sur le marché est susceptible d'être insuffisante. En fait, les principaux acteurs du jeu de l'évaluation sont confrontés à une équation coût-avantage défavorable. Les capacités de la plupart des pays en développement sont insuffisantes (systèmes statistiques peu perfor- mants, expertise en matière d'évaluation d'impact relativement limitée, et relations délicates entre les organismes gouvernementaux de tutelle et les instituts de recherche leur fournissant un appui technique), touches choses qui ne sont pas suffisamment encouragées. Ils supportent tous les coûts (dont les charges directes de la réalisation de l'évaluation et les coûts éven- tuels liés au relèvement de la cote de crédit -- en fonction des résultats de l'évaluation -- pour les politiciens, les organismes d'exécution et les bailleurs de fonds) et en tirent une petite part des effets positifs (aussi bien à l'intérieur du pays, parce que les autres décideurs ne peuvent être exclus du bénéfice des enseignements découlant de ces évaluations, qu'à l'échelle inter- nationale, parce que les autres pays en bénéficieront également)5. Par ailleurs, la maîtrise de la dimension « bien public » est compliquée par le fait que les « traitements » envisagés (tels que l'amélioration de la qualité de l'éducation dispensée dans les établissements scolaires) sont très complexes, parce qu'au-delà du contenu du traitement, il faut des moyens 202 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE pour sa mise en oeuvre. Le contexte (politique, institutionnel et culturel) a une très grande influence. Plusieurs expériences pourraient donc être nécessaires pour ressortir les éléments hétérogènes du contexte et la variabi- lité du modèle. Ces arguments militent largement en faveur d'une évalua- tion à l'échelle internationale dont il convient de souligner la nécessité. Lorsque des interventions comparables sont évaluées dans des pays et des régions, les résultats de l'évaluation d'impact remplissent trois fonctions, en plus de celle évidente consistant à fournir des retours d'informations sur chacun des programmes. Tout d'abord les résultats des comparaisons cons- tituent la base empirique pour fixer les objectifs de résultats solides, à l'échelle du projet comme du pays (par exemple, quel niveau de baisse du taux de mortalité doit-on attendre en moyenne -- ou pour un groupe de personnes d'un âge précis -- d'un certain type de programme de santé infantile ?). Ces évaluations peuvent aider à établir des résultats de référence pour des interventions similaires dans des contextes variés. Ensuite, ils peu- vent aider à évaluer la relative efficacité des modèles de rechange de pro- grammes de développement dans des contextes et environnements natio- naux différents (par exemple, l'efficacité des programmes de transferts conditionnels de liquidités en milieu rural par rapport au milieu urbain, ou la gestion décentralisée par opposition à la gestion centralisée). Enfin, ces comparaisons des évaluations d'impact peuvent appuyer l'analyse de l'effi- cacité des différentes interventions par rapport à leur coût6. Bien qu'elles ne soient pas encore répandues dans le domaine du dévelop- pement, de plus en plus de méta-évaluations voient progressivement le jour. C'est ainsi que les expériences de plusieurs fonds sociaux ont été analysées dans le cadre des consultations de la Conférence de Shanghai. Ces expérien- ces, et quelques autres, font l'objet d'une récente étude (Rawlings, Sher- burne-Benz et Van Domelen, 2004). Bien que dix milliards de dollars de financements étrangers et intérieurs avaient été alloués à des fonds sociaux et que beaucoup d'encre avait coulé concernant leur rôle institutionnel, leur impact réel sur la pauvreté, la santé et l'éducation restait très peu connu. La méta-évaluation repose sur une évaluation des six fonds sociaux, et fait appel à différents types de méthodes d'évaluation pour en apprécier le ciblage et la durabilité, ainsi qu'à quelques méthodes randomisées ou non pour évaluer l'impact7. Pour les initiatives étudiées, le coût des évaluations d'impact -- qui englobent la conception de l'évaluation et la collecte des données auprès de 21 000 ménages et 1 200 écoles, dispensaires et projets d'approvisionne- ment en eau et d'assainissement -- représente moins de 1 % des ressources du programme, en moyenne. En comparant les résultats obtenus dans les six études de cas, le rapport établit la preuve concluante de l'impact positif de ces fonds sociaux et indique des façons dont on pouvait renforcer leurs effets à long terme sur le développement. Les méta-évaluations devraient pouvoir être réalisées bientôt dans d'autres domaines. Dans le cadre des programmes ciblés par exemple, les évaluations des expériences enregistrées au Brésil, en Chine et au Mexique L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 203 ne sont pas les seuls exemples. Plusieurs autres évaluations sont actuelle- ment élaborées autour de programmes similaires de transferts conditionnels de liquidités dans d'autres pays : Bangladesh, Burkina Faso, Cambodge, Chili, Colombie, Équateur, Jamaïque, Nicaragua et Turquie. Transgresser la dimension « bien public » En ce qui concerne les évaluations, la difficulté, comme avec les autres biens publics (en particulier ceux à caractère international), consiste à mettre en place un système pour promouvoir ou permettre une fourniture appropriée. Comment prendre en compte la dimension « bien public » ? La commu- nauté du développement a récemment débattu largement de cette question et d'autres moyens possibles de coordonner ses efforts. Les options spécifi- ques ne sont pas encore clairement définies et aucun consensus ne s'est dégagé jusqu'ici. Mais les discussions en cours soulignent la nécessité de superposer les actions à entreprendre dans un certain nombre de domaines. Premièrement, le bon sens nous fait savoir qu'on a absolument besoin de subventions pour réduire les coûts des évaluations supportés par les pays en développement. À cet égard, la solution serait de subventionner la produc- tion des enquêtes de référence et de suivi -- la partie des évaluations la plus onéreuse (et la plus exposée aux risques). Il va sans dire que cela doit se faire dans le cadre de schémas d'évaluation de bonne facture du point de vue méthodologique. Deuxièmement, à moyen terme, ces subventions peuvent être plus effica- ces par rapport à leur coût et viables dès lors qu'elles sont consacrées au renforcement des capacités dans les domaines de la statistique et de l'évalua- tion. À titre illustratif, les coûts d'une évaluation de qualité sont beaucoup plus faibles dans les pays dotés d'un système bien établi d'enquêtes nationa- les sur les ménages que dans ceux ne disposant pas d'un tel système. Troisièmement, il convient de s'accorder sur ce qui doit être évalué afin maximiser l'apprentissage par l'évaluation. Assez souvent, les résultats des évaluations de chaque programme ne font pas l'objet de comparaisons sys- tématiques, notamment parce que la comparabilité de ces résultats pourrait être compromise si l'élaboration du schéma de chaque évaluation n'est pas coordonnée d'une certaine façon. D'une manière plus générale, la non pla- nification de ces méta-analyses suppose souvent que les possibilités d'entre- prendre des études comparatives dont on pourrait tirer des enseignements précieux hors des pays où elles sont réalisées, pourraient passer inaperçues ou rester inexploitées. Au bout du compte, les avantages tirés des évalua- tions, bien qu'importants, restent bien en-dessous de leur potentiel. En d'autres termes, exploiter pleinement les avantages qu'offrent les éva- luations requiert à la fois une approche stratégique pour identifier les pro- grammes ou thèmes à évaluer en priorité et une approche coordonnée pour planifier la réalisation des évaluations. Le défi de cette coordination com- prend au moins deux volets : d'une part la coordination entre les organis- 204 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE mes d'aide (multilatéraux et bilatéraux) et d'autre part la coordination entre les priorités des bailleurs de fonds et celles du pays bénéficiaire8. Relever ce défi n'est certes pas chose simple, cependant une condition nécessaire à remplir est de trouver les moyens de faciliter une large partici- pation des pouvoirs publics et des experts des pays en développement à la sélection des thèmes de l'évaluation et à la réalisation de l'évaluation pro- prement dite. Autrement dit, il faut impérativement s'assurer que ceux qui ont la charge de l'évaluation dans les pays en développement puissent pren- dre une part active dans cette nouvelle démarche qui privilégie davantage l'évaluation d'impact comme outil d'apprentissage. Un scénario pour l'avenir Pour faire suite au processus mondial de transfert des savoirs engagé à la Conférence de Shanghai, imaginons le scénario ci-après : des dirigeants et des acteurs du développement venus du monde entier se réunissent en 2010 pour la « Deuxième Conférence de Shanghai sur la réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale ». Quelle forme devrait revêtir cette conférence ? Shanghai II pourrait comprendre plus d'une douzaine de sessions axées chacune sur des défis spécifiques du développement tels que la réduction des taux de mortalité infantile, l'amélioration des résultats scolaires, l'augmen- tation de la productivité et des revenus des agriculteurs pauvres et des micro-entrepreneurs, la réduction de la vulnérabilité des ménages pauvres aux chocs, etc. À chacune des sessions, les acteurs du développement des pays en développement présenteraient et compareraient des approches tes- tées et éprouvées (dont l'impact a été évalué) pour prendre en compte ces défis, et débattraient de leur efficacité relative par rapport aux coûts et des conditions de leur adaptation à différents contextes. Au cours des débats, ils feraient référence à des études d'évaluation dont plusieurs pourraient avoir été menées par un ou plusieurs spécialistes des pays en développement. Que faut-il pour traduire la vision d'un Shanghai II dans la réalité ? Trois conditions essentielles doivent être remplies. Premièrement, il faut s'assurer de la réalisation, dans les pays et dans les régions, des évaluations de l'impact des approches de rechange pour relever les défis du développement. À titre d'exemple, puisqu'on suppose naturellement que les enseignants (leurs capacités et leur comportement) sont des facteurs importants de l'amélioration des résultats scolaires, il est essentiel de tester d'autres façons d'organiser les écoles et de recruter et rétribuer les enseignants, et d'en éva- luer l'impact sur les résultats scolaires. Mais les résultats des évaluations indépendantes à eux seuls ne suffiraient pas. La deuxième condition à remplir est donc de comparer les résultats de ces évaluations en procédant par des méta-analyses. En s'appuyant une fois de plus sur l'exemple de l'amélioration des résultats scolaires, on cherche- rait à tester et à évaluer par exemple les mécanismes flexibles de recrutement des enseignants dans différents contextes nationaux afin de juger de la qua- L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 205 lité des résultats et, dans l'hypothèse où ceux-ci sont positifs, faire une esti- mation de l'ampleur des effets escomptés. Par ailleurs, dans plusieurs cas, il est possible de comparer ces résultats avec ceux des approches de rechange visant les mêmes résultats. Dans cet exemple, les résultats des évaluations des mécanismes flexibles de recrutement des enseignants pourraient être comparés à ceux qui mesurent l'impact des dispositifs de décentralisation de la gestion des établissements scolaires sur les résultats scolaires. Ces types de méta-analyses placeraient les participants de Shanghai II dans une position plus confortable que ceux de Shanghai I pour débattre de la meilleure façon d'aborder les défis spécifiques du développement -- dont ceux repris dans les ODM. La troisième condition pour matérialiser la vision de Shanghai II serait que les participants des pays en développement prennent à leur compte non seulement les interventions concernées mais aussi les évalua- tions dont elles sont assorties. Cette adhésion est au coeur de « l'esprit de Shanghai ». La tâche est de taille. En se servant de Shanghai I comme point de départ et de l'analyse faite dans la première partie de ce chapitre comme référence, Shanghai II nécessiterait de gros efforts pour évaluer l'impact de chaque programme et comparer ces évaluations. Si nous devions par exemple com- mencer par les mêmes études de cas que celles examinées dans le cadre du processus de transfert des savoirs de Shanghai I, on estime que les progrès accomplis au plan de la méthodologie permettraient aujourd'hui d'évaluer 40 d'entre elles (en plus des 16 cas présentés dans ce chapitre) -- en suppo- sant que les pays disposent des capacités financières et techniques. Pour assurer l'adhésion des représentants des pays en développement, il faudra que les gouvernements et les chercheurs de ces pays s'impliquent dans ces évaluations bien plus qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici. Élargissement de l'engagement des bailleurs de fonds dans les évaluations d'impact Relever ces défis nécessite des mesures et des efforts de la part de tous les partenaires du développement. Malgré tous les efforts consentis pour élargir le rôle de la Banque mondiale dans la promotion et l'appui des évaluations d'impact, il ressort des états des lieux partiels dressés qu'une petite propor- tion des projets de la Banque mondiale ont des composantes « évaluation d'impact » -- et pour une proportion bien plus petite encore, cette compo- sante a été bien exécutée du point de vue technique9. Cherchant à contribuer à la concrétisation de la vision susmentionnée d'un transfert mondial des savoirs tirés des programmes de développement éprouvés et à s'attaquer à nombre des goulots d'étranglement relevés, la Banque mondiale a, sous la direction de son économiste en chef, mis en application l'Initiative pour l'évaluation de l'impact au plan du développe- ment (DIME) afin de mieux coordonner et étendre ses actions dans le domaine de l'évaluation d'impact. 206 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE L'initiative DIME vise à augmenter le nombre de projets financés par la Banque ayant une composante « évaluation d'impact », en particulier dans les domaines stratégiques et les thèmes fortement sollicités par ses clients (notamment, transferts conditionnels de liquidités, diverses approches d'amélioration de la prestation des services en matière d'éducation, et pro- grammes d'assainissement des quartiers insalubres). La Banque pose éga- lement les jalons d'un processus d'analyse comparative des résultats de ces évaluations qui fourniront des renseignements fort utiles pour une gestion axée sur les résultats et pour les services-conseils fondés sur l'expérience qu'elle fournit à ses clients. Une telle approche ciblée permettra une compa- raison systématique de l'efficacité des interventions spécifiques dans diffé- rents contextes (nationaux, régionaux, etc.) et des modèles de rechange, et donnera ainsi l'occasion unique de montrer combien les enseignements tirés des évaluations d'impact peuvent permettre de déterminer « ce qui marche » et « ce qui ne marche pas », et d'obtenir des mesures solides des résultats à attendre des programmes à succès. Toutefois, pour relever ce défi, il faudra conjuguer les efforts afin de pro- gresser dans cette direction, notamment par un appui technique et financier soutenu aux pays en développement pour renforcer leurs propres capacités en matière de statistiques et d'évaluation, et par un engagement cohérent et constant de la part des bailleurs de fonds et de la communauté internatio- nale acquise au développement afin de promouvoir l'évaluation des pro- grammes qu'ils financent et de coordonner les efforts de diffusion des ensei- gnements qui en découlent -- tout en veillant à une large participation des pouvoirs publics et des chercheurs des pays en développement. Le chemin de la connaissance ci-dessus décrit par Primo Levi n'est pas facile à arpenter. Mais il est à coup sûr le mieux indiqué. Annexe : Vue d'ensemble des évaluations Avertissement : Le présent chapitre traite essentiellement des évaluations d'impact rigoureuses faisant généralement recours à un scénario en absence d'intervention. Il convient de noter que nombre des programmes sous étude ont fait l'objet d'autres formes d'évaluations : évaluations qualitatives, ana- lyses de ciblage, analyses coûts-avantages sociaux, inventaires des résultats tangibles, etc. Dans un souci de concision et de précision, les autres types d'évaluation n'ont pas été résumés dans la présente annexe. Pays : Brésil Programme : Programme CrediAmigo de la Banco do Nordest, financé par la Banque mondiale Résumé du programme : Ce programme a démarré en 1997 comme unité autonome au sein de la Banco do Nordeste avec pour objectif d'améliorer L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 207 l'accès des microentreprises à des services financiers formels et durables dans la région du nord-est du Brésil. Il consiste à octroyer des prêts à des microentrepreneurs bien établis pour financer leurs besoins en fonds de roulement et en immobilisations. Ce programme fait recours au système de groupement solidaire pour consentir des prêts d'une durée moyenne de trois mois à de petits groupes de trois à cinq emprunteurs. Il a été lar- gement extrapolé à grande échelle entre 1997 et 2000, et est rapidement devenu la plus grande institution de microfinance au Brésil, triplant de taille entre 2000 et 2004. Bien qu'ils n'en aient pas encore fait l'annonce officielle, les pouvoirs publics entendent assouplir les conditions d'éligibi- lité à ce programme. Synthèse de l'évaluation : Un échantillon de candidats inéligibles aux termes des conditions antérieures fera l'objet d'une enquête et sera affecté au hasard à deux groupes : les éligibles et les inéligibles (aux termes des nou- velles conditions assouplies). Plusieurs indicateurs de résultats serviront à mesurer les impacts, y compris les résultats liés à l'expansion des activités économiques, au changement du niveau des revenus des ménages, à la responsabilisation des femmes, à la mise en valeur du capital social, et au ciblage des services de crédit. Ces effets seront analysés en « intention de traiter » (c'est-à-dire la différence entre les candidats affectés au groupe éligible et ceux affectés au groupe inéligible), et sur la base du traitement du groupe traité (en tenant compte des décaissements réels effectués au titre des prêts du programme CrediAmigo). Faisant recours à un groupe témoin sélectionné au hasard, non seulement cette méthode de la diffé- rence dans la différence évaluera les effets de ce programme, mais elle donnera aussi lieu à une véritable analyse des données par rapport à laquelle des caractéristiques non expérimentales pourront être comparées et évaluées. Principales constatations : À publier au courant de l'été 2006. Évaluateurs : Emmanuel Skoufias, Susana Sanchez, Pedro Olinto (Banque mondiale) et Dean Karlan (Université de Princeton), en collaboration avec CrediAmigo de la Banco do Nordeste, Fortaleza, Brésil. État d'avancement : Démarrage prévu au courant de l'été 2005. Source : Skoufias, E., S. Sanchez, P. Olinto et D. Karlan. 2004. « Research Proposal: An Evaluation of the Impact of CrediAmigo and the Expansion of Access to Financial Services in Brazil. » Photocopie. Banque mondiale, Washington. Pays : El Salvador Programme : EDUCO (Educación con Participación de la Comunidad -- Éducation avec la participation de la communauté) Résumé du programme : Le programme EDUCO a pour objectif de décentraliser la gestion de l'éducation en renforçant l'implication et la participation directes des parents et des groupes de proximité. Les com- munautés économiquement défavorisées (comme en témoignent la mal- nutrition sévère et le manque d'accès aux services sociaux) sont les cibles 208 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE prioritaires des initiatives EDUCO. Ces communautés prennent l'initia- tive d'organiser leurs propres écoles dont l'administration et le finance- ment sont assurés par une association de ménages. Les établissements scolaires EDUCO sont gérés en toute autonomie par une association locale dont les membres sont élus parmi les parents d'élèves et que le ministère de l'Éducation engage pour dispenser un programme d'ensei- gnement donné à un nombre convenu d'élèves. Cette association a la res- ponsabilité d'engager et de congédier les enseignants en fonction de leurs résultats, et d'assurer l'équipement et l'entretien des établissements sco- laires. Synthèse de l'évaluation : Les évaluateurs ont procédé à une estimation de la production des établissements scolaires afin de comparer les résultats obtenus à des tests normalisés et la fréquentation des établissements sco- laires EDUCO par les élèves des zones rurales à ceux des établissements scolaires traditionnels. Les données des enquêtes transversales qui ont été menées concernaient 311 établissements scolaires (EDUCO et autres) répartis dans approximativement la moitié des municipalités du pays. Les évaluateurs ont analysé les traits caractéristiques des élèves et les biais de sélection, en ayant recours à une formule à caractère exogène pour cibler les établissements scolaires EDUCO comme variable instrumentale. Principales constatations : Les évaluateurs ont découvert que l'expansion rapide des établissements scolaires ruraux grâce au programme EDUCO n'a pas eu d'effet néfaste sur les résultats scolaires, et a réduit les absences des élèves dues à celles des enseignants, ce qui pourrait avoir des effets à long terme sur les acquis. Évaluateurs : Emmanuel Jimenez (Banque mondiale) et Yasuyuki Sawadab (Université de Stanford). Les données ont été collectées par le ministère de l'Éducation salvadorien avec l'aide de la Banque mondiale et de l'Agence de développement international des États-Unis. État d'avancement : Achevée Source : Jimenez, E. et Y. Sawadab. 1998. « Do Community-managed Scho- ols Work? An Evaluation of El Salvador's EDUCO Program. » Document de travail n° 8, série sur l'Évaluation de l'impact des réformes du secteur de l'éducation, Banque mondiale, Washington. Pays : Philippines Programme : Programme de développement des jeunes enfants (ECD), financé par le Gouvernement philippin, la Banque asiatique de dévelop- pement et la Banque mondiale. Résumé du programme : Ce programme qui est en cours a pour objectifs la prestation de services qui garantissent la survie des enfants et favorisent leur développement physique et mental, et l'établissement d'un partena- riat efficace entre les services publics nationaux et l'administration locale. Il assure la promotion du développement psychosocial et de la nutrition des jeunes enfants par la vaccination, la gestion des maladies infantiles, la lutte contre la carence en micronutriments due à la malnutrition, et des L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 209 séminaires sur l'efficacité de la responsabilité parentale. Des municipali- tés présélectionnées dans deux régions ont reçu des dons pour investir dans la prestation d'un ensemble de services et bénéficient d'un appui à la mise en oeuvre. Synthèse de l'évaluation : Des chercheurs ont évalué le programme en s'appuyant sur des données temporelles individuelles collectées sur trois ans dans deux régions participant au programme et dans une région témoin qui n'en a pas bénéficié. Il s'agissait de répondre à deux questions : quel a été l'impact général sur les enfants dans les zones expé- rimentales (analysées en « intention de traiter ») et quel a été l'impact plus particulièrement sur les enfants exposés au programme (le « traitement du groupe traité ») ? En raison des différences initialement observées entre le groupe témoin d'une part et le groupe analysé en inten- tion de traiter et le groupe traité, les données mesurées aux échelons de la municipalité, du barangay, du ménage et de l'enfant sont utilisées pour l'appariement au plus proche voisin afin de concevoir le scénario en absence d'intervention. On a recours à la différence dans la différence établie entre la situation de référence et les enquêtes ultérieures concer- nant les groupes expérimentaux et les scénarios en absence d'intervention correspondants pour faire une évaluation estimative de l'impact de l'offre du programme et de celui de sa mise en oeuvre. Principales constatations : Les résultats de la comparaison appariée en intention de traiter indiquent une amélioration notable des scores Z du rapport taille-poids chez les enfants âgés de cinq ans et plus dans la troi- sième série d'enquêtes (3 ans et plus dans la situation de référence). Ces résultats fournissement également la preuve de l'augmentation sensible des scores en matière de développement cognitif, social et moteur pour les enfants âgés de trois ans et moins vivant dans des zones exposées au programme ECD comparé à ceux ne vivant pas dans ces zones. Enfin, la preuve est faite de la forte baisse de la proportion d'enfants âgés de moins de quatre ans atteints de vers dans les zones exposées au pro- gramme en comparaison aux autres zones. Les résultats basés sur la com- paraison appariée en intention de traiter n'indiquent aucun effet notable du programme sur le sous-échantillon bénéficiant du traitement. Évaluateurs : Jere Behrman (Université de Pennsylvanie), Paulita Duazo, Socorro Gultiano (Université de San Carlos, Philippines), Sharon Ghu- man (Université de Michigan), Elizabeth King (Banque mondiale), et Lina Laigo (Gouvernement philippin, Conseil pour le bien-être de l'enfant), en collaboration avec l'équipe ECD chargée des études à l'Office des études démographiques, Université de San Carlos, Philippi- nes. État d'avancement : Achevée. Source : Behrman, J.,P ;Duazo, S. Ghuman, S. Gultiano, E. King, and N. Lee. 2005 « Evaluating the Early Childhood Development Program in the Philippines. » Étude présentée à la réunion annuelle de la Population Association of America, Philadelphie, 31 mars ­ 2 avril 2005. 