19638 LE D ÉV E L O P PEM E NT À L ’O E UV R E Maîtriser l’épidémie L’État et les aspects économiques de la lutte contre le tabagisme Maîtriser l’épidémie L’État et les aspects économiques de la lutte contre le tabagisme BANQUE MONDIALE WASHINGTON © 2000 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/BANQUE MONDIALE 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433 (États-Unis d’Amérique) Tous droits réservés Fait aux États-Unis d’Amérique Premier tirage : avril 2000 Les constatations, interprétations et conclusions figurant dans le présent rapport n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être attribuées en aucune manière à la Banque mondiale ou aux membres de son Conseil des administrateurs, ni aux pays qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données figurant dans cette publication et décline toute responsabilité quant aux conséquences de leur usage, quelles qu’elles soient. Le contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. 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Pour tous renseignements sur les droits et licences, s’adresser au Bureau des publications de la Banque mondiale, à l’adresse ci-dessus, ou par fax, au 202-522-2422. Maquette de la couverture : Dr Joe Losos, Santé Canada ISBN 0-8213-4728-4 Table des matières AVANT-PROPOS ix PRÉFACE xiii RÉSUMÉ 1 1 Les tendances mondiales du tabagisme 13 Augmentation de la consommation dans les pays à revenu faible et intermédiare 13 Répartition régionale du tabagisme 15 Tabagisme et statut socio-économique 16 Âge et initiation au tabagisme 17 L’arrêt de la cigarette dans le monde 18 2 Les conséquences du tabagisme pour la santé 21 Le caractère addictif du tabac 21 La charge de morbidité 22 La maladie survient longtemps après l’exposition au risque 23 Comment le tabac tue-t-il ? 24 L’épidémie varie dans l’espace et dans le temps 25 Le tabagisme et le désavantage des pauvres en matière de santé 25 Les risques du tabagisme passif 27 Les bienfaits du sevrage 28 3 Les fumeurs savent-ils quels risques ils courent et assument-ils leurs coûts ? 29 Connaissance des risques 30 v vi MA Î TRISER L’É PID É MIE La jeuness, la toxicomanie et l’aptitude à prendre des décisions saines 31 Coûts imposés à autrui 32 Que doivent faire les pouvoirs publics ? 35 Comment faire face à la toxicomanie? 37 4 Réduire la demande de tabac 39 Majorer la fiscalité des cigarettes 39 Mesures de réduction de la demande autres que les prix : information des consommateurs, interdiction de la publicité et des promotions et restrictions sur le tabagisme 48 Les substituts nicotiniques et autres traitements de sevrage 57 5 Réduire l’offre de tabac 61 La plupart des interventions sur l’offre sont relativement peu efficaces 61 Lutte contre lav contrebande 67 6 Les coûts et les conséquences de la lutte contre le tabagisme 71 La lutte contre le tabagisme est-elle préjudiciable pour l’économie ? 71 7 Programme indicatif d’action 85 Surmonter les obstacles politiques au changement 86 Les priorités de la recherche 90 Recommandations 91 APPENDICE A LA FISCALITÉ DU TABAC : LA PERSPECTIVE DU FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL 93 APPENDICE B DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE 95 APPENDICE C REMERCIEMENTS 97 APPENDICE D LE MONDE PAR NIVEAU DE REVENU ET PAR RÉGION (NOMENCLATURE DE LA BANQUE MONDIALE) 101 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 107 BIBLIOGRAPHIE 111 TABLE DES MATI È RES vii INDEX 125 FIGURES 1.1 Le tabagisme progresse dans le monde en développement 14 1.2 Le tabagisme est plus répandu chez les gens peu éduqués 17 1.3 Le tabagisme commence tôt 18 2.1 Les niveaux d’absorption de nicotine progressent rapidement chez les jeunes fumeurs 22 2.2 L’éducation et le risque de décès attribuable au tabac 26 2.3 Le tabagisme et l’élargissement de l’écart de santé entre riches et pauvres 27 4.1 Moyenne du prix des cigarettes et des taxes, et taxes en pourcentage du prix du paquet, par catégorie de revenu (nomenclature de la Banque mondiale, 1996) 41 4.2 Le prix des cigarettes et la consommation évoluent en sens inverse 42 4.2.a Le prix réel des cigarettes et la consommation annuelle par habitant, Canada, 1989–1995 42 4.2.b Le prix réel des cigarettes et la consommation annuelle par adulte (15 ans et plus), Afrique du Sud, 1970–1989 42 4.3 Une mise en garde explicite 50 4.4 L’interdiction totale de la publicité réduit la consommation de cigarettes 54 5.1 La contrebande de tabac tend à croître avec le degré de corruption 68 6.1 La hausse de la fiscalité du tabac fait augmenter les recettes 77 7.1 Si les fumeurs actuels ne cessent pas de fumer, le nombre des décès liés au tabac augmentera considérablement au cours des 50 prochaines années 87 TABLEAUX 1.1 Répartition régionale du tabagisme 15 2.1 Nombre actuel de décès attribuables au tabac et projections 23 4.1 Nombre potentiel de fumeurs qui cesseraient de fumer et nombre de vies épargnées par une hausse des prix de 10 % 46 4.2 Nombre potentiel de fumeurs qui cesseraient de fumer et nombre de vies sauvées par un ensemble de mesures autres que de prix 57 4.3 Efficacité de différentes méthodes de sevrage 58 5.1 Les 30 premiers producteurs de tabac brut 63 6.1 Effets sur l’emploi de la réduction ou de l’élimination de la consommation de tabac 74 6.2 Rentabilité des mesures de lutte contre le tabagisme 83 viii MA Î TRISER L’É PID É MIE ENCADRÉS 1.1 Combien de jeunes commencent-ils à fumer chaque jour ? 19 4.1 Comment estimer l’impact des mesures de lutte sur la consommation mondiale de tabac : les paramètres du modèle 45 4.2 L’interdiction de la publicité et de la promotion du tabac dans l’Union européenne 54 6.1 Comment aider les agriculteurs les plus défavorisés 75 7.1 L’Organisation mondiale de la santé et la Convention-cadre sur la lutte anti-tabac 88 7.2 La politique de la Banque mondiale dans le domaine du tabac 89 Avant-propos S ELON les tendances actuelles, environ 500 millions de personnes en vie aujourd’hui mourront des suites du tabagisme. Plus de la moitié d’entre elles sont actuellement des enfants ou des adolescents. D’ici à 2030, on estime que le tabac tuera environ 10 millions de personnes par an, ce qui en fera la première cause de décès dans le monde. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale ont décidé d’intensifier leur action contre ce fléau dans le cadre de leur mission respective d’amélioration de la santé et de lutte contre la pauvreté. En contribuant aux efforts menés pour définir et mettre en œuvre des politiques efficaces de maîtrise du tabagisme, surtout chez les enfants, les deux organisations rempliront leur mission et aideront à atténuer les souffrances et à réduire les coûts associés à l’épidémie de tabagisme. Le tabac n’est pas un problème de santé comme les autres. En effet, les consommateurs veulent des cigarettes et fumer fait partie de la vie de tous les jours dans de nombreuses sociétés. Le commerce des cigarettes est extrêmement actif et rentable. Leur production et leur consommation ont des répercussions sur les ressources économiques et sociales des pays développés et en développement. C’est pourquoi il est indispensable de tenir compte des paramètres économiques de l’usage du tabac dans la réflexion sur la lutte contre le tabagisme. Pourtant, on commence à peine à s’y intéresser à l’échelon mondial. Nous nous proposons, par ce rapport, de combler cette lacune. Nous nous penchons sur les questions essentielles auxquelles la plupart des sociétés et des dirigeants sont confrontés lorsqu’ils engagent une réflexion sur le tabac et sur la maîtrise du tabagisme. Ce rapport est un élément important du partenariat entre l’OMS et la Banque mondiale. L’OMS, ix X MA Î TRISER L’É PID É MIE principal organisme international chargé des questions de santé publique, a pris la tête du mouvement de lutte contre le tabagisme en lançant son Initiative Se libérer du tabac. La Banque mondiale prévoit de travailler en partenariat avec elle, et en particulier de mettre à sa disposition ses services d’analyse économique. En 1991, consciente des méfaits du tabac, la Banque mondiale a adopté une politique officielle dans ce domaine, qui lui interdit d’accorder des prêts à la filière tabac et encourage les activités de lutte. Ce rapport vient à point nommé. Devant l’augmentation du nombre de décès causés par le tabac, de nombreux gouvernements, organisations non gouvernementales, et institutions des Nations Unies, telles que l’UNICEF et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, examinent leur propre politique de maîtrise du tabagisme. Ce rapport s’inspire des nombreux travaux réalisés en collaboration dans le cadre de ces examens, aux niveaux national et international. Il vise principalement à répondre aux préoccupations des dirigeants quant aux retombées économiques des mesures de lutte contre le tabagisme. D’un côté, les avantages pour la santé publique, et surtout pour les enfants, de la lutte contre le tabac, sont évidents mais, de l’autre, cette action implique des coûts dont les dirigeants doivent tenir compte. Lorsque les mesures contre le tabac imposent des coûts aux personnes les plus défavorisées, il incombe manifestement à l’État de les atténuer, par exemple au moyen de programmes de transition en faveur des cultivateurs de tabac pauvres. Le tabac est l’une des premières causes de mortalité évitable et prématurée de l’histoire de l’humanité. Pourtant, on pourrait d’ores et déjà prendre des mesures relativement simples et peu coûteuses pour en réduire l’impact catastrophique. Pour les pays décidés à améliorer la santé publique tout en suivant de bonnes politiques économiques, la maîtrise du tabagisme est une option particulièrement attrayante. David de Ferranti Jie Chen Vice-président Directeur exécutif Réseau du développement humain Maladies non transmissibles Banque mondiale Organisation mondiale de la santé AVANT-PROPOS XI Équipe chargée du rapport : Ce rapport a été rédigé par une équipe dirigée par Prabhat Jha, comprenant Frank J. Chaloupka (codirecteur), Phyllida Brown, Son Nguyen, Jocelyn Severino-Marquez, Rowena van der Merwe et Ayda Yurekli. William Jack, Nicole Klingen, Maureen Law, Philip Musgrove, Tho- mas E. Novotny, Mead Over, Kent Ranson, Michael Walton et Abdo Yazbeck ont apporté des idées et des conseils précieux. Les auteurs ont utilisé avec profit des études de fond sur le tabac réalisées à la Banque mondiale par Howard Barnum. Derek Yach et Michael Eriksen étaient les correspondants de l’équipe, le premier à l’Organisation mondiale de la santé, et le second aux Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis. Les travaux ont été réalisés sous la direction générale de Helen Saxenian, Christopher Lovelace et David de Ferranti. Richard Feachem a été l’un des initiateurs du rapport. L’équipe chargée de la rédaction est responsable de toute erreur qui pourrait s’y trouver. Les services de production comprenaient Dan Kagan, Don Reisman et Brenda Mejia. Le rapport a été considérablement enrichi par de nombreuses consulta- tions (voir les remerciements à l’appendice C). Il a bénéficié du soutien du Réseau du développement humain de la Banque mondiale, de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Lausanne, et du Bureau du tabac et de la santé des Centers for Disease Control and Prevention des États- Unis. Les auteurs leurs sont très reconnaissants de leur concours. Préface C E rapport est le fruit des efforts convergents menés par plusieurs partenaires pour résoudre un problème commun : le peu d’attention accordé aux aspects économiques dans le débat sur la maîtrise du tabagisme. En 1997, lors de la 10e Conférence mondiale sur le tabac tenue à Beijing (Chine), la Banque mondiale a organisé une séance de consultation sur les aspects économiques de la lutte contre le tabac. Cette réunion s’inscrivait dans le cadre d’un examen des politiques de la Banque dans ce domaine. Les participants ont admis sans ambages que les experts internationaux avaient jusqu’alors négligé les aspects économiques de l’épidémie tabagique. Ils ont également noté que rares étaient les pays qui appliquaient les lois du raisonnement économique dans leur réflexion sur la lutte contre le tabac, et que même là où l’on utilisait une approche économique, la qualité des méthodes était inégale. Pendant que la Banque mondiale s’apprêtait à revoir sa politique, des économistes de l’Université du Cap (Afrique du Sud) entreprenaient un projet concernant les aspects économiques de la maîtrise du tabagisme en Afrique australe. Ces initiatives ont été fusionnées, en partenariat avec des économistes de l’Université de Lausanne (Suisse) et d’autres chercheurs, et leur portée a été élargie. Les travaux ont débouché sur une conférence, organisée au Cap en février 1998. Les actes de la conférence seront publiés séparément1. Cette col- laboration a permis d’adopter une approche plus large des aspects économiques de la maîtrise du tabagisme et de faire appel à des économistes et autres ex- perts venus de pays et d’institutions très divers. Certaines des études résultant de ces recherches seront publiées prochainement2. Le présent rapport a tiré de ces études les informations qui intéressent les dirigeants et les a résumées. xiii xiv MA Î TRISER L’É PID É MIE Notes 1. Abedian, Iraj, R. van der Merwe, N. Wilkins et P. Jha, directeurs de publication, 1998. The Economics of Tobacco Control: Towards an Optimal Policy Mix. Université du Cap (Afrique du Sud). 2. Tobacco Control Policies in Developing Countries. Jha, Prabhat et F. Chaloupka, directeurs de publication. Oxford University Press, à paraître. Résumé L E tabac tue déjà un adulte sur dix dans le monde. D’ici à 2030, peut-être un peu plus tôt, la proportion passera à un sur six, soit 10 millions de décès par an, plaçant le tabac en tête de toutes les causes de mortalité. Jusqu’à présent, cette épidémie de maladies chroniques et de décès prématurés touchait principalement les pays riches. Or, elle commence à se répandre rapidement dans le monde en développement. D’ici à 2020, la proportion des victimes du tabac habitant dans les pays à revenu faible et intermédiaire sera de sept sur dix. Pourquoi ce rapport ? Aujourd’hui, rares sont ceux qui contestent les ravages exercés par le tabac sur la santé dans le monde entier. Pourtant, de nombreux gouvernements se refusent à prendre des mesures de lutte contre le tabagisme, telles qu’un relèvement de la fiscalité, l’interdiction complète de la publicité et des promotions, ou des restrictions sur l’usage du tabac dans les lieux publics, de crainte que leurs interventions n’aient des conséquences préjudiciables pour l’économie. Certains craignent, par exemple, qu’une baisse des ventes de cigarettes ne cause la perte définitive de milliers d’emplois, qu’une majoration des taxes sur le tabac ne réduise les recettes publiques et qu’une hausse des prix n’encourage la contrebande à grande échelle. Nous étudions dans ce rapport les questions économiques sur lesquelles doivent se pencher les dirigeants qui envisagent de limiter l’usage du tabac. 1 2 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Nous demandons si les fumeurs connaissent les risques et assument le coût de leurs choix de consommation, et nous examinons les options offertes aux responsables qui décident qu’une intervention se justifie. Nous analysons les conséquences prévisibles de la maîtrise du tabagisme pour la santé, l’économie et l’individu. Nous démontrons que les craintes économiques qui dissuadent les dirigeants d’intervenir sont en grande partie sans fondement. Les politiques qui réduisent la demande de tabac (telles que le relèvement des taxes) ne provoqueraient pas de pertes d’emplois durables dans l’immense majorité des pays. Par ailleurs, une majoration des taxes ne ferait pas baisser les recettes fiscales, au contraire (sur le moyen terme). En résumé, ces politiques pourraient se traduire par des avantages sans précédent pour la santé, sans pour autant porter préjudice à l’économie. Tendances actuelles Environ 1,1 milliard de gens fument dans le monde. En 2025, ce nombre dépassera probablement 1,6 milliard. Dans les pays à revenu élevé, le tabagisme va généralement en diminuant depuis plusieurs dizaines d’années, sauf dans certaines catégories de population. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, au contraire, la consommation de cigarettes progresse, en partie grâce à la libéralisation du commerce entreprise dans ces pays au cours des dernières années. La plupart des fumeurs commencent jeunes. Dans les pays à revenu élevé, environ huit fumeurs sur dix commencent durant l’adolescence. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, la plupart des fumeurs n’acquièrent cette habi- tude qu’après 20 ans, mais l’âge auquel le plus grand nombre de gens commencent à fumer est en baisse. Dans la plupart des pays, les pauvres fument généralement plus que les riches. Conséquences pour la santé Elles sont de deux ordres. La première est que le fumeur devient rapidement dépendant à la nicotine. Les propriétés addictives de la nicotine sont bien connues, mais elles sont souvent sous-estimées par le fumeur. Aux États-Unis, il ressort d’enquêtes menées auprès des élèves des classes terminales que, sur cinq fumeurs qui pensent s’arrêter de fumer dans les cinq années à venir, moins de deux y parviennent. Dans les pays à revenu élevé, sur dix fumeurs adultes, sept déclarent regretter d’avoir commencé et souhaiteraient arrêter. Avec le temps (plusieurs dizaines d’années) et grâce à l’amélioration des connaissances, les pays à revenu élevé comptent à présent un nombre substantiel d’anciens fumeurs qui ont réussi à s’arrêter, mais les taux de succès au niveau individuel sont très bas. Parmi ceux qui essaient d’arrêter seuls, environ 98 % RÉSUMÉ 3 recommencent à fumer dans l’année. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, rares sont les gens qui arrêtent de fumer. La cigarette provoque des maladies mortelles et débilitantes et, en comparaison d’autres comportements à risque, s’accompagne d’un risque de décès prématuré extrêmement élevé. La moitié de tous ceux qui fument depuis longtemps seront victimes du tabac, et la moitié d’entre eux mourront dans la force de l’âge, abrégeant leur existence de 20 à 25 ans. On connaît bien les maladies liées au tabagisme : cancer du poumon ou d’autres organes, cardiopathie ischémique et autres maladies circulatoires, et affections des voies respiratoires (emphysème). Dans les régions touchées par la tuberculose, les fumeurs risquent davantage que les non-fumeurs de mourir de cette maladie. Étant donné que les pauvres fument plus que les riches, ils courent un plus grand risque de mourir prématurément du tabagisme. Dans les pays à revenu élevé et intermédiaire, les hommes appartenant aux catégories socio- économiques les plus basses ont deux fois plus de chances de mourir à l’âge moyen que ceux des catégories socio-économiques les plus élevées. Cette différence s’explique pour moitié par le tabagisme. Le tabac est également nuisible pour la santé des non-fumeurs. Les nouveau-nés dont les mères sont fumeuses ont un poids plus faible à la naissance, sont davantage sujets aux maladies respiratoires et risquent plus de mourir du syndrome de la mort subite que ceux dont les mères ne fument pas. L’inhalation de la fumée des autres accroît (légèrement) les risques pour les non-fumeurs de contracter des maladies mortelles et débilitantes. Les fumeurs connaissent-ils les risques et en supportent-ils le coût ? Selon la théorie économique moderne, les consommateurs sont généralement les mieux placés pour décider comment dépenser leur argent en biens et ser- vices. Ce principe de la souveraineté du consommateur repose sur certaines hypothèses. La première est que le consommateur fait des choix rationnels et éclairés après avoir pesé les coûts et les avantages de ses achats, et la deuxième est que le consommateur assume tous les coûts liés à ses choix. Lorsque tous les consommateurs exercent ainsi leur souveraineté, en connaissant les risques et en assumant les coûts, les ressources de la société sont, en théorie, affectées de la manière la plus efficace possible. Nous examinons dans ce rapport les raisons qui incitent les consommateurs à fumer, nous posons la question de savoir si ce choix est identique aux autres choix de consommation et s’il aboutit à une affectation efficace des ressources de la société, avant d’en venir aux implications pour les autorités. Il est certain que les fumeurs trouvent des avantages au tabac, tels que le plaisir et l’absence de symptômes de retrait, et qu’ils les comparent aux coûts 4 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE privés de leur choix. Selon cette définition, les avantages perçus l’emportent sur les coûts perçus, sinon les fumeurs ne payeraient pas pour fumer. Il semble cependant que le choix de fumer pourrait différer d’autres choix de consommation à trois égards. En premier lieu, on sait que de nombreux fumeurs ne se rendent pas pleinement compte des risques élevés de maladie et de décès prématuré qu’implique leur choix. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, beaucoup de fumeurs ignorent ces risques. En Chine, par exemple, 61 % des fumeurs interrogés en 1996 pensaient que le tabac était « peu ou pas dangereux ». Dans les pays à revenu élevé, les fumeurs savent qu’ils courent des risques accrus, mais ils jugent l’importance de ces risques plus faible et moins certaine que ne le font les non-fumeurs, et ils minimisent en outre l’importance des risques pour eux-mêmes. En deuxième lieu, les individus commencent généralement à fumer durant l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Même lorsqu’ils sont informés, les jeunes ne sont pas toujours capables d’utiliser l’information pour prendre des décisions judicieuses. Ils sont souvent moins au courant des risques du tabagisme pour leur santé. La plupart des nouveaux fumeurs et de ceux qui sont tentés de fumer sous-estiment en outre le risque de devenir dépendants à la nicotine, et donc sous-estiment sérieusement les coûts futurs du tabagisme (ce qu’il leur en coûtera plus tard de ne pas pouvoir revenir sur la décision de fumer prise dans leur jeunesse). La société reconnaît généralement que les capacités de décision des adolescents sont limitées, et restreint leur liberté de faire certains choix, par exemple en leur refusant le droit de voter ou de se marier avant un certain âge. De même, la société peut juger bon de restreindre la liberté des jeunes de choisir de devenir dépendants à la nicotine, comportement qui s’associe à un risque de décès beaucoup plus élevé que la plupart des autres activités à risque auxquelles se livrent les jeunes. Enfin, le tabagisme comporte des coûts pour les non-fumeurs. Étant donné qu’une partie des coûts est supportée par autrui, les fumeurs sont peut-être encouragés à fumer plus qu’ils ne le feraient s’ils assumaient la totalité des coûts. Les coûts pour les non-fumeurs comprennent, bien entendu, des dommages pour la santé ainsi que les nuisances et l’irritation provenant de la fumée environnementale. De plus, les fumeurs peuvent imposer des coûts fi- nanciers à des tierces parties, coûts qui sont plus difficiles à définir et à évaluer, et varient selon le lieu et le temps, de sorte qu’on ne peut pas encore déterminer comment ils influent sur le désir de fumer plus ou moins au niveau individuel. Nous examinons néanmoins brièvement deux de ces coûts : ceux de la santé publique et des retraites. Dans les pays à revenu élevé, les soins associés au tabagisme vont de 6 à 15 % du total des dépenses annuelles de santé publique. Ces chiffres ne sont pas forcément valables pour les pays à revenu faible et intermédiaire, où les RÉSUMÉ 5 épidémies de maladies attribuables au tabagisme ont atteint un stade moins avancé et peuvent présenter d’autres différences d’ordre qualitatif. Les dépenses annuelles sont très importantes pour l’État mais, pour les consommateurs individuels, ce qui compte c’est de savoir dans quelle mesure ces dépenses sont à leur charge ou à la charge des autres. Au cours d’une année donnée, les dépenses de santé publique des fumeurs dépassent en moyenne celles des non-fumeurs. Si les soins de santé sont payés en partie par la fiscalité générale, les non-fumeurs supportent alors une partie des dépenses de la population des fumeurs. Cependant, certains experts avancent que, puisque les fumeurs meurent plus jeunes, leurs dépenses de santé sur la totalité de leur existence ne sont peut-être pas plus élevées, et pourraient même être plus faibles, que celles des non-fumeurs. Cette question est controversée, mais certaines enquêtes menées récemment dans les pays à revenu élevé montrent qu’en définitive, bien qu’ils vivent moins longtemps, les dépenses de santé des fumeurs sont légèrement plus élevées. Quoi qu’il en soit, la mesure dans laquelle les fumeurs imposent des dépenses aux autres dépend de nombreux facteurs, tels que la fiscalité des cigarettes et le niveau de soins de santé assuré par la collectivité. Ces questions n’ont pas été analysées de manière fiable dans les pays à revenu faible et intermédiaire. La question des retraites est tout aussi complexe. Certains spécialistes des pays à revenu élevé soutiennent que les fumeurs « paient leur part », dans la mesure où ils cotisent aux régimes publics de retraite et meurent plus jeunes, en moyenne, que les non-fumeurs. Toutefois, la question ne se pose pas dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où vivent la plupart des fumeurs, car peu de gens y bénéficient d’une retraite de l’État. En résumé, les fumeurs imposent des coûts matériels aux non-fumeurs, notamment des problèmes de santé, des nuisances et de l’irritation. Peut-être imposent-ils aussi des coûts financiers, mais leur étendue n’a pas encore été déterminée. Que faire ? Puisque la plupart des fumeurs ne connaissent sans doute pas tous les risques qu’ils prennent ou n’en assument pas le coût intégral, les pouvoirs publics sont en droit d’estimer qu’une intervention de leur part se justifie, principalement pour dissuader les enfants et les adolescents de fumer et pour protéger les non- fumeurs, mais aussi pour donner aux adultes les renseignements dont ils ont besoin pour choisir en toute connaissance de cause. Il conviendrait, de préférence, que les interventions des pouvoirs publics soient axées sur chacun des problèmes reconnus. Par exemple, s’agissant du jugement défectueux des enfants quant aux effets nocifs du tabac, les mesures à prendre doivent viser à mieux les informer, ainsi que leurs parents, ou à les 6 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE empêcher de se procurer des cigarettes. Mais les adolescents font peu de cas de l’éducation sanitaire, les parents sont rarement parfaits et les formes actuelles de limitation des ventes de cigarettes aux jeunes sont peu efficaces, même dans les pays à revenu élevé. En fait, le meilleur moyen de dissuader les enfants de fumer consiste à majorer la fiscalité du tabac. Le coût empêche quelques enfants et adolescents de commencer à fumer, et encourage les fumeurs juvéniles à réduire leur consommation. Cependant, la fiscalité n’est pas un instrument de précision et, si on relève les taxes sur les cigarettes, les fumeurs adultes fumeront généralement moins et paieront plus cher leurs cigarettes. Pour atteindre l’objectif consistant à protéger les enfants et les adolescents, la fiscalité imposerait par conséquent un coût aux adultes. On peut toutefois juger ce coût acceptable, selon la valeur qu’attache la société à la prévention du tabagisme juvénile. En tout état de cause, limiter la consommation des adultes pourrait avoir pour effet, à terme, de décourager encore davantage les enfants et les adolescents de fumer. Les pouvoirs publics doivent également s’attaquer au problème de la dépendance à la nicotine. Pour les fumeurs réguliers désireux de cesser, le coût du sevrage est considérable. Les autorités peuvent envisager d’intervenir pour en assumer une partie dans le cadre d’un programme global de maîtrise du tabagisme. Mesures visant à réduire la demande de tabac Nous passons ensuite à l’examen des mesures de lutte contre le tabagisme, que nous évaluons une à une. Majorer les taxes On a observé dans les pays de tous les niveaux de revenu que la hausse du prix des cigarettes est un moyen efficace de réduire la demande. Une majoration des taxes conduit certains fumeurs à s’arrêter et empêche d’autres gens de commencer. Elle réduit également le nombre d’anciens fumeurs qui recommencent à fumer et fait baisser la consommation de ceux qui continuent. En moyenne, on compte qu’une hausse de 10 % sur le prix d’un paquet de cigarettes se traduit par une baisse de la demande qui atteint 4 % dans les pays à revenu élevé et 8 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où les gens sont généralement plus sensibles aux variations de prix. Les enfants et les ado- lescents réagissant davantage à une hausse des prix, ce type d’intervention aurait sur eux un effet marqué. Les modèles utilisés dans la préparation de ce rapport indiquent qu’une majoration de la fiscalité ayant pour effet de relever de 10 % le prix réel des cigarettes dans le monde entier conduirait 40 millions de fumeurs vivant en RÉSUMÉ 7 1995 à cesser de fumer, et préviendrait au moins 10 millions de décès dus au tabac. La hausse du prix découragerait en outre d’autres gens de commencer à fumer. Étant donné que ces modèles sont fondés sur des hypothèses délibérément prudentes, ces chiffres doivent être considérés comme des esti- mations minimales. Quel est le niveau de taxation qui convient ? Comme le savent beaucoup de responsables, la question est complexe. Ce niveau dépend de faits empiriques subtils que l’on ignore encore, notamment l’échelle des coûts pour les non- fumeurs et les niveaux de revenu. Il dépend aussi des valeurs de la société, en particulier de la mesure dans laquelle elle estime que les enfants doivent être protégés et de ce qu’elle espère accomplir par le biais de la fiscalité (par exemple, une augmentation donnée des recettes publiques ou une réduction donnée de la charge de morbidité). Pour l’instant, nous conseillons aux dirigeants désireux de lutter contre le tabagisme de se référer aux niveaux de taxation adoptés dans le cadre de la politique générale de maîtrise du tabagisme dans les pays où la consommation de cigarettes est tombée. Dans ces pays, les taxes représentent entre les deux tiers et les quatre cinquièmes du prix de vente au détail. À l’heure actuelle, les taxes imposées dans les pays à revenu élevé représentent en moyenne les deux tiers ou plus du prix de vente au détail d’un paquet de cigarettes. Dans les pays à revenu moins élevé, les taxes ne représentent pas plus de la moitié du prix au détail. Mesures autres que la hausse des prix Il existe toute une panoplie de méthodes efficaces, notamment l’interdiction complète de la publicité et des promotions ; des mesures d’information telles que des campagnes de contre-publicité dans les médias, des mises en garde bien visibles affichées sur les paquets de cigarettes, la publication et la diffu- sion d’études sur les conséquences du tabagisme pour la santé, et des restric- tions sur le tabac au travail et dans les lieux publics. Nous prouvons que chacune de ces mesures peut réduire la demande de cigarettes. Ainsi, les informations de choc, telles que la publication d’études fournissant de nouvelles informations importantes sur les effets du tabac sur la santé, réduisent la demande. Leurs effets semblent les plus nets dans les pays où la population est relativement peu informée des risques sanitaires. L’interdiction totale de la publicité et des promotions peut réduire la demande d’environ 7 %, indiquent les études économétriques réalisées dans les pays à revenu élevé. L’interdiction de fumer dans certains lieux est sans conteste bénéfique pour les non-fumeurs, et il semble qu’elle puisse faire