BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA L’économie de la reconstruction d’après-guerre dans la région MENA Avril 2017 GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA L’économie de la reconstruction d’après-guerre dans la région MENA © 2017 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés 1 2 3 4 19 18 17 16 Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Aucune des dispositions précédentes ne constitue une limite ou une renonciation à l’un quelconque des privilèges et immunités de la Banque mondiale, et ne peut être interprétée comme telle. Tous lesdits privilèges et immunités de la Banque mondiale sont expressément réservés. Droits et licences L’utilisation de cet ouvrage est soumise aux conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 IGO (CC BY 3.0 IGO) http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/igo. Conformément aux termes de cette licence, il est possible de copier, distribuer, transmettre et adapter le contenu de l’ouvrage, notamment à des fins commerciales, sous réserve du respect des conditions suivantes : Mention de la source — L’ouvrage doit être cité de la manière suivante : Shanta Devarajan, Lili Mottaghi. 2017. « L’économie de la reconstruction d’après-guerre au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ». Rapport de suivi de la situation économique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (avril), Banque mondiale, Washington, DC. doi: 10,1596/978-1-4648-1085-5. Licence: Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO Traductions — Si une traduction de cet ouvrage est produite, veuillez ajouter à la mention de la source le déni de responsabilité suivant : Cette traduction n’a pas été réalisée par la Banque mondiale et ne doit pas être considérée comme une traduction officielle de cette dernière. 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Il a été rédigé par Shanta Devarajan et Lili Mottaghi, avec des contributions d’Abdallah Al Dardari, Elena Ianchovichina et Hideki Matsunaga. Nous remercions Wilfried Engelke, Michael Schaeffer, Khalid El Massnaoui, Elena Ianchovichina et Harun Onder de leurs précieuses observations sur la version préliminaire du rapport. Rita El Achkar a contribué aux travaux de recherche et Isabelle Chaal-Dabi a fourni un excellent soutien administratif. Les notes de pays se fondent sur les rapports établis par les économistes-pays suivants, sous la direction d’Éric Le Borgne : Fulbert Tchana Tchana, Jean-Pierre Chauffour, Abdoulaye Sy, Khalid El Massnaoui, Majid Kazemi, Kamer Karakurum- Ozdemir, Luca Bandiera, Lea Hakim, Wissam Harake, Julie Lohi, Ibrahim Chowdhury, Hoda Youssef, Wilfried Engelke, Nur Nasser Eddin, Harun Onder, Tehmina Khan et Sahar Hussain. Table des matières Évolution économique récente et perspectives 1 Perspectives de l’économie mondiale 1 Évolution du marché pétrolier 2 Évolution économique récente et perspectives pour la région MENA 3 Risques et défis 10 L’économie de la reconstruction d’après-guerre dans la région MENA 12 Introduction 12 Syrie 14 L’avant-guerre (de 1970 à 2010) 14 La guerre civile (de 2011 à aujourd’hui) 19 Coûts humains 20 Coûts physiques 24 Coûts économiques 29 Les coûts de la reconstruction de l’économie syrienne 33 Reconstitution du capital humain 34 Yémen 36 L’avant-guerre (de 1970 à 2010) 36 La guerre civile (de 2015 à aujourd’hui) 38 Coûts humains 38 Coûts physiques 39 Coûts économiques 40 Libye 40 L’avant-guerre (de 1970 à 2010) 40 La guerre civile (de 2011 à aujourd’hui) 42 Coûts humains 42 Coûts physiques 44 Coûts économiques 45 Principes de la reconstruction d’après-guerre dans la région MENA 46 Références 54 Notes de pays Graphiques Graphique 1.1 Perspectives de croissance à l’échelle mondiale (%) 1 Graphique 1.2 Brent à terme pour livraison en mai 2017 (dollars) 3 Graphique 1.3 Situation macroéconomique de la région MENA 4 Graphique 1.4 Indice Gallup d’insatisfaction 9 Graphique 2.1 Indicateurs syriens de la santé et de l’éducation 16 Graphique 2.2 Syrie : estimation de la limite d’efficacité des dépenses, 2000-2010 17 Graphique 2.3 Situation économique de la Syrie 18 Graphique 2.4 Syrie : coût des années de non-scolarisation 22 Graphique 2.5 L’économie de la guerre en Syrie 32 Graphique 2.6 L’économie du Yémen avant la guerre 37 Graphique 2.7 L’économie de la Libye avant la guerre 42 Cartes Carte 2.1 La pauvreté générale en Syrie, 2015 30 Carte 2.2 Dommages causés aux infrastructures de Benghazi (août 2015-avril 2016) 46 Encadrés Encadré 1.1 Récentes réformes dans les pays du CCG 7 Encadré 2.1 La haute efficacité des dépenses publiques syriennes 17 Encadré 2.2 Enseignements de la reconstruction de l’Iraq après 2003 48 Encadré 2.3 Exemples de reconstruction réussie d’après-guerre : l’Allemagne et le Japon 49 Tableaux Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques de la région MENA 8 Tableau 2.1 Syrie : dommages estimés en prix constants et courants 25 Tableau 2.2 Syrie : estimation des dommages pour six villes et divers secteurs, mars 2016 26 Tableau 2.3 Libye : population vulnérable par secteur 43 Abréviations et sigles AED Analyse d’enveloppement des données BIRD Banque internationale pour la reconstruction et le développement CARE Organisation humanitaire de lutte contre la pauvreté mondiale CCG Conseil de coopération du Golfe CESAO Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale É.A.U. Émirats arabes unis É.-U. États-Unis EIA Agence américaine pour l’information sur l’énergie EIIL État islamique d’Iraq et du Levant FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture FMI Fonds monétaire international HCR Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ICE Intercontinental Exchange IDE Investissement direct étranger Mb/j Million de barils par jour MENA Région Moyen-Orient et Afrique du Nord MW Mégawatt OCHA Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies OMD Objectifs du Millénaire pour le développement ONU Organisation des Nations Unies OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole PIB Produit intérieur brut PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PPA Parité de pouvoir d’achat R.-U. Royaume-Uni SAR Riyal saoudien SCPR Centre syrien de recherche politique SYR Livre syrienne TVA Taxe sur la valeur ajoutée UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance UNOSAT Programme opérationnel pour les applications satellitaires (UNITAR) Évolution économique récente et perspectives Perspectives de l’économie mondiale Malgré une croissance décevante en 2016, l’activité économique mondiale devrait légèrement progresser à partir de 2017, grâce à la reprise de la croissance dans les marchés émergents et les économies en développement (graphique 1.1). La croissance mondiale a été estimée à 2,3 % en 2016, soit nettement moins qu’auparavant, en grande partie à cause du ralentissement de la croissance des pays exportateurs de produits de base d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine et du Moyen-Orient. Les faibles prix du pétrole ont particulièrement nui à l’activité économique de ces pays. La croissance aux États-Unis, dans la zone euro, en Chine et au Japon est également restée atone en raison de l’incertitude politique croissante et du ralentissement de l’investissement. La croissance mondiale devrait modestement reprendre en 2017 pour atteindre 2,7 %, puis 2,9 % en 2019, grâce à la légère hausse de l’activité économique des principaux pays exportateurs de produits de base. Le prix du pétrole reste faible, mais s’est stabilisé autour de 50 dollars le baril. En Russie et au Brésil, la crise devrait toucher à sa fin et la croissance devrait reprendre en 2017-19. Les faibles prix des produits de base et des politiques monétaires favorables devraient contribuer à la consolidation de la croissance dans les pays importateurs. Graphique 1.1 Perspectives de croissance à l’échelle mondiale (%) 2019p 2.9 2018p 2.9 2017p 2.7 2016e 2.3 2015 2.7 2014 2.7 Russie 1.8 Brésil 1.8 6.9 Chine États-Unis Zone euro 0.5 0.7 2.4 2 1.9 1.4 1.2 6.3 1.6 -3.7 -3.8 2014 2019p 2014 2019p 2014 2019p 2014 2019p 2014 2019p Source : Banque mondiale. Note : p = projection ; e = estimation. Les projections de croissance ne tiennent pas compte des effets de la politique de la nouvelle administration américaine. 1 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Ces projections de croissance sont soumises à divers risques. L’incertitude politique croissante liée au vote Brexit au R.-U., le changement d’administration aux É.-U., la possibilité d’une augmentation des taux d’intérêt et les prochaines élections en France et ailleurs pourraient assombrir les perspectives d’une reprise de la croissance mondiale. En revanche, les mesures de relance budgétaire et les autres politiques favorables à la croissance mises en œuvre par les grandes puissances économiques, en particulier les États-Unis, pourraient entraîner une reprise mondiale plus forte que prévu. L’évolution de l’économie américaine a d’importants impacts sur le reste du monde, directement, par le biais de sa demande d’importations, et indirectement, par le biais des retombées sur la productivité inhérentes au commerce. Selon la Banque mondiale, une augmentation d’un point de la croissance américaine pourrait stimuler celle des économies avancées de 0,8 % et celle des marchés émergents et des pays en développement de 0,6 % au bout d’un an. La croissance mondiale pourrait augmenter de 0,7 %. Compte tenu de ces risques, on estime à 50 % la probabilité que la croissance mondiale réelle se situe entre 2 et 3,2 % en 2017. Évolution du marché pétrolier Les prix du pétrole fluctuent avec la demande, l’offre et les stocks, lesquels dépendent directement de l’instabilité du marché pétrolier (Devarajan and Mottaghi, 2016a). D’importants stocks pèseront sur les prix du pétrole et, à moins qu’ils ne soient utilisés, toute remontée potentielle des cours sera limitée. Cette situation prévaut depuis juin 2014, lorsque les prix ont baissé des deux tiers, de 140 dollars le baril à moins de 50 dollars actuellement. Pour équilibrer l’offre et la demande, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a accepté la première réduction importante de sa production en huit ans, de quelque 1,25 million de barils par jour (Mb/j), portant ainsi son plafond à 32,5 Mb/j. L’Arabie saoudite en a absorbé l’essentiel, avec une réduction de 680 000 barils par jour. Cette baisse de la production a également été suivie par les producteurs hors OPEP, dont la Russie, et s’est soldée par une réduction de la production totale de 1,8 million de barils par jour à compter du 1er janvier 2017. Bien que cette mesure ait réussi à stimuler les prix pendant quelque temps après son annonce, cette hausse ne s’est pas inscrite dans la durée. Depuis fin février, les prix ont à peine dépassé 52 dollars le baril malgré le respect presque total de la réduction des quotas par les pays producteurs, membres ou non de l’OPEP. Cette situation tient essentiellement au fait que le marché connaît un bouleversement profond, les producteurs de schistes bitumineux américains venant remplacer l’OPEP en tant que producteurs régulateurs. Depuis le début de 2017, la production américaine d’huile de schiste augmente à un rythme sans précédent et compense ainsi le recul de la production de l’OPEP. Les prix supérieurs à 50 dollars le baril (seuil de rentabilité) encouragent les producteurs américains d’huile de schiste à augmenter leur nombre d’appareils de forage, mesure indirecte de l’activité pétrolière, et à accroître leur production. La production pétrolière du bassin permien, qui 2 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 couvre une partie de l’ouest du Texas et du sud-est du Nouveau-Mexique, a ainsi atteint 53 000 barils par jour en février 2017 et devrait passer à 70 000 barils par jour en mars. Qui plus est, la production des schistes d’Eagle Ford devrait croître de 14 000 barils en mars, pour atteindre une production totale d’un million de barils par jour. La récente évolution du marché pétrolier est également ressentie sur le marché à terme, avec des prix inférieurs à 50 dollars le baril – 49,25, 49,77 et 50,20 dollars pour une livraison en avril, mai et juin respectivement – suggérant ainsi que la remontée des prix pétroliers au-delà de 50 dollars le baril n’est pas prévue dans l’immédiat (graphique 1.2). Dans ces circonstances et en l’absence de choc de demande ou de diminution des stocks, le marché restera tributaire de l’offre et toute tentative de redressement des prix sera limitée, au moins jusqu’à la fin de la décennie. Graphique 1.2 Brent à terme pour livraison en mai 2017 (dollars) Source : Intercontinental Exchange (ICE) Évolution économique récente et perspectives pour la région MENA Entravée par la guerre, la violence et de faibles prix du pétrole, l’activité économique de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) est restée atone entre 2013 et 2015, avec une croissance annuelle moyenne de 2,4 %, soit la moitié de celle enregistrée pendant les années 2000. Après 2017, la situation devrait légèrement s’améliorer et la croissance devrait dépasser 3 % sur la période considérée (graphique 1.3). Bien qu’elle reste inférieure à son potentiel, l’amélioration de la croissance est une source d’espoir. Les signes de reprise observés dans certains pays de la région, notamment en Égypte et en Iran, la stabilité apparente du 3 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 marché pétrolier, malgré les faibles prix, et les impacts positifs des pourparlers de paix en cours en Syrie, au Yémen et en Libye, pourraient stimuler la croissance au cours de la période à venir. Dans ce contexte, la croissance moyenne de la région MENA a été estimée à 3,5 % en 2016, soit environ 1 % de plus que celle observée les années précédentes. La croissance des pays en développement de la région – principaux moteurs de la croissance régionale – devrait quant à elle atteindre 4,9 % en 2016, soit près de quatre fois son niveau de 2015 (1,1 %), et se stabiliser autour de 4 % d’ici à 2019. Graphique 1.3 Situation macroéconomique de la région MENA Source : Banque mondiale. Note : p = projection ; e = estimation. La croissance des pays exportateurs de pétrole aurait également augmenté en 2016, par rapport à son faible niveau des années précédentes (voir tableau 1.1). Les pays du CCG sont le 4 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 seul sous-groupe où la croissance a reculé, de 3,8 % en 2015 à 2 % en 2016, en raison des mesures d’austérité et de la baisse de la production pétrolière intervenues dans le cadre des réformes menées pour lutter contre les faibles prix du pétrole et la chute des revenus pétroliers (encadré 1.1). En 2017, la croissance de la région MENA devrait reculer jusqu’à 2,6 %, en raison du ralentissement de la croissance des économies exportatrices de pétrole (2,4 %, soit 1,1 % de moins qu’en 2016). Celui-ci est essentiellement lié à une contraction qui sera sans doute observée à court terme en Iraq, alors que le pays applique la réduction approuvée de la production d’environ 180 000 barils par jour. Parallèlement, le Yémen et la Libye devraient connaître une croissance positive sous l’effet de l’augmentation de la production du secteur des hydrocarbures. La croissance des pays importateurs de pétrole devrait atteindre 3,5 % en 2017, contre 2,9 % l’année précédente ; presque tous les pays de ce sous-groupe devraient obtenir de meilleurs résultats que l’année précédente. Le solde budgétaire et la balance des opérations courantes de l’ensemble de la région devraient connaître une nette amélioration tout au long de la période considérée (voir graphique 1.3, en haut à droite). Les pays de la région ont en moyenne connu des années d’excédent budgétaire avant le printemps arabe 2011 et la chute des prix du pétrole en 2014. En 2010, l’excédent total s’élevait à 110 milliards de dollars, soit environ le PIB du Koweït et plus que celui du Liban, de la Libye et du Maroc. Cet énorme volume d’épargne a essentiellement financé les subventions à l’alimentation et aux carburants (près de 10 % du PIB) ainsi que l’importante masse salariale du secteur public (plus de la moitié des dépenses totales au Yémen et en Libye) ; une part nettement moins importante a été consacrée aux investissements. Cette situation a entraîné de forts taux de chômage, en particulier chez les jeunes et les femmes, et un climat économique difficile, qui ont contribué aux soulèvements du printemps arabe de 2011 (Devarajan and Mottaghi, 2015a). L’énorme excédent budgétaire enregistré dans la région MENA en 2010 s’est transformé en un déficit de 285 milliards de dollars en 2016, essentiellement financé par l’émission d’obligations et la ponction dans les réserves. Alors que des pays comme l’Égypte et plusieurs exportateurs de pétrole engagent les réformes nécessaires (voir encadré 1.1), le déficit budgétaire devrait nettement se réduire dans la région, pour atteindre 1,5 % du PIB total, soit 52 milliards, en 2019. Des signes de reprise sont observés en Égypte et en Iran. L’Égypte met en œuvre d’importantes réformes visant les recettes et les dépenses budgétaires, notamment : l’instauration de la TVA et la réforme du service public l’année dernière ; le flottement du taux de change ; et l’augmentation des prix des carburants à des niveaux proches des prix mondiaux. L’investissement direct étranger devrait en conséquence doubler en 2017 pour atteindre 5 milliards de dollars. Le taux de croissance devrait rester élevé, autour de 5 % en 2019. Les déficits budgétaires et courants s’amélioreront au cours de la période considérée. Le ratio élevé de la dette au PIB et la forte inflation, notamment depuis le flottement du taux de change, 5 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 restent toutefois préoccupants. Les regards sont tournés vers l’Iran depuis la mise en œuvre du Plan d’action global commun de l’année dernière, alors que le pays attire davantage d’investissements directs étrangers (IDE), essentiellement dans le secteur pétrolier. Après un recul de 1,8 % l’année précédente, la croissance a été estimée à 6,4 % en 2016, en raison de l’essor des industries extractives et manufacturières, des services et de l’agriculture. Les exportations pétrolières ont nettement augmenté sous l’effet de la hausse de la production, de 3,2 millions de barils par jour en 2015 à 3,7 millions en 2016, et 4,2 millions en 2017 (projection). Cette situation devrait se traduire par la forte augmentation de l’excédent des paiements courants, de 2,7 % du PIB en 2015 à 6,5 % en 2017. L’Iran est l’un des deux pays devant enregistrer un excédent des paiements courants en 2017 et le seul pays à avoir un déficit budgétaire de moins de 1 % du PIB au cours de la même année (voir tableau 1.1). Le budget devrait être excédentaire en 2018. Compte tenu de ce qui précède, nous prévoyons que la croissance restera supérieure à 4 % d’ici à 2019, soit supérieure à celle des autres pays exportateurs de pétrole de la région. 6 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Encadré 1.1 Récentes réformes dans les pays du CCG Le rythme des réformes dans les pays du CCG s’est intensifié en 2016, car les gouvernements de la sous-région estiment que les prix du pétrole resteront faibles. Malgré le récent accord entre les pays (membres ou non de l’OPEP) de réduire leur production de pétrole pour relancer les prix, les cours à terme pour une livraison en mars se situent autour de 53,44 dollars, suggérant ainsi que les prix ne devraient pas remonter dans un avenir proche ou tout au moins avant la fin de la décennie. Ceci est essentiellement lié à l’accélération des forages pétroliers aux États-Unis, qui compense les tendances haussières découlant du respect de la baisse annoncée de la production par les pays de l’OPEP (Devarajan and Mottaghi, 2016a). Les récentes mesures comprennent l’augmentation des tarifs des services publics, des prix des carburants et de la fiscalité des expatriés, la modification des lois sur le marché du travail, ainsi que l’émission d’obligations pour financer les importants déficits budgétaires. Ces mesures comprennent : Financement : L’Arabie saoudite a levé 17,5 milliards de dollars grâce à une vente d’obligations internationales et le Qatar a vendu 15 milliards QAR (4,1 milliards de dollars) d’obligations sur les marchés obligataires locaux. Bahreïn a émis 2 milliards de dollars d’obligations internationales, dont la moitié en obligations islamiques (sukuk). L’Oman a émis 5 milliards de dollars d’obligations internationales. Le Koweït devrait lever 8 milliards de dollars dans le cadre de sa première émission d’obligations internationales. Fiscalité : L’Arabie saoudite a supprimé les subventions et augmenté les droits prélevés par les services publics pour la délivrance de passeports, les permis de conduire, les transferts de véhicules automobiles, les infractions au code de la route, le renouvellement des permis de résidence des employés de maison ; a augmenté les droits de douane sur 193 produits ; et prévoit d’instaurer une taxe sur les boissons sucrées et le tabac en avril 2017. Les nouveaux droits de visa comprennent 8000 SAR (environ 2 133 dollars) pour un visa de deux ans à entrées multiples, ainsi que la réduction des avantages associés à un visa à entrées multiples de 5000 SAR (environ 1 334 dollars) de 6 à 3 mois. Le conseil des ministres a approuvé l’instauration d’une TVA de 5 % à compter du début de l’année 2018. Abu Dhabi a instauré une nouvelle redevance municipale de 3 % sur les contrats de location visant les expatriés. L’Oman a relevé l’impôt sur le revenu avec d’importantes modifications concernant les petites entreprises, augmenté de 50 % les droits de visa et instauré des taxes d’aéroport supplémentaires de 2 riyals omanais (5,18 dollars). Bahreïn a augmenté les droits de visa et le Qatar a instauré de nouvelles redevances pour les permis de consommation d’alcool visant les expatriés. Au Koweït, les permis de travail ont augmenté, passant d’environ 6,63 dollars (2 dinars koweïtiens) à 165,78 dollars (50 dinars koweïtiens), tandis que leur renouvellement est passé d’environ 6,63 dollars (2 dinars koweïtiens) à 33,16 dollars (10 dinars koweïtiens). Subventions : Le conseil des ministres du Koweït a approuvé l’augmentation des prix de 41 % pour l’essence à faible indice d’octane et de 83 % pour l’essence à faibles émissions, à compter de septembre. Le Qatar a augmenté les prix de l’essence de 30 %, le prix d’un litre d’essence sans plomb étant dorénavant de 0,36 dollar. Les prix de l’essence ont augmenté de 60 % à Bahreïn, pour atteindre 1,25 dollar le galon pour l’essence ordinaire et 1,60 dollar le galon pour le super. L’Oman a réduit les subventions en augmentant les prix de l’essence de 33 % pour le super et de 23 % pour l’ordinaire. L’Arabie saoudite a augmenté les prix de 50 à 66 %, soit 0,75 SAR pour un litre d’essence à indice d’octane 91 et 0,90 SAR pour l’essence à indice d’octane 95. Le gouvernement des É.A.U. a adopté une approche différente de celle des autres pays du CCG et a aligné les prix de l’essence sur les cours mondiaux du pétrole. Affaires : Le conseil des ministres des É.A.U. a approuvé la loi sur les faillites, qui devrait entrer en vigueur au premier semestre 2017 après sa signature présidentielle. Cette loi entend préserver les droits des créanciers et débiteurs en cas d’insolvabilité, y compris les mesures donnant la priorité aux droits des créanciers garantis, et permet aux entreprises de se restructurer sans l’approbation de tous les créanciers. 7 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Source : The Arab Gulf State Institute in Washington, Gulf Economic Barometer, mars 20, 2017. Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques de la région MENA Croissance du PIB réel (%) Solde budgétaire (% du PIB) Balance des opérations courantes (% du PIB) 2014 2015 2016e 2017p 2018p 2019p 2014 2015 2016e 2017p 2018p 2019p 2014 2015 2016e 2017p 2018p 2019p MENA 2,7 2,5 3,5 2,6 3,2 3,2 -2,1 -9,4 -10,1 -5,6 -3,6 -1,5 5,7 -4,4 -4,8 -2,4 -0,7 -0,1 Pays MENA en 2,0 1,1 4,9 3,7 4,0 3,8 -7,3 -10,4 -8,9 -5,0 -3,4 -2,2 -2,9 -6,5 -6,1 -3,5 -2,8 -2,4 développement Pays exportateurs de 2,6 2,2 3,5 2,4 2,9 2,9 -0,5 -9,6 -10,3 -5,3 -2,9 -0,5 8,1 -4,1 -4,1 -1,4 0,5 1,2 pétrole Pays du CCG 3,2 3,8 2,0 1,5 2,3 2,6 2,8 -8,5 -11,3 -6,2 -3,7 -0,9 13,6 -2,3 -3,6 -1,4 1,2 2,0 Bahreïn 4,4 2,9 3,4 1,9 1,9 2,3 -3,4 -12,8 -12,6 -9,8 -8,9 -7,6 4,6 -2,4 -4,6 -3,8 -3,5 3,5 Koweït 0,5 1,8 3,0 2,5 2,6 3,2 18,0 -0,4 0,5 4,6 4,8 4,7 33,2 7,5 1,9 5,0 5,5 6,1 Oman 2,5 5,7 2,2 0,9 2,4 2,9 -3,6 -16,5 -20,3 -13,9 -9,2 -7,4 5,2 -15,5 -16,2 -14,4 -9,8 -6,7 Qatar 4,0 3,5 2,9 3,3 2,6 2,5 12,6 1,4 -8,2 -2,3 0,7 2,4 24,0 8,3 -2,3 -0,8 1,2 2,8 Arabie saoudite 3,7 4,1 1,4 0,6 2,0 2,1 -3,4 -15,1 -18,1 -10,6 -6,7 -1,7 9,7 -8,6 -6,5 -4,0 0,5 0,9 É.A.U. 3,1 3,8 2,3 2,0 2,5 3,2 5,0 -2,1 -3,5 -2,2 -1,9 -1,0 10,1 3,3 1,3 3,0 3,2 3,4 Pays exportateurs de 1,7 -0,3 5,9 3,8 4,0 3,5 -6,2 -11,4 -8,5 -3,7 -1,5 0,0 -1,4 -7,1 -5,0 -1,3 -0,6 -0,1 pétrole en développement Algérie 3,8 3,9 3,8 1,5 0,6 1,5 -7,3 -16,2 -12,2 -4,7 -2,4 -1,0 -4,4 -16,5 -15,6 -12,6 -10,6 -9,5 Iran, Rép. islamique d’ 4,3 -1,8 6,4 4,0 4,1 4,2 -1,2 -1,9 -1,5 -0,6 0,2 1,1 3,8 2,7 6,5 6,5 5,5 4,6 Iraq 0,7 4,8 10,1 -3,1 2,6 1,1 -5,3 -12,3 -8,2 -4,4 -3,6 -1,0 2,6 -6,5 -7,2 -4,5 -4,7 -2,5 Libye -24,0 -8,9 -2,5 40,1 19,7 11,4 -43,3 -76,9 -52,7 -18,8 -6,1 -1,9 -46,1 -67,1 -50,8 -15,3 -5,1 -2,5 République arabe -18,0 -15,8 -4,0 … … … -19,3 -20,2 -18,2 … … … -19,0 -8,4 -9,9 … … … syrienne Yémen, Rép. du -0,2 -28,1 -9,6 5,0 … … -6,8 -11,1 -9,0 -10,3 … … -1,7 -5,5 -5,6 -4,2 … … Pays importateurs de 2,6 3,7 2,9 3,5 3,9 4,3 -9,4 -9,0 -9,5 -7,5 -6,9 -6,0 -5,3 -5,7 -7,7 -7,9 -6,9 -6,3 pétrole en développement Djibouti 6,0 6,5 6,5 7,0 7,0 7,2 -10,8 -21,7 -15,5 -1,9 -1,5 -1,2 -24,7 -33,0 -31,1 -22,2 -17,7 -14,4 Égypte, République 2,9 4,4 4,3 3,9 4,6 5,3 -11,5 -11,0 -12,1 -10,5 -9,2 -7,3 -0,9 -3,8 -6,1 -5,5 -4,4 -3,8 arabe d’ Jordanie 3,1 2,4 2,0 2,3 2,6 3,0 -14,2 -6,9 -6,2 -5,0 -3,1 -2,2 -7,3 -9,1 -7,3 -8,5 -7,4 -5,9 Liban 1,8 1,3 1,8 2,5 2,6 2,6 -6,6 -8,2 -10,0 -9,5 -9,8 -9,4 -25,4 -17,1 -20,9 -20,2 -19,2 -19,2 Maroc 2,6 4,5 1,1 3,8 3,7 3,6 -4,7 -4,3 -3,9 -3,0 -3,0 -3,0 -5,7 -1,9 -4,0 -4,2 -4,0 -4,0 Tunisie 2,3 1,1 1,0 2,3 2,8 3,2 -5,0 -5,6 -6,0 -5,9 -5,5 -5,0 -9,1 -8,9 -9,0 -8,4 -7,6 -7,1 Cisjordanie et Gaza -0,2 3,4 4,3 3,5 3,4 3,4 -12,5 -11,4 -8,1 -9,7 -9,4 -9,2 -6,7 -15,9 -16,3 -15,5 -15,4 -15,8 Source : Banque mondiale. Note : e = estimation ; p = projection. Les soldes budgétaires de la Jordanie, de la Tunisie, de la Cisjordanie et de Gaza, et du Yémen ne tiennent pas compte des dons. Les données concernant l’Égypte correspondent à l’exercice budgétaire (juillet à juin). En l’absence de données sur la Syrie et le Yémen, 7 les moyennes régionales et sous-régionales ne sont pas nécessairement comparables dans le temps. Bien que la majorité des indicateurs macroéconomiques devraient s’améliorer dans la région, ses habitants ont une perception différente de leur vie. Le graphique 1.4 illustre les réponses d’habitants de certains pays MENA concernant leur niveau de satisfaction personnelle. Les résultats du sondage Gallup de 2017 indiquent que les populations de l’Iraq, du Yémen et de la Syrie sont celles ayant le plus souffert depuis le printemps arabe : leur indice d’insatisfaction a augmenté en moyenne de 15 % entre 2010 et 2016. Les populations de l’Algérie, du Koweït, des É.A.U., de la Tunisie, de la Palestine et de la Jordanie estiment également que leur qualité de vie s’est dégradée, bien qu’à un niveau moindre, en raison des retombées négatives de la guerre, du terrorisme et de la baisse des recettes publiques liée aux faibles prix du pétrole. Cette situation n’est pas sans rappeler la période précédant le printemps arabe, lorsque l’ensemble de la région connaissait une croissance moyenne de 5 %, voire plus en Égypte, en Tunisie, au Yémen et en Syrie, alors que les indicateurs de satisfaction de la vie déclinaient, en particulier dans les pays du printemps arabe (Devarajan and Ianchovichina, 2017). En l’occurrence, la population a manifesté son mécontentement général face à l’exclusion, l’absence de représentation et de liberté, le chômage et la piètre qualité des services en déclenchant une vague de révolutions en 2010-11. En revanche, les taux d’insatisfaction se sont légèrement améliorés en Égypte et au Maroc, où des réformes sont en cours. Graphique 1.4 Indice Gallup d’insatisfaction Algérie Égypte Iraq Jordanie Maroc 10 30 30 20 20 9 20 20 15 12 8 10 10 10 4 2010 2016 2010 2016 2010 2016 2010 2016 2010 2016 Palestine Syrie Koweït Tunisie Yémen 30 40 5 30 40 4 30 20 20 3 30 20 10 2 10 10 1 0 20 2010 2016 2010 2016 2010 2016 2010 2016 2010 2016 Source : Sondage Gallup 2017. Note : L’indice de satisfaction de la vie mesure la manière dont les sondés voient leur situation aujourd’hui et à l’avenir. Il leur est demandé d’évaluer leur vie en imaginant une « échelle » avec des 9 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 barreaux numérotés de 0 à 10, où « 0 » représente la pire vie possible et « 10 » la meilleure vie possible. Les taux d’insatisfaction sont calculés pour des notes de satisfaction de la vie inférieures ou égales à 4. Résultats et défis Les risques pesant sur les perspectives à court terme comprennent l’instabilité excessive des prix du pétrole, l’intensification de la guerre et de la violence et l’incertitude quant à la politique de la nouvelle administration américaine vis-à-vis de la région. En revanche, les résultats positifs des pourparlers de paix en cours en Syrie et, dans une certaine mesure, au Yémen et en Libye, ainsi que la réduction des rébellions en Iraq pourraient améliorer les perspectives à court terme de la région. Les risques pesant sur la croissance à long terme sont multiples. Les conflits et les guerres par procuration, l’instabilité politique, la corruption et la mauvaise gouvernance peuvent avoir des effets dévastateurs sur le potentiel de croissance. Les principaux défis à relever pour soutenir une croissance forte et solidaire dans la région comprennent la fin des hostilités, l’amélioration des conditions macroéconomiques et la mise en œuvre de réformes microéconomiques pour créer un climat favorable au secteur privé. Mais le plus important est de maintenir la dynamique politique en faveur des réformes. Parallèlement, les perspectives d’une reprise de la croissance et d’une trajectoire de croissance forte et durable sont tangibles. Premièrement, des réformes doivent être menées dans les pays exportateurs et importateurs de pétrole. De nombreux gouvernements ont déjà réformé leurs subventions et pris des mesures d’austérité (voir encadré 1.1), mais d’autres mesures devront être prises pour augmenter les recettes et ainsi préserver la stabilité macroéconomique et renforcer la croissance. Les politiques doivent être améliorées pour promouvoir l’investissement privé aux côtés de l’investissement public. Les réformes visant la réduction des effectifs de la fonction publique et de l’écart des salaires entre les secteurs public et privé devraient être au cœur de la stratégie de croissance. Enfin, la stabilité macroéconomique devrait bénéficier de solides cadres budgétaires et de stratégies de communication claires. Deuxièmement, le système éducatif devrait être radicalement transformé pour améliorer la qualité et la pertinence des acquis. Une réorientation du système éducatif de la région vers l’acquisition de compétences professionnelles applicables dans un contexte de haute technologie est essentielle pour stimuler l’entrepreneuriat et l’emploi. Les entreprises technologiques sont ainsi les employeurs privés les plus recherchés des jeunes en Arabie saoudite, aux É.A.U., au Qatar et au Koweït. Il est également important d’augmenter le taux d’activité des femmes en promouvant le secteur privé formel. Le commerce de détail saoudien a ainsi été une importante source de travail pour les femmes. Troisièmement, les pays exportateurs de pétrole ont vu leur croissance fluctuer avec celui-ci. Il y a donc lieu de stimuler la croissance dans le secteur des produits exportables non pétroliers, 10 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 pour réduire l’exposition à l’instabilité des prix et créer des emplois productifs dans le secteur privé. L’amélioration du climat des affaires et la réduction des obstacles aux échanges dans les pays du CCG (y compris dans le secteur des services) devraient favoriser la concurrence. La privatisation pourrait également y contribuer, compte tenu de l’important rôle du secteur public dans les pays exportateurs de pétrole, y compris ceux du CCG, mais elle devra prévoir l’instauration de réglementations appropriées après les réformes. Enfin, l’essor du commerce intrarégional sera l’un des éléments essentiels pour améliorer les perspectives de croissance, car l’intégration régionale pourrait offrir des perspectives d’échanges avec les marchés mondiaux, tels que l’Europe et l’Asie, exploiter des économies d’échelle au niveau des infrastructures, voire renforcer la confiance entre les pays de la région, dont certains sont engagés dans des guerres par procuration. Alors que la violence et les conflits ont contribué à la faible croissance enregistrée dans la région MENA ces six dernières années, les perspectives de paix en Syrie, au Yémen et en Libye restent l’un des facteurs susceptibles d’encourager la reprise de la croissance au cours de la décennie à venir. Mais la réalisation de ce potentiel dépend largement de la manière de mener la reconstruction d’après-guerre. Un processus bien géré pourrait aider les pays ravagés par la guerre à reconstruire leurs économies et à réintégrer leur population pour le bien commun de l’ensemble de la région, voire du reste du monde. À l’inverse, un processus mal géré pourrait entraîner de nouveaux conflits, une stagnation et des souffrances prolongées et une fragilité chronique. L’économie de la reconstruction d’après-guerre façonnera donc l’avenir des pays de la région MENA, comme on le verra au chapitre suivant. 11 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 L’économie de la reconstruction d’après-guerre dans la région MENA Introduction La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) connaît la guerre depuis des siècles. Plus récemment, la guerre Iran-Iraq (1980-88) et la guerre civile yéménite (1962-70) ont duré huit ans ; la guerre civile libanaise (1975-90) a sévi pendant plus longtemps ; et le conflit israélo- palestinien s’est envenimé plusieurs fois, en particulier à Gaza. Tous ces conflits ont fait un grand nombre de victimes et causé d’énormes dommages matériels. Mais les guerres civiles qui déchirent actuellement la Syrie, la Libye et le Yémen1 se distinguent à de nombreux égards. Premièrement, ces guerres ont eu des effets destructeurs sur presque tous les aspects de ces économies. En particulier, le secteur pétrolier, essentiel à la survie des états, a vu son infrastructure détruite, avec les conséquences négatives sur la production que cela implique. La violence a créé de nouveaux groupes vulnérables, tels que les chômeurs, les ménages dirigés par des femmes, les enfants nés en période de conflit et les handicapés. En particulier :  La guerre civile syrienne a fait environ 500 000 morts, déplacé la moitié de la population – dont un tiers à l’étranger – et plongé plus des deux tiers des Syriens dans la pauvreté. Le flot de réfugiés, dans un premier temps confiné aux pays voisins (Jordanie, Liban, Turquie et l’Iraq), a atteint les pays européens et déclenché une crise de déplacement d’ampleur mondiale.  Le conflit au Yémen a touché tous les aspects de la vie, limité l’accès aux produits alimentaires, à l’eau et aux soins de santé, accentué la pauvreté et provoqué la déscolarisation de millions d’enfants. Plus de 7000 personnes ont perdu la vie tandis que plus de 31 000 ont été blessées. À ce jour, plus de 15 % des Yéménites ont été déplacés ou ont quitté leur pays.  