210 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Behrman, J., S. Gultiano, E. King et L. Laigo. 2004. « A Better Start in Life: The Early Childhood Development Program in the Philippines ». Photocopie. Banque mondiale, Washington. Ghuman, S., J. Behrman, J. Borja, S. Gultiano et E. King. 2003. « Family Background, Service Providers, and Early Childhood Development in the Philippines: Proxies and Interactions. » Étude présentée à la réunion annuelle de la Population Association of America, mai 2003. Présentation sur Powerpoint faite par les auteurs à la Banque mondiale, Washington, le 5 avril 2005. Disponible sur http://web.worldbank.org/ WBSITE/EXTERNAL/NEWS/0,,con- tentMDK:20483008~menuPK:34482~pagePK:34370~piPK:34425~the- SitePK: 4607,00.html. Site Web du programme : http://proxy.dswd.gov.ph/ecd/index.html. Pays : Viet Nam Programme : Développement d'infrastructure : Projet de transport rural au Viet Nam, Phase I Résumé du programme : Il s'agit d'un vaste projet de réhabilitation des rou- tes rurales dont l'objectif était de relier les centres locaux (communes) aux marchés pour réduire la pauvreté. Ce projet a été exécuté par le biais du ministère des Transports du gouvernement central qui décidait des provinces devant bénéficier du projet. Ce dernier concernait les provinces démunies et visait à réhabiliter des routes sélectionnées en fonction des coûts de réhabilitation et de la densité des communautés desservies. Des routes bitumées et des routes en terre ont été réhabilitées ; aucune nou- velle route n'a été construite. Synthèse de l'évaluation : L'étude d'analyse faisait appel à l'appariement par le score de propension pour constituer un groupe témoin de communes, en ayant recours à l'appariement au soutien du traitement, l'appariement au soutien commun, et l'appariement au plus proche voisin. L'ensemble des données temporelles individuelles comprenait des données de réfé- rence et des données recueillies après l'exécution du projet aussi bien pour les zones expérimentales que témoins dans six des 18 provinces, choisies pour leur représentativité géographique. L'estimateur de la diffé- rence dans la différence a été utilisé pour mesurer les effets à l'échelon communal. Les données de l'enquête stratifiée sur les ménages ont été recueillies au hasard auprès d'un échantillon de communes pour repré- senter les niveaux de revenu dans le tiers des communes et ont servi à déterminer si les impacts varient d'un ménage à l'autre en fonction du niveau de revenu. Principales constatations : Les évaluateurs ont jugé que le projet a touché plus de ménages pauvres que s'il avait couvert l'ensemble des communes rurales de façon égale. Dans l'ensemble, le projet a abouti à une amélio- ration de la qualité des routes et a davantage privilégié les routes bitumées par rapport aux routes en terre. Les services de fret sont plus disponibles et le temps nécessaire pour accéder à certains services a été L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 211 réduit. Le projet a aussi augmenté les chances de réussite des autres pro- jets d'infrastructure gouvernementaux dans la commune. Ses effets variaient considérablement d'un groupe de ménages ayant le même niveau de revenus à un autre, les effets les plus importants ayant été observés dans les ménages les plus démunis. Évaluateurs : Dominique Van de Walle et Dorothy Jean Cratty (Banque mondiale), s'appuyant sur l'enquête Survey of Impacts of Rural Roads in Vietnam et sur l'enquête 1997/1998 Vietnam Living Standards Survey. État d'avancement : Achevée. Source : Van De Walle, D. et D. Cratty. 2002. « Impact Evaluation of a Rural Rehabilitation Project ». Photocopie. Banque mondiale, Washing- ton. Pays : Indonésie Programme : Programme de développement des kecamatan (KDP1) Résumé du programme : Ce programme a pour objectifs d'augmenter les revenus des populations rurales, de renforcer les administrations des kecamatan et des villages et les institutions locales, et de construire des infrastructures publiques par des méthodes à forte intensité de main- d'oeuvre. Ses quatre composantes sont les suivantes : octroi de dotations globales aux kecamatan ; assistance technique à la mise en oeuvre, four- nie notamment par des consultants nationaux et provinciaux en gestion et des ingénieurs des kabupaten ; suivi ; et études de politique générale. Synthèse de l'évaluation : Cette étude s'appuie sur les dépenses de consom- mation réelles pour évaluer les effets du programme sur le bien-être des bénéficiaires. Les trois phases du KDP1 sont évaluées individuellement, à partir des données de l'enquête socioéconomique nationale et de l'enquête PODES (recensement à l'échelon des villages). Les données (recueillies en 1998, 2001, 2002 et 2003) étant une série d'ensembles de données transversales plutôt que des données temporelles individuelles, l'appariement par le score de propension a été réalisé à deux reprises pour chacune des phases : une fois pour l'appariement ex ante et une fois pour l'appariement ex post. L'appariement au plus proche voisin a servi à calculer l'effet moyen de l'intervention sur les groupes traités. Recours a été fait à la méthode du suréchantillonnage pour faire une estimation des écarts-types fiables. À part l'analyse de l'appariement, l'étude a aussi fait une estimation des effets de trois autres facteurs sur le taux de rendement : participation des populations locales, montant des sommes réunies par les populations locales dans le cadre des swadaya, et qualité des facilitateurs du projet. Une analyse du ciblage a également été entre- prise dans le cadre de cette étude. Principales constatations : La méthode d'appariement a révélé un impact positif non négligeable du programme sur les dépenses de consommation, les impacts les plus importants ayant été observés sur les kecamatan par- ticipant depuis plus longtemps au KDP. Le résultat a su purger l'effet des différents montants de décaissements en calculant le taux de rendement 212 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE annuel pour chaque kecamatan dans chaque cycle. Pour faire une estima- tion de la participation, il a fallu s'appuyer sur la présence aux réunions et sur les activités liées à la prise de décisions au cours des réunions, et tout cela était corrélé à l'augmentation de l'impact. On a aussi noté une corrélation positive des fonds des swadaya, après avoir purgés les endogénéités en utilisant l'augmentation des swadaya et du rendement au sein des projets plutôt que de procéder à des comparaisons entre projets. La qualité du facilitateur n'a pas été mesurée par rapport au grade reçu (qui pourrait être endogène), mais en fonction du niveau de promotion ; l'effet n'était cependant pas significatif. Évaluateurs : Vivi Alatas, avec Scott Guggenheim et Susan Wong (Banque mondiale), utilisant les données de l'enquête socioéconomique nationale et du recensement PODES des villages, aimablement communiquées par le Bureau central des statistiques indonésien. État d'avancement : Achevée. Source : Alatas, V. 2005. « An Evaluation of Kecamatan Development Project ». Projet. Pays : Indonésie Programme : Projet de lutte contre la pauvreté en milieu urbain II (UPP2), la deuxième génération du Programme de développement des kecamatan adapté aux zones urbaines. Résumé du programme : Ce projet comprend deux composantes principa- les. La première est le développement de proximité et le renforcement des capacités des administrations locales à travers notamment la constitution d'organisations locales dont les membres sont élus (BKM) à l'échelon municipal et l'élaboration d'un plan triennal de développement de proxi- mité participatif. La seconde consiste à octroyer des dotations à ces nou- velles organisations. Les sous-projets couvriront un éventail d'activités de réduction de la pauvreté assorties de plusieurs options possibles. Il existe une troisième composante, plus petite, qui consiste à financer un don pour un partenariat de lutte contre la pauvreté afin d'encourager la colla- boration entre les administrations locales et les BKM dans le cadre de forums. Au total 15 provinces seront couvertes, et 3 150 municipalités locales environ participeront à ce projet. Le projet sera opérationnel dans tous les districts ; les sous-districts urbains seront sélectionnés suivant une méthode simple consistant à cibler des pauvres. Tous les arrondisse- ments/villages situés dans les sous-districts sélectionnés participeront au projet. Synthèse de l'évaluation : Partant de la situation de référence, trois séries de données seront recueillies à travers une enquête menée auprès des com- munautés participantes et des communautés témoins. Les évaluateurs feront recours à une analyse de la régression de la discontinuité pour identifier les différences entre les communautés expérimentales et les communautés témoins. Les données quantitatives seront analysées sui- vant les méthodes de la différence dans la différence. Les données qualita- L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 213 tives seront utilisées en même temps que les données quantitatives pour adapter l'évaluation au contexte local et pour étudier des questions spéci- fiques au contexte indonésien. L'aspect qualitatif servira aussi à élaborer des hypothèses spécifiques dont les possibilités de généralisation seront testées à l'aide des données quantitatives. Principales constatations : À publier fin 2008. Évaluateurs : Menno Pradhan, Vijayendra Rao, Vivi Alatas (Banque mon- diale), Victoria Beard (Université de Californie-Irvine), Indah Setyawati (GTZ/Siskes), et Andi Achdian (Institute of Political Economy Study), avec la participation du Gouvernement indonésien et de l'ASEM (rencon- tre Asie-Europe) État d'avancement : L'évaluation proposée est en cours d'examen pour financement. Source : Pradhan, M., V. Rao et V. Alatas. 2005. « A Mixed Method Eva- luation of Community-Driven Development in Urban Indonesia ». Requête adressée au Programme de recherche de la Banque mondiale pour un don au titre du budget d'appui à la recherche. Projet. Pays : Zambie Programme : Programme de redressement social de la Zambie (ou ZAMSIF : Fonds d'investissement social de la Zambie) Résumé du programme : Le Programme de redressement social de la Zam- bie a procédé à une répartition des ressources assez équitablement entre les régions, en ayant recours à l'autociblage pour atteindre les zones les plus démunies. Le choix des types de sous-projets que le fonds social pou- vait financer a été opéré de sorte à atteindre automatiquement les com- munautés relativement moins nanties. Le fonds social privilégiait les sec- teurs de l'éducation et de la santé, ainsi que les infrastructures économiques de base : routes rurales, ponts et marchés, systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement, et projets d'irrigation. Synthèse de l'évaluation : Deux modèles d'évaluation ont servi à mesurer les effets sur les secteurs de l'éducation et de la santé : une comparaison prospective prenant comme groupe témoin les communautés qui avaient été admises au fonds social mais n'en avaient pas encore bénéficié et, pour corriger les biais de sélections des hétérogénéités observables, on a eu recours à l'appariement par le score de propension. Principales constatations : Scolarisation : Des effets positifs, notables seule- ment dans les zones urbaines, ont été observés sur la fréquentation des écoles. La scolarisation des enfants en âge d'aller à l'école a progressé et la part des dépenses des ménages consacrée à l'éducation a également augmenté. Santé : Des éléments probants laissent penser que le fonds n'a pas eu d'effet sur les maladies en soi, mais a renforcé la prise de cons- cience face aux problèmes de santé. Les maladies ont beaucoup plus été déclarées au sein du groupe expérimental ; l'incidence de la diarrhée et les possibilités de recherche d'un traitement (lorsqu'elles n'étaient pas condi- tionnées par la déclaration de la maladie) n'étaient pas sensiblement dif- 214 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE férentes d'un groupe à l'autre. Par ailleurs, le groupe expérimental était beaucoup moins susceptible de solliciter des soins dans un hôpital et plus dans un dispensaire. L'effet sur les vaccinations était aussi positif et nota- ble. Évaluateurs : Robert S. Chase (Université Johns Hopkins, School of Advan- ced International Studies) et Lynne Sherburne-Benz (Banque mondiale), en collaboration avec les services du fonds social et le Bureau central des statistiques zambien sur la conception de l'enquête et des échantillons, la collecte des données et les informations institutionnelles État d'avancement : Achevée. Source : Chase, R. S. et L. Sherburne-Benz. 2001. « Household Effects of African Community Initiatives: Evaluating the Impact of the Zambia Social Fund ». Photocopie. Disponible sur http://www1.worldbank.org/ prem/poverty/ie/details_evaluation.cfm?id=63. Pays : Philippines Programme : Programme Kalahi-CIDSS (Kapitbisig Laban Sa Kahirapan -- Prestation intégrée de services sociaux, un projet du Département du bien-être social et du développement des Philippines) Résumé du programme : Le programme Kalahi-CIDSS vise l'autonomisa- tion des communautés locales à travers le renforcement de leur participa- tion à l'administration locale et leur implication dans la conception, l'exécution et la gestion des projets de réduction de la pauvreté. Il com- prend trois composantes : octroi de subventions aux communautés, appui à l'exécution pour renforcer les institutions locales, officielles ou non, et suivi et évaluation. À travers un processus compétitif, les villa- geois sélectionnent les projets à partir d'une multitude d'options et les hiérarchisent aux fins du financement. Le programme Kalahi fournit des prestations telles que les routes, l'eau potable, les écoles, les installations sanitaires, les garderies et l'électricité. Les villageois et les administrations locales contribuent environ 40 % du coût du projet. Les projets semblent faire gagner du temps et économiser de l'argent en fournissant des presta- tions de services aux pauvres et en donnant aux villageois des possibilités bien orchestrées d'accéder à l'information, d'exprimer leurs vues et d'influencer l'administration locale. Synthèse de l'évaluation : Le fait que le projet cible le quartile le plus pauvre des municipalités des provinces couvertes rend impossible l'appariement par le score de propension. En lieu et place, les évaluateurs auront recours à une analyse par grappes pour établir des rapprochements entre les municipalités participantes et d'autres municipalités similaires devant constituer le groupe de comparaison. Une enquête est actuellement en cours et ceux qui y répondent ont été sélectionnés suivant un échantillon- nage randomisé, stratifié et à plusieurs étapes. Cette enquête de référence, ainsi que les enquêtes à mi-parcours et de suivi qui sont prévues, fourni- ront des données temporelles individuelles sur les groupes expérimentaux et témoins requises pour l'évaluation d'impact. L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 215 Principales constatations : À publier fin 2008 ou début 2009. Évaluateurs : Robert Chase et Camilla Holmemo (Banque mondiale), en collaboration avec le Département du bien-être social et du développe- ment des Philippines. L'enquête de référence a été menée par l'Asia-Paci- fic Policy Center. État d'avancement : En cours. Source : Banque mondiale. 2005. « CDD and Social Capital Impact: Desi- gning a Baseline Survey in the Philippines ». Washington. Pays : Région d'Asie du Sud Programme : Programme de réduction de la pauvreté en Asie du Sud (SAPAP), tel que transposé à plus grande échelle dans le cadre du Projet d'initiatives de réduction de la pauvreté dans les districts (DPIP) en Inde. Résumé du programme : Le SAPAP était une initiative plurinationale desti- née à s'attaquer à la pauvreté par la mobilisation sociale, la création d'organisations des pauvres afin que ceux-ci conçoivent et gèrent des pro- grammes d'action pour satisfaire leurs besoins. Ce programme a couru de 1996 à 2003, mais depuis lors il a été transposé à une plus grande échelle à travers la région sous des formes de projets variées. En Inde, le DPIP a été exécuté dans trois États : Andhra Pradesh, Madhya Pradesh et Rajas- than. Ces projets ont été préparés dans les années 90 et approuvés en 2000. Chacun d'eux est unique, mais ils ont tous un même objectif principal : l'autonomisation économique, politique et sociale des pau- vres. Chacun de ces projets se fonde sur les principes suivants : 1) les populations sont les meilleurs juges de la manière dont leur vie et leurs conditions de vie peuvent être améliorées, et 2) les ressources devraient aller aux populations pour financer les activités de leur choix au lieu de passer par les ministères d'exécution. Synthèse de l'évaluation : Une évaluation conjointe des trois DPIP est actuellement en cours. Chacun de ces projets dispose de données de réfé- rence dans les villages exposés aux projets comme dans les autres. Une enquête à mi-parcours sera menée pour les trois projets. À l'exception de celle d'Andhra Pradesh toutefois, les enquêtes à mi-parcours n'ont pas été organisées et menées de manière à ce qu'il soit permis à ce stade de dire un mot sur l'impact du projet en se fondant sur la situation de référence et sur les données recueillies à mi-parcours sur les ménages. L'évaluation à mi-parcours du projet de Madhya Pradesh est prévue pour le printemps 2005. Celle du projet d'Andhra Pradesh est en cours. On ne dispose pas encore d'informations détaillées sur la méthode employée. Principales constatations : Pas encore disponibles. Évaluateurs : Lant Pritchett, Klaus Deininger et Salimah Samji (Banque mondiale) État d'avancement : En cours Source : Version provisoire du document intitulé « DPIP Joint Interim Assessment: Under-standing Project Differences », et correspondance avec Salimah Samji, juin 2005. 216 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Pays : Yémen Programme : Fonds social pour le développement (SFD) Résumé du programme : L'approche du fonds social pour réduire la pau- vreté repose sur trois principales composantes : projets de développement de proximité pour des travaux d'infrastructure d'échelle réduite à forte intensité de main-d'oeuvre (approvisionnement en eau, assainissement et routes de desserte) et prestation de services sociaux de base (éducation et santé) ; développement de microentreprises par l'assistance technique, la formation et l'accès au crédit ; et renforcement des capacités pour aider les organisations non gouvernementales, les populations locales et le sec- teur privé à identifier, exécuter et exploiter des projets financés par le fonds social. Lorsqu'il finance des travaux publics en rapport avec le pro- gramme de développement de proximité, le fonds social mobilise tout d'abord les communautés pour hiérarchiser les investissements et contri- buer à leur financement et pour participer à la prise en charge des dépen- ses courantes. L'autonomie du fonds social par rapport à la bureaucratie gouvernementale lui laisse une assez grande marge de manoeuvre pour ce qui est des procédures opérationnelles et relatives aux décaissements. Synthèse de l'évaluation : Cette évaluation portait sur plusieurs points et a fait appel à différentes méthodes. Une enquête nationale sur la pauvreté menée en 1999 a fourni les données de référence pour les communautés participantes. Les données ex post concernant le groupe d'intervention provenaient d'une enquête de 2002 qui a aussi servi de référence pour les communautés à couvrir ultérieurement. Pour certains thèmes, on a eu recours à l'évaluation qualitative exclusivement. Pour les évaluations quantitatives, l'accent a été mis sur la comparaison entre les situations avant et après le projet, mais les données de référence de 1999 n'étaient pas toujours disponibles. Pour certains thèmes donc, les données ex post de 2002 ont été comparées aux nouvelles données de référence de 2002 pour le groupe concerné par les interventions ultérieures. Pour les autres thèmes, on a eu recours à un mélange de la comparaison entre les situa- tions avant et après le projet et de la comparaison prospective ex post. Pour ce qui est des indicateurs des progrès des ménages, il a été procédé à la comparaison des données ex ante de 1999 et ex post de 2002 sur les communautés exposées au projet. Un groupe hypothétique n'a pas été créé en raison des contraintes budgétaires. En lieu et place, une analyse de régression multifactorielle a été réalisée pour contrôler les éventuelles hétérogénéités entre deux groupes. Principales constatations : Les résultats de l'évaluation concernant les indi- cateurs du développement à l'échelon des ménages mettent en évidence une augmentation sensible des taux de scolarisation brute des filles et une baisse du nombre d'enfants accusant un retard scolaire ; une augmenta- tion de la proportion des individus malades ou blessés recevant des soins ; aucun effet majeur sur les délais et la couverture des vaccinations, l'obtention de soins prénataux, ou l'incidence de la diarrhée ; une aug- mentation de la proportion des ménages s'approvisionnant en eau à par- L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 217 tir d'installations domestiques et une baisse de l'utilisation des citernes, des réservoirs sans pompe, de l'eau de puits, et de l'eau de barrage ; et une réduction du temps nécessaire et de la distance à parcourir pour recueillir de l'eau hors des domiciles. D'autres résultats seront disponi- bles après une enquête ex post sur les communautés de référence de 2002 prévue pour fin 2005. Évaluateurs : Ian Walker ; avec l'assistance de Vincent David, Fidel Ordoñez et Freddy Velásquez (ESA Consultores), commissionnés par la Banque mondiale, avec l'aide de l'équipe de terrain yéménite pour la col- lecte, la saisie et le traitement des données. État d'avancement : Achevée. Sources : ESA Consultores International. 2003. « Yemen Social Fund for Development, 2003 Impact Evaluation Study: Final Report ». Teguci- galpa, Honduras. Disponible sur http://www.esa.hn/i_publicaciones.asp. Commentaires d'Ian Walker, envoyés par courrier électronique, 8 juin 2005. Pays : Pérou Programme : Programme d'attribution de droits fonciers en milieu urbain : COFOPRI (Commission d'attribution de droits fonciers) Résumé du programme : En 1991, un projet d'attribution de droits fonciers a été institué dans la ville de Lima avec pour objectif d'attribuer et d'enre- gistrer les droits fonciers. En 1996, le Gouvernement péruvien a, sous la houlette de l'organisme public COFOPRI, créé un registre foncier natio- nal pour officialiser les propriétés foncières qui ne l'étaient pas encore à Lima et étendre le programme à sept autres villes. Des titres fonciers ont été délivrés à un coût extrêmement bas à des demandeurs qui pouvaient justifier d'une occupation du domaine de l'État concerné datant d'avant 1995. Le but visé était de permettre d'accroître l'investissement dans le logement en renforçant la sécurité foncière. Synthèse de l'évaluation : Une enquête transversale menée en 2000 a été stratifiée à l'échelle de la ville, avec des grappes de dix ménages échantillonnés au hasard au niveau des quartiers. Les données recueillies ont été exploitées dans le cadre de cinq évaluations d'impact distinctes pour mesurer l'impact du programme sur l'octroi de crédits, la fertilité, l'emploi au profit des ménages, l'utilisation du temps, et l'investissement dans le logement. Les évaluations ont été conduites suivant les méthodes suivantes associées : la différence dans la différence, l'analyse en inten- tion de traiter, l'appariement par le score de propension (méthode Kernel, tirage au sort, méthode du plus proche voisin, et rapprochement strati- fié), variables instrumentales, et contrôle par l'analyse de régression pour les caractéristiques observables des ménages et des quartiers et/ou le recours aux effets urbains fixes. Principales constatations : Utilisation du temps : Les ménages exposés au programme sont moins susceptibles de garder une personne à la maison pour surveiller les biens, comptent plus d'heures de travail domestique, 218 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE ont plus d'emplois hors domicile, font moins travailler les enfants, et se divertissent plus hors du domicile. Emploi : Les ménages exposés au pro- gramme accomplissent plus d'heures de travail par semaine, cet effet s'accroissant pour les personnes étant entrées plus récemment en posses- sion d'un logement sur terrain titré et pour les ménages comptant moins de travailleurs ; travaillent pendant plus de mois par an, comptent plus de personnes en âge de travailler ayant un emploi ; et font moins tra- vailler les enfants (dans les familles de petite taille). Fertilité : Ce pro- gramme a eu des effets négatifs notables sur les taux de natalité ; cet effet était accentué dans les ménages dont les femmes étaient propriétaires fon- cières. Octroi de crédits : Le programme a abouti à une forte réduction du nombre de demandes des prêts rejetées ; cet effet concerne surtout les ménages auxquels les banques ont demandé de fournir un titre foncier ; le programme a eu un effet négatif majeur sur les taux d'intérêts appli- qués aux prêts. Investissement dans le logement : Le programme a eu un effet positif important sur l'investissement dans le logement, les rénova- tions, les aménagements dans les domiciles, et l'investissement financé de la propre poche des individus. Évaluateurs : Erica Field (Université de Harvard), en collaboration avec Maximo Torero (IFPRI [International Food Policy Research Institute]) sur l'évaluation de l'octroi des crédits État d'avancement : Achevée. Sources : Field, E. À paraître. « Property Rights and Investment in Urban Slums ». Journal of the European Economic Association, Documents et comptes rendus. ------. 