G R O U P E C O N S U LTAT I F P O U R L A R E C H E R C H E A G R I C O L E I N T E R N AT I O N A L E Répondre aux Susan Whelan attentes : Sir John Crawford le rôle de la Conférence Commémorative recherche 2003 agricole CGIAR Le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) est une alliance stratégique qui rassemble des pays, des organisations internationales et régionales, ainsi que des fondations privées. Il appuie 16 Centres internationaux de recherche agricole qui collaborent avec des organismes nationaux de recherche agricole, le secteur privé et la société civile. L'alliance tire parti de l'agronomie pour réduire la pauvreté, promouvoir le bien-être des populations, stimuler la croissance agricole, et protéger l'environnement. La recherche passe par la collaboration Rien ne serait possible sans le concours et la motivation des membres donateurs et des centaines d'organisations partenaires qui oeuvrent au sein de l'alliance en constante expansion du GCRAI. Le meilleur de la science pour préparer l'avenir. www.cgiar.org Répondre aux attentes : le rôle de la recherche agricole Discours prononcé par Susan Whelan Ministre de la Coopération Internationale du Canada à l'occasion de la Conférence Commémorative Sir John Crawford Le Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale Nairobi, Kenya Le 29 octobre 2003 02 Honorables ministres, excellences, mesdames et messieurs, bonjour. Good afternoon. Buenos dias. Hamjambuni. Un grand nombre de conférenciers éminents ont pris la parole derrière ce lutrin depuis la toute première Conférence commémorative Sir John Crawford, en 1985. C'est avec humilité que j'accepte l'honneur de figurer parmi eux. J'aimerais profiter de cette occasion qui m'est offerte pour remercier le gouvernement de l'Australie, qui parraine cette conférence, dire quelques mots sur la vie et l'oeuvre de Sir John et souligner les raisons pour lesquelles des fonds, des prix et au moins deux conférences portent son nom. Je n'ai pas eu le privilège de rencontrer Sir John. Mais j'admire la proposition 03 ou l'objectif simple, mais noble et profond, sur lequel repose la contribution exceptionnelle de ce grand homme au développement international. Cette proposition, cet objectif, est d'assurer le bien-être des gens grâce à une agriculture efficace. Comme il fallait s'y attendre, en passant en revue les progrès du développement agricole au cours des dernières décennies, on constate que certaines expériences et certaines innovations parmi les plus exigeantes et les plus enrichissantes qui soient portent l'empreinte de Sir John. Le rôle qu'il a joué dans la révolution verte -- en particulier en Inde -- est bien documenté. Sir John a participé, en tant que membre du premier Conseil des gouverneurs, à la fondation du Centre de recherches pour le développement international, qui incarne la contribution unique en son genre du Canada à la recherche sur le développement. Il était aussi partie prenante à la création du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), l'un des éléments clés de son engagement au service de la communauté internationale. Il a été le premier président du Comité Consultatif Technique du GCRAI, prédécesseur du Conseil Scientifique. Sir John n'était pas seulement un homme d'idées nobles, dont les propos faisaient autorité. C'était aussi un homme d'action et un militant infatigable. Son militantisme reposait sur une foi profonde dans le développement humain et sur sa vision du rôle de l'agriculture dans cette démarche. Aujourd'hui, il nous importe de savoir comment continuer à transformer l'espoir et la vision de pionniers comme Sir John en réalité concrète. Pour ma part, je me pose cette question : comment puis-je contribuer de façon appréciable au débat sur la voie à emprunter pour continuer de réaliser la vision du développement durable proposée par Sir John? Je ne suis pas une scientifique. Je suis une avocate et une politicienne. C'est pourquoi je n'ai pas de travaux de recherche d'avant-garde à vous présenter aujourd'hui. Ce que j'apporte à cette tribune, c'est mon intérêt profond et sincère pour les travaux actuels de recherche et développement en agriculture. En fait, ce sujet m'a tenu à coeur toute ma vie durant. Mon père, l'honorable Eugene Whelan, a été ministre de l'Agriculture du Canada pendant 12 ans. Il a aussi été président du Conseil Mondial de l'Alimentation. À table, dans ma famille, nous discutions donc souvent du défi de l'agriculture et de son potentiel, où que ce soit : des prairies canadiennes aux steppes russes, des vignobles de France et d'Italie aux écosystèmes variés de l'Afrique, de l'Asie ou de l'Amérique latine et des Antilles. D'ailleurs, le tout premier discours que j'ai prononcé à titre de députée portait sur le rôle de la recherche dans l'agriculture au Canada. 