baisser la consommation en général. Selon les modèles établis pour ce rapport, les mesures ci-dessus, appliquées simultanément dans tous les pays, pourraient convaincre quelque 23 millions 8 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE de fumeurs vivant en 1995 de cesser de fumer et prévenir 5 millions de décès imputables au tabac. Comme les estimations relatives au relèvement de la fiscalité, ces chiffres sont des minima. Traitements de substitution et de sevrage Le troisième type d’intervention consiste à aider ceux qui veulent cesser de fumer en leur permettant de suivre un traitement de substitution nicotinique ou d’autres traitements de sevrage. Les substituts nicotiniques renforcent notablement l’efficacité des tentatives de sevrage et réduisent également les coûts de retrait pour l’individu. Pourtant, ces substituts sont difficiles à obtenir dans de nombreux pays. Selon les modèles établis en préparation de ce rap- port, la généralisation des traitements de substitution pourrait contribuer à réduire fortement la demande. On ignore l’effet combiné de toutes ces mesures de réduction de la demande de tabac, car les pays qui appliquent des mesures de lutte contre le tabagisme en utilisent plusieurs simultanément et il est impossible d’étudier leurs effets isolément. Il apparaît toutefois que les interventions se renforcent mutuellement, ce qui conforte l’idée qu’il faut attaquer le tabagisme sur plusieurs fronts simultanés. Prises ensemble, ces mesures pourraient éviter des millions de décès. Mesures visant à réduire l’offre de tabac S’il est possible de réduire notablement la demande de tabac, en revanche, les mesures de limitation de l’offre ont moins de chances de succès. En effet, si un fournisseur cesse ses opérations, un autre sera encouragé à prendre sa place. La mesure extrême consistant à interdire la culture du tabac n’a pas de justification économique, et elle est aussi irréaliste qu’hasardeuse. D’aucuns proposent de remplacer le tabac par d’autres cultures comme moyen de réduire l’offre, mais rien ne prouve que cela ferait diminuer la consommation étant donné que les incitations à la culture du tabac sont beaucoup plus fortes que celles des autres cultures. À défaut de réduire la consommation, la substitution des cultures peut être une bonne stratégie lorsqu’il faut aider les cultivateurs de tabac les plus défavorisés à diversifier, dans le cadre d’un programme plus général de diversification. De même, jusqu’ici, tout tend à prouver que les restrictions commerciales, telles que l’interdiction d’importer, n’auraient guère d’effet sur la consommation mondiale de cigarettes. Les pays auront plus de chances de réussir à limiter le tabagisme en adoptant des mesures efficaces de réduction de la demande et en les appliquant à égalité aux cigarettes d’importation et d’origine nationale. Dans le même ordre d’idées, il n’est pas logique de subventionner la produc- tion de tabac, comme le font principalement les pays à revenu élevé, si l’on RÉSUMÉ 9 prétend suivre de bonnes politiques commerciales et agricoles. Quoi qu’il en soit, l’élimination des subventions aurait un faible impact au niveau du prix de détail. S’agissant de l’offre, la répression de la contrebande a une importance indéniable dans la réduction du tabagisme. Les mesures à prendre comprennent l’apposition de timbres fiscaux et d’avertissements bien visibles sur les paquets de cigarettes, ainsi que l’application volontariste des règlements et de sanc- tions sévères pour décourager les contrebandiers. La limitation de la contrebande améliore la rentabilité de l’augmentation des taxes sur le tabac. Les coûts et les conséquences de la lutte contre le tabagisme Les dirigeants objectent à la lutte contre le tabagisme à plusieurs titres. Ils craignent en premier lieu que les restrictions n’entraînent la disparition permanente d’emplois dans l’économie. Mais la baisse de la demande de tabac ne signifierait pas une réduction du nombre total d’emplois au niveau national. Au lieu de cigarettes, les gens achèteraient d’autres biens et services, créant ainsi de nouveaux emplois qui compenseraient les pertes dans le secteur du tabac. Les études réalisées pour ce rapport indiquent que, si le tabagisme baissait, la plupart des pays ne subiraient pas de perte nette d’emplois, et que certains enregistreraient une progression nette. Il existe toutefois un très petit nombre de pays, surtout en Afrique subsaharienne, dont l’économie est fortement tributaire de la culture du tabac. Une réduction de la demande intérieure les affecterait peu, mais une chute mondiale de la demande provoquerait le chômage. Il serait impératif, dans ces circonstances, que l’État aide les catégories de travailleurs touchés à s’adapter, mais il convient de souligner que, même si la demande baissait sensiblement, cela prendrait au moins une génération. Certains craignent également qu’un alourdissement de la fiscalité ne réduise les recettes publiques. Il a été prouvé empiriquement qu’il aurait au contraire pour effet d’accroître les recettes fiscales du tabac. L’une des raisons en est que, comme les consommateurs toxicomanes ne réagissent que lentement aux hausses de prix, la baisse de la demande n’est pas proportionnelle à l’augmentation des taxes. Selon le modèle élaboré pour la réalisation de ce rapport, des hausses modestes des taxes indirectes prélevées dans tous les pays sur les cigarettes, atteignant en moyenne 10 %, se traduiraient par une aug- mentation d’environ 7 % des recettes fiscales procurées par le tabac, le pourcentage effectif variant suivant les pays. Les responsables pensent également qu’une majoration de la fiscalité stimulerait fortement la contrebande, ce qui réduirait les recettes publiques tout en permettant à la consommation de rester élevée. La contrebande est un problème sérieux, mais nous concluons que, même lorsqu’elle se pratique à 10 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE grande échelle, la hausse de la fiscalité stimule les recettes et réduit la consommation. Par conséquent, au lieu de renoncer à augmenter les taxes, les autorités feraient mieux de lutter contre la contrebande. Enfin, d’aucuns objectent qu’un relèvement des taxes sur les cigarettes pénaliserait particulièrement les consommateurs pauvres. Certes, les taxes en vigueur sur le tabac absorbent une part plus élevée du revenu des consommateurs pauvres que de celui des riches, mais ce dont les dirigeants doivent se préoccuper avant tout, c’est l’impact distributif de l’ensemble du régime fiscal et des dépenses publiques, et non pas de l’effet d’une taxe isolée. Il convient de noter que les consommateurs pauvres sont généralement plus sensibles aux hausses de prix que les consommateurs riches, si bien que leur consommation de ciga- rettes tombera plus nettement à la suite d’une augmentation des taxes, et que leur fardeau financier relatif pourra s’en trouver allégé. Pour autant, ils pourront estimer que la perte des avantages du tabagisme est relativement plus importante. La lutte contre le tabagisme en vaut-elle la peine ? Les responsables qui envisagent d’intervenir doivent se demander par ailleurs si les mesures de maîtrise du tabagisme ont un rapport coût-efficacité compa- rable à celui d’autres interventions dans le domaine de la santé. On a effectué des estimations préliminaires en préparation de ce rapport, en pondérant les coûts publics de la mise en œuvre des programmes de maîtrise du tabagisme par le nombre potentiel d’années de vie en bonne santé économisées. Les résultats correspondent à ceux d’études antérieures, démontrant que la maîtrise du tabagisme est une intervention très rentable si elle s’inscrit dans le contexte d’un programme de santé publique de base dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Mesurée en fonction du coût par année de vie en bonne santé économisée, la majoration de la fiscalité est rentable. Selon les hypothèses retenues, le coût de cette méthode s’élève à 5-17 dollars1 par année économisée dans les pays à revenu faible et intermédiaire, soit moins que bien d’autres interventions sanitaires communément financées par l’État, telles que la vaccination des enfants. Les mesures autres que de prix sont elles aussi rentables dans de nombreuses circonstances. Celles qui visent à libéraliser l’obtention de substituts nicotiniques, par exemple, en modifiant les conditions de vente, seraient sans doute d’un bon rapport coût-efficacité dans de nombreux cas. Cependant, il appartient aux pays intéressés d’évaluer soigneusement la situation avant de décider de subventionner les substituts nicotiniques et d’autres aides au sevrage à l’intention des fumeurs défavorisés. On ne saurait négliger les capacités de recettes exceptionnelles de la fiscalité du tabac. Ainsi, on estime au bas mot qu’en Chine, une hausse de 10 % des taxes sur les cigarettes réduirait la consommation de 5 %, accroîtrait les recettes RÉSUMÉ 11 de 5 % et que cette augmentation suffirait à financer un programme de ser- vices de santé essentiels pour un tiers des 100 millions de Chinois les plus démunis. Programme indicatif d’action C’est à chaque société de déterminer les politiques qu’elle entend suivre en ce qui concerne les choix individuels. Dans la pratique, la plupart des politiques seront fondées sur plusieurs types de critères, et non pas seulement sur des critères économiques. La plupart des sociétés souhaiteraient réduire les souffrances et les pertes psychologiques incalculables causées par la charge de morbidité et de décès prématurés due au tabac. Pour le responsable désireux d’améliorer la santé publique également, la maîtrise du tabagisme est une op- tion attrayante. Des réductions même modestes d’une semblable charge de morbidité se traduiraient par des progrès sanitaires très sensibles. Certains responsables estimeront que le principal motif d’intervention consiste à empêcher les enfants de fumer. Cependant, une stratégie qui ne viserait qu’à dissuader les enfants serait peu rationnelle et, du point de vue de la santé publique, n’apporterait pas d’avantages substantiels avant plusieurs dizaines d’années. Sachant que la plupart des décès dus au tabac prévus pour les 50 prochaines années surviendront chez les fumeurs actuels, les pouvoirs pu- blics soucieux d’améliorer la santé publique plus rapidement auront intérêt à envisager des mesures plus générales afin d’aider les adultes à cesser de fumer. Nous présentons deux recommandations : 1. Les pays où les pouvoirs publics décident de prendre des mesures volontaristes pour maîtriser le tabagisme doivent adopter une stratégie polyvalente visant à dissuader les enfants de commencer à fumer, à protéger les non-fumeurs et à informer tous les fumeurs des méfaits du tabac. Cette stratégie, qui doit être adaptée aux besoins de chaque pays, comportera : 1) une majoration de la fiscalité, fondée sur les taux pratiqués dans les pays qui ont réussi à faire baisser la consommation (entre les deux tiers et les quatre cinquièmes du prix de vente des cigarettes au détail) ; 2) la publication et la diffusion des résultats des recherches effectuées sur les effets du tabac sur la santé, l’apposition de mises en garde bien visibles sur les paquets de ciga- rettes, l’interdiction totale de la publicité et des promotions, et la limi- tation du tabagisme au travail et dans les lieux publics ; et 3) l’élargissement de l’accès aux substituts nicotiniques et aux traitements de sevrage. 2. Il conviendrait que les organisations internationales, telles que les institutions des Nations Unies, réexaminent leurs programmes et 12 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE politiques en vigueur afin de donner la priorité à la lutte contre le tabagisme, qu’elles parrainent des recherches sur les causes, les conséquences et les coûts du tabagisme et sur la rentabilité d’interventions données au niveau local, et qu’elles se penchent sur les aspects internationaux de la lutte contre le tabagisme. Il est recommandé, en particulier, qu’elles travaillent avec la Convention- cadre sur la lutte anti-tabac. Les grands domaines d’action comprennent la promotion d’accords internationaux sur la répression de la contrebande, des pourparlers sur l’harmonisation des taxes en vue de réduire les incitations à la contrebande, et l’interdiction de la publicité et de la promotion par le canal des moyens de communica- tion mondiaux. La menace posée par le tabagisme pour la santé publique est sans précédent, mais les opportunités de réduction de la mortalité liée à ce fléau grâce à des interventions officielles bien conçues sont également sans précédent. Nous montrons dans ce rapport ce qui peut être accompli, et que des interventions relativement limitées pourraient avoir des conséquences bénéfiques pour la santé au XXIe siècle. Note 1. Tous les montants en dollars sont exprimés en dollars courants des États-Unis. C H A P IT R E 1 Les tendances mondiales du tabagisme V OICI des siècles que les gens s’adonnent à la consommation de tabac, mais ce n’est qu’au XIXe siècle que l’on a commencé à fabriquer des cigarettes en grande quantité. Depuis, l’usage de la cigarette s’est répandu dans le monde entier à une échelle colossale, puisqu’un adulte sur trois, soit 1,1 milliard de personnes, fume. Sur ce nombre, les quatre cinquièmes environ vivent dans les pays à revenu faible et intermédiaire. On compte que, par suite de la croissance démographique et de l’augmentation de la consommation, ce total atteindra quelque 1,6 milliard d’ici à 2025. Autrefois, beaucoup de gens mâchaient ou fumaient le tabac au moyen de pipes diverses. Ces pratiques n’ont pas disparu, mais elles sont en recul. Les cigarettes industrielles et différents types de cigarettes roulées à la main, telles que les bidis, communes en Asie du Sud et en Inde, représentent de nos jours jusqu’à 85 % de la consommation mondiale de tabac. Étant donné que la ciga- rette semble beaucoup plus nocive pour la santé que les autres formes de tabagisme, nous avons axé ce rapport sur les cigarettes industrielles et les bidis. Augmentation de la consommation dans les pays à revenu faible et intermédiaire La consommation de cigarettes de la population des pays à revenu faible et intermédiaire augmente depuis 1970 (figure 1.1). La consommation par habi- tant a progressé régulièrement entre 1970 et 1990, mais la tendance semble s’être ralentie légèrement depuis le début des années 90. 13 14 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE FIGURE 1.1 LE TABAGISME PROGRESSE DANS LE MONDE EN DÉVELOPPEMENT Tendances de la consommation de cigarettes chez les adultes 3000 Consommation annuelle de cigarettes Pays développés 2500 Pays en développement Tous pays par adulte (unités) 2000 1500 1000 500 1970–72 1980–82 1990–92 Année Source : Organisation mondiale de la santé. 1997. Tobacco or Health: a Global Status Report. Genève (Suisse). Si le tabagisme augmente chez les hommes des pays à revenu faible et intermédiaire, il est au contraire en recul chez ceux des pays à revenu élevé. Par exemple, alors qu’aux États-Unis, plus de 55 % des hommes fumaient lorsque le tabagisme a atteint son point culminant vers les années 50, au mi- lieu des années 90, ce pourcentage était tombé à 28 %. La consommation par habitant des pays à revenu élevé dans leur ensemble a également diminué mais, dans certaines catégories, telles que les adolescents et les femmes jeunes, la proportion de fumeurs a augmenté au cours des années 90. Le tabagisme déborde donc de son cadre traditionnel, les hommes des pays à revenu élevé, pour toucher les femmes de ces pays et les hommes des régions à faible revenu. Depuis quelques années, le commerce international de nombreux biens et services a été libéralisé à la suite d’accords internationaux. Les cigarettes n’échappent pas à la règle. L’élimination des barrières au commerce intensifie la concurrence, ce qui se manifeste par une baisse des prix, une intensification de la publicité et des promotions et autres activités qui stimulent la demande. Dans une étude, on faisait observer que, dans quatre économies d’Asie qui avaient ouvert leur marché sous la pression des États-Unis pendant les années 80 — le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et la Thaïlande —, la consommation de LES TENDANCES MONDIALES DU TABAGISME 15 cigarettes par personne en 1991 était supérieure de près de 10 % à ce qu’elle aurait été si ces marchés étaient restés fermés. Selon un modèle économétrique élaboré en préparation de ce rapport, la libéralisation du commerce a sensiblement contribué à stimuler la consommation, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Répartition régionale du tabagisme L’Organisation mondiale de la santé a réuni des statistiques sur le nombre de fumeurs dans chaque région en se fondant sur plus de 80 études différentes. Nous nous sommes servis de ces chiffres pour estimer la prévalence du tabagisme dans chacun des sept groupes régionaux de la Banque mondiale1. Comme on le voit au tableau 1.1, il existe de grandes variations entre les régions et, en particulier, dans la prévalence du tabagisme chez les femmes. Par exemple, en Europe orientale et en Asie centrale (principalement les anciennes économies socialistes), 59 % des hommes et 26 % des femmes fumaient en 1995, plus que dans toute autre région. Pourtant, en Asie de l’Est et dans le Pacifique, où la prévalence du tabagisme chez les hommes est tout aussi élevée, seules 4 % des femmes fumaient. TABLEAU 1.1 RÉPARTITION RÉGIONALE DU TABAGISME Estimations de la prévalence du tabagisme par sexe, et nombre de fumeurs dans la population âgée de 15 ans ou plus, par région de la Banque mondiale, 1995 Nombre total de fumeurs Région de la Prévalence du tabagisme (%) (% des Banque mondiale Hommes Femmes Total (millions) fumeurs) Afrique subsaharienne 33 10 21 67 6 Amérique latine et Caraïbes 40 21 30 95 8 Asie de l’Est et Pacifique 59 4 32 401 35 Asie du Sud (cigarettes) 20 1 11 86 8 Asie du Sud (bidis) 20 3 12 96 8 Europe orientale et Asie centrale 59 26 41 148 13 Moyen-Orient et Afrique du Nord 44 5 25 40 3 Rev. faible et interméd. 49 9 29 933 82 Revenu élevé 39 22 30 209 18 Monde 47 12 29 1,142 100 Note : Les chiffres ont été arrondis. Source : Calculs effectués par les auteurs d’après Tobacco or health: a Global Status Report. Organisation mondiale de la santé. 1997. Genève, Suisse. 16 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Tabagisme et statut socio-économique Historiquement, lorsque le revenu de la population augmentait, le nombre de fumeurs augmentait aussi. Durant les premières décennies de l’épidémie de tabagisme, les fumeurs se trouvaient surtout parmi les gens aisés, dans les pays à revenu élevé. Depuis 30 ou 40 ans, au contraire, cette distribution semble s’être inversée, au moins chez les hommes, pour lesquels on dispose de données abondantes2. De plus en plus, les hommes de milieux aisés des pays à revenu élevé cessent de fumer, mais ce n’est pas le cas chez les hommes de milieux plus modestes. Ainsi, en Norvège, le pourcentage de fumeurs hommes à revenu élevé est tombé de 75 % en 1955 à 28 % en 1990. Pendant la même période, celui des fumeurs hommes à faible revenu a beaucoup moins baissé, puisqu’il est passé de 60 % à 48 % seulement. Dans la plupart des pays à revenu élevé, il existe aujourd’hui des différences substantielles dans la prévalence du tabagisme entre les différents groupes socio-économiques. Au Royaume-Uni, par exemple, seuls 10 % des femmes et 12 % des hommes des groupes socio- économiques les plus élevés s’adonnent au tabac. Dans les groupes socio- économiques les plus faibles, les chiffres correspondants sont trois fois plus élevés : 35 et 40 %. On note le même rapport inverse dans le domaine de l’éducation (marqueur de statut socio-économique). D’une manière générale, les individus d’un niveau d’éducation faible ou nul fument davantage que les individus éduqués. Récemment encore, on pensait que la situation était différente dans les pays à revenu faible et intermédiaire, mais les dernières recherches indiquent que, là aussi, les hommes d’un niveau socio-économique faible fument plus que les autres. Le niveau d’éducation est un facteur très net à Chennai (Inde) (figure 1.2). Les études menées en Afrique du Sud, au Brésil, en Chine, au Viet Nam et dans plusieurs pays d’Amérique centrale confirment cette observation. S’il est donc avéré qu’à l’échelle mondiale, la prévalence du tabagisme est plus élevée chez les gens pauvres et peu éduqués, on est moins renseigné sur le nombre de cigarettes fumées quotidiennement par les différents groupes socio-économiques. Dans les pays à revenu élevé, à quelques exceptions près, les hommes défavorisés et peu éduqués consomment plus de cigarettes par jour que les hommes plus aisés et plus éduqués. Alors qu’on pourrait s’attendre à ce que les hommes pauvres des pays à revenu faible et intermédiaire consomment moins de cigarettes que les autres, il ressort des chiffres disponibles qu’en général, les fumeurs d’un faible niveau d’éducation consomment un nombre égal ou légèrement plus élevé de cigarettes. L’Inde est une exception importante à cette règle, puisque, comme cela parait logique, les fumeurs diplômés de l’université fument plus de cigarettes, qui sont relativement plus chères, et les fumeurs peu éduqués consomment plus de bidis, qui sont bon marché. LES TENDANCES MONDIALES DU TABAGISME 17 FIGURE 1.2 LE TABAGISME EST PLUS RÉPANDU CHEZ LES GENS PEU ÉDUQUÉS Prévalence du tabagisme chez les hommes à Chennai (Inde), par niveau d’éducation 64 % 58 % 60 % Prévalence du tabagisme 42 % 40 % 21 % 20 % 0% Illettrés <6 ans 6–12 >12 ans ans Années d'études Source : Gajalakshmi, C. K., P. Jha, S. Nguyen et A. Yurekli. Patterns of Tobacco Use, and Health Consequences. Document de référence. Âge et initiation au tabagisme Les individus qui ne commencent pas à fumer pendant l’adolescence ou au début de l’âge adulte ont peu de chances de devenir un jour fumeurs. De nos jours, l’immense majorité des fumeurs commencent avant l’âge de 25 ans, souvent pendant l’enfance ou l’adolescence (encadré 1.1 et figure 1.3). Dans les pays à revenu élevé, huit fumeurs sur dix commencent à l’adolescence. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire pour lesquels des chiffres sont disponibles, il apparaît que la plupart des fumeurs commencent peu après 20 ans, mais l’âge commence à diminuer. En Chine, par exemple, entre 1984 et 1996, on a noté une progression significative du nombre de jeunes hommes de 15 à 19 ans qui ont commencé à fumer. On observe une baisse analogue de l’âge auquel les jeunes commencent à fumer dans les pays à revenu élevé. 18 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE FIGURE 1.3 LE TABAGISME COMMENCE TÔT Répartition cumulée de l’âge de l’initiation en Chine, aux États-Unis et en Inde États-Unis (hommes et femmes 100 nés en 1952–61) Chine (hommes, 1996) Initiation cumulée en pourcentage États-Unis 80 (hommes et femmes nés en 1910–14) Inde (hommes, 1995) 60 40 20 0 15 20 25 Âge Sources : Académie chinoise de médecine préventive, 1997. Le tabagisme en Chine : Enquête nationale sur la prévalence du tabagisme. Beijing, Imprimerie scientifique et technologique ; Gupta, P.C., 1996. « Survey of Sociodemographic Characteristics of Tobacco Use Among 99,598 Individuals in Bombay, India, Using Handheld Comput- ers. » Tobacco Control 5:114–20, et rapports du Surgeon General des États-Unis, 1989 et 1994. L’arrêt de la cigarette dans le monde On sait que les fumeurs commencent jeunes dans le monde entier, mais la proportion des fumeurs qui arrêtent de fumer semble varier fortement entre les pays à revenu élevé et le reste du monde, jusqu’à présent tout au moins. Dans les pays où la population est de mieux en mieux informée des méfaits du tabac, la prévalence du tabagisme diminue progressivement et on compte un nombre LES TENDANCES MONDIALES DU TABAGISME 19 ENCADRÉ 1.1 COMBIEN DE JEUNES COMMENCENT-ILS À FUMER CHAQUE JOUR ? Les individus qui commencent à fumer dans l’â ge moyen de l’initiation au jeunes ont des chances de devenir tabac. La tendance moyenne semble gros fumeurs et ont en outre un être en baisse chez les jeunes Chinois, risque accru de mourir plus tard d’une mais notre hypothèse signifie tout au maladie liée au tabac. Il est donc im- plus que nos chiffres sont en deçà de portant de savoir combien d’enfants et la réalité ; 2) nous n’avons considéré de jeunes commencent à fumer que les fumeurs réguliers, excluant le chaque jour. Nous essayons ici de nombre beaucoup plus élevé d’enfants répondre à cette question. qui essaient la cigarette mais ne de- Nous avons utilisé 1) des chiffres viennent pas fumeurs ; 3) nous avons de la Banque mondiale sur le nombre supposé que ceux qui fument régu- de jeunes, garçons et filles, qui ont lièrement cessent rarement avant l’âge atteint l’âge de 20 ans en 1995 dans adulte. Un nombre substantiel d’ado- chaque r égion de la Banque mon- lescents fumeurs réguliers arrêtent de diale, et 2) des chiffres de l’Organi- fumer dans les pays à revenu élevé, sation mondiale de la sant é sur mais c’est encore une chose rare dans la prévalence du tabagisme dans tous les pays à revenu faible et inter- les groupes d’âge, jusqu’à l’âge de médiaire. 30 ans, dans chacune de ces régions. Compte tenu de ces hypothèses, Pour obtenir le haut de la fourchette, nous avons calculé qu’entre 14 000 nous avons supposé que le nombre et 15 000 enfants et jeunes gens de jeunes qui commencent à fumer commencent à fumer chaque jour chaque jour est un produit de 1*2 par dans l’ensemble des pays à revenu région pour chaque sexe. Pour calculer élevé. Pour les pays à revenu faible et le bas de la fourchette, nous avons interm é diaire, la fourchette va de réduit ce ratio en fonction des estima- 68 000 à 84 000. Cela signifie que, tions spécifiques pour la région du chaque jour, entre 82 000 et 99 000 nombre de fumeurs qui commencent jeunes commencent à fumer et après l’âge de 30 ans. risquent de s’accoutumer rapidement Nous avons fait trois hypothèses à la nicotine. Ces chiffres concordent prudentes : 1) il n’y a pas eu de grands avec les estimations actuelles relatives changements, au cours des années, aux pays à revenu élevé. 20 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE substantiel de fumeurs repentis. En revanche, seuls 2 % et 5 % des fumeurs hommes respectivement avaient cessé de fumer en Chine et en Inde en 1993 et, au Viet Nam, ce pourcentage n’atteignait que 10 % en 1997. Notes 1. Ces catégories sont présentées à l’appendice D. En résumé, ce sont les suivantes : 1) Afrique subsaharienne, 2) Amérique latine et Caraïbes, 3) Asie de l’Est et Pacifique, 4) Asie du Sud, 5) Europe orientale et Asie centrale (groupe qui comprend la plupart des anciens pays socialistes), 6) Moyen-Orient et Afrique du Nord, et 7) pays à revenu élevé, soit en gros les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 2. Les recherches sur le tabagisme des femmes sont beaucoup plus limitées. Dans les pays où les femmes fument depuis de nombreuses décennies, le lien entre le statut socio-économique et le tabagisme est analogue pour les femmes et pour les hommes. Ailleurs, on ne possède pas assez d’informations fiables pour tirer des conclusions valables. C H A P IT R E 2 Les conséquences du tabagisme pour la santé L’ IMPACT du tabac sur la santé a fait l’objet de nombreuses études. Notre propos n’est pas de répéter en détail ce que l’on sait, mais simplement de résumer les faits. Ce chapitre se divise en deux parties : la première consiste en un rapide examen de la dépendance à la nicotine, la deuxième en une description de la charge de morbidité imputable au tabac. Le caractère addictif du tabac Le tabac contient de la nicotine, substance dont le caractère addictif a été reconnu par les organisations médicales internationales. La dépendance tabagique fi- gure dans la Classification internationale des maladies. La nicotine remplit tous les principaux critères de toxicomanie ou de dépendance, notamment la consommation compulsive, en dépit du désir et des tentatives répétées d’abandonner ; effets psychoactifs produits par l’action de la substance en ques- tion sur le cerveau ; et comportement motivé par les effets de renforcement de la substance psychoactive. À la différence du tabac à mâcher, la cigarette permet à la nicotine d’arriver rapidement au cerveau, quelques secondes après l’inhalation, et le fumeur peut régler la dose bouffée par bouffée. La toxicomanie peut survenir sans tarder. Chez les jeunes adolescents récemment initiés à la cigarette, les concentrations dans la salive de cotinine, un produit de la décomposition de la nicotine, progressent rapidement, pour rejoindre, à terme, les taux constatés chez les fumeurs établis (figure 2.1). Les taux moyens de nicotine inhalée suffisent pour exercer un effet pharmacologique 21 22 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE FIGURE 2.1 LES NIVEAUX D’ABSORPTION DE NICOTINE PROGRESSENT RAPIDEMENT CHEZ LES JEUNES FUMEURS Concentration de cotinine dans la salive d’un groupe de fumeuses adolescentes au Royaume-Uni 250 Taux de cotinine dans la salive 200 Fumeurs en 1985 150 Non-fumeurs en 100 1985 ; devenus fumeurs en 50 1986–1987 0 1985 1986 1987 Année Source : McNeill, A. D. et al. 1989. « Nicotine Intake in Young Smokers: Longitudinal Study of Saliva Cotinine Concentrations ». American Journal of Public Health 79(2): 172–75. et pour aider à renforcer le tabagisme. Pourtant, nombreux sont les jeunes fumeurs qui sous-estiment leur risque de devenir toxicomanes. Entre la moitié et les trois quarts des jeunes fumeurs américains déclarent avoir essayé au moins une fois de s’arrêter sans succès. Les enquêtes menées dans les pays à revenu élevé semblent indiquer que, dès l’âge de 16 ans, une proportion substantielle de fumeurs regrettent de fumer, mais ne pensent pas pouvoir cesser. Bien entendu, il est possible de s’abstenir définitivement, comme c’est le cas pour les autres substances addictives, mais sans traitement de sevrage, les taux de réussite individuels sont faibles. Selon les dernières recherches, sur 100 fumeurs qui tentent de cesser de fumer seuls, 98 recommencent dans l’année. La charge de morbidité On compte qu’au cours de l’année à venir, le tabac aura tué quelque quatre millions de personnes dans le monde. Il est déjà responsable du décès d’un LES CONSÉQUENCES DU TABAGISME POUR LA SANTÉ 23 adulte sur dix ; d’ici à 2030, ce chiffre atteindra probablement un sur six, soit 10 millions de décès par an, ce qui fera du tabac la première cause de mortalité, surpassant cette année-là la pneumonie, les maladies diarrhéiques, la tuberculose et les complications obstétricales combinées. Si les tendances actuelles se maintiennent, environ 500 millions de gens actuellement en vie seront un jour ou l’autre victimes du tabac ; la moitié d’entre eux seront dans la force de l’âge et verront leur existence abrégée de 20 ou 25 ans. Les décès liés au tabac, autrefois limités en grande partie aux hommes des pays à revenu élevé, touchent à présent les femmes de ces pays et les hommes du monde entier (tableau 2.1). En 1990, sur trois décès attribuables au tabac, deux sont survenus soit dans les pays à revenu élevé soit dans les anciens pays socialistes d’Europe orientale et d’Asie centrale. Par contre, en 2030, sept décès attribuables au tabac sur dix frapperont les pays à revenu faible et intermédiaire. Sur le demi-milliard de décès projetés parmi la population actuellement en vie, environ 100 millions seront des hommes chinois. La maladie survient longtemps après l’exposition au risque Cependant, la rançon du tabagisme, sous forme de mortalité et de morbidité, n’est pas encore connue dans toute son ampleur en dehors des pays à revenu élevé, car les pathologies provoquées par le tabac peuvent prendre plusieurs dizaines d’années pour se déclarer. Même lorsque le tabagisme est très répandu dans une population, les dommages pour la santé peuvent rester encore invisibles. C’est ce que démontrent très clairement les tendances du cancer du poumon aux États-Unis. C’est entre 1915 et 1950 que la consommation de cigarettes a progressé le plus rapidement aux États-Unis, mais les taux de can- cer du poumon n’ont commencé à augmenter en flèche qu’aux environs de 1945. Les taux normalisés par âge ont triplé entre les années 30 et les années 50 mais, après 1955, ils ont augmenté encore plus vite : pendant les années 80, les taux avaient été multipliés par 11 par rapport à 1940. TABLEAU 2.1 NOMBRE ACTUEL DE DÉCÈS ATTRIBUABLES AU TABAC ET PROJECTIONS (millions de personnes par an) Nombre de décès dus Nombre de décès dus au tabac en 2000 au tabac projeté pour 2030 Pays développés 2 3 Pays en développement 2 7 Source : Organisation mondiale de la santé. 