La violence en Libye a entraîné le déplacement interne d’un dixième de sa population de 6 millions d’habitants alors qu’environ 125 000 d’entre eux ont quitté le pays, essentiellement pour l’Europe, en raison de sa proximité. Deuxièmement, trois guerres civiles sévissent actuellement et affectent directement la vie de plus de 60 millions de personnes, soit environ un cinquième de la population de la région. Elles sont ressenties par les pays voisins tels que la Jordanie, le Liban, la Tunisie et la Turquie, qui 1 Le conflit iraqien actuel a de nombreux points communs avec ces guerres, mais il ne figure pas dans cette liste de guerres civiles car il est limité à certaines parties du pays. 12 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 accueillent un nombre record de réfugiés et voient leur commerce, leur tourisme et leur sécurité se dégrader. Les attentats terroristes se sont multipliés dans le monde. Troisièmement, ces trois guerres civiles, nées du printemps arabe, se sont depuis transformées en conflits sectaires. Quatrièmement, les guerres civiles en Syrie, en Libye et au Yémen sont devenues des « guerres par procuration », où diverses factions sont financées et armées par des acteurs et des pays étrangers. Les guerres par procuration durent généralement plus longtemps que les autres, car leur financement continu entrave les efforts déployés pour négocier un accord de paix. Ces différences par rapport aux guerres ayant précédemment secoué la région laissent entendre que, outre le fait d’être un défi politique et militaire, la paix et la reconstruction dans la région MENA représentent un énorme défi économique. L’ampleur de la destruction et de la perte de croissance économique – la perte de PIB par rapport à une hypothétique période pacifique en Syrie est estimée à 200 à 300 milliards de dollars – signifie que d’importantes ressources seront nécessaires à la reconstruction d’après-guerre. Ces ressources devront être fournies à un rythme correspondant à la capacité d’absorption des économies post-conflit. Qui plus est, ces trois pays ayant été confrontés aux contestations du printemps arabe, tout effort de reconstruction d’après-guerre devra se concentrer sur les infrastructures, mais aussi sur les institutions. En particulier, les nouvelles institutions devraient dûment tenir compte du sentiment d’exclusion à l’origine des contestations. Dans la mesure où ces trois guerres sont devenues des conflits sectaires, tout accord post- conflit accordera sans doute un certain niveau d’autonomie aux régions infranationales nées de ce sectarisme. La répartition des recettes pétrolières entre ces différentes entités jouera un rôle décisif. Enfin, le fait que ces guerres aient eu des retombées secondaires négatives sur les pays voisins, mais aussi sur l’ensemble de la région et au-delà, signifie que la fin des hostilités en Libye, en Syrie et au Yémen profiterait à l’ensemble de la planète. La paix dans la région MENA est un bien public mondial. Il s’ensuit que la communauté internationale doit conjuguer ses efforts pour contribuer au financement et, surtout, à la mise en œuvre des programmes de reconstruction d’après-guerre dans la région. Le présent chapitre définit le contexte économique de cette reconstruction. Pour chaque pays, il décrit dans un premier temps l’économie d’avant-guerre. Il estime ensuite, en utilisant diverses sources, les coûts de la guerre. Il examine d’abord les coûts humains, puis les dommages causés aux infrastructures et au capital physique (estimés à l’aide des évaluations des dégâts et des besoins des Nations Unies et de la Banque mondiale) et, enfin, les coûts macroéconomiques et sectoriels. Cette synthèse des dommages causés par la guerre permet de contextualiser la présentation des stratégies de reconstruction d’après-guerre. Plutôt que de proposer un chiffre unique pour le financement nécessaire, nous nous concentrons sur les 13 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 domaines prioritaires en matière de reconstruction, les instruments, et certains principes d’une stratégie de reconstruction. Ces principes sont importants car, dans le cas de ces trois pays, nous devrons reconstruire le capital physique, mais également humain, qui a énormément souffert, ainsi que le capital social ou la confiance au sein de divers groupes. Bien que les détails seront spécifiques aux pays, ce chapitre énonce des principes pouvant orienter la reconstruction d’après-guerre dans les trois pays. En décrivant les principes régissant le rôle de la communauté internationale, ce chapitre s’appuie sur l’expérience d’autres efforts de reconstruction, dont celle de l’Iraq après 2003. Syrie L’avant-guerre (de 1970 à 2010) La Syrie a les caractéristiques d’une économie pétrolière, bien que son PIB soit inférieur à celui de la majorité des pays producteurs de la région. Pendant les quatre décennies avant 2011, le pétrole représentait plus de 50 % des exportations du pays et 35 % de ses recettes publiques. Grâce à ses richesses pétrolières, l’État syrien a pu financer le « contrat social arabe », qui fournit à ses ressortissants des subventions universelles, des emplois dans la fonction publique, et la gratuité des soins et de l’éducation moyennant un droit à la parole et une responsabilisation limités. Les périodes de manne pétrolière ont permis d’augmenter les revenus, l’effectif de la fonction publique, l’investissement dans l’infrastructure et le niveau de vie tout en améliorant la santé et l’éducation. La croissance économique était forte durant cette période, avec une moyenne proche de 5,6 % et des valeurs supérieures à 10 % pendant plusieurs années. Entre 2000 et 2008, le PIB par habitant a doublé pour atteindre 2806 dollars, soit un niveau inférieur à celui des autres pays exportateurs de pétrole (hors Yémen), mais comparable au PIB du Maroc et de l’Égypte. Cette forte croissance s’est doublée d’une stabilité budgétaire, d’une faible dette (environ 20 % du PIB) et de niveaux raisonnables de réserves en devises. Le déficit budgétaire de la Syrie a été maintenu à environ 4 % de son PIB pendant des années jusqu’à 2010. Les envois de fonds vers le pays ont augmenté, passant de 135 millions de dollars en 2002 à 2 milliards de dollars en 20102. Les années du boom pétrolier ont permis d’investir lourdement dans le capital humain (graphique 2.1). En 2010, environ 92 % de la population avaient accès à l’électricité, dont 100 % en zone urbaine. Environ 95 % des ménages avaient accès à des installations d’assainissement amélioré alors que l’espérance de vie (72 ans) était supérieure à celle enregistrée dans la majorité des pays ayant un revenu par habitant comparable. Les indicateurs de santé ont connu 2 Voir les données sur les migrations de la Banque mondiale. 14 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 une nette amélioration. La couverture vaccinale a atteint 84 % de la population en 2010 et la mortalité infantile a reculé de 38 pour 1000 naissances en 1990 à 13 pour 1000 en 2010. L’éducation était accessible à tous les enfants d’âge scolaire et le taux brut de scolarisation dans le primaire était de 126 % en 2007. Le taux de scolarisation des filles restait cependant nettement inférieur à celui des garçons. Selon les données de la Banque mondiale, seulement 58 % des femmes de plus de 25 ans avaient achevé leurs études primaires en 2009, contre 76 % pour les hommes. L’écart entre le niveau d’éducation atteint par les hommes et les femmes était plus faible au sein de la population ayant achevé des études secondaires. En outre, la Syrie est l’un des pays de la région où l’efficacité des dépenses publiques semble avoir été élevée (encadré 2.1). Cela dit, la qualité du système éducatif syrien restait insuffisante, comme dans les autres pays de la région. Les résultats de l’étude des tendances internationales en mathématiques et en sciences (Trends in International Mathematics and Science Study, TIMSS) de 2007 montrent qu’environ la moitié des Syriens ayant passé l’examen ont obtenu des résultats inférieurs au niveau de référence international le plus bas. Bien qu’élevée, la croissance économique alimentée par le pétrole pendant les années 1970- 2010 était extrêmement fluctuante, sous l’effet des cycles de flambée et de chute des prix caractéristiques de cette période (graphique 2.3). En raison de l’instabilité des prix du pétrole, les dépenses d’équipement dépendaient fortement des richesses pétrolières et de secteurs peu créateurs d’emplois. La masse salariale de la fonction publique et les subventions aux carburants ont augmenté pendant cette période dans le souci d’améliorer les conditions de vie et de réduire les forts taux de chômage découlant d’années d’investissements dans le secteur pétrolier à fort taux de capitalisation. 15 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Graphique 2.1 Indicateurs syriens de la santé et de l’éducation Source : Banque mondiale. Mais la hausse du niveau de vie et de l’effectif de la fonction publique a suscité des attentes croissantes et est notamment responsable de l’écart important entre les salaires réels et escomptés. Les chercheurs d’emploi espérant obtenir un poste dans la fonction publique se sont trouvés confrontés à un nombre réduit de possibilités et se sont retrouvés dans le secteur non structuré. Alors que le secteur privé était peu développé et incapable de créer des emplois, cette situation s’est soldée par un taux de chômage officiel d’environ 9 % en 2010, et non officiel d’environ 20 %, dépassant 23 % chez les femmes et se situant autour de 19 % chez les jeunes. Les salaires excessifs de la fonction publique ont nui à la concurrence dans les secteurs non pétroliers. Parmi ceux-ci, l’agriculture jouait un rôle déterminant en matière de croissance – le pétrole et l’agriculture représentaient 50 % du PIB en 2010 – et de création d’emplois, en particulier en zone rurale. Mais la production et l’emploi dans ce secteur sont restés faibles et vulnérables, en raison de la situation géographique du pays qui le prédispose à la sécheresse. 16 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Encadré 2.1 La haute efficacité des dépenses publiques syriennes Des études ont montré que seulement deux États de la région ont utilisé leurs ressources de manière efficace pour fournir des services de santé publique et d’éducation à leur population. Une étude réalisée par Mottaghi (2016) utilise des méthodes non paramétriques d’analyse d’enveloppement des données (AED) pour estimer l’efficacité des dépenses publiques consacrées à la santé et à l’éducation dans un groupe de 170 pays, dont ceux de la région MENA, pendant deux périodes : 1990-99 et 2000-10. Les résultats en matière de santé sont mesurés par l’espérance de vie à la naissance et ceux en matière d’éducation par le taux net de scolarisation dans le primaire, tandis que les ressources sont constituées des dépenses publiques totales. Cette étude montre que, pendant la période 2000-10, la Syrie comptait parmi les deux pays de la région (avec le Liban) où les dépenses publiques de santé et d’éducation étaient fort efficaces. Le graphique 2.2 illustre les notes d’efficacité estimées de la Syrie dans les domaines de la santé et de l’éducation pour l’espérance de vie à la naissance et le taux net de scolarisation dans le primaire, respectivement. La note d’efficacité estimée pour les dépenses publiques se situe à la limite (trait rouge) dans le cas de l’indicateur de santé et est très proche de la limite dans le cas de l’indicateur d’éducation. Ces notes cadrent avec les bons résultats enregistrés par la Syrie pendant les années 2000 dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Graphique 2.2 Syrie : estimation de la limite d’efficacité des dépenses, 2000-2010 Syrie Syrie Syrie Syrie Source : Mottaghi, Lili, 2016. “Spending Efficiency in MENA, an Efficiency Frontier DEA Approach”. Note : PH = par habitant ; PPA = parité de pouvoir d’achat. 17 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Les périodes de boom pétrolier ont financé les dépenses publiques, mais créé de graves chocs économiques structurels internes, comme le boom immobilier, et l’élimination de certaines subventions en 2008 a entraîné une forte hausse du coût de la vie. La flambée des prix de l’immobilier, due à la spéculation, a fortement entravé l’accès à la propriété pour les familles et les jeunes. Graphique 2.3 Situation économique de la Syrie Croissance moyenne Source : Banque mondiale et EIA. L’inadéquation des compétences et la discordance entre le marché du travail et le système d’éducation ont poussé les jeunes à chercher du travail ailleurs, notamment à travailler dans la rue, ce qui était illégal. De nombreux jeunes Syriens se sont ainsi retrouvés exclus des services sociaux et financiers. La distribution des revenus s’est ainsi creusée, les personnes appartenant à la catégorie située au-dessus du troisième décile de la distribution des dépenses bénéficiant proportionnellement davantage que les pauvres de la croissance économique3. Entre 1997 et 2004, le coefficient d’inégalité de Gini est ainsi passé de 0,33 à 0,37. Un rapport du PNUD (2005) a montré que la part de la population dont les dépenses sont inférieures au seuil de pauvreté national est passée de 30,1 à 33 % entre 2004 et 2007, soit une augmentation d’environ 6 millions de personnes4. La sécheresse de trois ans a entraîné la chute des rendements agricoles et des sources de revenus dans le nord-est et le sud du pays, 3 Khalid Abu-Ismail, Ali Abdel-Gadir and Heba El-Laithy, Poverty and Inequality in Syria (1997-2007), UNDP. 4 En 2004, la prévalence de la pauvreté était plus élevée en zone rurale qu’en zone urbaine (62 % en Syrie rurale). L’incidence, l’intensité et la gravité de la pauvreté étaient les plus prononcées dans le nord-est du pays (Idleb, Alep, Al Raqqa, Deir Ezzor et Hassakeh). 18 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des privations pour les travailleurs ruraux et leurs familles. Une série de réformes économiques menée pendant les années 2000 a conféré des pouvoirs excessifs aux populations proches du pouvoir, y compris à un certain nombre d’alawites, suscitant ainsi la colère des pauvres sunnites (Phillips, 2011). Les Syriens, en particulier les jeunes, sont devenus de plus en plus insatisfaits de la qualité de leur vie. L’indice moyen d’évaluation de la vie pour la Syrie établi par Gallup, qui mesure la qualité de la vie perçue par la population, a reculé entre 2008 et 2010, passant de 5,4 à 4,4 pour l’indice WP16 et de 6,4 à 5,7 pour l’indice WP185. En 2011, ces deux indices avaient atteint 4 et 5 respectivement et continuaient de baisser, reflétant ainsi la profonde détérioration de la satisfaction des Syriens. Les faiblesses économiques et sociales précédemment décrites, y compris l’érosion des perspectives d’avenir des jeunes, illustrée par les forts taux de chômage, et l’absence de représentation découlant de l’exclusion de certaines sectes, ont déclenché une série d’émeutes à Deraa au début de 2011, qui se transforma en guerre civile généralisée. La guerre civile (de 2011 à aujourd’hui) Six années de guerre et de violence ont déchiré le tissu social6 d’une société où coexistaient jusqu’alors de nombreuses ethnies, religions, races et orientations politiques.7 Auparavant, la Syrie n’avait pas été directement impliquée dans un conflit armé depuis la guerre franco- syrienne en 1920 et la grande révolte syrienne de 1925-27. La guerre actuelle est la conséquence des troubles du printemps arabe de 20118. Il est difficile de savoir si le tissu social pluriethnique de la Syrie a déclenché la guerre actuelle ou si la guerre est responsable du sectarisme actuel. Mais il est évident que la guerre implique plusieurs factions : l’État syrien et 5 Les indicateurs subjectifs de bien-être tels que l’« indice de satisfaction de la vie » évaluent la qualité de la vie telle qu’elle est perçue par la population. Concrètement, les sondés répondent aux deux questions suivantes : Imaginez une échelle, avec des barreaux numérotés de 0 en bas à 10 en haut. Le haut de l’échelle représente pour vous la meilleure vie possible et le bas de l’échelle la pire vie possible. Sur quel barreau de l’échelle pensez-vous vous trouver actuellement (WP16) ? Imaginez une échelle, avec des barreaux numérotés de 0 en bas à 10 en haut. Le haut de l’échelle représente pour vous la meilleure vie possible et le bas de l’échelle la pire vie possible. Sur quel barreau de l’échelle pensez-vous vous trouver dans environ cinq ans (WP18) ? 6 Le tissu social fait référence aux interactions entre les membres d’une société. Des interactions peu structurées et un manque de confiance dans l’État entraînent des conflits opposant des groupes rivaux. 7 Le gouvernement alawite (une secte chiite, 12 % de la population) et la majorité sunnite (64 % de la population) avec des groupes d’opposition (rebelles) qui peuvent être partiellement composés d’autres groupes religieux. Les groupes non musulmans comprennent les chrétiens (9 % de la population), les druzes (3 % de la population), les chiites (1 % de la population) et divers autres (1 % de la population) et les 10 % de Syriens d’origine kurde, bien que majoritairement sunnites, se définissent essentiellement par leur appartenance ethnique. 8 D’aucuns estiment que la guerre syrienne est devenue une « guerre par procuration » où les différentes factions reçoivent un important soutien d’acteurs et de pays étrangers. Ces factions comprennent les chiites soutenus par l’Iran opposés aux sunnites soutenus par l’Arabie saoudite. Il s’ensuit que l’intensification de la violence sectaire en Syrie est liée à la guerre par procuration entre ces pays. Les rebelles continueraient ainsi d’être soutenus par les États arabes sunnites comme l’Arabie saoudite tandis que les forces gouvernementales publiques dominées par les alawites bénéficieraient du soutien de l’Iran chiite. 19 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 ses divers partisans, une alliance informelle de groupes rebelles arabes syriens, les Forces démocratiques syriennes, les groupes djihadistes salafistes (hors le Front al-Nusra) qui coopèrent souvent avec les rebelles, et l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL ou Daech). Parmi les groupes d’opposition, Daech est devenu une force majeure de l’insurrection sectaire du pays et contrôle des régions de la Syrie et de l’Iraq, entraînant la réduction d’une partie de la production de pétrole brut des deux pays. La pénurie d’armes et de fonds a créé de nouveaux conflits entre diverses factions rebelles. Coûts humains Quelle que soit la nature de la guerre, elle a entraîné l’une des pires crises humanitaires et économiques, et ses effets sont fortement ressentis dans le reste du monde. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, le nombre de Comparaison entre 2014 et 2010 Espérance de vie à morts depuis le début des hostilités en mars 2011 dépassait Déclin de 21,5 % les 310 000 en décembre 2016. Ce chiffre est plus du double la naissance Couverture Déclin de 33 % de celui des victimes de la guerre civile yéménite de 1962- vaccinale 70 et de la guerre civile libanaise qui dura 15 ans. Le Centre Revenu mensuel Déclin de 83 % syrien de recherche politique (SCPR) estime les pertes moyen Taux de chômage 3,7 millions de humaines à 470 000 et les blessés à 1,1 million. Si la guerre chômeurs entre l’Iraq et l’Iran a fait trois à cinq fois plus de morts que supplémentaires la guerre syrienne sur une période de huit ans, le nombre Taux de pauvretéde morts Hausse par habi tant est le même dans les deux cas (l’Iran de 14% compte quatre fois plus d’habitants que la Syrie). Source : SCPR. Population. La population syrienne est passée de 21,8 millions en 2010 à 18,5 millions en 2015, soit un déclin de 15 %, alors qu’elle aurait dû atteindre 25,6 millions en 2015 en l’absence de conflit. La population a diminué de près de 28 % par rapport à ce chiffre hypothétique. Le taux de chômage aurait atteint 56 % en 2014, soit 3,7 millions de demandeurs d’emploi. Environ 3 millions de personnes ont perdu leur travail à cause du conflit et leur nombre ne cesse d’augmenter. La CESAO estime que le chômage a atteint 66 % en 2015, alors qu’une proportion croissante de la population doit accepter des emplois informels et peu productifs. L’indicateur du développement humain (un indicateur composite de l’espérance de vie, de l’éducation et du revenu par habitant, utilisé pour classer les pays par niveau de développement) a reculé de 2 % par an entre 2010 et 2015, rétrogradant la Syrie à la 134e place sur 187 pays en 2015, soit à un niveau comparable au Congo, au Timor-Leste, à la Zambie et au Ghana, alors qu’elle occupait une place intermédiaire en 2010. 20 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Population déplacée par la force. Les déplacements forcés en Syrie sont nettement supérieurs à ceux observés en Iraq, au Yémen et en Ukraine (3, 2,5 et 1,3 millions de déplacés respectivement). Plus de 11,5 millions de personnes (soit la moitié de la population syrienne d’avant-guerre) ont ainsi dû quitter leur domicile. Plus de la moitié d’entre elles, soit environ 6,6 millions de personnes, ont été déplacées à l’intérieur du pays, plaçant ainsi la Syrie au deuxième rang mondial derrière la Colombie. Les 4,9 millions restants ont quitté le pays en tant que réfugiés, essentiellement vers les pays voisins tels que le Liban, la Turquie, l’Iraq, la Jordanie et l’Égypte ; environ un million d’entre eux se sont installés en Europe. À titre de comparaison, les hostilités ont fait 2,7 millions de réfugiés en Afghanistan, 1,1 million en Somalie, un million au Liban et un nombre négligeable dans le cas de la guerre Iran-Iraq. Les enfants et l’éducation. Les enfants syriens sont touchés de multiples manières : plus de 8 millions d’entre eux ont été témoins d’actes de violence, ont perdu leurs parents, ou ont été déplacés, soumis au travail, mariés de force ou déscolarisés. Les dernières données officielles indiquent que plus de 10 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans tandis que le conflit a entraîné une montée en flèche du mariage des enfants parmi les réfugiés syriens9. L’UNICEF estime que 2,8 millions d’enfants ne sont pas scolarisés, dont 2,1 millions en Syrie et le reste à l’étranger. Ce chiffre représente la moitié des enfants d’âge scolaire de la Syrie. Selon le SCPR, cette tendance se poursuivra au cours de l’année scolaire 2015-16, lorsque la moitié des enfants ne seront pas scolarisés (graphique 2.4). Parmi ceux-ci, un tiers ne se sont pas rendus à l’école pour des raisons de sécurité. Les autres raisons comprennent les difficultés financières, le travail des enfants et la destruction des infrastructures éducatives. En 2015, le SCPR a estimé à environ 16,5 milliards de dollars le coût total de la non-scolarisation de ces enfants. Le Fonds international de secours à l’enfance des Nations Unies (UNICEF, 2015) chiffre à environ 10,5 milliards de dollars la perte de capital humain liée à l’absence de possibilités d’éducation pour les enfants et les jeunes syriens. 9 UN Women, Gender-based violence and child protection among Syrian refugees in Jordan, with a focus on early marriage, 2013. 21 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Graphique 2.4 Syrie : coût des années de non-scolarisation Source : SCPR. Le SCPR estime qu’en 2014 plus de 25 % des écoles du pays (environ 5200 écoles) n’étaient pas opérationnelles, et que 90 % d’entre elles étaient partiellement ou complètement détruites alors que le reste servait d’abri pour les déplacés. Les données officielles indiquent que les pertes du secteur éducatif depuis le début de la crise jusqu’à la fin de 2014 se sont chiffrées à 170 milliards SYP, soit environ 809 millions de dollars au taux de change actuel10. Le manque de personnel dû à leur exode, leur déplacement et leur migration, sans compter les actes de violence, a aggravé la situation. Une étude du SCPR indique une forte variation des taux de fréquentation selon les régions. Pendant l’année scolaire 2014-15, le taux de non-fréquentation des enfants d’âge scolaire était le plus élevé à Raqqa et Deir Ezzor, où il se chiffrait à 95 %. Cette chute spectaculaire du taux de fréquentation scolaire dans ces deux villes est due à la décision de Daech de fermer les écoles dans les régions sous son contrôle. La non-fréquentation scolaire à Alep se chiffrait environ 74 %, suivie par Damas campagne (49 %) et Idleb (48 %). Le taux de non-fréquentation des enfants d’âge scolaire était quasiment nul à Tartous et de 16 % seulement à Damas. 10 Les pertes réelles sont sans doute beaucoup plus élevées si l’on tient compte des pertes de la monnaie nationale au début de la crise, au vu de la dépréciation du taux de change de la livre syrienne par rapport au dollar des États- Unis au cours des cinq dernières années. 22 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Santé. Le système de santé est totalement dysfonctionnel en raison de la démolition des infrastructures et des centres médicaux, de la pénurie de matériel médical et de vaccins et de l’exode des professionnels de la santé. Les taux de vaccination sont inférieurs à 70 % pour la plupart des maladies et nuls dans certaines régions (alors qu’ils étaient de 99 à 100 % avant la crise). Des maladies qui avaient été éliminées réapparaissent. La mortalité infantile et maternelle, à la baisse avant la crise (graphique 2.1), a commencé à augmenter ; elle atteignait 23 morts pour 1000 et 63 morts pour 100 000 naissances en 2013, contre 18 et 52 morts en 2011 respectivement. La prestation de services de santé a beaucoup souffert, avec 35 % des hôpitaux publics partiellement opérationnels tandis que 22 % sont hors service selon l’UNICEF. L’effondrement de l’industrie pharmaceutique a entraîné une pénurie de médicaments et la mise en place d’un marché noir, entravant le soin des maladies traitables et chroniques, en particulier parmi les pauvres. Femmes. Le rôle des femmes en Syrie a radicalement changé depuis la guerre. Les données montrent que 12 à 17 % des ménages syriens11 et jusqu’à un tiers des ménages de réfugiés à l’étranger12 sont aujourd’hui dirigés par des femmes. Cette évolution a contribué à la détérioration des conditions de vie des femmes à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières syriennes. Les données du HCR indiquent que la moitié des réfugiés syriens recensés sont des femmes d’âge actif. La pénurie d’emplois dans les communautés d’accueil étant particulièrement aiguë pour les femmes, le revenu des ménages dirigés par ces dernières est généralement inférieur à celui des ménages dirigés par les hommes13. Les femmes, en particulier les femmes pauvres ou handicapées ou celles ayant des besoins sociaux, sont extrêmement vulnérables ; un grand nombre d’entre elles souffrent de problèmes physiologiques et mentaux. L’accès aux services médicaux, éducatifs et autres est difficile pour les femmes compte tenu du contexte culturel de nombreux réfugiés syriens. Une étude a montré que plus d’un tiers des réfugiées souffrent d’un handicap. Elles sont également confrontées à divers types de problèmes juridiques, notamment de droit de la famille, et représentent 65 % de toutes les poursuites intentées en Jordanie, par exemple. La part des poursuites pénales était de 15 %, celle des affaires liées aux réfugiés de 13 % et celle des poursuites civiles de 7 %. Les mariages en Syrie ne sont pas certifiés par un tribunal, mais les règlements sont différents dans les communautés d’accueil comme la Jordanie. Les Syriennes ont du mal à prouver leurs relations familiales, ce qui 11 Livelihoods Assessment in Southern Syria: Dar’a and Quneitra governorates. Joint report published by NRC, RFSAN, IMMAP, United Muslim Relief, FAO, Humanitarian Monitoring Group, and CARE. November 2015, p. 24; Livelihoods assessment in Eastern Ghouta. CARE. 2016 (à paraître), p. 8; Livelihoods and Agriculture Needs Assessment in Idleb and Aleppo. CARE International. 2015 (non publié), p. 9. 12 Un quart selon les données du HCR concernant la région : Women alone. UNHCR, 2014 ; 28 % selon les données de CARE concernant la Jordanie : Five Years into Exile. CARE International in Jordan. June 2015; et 34,6 % selon le HCR pour la Jordanie : Living in the Shadow. Jordan Home visit report. UNHCR, January 2015. 13 Livelihoods Assessment in Southern Syria: Dar’a and Quneitra governorates. Joint report published by NRC, RFSAN, IMMAP, United Muslim Relief, FAO, Humanitarian Monitoring Group, and CARE. November 2015, p. 26. 23 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 est souvent nécessaire pour obtenir certaines formes d’aide humanitaire, obligeant ainsi un grand nombre d’entre elles à recourir aux tribunaux des affaires familiales de leurs communautés d’accueil. En cas de non-paiement des pensions alimentaires, les ménages dirigés par les femmes sont davantage susceptibles de tomber dans la pauvreté. Pauvreté. L’absence d’approvisionnement en eau, sa piètre qualité lorsqu’il existe, et l’accès limité aux produits alimentaires, à l’assainissement et aux soins de santé ont plongé la majorité de la population dans la pauvreté. Les estimations du SCPR indiquent que la part de la population vivant dans la pauvreté est passée de 64,8 % en 2013 à 83,2 % en 2014 et 85,2 % en 201514. Environ 35 % vivent dans la pauvreté extrême (accès limité aux produits alimentaires de base), bien que les niveaux de pauvreté varient fortement selon les gouvernorats et aient fortement augmenté dans les zones de conflit et assiégées. Comme le montre la carte de la pauvreté, Al-Raqqa était considérée comme la région la plus pauvre du pays en 2015, avec 91,6 % de ses résidents vivant en dessous du seuil de pauvreté générale. Les niveaux de pauvreté générale les plus élevés étaient à Idleb, Deir Ezzor, Homs et Damas campagne (carte 2.1). Coûts physiques Des évaluations des dommages matériels causés au patrimoine syrien public et privé ont été réalisées par la Banque mondiale, le SCPR et REACH (IMPACT). L’analyse présentée ici repose sur ces évaluations. L’évaluation des dégâts et des besoins réalisée par la Banque mondiale en 2014, puis mise à jour en mars 2016, est fondée sur la collecte de données à distance utilisant l’imagerie satellitaire et les médias sociaux pour estimer les dommages dans six villes ravagées par la guerre (Alep, Dar’a, Hama, Homs, Idleb et Latakia) dans divers secteurs (logement, éducation, santé, eau et assainissement, énergie, transport et agriculture)15. Les dommages causés en 2015 et au début de 2016 ont été plus graves qu’au cours des années précédentes et les estimations de la dernière mise à jour de l’évaluation des dégâts sont supérieures à celles de la fin de 2014, suggérant ainsi que la guerre s’est intensifiée dans ces villes (voir le détail des coûts des dommages au tableau 2.1). 14 Les estimations de la pauvreté reposent sur les seuils de pauvreté nationaux et sur l’enquête officielle sur les revenus et les dépenses des ménages (2009). Le SCPR estime la croissance réelle de la consommation privée par habitant en 2010-14 par microsimulation, en supposant que la distribution des dépenses reste inchangée dans chaque gouvernorat et en tenant compte de l’évolution de la structure des prix entre les gouvernorats. 15 Il est intéressant de noter que l’évaluation ne prend pas en considération les besoins de relèvement et de reconstruction. Dès lors que les coûts de remplacement historiques ne tiennent pas compte de l’inflation, de la sécurité, des primes d’assurance et des autres imperfections du marché affectant les coûts de reconstruction d’après-guerre, les besoins de reconstruction devraient être nettement plus élevés que les coûts des dommages. 24 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Selon la Banque mondiale, ces coûts se situaient en 2016 entre 5,9 et 7,2 milliards de dollars (en prix constants de 2007). Ces estimations sont minimales car les données collectées à distance n’incluent pas tous les dommages matériels subis par ces villes et les prix utilisés pour calculer les dommages sont ceux d’avant la crise et ne tiennent pas compte de l’inflation et des primes d’assurance. Les dommages corrigés de l’inflation pour ces six villes et sept secteurs se situeraient entre 33,7 et 41,1 milliards de dollars pour 2016 (tableau 2.1). Le ministère syrien du Pétrole et des Ressources minérales a estimé le coût pour le secteur pétrolier à 27 milliards de dollars (destruction de puits, de pipelines et de raffineries). Au total, les dommages de la guerre dans six villes et huit secteurs, dont le pétrole, seraient donc proches de 68 milliards de dollars (mars 2016). Ce chiffre est proche de celui du SCPR, qui a estimé la destruction des infrastructures matérielles à environ 67,3 milliards de dollars, y compris la perte de bâtiments résidentiels et non résidentiels. Ses estimations comprennent également les dommages subis par l’outillage. Tableau 2.1 Syrie : dommages estimés en prix constants et courants Coût (prix de 2007) Coût nominal (prix de 2016) (millions de dollars) (millions de dollars) Agriculture 74-91 422-530 Énergie 1,100-1,500 6 100-8 500 Logement 4 100-4 900 22 800-28 000 Transport 127-156 752-891 Eau et assainissement 56-69 320-394 Infrastructure 320-390 1,800-2 200 sanitaire Infrastructure éducative 195-215 1,100-1,200 Source : Estimations de la Banque mondiale, Évaluation des dégâts et des besoins (2014 et mise à jour de mars 2016). Examinons maintenant l’évaluation des dommages calculée par la Banque mondiale au coût unitaire en utilisant les prix d’avant-guerre, détaillés par ville et par secteur (tableau 2.2). Dans le présent rapport, nous avons corrigé les estimations des dommages sectoriels en tenant compte de l’inflation pour fournir la valeur actuelle des dommages dans six villes et sept secteurs (voir ci-dessus). 25 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Tableau 2.2 Syrie : estimation des dommages pour six villes et divers secteurs, mars 2016 Unités Unités totalement détruites partiellement endommagées Éducation Préélémentaire 1 19 Primaire 10 70 Secondaire 8 38 Primaire et secondaire 3 15 Professionnelle 7 11 Université 1 6 Bureau de l’éducation 0 0 Indéterminé* 17 167 Logement Immeubles collectifs 39 607 141 104 Logements populaires (Sha’bi) 9 144 21 856 Villas 32 98 Logements traditionnels arabes 551 1 843 (Dar’ Arabi) Maisons de campagne 38 86 Maisons agricoles 9 18 Tentes 0 0 Camps de réfugiés 0 0 Hôtels 2 7 Institutions 0 0 Santé Hôpitaux privés 7 56 Hôpitaux publics 4 8 Hôpitaux (indéterminés) 1 11 Centres médicaux (publics) 0 8 Centres médicaux (privés) 4 115 Centres médicaux (indéterminés) 0 0 Centres médicaux spécialisés 1 5 Postes de secours 0 3 Polycliniques 1 2 Centres de réhabilitation 0 0 Hôpitaux universitaires 0 0 Centres de formation médicale 0 0 Pharmacies/Dispensaires 24 50 Source : Évaluation des dégâts et des besoins, Banque mondiale, mars 2016. 