2003. « Entitled to Work: Urban Tenure Security and Labor Sup- ply in Peru ». Document de travail n° 220, Programme de recherche de l'Université de Princeton en études du développement, Princeton, New Jersey. ------. 2003. « Fertility Responses to Urban Land Titling Programs: The Roles of Ownership Security and the Distribution of Household Assets ». Photocopie. Université de Harvard, Cambridge, Massachusset. ------. 2003. « Property Rights, Community Public Goods and House- hold Time Allocation in Urban Squatter Communities ». William and Mary Law Review 45 (3): 837­87. Field, E. et M. Torero. 2003. « Do Property Titles Increase Credit Access among the Urban Poor? Evidence from a Nationwide Titling Program ». Photocopie. Université de Harvard, Cambridge, Massachusset. Pays : Brésil Programme : Programme Bolsa Família Résumé du programme : En 2003, le Conseil de politique sociale du Brésil a lancé le programme Bolsa Família visant à intégrer plusieurs programmes fédéraux, dont Bolsa Escola, Bolsa Alimentação, Cartão Alimentação et Auxílio-Gás. L'association de ces programmes de transferts conditionnels de liquidités et leur coordination avec d'autres programmes sociaux L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 219 étaient supposées éliminer les inefficacités et les doubles emplois adminis- tratifs liés à la gestion séparée de chacun des programmes. Cette réforme a abouti à un programme unique et amélioré le transfert conditionnel de liquidités destiné à réduire directement la pauvreté par des transferts monétaires directs vers les familles démunies, et à prévenir la pauvreté future en encourageant l'investissement dans le capital humain. Ce pro- gramme se concentre sur trois principaux points : la cellule familiale, la décentralisation et un registre unifié de programmes sociaux. Un trait dis- tinctif du programme est la coordination institutionnelle -- au sein du gouvernement, entre les échelons de l'administration, et entre le gouver- nement et la société. Synthèse de l'évaluation : Des évaluations quantitatives rigoureuses à court et à moyen termes sont en cours de planification. Les détails sur la méthode à employer ne se sont pas encore disponibles. Principales constatations : Pas encore disponibles Évaluateurs : Kathy Lindert et Pedro Olinto (Banque mondiale), en collabo- ration avec des chercheurs locaux du ministère brésilien du Déve- loppement social État d'avancement : En cours de planification Source : Correspondance par courrier électronique des évaluateurs, juin 2005. Pays : Chine Programme : Projet de réduction de la pauvreté dans le Sud-ouest Résumé du programme : Le Projet de réduction de la pauvreté dans le Sud- ouest visait à réduire la pauvreté en augmentant le stock de capital privé et public (local) des ménages agriculteurs dans les zones démunies. Le programme englobait un éventail d'activités génératrices de revenus, des emplois autres qu'agricoles, des services sociaux de proximité, et la cons- truction d'infrastructures rurales. Synthèse de l'évaluation : Des enquêtes annuelles pendant quatre ans, fai- sant suite à une enquête de référence. Dans le cadre d'une estimation par le procédé de la différence dans la différence, des villages non traités des contés participants au projet ont servi de groupe témoin. À cause de l'hétérogénéité initiale entre les deux groupes (et des possibilités qu'elle influe sur le traitement), on a eu recours à la méthode de l'appariement par le score de propension (l'appariement au soutien extérieur et l'appa- riement calibré ont été utilisés). Principales constatations : Les évaluateurs ont noté un effet positif majeur sur le revenu et sur l'épargne, et un effet négatif sur la pauvreté (considé- rable lorsque les méthodes non rapprochées de la différence dans la diffé- rence et d'appariement au soutien extérieur étaient utilisées). Évaluateurs : Martin Ravallion et Shaohua Chen (Banque mondiale), en collaboration avec l'Office national chinois des statistiques pour la con- ception et la réalisation de la collecte des données de l'enquête. État d'avancement : Achevée. 220 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Source : Ravallion, M. et S. Chen. À paraître. « Hidden Impact? Household Saving in Response to a Poor-Areas Development Project ». Journal of Public Economics. Pays : Mexique Programme : Programme Oportunidades (ex PROGRESA) Résumé du programme : Ce programme vise à améliorer la condition des familles démunies aux plans de l'éducation, la santé et la nutrition, et en particulier celles des enfants et de leur mère. La composante éducation consiste à octroyer des dons pour l'éducation destinés à compenser les coûts d'opportunité de la scolarisation, à appuyer l'approvisionnement en fournitures scolaires, et à améliorer la prestation et la qualité des servi- ces en matière d'éducation. La composante santé et nutrition consiste à accorder des dotations monétaires pour la consommation alimentaire, fournir une enveloppe de services sanitaires, l'éducation en matière de nutrition et de santé, la prestation améliorée des services de santé, et les compléments alimentaires. Les transferts de liquidités et la prestation des services de santé et alimentaires sont conditionnés par la scolarisation des enfants au taux minimal de 85 %, le respect par les membres des ména- ges du nombre de visites dans les dispensaires et la participation des mères aux cours sur la santé et la nutrition. Synthèse de l'évaluation : Les communautés pauvres éligibles ont été réparties au hasard entre le groupe expérimental et le groupe témoin dont les caractéristiques ne permettaient pas de les distinguer du point de vue statistique. Une enquête de référence menée avant l'apparition des effets positifs du programme et quatre enquêtes de suivi à six mois d'intervalle ont permis de recueillir des données temporelles individuelles pour les deux ans qu'a duré l'expérience. Près d'une douzaine d'évaluations d'impact ont été menées pour ce programme dans le but d'évaluer ses effets sur l'éducation (scolarisation, fréquentation de l'école, résultats des tests, âge en fin de cycle, redoublement, taux d'abandon scolaire et de réintégration scolaire), santé (visites hospitalières, type de fournisseur employé, nutrition, taille des enfants, maladies infantiles, santé de l'ado- lescent et de l'adulte), consommation, temps passé avec les familles, situation des femmes et relations intra-ménages. Plusieurs de ces évalua- tions font appel à la méthode de la différence dans la différence, mais l'analyse économétrique est tout aussi bien utilisée pour déterminer les écarts transversaux dans les indicateurs pour lesquels les données de réfé- rence ne sont pas disponibles. Les évaluations d'impact ont été complé- tées par plusieurs analyses de ciblage. Principales constatations : Consommation : La consommation alimentaire a augmenté. L'alimentation était plus équilibrée et de meilleure qualité. Les dépenses autres qu'alimentaires ont aussi augmenté, plus d'agent étant dépensé pour les vêtements et les chaussures des enfants. Santé : Les ser- vices préventifs ont augmenté (contrôle de la croissance/du poids/de l'état nutritionnel, vaccination, examens médicaux et soins prénataux). L'inci- L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 221 dence des maladies et le nombre de visites hospitalières ont chuté chez les jeunes enfants. Le taux de croissance des enfants était plus élevé, la mor- bidité et les risques d'anémie faibles, et les cas d'arrêt de croissance et de malnutrition moins nombreux. Le nombre de jours sans activité pour des raisons de santé a baissé chez les adultes et leur capacité à marcher sans se fatiguer s'est accrue. La prévalence des contrôles des naissances a aug- menté. Éducation : La scolarisation a progressé et l'écart entre les filles et les garçons s'est resserré dans les établissements du second cycle. Les taux de continuation ont augmenté tandis que les taux d'abandon ont reculé au primaire. Les taux de redoublement et d'échec ont baissé, notamment pour les filles. Le nombre total d'années de scolarisation a considérable- ment augmenté. Travail : Les incitations au travail n'ont pas été affectées chez les adultes. Le travail des enfants a baissé. Évaluateurs : Michelle Adato, Jere R. Behrman, David Coady, Benjamin Davis, Sudhanshu Handa, Rebecca Lee Harris, John Hoddinott, Mari- Carmen Huerta, Paul Gertler, Susan W. Parker, Raul Perez, T. Paul Schultz, Emmanuel Skoufias, Beatriz Straffon, Graciela Teruel et Ryan Washburn (IFPRI), à la demande du Gouvernement mexicain, en collabo- ration avec Piyali Sengupta et Petra Todd (Université de Pennsylvanie). État d'avancement : Achevée. Sources : Adato, M. 2000. « Final Report: The Impact of PROGRESA on Community Social Relationships ». Rapport présenté au programme PROGRESA. IFPRI, Washington. Behrman, J. et J. Hoddinott. 2000. « An Evaluation of the Impact of PROGRESA on Pre-school Child Height ». Rapport présenté au pro- gramme PROGRESA. IFPRI, Washington. Behrman, J. P. Sengupta et P. Todd. 2001. « Progressing through PRO- GRESA: An Impact Assessment of a School Subsidy Experiment ». Pho- tocopie. Université de Pennsylvanie (concerne l'admission à l'université, les redoublements, les abandons scolaires, et la réintégration scolaire). ------. 2000. « Final Report: The Impact of PROGRESA on Achieve- ment Test Scores in the First Year ». Rapport présenté au programme PROGRESA. IFPRI, Washington. Coady, D. et R. L. Harris. 2000. « Final Report: A General Equilibrium Analysis of Welfare Impact of PROGRESA ». Rapport présenté au pro- gramme PROGRESA. IFPRI, Washington. Gertler, P. 2000. « Final Report: The Impact of PROGRESA on Health ». Photocopie. IFPRI, Washington. Handa, S., M.-C. Huerta, R. Perez et B. Straffon. 2000. « Final Report: Poverty, Inequality, and `Spill-over' in Mexico's Education, Health and Nutrition Program ». Rapport présenté au programme PROGRESA. IFPRI, Washington. Hoddinott, J., E. Skoufias et R. Washburn. 2000. « The Impact of PRO- GRESA on Consumption: A Final Report ». Rapport présenté au pro- gramme PROGRESA. IFPRI, Washington. 222 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Levy, S. et E. Rodriguez. 2004. « Economic Crisis, Political Transition and Poverty Policy Reform: Mexico's PROGRESA­Oportunidades Program ». Photocopie. Mexican Institute of Social Insurance, Mexico City. Parker, S. et E. Skoufias. 2000. « The Impact of PROGRESA on Work, Leisure and Time Allocation ». Rapport présenté au programme PRO- GRESA. IFPRI, Washington. Schultz, T. P. 2000. « Final Report: The Impact of PROGRESA on School Enrollments ». Rapport présenté au programme PROGRESA. IFPRI, Washington. Teruel, G. et B. Davis. 2000. « Final Report: An Evaluation of the Impact of PROGRESA Cash Payments on Private Inter-household Transfers ». Rapport présenté au programme PROGRESA. IFPRI, Washington. Pays : Inde Programme : Système d'attribution en ligne de droits fonciers à Karnataka : Kiosques Bhoomi. Résumé du programme : Le Département des revenus du Gouvernement de Karnataka a procédé à l'informatisation de 20 millions de dossiers fon- ciers de 6,7 millions d'agriculteurs dans l'État. Par le passé, lorsqu'une parcelle de terrain était vendue ou héritée, les demandes de modification des dossiers fonciers ou d'obtention d'un exemplaire du Titre de pro- priété, location et exploitation agricole (RTC) -- un document exigé par les banques pour l'octroi de crédits qui, entre autres, établit la preuve de propriété -- devait être rempli auprès du comptable du village. Il fallait 3 à 30 jours pour obtenir un RTC et un à deux ans pour mettre à jour un dossier foncier. Le Département des revenus a mis en place des kiosques informatisés d'enregistrement (Bhoomi centers) dans les bureaux des taluk (sous-districts) afin de délivrer des RTC aux agriculteurs. Le projet Bhoomi devait accélérer la délivrance des RTC, sans retard, ni harcèle- ment ni corruption. Synthèse de l'évaluation : Une fiche d'évaluation a été utilisée permettant de s'enquérir auprès des usagers si le système informatisé leur satisfaisait, et s'il était efficace, fiable ou corrompu. Une enquête a été menée sur un échantillon randomisé stratifié de citoyens ayant eu recours aux kiosques Bhoomi et un échantillon témoin de personnes ayant eu recours aux ser- vices non informatisés. Il a été procédé à une comparaison des réponses recueillies auprès des personnes interrogées, du groupe expérimental ou comme du groupe témoin, en fonction de leur éducation, de la connais- sance des kiosques Bhoomi et du motif de la sollicitation d'un RTC. Cer- tains des effets positifs concernaient les aspects suivants, notamment : facilité d'utilisation, aide et temps requis, nombre d'agents rencontrés, erreurs dans les documents, prise en charge des réclamations, coût du ser- vice, rendez-vous requis, pots-de-vin demandés, et notation du comporte- ment du personnel. Il a été procédé à une comparaison à la différence L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 223 simple en se servant du groupe ayant recours au processus non informa- tisé pour déduire le scénario approximatif en absence d'intervention. Principales constatations : Il ressort des résultats que les kiosques Bhoomi ont réduit le nombre de déplacements effectués à cette fin, la quantité de pots-de-vin, le nombre d'agents rencontrés, la durée du temps passé à faire la queue pour recevoir les documents fonciers. Les usagers des kios- ques Bhoomi ont aussi relevé le respect des délais dans la prise en charge des réclamations et une amélioration du comportement du personnel. Évaluateurs : Albert Lobo et Suresh Balakrishnan (Centre des affaires publi- ques, Bangalore), en collaboration avec ACNielsen ORG-MARG, grâce au financement du Programme de partage des connaissances en matière de gouvernance de la Banque mondiale. État d'avancement : Achevée Source : Lobo, A. et S. Balakrishnan. 2002. « Report Card on Service of Bhoomi Kiosks: An Assessment of Benefits by Users of the Computerized Land Records System in Karnataka ». Centre des affaires publiques, Ban- galore, Inde. Pays : Philippines Programme : Projet d'appui à l'infrastructure pour la réforme agraire (ARISP) Résumé du programme : Le projet ARISP était un enveloppe de services d'appui intégrés destinés à fournir des infrastructures de base, assurer le développement des institutions et l'appui agricole dans l'ensemble du pays. Entamé en juin 1996 et exécuté pendant six ans, ce projet visait à satisfaire le besoin d'infrastructures de base essentielles pour augmenter la productivité et les revenus. La principale composante de ce projet était donc l'irrigation, à laquelle venait s'ajouter les entrepôts et les séchoirs solaires pour les activités d'après récolte, les routes reliant les plantations aux marchés pour assurer le transport, et le renforcement des institutions pour assurer la durabilité des opérations. Le projet a couvert 76 communautés sous réforme agraire (ARC) dans 33 provinces du pays. Synthèse de l'évaluation : L'étude visait à évaluer les effets du projet ARISP sur la productivité agricole, les revenus agricoles, la situation socioécono- mique des bénéficiaires en comparant les ARC touchées par le projet avec les autres communautés. Une enquête ex post a été menée en 2001 sur trois ARC exposées au projet sélectionnées de sorte à représenter la diver- sité régionale, la diversification agraire et le niveau de succès du projet (tel que mesuré par le l'ALDA du Département de la réforme agraire, ou le niveau de développement dans les ARC). Pour chaque ARC sélec- tionnée touchée par le projet ARISP, une communauté non couverte par le projet était aussi sélectionnée dans la même province à titre de commu- nauté témoin. Cinquante individus ont été sélectionnés dans chacune des six communautés. L'enquête visait à recueillir des informations sur la productivité et le revenu agricole net, ainsi que les perceptions qualitati- ves du changement depuis 1996 (fondées sur des souvenirs). Une compa- 224 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE raison ex post à la différence simple entre les communautés participantes et les communautés témoins a été effectuée pour évaluer l'impact sur la productivité et le revenu agricole. Principales constatations : L'effet de rendement, pris comme différence entre les communautés d'intervention et témoins, était relativement faible mais systématiquement positif. Les surplus commercialisables dans les ARC couvertes par le projet ARISP dépassaient ceux des communautés témoins. Les effets sur les cultures ne pouvaient pas être comparés parce que les différences des ratios de culture entre les communautés partici- pantes et témoins dataient d'avant le projet. Le revenu agricole moyen net était plus élevé dans les communautés participant au projet, comparé aux communautés témoins. Évaluateur : Katsumi Nozawa (Asia University), chargé par le Gouverne- ment philippin. État d'avancement : Achevée. Source : Banque du Japon pour la coopération internationale. 2002. « Ex- post Evaluation Report: Philippines Agrarian Reform Infrastructure Sup- port Project ». Disponible sur http://www.jbic.go.jp/english/oec/post/ 2002/pdf/Part2_1-1 .pdf. Notes 1. Pour les lecteurs intéressés, ces méthodes sont plus amplement abordées dans l'étude de Ravallion (à paraître). 2. Une base de données des évaluations d'impact des projets financés par la Ban- que mondiale est disponible sur Internet (http://worldbank.org/impacteval). 3. Pour avoir quelques vues sur la méta-analyse, voir Glass (2000). 4. Ceci pourrait être un point prêtant à controverse en raison du manque de transparence et d'ouverture dans la manipulation de l'information par nombre d'organismes publics des pays en développement. Tout en admettant cet avis, il faut aussi reconnaître que ce type d'évaluation fait généralement intervenir un groupe assez large de personnes -- et parfois des chercheurs non gouvernementaux -- ce qui fait qu'il est encore plus difficile pour ces études de rester un bien purement privé. 5. Plusieurs pays d'Amérique Latine (par exemple le Chili, la Colombie et le Mexique) ont, au cours des dernières années, adopté une approche mieux structurée pour évaluer l'impact de leurs programmes de développement : Ils expérimentent, évaluent et adaptent les programmes avant de les mettre en oeuvre dans l'ensemble du pays ou avant de procéder à de nouvelles allocations budgétaires. L'expérience de ces pays laisse penser que les évaluations peuvent aider à susciter l'appui d'un pro- gramme et renforcer les incitations à une mise en oeuvre adéquate des programmes en renforçant l'obligation de rendre compte. La reconnaissance de ces facteurs peut augmenter les effets positifs perçus de l'évaluation. 6. Par exemple, Michael Kremer (2003) faisant état de la relative efficacité de différents instruments par rapport à leur coût concernant l'offre d'une année supplé- mentaire de scolarisation en Afrique sub-saharienne : Pour chaque nouvelle année de L'ÉVALUATION : UN MOYEN D'APPRENDRE POUR LA MISE À L'ÉCHELLE 225 scolarisation, la fourniture des uniformes scolaires coûte 99 dollars par élève, alors que le programme de restauration dans une école coûte 36 dollars, et le programme de traitement anthelminthique seulement 3,5 dollars. 7. Ces six fonds sociaux sont ceux des pays suivants : Arménie, Bolivie, Hondu- ras, Nicaragua, Pérou et Zambie. 8. D'expérience, les coûts de transaction d'une coordination à grande échelle peuvent être très élevés. Aussi la meilleure option pourrait être les alliances bilatéra- les ou multilatérales (par exemple, autour de défis du développement spécifiques tels que la prévention du VIH/SIDA ou l'approvisionnement des quartiers insalubres en eau potable). 9. Les exercices consistant à dresser l'état des lieux mettent aussi en lumière les différences importantes dans le nombre d'évaluations d'impact entre les régions et les secteurs. C'est ainsi qu'une base de données des évaluations d'impact des pro- grammes financés par la Banque mondiale met en évidence 2,5 fois plus d'évalua- tions dans les secteurs du développement humain que dans les programmes d'infras- tructure. De la même manière, les différences entre régions sont nettes. Deux tiers des évaluations identifiées provenaient d'Amérique latine et près de 20 % d'Afrique. Bibliographie Baker, J. 2000. Evaluating the Impact of Development Projects on Poverty: A Hand- book for Practitioners. Série sur les orientations du développement. Washington : Banque mondiale. Deaton, A. 2005. « Some Remarks on Randomization, Econometrics and Data. » Dans Evaluating Development Effectiveness, éd. G. K. Pitman, O. Feinstein et G. K. Ingram, vol. 7. Série sur l'évaluation et le développement, Banque mondiale. New Brunswick, New Jersey : Transaction Publishers. Duflo, E. et M. Kremer. 2005. « Use of Randomization in the Evaluation of Develo- pment Effectiveness ». Dans Evaluating Development Effectiveness, éd. G. K. Pit- man, O. Feinstein et G. K. Ingram, vol. 7. Série sur l'évaluation et le développe- ment, Banque mondiale. New Brunswick, New Jersey : Transaction Publishers. Glass, Gene V. 2000. « Meta-Analysis at 25 ». Photocopie. College of Education, Arizona State University, Tempe. Kremer, Michael. 2003. « Randomized Evaluations of Educational Pro-grams in Developing Countries: Some Lessons ». American Economic Review 93 (2): 102­ 06. Levi, Primo. 1998. « Le Opere » cité et traduit par Diego Gambetta dans « Claro! An Essay on Discursive Machismo ». Dans Deliberative Democracy, éd. Jon Els- ter. Cambridge, Dans Evaluating Development Effectiveness, éd. G. K. Pitman, O. Feinstein et G. K. Ingram, vol. 7. Série sur l'évaluation et le développement, Banque mondiale. Ravallion, M. À paraître. « Evaluating Anti-Poverty Programs. » Dans Handbook of Agricultural Economics, vol. 4, éd. R. E. Evenson et T. P. Schultz. New York : North-Holland. Rawlings, L. 2005. « Operational Reflections on Evaluating Development Programs ». Dans Evaluating Development Effectiveness, éd. G. K. Pitman, O. Feinstein et G. K. Ingram, vol. 7. Série sur l'évaluation et le développement, Ban- que mondiale. New Brunswick, New Jersey : Transaction Publishers. 226 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Rawlings, L., L. Sherburne-Benz et J. Van Domelen. 2004. « Evaluating Social Funds: A Cross-Country Analysis of Community Investments ». Études régiona- les et sectorielles, Banque mondiale, Washington. Rossi, P., H. Freeman et M. Lipsey. 2003. Evaluation: A Systematic Approach. Septième édition. Thousand Oaks, Californie : Sage Publications. 7 Conséquences au plan opérationnel Ronald Kim et M. Ziad Alahdad Les études de cas préparées en vue de la Conférence de Shanghai sont impressionnantes aussi bien du point de vue de la portée et de la variété, que de la richesse des enseignements tirés des expériences. Toutefois, la valeur de ces études ne réside pas dans une quelconque recette magique de lutte con- tre la pauvreté. En revanche, ces études permettent de jeter un nouveau regard sur les perspectives, les explications, les idées, les points sur lesquels insister, et, dimension encore plus importante, elles apportent un regard nouveau sur la compréhension que nous avons du concept de l'efficacité du développement tel qu'il s'est construit à travers les efforts consentis pendant plusieurs décennies. Il s'agit en l'occurrence d'enseignements que les pays en développement aussi bien que la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds ont déjà commencé à mettre en pratique et tentent d'intégrer dans leur travail. Il ressort de l'examen de ces études de cas qu'on ne saurait considérer un seul et unique facteur comme étant exclusivement à l'origine des accomplis- sements réalisés à travers une initiative donnée. En effet, nombre des exem- ples cités illustrent la mise en application de quelques-uns des éléments qui dominent la philosophie actuelle du développement, comme la prise en charge par le pays et le renforcement des capacités. Ces cas mettent éga- lement en évidence l'unique défi d'importance auquel sont confrontés les pays et les bailleurs de fonds dans leur travail de développement, à savoir le degré de complexité de la lutte contre la pauvreté et de sa pérennisation. 