1999. Making a Difference. Rapport sur la santé dans le monde. 1999. Genève, Suisse. 24 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE En Chine, où vivent le quart des fumeurs du monde, la consommation de cigarettes atteint actuellement le même niveau qu’aux États-Unis en 1950, période où la consommation par habitant a culminé. À ce stade de l’épidémie aux États-Unis, 12 % de tous les décès survenant à l’âge moyen étaient imputables au tabac. Quarante ans plus tard, alors que la consommation de cigarettes avait déjà baissé, environ le tiers des décès de cette tranche d’âge était dû au tabac. Aujourd’hui, dans un parallèle saisissant, on estime que le tabac est la cause d’environ 12 % des décès survenant parmi les hommes d’âge moyen en Chine. Les observateurs s’attendent à ce que cette proportion passe à un tiers d’ici quelques dizaines d’années, comme cela s’est produit aux États- Unis. Chez les jeunes Chinoises, en revanche, le tabagisme n’a pas sensiblement progressé depuis 20 ans et la plupart des fumeuses sont des femmes plus âgées. Si les tendances actuelles se maintiennent, il est donc possible que le nombre de décès imputables au tabac chez les femmes en Chine passe de son niveau actuel d’environ 2 % du total à moins de 1 %. Même dans les pays à revenu élevé, où la population est exposée au tabagisme depuis de nombreuses décennies, il a fallu au moins 40 ans pour qu’on commence à avoir une idée claire des pathologies dues au tabac. Les chercheurs calculent l’excès de risque de mortalité des fumeurs par des études prospectives comparant les perspectives de santé des fumeurs et des non- fumeurs. Au début des années 70, après 20 ans de suivi, ils pensaient que les fumeurs avaient une chance sur quatre de mourir des suites du tabagisme. À la lumière des informations les plus récentes, ils pensent à présent que cette chance est de une sur deux. Comment le tabac tue-t-il ? Dans les pays à revenu élevé, des études prospectives à long terme telles que la deuxième Étude sur la prévention du cancer de l’American Cancer Society, qui a suivi plus d’un million d’Américains adultes, fournissent des éléments d’information fiables sur la façon dont le tabac tue. Aux États-Unis, les fumeurs ont 20 fois plus de chances de mourir du cancer du poumon à l’âge moyen que les non-fumeurs, et trois fois plus de chances de mourir d’une pathologie cardio- vasculaire, dont l’infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux et autres pathologies circulatoires. Étant donné la fréquence des cardiopathies ischémiques dans les pays à revenu élevé et l’excès de risque des fumeurs, un très grand nombre sont victimes de ces pathologies, ce qui en fait la principale cause de décès liés au tabac dans ces pays. La cigarette est aussi la première cause de bronchite chronique et d’emphysème. Elle est également associée au cancer de divers organes (vessie, reins, larynx, bouche, pancréas, estomac, etc.). Davantage que le nombre quotidien de cigarettes, c’est la durée de la consommation qui est la principale variable de risque dans le cancer du poumon. LES CONSÉQUENCES DU TABAGISME POUR LA SANTÉ 25 Ainsi, l’excès de risque est 100 fois supérieur pour une durée de consommation trois fois plus longue, tandis que le risque est trois fois plus élevé seulement pour une consommation triple. Par conséquent, ceux qui commencent à fumer à l’adolescence et ne s’arrêtent pas sont ceux qui ont l’excès de risque le plus important. Depuis plusieurs années, les fabricants de cigarettes commercialisent des marques « à faible teneur en goudron » et « à faible teneur en nicotine », caractéristiques qui font croire à de nombreux fumeurs qu’elles sont moins dangereuses. Cependant, la différence entre le risque de décès prématuré des fumeurs de ces marques de cigarettes et les fumeurs de marques ordinaires est de beaucoup inférieure à la différence de risque entre les non-fumeurs et les fumeurs. L’épidémie varie dans l’espace et dans le temps Parce que la plupart des études à long terme se sont limitées aux pays à revenu élevé, on dispose de peu de données sur les effets du tabac sur la santé dans les autres pays. Cependant, il ressort d’études majeures menées récemment en Chine et de nouvelles études réalisées en Inde que, contrairement à ce que l’on observe dans les pays à revenu élevé comme les États-Unis et le Royaume- Uni, où l’ensemble des risques du tabagisme persistant sont à peu près identiques, il en va tout autrement dans ces deux pays. Il ressort des statistiques chinoises que les décès attribuables aux cardiopathies ischémiques forment une proportion beaucoup plus faible du nombre total de décès dus au tabac que dans les pays occidentaux, et que les maladies respiratoires et le cancer sont à l’origine de la plupart des décès. Il est à noter que la tuberculose est la cause d’une minorité substantielle de décès. D’autres différences peuvent apparaître dans d’autres populations. En Asie du Sud, par exemple, les proportions peuvent être modifiées par la forte prévalence sous-jacente des maladies cardio- vasculaires. On voit donc qu’il importe de surveiller l’épidémie dans toutes les régions. Pour autant, il semble que la proportion totale de fumeurs tués par la cigarette soit généralement d’environ un sur deux dans de nombreuses popula- tions, même si le type et la répartition des pathologies varient. Le tabagisme et le désavantage des pauvres en matière de santé De même que le tabagisme, ses effets nocifs pour la santé sont associés à la pauvreté et à un faible niveau socio-économique. Les analyses effectuées en préparation de ce rapport illustrent les effets du tabagisme sur la durée de vie des hommes de différents groupes socio-économiques (d’après le revenu, la classe sociale ou le niveau d’éducation), dans quatre pays où 26 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE l’épidémie de tabagisme est établie : le Canada, les États-Unis, la Pologne et le Royaume-Uni. En Pologne, les hommes ayant fait des études universitaires avaient, en 1996, un risque de mourir à l’âge moyen de 26 %. Pour les hommes qui n’avaient fait que des études primaires, le risque était de 52 % (deux fois plus grand). En analysant la proportion de décès dus au tabac dans chaque groupe, les chercheurs ont estimé que le tabac est responsable d’environ les deux tiers de l’excès de risque des hommes du deuxième groupe. En d’autres termes, si l’on élimine le tabac, l’écart de la durée de vie des deux groupes se réduirait fortement, puisque le risque de mourir à l’âge moyen tomberait à 28 % chez les hommes du groupe le moins instruit, et à 20 % chez ceux du groupe le plus instruit (figure 2.2). On obtient des résultats analogues dans les autres pays étudiés, ce qui indique que le tabac est à l’origine de plus de la moitié de la différence dans la mortalité des hommes adultes de statut socio-économique supérieur et ceux de statut inférieur. De même, le tabagisme contribue fortement à l’élargissement de l’écart de survie dans le temps entre hommes aisés et hommes défavorisés dans ces pays (figure 2.3). FIGURE 2.2 L’ÉDUCATION ET LE RISQUE DE DÉCÈS ATTRIBUABLE AU TABAC Décès chez les hommes d’âge moyen de niveaux d’éducation différents, Pologne, 1996 60 % 50 % Risque de décès (%) Autres causes 40 % 28 % Attribué au tabac mais serait 30 % survenu de toutes manières 4% entre l'âge de 35 et 69 ans 20 % 22 % Attribué au tabac 21 % 1% 10 % 1% 19 % 9% 5% 0% Supérieur Secondaire Primaire Niveau d'éducation Note : Les chiffres ont été arrondis. Source : Bobak, Martin, P. Jha, M. Jarvis et S. Nguyen. Poverty and Tobacco. Document de référence. LES CONSÉQUENCES DU TABAGISME POUR LA SANTÉ 27 Les risques du tabagisme passif Les fumeurs nuisent non seulement à leur propre santé, mais également à celle de leur entourage. Les femmes enceintes qui fument risquent davantage de perdre le fœtus par avortement spontané. Dans les pays à revenu élevé, les enfants nés de mères fumeuses ont beaucoup plus souvent un faible poids à la naissance que les enfants des non-fumeuses, et ils ont un excès de risque de mourir peu après la naissance jusqu’à 35 % supérieur. Ils ont également un risque plus grand de contracter des infections des voies respiratoires. Des chercheurs ont observé récemment la présence d’un carcinogène trouvé exclusivement dans la fumée de tabac dans l’urine de nouveau-nés dont la mère est fumeuse. L’exposition à la fumée de cigarette est à l’origine d’une grande partie du désavantage sanitaire des enfants nés de femmes défavorisées. Chez les femmes blanches des États-Unis, le tabagisme est à lui seul responsable de 63 % de la différence de poids à la naissance entre les enfants nés de femmes ayant fait des études supérieures et des enfants nés de femmes qui n’avaient qu’un niveau d’éducation secondaire ou inférieur. FIGURE 2.3 LE TABAGISME ET L’ÉLARGISSEMENT DE L’ÉCART DE SANTÉ ENTRE RICHES ET PAUVRES La cigarette et la différence des risques de décès pour les hommes d’âge moyen entre niveaux socio-économiques favorisés et défavorisés au Royaume-Uni moyen pour les hommes de niveaux socio- économiques favorisés et défavorisés (%) 25 Différence des risques de décès à l'âge Attribuable à la cigarette 20 Autres causes 15 10 5 0 1970–72 1980–82 1990–92 Année Note : Au Royaume-Uni, il existe cinq niveaux socio-économiques, classés entre I (le plus élevé) et V (le plus bas). La figure examine la différence de risque entre les hommes des groupes I et II et les hommes du groupe V dans le temps. Source : Bobak, Martin, P. Jha, M. Jarvis et S. Nguyen. Poverty and Tobacco. Docu- ment de référence. 28 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Les adultes exposés chroniquement à la fumée de tabac des autres ont également un risque faible mais réel de cancer du poumon et des risques accrus de maladie cardio-vasculaire, tandis que les enfants de fumeurs présentent divers troubles de santé et des limitations fonctionnelles. Les fumeurs passifs sont les enfants et les conjoints de fumeurs, principalement au domicile familial. Par ailleurs, un nombre substantiel de non-fumeurs travaillent aux côtés de fumeurs ou dans une atmosphère enfumée où, avec le temps, leur exposition au risque devient assez importante. Les bienfaits du sevrage Plus on commence à fumer jeune, plus on court un risque de maladie débilitante. Dans les pays à revenu élevé, où l’on dispose de données à long terme, les chercheurs sont parvenus à la conclusion que ceux qui commencent tôt et fument régulièrement risquent davantage d’avoir le cancer du poumon que ceux qui cessent encore jeunes. Au Royaume-Uni, les médecins hommes qui cessent de fumer avant l’âge de 35 ans vivent à peu près aussi longtemps que ceux qui n’ont jamais fumé. Pour ceux qui cessent entre 35 et 44 ans, l’arrêt est également très bénéfique, et ceux qui arrêtent plus tard y gagnent aussi. En résumé, l’épidémie de pathologies liées au tabagisme n’est plus concentrée parmi les hommes des pays à revenu élevé, mais affecte à présent les femmes de ces pays et les hommes des pays à revenu faible et intermédiaire. Le tabagisme est de plus en plus lié à un statut social désavantagé, en fonction du niveau de revenu et d’éducation. La plupart des nouveaux fumeurs sous- estiment le risque de s’accoutumer à la nicotine. Nombreux sont les jeunes fumeurs adultes qui regrettent d’avoir commencé à fumer et se jugent incapables de cesser. La moitié des fumeurs à long terme mourront un jour d’une maladie liée au tabac, et la moitié d’entre eux mourront à l’âge moyen. C H A P IT R E 3 Les fumeurs savent-ils quels risques ils courent et assument-ils leurs coûts ? D ANS ce chapitre, nous examinons ce qui pousse les gens à fumer. Le tabagisme est-il un choix de consommation comme les autres ? Permet-il d’allouer efficacement les ressources de la société ? Après avoir examiné ces questions, nous en étudions les implications pour les pouvoirs publics. Selon les théories de l’économie moderne, le consommateur individuel est le mieux placé pour décider comment dépenser son argent, que ce soit pour acheter du riz, des vêtements, ou pour voir un film. Ce principe de la souveraineté du consommateur repose sur certaines hypothèses. La première est que le consommateur fait des choix rationnels et éclairés, après avoir pesé les coûts et avantages de ses achats, et la seconde est que c’est le consommateur qui assume la totalité des coûts de sa décision. Lorsque tous les consommateurs exercent leur souveraineté de cette manière, en toute connaissance de cause et en assumant les coûts, les ressources de la société sont, théoriquement, allouées de la façon la plus efficace possible. Manifestement, le fumeur perçoit les avantages du tabagisme, sans quoi il ne payerait pas pour fumer. Ces avantages sont le plaisir et la satisfaction, une meilleure image de soi, une réduction du stress et, pour le fumeur dépendant, l’absence de symptômes de retrait de la nicotine. Faisant pendant à ces avantages, les coûts privés sont la dépense, les dommages pour la santé et la dépendance à la nicotine. Ainsi définis, il est bien certain que les avantages perçus l’emportent sur les coûts perçus. Cependant, la décision d’acheter du tabac diffère de la décision d’acheter d’autres biens de consommation à trois égards : 29 30 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE s On sait que beaucoup de fumeurs ne sont pas pleinement informés de la forte probabilité de morbidité et de décès prématuré qu’entraîne leur décision. C’est là le principal coût privé du tabagisme. s On sait également que les enfants et les adolescents ne sont pas toujours capables d’évaluer correctement les informations qu’ils peuvent posséder sur les méfaits du tabac. Tout aussi important, on sait que les nouveaux initiés peuvent sous-estimer gravement les coûts futurs associés à la dépendance à la nicotine. On peut considérer ces coûts futurs comme les coûts de l’impossibilité pour le fumeur adulte d’inverser la décision de fumer prise dans sa jeunesse, même s’il le désire, parce qu’il est devenu dépendant. s Enfin, on sait que les fumeurs imposent des coûts à autrui, tant directement qu’indirectement. Les économistes supposent généralement que l’individu ne mesure correctement les coûts et avantages de ses choix que lorsque c’est lui qui supporte ces coûts et jouit des avantages. Si ces coûts sont supportés par autrui, il s’ensuit que le fumeur peut fumer plus qu’il ne le ferait si c’était lui qui supportait la totalité des coûts. Examinons à présent les faits à l’appui de ces affirmations. Connaissance des risques Les gens semblent méconnaître les méfaits du tabagisme, surtout dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où ils disposent de peu d’information à ce sujet. En Chine, par exemple, 61 % des fumeurs adultes interrogés en 1995 ont déclaré que la cigarette leur faisait « peu ou pas de mal ». Dans les pays à revenu élevé, la population est généralement plus sensibilisée aux méfaits du tabac qu’il y a 40 ans. Cependant, l’unanimité est loin d’être faite quant à l’exactitude avec laquelle les fumeurs des pays à revenu élevé perçoivent leur risque de morbidité. Plusieurs études réalisées depuis une vingtaine d’années aboutissent à des conclusions contra- dictoires : selon certaines, les fumeurs surestiment les risques, selon d’autres, ils les sous-estiment, ou bien encore ils en ont une idée juste. Les méthodes employées pour réaliser ces études ont été critiquées à maints égards. Un examen récent de la documentation concernant les recherches effectuées indique que les fumeurs des pays à revenu élevé savent généralement qu’ils courent un risque de morbidité plus élevé, mais que ce risque leur paraît moins grand et moins sérieux qu’aux non-fumeurs. De plus, même lorsque les individus ont une perception raisonnable du risque que courent les fumeurs en tant que groupe, ils minimisent l’importance personnelle de cette information et pensent que les autres fumeurs sont plus en danger qu’eux. LES FUMEURS SAVENT-ILS QUELS RISQUES ILS COURENT ? 31 Enfin, selon des informations recueillies dans différents pays, certains fumeurs semblent méconnaître les risques du tabac pour la santé par opposi- tion aux autres risques de santé. En Pologne, par exemple, des chercheurs ont demandé en 1995 à des adultes de classer les « principaux facteurs qui influent sur la santé humaine ». Le facteur le plus fréquemment cité est l’environnement, suivi par le régime alimentaire et le stress ou un mode de vie frénétique. Le tabagisme, qui suit en quatrième position, n’est cité que par 27 % des adultes interrogés. En réalité, le tabagisme est à l’origine de plus d’un tiers des risques de décès prématuré chez les hommes d’âge moyen en Pologne, ce qui le place loin en tête de tout autre risque. La jeunesse, la toxicomanie et l’aptitude à prendre des décisions saines Comme nous l’avons dit au chapitre 1, la plupart des fumeurs commencent jeunes. Or, les enfants et les adolescents sont sans doute moins bien renseignés que les adultes sur les effets du tabac sur la santé. Il ressort d’une étude menée récemment parmi les 15-16 ans à Moscou que la moitié d’entre eux ne connaissaient aucune maladie liée au tabac ou ne pouvaient en nommer qu’une seule : le cancer du poumon. Même aux États-Unis, où l’on s’attendrait à ce que les jeunes soient mieux informés, près de la moitié des adolescents de 13 ans pensent encore aujourd’hui qu’il n’est pas très dangereux pour eux de fumer un paquet de cigarettes par jour. Étant donné ces lacunes, il est plus difficile aux adolescents qu’aux adultes de décider en toute connaissance de cause. De plus, les jeunes sous-estiment le risque de devenir dépendants à la nicotine, si bien qu’ils sous-estiment grossièrement le coût futur de leur tabagisme. Aux États-Unis, sur tous les élèves de classe terminale qui fument mais pensent cesser dans les cinq années à venir, moins de deux sur cinq le font effectivement. Les autres fument toujours au bout de cinq ans. Dans les pays à revenu élevé, environ sept fumeurs adultes sur dix disent regretter leur décision de commencer à fumer. Selon des modèles économétriques du lien entre le tabagisme présent et le tabagisme passé, et en se fondant sur des statistiques américaines, les chercheurs estiment que la dépendance à la nico- tine explique au moins 60 % de la consommation au cours d’une année donnée, voire même jusqu’à 95 %. Même lorsqu’on leur a parlé des risques du tabagisme, les adolescents sont peu aptes à utiliser cette information judicieusement. Il est difficile à la plupart des adolescents de s’imaginer à 25 ans, et encore moins à 55 ans, si bien que les avertissements qu’on peut leur donner sur les ravages que le tabac pourra infliger à leur santé dans un avenir lointain n’ont guère de chances de diminuer leur désir de fumer. La plupart des sociétés savent que les jeunes sont enclins à prendre des décisions peu judicieuses, et que celle de fumer n’est pas 32 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE la seule. La plupart des sociétés limitent le pouvoir des jeunes de prendre certaines décisions, qui varient suivant les cultures. Ainsi, la majorité des démocraties empêchent les jeunes de voter avant un certain âge ; d’autres rendent l’éducation obligatoire jusqu’à un âge donné ; et beaucoup leur interdisent de se marier précocement. Dans la plupart des sociétés, on s’accorde à reconnaître qu’il vaut mieux attendre l’âge adulte pour prendre certaines décisions. De même, les sociétés pourraient estimer qu’il convient de limiter le droit pour les jeunes gens de décider de devenir toxicomanes. On peut avancer que les jeunes sont attirés par toutes sortes de comportements à risque, tels que les excès de vitesse ou la consommation de grandes quantités d’alcool en peu de temps, et que le tabagisme n’est pas différent. En réalité, il y a plusieurs différences. D’abord, dans la plupart des pays, le tabagisme est moins strictement réglementé que la plupart des autres comportements à risque. Les automobilistes sont généralement pénalisés pour excès de vitesse : ils doivent payer de fortes amendes et peuvent même se voir retirer le permis de conduire. Les comportements dangereux associés à la boisson, tels que la conduite en état d’ivresse, sont également sanctionnés. En second lieu, le tabagisme est beaucoup plus dangereux, à terme, que la plupart des autres activités à risque. En extrapolant à partir des données relatives aux pays à revenu élevé, sur 1 000 jeunes de 15 ans de sexe masculin vivant actuellement dans les pays à revenu faible et intermédiaire, 125 seront tués par le tabac à l’âge moyen s’ils continuent à fumer régulièrement, et 125 autres le seront pendant la vieillesse. Par comparaison, une dizaine mourront à l’âge moyen d’un accident de la route, une dizaine mourront de mort violente et une trentaine mourront à cause de l’alcool, y compris par suite d’un accident de la route ou d’un acte de violence. Enfin, peu d’autres comportements à risque entraînent un risque de toxicomanie comme le tabagisme, de sorte qu’il est plus facile de renoncer à la plupart d’entre eux et que les adultes d’âge mur y renoncent effectivement. Coûts imposés à autrui Les fumeurs imposent des coûts matériels aux autres, ainsi qu’éventuellement des coûts financiers. Théoriquement, les fumeurs fumeraient moins s’ils tenaient compte de ces coûts, car le niveau de consommation optimal pour la société, celui auquel les ressources sont réparties efficacement, est atteint lorsque tous les coûts sont supportés par le consommateur. Si les non-fumeurs assument une partie des coûts, il se peut que la consommation de cigarettes soit plus forte que l’optimum social. Nous allons examiner à présent les différents types de coûts assumés par les non-fumeurs. En premier lieu, les fumeurs imposent des coûts sanitaires directs aux non-fumeurs. Les effets sur la santé décrits au chapitre 2 comprennent un faible LES FUMEURS SAVENT-ILS QUELS RISQUES ILS COURENT ? 33 poids à la naissance et un accroissement des risques de maladie pour les enfants de mères fumeuses, et des maladies pour les enfants et les adultes exposés de façon chronique à la fumée de cigarette. Les autres coûts directs sont l’irritation et les nuisances dues à la fumée, et le coût du nettoyage des vêtements et du mobilier. En outre, bien que les données soient fragmentaires, on pense qu’il existe un coût dû aux incendies, à la dégradation de l’environnement et à la déforestation, en raison de la culture et du traitement du tabac et des conséquences du tabagisme. Les données dont on dispose ne permettent pas réellement de déterminer et de quantifier les coûts financiers imposés aux autres par les fumeurs. Nous n’essayons pas ici d’en fournir une estimation, mais de décrire quelques-uns des principaux domaines où ils peuvent survenir. Nous examinerons tout d’abord le coût des soins de santé pour les fumeurs et le dossier des pensions. Dans les pays à revenu élevé, on estime que le coût global des soins de santé qui peut être attribué au tabac représente tous les ans entre 6 et 15 % des dépenses totales de santé. De nos jours, dans les pays à revenu faible et intermédiaire, les dépenses de santé annuelles imputables au tabac sont plus faibles, en partie parce que l’épidémie de maladies liées au tabagisme n’est pas aussi avancée, et également par suite d’autres facteurs, tels que le type de maladies liées au tabac les plus répandues et les traitements qu’elles exigent. Cependant, ces pays vont sans doute voir augmenter leurs dépenses de santé publique annuelles associées au tabac. Selon les projections effectuées pour la Chine et l’Inde en préparation de ce rapport, les dépenses annuelles de santé générées par les maladies dues au tabac absorberont dans les années à venir une plus forte proportion du produit intérieur brut (PIB) qu’elles ne le font aujourd’hui. Pour les dirigeants, il est essentiel de connaître le montant de ces dépenses et la proportion assumée par la collectivité, car il représente des ressources réelles qui ne peuvent pas être utilisées pour acheter d’autres biens et services. Pour le consommateur individuel, la question fondamentale est celle de savoir dans quelle mesure les coûts sont à sa charge ou à celle d’autrui. Encore une fois, s’il semble qu’une partie de ces coûts soit supportée par les non-fumeurs, cela encourage les consommateurs à fumer plus qu’ils ne le feraient s’ils comptaient assumer eux-mêmes la totalité des coûts. Comme le montre l’analyse ci-dessous, cependant, ces coûts sont difficiles à calculer et il n’est donc pas encore possible de tirer des conclusions sur la façon dont ils peuvent influer sur les décisions de consommation des fumeurs. Au cours d’une année donnée, le coût des soins de santé d’un fumeur est sans doute plus élevé, en moyenne, que le coût des soins d’un non-fumeur du même âge et du même sexe. Cependant, étant donné que les fumeurs décèdent généralement plus jeunes que les non-fumeurs, il est possible que le coût des soins de santé des fumeurs et des non-fumeurs soit identique sur la durée de 34 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE leur vie. Les études réalisées sur le coût des soins de santé des fumeurs et des non-fumeurs sur toute la durée de leur vie dans les pays à revenu élevé aboutissent à des conclusions divergentes. Aux Pays-Bas et en Suisse, par exemple, on a observé que les coûts étaient comparables, tandis qu’au Royaume- Uni et aux États-Unis, certaines études montrent que les dépenses de santé des fumeurs sont en fait plus élevées sur la durée de leur vie. Des études récentes, qui tiennent compte du nombre croissant de maladies attribuables au tabac et à d’autres facteurs, concluent que, dans l’ensemble, dans les pays à revenu élevé, les dépenses de santé des fumeurs sont plus lourdes que celles des non-fumeurs sur la durée de la vie, bien qu’ils meurent plus jeunes. Il n’existe pas d’études fiables de ce type sur les dépenses de santé sur la durée de la vie dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Dans toutes les régions du monde, il est clair que les fumeurs qui assument la totalité des coûts des services médicaux qu’ils reçoivent n’imposent aucun coût à autrui, même si ces coûts sont beaucoup plus élevés que ceux des non- fumeurs. Mais une grande partie des soins de santé, surtout ceux qui sont fournis en milieu hospitalier, sont financés soit par le budget de l’État, soit par des assurances privées. Dans la mesure où les contributions à l’un ou l’autre de ces systèmes, sous forme de taxes et de primes d’assurance, ne sont pas plus fortes pour les fumeurs, la hausse des frais médicaux attribuable aux fumeurs est supportée en partie par les non-fumeurs. Dans les pays à revenu élevé, par exemple, les dépenses de santé publique représentent environ 65 % du total des dépenses de santé, soit environ 6 % du PIB. Par conséquent, si le coût net des soins de santé des fumeurs est plus élevé sur la durée de la vie, les non-fumeurs subventionnent les soins de santé des fumeurs. La nature exacte de la subvention est aussi complexe que va- riable, selon le type de couverture et la source de recettes fiscales utilisée pour régler les dépenses publiques. Si, par exemple, l’État ne finance que les soins de santé des plus de 65 ans, les fumeurs n’utilisent qu’une petite partie (nette) des recettes publiques, dans la mesure où beaucoup d’entre eux décèdent avant 65 ans. De la même manière, si l’État finance ses dépenses de santé par des taxes sur la consommation, y compris des taxes sur les cigarettes, les fumeurs n’imposent pas nécessairement de coûts aux autres. Encore une fois, la situa- tion est différente dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où la part de l’État dans le total des dépenses de santé est inférieure en moyenne à ce qu’elle est dans les pays à revenu élevé, et tourne autour de 44 % du total, soit 2 % du PIB. Cependant, plus les pays consacrent de ressources à la santé, plus la part des dépenses totales financée par l’État augmente. Si l’évaluation des dépenses de santé relatives des fumeurs et des non- fumeurs est complexe, le dossier des pensions s’avère au moins aussi controversé. Selon certains observateurs, les fumeurs des pays à revenu élevé contribuent davantage que les non-fumeurs au financement des régimes LES FUMEURS SAVENT-ILS QUELS RISQUES ILS COURENT ? 35 publics de retraite, car nombreux sont ceux qui cotisent jusqu’aux environs de la retraite puis décèdent avant d’avoir reçu une part substantielle des prestations auxquelles ils auraient eu droit1. Cependant, le quart des fumeurs réguliers sont tués par le tabac à l’âge moyen, et peuvent donc mourir avant d’avoir versé la totalité de leurs cotisations au régime de retraite. On ne sait pas, actuellement, si, dans l’ensemble, les fumeurs des pays à revenu élevé contribuent plus ou moins que les non-fumeurs au financement des régimes publics de retraite. Quoi qu’il en soit, ce problème n’intéresse guère les pays à revenu faible et intermédiaire. En effet, dans les pays à faible revenu, seul un adulte sur dix a droit à une retraite de l’État et, dans les pays à revenu intermédiaire, cette proportion va du quart à la moitié de la population, selon le niveau de revenu du pays considéré. Les fumeurs imposent incontestablement des coûts directs, tels que les dommages pour la santé, aux non-fumeurs. Il existe probablement aussi des coûts financiers, comme les dépenses de santé, mais ils sont plus difficiles à déterminer ou à chiffrer. Que doivent faire les pouvoirs publics ? Étant donné les trois problèmes que nous signalons, il semble peu probable que la plupart des fumeurs connaissent toute l’ampleur des risques qu’ils courent, ou qu’ils assument tous les coûts associés à leur décision, de sorte que leurs choix en matière de consommation peuvent se traduire par une affecta- tion de ressources peu efficace. C’est pourquoi les pouvoirs publics peuvent être fondés à intervenir pour modifier les incitations des consommateurs, et les inciter à moins fumer. La société peut estimer que le meilleur motif d’intervention pour les pouvoirs publics est de dissuader les enfants et les adolescents de fumer, étant donné la multiplicité des facteurs qui influent sur le tabagisme juvénile : manque d’information sur les dangers du tabac, risque de toxicomanie et aptitude limitée à prendre des décisions rationnelles. L’intervention des pouvoirs publics en vue d’empêcher les fumeurs d’imposer des coûts physiques directs aux non-fumeurs se justifie également. Dans le domaine des coûts financiers, cette intervention est moins justifiée, car la nature de ces coûts reste imprécise. Enfin, certaines sociétés peuvent estimer que les autorités ont un rôle d’information à jouer et doivent donner aux adultes tous les renseignements nécessaires pour qu’ils prennent des décisions éclairées en matière de consommation. Dans l’idéal, chaque problème devrait faire l’objet d’une intervention spécifique. Cependant, cela n’est pas toujours possible et certaines interven- tions peuvent avoir des effets plus larges. Par exemple, s’agissant du jugement défectueux des jeunes quant aux effets du tabac sur la santé, les mesures à 36 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE prendre doivent viser à mieux les informer, ainsi que leurs parents. Mais les adolescents font peu de cas de l’éducation sanitaire et les parents sont des agents imparfaits, qui n’agissent pas toujours pour le bien de leurs enfants. En fait, la fiscalité, quoiqu’elle manque de précision, est le moyen le plus efficace et le plus pratique de dissuader les enfants et les adolescents de fumer. Plusieurs études ont démontré que ceux-ci sont moins enclins à commencer de fumer, et que leurs camarades fumeurs ont plus de chances de cesser, si le prix des ciga- rettes augmente. Pour protéger les non-fumeurs, la mesure la plus adaptée consiste à li- miter les espaces où il est permis de fumer. Cela permet de protéger les non- fumeurs dans les lieux publics, mais ne réduirait pas leur exposition à la fumée environnementale chez eux. Par conséquent, la fiscalité est un moyen supplémentaire de faire assumer par les fumeurs les coûts qu’ils imposent aux non-fumeurs. Eu égard aux coûts financiers imposés aux non-fumeurs, tels que le surcoût des soins de santé, le mécanisme le plus direct consisterait à tenir compte du tabagisme dans le système de financement des soins de santé. Par exemple, les primes versées par les fumeurs devraient être plus fortes que celles des non- fumeurs, ou bien les premiers pourraient être tenus d’ouvrir des comptes d’épargne santé reflétant la probabilité d’un surcoût. Dans la pratique, il est plus facile d’obtenir des fumeurs une contribution supplémentaire par le biais de la fiscalité du tabac. En théorie, si les taxes sur les cigarettes ont pour objet de dissuader les enfants et les adolescents de fumer, ceux-ci devraient acquitter une taxe plus élevée que les adultes. Cette différenciation serait toutefois quasiment impos- sible à mettre en œuvre, mais un taux unique pour les enfants et les adultes, option plus réaliste, pèserait plus lourdement sur les adultes. La société peut toutefois considérer que c’est là le prix à payer pour protéger les enfants. De plus, si les adultes réduisent leur consommation de cigarettes, peut-être les enfants aussi fumeront-ils moins, car on sait que la propension des enfants à fumer varie suivant que leurs parents, ou autres adultes de référence, fument ou non. On pourrait appliquer un régime fiscal différent aux enfants et aux adultes en limitant la possibilité pour les enfants de se procurer des cigarettes. Théoriquement, ces limites aboutiraient à renchérir le prix du tabac pour les enfants, sans affecter le prix payé par les adultes. Dans la pratique, cependant, les restrictions en vigueur dans les pays à revenu élevé ne semblent guère donner de résultats. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où il serait plus difficile d’administrer et de faire respecter ces restrictions, elles seraient en- core plus malaisées à appliquer. Pour dissuader les enfants de fumer, nous préconisons donc le deuxième instrument, quoiqu’il soit moins bien adapté, une majoration de la fiscalité. LES FUMEURS SAVENT-ILS QUELS RISQUES ILS COURENT ? 37 Comment faire face à la toxicomanie? Non seulement la collectivité doit remédier aux inefficacités découlant des décisions de consommation des fumeurs, mais il lui faut également s’attaquer au problème de la toxicomanie. C’est en effet à cause d’elle que les adultes désireux de revenir sur une décision prise, la plupart du temps, dans leur jeunesse, doivent supporter des coûts élevés. La société peut choisir d’aider les fumeurs à réduire ces coûts par différents moyens, notamment en améliorant l’accès à l’information, de manière à faire prendre conscience aux fumeurs de ce qu’il leur en coûte de continuer et de ce qu’ils gagneraient à cesser, et en élargissant l’accès aux traitements de sevrage, afin d’abaisser les coûts de l’opération. Certes, le relèvement des taxes encourage certains fumeurs à cesser, mais il leur impose également des coûts, à savoir la perte des avantages perçus du tabagisme et les coûts physiques additionnels associés au retrait de la nico- tine. La collectivité peut réduire ces coûts en aidant les fumeurs à suivre des traitements de sevrage. Nous examinons plus en détail la question des coûts de retrait au chapitre 6. Pour les enfants qui ne sont pas encore dépendants à la nicotine, la fiscalité est une arme efficace, car la décision de ne pas fumer ne s’accompagnerait pas de coûts de retrait. Dans les chapitres suivants, nous étudions tour à tour des mesures qui ont déjà été appliquées dans certains pays pour maîtriser le tabagisme. Au chapitre 4, nous abordons les mesures visant à réduire la demande de tabac et, au chapitre 5, nous évaluons celles qui tentent d’en réduire l’offre. Note 1. Même si les fumeurs réduisent les coûts nets imposés aux autres en décédant jeunes, il serait spécieux d’affirmer que ces décès prématurés sont souhaitables, car cela reviendrait à dire que l’absence d’adultes plus âgés est bonne pour la société. C H A P IT R E 4 Réduire la demande de tabac L ES pays qui ont réussi à maîtriser le tabagisme combinent différentes méthodes. Nous les examinons les unes après les autres et nous résumons les faits démontrant leur efficacité. Majorer la fiscalité des cigarettes Depuis des siècles, on considère le tabac comme l’une des meilleures sources de recettes fiscales parmi les produits de consommation : ce n’est pas un ar- ticle de première nécessité, il est largement consommé et sa demande est relativement peu élastique, ce qui en fait une source de recettes publiques sûre et facile à administrer. Adam Smith écrivait en 1776 dans La Richesse des nations qu’une telle taxe permettrait de « soulager les pauvres de quelques- unes des taxes les plus lourdes ; celles qui frappent soit les nécessités de l’existence, soit les biens manufacturiers ». Une taxe sur le tabac, soutenait Smith, offrirait aux pauvres la possibilité « de vivre mieux, de travailler pour moins cher et d’envoyer des biens à moindre prix sur le marché1 ». La demande pour leur travail augmenterait, améliorant ainsi leur revenu et profitant à toute l’économie. Deux siècles après, presque tous les pays taxent le tabac, parfois lourdement, par toutes sortes de méthodes. Ils sont presque toujours motivés par le désir de se procurer des recettes mais, depuis quelques années, ils cherchent de plus en plus à réduire les dangers de la cigarette pour la santé. 39 40 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Dans ce chapitre, nous étudions comment la hausse de la fiscalité influe sur la demande de cigarettes et autres produits du tabac. Nous concluons que l’augmentation des impôts ne réduit pas sensiblement la consommation de tabac. Il est important de noter qu’un relèvement des taxes exerce sans doute des effets plus marqués sur les jeunes, qui sont plus sensibles aux hausses de prix que leurs aînés. Fait également important, il ressort de notre analyse que l’alourdissement de la fiscalité réduirait surtout la demande de tabac dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où les fumeurs réagissent plus aux aug- mentations de prix que ceux des pays à revenu élevé. Cependant, même si la demande baisse, il ne s’ensuit pas que les recettes publiques soient affectées. De fait, comme nous le montrerons au chapitre 8, sur le moyen et court terme, le relèvement des taxes peut se traduire par un accroissement notable des recettes. Nous récapitulons d’abord les types de taxes sur le tabac les plus couramment utilisés et nous évaluons l’effet des hausses de prix sur la demande. Nous comparons les chiffres relatifs aux pays à revenu faible et intermédiaire à ceux des pays à revenu élevé, et nous examinons les implications de nos observations pour les pouvoirs publics. Les types d’impôts sur le tabac Ils prennent plusieurs formes. Les impôts spécifiques sur le tabac, représentant un montant fixe ajouté au prix des cigarettes, offrent le maximum de souplesse et permettent aux gouvernements de majorer l’impôt tout en limitant la mesure dans laquelle les fabricants peuvent agir pour que le coût total pour le consommateur reste faible. Les taxes ad valorem, telles que les taxes à la valeur ajoutée ou les taxes sur les ventes, représentent un pourcentage du prix de base et sont appliquées par la quasi-totalité des pays, souvent en sus de l’impôt spécifique. Les taxes ad valorem peuvent être appliquées au point de vente ou, comme dans beaucoup de pays africains, sur le prix de gros. Elles peuvent varier suivant le lieu de fabrication ou le type de produit. Par exemple, certains gouvernements taxent plus lourdement les cigarettes étrangères ou à forte teneur en goudron. De plus en plus de pays affectent les recettes fiscales du tabac aux activités de lutte contre le tabagisme ou à d’autres activités spécifiques. Dans l’une des plus grandes villes chinoises, Chongqing, et plusieurs États des États- Unis, les autorités réservent une partie des recettes des impôts sur le tabac à des campagnes d’éducation sur les effets du tabac, à des contre-offensives publicitaires et autres activités de lutte contre le tabagisme. D’autres pays affectent ces recettes aux services de santé publique. Le montant des taxes varie suivant les pays (figure 4.1). Dans les pays à revenu élevé, les taxes représentent les deux tiers ou plus du prix de vente au détail du paquet de cigarettes. Dans les pays à faible revenu, en revanche, les taxes ne constituent pas plus de la moitié du prix au détail. RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 41 FIGURE 4.1 MOYENNE DU PRIX DES CIGARETTES ET DES TAXES, ET TAXES EN POURCENTAGE DU PRIX DU PAQUET, PAR CATÉGORIE DE REVENU (NOMENCLATURE DE LA BANQUE MONDIALE, 1996) 3,50 Prix moyen en USD 80 Moyenne du prix ou des taxes par paquet (USD) Taxe moyenne en USD 3,00 Taxe en pourcentage du prix 70 Taxes en pourcentage du prix 60 2,50 50 2,00 40 1,50 30 1,00 20 0,50 10 0,00 0 Revenu Revenue intermédiaire Revenu intermédiaire Faible élevé (tranche supérieure) (tranche inférieure) revenu Pays par catégorie de revenu Source : Calculs des auteurs. L’effet de l’augmentation des taxes sur la consommation de cigarettes L’une des lois fondamentales de l’économie veut qu’à mesure que le prix d’un produit augmente, sa demande baisse. Autrefois, les chercheurs affirmaient qu’en raison du caractère addictif du tabac, celui-ci ferait exception à la règle : les fumeurs, selon eux, sont tellement dépendants au tabac qu’ils paieront n’importe quel prix pour continuer à fumer la quantité de cigarettes correspondant à leurs besoins. Cependant, un nombre croissant d’études indiquent que cet argument est faux et que, bien que la demande de tabac soit peu élastique, elle n’en est pas moins très sensible au prix. Au Canada, par exemple, les hausses de la fiscalité intervenues entre 1982 et 1992 ont fortement majoré le prix réel des cigarettes et la consommation a sensiblement baissé (figure 4.2a). De même, la hausse des taxes a réduit la consommation de ciga- rettes en Afrique du Sud, (figure 4.2b), au Royaume-Uni et dans plusieurs autres pays. Tous les chercheurs ont constaté que les augmentations de prix encouragent certains fumeurs à cesser, qu’elles empêchent d’autres personnes 42 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE FIGURE 4.2 LE PRIX DES CIGARETTES ET LA CONSOMMATION ÉVOLUENT EN SENS INVERSE 4.2a Le prix réel des cigarettes et la consommation annuelle par habitant, Canada, 1989–1995 Réduction des taxes pour faire échec à 7 la contrebande 90 Consommation annuelle par habitant 80 6 70 Prix réel du paquet (USD) 5 60 (paquets) 4 50 3 40 30 2 20 1 10 0 0 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 Prix réel Consommation 4.2b Le prix réel des cigarettes et la consommation annuelle par adulte (15 ans et plus), Afrique du Sud, 1970–1989 0,09 1,3 Consommation annuelle par adultes (paquets) 1,2 Prix réel 0,08 1,1 Prix réel 0,07 1 0,9 0,06 Consommation par 0,8 adulte 0,05 0,7 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 Année Note : Consommation calculée d’après les chiffres de vente. Sources : 4.2a : Calculs des auteurs. 4.2b : Saloojee, Yussuf. 1995. « Price and In- come Elasticity of Demand for Cigarettes in South Africa », dans Slama, K., directeur de publication, Tobacco and Health. New York, NY: Plenum Press ; et Townsend, Joy. 1998. « The Role of Taxation Policy in Tobacco Control », dans Abedian, I., et al., directeurs de publication. The Economics of Tobacco Control. Le Cap (Afrique du Sud) : Centre de recherche fiscale appliquée, Université du Cap. RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 43 de commencer et qu’elles réduisent le nombre d’anciens fumeurs qui recommencent à fumer. L’effet de la toxicomanie sur la sensibilité à la hausse des prix Les modèles établis pour calculer l’impact de la dépendance à la nicotine sur les effets de la hausse des prix se fondent sur différentes hypothèses quant à l’attitude des fumeurs au sujet des conséquences de leurs actes. Cependant, tous les modèles sont d’accord sur le fait que, pour une substance addictive telle que la nicotine, le niveau de consommation d’un individu à un moment donné est déterminé par son niveau de consommation antérieur, ainsi que par le prix du produit au moment considéré. Ce lien entre la consommation passée et la consommation actuelle a des implications importantes pour la modélisation de l’impact des hausses de prix sur la demande de tabac. Si les fumeurs sont dépendants, ils réagissent relativement lentement aux hausses de prix, mais leur réaction est plus accentuée sur le long terme. Selon les recherches économiques, une augmentation réelle et permanente du prix a sur la demande un impact environ deux fois plus important sur le long terme que sur le court terme. Les variations des réactions aux hausses de prix dans les pays à faible revenu et dans les pays à revenu élevé Lorsque le prix d’un bien augmente, les consommateurs des pays à faible revenu sont généralement plus enclins à réduire leur consommation de ce bien que ceux des pays à revenu élevé et, inversement, lorsque le prix baisse, ils sont plus enclins à accroître leur consommation. La mesure dans laquelle la demande des consommateurs pour un bien varie en fonction du prix est dénommée « l’élasticité-prix de la demande ». Par exemple, si une hausse du prix de 10 % fait tomber la demande de 5 %, l’élasticité de la demande est de –0,5. Plus les consommateurs sont sensibles aux prix, plus l’élasticité de la demande est forte. Les estimations de l’élasticité varient d’une étude à une autre, mais il est raisonnablement prouvé que la demande est plus élastique dans les pays à revenu faible et intermédiaire que dans les pays à revenu élevé. Aux États- Unis, par exemple, les chercheurs ont noté qu’une hausse de 10 % du prix d’un paquet de cigarettes fait baisser la demande de 4 % (élasticité de –0,4). Selon des études réalisées en Chine, une augmentation de prix de 10 % réduit davantage la demande que dans les pays à revenu élevé. Les estimations de l’élasticité vont de –0,6 à –1,0 selon les études. Les chercheurs ont obtenu des ordres de grandeur analogues au Brésil et en Afrique du Sud. Pour l’ensemble des pays à revenu faible et intermédiaire, il semble donc raisonnable d’estimer que, sur la base des chiffres dont on dispose, l’élasticité moyenne de la demande est de –0,8. 44 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE D’autres raisons font que les habitants des pays à faible revenu réagissent de façon plus marquée à la hausse du prix des cigarettes que ceux des pays à revenu élevé. En particulier, la pyramide des âges de la plupart des pays à faible revenu est plus jeune et les recherches effectuées dans les pays à revenu élevé indiquent que, dans l’ensemble, les jeunes sont plus sensibles aux prix que leurs aînés, en partie parce que leur revenu disponible est plus faible, ou que certains peuvent avoir une dépendance moins forte à la nicotine, que leur comportement est plus axé sur le présent et qu’ils sont sensibles à l’influence de leurs pairs. C’est pourquoi si un jeune cesse de fumer parce qu’il n’en a plus les moyens, il est plus probable que ses camarades en fassent autant que dans les groupes d’âge plus élevés. Selon une étude réalisée par les Centers for Disease Control des États-Unis, l’élasticité de la demande s’élève à –0,6 chez les jeunes adultes de 18 à 24 ans aux États- Unis, soit plus que pour l’ensemble des fumeurs. Les chercheurs en concluent que lorsque les cigarettes sont chères, non seulement plus de jeunes fumeurs s’arrêtent de fumer, mais en outre moins de jeunes commencent. Les chiffres dont on dispose actuellement permettent donc de tirer deux conclusions claires : d’une part, les majorations fiscales sont un moyen très efficace de réduire la consommation de tabac dans les pays à revenu faible et intermédiaire et, d’autre part, l’effet de ces majorations est plus marqué dans ces pays que dans les pays à revenu élevé. L’impact potentiel des augmentations d’impôts sur la demande mondiale de tabac Aux fins de ce rapport, des chercheurs ont modélisé l’impact potentiel d’un éventail de hausses fiscales sur la demande mondiale de cigarettes. L’élaboration du modèle et les paramètres utilisés sont décrits dans l’encadré 4.1. Les hypothèses sur lesquelles il repose, concernant l’élasticité-prix, les effets sur la santé et d’autres variables, sont très prudentes, de sorte que les résultats sont sans doute en deçà des potentialités. Le modèle révèle qu’une augmentation de prix même modeste pourrait avoir un impact majeur sur la prévalence du tabagisme et sur le nombre de décès prématurés dus au tabac parmi les fumeurs vivant en 1995. Les chercheurs calculent que, si le prix des cigarettes enregistrait une hausse réelle durable de 10 % par rapport au prix moyen estimatif dans chaque région, 40 millions de gens cesseraient de fumer dans le monde, et un nombre encore plus élevé de gens qui auraient fumé y renonceraient. Tous les fumeurs repentis n’éviteraient pas de décéder du tabagisme, mais le nombre de décès prématurés qui seraient évités n’en demeure pas moins extraordinaire à tous égards : 10 millions de décès, soit 3 % de tous les décès liés au tabac, seraient évités grâce à cette seule hausse des prix. Neuf des 10 millions de décès évités intéresseraient les pays en développement, et 4 millions l’Asie de l’Est et le Pacifique (tableau 4.1). RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 45 ENCADRÉ 4.1 COMMENT ESTIMER L’IMPACT DES MESURES DE LUTTE SUR LA CONSOMMATION MONDIALE DE TABAC : LES PARAMÈTRES DU MODÈLE Les chercheurs ont d’abord pris des cer taines é tudes r é alis é es au estimations du chiffre de la population Royaume-Uni, aux É tats-Unis et dans chaque r é gion, ventil é es par ailleurs indiquent que le rapport est en groupe d’âge et par sexe, en se ser- réalité d’un sur deux. En outre, cette vant des projections types de la estimation est probablement en des- Banque mondiale pour ses sept sous de la réalité, car les derniers régions (voir appendice C). Ensuite, ils chiffres en provenance de Chine ont estimé la prévalence du tabagisme laissent à penser que la proportion de par sexe pour chacune des sept fumeurs victimes du tabac sera bientôt régions, au moyen d’une compilation égale à celle qu’on observe dans les portant sur plus de 80 études relatives pays occidentaux. à des pays spécifiques, utilisée par Ensuite, les chercheurs ont estimé l’Organisation mondiale de la santé le nombre quotidien de cigarettes ou (les chiffres figurent au tableau 1.1 du de bidis fumées par chaque fumeur chapitre 1). Dans le cas de l’Inde, où dans chacune des régions, en se fon- beaucoup de gens fument des bidis dant sur les chiffres de l’OMS et sur au lieu de cigarettes, on s’est servi diverses é tudes é pid é miologiques d ’é tudes locales pour calculer la publiées. Ils ont aussi effectué une pr évalence de ces deux types de estimation du nombre de cigarettes ou tabagisme. Dans un troisième temps, de bidis fumées par les adultes et par en se basant sur les chiffres dis- les jeunes de chaque r é gion pour ponibles, l’équipe a estimé le profil obtenir le ratio de consommation d’âge des fumeurs de chaque région, quotidienne entre adultes et jeunes. en extrapolant à partir d’études de Les chercheurs ont alors essayé de grande envergure menées dans des juger l’élasticité-prix de la demande de pays particuliers, et elle a estimé le cigarettes dans chaque r é gion, au rapport des fumeurs adultes aux moyen des chiffres fournis dans plus fumeurs jeunes. La quatrième étape de 60 études. Pour les pays où plus a consisté à estimer le nombre total d’une étude avait été effectuée, ils ont de fumeurs et le nombre de décès fait la moyenne des résultats obtenus. attribuables au tabac, par région, par Ils ont combin é les chiffres pour sexe et par âge. Pour cela, les cher- trouver les moyennes des régions à cheurs ont supposé que, dans les pays faible revenu et à revenu élevé. Ces développés, seul un fumeur sur trois chiffres ont en outre été pondérés par finit par être victime du tabac. C’est l’âge, puisque les jeunes réagissent une hypoth è se prudente, puisque davantage aux prix que leurs aînés. (suite page suivante) 46 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE ENCADRÉ 4.1 (suite) Ils ont trouvé que l’élasticité-prix à décès attribuable au tabac que les plus court terme était assez faible dans les âgés et que le risque de décès lié au pays à revenu é levé ( – 0,4), tandis tabac persisterait pour tous ceux qui qu ’ ils ont obtenu une é lasticit é de continueraient à fumer, même s’ils –0,8 dans les pays à faible revenu. réduisaient leur consommation. Les chercheurs ont supposé que, Toutes les variables du modèle ont conformément aux conclusions d’une é t é soumises à des analyses de importante étude, la moitié de l’effet sensibilité pour tenir compte de l’incer- de la hausse des prix influerait sur le titude, dans une fourchette de 75 à nombre de fumeurs, et l’autre moitié 125 % des valeurs de r é f é rence sur le nombre de cigarettes fumées utilisées dans les calculs. Il convient de par ceux qui continueraient à fumer. souligner que les hypoth è ses sur Conform é ment aux observations lesquelles repose le mod è le sont d’autres chercheurs, ils ont supposé toutes de caractère prudent et que, par que les jeunes fumeurs repentis conséquent, les résultats sont pro- auraient plus de chances d’éviter un bablement en dessous de la réalité. TABLEAU 4.1 NOMBRE POTENTIEL DE FUMEURS QUI CESSERAIENT DE FUMER ET NOMBRE DE VIES ÉPARGNÉES PAR UNE HAUSSE DES PRIX DE 10 % Effet sur les fumeurs vivant en 1995, par région de la Banque mondiale (millions) Variation du nombre Variation du nombre Région de fumeurs de décès Afrique subsaharienne –3 –0,7 Amérique latine et Caraïbes –4 –1,0 Asie de l’Est et Pacifique –16 –4 Asie du Sud (cigarettes) –3 –0,7 Asie du Sud (bidis) –2 –0,4 Europe orientale et Asie centrale –6 –1,5 Moyen-Orient et Afrique du Nord –2 –0,4 Revenu faible et intermédiare –36 –9 Revenue élevé –4 –1 Monde –40 –10 Note : Les chiffres ont été arrondis. Source : Ranson, Kent, P. Jha, F. Chaloupka et A Yurekli. Effectiveness and Cost-effectiveness of Price In- creases and Other Tobacco Control Policy Interventions. Document de référence. RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 47 Comment calculer le niveau de taxation optimal des cigarettes ? On a maintes fois essayé de décider quel était le « juste » niveau de taxation des cigarettes. Pour parvenir à une décision, les responsables doivent être en possession de certains faits empiriques, dont certains ne sont peut-être pas encore connus, tels que l’ampleur des coûts pour les non-fumeurs. Ce niveau dépend également des revenus et d’hypothèses formulées compte tenu de valeurs qui diffèrent entre les sociétés. Par exemple, dans certaines sociétés, la protec- tion des enfants a plus d’importance que dans d’autres. D’un point de vue économique, le niveau optimal de fiscalité est celui qui égalise le coût social marginal de la dernière cigarette consommée et ses avantages marginaux pour la société. Toutefois, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, on ne connaît pas l’ampleur des coûts et des avantages pour la société, qui est presque impossible à mesurer et fait l’objet actuellement de multiples controverses. Rares sont ceux qui doutent que les fumeurs imposent des coûts physiques aux non-fumeurs qui sont obligés d’aspirer leur fumée, les enfants et les conjoints des fumeurs supportant la majorité du fardeau du tabagisme passif. Cependant, la famille étant, aux yeux de certains économistes, l’unité fondamentale de prise de décisions dans la société, ceux-ci considèrent l’exposition des conjoints et des enfants à la fumée de tabac comme un coût interne, dont la famille tient compte dans les décisions sur le tabagisme, et non pas comme un coût externe imposé à autrui par les fumeurs. Parallèlement, comme nous l’avons vu, l’ampleur des autres coûts, tels que ceux des soins de santé pris en charge par la collectivité dans le traitement des maladies liées au tabagisme, est difficile à mesurer. Les études effectuées aux États-Unis, dans lesquelles on s’efforce de calculer le niveau optimal de fiscalité pour l’économie, aboutissent à une large fourchette d’estimations, qui vont de quelques cents à plusieurs dollars. Une autre méthode consiste à fixer un taux de fiscalité qui produise un pourcentage donné de réduction de la consommation de cigarettes, c’est-à- dire qui vise à réaliser un objectif de santé publique donné, laissant de côté la question des coûts sociaux du tabac. On peut encore calculer le niveau de taxa- tion de manière à maximiser les recettes publiques produites par ce type de fiscalité relativement efficace. Au lieu de faire des suggestions sur le niveau optimal de taxation, nous proposons une approche plus pragmatique : observer le niveau de la fiscalité en vigueur dans les pays qui ont adopté des mesures efficaces et de grande envergure pour maîtriser le tabagisme. Dans ces pays, les taxes représentent entre les deux tiers et les quatre cinquièmes du prix de vente au détail du paquet de cigarettes. On peut utiliser ces niveaux comme repères pour fixer des hausses de prix proportionnelles dans les autres pays2. 48 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Mesures de réduction de la demande autres que les prix : information des consommateurs, interdiction de la publicité et des promotions et restrictions sur le tabagisme Dans les pays à revenu élevé, on a observé que, si l’on informait les consommateurs adultes sur la nature addictive du tabac et sur sa charge de mortalité et de morbidité, cela pouvait les aider à réduire leur consommation de cigarettes. Nous analysons ici ce que l’on sait sur l’efficacité de différents types d’informations de ce genre, y compris des recherches sur les méfaits du tabagisme qui ont été rendues publiques, des mises en garde affichées sur les paquets de cigarettes et sur les publicités et des contre-offensives publicitaires. Nous résumerons également ce que l’on sait sur les effets de la publicité et des activités de promotion du tabac, et sur ce qui se produit lorsque ces activités sont interdites. Étant donné que ces différents types d’information sont souvent présentés simultanément aux consommateurs, il est difficile de distinguer l’effet qu’ils peuvent avoir séparément, mais les indications accumulées au fil des ans dans les pays à revenu élevé donnent à penser que chacun peut avoir un impact substantiel. Il est important de noter que cet impact semble varier selon les groupes sociaux. D’une manière générale, les jeunes semblent moins sensibles que leurs aînés aux informations concernant les effets du tabac sur la santé, et les gens plus instruits réagissent plus rapidement aux nouvelles infor- mations que les gens peu ou pas instruits. Il est bon que les dirigeants aient connaissance de ces différences lorsqu’ils préparent un programme d’intervention adapté aux besoins de leur pays. La diffusion des résultats des études sur les effets du tabagisme sur la santé La tendance longue à la baisse de la prévalence du tabagisme notée dans les pays à revenu élevé depuis une trentaine d’années coïncide avec une tendance longue à la hausse du niveau de connaissance des effets nocifs du tabac parmi la population. En 1950, aux États-Unis, seuls 45 % des adultes savaient que la cigarette était un facteur de cancer du poumon. En 1990, cette proportion était passée à 95 %. Sur la même période, en gros, la proportion d’Américains fumeurs est tombée de plus de 40 % à environ 25 %. À maintes occasions, la population des pays à revenu élevé a reçu des « informations de choc » sur les méfaits du tabac, lors de la publication de rapports officiels largement médiatisés, par exemple. On a étudié leur impact dans des pays aussi divers que l’Afrique du Sud, les États-Unis, la Finlande, la Grèce, le Royaume-Uni, la Suisse et la Turquie. En règle générale, les résultats sont le plus évidents et le plus durables dans les pays où l’épidémie de mala- dies liées au tabagisme en est à un stade relativement peu avancé et où les RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 49 risques du tabagisme pour la santé sont peu connus. Plus la population est sensibilisée, moins les nouvelles informations de choc sont efficaces. Selon une analyse réalisée aux États-Unis sur la base de données chronologiques allant des années 30 à la fin des années 70, trois vagues d’informations de choc, dont la publication en 1964 d’un important rapport du Surgeon General, ont provoqué une réduction de la consommation qui serait allée jusqu’à 30 % sur l’ensemble de la période. Plus récemment, il ressort d’études effectuées dans plusieurs pays à revenu élevé que la diffusion d’informations sur les effets du tabac sur la santé se traduit par une baisse soutenue de la consommation. Aux États-Unis, par exemple, entre 1960 et 1994, les parents ont réduit leur consommation de cigarettes beaucoup plus rapidement que les adultes célibataires vivant sans enfants. Les chercheurs en ont conclu qu’une meilleure connaissance des risques du tabagisme passif pour leurs enfants a conduit les parents à fumer moins. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, il n’y a guère eu à ce jour de recherches visant à suivre l’impact des informations de choc. En Chine, cependant, où viennent d’être publiées d’importantes études sur les effets de la cigarette sur la santé, on a commencé à suivre les tendances du tabagisme. Pour pouvoir publier des données décrivant les conséquences du tabagisme, on doit évidemment commencer par en recueillir. Des mesures prises récemment en Afrique du Sud et en Inde pour compter les « victimes du tabac », selon une méthode peu coûteuse qui consiste à noter sur le certificat de décès si le défunt fumait ou non, devraient fournir les données dont on a besoin pour décrire la forme et l’ampleur de l’épidémie de tabagisme dans chaque région. Les mises en garde imprimées Même dans les pays où les consommateurs peuvent se renseigner assez facilement sur les effets de la cigarette sur la santé, les faits laissent à penser que l’information est souvent mal comprise, en raison notamment de la façon dont les cigarettes sont conditionnées et étiquetées. Par exemple, depuis une vingtaine d’années, les fabricants produisent des marques de cigarettes dites « à faible teneur en goudron » et « à faible teneur en nicotine ». Dans les pays à revenu élevé, nombreux sont les fumeurs qui croient que ces marques sont moins nocives, quand bien même les rapports de recherche concluent que la cigarette sans danger n’existe pas. Les études ont montré que beaucoup de consommateurs ne savent pas ce que contient la fumée de tabac, et que les emballages ne fournissent pas suffisamment de renseignements sur les produits qu’ils achètent. Depuis le début des années 60, de plus en plus de gouvernements imposent aux fabricants d’afficher sur leurs produits des mises en garde contre les dan- gers de la cigarette. En 1991, ces mises en garde étaient obligatoires dans 77 pays, 50 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE mais rares étaient les pays qui exigeaient des avertissements précis et une alternance des messages communiqués, tels que ceux qu’illustre la figure 4.3. En Turquie, une étude montre que les mises en garde ont fait tomber la consommation d’environ 8 % en six ans. En Afrique du Sud, l’adoption d’une mise en garde sévère en 1994 a été suivie d’une baisse sensible de la consommation. Plus de la moitié (58 %) des fumeurs interrogés pour cette étude ont déclaré que les avertissements affichés sur les paquets de cigarettes les avaient incités à cesser de fumer ou à fumer moins. Malheureusement, ces avertissements ont pour gros défaut qu’ils ne touchent pas certains individus particulièrement démunis, surtout les enfants et les adolescents des pays à faible revenu, qui achètent souvent leurs cigarettes à l’unité plutôt que par paquets. D’aucuns affirment que, parmi les populations mieux informées, où le tabagisme se pratique communément depuis plusieurs dizaines d’années, les mises en garde placées sur les paquets de cigarettes risquent de ne guère avoir d’effet. Pourtant, on a constaté en Australie, au Canada et en Pologne que ces mises en garde pouvaient rester efficaces, à condition qu’elles soient imprimées en gros caractères bien visibles et qu’elles contiennent des informations brutales FIGURE 4.3 UNE MISE EN GARDE EXPLICITE Prototype d’emballage générique proposé pour les cigarettes en Australie Source : Institut de médecine. Growing Up Tobacco Free: Preventing Nicotine Addic- tion in Children and Youths. 