26 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Les estimations de l’évaluation des dégâts et des besoins indiquent qu’Alep est la ville la plus durement touchée, avec environ 57 % des dommages estimés en 2016. Ces dommages augmentent depuis décembre 2014 (estimation initiale), en raison de la forte hausse de la destruction de logements16. Homs et Hama sont les deux autres villes les plus touchées. Le secteur du logement est le plus touché à Homs, où il représente près de 83 % des dommages estimés. Près de 80 % des dommages à Hama concernent le secteur énergétique. La part des dommages estimés à Dar’a et Idleb est faible, en partie en raison de leur plus petite taille. Globalement, ces deux villes représentent 2 et 6 % du coût total des dommages estimés respectivement. En revanche, Latakia a été relativement sûre depuis le début du conflit, et la destruction y a été fort limitée. Agriculture. La production agricole a fortement baissé pendant la guerre, entraînant ainsi l’augmentation des prix des produits alimentaires. Cette situation, conjuguée à la dépréciation de la livre syrienne, a provoqué la dégradation des conditions de vie à l’intérieur du pays. Les données collectées entre janvier et août 2016 par REACH dans le nord de la Syrie indiquent que le coût médian du panier de dépenses minimum de survie (Survival Minimum Expenditure Basket, SMEB), qui représente la quantité minimale de produits alimentaires et autres nécessaires à la survie d’un ménage syrien, a augmenté de 37 % en mai. Cette augmentation s’explique essentiellement par la hausse des prix des produits alimentaires en livres syriennes : 38 % pour le pain, 82 % pour le boulgour et 121 % pour le sucre (sur une période de huit mois). La production céréalière est restée faible, autour de 2 à 2,5 millions de tonnes pour le blé, alors que la moyenne historique est de 3,5 à 4 millions de tonnes. Selon l’analyse des dégâts et des besoins, les dommages subis par le secteur agricole dans les six villes se chiffreraient entre 74 et 91 millions de dollars. Corrigés de l’inflation, ces dommages se situeraient entre 422 et 530 millions de dollars aux prix de 2016. Énergie. La destruction ou l’endommagement des installations ont gravement perturbé le secteur de l’électricité, qui était déjà insuffisant pour répondre à la demande de pointe du pays. La capacité nationale du pays était de 7 500 MW. L’évaluation a porté sur l’infrastructure énergétique alimentant environ 70 % du réseau électrique desservant les six villes. Les dommages subis par le secteur énergétique dans ces six villes se chiffreraient entre 1,1 et 1,5 milliard de dollars à prix constants (mars 2016). Corrigés de l’inflation, ils se situeraient entre 6,1 et 8,5 milliards de dollars. L’évaluation des dommages couvre les centrales, les sous-stations et les pylônes électriques et porte sur environ 60 % de la capacité de production du pays. Hama, qui a la plus forte capacité de production parmi les six villes (1 730 MW fournis par deux grandes centrales), est la ville la plus touchée. 16 En décembre 2014, ils représentaient environ 40 % des dommages totaux. 27 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Logement. Le secteur du logement est le plus durement touché dans les six villes. En mars 2016, 20 % des logements d’Alep, de Dar’a, d’Hama, d’Homs et d’Idleb auraient été complètement détruits. Homs et Idleb sont les villes ayant perdu le plus grand nombre de logements. Environ 34 % des unités d’habitation ont été partiellement endommagées à Alep, qui est la ville la plus fortement touchée dans ce domaine. Globalement, les dommages subis par le secteur du logement dans les six villes s’élèveraient à 5 milliards de dollars, bien que ce chiffre puisse être sous-estimé en raison des prix utilisés pour l’estimation. Corrigés de l’inflation, ces dommages seraient de 28 milliards de dollars aux prix de 2016. Le coût estimé couvre uniquement les dommages matériels aux structures élémentaires d’hébergement et ne comprend pas la destruction des aménagements intérieurs ni les pertes dues aux actes de pillage. Transport. Environ 2,2 % de la longueur totale des routes urbaines d’Alep, de Dar’a, d’Hama, d’Homs, d’Idleb et de Latakia ont été directement endommagées. Parmi celles-ci, les routes à grande circulation ont le plus souffert. Mais l’impact sur la fonctionnalité des routes va bien au- delà des dommages directs subis par le réseau. Les dommages évalués sont les plus importants à Alep (49,4 % du total) puis à Homs (18 %). Les dommages totaux dans les six villes se situeraient entre 127 et 156 millions de dollars, ces chiffres couvrant uniquement les routes et les ponts, mais pas les infrastructures urbaines telles que les feux de circulation, les caniveaux et la signalisation routière. Le coût des dommages est beaucoup plus élevé si l’on tient compte de l’inflation, entre 725 et 891 millions de dollars aux prix de 2016. Eau et assainissement. Ce secteur a subi d’importants dommages. Les six villes (Alep, Dar’a, Hama, Homs, Idleb et Latakia) comptaient 260 équipements allant des réservoirs d’eau aux stations de traitement et aux barrages (l’évaluation ne couvre pas les dommages subis par le réseau de distribution). Au total, 23,8 % de ces équipements, essentiellement des châteaux d’eau, ont été endommagés. Les équipements d’Alep et de Dar’a ont été les plus durement touchés, avec 49 et 27 % des dommages totaux évalués respectivement. Bien que la majorité de l’infrastructure n’ait pas été endommagée, la fonctionnalité réduite du réseau est un important problème. La dépendance des infrastructures hydrauliques à l’égard des équipements électriques a également affecté les services, en particulier dans le cas d’Alep où le barrage de Tishreen, qui fournissait 60 % de l’électricité de la ville, a réduit les heures de fonctionnement des stations de pompage et ainsi limité l’accès des ménages à l’eau propre et à l’électricité. Le coût total des dommages subis par l’infrastructure du secteur de l’eau et de l’assainissement dans les six villes se chiffrerait entre 56 et 69 millions de dollars. Si l’on tient compte de l’inflation, ce coût se situerait entre 320 et 394 millions de dollars aux prix de 2016. Infrastructure sanitaire et éducative. Les dommages subis par le secteur sanitaire comprennent les dégâts occasionnés à l’infrastructure médicale et la pénurie de fournitures, de médicaments et de professionnels de la santé. Les six villes comptaient 780 établissements de 28 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 santé allant des hôpitaux aux pharmacies. Sur ces établissements, 302 ou 40 % ont été endommagés ou complètement détruits. Alep a été la plus durement touchée, avec 48,4 % des dommages totaux évalués. Le coût total des dommages subis par l’infrastructure du secteur de la santé dans les six villes se chiffrerait en valeur réelle entre 320 et 390 millions de dollars aux prix de l’avant-guerre. Corrigé de l’inflation, il se situerait entre 1,8 et 2,2 milliards de dollars. Le secteur de l’éducation a connu un recul important alors qu’il avait enregistré d’énormes progrès vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) de 2015. Les six villes comptaient 1 417 établissements éducatifs allant du préélémentaire aux universités. Environ 14,8 % de ces établissements, essentiellement des écoles primaires et secondaires, ont été endommagés. Alep et Dar’a ont été les plus durement touchées, avec 46 et 45 % des dommages totaux évalués respectivement. Le coût total des dommages subis par l’infrastructure du secteur de l’éducation dans les six villes se chiffrerait entre 195 et 215 millions de dollars (mars 2016) aux prix de l’avant-guerre (2007) et ne tient pas compte de la hausse de l’inflation depuis la guerre. Aux prix actuels de 2016, la Banque mondiale estime que le coût des dommages subis par l’infrastructure éducative se situerait entre 1,1 et 1,2 milliard de dollars. Coûts économiques L’activité de tous les secteurs de l’économie (hormis le secteur militaire) a ralenti ou cessé de progresser sous l’effet de la guerre et de la violence. Pour faciliter l’analyse, nous examinerons dans un premier temps l’impact macroéconomique de la guerre sur l’économie syrienne au cours des six dernières années. Nous présenterons ensuite des estimations des dommages sectoriels fournies par la Banque mondiale, UNOSAT et le SCPR pour illustrer la gravité des dommages. 29 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Carte 2.1 La pauvreté générale en Syrie, 2015 Source : Centre syrien de recherche politique (SCPR). Analyse macroéconomique. La longue guerre de Syrie a endommagé la structure de l’économie, en réorientant les ressources des secteurs de production vers le financement du conflit. L’instabilité économique, la violence et le manque de sécurité ont donné naissance à de multiples groupes contrôlant chacun une région ou une sous-région. Les possibilités d’emploi n’existent que dans les domaines liés au conflit. Les échanges ont été perturbés et sont essentiellement informels, et l’activité économique s’en est ressentie. Par rapport à 2010 (avant le conflit), le PIB de la série a chuté de 16 % en moyenne chaque année au cours de la période 2011-14. La Banque mondiale a estimé que la croissance devrait encore diminuer de 16 % en 2015 et 4 % en 2016. Selon Collier (1999), la croissance annuelle du PIB réel des pays touchés par un conflit civil ralentit de plus de 2 % en moyenne ; la croissance syrienne a chuté de plus de cinq fois ce chiffre. Le déclin du revenu annuel moyen par habitant a été environ 2 % supérieur en Syrie à celui observé dans un échantillon de plus d’une douzaine de pays fragiles (Stewart et al., 2001). Le recul spectaculaire de la taille et des compétences de la main-d’œuvre dû aux pertes humaines, au handicap et au déplacement de la population a fortement contribué à la perte de production. Selon Ianchovichina et Ivanic (2016), les pertes humaines et les déplacements forcés étaient responsables d’un cinquième du déclin de la production économique syrienne pendant les trois premières années de la guerre, contre près d’un quart pour la destruction du capital. 30 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Le PIB non pétrolier de la Syrie a baissé à un taux annuel de 15,5 % en 2011-14 et devrait continuer de reculer à un taux de 4,9 et 4,3 % en 2015 et 2016 respectivement. La production cumulée en prix constants aurait diminué des deux tiers entre 2010 et 2016. La production sacrifiée (production enregistrée en l’absence de conflit et avec une croissance annuelle moyenne de 5 %) se chiffrerait à 300 % du PIB de 2010 en prix constants (graphique 2.5). La production pétrolière, principale exportation et source de recettes publiques, est pratiquement nulle en raison des conflits et de son contrôle par Daech. Avant le conflit, le pays produisait 368 000 barils de pétrole par jour et en exportait la moitié, essentiellement vers l’Europe. La production pétrolière en 2016 était inférieure à 40 000 barils en raison des dommages subis par les installations et les pipelines et des sanctions internationales imposées à la Sylvie fin 2011 (graphique 2.5). Les sanctions internationales de 2011 imposées par les États-Unis, l’Union européenne, la Ligue des États arabes et d’autres pays, qui ont interdit les importations pétrolières en provenance de Syrie, gelé les avoirs publics et individuels et mis fin aux investissements par les États arabes, ont contribué à l’énorme perte de production. Le Qatar aurait ainsi mis fin à ses investissements de 6 milliards de dollars dans le pays. L’interdiction des importations de pétrole syrien a obligé la société pétrolière nationale à trouver de nouveaux marchés, bien que sans succès. Certains de ses clients, y compris des raffineries indiennes, n’ont pu souscrire d’assurance privée ou publique couvrant leurs commandes. Les sanctions sont estimées avoir coûté 4 milliards de dollars à l’État et ont entraîné une grave crise de change.17 Pour compenser l’impact des pertes commerciales sur son économie, la Syrie a fortement dépendu de l’Iran, de l’Iraq, de la Russie et, dans une certaine mesure, de la Turquie et de la Jordanie. L’Iraq a augmenté ses importations syriennes de 40 %, au mépris des sanctions de la Ligue arabe, tandis que l’Iran a augmenté les siennes de 100 %. Au demeurant, les coûts économiques totaux de la guerre doublent presque si l’on tient compte du coût d’opportunité des profondes réformes d’intégration du commerce prévues au sein du « Quartet du Levant »18 (Ianchovichina and Ivanic, 2016). Ces réformes auraient permis à la Syrie de moderniser son économie en améliorant la compétitivité de ses entreprises et la diversification de sa production. Bien que la Syrie ait poursuivi ses échanges avec ses voisins après 2011, leur composition s’est profondément modifiée, les articles de consommation courante et autres produits difficiles à se procurer venant remplacer les biens d’équipement tels que le matériel et l’outillage. 17 http://carnegie-mec.org/publications/?fa=48598 18 Les négociations d’un traité commercial régional entre la Turquie, la Syrie, la Jordanie et le Liban (le « Quartet du Levant ») étaient bien avancées en 2010, comme l’illustre la déclaration conjointe sur la création de la CNETAC (Close Neighbors Economic and Trade Association Council) signée en juillet 2010 (Banque mondiale, 2014, Aydin and Yanar, 2011). 31 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Graphique 2.5 L’économie de la guerre en Syrie Source : Banque mondiale et CESAO. Note : e = estimations. Les dépenses d’équipement ont rapidement baissé, en raison de la violence et de l’ampleur des dépenses militaires de l’État, pour n’atteindre qu’un demi-point du PIB en 2016, contre 9 % en 2010, alors que les dépenses courantes ont augmenté de 6 % du PIB au cours de la même période. Avec des recettes pétrolières presque nulles, l’énorme déficit budgétaire et courant a été financé par la planche à billets et les réserves en devises. Celles-ci seraient inférieures à un milliard de dollars en 2016, alors qu’elles étaient de 20 milliards de dollars en 2010. La livre syrienne s’est dépréciée de 400 %, le taux officiel au 10 mars 2017 étant de 514,43 livres pour un dollar. La balance des opérations courantes s’est détériorée, essentiellement en raison du fort déclin du tourisme et des exportations pétrolières. Les lignes de crédit de l’Iran et l’aide de la Russie ont soulagé les pressions sur les finances de l’État, mais alourdi la dette publique déjà élevée, qui a doublé entre 2011 et 2014. Selon les estimations du FMI, celle-ci atteignait 100 % du PIB en 2015, soit une augmentation de 31 % par rapport à 2009. 32 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Infrastructure. Les pertes de la production sectorielle et la destruction de l’infrastructure sont importantes. Elles concernent essentiellement le secteur du bâtiment (logement), de la transformation et de l’extraction, en particulier du pétrole (voir section suivante). Un grand nombre d’unités d’habitation ont été détruites ou endommagées, augmentant ainsi les pressions sur les logements des villes non directement touchées par la guerre. Les pôles du secteur de la fabrication (Alep, Homs et les banlieues de Damas) ont été détruits par les hostilités. De plus, ce secteur a souffert de pénuries de carburant, d’électricité et de matières premières dues à la baisse des importations. Depuis 2010, la production pharmaceutique a baissé de 90 % selon l’ONU. Le secteur agricole a surtout été touché par les pénuries d’intrants, le manque de matériel et les problèmes de stockage, et la situation a été exacerbée par les faibles précipitations enregistrées en 2014. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture (FAO), la production de blé a été réduite de moitié entre le milieu des années 2000 et 2014. Les dommages subis par les infrastructures d’irrigation ont accru la dépendance vis-à-vis des cultures pluviales. Les coûts de la reconstruction de l'économie syrienne Il est difficile d'estimer la production et la croissance du pays pour 2017 et la période ultérieure en raison du manque de données fiables portant en particulier sur les dommages causés aux infrastructures, la dépréciation de la monnaie nationale et le financement du déficit budgétaire dans un contexte marqué par l'épuisement des réserves. La destruction des services de santé et d’éducation et la fuite des travailleurs hautement qualifiés et des entrepreneurs ont aussi touché le marché du travail. Par ailleurs, la faiblesse actuelle du taux de scolarisation et la détérioration de l'état de santé des enfants auront un effet néfaste sur les perspectives de production du pays pour des années à venir. Les estimations de la Banque mondiale donnent à conclure que même si une solution politique était adoptée et si les efforts de reconstruction débutaient aujourd'hui, il faudrait 10 ans à la Syrie pour rétablir son PIB à un niveau proche du PIB réel affiché avant la guerre (2010), en supposant une croissance moyenne de 5 %. Un taux de croissance inférieur — par exemple, 3 % — retarderait le rétablissement de l'économie d'une autre décennie. La relance et une croissance plus rapide dépendront également de la stratégie de reconstruction adoptée, de sa mise en œuvre et des ressources qui seront fournies par la communauté internationale. De plus, des études ont démontré que le rythme de cette relance à moyen terme dépendra dans une certaine mesure de la richesse du pays en matière de ressources naturelles (Devarajan et Mottaghi, 2016b). En effet, la production pétrolière peut être rétablie plus rapidement que les autres secteurs de l'économie dans les pays riches en pétrole. La signature d'un accord de paix en Syrie pourrait ainsi ouvrir la voie à une reprise 33 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 rapide de la production pétrolière et des exportations, permettant ainsi à l'économie de se rétablir plus rapidement. Reconstitution du capital humain Au sortir du conflit, l'économie syrienne héritera d'un marché du travail déficient, d'un système d'éducation perturbé et d'un capital humain caractérisé par des pénuries de travailleurs qualifiés, d'enseignants, de professionnels, de médecins, etc. déplacés à l’intérieur du pays ou expatriés. Convaincre les personnes déplacées et les réfugiés de revenir et, surtout, de créer des emplois pour ceux qui ont été exclus du marché du travail pendant plusieurs années représente une tâche redoutable. Il faudra pouvoir compter sur de vastes quantités de ressources et sur des politiques viables pour encourager les personnes déplacées à revenir chez elles et les aider à réintégrer la société. Ce défi se pose à la fois pour les gouvernements des pays sortant d’un conflit et pour la communauté internationale puisqu'une partie des réfugiés — particulièrement les travailleurs qualifiés — pourraient choisir de demeurer dans leurs communautés d’accueil en raison de l'insécurité et du manque d’accès aux services de base et aux emplois dans leurs pays d'origine19. Par exemple, dans la Bosnie d'après-guerre, beaucoup de réfugiés ont refusé de retourner dans leurs communautés en raison des faibles possibilités d’emploi. Contrairement aux réfugiés qui ont fui leur pays, les personnes déplacées à l'intérieur du pays sont plus susceptibles de réintégrer leur collectivité, à condition de pouvoir bénéficier d'une aide appropriée à cette fin et de pouvoir compter sur une transition sans heurts. Beaucoup d'obstacles peuvent entraver la réintégration sociale des personnes rapatriées. Ces dernières choisissent souvent de ne pas réintégrer leur collectivité d'origine par peur de la discrimination, de la violence, ou de l’absence de perspectives économiques. Ces problèmes peuvent aussi se poser pour les personnes déplacées qui choisissent de ne pas réintégrer leur collectivité d'origine et de s'installer dans une région différente. Cela risque en effet d'engendrer une augmentation de la concurrence pour les emplois et l'accès aux écoles et aux installations de soins de santé dans les régions les plus convoitées. Une étude réalisée récemment par la Banque mondiale se penche sur les enseignements que l'on peut tirer de la documentation et des études de cas expliquant le quand, le qui et le pourquoi du rapatriement ; elle examine le rôle joué par l'aide internationale dans huit cas particuliers. L'étude montre que la plupart des personnes rapatriées ne retournent pas dans leur village d'origine et choisissent plutôt de s'installer dans la capitale, où elles peuvent bénéficier de meilleures opportunités économiques et d’un meilleur accès à l’instruction. Par exemple, pendant la guerre civile qui a sévi au Soudan du Sud de 1983 à 2005, plus de deux millions de 19 Des études ont montré que les réfugiés en exil ne reviennent dans leur pays d'origine que 17 ans en moyenne après la conclusion d'un accord de paix. 34 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 personnes, venant principalement des zones rurales, ont fui à Khartoum. La moitié de ces réfugiés se sont installés pour de bon, mais nombre de ceux qui en sont repartis (de même que les autres personnes déplacées) ont choisi de vivre à Juba ou dans d'autres villes du Soudan du Sud au lieu de revenir dans leur collectivité d'origine en raison des meilleurs conditions de sécurité, des meilleurs services et des meilleurs perspectives économiques qu'elles pouvaient y trouver. Que faire pour assurer la réintégration en douceur des rapatriés syriens dans le marché du travail ? La réponse à cette question dépend de deux facteurs : le délai dans lequel le système éducatif est en mesure de rétablir le capital humain en Syrie, et la façon de combler l'écart de compétences entre l'école et le marché du travail. D'abord, en raison de la destruction massive du système éducatif, il faut d'urgence mettre en place des programmes à moyen terme pour le soutien des services éducatifs syriens. Les personnes déplacées et rapatriées ont besoin d'acquérir les nouvelles compétences requises pour obtenir un emploi, et cela peut être réalisé par le biais d'une réévaluation et d'une revitalisation du système d’éducation et de formation. Des études ont démontré que dans les pays touchés par la violence, les institutions locales d'éducation sont incapables de fournir les services d'éducation de qualité requis au cours de la période qui suit immédiatement la conclusion d'un accord de paix. Il est donc essentiel de mettre l'accent sur des interventions à court terme, peut-être en recourant à l'aide de partenaires de développement internationaux — y compris des universités —, pour remettre sur pied le système éducatif. Ce travail peut débuter même pendant la tenue des pourparlers de paix. Cependant, à moyen ou à long terme, il est crucial de dépasser les simples interventions à court terme pour reconstruire les infrastructures physiques et rétablir les capacités institutionnelles qui serviront à réorienter le système éducatif vers la formation technique ou professionnelle. Deuxièmement, le capital social et les liens de confiance jouent un rôle important dans le processus de réintégration. Des études ont démontré que les collectivités dotées d'une bonne réserve de capital social affichent des taux de criminalité plus bas, jouissent d'une meilleure santé et affichent des niveaux d'instruction plus élevés (Halpern, 2009). Il y a cependant un revers à cette médaille : les groupes et les organisations jouissant d’un capital social important ont aussi les moyens d'exclure les autres. Une enquête menée par le HCR sur le marché du travail afghan en 2006 montre que le réseautage a joué un rôle important dans l'intégration des personnes rapatriées au marché du travail : les relations de ces personnes avec des amis et parents ainsi que les liens qu'elles entretenaient avec des réseaux de professionnels dans leurs domaines d'activités leur ont permis d'obtenir des informations sur les emplois disponibles ou de décrocher directement un emploi. Les résultats montrent aussi que les secteurs les plus prometteurs pour la création d'emplois étaient ceux qui exigeaient le moins de compétences — 35 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 par exemple, la construction, le commerce de gros ou de détail et la fabrication, où il était facile de trouver un emploi. Yémen L'avant-guerre (de 1970 à 2010) Le Yémen, une économie basée sur le pétrole, était partie au même « contrat social arabe » que les autres pays de la région MENA. Au cours des trois dernières décennies, le pétrole a représenté plus du tiers du PIB (31 milliards de dollars en 2010), la moitié des recettes publiques et 90 % des exportations de ce pays. Pendant des années, et en particulier pendant la période de vaches grasses des années 2000, l'État a bénéficié de recettes pétrolières annuelles de plus de 3 milliards de dollars, ce qui lui a permis de maintenir un vaste secteur public et d'investir des sommes considérables dans ses infrastructures. Les ressources pétrolières sont demeurées le moteur principal de la croissance, orientant la trajectoire économique à long terme du pays. La croissance était forte, mais volatile, atteignant 7,7 % en 2010 (en raison des investissements consacrés au projet de gaz liquéfié). La croissance moyenne pour la période écoulée de 1970 à 2010 a atteint un taux raisonnable de 3,8 % (graphique 2.6). En revanche, le PIB par habitant est resté le plus bas de tous les pays de la région MENA en raison d'un taux de fécondité élevé d'environ 5,4 enfants par femme et d'une croissance démographique supérieure à 3 %. Malgré les améliorations affichées par les indicateurs d’éducation et de santé, la pauvreté est restée élevée. Le pourcentage de personnes vivant sous le seuil de pauvreté — 1,90 dollar par jour (PPA) — est passé de 44,9 % en 1990 à 46 % en 2010. Avec un revenu de 4 dollars par jour (PPA), plus de 85 % des Yéménites vivaient sous le seuil de pauvreté en 2010. Le Yémen affichait par ailleurs un des taux de malnutrition les plus élevés du monde, près de 60 % des enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition chronique, 35 % présentant une insuffisance pondérale, et 13 % souffrant de malnutrition aigüe en 2012. 36 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Graphique 2.6 L'économie du Yémen avant la guerre Source : Banque mondiale Plusieurs raisons peuvent servir à expliquer le taux de pauvreté élevé du Yémen, y compris les pénuries d'eau qui limitent la production agricole, une fonction publique pléthorique qui réduit les occasions d'emploi ailleurs, et la mauvaise gestion de la politique économique. Par exemple, le Qat, un narcotique « doux » dont la production exige de l'eau et qui serait selon les estimations six fois plus rentable que les autres cultures vivrières, représente environ 30 % de la production agricole du Yémen, mais la moitié des hommes adultes employés dans le secteur de l'agriculture s'adonnent à cette culture. Pendant ce temps, le pays doit importer plus de 90 % de ses aliments. Des études ont montré que les Yéménites consacrent le quart de leurs revenus à l'achat de Qat, soit plus qu'ils n'en consacrent à leur alimentation. Les hausses rapides des prix des aliments observés pendant cette période ont encore aggravé la situation et poussé un grand nombre de Yéménites dans la pauvreté. Environ un million de personnes ont été recrutées dans le secteur public, et 8 à 10 % d'entre eux sont devenus des « fonctionnaires fantômes » qui touchaient un salaire, mais qui n'existaient pas ou qui figuraient sur la liste de 37 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 paie d'autres services, empochant ainsi deux à trois salaires assortis d'indemnités. La masse salariale de l'État est demeurée un fardeau sur ses dépenses, atteignant 11 % du PIB en 2009. Les subventions représentaient également une part importante des dépenses de l'État, atteignant 14 % du PIB en 2008. Les soulèvements survenus au Yémen en 2011, lors du « Printemps arabe », tenaient à un certain nombre de facteurs. Un contrat social brisé et de faibles niveaux d’éducation — la moitié environ des jeunes se trouvant illettrés, et même ceux détenant des diplômes universitaires ne justifiant pas des aptitudes requises pour répondre aux besoins du marché du travail — ont provoqué une crise du chômage des jeunes qui persiste aujourd'hui (taux de chômage actuel estimé de 60 %). La chute des cours du pétrole observée après 2009, qui a poussé les autorités publiques à réévaluer leur rôle dans la croissance du secteur public, le manque de représentation auprès de l'État et l'insuffisance des mécanismes de responsabilisation, les taux élevé de pauvreté et la malnutrition, et une société tribale caractérisée par l'influence de multiples sectes sont autant de facteurs qui ont contribué au climat d'insatisfaction et conduit aux protestations en 2011. Monsieur Ali Abdallah Saleh, président de longue date, a été démis de ses fonctions. Un processus de dialogue national a été engagé en vue d'élaborer une nouvelle constitution. Quelques mois après la conclusion du dialogue national, un groupe mené par les Houthis, qui n'étaient pas parties au dialogue, a déclenché une rébellion. La guerre civile, qui a débuté en mars 2015, est parfois qualifiée de « guerre par procuration » puisqu'elle met en cause une coalition menée par l'Arabie saoudite luttant contre les Houthis, lesquels bénéficieraient semble-t-il de l'appui de l'Iran. Cette guerre civile, qui en est à sa deuxième année, a engendré la plus grave crise humanitaire de l'histoire du Yémen. La guerre civile (de 2015 à aujourd'hui) Coûts humains Les indicateurs sociaux du Yémen étaient déjà faibles avant 2015, mais l'escalade du conflit a détruit les progrès réalisés au cours des deux dernières décennies. Le Yémen se classait au 160e rang (sur 188 pays) dans le Rapport sur le développement humain de 2015, un recul par rapport à 2014, alors qu'il occupait le 154e rang. Le conflit a eu des répercussions catastrophiques sur les Yéménites. Les pertes en vies humaines subies par les populations civiles ont été estimées à plus de 6 000 personnes, le nombre de blessés atteignant environ 28 500 personnes. À la fin de 2015, on estimait que 2,5 millions de personnes avaient été déplacées à l'intérieur du pays. Les populations pauvres sont les plus touchées : 21,2 millions de Yéménites, soit plus de 80 % de la population, ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence ; 14,4 millions sont victimes d’une insécurité alimentaire chronique, soit une hausse de 35 % depuis le début du conflit ; 19,3 millions sont privés d'eau potable ou de systèmes 38 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 d'assainissement. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), cette situation a conduit à une forte augmentation du taux de malnutrition et de la charge de morbidité puisque le recours obligé à des sources d'eau non protégées rend les gens — en particulier les plus jeunes — vulnérables aux maladies. Enfants. La poursuite des hostilités a fait payer un lourd tribut aux enfants du Yémen. Selon les données collectées par l'UNICEF, six enfants sont tués ou blessés chaque jour depuis mars 2015, soit sept fois plus qu'en 2014. Les groupes de combattants recrutent aussi des enfants pour en faire des soldats. En 2015, les Nations Unies ont recensé 848 cas de tels recrutements, et des rapports donnent à penser que des enfants d'à peine 10 ans seraient ainsi contraints de se battre. Selon certaines estimations, environ 3 600 écoles auraient été fermées, portant la population totale d'enfants d'âge scolaire privés d'école à plus de 3,4 millions, soit la moitié de l'ensemble des enfants d'âge scolaire du pays entier. Enfin, au moins 51 attaques contre des établissements scolaires ont aussi été confirmées au Yémen. Coûts physiques La guerre civile fait toujours rage au Yémen, et les estimations des coûts des dommages infligés aux infrastructures et au capital physique et humain sont donc incomplètes. Selon une estimation initiale (encore partielle et incomplète) réalisée conjointement par la Banque mondiale, les Nations Unies, la Banque islamique de développement et l'Union européenne, les coûts des dommages s'établiraient à 15 milliards de dollars, soit près de 7 milliards de pertes économiques (en valeur nominale) et plus de 7,3 milliards de pertes de production et de prestation de services. Selon les estimations, les dommages résidentiels subis dans les seules villes de Sanaa, Aden, Taiz et Zinjibar s'établiraient à environ 3,6 milliards de dollars, mais la collecte des données a été interrompue en octobre 2015, soit sept mois environ après le début du conflit. Les coûts de la reconstruction des installations énergétiques dans ces quatre villes a été estimé à 139 millions de dollars ; cette somme devrait être consacrée en grande partie à la réparation des centrales endommagées ou à la reconstruction des centrales détruites. Une enquête conduite par le ministère de l'éducation du Yémen a conclu que sur les 1 671 écoles du pays, réparties dans 20 gouvernorats ayant subi des dommages, 287 nécessitaient des travaux de reconstruction majeurs, 544 servaient de refuges pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays, et 33 étaient occupées par des groupes armés. Des calculs fondés sur un échantillon de 143 écoles ont permis d'estimer le coût des dommages à 269 millions de dollars. Les estimations effectuées par le ministère de la Santé publique et de la Population montrent que 900 des 3 652 installations offrant des services de vaccination étaient hors d'usage au début de 2016, exposant ainsi 2,6 millions d'enfants de moins de 15 ans à des maladies transmissibles. 39 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Coûts économiques Le Yémen a connu par le passé des problèmes d'instabilité, mais la récente guerre l'a précipité dans une crise humanitaire. L'activité économique s'est effondrée dans presque tous les secteurs, et en particulier dans le secteur pétrolier. L'accès aux services sociaux, y compris la santé et l'éducation, a été sensiblement réduit, et les importations ont subi un net recul. La production de pétrole, principale source de recettes publiques, a subi une forte baisse à la suite du soulèvement de 2011 en raison de la multiplication des attaques lancées par les insurgés dans les champs pétrolifères, et plus tard sous l'effet de la guerre menée par procuration à partir de mars 2015. L'économie s'est brutalement contractée en 2015 (28,1 %) et en 2016 (4,2 %). Un rapport du PNUD sur les activités du secteur privé indique que plusieurs entreprises ont suspendu leurs opérations au Yémen, y compris 35 % dans le secteur des services, 29 % dans le secteur industriel, et 20 % dans le secteur du commerce. Cela a contribué à aggraver encore davantage un taux de chômage déjà critique dans le pays. Cette contraction, combinée aux effets des conflits sur d'autres secteurs (social, agriculture, pêche et élevage, commerce et industrie, système bancaire, etc.) a rendu les conditions de vie des Yéménites encore plus précaires. Le taux d'inflation a atteint 39 % en 2015, et devrait continuer d'augmenter à mesure que la gestion des finances publiques continue de se détériorer. Le déficit budgétaire s'est creusé, et les sources extérieures d'aide budgétaire se sont en grande partie taries à mesure que de nombreux partenaires de développement suspendaient leurs engagements. S'agissant des dépenses courantes, les primes sur les traitements et salaires ont été réduites en réaction au recul des cours du pétrole et de la détérioration de la situation financière de l'État, ainsi qu'à une importante réduction des subventions, qui sont passées de 8 % du PIB en 2011 à moins de 1 % en 2015. L’investissement public, déjà faible avant 2011, a été à toutes fins pratiques interrompu par la suite, s'établissant à moins de 0,2 % du PIB en 2016. Le taux de change a subi des pressions en raison de la baisse des revenus pétroliers et du manque de financements étrangers. Les réserves internationales ont subi une baisse pour atteindre moins de 2 milliards de dollars à la fin de 2015 (2 mois d'importations). En conséquence, en février 2016, la banque centrale à interrompu son soutien aux importations au taux de change officiel sauf pour le blé et le riz. La dépendance des autorités vis-à-vis du financement par la Banque centrale du déficit budgétaire a conduit à une période d'inflation et à une hausse de l'encours de la dette intérieure d'environ 18 % du PIB, dont la valeur était estimée à 53 % du PIB en 2016. Libye L'avant-guerre (de 1970 - 2010) L'économie libyenne dépend du pétrole qui représente la presque totalité de ses revenus d'exportation, 80 % des recettes publiques et la moitié du PIB. Ainsi, le revenu par habitant de la Libye calculé par la Banque mondiale s'établissait à 11 934 dollars en 2010, soit plus que la 40 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 moyenne de la région MENA et près du revenu par habitant le plus élevé d'Afrique. Comme les autres pays arabes, la Libye est partie à un contrat social en vertu duquel l'État procure aux citoyens des services de santé et d'éducation gratuits, des emplois dans le secteur public, ainsi que des denrées alimentaires et des carburants subventionnés, en contrepartie d'une liberté de parole restreinte. Suite à la levée des sanctions de l'ONU en 2003, l'activité économique a marqué une hausse régulière pendant sept ans. De 2004 à 2010, la croissance du PIB réel s'est établie en moyenne à environ 5 %, l'inflation annuelle moyenne des prix à la consommation s'est établie à moins de 4 %, et les réserves de change officielles du pays sont passées de 20 milliards de dollars à la fin de 2003 à 170 milliards à la fin de 2010. Plus de 80 % de la main- d'œuvre officielle était employée dans le secteur public. Le secteur privé limité était entravé par la dominance de l'État et le poids accablant des institutions. De ce fait, les indicateurs de la gouvernance sont restés faibles, la création d'emplois est restée anémique et fortement tributaire du secteur public, et la dépendance à l'égard des travailleurs expatriés s'est accrue (graphique 2.7). L'effet combiné de ces facteurs a mené au soulèvement du Printemps arabe, en 2011. Comme d'autres pays arabes, la Libye a accompli des progrès notables dans les domaines de l'éducation et de la santé. L’espérance de vie est passée de 46,9 ans en 1970 à 75,1 ans en 2010, et le taux d’alphabétisation a atteint 89,5 % chez les adultes, et 99,5 % chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans en 2010. Le taux de mortalité chez les moins de cinq ans a aussi baissé, passant de 139 (par 1 000 naissances vivantes) en 1970 à 28 en 2010. Des années d'investissements en éducation primaire ont conduit à une hausse du taux d'alphabétisation des personnes de 15 ans et plus qui est passé de 60 à plus de 85 % de la population en 2010. Cependant, malgré le rétrécissement de l'écart observé entre les sexes à ce chapitre, le taux d'alphabétisation restait toujours plus élevé chez les hommes que chez les femmes : en 2010, il s'établissait à 96 % chez les hommes et à 83 % chez les femmes. 