228 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Quelles leçons la Banque mondiale et les autres organismes donateurs peu- vent-ils tirer de ces expériences dans leurs efforts visant à promouvoir davantage d'efficacité du développement ? Comment ces expériences peu- vent-elles nous être utiles pour améliorer la manière dont nous travaillons ? Tout en cherchant à répondre à ces questions, ce chapitre vise plusieurs objectifs : mettre en exergue, à travers des cas précis1, des enseignements pertinents du point de vue opérationnel, qui découlent des chapitres précédents ; identifier les voies et moyens par lesquels la communauté du développement peut reprendre à son compte quelques-uns de ces enseigne- ments et les intégrer dans les efforts visant à lutter contre la pauvreté à l'échelle mondiale ; et traiter de la manière dont la Banque mondiale a entrepris de changer son approche du point de vue des opérations et étudier dans quelle mesure l'institution est bien placée pour abriter, soutenir et pro- mouvoir des programmes, des projets et des pratiques qui renferment un tel potentiel de connaissances à acquérir. Ce chapitre est consacré à l'identification et à l'examen de six dimensions principales qui jettent un éclairage nouveau sur les questions posées ci- dessus : la prise en charge par le pays ; le renforcement des capacités ; les savoirs, le transfert des savoirs et l'innovation ; l'ordre d'organisation et le calendrier ; la gestion axée sur les résultats ; et l'alignement et l'harmonisa- tion. Ces dimensions se chevauchent souvent et cela n'est pas surprenant dans la mesure où, en général, les nombreux aspects du développement sont liés entre eux par essence, et plus précisément dans le contexte des études de cas présentées à la Conférence de Shanghai. La prise en charge par le pays La prise en charge par le pays se définit comme le degré auquel la lutte con- tre la pauvreté et le développement durable reposent sur les besoins et les priorités d'un pays plutôt que sur ceux de ses partenaires extérieurs. Cela implique que ces priorités sont largement soutenues par le pouvoir exécutif national et bénéficient d'un appui général au sein des instituions nationales (le parlement et les collectivités locales) et des partenaires à l'intérieur du pays (la société civile et le secteur privé) (Entwistle et Cavassini 2005). Dans le même ordre d'idées, le Fonds monétaire international a défini la prise en charge par le pays comme étant « une prise de responsabilité volontaire de formuler et de mettre en oeuvre ces politiques, étant entendu que le pro- gramme envisagé est réalisable et qu'il y va de l'intérêt du pays » (Drazen et Isard 2004, pp. 5­6). Autrement dit, ce ne sont pas les bailleurs de fonds qui développent un pays ; le pays doit se développer de lui-même en définissant les résultats qu'il veut atteindre, en choisissant la voie à suivre pour y parve- nir, en coordonnant les actions des bailleurs de fonds et en mobilisant les ressources qu'il lui faut pour réaliser ses objectifs (OCDE/CAD 2005). Le résultat final se traduit par une synergie entre la richesse que représentent CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 229 les connaissances spécifiques du pays et les meilleures pratiques et techni- ques internationales dont disposent les bailleurs de fonds. Les initiatives menées sont nettement plus efficaces lorsqu'elles sont en droite ligne des priorités définies d'avance par l'État et le peuple. C'est dans ces conditions que l'État est le plus disposé à s'impliquer dans le travail entrepris et à apporter un soutien général à la mise en oeuvre de ces initiati- ves. Cela signifie que toutes les parties prenantes sont engagées en faveur des objectifs visés à travers les initiatives et sont déterminées à oeuvrer en vue de leur réalisation. Il n'est donc pas surprenant que tout effort systéma- tique visant à relever le défi du développement doive être solidement basé sur l'engagement soutenu de l'État au regard des programmes nationaux, et sur l'action menée par les dirigeants pour créer les conditions structurelles susceptibles de contribuer à l'efficacité des programmes. À l'échelon national, comme mentionné au chapitre 2 de ce livre, cette observation est illustrée par le cas de la Tanzanie (étude de cas numéro 1) qui remonte au milieu des années 90. Suite aux problèmes économiques rencontrés à la fin des années 70, la Tanzanie a adopté un programme de relance économique qui lui a permis de réaliser la stabilité macroéconomi- que, de mettre en place une large gamme de réformes structurelles, et de créer un climat plus propice à l'investissement. Le sens aigu de la prise en charge des réformes observé dès le début a été motivé par le soutien de la population à l'égard des enjeux et par la compréhension que cette popula- tion en avait. Les facteurs qui sous-tendaient cet appui étaient l'approche consultative et participative adoptée, l'exécution de programmes conçus dans le pays, l'engagement soutenu des dirigeants politiques, et le soutien permanent des partenaires du développement. L'amélioration globale des résultats économiques s'est traduite par la réduction progressive de la pau- vreté et par la prestation de meilleurs services publics. En un mot, la prise en charge générale des réformes a rendu possibles les changements positifs obtenus sur le plan du développement et, conséquence tout aussi impor- tante, a permis d'assurer l'efficacité et la viabilité de ces réformes. Comme le montre le chapitre 4 dans la description détaillée consacrée à la santé, la réponse de la Thaïlande (étude de cas numéro 2) au problème sans cesse croissant du VIH/SIDA au début des années 90 permet de com- prendre encore mieux ce dont il est question. Lorsqu'il était devenu évident que le problème était plus grave qu'on ne l'avait pensé initialement, et qu'une véritable crise se profilait à l'horizon, le gouvernement n'a pas attendu pour agir de manière prompte et globale en bénéficiant de l'appui ferme du Premier ministre et du roi. La coordination de la politique de lutte contre le sida était assurée à partir du cabinet du Premier ministre et il y avait un appui élevé de haut niveau en faveur des programmes de préven- tion du VIH qui visaient les professionnels du sexe et leurs clients. Les dépenses publiques consacrées aux activités de prévention et de lutte contre le VIH/SIDA sont montées en flèche et ont permis de financer un important programme d'information au public centré sur la prévention, le changement des comportements et l'utilisation du préservatif. 230 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Cependant, la prise en charge par le pays ne se limite pas aux actions de l'État. Comme le montrent nombre des études de cas, il est absolument nécessaire d'obtenir l'engagement d'une vaste panoplie de parties prenantes. Cela revient à utiliser les voies et moyens permettant d'assurer la participa- tion de l'ensemble de la population, à savoir, les personnes individuelles, les populations locales, les fonctionnaires de l'administration locale, et bien d'autres, qui pourraient être affectés positivement ou négativement par une initiative, et à les tenir informés et impliqués au fur et à mesure de la con- ception et de la mise en oeuvre de l'initiative en question. Au cours de la Conférence de Shanghai, Benjamin Mkapa, Président de la Tanzanie, a sou- ligné combien il était important d'assurer la prise en charge du programme de développement au niveau local en affirmant que « la prise en charge doit être dévolue par les pays développés et les partenaires du développement aux gouvernements nationaux et, bien entendu, aux populations locales » (Mkapa 2004, p. 3). Il n'est donc pas surprenant que l'effort délibéré d'assurer la participation effective et l'adhésion d'un large groupe de personnes apparaisse comme une caractéristique commune à la conception de nombre des expériences relatées. En règle générale, cette caractéristique était liée à la crédibilité et à la légitimité des programmes en tant que mécanisme permettant de promou- voir la lutte contre la pauvreté. Au cours de la crise qu'elle a connue à la fin des années 90, l'Indonésie (étude de cas numéro 3) a démontré que sans la participation populaire à la prise de décisions politiques, les choix toujours plus difficiles qu'un gouvernement doit faire, peuvent ne pas avoir la légitimité nécessaire pour en garantir l'efficacité. Les conséquences qui découlent de cette constatation pour les bailleurs de fonds du point de vue opérationnel sont nombreuses. D'abord, laisser le pays jouer le rôle de chef de file dans une initiative de lutte contre la pau- vreté ne saurait être un simple geste symbolique ou de pure bonne volonté. La lutte contre la pauvreté à l'échelle mondiale exige de la part des pays qu'ils définissent leurs objectifs et que l'ensemble des efforts déployés par les donateurs soit conçu dans la perspective de jouer un rôle d'appui. Autre- ment, comme l'indiquent les recherches sur l'efficacité de l'aide, les résultats obtenus ne sauraient résister au temps2. Les messages issus des conférences et des forums de bailleurs de fonds tenus à Monterrey et à Rome démontrent que les pays doivent s'approprier les buts et les objectifs visés par tout processus ou programme de développement ; cela est par ailleurs repris avec force par la rencontre de Paris (OCDE/CAD 2005). Lorsqu'un pays établit ses priorités à travers une stratégie de lutte contre la pauvreté, les programmes de développement doivent être conçus de manière à en sou- tenir les objectifs. Le changement graduel mais fondamental qui s'est opéré au niveau du paradigme de l'aide des donateurs au cours de la décennie écoulée est à saluer : la reconnaissance et la prise en compte du rôle direc- teur et d'appropriation du processus de développement assumé par le pays. La majorité des bailleurs de fonds n'ont eu de cesse de modifier leurs prati- ques dans cette direction. Ensuite, dans le contexte du rôle d'appui du reste CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 231 généralement crucial que jouent les bailleurs de fonds, ils doivent mieux comprendre leurs clients et être plus aptes à répondre aux besoins de ceux- ci. Cela peut prendre la forme d'un changement aussi simple, quoique lourd de conséquences, que la proximité géographique des bailleurs de fonds par rapport à leurs clients. En conséquence de cela, la décentralisation est deve- nue une question centrale pour les bailleurs de fonds. Enfin, les bailleurs de fonds jouent un rôle important dans les pays où le degré d'appropriation est faible. Il ne suffit pas de mesurer et d'évaluer l'appropriation, les bailleurs de fonds doivent essayer d'aider à sa mise en place et à son renforcement. Au moment où cet ouvrage est rédigé, 43 pays dans lesquels la Banque mondiale intervient exécutent leurs propres stratégies de lutte contre la pau- vreté. Un total de 23 d'entre eux s'y est engagé depuis plus d'un an déjà. Il y a des raisons de penser que le modèle suivant lequel le pays est appelé à jouer le rôle directeur marche. En 2005 la Vice-présidence de la Banque mondiale chargée des opérations et des services aux pays affirmait, dans le contexte d'une évaluation de l'appropriation des stratégies de lutte contre la pauvreté par les pays, que « l'intégration des processus de prise de décisions en rapport avec les stratégies de réduction de la pauvreté (SRP) dans les pro- cédures et les systèmes de prise de décisions des pays constituent des fac- teurs clés de la prise en charge des SRP par les pays en développement ». L'évaluation soulignait par ailleurs qu'il était important d'assurer la partici- pation à la formulation des politiques et à la mise en oeuvre des mesures retenues à travers des mécanismes et des institutions permanents pour une consultation continuelle avec les parties prenantes (Entwistle et Cavassini 2005, p. 28). Consciente qu'il est important que le personnel travaillant pour un pays donné y vive effectivement, la Banque mondiale a également procédé à une importante décentralisation de ses services au cours des dix dernières années afin de mieux comprendre et servir ses clients. En 1996 seulement 17 % de son personnel étaient en service hors de Washington. En 2005, ce chiffre était passé à 35 %, y compris 73 % des directeurs des opérations dans les pays et 40 à 60 % du personnel technique professionnel (grade GE et plus), suivant les régions (Banque mondiale 2005b, pp. 124­25). Ainsi que l'a déclaré un directeur des opérations récemment, « la décentralisation nous a permis de nouer des relations de travail plus étroites non seulement avec nos homologues du gouvernement mais aussi avec les bailleurs de fonds, le sec- teur privé et la société civile en général » (Banque mondiale 2005b, p. 122). Le recours à la consultation lorsqu'elle élabore des politiques et le travail qu'elle effectue en vue d'élargir sa politique d'information constituent d'autres moyens par lesquels la Banque mondiale centre son approche glo- bale du développement sur le client. Monsieur Trensio Chisale, directeur de la distribution et du service à la clientèle de la société d'électricité du Malawi a souligné à grands traits les avantages d'un partenariat réel entre les pays et les bailleurs de fonds. À l'occasion de la réunion d'examen du programme du Malawi en avril 2005, M. Chisale a résumé en ces termes ce que représente l'examen du 232 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE programme : « La semaine dernière, j'aurais dit que la Banque mondiale doit continuer à travailler comme elle l'a toujours fait. Mais au terme de cet atelier, je me rends compte que nous pouvons poser des questions et discuter davantage avec la Banque mondiale, et ensemble nous pouvons dégager une idée plus claire de ce que nous voulons accomplir » (World Bank internal news, 20 avril 2005). Ces propos décrivent le mode de transformation de la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds, mais d'importants défis per- sistent. Les changements qui en théorie soutiennent la prise en charge par le pays, la décentralisation en particulier, peuvent-ils assurer, dans la pratique, que les agents de la Banque mondiale et des autres bailleurs de fonds prêtent attention aux perspectives des pays ? Dans quelle mesure la Banque mon- diale et les autres donateurs réussissent-ils à renforcer les efforts de prise en charge dans les pays où cette appropriation est faible ? Comment cette con- centration sur la prise en charge affecte-t-elle le rôle de catalyseur générale- ment rempli par les bailleurs de fonds ? Renforcement des capacités Le concept de renforcement des capacités est intimement lié à l'appropria- tion. Il décrit l'initiative prise par un pays d'investir dans le capital humain, de s'y appuyer, de modifier et de renforcer les pratiques institutionnelles. Bien que des organisations opérant dans le domaine du développement peu- vent utiliser des définitions légèrement différentes, on reconnaît globalement plusieurs formes de capacités, dont les capacités individuelles (l'aptitude des personnes individuelles à acquérir des connaissances et des compétences susceptibles d'être améliorées lorsque des opportunités nouvelles se présen- tent), les capacités organisationnelles (des personnes travaillant ensemble pour une cause commune, y compris la mise en place de capacités institu- tionnelles et de réformes conçues et conduites par les pays eux-mêmes), et les capacités d'une société (le contexte global des incitations, les règles, les normes, l'ensemble de l'environnement politique et culturel dans lequel les personnes et les organisations interviennent)3. Le renforcement des capaci- tés c'est donc le processus par lequel les personnes, les organisations et la société en général libèrent, renforcent, créent, adaptent et entretiennent les capacités, c'est-à-dire leur aptitude à gérer leurs affaires au fil du temps. Le renforcement des capacités concerne donc aussi bien les compétences et les systèmes que les incitations et les comportements ; plus qu'un exercice tech- nique, le renforcement des capacités prend ses racines dans l'économie poli- tique d'un pays (Banque mondiale 2005c). On ne soulignera jamais assez le rôle du renforcement des capacités. Les études de cas montrent en effet que cela constitue un facteur plus détermi- nant que le financement. Le Rapport de suivi mondial 2005 de la Banque mondiale décrit le renforcement des capacités comme étant « la quintes- sence du défi de l'aide au développement » (Banque mondiale 2005d, p. 203). L'importance prééminente des capacités est désormais mise en évi- CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 233 dence par chaque bailleur de fonds ; et on reconnaît de nouveau qu'un pro- cessus efficace de stratégie de lutte contre la pauvreté et un partenariat pro- ductif ne peuvent reposer que sur les capacités d'un secteur public fort : la capacité de formuler des politiques, la capacité de bâtir le consensus, la capacité de mettre les réformes en oeuvre ; et la capacité de suivre les résul- tats, de tirer des enseignements et de s'adapter en conséquence. En effet, le Groupe de travail opérationnel de la Banque mondiale sur le renforcement des capacités déclarait sans équivoque dans son rapport d'étape le plus récent que « le renforcement des capacités devrait être un objectif central de la lutte contre la pauvreté, et non pas un simple corollaire comme c'est sou- vent le cas aujourd'hui » (Banque mondiale 2005c, p. 2). Ces propos font écho à ceux de Francis Fukuyama, professeur d'économie politique interna- tionale à l'université Johns Hopkins qui affirmait que le problème de des- truction des capacités ne serait pas résolu à moins que les bailleurs de fonds opèrent un choix qui indique clairement que le renforcement des capacités est leur objectif premier en lieu et place des services que les capacités sont censées permettre de fournir. (Fukuyama 2004, p. 41). Les études de cas élaborées dans le contexte du processus de Shanghai sur le transfert mondial des savoirs confirment sans équivoque que pour que les initiatives de développement aboutissent à des résultats, les institutions res- ponsables et les échelons pertinents de l'administration doivent posséder les capacités voulues pour soutenir efficacement les initiatives en question et, par conséquent, créer un environnement favorable au renforcement des capacités. Le cas de la Pologne (étude de cas no 4) au cours des années 90 constitue un exemple de développement des capacités à plusieurs niveaux. Stimulée par son désir d'adhérer à l'Union européenne, (voir également le chapitre 2), la Pologne a mis en oeuvre des réformes macroéconomiques qui ont conduit à la transformation socioéconomique rapide qu'a connue le pays, et a porté une grande attention sur la consolidation d'un ensemble d'institutions économiques et politiques. En effet, pour une grande part, la croissance de la Pologne soutenue par un climat favorable aux entreprises et aux investissements, s'est largement appuyée sur la qualité, la crédibilité et la viabilité de ses institutions et de ses politiques. À leur tour, les facteurs à l'origine de la croissance, notamment à travers l'élimination des distorsions associées à la réglementation et des sources de recherche de rente et de cor- ruption, l'accès libre et équitable aux activités commerciales, et l'améliora- tion de l'efficacité des biens publics de base, ont contribué à améliorer la qualité de la vie, réduire les inégalités et alléger le sentiment d'aliénation dans une grande partie de la société. Le cas de l'Indonésie (étude de cas no 3) à la fin des années 90 présente le scénario contraire dans lequel la faiblesse des institutions peut avoir un effet néfaste sur le développement du pays en général, et en particulier pendant une crise. La position précaire dans laquelle se trouvaient les institutions financières, juridiques et politiques du pays a exacerbé la crise et mis à mal sa capacité de gérer les problèmes qui augmentaient en nombre. Les institu- tions temporaires mises sur pied pour faire face à la crise ont dû opérer dans 234 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE un environnement institutionnel faible, elles n'ont donc été que partielle- ment efficaces. Un ministre du gouvernement affirmait avec emphase, « s'il y a un enseignement final à tirer de l'expérience indonésienne, c'est qu'il n'est jamais trop tôt pour un pays de commencer à mettre sur pied et à con- solider des instituions fortes... le développement d'abord et les institutions après, ça n'existe pas ; le développement, c'est le développement des institutions. » Nombre des exemples passés en revue dans le cadre du processus de transfert mondial des savoirs ont montré que l'appui au renforcement des capacités en investissant dans les ressources humaines et les capacités insti- tutionnelles -- sous forme de formation dispensée aux agents de crédit, aux agents de santé communautaire, aux enseignants, etc. -- a contribué à l'intensification des efforts. Cette approche est illustrée par le programme des Madrassah relatif à la petite enfance au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda (étude de cas no 5). Démarré sous forme de petit programme pilote au milieu des années 80, ce programme illustre bien un effort dynami- que et délibéré visant à s'appuyer sur les institutions locales ; l'objectif visé est de mettre ensemble, les préférences, les meilleures pratiques et les valeurs et coutumes locales de chaque communauté susceptibles d'avoir un effet significatif sur les résultats des enfants plus tard dans la vie. Cela responsa- bilise leurs parents et les dirigeants communautaires en leur apportant les connaissances, les compétences en gestion et les mécanismes nécessaires au financement à long terme. Un accent particulier est mis sur la sélection et la formation des femmes au niveau local pour en faire des enseignantes, des responsables d'établissements scolaires, des gestionnaires ; ainsi qu'une volonté soutenue d'investir dans le développement des ressources humaines. Au plan opérationnel, un certain nombre de conséquences découlent des études de cas examinées dans ce livre. En dépit du fait que le rôle joué par le renforcement des capacités se retrouve maintenant dans pratiquement cha- que document de stratégie préparé par les institutions donatrices et figure en bonne place dans les déclarations issues des conférences et des forums de Monterrey, Rome, Marrakech et Paris, les bailleurs de fonds doivent aller au-delà du discours. Pour assurer la pérennité des améliorations apportées, le développement des capacités doit constituer une part importante de toute stratégie de réduction de la pauvreté et être prise en compte aux niveaux individuel, organisationnel et de la société. Les efforts de renforcement des capacités doivent présenter les caractéristiques qui montrent que les con- traintes de chaque pays sont bien comprises et cibler les niveaux les plus indiqués de l'administration publique et de la société en se servant des outils les plus appropriés. Par conséquent, la préparation de toute initiative passe par une solide évaluation des capacités disponibles et, si nécessaire, des acti- vités permettant de consolider ou de renouveler les capacités des principaux dirigeants et organisations. Ces activités doivent être conçues de manière à réaliser deux objectifs déterminants : actualiser les connaissances et les com- pétences des acteurs du développement concernés, et assurer que les con- CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 235 naissances et les compétences de ces acteurs sont effectivement mises en application dans la réalisation du programme de développement. Les bailleurs de fonds se doivent d'harmoniser leur appui avec les autres partenaires afin de minimiser la pression exercée sur les capacités limités de l'État. Ils doivent aussi éviter la « destruction des capacités », c'est-à-dire, éviter de saper les capacités du pays à travers certains de leurs instruments habituels comme l'assistance technique et les cellules d'exécution de projet. Il importe que les bailleurs de fonds considèrent aussi le renforcement des capacités comme un processus à long terme et comme un objectif central de leur travail ; en d'autres termes, ils doivent faire preuve de patience et ne pas recourir aux raccourcis. Nancy Birdsall, présidente fondatrice de Center for Global Development, écrivait récemment dans un article sur les échecs des bailleurs de fonds : « Dans la mesure où le renforcement des capacités insti- tutionnelles dans les États faibles est au coeur du développement, l'aide au développement doit soutenir la création et le renforcement des institutions, qui est un travail de longue haleine faisant appel à la patience, à la volonté de prendre des risques et au courage qu'il faut de supporter de ne pas voir émerger des progrès à court terme » (Birdsall 2004, p. 11). Le fait de placer le renforcement des capacités à l'avant-garde de la lutte contre la pauvreté change fondamentalement le mode de fonctionnement des bailleurs de fonds parce que « chercher à savoir ce qui fait qu'un organisme d'aide s'en sort bien dans le travail de renforcement des capacités revient tout simple- ment à chercher à savoir ce qui fait qu'on devient un meilleur organisme d'aide » (Schacter 2000, p. 2). La Banque mondiale consacre une part considérable de ses activités de prêts et autres services au travail de renforcement des capacités. Entre 1995 et 2004, elle a fourni près de neuf milliards de prêts et 900 millions de dons et de budgets administratifs à l'appui au renforcement des capacités en Afri- que (Banque mondiale 2005c). Au plan stratégique, les objectifs de dévelop- pement d'un pays sont intégrés dans le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté dudit pays dans lequel ils occupent une place de choix ; ils peuvent figurer dans d'autres types de documents de stratégie de développement, et sont mis en lumière dans la Stratégie d'aide au pays en question (CAS). À un niveau plus général, la Banque mondiale s'est engagée dans de nom- breuses activités centrées sur le renforcement des capacités : le renforcement du programme du secteur public relatif à la gouvernance et l'appui à tous les niveaux de l'administration publique ; le soutien des processus participatifs ; l'exécution à titre d'essai d'un programme qui fait appel à l'utilisation des systèmes et des institutions du pays (voir