1994. National Academy Press. Washington. RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 51 et précises. En Pologne, on a constaté à la fin des années 90 que les nouvelles mises en garde, qui occupent 30 % de la surface de chacun des deux plus grands côtés des paquets de cigarettes, sont fortement liées à la décision de cesser de fumer ou de réduire leur consommation chez les fumeurs. Parmi les fumeurs hommes, 3 % ont dit qu’ils avaient cessé de fumer à la suite de l’introduction de ces avertissements. En outre, 16 % ont déclaré qu’ils avaient essayé de renoncer à la cigarette et 14 % ont dit qu’ils comprenaient mieux les effets du tabac sur la santé. Chez les femmes, on a noté des effets analogues. En Australie, les mises en garde ont été renforcées en 1995. Elles semblent avoir davantage encouragé les gens à cesser de fumer que les avertissements antérieurs, moins clairs. Au Canada, une enquête menée en 1996 indiquait que la moitié des fumeurs qui comptaient cesser de fumer ou réduire leur consommation étaient motivés par ce qu’ils avaient lu sur leurs paquets de cigarettes. Les contre-offensives publicitaires dans les médias Plusieurs études ont été effectuées sur l’impact sur la consommation de ciga- rettes des messages négatifs sur le tabagisme. Il ressort d’études réalisées aux niveaux national et local en Amérique du Nord, en Australie, en Europe et en Israël, que ces messages négatifs, ou contre-publicité, qui sont diffusés par les pouvoirs publics et les services de promotion de la santé publique, avaient immanquablement pour effet de réduire la consommation générale. Des chercheurs suisses ont conclu, à la suite d’une étude menée entre 1954 et 1981 sur la consommation de tabac des adultes, que la publicité contre les cigarettes diffusée dans les médias avait réduit durablement la consommation de 11 % pendant cette période. En Finlande et en Turquie, on a également jugé que les campagnes anti-tabac ont contribué à faire baisser la consommation. Les programmes éducatifs de maîtrise du tabagisme en milieu scolaire Ces programmes sont très courants, surtout dans les pays à revenu élevé, mais ils semblent moins efficaces que beaucoup d’autres types d’activités d’information. Même les programmes qui réduisent initialement le nombre de nouveaux fumeurs n’ont, semble-t-il, qu’un effet provisoire : ils peuvent re- tarder quelque peu l’initiation, mais pas la prévenir. L’inefficacité apparente des programmes en milieu scolaire tient peut-être moins à leur nature qu’au public auquel ils s’adressent. Comme nous l’avons vu, les adolescents ne réagissent pas de la même manière que les adultes aux informations qu’on leur dispense sur les conséquences de leurs actes pour leur santé, parce que leur comportement est plus axé sur le présent, d’une part, et parce qu’ils ont tendance à rejeter les conseils des adultes, d’autre part. 52 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE La publicité pour les cigarettes et les promotions Les dirigeants désireux de maîtriser le tabagisme doivent chercher à savoir si la publicité et les promotions influent sur la consommation. La réponse est presque certainement affirmative, encore que les données ne soient pas claires. La principale conclusion est que l’interdiction de la publicité et des promo- tions est efficace, mais seulement si elle est totale, c’est-à-dire si elle s’applique à tous les médias et à toutes les utilisations des marques de fabrique et des logos. Examinons brièvement les faits. L’impact sur les consommateurs de la publicité pour les cigarettes fait l’objet d’un vif débat. D’un côté, les défenseurs de la santé publique affirment que la publicité stimule effectivement la consommation. De l’autre, les fabricants de tabac rétorquent qu’elle n’incite pas les gens à commencer à fumer, mais ne fait qu’encourager les fumeurs confirmés à rester fidèles à une marque donnée ou à l’adopter. À première vue, les études empiriques réalisées sur le lien entre la publicité et les ventes concluent généralement soit que la publicité n’a pas d’effet positif sur la consommation, soit que son effet positif est très modeste. Cependant, ces conclusions peuvent être fallacieuses pour plusieurs raisons. En premier lieu, la théorie économique veut que la publicité ait un impact marginal décroissant sur la demande ; autrement dit, lorsque la publicité pour un produit s’intensifie, la réaction des consommateurs à chaque nouvelle publicité diminue progressivement si bien qu’en fin de compte, l’augmentation de la publicité n’a plus aucun effet. Dans le secteur du tabac, la publicité occupe une place relativement importante, soit environ 6 % du chiffre d’affaires, ou 50 % de plus que la moyenne des autres secteurs. Par conséquent, si une augmentation de la publicité fait monter la consommation, la différence est très faible et très difficile à déterminer. Il ne faudrait pas en conclure que, sans publicité, la consommation serait forcément aussi élevée qu’avec publicité, mais que l’impact marginal d’une intensification de la publicité est négligeable. En deuxième lieu, les chiffres relatifs à l’impact de la publicité sur les ventes sont souvent très généraux et portent sur des périodes relativement longues, pour toutes les marques, tous les médias, et souvent pour des groupes de popu- lation importants. Les variations subtiles qui pourraient être détectées à un niveau d’analyse moins général sont donc occultées. Dans les études qui portent sur des données moins globales, les chercheurs observent davantage de signes prouvant un effet positif de la publicité sur la consommation, mais ces études sont coûteuses et longues à réaliser et, par conséquent, rares. Étant donné les problèmes que soulèvent ces approches, les chercheurs préfèrent analyser ce qui se produit lorsque la publicité et la promotion du tabac sont interdites pour mesurer indirectement leur effet sur la consommation. RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 53 L’impact de l’interdiction de la publicité Si les autorités interdisent de faire de la publicité sur un type de média, la télévision par exemple, les fabricants peuvent y substituer d’autres médias pour un coût analogue ou très voisin, de sorte que les chercheurs qui ont étudié l’effet sur la consommation d’une interdiction partielle de la publicité pour les cigarettes ont constaté qu’il était faible ou nul. Cependant, lorsque le gouvernement impose des restrictions multiples sur la publicité dans tous les médias et sur les activités de promotion, les fabricants ont relativement peu d’options de rechange. Depuis 1972, la plupart des pays à revenu élevé ont adopté des limites plus strictes sur un plus grand nombre de médias et sur différentes formes de parrainage. Il ressort d’une étude effectuée récemment dans 22 pays à revenu élevé, basée sur des chiffres allant de 1970 à 1992, que l’interdiction générale de la publicité et de la promotion peut réduire la consommation de cigarettes, mais que les res- trictions plus limitées ont un effet faible ou nul. Si l’on imposait une inter- diction absolue, concluent les auteurs de cette étude, la consommation de tabac tomberait de plus de 6 % dans les pays à revenu élevé. Les modèles fondés sur ces estimations indiquent que l’interdiction de la publicité imposée par l’Union européenne (encadré 4.2) pourrait réduire la consommation de cigarettes de près de 7 %. D’autres chercheurs ont comparé, dans 100 pays, les tendances de la consommation dans le temps selon que la publicité et la promotion étaient presque entièrement interdites ou qu’elles ne faisaient l’objet d’aucune restriction. Ils ont constaté que, dans les pays où l’interdiction est presque totale, la consommation baisse beaucoup plus rapidement (figure 4.4). Il est important de noter que, dans cette étude, d’autres facteurs ont peut-être contribué à la baisse de la consommation dans certaines pays. En dehors des recherches économiques, il existe d’autres types d’études, par exemple des enquêtes sur la mémorisation des messages publicitaires par les enfants, qui concluent que la publicité et la promotion influent effectivement sur la demande de cigarettes et attirent de nouveaux fumeurs. Ces publicités attirent l’attention des enfants, qui retiennent leur message. En outre, on remarque depuis peu que les fabricants orientent une part croissante de leurs activités publicitaires et promotionnelles vers les marchés qu’ils jugent en expansion ou prometteurs, notamment parmi certains jeunes et certains groupes minoritaires particuliers, chez qui la cigarette était peu répandue jusqu’à ces derniers temps. Ce corpus de recherches non économiques pourrait être particulièrement intéressant pour les responsables gouvernementaux que préoccupent les tendances du tabagisme parmi certains groupes de population. 54 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE FIGURE 4.4 L’INTERDICTION TOTALE DE LA PUBLICITÉ RÉDUIT LA CONSOMMATION DE CIGARETTES Tendances de la consommation pondérée de cigarettes par habitant dans les pays où la publicité est totalement interdite et dans les pays où elle ne l’est pas 1750 Consommation annuelle de cigarettes 1700 Interdiction 1650 par habitant 1600 Pas d'interdiction 1550 1500 1450 1981 1991 Année Note : L’analyse porte sur les variations de la consommation de cigarettes par adulte de 15 à 64 ans, pondérée par le chiffre de la population, entre 1980-82 et 1990-92, dans 102 pays. Les pays où l’interdiction est complète ont initialement un niveau de consommation plus élevé que les autres pays, mais, en fin de période, leur niveau de consommation est plus bas. Cette différence est due au fait que la consommation diminue plus fortement dans les pays où la publicité est interdite que dans les autres. Source : Saffer, Henry. The Control of Tobacco Advertising and Promotion. Document de référence. ENCADRÉ 4.2 L’INTERDICTION DE LA PUBLICITÉ ET DE LA PROMOTION DU TABAC DANS L’UNION EUROPÉENNE En 1989, dans le cadre d’une initia- et a voté en faveur de l’interdiction de tive plus large de lutte contre le can- la publicité. cer, la Commission europ é enne a La Commission a indiqu é qu ’à proposé une directive visant à limiter l’époque, elle n’avait été en mesure la publicité pour les produits du tabac d’obtenir qu’une interdiction partielle, dans la presse et par voie de pan- en ajoutant toutefois qu’elle pourrait neaux publicitaires et d’affiches. Le proposer ultérieurement une interdic- Parlement europ é en a modifi é la tion compl è te, compte tenu des proposition de la Commission en 1990 progr è s r é alis é s par les pays (suite page suivante) RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 55 ENCADRÉ 4.2 (suite) membres particuliers. En juin 1991, de port é e mondiale) doivent la Commission a présenté une propo- cesser au plus tard trois ans sition modifi é e de directive sur le après cette date. tabac. s Le parrainage par les marques Entre 1992 et 1996, rien n’a été fait de cigarettes d ’é v é nements pour mettre la proposition en œuvre, en mondiaux telles que les courses raison de l’opposition d’au moins trois automobiles de formule 1 peut États membres : l’Allemagne, les Pays- se poursuivre pendant cinq ans Bas et le Royaume-Uni. Au Royaume- apr è s cette date, mais doit Uni, toutefois, l’opposition a disparu en prendre fin le 1er octobre 2006 1997, lorsque le parti travailliste, qui au plus tard. Pendant la période avait promis dans son manifeste allant du 31 juillet 2001 au d’interdire la publicité pour le tabac, 1er octobre 2006, le niveau glo- remporta les élections. Le texte de la bal de parrainage doit baisser et directive proposée a finalement été les fabricants doivent limiter adopté par la Commission en juin 1998. volontairement la publicité pour La directive stipule que toute publicité le tabac qui entoure les mani- directe et indirecte (y compris le festations en question. parrainage) pour les produits du tabac s Des informations peuvent être sera interdite à l’intérieur de l’Union fournies sur les produits aux européenne, toutes les dispositions points de vente. devant être appliquées et contrôlées s Les publications profession- d’ici à octobre 2006. Ses principales dis- nelles du secteur du tabac positions sont les suivantes : peuvent contenir des publicités s Tous les pays membres de pour le tabac. l ’ Union europ é enne doivent s Les publications des pays du adopter une législation nationale tiers monde qui ne sont pas le 30 juillet 2001 au plus tard. express é ment destin é es au s Toutes les publicit é s dans la marché de l’Union européenne presse écrite doivent cesser au ne sont pas touchées par cette plus tard un an après cette date. interdiction. s Les parrainages (à l’exception Cette directive est à présent en des activités ou manifestations vigueur. 56 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Les restrictions sur le tabagisme dans les lieux publics ou au travail Les pays et les États sont de plus en plus nombreux à limiter la cigarette dans les lieux publics, comme les restaurants et les transports. Dans certains pays, par exemple aux États-Unis, certains lieux de travail sont soumis aux mêmes restrictions. Manifestement, ce sont les non-fumeurs qui en bénéficient le plus, puisqu’ils ne sont plus exposés aux risques sanitaires et aux nuisances de la fumée de tabac environnementale. Cependant, comme nous l’avons vu, ce n’est pas dans les lieux publics ni au travail que les non-fumeurs sont le plus exposés, mais chez eux. Ces restrictions ne sont donc qu’un moyen imparfait de répondre aux besoins des non-fumeurs. Le deuxième effet de ces restrictions est qu’elles se traduisent par une réduction de la consommation de cigarettes chez certains fumeurs, et qu’elles en amènent même certains à cesser de fumer. Aux États-Unis, ces restrictions ont fait baisser la consommation de tabac de l’ordre de 4 à 10 %, selon diverses estimations. Pour que ces restrictions soient appliquées, il semble qu’elles doivent être approuvées par la société en général et que la population doit être informée des conséquences pour la santé de l’exposition à la fumée de tabac environnementale. En dehors des États-Unis, on dispose de relativement peu de données sur l’efficacité des restrictions sur le tabagisme dans les lieux couverts. L’impact potentiel des mesures autres que les prix sur la demande mondiale de tabac Nous avons présenté les faits indiquant l’efficacité d’un certain nombre de mesures autres que de prix, à savoir l’information des consommateurs, la dif- fusion de rapports et d’études scientifiques, l’affichage de mises en garde, la contre-publicité, les interdictions totales de la publicité et de la promotion, et les restrictions sur le tabagisme. Dans le cadre des recherches menées en préparation de ce rapport, nous avons utilisé le modèle décrit dans l’encadré 4.1 pour évaluer l’impact potentiel sur la consommation de cigarettes dans le monde d’un programme comprenant l’ensemble de ces mesures. Étant donné que, jusqu’à présent, peu de chercheurs avaient essayé d’estimer l’impact total de ces mesures, le modèle a été élaboré sur la base d’hypothèses prudentes. Il suppose, en se fondant sur les chiffres disponibles concernant l’efficacité des mesures autres que de prix, qu’à elles toutes, elles persuaderaient entre 2 et 10 % de fumeurs de cesser. Jouant la prudence, le modèle prend comme hypothèse qu’elles n’auraient aucun effet sur la consommation quotidienne de cigarettes de ceux qui continueraient à fumer. Comte tenu de cela, l’application d’un ensemble de mesures autres que de prix pourrait réduire le nombre de fumeurs vivant dans le monde en 1995 de RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 57 23 millions, même selon l’hypothèse basse, c’est-à-dire si le nombre de consommateurs ne diminuait que de 2 % (tableau 4.2). En se fondant sur les hypothèses antérieures relatives au nombre de fumeurs repentis qui éviteraient un décès prématuré, le modèle indique que 5 millions de vies pourraient être sauvées. Les substituts nicotiniques et autres traitements de sevrage Outre le relèvement des taxes et les mesures autres que de prix, il existe encore un type d’intervention qui peut contribuer à réduire la consommation de tabac. Il s’agit des traitements de sevrage et de différents types de programmes, tels que l’éducation du fumeur, les traitements en milieu hospitalier, les programmes de psychothérapie et la gamme croissante de produits pharmacologiques destinés à faciliter le sevrage, comme les substituts nicotiniques (SN) et un antidépresseur au non générique de bupropion. Les substituts nicotiniques, sous forme de timbre transdermique (patch), gommes, aérosols et inhalateurs, fournissent de faibles doses de nicotine sans apporter les autres éléments nocifs en présence dans la fumée de tabac. Utilisés à bon escient, ils sont considérés TABLEAU 4.2 NOMBRE POTENTIEL DE FUMEURS QUI CESSERAIENT DE FUMER ET NOMBRE DE VIES SAUVÉES PAR UN ENSEMBLE DE MESURES AUTRES QUE DE PRIX (millions) Fumeurs vivant en 1995 Variation du nombre de fumeurs Variation du nombre de décès si le programme réduit si le programme réduit la prévalence du tabagisme de la prévalence du tabagisme de Région 2% 10 % 2% 10 % Afrique subsaharienne –1 –7 –0,4 –2 Amérique latine et Caraïbes –2 –10 –0,5 –2 Asie de l’Est et Pacifique –8 –40 –2 –10 Asie du Sud (cigarettes) –2 –9 –0,3 –2 Asie du Sud (bidis) –2 –10 –0,4 –2 Europe orientale et Asie centrale –3 –15 –0,7 –3 Moyen-Orient et Afrique du Nord –0,8 –4 –0,2 –1 Revenu faible et intermédiaire –19 –93 –4 –22 Revenu élevé –4 –21 –1 –5 Monde –23 –114 –5 –27 Note : Les chiffres ont été arrondis. Source : Ranson, Kent, P. Jha, F. Chaloupka et A Yurekli. Effectiveness and Cost-effectiveness of Price In- creases and Other Tobacco Control Policy Interventions. Document de référence. 58 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE comme sûrs et efficaces par les grandes organisations médicales des pays à revenu élevé. Une abondante documentation conclut qu’ils doublent le taux de succès des autres tentatives de sevrage, que d’autres interventions soient utilisées parallèlement ou non (tableau 4.3). Le bupropion a également fait la preuve de son efficacité dans les essais effectués aux États-Unis. L’un des principaux avantages des substituts nicotiniques est qu’ils peuvent être auto-administrés, et sont donc plus commodes pour les fumeurs qui souhaitent cesser de fumer dans les pays où il est difficile d’obtenir un soutien médical intensif. Les substituts nicotiniques sont prescrits uniquement pour traiter les symptômes de retrait des fumeurs qui tentent de cesser de fumer. On ne leur a pas encore découvert de lien avec les maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, et on s’accorde à reconnaître qu’ils sont une source de nicotine beaucoup plus sûre que le tabac. Certes, la nicotine produit des effets physiologiques, tels que l’augmentation de la tension, mais en comparaison de la cigarette, les doses apportées par les substituts sont plus faibles et sont fournies plus lentement. Pour les fumeurs réguliers, les substituts nicotiniques représentent un moyen de réduire le coût du sevrage. Il est plus facile d’obtenir des substituts nicotiniques dans certains pays que dans d’autres. Dans certains pays à revenu élevé, ils se vendent sans or- donnance, dans d’autres non. Les modèles fondés sur les données relatives aux États-Unis montrent que le nombre de gens cessant de fumer augmenterait significativement, et qu’un plus grand nombre de vies seraient épargnées, si les substituts nicotiniques étaient en vente libre. Selon le modèle, en cinq ans, près de 3 000 décès seraient évités, rien qu’aux États-Unis. Il semble aussi que c’est le type d’aide que désirent les fumeurs : aux États-Unis, les ventes de substituts nicotiniques ont augmenté de 150 % entre 1996, année où la vente libre a été autorisée, et 1998. En dehors des pays à revenu élevé, les substituts nicotiniques ne sont pas toujours disponibles, sous quelque forme que ce soit. Par exemple, ils sont en TABLEAU 4.3 EFFICACITÉ DE DIFFÉRENTES MÉTHODES DE SEVRAGE Augmentation du pourcentage de fumeurs Intervention et comparaison s’abstenant pendant 6 mois ou plus Brève conversation (3 à 10 minutes) avec un professionnel, par comparaison avec aucune conversation 2à3 SN et brève conversation, par comparaison avec brève conversation, avec ou sans placebo 6 Soutien intensif (consultations, par exemple) plus SN, par comparaison avec soutien intensif ou soutien intensif plus placebo 8 Source : Raw, Martin et al. 1999. Les chiffres proviennent de l’Agency for Health Care Policy and Research, et de la Bibliothèque Cochrane. RÉDUIRE LA DEMANDE DE TABAC 59 vente en Afrique du Sud, en Argentine, au Brésil, en Indonésie, en Malaisie, au Mexique, aux Philippines et en Thaïlande, mais, dans certains de ces pays, on ne les trouve que dans quelques grandes villes. Ils sont introuvables dans certains pays à revenu intermédiaire et dans de nombreux pays à faible revenu. Une dose journalière de substitut nicotinique coûte à peu près le même prix qu’une dose de tabac, mais comme les substituts nicotiniques sont généralement vendus dans la quantité nécessaire à un traitement, ils paraissent relativement plus chers à l’achat. En comparaison de la cigarette, la vente des substituts nicotiniques est strictement réglementée. Informés des faits, de nombreux responsables envisageraient sans doute d’élargir l’accès aux substituts, sachant qu’ils constituent un élément précieux des politiques de maîtrise du tabagisme, par exemple en assouplissant les règles de vente, en augmentant le nombre des points de vente et les horaires de vente, et en levant certaines restrictions sur le conditionnement des produits. Étant donné que les substituts nicotiniques semblent contribuer à réduire le coût du sevrage, les dirigeants pourraient également songer à les subventionner ou à les fournir gratuitement aux fumeurs de condition modeste qui souhaitent cesser, pendant des périodes de durée déterminée. Cette approche est en cours d’expérimentation dans certains contextes. Au Royaume-Uni, par exemple, on a proposé que les fumeurs les plus démunis soient admis à recevoir gratuitement une quantité donnée de substituts nicotiniques s’ils décident d’arrêter de fumer. Le ciblage de ces services sur les pauvres soulève des problèmes dans tous les pays. Il est certain que les autorités doivent réfléchir soigneusement avant d’élargir l’accès aux substituts nicotiniques, car la plupart des pays sont peu désireux de promouvoir la vente d’un produit addictif quelconque aux enfants. Toutefois, les professionnels de la santé des pays à revenu élevé s’accordent à reconnaître que, s’ils sont utilisés à bon escient, les substituts nicotiniques sont utiles et doivent être recommandés aux fumeurs adultes qui veulent s’arrêter. On ne dispose guère d’études sur la rentabilité des traitements de substitution nicotinique, principalement dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où vivent la plupart des fumeurs. Il serait utile, pour les dirigeants locaux, de recevoir plus d’information sur la rentabilité des traitements, tant pour déterminer s’il est judicieux d’affecter une partie des rares ressources publiques à de tels produits que pour donner aux responsables un terrain d’action plus sûr. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, nous avons modélisé l’impact potentiel de l’élargissement de l’accès aux substituts nicotiniques selon les méthodes décrites précédemment. Pour obtenir des résultats prudents, nous avons supposé que des traitements pourraient être moins efficaces que ne l’indiquent les études disponibles sur les pays à revenu élevé. Dans cet esprit, nous avons pris pour hypothèse prudente que le taux de succès des 60 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE consommateurs utilisant des substituts nicotiniques atteindrait le double de celui des autres fumeurs tentant de cesser, mais que seulement 6 % des fumeurs recourraient aux substituts nicotiniques. Nous avons estimé ainsi que 6 mil- lions de fumeurs vivant en 1995 seraient capables de s’arrêter et que 1 million de décès pourraient être évités. Si 25 % des fumeurs utilisent un substitut nicotinique, nous obtenons 29 millions de fumeurs vivant en 1995 parvenant à s’arrêter et 7 millions de décès évités. Notes 1. Smith, Adam. La Richesse des nations. 1776. Version revue par Edwin Canaan, 1976. University of Chicago Press, Chicago. 2. Par exemple, pour que la taxe représente les quatre cinquièmes du prix au détail, il faut que le prix de gros (avant la taxe) du paquet soit multiplié par quatre. Ainsi, si le prix avant la taxe est de 50 cents, le taux de taxation sera 0,5 x 4 = 2 dollars. Le prix au détail sera égal à 2 dollars (la taxe) + 0,50 (prix de gros) = 2,50 dollars. L’effet sur le prix au détail varierait suivant les pays, bien entendu, en fonction de facteurs tels que le prix de gros. D’une manière générale, une majoration de cet ordre ferait augmenter le prix pondéré par la population d’environ 80 à 100 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire. C H A P IT R E 5 Réduire l’offre de tabac S I beaucoup d’éléments tendent à prouver qu’on peut réduire la demande de tabac, il est moins sûr qu’on puisse en limiter l’offre. Dans la première partie de ce chapitre, nous analysons brièvement ce qui se produit dans les pays qui s’efforcent de restreindre l’accès au tabac et d’en réduire l’offre par des restrictions commerciales ou par leur politique agricole. Dans la deuxième partie, nous examinons un moyen efficace de limiter l’offre : la lutte contre la contrebande. La plupart des interventions sur l’offre sont relativement peu efficaces L’un des constats les plus élémentaires, sur les marchés, est que si l’on empêche un fournisseur d’opérer, il est rapidement remplacé par un autre, dès lors que les incitations sont assez puissantes. Or les incitations à fournir du tabac sont évidentes, comme nous le montrons ci-dessous. Interdiction du tabac Étant donné que le tabac est l’un des produits les plus nocifs pour la santé, quelques défenseurs de la santé publique demandent que sa culture soit interdite, avançant que le problème ne tenait pas à la consommation mais à la produc- tion. Ils font état de la réduction marquée des maladies liées à l’alcool durant les périodes où l’offre d’alcool s’est trouvée limitée au XXe siècle. Ainsi, 61 62 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE lorsqu’il était difficile de se procurer de l’alcool à Paris (France) pendant la Deuxième Guerre mondiale, la consommation est tombée de 80 % par habi- tant. Les décès dus aux maladies hépatiques ont diminué de moitié en un an, et des quatre cinquièmes après cinq ans. Après la guerre, l’offre d’alcool est redevenue normale et la mortalité due aux maladies hépatiques a retrouvé son niveau antérieur. Néanmoins, un certain nombre de raisons font que l’interdiction du tabac a peu de chances d’être réalisable ou efficace. En premier lieu, même lorsqu’une substance est interdite, elle reste largement consommée, comme c’est le cas pour de nombreuses drogues illicites. En second lieu, la prohibition engendre toute une série de problèmes : elle encourage l’activité criminelle et coûte cher à faire appliquer. En troisième lieu, d’un point de vue économique, le niveau optimal de consommation de tabac n’est pas nul. Enfin, l’interdiction du tabac risque d’être fort impopulaire dans la plupart des pays. En Inde, les autorités ont récemment tenté en vain d’interdire un type de tabac à mâcher dénommé gutka, déclenchant un mouvement d’opposition politique contre la prohibition. Restrictions sur l’achat de tabac par les jeunes Plusieurs pays à revenu élevé essaient d’imposer des restrictions sur la vente de cigarettes aux adolescents. Sous leur forme actuelle, ces restrictions sont inefficaces. D’une manière générale, elles sont difficiles à appliquer, d’autant plus que les jeunes adolescents se font souvent approvisionner par leurs aînés et, parfois, par leurs parents. En outre, dans les pays à faible revenu, où la consommation est en hausse, les systèmes, infrastructures et ressources nécessaires pour assurer l’application de ces restrictions sont beaucoup moins disponibles que dans les pays à revenu élevé. Substitution et diversification des cultures Plus d’une centaine de pays cultivent le tabac, dont 80 sont en développement. Quatre pays produisent les deux tiers de la récolte mondiale : en 1997, le pre- mier producteur mondial de tabac était la Chine (42 % du total), suivie par les États-Unis, l’Inde et le Brésil, qui produisaient chacun environ 24 %. Les 20 plus gros producteurs représentent plus de 90 % du total (tableau 5.1). Depuis une vingtaine d’années, la part des pays à revenu élevé dans la production mondiale est tombée de 30 à 15 %, tandis que celle des pays du Moyen-Orient et d’Asie passait de 40 à 60 %. La part de l’Afrique est passée de 4 à 6 %, et celle des autres régions a peu varié. Si la Chine vend la majeure partie de sa production sur le marché intérieur, d’autres gros producteurs exportent une proportion élevée de la leur. Le Brésil, la Turquie, le Zimbabwe, le Malawi, la Grèce et l’Italie exportent tous plus de TABLEAU 5.1 LES 30 PREMIERS PRODUCTEURS DE TABAC BRUT Chiffres de 1997, par volume décroissant Recettes Variation Part du Part du d’exportation Production de la prod. total Superficie total Ratio Ratio du tabac en (milliers par rapport mondial (milliers mondial des export. des import. % du total Pays de tonnes) à 1994 (%) d’ha) (%) (%) (%) (1995) Chine 3 390,0 51,5 42,12 1 880,0 38,4 2,9 4,7 0,68 États-Unis 746,4 4,0 9,27 328,4 6,7 35,5 7,4 0,55 c Inde 623,7 18,1 7,75 420,2 8,6 23,2 0,44 RÉDUIRE L’OFFRE DE TABAC Brésil 576,6 30,5 7,16 329,5 6,7 77,0 0,2 2,55 Turquie 296,0 57,7 3,68 323,0 6,6 89,3 0,5 1,17 c Zimbabwe 192,1 8,0 2,39 99,3 2,0 109,7 23,05 Indonésie 184,3 15,2 2,29 217,5 4,4 10,2 27,6 0,42 c Malawi 158,6 61,7 1,97 122,3 2,5 74,2 60,64 Grèce 132,5 –2,2 1,65 67,3 1,4 74,5 12,8 2,05 Italie 131,4 0,3 1,63 47,5 1,0 78,7 18,3 0,04 Argentine 123,2 50,3 1,53 71,0 1,5 60,6 5,1 0,59 c Pakistan 86,3 –14,0 1,07 45,9 0,9 1,6 0,08 Bulgarie 78,2 124,3 0,97 48,5 1,0 53,5 58,3 5,40 Canada 71,1 –0,5 0,88 28,5 0,6 24,0 12,6 0,04 Thaïlande 69,3 17,4 0,86 47,0 1,0 48,5 15,3 0,11 Japon 68,5 –13,8 0,85 25,6 0,5 0,5 145,4 0,04 Philippines 