41 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Graphique 2.7 L'économie de la Libye avant la guerre La guerre civile (de 2011 à aujourd'hui) Coûts humains La guerre, l'insécurité et la violence ont touché plus de 3 millions de personnes en Libye (la moitié de la population), et on estime que 2,4 millions d'entre elles ont besoin de protection et d'aide humanitaire. De ce nombre, environ 241 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, environ 437 000 ne sont pas déplacées, mais ont des besoins particuliers, et 125 000 sont des réfugiés qui ont fui en Europe, et notamment en Italie. La moitié de ces personnes sont des femmes, et le tiers sont des enfants, qui se trouvent pour la plupart dans l'ouest du pays. Outre le conflit civil, la Libye doit aussi composer avec la présence sur son territoire du groupe armé islamique (Daesh). Les combats ont tué ou blessé un grand nombre de civils. En 2016 42 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 seulement, entre janvier et octobre, environ 498 civils auraient été tués ou blessés. Une enquête du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) laisse conclure que quatre seulement des 98 hôpitaux sondés sont en mesure fonctionner à plus de 75 % de leurs capacités théoriques. Les gens n'ont pas accès à l'eau potable ni à des services d'assainissement adéquats (54 % des personnes questionnées font état d'une réduction de la quantité disponible d'eau potable), à des logements adéquats (en raison des dégâts importants causés aux habitations et aux infrastructures ; voir section suivante), à des services d'éducation (plus de 558 écoles ne sont plus opérationnelles ou ne le sont que partiellement) ou à des aliments (17 % des personnes déplacées sont en situation d’insécurité alimentaire). De plus, les personnes déplacées, rapatriées, ou même celles qui n'ont pas quitté leurs collectivités constituent des cibles faciles et subissent de graves atteintes à leurs droits et à leur sécurité (tableau 2.3). Tableau 2.3. Libye : population vulnérable par secteur Personnes Personnes Réfugiés Personnes % de % dans le déplacées (milliers) non déplacées femmes d'enfants besoin (milliers) (milliers) (millions) Santé 1,3 178 47 338 45 34 Protection 1,3 127 47 230 44 33 Hébergement 0,6 97 47 8 40 30 Eau et 0,5 30 19 45 40 30 assainissement Sécurité 0,4 65 20 36 48 37 alimentaire Éducation 0,3 31 2 62 49 100 Au total : 1,3 million de personnes dans le besoin Source : Humanitarian Response Plan, 2017 ; voir http://www.humanitarianresponse.info/en/operations/libya. Enfants. Le conflit armé a durement touché les enfants en les privant de l’accès aux services sociaux de base. L'UNICEF a estimé que 1 060 000 enfants souffrent de malnutrition aiguë, et que 279 146 d'entre eux sont atteints de malnutrition grave. Des milliers d'enfants, en particulier les filles, sont privés d'école dans différentes régions du pays, les établissements scolaires ayant été endommagés par les combats ou ayant été réquisitionnés pour servir d'abris aux personnes déplacées. Des enfants sont recrutés par des groupes armés et extrémistes, ou sont victimes de la traite d’êtres humains, ce qui met leur vie en danger. On estime qu'environ 439 000 enfants sur un total de 2,4 millions auraient besoin de services de protection — par 43 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 exemple, soutien psychosocial, services de protection des enfants offerts au niveau des communautés, services de réintégration dans la collectivité — afin de surmonter les traumatismes infligés par le climat de violence. Les déplacements et le manque de sécurité ont obligé les parents à sortir leurs filles de l'école et, dans beaucoup de cas, à les marier précocement. Coûts physiques L'économie libyenne est entièrement tributaire du pétrole et le conflit qui persiste depuis six ans a bloqué les terminaux pétroliers et les ports, tandis que certaines tribus fermaient les champs pétrolifères de l'État. Le présent rapport présente des estimations des dommages causés aux champs pétrolifères en termes de pertes de revenus dues à l'insurrection, ainsi qu'une évaluation des dommages causés aux infrastructures civiles réalisée dans le cadre de l'initiative REACH pour Benghazi, la ville libyenne la plus endommagée pendant la guerre. En raison des nombreuses attaques menées contre les terminaux pétroliers au cours des quatre dernières années, les champs pétrolifères libyens ont subi de lourds dommages aux infrastructures, et les exportations de pétrole ont été bloquées. Des estimations réalisées par l'UE indiquent que la mainmise exercée pendant près de trois ans par les milices armées sur les principaux terminaux pétroliers (Ras, Lanuf, Sidra, Zueitina et Brega) a entraîné pour la Libye un manque à gagner plus de 100 milliards de dollars. De toutes les grande villes libyennes, Benghazi est celle où les dégâts causés aux bâtiments par la guerre et les attaques des milices ont été les plus lourds. L'évaluation des dommages IMPACT s'appuie sur des images satellitaires recueillies sur deux périodes distinctes en août 2015 et couvrant 13 zones de Benghazi, ainsi que sur une analyse réalisée plus tard, en avril 2016. L'analyse établit une distinction entre les bâtiments détruits (destruction de 75 à 100 % de la structure), gravement endommagés (destruction de 30 à 75 % de la structure) et modérément endommagés (dommages causés à 5 à 30 % de la structure). L'évaluation des dégâts laisse conclure qu'en août 2015, sur un total de 1 620 structures touchées, 658 avaient été détruites, 276 avaient été gravement endommagées et 686 avaient été modérément endommagées, et que 537 structures supplémentaires étaient aussi probablement endommagées. L'analyse effectuée en avril 2016 par imagerie satellitaire a révélé une augmentation sensible des dommages : 1 791 structures supplémentaires ont été recensées (455 détruites, 580 gravement endommagées et 756 modérément endommagées), tandis que 706 structures supplémentaires étaient jugées probablement endommagées. Globalement, entre août 2015 et avril 2016, environ 3 344 structures ont été recensés comme ayant été détruites, gravement endommagées ou modérément endommagées, et 1 152 structures supplémentaires ont été recensées comme probablement endommagées (voir carte 2.2). 44 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Coûts économiques Six années de guerre en Libye ont fortement compromis les progrès réalisés en matière de santé et d'éducation. Par ailleurs, l'activité économique a été perturbée, et le tissu social a été entamé par l'accroissement de la violence. L'économie connaissait en 2016 sa quatrième année consécutive de récession. La production pétrolière libyenne, qui atteignant plus de 1,6 million de barils de pétrole brut par jour avant le soulèvement de 2011, n'était plus que d'environ 380 000 barils par jour. La production hors hydrocarbures est restée faible à cause des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et du climat d'insécurité, ainsi que du manque d’investissements adéquats. On estime que le PIB réel avait reculé de 8,9 % en 2015, et qu'il s'était à nouveau contracté de 2,5 % en 2016. Le revenu par habitant, qui atteignait près de 13 000 dollars en 2012, avait été ramené à moins de 5 000 dollars en 2016. Le taux d'inflation, qui s'établissait à 10 % en 2015, a atteint en 2016 un niveau sans précédent de 26 % sous l'effet d'une hausse des prix des aliments. Le manque de fonds pour le financement des importations — notamment les importations de denrées alimentaires — a conduit à des pénuries de produits de base et à l'expansion du marché noir. La tendance des ménages à constituer des stocks de denrées est venue exacerber la situation. Peu de Libyens travaillent à l'extérieur de la fonction publique, et le secteur public n'a pas été en mesure de fournir des emplois pour les nouveaux arrivants sur le marché du travail. La Libye a souffert de taux de chômage élevés au cours des deux dernières décennies. Le taux de chômage officiel atteignait 13,5 % en 2010, et on estime qu'il était deux fois plus élevé chez les jeunes. Le secteur pétrolier (bouée de sauvetage de l'économie libyenne) a connu une chute brutale de ses revenus qui n'atteignaient plus que le cinquième de leurs niveaux d'avant la révolution, alors que les dépenses sont restées élevées. La part du PIB consacrée aux salaires de la fonction publique atteignait environ 53 % en 2016. Les investissements n'ont pas suffi pour assurer la prestation de services publics adéquats en santé et en éducation, et les services d'électricité, d'eau et d'assainissement. La forte dépendance vis-à-vis des exportations d'hydrocarbures et des importations de produits alimentaires a pesé sur la balance des paiements et sur la situation financière du pays en 2016. Les réserves de change sont restées la source principale de fonds pour le financement du déficit budgétaire. 45 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Carte 2.2 Dommages causés aux infrastructures de Benghazi (août 2015 – avril 2016) Avril 2016 Août 2015 Source : IMPACT. Principes de la reconstruction d'après-guerre dans la région MENA La description des économies des trois pays telles qu'elles se présentaient avant les conflits et celle des effets catastrophiques des guerres sur ces économies amènent à formuler un principe fondamental : la reconstruction doit être un exercice de construction nationale. Elle ne doit pas se limiter à la simple réparation des dommages physiques causés par la guerre, mais s'attaquer aussi aux causes premières des conflits. La reconstruction doit par ailleurs tabler sur la promotion de la paix, ne serait-ce que pour éviter la résurgence des conflits. L'effort de reconstruction doit être conçu pour influer sur la dynamique des conflits et pour promouvoir la paix en modifiant les calculs des belligérants. Compte tenu de ces principes directeurs, l'évaluation des dégâts et des pertes économiques causées par les trois guerres civiles dans la région MENA — qu'on estime être de l'ordre de 300 milliards de dollars — et le bilan des expériences précédentes de programmes de reconstruction d’après-guerre comme celui mis sur pied en Iraq après 2003 (encadré 2.2), conduisent à formuler certains principes particuliers qui pourraient guider une stratégie de reconstruction post-conflit dans la région. 46 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 1. Financement massif, mais modulaire, appuyé par la communauté internationale Les dommages sont d'une ampleur telle que le seul rétablissement des économies de la Syrie, du Yémen et de la Libye à leur niveau d’avant-guerre exigera une quantité colossale de ressources. Des estimations de l'ordre de deux à trois fois le PIB des pays en 2010 ne seraient pas jugées déraisonnables. Cependant, les programmes de reconstruction ne devraient pas se contenter de rétablir le PIB de 2010 puisque, comme on l’a vu plus haut, les économies auraient connu une croissance non négligeable n'eut été de la guerre civile. La Syrie, par exemple, avait une occasion historique de passer de la tranche inférieure à la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire d'ici 2025. Remettre le pays sur cette trajectoire-là pourrait désormais prendre plusieurs années et exiger des milliards de dollars. Cela dit, ce ne serait que justice pour les habitants de ces pays de maintenir le cap sur cet objectif apparemment irréalisable, et de tout faire pour en réaliser les promesses. De surcroît, la plupart des dommages causés au capital humain — enfants privés d'école, réapparition de maladies transmissibles, traumatismes psychologiques — risquent d'avoir des conséquences intergénérationnelles à long terme. Ainsi, les efforts de reconstruction ne devraient pas se limiter à rétablir la production perdue, mais viser également à éviter une stagnation prolongée, et possiblement permanente de l'économie. L'estimation des ressources requises pour la reconstruction n'est que la première étape. La suivante consiste à déterminer les moyens de mobiliser les financements requis. Dans les cas de la Syrie, du Yémen et surtout de la Libye, le secteur pétrolier — lorsqu'il aura repris sa production — pourrait devenir une source importante de financements, à l'exemple de ce qui a été observé en Iraq. Certes, les cours du pétrole risquent peu de revenir à un niveau supérieur à 60 dollars par baril (Devarajan et Mottaghi, 2016a) et le rétablissement de la production devra lui-même être financé, mais l'expérience d’autres pays sortant d’un conflit montre que ceux qui jouissent de ressources naturelles importantes sont en mesure de relancer leur économie plus rapidement que ceux qui sont dépourvus de telles ressources (Devarajan et Mottaghi, 2016b). Ainsi, en procédant en priorité au rétablissement de la production pétrolière, il devrait être possible de relancer l'économie et de financer d’autres projets de reconstruction. Cela dit, même un secteur pétrolier pleinement fonctionnel ne saurait générer toutes les ressources nécessaires au financement de la reconstruction d'après-guerre dans ces pays. C'est ici que la communauté internationale doit intervenir. Compte tenu des répercussions sérieuses qu'ont eues ces guerres sur les pays voisins et sur des régions encore plus éloignée comme l'Europe, la communauté internationale a tout intérêt à faire en sorte que la paix, une fois rétablie, soit durable. Il faudra pour cela que le programme de reconstruction de l’après-guerre bénéficie de financements adéquats. En fait, la conclusion d'un accord concernant le 47 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 programme de reconstruction pourrait devenir le point de convergence des différents acteurs régionaux et internationaux engagés dans les conflits actuels. Encadré 2.2 Enseignements de la reconstruction de l'Iraq après 2003 Dans la foulée de l'invasion de l'Iraq conduite par les États-Unis en 2003, la communauté internationale s'est lancée, sous la direction des États-Unis, dans un ambitieux programme de redressement et de reconstruction du pays. Aujourd'hui, l'Iraq est aux prises avec des conflits sectaires, une guerre d'usure contre Daesh, une économie fragile (à cause des faibles cours du pétrole), une insuffisance d'infrastructures et de multiples carences de la gouvernance — par exemple, corruption généralisée et anarchie dans certaines régions du pays. Quels enseignements peut-on tirer de cette expérience pour d'autres pays de la région MENA touchés par un conflit ?  La reconstruction était bien financée (à hauteur de 60 milliards de dollars), et pouvait par ailleurs compter sur une somme d'environ 126 milliards de dollars du fonds souverain iraquien (hérité de l'ère des prix élevés du pétrole). Cependant, ces fonds n'ont pas été utilisés à bon escient pour renforcer les institutions iraquiennes, ni même pour collaborer avec elles. À titre comparatif, un fonds fiduciaire international d'appui au renforcement des institutions ne totalisait que 1,8 milliards de dollars.  L'allocation importante consentie par les États-Unis poussait souvent les autorités à décaisser les fonds au cours d'un exercice donné, ce qui entraînait certaines dépenses improductives. Par exemple, de vastes sommes ont été dépensées pour accroître la production électrique en achetant des turbines à gaz ou en redémarrant des centrales électriques sans prêter beaucoup d'attention aux réparations requises. À terme, la production d'électricité a chuté.  Plusieurs départements de l'appareil d'État américain avaient déjà élaboré des plans de reconstruction avant la fin de la guerre. Malheureusement, la plupart de ces plans sont restés lettre morte du fait, en partie, de la piètre coordination des interventions des divers départements.  L'effort de reconstruction n'a eu que des effets limités parce qu'il était en grande partie axé sur l'offre et faisait peu de cas de l'avis de la contrepartie iraquienne concernant la planification et la mise en œuvre.  Les vastes sommes d'argent disponibles ont aussi contribué à encourager la fraude, le gaspillage et l'utilisation abusive des fonds destinés à la reconstruction.  La décentralisation faisait partie du mandat d'après-guerre et visait à éviter un retour de la dictature. Malgré les ressources dépensées et l'élaboration d'une nouvelle constitution portant création d'un système politique fédéral, peu de progrès ont été réalisés en cette matière. Pour résumer, l'expérience de la reconstruction d'après-guerre en Iraq nous amène à tirer des leçons amères et nous dicte surtout les choses « à ne pas faire » pour la reconstruction post-conflit dans la région MENA. Il convient en particulier de souligner l'effet corrosif du transfert de vastes sommes d'argent pour le financement de projets axés sur l'offre et réalisés sans procéder à un minimum de consultations avec le bénéficiaire. Dans leur hâte à venir en aide aux économies dévastées par la guerre, les intervenants de l'extérieur auront intérêt, à l'avenir, à calmer leur impulsivité et à réfléchir à des solutions mieux adaptées. Source : Matsunaga, Hideki, 2017. « Successes and Failures of Post-2003 Iraq Reconstruction ». 48 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 La paix et la stabilité dans la région MENA constituent un bien public mondial. Comme tous les biens publics mondiaux, elles seront desservies si les actions des autres pays restent guidées par leur seul intérêt national. La reconstruction de l’après-guerre dans la région MENA nécessite la collaboration de la communauté internationale tout entière à la mise en œuvre d'un programme conjoint, à la manière de ce qui a été accompli au cours des derniers jours de la Deuxième Guerre mondiale, à Bretton Woods, en juillet 1944 (Encadré 2.3). Encadré 2.3 Exemples de reconstruction réussie d'après-guerre : l'Allemagne et le Japon Les efforts de reconstruction déployés en faveur de l'Allemagne et du Japon au sortir de la Deuxième Guerre mondiale constituent l'exemple à suivre. Leurs succès prouvent que les sociétés sortant d'un conflit peuvent se transformer, et que cette transformation peut être durable (Neeson, 2008). Le Plan Marshall, officiellement lancé en 1948 et qui s'est poursuivi jusqu'en 1951, a joué un rôle essentiel dans la reconstruction de l'Europe de l'Ouest, et notamment de l'Allemagne. Il a été adopté dans la foulée d'une série d'entretiens menés à partir de 1944 (avant la fin de la guerre), à Bretton Woods, au cours desquels de vastes sommes d'argent ont été engagées pour la reconstruction de ces pays. Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) — mises en place lors de la Conférence de Bretton Woods — et l'Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruction (UNRRA) ont consacré à ce projet 1,2 milliard de dollars en 1946 et 1,1 milliard de dollars en 1947. Les États-Unis d'Amérique ont apporté une aide financière considérable (3,4 milliards en 1946 et 4,7 milliards en 1947) à plusieurs pays européens, ce qui a permis à l'Allemagne et au reste de l'Europe de financer les importations requises pour assurer la relance de leurs économies (Dubbins et al., 2003). Les Accords de Bretton Woods n'ont pas simplement déterminé le montant des financements à accorder à ces pays, mais ils ont aussi servi à définir un nouvel « ordre économique mondial » et les règles institutionnelles qui allaient encadrer les transactions internationales. Les politiques et l'accès aux ressources financières allaient de pair. Le « consensus » qui allait émerger (sauf pour les pays du Bloc de l'Est et les pays en développement émergents) au sujet de ces règles faisait de l'ordre économique mondial un « bien quasi-public ». Les approches adoptées par l'Allemagne et le Japon en matière de reconstruction d'après-guerre laissent constater certaines similitudes. Les deux pays ont mis en œuvre des mesures politiques, économiques et sociales axées sur la reconstruction nationale. Ils se sont d'abord dotés d'une nouvelle constitution axée sur la promotion de l'égalité des sexes, le respect des libertés fondamentales, le renforcement des pouvoirs du Parlement et du Cabinet, et la décentralisation de la police et des administrations locales1. La priorité a été accordée à la réforme du système éducatif, et le budget national et les médias ont été consacrés comme des outils importants pour la réalisation des réformes et la démocratisation. Pour appliquer ce « mécanisme » dans la région MENA, il faudra non seulement mobiliser les ressources requises pour la reconstruction des pays et de leur économie, mais aussi adopter des politiques adéquates en tirant les leçons des échecs passés qui ont conduit aux événements du Printemps arabe. 1 Voir Friedrich, C.J et Spiro, H.J, « The constitution of the German Federal Republic », dans Litchfield, E.H, 1953, « Governing postwar Germany », Cornell University Press, p.117-151. 49 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Bien que l'aide financière et technique des partenaires régionaux et internationaux ait un rôle critique à jouer, le programme de reconstruction devrait être piloté par les pays visés, et non dicté par les bailleurs de fonds. Il devrait s'appuyer sur la vision et l'ordre du jour élaborés par les pays bénéficiaires dans le cadre de forums et de débats inclusifs. Les bailleurs peuvent renforcer le processus en intervenant auprès des institutions nationales, même si ces dernières n'en sont qu'à leurs premiers pas, plutôt que de chercher à imposer les points de vue d'une entité étrangère dans un contexte déjà fragile (voir encadré 2.2). La mobilisation des financements nécessaires est importante, mais l'échelonnement et le rythme des dépenses le sont tout autant. L'expérience de l'Iraq (et peut-être aussi de l'Afghanistan) et d'autres pays en développement fortement tributaires de l'aide internationale nous enseigne que des dépenses qui excèdent la capacité d’absorption des pays bénéficiaires peuvent engendrer de fortes distorsions, encourager la recherche de rentes, et possiblement aggraver les choses (voir encadré 2.2). À défaut d'intrants complémentaires — par exemple, connaissances techniques et mesures d'encouragement —, les volumes importants de financements ne serviront qu'à augmenter les prix au-delà d'un niveau raisonnable. Ils pourront aussi conduire les gens à opter pour des expédients, des investissements à court terme (pour montrer que l'argent est dépensé), aux dépens de mesures de renforcement des institutions à plus long terme. Au lieu de mettre l'accent sur la mobilisation des financements que l'on estime nécessaires, il conviendrait d'adopter le principe selon lequel aucune activité de reconstruction post-conflit jugée sensée et réaliste ne sera sous-financée. 2. Rebâtir les institutions, et pas seulement les infrastructures Tout programme de reconstruction exigera que l’on fixe des priorités et définisse l’enchaînement des interventions. En Syrie par exemple, devrait-on d'abord reconstruire Alep ou Homs ? Devrait-on rétablir l'approvisionnement en électricité ou rouvrir les écoles ? Étant donné que les trois pays préconisaient par le passé un modèle de développement autocratique et planifié par l'État — un modèle dont l'échec a conduit aux soulèvements du Printemps arabe, puis à la guerre civile —, il paraît essentiel d'éviter que la stratégie de reconstruction ne conduise au rétablissement de l'ancien contrat social (Devarajan et Mottaghi, 2015b). La stratégie devrait plutôt être dirigée et contrôlée par le public. Les décisions concernant l'allocation des ressources, même dans le cas des grands projets d’infrastructure, ne devraient pas être l'apanage de l’administration centrale. Il conviendrait de mettre en place des mécanismes de consultation grâce auxquels le public pourrait donner son avis et influer sur les décisions. Il importe de donner aux membres du public l'occasion de faire entendre leur voix pour deux raisons. Premièrement, tel que mentionné ci-dessus, il s'agit d'un moyen de se distancier de l'ancien contrat social qui a clairement échoué. Les subventions aux carburants, par exemple, 50 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 sont non seulement inefficaces et régressives, mais elle contribuent en plus à réduire le pouvoir des gens, en particulier des pauvres. En effet, le seul moyen pour les habitants de profiter des largesses de l'État est de consommer du carburant (Devarajan et Mottaghi, 2014). Le remplacement de ces subventions par des transferts d’espèces permet non seulement de réduire les inconvénients tels que la pollution et la congestion liées à une consommation excessive de carburant, mais elle donne aux gens la possibilité de choisir ce qu'ils consomment en fonction des avantages qu'ils peuvent en tirer. Dans cet esprit, le programme de reconstruction post-conflit devrait chercher à laisser aux gens le choix des avantages dont ils souhaitent jouir. Deuxièmement, il importe de consulter les populations avant, par exemple, de construire des infrastructures, parce que les trois guerres civiles se sont mutées en conflits sectaires et ont provoqué le déplacement d'un grand nombre de personnes. En Syrie, plus de la moitié des habitants ont quitté leurs foyers. Dans la mesure où les personnes déplacées fuyaient la violence de groupes différents du leur, certaines d'entre elles ne souhaiteront peut-être pas retourner dans leurs lieux d'origine. Elles ne souhaiteront peut-être même pas vivre avec des membres de leur propre secte. Dans une étude portant sur la reconstruction de la Bosnie d'après-guerre, Whitt (2010) constate que les gens ne vouent pas une confiance aveugle aux membres de leur propre ethnie et ne se méfient pas de tous les autres groupes. Il laisse entendre que des facteurs autres que l'ethnie pourrait contribuer à instaurer la confiance entre différentes sectes de la société. Les institutions qui transcendent les différences ethniques ou sectaires et qui contribuent à bâtir la confiance peuvent jouer un rôle de premier plan dans la reconstruction des économies d'après- guerre. Tout en favorisant l'émergence de telles institutions, un programme de reconstruction pourrait, en guise de mesure concrète, offrir aux habitants des transferts d’espèces, et leur laisser le loisir de décider où ils veulent s'installer avant d'entamer la reconstruction des infrastructures. Cela permettra non seulement d'éviter des dépenses inutiles, mais aussi de donner aux citoyens voix au chapitre, et peut-être d'encourager les administrations locales à attirer de nouveaux citoyens, deux effets qui contribueront à renforcer la confiance à l'égard de l'État. Un moyen particulier de faire en sorte que le programme de reconstruction soit piloté par les membres du public consiste à mobiliser le secteur privé. Un État sortant d’un conflit n'aura ni les ressources ni les capacités requises pour rebâtir l'économie. Or, le secteur privé a les capacités voulues pour devenir un moteur de la croissance dans la période d'après-guerre. Les pouvoirs publics devraient promouvoir un milieu d'affaires dynamique et des réformes institutionnelles en s'appuyant sur le consensus qui émergera d'un dialogue ouvert sur la reconstruction, afin de libérer l'énergie du secteur privé. Le choix de privilégier le secteur privé aura aussi pour effet important de favoriser le retour des réfugiés dont plusieurs avaient 51 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 abandonné leur entreprise pendant la guerre. Enfin, un secteur privé dynamique constitue l'antidote le plus efficace contre toute résurgence des conflits. 3. Autonomie locale et distribution équitable des revenus pétroliers Les trois pays en guerre sont des économies pétrolières qui, avant le déclenchement des hostilités, tiraient entre 35 et 90 % de leurs revenus du pétrole. Le pétrole pourrait en fait compter parmi les raisons des conflits. Plusieurs pays pétroliers affichent de piètres résultats en matière de dépenses publiques en raison du fait, entre autres, que les recettes pétrolières, contrairement aux recettes fiscales, passent directement des sociétés pétrolières à l'État sans que les citoyens n'aient l'occasion d'intervenir. Ainsi, ces derniers risquent de ne même pas connaître l'ampleur des revenus pétroliers, et même lorsqu'ils détiennent cette information, ils risquent de se désintéresser de la façon dont les autorités dépensent cet argent, considérant (à tort) qu'il ne leur appartient pas. Ce syndrome conduit souvent à des dépenses publiques inefficaces, qui peuvent engendrer le mécontentement des populations à l'égard des pouvoirs publics et conduire à des protestations, à l'exemple de ce qui a été observé lors du Printemps arabe. En résumé, toute stratégie de reconstruction post-conflit, en particulier si elle est financée à même les revenus d'un secteur pétrolier rétabli, devrait porter une attention spéciale à la façon dont les revenus sont dépensés et, surtout, à la façon dont les citoyens perçoivent ces dépenses. Par ailleurs, tel que mentionné précédemment, les guerres en question ont dégénéré en conflits sectaires, et il est souvent arrivé que les parties belligérantes fassent main basse sur des portions du territoire national. Pour maintenir l'intégrité du pays dans la foulée de la conclusion d'un accord de paix, et pour éviter la sécession de divers groupes souhaitant former leur propre pays, l'administration centrale pourrait choisir de déléguer une partie de son autorité budgétaire à des entités infranationales. En raison de leur statut d'économies pétrolières, la façon dont ces pays partagent leurs revenus pétroliers entre différentes entités infranationales devient un élément crucial du succès de tout programme de reconstruction post-conflit. D'une part, il peut s'avérer efficace de distribuer les revenus pétroliers là où ils pourront être le plus productifs. D'autre part, dans la mesure ou les conflits s'expliquent au moins en partie par les griefs de certains groupes de la population estimant qu'ils n'ont pas obtenu leur « juste part » des ressources nationales, toute allocation qui omet de prendre ce facteur en compte risque de conduire à une résurgence du conflit. Il convient aussi de prêter attention à la situation des populations qui vivent près des champs pétrolifères et qui se sentent souvent bernées lorsque les revenus pétroliers sont distribués dans d'autres régions du pays alors qu'ils doivent supporter seuls la pollution et les autres coûts de la production pétrolière. Enfin, étant donné le nombre considérable de personnes 52 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 déplacées, on peut s'attendre, après la résolution des conflits, à des déplacements massifs de populations dont il conviendra de tenir compte lors de l'allocation des revenus pétroliers. Compte tenu de toutes ces dimensions, il conviendrait peut-être de songer à une répartition égale des revenus pétroliers à l'ensemble des habitants (y compris possiblement ceux qui sont actuellement des réfugiés). Une telle politique ne saurait être jugée « injuste » par l'un ou l'autre groupe de la société (puisque chacun recevra ainsi le même montant). De plus, tout comme la décision de distribuer les ressources de la reconstruction à des particuliers et de leur laisser le choix de l'endroit où ils souhaitent s'installer, la distribution des revenus pétroliers tiendra compte des déplacements des gens après le conflit. Ainsi, les administrations infranationales pourraient chercher à attirer les gens dans leurs régions pour ainsi tirer profit de leurs nouvelles ressources financières. Plus important encore, cette répartition des revenus pétroliers signifie que les États devront imposer leurs citoyens pour financer les biens publics, ce qui augmentera en retour la possibilité pour les citoyens de tenir les autorités publiques comptables de leurs décisions de dépenses. 53 RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 Références Abboud, S. 2012. “The Syrian Economy: Hanging by a Thread”. Carnegie Middle East Center. 