l'encadré 7.1) ; l'adoption d'une approche fondée sur le partenariat dans les études écono- miques et sectorielles ; la mise à disposition de ressources à travers le Fonds de développement institutionnel, qui affecte des financements au renforce- ment des capacités institutionnelles pour formuler des programmes interna- tionaux spécifiques sur la gouvernance, les savoirs au service du développe- ment et le commerce, afin de renforcer les capacités dans ces domaines 236 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Encadré 7.1 Renforcer les capacités à travers l'utilisation des systèmes nationaux À la lumière des leçons d'expérience et des évaluations indépendantes, la Ban- que mondiale réalise que le fait de demander aux pays de mettre en place des systèmes spéciaux pour assurer la gestion des projets financés par l'institution et pour répondre aux conditions de la Banque ne contribue pas du tout au ren- forcement des capacités du pays et peut à la limite mettre à mal les efforts du pays dans ce domaine. Pour un véritable impact du développement à long terme, la Banque comme les autres bailleurs de fonds doivent travailler plus directement avec les institutions et systèmes déjà en place dans les pays et sou- tenir les efforts visant à renforcer ceux-ci. Au cours des dernières années, la Banque a commencé à utiliser les systèmes des pays dans des domaines fiduciai- res précis tels que la gestion financière (par exemple, la comptabilité, les rap- ports financiers et l'audit,) et les appels d'offres nationaux dans les pays où de tels systèmes s'apparentent aux siens. Plusieurs programmes pilotes ont été lan- cés suivant cette approche, notamment au Mexique et en Pologne. généraux à caractère mondial ; et la mise au point d'outils de mesure des capacités tels que l'Évaluation de la politique et des institutions nationales ainsi que divers autres indicateurs. Bien que modestes, ces activités sont de toute évidence des évolutions dans la bonne voie. Toutefois, il ne fait pas de doute que la Banque mondiale et l'ensemble de la communauté du développement ont encore beaucoup d'effort à fournir dans ce domaine. La compréhension plus poussée du mode d'évolution des institutions en adoptant une approche du bas vers le haut et l'établissement d'un équilibre entre la planification économique à long terme et l'exécution proprement dite des projets et des programmes constituent deux des sujets qui gagneraient à être étudiés plus en profondeur. Les savoirs, l'acquisition de connaissances et l'innovation Comme message clé émanant des études de cas entreprises dans le cadre de la Conférence de Shanghai, on retiendra que le processus qui conduit à des résultats n'est généralement pas linéaire, il implique des changements et des adaptations incessants. Les caractéristiques linéaires d'un cycle de projet d'investissement et les étapes chronologiques qui le constituent, à savoir, l'identification, la préparation, l'évaluation préalable, l'exécution et l'éva- luation rétrospective, ne se prêtaient pas aux subtilités et complexités inhé- rentes à nombre des exemples cités dans ces études du contexte de Shanghai dans lequel l'intensification des efforts entraînait un processus répétitif qui passait par les leçons apprises de l'expérience, la réponse à de nouveaux défis et besoins, et l'introduction de changements tout au long de l'évolution CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 237 des projets. Ces initiatives peuvent être considérées comme des projets en cours aujourd'hui encore. À titre d'exemple, ainsi que le montrent les chapitres 2 et 3, les efforts de réduction de la pauvreté déployés par la Chine (étude de cas no 6) ont fait appel à un processus continuel d'acquisition de connaissances et d'expéri- mentation, lequel processus a été institutionnalisé au niveau du système administratif. Placé sous la direction du Conseil d'État, le principal groupe en charge de la lutte contre la pauvreté à l'échelle nationale mène ses pro- pres analyses, collecte les réactions des organismes de l'administration cen- trale et locale impliqués dans les programmes de lutte contre la pauvreté, tire les enseignements et est habilité à influencer les politiques nationales et des programmes spécifiques. Autrement dit, ce groupe supervise tous les programmes de lutte contre la pauvreté. Dans le cadre d'un mécanisme de partage et de diffusion des connaissances, les organismes et les hauts res- ponsables intervenant dans la lutte contre la pauvreté organisent des évène- ments à intervalle régulier pour tirer des leçons des activités en cours, tirent parti de l'expertise extérieure, débattent de sujets liés à la mise en oeuvre des politiques et examinent les implications des leçons apprises au plan des moyens d'action. En outre, des programmes de formation et des visites de terrain sont régulièrement organisés à l'intention des responsables locaux afin de faciliter les ajustements à apporter aux politiques. Ce processus d'apprentissage continuel a contribué à modifier l'approche de la Chine à l'égard de la réduction de la pauvreté en favorisant une participation plus grande des pauvres, la décentralisation de la gestion des programmes et des projets au niveau des collectivités locales, voire des villages, et la modifica- tion du mode d'octroi et de gestion des fonds de crédit. De même, il a fallu compter plus de dix ans d'effort marqué par la patience au niveau communautaire dans une seule province pour voir les programmes pakistanais d'appui au secteur rural (étude de cas no 7) pro- duire le volume de ressources financières, de capacités humaines et de résul- tats d'ensemble nécessaires pour mettre en place une base suffisamment solide sur laquelle asseoir le passage à l'échelle ; le premier essai a bénéficié d'un temps suffisant pour arriver au stade des exemples pouvant être cités. Un enseignement clé qui a été intégré aux programmes à l'échelon du pays consistait à passer à l'échelle non pas à travers l'expansion, mais plutôt par le biais de la reproduction, qui comporte des avantages tels que la prise en charge au niveau local et l'appui aux nouveaux besoins et opportunités et à l'adaptation à ceux-ci. Les études de cas tirées de la Conférence de Shanghai sont aussi riches en exemples illustrant comment les pays ont bénéficié des enseignements les uns des autres dans leurs « efforts » d'intensification de la lutte contre la pauvreté. Le programme mexicain Oportunidades (étude de cas no 8) qui mettait l'accent sur les transferts de fonds au bénéfice des familles pauvres est le modèle qui a inspiré le programme brésilien Bolsa Família (étude de cas no 9), lui-même source d'inspiration pour les adaptations faites par les pays d'Amérique centrale. De même, les réformes agricoles entreprises par 238 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE le Viet Nam (étude de cas no 10) trouvent leur origine dans les premiers efforts de la Chine dans ce domaine. L'une des initiatives les plus imitées est le projet indonésien de développement du sous-district de Kecamatan (KDP) (étude de cas no 11), qui est l'aboutissement de plus de dix ans d'efforts de lutte contre la pauvreté à travers des programmes caractérisés par la planifi- cation au niveau local et les transferts directs aux communautés. Le schéma de base du programme KDP est en cours de reproduction auTimor oriental, en Afghanistan et aux Philippines respectivement dans le cadre du projet de démarginalisation des communautés, du programme de solidarité nationale et du programme Kalahi-CIDSS. Il s'agit d'exemples positifs de transferts de savoirs et de connaissances Sud-Sud. Les pays en développement se tournent vers les bailleurs de fonds pour la large gamme de connaissances, d'expertises et pour la crédibilité qu'ils peu- vent offrir en plus de leurs ressources financières. Par exemple, dans le cadre du programme brésilien de lutte contre la pauvreté en milieu rural (étude de cas no 12), la Banque mondiale a joué le rôle d'intermédiaire impartial dans un secteur plutôt controversé, en s'appuyant sur sa longue expérience acquise tant au niveau fédéral que des états, mettant à disposition les con- naissances générales issues d'autres efforts de développement communau- taire en cours, et apportant son appui aux activités d'essai. La Banque mon- diale avait aussi la capacité voulue pour suivre et évaluer les résultats du programme et pour assurer que les leçons tirées des nouvelles expériences soient retenues et mises en application dans le programme au fur et à mesure de son expansion. Il n'est pas surprenant que les procédures des bailleurs de fonds puissent gêner, voire faire obstacle à l'adaptation et à l'acquisition de connaissances. Lorsque les bailleurs de fonds exigent un programme détaillé d'avance, cela tend à enfermer l'agent d'exécution dans un schéma particulier et à restrein- dre l'acquisition de connaissances et la flexibilité. Pour les bailleurs de fonds, cela implique qu'il faut opérer avec plus de souplesse et de manière plus nuancée, adopter un nouvel état d'esprit dans lequel on conçoit bien que les initiatives peuvent s'avérer particulièrement imprévisibles, soutenir les bonnes procédures et l'acquisition de connaissances, et avoir une cer- taine tolérance pour les échecs et la volonté de les accepter tout au long du processus. L'adoption de cet état d'esprit permet d'intensifier les efforts visant à alléger la pauvreté, mais cela reste difficile dans la mesure où cette démarche s'oppose en grande partie aux courants de pensées dans le domaine du développement, qui, pour l'essentiel, n'ont pas pris en compte les processus et les systèmes sous-jacents qui permettent aux institutions d'innover, de connaître des échecs sur leur parcours, de tirer des leçons de leurs échecs, de faire des modifications, et de grandir. Les agents doivent être prêts à adopter des comportements qui les amènent à prendre des ris- ques et à faire des modifications dans le temps pour satisfaire les besoins changeants de leurs clients et des organisations qui les soutiennent. Des signes annonciateurs de ce type d'appui existent déjà. Certains bailleurs de fond, la Banque mondiale y comprise, mettent en place des cadres plus sou- CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 239 ples qui facilitent la restructuration des projets et mettent en application des approches qui reposent sur des programmes dans le souci d'introduire plus de flexibilité dans les programmes sectoriels des gouvernements ; cela s'accompagne d'une réévaluation des résultats à plusieurs stades de l'exécu- tion. Il existe une autre conséquence opérationnelle tout aussi importante pour la communauté des bailleurs de fonds. Les bailleurs de fonds doivent mettre en place des activités en rapport avec les savoirs et l'acquisition de connais- sances ainsi que des outils à l'intention des clients, en se concentrant particulièrement sur la promotion du transfert des savoirs Sud-Sud qui peu- vent avoir des résultats importants à long terme. Tout en essayant d'imiter les approches positives à adapter dans des localités nouvelles ou à les main- tenir dans la durée, les pays doivent être à même de tirer des enseignements de l'expérience passée, aussi bien des erreurs que des bonnes décisions, pour adapter les approches qui ont marché dans un domaine donné à des condi- tions nouvelles. Les expériences positives et négatives qui pourraient bénéfi- cier à de nombreux pays et communautés ne sont malheureusement pas par- tagées. Le processus de transfert mondial des savoirs de Shanghai était certes un pas vers la résolution de ce problème mais beaucoup plus reste à faire. À ce niveau également, les bailleurs de fonds doivent changer d'état d'esprit et investir dans des activités et des outils qui pourraient ne pas pro- duire les résultats à court terme qu'ils souhaitent. Le nombre d'endroits et d'outils permettant à divers groupes de clients et de parties prenantes de partager les informations est en hausse ; il en va de même du nombre d'agents dans les institutions donatrices disposées à com- muniquer les enseignements tirés d'expériences diverses. Ce type d'échange Sud-Sud est porteur de beaucoup de retombées et peut procurer des avanta- ges considérables aussi bien aux clients qu'aux bailleurs de fonds. La Ban- que mondiale a mis en place au cours de la décennie écoulée un certain nombre d'initiatives mondiales de transfert des savoirs (par exemple, le Réseau mondial d'échange du savoir au service du développement, le Portail mondial du savoir -- Development Gateway, le Réseau pour le développe- ment mondial et le Marché du développement -- Development Market- place) qui permettent aux spécialistes du développement du monde d'échan- ger leurs expériences. De plus en plus, les activités de transfert des savoirs organisées par la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds mettront davantage l'accent sur les idées que les clients peuvent s'apporter mutuelle- ment plutôt que sur l'approche classique du haut vers le bas ou Nord-Sud adoptée dans la formation. Les visites d'étude se sont avérées comme étant des activités très porteuses à travers lesquelles les praticiens d'un pays apprennent, en situation de contact direct, comment leurs homologues d'un autre pays ont conçu une initiative donnée. La Banque mondiale a éga- lement fait la promotion de nombreux « cercles de professionnels » qui offrent un cadre d'échange viable à des groupes de spécialistes, dont les agents municipaux, les députés, les chercheurs travaillant sur l'analyse de la pauvreté, et les spécialistes de l'eau et de l'assainissement. La Banque mon- 240 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE diale ne cesse de démontrer à travers toutes ces activités que bien que son expérience mondiale soit utile à ses clients, la capacité qu'elle a de faciliter le transfert des savoirs entre ses clients a peut-être plus de valeur aux yeux de ceux-ci. Des progrès ont certes été accomplis dans ce domaine, mais la Banque mondiale et les autres bailleurs de fonds se doivent de tempérer leur opti- misme. Ils doivent poursuivre leurs efforts visant à faciliter le partage d'expériences entre les pays et les régions. En particulier, leurs agents des opérations doivent se considérer comme des intermédiaires du transfert des savoirs, considérer le partage des connaissances comme une partie centrale de leur travail, et renforcer les capacités de leurs clients à acquérir et à utili- ser les connaissances ; c'est un changement qui reste inachevé (Banque mon- diale 2003). Ordonnancement et calendrier En gros, les études de cas n'offrent pas de solution miracle applicable à la manière dont les programmes doivent être ordonnancés ni de calendrier d'exécution. De nombreuses études de cas ont en commun les éléments de base de politique économique, mais les paramètres de quantité, d'ordonnan- cement et de calendrier ont été conçus à l'échelon local. Dans la mesure où il est indispensable de conserver le soutien politique et de titrer des avanta- ges préliminaires des réformes, l'agencement des réformes et les détails s'y rapportant sont spécifiques aux pays. L'Ouganda a suivi la voix des gains préliminaires (étude de cas no 13) assortie de l'introduction progressive et par séquence des réformes, qui reflétait les priorités des citoyens. Le pays s'est d'abord attaqué aux questions de sécurité et des frontières, puis a lancé un programme plus difficile de réformes économiques pour la croissance soutenue et a fini par se lancer dans d'ambitieux programmes de lutte con- tre la pauvreté. Un certain nombre d'études de cas ont montré qu'il était efficace de com- mencer par mettre en place les processus institutionnels formels de manière à faciliter par la suite l'exécution d'activités spécifiques. Le programme phi- lippin de développement de la petite enfance (étude de cas no 14) en est un bon exemple. Le programme a été institutionnalisé par l'État en 2002 lorsqu'il a instauré la loi sur la petite enfance (Early Child Care and Develo- pment Act), établissant les principales instances de direction et les systèmes qui devaient permettre de fournir de meilleures prestations en faveur de la petite enfance. Cette loi est aussi à l'origine de la création du conseil philip- pin pour le bien-être des enfants (Council for the Welfare of Children), ins- tance de décision la plus élevée de l'administration publique responsable des questions de l'enfance, à laquelle a été conféré le mandat de formuler et d'évaluer les politiques et de coordonner la mise en oeuvre de tous les pro- grammes et l'application de toutes les lois ayant trait aux enfants. Après que ces mesures aient été prises, les initiatives pilotes ont démarré avec ardeur. CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 241 L'objectif visé était d'investir dans les services locaux au bénéfice des enfants, de leurs parents, des prestataires locaux de services tels que les pro- grammes de soins et d'éducation à l'intention des enfants, les centres de santé, les initiatives d'éducation des parents, etc. En ce qui concerne les calendriers, les conclusions tirées de quelques étu- des de cas sont pour le moins paradoxales. Comme indiqué au chapitre 2, une crise n'est pas nécessairement un mauvais signe. Les États et les popula- tions sont généralement disposés à travailler différemment au lendemain des crises sociales, politiques ou financières. Autrement dit, l'adversité devient une opportunité pour introduire des réformes. Telle était la situation de l'Indonésie à la fin des années 90 (étude de cas no 3) lorsque les chocs exté- rieurs, les cours des produits de base en particulier, ont joué en faveur du renforcement des mesures politiques. Suite à la seconde crise du pétrole au début des années 80, le gouvernement avait procédé à la dévaluation de la rupiah par deux fois et introduit des réformes macroéconomiques dans le but de diversifier les exportations et de consolider la croissance de la pro- ductivité. En d'autres termes, la période économiquement difficile a donné à l'Indonésie l'opportunité et l'élan dont le pays avait besoin pour procéder à la réforme de son économie et pour mettre en place de bonnes politiques. Il ressort de nombres d'études de cas que les bailleurs de fonds aussi doivent être prêts à saisir les opportunités qui s'offrent à un moment donné de l'évo- lution de chaque pays. Les opportunités de ce type comprennent aussi bien des évènements positifs tels que des périodes de croissance sans heurt que des évolutions négatives comme les crises financières internes ou externes. Une autre conséquence pertinente pour le calendrier et l'ordonnancement est que les services peuvent être amenés à développer une sorte de sixième sens leur permettant de savoir à quel moment il est indiqué d'aller de don- ner un coup d'accélérateur et à quel moment il est mieux d'imprimer un rythme plus lent qui peut à la longue s'avérer plus productif. En règle géné- rale, l'intensification d'une initiative fait appel à un certain élan, un proces- sus qui ne saurait être précipité. Dans l'exemple de la cécité des rivières en Afrique de l'Ouest (étude de cas no 15), le simple fait qu'il s'agisse d'une maladie à long terme par essence a permis de maintenir un engagement sou- tenu de la part de nombreux bailleurs de fonds. Toutefois, il ne suffit pas d'avoir le doigté pour la planification. Les agents ont aussi besoin de la flexibilité dans l'organisation, qui leur permet de tirer parti des opportunités. Gestion axée sur les résultats Fondamentalement, la politique des résultats consiste à aider les pays et les agents des institutions donatrices à se poser les questions suivantes : « Sommes-nous efficaces ? » et « Comment le savons-nous ? » Pour assurer le transfert des savoirs et l'obligation de rendre des comptes, il faut absolu- ment disposer d'informations sur les résultats (Banque mondiale Bank 2005b). Le chapitre 6 en traite, l'évaluation de l'impact peut être un outil 242 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE d'acquisition de connaissances très efficace qui permet d'améliorer la prise de décision et d'orienter les efforts de développement conduits par le pays vers des objectifs clairement définis. Les exemples étudiés dans le chapitre 6 conduisent à une importante conclusion : l'on a tout à gagner à utiliser les résultats des évaluations rigoureuses pour améliorer et affiner les program- mes et les projets au cours de leur exécution et pour éclairer les spécialistes du monde. Au niveau opérationnel, certaines études de cas indiquent que le suivi et l'évaluation, en tant que partie intégrante de la gestion axée sur les résultats, peuvent contribuer à approfondir l'expérimentation, l'acquisition de con- naissances, l'innovation, et par conséquent le processus d'intensification des efforts de lutte contre la pauvreté. Les bailleurs de fonds doivent aussi por- ter l'attention sur le renforcement durable des capacités en accordant aux pays partenaires l'aide qu'il faut pour qu'ils assurent la gestion de leurs pro- pres résultats. Concrètement, cela signifie que les pays partenaires doivent procéder à l'évaluation de leurs propres défaillances et besoins dans des domaines tels que l'analyse des besoins, la formulation des politiques, la planification stratégique axée sur les résultats, les systèmes d'information de gestion, ainsi que le suivi et l'évaluation axés sur les résultats. Les institu- tions donatrices doivent consentir un investissement direct dans le renforce- ment des capacités du secteur public des pays partenaires pour que les servi- ces de l'administration publique soient en mesure d'assurer une gestion efficace axée sur les résultats4. Les bailleurs de fonds doivent garder à l'esprit que réaliser des « résultats sur le terrain » ne se limite pas à collecter des données, assurer le suivi des prestations et suivre les résultats de projets. Ces activités sont certes indis- pensables mais c'est sur la vie des pauvres qu'il faut mettre l'accent. James Wolfensohn, ancien président de la Banque mondiale l'a affirmé à maintes occasions, « Nous ne devons pas oublier de mettre l'accent sur les résultats qui permettent d'améliorer la vie des gens -- les résultats se retrouvent non pas dans les statistiques mais dans les êtres humains5. » En particulier depuis la Conférence de Monterrey en 2002, le travail abattu pour mieux gérer les résultats -- utiliser les informations pour amé- liorer la prise de décision et orienter les processus de développement con- duits par les pays vers des objectifs clairement définis -- s'est imposé au pre- mier rang des préoccupations du programme de la communauté mondiale du développement. Il n'en demeure pas moins que ce programme est vaste et que pour être efficace, il doit être conduit de manière systématique. Un cer- tain nombre d'idées sont à l'essai, notamment un examen des catégories précises de produits, dans le but de déboucher sur des résultats mesurables qui pourront être plus facilement reliés aux résultats attendus du développe- ment. Le travail accompli par la Banque mondiale au cours des dix dernières années en matière de gestion axée sur les résultats a considérablement évo- lué, passant d'une vision stratégique initiale à des actions spécifiques dans les domaines du partenariat, du consensus mondial, des évaluations de la CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 243 qualité, des instruments de prêts et des instruments hors-prêts. Bien qu'il reste encore du pain sur la planche, notamment en termes d'élan à imprimer et de moyens à accorder aux pays partenaires, depuis 2003, la Banque mon- diale a lancé un plan d'action pour l'exécution, qui s'articule autour de deux axes majeurs : 1. La Banque contribue au renforcement des capacités des institutions nationales dans le domaine de la gestion axée sur les résultats en sou- tenant la planification stratégique de lutte contre la pauvreté, la ges- tion du secteur public, les capacités statistiques et le suivi et l'évalua- tion. Des efforts supplémentaires ont abouti en 2004 à la création du Programme de renforcement des capacités statistiques, qui vise à amé- liorer la capacité des pays à assurer le suivi de leurs principaux résul- tats du développement à travers un plan statistique stratégique qui met à disposition des données fiables et en temps voulu. 