UtNNr3 L' Analyse oes proJets agro-industriels 1'11/ James E. Austin Collection de l'EDI en Economie du Developpement A J. Ii L' Analyse des projets agro-industriels COLLECTION DE L'EDI EN ECONOMIE DU DEVELOPPEMENT o Q 1'1 .z \II .., ~~~.l L' Analyse des projets agro-industriels James E. Austin PUBLIE POUR L'INSTITUT DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DE LA BANQUE MONDIALE ECONOMICA 49, rue Hericart, 75015 Paris Version originale publiee en 1981 par The Johns Hopkins University Press, sous Ie titre: Agrointiustrial Project Analysis, par Austin, James E. Copyright © 1981 Banque Internationale pour la Reconstruction et Ie Developpe- ment!Banque Mondiale, 1818 H Street, N .W., Washington, D.C. 20433, Etats-Unis d'Amerique. Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'execution reserves pour tous pays. Les points de vue et les interpretations que ron trouvera dans ce livre sont ceux de I'auteur. On ne peut pas les attribuer it. la Banque Mondiale, aux organisations qui lui sont affiliees ou it. une personne agissant en son nom. Avant-propos Les agro-industries - c'est-a-dire les industries qui reposent sur la trans- formation de matieres premieres agricoles prennent une importance crois- sante dans les economies des pays en developpement. Dans certains cas, la preparation d'un produit primaire destine au commerce interieur ou exte- rieur implique une certaine transformation. Dans d'autres cas, les agro-indus- tries sont un moyen d'augmenter a l'interie.ur du pays la valeur ajoutee d'une matiere premiere, grace a la transformation qu'elles assurent. A mesure que les revenus augmentent et que l'urbanisation s'etend dans les pays en deve- loppement, la demande, et particulierement la demande d'aliments transfor- mes, a ten dance a croitre rapidement. L'Institut de developpement econo- mique (EDI), con scient de ces considerations, a entrepris, en 1974, d'offrir aux planificateurs du Tiers-monde des possibilites de formation dans Ie domaine des projets agro-industriels. Le present ouvrage est issu du materiel pedagogique qui a ete elabore pour ces sessions de formation. Ce livre a pour but d'offrir un guide pratique pour la conception et I'ana- lyse des investissements agro-industriels dans Ie Tiers-monde. II devrait etre un instrument utile aux planificateurs nationaux du secteur des agro-indus- tries et fournir une contribution pratique interessante dans les cours de formation consacres a I'analyse des projets. Les responsables des investis- sements agro-industriels ont d'habitude une connaissance de base de I'agri- culture ou de I'industrie, mais non des deux secteurs ala fois. Ce livre est une introduction a un sujet qUi embrasse ces deux domaines specialises. n suppose toutefois que l'utilisateur connaisse bien la structure de l'econo- mie de son pays. Ce livre appartient a une serie d'ouvrages, deja publies ou en prepara- tion, qui sont lies aux cours de formation professionnelle dispenses par l'Ins- titut de developpement economique. Nous esperons qu'une diffusion plus large de ces publications aidera les neophytes dans ce domaine a maitriser les techniques analyUques susceptibles de conduire a une programmation plus efficace des investissements. AJIT MOZOOMDAR Directeur de I1nstitut de developpement economique de fa Banque Mondiafe Preface La graine qui a donne naissance a cet ouvrage a ete semee en 1973 par Gunter Koenig, dans Ie cadre de l'Institut de developpement economique (EDI) de la Banque Mondiale. II en etait alors Ie Chef de la Division des cours hispano-americains ; il en est aujourd'hui Ie Coordonnateur regional pour I'Amerique latine et I'Europe. A I'epoque, I'EDI avait remarque que I'impor- tance des agro-industries dans les pays en developpement justifiait qu'on prete attention aux caracteristiques propres de ce secteur dans Ie cadre des efforts de formation deployes par la Banque Mondiale. En consequence, Gunter eut la charge de creer et d'animer un cours sur les projets agro- industriels, destine aux hauts fonctionnaires des pays en developpement. J'eus Ie privilege d'aider Gunter dans son entreprise. II fallait toute son expe- rience, toute son intelligence et toute sa bonne humeur pour mettre en place avec succes Ie premier cours relatif aux projets agro-industriels et en assurer la continuation. Cet ouvrage est Ie produit de l'evolution de ce cours. Sans les encoura- gements continuels et la penetration d'esprit de Gunter, il n'aurait pu voir Ie jour. Que Gunter re~oive iei Ie temoignage de rna gratitude la plus profonde pour l'aide qu'il m'a apportee et l'amitie qu'il m'a dispensee. J'espere que ce livre rend justice de ses efforts. II faut aussi remercier Price Gittinger, qui est aujourd'hui Coordonnateur du materiel pedagogique et des publications de I'EDI, pour ses critiques constructives, alors que nous nous efforcions de produire un livre qui puisse contribuer aux activites de formation entreprises par la communaute des personnes qui s'interessent au developpement inter- national. Nos concepts et materiaux de depart sont passes par un processus d'affi- nement repete, qui a permis d'accroitre leur interet pour les analystes des projets agro-industriels dans les pays en developpement. Ils ont ete mis a l'epreuve pendant plusieurs annees, lors d'un grand nombre de cours qui se sont deroules aussi bien a Washington que dans les pays en developpement. En outre, divers responsables nationaux ont applique ces concepts et ces methodes a la formulation de strategies de developpement dans Ie secteur des agro-industries et a I'analyse des projets relevant de ce secteur. Les commen- taires et remarques que des centaines de coUegues originaires des pays en developpement ont formules ont ete d'une aide sans prix, lor<;qu'il s'est agi d'adapter Ie materiel pedagogique aux realites et aux besoins de ces pays. Les coUegues qui suivent n'ont pas hesite a consacrer beaucoup de leur temps a lire diverses versions du manuscrit, et it formuler des commentaires VIII PR~F ACE qui se sont reveles extremement utHes : Walter Falcon, du Stanford University Food Research Institute; Ray Goldberg, Louis Wells et George Lodge, de la Harvard University Graduate School of Business Administration ; Robert Youker, Price Gittinger et Gunter Koenig, de rED! ; Nancy Barry, de la Ban- que Mondiale ; Kenneth Hoadley, de l'Instituto Panamericano de Alta Direccion de Empresas ; Primitivo Zepeda Salazar, de la Banque du Mexique, Gustavo Esteva, du Co mite Promotor de Investigaciones para el Desarrollo Rural; Ferruccio Accame, Jaime Romero, Frank Meissner et Hugh Swartz, de la Banque interamericaine de developpement. Samuel Yong, ancien membre du Massachusetts Institute of Technology, a fourni une aide inestimable pour I 'analyse des aspects de ce livre qui concernent la technologie alimentai- reo Cet ouvrage n'aurait pas vu Ie jour sans l'aide de trois organismes. L'Insti- tut de developpement economique de la Banque Mondiale et la Division de la formation de la Banque interamericaine de developpement ont parraine conjointement Ie premier cours d'analyse des projets agro-industriels et les developpements ulterieurs au materiel pedagogique. La Division de recherche de la Harvard University Graduate School of Business Administration a egale- ment fourni une aide qui m'a permis de finir la redaction du manuscrit. Je remercie aussi Sara Hazel, Beverly Vidler, Rose Giacobbe et son equi- pe, qui ont dactylographie avec patience et minutie les nombreuses versions du manuscrit. James E. McEuen a mis en forme ce dernier en vue de sa publication. Raphael Blow a dessine les figures, Christine Houle et Brian J. Svikhart ont dirige la production du livre, Chris Jerome a lu et corrige les epreuves, Ralph Ward et James Silvan ont etabli l'index. A eux tous, j'adresse mes remerciements les plus chaleureux. J'espere que notre effort collectif contribuera au developpement de projets plus efficaces, plus productifs et plus equitables dans les agro-industries du Tiers-monde. JAMES E. AUSTIN James E. Austin est professeur a la Graduate School of Business Administration de Harvard, charge de conferences it la Harvard School of Public Health, et conseiller et conferencier externe it l'Institut de Developpement Economique (EDI) de la Banque Mondiale. Le Catalogue des publications de La Banque Mon- diale decrit toutes les publications, gratuites ou ven- dues, de la Banque Mondiale. La brochure Le programme de recherche de fa Banque Mondiale : Resume des etudes en cours dresse un tableau du pro- gramme de recherche en cours. Ces deux brochures sont mises it jour chaque annee. On peut se procurer gratuitement la dernh~re edition de chacune d'elles a The Publication Unit, World Bank, 1818 H. Street, N.W., Washington, D.C. 20433, Etats-Unis et au Centre de Publications, Banque Mondiale, 66, Avenue d'Iena, 75016 Paris, France. 1 Vne vue d'ensemble Ce livre a pour objet de fournir un cadre illustre d'analyse et de concep- tion des projets dans Ie secteur des agro-industries. II est avant tout ecrit a l'intention des analystes de projet qui appartiennent aux administrations des pays en developpement, mais it peut egalement interesser les dirigeants du secteur prive qui financent ou gerent des activites dans ce secteur _ Le cadre analytique peut aussi etre utile aux organisations qui entreprennent des pro- jets agro-industriels dans des pays plus developpes. Le premier chapitre defi- nira les agro-industries, presentera Ie cadre d'analyse et indiquera queUe est la portee du livre et comment les autres chapitres s'organisent. LA DEFINITION DES AGRO-INDUSTRIES Vne agro-industrie est une entreprise qui transforme des matieres pre- mieres agricoles, qu'elles proviennent de la culture du sol, de I'arboriculture ou de l'elevage 1 • L'ampleur de la transformation peut varier enormement. Elle va du lavage et du tri des pommes au traitement du riz, ou encore ala cUisson, au melange et it la transformation chimique qui aboutissent it des aliments d'origine vegetale d'apparence nouvelle. Comme Ie montre Ie tableau 1-1, it est possible de proceder a un c1assement approximatif des agro-indus- tries en fonction du degre de transformation des matieres premieres. En general, les investissements, la complexite technique et les difficultes de gestion croissent avec Ie degre de transformation. La transformation de pro- duits alimentaires et de fibres vegetales a pour but d'offrir des produits pro- pres it la consommation ou a l'usage, d'accroltre les possibilites de stockage, de fournir des produits plus aisement transportables, d'amcHiorer Ie goilt et de renforcer la valeur nutritive:!. L'originalite des projets agro-industriels pro- vient de trois caracteristiques de leurs matieres premieres : leur caractere L Les agro-industries procedent surtout a des operations de transformation. Elles ne representent done qu'un element du systeme plus large du monde des affaires liees a l'agriculture, qui va de la semence au consommateur. 2. Plus on se rapproche du niveau IV du tableau 1-1, plus les operations de l'entre- prise deviennent semblables a eelles des industries autres qu'agro-industrielles. 4 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Tableau I-I. Les categories d'agro-industries en fonction du degre de transformation II III IV Activite de transformation Lavage Egrenage Cuisson Transformation chimi- Tri Broyage Pasteurisation que Decoupe Mise en conserve Recomposition Brassage Deshydratation Congelation Tissage Arrachage Assemblage Exemples de produits Fruits frais Cereales egrenees Produits laitiers Aliments instantanes Legumes frais Viandes Fruits et legumes Legumes d'apparence Oeufs Epices Viandes nouvelle Aliments pour Sauces Pneumatiques animaux Tissus et vetements Jute Huiles Coton Meubles Bois en gomme Sucre Caoutchouc Boissons saisonnier, leur caractere pthissable, leur caract ere variable 3 • Chacune de ces caracteristiques merite une breve presentation. Le caractere saisonnier Comme les matieres premieres des agro-industries sont d'origine biolo- gique, leur approvisionnement est saisonnier. II intervient a la fin du cycle cultural ou du cycle de reproduction du betail. Bien que les approvision- nements en matieres premieres ne soient d'habitude possibles qu'au cours d'une ou de deux breves periodes de l'annee, 1a demande de produits finis est relativement constante tout au long de celle-ci. A la difference d'une entrepri- se des secteurs autres qu'agro-industriels, l'usine de transformation de denrees alimentaires ou de fibres vegetales se heurte a un desequilibre entre I'offre et la demande et doit resoudre des problemes de gestion des stocks, de program- mation de 1a production, et de coordination entre les stades de la production, de la transformation et de la commercialisation, Ie long de la chaine qui va de l'exploitation agricole au consommateur. 3. Tou tes les agro-industries ne partagent pas ces caracteristiques de maniere uni- forme. Par exemple, I'industrie du bois n'a pas, a l'inverse de la production de tomates, un cycle de production saisonnier bien tranche, et ses matieres premieres ne sont guere perissables. UNE VUE D'ENSEMBLE 5 Le caractere perissable A la difference des matieres premieres qu'utilisent les aut res industries, les matieres premieres d'origine biologique sont perissables et souvent tres fra- giles. Pour cette raison, les produits agro-industriels necessitent une manu ten- tion et un stockage plus rapides et plus soigneux. Ceux-ci peuvent egalement influer sur la qualite nutritive des produits alimentaires, en reduisant la degradation ou la deterioration des matieres premieres. Le caractere variable Le dernier trait distinctif des agro-industries est Ie caractere variable de la quantite et de la qualite des matieres premieres. La quantite varie en fonc- tion des aleas climatiques, des calamites agricoles ou des epizooties. La quali- te varie parce que la normalisation des matieres premieres reste fluctuante, en depit des progres de la genetique dans Ie monde vegetal et dans Ie monde animal (Ie contraste est frappant avec les specifications de tout genre des ma- tieres normalement utilisees dans les autres industries manufacturieres). Ces variations soumettent la programmation de la production et Ie contr61e de Ia qualite dans les usines des agro-industries it des tensions supplement aires. En outre, il faut insister sur deux autres caracteristiques, meme si elles ne sont pas propres aux agro-industries. Les matieres premieres sont d'habi- tude la principale composante des couts que supportent les agro-industries. II s'ensuit que les achats modelent de facton fondamentale I'economie des entreprises. De nombreux produits des agro-industries sont egalement des biens de premiere necessite, si bien que l'Etat s'interesse souvent de pres aux activites agro-industrielles et intervient activement. II en resulte que I'analyse des projets doit preter une attention particuliere it un ensemble de conside- rations d'ordre politique, economique et social. UNE FORCE POUR LE D~VELOPPEMENT Les agro-industries contribuent de maniere importante au develop- pement economique d'une nation pour quatre raisons. En premier lieu, les agro-industries sont Ie moyen essen tiel dont dispose une nation pour trans- former ses produits agricoles a l'etat brut en produits finis propres a la consommation. En second lieu, les agro-industries constituent souvent la plus grande fraction du secteur manufacturier d'une nation en developpement. En troisieme lieu, les produits agro-industriels sont souvent les principaux produits d'exportation d'une nation en developpement. En quatrieme lieu, Ie systeme agro-alimentaire procure a la nation les elements nutritifs qui sont essentiels au bien.etre d'une popUlation croissante. On examinera ces raisons successivement. 6 L' ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Un dtJbouche pour ['agriculture La plupart des produits agricoles, y compris les produits necessaires it la subsistance, subissent une certaine transformation. Une nation ne peut donc utiliser pleinement ses ressources agricoles sans agro-industries. Une enquete sur Ie traitement du riz dans six provinces de la Thallande a montre que Ie riz etait transforme it environ 9S % dans des usines, et non traite ala main a domicile 4 • De meme, une enquete portant sur 1687 familles dans qua- tre regions du Guatemala a montre que 98 % de ces families portaient leur mals au moulin pour Ie faire moudre et utilisaient ensuite la farine it domi- cile pour faire les tortillas s . Une transformation mecanique economise Ie temps et les efforts des consommateurs. Avec Ie developpement economique, les consommateurs attachent plus de prix a ces economies. Ainsi, la demande et Ie besoin de services de transformation augmentent a mesure que la production agricole s'accroit. Les agro-industries ne se contentent pas de reagir aux pressions externes. Elles adressent en retour de nouvelles demandes aux exploitations agricoles, exigeant des quantites suppIernentaires et differenciees de produits agricoles. Une usine de transformation peut offrir de nouvelles possibilites de culture aux exploitants agricoles, et, ce faisant, augmenter les revenus des agricul- teurs. Dans certains cas, les exploitants qui s'adonnaient a des cultures de subsistance ont pu augmenter leurs revenus en commercialisant leurs produits sur Ie marche. Dans d'autres cas, des terres nouvelles, ou des terres impropres aux cultures traditionnelles, ont pu etre cultivees. Dans les programmes de developpement regional, les agro-industries ant foumi la justification econoffiique d'infrastructures rurales, telIes que des routes de penetration qui procurent un acces aux matieres premieres, des installations electriques necessaires au fonctionnement des usines, des equipements d'irrigation. Les agro-industries peuvent egalement etre Ie point focal, au plan economique, de cooperatives de petits exploitants et etre au centre d'activites connexes de developpement de la communaute. Il importe de souligner que Ie processus meme de !'industrialisation rurale est susceptible d'avoir des effets importants sur l'ampleur et la duree de l'incitation qu'apportent les agro-industries au developpement des commu- nau tes rurales. Un element fondamental semble etre la participation de la communaute. Un groupe d'experts de l'Organisation des Nations Unies pour Ie developpement de l'industrie (ONUDI) a abouti a la conclusion que ( Valeur ajoutee Ventes d'aliments transformes par travailleur par habitant dans les industries Pays en alimentaires et produc- Population Population developpement trices de boissons totale urbaine Pays a revenu faible 667 17 53 Pays it revenu interrnediaire 3607 48 112 Pays a revenu eieve 7504 158 252 Source: Centre des Nations Unies sur les fumes transnationales, «Transnational Corporations in Food and Beverage Processing», version non publiee, ST/CTC/19 (New York, 1980), p. 182. 18. ONUDI, Industrialization and Rural Development, pp. 39-44. UNE VUE D'ENSEMBLE 11 la distribution des produits des agro-industries. De meme, les agro-indus- tries fournissent une contribution au secteur fmancier et aux aut res secteurs des services. Enfin, Ie sort des entreprises qui fabriquent des biens neces· saires aux agro-industries, comme les produits chimiques ou les machines agricoles, est lie a la demande de produits agricoles, demande elle·meme liee it une industrie viable de transformation des denn~es alimentaires et des fibres vegetales. Un facteur d'exportations Dans la plupart des pays en developpement, la richesse naturelle la plus importante est l'agriculture. Les produits agricoles font l'objet d'une demande internationale et, comme la capacite de production excMe souvent la consommation locale, il existe des possibiHtes d'exportation. Mais il faut qU'une nation transforme les matillres premieres et leur donne une forme qUi lui permette de les exporter. Meme une transformation minime, comme Ie sechage des cereales ou l'egrenage du coton, augmente la valeur economique du produit et procure des devises etrangeres. La valeur ajoutee des produits des agro-industries tend a depasser celle des autres produits manufactures d'exportation, parce que ces derniers incorporent souvent des elements importes, et les agro-industries exportatrices tendent, au mdes ans, a accroi- tre Ie pourcentage de valeur ajoutee d'origine nationale, en elevant Ie degre de transformation des matieres premieres. Par exempIe, on passe de I'egrena- ge au tissage et a la confection de vetements. On transforme les carcasses de bomfs en portions decoupees ou en produits de conserve. Les grains de cafe deviennent du cafe soluble, congele et deshydrate. Ces stades supple- mentaires de transformation, outre Ie fait qu'ils augmentent la valeur ajoutee, conduisent a une plus grande differenciation des produits, dont 1'(Hasticite par rapport au revenu est plus grande et dont Ie prix est plus it l'abri des fluctuations que subissent les marchandises moins elaborees 19 . Le role essen tiel que les agro-industries jouent dans Ie domaine des exportations apparaH pleinement dans les statistiques des exportations des pays en developpement. Dans Ie cas du Nicaragua, qu'on a deja mentionne, les produits agro-industriels ont constitue entre 1960 et 1970 plus de 85 % des exportations20 • Un examen plus attentif revele une autre caracteristique structurelle des exportations : la forte dependance it l'egard de quelques produits cIes. En 1970, Ie coton, Ie cafe et la viande representaient 19. Vne transformation plus poussee ne conduira pas necessairement a une plus grande stabiUte des prix. II se peut que certains produits intermediaires comme I'huile de palme - affrontent des marches aussi instables que ceux de produits moins transformes, tandis que \'investissement et done l'exposition au risque des capitaux - s'est accru dans Ie domaine des produits intermediaires. La valeur ajouwe a augrnente, mais Ie risque associe aux prix n'a pas necessairement dirninue. 20. Banque centrale du Nicaragua, lnforme Anual· 1970 (Managua, 1971). 12 L'ANALYSE DES PROJETS AGR()..INDUSTRIELS 57 % du total des exportations du Nicaragua. En general, plus la gamme des produits est restreinte, plus la nation est exposee aux fluctuations spectacu- laires des prix des produits de base sur Ie marche international et plus la dependance du pays a l'egard de l'etranger est forte. Mais les statistiques du Nicaragua revelent egalement les avantages que presente une gamme d'exportations diversifiees. En 1960, les produits coton- niers constltuaient 27 % des exportations totales. En 1965, I' «or blanc» en representa jusqu'a 51 %, mais, cinq ans plus tard, sa part avait diminue de moitie. Dans la meme decennie, les exportations de beeuf transforme passe- rent de 3 millions de dollars (5 % du total des exportations) a 27 millions de dollars (soit 15 % des exportations). Elles compenserent ainsi large- ment Ie declin des exportations de coton 21 • En elargissant la gamme de ses exportations de produits agro-industriels, un pays peut obtenir une assu- a rance contracycJique i'egard des mouvements de prix. II faut proceder a un examen plus serre, au niveau microeconomi- que, du partage des avantages que la nation tire de ses exportations entre les differents groupes pour completer l'analyse des avantages potentiels au niveau macroeconomique. Le Nicaragua a ete, sous la domination de la famille Somoza, un exemple instructif de la maniere avec laquelle les agro-industries peuvent concentrer la richesse et amplifier les inegalites de revenu. Le gouvernement de reconstruction nation ale (Gobierno de Reconstruccion Na- cional) du Nicaragua, qui prit la place du regime Somoza, cherche aujourd'hui a faire fonctionner les memes actifs agro-industriels, qui ont ete nationalises, de fal10n a eliminer les inegalites qui duraient depuis longtemps. La dimension de la nutrition Selon les estimations, plus d'un milliard de personnes sont sous-alimen- tees dans les pays en developpement 22 . En procurant des revenus aux exploi- tants agricoles pauvres et un emploi aux travailleurs pauvres, les agro-indus- tries peuvent ameliorer Ie regime alimentaire de la population. Si elles favori- sent une augmentation de la production des denrees alimentaires destinees a a l'economie nationale, elles peuvent mieux armer Ie pays et l'aider survivre dans la course de vitesse malthusienne entre la nourriture et la population. En outre, les industries agro-alimentaires peuvent ameliorer la qualite de la nutrition des pauvres des villes, parce que ceux-ci doivent passer par les canaux commerciaux pour acquerir leur nourriture. Toutefois, les projets agro-industriels peuvent avoir des effets dommageables sur la nutrition s'ils ne sont pas conl1us avec soin. II faut donc proceder a un examen serre des projets pour eviter qu'ils n'aient sur la nutrition des effets indesirables. II se peut, 21. Tous les chiffres de cette etude sont exprimes en dollars des Etats-Unis. 22. Shlomo Reutlinger et Marcelo Selowsky,Malnutrition and POllerty :Magnitude and Policy Options, World Bank Staff Occasional Papers, nO 23 (Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1976). UNE VUE D'ENSEMBLE 13 par exemple, qu'une agro-industrie detourne les exploitants agricoles des produits de premiere necessite et conduise ainsi a une diminution de l'approvisionnement de ces produits et a une hausse de leur prix. Le revenu tire d'une culture commerciale peut ou non suffire a ameliorer Ie regi- me alimentaire de la famille. En tout etat de cause, la nutrition des travail- leurs pauvres et sans terre ou des consommateurs des villes peut souffrir d'une telle hausse du prix des denrees de premiere necessite. Il se peut encore qu 'une hausse des prix sur Ie marche international conduise a un accroisse· ment des exportations des biens de premiere necessite et donc a une diminution de l'approvisionnement a I'interieur du pays. Enfin, certaines formes de transformation peuvent diminuer la valeur nutritive d'un produit alimentaire. L 'importance croissante des agf'O-industries On admet de plus en plus l'importance que prennent les agro-industries dans Ie developpement d'une nation, et Ie financement de projets agro- industriels a augmente considerablement ces dernieres annees. En 1973, la Banque Mondiale, la Banque interamericaine de developpement et I'Agence des Etats-Unis pour Ie developpement international (USAID) avaient finance cinquante-huit projets en Amerique latine et aux Antilles, qui repn!sentaient un total de 384 millions de dollars. Toutes ces organisations ont fortement accru leur concours financier depuis cette epoque et insistent particuliere· ment sur les PMI et l'industrialisation rurale. Au titre de I'exercice 1980, la Banque Mondiale a, a elle seule, consenti trente-neuf prets, a vingt- sept pays, pour un montant de 1,8 milliard de dollars. n s'agissait de fmancer des projets qUi concernaient, au moins en partie, des agro·industries. A la date du 30 juin 1976, la Societe financiere internationale (SFI) avait investi 42,7 millions de dollars dans Ie domaine des industries agro-alimentaires 23 • Plusieurs pays (Ie Mexique notamment) ont fait des agro-industries une pierre d'angle de leur plan de developpement. L'importance croissante que prennent les agro-industries comme instrument de developpement augmente Ie recours aux analystes de projets et multiplie leurs responsabilites. La section suivante developpe un cadre d'analyse qui peut les aider a relever Ie defi. UN CADRE D'ANALYSE Une analyse de projet efficace consiste essentiellement en l'application systematique de techniques d'analyse conC!ues de fa~on a correspondre aux caracteristiques du projet. On evalue souvent les projets agro-industriels soit 23. John W. Lowe, «The IFC and the Agribusiness Seeton, Finance and Develop- ment, vol. 14, nO 1 (mars 1977), p. 25. 