De l’ EXPÉRIENCE à la POLITIQUE En savoir plus sur ce qui fonctionne, pour de meilleurs programmes et politiques décembre 2015 HAÏTI : Les smartphone peuvent-ils 102710 améliorer les écoles ? Au cours des derniers dix ans, des millions d’enfants ont pu La Banque mondiale s’engage à s’assurer que tous les enfants aller à l’école parce que l’éducation primaire gratuite était une puissent aller à l’école primaire. Pour y arriver, il faut aider priorité dans leur pays. Mais que se passe-t-il une fois qu’ils les gouvernements à découvrir des solutions innovantes aux sont à l’école ? Apprennent- problèmes qui pourraient empêcher les enfants d’apprendre ou ? Assurer que les enfants ils  d’aller à l’école. En Haïti, les chercheurs de la Banque mondiale obtiennent une éducation ont travaillé avec le Ministère de l’Éducation afin d’évaluer de qualité requiert beaucoup un programme pilote pour utiliser la technologie numérique d’efforts. Pour commencer, pour contribuer à suivre les professeurs à l’école et permettre les responsables éducatifs un suivi plus efficace des écoles. Le plan était d’utiliser les ÉDUCATION doivent être capables de smartphone pour prendre des photos des professeurs à l’école gérer les écoles efficacement, et de les envoyer vers un serveur central qui pourrait être accédé de suivre ce qui s’y passe, par les inspecteurs scolaires et les responsables ministériels. et surtout, de s’assurer de Cependant, l’implémentation du programme a été difficile et le la présence des professeurs à l’école. La disponibilité de taux de conformité faible. Au bout du compte, il n’y a eu aucun nouvelles technologies, comme les smartphone, offre des effet sur les absences des professeurs ou sur l’apprentissage opportunités pour suivre les absences des professeurs et des élèves, en partie à cause des difficultés de mise en place pour améliorer la communication entre les écoles et les du programme. L’évaluation met en valeur le défi d’utiliser la autorités centrales. Mais les technologies de l’information technologie dans des pays avec une infrastructure limitée. Elle et de la communication (aussi appelées TICs) peuvent- sert aussi d’avertissement en démontrant que la technologie elles vraiment changer la façon d’agir des écoles — et des seule ne peut résoudre les défis complexes auxquels plusieurs responsables dans les écoles ? systèmes scolaires font face. Contexte Haïti a beaucoup amélioré l’accès à l’éducation au cours de responsables d’environ 35 écoles, rendant les visites régulières la dernière décennie et 90 pour cent des enfants en âge sont d’autant plus compliquées. enregistrés à l’école. La plupart des écoles sont privées, souvent Le Ministère de l’Éducation désirait améliorer son dirigées à travers une fondation ou une formation religieuse. approche pour superviser les écoles. Une équipe guidée par Bien que le gouvernement n’administre pas ces écoles la Banque mondiale a travaillé avec le gouvernement pour privées, le Ministère de l’Éducation assigne des inspecteurs développer un pilote afin de tester si la technologie pourrait pour visiter et suivre les écoles privées et publiques, mais améliorer le suivi en permettant des inspections « virtuelles ». les inspections n’ont pas toujours lieu régulièrement. La Haïti semblait un candidat particulièrement adapté pour mauvaise infrastructure des routes rend la tâche difficile pour ce genre de solution basée sur la technologie, à cause de les inspecteurs et ils n’ont pas toujours de voiture ou d’argent son taux d’utilisation de technologie mobile élevé — près pour l’essence pour se rendre sur les lieux. Ils sont aussi de 70 téléphones portables pour 100 personnes. Le plan était d’utiliser cette technologie pour complémenter les serait aussi simplifié du côté du Ministère de l’Éducation. visites en personne des inspecteurs tout en fournissant des Une évaluation d’impact financée en partie par le Fonds informations claires aux directeurs des école à propos des d’évaluation d’impact stratégique a été incluse dans le présences et absences de leurs professeurs. Le suivi des écoles programme afin d’en mesurer l’effet. Évaluation Les chercheurs ont regroupé 200 écoles privées et publiques recueilli des données détaillées sur l’école et sur le directeur de pour faire partie soit du programme soit du groupe l’école et a administré un examen de lecture de stade précoce contrôle. Les directeurs des 100 écoles qui devaient recevoir (EGRA) à un échantillon de 15 étudiants dans chaque école. le programme, ont reçu un smartphone avec un système Une fois le programme lancé en janvier 2014, l’équipe de intégré qui leur permettrait d’envoyer de l’information à recherche a récolté des données sur les absences et d’autres propos de l’école