2. Depuis janvier 2005, la Banque mondiale a mis à l'essai des CAS axées sur les résultats, qui indiquent explicitement les résultats attendus au niveau national ; elles seront influencées par les produits et les services de la Banque mondiale, et assorties d'un système de suivi et d'évalua- tion axé sur les résultats. Alignement et harmonisation Tel qu'établi aux assises de Rome et de Marrakech et plus récemment lors du forum de Paris, le programme relatif à l'alignement et à l'harmonisation est fondamentalement lié à la prise en main par le pays. L'idée qui sous-tend ce programme est que les bailleurs de fonds aligneront leur aide au dévelop- pement en fonction des priorités et des stratégies axées sur des résultats définies par le pays partenaire. Plutôt que de reposer sur des systèmes impo- sés par les bailleurs de fonds, l'aide au développement doit s'appuyer pro- gressivement sur les systèmes des pays partenaires pour fournir l'assistance, l'appui au renforcement des capacités qui permettra d'améliorer ces systè- mes, et pour assurer l'harmonisation parallèlement aux actions de renforce- ment des systèmes nationaux. Dans ce domaine, les bailleurs de fonds doi- vent également mettre en oeuvre les principes de bonne pratique ; ce faisant, ils devront rationaliser et harmoniser leurs politiques, procédures et pratiques ; intensifier la coopération déléguée ; accroître le degré de flexibi- lité dont disposent les agents basés dans les pays pour gérer plus efficace- ment les programmes et les projets nationaux, et concevoir au sein de leurs organisations des incitations à l'effet d'amener la direction et les services à reconnaître les avantages de l'harmonisation (OCDE/CAD 2005). Quel que soit le secteur considéré, prendre appui sur les systèmes de four- niture de services, les institutions et les programmes nationaux peut être un facteur déterminant pour assurer une mise en oeuvre efficace. Le fait de réa- liser l'alignement au moyen des systèmes de fourniture de services en place 244 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE plutôt que de mettre sur pied des cellules d'exécution de projet parallèles par exemple, contribue à renforcer les capacités nationales et à consolider la prise en charge desdits programmes et projets par le pays. Dans les situa- tions où des institutions sont déjà établies et opérationnelles, des agents sont déjà habitués à travailler avec la population locale, les projets qui intègrent en leur sein de tels agents et institutions peuvent démarrer plus tôt et sans encourir les frais de créer une nouvelle institution. À titre d'exemple, deux des initiatives étudiées dans le contexte de Shanghai se sont appuyées sur des programmes d'éducation déjà en place : en Turquie, les différents pro- grammes et expériences en cours lorsque le programme d'éducation de base (étude de cas no 16) a été lancé stimulait l'accroissement rapide de la popu- lation d'élèves inscrits dans le nouveau programme ; et au Bangladesh (étude de cas no 17), les pouvoirs publics travaillent étroitement avec une multitude de prestataires de services -- communautés, organisations non gouvernementales, organisations caritatives et acteurs du secteur privé -- pour réaliser un système d'éducation primaire universelle et uniforme. Il semble que cette approche a contribué à accroître le nombre d'inscrits et à toucher les filles et les garçons pauvres en particulier. Bien d'autres études de cas montrent l'efficacité avec laquelle l'harmoni- sation de l'action des bailleurs de fonds facilite le processus de lutte contre la pauvreté à l'échelle mondiale. En Ouganda (étude de cas no 13), les bailleurs de fonds, en partenariat avec la société civile et le secteur privé, se sont réunis autour du cadre et de la vision élaborés par le gouvernement pour la croissance et la réduction de la pauvreté, et ont ainsi réussi à agir de manière concertée et efficace pour soutenir les réformes. À une échelle plus modeste, le Centre caribéen régional d'assistance technique (CARTAC) (étude de cas no 18) sert de mécanisme permettant d'assurer une coordina- tion plus poussée des efforts fournis par les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires autour des questions de réforme économique. Le CARTAC est un projet du Programme des Nations Unies pour le développement dont l'exécution est assurée par le Fonds monétaire international. Le centre est financé sur des fonds mis à disposition par des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux et par les contributions des États membres. Les institutions bailleurs de fonds mettent leurs ressources à disposition suivant une approche de collaboration très poussée conduite par l'État client. En imposant des conditions extérieures difficiles, ils peuvent mettre à mal l'exécution des projets qu'ils financent ; et si les bailleurs de fonds et le gouvernement ne travaillent pas de manière concertée, leur contribution au développement du pays s'en trouvera limitée. Autant que possible, les bailleurs de fonds doivent rationaliser leurs propres conditions et en parti- culier, éviter de demander aux pays d'établir des systèmes spéciaux pour la conduite des projets. En s'appuyant sur les institutions et les procédures du pays, les bailleurs de fonds évitent les frais de transaction qu'impliquent la mise en place de systèmes nouveaux et augmentent de ce fait la viabilité de leur intervention. Les systèmes nationaux, lorsqu'ils sont utilisés, jouent CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 245 tout naturellement le rôle de point de ralliement des efforts des bailleurs de fonds pour harmoniser leurs processus. Des études de cas ont mis en évidence comment des systèmes et des con- ditions propres aux bailleurs de fonds peuvent saper la réalisation des objec- tifs d'un projet. Dans le cas du projet de lutte contre la pauvreté dans le sud- ouest de la Chine (étude de cas no 19), les procédures de passation des mar- chés et de décaissement de la Banque mondiale ont été perçues comme une entrave à l'exécution sans heurt du projet. Le recours au système des appels d'offre publics assortis de plusieurs sites de projet, de différentes périodes de construction et les différences de saisons ont eu pour conséquences de retar- der et de renchérir les projets ; les décaissements sous réserve de la réalisation des travaux ont posé des problèmes aux zones démunies qui con- naissent un manque sérieux de financements ; et les longues procédures à suivre pour pouvoir modifier les projets ont rendu difficile l'adaptation aux changements du marché. Diverses parties prenantes ont suggéré que la Ban- que apprenne et mette en application les enseignements tirés de ces expé- riences en concevant les projets de manière plus flexible, accélérant le pro- cessus d'approbation des modifications et promouvant une culture qui permette de prendre plus de risque tant au stade de la conception que de la mise en oeuvre des projets. En réponse à cela, la Banque procède à une évo- lution dans cette direction. Dans un effort conjoint avec d'autres bailleurs de fonds, la Banque mon- diale a modifié ses politiques dans le but de réduire les nombreuses condi- tions imposées aux emprunteurs et pour intensifier l'action concertée de tous les bailleurs de fonds visant des objectifs communs dans un même pays. Cet effort en cours requiert de la part des bailleurs de fonds qu'ils coordonnent leurs actions avec les dirigeants nationaux afin d'assurer une orientation cohérente des moyens d'actions et le suivi général des activités de programmes. Comme l'indique une étude datée de 2004 et relative aux incitations à l'harmonisation et à l'alignement de l'action des institutions donatrices préparée par Overseas Development Institute (ODI 2005), il y a des signes de progrès, bien que modestes. Toutefois, comme l'indique le rap- port du forum de Paris sur les progrès, les défis et les opportunités, il est indispensable que tous les bailleurs de fonds (y compris la Banque mon- diale) poursuivent et approfondissent leurs efforts afin d'atteindre les objec- tifs visés d'accroître l'efficacité de l'aide à travers un plus grand effort d'har- monisation et d'alignement des actions entreprises. La Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide au développement (mars 2005) comprend le cadre des actions -- de la part aussi bien des bailleurs de fonds que des pays par- tenaires -- à mettre en oeuvre. Entre autres, il s'agit notamment de la néces- sité pour les bailleurs de fonds de faire reposer l'aide essentiellement sur les priorités nationales, d'entreprendre beaucoup plus d'études diagnostiques conjointes, de partager les informations de manière systématique et de ren- forcer les initiatives de nature à encourager la direction et les services à tra- vailler plus étroitement avec les partenaires et d'autres bailleurs de fonds (OCDE/CAD 2005). 246 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE La Banque mondiale est engagée dans des initiatives visant à intensifier l'impact et l'efficacité de l'aide des bailleurs de fonds, à réduire les coûts de transaction encourus par l'institution et les emprunteurs, à assurer l'aligne- ment de ses politiques en fonction des besoins des emprunteurs et d'une approche centrée sur la conception et les programmes en ce qui concerne les prêts d'investissement (voir l'encadré 7.2). Pour l'essentiel, les efforts de simplification entrepris par la Banque ont pour but de consolider l'harmoni- sation. À travers la rationalisation et l'accélération des procédures et des politiques de la Banque -- par exemple, en simplifiant la documentation -- les services arrivent à avoir une plus grande marge de manoeuvre pour satis- faire les besoins des emprunteurs, notamment en réduisant le poids de la bureaucratie et les coûts de transaction associés au travail avec la Banque mondiale. Le fait de simplifier les procédures de restructuration des projets en cours d'exécution contribuera aussi à consolider le succès des opérations et à faciliter leur passage à l'échelle. Les perspectives Nombre d'enseignements tirés des études de cas sont prévisibles par intuition ; certains d'entre eux sont même bien connus de nombreux bailleurs de fonds. Cependant, la pertinence de ces conclusions pour la Ban- que et d'autres bailleurs de fonds réside dans le caractère singulier de l'occa- sion que ces récits donnent de mener une réflexion sur la manière dont démarrent les initiatives de développement pour ensuite s'intensifier, avec les conséquences immédiates que cela entraîne pour le mode d'opération que les bailleurs de fonds devraient suivre à l'avenir. Il est à noter au même niveau d'importance la contribution des pays en développement à cet exer- cice de partage des connaissances ; ils y ont apporté leurs propres perspecti- ves et une quantité considérable de savoirs spécifiques à leurs pays. Un certain nombre de thèmes dominants et liés entre eux se font jour au moment où les bailleurs de fonds jettent le regard sur l'avenir et tentent d'organiser et d'analyser les connaissances innombrables acquises à travers le processus de transfert mondial des savoirs. Une hirondelle ne fait certes pas le printemps, mais ces idées précisent clairement comment évolue la phi- losophie du développement. Il ne saurait y avoir un projet, un programme ou une politique standard. Par dessus tout, les études analysées révèlent le contexte unique et spécifique de chaque pays, région, village et municipalité. Cette constatation est du reste étayée par d'autres sources. Le Département de l'évaluation des opéra- tions (devenu le Groupe indépendant d'évaluation -- IEG) de la Banque mondiale a récemment mené une étude rétrospective sur les programmes des pays et selon toute attente, a constaté qu'un programme d'aide au pays a plus de chances de produire des résultats satisfaisants s'il est adapté au con- texte spécifique du pays concerné (Banque mondiale 2004). L'édition 2004 de l'Examen annuel de l'efficacité du développement observe que la Banque CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 247 mondiale est confrontée à des défis liés à l'adaptation effective de ses straté- gies de lutte contre la pauvreté aux pays pris individuellement (Banque mondiale 2005a). L'expérience montre de plus en plus qu'une approche effi- cace du développement est une approche alliant plusieurs éléments et con- fectionnée de manière à correspondre au contexte et aux besoins du pays plutôt qu'une approche fondée sur le modèle des projets classiques. En d'autres termes, il est absolument nécessaire de faire preuve de flexibilité. Plus qu'un simple facteur utile, la patience est une condition indispensa- ble. L'une des conclusions les plus importantes des études de cas est peut- être aussi la plus difficile pour les bailleurs de fonds à mettre en pratique, à savoir qu'en règle générale le développement prend du temps. En dernière analyse, le développement implique généralement le changement de com- portements établis de longue date et d'attitudes bien enracinées, toutes cho- ses qui ne peuvent pas se faire du jour au lendemain. Nombre des initiatives étudiées dans cet ouvrage ont abouti à des résultats concluants parce qu'elles ont évolué lentement et progressivement vers leur objectif, à petits pas mais fermement en lieu et place de réformes ambitieuses entreprises dans un laps de temps court. Encadré 7.2 Une plus grande flexibilité dans l'appui à l'acquisition de connaissances et à l'innovation Financement complémentaire : Dans le cadre d'une réforme globale des politi- ques et procédures qu'elle applique aux prêts d'investissement, en mai 2005, la Banque mondiale a procédé à l'actualisation de sa politique relative au finance- ment accordé en complément à un investissement (antérieurement appelé finan- cement supplémentaire). Intégré dans le schéma modèle de projet et aligné en fonction de la politique en vigueur, ce financement qui est en phase avec l'évo- lution des besoins et les attentes de chaque pays, présente l'avantage de contri- buer à une expansion plus rapide des projets et s'accompagne de coûts de trai- tement et de transaction considérablement moins élevés. Dépenses admissibles : En avril 2004, les Administrateurs de la Banque mondiale ont approuvé l'élargissement de la gamme de dépenses que l'institu- tion peut soutenir au titre des prêts d'investissement. Au lieu de se soumettre aux contraintes associées aux politiques élaborées dans un environnement tota- lement différent, la Banque mondiale est désormais en mesure de financer les dépenses que les emprunteurs doivent effectuer pour atteindre leurs objectifs de développement. Ce changement permettra aux services de l'institution d'agir avec plus de souplesse et permet de proposer une gamme plus large d'instru- ments pour aider les emprunteurs à formuler des projets de développement (et avec des coûts de transaction moindres). C'est une étape décisive dans le pro- cessus en cours visant à simplifier et à moderniser les prêts d'investissement. Il faut des approches novatrices pour rendre les programmes efficaces afin qu'ils contribuent à la réduction de la pauvreté. Les progrès dans le 248 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE développement font généralement appel à la créativité, autre leçon qui se dégage clairement du processus de transfert mondial des savoirs. Chaque pays et chaque initiative donnent lieu à des défis distincts et présentent des opportunités différentes. Les bailleurs de fonds et les agents des emprun- teurs doivent avoir à leur disposition les outils et les approches classiques, mais ils doivent aussi être ouverts aux nouvelles idées et être à même de tirer parti des opportunités qui se présentent. Par exemple, ils doivent se poser les questions suivantes : Une opportunité s'offre-t-elle à la faveur d'une récente crise financière ou politique, ou d'une catastrophe naturelle ? Com- ment un nouveau projet pourrait-il profiter de l'expertise d'un groupe de parties prenantes en place ? Quels types d'incitations amélioreraient au mieux l'efficacité du projet ? Existe-t-il des moyens novateurs de créer l'environnement favorable au renforcement des capacités ? En répondant à ces questions, les bailleurs de fonds, la Banque mondiale y comprise, doivent se demander dans quelle mesure ils sont capables de favoriser et de soutenir activement ce genre de créativité. En règle générale, la créativité entraîne un certain degré de risque. En revanche, dans la mesure où les institutions de développement attachent de l'importance aux conclusions des initiatives analysées en intensifiant leurs efforts, pour accomplir plus de progrès vers la réalisation des objectifs de développement pour le Millénaire, il leur faudra examiner leurs propres environnements opérationnels pour savoir si leurs agents possèdent la flexibilité et reçoivent les incitations voulues pour prendre des risques mesurés et pour faire face aux défis du développement avec un sens réel de la créativité. De quelle manière les bailleurs de fonds oeuvrent-ils à créer un tel environnement ? Comment changent-ils leur manière de travailler pour répondre plus ample- ment aux besoins complexes et en évolution incessante des pays clients ? Les incitations qu'il faudrait sont-elles en place ? Comme le donnent à constater ces initiatives et activités, la Banque mon- diale et les autres institutions donatrices mettent en place de manière pro- gressive le type d'environnement susceptible de stimuler la créativité dont les agents ont besoin pour être à même de concevoir et d'exécuter des pro- jets pouvant être reproduits à plus grande échelle. Ils doivent poursuivre sur cette voie, utilisant le même principe d'évaluation continuelle qui est un fac- teur particulièrement décisif dans ces initiatives ; ils doivent aussi utiliser les résultats obtenus pour améliorer leurs actions. Les défis à relever pour mieux articuler le mode de fonctionnement des bailleurs de fonds sont énormes. Il existe toutefois des signes positifs : un certain nombre de bonnes pratiques ont vu le jour, comme le suggèrent les études analysées, et ont évolué en tirant des leçons des erreurs et, plus encore, en écoutant et en se mettant à l'école des clients. Le défi réel pour l'ensemble des bailleurs de fonds consistera à traduire les enseignements appris en des pratiques générales et en des politiques opérationnelles. Ce sera le signe que les bailleurs de fonds ont la capacité, la détermination et la volonté de s'engager pleinement sur la voie de l'intensification d'initiatives novatrices de réduction de la pauvreté pour atteindre les objectifs de déve- CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 249 loppement pour le Millénaire. Il n'y a pratiquement pas d'autre choix. Comme l'a souvent dit M. Wolfensohn l'ancien président de la Banque mondiale, « Il ne suffit pas d'être satisfait de tel ou tel projet, les défis aux- quels nous faisons face sont tout simplement trop énormes ; nous devons dépasser les projets et les politiques pour intensifier nos efforts et nous atta- quer à la tâche gigantesque qui nous attend ». Notes 1. Les études de cas ci-après sont examinées et citées par numéro d'ordre dans le présent chapitre : Étude de cas no 1 -- A. Muganda, Tanzania's Economic Reforms and Lessons Learned (Réformes économiques et leçons de l'expérience de la Tanzanie) ; Étude de cas no 2 -- B. Ross-Larson, F. Saadah, E. McCrocklin, et E. Wiley, Thailand: Addressing HIV/AIDS -- Proven Solutions and New Problems (Thaïlande : Lutte contre le VIH/SIDA -- Les solutions qui ont fait leurs preuves et les nouveaux problèmes) ; Étude de cas no 3 -- B. Hofman, E. Rodrick-Jones, et K. W. Thee, Indonesia: Poverty Reduction and Economic Challenges (Indonésie : Lutte contre la pauvreté et défis économiques) ; Étude de cas no 4 -- M. Dabrowski, O. Rohozynsky, et I. Sinitsina, Poland and the Russian Federation: A Comparative Study of Growth and Poverty (Pologne et Fédération de Russie : une étude compara- tive de la croissance et de la pauvreté) ; Étude de cas no 5 -- Kenya, Tanzania, Uganda: The Madrassah Early Childhood Program -- Nurturing Innovations and Seeking Sustainability in Early Childhood Development (Kenya, Tanzanie et Ouganda : programme de la petite enfance dans les Madrassah -- promotion des innovations et recherche de stabilité dans le développement de la petite enfance) ; Étude de cas no 6 --W. Sangui, L. Zhou, et R. Yanshun, China's 8-7 National Poverty Reduction Program (Programme national chinois 8-7 de lutte contre la pauvreté) ; Étude de cas no 7 -- S. F. Rasmussen, M. M. Piracha, R. Bajwa, A. Malik, et A. Mansoor, Pakistan's Scaling Up Rural Support Programs (Programmes pakistanais d'intensification de l'appui au secteur rural) ; Étude de cas no 8 -- Pro- gramme mexicain intitulé Oportunidades ; Étude de cas no 9 -- Programme brésilien intitulé Bolsa Família ; Étude de cas no 10 -- A. Markanday, Scaling Up IFAD's Experience with Decentralized and Participatory Rural Development and Poverty Reduction in Vietnam (Intensification de l'expérience du FIDA en matière de déve- loppement rural décentralisé et participatif au regard de la lutte contre la pauvreté au Viet Nam) ; Étude de cas no 11 -- S. Guggenheim, T. Wiranto, Y. Prasta, et S. Wong, Indonesia's Kecamatan Development Program -- A Large-Scale Use of Com- munity Development to Reduce Poverty (Programme indonésien de développement de Kecamatan -- une utilisation à grande échelle du développement communautaire pour lutter contre la pauvreté) ; Étude de cas no 12 -- A. Roumani, Brazil: Reducing Rural Poverty by Increasing Access to Land (Brésil : réduire la pauvreté en amélio- rant l'accès à la terre) ; Étude de cas no 13 -- Uganda: From Conflict to Sustained Growth and Deep Reductions in Poverty (Ouganda : d'une situation de conflit à la croissance durable et à une réduction marquée de la pauvreté) ; Étude de cas no 14 -- J. R. Behrman, S. Gultiano, E. King, et L. Laigo, Philippines Early Childhood Development Programs -- Offsetting the Disadvantages of Poverty (Programmes philippins de développement de la petite enfance -- souligner les inconvénients de la pauvreté) ; Étude de cas no 15 -- J. B. Bump, B. Benton, A. Sékétéli, B. H. Liese, et 250 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE C. Novinskey, West Africa: Defeating Riverblindness -- Success in Scaling Up and Lessons Learned (Afrique de l'Ouest : éradication de la cécité des rivières -- une intensification réussie et les leçons de l'expérience) ; Étude de cas no 16 -- I. Dulger, Turkey: Rapid Coverage for Compulsory Education -- The 1997 Basic Education Program (Turquie : Couverture rapide de l'éducation obligatoire -- le programme d'éducation de base de 1997) ; Étude de cas no 17 -- N. Hossain, Access to Educa- tion for the Poor and Girls: Educational Achievements in Bangladesh (Accès à l'édu- cation par les pauvres et les filles : rendements scolaires au Bangladesh) ; Étude de cas no 18 -- W. Anderson, M. Gilbert, Caribbean: CARTAC and the Eastern Carib- bean Economic Management Program (Caraïbes : CARTAC et le programme de ges- tion économique des Caraïbes de l'Est) ; Étude de cas no 19 -- W. Guobao, Q. Yang, et C. Huang, China's Southwest Poverty Reduction Project: A Multisectoral Approach (Projet de lutte contre la pauvreté dans le Sud-Ouest de la Chine : une approche multisectorielle). 2. Un certain nombre d'études ont abordé la question du lien entre la prise en charge et la pérennité. À la Banque mondiale, le Secrétariat du Cadre de développe- ment intégré a préparé des rapports qui traitent de ce sujet. Pour plus d'information, bien vouloir consulter le site http://web.worldbank.org/ WBSITE/EXTERNAL/PRO- JECTS/STRATEGIES/CDF/0,,pagePK: 60447~ theSitePK: 1405 76,00.html. 3. Consulter le site Web du Centre d'information sur le renforcement des capaci- tés de l'Institut de la Banque mondiale : http://web.worldbank.org/WBSITE/ EXTERNAL/TOPICS/EXT CDRC/0,,menuPK: 641691 81~pagePK:64169192~piPK: 641691 80~theSitePK :489952,00.html. 4. Le document Managing for Development Results Sourcebook (projet) 2005 est disponible sur le site Web www.mfdr.org/Sourcebook.html. 5. Propos extraits d'un discours de James Wolfensohn à l'occasion d'une journée de réflexion de la Banque mondiale, 16 mai 2005, Washington. Bibliographie Birdsall, Nancy. 2004. "Seven Deadly Sins: Reflections on Donor Failings." Working Paper 50, Center for Global Development, Washington. Drazen, A., and P. Isard. 2004. "Can Public Discussion Enhance Program `Ownership'?" Working Paper 163, International Monetary Fund, Washington. Entwistle, Janet, and Filippo Cavassini. 2005. An Operational Approach to Asses- sing Country Ownership of Poverty Reduction Strategies. Washington : Banque mondiale. Disponible sur le site : http://web.worldbank.org/WB SITE/EXTER- NAL/PROJECTS/STRATEGIES/CDF/0,,contentMDK:203 85021~pagePK:139301~piPK:139306~theSitePK:260799,00.html. Fukuyama, Francis. 2004. State-Building: Governance and World Order in the 21st Century. Ithaca, NY: Cornell University Press. Mkapa, Benjamin William. 2004. "Shanghai Conference Roundtable: Talking Points for His Excellency." Disponible sur le site : www.worldbank.org/wbi/redu- cingpoverty/docs/confDocs/Mkapa.pdf. ODI (Overseas Development Institute). 2005. "Incentives for Harmonisation and Alignment in Aid Agencies." Working Paper 248, ODI, Londre. OECD/DAC (Organisation for Economic Co-operation and Development/Develop- ment Action Committee). 2005. "Managing for Development Results Principles CONSÉQUENCES AU PLAN OPÉRATIONNEL 251 in Action: Sourcebook on Emerging Good Practice." Draft. Disponible sur le site : www.mfdr.org/Sourcebok.html. Schacter, Mark. 2000. "Capacity Building: A New Way of Doing Business for Deve- lopment Assistance Organizations." Policy Brief 6, Institute on Governance, Ottawa, Ontario. Wolfensohn, James. 2004. "Opening Address." Presented at the Shanghai Confer- ence, May 25­2 7, 2004. Disponible sur le site: www.worldbank.org/wbi/redu- cingpoverty/docs/confDocs/JDWShanghaiOpening.pdf. World Bank. 2005a. 2004 Annual Review of Development Effectiveness: The Bank's Contributions to Poverty Reduction. Washington. ------. 2005b. "Balancing the Development Agenda: The Transformation of the World Bank under James Wolfensohn, 1995­2005." Washington. ------. 2005c. "Effective States and Engaged Societies: Capacity Development for Growth, Service Delivery, Empowerment, and Security." Progress Report, Opera- tional Task Force on Capacity Development in Africa, Washington. Disponible sur le site : http://siteresources.worldbank.org/INTAFRICA/Resources/ progress_report_0405_en.pdf. ------. 2005d. Global Monitoring Report 2005. Millennium Development Goals: From Consensus to Momentum. Washington. ------. 2004. "Country Program Retrospective: What Have We Learned from OED's Country Assistance Evaluations?" Presentation to the Operations Evalua- tion Department Conference on Effectiveness of Policies and Reforms, Washing- ton, 4 octobre, 2004. ------. 2003. "Sharing Knowledge: Innovations and Remaining Challenges." OED Evaluation, Washington. Disponible sur le site : www.worldba nk.org/oed/ knowledge_evaluation/. 