14 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS comme des projets agricoles, soit comme des projets industriels. Ce clivage reflete Ie cloisonnement meme des organismes d'analyse : les structures minis- terielles dissocient l'agriculture de l'industrie, les banques de developpe- ment sont specialisees dans l'agriculture ou dans l'industrie, les analystes sont recenses comme economistes agricoles ou comme ingenieurs specialistes de l'industrie. Mais les projets agro-industriels sont par nature intersectoriels, et un cadre d'analyse sectorielle n'est pas adapte aux projets agro-industriels pour deux raisons. En premier lieu, la nature des matieres premieres distingue les agro-industries des industries qui ne sont pas soumises aux pressions et aux aleas des forces agricoles. En second lieu, Ie processus de transformation distingue les projets agro-industriels des projets agricoles qui sont essentielle- ment centres sur la production. Il faut considerer l'agriculture et l'industrie comme des secteurs integres si I'on veut mettre au point un cadre d'analyse adapte aux projets agro-industriels. L 'analyse de systeme Cet ouvrage presente un cadre d'analyse des projets qui repose sur les caracteristiques propres aux agro-industries et qui permet d'incorporer des analyses des dimensions financieres et socioeconomiques qui regissent les agro-industries. Ce cadre considere les agro-industries comme l'un des elements d'un systeme plus large, allant de la semence au consommateur, compose de plusieurs parties !iees les unes aux autres, ou les relations internes au systeme determinent l'interdependance des actions et des acteurs. Cette methode aboutit inevitablement a ctudier queUes implications l'interdependance des niveaux au sein du systeme comporte pour Ie projet. Ces implications se rencontrent aussi bien lorsque les agro-industries sont des entreprises publi- ques que lorsqu'elles sont des organisations privees. Le monde des affaires !ices it l'agriculture met en jeu, selon la definition qui en a ete donnee, tous les individus et organismes concernes par la production, la transformation, Ie transport, Ie stockage, la commercialisation et la reglementation des produits alimentaires et fibres vegetales du monde 24 • Ce vaste systeme comprend des acteurs, des organismes de soutien et des coordonnateurs. Les acteurs sont les exploitants agricoles, les transporteurs, les grossistes, les transformateurs et les distributeurs qui manipulent les marchandises physiques de puis I'exploitation agricole jusqu'au marche. Les organismes de soutien sont les fournisseurs des exploitations agricoles, les institutions financieres, et les centres de recherche, qui assistent les acteurs du systeme. Les coordonnateurs sont les gouvernements, les cocontractants, les marches it terme et les associations industrielles qui integrent les uns aux au- 24. L'expre,sion «monde des affaires \iees a I'agriculture» a etc introduite par John H. Davis et Ray A. Goldberg. Ils ont clabore plus tard ce concept dans leur livre A Concept of Agribusiness (Boston: Harvard University, Graduate School of Business Administration, Division of Research, 1967). UNE VUE D'ENSEMBLE 15 tres les differents niveaux du systeme des denrees alimentaires et des fibres vegetales. La figure 1 montre les rouages essentiels de ce systeme. Figure 1. Graphique des flUX de l'agro-industrie "'-Jtockage? ---l: ~"'I"'-i----o._ ""Stocko/fe .. V''' ....._ _.....: """SlocbgeZ ~ Moyens de production ou produits : D. activite ; 16 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Cet ouvrage est centre sur Ie maillon du systeme des agro-industries qui correspond au stade de la transformation. Meme si ce champ peut paraitre plus restreint que la definition du monde des affaires liees a l'agriculture qui a ete presentee ci-dessus, il est indispensable de maintenir l'analyse des projets agro-industriels dans une perspective plus large, dans une perspective de systeme. Comme les agro-industries sont au centre de la chaine agricole, il faut etudier a la fois l'exploitation agricole la source des approvisionne- ments en matieres premieres et Ie marche - Ie debouche des produits transformes. En effet, I'analyse de systeme contribue globalement a mieux definir et mettre en ceuvre des projets agro-industriels, en permettant l'etude de trois activites essentielles au fonctionnement des agro-industries : la commercialisation, les achats, et la transformation. Avant de progresser dans la presentation, on peut illustrer I'importance de I'analyse de systeme a l'aide d'une situation qui a ete decrite a l'auteur par un haut fonctionnaire d'un Etat de l'Afrique occidentale. Le gouverne- ment avait adopte une strategie de developpement industriel qui visait la maximisation de la valeur ajoutee des produits agro-industriels de la nation. Le pays avait exporte pendant des annees des graines de coton. Le gouverne- ment accepta un projet d'usine d'extraction de l'huile contenue dans les grai- nes de coton, parce que ce projet etait conforme a la strategie d'augmentation de la valeur ajoutee. L'usine fut construite, mais la capacite minimale des equipements exigeait plus de graines de coton qu'on ne pouvait en livrer, et on dut elabo- rer un programme d'augmentation de la production de coton. Le programme de production qui s'en suivit comprenait une redistribution de terres, une reorganisation des explOitations, et une assistance technique massive. L'exten- sion des plantations stimula la construction d'une usine textile. La produc- tion de coton se developpa massivement, mais, apparemment, les risques que presentait la plantation de coton etaient trop grands et les gains trop fai- bles : les exploitants continuerent la pratique des cultures de subsistance, auxquelles ils donnerent la priorite au moment des recoltes. 11 s'ensuivit une penurie de main-d'ceuvre a l'epoque de la cueillette du coton, et on dut en abandonner de grandes quantites dans les champs. Le resultat fut que l'hui- lerie et l'usine textile tournerent en de~a de leur capacite. L'usine textile dut importer du mde coton du Pakistan pour s'approvisionner en matiere premie- re. De plus, la production d'huile de graine de coton depassa la capacite de transformation de l'usine locale de raffinage d'huile de cuisine, ce qui contraignit a exporter de l'huile non raffinee. Enfin, la nation ne disposait pas d'un marche interieur capable d'absorber la farine tiree des graines de coton, parce que les industries productrices des aliments du betail et Ie secteur de I'elevage n'avaient pas atteint un stade de developpement suffi- sant pour absorber ce sous-produit. On dut commercialiser a bas prix une source importante de proteines sur Ie marche international, au moment meme ou on importait des proteines animales couteuses. Cet exemple montre les inconvenients d'une etude trop etroite des projets agro-industriels. On avait considere Ie projet cite en exemple comme UNE VUE D'ENSEMBLE 17 une operation de transformation capable d'augmenter la valeur ajoutee et non comme un element d'un systeme compose de plusieurs niveaux et de plusieurs produits. L'ignorance des interdependances du systeme entraina l'apparition de penuries de matieres premieres et d'excedents de produits transformes. n faut que les analystes considerent les agro-industries comme une partie d'un ensemble plus large et admettent que la viabilite des projets depend de la reussite obtenue dans Ie cadre du systeme multidimensionnel global. Les trois cornposantes du cadre d'analyse L'analyse des systemes agro-industriels se concentre sur les rapports entre la conception des projets et les activites de commercialisation, d'achat et de transformation. Mais il importe tout autant de recourir aux techniques de l'analyse economique et financiere pour estimer la viabilite financiere, et les coUts et les avantages sociaux d'un projet. Le cadre d'analyse des projets agro- industriels comprend ainsi trois composantes, I'analyse de systeme, l'analyse financiere et l'analyse economique. Cet ouvrage s'attachera surtout a la pre- miere composante, en examir.ant plus en detail les activites de commercia- lisation, d'achat et de transformation dans les agro-industries. Ces activites ont des implications economiques et financieres et l'analyse de systeme est donc inevitablement liee aux analyses economique et financiere. Mais, comme les analyses et methodes economiques et financieres ont fait l'objet d'une abondante litterature, ces themes ne seront pas abordes en grand detail dans Ie present ouvrage. On trouvera dans Ia premiere section de la bi- bliographie une liste d'ouvrages de reference dans Ie domaine des techniques d'analyse economique et financiere. Cependant, !'importance de ces compo- santes dans l'analyse des projets agro-industrieis rnerite une breve presenta- tion. Les investisseurs et les detenteurs des entreprises agro-industrielles se soucient du rendement de leur investissement. Il est donc essentiel de proceder a une analyse financiere pour calculer ce rendement. Si les calculs montrent que Ie projet n'est pas financierement viable, les investisseurs prives orienteront ailleurs leurs fonds. Si les agro-industries doivent etre des entreprises publiques, on s'attendra it des subventions en cas de rende- ments financiers negatifs. Mais un rendement financier de l'investissement satisfaisant ne sumt pas it justifier Ie lancement d'un projet. 11 faut egale- ment determiner Ie rendement social des ressources qui sont consacrees au projet. One analyse economique s'impose. Elle doit offrir aux responsables de la politique economique Ie moyen de classer les projets en fonction de leurs coiits et avantages sociaux. One telle evaluation est necessaire S1 on entend optimiser l'utilisation de ressources rares en capital afin d'atteindre les objec- tifs de developpement du pays. De meme, les dirigeants du secteur prive devraient aussi etre interesses par une analyse couts-avantages qUi permette 18 L' ANALYSE DES PROJETS AGRO·INDUSTRIELS d'evaluer les effets de leurs efforts sur Ie developpement 2S • Les evaluations financiere et economique font appel a certaines techni- ques d'analyse communes, comme les calculs de flux monetaires et l'actuali· sation, mais les deux methodes different. L'analyse financiere utilise les prix de marcM pour les facteurs de production, alors que l'analyse economique emploie des prix «fictifs», qui refletent les couts d'opportunite sociaux de ces facteurs. De meme, l'analyse financiere prend en compte certains elements comme les charges fiscales, alors que I'analyse economique ne les considere que comme des transferts verses par une partie de la societe a une autre et les exclut donc des calculs. II en va de meme pour les subventions: recettes pourl 'analyse financiere, elles ne sont que des transferts pour l'analyse econo- mique. En raison de ces differences, les deux analyses peuvent aboutir it des resultats tres eloignes les uns des autres dans I'evaluation des flux economi- ques associes it un meme projet. Mais ces differences n'impJiquent pas qu'une methode doive avoir Ie pas sur I'autre. II est peu probable qu'un projet tres rentable pour I'entre- preneur, mais qui procure des avantages sociaux minimes, obtienne I'adhesion du responsable de la politique economique concerne. De meme, il n'est guere probable qu'un projet dont Ie rendement socioeconomique est eleve, mais dont Ie profit est faible pour I'entrepreneur , soit finance par des investisseurs prives. Aussi, si on a besoin des capitaux prives, il faut considerer autant Ie rendement financier que Ie rendement economique et choisir des projets satisfaisants au regard des deux criteres, ou revoir leur conception pour qu'ils Ie deviennent. II faut considerer que Ie cadre d'analyse des projets agro- industriels - comprenant l'analyse de systeme, I'analyse financiere et I'ana- lyse economique est un tout. Et encore l'application de cet ensemble analy- tique a un projet ne produira pas une decision d'investissement automati- que. Nombre de projets font appel a d'autres considerations, a des priorites politiques ou sociales, par exemple. L'analyse des projets fournit seulement une base de reflexion aux responsables des decisions, qui peuvent ainsi etu- dier les interactions des facteurs economiques et sociaux qu'impliquent les investissements agro-industriels. LA PORTEE DE L'OUVRAGE Les projets agro-industriels passent par quatre etapes : l'identification, l'analyse et la conception, la mise en reuvre, et l'evaluation. En insistant sur I'analyse de systeme et sur Ie maillon de la transformation dans les agro- industries, cet ouvrage se con centre sur la deuxieme etape, qui est peut- etre la plus importante, encore que ce soit la moins bien etudiee. n est clair que I'analyste ne doit pas negliger les autres etapes, et cette section les presen- tera brievement. La portee de l'ouvrage est limitee d'une autre facton : il se 25. Louis Wells, Jr., «Social Cost-Benefit Analysis for MNC's [Firmesmultinatio- nalesp, Harva:-1 Business Review, vol. 53, nO 2 (mars-avril 1975), pp. 4047. UNE VUE D'ENSEMBLE 19 concentre sur l'analyse des projets agro-industriels pris individuellement. L'orientation est microeconomique. Mais l'analyste doit reconnaitre que la viabilite de projets particuliers peut dependre largement de mesures macro- economiques. Bien qu'une presentation complete de ces mesures macroeconomiques depasse Ie champ de cet ouvrage, cette section mention- nera brievement les domaines de la politique economique qui ont une importance particuliere pour les projets agro-industriels. Le cycle d'un projet Le cycle d'un projet agro-industriel se compose des quatre etapes qu'on a mentionnees ci-dessus et qu'on exposera tour a tour. L'IDENTIFICATION. La premiere tache de l'analyste consiste a identifier les projets possibles et a choisir les plus prometteurs. Au cours de ceUe phase, les organismes et les banques de developpement devraient encou- rager et susciter les propositions de projets. Pour evaluer les propositions, l'analyste devrait elaborer un ensemble de criteres qui se fondent sur les domaines ou les agro-industries sont faibles ou sur ceux qui offrent de nouvelles possibilites. Des etudes du systeme des pro- duits par sous-secteur industriel peuvent permettre d'identifier ces domaines. II vaut la peine de rassembler des informations sur la structure, Ie volume, les flux et les resultats economiques et financiers des systemes associes aux differents produits, parce que des investissements agro-industriels suppIemen- taires peuvent renforcer l'efficacite ou la croissance de ces systemes26 • Une banque de donnees sur Ie systeme des produits peut contribuer a eviter des investissements peu souhaitables ou a reveler les domaines qui meritent une plus grande attention. En outre, des informations portant sur Ie systeme des produits pourraient diminuer les couts qUi sont supportes avant l'analyse qui est faite pour determiner 8i les projets relatifs aces produits sont realisa- bles. En effet, ces donnees sont communes a toutes les analyses de projet et sont utilisables pour etudier des petits projets. Les donnees par sous-secteur dotent Ie planificateur du developpement des informations necessaires a l'ela- boration d'une stratc~gie couvrant l'ensemble des secteurs. 26. Ray A. Goldberg, Agribusiness Coordination (Boston : Harvard University, Graduate School of Business Administration, 1968) ; Otarles Slater et autres, Market Processes in La Paz, Bolivia, Report nO 3 (East Lansing: Michigan State University, 1969) ; Harold Riley et autres, Market Coordination in the Development of the Canca Valley Region, Colombia, Report nO 5 (East Lansing: Michigan State University, 1970) ; James E. Austin, Marketing Adjustments to Production Modernization (Managua: Insti- tuto Centroamericano de Administracion de Empresas, 1972) ; et Ray A. Goldberg, Agribusiness Management for Developing Countries in Latin America (Cambridge, Mass.: Ballinger Publishing Co., 1976). 20 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS On peut egalement considerer les etudes de marche propres it un secteur comme un investissement en capital dans Ie domaine des informations. Ces etudes pourraient evaluer Ie volume, les prix, les norrnes et Ie degre de concurrence sur les marches interieur et exterieur de divers produits dont on estime qu'its ont de bonnes perspectives commerciales en raison des besoins actuels du marche ou de l'evolution pressentie de la demande. Si ces etudes sont souvent trop couteuses pour ceux qui proposent un projet parti- culier, elles deviennent possibles lorsqu'elles sont entreprises pour plusieurs projets. L' ANALYSE ET LA CONCEPTION DES PROJETS. Les propositions de projet qui franchissent Ie cap de la premi~re stHection doivent faire l'objet d'un examen plus attentif: quel inten~t offrent-elles d'un point de vue technique, financier, economique et social? Quelles sont les possibilites pra- tiques de les mettre en reuvre it tous ces egards ? L'analyste devrait chercher it revoir la conception des projets pour eIirniner les faiblesses qui sont presen- tes dans les propositions. Les chapitres suivants reprendront toutes ces ques- tions. LA MISE EN OEUVRE. Le passage de la proposition ecrite a la mise en service du projet est souvent long et peu assure. 11 revient a l'analyste d'accroitre la probabilite d'un passage reussi en pretant toute I'attention mkessaire aux facteurs critiques de gestion des la phase d'examen des projets. Le fait que Ie cadre d'analyse du present ouvrage porte sur les activi- tes dt: commercialisation, d'achat et de transformation des projets agro- industriels tente de clarifier ces elements de gestion. L'EVALUATION. Une fois qu'un projet a demarre, l'analyste de projet a la responsabilite de controler sa progression, afin de deceler les ecarts par rapport aux realisations prevues et de les faire corriger. Une telle evalua· tion devrait reposer. sur des indices representatifs des resultats economi- ques et financiers. Des resultats mediocres provienne~t de prob!emes affe. rents it la conception initiale des projets, de modifications dans l'environne- ment exterieur, de carences dans la gestion courante. L'analyste controleur devrait identifier les causes de resultats inferieurs it la norme, determiner la me sure dans laquelle Us peuvent etre redresses et suggerer des mesures correctrices. Cette evaluation est essentielle au model age d'un projet et it sa reussite finale. Chaque fois que c'est possible, l'analyste qui evalue la conception d'un projet devrait suivre ce dernier lors de sa mise en reuvre afin d'assurer une continuite entre la conception et l'evaluation. La connaissance que l'analyste a du projet devrait ameliorer Ie controle et la revision de ce dernier. UNE VUE D'ENSEMBLE 21 Considerations d'ordre macroeconomique Bien que ce livre s'attache a l'analyse des projets agro-industriels pris individuellement, il est impossible d'isoler les projets du contexte, plus large, de la politique de developpement. Le reste de cette section presente brievement les mesures macroeconomiques qui sont susceptibles d'exercer une influence sur les agro.industries. LE COMMERCE INTERNATIONAL. Dans Ie domaine des exportations, on a recouru a des incitations budgetaires, telles que des degrevements d'im· pot, ou a des incitations monetaires, telles que des taux de change preferen. tiels, pour attirer, en renforc;ant les stimulations, les capitaux et les dirigeants d'entreprise vers les projets agro-industriels. Mais il faut veiller a ce que les incitations budgetaires ne conduisent pas a remplacer la main-d'reuvre par du capital, sauf si la premiere est une ressource rare. Quoi qu'il en soit, les incita· tions fiscales ne semblent pas un facteur determinant dans les decisions d'investissement de la plupart des entrepreneurs 27 • Dans Ie domaine des importations, les mesures incitatives ont consiste en exemptions de droits de douane ou de contingents pour des facteurs de production essentiels, comme les materiaux d'emballage ou les matieres premieres, qui ne sont pas disponi. bles sur place. Bien qu'un acces assure a des moyens de production d'importance vitale puisse contribuer a la creation d'agro-industries, ces mesures et d'autres mesures semblables devraient generalement coincider avec des efforts visant a developper la mise en place de moyens de production au plan local. Ce n'est qu'a cette condition qu'on peut tirer tous les avan- tages pour Ie developpement des interrelations qui caracterisent les agro- industries. LE DEVELOPPEMENT REGIONAL. Les agro-industries peuvent jouer un role critique dans Ie developpement regional en raison de leurs relations avec la production agricole et Ie commerce urbain. Des incitations budg6tai. res et des investissements publics dans Ie domaine des infrastructures peuvent attirer les industries dans de nouvelles regions. Par exemple, des routes de penetration peuvent permettre it une usine de transformation de se procurer des matieres premieres et, par voie de consequence, de developper plus pleinement les ressources agricoles de la region. Les mesures de politique economique peuvent avoir des effets differents sur des entreprises de diffe- rente taille, et les responsables de la politique economique devraient tenter de les etablir 28 • 27. Le responsable de la politique economique devrait regarder si les mesures pro- posees sont susceptibles d'aggraver certaines distorsions de prix qui seraient dMavorables it l'agriculture. Un pas vers la flxation de prix refletant la rarete et orientes vers Ie marcM pourrait etre une incitation plus efficace. 28. Par exemple, il se peut qu'il soit necessaire de prendre des mesures tres diffe- rentes pour influencer des PMI de differente taille. Voir Snodgrass, «Small-scale Manu- facturing», pp. 12-13. 22 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS LA RECHERCHE. Un autre domaine de la politique economique qui in- teresse Ie developpement des ressources et la viabilite des projets est la recher- che. L'industrie privee peut difficilement proceder a une recherche geneti- que et a des experimentations sur Ie terrain. Pourtant, I'approvisionnement regulier des matieres premieres depend de la recherche agronomique, et I'absence d'informations dans ce domaine peut etre un facteur dissuasif puis- sant lorsqu'on envisage un nouveau projet. Des programmes de recherche parraines par l'Etat en liaison avec l'industrie peuvent foumir des informa- tions sur la production qui sont essentielles au developpement des projets. En ce qui concerne les produits, les gouvernements devraient soutenir les etudes de marche parce qu'elles sont souvent liees a I'ensemble d'un secteur et trop couteuses pour une seule firme. Les gouvernements pourraient par exemple etudier les besoins commerciaux a l'aide d'etudes sectorielles par produit. LE CONTROLE DE LA QUALIT£. Le controle de la qualite revet une importance particuliere pour les agro-industries tournees vers l'exportation. Comme ces industries peuvent fournir des devises etrangeres, les pouvoirs publics et les industriels devraient s'assurer que les produits exportes sont de bonne qualite, en fixant des normes et en instaurant des systemes d'ins- pection. Le controle de la qualite importe egalement dans l'interieur du pays, afin de garantir la salubrite et la valeur nutritive des aliments trans- formes. LES MESURES EN MATIERE DE REVENUS. Les mesures prises dans Ie domaine des revenus peuvent inclure un soutien des prix agricoles ou un controle des prix des biens destines a la consommation finale. Ces deux mesures exercent une influence sur une usine de transformation agro- industrielle - la premiere affecte Ie prix des matieres premieres, la seconde limite Ie prix des produits transformes. Ainsi, les pouvoirs pu- blics peuvent influer fortement sur la rentabilite des projets. LA POLITI QUE MON£T AIRE. La politique monetaire peut determi- ner les taux d'interet applicables et les credits ouverts a certains proJets. Elle peut donc mobiliser des ressources en faveur d'agro-industries de diffe- rente nature, de differente dimension, et situees en differents endroits. L'inflation affecte, elle aussi, l'aspect economique des projets. LA PLANIFICATION NATIONALE. Les possibilites pratiques de construction d'une agro-industrie peuvent dependre de manithe importan· te des liens qu'elle entretient avec les plans globaux de developpement du pays. C'est ainsi que les strategies et politiques du gouvernement dans Ie domaine du developpement rural ou du commerce exterieur peuvent exer- cer une emprise directe sur la viabilite des projets. Le role que Ie gouver- nement entend voir jouer par les investisseurs etrangers dans sa strategie natio· nale de developpement peut egalement avoir de !'importance pour les UNE VUE D'ENSEMBLE 23 agro-industries. Les firmes transnationales ont effectue des investissements considerables dans les agro-industries des pays en developpement. Par exemple, environ Ie quart des investissements etrangers des firmes specialisees dans I'alimentation et les boissons, originaires de nations plus developpees, se situe dans les pays en developpement, et ces firmes entrent pour un huitieme dans la production des industries agro-ali- mentaires des pays en developpement29 • Sur les marches plus importants et plus riches - comme Ie Mexique, Ie Bresil, I'Argentine et Ie Venezuela -, les firmes transnationales representent plus du quart des industries locales. L'ORGANISATION DES CHAPITRES Dans les chapitres 2, 3 et 4, Ia methode de l'analyse de systeme est appli- quee aux trois grands domaines d'activite des agro-industries. La commercia- lisation est etudiee au chapitre 2, qui aborde les questions relatives aux preferences des consommateurs, a la segmentation des marches, a la prevision de la demande, a la fixation des prix des produits, aux circuits de distribution et aux forces de la concurrence. Les achats font l'objet du chapitre 3, ou sont examinees les relations entre les stades de la pro- duction et de Ia transformation et les methodes de gestion du flux des matieres premieres entre l'exploitation agricole et l'usine. Ensuite, Ie chapitre 4 presente la transformation et les problemes qu 'elle pose dans Ies domaines du choix de la technologie, de la localisation des usines, de Ia gestion des stocks, de la transformation des matieres premieres, et des operations cou- rantes de fonctionnement. Bien que chacun de ces chapitres etudie une acfjvite particuliere du fonctionnement des agro-industries, l'analyse de systeme suppose au prealable la reconnaissance fondamentale des interdependances qui unissent etroitement toutes les activites liees a I'agriculture. Chaque analyse prend donc en compte les effets d'une activite sur les deux autres. La methode de l'analyse de systeme implique un processus interactif qui permette de degager l'effet d'une decision sur l'ensemble du systeme, afin de mettre a jour des consequences qui necessitent parfois une modification de la conception initiale des projets. Chaque chapitre identifie des types de problemes qui sont communs aux projets agro-industriels. Pour aider I'analyste a proceder a l'analyse des projets, les principaux problemes sont resumes, sous la forme d'une liste de questions, au sein de chaque chapitre et l'annexe B rassemble I'ensem- ble de ces listes. Les questions portent sur les informations dont il faut 29. Centre des Nations Unies sur les fumes transnationaies, «Transnational Corpo- rations», pp. 17, 20. Voir egalement Ie chapitre 4 du rapport pour une presentation des politiques que suivent les gouvernements a !'egard des firmes transnationales qui (llU- vrent dans Ie domaine des industries agro-alimentaires. 