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Ce dernier prévoyait une ALGÉRIE contraction de 9 % des dépenses Évolutions récentes (essentiellement au titre des investissements) et un accroissement de 4 % des recettes fis- En 2016, l’Algérie a affiché une croissance cales par suite d’une augmentation de 36 % relativement soutenue, tirée essentiellement du prix de l’essence et du relèvement des par la reprise de la production d’hydrocar- taux de la TVA frappant l’électricité et de la Grâce à une forte reprise de la production bures, qui a plus que compensé le ralentisse- taxe d’enregistrement des voitures. Le bud- d’hydrocarbures et à des dépenses pu- ment de la croissance du secteur hors hydro- get a permis également aux autorités fiscales bliques plus élevées que prévu, la crois- carbures. Selon les estimations, durant cette d’approuver de nouvelles réductions des sance s’est poursuivie à un rythme relati- période le PIB a augmenté de 3,8 %, soit un dépenses si les cours du pétrole tombent en taux pratiquement similaire à celui de 2015. dessous du cours retenu comme hypothèse, vement soutenu de 3,8 % en 2016 malgré Cette solide croissance a tenu à la reprise de et de procéder à des emprunts extérieurs si la faiblesse des cours mondiaux du pé- la production d’hydrocarbures, qui a aug- nécessaire. Pourtant, les dépenses publiques trole. La croissance hors hydrocarbures menté de 3,6 % en 2016 en comparaison avec sont estimées n’avoir diminué que de 6,0 %, s’est toutefois ralentie tandis que l’infla- 0,4 % en 2015. L’activité économique s’est essentiellement sous l’effet d’une réduction ralentie en dehors de ce secteur, et le taux de de 11,2 % des dépenses d’investissement. tion s’est accélérée. Les déficits jumeaux croissance du reste de l’économie est tombé Le déficit du compte courant a légèrement sont restés supérieurs à 10 % amenuisant de 5,0 % en 2015 à 3,9 % en 2016 essentielle- diminué pour s’établir à 15,6 % en 2016 ainsi l’épargne budgétaire. À moyen ment en raison du ralentissement observé contre 16,5 % en 2015. Les importations se terme, on s’attend à une forte baisse de la dans les secteurs de l’agriculture (suite à des sont contractées de 5,9 % en 2016, mais dans conditions climatiques défavorables), de une bien moindre mesure que les exporta- croissance ainsi que des déficits jumeaux l’eau et énergie et des autres industries. Ce tions qui ont chuté de 16,8 %. La baisse des sous l’effet de l’assainissement des fi- repli reste toutefois modeste malgré l’impact importations a tenu en partie à la nouvelle nances publiques mis en œuvre par le de la chute des cours du pétrole qui sont politique de licences d’importation conçue gouvernement. La baisse du taux de tombés de 100 dollars le baril en 2014 à par l’État pour limiter le déficit du compte croissance du PIB par habitant qui s’en- 46 dollars le baril en 2016. Les exportations courant. ont contribué dans une plus large mesure à En 2016, les autorités monétaires ont permis suivra pourrait avoir des répercussions la croissance en 2016, contrairement aux au dinar de se déprécier davantage par rap- négatives sur le bien-être des ménages. importations et à la consommation publique port au dollar de 8,6 % afin d’éviter un désa- qui ont eu un impact négatif sur cette der- lignement du taux de change, ce qui a accru nière (voir le graphique 1). les tensions inflationnistes. Le taux d’infla- Cette croissance soutenue a résulté en partie tion est passé de 4,8 % en 2015 à 6,4 % en d’un processus harmonieux de rééquilibrage 2016 en partie à cause des répercussions de des finances publiques, qui a permis de ra- la modification du taux de change suiteà la mener le déficit budgétaire de 16,2 % du PIB dépréciation du dinar. en 2015 à 12,2 % du PIB en 2016 (tableau 1 et La persistance de taux de chômage élevés graphique 2). Les autorités publiques ont pour les jeunes reflète le manque d’opportu- poursuivi avec un succès relatif le train de nités économiques pouvant améliorer les mesures d’austérité adoptées dans le cadre conditions de vie des ménages. Le chômage GRAPHIQUE 1 Algérie / Contributions à la croissance GRAPHIQUE 2 Algérie / Position budgétaire du PIB Source : Banque mondiale, Pôle mondial d’expertise en Macroéconomie et Source : Banque mondiale, Pôle mondial d’expertise en Macroéconomie et finances publiques. finances publiques. a atteint 10,5 % en septembre 2016 contre production de nouveaux puits et à une cor- Le pétrole ayant contribué pour environ 9,9 % en avril 2016, ces deux dates étant les rection positive des cours du pétrole atténue- 25 % à l’économie algérienne au cours des plus récentes pour lesquelles des données ront les répercussions négatives sur les sec- trois dernières années, des cours plus faibles sont disponibles. Il est très important pour teurs réels hors pétrole des mesures de réé- que prévu auraient des répercussions néga- les femmes (20 %), les jeunes (26,7 %) et les quilibrage des finances publiques et du tives sur la croissance. Sachant que l’aug- personnes titulaires d’un diplôme universi- compte courant. Le maintien des cours pé- mentation éventuelle de la production d’hy- taire (17,7 %). Le taux d’activité reste faible troliers à un faible niveau (malgré une cor- drocarbures pourrait également dépendre (41,8 %) entraîné par un taux d’activité très rection positive) et l’atonie de la demande du niveau des cours, l’Algérie est particuliè- bas chez les femmes (16,6 %). Le manque des ménages due à des taux de chômage et/ rement exposée à une baisse persistance de systématique d’emplois, conjugué au ralen- ou d’inactivité élevés empêcheront l’inflation ces derniers. La montée du mécontentement tissement de l’activité économique, des ré- de s’accélérer. Le déficit budgétaire tombera social due à la contraction des dépenses pu- formes économiques ainsi que les pressions à un niveau inférieur à 5 % en 2017 pour bliques, à l’augmentation de la charge fiscale inflationnistes, laissent craindre la possibilité atteindre 1 % en 2019, selon les estimations, et à l’ampleur du chômage des jeunes expose d’une augmentation du taux de pauvreté si les pouvoirs publics continuent de résolu- ces perspectives à un risque important. Par national et du nombre de ménages vulné- ment maîtriser les dépenses. Ce déficit de- exemple, en janvier 2007, l’annonce d’un rables. vrait être financé par l’émission de nouvelles relèvement du taux de la TVA de 17% à 19 % dettes du fait que l’épargne budgétaire est a provoqué des manifestations importantes à épuisée, ce qui portera le ratio de la dette au Béjaia et dans les villes voisines. Bien que les Perspectives PIB à 14,6 % en 2018 et à plus de 20 % en 2019. Les projections indiquent une diminu- autorités commencent à manifester la volon- té politique de rationaliser un système de tion progressive du déficit du compte cou- subventions inefficace, inéquitable et géné- Le rythme de l’activité économique devrait rant, qui tombera à moins de 10 % en 2019. reux et que ces mesures fassent l’objet d’un se ralentir à moyen terme. Le taux de crois- consensus au niveau national, de telles ré- sance du PIB réel devrait atteindre, en formes exigeront l’amélioration des filets de moyenne, 1,2 % durant la période 2017-2019. La révision à la baisse des projections de la Risques et défis protection sociale, notamment la mise en place d’un système de transferts monétaires croissance par rapport aux projections de bien ciblé et la poursuite d’une campagne l’automne 2016 est due à l’annonce de Ces perspectives pourraient se dégrader médiatique de grande envergure. Certaines l’assainissement des finances publiques et au pour au moins deux raisons : des cours du de ces mesures d’accompagnement sont en ralentissement de la croissance de la produc- pétrole plus bas que prévu et le mécontente- cours de conception et devraient être mises tion d’hydrocarbures. Durant la période 2017 ment social. Les perspectives actuelles repo- en œuvre à moyen terme. -19, un faible accroissement (2,5 %) de la sent sur l’hypothèse d’une forte remontée production d’hydrocarbures dû à l’entrée en des cours du pétrole (27 % en 2017). TABLEAU 1 Algérie / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) Les résultats de 2016 montrent cependant que les autorités ont privilégié la croissance BAHREÏN Évolutions récentes au détriment d’une détérioration des fi- nances publiques. L’économie bahreïnienne Le pétrole bon marché continue d’éprouver a enregistré une croissance estimée à 3,4 % la résilience de l’économie bahreïnienne. en 2016. Tandis que le secteur des hydrocar- Depuis 2009, Bahreïn applique une politique bures affiche un taux de croissance d’envi- La croissance poursuit son raletissement budgétaire expansionniste qui a entrainé des ron 2 %, on estime à 3,7 % le taux moyen de tandis que le déficit budgétaire reste déficits publics. La situation a empiré en croissance dans les autres secteurs, ce qui 2015 suite à une baisse des recettes pétro- illustre l’intérêt constant pour les investisse- énorme. Le compte courant a viré au ments publics, dont certains ont été financés lières d’environ 10 % du PIB et d’un déficit rouge et les réserves internationales sont budgétaire global estimé à 12,8 % du PIB par le CCG. Une telle politique se traduit en baisse, ce qui pèse lourdement sur la (contre 3,4 % en 2014). Certes, des dépenses cependant par des déficits budgétaires obsti- déficitaires ont aidé à maintenir la croissance nément élevés, estimés à 12,6 % du PIB en parité du taux de change. En dépit des économique à 2,9 %, mais elles ont ramené 2016. Une large portion du déficit en 2016 a efforts d’assainissement budgétaire entre- les réserves à 2,6 mois d’importations et été couverte par des émissions obligataires, pris récemment, Bahreïn est le pays du creusé la dette publique à 62 % du PIB. en dépit du déclassement de la dette souve- Bahreïn a pris quelques mesures pour assai- raine qui dénote des pressions grandissantes CCG le plus vulnérable à la chute des nir ses finances publiques. L’année dernière, sur les finances publiques. Bahreïn a émis cours du pétrole et de la bauxite en rai- il a par exemple augmenté les taxes sur le 600 millions de dollars d’obligations juste son de son épargne limitée et du niveau tabac et l’alcool et introduit des frais pour les avant que sa note ne soit déclassée, et les élevé de sa dette qui l’exposent à des services administratifs dans le but d’ac- autorités ont relevé le plafond de la dette croître ses recettes. Il s’est également doté publique à 10 milliards de dinars bahreïnis risques de financement. d’un programme de réduction des coûts (environ 80 % du PIB) en vue de pouvoir incluant une hausse des prix de l’essence à emprunter davantage. concurrence de 60 % en janvier 2016 (qui La position extérieure de Bahreïn est de plus pourrait générer des économies de l’ordre de en plus vulnérable. Excédentaire durant les 148,4 millions de dollars), le renchérissement 12 dernières années, le compte courant a viré progressif des prix de l’électricité, de l’eau, au déficit en 2015, après la chute des cours du diesel et du kérosène d’ici 2019, l’aug- pétroliers, puis s’est davantage détérioré en mentation et l’unification des prix du gaz 2016 pour atteindre 4,6 % du PIB. Les varia- naturel à usage industriel et la suppression tions des réserves de change traduisent les des subventions de la viande. L’inflation déséquilibres extérieurs grandissants. La s’est redressée progressivement en 2016, parité du taux de change est soumise à une essentiellement à cause de la réforme des pression considérable : les déséquilibres subventions : l’IPC global a augmenté de extérieurs se manifestent par une diminution 3 %, mais restera maîtrisé en 2017 du fait que des réserves à 2,6 mois d’importations du- les mesures ponctuelles n’affectent que l’an- rant la même période. Le taux de change réel née en cours. effectif s’est aussi apprécié de 17 % depuis la fin du premier semestre 2014, ce qui GRAPHIQUE 1 Bahreïn / Composantes de la croissance GRAPHIQUE 2 Bahreïn / Opérations des administrations du PIB publiques (en pourcentage du PIB) Sources : Autorités de Bahreïn et estimations des services de la Banque mondiale Sources : Autorités de Bahreïn et estimations des services de la Banque mondiale et du FMI. et du FMI. a compliqué les ajustements à opérer face à ramenées à 1,9 % en 2017 et 2018, dans un au fait que les prix pétroliers demeurent la dégradation des termes de l’échange du contexte de persistance de cours pétroliers largement inférieurs au seuil d’équilibre pays. bas qui grèvent la consommation publique et budgétaire. En dépit des efforts mis en Il existe peu d’analyses exhaustives sur le privée. Certains investissements en matière branle pour diversifier et stimuler les re- niveau de bien-être en raison d’un accès d’infrastructure devraient également être cettes non pétrolières, les hydrocarbures restreint aux données d’enquêtes auprès des mis en attente. À moins d’assainir profondé- représentent environ 80 % des recettes pu- ménages, de capacités limitées et du carac- ment ses finances publiques, Bahreïn restera bliques de Bahreïn. De plus, les subventions tère sensible du sujet. Les Bahreïnites sont vulnérable aux risques budgétaires. absorbent toujours plus de 20 % du budget peu présents sur le marché du travail et se On s’attend à ce que le taux moyen d’infla- public. Le prix d’équilibre budgétaire pour retrouvent principalement dans le secteur tion descende à 2,1 % en 2017, en raison du Bahreïn était estimé à 110 dollars le baril en public où les salaires sont élevés et la pro- ralentissement de l’activité économique et de 2016 — le prix le plus élevé du CCG. Ainsi, ductivité faible. Les travailleurs immigrés l’effacement progressif de l’effet stimulant Bahreïn devrait continuer de courir un large constituent près de la moitié de la popula- temporaire de la réforme des subventions déficit budgétaire global durant la période tion résidente et perçoivent des rémunéra- sur les prix. Le déficit courant va régresser considérée, qui s’établirait à 9,8 % du PIB en tions bien plus basses. Des composantes partiellement jusqu’à 3,8 % du PIB en 2017, 2017. Si la mise en œuvre des mesures essentielles du contrat social comme l’emploi et rester dans ces environs pendant les an- d’assainissement budgétaire est retardée, ou public et les subventions deviennent de nées d’après, sauf un léger ajustement. Les bien les cours du pétrole régressent davan- moins en moins accessibles à cause des bas réserves internationales devraient suivre une tage, la dette souveraine du pays pourrait à cours pétroliers. Bahreïn gagnerait à renfor- courbe baissière, pour atteindre l’équivalent nouveau être déclassée, ce qui rendrait l’ac- cer sa capacité à mesurer le bien-être social de 1,5 mois d’importations en 2018. La dette cès aux financements extérieurs plus difficile pour mettre en place des politiques éclairées publique devrait dépasser 90 % du PIB en et intensifierait les pressions sur les réserves en vue d’atténuer l’impact des ajustements 2017, et tutoyer les 100 % en 2018. et la parité du taux de change. Les risques de nécessaires. Les résultats d’une nouvelle solvabilité budgétaire et de liquidité sont enquête auprès des ménages réalisée en 2015 importants, et le pays reste vulnérable à des n’ont pas encore été publiés. Risques et défis chocs affectant la croissance, les prix des produits de base et les taux d’intérêt. Perspectives Assurer la viabilité des finances publiques tout en maintenant un taux de croissance solide est devenu un défi majeur pour Ba- La croissance économique devrait ralentir au hreïn. Le taux de croissance du PIB réel de- cours de la période considérée. Les prévi- vrait faiblir et les déséquilibres budgétaires sions de croissance du PIB réel ont été et extérieurs se maintenir en 2017, eu égard TABLEAU 1 Bahreïn / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) sens large et aux opérations de la caisse d’émission à hauteur de 3,4 mois d’impor- DJIBOUTI Évolutions récentes tation en 2016. Le taux de change réel effectif s’est apprécié de 1,1 % en 2016, Selon les estimations, le taux de croissance toujours selon les estimations, sous l’effet du PIB est demeuré au niveau de 6,5 % en conjoint des contraintes exercées du côté La croissance qui, selon les estimations, 2016, comme en 2015. Le rythme de la de l’offre et du niveau élevé des prix à la croissance en 2016 a tenu essentiellement consommation. La position du secteur s’est effectuée au rythme de 6,5 % en à la poursuite d’activités intensives en bancaire est toujours précaire en raison de 2016, devrait rester soutenue en 2017, capital liées à des aménagements por- la dégradation du portefeuille de prêts des tuaires et à la construction d’une nouvelle banques commerciales et de l’augmenta- année durant laquelle elle bénéficiera zone franche et d’une ligne ferroviaire tion des prêts non performants. Le ratio d’une amélioration des exportations nettes reliant Addis-Abeba (Éthiopie) aux ports des prêts non performants au total des djiboutiens de Tadjoura et de Doraleh. prêts est passé de 14 % 2013 à 23 % en qui atténuera l’impact du repli des inves- L’inflation s’est accélérée pour atteindre 2016. Les autorités imputent cette hausse à tissements, et d’une reprise de la consom- 3,5 % en 2016, contre 2,2 % en 2015, essen- l’adoption de critères de classement des tiellement sous l’effet de la demande de prêts plus rigoureux. mation privée et publique. Bien que les Le système statistique djiboutien présente logements et de services. positions budgétaire et extérieure s’amé- Le déficit budgétaire a été ramené, selon généralement de notables lacunes au ni- les estimations, de 21,7 % du PIB en 2015 à veau du suivi du bien-être et de la pauvre- liorent, des risques perdurent dans le 15,5 % du PIB en 2016 par suite de l’arri- té. Seulement deux enquêtes auprès des domaine de l’endettement et de la soute- vée à leur terme des projets d’infrastruc- ménages, non comparables, ont été effec- nabilité des finances publiques. Le chô- ture dans les aménagements portuaires, la tuées au cours des 10 dernières années, construction de la nouvelle zone franche qui ne couvrent ni l’une ni l’autre la popu- mage continue de paralyser le pays, près et des lignes ferroviaires, qui avaient en- lation nomade ; or cette dernière consti- de 40 % de la population active étant sans gendré d’importantes dépenses d’équipe- tuait 20% de la population en 2009 et est ment. Le déficit extérieur s’est également extrêmement vulnérable suite à la récente emploi. quelque peu amélioré pour s’établir à sécheresse prolongée. Le chômage reste 31,1 % du PIB en 2016 contre 33,0 % en généralisé et, selon les estimations offi- 2015, les importations de biens d’équipe- cielles, aurait atteint 39 % en 2015. Il est ment diminuant du fait de l’achèvement plus élevé pour les femmes (49 %) et dans des projets d’infrastructures. Les IED sont les zones rurales (59 %). Le taux d’activité restés soutenus en 2016 pour atteindre, est, de surcroît, inférieur à 25 %. selon les estimations, 9,1 % du PIB contre 7,2 % en 2015, grâce au développement industriel dans la nouvelle zone franche et à l’exploitation de la nouvelle ligne ferro- Perspectives viaire. Les réserves en devises sont restées Le taux de croissance devrait s’établir à importantes en 2016, et suffisent pour ser- 7 % en 2017, parce que la forte contraction vir de garantie à la masse monétaire au GRAPHIQUE 1 Djibouti / Croissance et inflation Sources : Autorités djiboutiennes et Pôle mondial d’expertise en Macroéconomie et finances publiques de la Banque mondiale. des investissements suivant l’achèvement garantie adéquate aux émissions de la l’amélioration de la prestation des services des projets d’infrastructures devrait être caisse monétaire et couvrir les importa- publics continuent de poser de graves plus que compensée par la chute des im- tions (à hauteur de plus de 3,7 et 3,6 mois défis qui devront être surmontés pour portations de biens d’équipement, entraî- d’importations, respectivement, en 2018 et remédier aux profonds problèmes ma- nant une amélioration de la position nette en 2019), ce qui permettra de maintenir le croéconomiques de Djibouti. La poursuite des exportations. La croissance bénéficiera taux de 177,72 francs djiboutiens pour un de programmes actifs sur le marché du également de la reprise escomptée de la dollar. Selon les projections, l’inflation travail pour remédier au manque de cor- consommation privée et publique. Les restera au niveau de 3,5 % en 2017-2018 en respondance entre l’offre et la demande de perspectives à moyen terme pour 2018- raison de la solidité persistante de la de- compétences contribuera aussi à réduire le 2019 demeurent favorables, et les récents mande de logements et de services. chômage. La stabilité macroéconomique investissements en capital devraient géné- La croissance étant essentiellement tirée continue d’être exposée à des risques im- rer des recettes qui permettront de finan- par les investissements dans les infrastruc- portants parce que Djibouti affiche des cer le service de la dette. La position bud- tures, elle n’aura vraisemblablement déséquilibres macroéconomiques internes gétaire devrait progressivement s’amélio- qu’un impact limité sur la création d’em- et est vulnérable aux incertitudes écono- rer de sorte que le déficit ne représentera plois. miques mondiales en raison de sa forte plus qu’un faible pourcentage du PIB en Djibouti a entrepris un programme de dépendance à l’égard du commerce de 2017-19, à supposer que les investisse- modernisation de son système statistique. transit et des activités de transbordement. ments actuels créent de nouvelles capaci- Une nouvelle Stratégie nationale de déve- Pour assurer la stabilité macroécono- tés de production et d’exportation, que les loppement de la statistique est en cours de mique, les pouvoirs publics devront pro- dépenses soient rationalisées et que les préparation, et une enquête auprès de céder à des réformes pour rationaliser les politiques budgétaires améliorent le cadre ménages représentative au plan national dépenses et appliquer des mesures budgé- de l’activité économique des PME et ac- devrait être lancée au premier semestre de taires conçues pour améliorer le cadre des croissent les revenus, et que la réforme 2017. Ces mesures devraient fortement affaires de manière à promouvoir le déve- des subventions aux carburants soit dû- améliorer le suivi des populations vulné- loppement du secteur privé et la mobilisa- ment poursuivie. Selon les projections, le rables du pays. tion de ressources intérieures. L’instabilité déficit du compte courant tombera à et le mécontentement social ainsi que les 22,2 % du PIB en 2017 puis à 14,4 % d’ici problèmes sécuritaires dans la mer Rouge 2019 du fait d’une accélération plus rapide au niveau des exportations par rapport Risques et défis pourraient également compromettre les perspectives de croissance. aux importations. Les flux d’IED et les transferts de capitaux devraient continuer La diversification économique, le renforce- de financer le déficit et les réserves de- ment des capacités institutionnelles et de meurer suffisantes pour constituer une l’obligation de rendre compte, et TABLEAU 1 Djibouti / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) et de 21,8 %, respectivement. Le déficit du compte courant s’est donc creusé pour atteindre 1,4 % du Évolutions récentes PIB, contre 1,1 % au cours du trimestre correspon- dant de l’exercice précédent. Les IED, en revanche, Les trois premiers mois de l’exercice fiscal 2017 ont atteint 1,9 milliard de dollars au cours de la (l’exercice va de juillet à juin) se sont caractérisés même période, contre 1,4 milliard de dollars pour par un ralentissement de la croissance a atteint un l’exercice précédent. taux de 3,4 %, contre 5,1 % pour la période corres- Les autorités ont entrepris un important pro- pondante de l’exercice précédent et 4,3 % pour gramme de réformes économiques pour stimuler l’ensemble de l’exercice 2016. La croissance a été la croissance et remédier aux graves déséquilibres entravée par une pénurie aiguë de devises fortes, macroéconomiques. Ce programme couvre princi- la surévaluation du taux de change et la morosité palement : i) la libéralisation du régime de change ; L’Égypte a entrepris un important pro- de la croissance en Europe, principal partenaire ii) l’assainissement des finances publiques grâce à gramme de réformes économiques pour commercial de l’Égypte. Les principaux secteurs un ensemble de mesures visant les dépenses et les remédier à ses déséquilibres macroécono- continuent d’afficher une croissance négative, en recettes, notamment la réduction des subventions miques, notamment la libéralisation du particulier le tourisme et les industries d’extraction aux combustibles, la maîtrise de la masse salariale de pétrole et de gaz qui souffrent de l’insuffisance et la mise en place de la TVA ; et iii) la réforme du régime de change, l’assainissement des des investissements et de l’existence d’arriérés. cadre de l’activité économique et l’adoption de finances publiques et la réforme du cadre Le déficit enregistré durant l’exercice 2016 s’est mesures pour remédier aux obstacles à l’activité de l’activité économique. La libéralisation établi à 12,1 % du PIB, contre 11 % pour l’exercice industrielle. précédent. Il a toutefois diminué au cours des six Le programme de réformes a bénéficié d’un finan- du régime de change est une mesure es- cement de 12 milliards de dollars accordé dans le premiers mois de l’exercice 2017, pour tomber à sentielle au rétablissement de la compéti- 5,4 % du PIB contre 6,4 % pour la période corres- cadre de la facilité élargie de crédit du FMI pour tivité de l’économie et à la stimulation de pondante de l’exercice précédent. Cette améliora- couvrir une partie des besoins de financement de tion est uniquement due à la contraction des dé- l’Égypte, le solde étant couvert par le biais de l’activité du secteur privé, fortement en- penses totales qui a compensé la chute des recettes décaissements au titre de prêts de la Banque mon- travée par la pénurie de devises. Les ré- totales. La baisse des dépenses a résulté de la ré- diale, de la Banque africaine de développement et formes exacerbent toutefois les pressions duction du pourcentage du PIB consacré aux sub- de différents prêts bilatéraux, ainsi que par la ventions et aux salaires du secteur public. récente émission d’euro-obligations à hauteur de 4 sociales à court terme surtout que le taux Les données les plus récentes disponibles pour les milliards de dollars. d’inflation atteint des niveaux sans trois premiers mois de l’exercice 2017 indiquent un Le taux de change a surréagi à l’adoption d’un précédent. excédent global de la balance des paiements repré- régime de change flottant (pour tomber au niveau sentant 0,5 % du niveau projeté du PIB, contre un le plus faible jamais enregistré (19,5) en décembre déficit de 1 % pour la période correspondante de alors que le taux fixe en vigueur avant le change- l’exercice précédent. L’amélioration des comptes ment de régime était de 8,8) mais il s’est raffermi extérieurs est essentiellement due à la contraction par la suite grâce au rétablissement de la confiance du déficit commercial induit par l’augmentation des investisseurs étrangers et à la diminution du des exportations de marchandises (11,2 %) et la volume de dollars sollicités pour financer des baisse des importations de marchandises (4,8 %). importations. Les réserves internationales nettes Les recettes tirées du canal de Suez et les transferts ont atteint 26,4 milliards de dollars à la fin de jan- privés nets ont toutefois encore diminué, de 4,8 % vier (6 mois d’importation), contre 19 milliards de GRAPHIQUE 1 République arabe d’Égypte /Croissance du GRAPHIQUE 2 République arabe d’Égypte / Taux PIB réel, côté de la demande, Ex. 11- Ex. 17 d’inflation, Août 2013 – Fevrier 2017 Sources : calcul des auteurs basés sur les données du ministère du Plan. Source : Banque centrale d’Égypte. dollars avant le changement de régime de change. devrait reprendre que dans la deuxième partie de utilisée pour protéger la population vulnérable des L’affaiblissement de la monnaie a provoqué une l’exercice, grâce au renforcement de la compétitivi- chocs exercés par les prix alimentaires et assurer forte accélération de l’inflation, qui a atteint le taux té due à la dépréciation de la monnaie et à la mise un minimum de sécurité alimentaire, pourraient le plus élevé jamais enregistré (près de 30,2 %) en en œuvre progressive des réformes concernant le procurer des ressources supplémentaires au profit février 2017. À la suite de l’adoption d’un régime climat de l’activité économique. Le tourisme de- d’un système de protection sociale amélioré. de taux de change flottant, la Banque centrale a vrait aussi bénéficier progressivement de l’affai- relevé les taux d’intérêt de 300 points de base blissement de la monnaie. Il est toutefois probable (portant ainsi leur accroissement cumulé depuis mars 2016 à 550 points de base) pour absorber que la croissance souffrira du ralentissement de la progression de la consommation privée due à une Risques et défis l’excès de liquidité et ralentir l’inflation. La rapide inflation record. La poursuite d’une politique Le dérapage des politiques et l’absence de réforme hausse des prix a contribué à la dégradation de la monétaire prudente devrait, selon les projections, dans le secteur réel pourraient avoir des répercus- situation sociale étant donné la persistance d’un ralentir l’inflation sur la période couverte par les sions négatives sur la reprise économique atten- taux de chômage élevé (12,6 % en 2016). Le pro- prévisions une fois que les effets exceptionnels de due. La dégradation de la situation sécuritaire gramme de réformes récemment adopté prévoit le la dépréciation, des réformes des subventions et de pourrait nuire à la reprise du secteur du tourisme, déploiement d’efforts pour améliorer le filet de l’instauration de la TVA se seront dissipés. qui a de tout temps été une source importante de protection sociale, notamment grâce à la réaffecta- Le déficit budgétaire pourrait être ramené à 10,5 % recettes et de devises. tion d’une partie des ressources libérées par la pour l’exercice 2017 à condition que les autorités baisse des subventions à l’énergie au financement publiques se montrent résolues à poursuivre le Dans le domaine social, les ressources provenant des subventions alimentaires, à l’expansion des plan de rééquilibrage des finances publiques et des subventions aux carburants qui doivent être programmes de transferts monétaires et à une qu’elles aient les moyens de le faire. Les recettes affectées aux programmes sociaux pourraient être augmentation de 15 % du budget du régime géné- fiscales devraient s’accroître suite à l’instauration moins importantes que prévu en raison de la dé- ral des pensions. Les récents chocs défavorables ne de la TVA et du relèvement de son taux de 13 % à préciation de la monnaie, mais il importe de pour- pourront toutefois être atténués que si le méca- 14 %, ainsi qu’aux efforts entrepris pour améliorer suivre les efforts pour améliorer l’efficacité du nisme de ciblage est efficace. la collecte d’impôts, tandis que les dépenses conti- système de filet de protection. La persistance d’un nueront d’être maîtrisées. taux de chômage élevé pourrait réduire la capacité Le déficit du compte courant devrait commencer à des ménages à améliorer leur niveau de vie. s’améliorer durant l’exercice 17, grâce à l’effet Perspectives positif exercé par le taux de change et à l’augmen- tation des transferts de fonds par les circuits insti- Le PIB devrait augmenter de 3,9 % durant l’exer- tutionnels. cice 2017, entraîné essentiellement par les investis- À court terme, l’ampleur de l’inflation portera sements publics et, dans une certaine mesure, par probablement préjudice aux ménages. Les efforts les exportations nettes. L’investissement privé ne actuellement déployés pour améliorer le ciblage du programme de la carte à puce alimentaire TABLEAU 1 République arabe d’Égypte / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) d’exercer un strict contrôle pour préserver la stabilité du taux de change nominal et IRAN, Évolutions récentes s’est opposée à la dépréciation de la mon- naie principalement au moyen des réser- RÉPUBLIQUE Durant le premier semestre de l’année ves de change alimentées par les recettes civile iranienne (qui s’achève le 20 mars), pétrolières. En conséquence, le taux de la croissance du PIB a atteint 7,4 % en glis- change réel s’est apprécié, ce qui nuit à la ISLAMIQUE D' sement annuel. Cette poussée de croissan- ce s’explique en grande partie par le re- compétitivité des exportations non pétro- lières. En autorisant un accroissement du bond du secteur pétrolier tant au niveau nombre de transactions exécutées au taux de la production que des exportations à la du marché, le gouvernement est parvenu Grâce à la levée des sanctions, l’économie suite de la levée des sanctions, en janvier à réduire l’écart entre le taux de change iranienne a enregistré une forte reprise en 2016, dans le cadre du Plan d’action global officiel et le taux de change du marché commun (PAGC). L’activité économique pour le ramener de 112 % en 2012 à 14 % 2016 après avoir fléchi de 1,8 % en 2015. semble toutefois atone dans le secteur non en septembre 2016 — avant qu’il ne re- Pour autant, les perspectives de croissan- pétrolier, dont la croissance était de 0,9 % monte à 20 % en décembre. La fusion pro- ce à moyen terme semblent modestes, car en glissement annuel au premier semestre jetée des deux taux est toutefois reportée à 2016, du fait que la lenteur de l’intégration l’exercice prochain. la production pétrolière est proche de sa du secteur bancaire iranien avec le systè- Le taux de chômage a sensiblement aug- capacité maximale tandis que l’activité du me bancaire mondial continue d’entraver menté pour passer à 12,7 % au deuxième secteur non pétrolier est anémique et ne les IED et les échanges commerciaux. La trimestre de 2016 et reste particulièrement s’accélérera pas tant que plusieurs condi- formation brute de capital a continué de élevé parmi les femmes et les jeunes. baisser au premier semestre 2016, ce qui L’excédent du compte courant s’est amé- tions ne seront pas remplies : reprise des suscite des inquiétudes pour les perspecti- lioré en 2016 pour atteindre environ 6,5 % investissements étrangers directs (IED), ves à moyen terme. Des données économi- du PIB en raison d’une forte hausse des rétablissement des liens entre l’économie ques de fréquence supérieure laissent cer- exportations vers les principaux partenai- tes apparaître des signes de croissance res commerciaux de l’Iran, tels que l’U- et le système bancaire international et dans les secteurs non pétroliers, mais ce nion européenne, grâce à la levée des accélération de la mise en œuvre des réfor- phénomène est de faible ampleur. Dans le sanctions économiques et à l’augmenta- mes intérieures. Le chômage augmente et secteur de la construction, le fléchissement tion des livraisons de pétrole en Europe. de l’activité s’est ralenti grâce à l’accéléra- Le déficit budgétaire s’est légèrement les pressions inflationnistes commencent tion de la croissance de l’investissement amélioré : il a enregistré 1,5 % du PIB en à s’intensifier. privé dans les nouvelles constructions 2016, contre 1,9 % en 2015, en dépit de la après cinq trimestres consécutifs de baisse. persistance du faible niveau des recettes Signe d’un rétrécissement de l’écart entre pétrolières en début d’année. Enfin, la production réelle et potentielle, l’inflation dette publique s’est accrue pour s’élever à semble se stabiliser aux alentours de 10 % 2 % du PIB en 2016. après trois ans de tendance à la baisse. La Banque centrale d’Iran a continué GRAPHIQUE 1 République islamique d’Iran / Solde du GRAPHIQUE 2 République islamique d’Iran / Taux de compte courant et exportations pétrolières change (Rial/USD) et inflation mesurée par l’IPC Sources : calculs de la Banque mondiale et données de la CBI. Sources : données et calculs de la Banque mondiale, CBI et FMI. les finances publiques. L’amélioration du pétrolier, étayée par le rétablissement des Perspectives recouvrement de l’impôt et une gestion prudente des dépenses aideront l’Iran liens du secteur bancaire iranien avec le reste du monde et par l’amélioration des à dégager un excédent budgétaire en relations commerciales iraniennes, mais À moyen terme, grâce à une certaine re- 2018-19. surtout de faciliter la création des emplois prise de la croissance de l’investissement, dont le pays a grand besoin, notamment l’économie iranienne devrait afficher des au profit des catégories de population taux de croissance modérés, légèrement jeunes et très instruites. supérieurs à 4 %. La contribution des ex- Risques et défis portations diminuera du fait de l’utilisa- tion des capacités