8 Thèmes de recherche future Frannie A. Léautier et Blanca Moreno-Dodson Ce chapitre est inspiré des conclusions tirées des études de cas analysées dans les sept premiers chapitres ; il met en lumière des questions qui restent posées et qui peuvent faire l'objet d'une recherche future. Les trois premières sections de ce chapitre qui en comprend sept sont consacrées à des propositions de domaines de recherche future liés à des fac- teurs de mise en oeuvre susceptibles de contribuer à la réduction de la pau- vreté à l'échelle mondiale, facteurs envisagés dans le cadre initial et compre- nant notamment le leadership, l'innovation, l'acquisition de connaissances et l'évaluation. Les trois sections suivantes traitent des questions restées sans réponses et ont précisément trait aux trois dimensions initiales de l'intensification soulignées dans le premier chapitre et illustrées dans l'ouvrage. Les ressources budgétaires et le financement extérieur renvoient aux fondements macroéconomiques de l'intensification. La viabilité dans le temps fait appel à la dimension temporelle ; et l'interdépendance entre les zones rurales et les zones urbaines reflète bien les entraves au passage à l'échelle du point de vue géographique. Enfin, la dernière section présente les résultats de l'évaluation de l'initiative mondiale de transfert des savoirs. Comme indiqué dans l'introduction du livre, l'objectif visé n'est pas de faire des recommandations ni des prescriptions précises, mais plutôt de met- tre en exergue des thèmes importants que la communauté internationale du développement devrait continuer d'étudier. 254 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE L'efficacité des dirigeants Comme l'indiquent les différentes études de cas des pays, un leadership effi- cace peut naître dans divers contextes et revêtir des formes différentes. Que le leadership soit lié à l'appui de technocrates, à de puissants politiciens locaux, à des visionnaires acteurs de la société civile ou à des entrepreneurs pragmatiques, il est tout aussi important de commencer par des objectifs clairs que d'opérer les choix qu'il faut au cours du processus d'exécution. Étant donné qu'il ne serait pas possible de trouver un scénario hypothéti- que permettant d'évaluer l'efficacité des dirigeants d'un pays donné (imagi- nez un scénario dans lequel les programmes de la Chine ou de l'Ouganda sont exécutés suivant des modalités différentes), tout ce qu'il est possible de faire c'est d'analyser le lien entre le leadership et les mesures prises, comme le suggèrent les éléments qui ressortent de ces cas. Au niveau macroéconomique, toutes les stratégies ci-après ont nécessité une adaptation du leadership aux conditions existantes : choisir un modèle de croissance approprié pour le pays, comme l'ont fait la Chine et la Tunisie ; mettre en oeuvre la stratégie qui l'accompagne en fonction des plans, comme dans le cas de la Corée ; et être capable de se remettre sur pied après des changements difficiles, comme en Indonésie ou en Pologne. D'une manière ou d'une autre, dans chaque cas, il était absolument néces- saire de procéder à une planification « stratégique » et d'arriver à établir l'équilibre entre les risques à court terme et les objectifs à long terme. Sans pour autant chercher à recommander un quelconque système de planifica- tion du développement en particulier, il conviendrait de chercher à savoir de quoi est faite une planification « stratégique » et ce qui contribue à l'effica- cité du leadership au niveau d'un pays. Les questions ci-après constituent d'importants sujets de recherche sur le leadership : Comment le leadership prend-il corps? Que peut-on faire pour le soutenir ? Quel mécanisme peut-on utiliser pour instituer les changements décidés par les pouvoirs publics et mettre en place les modalités d'exécution nécessaires à l'atteinte des résultats voulus ? Quelle importance relative la con- tinuité politique revêt-elle par rapport à la continuité des trains de mesure ? Un environnement propice à l'acquisition de connaissances et à l'innovation La réalisation des résultats du développement n'est pas un processus linéaire ; il est possible de n'obtenir des résultats que lorsqu'on s'y attend le moins et après de longues périodes de frustration. C'est la raison pour laquelle il importe de créer un environnement qui incite à acquérir des con- naissances et à innover, et qui permette aux participants d'entreprendre des expériences et de tirer des enseignements des tentatives, des erreurs et des succès -- aussi bien des leurs qu'à partir de ceux des autres. THÈMES DE RECHERCHE FUTURE 255 Dans notre échantillon de pays, la Chine a introduit l'expérimentation dans le contexte global de ses programmes officiels. Une telle décision insti- tutionnelle peut-elle être prise dans d'autres pays ? Les pays en développement seraient-ils mieux préparés à stimuler l'inno- vation avec plus de subtilité, par exemple en encourageant la concurrence, la décentralisation de la mise en oeuvre, et en suscitant la participation des populations comme l'ont fait le Costa Rica, El Salvador, et le Chili dans les secteurs sociaux, et l'Indonésie dans le cadre du programme KDP ? Les incitations qui sous-tendent le processus d'acquisition de connaissan- ces et d'innovation méritent également une attention plus grande. Dans le secteur des infrastructures, le Maroc a introduit une culture du résultat et a réussi à améliorer la performance du réseau de routes rurales en fixant des objectifs concrets exprimés en termes d'accès plutôt que de cibles physiques et en planifiant l'investissement dans les infrastructures de manière intégrée. Le passage à la planification axée sur les résultats est certes évident, mais de nombreux pays sont confrontés à des obstacles politiques et institutionnels qui les empêchent de passer à la culture du résultat et de faire une planifica- tion propice à un développement intégré. Les études de cas font ressortir un certain nombre de moyens par lesquels les pays peuvent créer un environnement favorable à l'acquisition de con- naissances et à l'innovation. Par exemple, dans le cas du Costa Rica, l'intro- duction de l'esprit de concurrence entre les prestataires de services de santé a donné lieu à de nouvelles idées sur comment obtenir de meilleurs résultats. D'autres cas indiquent que c'est à travers la décentralisation, et le degré accru de responsabilité qui l'accompagne, qu'on peu créer un environne- ment propice à l'apprentissage et à l'innovation. On peut par exemple se poser la question, concernant la Chine où les provinces étaient en concur- rence les unes avec les autres, de savoir comment le processus de participa- tion et d'engagement citoyen conduit à produire de meilleures idées (c'est le cas du Chili et du Brésil), et cela au regard de la situation où sont autorisées des tentatives ponctuelles par différents agents (le VIH/SIDA à Manipur en Inde) ou une expérimentation explicite comme dans le cas de la Chine ? Ces questions mériteraient d'être creusées plus à fond. Échange de connaissances et évaluation de l'impact Comme la plupart des études de cas l'ont souligné, le partage des expérien- ces et les connaissances que cela permet de transmettre sont des facteurs indispensables pour comprendre comment entreprendre l'intensification, en particulier lorsqu'il s'agit de mettre le doigt sur ce qui peut conduire à des résultats et dans quelles conditions cela peut se faire. La Conférence de Shanghai était certes une étape importante dans cette direction, mais la communauté du développement doit accumuler et échanger beaucoup plus 256 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE de connaissances sur les modèles et les processus de réforme prometteurs. Il urge de procéder à des analyses plus élargies, d'obtenir une documentation plus fournie, et de divulguer plus largement les initiatives locales, notam- ment celles conçues et mises en oeuvre en dehors du secteur formel et des créneaux d'investissement officiels. Les initiatives de ce type augmentent en nombre au jour le jour, y compris de nombreuses activités pilotes quasi inconnues et des innovations lancées par le secteur privé, la société civile et les organisations non gouvernementales. Le partage de connaissances est un complément essentiel à la préparation et à la planification des projets de développement, y compris les efforts visant à améliorer la gouvernance en tant que pilier du développement éco- nomique. Néanmoins, l'acquisition de connaissances peut prendre du temps et il est souvent nécessaire d'attendre que les réformes soient suffisamment avancées avant de faire une analyse complète de ce qui a été appris. Cela explique la raison pour laquelle la comparaison et la diffusion des expérien- ces propres à des initiatives similaires dans des contextes différents appor- tent une valeur ajoutée non négligeable et peut aider à réduire le temps nécessaire à l'acquisition de connaissances dans un pays donné. Bien que le partage de connaissances puisse déclencher l'application utile de mesures correctrices à mi-parcours, l'évaluation équilibrée au moyen de scénario en absence d'intervention portant sur les effets finaux de toute ini- tiative sur la vie des pauvres s'avère cruciale dans le choix d'une mesure donnée. Les évaluations d'impact rigoureuses qui constituent un processus systématique et sûr d'acquisition de connaissances tirées de l'expérience pourraient servir de base à la réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale. Comme indiqué au chapitre 6, la première étape serait d'assurer que d'autres approches de recherche de solution aux principaux défis du déve- loppement soient mises à l'essai et évaluées pour en connaître l'impact dans les pays et dans les régions. Toutefois, les résultats des évaluations indépen- dantes ne sauraient suffire. La deuxième étape consisterait à procéder à la comparaison de ces résultats à travers des méta-analyses. De plus, dans de nombreux cas, il pourrait même être possible de comparer les résultats avec ceux obtenus de l'application d'autres approches pour atteindre les mêmes buts. La majorité des pays en développement dispose d'une faible capacité de suivi et d'évaluation, et de peu d'incitations à développer cette capacité. Les organismes multilatéraux et bilatéraux devraient fournir un appui bien coordonné pour aider les pays clients à établir et à mettre en oeuvre leurs propres priorités. Il est aussi absolument indispensable de mettre à disposi- tion les moyens permettant aux évaluateurs des pays en développement de participer activement à cette nouvelle tendance dans laquelle une attention et une importance accrues sont accordées à l'évaluation de l'impact en tant qu'outil d'acquisition de connaissances. THÈMES DE RECHERCHE FUTURE 257 Ressources budgétaires et financements extérieurs Par définition, l'intensification de la lutte contre la pauvreté requiert un hori- zon dans le temps différent de la période de mise en oeuvre d'une intervention spécifique. Les pays en développement doivent procéder à une planification stratégique de manière à prendre en compte des objectifs qui demanderaient plus de temps à se réaliser, et la communauté internationale doit s'engager à contribuer à appuyer les efforts de réforme prometteurs qui en ont besoin. Pour les institutions internationales telles que la Banque mondiale, la ques- tion qui se pose est de savoir pendant combien de temps elles doivent rester engagées avant de voir ces initiatives devenir totalement autonomes. Il est vrai que pour de nombreux pays, l'atteinte des ODM passe par la mobilisation de financements à des niveaux sans précédent aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de leurs frontières, mais le corollaire de cet effort est une source de préoccupation. Il est indispensable pour les pays bénéficiaires d'améliorer leurs capacités d'absorption s'ils veulent utiliser efficacement le financement potentiel devant satisfaire des besoins de « ressources budgétaires » autrement plus grands. Par ailleurs, il ne suffit pas de procéder, même avec soin, à la définition de l'ordre des priorités, au ciblage et à l'exécution de toutes les dépenses pour obtenir les résultats escomptés. Il est aussi nécessaire de peser soigneuse- ment les décisions afin d'éviter d'aliéner les apports du secteur privé. En fait, il faudrait créer des partenariats plus étroits avec le secteur privé, les com- munautés locales et la société civile en général pour renforcer l'efficacité des dépenses publiques et augmenter l'impact des taux de croissance escomptés et de la lutte contre la pauvreté. Du côté du financement, l'intensification fera véritablement appel à la prévisibilité et à la viabilité des apports financiers supplémentaires à court et à moyen termes, réduisant de ce fait l'incertitude et la volatilité. Parallèle- ment, au fur et à mesure des progrès accomplis et de la pérennisation des initiatives, il conviendrait d'encourager vivement que soient prises des mesures systématiques permettant de réduire le degré de dépendance à l'égard des financements extérieurs. Continuité et viabilité globale Nous ne savons pas encore quels facteurs sont absolument nécessaires pour obtenir un impact durable de la réduction de la pauvreté. Quels types de réformes sont nécessaires pour que les changements positifs entrepris dans de nombreux pays soient maintenus et produisent des résultats durables ? Quel type d'appui faut-il à des structures institutionnelles relativement nou- velles, sur la base desquelles reposent ces réformes, pour impulser une plus grande efficacité et éviter de subir un revers ? 258 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Par exemple, dans le domaine des réformes judiciaires, nombreux sont les pays en développement qui ne disposent pas des capacités institutionnelles proprement dites ni des activités concrètes, des ressources humaines et financières, des infrastructures ni des services nécessaires pour créer les con- ditions propices à l'exercice de l'état de droit, à la prospérité et à la paix. Il y a lieu d'envisager le renforcement des capacités à plus long terme et d'obtenir une forte mobilisation des facteurs extérieurs. Concernant le microfinancement, les prestataires de services n'ont touché qu'une partie infime de la population démunie dans la majorité des pays. Le défi consiste à élargir l'accès pour prendre en compte ceux qui n'ont tou- jours pas été touchés. Les institutions financières favorables aux pauvres doivent entreprendre des efforts d'intensification d'assez grande envergure pour créer plus d'efficacité et de profitabilité. Les États pour leur part doi- vent promouvoir des marchés financiers efficaces et les bailleurs de fonds doivent continuer de financer ses innovations. S'agissant du développement impulsé par les communautés, la question qui se pose est de savoir s'il faut intégrer totalement ses communautés dans les structures étatiques, avec tout le savoir-faire accumulé par leurs mem- bres ou si elles doivent plutôt continuer à fonctionner en dehors de ces structures, à condition qu'elles se rapprochent progressivement de la pérennisation. L'intensification doit être entièrement orientée vers la pre- mière option. Néanmoins, il est possible que de nombreux pays ne soient pas prêts à avancer sur cette voie. Les projets ne seront efficaces que dans la mesure où ils continueront de profiter aux communautés bénéficiaires comme cela a été le cas jusqu'ici ; ils pourront toutefois continuer d'étendre leurs activités pour couvrir un nombre plus élevé de zones et de bénéficiaires. En règle générale, la majorité des cas indique qu'il faut faire montre de patience et de persévérance. S'il a fallu plus d'une décennie pour que nom- bre d'initiatives aboutissent aux réalisations préliminaires observées, il fau- dra probablement compter plus de temps pour voir des effets tangibles et mesurables de la lutte contre la pauvreté prendre corps et influencer les poli- tiques et les pratiques nationales de manière plus durable. Interdépendance entre les zones rurales et les zones urbaines Les petites communautés des zones rurales dans lesquelles il est coûteux et difficile de fournir des services de base et dans lesquelles les opportunités de gagner un revenu sont limitées, continuent d'être les endroits où vit une grande partie des populations pauvres du monde. Ces communautés doi- vent-elles bénéficier d'un appui supplémentaire et leurs moyens de subsis- tance améliorés localement ou doivent-elles être encouragées à se rendre dans les villes ou dans les régions où elles peuvent accéder à une vie meilleure ? THÈMES DE RECHERCHE FUTURE 259 Bien évidemment aucune de ces deux options n'éliminerait totalement la pauvreté. Face à ces questions et au défi de la pauvreté généralisée, les pays peuvent agir sur deux fronts. Ils peuvent d'une part faire de la pauvreté rurale une priorité absolue et promouvoir la croissance de la productivité rurale, comme la Chine l'a fait. D'autre part, ils peuvent encourager la croissance rapide des grands centres urbains qui à leur tour donneraient une impulsion aux zones rurales, tout en supprimant les entraves à la mobilité de la main-d'oeuvre et à la migration vers les villes. La croissance des zones rurales peut contribuer à sortir des villages et des régions entières de la pauvreté, mais l'essor des centres urbains dans des économies qui connaissent une croissance rapide offre aussi d'énormes pos- sibilités d'emploi. Agir sur les deux fronts n'est pas toujours une option por- teuse dans les petites économies non diversifiées et à croissance lente. Dans ces derniers cas, l'intensification des efforts au niveau rural devrait aider à réduire la pauvreté monétaire, améliorer l'accès aux services sociaux et favoriser l'inclusion sociale. Parallèlement, il conviendrait de promouvoir des échanges économiques, politiques et sociaux avec les villes et les régions urbanisées et les plus développées. Un défi global reste à relever avant de pouvoir répondre aux demandes qui se font jour dans les zones urbaines ; cela a des implications sur les investissements à consentir aux infrastructures, à l'éducation et à la santé, sans créer des disparités régionales ou sociales plus grandes. Étant donné que la demande d'infrastructure est fonction de la population, de la crois- sance, et de l'interdépendance entre les économies rurales et urbaines, au fur et à mesure que l'ampleur et la complexité des interactions entre les zones rurales et les zones urbaines se multiplient, l'intensification des efforts dans ces zones et dans les régions s'impose avec urgence. Évaluation du processus de transfert des savoirs Le processus de Shanghai qui aura duré une année a été conçu de manière à se prêter à l'évaluation et que les enseignements qui en découleraient puis- sent servir à concevoir des processus similaires de transfert des savoirs. Peut-être ces enseignements pourraient-ils aussi orienter les spécialistes du développement qui pourraient envisager de mettre sur pied des systèmes comparables. Une évaluation fondée sur quatre activités clés a donc été con- duite : 1) une enquête en ligne auprès des participants au processus de trans- fert des savoirs de Shanghai, avec des personnes originaires de 49 pays ayant répondu aux questions posées ; 2) des entretiens en tête-à-tête avec des participants au processus de transfert des savoirs de Shanghai et avec les personnes qui l'ont organisé (102 entretiens conduits dans dix pays) ; 3) des groupes de discussion avec les participants et les organisateurs ; et 4) un examen des dossiers pertinents au regard de l'expérience de Shanghai1. Il ressort des résultats de l'évaluation que les participants étaient très satisfaits de la qualité et de l'efficacité du processus de transfert des savoirs 260 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE de Shanghai. Ils ont été relativement plus positivement touchés par les visi- tes de terrain et les études de cas, mais ont gardé une haute opinion des échanges à caractère mondial et de la conférence proprement dite. L'engage- ment actif et ouvert des spécialistes et des décideurs ont été désignés comme étant les principales caractéristiques du processus de transfert. Plus de 90 pour cent des participants affirment avoir utilisé ce qu'ils ont appris du processus de Shanghai. Les principaux impacts se sont d'abord manifestés au niveau personnel, puis a suivi le processus de transfert des savoirs stimulé par les activités liées à Shanghai, notamment en termes d'outils et d'approches permettant de passer à l'échelle dans la lutte contre la pauvreté. Le processus de Shanghai a été considéré comme pertinent pour toutes les catégories de pays, qu'il s'agisse des pays à faibles revenus, des pays à reve- nus intermédiaires ou des pays à revenus élevés. Toutefois, les pays à reve- nus intermédiaires en mesure de se mettre à l'école des pays à revenus éle- vés, des autres pays à revenus intermédiaires et des pays à faibles revenus sont ceux qui ont trouvé que le processus était des plus efficaces. Ces résultats montrent qu'il est possible de concevoir un processus de transfert des savoirs qui permette aux spécialistes d'avoir des échanges les uns avec les autres et avec les décideurs. De précieux enseignements peuvent être tirés d'un tel processus et être partagés. L'utilité de ce processus s'inscrit dans la durée et dépasse la dimension d'un événement ponctuel. L'aspect fondamental est de voir quels sont les éléments du processus de transfert de savoirs qui seraient pertinents pour un projet, un programme ou un pays qui cherche à améliorer son approche de transfert des savoirs et d'échange d'idées. C'est là un thème important des travaux futurs que les agents de l'Institut de la Banque mondiale entreprendront. Note 1. Les résultats de cette évaluation seront publiés dans le cadre d'un rapport d'évaluation séparé en cours d'examen au moment de la publication du présent ouvrage. Index A Réformes et services financiers, 119, 123- 24 Accords de paix, Guatemala, 116 Bangladesh Rural Advancement Committee Acquisition de connaissances. Voir (BRAC), 123 Innovations dans la lutte contre la Bank Rakyat Indonesia (BRI), 49-50 pauvreté Banque de développement agricole, Activités bancaires. Voir Microfinance Mongolie, 120 administration centrale. Voir rôle directeur Banque mondiale du pays Alignement et harmonisation, 256-58 Afrique Appui à la réforme du système éducatif, Expériences relatives à la lutte contre la 166 pauvreté, 16, 17 Appui aux échanges mutuels entre pays, Intensification de l'investissement dans 249, 250 l'infrastructure, 111 Appui aux réformes judiciaires, 110, 116 Afrique de l'Ouest, 142-43, 145, 253 En Chine, 73-74, 80-81 Agence des États-Unis pour le Gestion axée sur les résultats, 253-55 développement international (USAID), Initiative DIME, 215 120 Perspectives, 258-61 Agence japonaise de coopération Processus de transfert mondial des savoirs internationale (JICA), 141 Aperçu général, 3-4 Agence suédoise de coopération Intensification (voir passage à l'échelle) internationale au développement, 146 Méthode d'analyse, 5-6 Albanie, 106 Objectifs, 16 Alignement et harmonisation, 216-18 Plan de présentation, 9-14 Amérique latine, 169-70 Programmes CDD (voir Programme de APJR (Programme d'action des Philippines développement impulsés par la pour la réforme judiciaire), 113 communauté) Appui/engagement des bailleurs de fonds. Rôle d'encouragement des pays à assurer Voir Rôle des catalyseurs externes la prise en charge, 241-42 ARISP (Projet d'appui à l'infrastructure pour Rôle de l'aide internationale, 55-56 la réforme agraire, Philippines), 234 Rôle du renforcement des capacités, 246- Asie de l'Est, 31 47 Aspect spatial de l'intensification, 18 Banque nationale d'épargne et de services Association for Social Advancement (ASA), financiers (BANSEFI), Mexique, 126 Bangladesh, 123 BANSEFI (Banque nationale d'épargne et de AVINA, 169 services financiers), Mexique, 126 Birdsall, Nancy 246 B Bosnie, 193 BRAC (Bangladesh Rural Advancement Bangladesh Committee), 123 Alignement et harmonisation, 256 Brésil Réforme du système éducatif, 149, 154- Évaluation de l'impact des programmes, 55, 157, 160-61, 167, 170 216-17, 229 262 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Intensification de l'investissement dans Caractère itératif du processus de réforme, l'infrastructure, 102 32 Programme CDD, 187, 188, 191, 195, Contraintes à l'impact de la croissance, 37 196, 197 Disparités causées par la croissance rapide BRI (Bank Rakyat Indonesia), 49-50 dans les régions, 72-73 Bureaux de gestion de projet, 76 Études de cas réalisées, 61-62 Bureaux de gestion de projet, Chine, 76 Évaluation de l'impact des programmes, 229-30 C Impact de la croissance économique sur le taux de pauvreté, 35 Cadre d'action de Dakar, 166 Innovations institutionnelles, 91 cadre d'analyse Intensification de l'investissement dans caractéristiques des initiatives réussies, l'infrastructure, 102, 105-106, 109, 26­28 110 exemples d'utilisation, 21­22 Les savoirs, l'acquisition de connaissances facteurs d'exécution, 20 et l'innovation, 248 matrice, 22 Nouveaux défis et nouvelles politiques, processus de transfert mondial des savoirs, 86-87 16 Nouvelles mesures adoptées, 85-86 stratégie à deux piliers, 19­22 Passage de l'aide au développement, 68-69 stratégie d'intensification (voir Processus de suivi et d'évaluation, 52 intensification) Progrès lié au rôle directeur du pays, 42-43 Cécité des rivières, 134, 136, 137, 141-46, Réforme du système éducatif, 155, 156, 262 161, 165 Centre caribéen régional d'assistance Réformes concluantes, 27 technique (CARTAC), 256 Réformes dans le secteur rural, 63-66 