04 Aujourd'hui, en tant que ministre de la Coopération internationale de mon pays, je travaille d'arrache-pied, tout comme vous, à réduire la pauvreté et la faim dans le monde. Tout comme vous, j'estime que l'agriculture et la recherche agricole doivent jouer un rôle primordial dans cette démarche. Ce que je veux vous proposer aujourd'hui, c'est ma vision personnelle de la prospérité fondée sur le développement durable. Ma contribution reposera sur quatre éléments interreliés : je ferai tout d'abord un bref examen de certains défis auxquels nous faisons face à l'heure actuelle et que nous devons avoir présents à l'esprit dans l'exercice de nos fonctions en tant que scientifiques et artisans des politiques; j'explorerai ensuite certains partenariats et accords nouveaux que doivent établir ceux d'entre nous qui participent à la recherche agricole et à l'élaboration de politiques pour relever les défis de notre époque; également, et avec plus de circonspection peut-être, je ferai quelques suggestions sur la façon dont le GCRAI pourrait revoir ses propres démarches et structures au moment d'adapter sa vision générale de la recherche agricole en fonction des défis et des possibilités uniques du début du XXIe siècle; finalement, j'expliquerai brièvement quelques-unes des mesures que prend le Canada à cet égard, par l'intermédiaire de l'Agence Canadienne de Développement International (ACDI), puisque nous faisons face aux mêmes défis et aux mêmes possibilités. Quelques questions d'actualité sur la recherche Monsieur le président, mesdames et messieurs, pour faire efficacement le lien entre les réalisations d'hier et les possibilités de demain, nous devons reconnaître qu'il reste des tâches inachevées et qu'il faut les mener à bien, tout en cernant et en relevant les nouveaux défis qui nous attendent. Certains ont affirmé, à juste titre, qu'aucun pays ne s'est développé sans s'occuper d'agriculture. C'est assurément le cas du Canada. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la promesse de terres gratuites a attiré quantité d'immigrants dans les prairies canadiennes. Si ces premiers exploitants agricoles ont pu s'établir et connaître la prospérité, c'est grâce aux résultats de la recherche agricole que le gouvernement du Canada avait mis à leur disposition. Il s'agissait plus précisément du développement d'une nouvelle variété de blé, le marquis, qui convient particulièrement bien aux prairies. De la même façon, dans les pays en développement, nous misons aujourd'hui sur l'agriculture pour fournir beaucoup plus que des aliments et des matières premières pour l'industrie. Elle peut -- et elle doit -- apporter des solutions aux nombreux défis du développement, y compris celui de la 05 création d'emplois. En plus des questions de développement qui ont une incidence sur l'agriculture, la recherche agricole en soi fait face à des défis de taille, des défis auxquels il faut s'attaquer avec le sentiment d'espoir et d'urgence qui caractérisait les travaux de Sir John Crawford. J'ai indiqué plus tôt quatre de ces défis. Dans cet effort, nous devons accepter un grand principe, auquel Sir John s'identifierait facilement. C'est la nécessité de ne jamais perdre de vue ceux qui bénéficient, au bout du compte, de la recherche agricole, c'est-à-dire les pauvres. Dans la plupart des cas, les exploitants agricoles en font partie. Le premier problème que j'aimerais aborder est le désaccord qui existe entre les scientifiques et certains secteurs de la société sur la valeur et la validité de la recherche agricole et de la plupart des résultats qui en sont issus. Je fais référence, en particulier, à la perception selon laquelle on ne dessert pas l'intérêt public en appliquant au domaine de la biotechnologie les connaissances et la technologie qui en découlent. En toute objectivité, la polémique concerne surtout les cultures transgéniques. Les médias et le public perdent souvent de vue, malheureusement, le fait que les applications transgéniques ne sont qu'une subdivision des cultures modifiées génétiquement. Par conséquent, la controverse sur ce point menace le domaine de la biotechnologie dans son ensemble, domaine qui a très bien servi l'agriculture pendant de nombreuses décennies. Les divergences d'opinions sur cette question sont troublantes et semblent même prendre de l'ampleur, particulièrement -- mais non exclusivement -- en Europe. Elles sont surtout liées à la salubrité des aliments, à la contamination de la biodiversité et aux droits de propriété sur les technologies issues de la recherche. Comme je l'ai déjà indiqué, je ne suis pas une scientifique. Mais étant donné que j'ai été en contact avec l'agriculture toute ma vie, et que j'ai bien connu les questions politiques et scientifiques dans ce domaine à l'époque où j'assurais la présidence du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des Communes du Canada, j'ai pu réfléchir sur le sujet. Ces technologies présentent des possibilités réelles, mais