24 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS disposer pour analyser soigneusement chaque activite. Mais il est rare que l'analyste dispose de toutes les donnees utiles, et il se peut que Ie cO\U de la collecte des donnees ne soit pas justifie par la dimension du projet ou la competence du personnel. Ainsi, une analyse de projet efficace n'exige pas, ou peut ne pas exiger, qu'on reponde a toutes les questions. Les deci- sions relatives aux projets sont toujours prises avec des informations imparfaites. Toutefois, il est essentiel que l'analyste decouvre les informations qu'il serait souhaitable d'obtenir, de telle sorte qu'on se rendra compte des donnees qui manquent et que, dans Ie cas oil on ne pounait y remedier en recueillant de nouvelles donnees, on surmonte la difficulte en formulant explieitement certaines hypotheses. U vaut mieux savoir queUes questions sont restees sans reponse que de ne les avoir jamais posees on peut ainsi mieux peser les risques. eet ouvrage a pour but d'offrir aux analystes des projets agro-indus- triels des recommandations pratiques inspirees de l'experience, et de transmettre des concepts theoriques en les traduisant sous une forme utile aux praticiens, On a insere des exemples de projets agro-industriels reels, mais, en raison de la diversite des caracteristiques de chaque projet, il est impossible de detailler suffisamment un cadre analytique quelconque pour qu'il embrasse la totalite de chaque projet. Parce qu'un cadre n'est, ala limite, qu'un guide, l'analyste doit en adapter les concepts analytiques aux particularites specifiques du projet. Le jugement critique qui est exige des analystes de projet pour qu'ils utilisent Ie cadre d'analyse presente iei leur permettra d'orienter davantage leur demarche vers une decision lorsqu'ils examineront certains projets et, par la-meme, de minimiser les efforts qu'ils consacrent a des aspects marginaux des projets. Parmi les exemples donnes, beaucoup concernent des agro-industries qui fonctionnent deja plutot que des entreprises qui en sont au stade des propositions, 11 est utile aux analystes de projet de connaltre les problemes que les industries deja bien implantees rencontrent. lIs peuvent ainsi anticiper des la conception les difficultes aux- queUes se heurtera Ie fonctionnement du projet qui leur est propose, En raison de leur situation dans Ie systeme alimentaire, les agro- industries influent sur I'etat de la nutrition de la population d'une nation. La malnutrition a ete responsable de bien des souffrances humaines et d'une erosion severe de capital humain dans bien des pays, Bien qu'un systeme viable de denrees alimentaires et de fibres vegetales ait une importance consi- derable dans la resolution des problemes poses par la malnutrition, les analys- tes de projet n'ont pas prete beaucoup d'attention a l'effet des agro- industries sur la nutrition. Par suite, chaque chapitre soulevera les problemes de nutrition qu'il appartient aux analystes de prendre en consideration 3o , 30. Pour une analyse plus detaillee des questions en jeu dans 1a conception de pro- grammes de nutrition, voir James E. Austin, Confronting Urban Malnutrition : The Design of Nutrition Programs, World Bank Staff Occasional Papers, nO 28 (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1980), et James E. Austin et Marian Zeitlin (sous la di- rection de), Nutrition Intervention in Developing Countries: An Overview of Nutrition Programs, U.S. Agency for International Development (USAID) (Cambridge, Mass. : Oelgeschlager, Gunn et Hain, 1980). UNE VUE D'ENSEMBLE 25 Les analystes des agro-industries sont en general des economistes, des agronomes, des ingenieurs specialistes de l'industrie, ou des experts en gestion. La matiere de ce livre est presentee d'une maniere compatible avec ces divers aspects des agro-industries. Le cadre propose est large et peut etre utilise par des experts de diverses specialites. Certaines informations sont susceptibles de paraitre banales a certains, mais nouvelles it d'autres. II appar- Hent a chaque utilisateur d'adapter Ie cadre propose it son champ de competence et aux particularites des projets examines. Une fois encore, cette adaptation enrichira Ie processus d'analyse, consolidera Ie cadre general et renforcera en consequence la viabilite des projets agro-industriels. Une biblio- graphie choisie, portant sur divers sujets lies aux composantes financh~re et economique de l'analyse et aux activites de commercialisation, d'achat et de transformation, est destinee aux lecteurs qui souhaitent obtenir des informations plus detaillees sur les techniques d'analyse et les concepts pre- sentes dans chaque chapitre. Une annexe (annexe A), qui rassemble it titre indicatif les couts de diverses technologies de transformation de denrees ali- mentaires, a Ie meme objet. 2 La commercialisation La viabilite d'un projet agro-industriel exige que les trois activites fondamentales dont se compose Ie projet - les achats, la transformation et la commercialisation reposent toutes sur des bases solides. Bien que cette sequence soit l'ordre operationnel des trois composantes du point de vue de l'environnement externe, la commercialisation est Ie point de depart logique de l'analyse de projet : sans demande suffisante, un projet n'a pas de base economique. ELEMENTS DE BASE Une analyse commerciale etudie la reaction de l'environnement externe au produit d'u.~e firme, en examinant les traits caracteristiques des consom- mateurs et la concurrence. Ces informations aident la firme it concevoir des strategies d'achat et de transformation et a construire un plan global de commercialisation. La figure 2 illustre ce processus. Une condition prealable aussi importante que la demande du marche est la capacite agronomique de faire pousser les matieres premieres sur les- queUes repose l'agro-industrie. A l'evidence, pour qu'un projet reussisse, Ie systeme agro-industriel doit comporter it la fois des debouches et des approvisionnements. Toutefois, la production a ete privilegiee dans Ie passe par l'analyse des projets agricoles et agro-industriels, et,les debouches ont ete consideres comme un probleme secondaire. Pourtant, on ne peut toujours se fier it la loi de Say: l'offre ne cree pas necessairement sa propre demande 1 • Trop souvent, les projets ont echoue faute d'une concordance entre la production et la commercialisation 2 . Comme la verification des possibilites 1. Benjamin Higgins, Economic Development (New-York: W.W. Norton, 1968), p.68. 2. Au Mexique, une petite et moyenne industrie (PM!), geree de fa(fon communau- taire, n'a connu une grandereussite qU'apres avoir passe en revue les besoins des con- sommateurs et elimine plusieurs produits qui n'avaient etlS fabriques que parce qu'on disposait des competences techniques necessaires au niveau de la production. Organi- sation des Nations Unies pour Ie developpement de I'industrie (ONUDI), «Case Study on the People's Collective Industries of Jalisco», dans Industrialization and Rural Development (New-York, 1978), p. 28. Figure 2. Analyse commerciale des agro-industries Environnement interne : Environnement externe : produits finis A Mlyse I Analyse de la commerciale trans/or17ll.ltion Analyse des achats Environnement externe : 17II.lt;eres premieres IV 00 LA COMMERCIALISATION 29 agronomiques de realisation exige beaucoup de temps et de ressources (com- me de la terre, des moyens de production et de la recherche), il est rentable d'identifier d'abord les besoins du marche. En outre, la terre peut nourrir bien des cultures et servir it bien des formes d'elevage. Des informationscommer- ciales peuvent aider l'analyste it choisir entre ces possibiIites. De plus, une analyse commerciale peut mettre it jour Ie besoin d'un produit qu'il est possible d'obtenir au plan agronomique, mais dont la production n'a pas ete envisagee. Par exempIe, les producteurs d'un pays d'Amerique centrale ont entrepris, sur la base d'une etude des besoins des marches d'exporta- tion, de faire pousser du gombo alors qu'on n'en avait jamais produit ni consomme sur place. Comme on l'a indique au chapitre 1, les produits agro-industriels diffe- rent des autres produits par les caracteristiques propres de leurs matieres premieres (leur caractere perissable, leur caract ere saisonnier, leur caractere variable en matiere de quantite et de qualite) et par Ie fait qu'ils sont souvent des biens de premiere necessite. La commercialisation des produits agro-indus- triels sera donc differente de celIe des autres produits industriels. Et Ie fait qu'ils soient des biens de premiere necessite eveillera l'interet politique et attirera des con troles de la part des pouvoirs publics en ce qui concerne leur prix, leur qualite et leur distribution. Les elements de base it prendre en compte dans l'analyse commer- ciale d'un projet agro-industriel sont les suivants : • L 'analyste des consommateurs. L'analyste examine les besoins des consommateurs, la segmentation du marehe, Ie processus d'achat, et les etudes de marche. • L 'analyse de la concurrence. L'analyste examine la structure du mar- che, la base de la concurrence, et les contraintes institutionnelles. • Le plan de commercialisation. L'analyste definit les elements lies it la conception des produits, it la fixation des prix, it la distribution et it la promotion, qui composent la strategie commerciale de la £irme. • La prevision de fa demande. L'analyste examine les techniques et les conditions de la projection des ventes. L'ANALYSE DES CONSOMMATEURS Pour defmir les consommateurs potentiels d'un projet, l'analyste doit identifier les besoins qui seront satisfaits par Ie produit, les segments du marche que Ie produit desservira et les methodes d'achat. Une etude de marche est indispensable pour obtenir ces informations. Si Ie produit agro-industriel est banal, Ie supplement d'analyse des consomma- teurs requis peut etre minime. Mais un produit nouveau exige une analyse minutieuse. 30 L' ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Les besoins des consommateurs L'art de la commercialisation a pour but de definir et de satisfaire les besoins des consommateurs. Une commercialisation socialement responsa- ble ne cree pas de besoins, mais nlpond a des besoins qui existent dans un contexte culturel donne. Les besoins des consommateurs sont Ie fruit d'une interaction complexe entre des motivations d'ordre physioIogique, socioIogique et psychoIogique. Dans Ie cas des aliments transformes, qui constituent Ia grande masse des produits agro-industrieIs, les besoins des consommateurs s'expriment souvent sous Ia forme de preferences pour une saveur, une odeur, une couleur, une texture et l'aspect general. Plus fondamentalement, les besoins sont lies a des exigences nutritives et a la satisfaction de l'appetit. Dans Ie cas des produits tires de fibres vegetales, comme Ie coton, Ie jute ou Ie bois, les consomma- teurs sont des acheteurs industriels (appartenant souvent a une autre agro- industrie), qui s'interessent surtout au prix et a la qualite. Une autre motivation qui influence les achats des consommateurs est Ie statut social. Par exemple, il pousse dans la region du Yucatan, au sud du Mexique, une plante sauvage et fiche en proteines, la chaya. Les anciens mayas Ia mangeaient a cote du mats et des haricots, dans Ie cadre d'un regime nutritif bien equilibre. Au m des ans, la chaya a ete cataloguee comme la nourriture «du pauvre», et on l'a de moins en moins consommee, bien que Ie regime alimentaire de la population manquiit de proteines. Les preferen- ces des consommateurs sont normalement fonction des qualites intrinseques du produit, mais aussi de divers besoins. fis recherchent des commodites d'uti- lisation telles que l'emballage ou la facilite de cuisson. Pour developper un produit adequat et un programme de commercialisation efficace, un analyste devrait examiner les motifs qui conduisent les consommateurs a acheter un produit. La segmentation du marche Pour faire correspondre un produit aux besoins des consommateurs, il est indispensable de diviser ces derniers en groupes, ou en segments du marche. Les variables qui permettent de classer les consommateurs et de definir les segments sont nombreuses. Un exemple est la localisation geo- graphique. Dans un grand pays comme l'Inde, les differences de langue et de culture sont considerables entre les Btats, et une agro-industrie desireuse de commercialiser ses produits dans I'ensemble de la nation devrait ajuster ses moyens de communication et ses produits pour tenir compte de ces diffe- rences 3 • La situation geographique indique souvent des differences ethm- 3. Les PMI installees dans des zones ruraIes devraient d'abord evaIuer les besoins locaux et determiner si Ie marche rural peut suffire, sans qu'on doive creer des liens avec les marches urbains. La satisfaction de besoins locaux pourrait augmenter les effets des agro-industries sur Ie developpement regionaI. LA COMMERCIALISATION 31 ques ou des differences de goUt regionales : les consommateurs du nord de la Thallande preferent un riz glutineux, alors que les consommateurs des regions du centre et du sud preferent des varietes non glutineuses. L'age et Ie sexe des consommateurs sont deux autres variables habituelles de la segmentation. Entre autres exemples, citons les aliments de sevrage pour bebes ou les aliments riches en proteines et en calories destines aux femmes qui sont enceintes ou qUi allaitent. Une autre variable de differenciation est Ie niveau de revenu, car la demande effective et les preferences alimen- taires changent quand Ie revenu augmente. Cette variable influe manifeste- ment sur la fIxation du prix du produit et peut aisement influer sur d'autres caracteristiques. Les donnees d'une etude de marche relative it la possibllite de commercialiser, dans un pays d'Amerique centrale, des gateaux secs et des crackers contenant des elements nutritifs renforces sont presentees dans Ie tableau 2-1. Ces donnees sont stratifIees d'apres Ie niveau de revenu et indiquent la taille du paquet Ie plus frequemment achete. Le tableau montre une difference entre les consommateurs it revenu eleve et les con somma- teurs it revenu faible : les derniers preferent des paquets plus petits, sans doute parce qu'ils ont des disponibilites modestes et des revenus reduits. Pour desservir I'important segment du marche constitue par les consommateurs a faible revenu, il faudrait ajuster la taille du paquet conformement a cette analyse fondee sur la variable du niveau de revenu. Une autre diffe- renciation du marche est celIe qui oppose les consommateurs du marche interieur aux consommateurs des marches d'exportation ces derniers demandent souvent un produit de meilleure qualite que les premiers. Si les segments du marche peuvent etre determines par des caracte- ristiques socio-economiques ou demographiques, ils peuvent egale- ment etre defInis par les besoins. On peut, par exempIe, considerer des produits comme des biens de premiere necessite, des biens de prestige, ou des biens d'agrement. Cette defInition influera sur la ftxation de leur prix, leur promotion et leur distribution. Une dernhhe methode de segmentation repose sur les categories d'utilisateurs. On peut notamment distinguer les indus- triels (les boulangeries, par exemple), les institutions (les restaurants, par exemple), Ies commerces de gros ou de detail, ou les consommateurs fInals. La segmentation du marche sert a identifIer les consommateurs pot en- tiels. II est en effet impossible d'asseoir une strategie commerciale adaptee tant que Ie marche n'a pas ete defIni. On peut classer Ies groupes de consom- mateurs en sOllS-segments d'apres diverses caracteristiques descriptives, comme sur Ia fIgure 3, ou les organiser selon une structure matricielle, comme sur Ia fIgure 4. Comme Ia segmentation du marche restreint les options offer- tes au projet agro-industriel, l'analyste devrait choisir un segment fonde sur 1'etat de la concurrence et sur les forces et les faibiesses de Ia firme. Des que l'analyste a choisi un segment, il peut se servir des caracteristiques des consommateurs pour elaborer Ie plan de commercialisation. 32 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRlELS Tableau 2·1. Les preferences de forme et de taille pour les paquets de gateaux secs et de crackers au Guatemala (En pourcentage des acheteurs interroges) Forme et taille Revenu de I 'acheteur du paquet Faible lntermediaire Eleve Boite metallique Petite 5 9 5 Moyenne 12 27 20 Grande 15 25 36 Total des preferences 32 61 61 Bofte en carton Petite 7 8 4 Moyenne 6 6 4 Grande 9 8 13 Total des preferences 22 22 21 Autres petits empaquetages Total des preferences 34 10 14 Pas de pre/lfrence Total des preferences 12 7 4 Source: MARPLAN (Guatemala City, 1972). Figure 3. Illustration d'un processus de sous-segmentation Geographie L Origine ethnique Lsexe LAge LRevenu Figure 4. Illustration de matrices de segmentation Revenu et sexe Revenu A B C D M F M F M F M F A B C D oj.., I .§- Sud l': 20-29 -E M .., o.l l': I ''"""" 30-39 :§> Ouest "' ()(l - Ie segment du marche qui n'est guere sensible au prix. Cette methode est souvent utilisable dans les premiers temps du CVP,lorsque la differenciation est forte et la concurrence faible, ou lorsque les droits de douane sont eleves ou les importations interdites. PRIX DIRECTEUR. Un prix directeur est tel que Ie prix qui prevaut sur Ie marche a ete fixe par une firme et que les autres firmes n'ont pu que l'adopter. Une coordination entre vendeurs s'organise souvent sans que se constitue pour autant un cartel officiel, dans Ie cas d'oligopoles qui commercialisent des produits qui ne se diffthencient pas les uns des autres. Lorsque cela se produit, on risque fort de voir les parts de marches se modifier si on change Ie prix. La collusion tacite que suppose un prix direc- teur est souvent controlee par les pouvoirs pUblics. LES PRIX ADMINISTRES. Les prix adminlstres se rencontrent dans les secteurs rt!glementes ou les secteurs cartellises. La reussite des efforts realises par l'Organisation des pays exportateurs de petrole (OPEP) pour augmen- ter les prix du petIOle a suscite deS tentatives de constitution de cartels agro- industriels pour des produits tels que la banane et Ie sucre. Ces tentatives ont echoue en raison du grand nombre de producteurs, du caractere moins vital des produits, et de l'existence de produits de remplacement. LES PRIX CONTROLES OU ASSORTIS DE SUBVENTIONS. Comme beaucoup de produits alimentaires sont des biens de premiere necessite, les pouvoirs publics instaurent souvent des controles des prix, eliminant ainsi l'influence des chefs d'entreprise sur la variable que represente Ie prix. Quand la marchandise est egalement exportee, il se peut qu'il existe deux prix, Ie prix international depassant Ie prix interieur. Cela peut conduire la firme it orienter la production vers Ie marche international, et Ie gouvernement it imposer un systeme de contingents interieurs. Par exemple, dans un pays d'Amerique laHne qui avait institue des controles de prix et des contingents, les producteurs de sucre se sont opposes au renforcement du sucre par de la vitamine A parce que Ie gouvernement aurait alors procede it une inspection plus etroite des flux de production. Les pouvoirs publics peuvent encore mettre sur pied des magasins qui vendent aux consommateurs it faible revenu, it des prix assortis de subventions, des rations de biens de premiere necessite. Les magasins alimentaires du Pakistan, les «magasins a juste prix)} de l'Inde, les programmes de bons alimentaires de la Colombie et du Mexique, sont des exemples d'intervention des pouvoirs publics dans ce domaine. LES PRIX DE MARCHE. Ce sont les forces de I'offre et de la demande sur Ie marche qui determinent les prix de la plupart des produits agro-indus- triels. Comme on pouvait s'y attendre, la plupart des pays en developpe. LA COMMERCIALISATION 49 ment n'ont pas de pouvoir sur Ies prix, et ce sont les principaux pays export a- teurs qui les fLXent. C'est ainsi que Ie prix du riz it, Bangkok - ou Ie prix du bIe ou du mats it, la Chambre de commerce de Chicago sert de reference it, 1'industrie. Mais Ies prix sont divers : ils refietent les differentes qualites, les differents points d'expedition et les differentes destinations des produits agro-industriels. Afin de reduire en partie I'incertitude due au caractere variable des prix de marche, certaines firmes ont passe des contrats a prix fixes ou it, des prix lies aux marches a terme 9 . La strategie de fixation des prix d'une firme devrait ~tre suffisamment flexible pour qu'elle puisse s'adapter a I'evolution de la situation du marche. Une reaction possible pour la firme consiste it commencer par ecremer Ie marche, puis a reduire progressivement Ie prix pour d6velopper ses ventes, realiser des economies d'echelle et attendre de pied ferme la concurrence de nouvelles firmes. La promotion Presque tous les produits font I'objet d'une forme ou une autre de promotion, ne serait-ce que parce qu'on donne aux consommateurs des informations sur Ie produit (sur son prix, sa qualite, etc.), qui sont utiles dans la decision d'achat. Meme un produit de qualite superieure ne se vendra pas aussi bien que c'est possible, si les consommateurs n'ont pas conscience de ses avantages. Les besoins de promotion sont moins forts pour les biens de premiere necessite et les biens qui font l'objet d'un commerce interna- tional que pour les autres biens, mais Us existent. Les principales taches qu'exige la definition d'une strategie de promotion consistent it decider queUes personnes atteindre, que dire et comment Ie dire. LE PUBLIC. L'analyse des consommateurs indique Ie CD qui est la cible de la promotion faite par la firme et precise les differences entre les membres du CD (parents et enfants, differences de sexe et d'age par exemple). Mais comme les consommateurs finals ne sont pas toujours les responsables des decisions, les firmes doivent souvent concevoir leur promotion en ayant en vue it la fois les acheteurs et les consommateurs finals. La promotion qui s'adresse aux consommateurs finals est un element essentiel d'une stragegie «attractive», destinee it stimuler la demande des consommateurs, afin que les utilisateurs finals exigent des detaillants qu'ils offrent Ie produit. Elle suscitera ainsi une demande induite, qui fera passer Ie produit du producteur aux consommateurs par Ie canal des distributeurs. La promotion peut egalement s'adresser aux commerces de gros et de detail 9. Une des principales fumes commerciales japonaises a utilise notamment cette procedure dans des contrats portant sur Ie mars et passes avec la Thailande. Voir «c. Itoh and Co., Ltd.), Case Study 4·576-041 (Boston: Harvard University, Graduate School of Business Administration, septembre 1975). 50 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS dans Ie cadre d'une strategie «incitative», par laquelle la firme cherche a convaincre les distributeurs des avantages du produit, pour les pousser a Ie vendre aux consommateurs. II faudrait concevoir la strategie de promotion de falt0n a ce qu'elle n'ait pas de consequences fiicheuses pour les groupes a faible revenu. Certains chercheurs ont affirme qu'une publicite orientee vers les consommateurs mar- ginaux est a l'origine d'une incitation negative a epargner et d'une diversion de ressources rares, qui sont detournees des investissements productifs neces- saires au profit de biens de consommation 1o . L'influence de la promotion reaiisee par une firme sur Ie developpement economique d'un pays depend de certains facteurs, qui ont ete mis en evidence par Nielsen : la richesse des personnes touchees par la promotion, Ie degre de differenciation com· merciaie des produits, l'arnpleur relative des demandes primaire et secondaire, Ie caractere plus ou moins luxueux des biens l1 • La production des produits alimentaires devrait aussi etre conltue de falt0n a eviter des consequences dommageables au niveau de la nutrition. L'analyste devrait evaluer les effets d'une consommation accrue du produit sur la qualite de la nutrition des groupes a faible revenu. Si Ie produit peut en eliminer d'autres, I'analyste devrait estimer la perte relative en proteines ou en calories subie par Ie consommateur, au cas ou la ration absorbee vien- drait a diminuer. Le laU en poudre pour bebe, qui a remplace dans certains pays en developpement l'allaitement naturel (bien que Ie lait maternel ait plus de valeur nutritive, soit plus sain et moins cher) , temoigne des effets nefastes que de nouveaux produits peuvent avoir sur la nutrition 12 • La publicite par les media, et autres techniques de vente, font partie des facteurs qui, en faisant appel a la recherche de la commodite et du prestige, ont arnene beau- coup de femmes aux revenus modestes a considerer que Ie biberon etait preferable pour nourrir les bebes. Le prix eleve du produit par rapport it la faiblesse du revenu a conduit certains de ces consommateurs it diluer Ie lait pour Ie faire durer plus longtemps, et cette pratique a fortement restreint sa valeur nutritive. En outre, en raison du bas niveau educatif, du manque d'eau potable, d'installations hygieniques de cuisson et de combustibles dans les communautes pauvres, Ie lait en poudre a parfois e1e melange avec de l'eau non potable. Les contraintes imposees par I'environnement font qu'un mauvais usage du produit est fort probable. Les consequences ont ete fatales it certains bebes. Les firmes devraient eviter d'encourager une demande excessive par la promotion quand un produit est malsain pour les consomma- 10. Pour des lectures complementaires choisies sur cette question, voir la deuxie- me section de la bibliographie. 