disponibles dans le sec- teur pétrolier et du ralentissement de l’ac- À court terme, le risque principal réside croissement de la production pétrolière. dans l’incertitude politique qui entoure Du côté de la production, la reprise de la l’exhaustivité de la mise en œuvre du production industrielle non pétrolière PAGC. En outre, des élections présiden- devrait être le principal facteur de crois- tielles sont prévues pour le mois de mai sance globale tandis que les secteurs de 2017 en Iran. Ces facteurs continueront l’agriculture et des services devraient pro- probablement d’influer sur la confiance gresser respectivement d’environ 4 % et des consommateurs et des investisseurs et 3 %. Cette modification progressive de la risquent d’affaiblir davantage la consom- composition de la croissance pourrait con- mation et l’investissement privés. Selon ce tribuer à stimuler l’emploi en raison d’une scénario, la croissance du PIB restera infé- plus grande élasticité de l’emploi dans ces rieure à 3 %. Par ailleurs, des prix pétro- secteurs. liers inférieurs aux prévisions pèseront à Alors que les soldes budgétaires ont la fois sur les recettes fiscales de l’État et souffert de la faiblesse des recettes pétro- sur la croissance économique. lières ces dernières années, ce sont des À l’avenir, le principal défi économique facteurs de dépenses qui joueront un rôle consistera à orienter le « boom pétrolier » prédominant à moyen terme en raison de de manière à en faire profiter l’ensemble la hausse prévue des paiements d’intérêts de la population. Cette démarche exige découlant de la titrisation des arriérés de non seulement de mettre en œuvre le pro- paiement de l’État et des pressions que le gramme de réformes structurelles qui système de retraite continue d’exercer sur stimulera la croissance du secteur non TABLEAU 1 République islamique d’Iran / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) financer en partie ce déficit, les réserves de change sont passées d’environ 54 milliards de Évolutions récentes IRAQ dollars à la fin de 2015 à 47 milliards de dollars à la fin de 2016. Très peu diversifiée et fortement tributaire du Un important montage financier international pétrole, l’économie irakienne a été sévèrement soutient les efforts engagés par le gouverne- touchée par l’insurrection menée par ISIS et la ment pour mettre en œuvre des réformes visant Depuis le milieu de 2014, l’Iraq est con- baisse prolongée des cours pétroliers depuis le à maîtriser les dépenses et jeter les bases de fronté à l’insurrection d’ISIS et à une milieu de 2014. L’activité économique a forte- réformes structurelles. En 2016, la Banque mon- ment fléchi en 2014 avant de se redresser en diale a fourni 1,44 milliard de dollars (dont baisse prolongée des prix du pétrole. Le 2015 et 2016. Grâce à une hausse de 19,4 % de la 443,8 millions de dollars entièrement garantis dynamisme de la production pétrolière a production pétrolière, le taux de croissance par le Royaume-Uni et le Canada) sous forme soutenu la croissance, mais le secteur s’est établi à 4,8 % en 2015, après être tombé à de prêts à l’appui des politiques de développe- 0,7 % en 2014. On estime que la croissance glo- ment (DPL), tandis que le FMI prenait en économique non pétrolier s’est fortement bale, portée par le dynamisme de la production charge des financements d’un montant de contracté. On estime que 10 % d’Irakiens pétrolière, a atteint 10 % en 2016. Les conditions 1,2 milliard de dollars dans le cadre d’un pro- sont toujours déplacés en raison de la de sécurité et les chocs pétroliers ont contraint gramme triennal étayé par un accord de confir- persistance des conflits. Un important le gouvernement à procéder rapidement à une mation. En janvier 2017, l’État irakien a procédé réduction des dépenses publiques qui a eu un à une émission d’obligations à hauteur d’un montage financier international soutient effet négatif sur la consommation et l’investis- milliard de dollars entièrement garantie par les les efforts de réforme du gouvernement. À sement du secteur privé. L’économie non pétro- États-Unis. Il est prévu que la France et la suite de l’accord intervenu entre les lière s’est contractée de 10 % par an en 2015 et l’Agence japonaise de coopération internatio- 2016, tandis que le taux moyen d’inflation s’éta- nale fournissent un appui budgétaire complé- membres de l’OPEP, la production pétro- blissait à 0,4 % en 2016. mentaire. Outre les mesures destinées à ac- lière diminuera en 2017, mais la hausse Les soldes budgétaire et extérieur se sont dété- croître les recettes non pétrolières et à maîtriser des cours du pétrole contribuera à amélio- riorés sous l’effet de la baisse des recettes pétro- la masse salariale et les dépenses des régimes lières et de la hausse des dépenses humani- de retraite sans cotisation, le gouvernement a rer les soldes budgétaires et extérieurs. taires et sécuritaires. Le déficit budgétaire — pris plusieurs initiatives : il a mis à l’essai un L’activité non pétrolière devrait retrouver financé principalement par le financement ban- nouveau système de paie électronique ; il a une croissance positive. Les risques de- caire intérieur — a atteint respectivement soumis au Parlement un nouveau projet de loi 12,3 % et 8,2 % du PIB en 2015 et 2016 en dépit sur l’assurance sociale pour améliorer la soute- meurent toutefois élevés. d’un rapide rééquilibrage des finances pu- nabilité financière de la caisse de retraite pu- bliques. Les arriérés de paiement intérieurs et blique ; enfin, il a adopté et mis en application extérieurs ont augmenté pour atteindre 11 mil- un nouveau système d’évaluation indirecte du liards de dollars. En 2015, le compte courant niveau des ressources de la population pour affichait un déficit équivalant à 6,5 % du PIB en mieux cibler les transferts sociaux monétaires raison d’une chute de 41 % des recettes d’ex- sur les pauvres. Par ailleurs, il s’est engagé à portations de pétrole. Le déficit du compte réduire la pratique du torchage de gaz lors de courant s’est encore dégradé par la suite pour l’extraction du pétrole et a accru la capture du atteindre 7,2 % du PIB en 2016. Utilisées pour gaz. Les pouvoirs publics ont quadruplé les GRAPHIQUE 1 Iraq / Comptes budgétaires (en pourcentage du PIB) Sources : ministère des Finances, FMI et projections des services de la Banque mondiale tarifs d’électricité en janvier 2016 pour réduire membres de l’OPEP en novembre 2016 sur une les subventions, puis ont adopté une stratégie visant à accroître le recouvrement des rede- réduction de 1,2 million de barils par jour de la production de brut. La baisse de la production Risques et défis vances d’électricité. D’anciennes faiblesses devrait entraîner une diminution de 5 % du structurelles ont été exacerbées par la persis- volume des exportations pétrolières en 2017. Une croissance mondiale plus faible que prévu tance du climat de violence et les perturbations Selon les projections, la production et les expor- ou une offre de pétrole supérieure aux attentes économiques. On estime que l’Irak compte plus tations de pétrole retrouveront leur niveau de sur les marchés mondiaux pourraient pousser de 3,4 millions de personnes déplacées sur son 2016 en 2018 et 2019. Le prix moyen des expor- les cours pétroliers à la baisse et exercer de territoire en raison des problèmes de sécurité. tations pétrolières irakiennes devrait être de nouvelles pressions sur le double déficit ira- L’Irak affiche l’un des ratios emploi/population 47,4 dollars le baril en 2017 contre 35,6 dollars kien. La dette extérieure reste très vulnérable à les plus faibles de la région, même parmi les en 2016. La hausse des cours pétroliers réduira un choc sur le compte des transactions cou- hommes, et la crise de 2014 a conduit à la sup- le déficit budgétaire ainsi que le déficit du rantes, tel qu’une nouvelle baisse des cours pression d’environ 800 000 emplois. Le système compte courant pour les ramener à 4,4 % et pétroliers ou une dépréciation du taux de public de distribution, unique filet de sécurité 4,5 % du PIB en 2017. La dette publique devrait change réel. Les risques de refinancement liés à pour la vaste majorité des populations défavo- rester viable à moyen terme en raison du réé- d’importants besoins de financement brut sont risées, est à bout de souffle. quilibrage projeté des finances publiques et de en partie atténués par le fait qu’environ un tiers l’amélioration des perspectives de croissance. de la dette intérieure se compose de titres de Le budget de 2017 a rétabli l’accord sur le par- créance à court terme détenus par la banque Perspectives tage des ressources budgétaires aux termes duquel le gouvernement fédéral transfère 17 % centrale. Une aggravation de l’insurrection d’ISIS et des tensions politiques aurait un im- des dépenses budgétaires (équivalant à 11 600 pact négatif substantiel sur l’économie ira- Les perspectives économiques de l’Irak de- milliards de dinars irakiens, soit 9,8 milliards kienne, entraînerait une augmentation des dé- vraient s’améliorer dans l’hypothèse d’un assai- de dollars) en échange de la livraison par l’ad- penses de sécurité et compromettrait les efforts nissement des conditions de sécurité et de la ministration régionale du Kurdistan (KRG) de de réforme. Des risques existent aussi en ce qui poursuite du rééquilibrage des finances pu- 550 000 barils par jour à SOMO, la compagnie concerne la capacité de l’État à fournir des ser- bliques. Après trois années de fléchissement, pétrolière nationale. On ne dispose pas encore vices publics et à entamer la reconstruction du l’économie non pétrolière devrait rebondir en de données factuelles attestant la reprise des pays. Enfin, des tensions pourraient résulter de 2017 grâce à l’amélioration des conditions de transferts, mais les deux parties ont inclus les l’accord de partage des recettes entre Bagdad et sécurité et à la hausse des dépenses d’investis- transferts fédéraux dans leurs budgets de 2017. Erbil : comme dans le passé, son application sement non pétrolières. Pour autant, le PIB réel pourrait être compromise par des pressions en devrait baisser de 3 % en 2017 en raison d’une faveur d’une augmentation des dépenses à réduction projetée de 6 % de la production Bagdad ainsi que par l’évolution des prix du pétrolière découlant de l’accord conclu par les pétrole. TABLEAU 1 Iraq / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) de la hausse des cours du pétrole sur les prix Évolutions récentes des transports et des carburants, et aussi en JORDANIE raison de la hausse des prix du tabac et des cigarettes, de l’éducation et des services de L’économie jordanienne reste léthargique : la soins à la personne. croissance a ralenti en 2016 pour la deuxième Le déficit budgétaire et le déficit de la ba- année consécutive — tombant selon les esti- lance des opérations courantes ont diminué Affaiblie par une croissance atone et un mations à 2 % contre 2,4 % en 2015 — et en 2016, mais la dette reste élevée. Selon les taux de chômage record, l’économie jor- s’écarte davantage de son potentiel. Cette estimations, le déficit budgétaire (avant détérioration est due largement à l’affaiblis- danienne continue de subir les répercus- dons) s’est établi à 6,2 % du PIB à la suite de sement du secteur des industries extractives la mise en œuvre d’une série de mesures en sions de la crise syrienne et d’être affectée (mines et carrières), lui-même causé en par- 2016 : suppression des exonérations de 2015 par la présence sur son sol de plus de tie par les pressions à la baisse sur les prix sur la taxe sur les marchandises et les mondiaux de la potasse, et aux répercussions 655 000 réfugiés syriens enregistrés. Le ventes ; réduction des exonérations fiscales de la crise syrienne, notamment la fermeture sur les importations de voitures d’occasion ; principal défi auquel la Jordanie est con- d’axes de transport empruntés pour les ex- augmentation des taxes sur les cigarettes et frontée consiste à promouvoir une crois- portations en direction de l’Iraq et de la Syrie l’alcool ; augmentation des frais de transfert et la diminution de l’activité touristique à la sance créatrice d’emplois. Soucieux de sur les ventes de voitures. La dette reste tou- suite de problèmes de sécurité (graphique 1). progresser vers la viabilité budgétaire et tefois élevée puisqu’elle se monte à environ Le taux de chômage a atteint un niveau re- 95 % du PIB, tandis que s’exercent des pres- de réduire son ratio endettement-PIB, le cord de 15,3 % en 2016. Les taux de partici- sions supplémentaires en raison de l’accrois- pation et d’emploi continuent de baisser : ils pays continuera certainement d’appliquer sement des besoins de financement de la sont tombés respectivement à 36 % et 30,5 % sa politique de rigueur budgétaire et compagnie des eaux jordanienne dont la contre 36,7 % et 31,9 % en 2015 dette est garantie par l’État. Bien que les flux monétaire. (graphique 2). La baisse du taux de partici- de fonds aient diminué de 2,4 %, le déficit pation est peut-être due à l’effet de découra- estimé du compte courant s’est amélioré en gement des travailleurs face au manque de 2016 par rapport à 2015 grâce à la réduction création d’emplois et au sentiment d’être du déficit commercial et du déficit des reve- victimes de la concurrence des réfugiés sur nus primaires. En dépit d’une diminution de le marché du travail. 4,1 % des exportations de marchandises et En 2016, la Jordanie a enregistré une défla- du ralentissement des recettes du secteur du tion pour la deuxième année consécutive : le tourisme, on estime que le déficit commer- taux d’inflation moyen mesuré par les prix à cial s’est amélioré, principalement en raison la consommation était de -0,8 % (moyenne d’une diminution de 6,2 % des importations de la période) en raison notamment de la due au recul des importations de produits baisse des prix pétroliers internationaux et énergétiques. des prix des denrées alimentaires, tandis que En décembre 2016, la Jordanie a durci sa le taux moyen de l’inflation sous-jacente politique monétaire pour suivre l’exemple s’établissait à 2,2 %. L’inflation s’est toutefois de la Réserve fédérale américaine et soutenir accélérée en novembre 2016 et devrait faire l’ancrage du taux de change au dollar. La de même en 2017 du fait des répercussions banque centrale de Jordanie a relevé ses taux GRAPHIQUE 1 Jordanie / Contribution à l’évolution du PIB GRAPHIQUE 2 Jordanie / Évolution du marché du réel par type de production (en glissement annuel) travail 2008-2016 Sources : Département des statistiques et calculs des services de la Banque mondiale. Sources : Département des statistiques et calculs des services de la Banque mondiale. directeurs en décembre 2016, puis à nouveau européenne ; l’amélioration de la situation en février 2017, respectivement de 25 et 50 points de base pour maintenir l’écart JD- dans des secteurs tels que le tourisme et la construction. Risques et défis USD des taux d’intérêt sur les dépôts et faire Le déficit de la balance des opérations cou- face à une dollarisation croissante. La dolla- rantes devrait se réduire à moyen terme L’un des principaux défis auxquels la Jorda- risation des dépôts avait atteint 18,9 % à la après s’être toutefois accru en 2017 en raison nie est confrontée est le maelström de réper- fin de 2016, son niveau le plus élevé depuis du renchérissement des importations de cussions de la crise syrienne, notamment mars 2014. Le stock des réserves de change produits énergétiques dû à la hausse des l’hébergement de plus de 655 000 réfugiés détenues par la banque centrale a diminué prix pétroliers. À moyen terme, on prévoit syriens enregistrés, une situation qui ne pour tomber à 12,9 milliards de dollars une hausse des exportations de vêtements, cesse de se prolonger. (équivalant à 7,7 mois d’importations de de phosphate et de potasse, ainsi que le re- Pour les autorités jordaniennes, un autre marchandises, hors réexportations) à la fin dressement des exportations de services, grand enjeu consiste à stimuler la croissance de 2016, un niveau inférieur de 9 % à celui notamment grâce à la croissance des recettes et la création d’emplois tout en maîtrisant le de la fin de 2015. du secteur du tourisme et à une augmenta- déficit budgétaire — objectifs rendus encore tion des envois de fonds émanant des pays plus urgents par la détérioration des indica- membres du Conseil de coopération du Golf teurs du marché du travail et la hausse du Perspectives en raison de la hausse des prix pétroliers. coût de la vie sous l’effet de l’apparition de pressions inflationnistes. Toutefois, à moins L’assainissement des finances publiques se poursuivra parallèlement à la mise en œuvre d’un choc positif tel que la réouverture des L’activité économique jordanienne devrait de mesures d’accroissement des recettes. La axes commerciaux avec l’Iraq ou une résolu- accélérer légèrement pour atteindre un taux viabilité financière du secteur de l’énergie tion pacifique du conflit syrien, il est difficile de croissance de 2,3 % en 2017. À moyen s’est améliorée, mais les besoins de finance- d’imaginer une relance à fort impact de la terme, le rythme moyen de l’activité devrait ment du secteur de l’eau continuent d’exer- croissance sans une accélération de la mise être légèrement supérieur pour s’établir à cer des pressions sur la dette. En raison de en œuvre des réformes structurelles. 2,6 % durant la période 2017-2019 sous l’effet l’ancrage de la monnaie jordanienne au dol- Compte tenu du climat social difficile de la de plusieurs facteurs : les effets des réformes lar américain, la Jordanie continuera proba- Jordanie, l’introduction de mesures de réé- visant à stimuler l’investissement privé blement de durcir sa politique monétaire au quilibrage budgétaire pour maîtriser le défi- (amélioration de la prévisibilité de la régle- rythme des hausses de taux d’intérêt aux- cit et réduire le recours aux dons des bail- mentation, accès accru des PME aux services quelles la Réserve fédérale devrait normale- leurs de fonds restera difficile à mettre en financiers, facilitation des échanges commer- ment procéder. La hausse des taux contri- œuvre comme l’ont montré les débats bud- ciaux, etc.) ; l’augmentation des exportations buera à accroître le coût des emprunts de la gétaires de 2017. grâce aux premiers effets de l’assouplisse- Jordanie. ment des règles d’origine de l’Union TABLEAU 1 Jordanie / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) prix des denrées alimentaires. Bien que le mar- ché immobilier continue à refroidir, il y a eu Évolutions récentes KOWEÏT une certaine remontée des prix de l'immobilier commercial. La croissance du PIB s’est accélérée en 2016, Le secteur des entreprises a certes marqué un passant de 1,8 % en 2015 à 3 % (prix du marché) ralentissement de la croissance du crédit vers la selon les estimations. La production dans les fin de 2016, mais cela était essentiellement le L'économie a crû d'environ 3 % en 2016, secteurs hors pétrole a progressé d'environ 2 %, résultat du remboursement d'un prêt de 688 appuyée par une hausse de la production soit une évolution meilleure qu’en 2015 (1,3 %) millions de dinars. Les prêts au secteur du bâti- mais inférieure à la moitié du taux de crois- ment ont augmenté de 7 % en glissement an- de pétrole et la mise en œuvre du Plan de sance d'avant le début de la baisse des cours nuel en décembre, et de 10,5 % pour le secteur développement. Un redressement partiel mondiaux de l’énergie en 2014. En dépit de financier non bancaire, qui avait connu une des prix du pétrole au cours de l'année l’incertitude qui entoure la dissolution du par- forte réduction de l’effet de levier du système lement et les élections qui devraient s'en suivre financier au cours des cinq dernières années. écoulée a allégé quelque peu la pression en novembre, l'investissement public dans les Les dépôts bancaires continuent d’afficher une sur les soldes budgétaires. Les liquidités infrastructures prévu par le Plan de développe- croissance saine qui contribue à l’accroissement du secteur bancaire continuent de s’amé- ment a soutenu l’activité économique. de la liquidité. En janvier, le gouvernement a publié le nou- Les positions extérieures restent fortes et favo- liorer. À court et à moyen terme, de veau Plan stratégique Koweït 2035 dont l’objec- rables à la parité de change de la monnaie ko- grands projets d'infrastructure continue- tif est de transformer le pays en un pôle finan- weïtienne, appuyé par un fonds souverain cier et commercial d’envergure régionale. Cette d’investissement estimé à environ 600 milliards ront à soutenir la croissance. La dépen- initiative devrait recentrer les efforts déployés de dollars et bénéficiant de l'amélioration des dance par rapport aux hydrocarbures et par le pays en faveur de la diversification de prix du pétrole. Après avoir accusé un déficit l’opposition du parlement à des réformes son économie. L’augmentation de la production durant la première moitié de 2016, le solde des pétrolière a également donné une impulsion à biens et services a enregistré un excédent pen- structurelles en profondeur constituent la croissance, qui s’est établie à une moyenne dant la seconde moitié de l’année sous l’effet de les principaux défis à relever. d’environ 2,95 millions de barils par jour en l'augmentation des recettes pétrolières. Le 2016, soit une hausse de 3,5 % par rapport aux rythme modéré de la croissance des importa- volumes de 2015. tions s’est maintenu, bien que les importations Les nouvelles données enregistrées indiquent de biens d'équipement sont restées robustes, que l’économie est sur une trajectoire de re- augmentant de 20 % en glissement annuel pen- lance. L’on observe un regain de confiance chez dant le troisième trimestre de 2016. les investisseurs et un relèvement des cours du Le gouvernement a affiché un déficit budgétaire marché boursier alors que les prix du pétrole de 17 % du PIB (après transferts vers le fonds sont remontés, se situant autour de 50 dollars le souverain d’investissement et exclusion faite du baril à la suite de l’accord de l’OPEP conclu en revenu des placements) au cours de l'exercice décembre pour gérer l’offre. Après la flambée 2015-16, soit à peu près le même que l'année des prix à 3,8 % en glissement annuel en sep- précédente. Ces résultats sont les premiers tembre, provoquée notamment par la suppres- déficits enregistrés depuis plus d'une dizaine sion des subventions aux carburants, l’inflation d’années, comparé à un excédent de 5 % durant a baissé à 3,5 % en glissement annuel en dé- l'exercice 2013-14. Les dépenses totales ont cembre, entraînée par une forte modération des chuté de 15 %, en raison principalement de la GRAPHIQUE 1 Koweït / Crédits bancaires GRAPHIQUE 2 Koweït / Balance commerciale et exporta- tions de pétrole Sources : Banque centrale du Koweït, Haver et Banque mondiale. Sources : Banque centrale du Koweït, Haver et Banque mondiale. baisse du coût de l'électricité et des subventions production des hydrocarbures aux États-Unis aux carburants. Les activités du secteur privé sont soutenues par une bonne mise en œuvre Perspectives entraînée par un assouplissement de la régle- mentation de l'activité économique par la nou- des plans de dépenses d’équipement, ce qui se velle administration américaine pourrait peser traduit par un taux d’exécution des plus élevés Les réductions de la production de pétrole de son poids sur les cours mondiaux du pé- en dix ans. décidées par l’OPEP pourraient contribuer au trole, en particulier si les États-Unis assument Les prévisions budgétaires de 2016-17 indi- ralentissement de la croissance du PIB qui s’éta- un rôle de grand exportateur d’énergie. Pers- quent que le déficit sera multiplié quasiment blirait à 2,5 % en 2017. À moyen terme, cepen- pective positive, le rééquilibrage sur les mar- par deux, mais des hypothèses prudentes sur le dant, la production de pétrole devrait rebondir, chés de l’énergie a considérablement progressé, cours du pétrole (35 dollars le baril) et les éco- à moins de négociation d’un autre accord de et les excédents de pétrole se sont largement nomies attendues (représentant 1,7 % du PIB) l’OPEP. En outre, le gouvernement prévoit réduits. Cette évolution pourrait provoquer des de la réforme des subventions aux carburants d'investir 115 milliards de dollars dans le sec- risques de hausse des prix. appliquée en septembre 2016 prêtent à penser teur pétrolier au cours des cinq prochaines que les résultats réels devraient être plus années, ce qui devrait également permettre Les défis à plus long terme relèvent de la dépen- proches de 12 %. Le faible niveau de la dette d'accroître la production de pétrole à partir dance du Koweït à l’égard du secteur des hydrocar- publique permet d'envisager des emprunts. À d'environ 2018. Avec un soutien supplémen- bures. L’absence d’un environnement favorable aux cet égard, le gouvernement prévoit l’émission taire provenant des dépenses d'investissement entreprises et la taille considérable du secteur pu- d’obligations internationales d’un montant de public, la croissance devrait augmenter à envi- blic ont entravé le développement du secteur privé 10 milliards de dollars en 2017. ron 3,2 % à moyen terme. Dopées par la remon- non pétrolier, bien que le gouvernement s'efforce Pays riche en pétrole, le Koweït ne connaît tée des cours du pétrole et la hausse de la pro- d'accroître les investissements du secteur privé pratiquement pas de chômage involontaire. duction, les pressions sur le compte courant et grâce à d'importants projets de partenariat public- Quatre-vingts pour cent des ressortissants ko- sur le budget devraient baisser elles aussi. Le privé (PPP) dans le cadre du Plan de développe- weïtiens qui ont des emplois travaillent dans le niveau de référence retenu suppose la réforme ment. De vastes réformes sont nécessaires pour secteur public. En revanche, les immigrants, qui progressive de la dépense et des recettes, no- rééquilibrer l'économie en l’affranchissant de sa représentent les deux tiers de la population, tamment l’introduction de la TVA en 2018, dont dépendance par rapport aux hydrocarbures et constituent l'essentiel des résidents à faible la mise en application par le Koweït semble en l’orienter vers une trajectoire de croissance plus revenu. Des salaires impayés ou retardés, des bonne voie. diversifiée reposant sur l'innovation, l'investisse- conditions de travail difficiles et la crainte de la ment privé et la création d'emplois, et une amélio- répression, constituent des sources supplémen- ration de l'ensemble des compétences de la popula- taires de préoccupations pour les travailleurs immigrés. Risques et défis tion active. Cependant, compte tenu de l’impor- tance des réserves financières du pays et de l’oppo- Les principaux risques extérieurs concernent les sition qu’affiche le parlement à l’égard des ré- retombées issues des tensions et conflits géopo- formes, il existe un réel risque de s’auto-satisfaire litiques. Une remontée du niveau de des réformes. TABLEAU 1 Koweït/ Indicateurs macroéconomiques (Évolution annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) Conseil de coopération du Golfe (CCG). En conséquence, le déficit du compte cou- LIBAN Évolutions récentes rant, qui est déjà considérable, a augmenté à environ 21 % du PIB, soit l’un des ni- En 2016, la croissance du PIB réel s’est veaux les plus élevés au monde, une situa- légèrement accélérée pour atteindre envi- tion qui expose le pays à d'importants L'élection du Président Michel Aoun en ron 1,8 %, contre 1,3 % en 2015. Cela s'ex- risques de refinancement. Dans ces condi- plique par une amélioration dans le sec- tions, au plan structurel, l’économie est octobre 2016 après environ deux ans et teur de l'immobilier—les livraisons de fortement tributaire des apports de capi- demi de vacance de la fonction présiden- ciment ont augmenté de 4,4 % en 2016 par taux pour financer le déficit de son compte tielle, et la formation ultérieure d'un gou- rapport à une contraction de 8,6 % en courant. En 2016, confrontée à un affaiblis- 2015—ainsi que l'augmentation constante sement des entrées de capitaux, la Banque vernement d'unité nationale ont relancé du Liban a mis au point un swap d’ingé- du nombre de touristes. Du côté de la de- le processus politique au Liban. Néan- mande, la consommation privée continue nierie financière qui lui a permis d’aug- moins, la persistance du conflit syrien a d'être l'un des principaux moteurs, grâce à menter ses réserves de change et ses capi- l'amélioration des conditions de sécurité et taux permanents en monnaie locale dans aggravé la vulnérabilité du pays et conti- la faiblesse des prix du pétrole. des banques commerciales. En consé- nue d'entraver le retour à une croissance En l’absence de toute réforme budgétaire, quence, le montant brut des réserves de potentielle. Pour la cinquième année, le une augmentation des recettes fiscales en change à la Banque du Liban a augmenté 2016 due à une amélioration marginale de de 11,1 % fin 2016 pour atteindre 34 mil- Liban reste le premier pays d’accueil (par l’économie n’a pas pu compenser des dé- liards de dollars après avoir baissé habitant) pour les Syriens déplacés, ce qui penses plus élevées. Conséquence, le défi- de 5,4 % en 2015. a mis à rude épreuve ses finances pu- cit budgétaire global a augmenté à envi- bliques déjà fragiles dans un contexte de ron 10 % du PIB et le faible excédent pri- restriction de l’aide internationale. maire enregistré s'est établi à 0,1 % du PIB. Dans un contexte de croissance modérée Perspectives du PIB et de taux d’intérêt élevés, cet excé- Le regain de confiance généré par la re- dent ne suffit pas pour empêcher le ratio prise du processus politique, associé à dette/PIB de suivre une trajectoire insoute- l'apaisement des tensions avec le CCG nable atteignant 157,5 % à la fin de 2016. après la visite du Président Aoun dans la Sur le front externe, une reprise de l'im- région en janvier 2017, devrait se traduire portation de biens conjuguée à la forte par une reprise de la croissance du PIB de baisse des exportations a entraîné la dété- l’ordre de 2,5 % en 2017. Plus précisément, rioration de la balance commerciale. En un renforcement du secteur immobilier outre, quasi épargnés par la baisse des ainsi qu'une augmentation constante du prix du pétrole au cours des deux der- nombre de touristes devraient conduire à nières années, les envois de fonds ont di- une reprise de l'activité économique en minué d’environ 0,5 points de pourcen- 2017. Les perspectives économiques du tage (pp) à 5,5 % du PIB en 2016, en raison Liban à moyen terme sont fortement de coupes budgétaires dans les pays du GRAPHIQUE 1 Liban / La volatilité de l’activité économique est le reflet de chocs fréquents Sources : Autorités libanaises et calculs des services de la Banque mondiale. tributaires de la situation géopolitique et préoccupations du Liban. En l’absence s'avérer difficile si l’on s’en réfère aux sécuritaire, deux facteurs qui demeurent d’un aboutissement des discussions ten- données récentes sur la croissance des instables. Les prévisions reposent sur l’hy- dues menées sur le prochain vote de la loi dépôts des banques commerciales. pothèse d’une poursuite de la guerre sy- électorale, le processus politique pourrait L’un des principaux obstacles à l’amélio- rienne et d’une maîtrise des graves consé- retomber dans l’impasse et donner à nou- ration des politiques fondées sur des don- quences qui en résultent pour le Liban. veau lieu à une atmosphère négative com- nées empiriques tient à l’amélioration des Sur cette base, les prévisions de croissance parable à celle ayant précédé les élections données et au renforcement de la base à moyen terme tablent sur environ 2,5 % présidentielles. d’analyse des pouvoirs publics. L’amélio- par an. Le potentiel de croissance repose Si aucune solution d’ingénierie financière ration du système de données permettra sur le règlement du conflit syrien d’une n’est mise en œuvre par la Banque du de mieux comprendre les implications manière qui ne compromette ni la struc- Liban pour stimuler les entrées de capi- macroéconomiques de la crise et de ren- ture ni la stabilité du Liban, ainsi que sur taux, le pays peut de nouveau se retrouver forcer les capacités de l’Administration la reprise du processus politique interne. exposé aux conséquences d’un ralentisse- Centrale des Statistiques pour mesurer et Toujours en 2017, la hausse des prix du ment de l’accumulation de ses avoirs exté- suivre la pauvreté. pétrole entraînera une augmentation des rieurs nets face à d’importants déficits transferts publics au profit de la société courants et budgétaires persistants. Si publique d’électricité qui continue d'accu- l'ingénierie financière persiste, le Liban ser des pertes financières et pourrait ac- sera alors soumis à une combinaison de croître légèrement le déficit budgétaire. baisse des rendements positifs et d’ac- L’importation de combustibles plus coû- croissement des risques connexes. Dans teux contribuera en outre à alourdir la ces conditions, à moins de réduire les facture des importations du Liban. Malgré besoins de financement en devises, les cela, et en dépit du recul des envois de pressions sur la balance des paiements fonds, la part du déficit courant dans le réapparaîtront. Plus généralement, un PIB restera largement inchangée en raison cadre macro-budgétaire fragile, sous- d’un impact positif du secteur touristique. tendu par des ratios de solvabilité insoute- nables, ainsi que par d’importants déficits courants et budgétaires persistants fait Risques et défis courir au pays des risques de refinance- ment non négligeables. Attirer des capi- taux suffisants, et en particulier des dé- La sécurité et les problèmes politiques pôts, pour financer des déficits budgétaire continuent d’être les principales et extérieur plus importants pourrait TABLEAU 1 Liban / Indicateurs macroéconomiques (Évolution annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) alimentaires due à un manque de fonds et à une forte dévaluation de la monnaie nationale sur le Évolutions récentes LIBYE marché parallèle. Résultat, l’inflation générale a atteint un niveau moyen de 26 % en 2016. Le budget établi par le Gouvernement d’en- Le long conflit que connaît le pays pèse lourde- ment sur l’économie libyenne et fait ressentir tente nationale a continué de subir les effets du ses effets sur le bien-être de la population. Frei- conflit. Les recettes tirées des hydrocarbures Frappée par un conflit qui perdure, l’éco- née par le conflit, la production de pétrole qui sont tombées à 7,5 milliards de dinars libyens constitue la principale source de revenu pour la en 2016, ce qui représente moins d’un quin- nomie libyenne continue de subir les effets zième des niveaux d’avant la révolution. En Libye a baissé à un rythme régulier au cours de la récession en 2016. Les pertes accu- des quatre dernières années, atteignant 0,38 raison d’une application insuffisante de la ré- million de barils par jour en 2016, soit un vo- glementation fiscale et eu égard à la fraude sées par le PIB sont estimées à la moitié de fiscale, les recettes hors hydrocarbures sont lume inférieur au quart de la production son niveau d’avant la révolution. Les re- d’avant la révolution. Cela a entraîné un recul restées faibles. La Libye est cependant parve- de l’économie libyenne estimé à 2,5 % en 2016, nue à réaliser des économies sur les subven- cettes budgétaires et les revenus d’expor- tions (en baisse de 37 % par rapport à 2015) le PIB tombant à moins de la moitié de son tation ont atteint leurs niveaux les plus niveau d’avant la révolution. grâce à des prix d’importations de combustibles Le conflit a également fait des ravages au sein plus faibles et à la suppression de fait des sub- bas en raison de la baisse de la production ventions alimentaires. Les salaires ont égale- de la population. Selon des rapports de l’Orga- de pétrole et de la chute des cours. Le défi- nisation mondiale de la santé, l’insécurité et la ment baissé, marquant un recul de 8 % consécu- violence qui règnent dans le pays ont créé des tif à la suppression de plus de 100 000 doublons cit budgétaire et le déficit du compte cou- dans les paiements versés par l’État. Les sub- conditions de vie dangereuses. Cette situation a rant sont dès lors restés à des niveaux contribué à la destruction d’infrastructures ventions et les salaires restent toutefois à des essentielles, exposant la population à des niveaux très élevés (respectivement 49,5 % et élevés. Accentués par une très forte infla- 12,5 % du PIB). Le déficit budgétaire demeure risques de traumatismes et de décès, perturbant tion, les revenus réels se sont érodés. l’accès aux services d’utilité publique et autres globalement élevé à 52,7 % du PIB. Ce déficit a prestations, et causant des déplacements de principalement été financé par des emprunts Outre les défis à court terme de la stabilité populations. Les services publics et les services contractés auprès de la Banque centrale de macroéconomique et de la stabilité sociale/ d’utilité publique ont été fortement perturbés, Libye. C'est dans ce contexte qu’a augmenté la voire, interrompus. Environ 1,3 million de per- dette intérieure qui représente environ 100 % politique, il se pose des problèmes à moyen sonnes n’ont pas accès à des soins de santé et du PIB en 2016. terme, à savoir, la reconstruction des in- ressources essentiels. En outre, la matrice de La balance des paiements subit également les frastructures et la diversification écono- suivi des déplacements de l’Organisation inter- contrecoups d’un long conflit accentué par la nationale pour les migrations dénombre dans faiblesse des cours mondiaux du pétrole. La mique en vue de créer des emplois et de son édition la plus récente datée de novembre Libye a exporté en moyenne 0,22 million de promouvoir une croissance inclusive. 