aussi des risques pour le développement et les pays en développement. Il faut évaluer ces risques et ces possibilités d'une façon équilibrée et objective. Ce qui importe, c'est que les pays en développement prennent eux-mêmes les décisions qui s'imposent sur le juste équilibre à atteindre. Il est donc 06 crucial que ces pays participent avec plus de vigueur au débat sur la question. L'appui du Canada à la création d'un centre d'excellence en sciences biologiques pour l'agriculture, ici même en Afrique, vise justement à aider les Africains à cheminer dans cette voie. Par ailleurs, le milieu de la recherche scientifique agricole doit véritablement tenir compte des préoccupations du public et le faire participer à cette démarche, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. En faisant fi de ce qui peut sembler être, aux yeux du milieu scientifique, l'opinion erronée ou aveugle des groupes anti-OGM, on risque de perturber la canalisation des ressources et de la bonne volonté vers les domaines de la recherche agricole, qui peuvent apporter des avantages considérables aux pays en développement. J'ai choisi de mettre l'accent sur les problèmes associés aux aliments génétiquement modifiés, mais je dois souligner que le fossé entre la science et la société ne concerne pas uniquement la biotechnologie. En général, les scientifiques qui travaillent en recherche agricole doivent s'assurer que l'on fait connaître leurs intentions, leurs efforts et les résultats de leurs travaux non seulement à leurs pairs, mais aussi au grand public, au nom duquel ils travaillent. Un deuxième sujet qui me préoccupe est la nécessité de mobiliser des ressources pour appuyer la recherche agricole et, par la même occasion, la viabilité même de ce type de recherche. Fort heureusement, après avoir réduit leurs investissements dans l'agriculture pendant près de dix ans, les donateurs internationaux et les gouvernements nationaux semblent maintenant renverser la vapeur. À mon avis, les donateurs ont commis une grave erreur en permettant cette réduction des investissements. Après tout, environ 70 % des pauvres dépendent de l'agriculture pour leur subsistance. On alléguait à l'époque que l'agriculture ne donnait pas un bon rendement. Mais je crois que ce secteur a peut-être été jugé trop sévèrement : il a été jugé non pas en fonction de ce qui avait été accompli, mais selon ce qui restait à faire. Il ne suffit pas de pointer du doigt les gouvernements et les institutions donatrices. Nous devons nous poser la question suivante : nous -- artisans des politiques, chercheurs, exploitants agricoles, société civile -- , que ferons-nous différemment cette fois pour assurer le maintien à long terme d'investissements accrus? Par exemple, comment résoudrons-nous la contradiction qui existe entre la nécessité pour les politiciens de rendre compte à l'électorat des progrès accomplis tous les quatre ou cinq ans et le fait que la croissance des arbres ne respecte pas un calendrier dicté par des impératifs politiques? Les chercheurs ne pourraient-ils pas, par exemple, 07 démontrer le rendement à court terme des investissements et encourager ainsi les dirigeants politiques et leurs électeurs à attendre patiemment un rendement encore plus élevé à venir? Si la politique est l'art du possible, la recherche doit être l'art du faisable. Troisièmement, je m'inquiète du très faible taux d'adoption de la technologie parmi les exploitants agricoles pauvres, qui en ont le plus besoin. Cela ralentit sérieusement les progrès en développement agricole. Certes, le taux de rendement des investissements dans la recherche agricole est relativement élevé, mais il le sera encore davantage lorsque nous aurons résolu le problème du faible taux d'adoption de la technologie. Une façon d'aborder la question consiste à ne plus dissocier constamment la recherche et le développement. Je suis consciente qu'une division du travail s'impose entre ceux qui effectuent la recherche proprement dite et ceux qui sont responsables du développement. Toutefois, il faut une progression plus intégrée entre les deux. On doit notamment tenir compte du rôle de ceux qui ont la responsabilité de mettre la technologie ou les connaissances nouvelles à la disposition des exploitants agricoles, en plus de prendre en considération les problèmes des exploitants agricoles dans la planification de la recherche et développement. Les répercussions du VIH/sida sur l'agriculture rendent encore plus urgent le besoin de se pencher sur cette question. Dans les pays en développement, plus de 60 % de la production d'aliments est attribuable aux femmes. On oublie souvent ce fait dans la conception de nouvelles technologies. Par exemple, plusieurs outils, systèmes et produits de la recherche agricole sont pensés en fonction des hommes et ne conviennent qu'à eux. L'égalité entre les sexes, de même que la problématique hommes-femmes