60,9 8,7 0,76 29,4 0,6 17,2 18,3 0,17 Corée du Sud 54,4 –44,8 0,68 27,2 0,6 8,4 26,2 0,02 Mexique 44,3 –35,1 0,55 25,4 0,5 31,8 8,3 0,11 c Bangladesh 44,0 –26,7 0,55 50,3 1,0 16,1 0,03 Espagne 42,3 0,1 0,53 13,3 0,3 53,9 126,7 0,06 Pologne 41,7 –3,3 0,52 19,0 0,4 6,9 66,4 0,12 (suite page suivante) 63 TABLEAU 5.1 (suite) 64 Recettes Variation Part du Part du d’exportation Production de la prod. total Superficie total Ratio Ratio du tabac en (milliers par rapport mondial (milliers mondial des export. des import. % du total Pays de tonnes) à 1994 (%) d’ha) (%) (%) (%) (1995) Cuba 37,0 117,6 0,46 59,0 1,2 13,5 0,8 n.c. Moldova 35,8 –15,8 0,45 17,2 0,4 61,4 6,7 6,90 Viet Nam 32,0 n.c. 0,40 36,0 0.7 n.c. n.c. 0,04 Rép. dominicaine 30,3 41,7 0,38 21,2 0,4 58,1 2,2 5,26 Macédoine 30,0 n.c. 0,37 22,0 0,4 n.c. n.c. 5,44 Kirghizistan 30,0 –33,3 0,37 12,0 0,2 76,7 3,3 6,96 Afrique du Sud 29,0 –1,4 0,34 14,9 0,3 41,5 55,5 0,31 c Tanzanie 25,1 15,1 0,31 n.c. n.c. 55,8 4,53 Total mondial 8 048,4 25,9 100,0 4 893,8 100,0 25,3 24,4 a. Ratio des exportations par rapport à la production intérieure b. Ratio des importations par rapport à la production intérieure c. Moins de 0,1 %. n.c. = Non connu. Source : van der Merwe, Rowena et al. The Supply-side Effects of Tobacco Control Policies. Document de référence. (Les chiffres proviennent du Département de l’agriculture des États-Unis, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et d’autres sources.) MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE RÉDUIRE L’OFFRE DE TABAC 65 70 % de leur récolte. Seuls deux pays sont fortement tributaires de leurs recettes d’exportation de tabac brut : le Zimbabwe (23 % des recettes) et le Malawi (61 %). Plusieurs autres pays — Bulgarie, Moldova, République dominicaine, Macédoine, Kirghizistan et Tanzanie — tirent une bonne partie de leurs de- vises du tabac, même si leur part de la production mondiale est faible. Le tabac est une source majeure de recettes pour quelques pays à économie fortement agraire, notamment le Malawi, le Zimbabwe, l’Inde et la Turquie. Au plan historique, le tabac est une culture très attractive pour les exploitants, car il fournit un revenu net plus élevé par unité de superficie que la plupart des cultures de rapport, et sensiblement plus que les cultures vivrières. Dans les régions les plus productives du Zimbabwe, par exemple, le tabac est environ 6,5 fois plus rentable que la deuxième culture la plus rentable. Il y a aussi des raisons pratiques à l’intérêt des cultivateurs pour le tabac. La première est que le cours mondial de ce produit est relativement stable par rapport à d’autres cultures. Cette stabilité permet aux exploitants de planifier sur plusieurs campagnes et d’obtenir du crédit pour d’autres entreprises, en même temps que pour le tabac. La deuxième est que l’industrie du tabac fournit généralement un soutien en nature énergique aux producteurs, notamment sous forme de matériaux et de conseils. La troisième est que les industriels accordent souvent des prêts aux producteurs. La quatrième est que les autres cultures peuvent soulever des problèmes de stockage, de collecte et de livraison. Or le tabac est moins périssable que beaucoup de cultures et les industriels fournissent parfois une assistance pour la livraison ou la collecte, tandis que pour les autres cul- tures, la collecte et le paiement peuvent être effectués tardivement et que les prix peuvent fluctuer. Un certain nombre de programmes expérimentaux ont été lancés en vue de substituer d’autres cultures au tabac mais, hormis l’exception reconnue du Canada, il n’y a pas de preuves fermes que ces programmes permettent de réduire la consommation de tabac, car les cultivateurs ne sont guère motivés pour y participer tant que le cours du tabac reste soutenu et parce que d’autres fournisseurs se tiennent prêts à les remplacer. La substitution des cultures peut cependant trouver sa place dans des programmes de diversifications plus larges, si elle aide les cultivateurs de tabac les plus démunis à trouver d’autres moyens de subsistance. Nous examinerons cette question plus en détail au chapitre suivant. Soutien des prix et subventions en faveur de la culture du tabac Si les pays en développement préfèrent taxer les recettes d’exportation du tabac, les pays à revenu élevé ont pour tradition de soutenir les prix et de fournir d’autres types de subventions aux cultivateurs. C’est le cas en particulier des États-Unis et des membres de l’Union européenne, ainsi que de la Chine. Les 66 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE raisons à cela sont le désir de stabiliser les prix à un niveau élevé, de soutenir les petites exploitations familiales, de limiter les importations de tabac afin d’économiser les devises, et de conserver l’appui politique du secteur. Ces subventions vont souvent de pair avec des restrictions sur les importations. Ces politiques ont pour effet de relever artificiellement le cours mondial du tabac et des produits du tabac. Les économistes affirment que, chaque fois que le prix augmente de cette manière, les fumeurs peuvent réagir en réduisant leur consommation. Cependant, les faits indiquent que si cet effet sur la consommation existe, il est très limité. Dans la plupart des pays à revenu élevé comme les États-Unis, le prix au producteur du tabac-feuille ne représente qu’une faible partie du prix des cigarettes. En outre, les importations de tabac meilleur marché augmentent, de sorte que les aides gouvernementales ne se traduisent que par une différence négligeable dans le prix du paquet. Aux États- Unis, selon une analyse effectuée récemment, ces programmes majorent les prix de 1 %. Une hausse de cet ordre n’a quasiment aucun effet sur la consommation et, inversement, l’élimination des subventions ne risque guère d’entraîner une augmentation de la consommation. Il est difficile d’évaluer comment la suppression des aides influerait sur la production mondiale. La hausse des prix intérieurs aux États-Unis peut contribuer à relever le cours mondial du tabac-feuille, améliorant la rentabilité de ce produit pour les cultivateurs des pays à faible revenu, mais les effets pour ces derniers seraient mitigés si on éliminait à la fois les subventions et les restrictions à l’importation. Par exemple, si le cours du tabac produit aux États- Unis baissait à la suite de l’élimination des subventions, les fabricants de ciga- rettes américains pourraient en acheter de plus grandes quantités sur place, réduisant de ce fait leurs importations de tabac de moins bonne qualité en provenance des pays à faible revenu. D’un autre côté, la libéralisation du com- merce pourrait stimuler les importations de ce tabac. Mis à part leur impact minime sur la consommation, ces aides n’ont pas leur place dans une bonne politique agricole et commerciale. Leur principal rôle est sans doute de caractère politique, et elles accroissent le nombre des gens qui ont un intérêt personnel dans la production de tabac. Restrictions sur le commerce international Il est démontré que le libre-échange élargit les options du consommateur et accroît l’efficacité de la production. Plusieurs études ont reconnu qu’il stimule la croissance dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Si les arguments en faveur du libre-échange en général sont valables, il est bien certain cependant que le tabac est plus nocif pour la santé que la plupart des autres biens de consommation exportés. La grande question qui se pose aux responsables est donc celle de savoir comment limiter le commerce du tabac sans entamer les RÉDUIRE L’OFFRE DE TABAC 67 effets bénéfiques du libre-échange. Comme nous l’avons signalé au chapitre 1, la libéralisation des échanges a contribué à accroître la consommation de tabac dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Logiquement, les restrictions commerciales devraient avoir l’effet inverse. En fait, de telles restrictions auraient des conséquences indésirables pour diverses raisons, dont la principale est qu’elles déclencheraient probablement des mesures de représailles qui ralentiraient la croissance économique et la hausse des revenus. Entre-temps, la libéralisation du commerce a amené la communauté internationale à prendre position, par l’intermédiaire de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), reconnaissant aux pays le droit d’adopter et de faire appliquer des mesures visant à protéger la santé publique, à condition qu’elles s’appliquent au même titre aux articles importés et à ceux produits localement. L’article XX du GATT déclare expressément que les règles du libre-échange n’interdisent pas les mesures nécessaires à la protection de la santé. En 1990, la Thaïlande a tenté d’interdire les importations de cigarettes et la publicité, tentative qui a été contestée par les fabricants de tabac américains. Une commission du GATT a fait une enquête et a rendu un arrêt suivant lequel la Thaïlande ne pouvait pas interdire les importations de cigarettes, mais qu’elle pouvait imposer des taxes, interdire la publicité et appliquer des restrictions sur les prix, et qu’elle pouvait exiger que tous les fabricants dont les produits étaient vendus en Thaïlande affichent de sévères mises en garde et une des- cription des ingrédients sur les paquets. Cet arrêté a été interprété comme signifiant que la Thaïlande pouvait interdire la vente de tous les produits du tabac, à condition que l’interdiction s’applique aussi bien aux cigarettes produites localement qu’à celles d’origine étrangère. La Thaïlande a mis en œuvre des mesures énergiques de réduction de la demande, notamment l’interdiction générale de la publicité et des promotions, et la mention sur les paquets des graves risques de santé posés par la cigarette. Cette décision historique, et la réaction rapide et ferme de la Thaïlande, a créé un précédent autorisant les pays à intervenir pour réduire la demande de tabac pour des raisons de santé publique, sans porter atteinte aux principes du libre-échange. Lutte contre la contrebande La contrebande de cigarettes pose un problème sérieux. Selon les experts, environ 30 % des exportations, soit quelque 355 milliards de cigarettes, sont écoulées en contrebande. Ce pourcentage est beaucoup plus élevé que pour la plupart des biens de consommation vendus sur les marchés mondiaux. Le problème est particulièrement aigu là où il existe de grandes différences dans la fiscalité imposée par des États ou des pays voisins, là où la corruption est générale et où les ventes d’articles de contrebande sont tolérées. Nous allons décrire rapidement l’ampleur du problème et examiner les options dont on 68 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE dispose pour le maîtriser. L’avantage principal de la lutte contre la contrebande n’est pas qu’elle réduit la demande mais qu’elle aide à appliquer les hausses de prix qui réduisent la demande. Les écarts de prix entre les pays ou les États sont de puissantes incitations à la contrebande, mais le prix n’est pas le seul facteur en jeu. Une étude sur la mesure dans laquelle d’autres éléments, tels que la prévalence de la corruption dans un pays, contribuent à amplifier l’ampleur du problème a été réalisée en préparation de ce rapport. Selon des indicateurs standard des niveaux de cor- ruption basés sur l’Indice des pays de Transparency International, l’étude a montré qu’en dépit d’exceptions notables, la contrebande tend à augmenter en proportion du degré de corruption existant dans les pays (figure 5.1). La contrebande à grande échelle s’appuie sur des organisations criminelles, des réseaux relativement sophistiqués de distribution dans les pays destinataires et l’absence de contrôle des mouvements internationaux de cigarettes. La plupart du temps, la contrebande porte sur des cigarettes de marques internationales connues. C’est une activité très lucrative : une organisation de contrebandiers FIGURE 5.1 LA CONTREBANDE DE TABAC TEND À CROÎTRE AVEC LE DEGRÉ DE CORRUPTION La contrebande en fonction de l’indice de transparence 0,40 Pourcentage de la contrebande dans la consommation Cambodge 0,35 0,30 Pakistan y = - 0,02x + 0,2174 0,25 R 2= 0,2723 0,20 Brésil 0,15 Autriche 0,10 0,05 Indonésie Suède 0,00 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Indice de transparence des pays Source : Merriman, David, A. Yurekli et F. Chaloupka. « How Big Is the Worldwide Cigarette Smuggling Problem? » Document de travail du NBER. Cambridge, Massa- chusetts: National Bureau of Economic Research, à paraître. RÉDUIRE L’OFFRE DE TABAC 69 achète, par exemple, un conteneur de 10 millions de cigarettes, sans acquitter les taxes, pour 200 000 dollars. La valeur fiscale de cette quantité de cigarettes dans l’Union européenne est d’au moins 1 million de dollars, compte tenu des droits de consommation, de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) et des droits d’importation. L’ampleur des bénéfices est telle que les contrebandiers peuvent absorber le coût de l’expédition dans des pays éloignés. La contrebande intervient généralement durant le transit entre le pays d’origine des cigarettes et leur lieu de destination officiel. Pour encourager les échanges commerciaux entre pays, un régime dit « de transit » est en vigueur, qui suspend provisoirement les droits de douane et de consommation et la TVA à acquitter sur les marchandises en provenance du pays A à destination du pays B pendant qu’elles transitent par les pays C, D, etc. Or, de grandes quantités de cigarettes ne parviennent jamais à leur lieu de destination, car elles ont été achetées et vendues par des commerçants non officiels. Une autre forme de contrebande, « l’aller-retour », se pratique lorsqu’il existe des différences de prix relativement importantes entre deux pays voisins. On a observé que des cigarettes exportées d’Afrique du Sud, du Canada et du Brésil, par exemple, arrivaient dans un pays voisin pour réapparaître dans leur pays d’origine à un prix réduit, net de taxes. Pour que la contrebande soit possible, il faut que les cigarettes passent par un grand nombre de propriétaires en peu de temps, ce qui interdit pratiquement de suivre leurs mouvements. De plus, l’impuissance à empêcher les ventes illicites et la difficulté de distinguer entre les produits licites et illicites peuvent réduire les risques courus par les contrebandiers. En Russie, par exemple, et dans de nombreux pays à faible revenu, la majorité des cigarettes sont vendues sur le trottoir. Selon les théories économiques, les fabricants de tabac eux-mêmes profitent de l’existence de la contrebande. Des études réalisées sur l’impact de la contrebande font apparaître que, lorsque les cigarettes de contrebande représentent un pourcentage élevé des ventes totales, le prix moyen de toutes les cigarettes, taxées et non taxées, diminue, stimulant les ventes en général. La présence de cigarettes de contrebande sur un marché qui avait jusqu’alors été fermé aux marques importées aide à faire augmenter la demande de ces marques, et donc à élargir leur part du marché. La contrebande incite également les pouvoirs publics à réduire la fiscalité. On dispose encore de très peu d’expérience et de données de recherche sur l’efficacité de différentes mesures de lutte contre la contrebande. Cependant, plusieurs options s’offrent aux autorités. En premier lieu, le caractère licite ou illicite des paquets de cigarettes pourrait être plus facile à distinguer pour le client et pour les agents de la loi si, par exemple, un timbre fiscal bien visible, et difficile à contrefaire, était apposé sur les paquets dédouanés et si les paquets importés en franchise avaient un emballage différent. Des mises en garde 70 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE énergiques, rédigées dans la langue locale, signaleraient également la différence. En deuxième lieu, la contrebande pourrait être sanctionnée de manière assez sévère pour décourager ceux qui se croient actuellement à l’abri des poursuites. En troisième lieu, on pourrait délivrer une licence à tous ceux qui font partie de la chaîne allant du fabricant au consommateur, comme cela se fait déjà en France et à Singapour. En quatrième lieu, les fabricants pourraient être tenus d’imprimer un numéro de série sur chaque paquet de cigarettes, afin qu’on puisse suivre son trajet. Grâce aux perfectionnements constants de la technologie, le marquage des paquets pourrait aussi donner des informations sur le distributeur, le grossiste et l’exportateur. En cinquième lieu, on pourrait exiger des fabricants qu’ils assument la responsabilité d’améliorer la tenue de leurs écritures, afin que la destination finale de leurs produits soit bien celle qui était officiellement prévue. Des systèmes de contrôle informatisés permettraient aux autorités de suivre individuellement chaque expédition et de la localiser à tout moment. Ce système existe déjà à Hong Kong. Enfin, les exportateurs pourraient être tenus d’indiquer sur l’emballage le pays de desti- nation des cigarettes et d’imprimer des avertissements dans la langue de ce pays. Quand des compagnies internationales fabriquent les cigarettes localement, cela pourrait être indiqué sur le paquet afin de faciliter le dépistage et de sensibiliser les consommateurs à la contrebande. Un certain nombre de pays ont intensifié leurs activités de lutte contre la contrebande. Le Royaume- Uni, par exemple, vient d’annoncer un programme de plus de 55 millions de dollars contre le trafic de cigarettes et d’alcool, qui prévoit notamment la création de postes spéciaux. Plus on acquerra d’expérience, plus les contrôles devraient se renforcer dans tous les pays touchés. C H A P IT R E 6 Les coûts et les conséquences de la lutte contre le tabagisme E N dépit de la menace évidente que le tabac représente pour la santé mondiale, de nombreux gouvernements, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, n’ont pas pris de mesures notables pour y parer. Parfois, c’est parce qu’ils sous-estiment le danger, ou parce qu’ils pensent à tort qu’on ne peut pas faire grand-chose pour réduire la consommation. Cependant, de nombreux gouvernements hésitent à agir, car ils craignent que la lutte contre le tabagisme n’ait des conséquences économiques préjudiciables. Dans ce chapitre, nous examinons certaines des idées les plus répandues sur les conséquences de la lutte contre le tabagisme pour les pays et pour les individus, avant d’évaluer la rentabilité des interventions. La lutte contre le tabagisme est-elle préjudiciable pour l’économie ? Nous allons analyser brièvement les unes après les autres certaines des craintes les plus fréquemment exprimées, sous forme de réponses aux questions les plus couramment posées. Une chute de la demande de tabac provoquera-t-elle une montée du chômage ? L’unes des grandes raisons de l’inaction des pouvoirs publics tient à la crainte d’éliminer des emplois. Cette crainte est alimentée principalement par les 71 72 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE arguments du lobby du tabac, qui affirme que la lutte contre le tabagisme supprimerait des millions d’emplois dans le monde. Pourtant, si l’on se penche de plus près sur ces arguments et sur les données les justifiant, on constate que les effets négatifs sur l’emploi de la lutte contre le tabagisme sont largement exagérés. La culture du tabac tient une place peu importante dans la plupart des économies. Mis à part un tout petit nombre de pays agricoles fortement tributaires de la culture du tabac, non seulement il n’y aurait pas de suppres- sion nette d’emplois, mais il pourrait même y avoir création d’emplois si la consommation mondiale de tabac baissait. Comment cela ? Parce que l’argent consacré auparavant au tabac servirait à acheter d’autres biens et services, créant ainsi des emplois. Les quelques pays tributaires du tabac conserveraient des marchés suffisants pour ne pas perdre d’emplois pendant des années, même face à une baisse progressive de la demande. La branche professionnelle du tabac estime à 33 millions le nombre des gens employés dans la culture du tabac dans le monde. Ce total comprend les travailleurs saisonniers, à temps partiel et les familles de cultivateurs. Il en- globe aussi les exploitants qui produisent également d’autres cultures. Sur ce total, 15 millions vivent en Chine et 3,5 millions en Inde. Le Zimbabwe compte une centaine de milliers de travailleurs agricoles employés dans les exploita- tions de tabac. Le tabac fait vivre un nombre relativement faible, mais néanmoins substantiel, de travailleurs dans les pays à revenu élevé : aux États-Unis, par exemple, il existe 120 000 exploitations productrices de tabac, et dans l’Union européenne, il en existe 135 000, surtout petites, en Grèce, Italie, Espagne et France. Dans le secteur manufacturier, le tabac ne représente qu’un petit nombre d’emplois (moins de 1 % des emplois manufacturiers dans la plupart des pays), car la fabrication est largement mécanisée. On note cependant quelques ex- ceptions à cette règle : le tabac représente 8 % de la production manufacturière en Indonésie, et entre 2,5 et 5 % en Turquie, au Bangladesh, en Égypte, aux Philippines et en Thaïlande. Toutefois, d’une manière générale, il est évident que la production de tabac constitue une faible partie de l’activité économique dans la plupart des pays. L’argument suivant lequel la lutte contre le tabagisme provoquera des sup- pressions d’emplois massives est généralement fondé sur des études financées par la branche industrielle du tabac, qui estiment le nombre d’emplois attribuables au tabac dans chaque secteur, les revenus associés à ces emplois, les recettes fiscales générées par les ventes de tabac et la part du tabac dans la balance commerciale du pays, le cas échéant. Ces études estiment également l’effet démultiplicateur de l’argent gagné dans la culture et la manufacture du tabac sur le reste de l’économie. Cependant, les méthodes utilisées dans ces études sont contestables. En effet, elles évaluent la part brute du tabac dans l’emploi et dans l’économie. Elle tiennent rarement, voire jamais, compte du fait que si les gens ne dépensent pas d’argent pour acheter du tabac, ils s’en LES COÛTS ET LES CONSÉQUENCES DE LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME 73 servent généralement pour acheter d’autres biens, créant ainsi des emplois compensatoires. En outre, ces méthodes surestiment l’impact de toute inter- vention visant à réduire la demande, car leurs estimations de certaines va- riables, telles que les tendances du tabagisme et celles de la mécanisation de la production de cigarettes, sont généralement statiques. Les études indépendantes de l’impact du tabac sur l’activité économique des pays particuliers aboutissent à des conclusions différentes. Au lieu de considérer la part brute du tabac dans l’économie, elles retiennent sa part nette, c’est-à-dire les avantages pour l’économie de toutes les activités liées au tabac, après la prise en compte de l’effet compensatoire des emplois qui seraient créés par l’argent non consacré au tabac. Ces études concluent que les mesures de lutte contre le tabagisme auraient un effet faible ou nul sur l’emploi total, sauf dans un très petit nombre de pays producteurs de tabac. Selon une étude effectuée au Royaume-Uni, le nombre d’emplois aurait augmenté de plus de 100 000 équivalents plein temps en 1990 si les anciens fumeurs avaient consacré leur argent à l’achat de produits de luxe, et si un recul des recettes fiscales survenu à la suite de mesures non fiscales de réduction de la demande avait été compensé par une taxe sur d’autres biens et services. Une étude menée aux États-Unis a abouti à la conclusion que 20 000 emplois supplémentaires seraient créés entre 1993 et 2000 si la totalité de la consommation intérieure était éliminée. Il y aurait suppression nette d’emplois dans la région productrice de tabac, mais le total national augmenterait, car l’argent économisé sur les achats de tabac serait injecté dans d’autres secteurs de l’économie. Il est certain que les transitions dans un secteur peuvent être douloureuses et soulever des problèmes sociaux et politiques sur le court terme, mais les transitions sont des phénomènes courants et celle-ci n’aurait rien d’exceptionnel. Ces observations ne concernent pas uniquement les pays à revenu élevé : de fait, certains pays à faible revenu pourraient bénéficier d’avantages surprenants. Ainsi, selon une étude réalisée en préparation de ce rapport, le Bangladesh, qui importe la presque totalité de sa consommation de cigarettes, serait nettement gagnant si toute la consommation intérieure disparaissait. Dans le secteur structuré de l’économie, la création nette d’emplois pourrait atteindre 18 % si les fumeurs consacraient leur argent à l’achat d’autres biens et services. L’impact économique d’une chute mondiale de la consommation de tabac varierait suivant les types d’économie. À cet effet, on peut grouper les pays en trois catégories. La première comprend ceux qui produisent plus de tabac brut qu’ils n’en consomment, autrement dit, les exportateurs nets, tels que le Brésil, le Kenya et le Zimbabwe. La deuxième est formée des pays où la consommation est à peu près égale à la production, c’est-à-dire les pays « en équilibre ». Dans la troisième catégorie, on trouve les pays qui consomment plus qu’ils ne produisent, soit les importateurs nets, comme l’Indonésie, le Népal et le Viet Nam. C’est la catégorie la plus nombreuse. 74 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Dans ce dernier groupe, ce sont les consommateurs qui supportent la ma- jeure partie de l’impact des mesures de lutte contre le tabagisme, et le nombre d’emplois créés devrait l’emporter sur le nombre d’emplois perdus (tableau 6.1). Cependant, les quelques pays agricoles qui sont fortement tributaires du tabac pourraient subir une perte nette d’emplois. Parmi les plus touchés seraient ceux qui exportent la plus grande partie de leur récolte, comme le Malawi et le Zim- babwe. Selon un modèle, si la culture du tabac disparaissait entièrement du jour au lendemain au Zimbabwe, la perte nette d’emplois atteindrait 12 %. Il convient toutefois de souligner que ce scénario extrême a peu de chances de se réaliser. TABLEAU 6.1 EFFETS SUR L’EMPLOI DE LA RÉDUCTION OU DE L’ÉLIMINATION DE LA CONSOMMATION DE TABAC Variations nettes de l’emploi Catégorie, en pourcentage nom du de l’économie pendant pays et année l’année indiquée Hypothèses Exportateurs nets Canada (1992) 0,1 % Élimination de toutes les dépenses de consommation intérieures, dépenses conformes aux schémas de dépense « moyens » États-Unis (1993) 0% Élimination de toutes les dépenses de consommation intérieures, dépenses conformes aux schémas de dépense « moyens » Royaume-Uni (1990) +0,5 % Réduction de 40 % des dépenses de consommation de tabac, dépenses conformes aux schémas « nouveaux ex-fumeurs » Zimbabwe (1980) -12,4 % Élimination de toute la consommation intérieure de tabac et redistribution de la production selon les schémas entrée-sortie « moyens » Économies en équilibre Afrique du Sud (1995) +0,4 % Élimination de toutes les dépenses de consommation intérieures, dépenses conformes aux schémas des « nouveaux ex-fumeurs » Écosse (1989) +0,3 % Élimination de toutes les dépenses de consommation intérieures, dépenses conformes aux schémas de dépense « moyens » Importateurs nets État du Michigan (E.U.) (1992) +0,1 % Élimination de toutes les dépenses de consommation intérieures, dépenses conformes aux schémas de dépense « moyens » Bangladesh (1994) +18,7 % Élimination de toutes les dépenses de consommation intérieures, dépenses conformes aux schémas de dépense « moyens » Sources : Buck, David et al., 1995 ; Irvine, I. J. et W. A. Sims, 1997 ; McNicoll, I. H. et S. Boyle, 1992 ; van der Merwe, Rowena et al., document de référence ; Warner, K. E. et G. A. Fulton, 1994 ; Warner, K. E. et al, 1996. LES COÛTS ET LES CONSÉQUENCES DE LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME 75 Au niveau des ménages et des petites communautés rurales, cet ajustement entraînerait une perte de revenu, des bouleversements et éventuellement l’exode, et de nombreux gouvernements auraient à cœur de faciliter le processus de transition (encadré 6.1) ENCADRÉ 6.1 COMMENT AIDER LES AGRICULTEURS LES PLUS DÉFAVORISÉS Il serait surprenant qu’on assiste à une moins entendu parler d’exploitants de réduction importante et immédiate de leur comté qui poursuivaient d’autres la production de tabac. Comme nous activit é s agricoles rentables. Les l’avons montré au chapitre 5, il est fort producteurs jeunes et plus éduqués peu probable que les politiques visant s’intéressaient plus à la diversifica- à limiter la production de tabac soient tion que leurs aînés et estimaient la applicables ou politiquement accep- chose plus réalisable que ces der- tables dans la majorit é des pays. niers. De m ê me, une impor tante Parallèlement, si la demande de tabac minorité savaient que des change- baisse, elle le sera lentement, ce qui ments étaient possibles, mais recon- permettra aux plus directement tou- naissaient qu’ils seraient lents. Huit chés de s’adapter au même rythme. sur dix ont déclaré qu’ils pensaient Il est évidemment essentiel pour les personnellement continuer à cultiver pouvoirs publics d’évaluer exactement le tabac, mais un sur trois a répondu la manière dont une baisse progres- qu’il déconseillerait à ses enfants de sive de la demande affectera les poursuivre cette activité. régions productrices de tabac. Selon N é anmoins, les autorit é s pour- les études qui ont été effectuées dans raient vouloir aider les producteurs les la plupart des pays à revenu élevé, plus démunis à faire face aux coûts l’économie de ces régions se diversifie de la transition, cela pour plusieurs peu à peu. Dans ces pays, les pro- raisons. En effet, les exploitations ducteurs de tabac procèdent à des agricoles sont une source d’emplois ajustements é conomiques depuis majeure en milieu rural, et de nom- plusieurs dizaines d’années et, dans breuses sociétés leur attribuent une de nombreuses régions productrices, grande importance sociale. En outre, l’économie est plus diversifiée que par les exploitants peuvent représenter le passé. De nombreux cultivateurs une opposition politique importante souhaitent poursuivre la diversifica- dans la maîtrise du tabagisme. Plu- tion. Selon une enqu ê te effectu é e sieurs mesures peuvent ê tre en- aupr è s des producteurs de tabac visag é es : encourager de bonnes américains, par exemple, la moitié des politiques agricoles et commerciales, personnes interrog é es avaient au élaborer de vastes programmes de (suite page suivante) 76 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE ENCADRÉ 6.1 (suite) développement rural, aider les pro- communaut é s rurales qui sont de ducteurs à diversifier leur production, longue date tributaires du tabac ont offrir des possibilités de formation et formé des coalitions avec des groupes divers programmes de protection actifs dans le domaine de la santé sociale. Certains gouvernements ont publique, et se sont entendues sur un proposé de financer ces activités au ensemble de principes régissant les moyen des recettes fiscales du tabac. politiques de nature à r é duire la Les réussites locales peuvent être une consommation de tabac et à pro- bonne source d’enseignements. Aux mouvoir en même temps la pérennité É tats-Unis, par exemple, certaines des communautés rurales. Le relèvement de la fiscalité du tabac réduira-t-il les recettes publiques ? Les pouvoirs publics sont fréquemment opposés au relèvement de la fiscalité du tabac, persuadés que la baisse de la demande qui en résulterait ferait perdre des recettes importantes à l’État. En réalité, c’est l’inverse qui est vrai sur le court et moyen terme. Sur la longue période, les choses sont moins claires. L’augmentation des recettes fiscales sur le court et moyen terme s’explique par le fait que la demande de cigarettes est relativement inélastique. Il est évident que