11. Richard P. Nielsen, «Marketing and Development in LDC's», Columbia Journal of World Business. vol. 9, nO 4 (hiver 1974), pp. 46·49. 12. Alan Berg, The Nutrition Factor (Washington, D.C. : The Brookings Institu- tion, 1973), pp. 89-106. L'auteur estime que la perte de valeur economique due !a a reduction de !'allaitement nature! dans les pays en deve!oppement se chiffre par centai- nes de millions de dollars. LA COMMERCIALISATION 51 teurs du point de vue de la nutrition, ou quand la probabilite d'un mauvais usage du produit est forte. LE MESSAGE. Le message promotionnel devrait etre tire d'une evalua- tion des besoins des consommateurs en matiere d'information et de l'analyse de la concurrence. Comme les besoins d'information des consommateurs sont variables, les objectifs de la promotion peuvent etre nombreux. II s'agit de fournir des informations factuelles sur Ie produit, de susciter une prise de conscience de I'existence du produit, de creer une image du produit, d'inciter a un achat immediat et de renforcer l'image du produit aprtls l'achat. Certaines formes de promotion cherchent seulement a encourager la demande primaire d'une categorie de produits, notamment lorsque Ie pro- duit est nouveau ou lorsque les concurrents font peu de publicite. La marque est utilisee pour encourager une demande selective en faveur du produit d'une flrme precise. Elle est plus efficace lorsqu'il est possible de donner au produit un aspect physique different de celui des produits concurrents. II est souvent difficile aux agro-industries de differencier leurs produits, surtout lorsque la transformation est minime. Toutefois, des agro-industries sont parvenues a differencier leur produit grace a l'instauration de pro- grammes rigoureux de controle de la qualite. Les arachides lybiennes ont eu, a une certaine epoque, des prix qui depassaient de 2S % Ie prix directeur du march€! mondial, parce que de telles methodes de controle avaient ete insti- tuees. Les bananes et Ie cafe de Colombie ont acquis de meme une bonne image de marque. Mais I'image de marque fait peser une grande respon- sabilite sur Ie service de controle de la qualite aux stades des achats et de la transformation, parce qu'une qualite mediocre peut gravement porter atteinte a l'image d'un produit de marque et a ses ventes futures. Enfln, les messages promotionnels devraient correspondre a la capacite des personnes touchees de comprendre et de suivre les instructions d'utilisation. LE SUPPORT. Les messages promotionnels peuvent etre communi- ques par des methodes directes ou indirectes. Les methodes directes sont l'entretien en face a face, ou la vente par telephone, par l'intermediaire du personnel de vente. Ces methodes sont en general plus couteuses et ont moins d'ampleur et d'audience que les methQdes indirectes, mais elles ont plus d'effet sur Ie comportement des consommateurs l3 . Les supports indirects de promotion comprennent la television, la radio, Ie cinema, les quotidiens, les .revues, les panneaux d'afflchage, les afflches et les prospectus. Leurs traits distinctifs refietent des differences dans les caracteristiques des personnes visees. Par exemple, si Ie public vise 13. Les liaisons telephoniques peuvent atteindre beau coup de monde et avec une frequence elevee, meme quand on les compare Ii. certaines methodes de masse, comme les envois par la poste ou la publicite dans les revues. Mais, dans qe Rombreux pays en developpement, peu de personnes possedent un telephone' et les services sont souvent defectueux. Les possibilites d'utiliser cette methode s'en trouvent diminuees. 52 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS est peu alphabetise, une firme choisira plutot des supports oraux que des supports ecrits. De meme, des segments de la population relativement pau· vres devraient etre atteints par l'intermediaire de postes radio a transistor plutot que par Ie canal d'une publicite televisee. Les mass media peuvent atteindre un public large a des intervalles frequents. Les methodes directes et indirectes de promotion ne s'exduent pas mutuellement. S'il est interessant au niveau des coiits d'utiliser les deux types de techniques, elles peuvent se renforcer mutuellement. En general, si Ie produit est nouveau, complexe, cher, et difficilement differenciable, Ie pro- cessus d'achat des consommateurs est complique et hasardeux : la vente directe personnalisee est alors plus efficace. Les deux types de techniques sont conciliables avec une strategie «attractive» ou une strategie «incitative» . La distribution La distribution occupe une place importante dans Ie plan d'ensemble de commercialisation, parce qu'elle relie Ie fabricant au marche. II faut exarnin<:r la structure et les fonctions du systeme de distribution afin de peser les options offertes dans Ie domaine de I'integration et des points de vente. LA STRUCTURE. On peut decrire la structure du systeme de distribu- tion par la longueur de ses circuits - c'est-a-dire Ie nombre d'intermediai- res entre I'industriel et Ie consommateur. On peut aussi la decrire par l'exten- sion du systeme - c'est·a-dire Ie nombre de grossistes et de detai1lants a chaque niveau. On peut enfin la decrire par la nature des institutions qui font fonctionner Ie systeme. Au niveau du commerce de gros, les grossistes qui achetent et revendent les produits peuvent faire porter leurs operations sur toute la gamme des produits, une gamme limitee, ou des produits specialises. Les agents de distribution ou les courtiers peuvent egalement intervenir comme grossistes, mais plutot comme representants commissionnes de I'industriel que COmme acheteurs de la marchandise. Les offices publics de commercialisation peuvent aussi agir comme grossistes, notamment dans Ie cas de produits it l'exportation importants. On peut dasser les detaillants d'apres Ie type de produits offerts : les magasins de produits courants s'opposent aux magasins de produits de luxe et aux magasins specialises. LES FONCTIONS. Les fonctions qui doivent etre remplies pour qu'un produit passe du fabricant aux consommateurs sont nombreuses. Elles comprennent les operations logistiques (Ie transport, la confection des assorti· ments, Ie reemballage, Ie stockage et la gestion des stocks), Ie financement, la promotion et la collecte d'informations. Ces fonctions et services interme- diaires doiventetre assures aussi bien dans un systeme de libre marche que dans une economie it planification centrale. Les PMI peuvent parvenir it reali- ser des economies considerables si elles organisent des associations commer- LA COMMERCIALISATION 53 ciales qui remplissent ces fonctions pour leur compte a toutes. La commercia- lisation des exportations suppose quelques fonctions et acteurs supplemen- taires l4 • LES POSSIBILITEs D'INTEGRATION. Un fabricant doit decider s'il utilisera les services de distribution d'organismes existants ou s'il assurera lui- meme la distribution. Pour developper ses propres services de distribution, une firme doit proceder a une integration vers l'aval. Elle doit auparavant se livrer a une analyse cout-avantage des operations presentes et prevues et a une evaluation des capacites de stockage et de vente, et de la fiabilite des servi- ces du distributeur. Le transport est un facteur essentiellorsque Ie produit est perissable. Par exemple, un exportateur centramericain de legumes frais disposait d'un reseau de transport de rarnassage par carnion entre l'exploitation agricole et l'usine d'emballage, par carnion refrigere de l'usine au port, par ferry de port a port, par carnion du port au distributeur, par carnion et train du distributeur au detaillant. Quand les reseaux sont aussi complexes, il est souvent difficile d'obtenir les vehicules, les services de transport et la logistique de gestion necessaires. Dans les premiers temps de la vie d'un projet, ces carences peuvent constituer des goulets d'etranglement serieux et couteux. Lors des premieres tentatives d'exportation de l'Amerique centrale vers Ie marche des Etats-Unis, les services de transport n'etaient pas coordonnes et ont repre- sente, a certains moments, Ie tiers des couts totaux (VOir Ie tableau 2-2). En Turquie, on a developpe un systeme de ferry pour court-circuiter la route terrestre vers l'Europe parce que la lenteur des transports terrestres avait empeche d'exporter des produits frais. Beaucoup de gouvernements ont modernise les installations de gros pour des produits frais tels que les fruits, les legumes, les cereales et la viande. Cet investissement peut etre tres interessant, parce qu'il diminue Ie gaspillage, preserve la qualite du produit (y compris ses elements nutritifs), raccourcit Ie circuit de distribution, augmente l'efficacit6 du transport et de la manutention. Mais la reussite de ces equipements modernes depend de I'adhesion des acheteurs et des vendeurs. Dans une nation asiatique, un nouveau marche de gros rencontra des difficultes lorsqu'iI voulut arnener les grossistes a utiliser ses installations. En effet, il etait situe a la peripherie de la ville et si les producteurs et les industriels, fournisseurs des grossistes, pouvaient s'y rendre facilement, il etait difficile d'acces pour les detaillants, clients des grossistes. En outre, il etait interdit de dormir la nuit dans les nouvelles installations, et cette interdiction heurtait les coutumes sociales. Une autre raison d'analyser la structure et les fonctions du systeme de distribution provient du besoin de situer les forces qui contrOlent Ie marche. La concentration des structures pennet souvent de localiser Ie pouvoir : est-on en presence de quelques industriels qui approvisionnent beaucoup de distri- 14. Pour des references sur Ie sujet, voir la rubrique «La commercialisation des exportations» dans la deuxieme section de la 1;>ibliographie. 54 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDVSTRIELS Tableau 2-2. Structure des couts de divers produits exportes par les Etats d'Amerique centrale, 1971·1972 (En dollars des Etats-Unis par colis exporte) Produits exportes Melons Concombres (Guatemala) Salvador Honduras Cout Pour- Cout Pour- Cout Pour- II l'ex- centage II ['ex- centage II {'ex- centage porta- du porta- du porta- du Rubrique de cout tion total tion total tion total Production 1,29 16,6 1,96 31,8 3,52 41,3 Emballage 1,41 18,1 1,20 19,5 1,10 12,9 Transport 1,67 21,S 1,96 31,8 2,87 33,6 Droits de douane 1,42 18,3 0,45 7,3 0,55 6,5 Manutention et reembal· lage 1,18 15,1 n.d. n.d. 0,25 2,9 Commissions 0,81 10,4 0,59 9,6 0,24 2,8 Total 7,78 100,0 6,16 100,0 8,53 100,0 n.d. : non disponible. Source: James E. Austin, enquete directe ; cite dans Ray A. Goldberg, Agribusiness Management for Developing Countries - Latin America (Cambridge, Mass. : Ballinger Publishing Co., 1974), p. 180. buteurs ou d'un grand nombre d'industriels qui approvisionnent quelques distributeurs (comme une chaine importante de supermarches) '? Quand la structure est concentree, Ie pouvoir reside dans les mains de quel- ques·uns, parce que beaucoup d'organismes dependent d'eux. Le pouvoir peut aussi provenir de la maitrise d'une fonction essentielle, comme Ie stocka- ge ou Ie transport. Si Ie pouvoir est tres concentre dans Ie systeme de distri· bution et si cela presente un risque eleve pour l'industriel, ce dernier devrait envisager une integration vers l'aval. Mais plus Ie controle sur les operations situees en aval s'etend, plus les besoins en capital et en ressources de gestion augmentent. En outre, it se peut que la nature relativement fixe des investis- sements dans Ie secteur de la distribution amoindrisse la flexibilite de la fume et sa capacite de reagir face a de nouveaux besoins dans ce domaine, lorsque Ie marche change. L'integration peut etre impossible lorsque Ie gouvernement a cree un bureau de commercialisation dote du monopole du commerce de gros. Les bureaux de commercialisation assument plusieurs fonctions, comme la fourniture d'assistance technique, la promotion de produits ou de plans, Ie LA COMMERCIALISATION 55 contrOle de la qualite, la stabilisation des prix et la fourniture d'infrastruc- tures l5 • L'integration verticale vers l'aval est difficile pour une autre raison, qui tient a la force des relations entre les distributeurs et les dHaillants. On peut prendre pour exemple la minoterie d'Asie du Sud qui a ete decrite ala section precedente (sous Ie sous-titre «Les contraintes institutionneIles»). EIle avait neglige son reseau de commercialisation quand elle etait protegee par des droits de douane a. l'importation. Le jour oilles droits furent suppri- mes, eUe ne disposait pas de force de vente et dependait integralement de grossistes qui preferaient les marques importees. L'usine envisagea d'organi- ser une force de vente et une vente directe aupres des boulangeries, mais les boulangeries resisterent parce qu'elles voulaient rester fideles aux distribu- teurs. Les grossistes avaient consenti des credits aux boulangers (souvent pour la satisfaction de besoins personnels), avaient noue des relations d'amitie du- rable, et avaient meme parfois etabli des liens familiaux. Ces pressions socia- les faisaient obstacle a. une integration verticale vers l'aval. LE CHOIX DES POINTS DE VENTE. Si l'analyste decide d'utiliser les circuits de distribution existants, il doit choisir les grossistes et les detail- lants. Comme on l'a indique, on peut choisir les grossistes en fonction du cout, de la qualite, de la fiabilite, et de leur puissance. Mais il faut que les points de vente au detail correspondent au produit, au segment du marcM, et au processus d'achat des consommateurs prevu. Cette decision est inevi- table, meme si les industriels procedent it une integration verticale du com- merce de gros. Le choix des detaillants peut correspondre it une strategie intensive, a. une strategie selective, ou ill une strategie d'exclusivite, dont l'impor- tance differe. La strategie intensive maximise la couverture geographi- que des zones habitees par les consommateurs. EIle est adapt6e a des produits bon marche, indiff,hencies et de grande consommation, comme Ie sucre. Comme les consommateurs ne feront pas de longs detours pour se procurer ces produits, I'intensite de la couverture est fondamentale au stade du commerce de detail. La strategie selective retient quelques magasins bien choisis. Elle est adaptee it des produits chers et differencies que les acheteurs rechercheront de maniere selective et qui peuvent etre vendus par un processus de vente directe, comme les vetements. Dans Ie cas d'une distribution exclusive, un point de vente a l'exc1usivite de la commercialisa- tion du produit dans une zone concurrentielle. Cette strategie est adaptee aux produits specialises, qu'i! s'agisse d'articles tres complexes et couteux ou d'articles de luxe, de consommation peu courante, comme Ie caviar. 15. Pour plus de details sur les fonctions et Ie fonctionnement des bureaux de commercialisation, voir John Abbott et H.C. Creupelandt, AgriculturalMarketing Boards: Their Establishment and Operation, Organisation des Nations Unies pour l'agricul- ture et I'alimentation [FAO], Marketing Guide nO 5 (Rome 1966), et Edith Whctham, Agricultural Marketing in Africa (New-York : Oxford University Press, 1972). 56 L' ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Dans tous les cas, l'analyste doit examiner Ie systeme de distribution propose, afin de s'assurer qu'il correspond a la nature du produit. L 'integration des elements dans Ie plan II faudrait elaborer les elements du plan de commercialisation de telle maniere qu'ils soient coherents et qu'its se renforcent mutuellement. II ne serait, par exemple, pas coherent d'avoir un systeme de distribution tres eten- du a cote d'une strategie de fixation des prix fondee sur l'ecremage, ou d'avoir un systeme de distribution exclusive a cote d'un programme de pro- motion tres large, faisant appel aux mass media. Le plan de commercialisation d'un produit particulier doit egalement tenir compte de toute la gamme de produits de la firme, de telle sorte que les ventes ne se fassent pas au detriment de celles d'un autre produit de la firme. Si c'est Ie cas, cette {(cannibalisation» peut faire qu'un produit particulier apparaisse tres rentable alors que Ie profit d'ensemble de la firme n'augmen- te guere. On peut parfois ajuster Ie plan de commercialisation de telle sorte que les clients restent fideles a la firme et passent d'un produit it un autre, plus cher et plus elabore, par exemple de boites de petits pois it des legumes varies surgeIes. La demarche commerciale doH egalement s'inserer dans Ie systeme financier, I'organisation, Ie systeme de production et Ie syste- me des achats de la firme. Le plan de commercialisation represente l'integration des elements com- merciaux en un ensemble coherent compatible avec la gamme de produits de la firme et avec les autres aspects de la ge stion I 6 • Fonde sur les objectifs commerciaux de la firme, il devrait constituer un guide pour I'insertion du projet dans Ie marche, tel que ce dernier se prt!sente au niveau de la concurrence. Les reactions de la concurrence au plan de commercialisation varieront en fonction du positionnement du produit sur Ie marche. Il n'y aura, par exemple, que peu de reaction si Ie produit fait l'objet d'un brevet, s'i1 n'acca- pare qu'une faible part du marche, s'il n'est pas comparable it des produits concurrents, s'il n'offre qu'une rentabilite modeste ou si les concurrents n'ont guere de puissance financiere. Meme les PMI devraient elaborer des plans de commercialisation. Meme si ceux-ci restent relativement simples it cause du petit nombre de produits et de la faible dimension de l'entreprise, i1s seraient un moyen de verifier qu 'on a accorde toute l'attention qui s'impose aux activites de com- mercialisation necessaires. Tres frequemment, ce sont en effet des problemes de commercialisation qui entrainent la stagnation ou I'tkhec des PMI. 16. Voir Philip Kotler, Marketing Decision Making: A Model-building Approach (New-York: Holt, Rinehart & Winston, 1971) et Marketing Management: Analysis. Planning and Control, troisieme edition (Englewood Cliffs, N.J. : Prentice-Hall, 1976). LA COMMERCIALISATION 57 Les points marquants pour l'analyse de projet Le plan de commercialisation devrait faire partie integrante des propositions relatives a tout projet. En l'etudiant, un analyste de projet devrait se poser les questions suivantes : La conception du produit est-elle satisfaisante ? • QueUes sont les caracteristiques souhaitees par les con somma- teurs? e Combien coutent les ameliorations de la qualite ? • A-t-on teste la conception du produit et un prototype? • Quels ont ete les resultats du test et a-t-on ajuste en consequence la conception du produit ? • La conception du produit correspond-elle aux besoins des consom- mateurs? • Quelle est la capacite des PMI a concevoir un produit ? La strategie de fixation des prix adoptee est-elle correcte ? • Peut-on fixer Ie prix en ajoutant une marque aux couts? • Les prix sont-ils reglementes ? assortis de subventions? • EXiste-t-il une base pour fixer Ie taux de marge? • Quels sont les effets d'un prix de penetration sur les obstacles a l'entree sur Ie marche, sur la dimension de celui·<;j et sur la part de marche? • Une politique de prix d'attaque ou de prix de defense est-elle accep- table d'un point de vue juridique et d'un point de vue moral? • Quels sont les effets sur les quantites d'une politique de prix a d'appel perte ? • Une politique d'ecremage est-elle realisable? • Qui a Ie pouvoir de fixer Ie prix directeur dans Ie secteur ? • Quels sont les effets d'une politique qui suivrait Ie prix directeur du marche et ceux d'une politique qui s'en ecarterait ? • Existe-t-il une base pour des prix administres ? • Peut-on envisager un mecanisme de fixation des prix reposant sur des marches a terme ou des contrats a long terme ? • A quels changements de strategie doit-on s'attendre avec Ie temps? La strategie de promotion retenue est-elle la bonne? • A-t-on identifie les personnes a toucher? • Les besoins d'information des consommateurs ont-ils ete specifies? • QueUes informations fournissent les concurrents? • Quel est l'objet du message? • Quelle influence exerce une image de marque? • Les procedures de controle de la qualite sont-elles suffisamment rigoureuses? • La presentation du message correspond-elle aux capacites de reception du public? 58 L' ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS • QueUes sont les risques d'une mauvaise interpretation ou d'une mau- vaise utilisation? • Quelle fraction du public vise est atteinte ? • A queUe frequence est-elle atteinte ? • Combien coute Ie support promotionnel retenu ? • QueUe est l'efficacite par rapport au cout d'une combinaison de techniques directes et indirectes de promotion? Le systeme de distribution assurera-t-il une liaison efficace entre l'industriel et Ie marchti ? • Quelle est la longueur des circuits de distribution? • Combien de distribu teurs existent a chaque niveau ? • QueUes categories de grossistes et detaillants ope rent ? • QueUes fonctions logistiques assurent les distributeurs ? • Quels services rendent-ils ? • Les petites et moyennes industries (PMI) peuvent-elles faire des economies en conjuguant leurs efforts de commercialisation ? • Quels sont les cou ts, la qualite et la fiabilite des installations et des services existants ? • QueUes sont les capacites de gestion des distributeurs ? Ceux-ci sont-ils orientes vers les consommateurs ? • Qui dtHient Ie pouvoir, et sur queUes bases, a l'interieur du circuit de distribution? • Quels sont les effets de la repartition du pouvoir sur la viabilite du projet? • QueUes sont les consequences, en termes de prise de contr6le, en termes economiques et en termes de gestion, d'une integration verti- cale vers l'aval ? • Quels obstacles sociaux, politiques ou juridiques s'opposent a une integration vers I'aval ? • La strategie retenue au niveau du commerce de detail est-elle intensi· ve, selective ou fondee sur l'exclusivite ? • La couverture des pOints de vente est-elle coherente avec Ie segment du marche vise et Ie processus d'achat ? Les elements de fa politique commerciale sont-Us inregres dans un plan de commercialisation viable? • Les elements de la politique commerciale sont-Us coherents les uns avec les autres ? • Quels effets exercent-ils sur les autres produits de la gamme fabri- quee par la firme ? • Sont-Us coherents avec I'organisation et les operations financieres, les operations de production et d'achat de la firme ? • QueUe est la probabilite d'une reaction de la concurrence? • Faut-il ajuster la strategie commerciale ? LA COMMERCIA LISA nON 59 LA PREVISION DE LA DEMANDE On a besoin de previsions de la demande pour evaluer les consequences economiques du plan de commercialisation et pour estimer la rentabilite du projet, les besoins fmanciers et les matieres premieres necessaires, la capaciM de l'usine. Bien que les projections definitives de la demande depen- dent du plan de commercialisation finalement retenu, parce que celui-ci fixe les parametres de segmentation du marche, il faut developper simultanement les previsions de la demande et les plans de commercialisation. On devrait, par exemple, estimer tres t6t la dimension du marche a laquelle on peut s'atten- dre, et la comparer d'une part a la dimension de I'usine en dessous de laquelle les conditions de rentabilite economique interdisent de descendre, d'autre part aux matieres premieres disponibles. Si la demande exprimee sur Ie marche ne pouvait soutenir une production de cette echelle ou excedait les possibilires d'approvisionnement en matieres premieres, I'etude devrait s'arre- ter la. De meme, la firme trouverait un interet a selectionner les elements de la politique commerciale en projetant les effets de chacun d'eux pour divers volumes des ventes. Toute prevision suppose la collecte et I'analyse de donnees passees afin de comprendre Ie comportement fu tur du marche et diminuer !'incertitude lors de la prise de decision. L'analyste devrait examiner soigneusement les donnees et les techniques de prevision. Nous allons proceder main tenant it une presentation des donnees necessaires et des methodes de prevision. Elles peuvent etre donnees en trois grandes categories : les estimations fondees sur des appreciations, les analyses chronologiques, les modeles causals. Les considerations relatives aux donnees Avant de passer au traitement des donnees necessaires a la prevision, l'analyste devrait etudier de quels types de donnees il a besoin, en conside- rant leurs sources, leur fiabilite et les hypotheses sur lesqueUes eUes reposent. LES TYPES DE DONNEES. On devrait faire des previsions en termes de quantites physiques et de valeurs monetaires. Les unites de mesure devraient etre normalisees pour que les comparaisons deviennent plus faciles. Mais il ne faudrait pas melanger les donnees portant sur les prix de gros, les prix au detail, et les prix internationaux (Iibre a bord [f.o.b.], ou cout-assurance- fret [c.aJ. D. Les differences entre les niveaux de ces prix sont representees par des marges commerciales. Les prix les plus interessants pour prevoir la demande de produits agro-industriels sont les prix it la production. Les analystes doivent aussi determiner la periode que les donnees devraient couvrir. Cette decision depend d'habitude de la representativite des donnees des annees anterieures par rapport it la periode it venir, et des annees pour lesqueUes on a utilise des methodes coherentes de collecte des donnees. 