en agriculture et dans tous les autres secteurs, est une priorité pour moi, pour mon ministère et pour le Canada. Mon compatriote canadien Maurice Strong, l'un des fondateurs du GCRAI, avait d'ailleurs abordé ces sujets dans son allocution à cette tribune, en octobre 1996. Une infrastructure sociale et matérielle limitée peut aussi contribuer à un faible taux d'absorption. Je songe au manque d'accès à l'électricité, à l'école, aux hôpitaux, aux télécommunications, à l'eau potable et aux routes. Il faut investir beaucoup plus dans ces domaines, entre autres, pour créer un environnement qui soit favorable aux pauvres en milieu rural et qui leur permettra d'améliorer leurs moyens de subsistance. C'est pourquoi le Canada encourage les institutions financières internationales à investir davantage dans ces domaines, conformément à sa politique et à son concept de division du travail entre les donateurs bilatéraux et multilatéraux. 08 Quelle que soit la raison à l'origine du faible taux d'adoption de la technologie par les exploitants agricoles pauvres, nous devons y remédier. Sinon, cela nuira au soutien financier et politique qui sous-tend la nouvelle recherche. Ce soutien fléchira sous le poids de la perception selon laquelle toute technologie nécessaire aux progrès en agriculture a déjà été conçue, et qu'elle repose déjà sur une tablette quelque part. De plus, nous devons reconnaître que le problème ne se limite pas à l'aspect financier, loin de là. Il faut aussi moins voir le secteur rural comme une partie du problème, mais bien comme une partie de la solution. Et il faut accroître la symétrie entre le développement rural et le développement urbain. Enfin, la dernière question de l'heure que j'aimerais aborder est le changement climatique mondial et les effets qu'il pourrait avoir sur l'agriculture. Nul besoin de vous rappeler la vulnérabilité des collectivités rurales pauvres aux fortes fluctuations des cycles de précipitations, que ce soit sous forme de sécheresses ou d'inondations plus graves ou plus fréquentes, qui entraînent des périodes de semis ou de récolte imprévisibles ou encore des maladies graves qui attaquent les récoltes ou les animaux d'élevage. Chacun de ces éléments pourrait engendrer une instabilité généralisée en milieu rural, instabilité que nous devons tenter de corriger. Bien que le changement climatique ait un effet favorable sur certaines récoltes et dans certaines régions -- effet que nous devrions essayer de maximiser -- il risque fort d'avoir une incidence indésirable et déstabilisante dans la plupart des cas. Les populations les plus vulnérables, comme les pauvres vivant dans les zones arides ou d'autres régions peu productrices, en sont souvent victimes. Le Canada est favorable à l'approche de renforcement des capacités qui est adoptée actuellement à l'échelle mondiale pour mieux s'adapter au changement climatique, selon une démarche participative, dans les collectivités et les pays vulnérables. La recherche agricole a certainement beaucoup à offrir sur ce plan : mise au point de variétés mieux adaptées aux nouvelles conditions de croissance, instauration de nouveaux systèmes de production ruraux pour différents marchés, et amélioration des stratégies de marketing pour les produits agricoles non traditionnels, qui permettent aux exploitants de maximiser les revenus provenant des nouvelles récoltes. Je ne doute pas que votre action pourra contribuer grandement à atténuer la plupart des risques en agriculture qui peuvent être engendrés par le changement climatique. Je me réjouis d'ailleurs que de nombreux centres du GCRAI se soient déjà attaqués à ce défi. Nouveau consensus et nouvelle vision 09 Monsieur le président, mesdames et messieurs, après des décennies de divergence de points de vue sur le développement et des éléments aussi fondamentaux que ses composantes, une nouvelle vision du développement international se précise. Nous sommes parvenus à un consensus international en ce qui a trait aux Objectifs de Développement du Millénaire et aux moyens à prendre pour les atteindre : il faut établir des partenariats comportant des responsabilités mutuelles, tel qu'il a été défini dans le Consensus de Monterrey en mars de l'année dernière. Les Objectifs de développement du millénaire témoignent de notre engagement commun à l'égard du développement durable. L'action de l'agriculture en développement durable est incroyablement puissante. Le développement durable mène à la prospérité, à la paix et à la sécurité. Il donne aussi aux gens plus de liberté face aux choix fondamentaux qu'ils doivent faire au cours de leur vie. Lorsque des gens doivent choisir entre nourrir leur famille et envoyer leurs enfants à l'école, ils sont privés de liberté. Lorsque des gens doivent quitter leur foyer pour chercher du travail dans les bidonvilles, ils sont privés de liberté. Lorsque des gens doivent consommer les