la hausse des prix fera baisser la consommation, mais dans une proportion inférieure à celle de l’augmentation du prix. Au Royaume-Uni, par exemple, les taxes sur les cigarettes ont augmenté à plusieurs reprises au cours des 30 dernières années. Par suite de ces augmentations, et également du développement des connaissances sur les conséquences du tabagisme pour la santé, la consommation a fortement baissé pendant la même période, puisque le nombre des ventes annuelles de cigarettes est tombé de 138 milliards à 80 milliards d’unités. Pourtant, les recettes continuent d’augmenter. Pour chaque hausse de 1 %, les recettes publiques s’accroissent de 0,6 à 0,9 % au Royaume-Uni (figure 6.1). Un modèle mis au point en préparation de ce rap- port montre que des majorations modestes de 10 % des droits de consommation sur les cigarettes appliquées dans tous les pays feraient progresser les recettes fiscales provenant du tabac d’environ 7 % en moyenne, les chiffres variant suivant les pays. LES COÛTS ET LES CONSÉQUENCES DE LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME 77 FIGURE 6.1 LA HAUSSE DE LA FISCALITÉ DU TABAC FAIT AUGMENTER LES RECETTES Prix réel et recettes fiscales du tabac au Royaume-Uni, 1971–95 9000 £ 3,00 RECETTES FISCALES £ 2,80 8500 Recettes fiscales (millions de livres) £ 2,60 Prix (en livres de 1994) 8000 £ 2,40 7500 £ 2,20 7000 £ 2,00 PRIX £ 1,80 6500 £ 1,60 6000 £ 1,40 1971 1974 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 Année Source : Townsend, Joy. « The Role of Taxation Policy in Tobacco Control. » Dans Abedian, I. et al., directeurs de publication. The Economics of Tobacco Control. Le Cap, Afrique du Sud, Centre de recherche fiscale appliquée, Université du Cap. Certaines mesures autres que la hausse des prix, comme l’interdiction de la publicité et des promotions, les campagnes d’information publiques et les vignettes de mise en garde, devraient entraîner une baisse des recettes, de même que la libéralisation de la vente des substituts nicotiniques et autres aides au sevrage. Cependant, l’effet de ces actions sur les recettes publiques serait progressif et compensé par la majoration de la fiscalité prévue dans les programmes généraux de maîtrise du tabagisme. Il importe bien entendu de reconnaître que, si la lutte contre le tabagisme a pour objectif ultime de protéger la santé des individus, les pouvoirs publics devraient souhaiter voir la consommation de tabac baisser à tel point qu’en fin de compte, les recettes fiscales provenant du tabac commenceraient elles aussi à diminuer. On pourrait considérer cette perte de recettes comme l’aune à laquelle mesurer le succès de la prévention du tabagisme, ou la disposition de la société à payer les avantages sanitaires du recul du tabagisme. Mais c’est là une possibilité théorique plutôt qu’un scénario probable. Selon les tendances actuelles, le nombre de fumeurs continuera sans doute à augmenter dans les 78 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE pays à faible revenu au cours des 30 prochaines années. Tout aussi important, les autorités auraient toute latitude pour adopter un impôt sur le revenu ou une autre taxe à la consommation qui remplacerait les recettes fiscales du tabac. L’augmentation des taxes sur le tabac stimulera-t-elle la contrebande ? D’aucuns affirment que ce serait le cas et que l’intensification de la contrebande s’accompagnerait d’un surcroît d’activités criminelles. Dans ce scénario, le tabagisme demeure élevé et les recettes fiscales tombent. Cependant, les ana- lyses économétriques et autres effectuées dans un grand nombre de pays à revenu élevé indiquent que, même en présence d’une contrebande importante, la hausse des taxes fait augmenter les recettes et baisser le tabagisme. Par conséquent, si la contrebande constitue indéniablement un problème sérieux, et si des écarts importants entre les taux de fiscalité encouragent la contrebande, ce n’est pas en réduisant les taxes ni en renonçant à les augmenter qu’il convient de réagir, mais en réprimant la criminalité. Par ailleurs, il est logique de penser que la contrebande serait moins attractive si les pays s’entendaient avec leurs voisins pour harmoniser la fiscalité des cigarettes. C’est ce qu’illustre clairement le cas du Canada. Au début des années 80 et 90, ce pays a fortement majoré les taxes sur les cigarettes, si bien que leur prix réel a sensiblement augmenté. Entre 1979 et 1991, le tabagisme des ado- lescents a baissé d’environ deux tiers, celui des adultes a diminué et les recettes fiscales ont enregistré une hausse substantielle. Pourtant, préoccupé par la montée de la contrebande, le gouvernement a fortement réduit les taxes sur les cigarettes. Il en est résulté une progression du tabagisme chez les adolescents et dans l’ensemble de la population, tandis que les recettes fédérales provenant des taxes sur le tabac diminuaient dans une mesure deux fois plus importante qu’on ne l’avait prédit. Le cas de l’Afrique du Sud est également instructif. Pendant les années 90, l’Afrique du Sud a considérablement relevé les droits de consommation sur les cigarettes (plus de 450 %). En pourcentage du prix de vente, les taxes sont passées de 38 à 50 %. Comme il fallait s’y attendre, la contrebande a aussi augmenté, passant de 0 à 6 % du marché, soit la moyenne mondiale. Les ventes ont reculé de plus de 20 %, signalant une baisse nette substantielle de la consommation en dépit de la contrebande. Entre-temps, les recettes fiscales ont plus que doublé en valeur réelle. Des chercheurs ont évalué au moyen d’une étude économétrique l’impact potentiel de divers scénarios fiscaux sur l’incitation à la contrebande entre pays européens. Ils ont conclu que, même si les taux de contrebande étaient des multiples des taux officiels, les recettes fiscales n’en augmenteraient pas moins. Ils ont également conclu que la contrebande induite par la hausse des LES COÛTS ET LES CONSÉQUENCES DE LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME 79 prix serait sans doute un problème plus sérieux dans les pays où les cigarettes sont déjà chères. Dans les pays où elles sont relativement bon marché, la hausse des prix n’aurait que peu d’effet sur la contrebande. Les consommateurs défavorisés seront-ils les plus touchés par la charge financière ? Dans de nombreux pays, il est généralement admis que le régime fiscal doit être équitable, en ce sens que l’impôt doit peser plus lourdement sur ceux qui sont le plus en mesure de payer. C’est sur ce principe que reposent les régimes d’impôts progressifs, dans lesquels les taux marginaux s’élèvent à mesure que croît le revenu. La fiscalité du tabac, au contraire, est régressive, dans la mesure où, comme les autres taxes de consommation, elles imposent une charge financière disproportionnée aux économiquement faibles. Ce caractère régressif est encore accentué par le fait que le tabagisme est plus fréquent parmi les ménages défavorisés que parmi les ménages aisés, en sorte que les fumeurs pauvres dépensent une part plus élevée de leur revenu sous forme de taxes sur les cigarettes. Certains craignent que, par suite de l’augmentation des taxes, les pauvres ne consacrent une part croissante de leur revenu aux cigarettes, grevant encore davantage le budget familial. Même si la demande fléchit, il n’en est pas moins vrai que les consommateurs défavorisés qui continueront à consommer plus de tabac que les riches, acquitteront plus de taxes. Cependant, de nombreuses études montrent que les personnes à faible revenu sont plus sensibles aux varia- tions de prix que les personnes à revenu élevé. Si leur consommation baisse plus rapidement, leur charge fiscale relative diminue en comparaison de celle des consommateurs aisés, même si elles continuent à payer davantage dans l’absolu. Deux études réalisées aux États-Unis et au Royaume-Uni confortent l’idée que l’augmentation des taxes sur le tabac est progressive, même si en soi la fiscalité du tabac est régressive. Il faudrait disposer également d’études concernant les pays à revenu faible et intermédiaire pour confirmer cette ob- servation. Bien entendu, tous les fumeurs individuels doivent renoncer aux avantages perçus de la cigarette et subir le coût du retrait, pertes qui sont relativement plus importantes pour les consommateurs défavorisés. La fiscalité du tabac, comme toutes les autres taxes, doit s’exercer compte tenu de la nécessité de veiller à ce que l’ensemble du régime des impôts et des dépenses soit proportionnel ou progressif. À l’heure actuelle, le régime fiscal de la plupart des pays est composé de taxes nombreuses et variées, l’objectif général étant qu’il soit progressif ou proportionnel, même si des taxes particulières ou certains éléments du système ont un caractère régressif. Pour compenser le caractère régressif de la fiscalité du tabac, l’État peut adopter des impôts plus progressifs ou d’autres programmes de transfert. Des services 80 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE sociaux bien ciblés, notamment des programmes d’éducation et de santé, iraient dans ce sens. En principe, il convient de financer les avantages publics au moyen des recettes générales. Pour autant, on ne saurait négliger les capacités de recettes exceptionnelles de la fiscalité du tabac. On estime qu’en Chine, une hausse de 10 % de la taxe sur les cigarettes réduirait la consommation de 5 % et accroîtrait les recettes de 5 %, ce qui produirait suffisamment de recettes pour financer un programme de services de santé essentiels pour un tiers des 100 millions de Chinois les plus démunis. La lutte contre le tabagisme imposera-t-elle des coûts aux particuliers ? En réduisant la consommation de cigarettes, les mesures de lutte contre le tabagisme réduiront la satisfaction, ou avantages, du fumeur, tout comme les restrictions imposées à la consommation de tout autre bien réduit le bien-être du consommateur. Le fumeur régulier doit soit renoncer au plaisir de fumer, soit supporter les coûts du sevrage, ou les deux à la fois. Cela représente une perte d’excédent du consommateur, qui contrebalance les avantages procurés par la maîtrise du tabagisme. Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, le tabac n’est pas un bien de consommation ordinaire, offrant des avantages ordinaires, car il soulève des problèmes de toxicomanie et d’information. Pour le fumeur toxicomane qui regrette de fumer et souhaiterait cesser, les avantages de la cigarette comprennent sans doute l’absence de symptômes de retrait. Si les mesures de lutte contre le tabagisme réduisent la consommation individuelle, ces fumeurs devront supporter des coûts de retrait substantiels. Étant donné que la plupart des fumeurs se disent désireux de cesser, mais que peu d’entre eux y parviennent, on peut penser que les coûts perçus du sevrage sont plus grands que les coûts perçus de l’absence de sevrage, par exemple les méfaits pour la santé. Si l’augmentation de la fiscalité inverse ce rapport, certains fumeurs peuvent en venir à renoncer à la cigarette. Cependant, eux aussi auront à supporter des coûts de retrait. Mieux informés des risques du tabac pour la santé, les fumeurs percevraient que le coût de continuer à fumer est plus élevé et se rendraient compte des avantages du sevrage. L’élargissement de l’accès aux substituts nicotiniques et à d’autres traitements contribuerait à faire baisser les coûts du sevrage. Certains diront que les mesures de lutte contre le tabagisme imposent des coûts plus lourds aux individus défavorisés qu’aux individus aisés. Mais si cela est vrai pour le tabac, la situation n’a rien d’exceptionnel dans le domaine de la santé publique. La décision de subir des interventions sanitaires de toutes sortes, comme la vaccination des enfants ou le planning familial, est souvent LES COÛTS ET LES CONSÉQUENCES DE LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME 81 plus coûteuse pour les ménages pauvres. Par exemple, une famille pauvre peut habiter loin du dispensaire, et pendant qu’elle s’y rend, elle renonce à un cer- tain revenu. Cependant, les responsables de la santé publique n’hésitent généralement pas à affirmer que les avantages de la plupart des interventions pour la santé valent le sacrifice, tant que celui-ci n’est pas assez important pour décourager les individus démunis. Lorsqu’on examine la perte d’excédent du consommateur subie par les fumeurs, il importe de faire une distinction entre les fumeurs réguliers et les autres. Pour les enfants et les adolescents qui sont soit débutants soit simplement fumeurs en puissance, le coût de ne pas fumer est certainement moins élevé, puisque la dépendance n’est peut-être pas encore établie et que le coût du retrait devrait être minime. Parmi les autres coûts, on peut citer le rejet par une partie des pairs, une réduction de la satisfaction de se rebeller contre les parents et la perte des autres plaisirs qu’apporte la cigarette. Les restrictions sur l’usage du tabac dans les lieux publics et au travail imposent aussi des coûts aux fumeurs, en les obligeant à sortir pour fumer ou à fumer moins. Ces interventions transfèrent comme il se doit les coûts du tabagisme des non-fumeurs aux fumeurs. Là encore, cette hausse des coûts sera ressentie par tous les fumeurs et en amènera certains à modifier leur comportement tabagique. Pour les non-fumeurs, en revanche, les mesures de lutte contre le tabagisme se traduiront par un bien-être supplémentaire. On peut penser que les pertes de bien-être des fumeurs sont minimisées si les mesures de lutte contre le tabagisme font partie d’un programme complet. La maîtrise du tabagismes en vaut-elle le prix ? Nous analysons à présent la question de savoir si la lutte contre le tabagisme est rentable en comparaison d’autres mesures de santé publique. Pour les gouvernements qui envisagent leurs options, cette information pourrait constituer un facteur de décision important. On peut estimer la rentabilité de différentes interventions de santé publique en estimant les gains en années de vie en bonne santé que chaque intervention permettra de réaliser moyennant les coûts publics requis pour la mettre en œuvre. Selon le Rapport sur le développement dans le monde de 1993 de la Banque mondiale, Investir dans la santé, les mesures de maîtrise du tabagisme ont un bon rapport coût-efficacité et méritent de figurer dans un programme minimum de soins de santé. Selon plusieurs études, les programmes d’action publics coûtent entre 20 et 80 dollars par année actualisée de vie en bonne santé de plus (une année de vie corrigée du facteur invalidité, ou AVCI)1. Pour ce rapport, nous avons estimé la rentabilité de chacune des mesures de réduction de la demande examinées au chapitre 4 : accroissement de la fiscalité, programme de mesures autres que de prix, comprenant l’interdiction 82 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE de la publicité et des promotions, une meilleure information sanitaire et des restrictions sur le tabagisme public, et accès aux substituts nicotiniques. Les résultats peuvent aider particulièrement les pays à revenu faible et intermédiaire à évaluer les domaines sur lesquels doivent porter principalement leurs inter- ventions, compte tenu de leurs besoins propres. Les estimations ont été obtenues au moyen du modèle décrit dans l’encadré 4.1. On trouvera une description détaillée des hypothèses et des paramètres utilisés dans un document de référence établi en préparation de ce rapport. Certaines interventions, comme le relèvement des taxes ou l’interdiction de la publicité et des promotions, ont un coût minime ou nul, puisqu’elles ne coûtent qu’un « trait de plume ». Par prudence, le modèle a attribué des coûts de mise en œuvre et d’administration importants, ainsi que le coût des médicaments dans le cas de la substitution nicotinique. Toutefois, nous n’avons pas tenu compte des coûts éventuels pour les individus. Les résultats (ta- bleau 6.2) indiquent que les majorations fiscales ont de loin le meilleur rapport coût-efficacité et que leurs avantages sont comparables à ceux de nombreuses interventions sanitaires. S’agissant des frais administratifs liés à la majoration et au suivi des taxes sur le tabac, suivant les hypothèses retenues, le coût de la mise en œuvre d’une hausse des taxes de 10 % pourrait être inférieur à cinq dollars par AVCI (et ne dépasserait certainement pas 17 dollars par AVCI) dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Ces valeurs sont comparables à celles de nombreuses interventions sanitaires financées par l’État, telles que la vacci- nation des enfants. Les mesures autres que de prix peuvent également être très rentables pour les pays à revenu faible et intermédiaire. Suivant les hypothèses retenues, certains programmes ne coûteraient pas plus de 68 dollars par AVCI, soutenant raisonnablement la comparaison avec plusieurs types d’interventions sanitaires bien établies, tels que le programme de traitement intégré de l’enfant malade, dont le coût a été estimé entre 30 et 50 dollars par AVCI dans les pays à faible revenu et entre 50 et 100 dollars dans les pays à revenu intermédiaire. Nous avons également évalué la rentabilité probable d’un élargissement de l’accès aux substituts nicotiniques. À cet effet, nous avons supposé que le coût des substituts nicotiniques serait assumé par la collectivité. Les résultats indiquent que les pouvoirs publics devront procéder avec toute la prudence voulue et effectuer des analyses de rentabilité au niveau local avant d’envisager de fournir ces nouveaux traitements aux frais de la collectivité. Il est important de noter que la simple libéralisation de l’accès aux substituts nicotiniques a beaucoup plus de chances d’être rentable, et que la rentabilité de ces traitements s’améliorerait à mesure que leur efficacité et le nombre d’adultes désireux de cesser augmenteraient. Il faut de toute évidence poursuivre les recherches pour déterminer l’efficacité de ces programmes, leur rapport coût-efficacité probable dans des pays ayant des niveaux de revenu différents et leur coût pour les individus. LES COÛTS ET LES CONSÉQUENCES DE LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME 83 TABLEAU 6.2 RENTABILITÉ DES MESURES DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME Valeur de différentes interventions (dollars par AVCI gagnée), par région Hausses des Mesures autres SN (fournis par la prix de que de prix, collectivité) 25 % Région 10 % efficacité 5 % de couverture Afrique subsaharienne 2à8 34 à 136 195 à 206 Amérique latine et Caraïbes 10 à 42 173 à 690 241 à 295 Asie de l’Est et Pacifique 3 à 13 53 à 212 338 à 355 Asie du Sud 3 à 10 32 à 127 289 à 298 Europe orientale et Asie centrale 4 à 15 64 à 257 227 à 247 Moyen-Orient et Afrique du Nord 7 à 28 120 à 482 223 à 260 Revenu faible et intermédiaire 4 à 17 68 à 272 276 à 297 Revenu élevé 161 à 645 1 347 à 5 388 746 à 1 160 Note : Pour tous les calculs, nous avons utilisé un taux d’escompte de 3 % et nous avons projeté les avantages sur une période de 30 ans ; pour les interventions autres que de prix, les coûts ont été projetés sur une période de 30 ans. Les fourchettes résultent des variations du coût de fourniture des services, qui vont de 0,005 % à 0,02 % du PNB annuel. Source : Ranson, Kent, P. Jha, F. Chaloupka et A. Yurekli. Effectiveness and Cost-effectiveness of Price In- creases and Other Tobacco Control Policy Interventions. Document de référence. Le coût de la mise en œuvre d’un programme global de lutte contre le tabagisme n’a été estimé que de manière approximative. Les faits observés dans les pays à revenu élevé semblent indiquer que ce coût serait très modique. En effet, les pays à revenu élevé qui ont des programmes très complets y consacrent annuellement entre 50 cents et 2,50 dollars par habitant. Dans cette perspective, le coût de la lutte contre le tabagisme dans les pays à revenu faible et intermédiaire devrait être abordable, même dans les pays où les dépenses de santé publiques par habitant sont extrêmement faibles. Les auteurs du Rapport sur le développement dans le monde de 1993 de la Banque mondiale, Investir dans la santé, estimaient que pour appliquer un programme d’interventions de santé publique essentielles comprenant des mesures de lutte contre le tabagisme, il en coûterait 4 dollars par habitant dans les pays à faible revenu, et 7 dollars dans les pays à revenu intermédiaire. La lutte contre le tabagisme ne représenterait qu’une fraction du total. Note 1. Une année de vie corrigée du facteur invalidité (AVCI) est une mesure temporelle qui permet aux épidémiologistes de saisir, au moyen d’un indicateur unique, le nombre d’années de vie perdues à la suite de décès prématurés (par décès prématuré on entend un décès survenant avant l’âge jusqu’auquel le défunt aurait pu compter vivre s’il était membre de la population modèle normalisée, où l’espérance de vie à la naissance est égale à celle de la population ayant la durée de vie la plus longue, à savoir la popula- tion japonaise) et les années d’invalidité d’une gravité et d’une durée données. Une AVCI est une année de vie en bonne santé perdue. C H A P IT R E 7 Programme indicatif d’action S EULES deux causes de mortalité sont importantes et en progrès dans le monde : le VIH et le tabac. Si la plupart des pays ont au moins commencé à réagir face au VIH, il n’en est pas de même dans le cas de l’épidémie mondiale de tabagisme, face à laquelle la réaction est jusqu’à présent limitée et sporadique. Nous examinons dans ce chapitre certains des facteurs qui pourraient décider les autorités à agir et nous proposons un programme indicatif d’action. Tous les gouvernements savent qu’ils ont à tenir compte non seulement des facteurs économiques, mais de nombreux autres également pour élaborer leurs grandes orientations. Les mesures de lutte contre le tabagisme ne font pas exception à la règle. La plupart des sociétés sont soucieuses de protéger leurs enfants, encore qu’à des degrés variables selon les cultures. Elles souhaiteraient aussi atténuer les souffrances et les dommages affectifs causés par la charge de morbidité et de décès prématurés du tabac. Les études économiques n’ont pas encore permis de former un consensus sur la manière d’évaluer cette charge. La lutte contre le tabagisme est une option attrayante pour les dirigeants qui tiennent à améliorer la santé publique. Étant donné l’ampleur de la charge de morbidité, une réduction même modeste se traduirait par des avancées sensibles sur le plan de la santé. Les sociétés sont d’accord sur le fait qu’il est souhaitable d’accomplir des progrès dans le domaine de la santé, comme en témoignent les politiques et les mesures de lutte contre le tabagisme prises par l’OMS et d’autres organisations internationales (encadrés 7.1 et 7.2 et appendice A). 85 86 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Beaucoup de sociétés pourraient penser que la meilleure raison de pren- dre l’offensive contre le tabagisme consiste à dissuader les enfants et les ado- lescents de fumer. Or, comme nous l’avons vu au chapitre 3, les interventions axées précisément sur les consommateurs les plus jeunes n’ont guère de chances de réussir, tandis que les interventions réellement efficaces , la fiscalité essentiellement, affectent aussi les adultes. De même, les interventions visant expressément à protéger les non-fumeurs sont sans effet pour la plupart d’entre eux et, encore une fois, la fiscalité est l’option la plus efficace. En situation réelle, de nombreuses sociétés jugent acceptable, voire souhaitable, que les effets des mesures prises ne se limitent pas aux populations cibles. En tout état de cause, les politiques qui auraient pour seul effet de décourager les enfants de commencer à fumer n’auraient aucun impact sur le nombre mondial de décès liés au tabac avant plusieurs dizaines d’années, puisque la plupart des décès projetés pour la première moitié du XXIe siècle concernent les fumeurs actuels (figure 7.1). Par conséquent, les autorités désireuses d’obtenir des avancées sanitaires à moyen terme voudront aussi encourager les adultes à cesser de fumer. Surmonter les obstacles politiques au changement Pour être efficaces, les gouvernements qui décident d’appliquer des mesures de lutte contre le tabagisme doivent s’assurer auparavant que cette décision jouira d’un large soutien de l’opinion. On pourrait penser que les fumeurs sont farouchement opposés à la lutte anti-tabac, mais la réalité est tout autre : les chercheurs qui ont effectué des études dans les pays à revenu élevé dotés de programmes efficaces de lutte contre le tabagisme ont noté que la plupart des fumeurs adultes sont favorables à certaines mesures, telles qu’une large diffu- sion de l’information. Le gouvernement ne peut pas, à lui seul, assurer la réussite de ces programmes sans la participation de la société civile, du secteur privé et de différents groupes d’intérêts. Les programmes ont de plus grandes chances de réussir s’ils ont été entérinés par des intérêts sociaux très divers, qui en assument le pilotage et ont le pouvoir de mettre en œuvre les changements et d’assurer leur pérennité. Peu de chercheurs ont tenté de mesurer l’impact combiné de différentes interventions. Comme nous l’avons montré au chapitre 4, chaque intervention distincte peut sauver des millions de vies, mais on ne sait pas encore si un programme comportant plusieurs mesures en sauverait encore plus que la somme de chaque intervention particulière. Les pays où existent des programmes accordent sans doute une importance différente à chacun de leurs éléments, compte tenu du contexte national. Par exemple, un pays où la fiscalité du tabac est plus faible que dans les pays voisins notera sans doute qu’une hausse de la fiscalité exercera un effet particulièrement marqué sur la PROGRAMME INDICATIF D’ACTION 87 FIGURE 7.1 SI LES FUMEURS ACTUELS NE CESSENT PAS DE FUMER, LE NOMBRE DES DÉCÈS LIÉS AU TABAC AUGMENTERA CONSIDÉRABLEMENT AU COURS DES 50 PROCHAINES ANNÉES Nombre cumulé des décès liés au tabac entre 1950 et 2050, pour différentes stratégies d’intervention (estimation) 520 500 500 Référence Si la proportion de jeunes adultes 400 commençant à fumer diminue Décès liés au tabac (millions) de moitié d'ici 2020 Si la consommation des adultes diminue de moitié d'ici 2020 340 300 220 200 190 100 70 0 1950 2000 2025 2050 Année Note : Peto et al. estiment à 60 millions le nombre de décès dus au tabac survenus entre 1950 et 2000 dans les pays développés. Nous estimons que 10 millions de décès additionnels auront eu lieu entre 1990 et 2000 dans les pays en développement. Nous avons pris pour hypothèse que les pays en développement n’ont aucun décès dû au tabac avant 1990 et que le nombre mondial de ces décès est resté minime jusqu’en 1950. Les projections relatives aux décès à compter de 2000 reposent sur Peto (com- munication personnelle [1998]). Sources : Peto, Richard et al. 1994. Mortality from Smoking in Developed Countries 1950–2000. Oxford University Press ; et Peto, Richard, communication personnelle. consommation de cigarettes. De même, dans un pays où la population est relativement éduquée et aisée, une hausse des prix aura moins d’effet, tandis qu’une campagne d’information sera plus efficace. Les facteurs culturels, comme un passé totalitaire, peuvent influer sur la façon dont certaines mesures, par exemple l’interdiction de fumer dans les lieux publics, seront acceptées. Ces généralisations sont quelque peu simplistes, mais elles peuvent constituer un bon point de départ pour les responsables. 88 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE ENCADRÉ 7.1 L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ ET LA CONVENTION-CADRE SUR LA LUTTE ANTI-TABAC À l’Assemblée mondiale de la santé, La stratégie réglementaire inter- en mai 1996, les États membres de nationale utilisée pour promouvoir un l’OMS ont adopté une résolution de- accord et un programme d ’ action mandant à la directrice générale de multilatéraux sur la maîtrise du taba- l’OMS, Gro Harlem Brundtland, de gisme est fondée sur la méthode des lancer la mise au point d’une Conven- conventions-cadres et des protocoles tion-cadre sur la lutte anti-tabac. Aussi afférents. Elle favorise le consensus l’OMS a-t-elle donné la priorité à la international par une démarche pro- relance des activités de lutte contre le gressive, en essayant d’obtenir des tabagisme et créé un nouveau projet, accords distincts sur chaque dossier. l’Initiative Se libérer du tabac. L’un des Elle comprend les étapes suivantes : piliers de cette initiative est la Conven- s Les États adoptent une conven- tion-cadre de l’OMS sur la lutte anti- tion-cadre prévoyant qu’ils co- tabac (CCLA). op é reront pour atteindre des La CCLA sera un instrument juri- objectifs généraux et établissant dique international visant à maîtriser les institutions essentielles d’une l’expansion de la pandémie mondiale structure juridique mul-tilatérale. de tabac, principalement dans les s Des protocoles distincts, con- pays en développement. Lorsqu’elle tenant des dispositions précises entrera en vigueur, la Convention visant à atteindre les objectifs marquera un précédent pour l’OMS et généraux prévus par la conven- pour le monde. En effet, ce sera la tion-cadre, sont conclus. premi è re fois que les 191 É tats Cette méthode a déjà été utilisée membres de cette organisation exer- dans d’autres domaines, par exemple ceront l’autorité constitutionnelle de lors de l’adoption de la Convention de l ’ OMS lui permettant de servir de Vienne sur la protection de la couche plate-forme pour l’élaboration d’une d’ozone et du Protocole de Montréal. convention. En outre, ce sera la La négociation et la mise en œuvre premi è re convention multilat é rale de la CCLA contribueront à limiter le concernant expressément un dossier tabagisme en sensibilisant l’opinion de santé publique. La formulation de nationale et internationale, et en la CCLA sera facilit é e par la con- mobilisant des ressources techniques naissance du caractère addictif et fa- et financi è res qui assureront tal du tabagisme, et par le d é sir l’efficacité des mesures nationales de éprouvé par de nombreux pays d’amé- lutte contre le tabagisme. La conven- liorer la réglementation du tabac au tion renforcera é galement la moyen d’instruments internationaux. coop é ration internationale sur les (suite page suivante) PROGRAMME INDICATIF D’ACTION 89 ENCADRÉ 7.1 (suite) aspects de la lutte contre le tabagisme de chaque trait é ait un caract è re qui d é bordent les fronti è res individuel et dépende de la volonté nationales, tels que la commer- politique des États, le Plan de travail cialisation et la promotion à l’échelle acc é l é r é de l ’ OMS pour la CCLA mondiale des produits du tabac et la prévoit que la convention sera adoptée contrebande. Bien que la négociation en mai 2003 au plus tard. ENCADRÉ 7.2 LA POLITIQUE DE LA BANQUE MONDIALE DANS LE DOMAINE DU TABAC Consciente des méfaits du tabac, la traitement du tabac dans les importa- Banque mondiale a adopté en 1991 une tions financées par des prêts de la politique sur ce produit qui s’articule Banque ; et 5) le tabac et les importa- autour de cinq grands axes : 1) les tions liées au tabac peuvent ne pas être activités menées par la Banque dans le vis é s par les accords sign é s par secteur de la santé, telles que le dia- l’emprunteur et la Banque pour libé- logue de politique générale et les prêts, raliser le commerce et réduire les droits découragent l’utilisation des produits du de douane. tabac ; 2) la Banque ne consent aucun La politique de la Banque est prêt, n’effectue aucun investissement, ni conforme aux arguments avanc é s ne garantit directement d’investissement dans ce rapport à l ’ appui de l ’é li- ou de prêt en faveur de la production, mination des subventions. Cependant, du traitement ou de la commercialisation l’accent mis sur les mesures de limi- du tabac. Cependant, dans un petit tation de l ’ offre n ’ a pas eu d ’ effet nombre de pays agricoles qui tirent mesurable sur la consommation de l’essentiel de leurs revenus ou de leurs tabac depuis 1991. Dans l’intervalle, recettes en devises du tabac, la Banque la Banque a donné la priorité à la pro- s ’ efforce de traiter la question en motion de la santé et à l’information répondant le plus efficacement pos- dans ses activités de lutte contre le sibles aux besoins de pays en déve- tabagisme, qui portent sur environ loppement des intéressés. Elle les aide 14 pays et font partie de projets d’un à diversifier leurs cultures et à réduire la coût total de plus de 100 millions de part occupée par le tabac dans leur dollars. Le rapport de la Banque sur économie ; 3) la Banque n’accorde pas la strat é gie sectorielle de 1997 a directement de prêts en faveur d’ac- étendu en principe aux prix et à la tivités de production du tabac, dans la r é glementation la por t é e de ces mesure où cela est réalisable ; 4) les activités. L’efficacité des mesures de pays ne peuvent pas inclure de tabac ni prix dans la réduction de la demande de machines ou de mat é riel de est confirmée par ce rapport. 