à un serveur centralisé, incluant des photos informations de base de toutes les écoles. En mai et juin quotidiennes des professeurs, afin de vérifier leur présence au 2014, le programme a pris fin, l’équipe de recherche a récolté travail. Les inspecteurs scolaires pouvaient accéder au serveur les données finales de toutes les écoles et administré l’EGRA en temps réel pour une supervision efficace. Les inspecteurs à un autre échantillon aléatoire d’étudiants dans les 200 ÉDUCATION et les directeurs scolaires ont reçu une formation de l’équipe écoles. Les chercheurs ont aussi conduit une étude qualitative de recherche et de la compagnie de téléphonie portable sur en profondeur dans un petit échantillon d’écoles après la fin l’utilisation des téléphones et du logiciel. du programme, interrogeant 37 professeurs, 14 directeurs et La récolte des données de base a commencé en novembre quatre inspecteurs sur les défis opérationnels du programme 2012. Durant cette ronde initiale, l’équipe de recherche a et leurs perceptions de celui-ci. Résultats Le programme a fait face à des défis dès le début, Une fois le programme lancé, les officiers scolaires dont des délais et des problèmes techniques qui ont rapporté des difficultés avec la nouvelle l’ont rendu difficile à implémenter tel que planifié. technologie, malgré avoir reçu une formation préalable. Il y a eu tellement de problèmes dans la préparation des écoles pour le pilote que le programme a été retardé pendant des Les directeurs d’écoles ont reçu des téléphones portables avec mois. Au lieu de durer toute l’année scolaire 2013 - 2014, des caméras numériques, un abonnement de connexion pour les le pilote a seulement duré quatre mois. Cette courte période données, ainsi qu’un logiciel pour charger les photos et envoyer d’implémentation a réduit la possibilité de noter un changement les informations des absences des professeurs au serveur central dans le comportement des professeurs ou des élèves. que les administrateurs pourraient accéder grâce à un mot Les problèmes étaient entre autres d’ordre administratif de passe. La compagnie de téléphonie cellulaire a fourni une et de passation des marchés, incluant des difficultés pour formation aux directeurs d’école sur l’utilisation des téléphones identifier et employer des compagnies de sondage, ainsi que pour prendre des photos et les charger sur le serveur central. Les des grèves indépendantes de professeurs. inspecteurs scolaires, qui étaient responsables de vérifier que les Cette note résume le rapport de la Banque mondiale « Can Information Technology Improve School Effectiveness in Haiti? Evidence from a Field Experiment » de Melissa Adelman, Moussa P. Blimpo, David Evans, Atabanam Simbou, Noah Yarrow. Juin 2015. Le soutien pour l’évaluation a été fourni par le Fonds d’évaluation d’impact stratégique et le Programme de partenariat Banque mondiale Pays-Bas. photos chargées étaient des professeurs qui étaient supposés Trente-cinq pour cent des écoles dans le groupe de traitement donner des cours (les photos chargées étaient vérifiées contre n’avaient pas reçu la visite d’un inspecteur 6 mois dans l’année une base de données de photos de professeurs), avaient aussi scolaire, alors que seulement 29 pour cent des écoles dans le suivi une formation dans là récupération de l’information et la groupe de contrôle n’avaient reçu aucune visite d’inspection. comparaison des photos. Ceci pourrait suggérer que les inspecteurs utilisent le Malgré tout, les directeurs d’école et les inspecteurs n’étaient programme comme un substitut des visites d’écoles au lieu d’un pas toujours capables d’utiliser la nouvelle technologie. Les complément à ces visites. Il est aussi possible que les inspecteurs directeurs on rapporté avoir des difficultés pour charger leur aient utilisé la technologie pour identifier les écoles dans le plus téléphone, charger les données et utiliser le logiciel. Dans les grand besoin, mais les chercheurs n’ont pu vérifier si c’était le entretiens, tous les directeurs sauf un ont rapporté des difficultés cas. Plus de recherches seront effectuées dans ce domaine. techniques dans le processus de prise et de chargement de photos. Les inspecteurs ont aussi rapporté des difficultés techniques importantes du côté de la réception, qui les a découragé d’utiliser la base de données de photos. Et quand les directeurs d’école demandaient de l’aide à un technicien — qui devait être disponible dans le programme — ils ne recevaient habituellement pas de réponse. Il s’est avéré que l’équipe technique, qui devait être fournie par le fournisseur de téléphonie cellulaire, n’était pas prête à temps pour répondre aux questions. Finalement, très peu d’écoles ont utilisé le programme