semences de l'an prochain pour se nourrir aujourd'hui, ils sont privés et de liberté et de sécurité. En milieu rural, où habitent la plupart des gens qui vivent dans la pauvreté absolue, l'agriculture est au coeur du développement. Elle a beaucoup aidé à réduire la pauvreté par le passé. Et elle peut et doit le faire encore. La recherche agricole a un rôle de premier plan à jouer sur ce front. À travers les âges, le développement de l'agriculture a bénéficié de l'apport de nombreux visionnaires, comme Sir John. Ces personnes voyaient loin et mettaient à profit leurs connaissances et leur créativité pour élaborer des politiques efficaces, créer les institutions appropriées et mettre au point des technologies adéquates, qu'elles soient simples ou perfectionnées. Ces personnes ont jeté les bases de la plupart des choses que nous avons aujourd'hui. Je crois que toutes avaient un trait commun -- en fait j'en suis certaine -- avec ceux d'entre vous qui participent à la recherche agricole. Ce trait commun, c'est d'être conscients qu'en acceptant de se lancer dans la recherche agricole pour venir en aide aux pauvres, on assume un engagement social important. Sans vouloir associer indûment à des valeurs morales des travaux essentiellement d'ordre scientifique, je ne peux échapper à la conviction que votre action repose sur un impératif moral. Au Canada, 10 nous croyons que vous comprenez cet impératif et que vous le respectez. Quels types de partenariats et d'ententes? Monsieur le président, cela m'amène à la question du partenariat. On reconnaît de plus en plus que le développement agricole ne se limite pas à certaines tâches habituelles qu'exécutent les exploitants agricoles et leur famille à la ferme. Il englobe un large éventail de services, d'enjeux, de préoccupations et de relations. Mentionnons, entre autres, les droits fonciers, les routes et le transport, le marketing et les régimes commerciaux internationaux, l'éducation et la formation, l'égalité entre les sexes, la gouvernance et les droits de la personne, la santé publique, la communication et le développement participatif, l'énergie et l'environnement, les technologies de l'information et des communications, et la recherche et développement. Aucune personne, aucune institution, aucun groupe, ni aucun secteur ne peut à lui seul réunir toutes les pièces de ce puzzle d'une façon cohérente, efficace et réaliste. Le développement agricole exige non seulement une nouvelle vision, mais aussi de nouvelles formes de partenariats audacieux et rassembleurs. Il nous faut des partenariats qui répondent aux besoins actuels tout en étant assez souples pour s'adapter aux réalités changeantes de notre monde. De nouveaux partenariats voient maintenant le jour, tant en agriculture et en développement rural que dans le domaine du développement international dans son ensemble. Prenons, par exemple, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NPDA/NEPAD), qui présente une nouvelle volonté et une nouvelle forme d'association. Depuis qu'il a été lancé, nous constatons aux niveaux les plus élevés un regain de la volonté politique d'éliminer la pauvreté, d'aborder les questions de gouvernance et de relever d'autres défis urgents sur le continent. Dans le programme du NPDA, on reconnaît le rôle de l'agriculture dans cette démarche et on considère qu'elle fait partie intégrante du développement de l'Afrique. Parallèlement à l'action du GCRAI et des organisations nationales de recherche et développement, le Canada croit que des organismes comme le Forum pour la Recherche Agricole en Afrique et le Forum Mondial pour la Recherche Agricole ont aussi un rôle crucial à jouer. On s'attend à ce qu'ils coordonnent les efforts, favorisent le resserrement des liens entre les régions et à l'intérieur de celles-ci, améliorent le partage des connaissances entre les pays du Sud et participent davantage au renforcement des capacités. 11 Cependant, il reste beaucoup à faire pour former les partenariats qui sont nécessaires à l'obtention d'une efficacité optimale en recherche agricole dans le contexte actuel. Tout indique que si on augmente les activités de recherche, on augmente aussi les activités de développement. C'est pourquoi les gouvernements des pays en voie de développement doivent renforcer leur engagement à l'égard des initiatives de développement et des activités de recherche, notamment en ce qui concerne les politiques et les ressources à cette fin. Il faut établir, dans les pays visés, des établissements de recherche nationaux dont le rôle serait analogue à celui que joue le GCRAI à l'échelle internationale. Par ailleurs, la question du financement est un problème urgent qui nous inquiète tous. Depuis toujours, la recherche agricole présente d'énormes avantages en matière de développement. Toutefois, bien que la plupart des intervenants s'entendent sur l'utilité de ce type de recherche, ils