2016 quelque 313 236 personnes déplacées, 462 barils par jour l'année dernière, un volume 957 rapatriés et 256 690 migrants. inférieur au sixième du volume d'exportation L’inflation a atteint des niveaux sans précédent du pays avant le conflit. Durement frappées par en 2016, entraînant une perte substantielle du la baisse des cours du pétrole, les recettes d’ex- pouvoir d'achat réel de la population. La forte portations d’hydrocarbures auraient chuté de perturbation des chaînes d’approvisionnement moitié en 2016 selon les estimations, soit seule- en produits de première nécessité et l’intensifi- ment 11 % des recettes d’exportation d’avant la cation de la pratique du marché noir ont provo- révolution. Les importations restent contenues, qué une flambée des prix. Cette situation a été faute de financements, principalement pour les exacerbée par la suppression des subventions produits subventionnés. Dans ce contexte, GRAPHIQUE 1 Libye / Finances publiques, en % du PIB GRAPHIQUE 2 Libye / Indicateurs de la balance des paiements, en % du PIB Sources : Gouvernement de Libye et estimations des services de la Banque Sources : Gouvernement de la Libye et estimations des services de la Banque mondiale. mondiale. malgré l’amélioration observée, le déficit du potentiel de production. Les prévisions de 40% macroéconomique et la fourniture de services compte courant reste encore élevé à environ 51 de croissance du PIB anticipées reposent sur ces publics de base. Il y a lieu de maîtriser les dé- % du PIB. Le recours aux réserves extérieures éléments. Cela dit, quoiqu’en évolution posi- nettes pour financer ce déficit en entraîne une tive, les déficits jumeaux persisteront car les penses courantes, en particulier la masse sala- érosion rapide atteignant de ce fait 53,5 mil- recettes pétrolières ne suffiront pas à couvrir riale et les subventions. Compte tenu des incer- liards de dollars à la fin de 2016. Le dinar libyen des dépenses budgétaires élevées d’une part et titudes actuelles sur le front politique, des a perdu 70% de sa valeur sur le marché paral- des importations tirées par la consommation risques graves pèsent sur le scénario macroéco- lèle en raison de la faiblesse des fondamentaux d’autre part. Le déficit budgétaire se maintien- nomique présenté ci-dessus. Il est difficile d’en- macroéconomiques et des restrictions de drait à 18,8 % du PIB et le déficit du compte visager une perspective macroéconomique change. courant à 15,3 % du PIB en 2017. viable, sans compter que cela ne suffira pas Le manque de liquidités dans le système ban- À moyen terme, la production de pétrole de- pour obtenir des changements significatifs, à caire constitue une source d’inquiétude en Li- vrait augmenter progressivement jusqu’en bye. Les ménages éprouvent de plus en plus de 2020—tout en restant cependant inférieure au moins de prendre des mesures immédiates et difficultés à convertir leurs dépôts bancaires volume d’une exploitation à plein régime, à ciblées pour faire face à la crise humanitaire, liquides en monnaie. Cette situation traduit une cause notamment du temps nécessaire pour notamment au moyen de l’aide et de pro- demande excédentaire de liquidités de la part réhabiliter l’infrastructure pétrolière qui a été grammes spécifiques pour remédier à la des- des ménages—principalement à cause d’un gravement endommagée. Dans ces conditions, truction causée et à l’absence de services de manque de confiance généralisé dans le sys- le pays devrait connaître un regain de crois- base. Dans l’intervalle, des réformes structu- tème bancaire—et l’incapacité du système ban- sance qui se situerait autour de 19,7 % en 2018 relles d'envergure et en profondeur s’imposent caire de satisfaire les énormes besoins de finan- et 11,4 % en 2019, ce qui contribuerait à porter au pays, y compris l’amélioration des recettes cement de l’État. le PIB à 84,5 % du niveau auquel il était avant le conflit. Le solde budgétaire et le solde du fiscales, le renforcement de la gestion des res- compte courant doivent s’améliorer sensible- sources financières et humaines de l’État, le ment, enregistrant des excédents à partir de lancement de la réforme de la fonction publique Perspectives 2020. Les réserves en devises avoisineront en et la promotion d’un développement qui soit moyenne 41 milliards de dollars durant la pé- accompagné par une diversification des activi- Les perspectives envisagées reposent sur l’hy- riode 2017-2019, soit l’équivalent de 16,5 mois tés du secteur privé pour favoriser la création pothèse de l’arrivée au pouvoir d’un nouveau d’importations. d’emplois. La croissance inclusive exigera non gouvernement cette année, une équipe qui seulement une augmentation substantielle des parviendrait à remplir sa mission. Dans ce con- investissements sur les principaux services de texte, la dynamique déclenchée par le secteur base pour reconstituer le capital humain, mais des hydrocarbures durant le dernier trimestre de 2016 devrait se poursuivre et se traduire par Risques et défis aussi des interventions ciblées sur les pauvres une hausse de la production de pétrole qui et les 40 % les plus pauvres pour rétablir le bien devrait progressivement atteindre un million -être de la population. de barils par jour à la fin 2017. Cela ne repré- Les défis à relever dans l’immédiat sont la paci- senterait toutefois que les deux tiers du fication du pays qui entrainerait la stabilité TABLEAU 1 Libye / Indicateurs macroéconomiques (Évolution annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) chute des cours mondiaux du pétrole ont contribué à diminuer considérablement le MAROC Évolutions récentes déficit du compte courant ces dernières années ; une tendance inversée seulement La croissance économique marocaine reste en 2016 par suite d’une politique moné- tributaire des aléas de la météo. Après une taire accommodante et d’une reprise des production céréalière record en 2015, le prêts d’investissement au secteur privé. Après une mauvaise campagne agricole Maroc a connu une grave sécheresse en Grâce à la persistance de flux d’IED im- en 2016, le secteur primaire devrait re- 2016. La production agricole, qui repré- portants, les réserves de change du Maroc sente encore près de 15% du PIB du pays, ont augmenté pour atteindre 6,4 mois bondir en 2017 et propulser la croissance a diminué d’environ 10 %, ramenant le d’importations de biens et services en du PIB à 3,8 %. Entretemps, l’activité taux de croissance du PIB global à 1,1% en fin 2016. non agricole reste morose et l’inflation 2016. En dépit des gros investissements publics consentis ces dernières années, le maitrisée. Déjà faible, le taux de participa- secteur non agricole reste morose, avec un tion au marché du travail ne cesse de dé- taux de croissance de l’ordre de 3%. Perspectives cliner. Des efforts soutenus d’assainisse- Certes, le chômage a légèrement décliné à 9,4%, mais cette évolution masque un re- Des précipitations abondantes depuis ment des finances publiques et la dégrin- l’automne 2016 donnent à penser que la cul prolongé du taux de participation au golade des cours mondiaux du pétrole ont marché du travail qui, aujourd’hui, est croissance du PIB devrait rebondir à 3,8% contribué à réduire le double déficit ces largement inférieur à 50%. On estime à en 2017. On s’attend à une production 1,7 million le nombre de jeunes de 15 à 24 céréalière supérieure à sa moyenne histo- dernières années. Pour l’avenir, les prin- rique et le PIB agricole devrait augmenter ans qui n’étaient pas scolarisés, n’avaient cipaux défis demeurent la poursuite d’une pas d’emploi ou n’étaient pas en forma- de près de 10 %. On prévoit également un croissance plus forte sous l’impulsion du tion en 2016. Le taux de change de la mon- accroissement du PIB non agricole qui, naie étant déterminé par référence à un bénéficiant de l’embellie du secteur agri- secteur privé, la création d’emplois et la panier d’euros et de dollars américains, cole et de la confiance grandissante à la promotion d’une prospérité partagée. l’inflation est contenue à moins de 2%. fois des consommateurs et des produc- La poursuite de politiques macroécono- teurs, serait légèrement supérieur aux miques prudentes a permis de réduire les tendances récentes. Cela dit, il est peu déséquilibres extérieur et budgétaire ces probable que cette conjoncture positive se dernières années. Couplé à une gestion traduise par d’importantes améliorations budgétaire et un contrôle financier ro- dans la structure du marché du travail. bustes, l’achèvement de la réforme des Les attentes concernant l’inflation étant subventions engagée en 2014 a contribué à bien fondées, le taux d’inflation devrait réduire davantage le déficit budgétaire à continuer à tourner autour de 2%. 3,9% du PIB en 2016, selon les estimations, La dynamique de réformes marque le pas et à stabiliser la dette publique autour de à cause des retards accusés dans la forma- 66% du PIB. L’amélioration du ratio inves- tion du nouveau gouvernement après les tissements publics/épargne publique et la élections législatives d’octobre 2016. Une GRAPHIQUE 1 Maroc / Volatilité du taux de croissance Sources : Banque Mondiale disposition du projet de loi de finances du secteur public et, globalement, la crois- Le Maroc reste confronté au défi d’une 2017 qui prévoit une nouvelle réduction sance du PIB annuel devrait atteindre son transformation structurelle relativement du déficit budgétaire à 3% du PIB est potentiel actuel de 4 % en moyenne. lente. Parce que structurellement, il s’ap- néanmoins appliquée. L’augmentation puie encore sur les activités non mar- anticipée des prix mondiaux du pétrole va chandes (comme la construction), ses contribuer à détériorer le solde du compte courant, mais comme de coutume, les Risques et défis gains de productivité ont été limités du- rant les deux dernières décennies, en dépit besoins de financements extérieurs ne d’investissements considérables. Et ces présentent pas un risque majeur compte Au regard de la volatilité de la production investissements — principalement de tenu du niveau relativement bas de la agricole marocaine, des perspectives éco- grands projets d’infrastructure financés dette extérieure et de l’accès du pays aux nomiques peu optimistes dans la zone par l’État — ne sont pas encore parvenus à marchés internationaux. De plus, le deu- euro et du risque persistant d’une dégra- stimuler la croissance. xième accord biennal au titre de la Ligne dation de la situation géopolitique dans la Pour accroître ses gains de productivité et de précaution et de liquidité (LPL) du FMI région, les prévisions pour le pays sont sa compétitivité à moyen terme, le Maroc continuera d’offrir une couverture contre orientées à la baisse. La modernisation du doit s’atteler à renforcer la gouvernance les risques externes. secteur agricole, la diversification du tissu dans le secteur public, moderniser l’admi- À moyen terme, les perspectives de l’éco- industriel et le développement du secteur nistration publique, renforcer les liaisons nomie marocaine devraient s’améliorer, à des services devraient contribuer à atté- entre les régions et améliorer les résultats condition que le prochain gouvernement nuer les risques dont la gestion relève des du système éducatif. Au bout du compte, soit disposé à mener des politiques ma- pouvoirs publics. Pour ce faire, il faudra sa prospérité dépend fondamentalement croéconomiques prudentes et appliquer s’employer vivement à renforcer les auto- de sa capacité à densifier son capital hu- des réformes structurelles de façon à ren- rités responsables des marchés au Maroc, main. Les faibles taux de participation des forcer le cadre des affaires, moderniser particulièrement celles qui sont chargées femmes et des jeunes au marché du travail l’administration publique et améliorer de veiller à une répartition efficace de la appellent aussi l’attention sur la nécessité l’accès à des services publics de qualité, main-d’œuvre et du capital, et de promou- de faire une plus grande place à ces deux entre autres. Le passage progressif à un voir l’intégration dans les chaînes de va- segments de la population. régime de change plus flexible annoncé leur mondiales. Après la libéralisation par la Banque Al-Maghrib devrait aussi réussie des prix du pétrole à la pompe, contribuer à renforcer la compétitivité du l’augmentation anticipée de 30% des cours Maroc. La mise en œuvre programmée de mondiaux du pétrole va aussi permettre la loi de finances organique et du proces- de mesurer l’acceptabilité et la robustesse sus de décentralisation devrait permettre du nouveau système de tarification. de renforcer la gouvernance et l’efficacité TABLEAU 1 Maroc / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) rééquilibrage. Si les recettes tirées du pétrole et du gaz ont diminué de 29 % en 2016, les recettes hors OMAN Évolutions récentes hydrocarbures devraient avoir augmenté de 20 % par suite de l’accroissement des recettes douanières et des revenus des investissements. Selon les estimations officielles omanaises, le taux de croissance réel du PIB est tombé de Le programme national de diversification 5,7 % en 2015 à 2,2 % 2016. Le taux de crois- (Tanfeedh), qui est calqué sur le modèle de sance du PIB hors hydrocarbures n’était plus transformation économique malaisien, a été La faiblesse persistante des cours du pé- que de 2 % en 2016, contre 7 % en 2015 en rai- lancé en septembre 2016. Les secteurs public et trole continue de peser sur l’économie son de la contraction des dépenses publiques et privé se sont employés à créer un plan direc- de ses répercussions sur l’investissement et la teur pour l’évolution des secteurs omanais de la omanaise. L’accord de réduction de la consommation. Les investissements dans les logistique, des industries manufacturières et du tourisme dans le cadre d’une série de « labora- production de pétrole conclu par l’OPEP technologies permettant d’améliorer l’extrac- tion de pétrole ont permis d’atteindre des ni- toires ». Les autorités publiques ont également en 2017 et la détermination des autorités veaux de production record en 2015 et en 2016. entrepris de formuler un programme intitulé Vision 2040. publiques à poursuivre leur politique La croissance du PIB due aux hydrocarbures a Le manque d’emplois pour une population de diminué de près de moitié en 2016, pour s’éta- d’austérité devraient encore freiner la blir à 2,4 %, contre 4,2 % en 2015. Le déficit du plus en plus nombreuse est la principale préoc- cupation d’Oman dans le domaine social. Selon croissance. Le déficit budgétaire et le défi- compte courant s’est accru pour atteindre un les estimations de l’OIT, le chômage des jeunes montant représentant, selon les estimations, cit du compte courant restent importants, 16,2 % du PIB en 2016, contre 15,5 % du PIB en atteint 20 % dans le pays ; il constitue donc un 2015. Oman n’a pas suivi la politique de relève- problème pressant puisque 40 % de la popula- et Oman a de plus en plus recours à des tion omanaise a moins de 25 ans. Il faut généra- ment des taux directeurs appliqués par les États emprunts extérieurs pour les financer. La -Unis en décembre comme l’ont fait quatre lement trois ans aux jeunes Omanais pour trou- autres États membres du Conseil de coopéra- ver un emploi — en partie parce qu’ils souhai- croissance devrait toutefois reprendre en tent avant tout travailler dans le secteur public tion du Golfe (CCG), mais ses taux devraient 2018, Oman misant sur son plan de di- refléter éventuellement l’évolution de ceux de où les emplois sont mieux rémunérés et les la Reserve Fédérale Américaine du fait de la horaires de travail plus courts. Oman devra versification économique au profit du sec- créer 45 000 emplois par an pour remédier au parité fixe entre la monnaie omanaise et le dol- teur de la pêche et du tourisme. lar. Toujours selon les estimations, l’inflation problème ; les efforts actuellement déployés est passée de 0,1 % en 2015 à 1,1 % en 2016 par pour remplacer les expatriés par des Omanais suite de la réforme des prix des carburants. (« Omanisation ») ne suffiront pas tant que les Les recettes pétrolières constituent 70 % des conditions relatives à la création d’emplois recettes publiques, et la faiblesse des cours du dans le secteur privé ne se seront pas amélio- pétrole a provoqué un accroissement du déficit rées – le secteur privé continue de faire appel à budgétaire qui est passé de 16,5 % en 2015 à une main-d’œuvre étrangère dans un contexte 20,3 % en 2016 malgré les efforts de rééquili- caractérisé par un taux de croissance démogra- brage des finances publiques. Ce déficit est plus phique moyen supérieur à 4 % durant la pé- élevé de 60 % que celui prévu par le budget, et riode 2010-15. il a été essentiellement financé par des em- Les réformes axées sur la diversification souhai- prunts extérieurs (à hauteur d’environ 67 %) et tées par les autorités publiques auront des par les réserves (28 %). La réforme des subven- effets négatifs à court terme sur la population, tions aux carburants, les réductions des dé- de sorte que les autorités devront trouver le penses d’équipement ainsi que des dépenses au moyen de prendre des mesures pour assurer titre de la défense et des traitements et salaires une protection sociale adéquate et atténuer les ont été les principaux instruments du effets préjudiciables. Il pourrait être nécessaire GRAPHIQUE 1 Oman / Croissance annuelle du PIB réel GRAPHIQUE 2 Oman / Opérations des administrations publiques (en pourcentage du PIB) Sources : Autorités omanaises, estimation des services de la Banque mondiale Sources : Autorités omanaises, estimation des services de la Banque mondiale. de mettre à jour et de valider de nouveau les publiques. Les mesures propices à l’activité processus de recensement des bénéficiaires, économique, nomment l’adoption de la loi sur ainsi que les méthodes d’analyse et d’évalua- l’accès à la propriété pour les étrangers et de la Risques et défis tion du bien-être. loi sur les IED et la levée des sanctions contre l’Iran, devraient stimuler les échanges et ac- croître les possibilités d’investissement. La reprise de la croissance économique néces- En janvier 2017, les subventions à l’électricité saire pour créer des possibilités d’emploi dé- Perspectives ont été abolies pour les utilisateurs industriels, pend fondamentalement de la poursuite en commerciaux et gouvernementaux qui, collecti- temps opportun de réformes axées sur la diver- Selon les projections, la croissance réelle du PIB vement, consomment plus de 30 % de l’offre sification. Le massif programme de dépenses global continuera de se ralentir en 2017 pour énergétique totale. L’adoption d’une TVA de d’infrastructure dans le cadre du neuvième tomber à moins de 1 % par suite, d’une part, de 5 % prévue pour 2018, l’alourdissement de plan de développement devrait prendre du l’accord conclu avec les producteurs de l’OPEP l’impôt sur le revenu des sociétés et l’augmen- retard par suite des pressions qui continuent de en vue de réduire la production de pétrole tation des taux des droits d’accises et des rede- s’exercer sur les finances publiques. Le plan jusqu’en juin 2017 et, d’autre part, des compres- vances au titre des services publics devraient, d’industrialisation doit accroître la demande sions des dépenses publiques qui ont atténué la de surcroît, permettre de ramener le déficit d’électricité, ce qui signifie qu’il faudra donner confiance des entreprises et réduit la consom- budgétaire à 7,4 % en 2019. Le fonds de patri- la priorité aux projets de gaz naturel. Les auto- mation privée. Le projet de budget pour 2017 moine souverain d’Oman, dont le montant est rités publiques s’efforceront de constituer de prévoit des réductions de dépenses de 8 % qui de 34 milliards de dollars, selon les estimations, nouveaux partenariats public-privé, ce qui se soldent par un déficit budgétisé représentant a été utilisé pour financer une partie du déficit pourrait s’avérer difficile à court terme par 10,6 % du PIB. Ce déficit pourrait toutefois budgétaire, mais le recours accru à des em- suite de la baisse de confiance des investisseurs atteindre 13,9 % en 2017 par suite des retards prunts extérieurs accroîtra probablement la dans la région. Les autorités continueront aussi pris dans le cadre des efforts de rééquilibrage. dette dans une mesure considérable durant la probablement de se heurter à des troubles so- La politique monétaire continuera d’avoir un période couverte par les projections puisque ciaux suscités par la réforme des subventions. caractère restrictif car les taux d’intérêt poursui- celle-ci devrait passer de 5 % du PIB en 2013 à Les perspectives économiques globales pour- vent leur évolution à la hausse. L’inflation de- 31,5 % du PIB d’ici 2020 selon les estimations. raient être compromises par plusieurs risques vrait légèrement s’accélérer pour atteindre Le déficit du compte courant devrait tomber à extérieurs. De nouveaux chocs au niveau des 1,4 % en raison du relèvement des tarifs de 14,4 % en 2017 et poursuivre son évolution à la cours du pétrole conjugués au retard pris par le l’électricité et de la hausse plus rapide des prix baisse parallèlement à la hausse des cours du processus de rééquilibrage des finances pu- alimentaires mondiaux. pétrole, à l’augmentation des exportations hors bliques pourraient provoquer une nouvelle À moyen terme, toutefois, la croissance devrait pétrole et à l’accroissement des exportations de dégradation de la notation de risque de crédit. peu à peu reprendre pour atteindre un rythme GNL grâce au gazoduc reliant Oman à l’Iran La poursuite du ralentissement de l’économie de 3 % à l’horizon 2019, l’augmentation pro- (prévu pour 2020). L’inflation devrait ralentir chinoise accroîtrait encore les risques de dété- gressive des cours du pétrole ayant pour effet pour s’établir à 1,1 % d’ici 2019 malgré l’instau- rioration de la situation car la Chine est le prin- d’améliorer le climat de confiance et d’encoura- ration de la TVA, par suite de la stagnation des cipal partenaire commercial d’Oman. ger les investissements du secteur privé. Le prix alimentaires et de la dissipation des pres- programme de réforme des autorités publiques sions à la hausse exercées sur les coûts par la continue d’être axé sur la diversification de réforme des subventions. l’économie et le rééquilibrage des finances TABLEAU 1 Oman / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) En dépit d’une forte performance au plan des recettes, la position budgétaire de TERRITOIRES Évolutions récentes l’Autorité palestinienne restait difficile en 2016. Les recettes publiques ont augmenté PALESTINIENS Depuis la guerre de Gaza en 2014, l’écono- d’environ cinq points de pourcentage du mie palestinienne a amorcé une reprise, PIB pour atteindre 26 % en 2016, sous qui est toutefois entretenue par des fac- l’effet de transferts ponctuels de recettes teurs insoutenables dans la durée. En par le gouvernement israélien et du verse- effet, la guerre de Gaza a eu des consé- ment anticipé de droits de licence de télé- Sortant de la récession de 2014, l’écono- quences graves sur l’économie palesti- communications. Ces rentrées de fonds mie palestinienne a progressé d’environ nienne, qui est entrée en récession en 2014. ont compensé l’augmentation plus impor- Depuis lors, les voyants reviennent au tante que prévu des dépenses publiques, 4 % en 2016, grâce à des facteurs transi- vert, le taux de croissance du PIB réel qui ont atteint 32 % du PIB en 2016, du fait toires comme la reprise des constructions ayant atteint 3,4 % en 2015 et étant estimé principalement de la hausse des salaires à Gaza notamment. À 27 %, le chômage à 4,3 % en 2016. Les facteurs de cette re- des enseignants et des ingénieurs, et ont prise sont toutefois insoutenables. On entrainé une baisse du déficit total (hors reste obstinément élevé. Compte tenu des dons) à 8 % du PIB. Parallèlement, l’aide estime que la croissance dans la Bande de contraintes qui pèsent actuellement sur la Gaza a atteint 7,4 % en 2016, à la faveur accordée à l’Autorité palestinienne est compétitivité de l’économie, la croissance d’une explosion des travaux de construc- restée sur une courbe baissière en 2016, ce tion. En Cisjordanie, c’est l’augmentation qui a généré un écart de financement de à moyen terme est projetée à 3,5 %. Une de la consommation des ménages financée 330 millions de dollars (2,5 % du PIB) et aide moins importante que prévu et par des prêts bancaires qui explique sur- des arriérés de paiement supplémentaires l’éventualité d'un nouveau conflit font tout le taux de croissance de 3,4 %. à l’égard du secteur privé et du fonds de À 27 %, le chômage reste obstinément pension public. craindre un ralentissement de la crois- élevé dans les territoires palestiniens. Le déficit du compte courant (transferts publics sance et de l’emploi. Mais ce taux global masque de larges dis- compris) est estimé avoir légèrement augmenté parités régionales comme à Gaza, où il en 2016 pour atteindre 16,3 % du PIB, en raison atteint 42 %, soit plus du double du taux notamment d’une diminution des flux de l’aide. enregistré en Cisjordanie. Le chômage des En revanche, le déficit commercial s’est légère- jeunes demeure une préoccupation ma- ment résorbé la même année à 41 % du PIB jeure dans les territoires, particulièrement après une baisse des importations en prove- à Gaza où plus de la moitié des 15-29 ans nance d’Israël — le principal partenaire com- n’ont pas d’emploi. mercial des territoires palestiniens — qui trouve L’année 2016 a vu une légère déflation en Pales- son fondement dans la chute des prix des carbu- tine, l’indice des prix à la consommation décli- rants et dans une tendance des consommateurs nant de 0,2 %. Le shekel israélien étant la princi- palestiniens à boycotter les produits israéliens. pale monnaie en circulation dans les territoires, Les exportations, qui continuent de souffrir des ce faible taux d’inflation est la conséquence restrictions commerciales en vigueur, restent d’une déflation en Israël, en plus de la chute des faibles mais stables, autour de 19 % du PIB. prix mondiaux du pétrole et des produits alimentaires. GRAPHIQUE 1 Territoires palestiniens / Estimations et perspectives : finances publiques Sources : Ministère des Finances et estimations des services de la Banque. (5 % du PIB). Et les mesures prises par les échanges commerciaux, les déplace- Perspectives l’Autorité palestinienne ne suffiront pas pour combler ce déficit. À moins que les ments et l’accès aux ressources, ainsi que les divisions politiques internes entre la bailleurs de fonds n’augmentent considé- Cisjordanie et Gaza et un environnement Alimentée par les travaux de reconstruc- rablement leurs concours, le déficit sera peu propice aux affaires. Par conséquent, tion de Gaza, la récente reprise de la crois- principalement financé par des arriérés de les risques d’un ralentissement de la crois- sance ne pourra pas perdurer à moins que paiement dus au secteur privé et par des sance et de l’emploi restent considérables. les restrictions externes soient assouplies emprunts contractés auprès de banques Tout d’abord, en dépit de progrès enregis- et des efforts soient faits pour améliorer le locales. trés ces derniers mois, des revers sont à cadre de l’activité commerciale. Par consé- En raison de la persistance d’un déficit craindre dans le processus de reconstruc- quent, les perspectives économiques dans commercial important, le déficit du tion de Gaza. Une reprise du conflit armé les territoires palestiniens restent pessi- compte courant — transferts publics com- n’est pas non plus à exclure, auquel cas mistes, les niveaux de croissance annoncés pris — devrait rester élevé en 2017. Mi- l’économie de Gaza retomberait en réces- étant insuffisants pour améliorer les con- nées par le système de restrictions en sion. De plus, si les tensions reprenaient ditions de vie de la population. En suppo- place, les exportations palestiniennes de- en Cisjordanie, elles entraîneraient une sant que les restrictions actuelles restent vraient rester atones et les territoires conti- aggravation des risques sécuritaires qui en place et que la situation sécuritaire nueront de s’appuyer lourdement sur les pourraient avoir une incidence préjudi- demeure relativement calme, le taux de importations pour satisfaire même cer- ciable sur l’activité économique. Enfin, le croissance du PIB réel de l’économie pa- tains de leurs besoins élémentaires. Par taux de croissance en Cisjordanie pourrait lestinienne devrait être de 3,5 % en 2017 : conséquent, le déficit du compte courant être pire que prévu si la baisse des con- 2,7 % pour la Cisjordanie et 5,5 % à Gaza. devrait rester élevé en 2017, autour de cours des bailleurs de fonds était plus À moyen terme, ce taux pourrait tourner 15,5 % du PIB. marquée que les projections actuelles. aux environs de 3,5 %. Cette atonie de la croissance entraîne une quasi-stagnation du revenu réel par habitant et une aug- mentation du chômage. Risques et défis Le déficit budgétaire (hors dons) devrait augmenter pour se situer à 10 % du PIB (1,35 milliard de dollars) en 2017. Dans le Les facteurs qui continuent de faire obs- même temps, l’aide étrangère pourrait tacle à un redressement économique descendre autour de 640 millions de dol- durable en Palestine sont : le manque lars en 2017, créant un déficit de finance- d’avancées dans le processus de paix, les ment de plus de 700 millions de dollars restrictions qu’imposent les Israéliens sur TABLEAU 1 Territoires palestiniens / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) 2016. L’essor du secteur immobilier a pris fin : après avoir augmenté pendant trois ans QATAR Évolutions récentes de plus de 10 % par an, les prix de l'immobi- lier ont commencé à chuter au deuxième Le taux de croissance du PIB a diminué pour semestre de 2016 pour afficher une baisse en tomber de 3,5 % en 2015 à 2,9 % en 2016, glissement annuel de 9,5 % au quatrième selon les estimations. La production du sec- trimestre. Les soldes des finances publiques et du teur des hydrocarbures ne s’est guère modi- Bien que les importants excédents budgé- compte courant sont devenus déficitaires fiée par rapport aux années précédentes par taires et du compte courant aient disparu par suite, essentiellement, des effets du mora- suite de la baisse des cours mondiaux du par suite de la faiblesse persistante des toire concernant l’augmentation de la pro- pétrole, un fonds de patrimoine souverain cours mondiaux de l’énergie. Les autorités duction du gisement massif de North Field doté d’actifs d’une valeur de l’ordre de (dont la production de gaz a permis au Qatar 335 milliards de dollars contribue à mainte- publiques ont réduit les dépenses cou- nir la confiance dans les marchés financiers de devenir l’un des plus grands exportateurs rantes et ont procédé à des réformes des de GNL au monde) que s’est lui-même im- et le système d’ancrage de la monnaie. En posé le Qatar. La production de pétrole brut 2016, le pays a enregistré son premier déficit subventions. La poursuite des dépenses au budgétaire depuis 2000, qui s’est établi à a atteint son maximum en 2008 titre des projets d’investissement associés (880 000 barils/jour), mais diminue progres- environ 8 % du PIB (pour l’année civile). sivement depuis lors et s’est établie à 650 000 Aucun tirage ne pouvant être effectué sur le à la Coupe du monde de la FIFA de 2022 barils/jour en 2016. La production a encore fonds de patrimoine souverain pour soutenir soutient toutefois la croissance. Les diminué de 40 000 barils/jour durant la pre- le budget, les autorités publiques ont con- marges financières demeurent également mière partie de 2017 conformément aux ac- tracté des dettes à hauteur de 9 milliards de cords conclus avec l’OPEP. dollars sur les marchés mondiaux pour con- importantes. Étant donné l’incertitude Le rééquilibrage des finances publiques et le tribuer à financer le déficit, et il semble des perspectives du secteur des hydrocar- resserrement des liquidités bancaires ont qu’elles envisagent de procéder à des em- entravé l’activité hors hydrocarbures en prunts intérieurs et extérieurs en 2017. De- bures à moyen terme, il sera essentiel de puis 2014, les autorités publiques poursui- 2016, qui s’est ralentie par rapport aux an- diversifier l’économie. nées précédentes (graphique 1). Les secteurs vent des efforts soutenus pour maîtriser et des industries manufacturières et des trans- rationaliser les dépenses, comme en té- ports ont marqué un repli particulièrement moigne l’établissement de l’ordre de priorité notable, compensé par les solides résultats des projets d’investissement jugés essentiels des secteurs du bâtiment, du commerce de à la diversification de l’économie et à la gros et de détail et des services financiers. Coupe du monde, et la remise à une date Les indicateurs de solvabilité du secteur ultérieure d’autres projets « non essentiels ». bancaire et les volants de capital demeurent Les tarifs de l’eau et de l’électricité ont égale- satisfaisants, mais le taux d’expansion du ment été relevés en octobre 2015, tandis que crédit au secteur privé est tombé pratique- les prix de l’essence ont été déréglementés en ment au niveau le plus faible observé au mai 2016 de manière à mieux correspondre cours des six dernières années, soit 6,5 % en aux cours mondiaux. Pendant ce temps, le glissement annuel en décembre, contre plus solde du compte courant s’est fortement de 20 % un an auparavant. L’évolution des détérioré puisqu’il est passé d’un excédent dépôts du secteur public est restée négative correspondant à plus de 30 % du PIB en 2011 au cours des deux dernières années, ces der- -12 au premier déficit enregistré depuis niers affichant une contraction de 11 % en 17 ans, qui représente 2,3 % du PIB selon les estimations. GRAPHIQUE 1 Qatar / PIB hors hydrocarbures GRAPHIQUE 2 Qatar / Créances des banques commerciales sur le secteur privé Sources : Haver, services de la Banque mondiale. Sources: Haver, services de la Banque mondiale. Les travailleurs expatriés se heurtent à de monétaire se durcira progressivement paral- les flux de capitaux et le coût des finance- graves difficultés sur le marché du travail : lèlement à l’évolution observée aux États- ments alors même que les pays de la région ils se plaignent des retards avec lesquels Unis à une époque caractérisée par la faible se tournent vers les investisseurs étrangers leurs salaires sont versés ou de la rétention croissance du PIB intérieur. Le solde des pour financer leurs déficits budgétaires. de ces derniers, de mauvaises conditions de finances publiques et le solde du compte travail, de l’insalubrité des logements four- courant devraient progressivement s’amélio- La stratégie de croissance tirée par les investisse- nis par leur employeur, de pratiques de re- rer. Les recettes d’exportation augmenteront ments poursuivie par le Qatar pendant la der- crutement irrégulières et du manque d’infor- parallèlement à l’augmentation de la pro- nière décennie a transformé les conditions de vie mation sur les moyens de faire valoir leurs duction de gaz et à la reprise des cours du des citoyens, mais remet en question la viabilité droits. pétrole. Le déficit budgétaire diminuera, en des finances publiques dans un contexte caracté- partie grâce aux économies réalisées au ni- risé par la faiblesse persistante des cours des veau des dépenses courantes, à la réforme hydrocarbures, les capacités excédentaires du des subventions et à la mise en place d’une secteur de l’immobilier et les déséquilibres dé- TVA en 2018. mographiques. Sur le plan des finances pu- Perspectives bliques, la politique budgétaire du Qatar souffre de l’absence de points d’ancrage qui pourraient Le Qatar a entrepris un programme plurian- contribuer à protéger le budget de la volatilité nuel de modernisation des infrastructures des cours des produits de base. Étant donné les d’un montant de 200 milliards de dollars en Risques et défis incertitudes qui entachent à moyen terme les prévision de la Coupe du monde, qui devrait perspectives du secteur gazier jusqu’à la fin de la soutenir l’activité économique, en particulier À moyen terme, l’apparition de nouveaux décennie et au-delà, il sera essentiel de dévelop- dans les secteurs du bâtiment, des transports fournisseurs aux États-Unis, en Asie de l’Est per les secteurs hors hydrocarbures. Pour diver- et des services. Le projet du champ gazier de et en Afrique aura pour effet de réduire la sifier l’économie et atteindre l’objectif d’une Barzan, qui a une capacité de 39,6 millions mesure dans laquelle le Qatar pourra négo- de m3 par jour — et qui est le dernier projet cier les conditions des accords d’approvi- « économie tirée par le savoir » énoncé dans la approuvé avant le moratoire de North Field sionnement à long terme en GNL, qui ont Vision nationale pour le Qatar (2030), le pays —entrera en production en 2017. Il devrait jusqu’ici protégé dans une certaine mesure le devra accroître la productivité de ses investisse- permettre d’accélérer le taux de croissance Qatar de la volatilité des marchés au comp- ments, aussi bien dans le capital humain que jusqu’à 3,3 % en 2017 et compenser une par- tant et à court terme. Les nouveaux produc- dans le capital physique, et procéder à des ré- tie de la baisse de production de gaz naturel teurs pourraient également remettre en formes structurelles pour améliorer le cadre de prévue pour les prochaines années. Les in- cause la position dominante du Qatar en tant l’activité économique. Des efforts sont actuelle- vestissements liés à la Coupe du monde que premier exportateur de GNL au monde. ment déployés pour renforcer les systèmes de commençant à se tasser, la croissance se sta- Le pays est également confronté aux risques coordination, de planification et d’exécution au bilisera peu à peu, pour atteindre environ extérieurs posés par l’instabilité qui règne sein des administrations publiques. 