régulièrement. Les écoles dans le programme pilote ont seulement utilisé la technologie 30 pour cent du temps durant les quatre mois Le programme n’a eu aucun impact sur de la période d’implémentation. Ceci est sans doute dû, l’apprentissage des élèves et sur les absences des entre autres, aux difficultés techniques en rapport avec la professeurs. technologie, mais il est aussi possible que les professeurs aient ressenti une injustice. En Haïti, les salaires des professeurs Les résultats des examens des élèves ne se sont pas améliorés sont souvent soit en retard, soit impayés; comme le système grâce au programme, ce qui n’est pas surprenant étant donné ne les tient pas responsables, les professeurs ont donc peu que le programme a été implémenté pour seulement quatre de motivation pour se responsabiliser. De plus, ils n’ont pas mois et que l’utilisation de la technologie était limitée durant reçu de compensation pour leur participation : les crédits de cette période. Le programme n’a pas amélioré les pratiques téléphone promis ne se sont jamais matérialisés pour cause de de gestion comme l’archivage (probablement aussi parce que problèmes logistiques et administratifs. très peu des écoles ont utilisé la technologie), et n’a pas eu Le programme a aussi pris du temps — pour vérifier que d’impact sur le taux d’absences des professeurs. le smartphone fonctionnait ou prendre et charger des photos La véritable leçon de cette évaluation est que les choses — et les directeurs qui géraient plus d’une école avaient ne sont jamais aussi simples qu’elles le paraissent. La moins de chance de participer, comparé aux directeurs qui nouvelle technologie était plus complexe qu’elle semblait géraient une seule école. Aussi, les directeurs d’école qui aux directeurs et aux inspecteurs scolaires. Les absences des avaient d’autres emplois avaient moins de chance d’utiliser professeurs, aussi, se sont avérées moins graves qu’il avait été le programme. assumé initialement. Les sondages effectués pour l’évaluation ont révélé que le taux d’absence était habituellement entre La technologie semble avoir introduit des problèmes cinq et dix pour cent, ce qui est en réalité plutôt bas pour un additionnels, comme une diminution des inspections pays à faible revenu, où les taux peuvent s’échelonner de 11 parmi les écoles qui ont reçu la technologie mobile. pour cent au Pérou à 25 pour cent en Inde. Conclusion Dans le monde du développement, les solutions technologiques avec un potentiel de réussite important devraient être testées sont souvent vues comme une panacée, capables de résoudre rigoureusement sur le terrain afin d’assurer que l’infrastructure certains des problèmes les plus critiques des pays en voie de locale puisse les absorber et les soutenir. De plus, comme le développement. Dans le secteur de l’éducation, beaucoup montre cette évaluation et d’autres, l’infrastructure n’est qu’une de systèmes scolaires se tournent vers la technologie pour partie de l’équation : il est également important d’assurer que augmenter la responsabilité et améliorer l’apprentissage des les professeurs, gestionnaires des écoles et inspecteurs soient élèves. Bien qu’il y ait certainement eu des réussites avec des à bord avec le programme — et qu’ils veuillent le mettre en innovations technologiques dans le secteur de l’éducation, les œuvre. Sans attention, les technologies comme les smartphone, gouvernements devraient être conscients que les programmes cartes magnétiques et pointeuses pourraient utiliser toutes les basés sur la technologie qui fonctionnent dans un contexte ne précieuses ressources du gouvernement, sans aucun bénéfice fonctionnent pas forcément dans un autre. Les innovations pour les écoles. ÉDUCATION Le Fonds d’évaluation d’impact stratégique, qui appartient au Groupe de la Banque mondiale, soutient et diffuse de la recherche évaluant l’impact des projets de développement destinés à lutter contre la pauvreté. L’objectif est de recueillir et de bâtir une évidence empirique afin d’aider les gouvernements et les organismes de développement à concevoir et mettre en œuvre les politiques les plus appropriées et les plus efficaces pour améliorer les opportunités en matière d’éducation, de santé et d’emploi dans les pays en développement. Pour plus d’informations sur qui nous sommes et ce que nous faisons, voir : http://www.worldbank.org/sief La série de notes périodiques « De l’expérience à la politique » est produite par le SIEF avec l’appui généreux du Département du développement international du gouvernement britannique. LA BANQUE MONDIALE, Fonds d’évaluation d’impact stratégique 1818 H STREET, NW WASHINGTON, DC 20433 Produit par le Fonds d’évaluation d’impact stratégique Rédactrice en chef : Aliza Marcus