60 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Les donnees sont particulierement interessantes lorsqu'elles se presen- tent sous une forme desagregee et lorsqu 'elles correspondent aux categories de produits et aux caracteristiques de segmentation du marche. Ces donnees desagregees ne sont en general pas publiees, et il arrive que les analystes doi- vent les calculer eux-memes. LES SOURCES DE DONNEES. Les donnees relatives aux ventes sur Ie marche peuvent etre tirees de sources primaires ou secondaires. Les sources primaires comprennent les comptes rendus d'associations commerciales, les rapports de recherche d'organismes educatifs et d'institutions internationales, les analyses de firmes. La collecte de donnees provenant de sources primaires met en reuvre des techniques d'etudes de marche, qui ont deja ete presentees dans la section «L'analyse des consommateurs» de ce chapitre. Les sources secondaires comprennent des documents publics (com- me les statistiques douanieres, les donnees de la comptabilite nationale, les etudes sectorielles, les enquetes sur les budgets familiaux, les donnees des recensements) et des etudes originaires du secteur prive. LA FIABILITE DES DONNEES. Les analystes devraient verifier la quali- te des donnees afin de s'assurer que les previsions sont fiables. Ils devraient, pour ce faire, examiner les techniques utilisees pour collecter les donnees et conserver une attitude critique face aux statistiques publiees car les erreurs tendent a s'y perpetuer. On avait, par exemple, estime, en 1960, la production de farine de ble d'un pays a partir d'un echantillon non alea- toire de minoteries. Les statistiques de 1970 se fondaient encore sur les donnees de 1960, et n'etaient corrigees que pour tenir compte de la crois- sance demographique annuelle. Les analystes devraient se mefier des donnees passees qui augmentent regulierement parce que les agro-industries ont un caractere eminemment variable. En verifiant la fiabilite des donnees, les analystes devrai'ent s'assurer que l'echantillon est representatif et qu 'aucun accident historique n'est intervenu. Le processus peut etre difficile. Par exemple, Ie tableau 2-3, ou sont portees les donnees passees qui expriment la consommation de lait en boite au Ghana, figure a l'appui d'un projet d'usine de lait en boite qui est envisage par Ie pays. Une etude de ces statistiques pourrait laisser croire que 1961 n'a pas ete une annee representative. Mais, en poussant plus loin la recherche, on s'aper«oit qu 'en realite, ce sont les annees 1962 et 1963 qui n'ont pas ete representatives, parce que Ie gouvernement ayaH insti- tue un controle des changes et des restrictions sur les importations. Dans les pays en developpement, les statistiques de ({consommation apparente» ne refletent pas necessairement la vraie demande, parce que des restrictions sur les importations ou d'autres regiementations des pouvoirs publics, telles que des licences industrielles, peuvent freiner les depenses. LES HYPOTHESES QUI SOUS-TENDENT LES DONNEES. L'exemple qui precede revele egalement toute I'importance qui s'attache a un examen LA COMMERCIALlSA TION 61 Tableau 2-3. La consornrnation de lait en boite au Ghana, 1955-1963 Consommation Consommation totale par habitant Anmle (conteneurSj (en onces de /iqulde)a 1955 67949 20,81 1956 76549 22,63 1957 95015 27,37 1958 104 126 29,23 1959 124968 34,17 1960 131 130 34,93 1961 176920 45,93 1962 162676 41,16 1963 168945 41,67 Source: Economic Development Institute (EDI), Tinned Milk Market Forecast, ED! Case Study and Exercise Series nO I1E-5218-5 (Washington, D.C. : Banque Mondiale, juin 1976 ; revise en septembre 1979 ; roneote), p. 7. a. Une once de liquide 29,573 millilitres. des hypotheses qui sous·tendent les previsions. 11 est utile de tester les hypo· theses portant sur les quantites et sur les prix qui sont a la base des projec· tions. Par exemple, un fabric ant potentiel d'epices prevoyait ses ventes en supposant que l'evolution passee des donnees sectorielles se poursuivrait (voir Ie tableau 24). Mais si les prix ou les quantites etaient inferieurs de 10 % aux previsions, les profits baisseraient de 25 %. Si les prix et les quantites etaient inferieurs de 10 % aux previsions,les profits (et Ie rendement de l'in· Tableau 24. Exernple d'analyse de sensibilite : les ventes d'epices (En dollars des Etats-Unis) Regime des ventes Les prix ou /es Les prix et les Rubrique interessant L 'evolution passee quantites bais- quantiles bais- les ventes se poursuit sent de 10 % sent de 10 % Prix unitaire 0,05 0,45 0,45 Quantires totales 10000000 10000000 9000000 Recettes totales 500000 450000 405000 Couts 300000 300000 300000 Profits 200000 150000 105000 Variation des profits (en pourcentage) 0 25 47,5 62 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS vestissement) baisseraient de 47,5 %. Les modifications des prix ou des quan- tites s'amplifient au niveau des profits. Le fabricant potentiel devrait donc proceder a une nouvelle evaluation de ses hypotheses de vente a cause de leurs implications financieres considerables. Les methodes de prevision La section qui suit expose les caracteristiques, les utilisations et les limi- tes des trois principales methodes de prevision - les estimations fondees sur des appreciations, les analyses chronologiques, les modeles causals. La deu- xieme section de la bibliographie donne des references pour trouver des expli- cations compiementaires, plus detaillees, sur des techniques particulieres. LES ESTIMATIONS FONDBES SUR DES APPRECIATIONS. Toute estimation exige, dans une certaine mesure, une appreciation. Mais, lorsque les donnees statistiques sont limitees, la base de prevision doit etre consti- tuee par les opinions d'observateurs bien informes. Leurs opinions sont tirees de l'experience, qui est elle-meme une forme de donnee historique. L'experience des acteurs du secteur (comme les industriels, les distributeurs, les vendeurs, les banquiers, les conseillers) est souvent une base raisonna- ble pour prevoir l'evolution du marche. L'experience a encore plus de valeur si on se sert d'un echantillon systematique d'experts du secteur. Les metho- des les plus courantes de prevision fondees sur des estimations sont les sui- vantes l7 : • Une combineison de vendeurs. Les estimations de vente de plusieurs vendeurs sont fondues en une prevision globale des ventes. • Un comile compose de dirigeants d'entreprises. Les dirigeants charges de differents domaines fonctionnels au sein de l'entreprise (comme les services commerciaux, la prodUction, les services finan- ciers) elaborent ensemble les estimations de vente. • Un consensus d'un echantillon d'experts. Plusieurs experts du sec- teur procedent a des echanges de vue et elaborent une opinion et une prevision communes. .. La methode Delphi. Les opinions d'experts sont collectees par voie a de questionnaires et les resultats sont renvoyes ceux-ci. Le pro- cessus est renouvele jusqu 'a I'obtention d 'une convergence approxi- mative. • Une analyse croisee des effets. Les forces susceptibles d'influer sur les previsions sont mises a jour, et des experts procedent a une evaluation systematique des effets que ces forces exercent les unes sur les autres et sur la prevision. 17. Les definitions sont tinSes d'une excellente etude d'ensemble de la litterature par Vithala R. Rao et James E. Cox, Jr., Sales Forecasting Methods: A Survey of Recent Developments (Cambridge, Mass. : Marketing Science Institute, 1978), annexe A, pp. 88-94. LA COMMERCIALISATION 63 LES ANALYSES CHRONOLOGIQUES. Les methodes chronologiques lient les ventes plu t6t au temps qu 'aux facteurs causals qui peuvent etre a l'origine des ventes realisees. Elles se fondent sur des donnees passees pour identifier et projeter des evolutions et des configurations passees. Ces methodes impliquent qu'on lie les donnees par une courbe. Elles com- prennent des projections a main levee, a partir de deux moyennes, a partir de moindres carres, et par l'extrapolation d'une tendance. Lorsqu'ils projettent des tendances, les analystes devraient souligner les variations saisonnieres, a long terme, cycliques et aIeatoires. Les agro- industries l'exigent tout particulierement, parce qu'elles sont souvent sou- mises a des variations de prix considerables, variations saisonnieres ou variations d'une annee sur l'autre. II est possible d'ajuster les series statis- tiques pour les rendre plus representatives. Par exemple, on peut estimer les ventes pour une periode donnee en se servant d'une moyenne mobile des precedents mois. On peut decomposer les series chronologiques en isolant les tendances saisonnieres ou cyc\iques. De marne, on peut ponderer differemment les donnees, a l'aide d'une ponderation exponentielle en assignant par exemple un poids plus eleve aux annees qui sont censees etre les plus representatives des evolutions futures. Ces methodes reposent toutes sur differentes formes de moyenne mobile ; elles incluent un lissage simple, pondere ou exponentiel, et la moyenne mobile auto-regressive de Box- Jenkins (qui suppose egalement un recours a des techniques de ponderation). On utilise egalement des techniques de decomposition pour isoler les elements constitutifs des series chronologiques. On peut donner de ces methodes chronologiques les definitions suivantes 18 : • Projection a main levee. L'analyste reporte sur un graphique les donnees des series chronologiques et en fait une projection lineaire. • Projection par deux moyennes. L'analyste divise la serie en deux moities, calcule pour chacune la moyenne, et lie les deux moyennes sur Ie graphique. • Ajustement d'une courbe par fa methode des moindres carres. L'ana- lyste ajuste une courbe a partir des series chronologiques en mini- misant la somme des carres des ecarts entre les observations et la courbe estimee. • Projection d'une courbe conforme a fa tendance mathematique. L'analyste trace une courbe mathematique connue (dont les proprie- tes sont bien etablies) de telle sorte qu 'elle corresponde aux series chronologiques. • Moyenne mobile simple. L'analyse pondere les observations passees par Ie facteur lin. Les nouvelles observations remplacent les plus anciennes dans Ie calcul des moyennes revisees. • Moyenne mobile ponderee. Elle est obtenue par la meme procedure que la moyenne mobile simple, si ce n'est que l'analyste donne des 18. Ibidem. 64 L' ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS poids differents aux diverses observations, ces poids etant fondes sur Ie pouvoir respectif de prediction cense s'attacher aux observa- tions. • Lissage exponentiei. La procedure est identique a celle de la moyenne mobile ponderee, si ce n'est que I'analyste utilise un ensemble de poids qui diminuent de fa~on exponentielle, les observa- tions les plus recentes ayant ainsi Ie poids Ie plus fort. • Methode de Box..Jenkins. L'analyste utilise un modele de moyenne mobile lineaire, autoregressif, afin d'exprimer les previsions sous la forme d'une combinaison lineaire des valeurs reelles passees (ou des ecarts passes). • Decomposition classique. Avec cette methode, l'analyste decompose une serie chronologique en isolant ses elements saisonniers, cycliques, tendanciels et irreguliers. LES MODELES CAUSALS. Les methodes causales cherchent a identi- fier les variables qui permettent de predire l'evolution des ventes. Vanalyse de regression est un exemple de methode causale qui ameliore la precision de I'estimation. La regression simple utilise une variable pour predire les ventes, alors que la regression multiple en utilise plusieurs - comme la population, la croissance economique, Ie revenu et les prix. On peut tracer les relations entre ces variables et les ventes, et lier les points par une droite de regression. On peut calculer ces relations mathematiquement en se servant de la methode des moindres carres, qui minimise la somme des cam~s des ecarts entre les pOints et la droite. Bien que les analyses de regression puissent etre faites a la main, des ensembles de programmes sur ordinateur sont disponi- bles a bas prix; ils rendent la tache plus facile. On peut constater, en etudiant I'exemple de I'usine de Iait en boite du Ghana qui a ete propose, que les ven- tes futures peuvent etre estimees a vue (par une appreciation) grace aux don- nees du tableau 2-3, ou a I'aide d'une analyse formelle de regression. Le ta- bleau 2-5 illustre ces possibilites en comparant les estimations d'un conseiller a celles d'une analyse de regression. La difference d'environ 10 % entre les quantites prevues pour 1968 pourrait avoir des effets sensibles sur 1es finan- ces de la firme et la capacite de production qui lui sera demandee. On utilise sou vent I'analyse de regression pour determiner Ia demande lorsque Ie prix ou Ie revenu change, en calculant les elasticites. Les elasti- cites peuvent etre estimees a partir de donnees en coupe, tirees d'enquetes sur les budgets familiaux. L'expression mathematique de I'elasti- cite, e, est la suivan te : !'::.Q/Q e= !'::.P/P ou Q est la quantite demandee et P Ie prix. La variation des ventes par rap- port a une variation de prix indique la sensibilite des consommateurs a l'egard du prix. Si la variation de la demande est superieure a celle du LA COMMERCIALISATION 65 Tableau 2-5. Differentes estimations de la consommation de lait en bofte du Ghana pour la periode 1964-1968 (En onces) Appreciation du Analyse de Annee conseiller regression 1964 44,75 45,97 1965 46,75 48,72 1966 48,50 51,48 1967 50,25 54,24 1968 52,00 56,99 a Note : Les donnees sont projetees partir des donnees de la consommation du tableau 2-3 ; 1 once de liquide == 25,573 millilitres. Source: EDI, Tinned Milk Market Forecast, p. 7. prix (si l'elasticite est superieure a 1), la demande est elastique. Si I'inverse est vrai, la demande est rigide. Si les deux variations sont egales, I'elasticite est egale a 1 et la demande a une elasticite unitaire. Quand I'elas- ticite est inferieure a I, la demande est qualifiee de rigide. Le concept d'elasticite s'applique egalement aux variations de la demande qui pro- viennent de variations du revenu. Des methodes econometriques visent a calculer les relations entre plu- sieurs variables qui sont censees regir la demande et a determiner la fiabilite de ces relations. On utilise plusieurs ensembles d'equations de regression. Les modeles econometriques de la demande comportent trois aspects: l'identifi- cation des variables, la specification des relations, Ie calcul des projections. Ces modeles integrent dans l'estimation des relations unissant de nombreu- ses variables. Ils refletent ainsi la realite avec plus de precision. Les principa- les methodes causales peuvent se definir comme sui 9 :e • Regression simple: L'analyste lie statistiquement I'une des variables explicatives possibles aux ventes. • Regression multiple. La procedure est similaire, a ceci pres qu'elle utilise plusieurs variables explicatives (qui peuvent ctre intercorre- lees). • Systemes d'equations simultanees. L'analyste utilise un ensemble d'equations de regression interdependantes. • Analyse entrees-sorties. L'analyste utilise un systeme d'equations lineaires qui montre les quantites de facteurs de production necessai- res pour obtenir certains produits. L'£VALUATION DE LA TECHNIQUE DE PREVISION. L'analyste devrait proceder a une evaluation de la technique de prevision, parce que 19. Ibidem. 66 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRLELS chaque methode s'applique it une serie de circonstances differentes. Lorsqu'il choisit une methode de prevision, Ie chef du service commercial devrait arbi- trer entre Ie cout de la technique et la precision souhaitee. Le besoin de pre- cision est tire de facteurs tels que la masse de capitaux necessaires au projet, la connaissance du marc he par la firme, l'incertitude sur les facteurs qui regis- sent la demande, et l'ampleur des risques que les responsables de la firme sont prets it prendre. (Un entrepreneur pourrait 5e satisfaire d'une preci- sion moins grande qu'un banquier qui envisage d'accorder un pret pour Ie projet.) La qualite et la precision de toutes les methodes de prevision dependent de la fiabilite des donnees. Des modeles economHriques compJiques et des techniques mathematiques savantes ne peuvent corriger des faiblesses qui se situent au niveau des donnees initiales. Par exemple, les modeles econometri- ques ne sont pas plus precis que les analyses chronologiques lorsque des chan- gements structunils interviennent dans l'economie 2o . Les analystes de projet qui ne sont pas des economistes ne devraient pas se laisser impressionner par des equations de demande. II vaut mieux qu'ils examinent les donnees et les hypotheses, et qu'lls laissent aux analystes mathematiciens Ie soin de verifier la technique d'estimation. Enfin, les analystes devraient admettre qu'un pro- duit peut necessiter des methodes de prevision differentes en divers points du CVP, et qu'il faudrait ajuster en consequence les previsions 21 . Ainsi, il existe plusieurs criteres pour choisir une methode de previ- sion. lis dependront des besoins, des ressources, des donnees et du position- nement du produit particuliers d'un utilisateur specifique. Des criteres probablement interessants seraient Ie cout de la methode, la precision neces- saire, les competences et les donnees exigees, et la rapidite. En guise d'illus- tration, Ie tableau 2-6 montre une application de ces criteres, qui vise it clas- ser les diverses methodes de prevision presentees dans cette section. Les points rruzrquants pour ['analyse de pro;et La prevision de la demande a une importance essentielle pour I'analyse commerciale. L'analyste de projet devrait se poser les questions suivantes en etudiant la prevision de la demande. Les donnees sur lesquelles les previsions sont assises sont-elles silres ? • Les donnees de prix sont-elles coherentes entre eUes ? • Les unites de mesure ont-elles ete normalisees ? 20. S. Makridakis et S. Wheelwright, «Forecasting: Issues and Challenges for Mar- keting Managemenh>, Journal of Marketing, vol. 41, nO 4 (octobre 1977), pp. 24-38. 21. Pour des explications plus detailhles de cet imperatif, voir John Chambers, Sallinder Mullick et Don Smith, «How to Choose the Right Forecasting Technique», Harvard Business Review, vol. 49, nO 4 (juillet-aout 1971), pp. 45-74. LA COMMERCIALISATION 67 Tableau 2-6. Evaluation des methodes de prevision Criteres Compi- heci- tences Donnees Methode Cout sion requises requises R(1pidite Appreci(1tions Combinaison de vendeurs F F F F E Comire de dirigeants d'entreprise M M M M M Consensus d'un echantillon d'experts M M E M M Methode Delphi M M E M F Analyse croisee des effets E M E E F Series chronologiques Projection it main levee F F F F E Projection par deux moyennes F F F F E Moindres carres F F~M F F E Courbe mathematique F F~M F-M F E Moyenne mobile simple F F F F E Moyenne mobile ponMree F F F F E Lissage exponentiel F F-M F F E Box-Jenkins E E E E M Decomposition M M E M M Modeles c(1us(1ls Regression simple M M M M M Regression multiple M M-E E E M Equations simultanees E E E E F Analyse entrees-sorties E E E E F F = faible ; M = moyen; E = eteve. Note: Les classements et les poids des critlhes peuvent varier avec les situations parti- culilhes propres aux differents projets ou firmes. • Les donnees sont-elles desagregees conformement a la segmentation du marche? • Les sources secondaires ont-elles eM epuisees ? • Quels sont les types de donnees primaires ? • Quelle est la technique de collecte des donnees? • Les donnees sont-elles representatives? • Les donnees ont-eUes eM verifiees ? • Sur queUes hypotheses sont assises les donnees? • a Les ventes et les profits sont-ils sensibles une modification des hypo- theses? Les methodes de prevision sont-elles appropriees ? • Sur queUe source se fondent les estimations tirees d'appreciations ? • Sur queUe base est assise la competence de la source? 68 L' ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS • D'autres opinions sont-elles possibles? • Les series chronologiques sont-elles representatives? • A-t-on tenu compte des variations saisonnieres, a long terme, cycli- ques, et aleatoires ? • Vne technique de regression est-elle employee? • A-t-on estime les elasticites par rapport au prix et au revenu ? • Quelles variables utilise Ie modele econometrique ? • QueUes relations causales admet Ie modele? • QueUe est la logique du choix des variables et des hypotheses causa- les? • Le degre de precision est-il acceptable? • Quels seraient Ie prix et I'interet d'un gain de precision? • Les methodes de prevision employees dans Ie passe sont-elles applica- bles? • QueUes donnees et quelles competences exigent les methodes ? • Avec queUe rapidite la prevision peut-elle e1re realisee ? R£SUM£ La commercialisation occupe une place vitale dans l'analyse de projet, parce que I'analyse commerciale fournit les informations sur Ie marche qui sont fitlcessaires a l'evaluation de la viabilite d'un projet. II arrive trop frequemment qu'une firme se lance dans des efforts et des investissements importants pour mettre au point les operations d'achat et de transforma- tion qui constituent les deux autres des trois grands domaines d'activite des agro-industries, alors qu'elle ne verra jamais les gains esperes se materiali- ser parce que l'analyse commerciale a ete insuffisante. Pour l'analyse de systeme, ces grandes activites sont etroitement interdependantes dans un projet agro-industriel. Cette methode identifje des elements similaires, etroitement relies, dans l'analyse commerciale. Comme les projets sont introduits dans Ie cadre de marches preexistants, il est essentiel que la frrme ait une bonne connaissance du marche' L'analyse commerciale doit donc etudier les consommateurs et Ia concurrence. Vne analyse des consommateurs devrait identifier les besoins des consomma· teurs, les segments potentiels du marche, et Ie processus d'achaL Pour effectuer cette analyse, la firme doit proceder a des etudes de marche. Vne analyse concomitante de la concurrence devrait decrire la structure du marche, la base de la concurrence et les contraintes institutionnelles qui influent sur la concurrence. A partir de ces analyses des consommateurs et de la concurrence, une firme elabore Ie plan de commercialisation de son projet. Le plan devrait preciser Ia strategie commerciale associee au projet dans les domaines de la conception du produit, de la fixation du prix, de la promotion et de la distribution. Ces elements de la politique commerciale devraient etre integres dans Ie cadre d'une strategie globale qui donnerait au produit une situation LA COMMERCIALISATION 69 commerciale optimale par rapport aux besoins des consommateurs et a l'en- semble des produits concurrents. Le plan de commerciali3ation devrait eg<::.le- ment tenir compte des autres produits de la gamme fabriquee par la firme, de I'organisation, des operations financieres, de fa production et des achats de la firme, afin de garantir la coherence de la strategie associee au projet. Des que Ie plan de commercialisation est adopte, la firme devrait anticiper les reactions de la concurrence et formuler une strategie de reponse qui maintiendrait la viabilite du projet dans Ie cadre d'un marche evolutif. L'analyse commerciale prend appui sur la prevision de la demande et se developpe en meme temps que celle-ci. Les analystes devraient etudier Ie type, les sources, la fiabilite des donnees qui servent aux previsions, ainsi que les hypotheses sur lesquelles reposent ces donnees. II existe differentes metho- des de prevision, telles que des estimations fondees sur des appreciations, des analyses chronologiques et des modeles causals, qui conviennent chacune dans des situations differentes. L'analyste devrait determiner la precision souhaitable de la prevision et la peser au regard du coOt d'utilisation de techniques d'estimation plus complexes. Meme si les decisions relatives un a projet interviennent toujours dans l'incertitude, une bonne prevision peut reduire l'ambiguHe. D'autres facteurs a prendre en compte au moment du choix des methodes appropriees sont les competences et les donnees requi- ses ainsi que la rapidite avec Jaquelle la prevision peut etre realisee. .. 3 Les achats Dans ce chapitre, I'interet se deplace et l'analyse se concentre sur l'achat des facteurs de production au lieu de la commercialisation des pro- duits. II faudrait qu'une firme procede a une etude soigneuse des activites de commercialisation et d'achat que suppose un projet agro-industriel avant d'investir dans une usine de transformation. Les agro-industries trans- forment des facteurs de production. Si ces facteurs sont de mauvaise qualite, la transformation et la commercialisation en souffriront inevita- blement. En outre, comme les couts des matieres premieres sont les COllts les plus Iourds dans la plupart des agro-industries, Ie systeme d'achats est un element essentiel de la viabilite economique d'un projet. Les achats ont egalement une importance considerable dans les effets du projet sur Ie deve- loppement, parce qu'ils relient les secteurs industriel et agricole : en transmet- tant les impulsions du marche aux agriculteurs, Ie systeme d'achats exerce un effet direct sur les familles rurales. £L£MENTS DE BASE Un systeme d'achats efficace dans Ie secteur des agro-industries devrait posseder cinq caracteristiques pour fournir une assise solide aux operations de transformation. II devrait offrir des quantites suffisantes de matieres pre- mieres, d'une qualite acceptable, au moment voulu et a un COllt raisonna- ble. 11 faut ajouter que l'organisation du systeme a une grande influence sur Ia realisation de ces objectifs. Ce chapitre passe en revue ces elements, qu'il faut evaluer dans une analyse des operations d'achat que suppose un projet agro-industriel. Presentes sommairement, ces elements sont les suivants : • La quantitt. L'analyste identifie les facteurs qui commandent la production et les usages concurrents des matieres premieres. • La qualite. L'analyste etudie les exigences du marche, les facteurs qui regissent la qualite, et Ie contrale de la qualite. • Le moment. L'analyste evalue les contraintes dues au caractere sai- sonnier et perissable des matieres premieres et a leur disponibilite. 