diffèrent d'opinion quant à savoir qui doit en assumer les coûts. Lorsque des scientifiques concentrent leurs efforts sur des travaux de recherche agricole qui profitent aux pauvres des pays en développement, les résultats obtenus servent l'intérêt public. C'est pourquoi il est justifié de financer ces travaux au moyen de fonds publics. Cela n'exclut pas pour autant l'investissement privé. En fait, le secteur privé pourrait -- et même devrait -- accroître ses investissements dans les biens publics. Mais je crois que les gouvernements des pays en développement doivent investir davantage dans le développement agricole en général, et dans la recherche agricole en particulier. La contribution des donateurs internationaux peut suppléer à ces investissements, mais non les remplacer. Selon moi, pour que le GCRAI soit en mesure de mener un programme de recherche stratégique qui permette de relever tous les défis dont nous avons parlé, il doit compter sur un financement sûr, dont une grande proportion ne doit comporter aucune restriction, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas être liée à des projets précis. À mon avis, le rapport qui existe à l'heure actuelle entre le financement de base sans restriction et le financement de projets restrictif a franchi un seuil critique. Il faut maintenant le rétablir pour parvenir à une proportion plus adéquate. Le Canada estime que le financement de base doit représenter 60 % du financement global, et nous continuerons de travailler fort pour que nos propres contributions aillent en ce sens. La Banque mondiale a effectué récemment une vaste évaluation du GCRAI, qui a révélé que les investissements dans son système ont un taux de rendement impressionnant. Que ce rendement ait été obtenu après de 12 nombreuses années de prédominance du financement de base sans restriction n'est pas, selon moi, le résultat d'une pure coïncidence. Malheureusement, la tendance à la baisse du financement de base observée depuis une dizaine d'années a grandement nui au Conseil Scientifique, l'instance scientifique indépendante chargée de conseiller le GCRAI sur la qualité et la pertinence de la recherche dans l'ensemble du système. Ces dernières années, les programmes et les budgets ont été soumis en bonne partie à un financement de projets restrictif. Par conséquent, les efforts du Conseil Scientifique pour établir des priorités et contrôler la qualité se sont montrés moins pertinents. Cette situation expose le système dans son ensemble à un danger de taille. Ceux d'entre nous qui tiennent à un système fondé sur une science objective voient leur stratégie perdre de son efficacité. Cette diminution du financement de base a aussi eu pour effet de forcer les différents centres du système à élargir leur mandat de recherche pour améliorer leurs chances d'obtenir une aide financière. À la longue, il pourra s'avérer difficile de voir ce qui les distingue les uns des autres. L'instabilité du financement de base menace également la préservation de nos ressources génétiques végétales -- notre plus grande richesse. J'encourage d'autres investisseurs à examiner minutieusement la question du financement de base, afin que nous puissions revenir ensemble à un mécanisme de financement plus durable pour le système du GCRAI. Un groupe consultatif en pleine évolution Monsieur le président, mesdames et messieurs, le Canada reconnaît l'importance primordiale de votre travail au sein du GCRAI. Maurice Strong, qui a assuré la présidence du troisième examen du système, a d'ailleurs affirmé que « le GCRAI était de loin le meilleur investissement public dans le développement ». Je suis de son avis. Je me joins au milieu du développement dans son ensemble pour louer votre apport à la recherche agricole pendant de nombreuses années et pour vous encourager à accomplir encore de grandes choses aujourd'hui et au cours des prochaines années. Je félicite le GCRAI pour ses efforts, mais je crois également qu'il devrait toujours être prêt à répondre à l'appel pour donner un rendement encore plus élevé -- un appel qui correspondra aux idéaux de Sir John et qui tirera sa source dans les besoins et la réalité de notre époque. Je sais que le GCRAI se penche depuis quelque temps sur le renouvellement, 13 l'adaptation et le changement pour mieux servir les diverses parties en présence. Le concept des programmes de projets spéciaux en est un exemple. Je l'en félicite, et vous encourage vivement à poursuivre dans cette voie. Certes, ce n'est pas à moi de vous indiquer la marche à suivre, mais j'aimerais tout de même vous faire part de deux principes organisationnels qui, je l'espère, pourraient vous être utiles. L'expérience que nous avons acquise doit nous permettre d'envisager l'avenir avec sagesse. Nous en savons beaucoup plus aujourd'hui que dans les années 70 sur les systèmes agricoles des petits exploitants pauvres qui vivent en