Centre international de réduction de la Répartition sectorielle de la croissance, 66- pauvreté en Chine, 87 68, 69 Chili Rôle de l'aide internationale, 56 Adaptation des pouvoirs publics au Sources de la croissance rapide, 63-66 changement, 33, 42-43 Taux de pauvreté, 17, 60 Contraintes à l'impact de la croissance, 37 Chisale, Trensio, 242 Impact de la croissance économique sur le Climat des investissements. Voir aussi taux de pauvreté, 34, 35 Microfinance Processus de suivi et d'évaluation, 52 Quelques aspects, 27 Progrès lié au rôle directeur du pays, 42-43 Rôle de la stratégie à deux piliers, 19, 21, Chine 23 Accumulation de facteurs et croissance de COFOPRI, Pérou, 227-29 la productivité, 65 collectivité locale Alignement et harmonisation, 256 décentralisation de l'autorité de l'État en Amélioration du climat de Chine, 75­76, 77­80 l'investissement, 71-74 rôle de la stratégie à deux piliers, 19-22 Améliorer l'égalité des chances, 70-71 Conférence de Jomtiem, 166 Aperçu des études de cas, 88-90 Conférence de Shanghai, 7 Approche de la lutte contre la pauvreté Corée Augmentation du niveau d'éducation, 79 Processus de suivi et d'évaluation, 30-31, Décentralisation de l'autorité de l'État, 75- 54 78 Progrès lié au rôle directeur du pays, 43-44 Études de cas relatives aux succès obtenus Costa Rica, 46-47 en milieu rural, 77-78 croissance économique. Voir aussi Introduction des éléments de l'économie Infrastructure et pauvreté de marché 78-80 Contraintes à l'impact, 36­37 Organismes étrangers et, 80-82 liens avec les inégalités, 38 Ouverture à l'environnement extérieur, programmes de développement (voir 83-85 programmes de développement Suivi et évaluation, 82-83 impulsés par la communauté) Un cadre d'apprentissage, 75 stabilité macroéconomique, 31­33 INDEX 263 Cuba, 136, 138 capacité et financement, 170­71 expérimentation et innovation, 172 D qualité, 162 renforcement institutionnel, 171 Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide disparités entre les sexes, 147-148, 155, au développement, 257 157 Déclaration sur les droits internationaux de effets redistributifs de l'éducation, 139 l'enfant, 166 enfants ayant des besoins spécifiques , 165 Deng Xiaoping, 63, 75 Facteurs favorables à l'intensification Dimension de l'intensification en rapport expérimentation et innovation 162­165 avec le « cadre macroéconomique », 18 innovations institutionnelles, 160 Dimension internationale de rôle des catalyseurs externes,165­167 l'intensification, 18-19 rôle des catalyseurs internes, 165­167 Dimension spatio-temporelle de Facteurs favorables à l'intensification, l'intensification, 18 leadership Dimension transnationale de application simultanée de mesures de l'intensification, 18-19 réformes, 150 Dimensions de la lutte contre la pauvreté conséquences des politiques relatives à Alignement et harmonisation la gratuité de l'éducation, 158­60 Description, 256 équilibre entre les initiatives, 154­55 Engagement des bailleurs de fonds, 256 exemples concernant les pays étudiés, Exemples concernant les pays étudiés, 256 148­49 Gestion axée sur les résultats, 253-55 participation des populations locales, Les savoirs, l'acquisition de connaissances 151­53 et l'innovation rôle des chefs religieux, 160 Échanges mutuels entre pays, 249, 250- travailler sur la stratégie, 155­60 51 qualité de l'éducation, 147, 173 Engagement des bailleurs de fonds, 249- résultats des politiques relatives à la 50 gratuité de l'éducation, 158 Études de cas, 248-49 Éducation et participation communautaire Nécessité de faire preuve de flexibilité, (EDUCO), El Salvador, 151­52, 164, 258-59 217­18 Ordonnancement et calendrier, 251-53 Education Guarantee Scheme (EGS), Inde, Perspectives, 258-61 149, 151­53 Prise en charge par le pays éducation pour tous (EPT), 147 Définition, 239 Éducation universelle suivant la stratégie à Engagement des bailleurs de fonds, 241 deux piliers, 25-26 Études de cas, 240 El Salvador Renforcement des capacités Définition, 243-44 adaptation des pouvoirs publics au changement, 47­48 Engagement des bailleurs de fonds, 246 Exemples concernant les pays étudiés, évaluation de l'impact des programmes, 244 217­18 Importance de l'impact de la croissance réformes du système éducatif, 149, 151, économique sur le taux de pauvreté, 164, 166 243-44 Éléments d'intégration sociale, 33 disparités entre les sexes en matière Entreprises de communes et de villages, d'éducation, 147­48, 157, 160 Entreprises villageoises, Chine, 64 Droits de propriété, 22 Établissements de microfinance, 123 Établissements de microfinance, 123 E Évaluation de l'impact au plan du développement (DIME), 215 Échanges et développement suivant la évaluation des projets stratégie à deux piliers, 22 approche privilégiant l'évaluation Éducation d'impact, 203­06 considérations économiques, 158­59 bien public, 212­13 coûts, 149 comme outil d'apprentissage mondial, défis 210­12 264 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE élargissement de l'engagement des groupe indépendant de suivi (IMG), Tunisie, bailleurs de fonds, 215­16 51 évaluations de l'impact de quelques Guatemala, 110, 112, 113-15, 117-18 programmes nationaux Brésil, 216­17, 229 I Chine, 229­30 El Salvador, 217­18 Impôts sur l'agriculture en Chine, 85 Inde, 233­34 Inde Indonésie, 221­23 amélioration de l'infrastructure, 99­100 Mexique, 230­32 amélioration des services de santé, 134, Pérou, 227­28 142, 146 Philippines, 218­19, 224­25, 234­35 caractère itératif du processus de réforme, Région Asie du Sud, 225­26 31 Viet Nam, 220 évaluation de l'impact des programmes, Yémen, 226­27 233­34 Zambie, 223­24 réformes concluantes, 27 méthodologies adaptées aux interventions, réformes du système éducatif, 149, 151, 206­07, 208­209t, 199 152, 153, 160, 163­64, 166, 168 recherche de l'excellence dans les réformes et services financiers, 119 évaluations, 213­15 taux de pauvreté, 17 évaluations d'impact. Voir évaluation de Indonésie projets Adaptation des pouvoirs publics au changement, 50-56 F Évaluation de l'impact des programmes, 221-223 Fe y Alegria, 169 Impact de la croissance économique sur le Fédération de Russie taux de pauvreté, 35-36 Impact de la croissance économique sur le Ordonnancement et calendrier des taux de pauvreté, 36 réformes, 252 Progrès lié au rôle directeur du pays, 45 Prise en charge des initiatives au niveau Rapport entre la croissance et les local, 241 inégalités, 39 Programme CDD, 185-86, 188, 191, 192, Réformes judiciaires, 112, 114, 115, 116, 194 117 Projet KDP (voir Projet de développement féminisation de la pauvreté, 39 des kecamatan) financement, extérieur. Voir aussi rôle des Renforcement des capacités, 245 catalyseurs externes Rôle de l'aide internationale, 54 infrastructures et réduction de la pauvreté, Infrastructure et pauvreté 108­09 Concentration sur les avantages des microfinance, 129 interventions, 98-99 réforme judiciaire, 112 Passage à l'échelle santé et réduction de la pauvreté, 144­45 Coopération entre les villes, 104, 105 Fonds des Nations Unies pour l'enfance, 166 Croissance diversifiée, 100 Fonds monétaire international, 239 Dans les régions, 103-104 Fonds social pour le développement, Yémen Dimension spatio-temporelle, 102 (SFD), 226-27 Innovation, 105 Forum mondial sur l'éducation, 166 Leadership et volonté politique, 104- Fukuyama, Francis, 64, 244 107 Rôle des catalyseurs externes, 108 G Satisfaction des besoins de ressources, 108 Ghana, 95 Principaux facteurs de réussite des projets, GMS (programme sous-régional du Grand 99-100 Mékong), Chine, 104 Rôle de la stratégie à deux piliers, 21 Grameen, Bangladesh, 123 Utilité des programmes pilotes, 99-100 Groupe directeur du Conseil des affaires Initiative en faveur des pays pauvres très d'État pour la réduction de la pauvreté endettés (PPTE), 35, 55, 167 (LGPR), Chine, 41, 75, 248 Innovations dans la lutte contre la pauvreté INDEX 265 Amélioration des services de santé, 133-34 Rôle des chefs religieux, 160 Défis futurs, 257-58 Travailler sur la stratégie, 155-60 Échanges mutuels entre les pays, 249, 250- Programme CDD 251 Apprentissage et expérience, 195 Éducation, 149-153, 172-173 Aptitude à surmonter l'adversité en Engagement des bailleurs de fonds, 249- situation d'instabilité, 188-89 250 Comme alternative au service public, Exemples concernant les pays étudiés, 189 248-249 Dimensions horizontale et verticale, Infrastructure, 104 187-88 Microfinance, 128-29 Échanges mutuels entre les pays, 189-90 Programmes CDD, 192-94 Engagement des dirigeants politiques, Réforme judiciaire, 114-116 191 Intensification Innovations au titre des politiques et du Amélioration de l'infrastructure financement, 192-95 Dans les régions, 103-04 Rôle des catalyseurs externes, 195-96 Rôle des catalyseurs externes, 108 interdictions de pâturage en Chine, 80­81 Innovation, 109 Iran, République islamique d'Iran, 135, 138, Satisfaction des besoins de ressources, 139 107-08 Coopération entre les villes, 104 K Leadership et volonté politiques, 105-07 Dimension spatio-temporelle, 102-03 Kazakhstan, 121-122, 128 Croissance diversifiée, 100-02 Kenya Amélioration des services de santé Réforme du système éducatif, 148, 158- Exemples relatifs à l'espace et au temps, 159, 162, 166, 168 134 Réformes et services financiers, 119, 124- Faculté d'apprendre et d'expérimenter, 25, 129 141-44 KSBP (Programme du Kazakhstan pour les Innovations institutionnelles, 139-41 petites entreprises), 121 Leadership et volonté politiques, 135-38 L Mobiliser la volonté politique, 136-38 Rôle des catalyseurs externes, 144-46 Leadership politique. Voir rôle directeur du Définition et dimension, 7, 17-19 pays Éducation Lesotho et réforme du système éducatif, 148, Expérimentation et innovation, 162-65 158-159, 162, 166,167, 168 Innovations institutionnelles, 160-62 Li Rongrong, 79 Rôle des catalyseurs externes, 165-70 Loi sur l'épargne et le crédit, Mexique, 126 Rôle des catalyseurs internes, 170-72 Enseignements sur la microfinance M Appui des bailleurs de fonds, 131 Création d'un environnement propice, Madhya Pradesh, 149, 152-153, 160-61, 130-01 163, 168, 170. Voir aussi Inde Défis, 132 Malaisie Évaluation des stratégies, 131-32 Caractère itératif du processus de réforme, Renforcer la capacité à assurer les 32 services de détail, 130 Processus de suivi et d'évaluation, 52 Leadership dans le secteur de l'éducation Progrès lié au rôle directeur du pays, 39-43 Application simultanée de mesures de Rapport entre la croissance et les réformes, 150 inégalités, 38 Conséquences des politiques relatives à Malawi la gratuité de l'éducation, 159 Programme CDD, 184, 186 Équilibre entre les initiatives, 154 Réforme du système éducatif, 48, 151, Exemples concernant les pays étudiés, 153, 165, 171 149-50 Manuel de développement de l'économie Participation des populations locales, rurale (DER), Malaisie, 54 151 Maranhão, 187 266 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Mexique Organisation mondiale du commerce Évaluation de l'impact des programmes, (OMC), 65, 78 207, 230-33 Ouganda Réformes et services financiers, 126-30, Alignement et harmonisation, 256 132 Amélioration des services de santé, 135, Micro et petites entreprises (MPE), 122 138, 144 Microfinance Contraintes à l'impact de la croissance, 38 Accès aux services, exemples concernant Ordonnancement et calendrier des les pays étudiés réformes, 252 Coopératives financières, 125-26 Progrès lié au rôle directeur du pays, 33, Institutions spécialisées, 123-25 39-41 Microentreprises, 122-23 Réforme du système éducatif, 148, 158, Réforme bancaire, 120-21 161, 165, 167 Transformation en banque, 124-25 Rôle de l'aide internationale, 55 Défis à l'éducation, 170-71 Overseas Development Institute, 257 Enseignements sur l'intensification P Appui des bailleurs de fonds, 131 Création d'un environnement propice, Pakistan 130-31 Programme CDD, 184, 187, 188 Défis, 132 Réformes rurales, 248 Évaluation des stratégies, 131-32 Palli Karma Sahayak Foundation (PKSF), Renforcer la capacité à assurer les Bangladesh, 123 services de détail, 130 Park Chung Hee, 44, 54 Facteurs d'exécution Pays asiatique. Voir aussi Chine ; Indonésie Expérimentation et innovation, 128-29 Évaluation de l'impact, 224-25 Leadership et volonté politique, 127 Expériences relatives à la lutte contre la Rôle des catalyseurs externes, 129 pauvreté, 16, 17 Utilisation des services financiers, 118-19 Intensification de l'investissement dans Mkapa, Benjamin, 241 l'infrastructure, 111 Modèle de Zhucheng, 84 Pérou, 227-28 Mohamad, Mahathir bin, 43 Philippines Mongolie Évaluation de l'impact des programmes, Réforme bancaire, 120-21 218-19, 223-24, 234-35 Réformes et services financiers, 128 Ordonnancement et calendrier des Mouvement national de résistance de réformes, 251 l'Ouganda (NRM), 39 Programme CDD, 190, 193 moyens d'action Réformes judiciaires, 112, 114, 115, 116, le rôle moteur des leaders, 39­46 117, 118 rôle de la stratégie à deux piliers, 19­20, PKSF (Palli Karma Sahayak Foundation), 22­26 Bangladesh, 123 MPE (micro et petites entreprises), 121 Plan 8-7, Programme national de réduction de la pauvreté, Chine, 37, 52, 53, 67, 68­ N 69, 80 Plan d'action pour l'éradication de la Népal, 139, 140-41, 144, 146 pauvreté, Ouganda, 40 NRSP, Pakistan, 192, 195 Plan du nouveau siècle pour la réduction de Nyerere, Julius, 56 la pauvreté en milieu rural, Chine, 69 Pologne O Impact de la croissance économique sur le taux de pauvreté, 36-37 Objectifs de développement pour le Progrès lié au rôle directeur du pays, 45 Millénaire (ODM), 2, 104 Rapport entre la croissance et les ODM (Objectifs de développement pour le inégalités, 39 Millénaire), 2, 104 Renforcement des capacités, 244 Organisation de coopération et de Prise en charge par le pays, 239-43 développement économiques (OCDE), Processus d'Helleiner, 53 168 processus de transfert mondial des savoirs INDEX 267 aperçu général, 3­4 Facteurs favorables à l'intensification intendification (voir intensification) Apprentissage et expérience, 195 méthode d'analyse, 5­6 Durabilité, 196-97 objectifs, 16 Engagement des dirigeants politiques, plan de présentation, 9­13 191 Programme Bolsa Família, Brésil, 229 Innovations au titre des politiques et du Programme Centro Magis, 169 financement, 192-95 Programme CrediAmigo, Brésil, 216-17 Rôle des catalyseurs externes, 195-96 Programme d'action des Philippines pour la Généralités et objectifs, 184-86 réforme judiciaire, (APJR), 113 Impact, 197-99 Programme d'attribution de droits fonciers Programmes de fonds sociaux. Voir en milieu urbain, Pérou, 227-28 Programmes de développement impulsés Programme de couverture rapide de par la communauté (CDD) l'enseignement obligatoire (RCCE), PROGRESA. Voir Programme Turquie, 150, 157, 163 Oportunidades, Mexique Programme de développement des jeunes Projet d'appui à l'infrastructure pour la enfants (ECD), Philippines, 218-129 réforme agraire, Philippines (ARISP), 234 Programme de lutte contre la pauvreté en Projet d'éducation primaire dans les districts milieu urbain (UPP), Indonésie, 188, 222- (DPEP), Inde, 149, 152-53 23 Projet de développement des kecamatan Programme de redressement social de la (KDP), 27, 185-86, 187-88, 192, 193, Zambie, 223-24 195, 196, 221-223 Programme de réduction de la pauvreté en Projet de production d'électricité par le Asie du Sud (SAPAP), 225-26 secteur privé de Pamir, Tadjikistan, 107 Programme de réduction de la pauvreté en Projet de réduction de la pauvreté au Sud- milieu rural, Brésil, 187 ouest (SWPRP), Chine, 73, 75-76, 80-81, Programme des Nations Unies pour le 229-30, 256-57 développement (PNUD), 116 Projet de réhabilitation du bassin versant du Programme DOTS, Népal, 144 Plateau de Loess, 80, 81, 89-92 Programme du Kazakhstan pour les petites Projet de routes rurales au Maroc, 98-99 entreprises (KSBP), 121 Projet de transport rural, Phase I, Viet Nam, Programme Favela Bairro, Brésil, 102 220-21 Programme Kalahi, Philippines, 190, 194 Projets de transport, 100-02, 103 Programme Kalahi-CIDSS, Philippines, 224- Projet Sunshine, Chine, 87 25 Proshika, Bangladesh, 123 Programme Oportunidades, Mexique, 207, 230-33 R Programme pour l'entreprise rurale (K-Rep), Kenya, 124 Réduction de la pauvreté Programme Solidario, Chili, 48-49, 52 Cadre d'analyse (Voir cadre d'analyse) Programme sous-régional du Grand Mékong Cadre d'analyse utilisé (Voir cadre (GMS), Chine, 104 d'analyse) Programmes CDD. Voir Programmes de Conditions actuelles dans le monde, 1 développement impulsés par la Conséquences des études au plan communauté opérationnel (Voir dimensions de la Programmes de développement impulsés par lutte contre la pauvreté) la communauté, CDD Croissance économique comme socle (voir Exemple du KDP, 185-86 Croissance économique) Expériences de transposition à grande Défis futurs échelle Continuité et viabilité, 269-70 Aptitude à surmonté l'adversité en Échange de connaissances et évaluation situation d'instabilité, 188-89 de l'impact, 267-68 Comme alternative au service public, Environnement propice à l'acquisition 189 de connaissances et à l'innovation, Dimensions horizontale et verticale, 266-67 187-88 Évaluation du processus de transfert des Échanges mutuels entre pays, 189-90 savoirs, 271-72 268 RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE Interdépendance entre les zones rurales Rôle directeur du pays et les zones urbaines, 270-71 Amélioration de l'infrastructure, 105-107 Ressources budgétaires et financements Amélioration des services de santé, 133-38 extérieurs, 269 Chili, 42-43 Rôle du leadership, 265-66 Chine, 41-42 Éducation (Voir éducation) Corée, 44-45 Engagement des bailleurs de fonds. (Voir Dans la réforme du système éducatif Rôle des catalyseurs externes) Application simultanée de mesures de Exemples d'adaptation par les pouvoirs réformes, 150 publics, 46-52 Conséquences des politiques relatives à Facteurs d'exécution, 26-28 la gratuité de l'éducation, 159 Mettre l'accent sur l'intensification, 7-9 Équilibre entre les initiatives, 154 Microfinance (Voir microfinance) Exemples concernant les pays étudiés, Objectifs de la lutte contre la pauvreté, 2 149-50 Processus de suivi et d'évaluation, 52-54 Participation des populations locales, (Voir aussi évaluation de projets) 151 Progrès lié au rôle directeur du pays Rôle des chefs religieux, 160 Réforme judiciaire (Voir réforme Travailler sur la stratégie 155-60 judiciaire) Démarginalisation, 46-52 Rôle de l'aide internationale, 54-57 Fédération de Russie, 45-46 Santé (voir santé et réduction de la Malaisie, 43-44 pauvreté) Nécessité d'engagement, 191 Variété de perspectives, 31-32 Ouganda, 39-40 Réforme judiciaire Pologne, 45 Défis spécifiques aux pays, 111-112, 116- Programmes de microfinancement, 127 17 Rwanda, 112, 113, 114, 115, 118 Engagement des pouvoirs publics, 112-13 S Importance pour le développement, 110- 12 SAGARPA (Secrétariat pour l'agriculture, Innovations institutionnelles, 114-116 l'élevage, le développement rural, les Quelques aspects, 110 pêches et la nutrition), Mexique, 127 Rôle des catalyseurs externes, 116 santé et réduction de la pauvreté Réformes du système éducatif en Égypte, dimension transnationale du passage à 149, 156­57, 164, 152, 153, 154, 157 l'échelle, 134 Régime de la responsabilité des ménages, Exemples relatifs à l'espace et au temps, Chine, 62, 63, 64, 66, 67 134 Régime de Museveni (Ouganda), 39, 55 facteurs favorable à l'intensification Régime de Suharto, Indonésie, 55 expérimentation et apprentissage, 141­ Région d'Asie du Sud, 225-26. Voir aussi 43 pays asiatiques ; Chine ; Indonésie innovations institutionnelles, 139­41 Région de Sunan, Chine, 77-78 leadership et volonté politiques, 135­36 Région de Wenzhou, Chine, 77-78 mobiliser la volonté politique, 136­38 Renforcement des capacités, 243-47 rôle des catalyseurs externes, 144­46 République de Corée. Voir Corée objectifs de développement, 132­33 Révolution culturelle, Chine, 62 perspectives, 146­47 Rôle des catalyseurs externes SAPAP (Programme de réduction de la aide internationale, 54­57 pauvreté en Asie du Sud), 225-26 alignement et harmonisation, 256­58 Savoirs, acquisition de connaissances et dans l'évaluation des projets, 215­16 innovation. Voir aussi innovations dans la dans les réponses sanitaires, 144­45 lutte contre la pauvreté microfinance, 130 Secrétariat pour l'agriculture, l'élevage, le Prise en charge par le pays, 241 développement rural, les pêches et la programmes de développement impulsés nutrition (SAGARPA), Mexique, 127 par la communauté, 195 services financiers. Voir microfinance renforcement des capacités, 246 Site internet consacré à la Conférence de savoirs, acquisition de connaissances et Shanghai, 7 innovation, 248­51 Stratégie à deux piliers, 19-20, 21, 22-26 INDEX 269 Stratégie globale de lutte contre la pauvreté Alignement et harmonisation, 255-56 et de croissance, Viet Nam, 106 Réforme du système éducatif, 150, 157, SWPRP (Projet de réduction de la pauvreté 160, 163, 165, 168 au Sud-ouest), Chine, 73, 75-76, 80-81, 229-30, 256-57 V Syngman Rhee, 45 Système d'attribution en ligne de droits Viet Nam fonciers, Inde, 233-34 Évaluation de l'impact des programmes, 220-21 T Intensification de l'investissement dans l'infrastructure, 100, 103-04,106 Tadjikistan, 108, 193, 194 VIH/SIDA, 133, 134, 135, 136, 137, 138, Tanzanie 141­46 Évaluation des projets, 53-54 Impact de la croissance économique sur le W taux de pauvreté, 35 Prise en charge des initiatives au niveau Walesa, Lech, 45-46 local, 241 Wolfensohn, James D., 254, 261 Réformes et services financiers, 119 Y Rôle de l'aide internationale, 56 Thaïlande Yeltsin, Boris, 45-46 Amélioration des services de santé, 136, Yémen 138, 144 Évaluation de l'impact des programmes, Prise en charge des initiatives au niveau 226-27 local, 241 Programmes CDD, 187, 189, 190, 193, Tuberculose, 140, 141 194, 195, 196 Tumusime-Mutebile, Emmanuel, 40 Tunisie Z Adaptation des pouvoirs publics au changement, 33, 51-52 Zambie Impact de la croissance économique sur le Evaluation de l'impact des programmes, taux de pauvreté, 35 223-24 Processus de suivi et d'évaluation, 30 Programmes CDD, 187 Rôle de l'aide internationale, 54-55 Zimbabwe, 119 Turquie Zones économiques spéciales, Chine, 64 Achevé d'imprimer RÉDUIRE LA PAUVRETÉ À L'ÉCHELLE MONDIALE En 2003, la Banque mondiale, en partenariat avec le Gouvernement de la République populaire de Chine, a entrepris un processus de transfert mondial des savoirs qui aura duré une année et qui visait principalement à mobiliser des efforts à l'échelle mondiale pour une lutte multidimensionnelle contre la pauvreté. Une série d'études de cas, de vidéoconférences interactives avec plusieurs pays, de dialogues en ligne et de visites de terrain ont conduit à la conférence de travail tenue à Shanghai du 25 au 27 mai 2004. Les enseignements et les expériences en matière de développement ont fait l'objet d'échanges et de débats au cours de la conférence entre les décideurs, les politiciens, les bailleurs de fonds, les universitaires, les spécialistes du développement, les groupes de la société civile et les représentants des institutions de développement. Au terme d'un échange de connaissances sans pareil sur les efforts entrepris dans le monde pour lutter contre la pauvreté, de nombreux enseignements ont été tirés sur la manière d'accélérer le développement et contribuer à la réduction de la pauvreté. Cet ouvrage -- Conclusions de l'initiative de Shanghai sur le transfert mondial des savoirs : Réduire la pauvreté à l'échelle mondiale -- tente d'apporter une contribution à un ensemble plus vaste de connaissances actuelles en rapport avec la réduction de la pauvreté et l'efficacité de l'aide. Le but visé est d'enrichir les connaissances des spécialistes du développement sur les accomplissements observés sur la voie de la réduction de la pauvreté et les facteurs qui sous-tendent ces réalisations. Chacun des chapitres de cet ouvrage tire des enseignements d'un sous-ensemble d'études de cas préparées suivant diverses dimensions de la pauvreté qui mettent l'accent sur des facteurs d'exécution tels que l'engagement et le leadership, l'innovation institutionnelle, l'apprentissage et l'expérimentation et les catalyseurs externes. Au lieu de recommander des solutions particulières ou des pratiques optimales, le livre transmet des résultats clés tirés des exemples choisis à dessein et en propose un récit thématique. Le cédérom ci-joint contient tous les résumés des études de cas présentées en mai 2004 à la Conférence de Shanghai. « Ce premier échange Sud-Sud de connaissances et d'expériences sur le développement au niveau mondial devrait nous amener à changer notre façon de procéder. Nous demandons aux experts des pays en développement d'identifier les solutions exportables. Nous avons accumulé des expériences valables en matière de développement depuis de nombreuses années, mais si nous voulons atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire, poursuivre notre combat sans perdre de terrain, nous devons obtenir des résultats plus rapidement. C'est la première fois que nous passons complètement en revue les méthodes qui marchent, celles qui ne marchent pas et ce qui explique ces résultats. » -- JAMES D. WOLFENSOHN, ANCIEN PRESIDENT DE LA BANQUE MONDIALE « Parmi les nombreuses contributions notables à mettre au crédit de mon illustre prédécesseur, Jim Wolfensohn, l'importance accordée au partage de l'information et au savoir est fondamentale pour promouvoir le changement et le renforcement des capacités, sans lesquels un véritable développement ne pourrait avoir lieu. Je félicite Jim pour son rôle de premier plan en la matière ainsi que l'équipe de l'Institut de la Banque mondiale pour tout le travail et les progrès accomplis dans ce domaine. » -- PAUL WOLFOWITZ, PRESIDENT DE LA BANQUE MONDIALE BANQUE MONDIALE