72 L' ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS • Le cota. L'analyste examine l'importance economique des matieres premieres, les facteurs qui commandent les couts, les mecanismes de fixation des prix. • L 'organisation. L'analyste se penche sur Ie contenu du systeme d'achats associe au projet, sur sa structure, sur sa puissance, sur son integration verticale et sur l'organisation des producteurs. UNE QUANTITt: SUFFISANTE Les agro.industries ont sou vent des capacites excedentaires, parce qu 'elles ne s'assurent pas au prealable qu 'elles disposeront d'une quantite suffisante de matieres premieres. L'analyste devrait etudier les facteurs qui regissent la production des matieres premieres et les autres utilisateurs de celles-ci qui feront concurrence a l'industriel qui les transformera. Lesfacteurs qui regissent La production Dans l'analyse des approvisionnements en matieres premieres, la premiere etape consiste a examiner les principaux facteurs qui en regissent la production : les surfaces cultivees et les rendements des cultures l . Pour les cultures courantes, les enquetes sur Ie terrain ou les sources commerciales donnent des indications sur les superficies et les rendements. Pour avoir une idee des tendances de l'offre, il faudrait considerer les statistiques de pro· duction par region et pour plusieurs annees, et cerner les forces qUi influent sur les surfaces et les rendements. L'analyste pourra ainsi estimer les chances qu'il y a de voir se poursuivre l'evolution passee de la production et evaluer la conception du projet en tenant compte des ten dances de I'offre. L'un des facteurs qui influent sur la superficie cultivee est represente par Ie systeme d'utilisation des terres en vigueur ou prevu. L'analyste devrait cal- culer la superficie nlellement cultivee et la terre arable non utilisee. Cette derniere estimation devrait porter sur la terre arable «qui peut etre cultivee dans des conditions rentables», c'est·a·dire sur celIe qui est susceptible d'etre cultivee avec les ressources economiques dont on prevoit qu'elles seront disponibles. II ne faut pas negliger I'extension des superficies cultivees parce qu 'elle peut etre a l'origine d'une croissance import ante de l'offre. Au Bresil, entre 1947 et 1965, les rendements n'ont guere augmente ou ont meme stagne, alors que la superficie cultivee a presque double en raison d'une migration de plus en plus lointaine dans les zones frontalieres 2 • L'analyste 1. Pour I'elevage, les determinants de la production sont la taille du troupeau et les taux de fecondite. 2. John H. Sanders et Frederick L. Bein, «Agricultural Developemnt on the Brazi- lian Frontier : Southern Mato Grosso», Economic Development and Cultural Change, vol. 24, nO 3 (avril 1976), pp. 593-610. LES ACHA TS 73 devrait cependant admettre que les nouvelles terres pourraient n'avoif qu'une qualite mediocre et n'offrir que de faibles rendements. La terre, qui est l'actif de base en agriculture, sert a de multiples usages. Un exploitant a Ie choix entre plusieurs plantations ou cultures. Les analystes devraient considerer dans queUe mesure les exploitants agricoles passent d'une culture a une autre (ou d'un type d'elevage a un autre). Cette indication peut etre precieuse pour estimer les variations de l'offre, d'une annee a l'autre, dans Ie cas des cultures (ou des types d'elevage) qui sont necessaires al'usine de transformation. Comme certains exploitants doivent se limiter a une ou deux cultures en raison des conditions pedologiques ou pluviometriques, ou en raison de traditions bien etablies, il est souvent possible d'attenuer ces variations. L'analyste devrait tenif compte des incidences du changement de culture auquel procedent les exploitants pour approvisionner I'usine de transformation sur la nutrition du pays. n se peut, par exemple, que Ie passage de la culture du mais a la culture d'un condiment diminue I'offre nationale de denrees de premiere mkessite, augrnente Ie prix de celles-ci (si on suppose qu'il n'existe pas d'importations) et reduise la consommation des personnes dotees de faibles revenus. Dans les zones qUi entourent les grands centres urbains, la terre agricole peut etre utilisee pour poursuivre I'urbanisation ou implanter des projets industriels. L'industrialisation ne se borne pas a absorber de la terre, eUe distrait egalement de la main-d'reuvre. C'est ainsi qu'un industriel specialise dans la transformation de fruits et legumes s'apen;ut que les salaries et les exploitants agricoles changeaient de metier 11 mesure que des usines automo- biles s'installaient dans la region. Au bout de plusieurs annees, la region comp- tait surtout des agriculteurs a temps partiel (voir Ie tableau 3-1). Le nombre des agriculteurs avait baisse de 28 % entre 1949 et 1967, la baisse etant plus prononcee pour les exploitations petites et moyennes. Cette evolution eut des effets import ants sur Ie systeme d'approvisionnements de l'industriel, par- Ge que les producteurs trouvaient moins d'avantages economiques a exercer une activite agricole, ce qui reduisit l'offre de matieres premieres. En outre, Ie morcellement des terres interdit toute economie d'echelle dans la production. Cet exemple montre a l'evidence qu'une modification des systemes d'utilisation des terres peut eire une menace pour I'activite de trans- formation. L'analyste devrait done considerer les programmes d'industrialisa- tion et d'expansion urbaine. De meme, l'analyste devrait prendre en compte les projets de reforme agraire prevus dans les regions productrices concernees. Certaines reforrnes peuvent avoir des effets importants pour les industriels, et les planificateurs des reforrnes agraires seraient avises de coordonner les gains de leur projet, en termes de debouches marchands, avec Ie developpernent des agro-indus- tries. A l'inverse, les agro-industries devraient s'efforcer de soutenir des tent a- lives de reforme afin de s'assurer un approvisionnement suffisant en rnatieres premieres. 74 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Tableau 3-1. Repartition en 1970 des agriculteurs a plein temps a et temps partiel apres ['installation d'une usine automobile a Baden- Wiirttemberg (Repub/ique federate d 'Allemagne) Exploitations Super/icie a En En millions En Agriculteurs En milliers pourcentage d'acres a pourcentage A temps plein (100 % du revenu) 12 4 930 22 A temps partiel Entre 50 et 100 % du revenu 121 42 2420 57 Moins de 50 % du revenu 156 54 867 21 Total 289 100 4217 100 Source.' Otto Strecker et Reimar von Alvensleben, «The Unterland Corporation (Bh>, dans Case Study nO 4-372-252 (Boston: Harvard University, Graduate School of Business Administration, 1972). a. Une acre = 0,405 hectare. Dans son analyse des rendements, I'analyste devrait se concentrer sur l'utilisation des moyens de production agricoles et sur les techniques de cul- ture (ou d'elevage). En general, I'utilisation d'engrais d'origine chimique et de semences (ou races) ameliorees devrait accroitre fortement les rende- ments meme quand les terres disponibles limitent l'ampleur du projet. L'ana- lyste devrait determiner dans quelle mesure les producteurs de math~res pre- mieres se servent effectivement de produits agro-chimiques, ainsi que les barrieres qui s'opposent a une utilisation accrue du fait des caracteristiques particulieres du projet. L'une de ces barrieres pourrait, par exemple, prove- nir du fait que les circuits de distribution des produits agro-chimiques ne couvrent qU'une zone limitee ou que les exploitants ne peuvent disposer de moyens financiers suffisants pour acheter ces produits. Ces obstacles sont frequents lorsque les producteurs de matithes premieres sont des petits exploi- tants traditionnels. En mettant a jour ces obstacles, l'analyste peut examiner diverses solutions, comme l'amelioration des circuits de distribution existants des moyens de production, la fourniture de moyens de production aux exploitants par l'usine de transformation, !'organisation des exploitants pour une acquisition collective des moyens de production necessaires. Mais il ne suffit pas de verifier que les exploitants recevront effectivement les moyens de production. II est extremement important qu'ils sachent aussi comment les utiliser. Le manque de connaissances a ete un obstacle regulier a I'utilisation de moyens de production par les agriculteurs. Une enquete nationale effectuee aupres des petits exploitants du Mexique a montre que la majorite d'entre eux n'utilisait ni produits agro-chirniques ni semences amelio- rees. La raison essentielle etait !'incertitude et Ie manque de connaissances a propos de ces facteurs de production (tableau 3-2). Cet obstacle montre qu'il LES ACHA TS 75 Tableau 3-2. Utilisation et principales causes de [,absence d'utilisation de produits agro-chimiques et de semences ameliorees par les petits exp!oitants du Mexique, 1973. (En pourcentage) Causes d'un defaut d'utilisation Incertitude et manque Moyensde de connais· production Utilisation sances Cout eleve Autres ------~----- ... Engrais 26 53 37 10 Herbicides 13 66 18 16 Semences amelitr rees 16 74 19 7 Insecticides 23 61 25 13 Source Compania Nacional de Subsistencias Populares (CONASUPO) (Mexico, 1973). faut dtHerminer l'assistance technique dont ont besoin les fournisseurs poten. tiels de l'usine. En general, les petits exploitants re~oivent peu de conseils techniques, alors que les grandes exploitations utili sent intensivement les produits agro-chimiques et font largement appel a des services d'assistance technique. C'est ainsi que, d'apres l'etude relative au Mexique, 4 % seulement des agriculteurs traditionnels beneficiaient d'une assistance technique officiel- Ie. Ce chiffre revele aussi bien la dichotomie entre l'agriculture moderne et l'agriculture traditionnelle, entre l'agriculture commerciale et l'agriculture de subsistance, que les inegalites dans la repartition des terres et des revenus. Si une usine agro-industrielle doH augmenter ses approvisionnements en matieres premieres par l'intermediaire d'une amelioration des techniques agri- coles, il se peut qU'elle doive encourager les organismes publics et les offreurs de moyens de production a fournir une assistance technique ou qU'elle doive fournir elle-meme cette assistance technique. Meme si l'usine s'efforce de favoriser des reformes dans la structure des exploitations et Ie regime des ter- res,les changements n'interviennent en general que lentement. Le principal facteur qui commande Ie choix de l'agriculteur en matiere de culture a semer ou de type de betail a elever est d'ordre economique. n impJique une comparaison entre les differents prix, coOts, risques et profits. L'analyse des approvisionnements des agro-industries devrait prendre en compte, dans les projections de l'offre de matithes premieres, ces hypotheses, qui influent sur les decisions des agriculteurs. La section ci-dessous, «Un coilt raisonnable», explicite davantage la fa~on dont cette etude peut etre faite. Les approvisionnements en matieres premieres sont incertains en raison des variations inherentes a la production agricole. L'analyse de projet devrait 76 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS en consequence comporter une «analyse de sensibilite des approvlslonne- ments», afin de me surer les effets de modifications dans la superficie cultivee ou dans les rendements des cultures sur la production totale. S'il n'existe pas de programmes publics ou de programmes de firmes privees visant a sti- muler la production, I'analyste devrait s'appuyer sur les variations passees des zones cultivees et des rendements pour determiner Ie volume probable des recoItes futures. Plus l'amplitude des variations est forte, plus Ie risque associe au projet est eleve. La firme devrait alors envisager des methodes qui permet- tent de reduire ce risque, comme l'importation de mati<~res premieres. On peut aussi se servir de I'analyse de sensibilite pour evaluer les metho- des qui permettent d'augmenter I'offre de matieres premieres. Par exemple, lorsqu'on a propose l'installation d'une usine de concombres en conserve dans un pays des Cara'ibes, on a calcule comme suit les besoins en matieres premieres. La capacite de l'usine, calculee d'apres des estima- tions de la demande sur Ie marche, etait de 60 000 pots de 10 onces par jour, Ie nombre de jours de travail etant egal it 250. Chaque pot devait conte- nir environ 8 onces poids du commerce, soit une demi-livre, de concombres frais 3 . Au cours du processus de mise en conserve, la firme s'attendait it une perte de matiere premiere de 15 Le calcul des besoins totaux en matieres premieres est effectue ci-dessous. Etant donne que: Qp :::: quantite unitaire de produit final transformee chaque jour, Q, quantite de matiere premiere contenue dans chaque unite transfor- mee, Qa nombre de jours de production, L pourcentage de perte de matiere premiere au cours de la transfor- mation, R :::: besoins totaux en matieres premieres, les besoins totaux en matieres premieres sont egaux it : R = (QJI X Qr X Qd) (100 L). En retenant les donnees propres it la capacite estimee de I'usine de mise en conserve [R =:: (60 000 pots x 0,5 livre par pot x 250 jours)..;- 0,85], on obtient 8 824 000 Iivres. L'etude de l'offre de concombres montre que la superficie cultivee en concombres ayaH ete relativement constante (± 5 %) au cours des dernieres annees. EIle representait 1 200 acres et Ie rendement moyen etait de 6 000 Iivres par acre (avec des variations annuelles de 10 %)4. On aboutit ainsi au resultat que la production moyenne s'etablis- sait a 7,2 millions de \ivres alors que les besoins de l'usine de transformation s'elevaient a 8,8 millions de !ivres. n manquait donc 1,6 millions de livres 3. Une once poids du commerce 28,349 grammes ; 1 livre :::: 0,453 kilogramme. 4. Une acre = 0,405 hectare. LES ACHA rs 77 par rapport au calcul initial. Si on ne parvenait pas a eliminer cet ecart, I'usine devrait fonctionner a un niveau inferieur de 18 % a sa pleine capacite, et cette reduction d'activite pourrait avoir une influence importante sur Ie profit de I'usine et la viabilite du projet. Si on suppose qu'il est impossible d'ajuster la conception des equipements pour reduire la capacite, les seules possibilites consistent en l'augmentation des superficies cultivees en concombres ou en l'augmentation des rendements sur les superficies deja cultivees. L'analyste doit donc calculer I'augmentation necessaire des superficies ou des rendements pour que Ie deficit en matiere premiere soit combIe. Admettant que: R besoins totaux en matiere premiere (8,8 millions de livres), Aa superficie cultivee existante (I 200 acres), Ya rendement reel (6 000 livres), Ad = superficie cultivee souhaitee, Yd rendement souhaite, la superficie cuItivee souhaitee peut etre calculee comme suit: Les calculs mathematiques (8,8 millions de livres -;- 6 000 livres) donnent 1470 acres. II est maintenant possible de calculer avec la formule suivante Ie rende- ment souhaite sur la superficie cultivee existante : En portant les quantites chiffrees dans I'equation (8,8 millions de livres -;- I 200 acres), on obtient un rendement qui se monte a 7 333 livres pour que Ie deficit soit comble. En d'autres termes, il faut augmenter la super- ficie cultivee de 22 % (et la porter a 1 470 acres) ou Ie rendement de 22 % (et Ie porter a 7 333 livres) pour couvrir Ie deficit en matiere premiere. Ces chiffres ne fournissent pas une solution evidente, parce que les taux d'amelioration necessaires qu'ils expriment sont egaux. L'etape suivante consiste donc pour l'analyste a evaluer Ie cOlit de chaque methode. Pour etendre les superficies cultivees, la firme devra offeir un prix plus eleve pour les con comb res afin d'inciter d'autres agriculteurs ales cuItiver. Pour amelio- rer les rendements, la firme devra fournir certains moyens de production, comme des semences ameliorees et des produits agro-chimiques, ou l'assistance technique d'un agronome. Pour aboutir a une evaluation realiste du coat de chaque methode, l'analyste doit egalement considerer l'incertitude que chacune presente. Pour pousser plus loin I'analyse de sensibilite des approvisionnements, I'analyste evalue la probabilite que chaque methode, l'augmentation des superficies ou l'accroissement des rendements, aboutisse ala production visee. L'incertitude 78 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO·INDUSTRIELS importe, parce qu'elle peut conduire a inverser une decision qui ne reposerait que sur une comparaison des COlltS. L'incertitude mise a part, la comparaison des couts pourrait etre effectuee comme suit. Si on suppose que : augmentation du prix par livre necessaire pour inciter a une extension des superficies cultivees (0,02 dollar par livre), COllt par acre des moyens de production necessaires a un accroisse- ment des rendements (175 dollars par acre), cout total de l'extension des superficies cultivees, COllt total de l'accroissement des rendements, la formule suivante, OU R (soit 8,8 millions de livres) provient des calculs pre- cedents, permet d'evaluer la methode qui repose sur l'extension des superfi- cies : TC a - Ca X R. Les calculs (0,02 dollar x 8,8 millions de livres) conduisent a un cout total de l'extension des superficies cultivees de 176 000 dollars. On peut egalement determiner Ie COllt total de l'accroissement des rendements en utilisant la formule suivante, OU Aa (soit 1 200 acres) provient des calculs precedents: Les calculs (175 dollars x 1 200 acres) aboutissent a un COllt total de 210 000 dollars. Comme rCa < rcy , la firme devrait, d'apres cette analyse, choisir la methode de l'extension des superficies cultivees. Mais I'elasticite de l'offre de concombres n'est pas evidente : la firme ne sait pas dans quelle mesure les agriculteurs reagiront a la hausse de prix. Au vu des statistiques poussees concernant la sensibilite des agriculteurs au prix, les ana- lystes sont certains a 60 % qU'une hausse de 0,02 dollar du prix d'achat d'une livre de concombres suscitera une extension des superficies cultivees. Par contre, ils sont plus surs encore de parvenir a I'accroissement souhaite des rendements, parce que Ie rendement vise (Yd), egal a 7 3331ivres, represente Ie rendement moyen aux Etats-Vnis, ou Ie climat est moins favorable. En outre, des experiences conduites sur de petits lopins dans ce pays des Caralbes ont montre que Ie rendement de la production - dans les conditions propres aux terrains et avec les moyens de production proposes pouvait tres bien depasser 8 000 livres par acre. Le sachant, les analystes attachent une probabilite de 0,9 au fait que Yd puisse atteindre 7 333 livres. 11s divisent ensuite les couts par ces probabilites : rCa 176 000 dollars .;- 0,6 293 333 dollars, et rey 210000 dollars .;- 0,9 ;;;; 233333 dollars. Vne autre procedure consisterait a reduire les quantites supplement aires LES ACHATS 79 produites Ii l'aide de chacune des methodes, puis Ii les diviser par Ie cmlt initial afin d'obtenir Ie coOt par livre des concombres dont on escompte la livraison : TCa == 176000 dollars -;- (8,8 millions de livres x 0,6) = 0,033 dollar, et TCy 210 000 dollars -;- (8,8 millions de livres x 0,9) == 0,027 dollar. Les deux calculs sont favorables it la methode d'accroissement des rende- ments, et cette conclusion est inverse de celle it laquelle avaient abouti les calculs ope res en 1'absence d'incertitude. L'estimation de probabiliMs est une methode rudimentaire de traitement de I'incertitude que presentent les approvisionnements. On peut recourir Ii des analyses plus complexes, faisant appel a la theorie des probabilites de Cayes et a des modeles econometriques. Les techniques de prevision de la demande (qui ont ete presentees au chapitre 2) sont, dans une grande mesure, applicables a la prevision des approvisionnements. QueUe que soit la technique utilisee, I'analyste devrait tenir compte de !'incertitude qui s'attache aux approvisionnements et I'inclure dans son analyse. II est fre- quent que les analyses de projets agro-industriels negligent d'estimer I'incerti- tude. Cette carence signifie que l'incertitude reste masquee, qu'elle fait l'objet d'un traitement qui n'est pas systematique, ou qu'elle est simple- ment oubliee. Si I'on entend ameliorer la qualite des analyses de projet, aucune de ces perspectives n'est souhaitable. L'extension des superficies cultivees et l'accroissement des rendements ne sont evidemment pas exclusifs !'une de l'autre. L'analyse de sensibilite des approvisionnements devrait evaluer les effets combines de modifications simultanees dans ces deux directions. La figure 7 illustre cette possibilite. Lorsqu'il examine les previsions d'augmentation de la production, l'analyste devrait etablir la reaction probable dans les deux directions, parce que les possibilites d'emprunter l'une ou l'autre peuvent varier de fa<;on spectacu- laire. n se pourrait, par exemple, que la terre soit abondante et que les agriculteurs traditionne1s resistent a I'adoption de nouvelles techniques agro- nomiques. Dans cette situation. la strategie souhaitable serait d'augmenter I'offre par une extension des superficies cultivees. Si la terre etait rare, rien n'empecherait l'analyste de choisir l'autre methode, celle de l'accroisse- ment des rendements. Les agro-industries qui dependent d'autres industries pour leurs approvi- sionnements en matieres premieres ne peuvent pas les augmenter par I'une des methodes qui viennent d'etre presentees. On peut eiter comme exemple les industries de traitement du cuir ou les fabric ants de chaussures qui achetent des peaux aux abattOirs, ou les industries de traitement de 1'huile vegetale qui dependent des egreneuses pour les graines de coton. Dans ces cas, l'offre de matiere premiere ne subit pas l'influence des industriels du cuir ou de l'huile, mais reagit a la demande des produits primaires, la viande de bceuf et Ie coton, qui s'exprime sur Ie marche. En consequence, l'analyse de sensibili- te des approvisionnements doit tHre concentree sur les capacites de produc- 80 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS tion et les ten dances du marche des produits primaires. Un marche primaire qui se degrade conduit souvent a une baisse de la production et Ie transformateur du sous-produit se heurte a une penurie due a des facteurs qui echappent a son contr6le. L'industriel devrait anticiper les penuries et envisager des matieres premieres de remplacement ou des sources exterieures d' approvisionnemen t. Figure 7. Effets combines d'une extension des superficies cultivees et d'un accroissement des rendements sur la production E F G r---------------------r-----~ I I I I I I I Br---------------------------__-f'c___________ H A~------------------------D~-------J Superficie A BCD, production initiale ; AEGI, nouvelle production en augmentation; BEFC, part de l'augmentation due a l'accroissement des rendements ; DCHI, part de l'augmenta- a tion due l'extension des superficies cultivees ; CFGH, part de l'augmentation due aux effets combines de l'accroissement des rendements et de I'extension des superficies culti- vees. Les utilisations concurrentes de la matiere premiere Une fois examines les determinants de la production, la seconde etape de l'analyse de l'offre de matiere premiere consiste a estimer la quantite de celle- ci qui sera disponible pour Ie projet. La tache de l'analyste est de decouvrir et de cerner les utilisations relatives de la culture concernee. afin d'evaluer la quantite nette dont pourra disposer l'usine de transformation envisagee. Cette disponibilite nette se calcule comme suit . Production brute Autoconsommation sur I'exploitation Consommation de produit frais LES ACHATS 81 Consommation animale Autres utilisations industrielles Achats des concurrents Pertes = DisponibiJire nette On examinera successivement chacune de ces soustractions a la produc- tion brute de matiere premiere. L'AUTOCONSOMMATION. La premiere soustraction a operer concerne la quantite qui n'est pas presentee sur Ie marche en vue de la vente, mais qui est consommee dans l'exploitation agricole. En general, plus la matiere premiere a d'importance dans Ie regime alimentaire de la population rurale et plus l'exploitation est petite, plus la proportion de l'autoconsommation est forte. Mais il se peut qu'un systeme d'agriculture de subsistance ne reflete que l'absence d'un marche commercial accessible. Si un marche se presente, it se peut qu'une fraction plus importante de la recolte soit vendue. Si I'appari- tion de ce marche entraine Ie passage d'une culture de subsistance a une cul- ture commerciale, il se peut que la qualite de I'alimentation des families agri- coles (et des salaries sans terre) en souffre. Cet effet depend de l'accroissement des ventes, des elasticites de la demande par les families de produits alimentaires et de produits autres qu'alimentaires par rapport au revenu et au prix, et des prix de ces biens. n faut donc que I'analyste prevoie et controle les effets des besoins en matieres premieres de l'usine de transfor- mation sur Ie regime nutritif de la populations. LA CONSOMMATION DE PRODUITS FRAIS, PAR OPPOSITION A LA CONSOMMATION DE PRODUITS TRANSFORMf:s. II faut egalement sous- traire la partie de la recolte qui est consommee sous la forme de produits frais, non transformes. Certaines agro-industries sont concurrentes du marche des produits agricoles frais. L'analyste devrait evaluer l'intensite de cette con- currence et ses variations, Bees aux preferences des consommateurs. Au Mexi- que, par exemple, 90 % de la production de tomates sont consommes sous la forme de produit frais. SO % sont reserves au marche interieur et SO % sont exportes aux Etats-Unis, ou ils alimentent Ie marche d'hiver. A cette epoque, en effet, I'absence de production americaine permet de vendre les tomates au prix fort 6 • Toutefois, aux Etats-Unis, 83 % de la production de tomates sont transformes en produits tels que Ie ketchup, la creme de tomate, les tomates entieres en conserve et les jus de tomate, parce que les preferences et la 5. Voir Richard Goldman et Catherine Overholt, Nutrition Intervention in Deve· loping Countries: Agricultural Production, Technological Change, and Nutrition Goals, U.S. Agency for International Development, Special Study no. 6 (Cambridge, Mass: Oelgeschlager, Gunn, and Hain, 1980). 6. Organisation pour la cooperation et Ie d6veloppement economiques (OCDE), «Tomatoes: Present Situation and 1970 Prospects» (Paris, 1968), pp. 11, 79. 