2,5 % en 2019. L‘ancrage de la monnaie qata- dans la région et par la volatilité de la situa- rienne au dollar signifie que la politique tion financière mondiale qui a un impact sur TABLEAU 1 Qatar / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) davantage, elles n’ont pas réussi à résorber ce dernier. Les autorités ont apuré les arriérés de ARABIE Évolutions récentes l’année précédente (surtout les paiements dus aux entrepreneurs dans le secteur des travaux publics), ce qui a davantage alourdi le déficit SAOUDITE La faiblesse des cours pétroliers reste une en- budgétaire atteignant 18,1 % du PIB en 2016. trave à la croissance et à la viabilité des finances Le changement le plus important dans la poli- publiques du Royaume d’Arabie saoudite. tique du Royaume est cependant intervenu Même en remontant jusqu’à 54 dollars le baril avec l’annonce de la Vision 2030 et du Plan de après une moyenne mensuelle de 30 dollars au Le pétrole bon marché continue d’éprou- transformation nationale (NTP) au deuxième premier semestre 2016, les prix en janvier 2017 trimestre 2016. La Vision 2030 vise à réorgani- ver la résilience économique du Royaume ont resté largement inférieurs à la moitié de ser le champ des investissements publics, à leur plafond de 2014. Les hydrocarbures repré- d’Arabie saoudite. En 2016, les autorités augmenter la participation du secteur privé à sentant environ 80 % des recettes budgétaires et l’économie et à rationaliser les dépenses pu- ont renforcé les mesures d’assainissement plus de 40 % du PIB (graphique 1), l’Arabie bliques. Parmi les réformes clés figurent un saoudite demeure vulnérable à l’atonie des budgétaire et adopté d’importantes ré- prix. ambitieux programme de réaménagement des subventions, l’amélioration de la transparence formes pour faire face aux défis croissants Les premières conséquences alarmantes de la et de l’efficacité de l’administration publique, baisse des cours du pétrole se sont manifestées associés à la nouvelle réalité des marchés ainsi que des partenariats avec des investis- en 2015 au niveau de la situation macro budgé- seurs privés en vue de valoriser les énergies pétroliers. Les actions entreprises pour taire du Royaume. Même après avoir augmenté renouvelables et les installations industrielles rationaliser les finances publiques ont sa production pétrolière à 10,1 millions de ba- au niveau local. L’introduction en bourse d’en- rils par jour (contre 9,7 millions en 2014), ses permis d’améliorer les perspectives budgé- viron 5 % d’ARAMCO – la compagnie pétro- dépenses publiques ont très peu évolué. Par lière d’Arabie saoudite, d’une valeur estimée à taires à moyen terme, au détriment de la conséquent, le solde budgétaire global accuse 2 000 milliards de dollars – est également pré- un déficit estimé à 15,1 % du PIB, et le compte croissance, qui est fortement tributaire vue pour 2017. Le Plan de transformation natio- courant à 8,6 % du PIB. nale vise à réaliser les objectifs de Vision 2030 à des dépenses publiques. En 2016, les autorités saoudiennes ont pris des travers les actions suivantes : i) identifier des mesures plus radicales pour atténuer l’impact objectifs et cibles stratégiques pour les orga- économique et budgétaire du pétrole moins nismes participants ; ii) traduire les objectifs en cher. Préoccupées par l’accumulation des défi- projets assortis de plans de mise en œuvre et cits, elles ont entrepris de consolider leurs pers- d’études de faisabilité ; et iii) promouvoir une pectives budgétaires à moyen terme. Elles ont action commune sur un certain nombre de donc augmenté de 50 % les prix des carburants priorités nationales. sur le marché intérieur – une augmentation est Conséquence des mesures de rééquilibrage également envisagée pour le gaz et l’eau – et les budgétaire et de resserrement des conditions de enveloppes allouées à l’éducation, à la santé et liquidité en vigueur, la croissance du PIB a aux municipalités ont subi des coupes considé- ralenti en 2016 en raison d’une baisse à la fois rables. Les salaires de base des fonctionnaires de la production pétrolière et non pétrolière. ont été gelés et les primes et avantages réduits Ces mesures d’austérité fiscale ont entrainé une en 2016, autant de mesures prévues pour durer. contraction du secteur non pétrolier, dont la Une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5 % est croissance est estimée à 0,2 % à peine en 2016. également envisagée pour les années à venir. La réduction des dépenses publiques, le ralen- Bien que les efforts de rééquilibrage du budget tissement du rythme d’attribution de nouveaux aient contribué à éviter que le déficit se creuse GRAPHIQUE 1 Arabie saoudite / Composition institution- GRAPHIQUE 2 Arabie saoudite / Production de pétrole nelle du PIB (en prix constants) brut au Royaume d’Arabie saoudite Sources : Autorité générale des statistiques du Royaume d’Arabie saoudite Sources : Agence d’information sur l’énergie des États-Unis marchés et des retards dans le paiement desdits institutions chargées de mesurer et d’analyser permettre de réduire le ratio du déficit budgé- marchés ont entrainé un rétrécissement du le bien-être social et les méthodes utilisées dans taire global par rapport au PIB. secteur des travaux publics en particulier. La ce but doivent être renforcées pour corriger L’inflation devrait être contenue par des me- production pétrolière a augmenté tout au long cette lacune. sures d’austérité budgétaires du côté de la de- de l’année 2016, pour atteindre un volume re- mande, mais alimentée par la hausse des prix cord de 10,7 millions de barils par jour en no- des services publics, du côté de l’offre. L’appli- vembre de la même année. cation de mesures d’assainissement des fi- Couplée au renchérissement des prix mondiaux Perspectives nances publiques et la baisse des revenus pour- des produits alimentaires, l’introduction de la raient entrainer une détérioration des indica- réforme des subventions a temporairement D’après les prévisions, on s’attend à un nou- teurs sociaux, mais il n’existe pas de données poussé l’inflation à la hausse. Néanmoins, la veau ralentissement au niveau de la croissance permettant d’évaluer les risques et les pression des prix a été limitée à une faible pro- économique en Arabie saoudite pendant l’an- vulnérabilités. gression à un chiffre, notamment à 3,5 % en née 2017. Dans le secteur des hydrocarbures, 2016. La politique monétaire reste entravée par elle devrait être moribonde, eu égard au récent l’ancrage au dollar américain. Bien qu’il assure accord conclu dans le cadre de l’OPEP. Les stabilité et prévisibilité, cet ancrage a également autorités ont déjà ramené la production pétro- Risques et défis donné lieu à une appréciation réelle d’environ lière du Royaume à 9,8 millions de barils par 40 % des taux de change effectifs de l’Arabie jour en janvier 2017, ce qui est comparable aux En raison de sa forte dépendance à l’égard des saoudite par rapport à ses principaux parte- niveaux atteints avant la baisse des cours pétro- hydrocarbures, l’économie du Royaume est naires commerciaux depuis juillet 2008. liers en 2014. Cela dit, en raison du léger assou- extrêmement sensible aux fluctuations des prix Comme dans d’autres pays du CCG, la majeure plissement des mesures d’assainissement dans du pétrole. Même si les déficits budgétaires ne partie des résidents à faible revenu sont des la loi de finances 2017, le secteur non pétrolier devraient pas avoir une incidence grave sur la travailleurs immigrés. Mais, étant donné que la devrait rebondir et enregistrer un taux de crois- viabilité de l’économie à court terme, ils vont population dépasse la barre des 20 millions, sance de 2,1 % en 2017. De façon générale, on donner lieu à une érosion des réserves et une l’inégalité d’accès aux opportunités écono- projette une croissance du PIB de 0,6 % en 2017. augmentation de la dette publique (deux straté- miques constitue également un problème pour Sur le plan extérieur, le compte courant devrait gies que les autorités ont tendance à appliquer les nationaux. L’atonie des prix du pétrole étant rester dans le rouge, à 4,0 % du PIB en 2017. Par en parallèle pour éviter toute variation brutale prévue pour durer plus longtemps, l’ancien la suite, les prix moyens annuels à l’exportation de l’un ou l’autre de ces indicateurs) à moyen contrat social — basé sur l’emploi public, des devraient se redresser progressivement en 2017 terme. subventions généreuses et la gratuité des ser- et 2018. Une reprise plus lente des importations vices publics — n’est plus soutenable. Un pro- devrait permettre au compte courant de re- Le Plan de transformation nationale constitue gramme de réformes contenu dans le document nouer avec de légers excédents à partir de 2018. un important moyen de préservation de la via- de Vision 2030 prévoit d’importants change- Les perspectives budgétaires sont stables à bilité des finances publiques et de promotion de ments structurels qui vont profondément affec- court terme, compte tenu des réserves impor- la diversification. Cependant, en l’absence d’un ter les habitants du Royaume dans tous les tantes détenues par SAMA. Cependant, dans cadre macroéconomique et budgétaire global à aspects de leur existence. un contexte de prix moyen du pétrole à 55 dol- moyen terme, il est possible que les réformes Les autorités sont déterminées à atténuer les lars en 2017 (dernières projections de la Banque effets négatifs des réformes. Pour ce faire, elles restent partielles et ne soient pas coordonnées mondiale), les mesures budgétaires actuelles ont lancé un nouveau programme social qui sont insuffisantes, et le déficit budgétaire de- entre les différents organismes d’exécution. vise à indemniser les personnes affectées par la vrait s’établir à 10,6 % du PIB. Les efforts visant levée des subventions. Cependant, l’identifica- à augmenter les recettes non pétrolières vont tion des groupes vulnérables n’est pas chose probablement prospérer (quoique modeste- facile, et il existe peu de données pour éclairer ment) et des coupes interviendront peu à peu les politiques sur le niveau d’appui à apporter dans les dépenses, principalement le budget aux populations affectées. À cet égard, les d’investissement. Ces mesures devraient TABLEAU 1 Arabie saoudite / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) personnes sans emploi sont peu qualifiées. Cela dit, les diplômés d’université affi- TUNISIE Évolutions récentes chent le taux de chômage le plus élevé, qui est passé de 15 % en 2005 à 23 % en Le taux de croissance annuelle de l’écono- 2010, puis à 31,6 % en 2016 ; chez les filles, mie tunisienne est estimé à 1,0 % en 2016 il est de 40,4 %. Ces taux sont en outre (2,0 % hors agriculture et pêche), contre bien plus élevés dans l’arrière-pays que La Tunisie avance à grands pas dans son 1,1 % en 2015 (0,1 % hors agriculture). La dans les régions côtières. programme de transition politique, mais croissance en 2016 est essentiellement tirée La Tunisie est confrontée à d’énormes les résultats concrets sur le plan écono- par les services marchands et le secteur déficits budgétaire et extérieur. Le déficit mique prennent plus de temps que prévu, des activités non marchandes, qui ont budgétaire de l’administration centrale, chacun progressé de 2,7 %, ainsi que par hors dons, a atteint 6,0 % du PIB en 2016, la croissance étant trop faible pour peser l’industrie manufacturière (+0,9 %). Le contre 5,6 % en 2015. Le ratio d’endette- réellement sur le chômage dans un con- secteur industriel non manufacturier ment est passé de 55,4 % en 2015 à 61,8 % texte d’élargissement du déficit budgétaire (phosphate, pétrole et gaz) a régressé de du PIB en 2016. Et le déficit du compte 1,9 % (contre -4,1 % en 2015), la produc- courant est resté élevé en 2016, à 9 % du ainsi que du déficit du compte courant. Le tion de phosphate n’étant pas pleinement PIB selon les estimations. Ce déficit subs- gouvernement d’unité nationale — coali- rétablie dans les régions minières malgré tantiel du compte courant, combiné avec tion des principaux partis politiques et une embellie observée récemment. la détérioration du compte de capital et du L’inflation enregistre une baisse ininter- compte financier, érode le tampon des groupes de la société civile — formé en rompue depuis son apogée en 2013, et réserves de change du pays et conduit à septembre 2016 pour entreprendre les reste maitrisée en dépit d’une déprécia- une dépréciation du dinar tunisien. En réformes économiques urgentes a été re- tion du dinar tunisien – 8,3 % par rapport février 2017, les réserves de change étaient à l’euro et 8,6 % par rapport au dollar — estimées à 13,8 milliards de dinars tuni- manié en février 2017, quoique depuis le début du second semestre 2016. siens, soit moins de 4 mois d’importations. légèrement. L’indice des prix à la consommation (IPC) Le gouvernement d’unité nationale formé a augmenté en moyenne de 3,7 % en 2016 en septembre 2016 s’est donné pour prio- (contre 4,9 % en 2015). Cependant, l’infla- rités de renforcer la sécurité, d’améliorer tion sous-jacente — hors produits alimen- le cadre de l’activité économique, d’assu- taires et énergie dont les prix sont régle- rer la stabilité macroéconomique et bud- mentés — s’est accélérée depuis sep- gétaire et de relancer la croissance. Le tembre 2016 et a atteint 5,1 % en décembre nouveau gouvernement a organisé avec (contre 4,7 % en décembre 2015). succès une conférence internationale des La participation au marché du travail reste investisseurs en novembre 2016 (Tunisie faible, autour de 50 %, essentiellement en 2020), qui a servi de forum pour appeler à raison d’une faible participation des un soutien renouvelé à la jeune démocra- femmes — qui est d’à peine 26 %. Après tie tunisienne et mettre en lumière les avoir atteint son plus haut niveau en 2011, améliorations réalisées sur le plan de la soit 19 %, le chômage est redescendu à sécurité, ainsi que les atouts qui pour- 15,5 % en 2016. La majeure partie des raient intéresser un investisseur. Si ce GRAPHIQUE 1 Tunisie / Valeur ajoutée sectorielle et GRAPHIQUE 2 Tunisie / Taux de chômage croissance du PIB (en glissement annuel) Sources : Institut national de statistiques, Banque centrale de Tunisie et calculs Sources : Institut national de statistiques, Banque centrale de Tunisie et calculs des services de la Banque. des services de la Banque. gouvernement devrait être plus stable, du rebond des exportations des produits d’instaurer un dialogue en vue de déter- particulièrement le chef du gouvernement agricoles et des services. À moyen terme, miner les origines du malaise social et d’y et les responsables des principaux dépar- le compte courant pourrait profiter du apporter des solutions, en particulier avec tements ministériels, le léger remaniement redressement graduel du secteur indus- les syndicats. intervenu récemment donne à penser que triel et du commerce des services, et dimi- d’autres changements ne devraient pas nuer peu à peu jusqu’à la fin de la période être écartés. considérée. Perspectives Risques et défis On projette une accélération de la crois- Les principaux risques qui pèsent sur les sance économique à 2,3 % en 2017 du fait perspectives économiques demeurent le de la reprise dans les secteurs stratégiques niveau élevé du chômage des jeunes et le de l’agriculture, du phosphate et de malaise social, ainsi que la fragilité de la l’industrie manufacturière. À moyen situation sécuritaire aux niveaux national terme, la croissance devrait remonter pro- et régional. Certes, le gouvernement dé- gressivement à 2,8 % en 2018 et 3,2 % en ploie des ressources pour améliorer la 2019, en raison d’une amélioration du sécurité, mais il doit également engager climat des affaires associée à des réformes des réformes pour stimuler la croissance structurelles et au renforcement de la sta- du secteur privé et la création d’emplois bilité sociale et de la sécurité. afin d’écarter durablement ces risques. Il Le déficit budgétaire devrait rester élevé, à 5,9 % s’agit essentiellement : i) d’adopter et du PIB en 2017. Pour assurer la viabilité des d’appliquer des réglementations qui amé- finances publiques, il faudra contenir la masse liorent les conditions d’accès aux marchés salariale de l’État et élargir l’assiette fiscale, puis et donnent concrètement suite à la confé- créer de l’espace pour accroître les dépenses rence Tunisie 2020 ; ii) d’élaborer et d’ap- d’investissement. pliquer une stratégie globale de réforme Sur le plan extérieur, le déficit courant de la fonction publique et des entreprises devrait se resserrer légèrement à 8,4 % du à capitaux publics ; iii) d’améliorer la gou- PIB, sous l’effet de la relance progressive vernance, notamment la lutte contre la des secteurs manufacturier et minier, et corruption et la mainmise des élites ; et iv) TABLEAU 1 Tunisie / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) à 1,3 % du PIB en 2016, selon les estimations. Évolutions récentes ÉMIRATS Malgré le resserrement de la politique monétaire, les dépôts des administrations ARABES UNIS La persistance de bas prix pétroliers et publiques ont recommencé à augmenter. l’austérité budgétaire continuent de gre- La chute des cours du pétrole a rétréci la ver l’économie émirienne. La croissance liquidité du secteur bancaire, la masse globale du PIB réel est estimée à 2,3 % en monétaire (mesuré par l’agrégat moné- 2016, largement inférieure à la moyenne taire M2) n’ayant augmenté que de 3,7 % La réduction de la production pétrolière de 5 % sur la période précédant le choc en 2016. Cela dit, les 3,6 milliards de dol- pétrolier de 2014 (2010-14). Les mesures lars d’augmentation mensuelle des dépôts imposée par l’OPEP va limiter la crois- d’austérité ont affaibli les entreprises et la effectués par les administrations pu- sance en 2017, mais celle-ci devrait rebon- confiance des consommateurs, et ralenti la bliques dans le système bancaire local en dir à moyen terme à la faveur d’une re- croissance des crédits au secteur privé en novembre dernier viennent inverser une 2016. On estime que la croissance du sec- tendance à la baisse commencée au deu- montée des cours du pétrole, de l’augmen- teur des hydrocarbures a chuté jusqu’à xième trimestre 2015. En revanche, le tation de la capacité de production pétro- 3 % en 2016, contre 4,6 % 2015. Partant de rythme d’accroissement des crédits a ra- lière et de l’accélération des investisse- 4,1 % en 2015, le taux moyen d’inflation lenti au quatrième trimestre 2016 par rap- est tombé à 1,6 % en 2016, en raison du port au troisième trimestre de la même ments en préparation à l’exposition uni- ralentissement de l’activité. année. La Banque centrale a relevé de verselle de Dubaï (Dubaï Expo 2020). Ces Des mesures de rééquilibrage budgétaire 25 points de base son taux d’intérêt sur les perspectives sont néanmoins menacées ont été engagées en 2015, notamment certificats de dépôt en décembre, à 1,5 %, l’augmentation des tarifs de l’électricité et en droite ligne de la dernière augmenta- par le ralentissement de l’économie mon- de l’eau, la levée des subventions sur les tion du taux directeur de la Réserve diale et le resserrement des liquidités carburants et la réduction des transferts fédérale. régionales. de capitaux aux organismes parapublics. Le marché de l’immobilier continue de rétrécir. Cependant, la chute des recettes issues du L’augmentation de l’offre et l’affaiblissement de secteur des hydrocarbures a fait dégringo- la demande dans un contexte de contraction de ler le solde budgétaire d’un excédent con- la situation financière résultant des bas prix fortable de 10,4 % du PIB en 2013 à un pétroliers ont conduit à une diminution des déficit estimé à 3,5 % en 2016. Les fonds transactions immobilières résidentielles. À Abu souverains d’Abu Dhabi et de Dubaï ont Dhabi, l’immobilier s’est déprécié de 2 % au vu leurs recettes diminuer (3 % de baisse quatrième trimestre 2016 (en glissement annuel). annuelle des bénéfices nets en 2015) par Cependant, le lancement de grands projets de suite de l’instabilité observée au niveau construction laisse entrevoir un rebond du sec- mondial. Le déficit est financé par l’em- teur à Dubaï. Les prix de l’immobilier affichent à prunt bancaire et, de plus en plus, par la peine une légère amélioration, mais devraient mobilisation de capitaux étrangers. L’ex- s’affermir durant la période préparatoire à l’Ex- cédent du compte courant a également po 2020. sombré, passant de 19,1 % du PIB en 2013 GRAPHIQUE 1 Émirats arabes unis / Taux de croissance du GRAPHIQUE 2 Émirats arabes unis / Opérations de PIB (pourcentage annuel) l’administration publique (en pourcentage du PIB) Sources : Autorités des Émirats arabes unis et estimations des services du FMI et Sources : Autorités des Émirats arabes unis et estimations des services du FMI et de la Banque mondiale. de la Banque mondiale. Chaque émirat possède son propre institut la levée des sanctions contre l’Iran se tra- des mégaprojets pourrait être une source des statistiques et, malgré le fait qu’un duit par une augmentation des échanges de risques macrofinanciers pour les orga- institut des statistiques fédéral ait été éta- commerciaux. L’Expo 2020 devrait attirer nismes parapublics, les banques et, au bli en 2009, les méthodes et les pro- un grand nombre de visiteurs, et doper en bout du compte, l’administration de cet grammes de mesure du bien-être au ni- conséquence la consommation privée et émirat. Plusieurs risques grèvent les pers- veau national ne sont pas encore les exportations de services. Les soldes pectives de croissance. Les plans d’aug- harmonisés. budgétaire et extérieur devraient s’amélio- mentation de la capacité de production rer à moyen terme, le déficit budgétaire se pétrolière sont menacés par une nouvelle résorbant à 1 % du PIB et l’excédent du baisse des cours pétroliers et la croissance Perspectives compte courant remontant à 3,4 % du PIB en 2019. La hausse des prix du carburant, dans les secteurs non pétroliers dépend de la liquidité régionale et de la reprise de l’imposition de nouveaux frais et l’intro- l’économie mondiale. Cela dit, les Émirats La réduction de la production pétrolière duction de la TVA devraient propulser continueront de tirer avantage de leur imposée par l’OPEP devrait limiter à 2 % l’inflation à 3,3 %. statut de havre de paix dans une région la croissance en 2017. Par la suite, la crois- instable, et de la levée de sanctions contre sance devrait rebondir légèrement et l’Iran. atteindre 3,2 % en 2019. Le gouvernement fédéral s’est fixé un objectif de 4 % pour 2017, ce qui semble ambitieux compte Risques et défis tenu de la faible progression des liquidités bancaires et des baisses de production que Les risques macrofinanciers augmentent, devrait imposer l’OPEP cette année-là. En particulièrement dans la gestion de méga- 2018 cependant, la production pétrolière projets d’organismes parapublics. Dans devrait augmenter sous l’effet d’investis- un contexte de faibles cours pétroliers, ces sements dans la mise en valeur de champs risques peuvent être exacerbés par une pétroliers. La croissance du secteur non baisse de la liquidité du système bancaire, pétrolier devrait rebondir alors que : i) la l’instabilité accrue des marchés boursiers hausse attendue des prix du pétrole et ses et le déclin du secteur immobilier, qui effets positifs sur la confiance et la situa- peut être une source de perturbations. En tion budgétaire atténuent l’impact des dépit des progrès accomplis par Dubaï mesures de rationalisation du budget ; ii) pour refinancer et restructurer sa dette la mise en œuvre de mégaprojets s’accé- (qui représente un tiers du PIB des Émi- lère en préparation de l’Expo 2020 ; et iii) rats arabes unis), une gestion imprudente TABLEAU 1 Émirats arabes unis / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) a été jugulé en 2016 du fait que les traite- Évolutions récentes ments des employés du secteur public et YÉMEN d’autres arriérés n’ont pas été réglés en raison de l’insuffisance des ressources Il n’est plus possible d’obtenir de statis- budgétaires. tiques officielles. Les données recueillies Des pressions considérables s’exercent sur indiquent toutefois que le PIB du Yémen les finances publiques. Plus aucun inves- s’est contracté d’environ 40 %, sur une tissement public n’est poursuivi. En 2016, base cumulée, depuis 2015. Le pays s’est les autorités ont cessé d’honorer de nom- Le conflit au Yémen a considérablement en fait scindé en zones de conflit. Bien que breuses obligations au titre des dépenses détérioré la situation économique et so- l’économie semble s’être ajustée à ce mode publiques tandis qu’elles s’efforçaient de ciale dans le pays. La forte contraction de de conflit, seule l’édification de la paix au faire face aux dépenses au titre des sa- Yémen pourra donner une impulsion po- laires et des intérêts qui ont atteint, cette la production fait pression à la baisse sur sitive à l’économie en 2017. L’élargisse- année-là, un niveau supérieur à 100 % du les revenus des ménages. D’importantes ment de la portée du conflit depuis mars montant total des recettes disponibles. 2015 a entraîné des perturbations générali- C’est pourquoi, depuis septembre 2016, institutions comme la banque centrale sées de l’activité économique et de les salaires ne sont, au mieux, versés qu’en sont devenues dysfonctionnelles vers la l’infrastructure. La production et les ex- partie et les arriérés contractés envers les fin de 2016. Les Yéménites sont confron- portations de pétrole et de gaz sont tou- fournisseurs ainsi que les créanciers inté- jours limitées bien que la production re- rieurs et étrangers s’accumulent. L’impos- tés à une situation humanitaire catastro- prenne à Marib, qui se trouve dans la zone sibilité de financer les salaires témoigne phique, subissent des déplacements mas- d’influence du gouvernement reconnu. des pressions qui s’exercent sur le système sifs et assistent à la destruction d’infras- Les importations ont considérablement central à une époque caractérisée par l’ag- diminué depuis que la banque centrale du gravation des conflits et la poursuite de la tructures cruciales. L’ONU a récemment Yémen est devenue dysfonctionnelle vers désintégration des institutions et des sys- lancé un appel humanitaire (2,1 milliards la fin de 2016. Les importations d’énergie tèmes centraux. Face à l’évolution des de dollars) pour aider les 8 millions de et de produits alimentaires essentiels ne besoins humanitaires massifs du Yémen, passent que par des circuits privés sans l’ONU a mis en œuvre un Plan d’action Yéménites qui souffrent d’une insécurité bénéficier des services de financement du humanitaire en février 2017 au titre du- alimentaire grandissante. commerce extérieur antérieurement assu- quel il a lancé un appel de fonds à hauteur rés par la banque centrale. Cette situation de 2,1 milliards de dollars. De nombreux pose de graves difficultés et accroît les partenaires de développement ont eux- incertitudes concernant l’approvisionne- mêmes pris des mesures pour appuyer les ment en aliments de base, dont 90 % sont efforts de l’ONU. La Banque mondiale normalement importés. Selon les estima- poursuit deux importantes opérations tions du Bureau de coordination des d’urgence et de secours au Yémen, d’un affaires humanitaires des Nations Unies, montant total de 450 millions de dollars, 8 millions de Yéménites ont des besoins pour soutenir l’offre de services cruciaux alimentaires aigus. Le taux d’inflation dans le secteur de la santé, fournir des annuel a atteint environ 40 % en 2015 mais emplois et poursuivre des travaux GRAPHIQUE 1 Yémen / Finances publiques, en pourcentage du PIB Sources : Organisation de statistiques Yémen, estimations des services du FMI et de la Banque mondiale. d’amélioration des infrastructures à forte fin de compte, de mettre un terme au con- déployés par le Yémen, pour s’attaquer à intensité de main-d’œuvre dans les com- flit actuel pour pouvoir reconstruire l’éco- certains des principaux facteurs du conflit munautés locales. nomie, les capacités de production et le et promouvoir l’inclusion économique et Le conflit qui perdure au Yémen continue tissu social du Yémen. Selon les estima- sociale. de faire payer un lourd tribut à la popula- tions effectuées dans l’hypothèse d’un tion. Selon les derniers rapports, il avait rétablissement de la paix d’ici le milieu de fait 48 000 victimes, dont 7 500 morts, à la 2017, le déficit budgétaire pourrait être fin de l’année 2016. Plus de 2 millions de réduit de moitié et ramené à 6 % du PIB. Yéménites ont été forcés de quitter leur Les financements extérieurs pourraient Risques et défis foyer. La destruction des infrastructures reprendre au deuxième semestre de l’an- essentielles, la perturbation des échanges, née (l’aide d’urgence pouvant atteindre 4 du commerce et des approvisionnements % du PIB). Il serait aussi possible de re- Le Yémen est en proie à de graves difficul- et l’effondrement général du système de commencer à collecter des recettes fiscales tés économiques et sociales. Il sera essen- prestation de services ont entraîné une par suite de la reprise de la production tiel de rétablir la paix et la stabilité poli- dégradation considérable des conditions d’hydrocarbures ; les recettes tirées des tique pour pouvoir entreprendre les tra- de vie. Plus de la moitié de la population impôts frappant ces produits pourraient vaux de reconstruction et s’attaquer aux est confrontée à des pénuries alimentaires représenter environ 6 % du PIB et tenir, problèmes profondément enracinés qui se et, selon les estimations, 3,3 millions d’en- pour deux tiers, à l’augmentation de la posent dans le domaine de la gouvernance fants et de femmes enceintes ou allaitantes consommation énergétique intérieure. Les et dans les sphères institutionnelles, éco- souffrent de malnutrition aiguë, notam- recettes fiscales hors hydrocarbures de- nomiques, sociales et environnementales ment 462 000 enfants âgés de moins de vraient, selon les estimations, atteindre (notamment le rapide épuisement des cinq ans qui souffrent de malnutrition environ 8 % du PIB dans ce scénario. Les eaux souterraines). Pour assurer une paix aiguë grave. perspectives de mobilisation de recettes durable, le Yémen devra diversifier son budgétaires ne seront vraisemblablement économie, créer des emplois plus produc- pas assez suffisantes pour répondre à la tifs, formuler des politiques budgétaires et Perspectives demande de financements liés à la reprise. Le Yémen aura besoin d’une assistance d’autres mesures propices à des investis- sements générateurs d’emplois et de reve- étrangère massive à l’issue du conflit pour nus pour les nombreux Yéménites qui, Les perspectives économiques et sociales pouvoir appuyer son rétablissement, réta- aujourd’hui, ne peuvent assurer leur sub- pour 2017 et les années suivantes dépen- blir les services de base et restaurer la con- sistance qu’en devenant membre d’une dront fondamentalement de la rapidité fiance, notamment dans les institutions du milice ou d’un groupe armé quelconque. avec laquelle il sera possible d’améliorer pays. Il serait important de mobiliser un la situation politique et sécuritaire et, en tel appui, parallèlement aux efforts TABLEAU 1 Yémen / Indicateurs macroéconomiques (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire( BANQUE MONDIALE – RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NONE RAPPORT DE SUIVI DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA RÉGION MENA, AVRIL 2017 L'économie de la reconstruction d'après-guerre dans la région MENA http://www.worldbank.org/en/region/mena/publication/mena-economic-monitor