milieu rural. Nous savons maintenant que ces systèmes sont, par nature, hautement intégrés et extrêmement complexes. Le fait d'agir sur un seul élément modifie la dynamique de tout le système. C'est pourquoi je me demande si le modèle organisationnel du GCRAI, qui repose sur les produits de base et les agroécologies, demeure la solution optimale pour modifier les systèmes que nous devons améliorer de toute urgence. En outre, les pays en développement ont fait part du lourd fardeau qui est le leur face aux priorités et objectifs fort différents qu'un grand nombre de donateurs leur imposent en même temps. C'est pourquoi les organisations et les pays donateurs s'efforcent de plus en plus de miser sur la prise en charge locale, les partenariats et la coordination, que ce soit en leur sein ou entre eux. Puisque cet appel des pays en développement et la réponse des pays industrialisés sont fondés sur un consensus implicite, le GCRAI ne devrait-il pas envisager de revoir ses modalités organisationnelles et opérationnelles? On sait que les pays en développement préfèrent former avec tous les donateurs un seul partenariat stratégique axé sur un vaste programme plutôt que de réaliser une série de petits projets. Dans le même ordre d'idées, peut-être préféreront-ils traiter avec le GCRAI d'une façon plus intégrée, au lieu de communiquer avec ses divers centres de recherche, qui s'intéressent à des cultures et à des problèmes agricoles différents. De cette façon, le GCRAI respectera de plus en plus les principes d'une plus grande efficacité et, ce faisant, deviendra partie prenante des nouveaux partenariats auxquels j'ai fait allusion plus tôt. Une perspective canadienne Après avoir défini notre nouvelle vision du développement, il nous faut maintenant la concrétiser, et c'est ce que le Canada a commencé à faire. Nous avons récemment modifié la façon dont nous participons au développement pour apporter une aide plus efficace. Forts de notre expérience de plusieurs décennies dans le domaine du développement et à la lumière de nombreuses études internationales, nous peaufinons 14 actuellement notre approche pour avoir une incidence plus marquée et plus concrète sur les secteurs sociaux et économiques des pays en développement. Il y a un peu plus d'un an, j'ai rendu public un nouvel énoncé de politique en faveur d'une aide internationale plus efficace pour mon ministère, l'Agence canadienne de développement international (ACDI). Cet énoncé fait état de quatre grands principes qui guident maintenant notre travail : soutenir la prise en charge locale du processus de développement, améliorer la coordination entre les donateurs, assurer le déliement de l'aide et concentrer cette aide. Ensuite, après de vastes consultations auprès d'intervenants clés au Canada et à l'étranger -- consultations auxquelles le GCRAI a contribué de façon productive -- j'ai rendu publique une autre politique, intitulée « L'agriculture au service du développement rural durable ». Cette nouvelle politique insiste sur un développement intégré, équitable et durable. Elle recense les programmes mis en oeuvre dans les pays en développement qui permettront de créer de nouvelles possibilités pour les pauvres en milieu rural, de former une base de connaissances en vue d'un développement agricole durable et de renforcer les partenariats dans le secteur. Grâce à cette politique, nous renversons la tendance à la baisse observée depuis dix ans dans le soutien à l'agriculture. Les investissements de l'ACDI dans ce secteur passeront à 300 millions de dollars canadiens par année d'ici 2005­2006, en vue d'atteindre 500 millions en 2007­2008. Conclusion Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'ai voulu partager avec vous ces réflexions avec comme toile de fond la vision et le dévouement de l'homme dont l'engagement, la bienveillance et la compassion nous donnent l'occasion de nous réunir ici. La vie et l'oeuvre de Sir John Crawford nous appellent tous implicitement à faire preuve de courage et à nous mettre au service des populations. Nous avons déjà accompli bien des choses. Mais il reste encore beaucoup à faire. La « révolution doublement verte » envisagée par Gordon Conway, encore 15 plus productive que la première révolution verte et encore plus « verte » pour ce qui est de préserver les ressources naturelles et l'environnement, ne s'est pas encore concrétisée. Quelque 800 millions de personnes souffrent encore de la faim. Plus de 1,2 milliard de personnes dans le monde vivent dans la pauvreté absolue. Et la détérioration de l'environnement, à laquelle l'agriculture contribue souvent, demeure un problème d'envergure mondiale. Certains spécialistes affirment même que la terre a déjà atteint ses limites sur le plan écologique. Les défis semblent peut-être gigantesques, mais la recherche agricole devrait nous permettre de trouver la plupart des solutions. Alors, je