82 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS demande des consommateurs se portent plus sur les produits transformes que sur les tomates fraiches. En outre, la transformation elimine Ie caractere peris- sable de cette denree et permet de vendre pendant toute l'annee la recolte americaine d'ete. Dans Ie cas de certaines cultures, les marches des produits frais et des pro- duits transformes sont plus complementaires que concurrents. Par exemple, les tomates qui sont, en apparence, abimees, ne pourraient pas etre vendues fraiches, mais elles peuvent etre transformees en creme de tomate. On maximise ainsi la valeur economique de la recolte qu'il est possible de recu- perer. LA CONSOMMATION ANIMALE, PAR OPPOSITION A LA CONSOM- MA TION HUMAINE. Certaines matieres premieres peuvent etre converties en aliments pour Ie betail. Dans certains pays, Ie mais, Ie ble ou Ie soja servent a cet usage. Mais il n'est pas efficace, au plan de la nutrition, d'utiliser les calories et les proteines des cereales pour produire de la viande : la viande contient moins de calories et de proteines qu'il n'en a ete consomme dans les cere ales en raison des pertes dues au processus de conversion biolo- gique 7 • Les agro-industries de transformation de la viande devraient etre sensibles a cette perte nutritive et admettre que les pouvoirs publics sont susceptibles d'accorder la priorite a une consommation directe de cereales par I'homme, surtout lorsqu'ils se heurtent a un deficit generalise de calories. LES MULTIPLES USAGES INDUSTRIELS. Certaines matieres premieres peuvent etre incorporees dans plusieurs produits finals transformes. C'est ainsi que Ie mats peut servir a fabriquer des aliments du betail, de l'huile, de l'amidon, de la margarine, de la mayonnaise, des nouilles, du detergent, de la farine, ou de la dextrose. Bien que les industriels produisent frequemment plusieurs de ces produits derives de la matiere premiere, ils peuvent etre en concurrence pour acquerir la matiere premiere avec des indus- triels qui fabriquent d'autres produits derives. L'analyste peut prevoir ces op- tions concurrentes en mettant a jour et en relativisant les differents usages finals de la matiere premiere. LES FIRMES INDUSTRIELLES CONCURRENTES. La concurrence la plus directe pour l'acquisition des matieres premieres provient des firmes du meme secteur de transformation. Cette concurrence peut etre aussi bien Ie fait de firmes etrangeres que de firmes nationales. L'exemple suivant mon- trera pourquoi l'analyste doit evaluer l'intensite de la concurrence pour les matieres premieres B . 7. II faut environ 4 livres de cereales pour produire une livre de breuf. La viande est une proteine de meilleure qualite, mais elle est en general plus couteuse et moins acces- sible aux fractions les plus necessiteuses, au plan de la nutrition, de la population. En outre, sauf si les deficits en calories sont combles, la proteine animale, relativement dispendieuse, sera metabolisee en energie au lieu de servir a la croissance. 8. Gordon Bond, «Scollay Square Associates (Ab, Case Study ICH-13G238 (Bos- ton: Harvard University, Graduate School of Business Administration, 1968). LES ACHATS 83 Au milieu des annees soixante, dans un pays d'Amerique centrale, les fabricants d'huile, tiree des graines de coton, se heurtaient a une penurie de matieres premieres. Une nouvelle usine locale avait tHe construite et avait porte la demande totale de graines de coton de 1,725 millions a 3,225 mil- lions, de quintaux des Etats-Unis, ce qui representait une augmentation de 86 %9. Des huileries japonaises etaient egalement presentes sur Ie marche. Elles avaient achete 1,75 millions de quintaux des Etats-Unis en 1966. Entre temps, la culture du coton plafonnait. La stabilite de la production et la crois- sance de la demande aboutirent a une hausse brutale de 18 % du prix des graines de coton, qui passa de 2,80 dollars Ie quintal a 3,30 dollars. Les Japonais etaient en mesure de payer ce prix plus eleve, parce qu'ils pouvaient tirer des revenus supplementaires en extrayant plus d'huile des graines de coton centramericaines (les graines provenant d'autres pays etaient nettoyees plus soigneusement, en raison d'un egrenage plus efficace). LES PER rES. Une derniere deduction est imputable aux pertes dues aux rongeurs, aux degats causes par les insectes, et a une manutention et a un stockage de qualite mediocre. n importe de se pencher sur ce dernier facteur, parce qu'il est, dans une grande mesure, possible d'agir sur lui. Des installa- tions mediocres de stockage peuvent etre a l'origine d'une fraction non negligeable des pertes, mais on ne dispose guere de statistiques fiables a cet egard 1 0 • L'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (F AO) a estime que les pertes representaient de lOa 30 % de la production, selon la culture et la region 11. Des installations de stockage peu coflteuses dans les exploitations ou dans les villages peuvent reduire ces pertes dans une proportion qui peut atteindre 80 %12. Les pertes dues a la manutention et au stockage resultent souvent de programmes d'encouragement de la production qui negligent d'incorporer des capacites de stockage suffisantes pour absorber I'accroissement de la pro- duction. Le Nicaragua avait, par exemple, lance un programme de moderni- sation de son industrie du riz, qui gonfla la production de 146 % entre 1967 et 1969. L'organisation d'achat des cereales de I'Etat fut ainsi submergee par Ie riz. Un haut fonctionnaire declara : «Nous avions achete plus de riz 9. Un «hundredweight» =45,359 kilogrammes =un quintal des Etats-Unis. 10. Pour une presentation interessante des aspects economiques du stockage des denrees a1imentaires, voir «Research into the Economics of Food Storage in Less Developed Countries: Prospects for a Contribution from U.K. Technical Assistance», Communications Series, no. 61 (Sussex : Institute of Development Studies, University of Sussex, 2 avril 1971). 11. E.A. Asselbergs, «FAQ Action Program for the Prevention of Food Losses», allocution prononcee au seminaire pour I'Agribusiness Management for the Developed and Developing World Food System (Boston: Harvard University, Graduate School of Business Administration, 31 mai 1978). 12. David Dichter and Associates, entretien personnel (20 septembre 1977). Pour des techniques de stockage peu couteuses, voir South and East African Management Institute, «Workbook for East African Workshop/Training Course on Improved Farm and Village-Level Grain Storage Methods» (Arusha, Tanzanie, fevrier 1977). 84 I}ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS que ne pouvaient en absorber les installations existantes de traitement, de se- chage, et surtout de stockage. Nous avons dii stocker du riz brut et humide partout ou nous trouvions de la place, y compris dans des immeubles au sol en terre battue)} 13 . L'insuffisance des installations de stockage entraina une perte d'environ 50 % de la valeur du riz. A l'evidence, une bonne estimation par l'analyste des besoins en capacites de stockage associes aux nouveaux programmes de production peut aider a reduire ces pertes. Les points marquants pour ['analyse de projet Le point de depart logique de l'analyse des achats qu'exige un projet consiste a voir si l'offre de matiere premiere est suffisante. n est bien trop frequent de rencontrer dans la plupart des pays en developpement des usines de transformation qui fonctionnent a un niveau inferieur it. la capacite prevue, et cette situation est coiiteuse. Cette productivite reduite est souvent due it. une analyse insuffisante de la quantite de matiere premiere dont l'usine de transformation pourra disposer. Lorsqu'i! etudie les aspects quantitatifs des approvisionnements en matiere premiere d'un projet agro-industriel, l'ana- lyste devrait se poser les questions suivantes : Comment s'est comportee la production totale ? • Quels ont tHe les niveaux de production dans Ie passe ? • De combien ont-ils varie ? • QueUes ont ete les causes de ces variations? Quel est Ie systeme d'utilisation de la terre dans la zone cultivee ? • La superficie cultivee a-t-eUe varie ? • Existe-t-il des superficies cultivables interessantes au plan economi- que, mais encore incultes ? • QueUes sont les tendances it. une extension des superficies? • QueUe est la productivite des terres nouvellement cultivees ? • Dans quelle mesure est-it possible de changer de culture? • Quelles sont les consequences sur la nutrition d'un changement de culture? • Quels sont les effets de !'urbanisation, de l'industrialisation, de la reforme agraire ? Quels sont les rendements ? • Les rendements sont-Us variables? • QueUes sont les causes de leur variation? • Dans queUe mesure fait-on appel it. des produits agro-chimiques et it. des semences ameliorees ? 13. James E. Austin, «Marketing Adjustments to Production Modernization» (Managua: Instituto Centroamericano de Administracion de Empresas [INCAE], 1972), pp. IV-!, IV-2. LES ACHA TS 85 • Quels obstacles s'opposent a une utilisation plus importante de moyens de production ? QueUe est la rentabilite des cultures? • QueUe est la rentabilite relative des differentes cultures possibles? • QueUe est la structure des couts des differentes cultures possibles? • Quels sont les risques perc;us ? QueUe est la sensibilite de l'offre aux changements de production ? • Quels effets ont des modifications de la superficie cultivee sur la pro- duction? • QueHes incitations sont necessaires pour une augmentation des su- perficies cultivees ? • Quel est Ie cout et queUe est la probabilite d'un accroissement des rendements ? La matiere premiere est-elle Ie sous-produit d'une autre agro-industrie ? • QueUes sont l'offre et la demande sur Ie marche du produit primaire? • Peut-on s'approvisionner en recourant a des importations? • Existe-t-il des matilhes premieres de rempiacement ? Quelle est l'autoconsommation des exploitations agricoles ? • QueUe fraction de la recolte est consommee. avant d'etre commer- cialisee ? • QueUe influence exercent une production ou des prix plus eleves sur la commercialisation? • Quels sont les effets sur la nutrition d'une commercialisation accrue? Sous quelle forme Ie produit est-it consomme? • Sous la forme de produit frais, de produit transforme, ou les deux? • Comment se repartit la consommation et queUe est son evolution? • Les utilisations sont-eUes concurrentes ou complementaires ? Quelles sont les parts respectives des consommations animale et humai- ne? • Le produit sert-it it la consommation animale, it la consommation humaine,ou aux deux? • Comment se repartit la consommation et queUe est son evolution ? • Existe-t-il des priorites gouvernementales ? Quels sont les divers usages industriels de la matiere premiere? • Combien existe-t-il de produits finals? • QueUes sont les demandes relatives et les differences de prix ? 86 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS QueUe concurrence exercent au niveau des achats les agro-industries appartenant au meme secteur ? • Com bien y a-toil de concurrents? • Quelle est l'ampleur de leurs besoins en matiere premiere? • Quelles sont leurs methodes d'achat ? QueUes sont les pertes probables sur la recolte ? • Quelles sont les pertes dues aux rongeurs, aux insectes, it la manu- tention, au stockage ? • Quelles mesures peut-on prendre pour reduire les pertes ? • us installations de stockage et les services disponibles dans les exploitations et en dehors des exploitations sont-ils suffisants ? UNE QUALIT£ ACCEPTABLE II ne suffit pas pour la firme de disposer d'une quantite suffisante de ma- tiere premiere ; il faut encore que cette derniere corresponde aux exigences qualitatives d'un bon fonctionnement. Une matiere premiere de qualite mediocre peut conduire it un produit de mauvaise qualite, qui peut rebuter Ie consommateur et avoir des effets defavorables it long terme sur la position de la firme sur Ie marche. Les exigences du marche L'analyste doit decider it quels criteres qualitatifs doit obeir la matiere premiere qu'utilise la firme. Ces criteres dependent des normes jugees acceptables sur Ie marche de la consommation. Une fois encore, cette liaison temoigne des interdependances auxquelles sont soumises les agro-indus- tries : pour analyser Ie segment des approvisionnements, l'analyste doit se pencher sur Ie segment de la conmmercialisation ; pour determiner les parametres de la qualite, I'analyste doit passer par les etudes de la consom- mation qui ont ete presentees au chapitre precedent. L'analyse de la consommation que l'on y trouve aboutissait au resultat que les divers segments d'un me me marche avaient des normes qualitatives differentes, fonc- tions des divers systemes d'achats des consommateurs. us concombres gua- temalteques fournissent un exemple de ces divergences. Lorsque les concom- bres doivent etre conditionnes et exportes au cours de l'hiver vers les Etats- Unis, ils penetrent sur un marche qui exige une qualite elevee. L'analyste doit identifier les caracteristiques qualitatives qui refletent les preferen- ces du marche. C'est ainsi qu'un projet guatemalteque de conditionnement de concombres, destines it l'exportation sur Ie marche d'hiver des Etats-Unis, devrait appliquer it la production locale des criteres rigoureux en matiere de couleur, de taille, de forme, de gout. et d'aspect exterieur (sans parler des LES ACHA TS 87 normes sanitaires a !'importation qu'imposent les autorites des Etats-Unis). Si la production de concombres Mail destinee au marche guatemalteque, les normes de qualite seraient inferieures et, en realite, les consommateurs refu- seraient de payer Ie prix fort des produits exporh!s, de qualite elevee. a Des que I'analyste a mis jour la qualite demandee par Ie marche, il doit la transcrire en exigences qualitatives au niveau de la matiere premiere. Les determinants de fa qualite P1usieurs facteurs influent sur la qualite de Ia matiere premiere, et iI faut les ajuster pour parvenir a la qualite qu'exige Ie marche. Trois d'entre eux reclament en particulier l'attention de I'analyste. LES MOYENS DE PRODUCTION. Le facteur de production qui influe Ie plus sur les caracteristiques et la qualite du produit est constitue par la semence (ou la race, dans Ie cas de l'elevage). La genetique animale et vegetale permet de travailler la semence ou la race jusqu'a ce qu'on obtienne les caracteristiques voulues. Mais la recherche gemHique s'est parfois concentree sur la quantite ou Ie rendement, et n'a pas accorde suffisamment d'atten- tion a la qualite. Un bon exemple est fourni par la premiere variete IR-8, variete de riz it haut rendement. Introduite aux Philippines parce qu'elle promettait une elevation spectaculaire des rendements, la nouvelle semence aboutit a cet egard au resultat recherche, mais la variete IR-8 offrait un grain plus court, se cassait plus facilement lors du traitement et se cuisait moins bien que les varietes traditionnelles. L'IR-8 etait done vendue avec un rabais, qui compensait en grande partie Ie gain tire de l'augmentation des rendements. La recherche genetique remedia plus tard a ces deficiences qualitatives et aboutit a de nouvelles varietes IR-8, qui conservaient I'avantage des rendements eleves. Il est clair que toute manipu- lation genetique des elements primaires doH prendre en compte les aspects quantitatifs et qualitatifs. Dans Ie cas d'agro-industries telles que Ie conditionnement des concom- bres guatemalteques qu'on a presente ci-dessus, la selection des semences a une importance critique. On a developpe des varietes con formes aux prefe- rences des Etats-Unis en matiere de forme, de couleur et de goiit, mais une firme doit tester ces varietes dans les conditions agricoles de la zone de cul- ture ou elle opere (il est avise de tester les varietes pendant au moins deux cycles de culture et dans divers sites). Pour obtenir un produit de la qualite voulue, les firmes devraient utiliser d'autres moyens de production, com- me des pesticides et des engrais. Mais elles doivent les utiliser it bon escient pour parvenir aux resultats recherches J4 . Par exemple les premiers concom- bres exportes par Ie Guatemala avaient souvent une couleur jaunatre et non la 14. Pour des raisons d'ordre economique et ecologique, on devrait aussi conside- rer des methodes naturelles de controle des maladies et I'utilisation d'engrais organiques. 88 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS couleur verte preferee par les consommateurs, et cette deficience provenait sans doute d'une mauvaise utilisation des engrais. Les operations de transformation peuvent egalement dicter les caracteris- tiques que doit posseder la matiere premiere. On a ainsi mis au point des varietes speciales de concombres et de tomates pour la transformation, varietes differentes de celles utilisees pour la consommation sous forme de produits frais. La recherche genetique s'est egalement employee a satisfaire ces demandes, mais, une fois encore, ce sont les exigences du marche qui priment. En fin , l'analyste devrait considerer la qualite nutritive des semences, parce que la variete des semences peut avoir beaucoup d'effet sur Ie contenu en proteines et en microelements nutritifs du produit final. LA MANUTENTION ET LE TRANSPORT. La manutention etle trans- port du produit peuvent egalement exercer une grande influence sur la qualite de ce dernier. C'est particulierement vrai dans Ie cas de produits relativement fragi!es et perissables, les concombres par exemple. Une manutention brutale peut les meurtrir, une exposition trop longue au solei! peut les bnller, des delais de transport trop longs peuvent les faire se dessecher. Par contre, des pommes de terre peuvent supporter une manutention plus brutale. Mais, apres la recoite, les menaces qui pesent sur I'aspect exterieur du produit sont loin d'etre les seules. Les operations posterieures a la production peuvent egale- ment affecter sa qualite nutritive. Les facteurs qui influent Ie plus sur la conservation des elements nutri- tifs dans les fruits et legumes recoites sont les blessures d'ordre mecanique et les conditions de temperature et d'humidite qui prevalent lors de la manutention et du stockage. Les blessures d'ordre mecanique entrainent une desorganisation structurelle des tissus et favorisent la penetration de micro- organismes dans Ie produit, ce qui entraine des pertes. Des reactions d'oxy- dation (chimiques et enzymatiques) se produisent lorsque la structure cellu- laire est rompue. n s'ensuit une perte rapide de vitamines A et C. Les conditions de temperature et d'humidite affectent les produits quand I'humi- dite disparait (dessechement), en me me temps que les vitamines A et C sont perdues. Le dessechement et la perte de vitamines se produisent quand des legumes frais et feuillus sont stockes dans des conditions de temperature elevee, d'humidite faible, ou les deux ala fois. nest souvent possible de prevenir les blessures du produit d'origine mecanique. Les meurtrissures peuvent etre minimisees au moment de la recoite, si on procede a cette derniere pendant les heures fraiches de la nuit, si on utilise rapidement des techniques de prerefroidissement et si on evite les delais prealables aux expeditions. Des dommages peuvent survenir lors de la recoite, du tri, du nettoyage, du lavage, du transport, de l'emballage et du deballage, et de la vente sur Ie marche. L'uti!isation de main-d'amvre, au lieu de machines, outre Ie fait qu'elle fait beneficier Ie projet des avanta- ges lies a une utilisation intensive de main-d'ceuvre, permet d'eviter a certains stades des operations une partie de ces dommages. On peut egalement minimi- ser les dommages qui surviennent pendant Ie transport : les blessures causees LES ACHATS 89 a des peches transportees sur 100 miles par un carnion dont la suspension etait a lameIIes ont ete rtJduites, pour un parcours de distance identique, grace a l'utilisation d'un camion dont la suspension etait a air comprime 1 S • On peut minimiser Ie desstkhement des produits en feuilIes en reduisant Ie temps separant la recolte de I'expedition et en controlant la temperature et I'humidite lors du stockage. LE STOCKAGE. On a deja presente plus haut, dans la section «Une quantite suffisante», les pertes de production dues a des installations de stockage mediocres. Un stockage defectueux ou insuffisant peut egalement affecter la qualite de la production qui reste, une fois defalquees les pertes dues Ii l'exces d'humidite, Ii la chaleur ou aux dommages causes par les insec· tes. Certains produits peuvent exiger des installations de stockage refrigerees, n qui diminuent leur caractere perissable. se peut egalement que la qualiM nutritive se deteriore lors du stockage. Cette possibilite sera presentee dans la section «La gestion des stocks» du chapitre suivant (voir les tableaux 4·7 et 4·8). L'etude de la qualite de la matiere premiere, du transport, de la manuten· tion, et du stockage devrait ensuite amener I'analyste Ii considerer des mesures de contr6le de la qualite. Le contr61e de fa qua/ite L'industriel ne devrait pas se borner a lvurnir aux agriculteurs des moyens de production ameliores afin d'augmenter les rendements. II devrait aussi envisager de fournir des moyens de production destines a arneliorer la qualite, comme de meilleures semences. Pour s'assurer que ces moyens de production sont utilises convenablement, la firme peut, la encore, se trouver dans la necessite d'offrir une assistance technique et une formation professionnelle ; elle peut egalement desirer offri! aux agricuJteurs des equipe. ments physiques, comme des entrepots et des installations de sechage. II faudrait comparer Ie coOt de ces mesures aux gains economiques permis par des prix plus eleves, en raison de l'arnelioration de Ia qualite. Au minimum, l'usine devrait donner aux fournisseurs une claire idee des specifications qualitatives de la matiere premiere. Certaines firmes font appel a des primes et a des penalites sur Ie prix paye afin d'encourager Ies producteurs it utiliser des moyens de production et des techniques de culture qui ameliorent Ia qualite de la matiere premiere. D'autres firmes pro- cedent a des inspections des cultures alors qu'eUes sont en train de pousser, ann de detecter des probJemes tels que les dommages dus aux insectes et de minimiser la degradation de la qualite. Parfois, l'usine doit produire elle· meme la matiere premiere afin de d'assurer un controle convenable de la 15. M. O'Brien et R.F. Kasmire, «Engineering Developments and Problems at Pro- duction Source of Fresh Produce», ASAE Transactions. vol. 15 (1972), p. 566. 90 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS qualite. Cette fonne d'integration verticale vers I'amont sera presentee ci-des- sous, dans Ia section «L'Organisation du systeme d'achats». Les points marquants pour ['analyse de projet La presentation qui vient d'etre faite montre que la qualiM des achats importe a coup sur. Lorsqu'il examine la qualite des approvisionnements en matiere premiere d'une agro-industrie, l'analyste devrait se poser les ques- tions suivantes : QueUes sont les exigences qualitatives du marche ? • QueUes sont les normes des differents segments du marche ? • Existe-t-il des primes de qualite qui majorent les prix? QueUe est la qualite des moyens de production destines aux exploita- tions ? • Quels sont les effets des varietes de semences ? • Quels sont les effets des produits agro-chimiques ? • QueUes connaissances possedent les agriculteurs dans Ie domaine de l'utilisation des moyens de production? Dans quelle mesure la manutention et Ie transport ont-Us une influence sur la qualitti ? • Le personnel est-il suffisamment forme? • Quels sont les transports disponibles ? Quelle est leur qualite ? • QueUe est la degradation de la valeur nutritive? • QueUes sont les modifications nefastes de l'aspect exterieur ? Dans queUe mesure Ie stockage influe-t-il sur la qualite ? • Quel est Ie type des installations? • QueUe est la qualite des installations? • QueUe est la degradation de la valeur nutritive? • QueUes sont les modifications nefastes de I'aspect exterieur ? Quels services peuvent ameliorer fa maltrise de la qualite ? • Quels sont les moyens de production offerts par l'industriel ? • Quel est leur Cotit ? • Ameliorent-ils Ie contrale de la qualite ? • Quels sont les gains economiques ? Quelles specifications qualitatives faut-if formuler et quelles procedu- res de contrble faut-if instituer ? • Existe-t-il des specifications normatives pour la matiere premiere? • Sont-elles communiquees aux exploitants ? • Quelles sont les procedures de contrale ? LES ACHATS 91 QueUe maitrise de la qualite resulterait d'une integration verticale vers l'amont? • Le contr61e serait-il ameli ore ? • Quels sont les coOts et les avantages '1 UN CALENDRIER APPROPRI£ Le temps est un facteur important dans Ie model age du systeme des achats des agro-industries, en raison de la nature biologique des matieres premieres. Les particularites essentielles qui dependent du temps sont Ie caractere saisonnier, Ie caractere perissable des matieres premieres· et la periode pendant laquelle elles sont disponibles. Chacune de ces particulari- tes merite une breve presentation. Un calendrier adapte au caractere saisonnier de la matiere premiere Dans Ie calendrier des achats, un probleme essentiel nail de ce que la majeure partie des cultures et du betail eleve en liberte a un caractere saison- nier. Les imperatifs biologiques du cycle cultural et du cycle de reproduc- tion des animaux compliquent Ie processus d'achat. L'ideal serait que les matieres premieres passent regulierement du champ a l'usine ou s'ajustent pour repondre aux normes exist antes de la demande. Mais, dans les agro-industries, les approvisionnements ne peuvent avoir une telle flexibilite. Une exploitation agricole ne dispose pas de l'avantage que posse de une firme non agricole de travailler deux fois plus longtemps sur la «chaine de produc- tion». Toutefois, une certaine flexibilite existe. On peut allonger ou reduire Ie cycle cultural en plantant les semences appropciees, et I'irrigation peut per- mettre deux nkoltes dans I'annee. Une alimentation intensive raccourcira la periode de croissance du betail et la rendra plus etale. On peut echelonner les plantations pour allonger la periode de la recolte et, ce faisant, reduire la capacite de pointe necessaire lors des operations de transforma- tion. ]] se peut neanmoins que ces ajustements soient coOteux, ou que I'indus- trielles obtienne difficilement. Meme avec ces ajustements, Ie stockage reste Ie principal systeme de regu- lation entre la production et la transformation de la matiere premiere. Le stockage absorbe la masse de la matiere premiere, qui est ensuite dirigee vers les operations de transformation au fur et it mesure des besoins. Meme si des capacites et des services exterieurs de stockage existent, I'usine agro- industrielle devra en general posseder ses propres installations de stockage. On peut determiner la capacite de stockage necessaire a 1a Hrme en calculant Ie flux cumule qu'il faut recevoir au moment de la recolte pour satisfaire les besoins annuels de la firme en matiere premiere. A titre d'exemple, Ie tableau 3-3 montre Ie flux de matiere premiere et I'utilisation de la capacite de traitement du riz en Tha'ilande. Des usines plus petites ont des capacites de Tableau 3 -3. Utilisation saisonniere des usines de traitement du riz en Thailande, 1975. (En tonnes metriques par jour) Approvisionnements reels Capacite trimestriels 0-10 11-20 21·JO 3140 41·50 51·60 61-70 71.80 81·90 91·100 Fevrier-Avril 0,63 6,47 11,63 18,61 25,75 35,32 48,29 38,00 40,00 58,12 Mai-Juillet 0,67 3,76 7,28 14,21 14,30 32,50 31,57 35,67 30,00 50,63 'C "-' Aoiit-Octobre 0,40 2,32 5,61 8,39 11,88 25,05 23,14 29,00 30,00 40,00 Novembre-Janvier 0,59 2,26 5,77 5,74 7,93 20,27 24,14 24,50 30,00 28,75 Moyenne 0,57 3,70 7,57 11,74 14,96 28,28 31,78 31,79 32,50 44,38 Source: D. Welsh et autres, «Thalland Case Study», dans Global Malnutrition and Cereal Grain Fortification, publie sous la direction de James E. Aus- tin (Cambridge, Mass: Ballinger Publishing Co., 1979), p. 248. t11 ~ LES ACHATS 93 stockage plus restreintes et des rythmes de production du riz traite plus regu- Hers, tout au long de la saison, que des usines plus grandes. Des differences dans la nature des activites commerciales expliquent cette disparite : les peti- tes usines fournissent surtout des services aux fermiers qui stockent chez eux leur paddy et qui l'apportent a I'usine lorsqu'ils ont besoin de Ie consom- mer, alors que les grandes usines achetent Ie riz aux fermiers au moment de la recolte. Ie transforment et Ie revendent. La nature de l'activite commerciale determine donc egalement Ie calendrier des approvisionnements. Un calendrier adapte au caractere perissable de fa matiere premiere Les matieres premieres sont perissables a divers degres. Certaines maM- res doivent etre transformees immediatement, sinon Ie produit perd beau- coup de sa qualite et de sa valeur economique. C'est ainsi qu'i! faut transfor- mer l'huile de noix des palmiers africains dans les quelques jours qui suivent la cueillette. Sinon, elle s'acidifie et ne peut etre utili see . De meme, si les concombres ne sont pas recoltes pendant les quelques jours ou ils sont murs, ils deviennent vite trop gros et impossibles a exporter. Le moment de la nkolte peut influer sur la teneur en elements nutritifs, et des retards apres la recolte peuvent entrainer des pertes d'elements nutritifs. Par exemple, les tomates muries sur pied contiennent a peu pres 40 % de plus de vitamine C que les tomates cueillies alors qu'elles sont vertes et mories ensuite lors du stockage l6 • Le caractere perissable de la matiere premiere donne une grande importance it la programmation de la recolte et a la frequence des transports entre I 'exploitation agricole et I'usine. L'analyste doit determiner si les services de transports et leur frequence sont adaptes aux ressources des fournisseurs. La firme devrait dans la me sure du possible tenter de Ct!duire Ie risque dO au caractere perissable de la matiere premiere. Par exemple, des sechoirs mecaniques peuvent diminuer l'humidite des cereales, et attenuer ainsi Ie risque d'une carbonisation due it l'empilage et d'une invasion par les insectes. Des points de rassemblement ombrages dans les champs peuvent mettre les fruits et les legumes a I'abri du solei! et de la chaleur. S'il n,est pas possible de reduire Ie caractere perissable de la matiere premiere, Ia firme peut envisager de modifier la forme du produit final. Un producteur de gombo d'Amerique centrale rencontrait de graves problemes dans Ie transport du produit vers Ie marche des primeurs des Etats-Unis, parce que les delais de transport etaient responsables de dommages et de pertes considerables. Ce producteur resolut Ie probleme en installant une usine de refrigeration et en passant au marche n du gombo surgele. pouvait ainsi stocker la matiere premiere, rendue moins perissable, et etre moins dependant du temps. 