90 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Les gouvernements qui envisagent de prendre des mesures de lutte anti- tabac sont confrontés à des obstacles politiques majeurs. Cependant, s’ils parviennent à identifier les principales parties prenantes, tant du côté de l’offre que du côté de la demande, ils pourront évaluer le poids relatif de chaque camp, s’il s’est dispersé ou concentré, et les autres facteurs susceptibles d’influer sur la manière dont les différents camps réagissent au changement. Par exemple, les responsables pourront constater que le camp avantagé, celui des non- fumeurs, forme une catégorie éparpillée et dispersée, tandis que le camp pénalisé, celui des producteurs de tabac, par exemple, a de l’entregent et sait faire vibrer la corde sensible. Pour que la transition entre la dépendance et l’indépendance par rapport au tabac se fasse sans heurts, il faut planifier soigneusement les interventions et avoir une bonne connaissance de la carte politique, quels que soient la nature de l’économie et le cadre politique na- tional. C’est ce qu’a fait le Viet Nam, par exemple. Les priorités de la recherche On sait déjà que les mesures de limitation de la demande (majoration de la fiscalité et interdiction de la publicité et des promotions, par exemple) donnent de bons résultats dans les pays à revenu élevé, et on en sait assez pour mettre ces mesures en œuvre sans attendre. Parallèlement, toutefois, les pays devront mettre en œuvre des programmes de recherche à la fois épidémiologiques et économiques, qui aideront les responsables à ajuster le tir pour avoir les meilleures chances de succès. Nous indiquons ci-dessous certains des principaux domaines de recherche. Recherches sur les causes, les conséquences et les coûts du tabagisme, aux niveaux national et international Ces recherches sont nécessaires si l’on veut compter les victimes du tabac et classer les décès selon leur cause. Il existe des méthodes simples et bon marché pour cela : on peut, par exemple, placer sur les certificats de décès des ques- tions sur l’usage du tabac, ce qui permet de comparer le nombre de décès dus au tabagisme et à d’autres causes. Ces recherches n’ont pas seulement pour avantage d’informer les autorités sur l’avance de l’épidémie de tabac ou de fournir des points de référence pour suivre l’effet des mesures de lutte, elles permettent également de stimuler l’action des pouvoirs publics et peuvent avoir un impact substantiel sur la consommation de tabac. Les pays à revenu élevé ne sont désormais plus les seuls à effectuer des recherches épidémiologiques, mais la recherche sur les causes du tabagisme, le caractère addictif du tabac et les facteurs comportementaux associés à l’initiation reste principalement axée sur l’Amérique du Nord et l’Europe PROGRAMME INDICATIF D’ACTION 91 occidentale. Parallèlement à la mise en œuvre des mesures de contrôle, il pourrait être utile d’entreprendre des recherches sur ces questions pour affiner le ciblage des interventions, par exemple de celles qui visent à améliorer l’information sanitaire pour les pauvres, afin d’en maximiser l’effet. Pour les économistes, il est urgent d’analyser le rapport coût-efficacité de chaque type d’intervention au niveau national. Il serait bon d’obtenir des données plus précises sur l’élasticité-prix dans les pays à revenu faible et intermédiaire, ainsi que des estimations des coûts pour la société et la santé publique du tabagisme dans ces pays. La recherche sur le tabagisme ne reçoit pas autant de fonds qu’on s’y attendrait vu l’ampleur de la charge de morbidité qu’il engendre. Au début des années 90, dernière période pour laquelle des données sont disponibles, les investissements dans la recherche-développement sur le tabagisme se montaient à 50 dollars par décès survenu en 1990 (148-164 millions de dollars au total). Pour le VIH, en revanche, la recherche-développement a reçu environ 3 000 dol- lars par décès survenu en 1990 (919-985 millions de dollars au total). Ce sont essentiellement les pays à revenu élevé qui financent les recherches sur ces deux maladies. Recommandations Nous présentons deux recommandations : 1. Les pays où les pouvoirs publics décident de prendre des mesures volontaristes pour maîtriser le tabagisme doivent adopter une stratégie polyvalente visant à dissuader les enfants de commencer à fumer, à protéger les non-fumeurs et à informer tous les fumeurs des méfaits du tabac. Cette stratégie, qui doit être adaptée aux besoins de chaque pays, comportera : 1) une majoration de la fiscalité, fondée sur les taux pratiqués dans les pays qui ont réussi à faire baisser la consommation (entre les deux tiers et les quatre cinquièmes du prix de vente des cigarettes au détail) ; 2) la publication et la diffusion des résultats des recherches effectuées sur les effets du tabac sur la santé, l’apposition de mises en garde bien visibles sur les paquets de ciga- rettes, l’interdiction totale de la publicité et des promotions, et la limi- tation du tabagisme au travail et dans les lieux publics ; et 3) l’élargissement de l’accès aux substituts nicotiniques et aux traitements de sevrage. 2. Il conviendrait que les organisations internationales, telles que les institutions des Nations Unies, réexaminent leurs programmes et politiques en vigueur afin de donner la priorité à la lutte contre le tabagisme, qu’elles parrainent des recherches sur les causes, les conséquences et les coûts du tabagisme et sur la rentabilité 92 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE d’interventions données au niveau local, et qu’elles se penchent sur les aspects internationaux de la lutte contre le tabagisme. Il est recommandé, en particulier, qu’elles travaillent avec la Convention- cadre sur la lutte anti-tabac. Les grands domaines d’action comprennent la promotion d’accords internationaux sur la répression de la contrebande, des pourparlers sur l’harmonisation des taxes en vue de réduire les incitations à la contrebande, et l’interdiction de la publicité et de la promotion par le canal des moyens de communica- tion mondiaux. La menace posée par le tabagisme pour la santé publique est sans précédent, mais les opportunités de réduction de la mortalité liée à ce fléau grâce à des interventions officielles bien conçues sont également sans précédent. Nous montrons dans ce rapport ce qui peut être accompli, et que des interventions relativement limitées pourraient avoir des conséquences bénéfiques pour la santé au XXIe siècle. APPENDICE A La fiscalité du tabac : la perspective du Fonds monétaire international L ES programmes de stabilisation appuyés par le FMI dans les pays qui ont besoin d’accroître leurs recettes fiscales pour réduire le déficit des finances publiques comprennent souvent des hausses de la fiscalité du tabac. Si une majoration des droits de consommation des produits du tabac est surtout motivée par la nécessité d’augmenter les recettes, elle engendre néanmoins des avantages pour la santé en réduisant la consommation de tabac. Lorsqu’ils fixent les taux d’imposition, les pouvoirs publics doivent tenir compte de plusieurs facteurs, notamment l’impact de la contrebande, les achats à l’étranger et les achats hors taxes sur les ferries et dans les avions. Les gouvernements ont intérêt à réduire la contrebande de tabac non seulement pour améliorer les recettes des droits de consommation, mais également pour limiter les pertes des recettes fournies par les autres taxes, telles que l’impôt sur le revenu et la taxe à la valeur ajoutée, qui leur échappent lorsque les opérations clandestines se substituent aux transactions licites. En dernière analyse, les droits de consommation du tabac doivent tenir compte du pouvoir d’achat des consommateurs locaux, des taxes en vigueur dans les pays voisins et, surtout, de la mesure dans laquelle les autorités fiscales ont les moyens et la volonté d’en assurer la perception. Pour ce qui est de la structure des droits de consommation du tabac, il convient de taxer tous les types de tabac : cigarettes, cigares, pour pipe, à priser, à mâcher et à rouler. La pratique optimale, sur le plan international, consiste à appliquer les droits de consommation en fonction de la destination, c’est-à- dire que les importations sont taxées, mais les exportations exonérées. 93 94 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Les droits de consommation peuvent être fixes (fonction de la quantité) ou ad valorem (fonction de la valeur). Si l’un des objectifs principaux de la fiscalité est de décourager la consommation de tabac, il est alors tout à fait justifié de prélever des droits fixes qui frappent également chaque cigarette et qui sont en outre plus faciles à administrer, car il suffit de déterminer la quantité matérielle de produit, sa valeur n’entrant pas en ligne de compte. Cependant, les droits ad valorem suivent mieux l’inflation que les droits fixes, même lorsque ces derniers sont relevés assez souvent. Pour administrer les doits de consommation intérieurs, il convient d’appliquer une stratégie intégrée comprenant l’inscription des contribuables ; la déclaration et la perception ; le recouvrement des arriérés ; l’audit ; et des services pour les contribuables. Il peut arriver que les pays en développement et en transition doivent traiter les installations de production de tabac comme des entités extraterritoriales et administrer les droits de consommation de la même manière que les droits de douane, c’est-à-dire que le fisc contrôle alors les expéditions à destination et en partance des installations de production. Les timbres fiscaux peuvent faciliter l’administration du paiement des droits et empêcher d’expédier ailleurs les marchandises ayant acquitté les droits dans une juridiction donnée. L’adoption du timbre implique toutefois des coûts considérables pour les producteurs de la marchandise taxée. Il ne contribue que médiocrement au contrôle si son utilisation ne fait pas l’objet d’une sur- veillance au niveau de la vente au détail. APPENDICE B Documents de référence C ERTAINS de ces documents de référence seront publiés dans un ouvrage à paraître à Oxford University Press, intitulé Tobacco Control Poli- cies in Developing Countries, préparé sous la direction de Prabhat Jha et Frank Chaloupka. Bobak, Martin, Prabhat Jha, Son Nguyen et Martin Jarvis. Poverty and To- bacco. Chaloupka, Frank, Tei-Wei Hu, Kenneth E. Warner, Rowena van der Merwe et Ayda Yurekli. Taxation of Tobacco Products. Gajalakshmi, C.K., Prabhat Jha, Son Nguyen et Ayda Yurekli. Patterns of To- bacco Use, and Health Consequences. Jha, Prabhat, Phillip Musgrove et Frank Chaloupka. Is There a Rationale for Government Intervention? Jha, Prabhat, Fred Paccaud, Ayda Yurekli et Son Nguyen. Strategic Priorities for Governments and Development Agencies in Tobacco Control. Joossens, Luk, David Merriman, Ayda Yurekli et Frank Chaloupka. Issues in Tobacco Smuggling. Kenkel, Donald, Likwang Chen, Teh-Wei Hu et Lisa Bero. Consumer Infor- mation and Tobacco Use. Lightwood, James, David Collins, Helen Lapsley, Thomas Novotny, Helmut Geist et Rowena van der Merwe. Counting the Costs of Tobacco Use. Merriman, David, Ayda Yurekli et Frank Chaloupka. How Big Is the World- wide Cigarette Smuggling Problem? 95 96 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Novotny, Thomas E., Jillian C. Cohen et David Sweanor. Smoking Cessation, Nicotine Replacement Therapy, and the Role of Government in Supporting Cessation. Peck, Richard, Frank Chaloupka, Prabhat Jha et James Lightwood. Cost-Ben- efit Analysis of Tobacco Consumption. Ranson, Kent, Prabhat Jha, Frank Chaloupka et Ayda Yurekli. Effectiveness and Cost-effectiveness of Price Increases and Other Tobacco Control Policy Interventions. Saffer, Henry. The Control of Tobacco Advertising and Promotion. Sunley, Emil M., Ayda Yurekli et Frank Chaloupka. The Design, Administra- tion, and Potential Revenue of Tobacco Excises: A Guide for Developing and Transition Countries. Taylor, Allyn L., Frank Chaloupka, Emmanuel Guindon et Michaelyn Corbett. Trade Liberalization and Tobacco Consumption. Van der Merwe, Rowena, Fred Gale, Thomas Capehart et Ping Zhang. The Supply-side Effects of Tobacco Control Policies. Woollery, Trevor, Samira Asma, Frank Chaloupka et Thomas E. Novotny. Other Measures to Reduce the Demand for Tobacco Products. Yurekli, Ayda, Son Nguyen, Frank Chaloupka et Prabhat Jha. Statistical Annex. APPENDICE C Remerciements C E rapport a considérablement bénéficié des idées, des apports tech- niques et des lectures critiques de nombreuses personnes et organisations. Les auteurs dont les travaux ont été utilisés dans le texte sont cités dans la Notice bibliographique. Les évaluateurs des documents de référence ou du rapport récapitulatif sont indiqués ci-dessous. Enfin, une série de consultations ont fourni aux auteurs des informations utiles. A. Évaluateurs des documents de référence ou du rapport récapitulatif Iraj Abedian, Samira Asma, Peter Anderson, Enis Baris, Howard Barnum, Edith Brown-Weiss, Neil Collishaw, Michael Ericksen, Christine Godfrey, Robert Goodland, Ramesh Govindaraj, Vernor Griese, Jack Henningfield, Chee-Ruey Hsieh, Teh-Wei Hu, Gregory Ingram, Paul Isenman, Steven Jaffee, Dean Jamison, Michael Linddal, Alan Lopez, Dorsati Madani, Will Manning, Jacob Meerman, Cyril Muller, Philip Musgrove, Richard Peck, Richard Peto, Markku Pekurinen, John Ryan, David Sweanor, John Tauras, Joy Townsend, Adam Wagstaff, Kenneth Warner, Trevor Woollery, Russell Wilkins, Witold Zatonski, Barbara Zolty et Mitch Zeller. 97 98 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE B. Consultations 1. Examen du projet de rapport préliminaire et des principaux aspects économiques Le 27 aout 1997, à la 10e conference sur le Tabac ou la santé, Beijing (Chine), organisée avec le concours de la Banque mondiale. Président de séance : Thomas Novotny Participants : Iraj Abedian, Frank Chaloupka, Simon Chapman, Kishore Chaudhry, Neil Collishaw, Vera Luisa da Costa y Silva, Prakash Gupta, Laksmiati Hanafiah, Natasha Herrera, Teh-Wei Hu, Desmond Johns, Prabhat Jha, Luk Joossens, Ken Kyle, Eric LeGresley, Michelle Lobo, Judith Mackay, Patrick Masobe, Kathleen McCormally, Zofia Mielecka-Kubien, Rafael Olganov, Alex Papilaya, Terry Pechacek, Milton Roemer, Ruth Roemer, Lu Rushan, Cecilia Sepulveda, David Simpson, Paramita Sudharto, Joy Townsend, Sharad Vaidya, Rowena Van Der Merwe, Kenneth Warner, Shaw Watanabe, David Zaridze et Witold Zatonski. 2. Examen initial du plan et du contenu des documents de référence Le 20 février 1998, à la conférence de l’Université du Cap sur « L’économie du tabac : vers une gamme d’interventions optimales », le Cap (Afrique du Sud), organisée avec le concours de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Lausanne et de l’Université du Cap. Président de séance : Paul Isenman Participants : Iraj Abedian, Judith Bale, Enis Baris, Frank Chaloupka, David Collins, Neil Collishaw, Brian Easton, Helmut Geist, Chee-Ruey Hsieh, Teh-Wei Hu, Prabhat Jha, Luk Joossens, Kamal Nayan Kabra, Pamphil Kweyuh, Helen Lapsley, Judith Mackay, Eddie Maravanyika, Sergiusz Matusia, Thomas Novotny, Fred Paccaud, Richard Peck, Krzysztof Przewozniak, Yussuf Saloojee, Conrad Shamlaye, Timo- thy Stamps, Krisela Steyn, Frances Stillman, David Sweanor, Joy Townsend, Rowena Van Der Merwe, Kenneth Warner et Derek Yach. 3. Réunion d’examen technique pour les économistes Les 22–24 novembre 1998, à Lausanne (Suisse), organisée par l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Lausanne et la Banque mondiale. REMERCIEMENTS 99 Co-présidents de séance : Felix Gutzwiller et Fred Paccaud Participants : Iraj Abedian, Nisha Arunatilleke, Martin Bobak, Phyllida Brown, Frank Chaloupka, David Collins, Jacques Cornuz, Christina Czart, Nishan De Mel, Jean-Pierre Gervasoni, Peter Heller, Tomasz Hermanowski, Alberto Holly, Teh-Wei Hu, Paul Isenman, Dean Jamison, Prabhat Jha, Luk Joossens, Jim Lightwood, Helen Lapsley, David Merriman, Phillip Musgrove, Son Nguyen, Richard Peck, Markku Pekurinen, Thomson Prentice, Kent Ranson, Marie- France Raynault, John Ryan, Henry Saffer, David Sweanor, John Tauras, Allyn Taylor, Joy Townsend, Rowena van der Merwe, Kenneth Warner, Trevor Woollery et Ayda Yurekli. 4. Examen par les experts extérieurs Le 17 mars1999, à Washington (États-Unis). Réunion parrainée par l’Office on Smoking and Health, Centers for Disease Control and Prevention des États- Unis. Président de séance : Michael Ericksen Participants : Iraj Abedian, Samira Asma, Judith Bale, Enis Baris, Phyllida Brown, Frank Chaloupka, Peter Heller, Paul Isenman, Prabhat Jha, Nancy Kaufman, Thomas Loftus, Judith Mackay, Caryn Miller, Rose Nathan, Son Nguyen, Fred Paccaud, Anthony So, Roberta Walburn, Kenneth Warner, Trevor Woollery, Derek Yach et Ayda Yurekli. APPENDICE D Le monde par niveau de revenu et par région (nomenclature de la Banque mondiale) Pays à Afrique Amérique latine Asie de l’Est Asie Europe et Moyen-Orient et revenu élevé Autres pays à subsaharienne et Caraïbes et Pacifique du Sud Asie centrale Afrique du Nord OCDE revenu élevé Faible revenu Angola Guyana Cambodge Afghanistan Arménie Rép. du Yémen Bénin Haïti Chine Bangladesh Azerbaïdjan Burkina Faso Honduras Mongolie Bhoutan Bosnie- Burundi Nicaragua Myanmar Inde Herzégovine Cameroun RDP lao Népal Moldova Comores Viet Nam Pakistan Rép. kirghize Congo, Rép. Sri Lanka dém. du Tadjikistan Congo, Rép. du Côte d’Ivoire Érythrée Éthiopie Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Guinée équatoriale Kenya Lesotho (suite page suivante) 101 LE MONDE PAR NIVEAU DE REVENU ET PAR RÉGION (NOMENCLATURE DE LA BANQUE MONDIALE) (suite) 102 Pays à Afrique Amérique latine Asie de l’Est Asie Europe et Moyen-Orient et revenu élevé Autres pays à subsaharienne et Caraïbes et Pacifique du Sud Asie centrale Afrique du Nord OCDE revenu élevé Faible revenu (suite) Libéria Madagascar Malawi Mali Mauritanie Mozambique Niger Nigéria Ouganda Rép. centrafricaine Rwanda Sao Tomé- et-Principe Sénégal Sierra Leone Somalie Soudan Tanzanie Togo Zambie Zimbabwe Revenu intermédiaire, tranche inférieure Botswana Belize Corée, Maldives Albanie Algérie Cap-Vert Bolivie Rép. dém. de Bélarus Cisjordanie et MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Djibouti Colombie États féd. de Bulgarie Gaza Namibie Costa Rica Micronésie Estonie Égypte Swaziland Cuba Fidji Géorgie Iran, Dominique Indonésie Kazakhstan Rép. islamique d’ El Salvador Îles Marshall Lettonie Iraq Équateur Îles Salomon Lituanie Jordanie Grenade Kiribati Macédoine, Liban Guatemala Papouasie- ERY de Maroc Jamaïque Nelle-Guinée Ouzbékistan Rép. arabe Panama Philippines Roumanie syrienne Paraguay Samoa Russie, Féd. de Tunisie Pérou Thaïlande Turquie Rép. dominicaine Tonga Turkménistan Saint-Vincent-et- Vanuatu Ukraine les Grenadines Yougoslavie, Suriname Rép. féd. de Venezuela Revenu intermédiaire, tranche supérieure Afrique du Sud Antigua-et- Malaysie Croatie Arabie saoudite Gabon Barbuda Palaos Hongrie Bahreïn Maurice Argentine Samoa Île de Man Libye Mayotte Barbade américaines Malte Oman LE MONDE PAR NIVEAU DE REVENU ET PAR RÉGION Seychelles Brésil Pologne Chili Rép. slovaque Guadeloupe Rép. tchèque Mexique Slovénie Porto Rico St-Kitts-et-Nevis Ste-Lucie Trinité-et-Tobago Uruguay (suite page suivante) 103 LE MONDE PAR NIVEAU DE REVENU ET PAR RÉGION (NOMENCLATURE DE LA BANQUE MONDIALE) (suite) 104 Pays à Afrique Amérique latine Asie de l’Est Asie Europe et Moyen-Orient et revenu élevé Autres pays à subsaharienne et Caraïbes et Pacifique du Sud Asie centrale Afrique du Nord OCDE revenu élevé Revenu élevé Allemagne Andorre Australie Antilles Autriche néerlandaises Belgique Aruba Canada Bahamas Corée, Rép. de Bermudes Danemark Brunéi Espagne Chypre États-Unis Émirats arabes unis Finlande Groenland France Guyane Grèce française Irlande Guam Islande Hong Kong Italie (Chine) Japon Îles anglo- Luxembourg normandes Nelle-Zélande Îles Caïmans Norvège Îles Féroé Pays-Bas Îles Mariannes Portugal septentrionales Royaume-Uni Îles vierges Suède américaines Suisse Israël Koweït MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE Liechtenstein Macao Martinique Monaco Nouvelle- Calédonie Polynésie française Qatar Réunion Singapour Source : Banque mondiale, 1998 LE MONDE PAR NIVEAU DE REVENU ET PAR RÉGION 105 Notice bibliographique Chapitre 1. Les tendances mondiales du tabagisme L’analyse de la consommation et de l’épidémiologie s’inspire de Gajalakshmi et al., document de référence ; Lund et al., 1995 ; Ranson et al., document de référence ; Wald et Hackshaw, 1996, et World Health Organization, 1997. La partie relative au statut socio-économique s’inspire de Bobak et al., document de référence ; Académie chinoise de médecie préventive, 1997 ; Gupta, 1996 ; Jenkins et al., 1997 ; Obot, 1990 ; Hill et al., 1998 ; Rapports du Surgeon Gen- eral des États-Unis, 1989 et 1994 ; Gouvernement britannique, 1998 ; Wersall et Eklund, 1998 ; et White et Scollo, 1998. L’analyse de la libéralisation du commerce s’inspire de Chaloupka et Laixuthai, 1996 ; et Taylor et al., docu- ment de référence. Chapitre 2. Les conséquences du tabagisme pour la santé L’analyse de la dépendance nicotinique s’inspire de Charlton, 1996 ; Foulds, 1996 ; Lynch et Bonnie, 1994 ; Kessler, 1995 ; McNeill, 1989 ; et Rapports du Surgeon General des États-Unis, 1988, 1989 et 1994. L’examen de la charge de morbidité attribuable au tabagisme s’inspire de Bobak et al., document de référence ; Doll et Peto, 1981 ; Doll et al., 1994 ; Agence de protection de l’environnement, 1992 ; Gajalakshmi et al., document de référence ; Gupta, 1989 ; Jha et al., à paraître ; Liu et al., 1998 ; Meara, à paraître ; Niu et al., 107 108 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE 1998 ; Parish et al., 1995 ; Peto et al., 1994 ; Peto, Chen, et Boreham, 1999 ; et Faculté royale de médecine, 1992. Chapitre 3. Les fumeurs savent-ils quels risques ils courent et assument-ils leurs coûts ? L’analyse de la connaissance des risques pour la santé s’inspire de Ayanian et Cleary, 1999 ; Barnum, 1994 ; Chaloupka et Warner, sous presse ; Académie chinoise de médecie préventive, 1997 ; Johnston et al., 1998 ; Kenkel et al., document de référence ; Kessler, 1995 ; Levshin et Droggachih, 1999 ; Schoenbaum, 1997 ; Viscusi, 1990, 1991, et 1992 ; Weinstein,1998 et Zatonski, 1996. L’examen des coûts imposés aux autres s’inspire de Lightwood et al., document de référence, Manning et al., 1991 ; Pekurinen, 1992 ; Viscusi, 1995 ; Warner et al., sous presse ; et Banque mondiale 1994b. Chapitre 4. Réduire la demande de tabac Ce chapitre s’inspire de Abedian et al., 1998 ; Chaloupka et al., document de référence ; Chaloupka et Warner, sous presse ; Townsend, 1996 ; Jha et al., docu- ment de référence ; Kenkel et al., document de référence ; Laugesen et Meads, 1991 ; Novotny et al., document de référence ; Pekurinen, 1992 ; Ranson et al., document de référence ; Raw et al., 1999 ; Reid, 1996 ; Saffer et Chaloupka, 1999 ; Saffer et al., document de référence ; Tansel, 1993 ; Townsend, 1998 ; Département de la santé du Royaume-Uni, 1998 ; Rapport du Surgeon General des États-Unis, 1989 ; Warner et al., 1997 ; et Zatonski et al., 1999. Chapitre 5. Réduire l’offre de tabac Ce chapitre s’inspire de Altman et al., 1998 ; Berkelman et Buehler, 1990 ; Chaloupka et Warner, sous presse ; Crescenti, 1992 ; Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, 1998 ; Ginsberg, 1999 ; IEC, 1998 ; Joossens et al., document de référence ; Maravanyika, 1998 ; Merriman et al., document de référence ; Reuter, 1992 ; Taylor et al., document de référence ; Thursby et Thursby, 1994 ; Département de l’agriculture des Etats-Unis 1998 ; Van der Merwe, document de référence ; Warner, 1988 ; Warner et Fulton, 1994 ; Warner et al., 1996 ; et Zang et Husten, 1998. Chapitre 6. Les coûts et les conséquences de la lutte contre le tabagisme Ce chapitre s’inspire de Altman et al., 1998 ; Buck et al., 1995 ; Centers for Disease Control et Prevention, 1998 ; Chaloupka et al., document de référence ; NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 109 Doll et Crofton, 1996 ; Efroymson et al., 1996 ; Irvine et Sims, 1997 ; Jones, 1999 ; Joossens et al., document de référence ; McNicoll et Boyle, 1992 ; Murray et Lopez, 1996 ; Orphanides et Zervos, 1995 ; Suranovic et al., 1999 ; Townsend, 1998 ; Van der Merwe, 1998 ; Van der Merwe et al., document de référence ; Warner, 1987 ; Warner et Fulton, 1994 ; Warner et al., 1996 ; et Banque mondiale, 1993. Chapitre 7. Programme indicatif d’action Ce chapitre s’inspire de Jha et al., document de référence ; Abedian et al., 1998 ; OMS 1996a ; U.S. Surgeon General 1999 ; et Samet et al., 1997. Bibliographie Abedian, Iraj, Rowena van der Merwe, Nick Wilkins, and Prabhat Jha, eds. 1998. The Economics of Tobacco Control: Towards an Optimal Policy Mix. 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Index A C Accord général sur les tarifs douaniers Canada et le commerce (GATT), 67 fiscalité, 40, 41, 77 adolescents, 4, 17 mises en garde, 49–50 salive, 21, 22 substitution des cultures, 65 adolescents, risques, 30, 31–32 cancer du poumon, 24, 28 Afrique du Sud cardiopathies, 24, 25 fiscalité, 40, 41, 78 charge de morbidité, 22–23 mises en garde, 49 Chine, 17, 18, 19 âge, 19 délai entre l’exposition au taux de morbidité, 23 risque et la maladie, 24 voir également adolescents employés, 72 Asie du Sud, morbidité, 25 fiscalité et, 80 avantages, 3, 29 hausses de prix, 43, 46 lutte contre le tabagisme, 80 morbidité, 25 production de tabac, 62 B conséquences pour la santé, 2–3, Banque mondiale, politique sur le 21–28 tabac, 89 consommateurs défavorisés, 10, bidis, 45 25–26 Brundtland, Gro Harlem, 88 fiscalité et, 78–79 bupropion, 58 contrebande, 9, 10, 67–70 125 126 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE fabricants de tabac et, 69 épidémiologie, 90 fiscalité et, 78–79 États-Unis contre-offensive publicitaire, adolescents, 21–22, 31 médias, 51 délai entre l’exposition au risque Convention-cadre sur la lutte et la maladie, 23–24 anti-tabac, 11–12, 88 dépenses de santé, 34 coûts, 4–5, 30, 32–35, 90–91 employés, 71, 72 des substituts nicotiniques, 59 hausse des prix, 43, 44, 45–46 imposés aux autres, 32–35 informations de choc, 48 soins de santé, 4 exportateurs, 70 cultivateurs, aide, 74 exposition des non-fumeurs à la fumée. D Voir tabagisme passif délai entre l’exposition au risque et le décès, 23–24 F demande fabricants, 70 mesures de réduction, 39–60 faible teneur en goudron, 25 mesures de réduction autres que marques, 49 de prix, 48, 56–57 faible teneur en nicotine, 25 dépenses, 72–73 marques, 49 dépenses de santé, 32–35 famille, 47 financement, 36 fiscalité, 6–7, 35–36, 39–40, 92 sur la durée de vie, 33–34 consommateurs défavorisés et, dissuasion, 5–8 79–80 intervention des pouvoirs contrebande et, 75–79 publics, 35–36 coût-efficacité, 10–11 droits de consommation, 93–94 demande mondiale et, 44, 45 voir également fiscalité droits, 93–94 effets sur la consommation, 41 E fixation des taux, 93 éducation, 16, 17 harmonisation, 78 éducation sanitaire, 36 niveau optimal, 47 emploi, 72 recettes publiques et, 9, 76, 77 lutte contre le tabagisme et, régime fiscal différent, 36 67–71 taxes ad valorem, 40 enfants types, 40 de fumeurs, 28 Fonds monétaire international éducation sanitaire, 35 fiscalité, 93–94 publicité, 53 fumeurs risque, 30, 31–32 nombre potentiel de fumeurs qui enfants santé, 27 cesseraient de fumer, 57 INDEX 127 réguliers, 31 mises en garde, 49–51 morbidité, 24 G mortalité, 23, 87 grossesse, 27 N I nicotine impôts spécifiques sur le tabac, 40 dépendance, 2, 6, 21–22 incitations. Voir avantages retrait, 58 information, 48 niveau de consommation, 43 de choc, 7 nombre de cigarettes fumées, 16 initiative Se libérer du tabac, 88–89 Norvège, 16 institutions internationales, 11–12 interdiction. Voir restrictions O interventions axées sur l’offre 61–67, obstacles politiques au changement, interventions individuelles, 86 86–87 offre, réduire l’, 61–70 J Organisation mondiale de la santé, jeunes, restrictions sur l’accès aux Convention-cadre sur la lutte cigarettes, 62 anti-tabac, 11–12 L P lieu de travail, 56 parties prenantes, 90 lieux publics, 56 pays à faible revenu, 13–15 lutte contre le tabagisme, 8–11 âge, 17 conséquences, 71–83 dépenses de santé, 33–34 coût, 9–10, 71–83 hausse des prix et, 43–44 coûts de mise en œuvre, 83 mortalité, 23 coûts pour l’individu, 80–81 pays à revenu élevé, 14, 16, 30 rentabilité, 10–11, 81–83 délai entre l’exposition au risque et la maladie, 23, 24 M dépenses de santé, 32–33, maladies cardio-vasculaires, 25, 28 34–35 maladies vasculaires, 24 fiscalité, 48 Malawi, production de tabac, 62 fiscalité et recettes publiques, 78 mesures de lutte contre le tabagisme, hausses de prix et, 43–44 impact estimatif, 45–46 interdiction de la publicité, 53 mesures de réduction de la demande mortalité, 23 autres que de prix, 7–8, 77 résultats de recherches publiés, demande mondiale, 56 48–49 méthode de la Convention-cadre et substituts nicotiniques, 58–59 des protocoles, 88 pays à revenu intermédiaire, 13–15 128 MAÎTRISER L’ÉPIDÉMIE âge, 17 restrictions, 36, 56, 61–62, 82 dépenses de santé, 33–34 restrictions commerciales, 8–9, 14 mortalité, 3 internationales, 66–67 pays en développement, 14 résultats des recherches, publication, production de tabac, 62 48–49, 91 pays producteurs de tabac, en risques, 3–5, 29–32, 33 équilibre, 73 Royaume-Uni, 16 pays producteurs, employés, 73 adolescents, 22 Pays-Bas, dépenses de santé, 34 dépenses de santé, 33 Plan de travail accéléré, 88 employés, 73 poids à la naissance, 27 fiscalité, 41 politique, 11–12, 85–86, 93–94 hausse des prix, 45–46 dépenses de santé, 33 Pologne, 26 S éducation, 26 salive, 21–22 mises en garde, 49 schémas régionaux, 15 risques, 30–31 sevrage, 28, 80 pouvoirs publics, 11 arrêt de la cigarette dans le intervention, 35–36 monde, 18–19 recettes, 76, 77 efficacité, 58 prévalence, 16 soutien des prix, 65–66 prévention, 35 statut socio-économique, 16 priorités de la recherche, 90–91 substitution et diversification des prix cultures, 8, 62–65 contrebande et, 67 substituts nicotiniques, 8, 57–60 toxicomanie et réaction, 43–44, rentabilité, 82 45–46 subventions, 65–66 programmes de maîtrise du Suisse, dépenses de santé, 34 tabagisme en milieu scolaire, 51 Surgeon General, 49 promotion. Voir publicité publication, résultats des recherches, T 48–49, 91 tabagisme passif, 27–28, 47 publicité, 52 taxes ad valorem, 40 interdiction, 53 tendances, 2, 13–20 voir également contre-publicité Thaïlande, interdiction, 67 timbres fiscaux, 69 R toxicomanie, 37 Rapport de stratégie sectorielle Turquie, mises en garde, 50 (1997), 89 recettes publiques, 40, 41, 77 U recommandations, 91–92 Union européenne, interdiction de la répartition régionale, 15 publicité, 53, 54–55 INDEX 129 V Viet Nam, 20 Z Zimbabwe employés, 72 production de tabac, 62, 65