compte sur vous, sur le GCRAI et sur vos partenaires pour poursuivre dans cette voie. On dit que l'investissement dans la recherche est un acte de foi. Or, avoir la foi, c'est « être sûr de ce que l'on espère, (...) être convaincu de la réalité de ce que l'on ne voit pas ». Mais aujourd'hui, des données concrètes justifient de plus en plus la foi inébranlable du Canada dans la recherche menée par le GCRAI. Vous faites preuve d'un engagement et d'un dévouement qui inspirent confiance. Nous ne doutons pas que vos travaux continueront à porter fruit pour le bénéfice de tous ceux qui vivent actuellement sur cette terre et des générations à venir. Je vous remercie. Le Biographie de Susan Whelan Nommée au Cabinet en 2002, l'honorable Susan Whelan a été élue à la Chambre des communes pour la première fois en 1993, puis réélue en 1997 et en 2000. Elle a présidé le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de 1997 à 2002, période pendant laquelle ce comité a déposé plusieurs rapports, dont « Le financement de la recherche -- renforcer les sources d'innovation », « Productivité et innovation: pour un Canada compétitif et prospère », 16 « Plan d'action du Canada pour l'innovation au vingt et unième siècle » et « Le Projet de loi C­23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence ». Mme Whelan a occupé le poste de secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national de 1993 à 1996 et a été un membre actif du Comité permanent des comptes publics et vice-présidente du Comité permanent des finances de 1996 à 1997. Elle a également agi comme directrice du Groupe interparlementaire Canada­États-Unis et a présidé le Groupe national de l'automobile. Préoccupée par les questions de santé publique, Mme Whelan a été membre du comité de la fondation du Metropolitan Hospital à Windsor. Elle a également été directrice de l'Office de la protection de la nature de la région d'Essex et de la Société Alzheimer de Windsor et du comté d'Essex. Avant de devenir députée, Mme Whelan était avocate au cabinet McTague et Clark ainsi qu'au cabinet Yuffy, Roberts, Goldstein et Manzocco à Windsor, en Ontario. Elle a étudié le commerce et le droit à l'Université de Windsor (LL. B.) et a obtenu son diplôme Juris Doctor de l'Université de Detroit. Mme Whelan a été admise au Barreau de l'Ontario en 1990 et est membre du Barreau du Haut-Canada. Elle a déjà été membre de l'Association du Barreau canadien ainsi que de la Essex County Law Association. La Conférence Commémorative « Sir John Crawford » a été parrainée par le Gouvernement australien depuis 1985 en l'honneur de la mémoire du haut Commis de l'État australien, figure emblématique des domaines de l'éducation et de l'agriculture, qui fut un des fondateurs du Groupe Consultatif pour la Recherche Agronomique Internationale (GCRAI). Sir John (1910­1984) fut le premier Président du Comité Consultatif Technique du GCRAI. Conférenciers de la « Conférence Commémorative SirJohn Crawford » 1985 Robert S. McNamara, États-Unis d'Amérique 17 1986 Bukar Shaib, Nigeria 1987 Amartya Sen, Inde 1988 Helen Hughes, Australie 1989 Jacques Diouf, Sénégal 1990 M. S. Swaminathan, Inde 1991 Festivités du 20ème anniversaire du GCRAI/CGIAR 1992 Enrique V. Iglesias, Uruguay 1993 James Gustave Speth, États-Unis d'Amérique 1994 Alex F. McCalla, Canada 1995 Shridath Ramphal, Guyane 1996 Maurice F. Strong, Canada 1997 Omar Kabbaj, Maroc 1998 Peter C. Doherty, Australie 1999 Michael Lipton, Royaume Uni 2000 J. Craig Venter, États-Unis d'Amérique 2001 Nafis Sadik, Pakistan 2002 Mohamed El-Ashry, Égypte 2003 Susan Whelan, Canada Membres du GCRAI Afrique du Sud Inde Allemagne Indonésie Australie Iran, Rép. islamique d' Autriche Irlande Bangladesh Israël Banque africaine de développement Italie Banque asiatique de développement Japon Banque interaméricaine Kenya de développement Luxembourg Banque mondiale Malaisie Belgique Maroc Brésil Mexique Canada Nigéria Centre de recherches pour le Norvège développement international Nouvelle-Zélande Chine Organisation des Nations Unies Colombie pour l'alimentation et l'agriculture Commission européenne Ouganda Conseil de Coopération du Golfe Pakistan Corée, Rép. de Pays-Bas Côte d'Ivoire Pérou Danemark Philippines Égypte, Rép. arabe d' Portugal Espagne Programme des Nations Unies États-Unis d'Amérique pour le développement Fédération de Russie Programme des Nations Unies pour l'environnement Finlande République arabe syrienne Fondation Ford Roumanie Fondation Kellogg Royaume-Uni Fondation Rockefeller Suède Fonds arabe de développement économique et social Suisse Fonds de l'OPEP pour le Syngenta Foundation for développement international Sustainable Agriculture Fonds international de Thaïlande développement agricole France GCRAI Secretariat (l'une des entités du System Office du GCRAI) Banque mondiale 1818 H Street, N.W. 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