16. J .M. Krochta et B. Feinberg, «Effects of Harvesting and Handling on the Com- position of Fruits and Vegetables», dans Nutritional Evaluation of Food Processing, 2e edition, publie sous la direction de R.S. Harris et Endel Karmas (Westport, Conn. : Avi Publishing Co., 1975), p. 98. Figure 8. Rendements des vergers de pechers et de pommiers dans fa vallee de Majes. au Perou 25. r--- \ - - Feches f \ ~ 20 \ f \ .S- f !:l -0> e I \ '" ~ 15 / \ I::: .8 / \ \Q .;.. I::: 0> '"-' / "- "\ '5 10 I e0> / \ .~ '0 c:: \ 0> tx: / \ '------- 5 o 5 10 15 20 25 Annees Source: Banque Mondiale. «ProjectoAgro-industrial de Fruticultura para el Valle de Majes». Agricultural Projects Course Field Report, Arequipa, Perou (Washington, D.C., mai 1976 ; document de diffusion restreinte), LES ACHATS 95 Un calendrier adapte a fa disponibilite de fa matiere premiere II existe une plhiode globale pendant Iaquelle Ia matiere premiere se trou- ve disponible pour I'usine de transformation, periode correspondant ala «du- ree de vie» de l'offre. La premiere phase de cette periode correspond au temps qui s'ecoule entre la plantation de la matiere premiere et Ie debut de son arrivee a l'usine. Pour les cultures courantes, cette premiere phase ne dure en general que quelques mois ; mais pour des cultures nouvelles ou peu cou- rantes, il existe souvent une periode de croissance plus longue et hasardeuse. Dans Ie cas des projets portant sur la viande de breuf, il faut un delai d'attente pour constituer Ie troupeau de telle sorte que l'usine beneficie d'un approvi- sionnement regulier. Dans Ie cas des palmiers africains, i1 faut attendre environ cinq ans avant de pouvoir recolter Ie fruit. D'autres arbres fruitiers, Ies theiers et Ies cafeiers exigent egalement de longs dtHais. Des periodes de demarrage longues necessitent une attention particuliere : it faut en effet supporter les coOts de demarrage de cultures qui n'engendrent aucun revenu dans l'immediat. La deuxil~me et derniere phase de la periode de disponibilite soul eve la question de la longevite de l'approvisionnement en matiere premiere, une fois achevee la periode de demarrage initiale. Au contraire des minerais, les cultures sont une ressource renouvelable : on peut les replanter. Mais des techniques de culture inadequates peuvent conduire a un epuisement ou a une erosion du sol qui rendent la terre improductive. L'analyste devrait considerer cette longevite a long terme et etudier les techniques de culture permettant qu'un approvisionnement regulier soit assure. Les arb res fruitiers ont une vie longue mais finie. Leur productivite evolue d'abord dans Ie sens d'une acceleration, puis d'une baisse (la figure 8 montre par exemple I'evolu- tion des rendements d'un projet de fruiterie et de conserve de fruits au Perou). Des plantations echelonnees peuvent garantir un flux regulier et continu, propice a une productivite constante. La disponibilite d'une culture peut etre mise en danger quand les four- nisseurs se toument vers d'autres cultures. Le risque est particulierement grand quand la matiere premiere est un sous-produit d'une autre culture, comme l'huile tiree de la gralne de coton (voir la sous-section «Les firmes industrielles concurrentes)} de la section «Une quantite suffisante» ci-dessus). L'offre de graine de coton depend de la demande de coton. Lorsque Ie prix du coton tombe, les agriculteurs se toument vers d'autres cultures et on dis- pose de moins de graines. Comme la graine de coton ne represente qu'une fraction negligeable du revenu des agriculteurs, un fabricant d'huile a base de graine de coton ne pourra'it, en augmentant Ie prix des graines, pousser effi- cacement a une augmentation de la production de coton. Cette absence de controle met une nouvelle fois en lumiere les avantages dont dispose une firme qui diversifie ses sources de matiere premiere : la firme qui trans forme en huile les graines de coton pourrait par exemple experimenter les sources suppIementaires d'huile que sont l'arachide, Ie soja ou les graines de palmier. Une diversification de ce type exige souvent des adaptations des equipements 96 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS de transformation. L'analyste devrait comparer Ie coUt de l'amenagement des equipements aux avantages dus a des sources multiples d'approvisionnement en matiere premiere, en se rappel ant que des sources mUltiples reduisent egalement les risques d'une mauvaise recolte pour une des matieres premieres ou dans une zone geographique particuliere. Les points marquants pour l'analyse de projet L'analyste qui se penche sur Ie calendrier du systeme d'achats doit se poser les questions importantes suivantes : Quel est Ie cycle saisonnier de la recolte ? • QueUe est la peri ode de la recolte (ou l'epoque de I'abattage) ? • Quels sont les effets des semailles (ou de la naissance des betes) sur Ie calendrier ? • Quels sont les effets des plantations (ou de l'engraissement) sur Ie calendrier? • Quels sont les coUts et les avantages d'une modification du cycle de la recolte ? Quelles installations exige Ie cycle saisonnier de la recolte ? • Une capacite de sechage (ou un enclos)? • Une capacite de stockage de pOinte? • Des facilites de stockage rentables sont-elles disponibles ? Dans quelle mesure ta matiere premiere est-elle perissable ? • Que) calendrier de la It!coIte (ou de I'abattage) evite une deteriora- tion? • Pendant combien de temps apres la recolte (ou l'abattage) n'enregis- tre-t-on pas de dommage ? QueUes installations necessite Ie caractere perissable de la matiere pre- miere? • Pendant la recolte, Ie transport et Ie stockage ? • Un echelonnement est-il possible? • Peut-on reduire Ie caractere perissable de la matiere premiere par des traitements speciaux ? A queUe periode et pendant combien de temps la matiere premiere sera- t-elle disponible ? • Est-ce une nouvelle culture (ou une nouvelle race) dans la zone? • Quels sont les delais d'experimentation agronomique ? • Quelle est la periode entre la plantation et la nkoite (ou la duree du cycle des naissances) ? • De quels financements dispose I'agriculteur pendant la periode de demarrage? LES ACHA TS 97 • QueUe est la viabilite des pratiques agricoles au plan ecologique 7 • Comment evolue Ie rendement des cultures perennes (ou du trou- peau) au cours de leur duree de vie? • Quels sont les effets du flux de la matiere premiere du point de vue de la continuite ? • Peut-on s'attendre Ii des modifications dans l'utilisation des terres? • Quels sont les effets de sources multiples d'approvisionnement ? UN COUT RAISONNABLE n n'est pas surprenant que l'economie de la plupart des agro-industries soit dominee par les couts des matieres premieres. En general, les agro-industries, au contraire des autres firmes manufacturieres, ne realisent pas des operations additives telles que l'assemblage de pieces. En tant qu'ope- ration de transformation, la fabrication d'aliments est frequemment un processus de soustraction, qui reduit la matiere originelle. Ses principaux fac- teurs de production, en dehors des matieres premieres, sont la main- d'reuvre, divers ingredients et Ie conditionnement. Le tableau 34 illustre les couts des matieres premieres dans differentes agro-industries. Comme on peut Ie voir, les couts des matieres premieres representent entre 54 % et 92 % du cout total des projets. En raison de I'importance primordiale des couts des matieres premieres, l'analyste devrait examiner differents meca- nismes de fixation des prix et verifier quelle est la sensibilite des profits a une variation des couts. Les determinants des couts Plusieurs facteurs notamment l'offre et la de man de , les couts d'oppor- tunite,la structure du systeme, les services logistiques, et les interventions de I'Etat - influent sur Ie COllt de la matiere premiere. On les examinera succes- sivement. L'OFFRE ET LA DEMANDE. Le jeu de l'offre et de la demande de la marchandise est Ie principal determinant du cout de la matiere premiere. Du cote de la demande, I'analyste do it etablir la force economique des utilisa- teurs concurrents de la matiere premiere (voir la section «Dne quantite suffisante» ci-dessus). Quand l'offre est rare, elle s'orientera vers la firme qui fait I'enchere la plus forte. Quoi qu'il en soit, que la matiere premiere soit rare ou abondante, l'analyste devrait evaluer les effets de 1a demande emanant du projet. A cet egard, la dimension du projet a une importance particuliere : plus Ie projet est grand, plus il risque de rompre l'equilibre entre l'offre et la demande. Des besoins importants en matiere premiere peuvent soumettre l'offre it des tensions et exercer une pression a la hausse du prix. 8i Ie projet est la source d'achat dominante d'une matiere premiere, on peut voir 98 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Tableau 3-4. L 'importance des couts des matieres premieres dans les agro-industries Part en pourcentage de fa matiere premiere Agro·industrie et emplacement dans Ie cout total du projet Production de viande de breuf (Bresil)a 92 Produits laitiers (Bresil)a 67 Production d'ail et d'oignon en poudre (Equateur)b 92 Production de viande (Yougosiavie)C 76 Production de volaille (Ghana)d 60 Raffinerie d'huile de soja (Mexique)e 81 Raffinerie de sucre (Equateur)f 63 F arine de ble (Philippines)g 54 Production de yin (Y ougoslavie)C 82 Sources: a. Banque Mondiale, «Brazil: Agroindustries Credit Project» (Washington, D.C., 14 juin 1973 ; roneote) ; b. Banque Mondiale et Banque interamericaine de developpement [BID j, «Proyectos agro-industriales de deshidrataclon de ajo y cebolla» (Washington, D.C., octobre 1974 ; roneott':) ; c. Banque Mondiale, «Appraisal of an Agri- cultural Industries Project - Macedonia» (Washington, D.C., 30 avril 1973 ; roneote) ; d. Business Promotion Agency Ltd, «Feasability Report on Integrated Poultry Project» (Accra, non date) ; e. Fondo de Garantla, Development for Agricultura, Livestock, and Aviculture, «Planta extractora de aceites» (Mexico, septembre 1973) ; f. Banque Mon- diale et BID, «Ingenios azucareros - Cuenca de Guayas» (Washington, D.C., aout 1974 ; roneote) ; g. E. Felton, «Republic Flour Mills» (Manille : Inter-University Program for Graduate Business Education, 1977). apparaitre une position semi monopsoniste sur Ie marche et I'entreprise impo- se son prix plutot qu'elle ne Ie subit. Bien que cela puisse reduire les cmits de matiere premiere du projet, il se pourrait egalement qu'on enregistre des effets negatifs sur les revenus des agriculteurs et sur leur regime alimen- taire, s'il s'agit de petits producteurs, aux revenus faibles. A l'evidence, il faut examiner les rapports de force entre acheteur et vendeur. On reviendra sur ce point dans la section suivante, relative it I'organisation des achats. LES COUTS D'OPPORTUNITE. Les coiits d'opportunite de l'agricul- teur qui assure les approvisionnements d'un projet agro-industriel particu- lier sont une des limites qui pesent sur la puissance de l'acheteur et sur I'influence qu'il peut exercer sur Ie prix des matieres premieres. L'analyste doit determiner de queUe flexibilite dispose I'agriculteur dans Ie choix des cui· tures et calculer Ie profit tire .d'autres cultures pour Ie comparer au profit associe it la culture necessaire au projet. Meme si Ie projet ne suppose aucun investissement dans Ie domaine de la production agricole, la firme ne peut se passer de comprendre Ie calcul economique de l'agriculteur 1 i . 17. Pour une demarche pratique dans Ie domaine de I'analyse financiere des exploi- tations agricoles, voir J. Price Gittinger, Economic Analysis of Agricultural Projects LES ACHATS 99 LES STRUCTURES DU SYSTEME. Des facteurs structurels de la chaine qui va de I'exploitation agricole a i'usine peuvent egalement influer sur les couts des matieres premieres. Le plus banal de ces facteurs est l'interme- diaire qui achete Ie produit aux agriculteurs et Ie vend a l'usine. On a tendance a qualifier automatiquement ces intermediaires d'exploiteurs et a considerer que leur presence est in desirable au sein du systeme alimentaire. Bien des faits justifient certes un tel qualificatif, et, a coup sur, les interme- diaires ont a certains moments exerce un contr61e oligopolistique sur les cir- cuits d'approvisionnement. Mais ces intermediaires remplissent d'habitude des fonctions essentielles, comme Ie rassemblement, Ie transport ou Ie finance- ment, que d'autres devraient remplir a leur place s'ils n'existaient pas. Vana- lyste devrait determiner les couts de ces services intermediaires et les comparer aux couts, a l'efficacite et a l'equite de methodes concurrentes, telles que des achats directs a la ferme par l'usine ou une livraison directe a l'usine par des cooperatives agricoles. LES SERVICES LOGISTIQUES. Les couts des services peuvent faire augmenter de maniere importante les couts des matieres premieres. Le trans- port, qui est un service dont la charge est particulierement lourde, est souvent analyse de fa~on superficielle ou neglige. Comme les prix des matieres premie- res sont souvent calcules de maniere a comprendre les frais d'expedition jusqu'a I'entree de rusine, les charges de transport ne sont pas apparentes. Une sucrerie d'un pays d'Amerique latine souhaitait, par exemple, reduire Ie cout de la canne a sucre qu'elle achetait a de petits exploitants, parce que les prix mondiaux du sucre avaient baisse de manil~re spectaculaire et avaient place la firme dans un etau entre Ie prix et Ie cout. La sucrerie fit passer Ie prix paye aux exploitants de 7 dollars la tonne expediee a l'usine a 5 dollars. Ce prix tHait encore considere comme rentable pour les exploitants. en n resulta qu'une bonne partie des exploitants s'orienta vers d'autres cultures et l'approvisionnement en matiere premiere de la sucrerie fut menace. En etudiant la structure des couts entre I'exploitation et I'usine (voir Ie tableau 3·5), l'usine s'aper~ut que les charges de transport avaient absorbe plus de 40 % des revenus des exploitants agricoles pour Ie prix ancien et qu'elles en absorbaient 60 % au nouveau prix. Les exploitants n'avaient plus interet a produire au nouveau prix. La sucrerie acheta une flotille de ca· mions susceptible de fonctionner a un cout egal au tiers de celui du precedent systeme de cammionnage, ce qui garantit les revenus des n agriculteurs et abaissa Ie cout d'expedition de la canne. y avait une autre solution. Les producteurs auraient pu se grouper et mettre sur pied un service de transport. (Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1972), pp. 130-155. Voir egalement Howard N. Barnum et Lyn Squire, A Model of an Agricultural Household: Theory and Evidence, et Maxwell L. Brown, Farm Budgets: From Farm Income Analysis to Agri- cultural Project Analysis, World Bank Staff Occasional Papers, nOs 27 et 29 respective- ment (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1979). 100 L' ANAL YSE DES PROSETS AGRO-INDUSTRIELS Tableau 3-5. Illustration: La structure des couts de production et d'expedition de fa canne a sucre dans un pays d'Amerique [atine en 1972 (En dollars des Etats-Unis par tonne metrique) A i'ancien prix Au nouveau prix Rubrique CoCa Pourcentage Coat Pourcentage Prix paye par l'usine Ii l' agri- culteur 7,00 100 5,00 100 Charges payees par l'agriculteur au transporteur 3,00 43 3,00 60 Salaires payes par !'agriculteur a l' ouvrier agricole 1,50 21 1,50 30 Charges foncieres de I'agricul- teur 1,00 15 1,00 20 Revenu net de !'agriculteur 1,50 21 -0,50 (10) Source: Estimation de l'auteur fondee sur des documents d'une firme inedits. LES INTERVENTIONS PUBLIQUES. nest souvent necessaire de remonter les couts sur toute la chaIne qui va de l'exploitation a l'usine pour decouvrir les effets des programmes gouvernementaux. Par exemple, Ie secteur de transformation de la volaille dut, dans un pays africain, degager les couts en remontant la chaine jusqu'aux producteurs de cere ales utilisees comme aliments pour les animaux, afin de trouver la cause des hausses de prix de sa matiere premiere, et en meme temps 1a responsabilite de I'Etat dans cette affaire. Le gouvernement s'inquietait du prix eleve des poulets it rotir, parce que Ie secteur de la volaille etait considere comme un moyen de fournir des proteines animales moins cheres aux segments de la population dotes de revenus relativement faibles. Le haut prix au detail des poulets it rotir condui- sit Ie gouvernement a envisager l'instauration de controles de prix sur la viande de poulet afin d'interdire des profits excessifs aux industriels. Mais, lorsque les responsables de la politique economique remonterent tous les elements de cOllt de puis Ie detaillant jusqu'a l'industriel, puis jusqu'a l'e1e- veur de vo1aille, ils se rendirent compte que les marges de profit de l'industriel n'etaient pas excessives et que I'element essen tiel du coilt etait les aliments pour la volail\e (voir Ie tableau 3-6). Poursuivant l'analyse, ils decouvrirent que les usines fabriquant ces aliments fonctionnaient egaIe- ment avec des marges de profit etroites et que la veritable cause du coilt eleve des aliments pour la volaille etait Ie prix de soutien eleve des cereales destinees aux animaux qui tHait alors en vigueur avec Ie soutien meme du gouvernement. En raison de I'importance economique primor- diale de cette matiere premiere dans Ie secteur, des prix eleves en fin de chaine etaient inevitables. Pourtant, les prix eleves et soutenus ne suffisaient pas a pousser a une augmentation de la production de cereales. Cela donne a LESACHATS 101 Tableau 3-6. Illustration: La stnlcture des couts de l'agro-industrie des poulets it rbtir dans un pays africain en 1973 (En dollars des Etats-Unis) Rubrique Cout par poulet Pourcentage Vente au detail Prix au de tail 3,24 100,0 Marge 0,25 7,6 Transformation Preparation 0,20 6,1 Conditionnement 0,05 1,5 Distribution 0,10 3,0 Frais gemlraux et administration 0,15 4,6 Marge de profit 0,15 4,6 Elevage Poulets incubes 0,20 6,1 Alimentation 1,80 54,7 Controle des maladies 0,05 1,5 Mortalire 0,05 1,5 Entretien 0,04 1,2 Transport 0,10 3,0 Marge de profit 0,15 4,6 Source .. Estimation de l'auteur fondee sur des etudes inedites du secteur. penser que d'autres contraintes pesaient sur la production, comme une insuffisance de credit ou d'assistance technique, qui auraient constitue des cibles plus judicieuses pour l'action gouvernementale. Les mecanismes de FIXation des prix 11 est manifeste que de nombreuses forces influent sur Ie collt de la matiere premiere d'une usine. L'analyste peut considerer diverses possibili- tes, dont les suivantes, pour que l'usine obtienne sa matiere premiere a un cout raisonnable. LES PRIX AU COMPTANT. Un achat au comptant signifie que la thme paye Ie prix qui prevaut sur Ie marche. Cette procedure est raisonnable si Ies concurrents l'utilisent aussi, parce que toutes les firmes supportent alors des coOts semblables. Mais les prix ont ten dance it varier fortement au cours de l'annee et selon les annees. La planification financiere est donc en- tacMe d'une certaine incertitude. DES SOURCES D'APPROVISIONNEMENT MULTIPLES. Lorsque 102 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDLJSTRIELS la firme achete au comptant, il est souhaitable qU'elle ait des sources d'approvisionnement multiples. Cela permet au responsable des achats de modifier la combinaison des mati est celui qui a servi de paradigme, I'arbitrage entre la main-d'reuvre et Ie capital 3 • Dans ce modele, la main-d'reuvre est consideree comme abondante et Ie capi- tal comme rare. II faudrait donc utiliser une technologie qui fasse plutot appel a la main-d'reuvre qu'au capital. Des ensembles de chomeurs qui se trouvent en face d'un petit nombre de possibilites d'emploi donnent lieu a de faibles couts d'opportunite. En consequence, une evaluation des couts par des prix fictifs favoriserait une technologie exigeant beau coup de main- d'reuvre, notamment lorsque l'augmentation de l'emploi est une priorite sociale. Mais il se peut que Ie salaire paye par l'usine soit superieur au cout d'opportunite en raison d'un salaire minimum legal, d'avantages sociaux ou d'autres facteurs. En outre, des taux d'intertH artiflciellement bas ou des taux de change surevalues sont susceptibles de rendre, pour Ie proprietaire de I'usine, les importations et Ie recours a des equipements plus interessants fl- nancierement qU'une utilisation intensive de main-d'reuvre. (Ces «prin pourraient etre ajustes dans une analyse des couts et avantages sociaux.) Dans ce cas, les inten~ts prive et public divergeraient, et il faudrait, pour les rendre compatibles, proceder a des ajustements de la politique economique ou a un remodelage du projet. Mais il existe des variantes de ce paradigme. L'analyse des differents niveaux de mecanisation des usines de transformation du riz indonesiennes, a laquelle s'est livre C. Peter Timmer, servira ales illustrer4 • Timmer a abouti a la conclusion selon laquelle une petite usine, qui traite quatre tonnes par heure et qui se compose de deux machines pour Ie decorticage et Ie blan- chissement, est economiquement plus interessante qu'un pHage it la main ou que des usines plus grandes, dotees d'installations mecaniques de sechage et de stockage (voir Ie tableau 4-1). On peut cependant discuter sa conclusion, en raison des effets negatifs possibles sur l'emploi et la repartition du revenu que Ie passage d'un pilage a la main a de petites usines mecanisees pourrait entrainer. Toutefois, l'abandon d'un pilage it la main realise a domicile pour- rait refleter la reaction des usines indonesiennes it une forte preference des consommateurs, soucieux de menager leur commodite personnelle et d'econo- 3. Voir la quatrieme section de Ia bibliographie pour des references supple- mentaires. 4. C. Peter Timmer, «Choice of Technique in Rice Milling in Java», Bulletin of Indonesian Economic Studies, vol. 9, nO 2 (juillet 1973), pp. 57-76 ; article reproduit en tant que Research and Training Network Reprint (New York: Agricultural Develop- ment Council, Inc., septembre 1974). LA TRANSFORMATION 121 miser du temps. Les donnees du tableau 4-2 montrent que Ie pilage a la main realise a domicile est rare, dans Ie cas de la transformation du riz et du mais, dans les autres pays. L'un des moyens de remodeler Ia technologie d'un projet pour accroitre I'utilisation d'une main·d'reuvre bon march!! consiste a decomposer Ia techno· logie. n necessite que l'usine identifie chaque phase du processus de produc· tion et evalue l'utilisation du travail manuel dans chaque activite. Souvent, la manutention et Ie tri des matieres peuvent etre realises a la main a meil· leur prix qU'avec des moyens mecaniques. Dans certains cas, l'emballage peut etre realise par Ia main·d'reuvre plutot que par des moyens automatiques. Mais des activites qui exigent une grande precision ou une transformation chimique ne peuvent, Ie plus souvent, etre conduites qU'avec des moyens mecaniques (les exigences de traitement limitent Ia substitution entre fac· teurs). Le processus de decomposition a egalement trait aux economies d'echelle. L'analyse economique des investissements qui exigent beaucoup de capital repose en partie sur Ies economies d'echelle. II est essentiel de disposer de grandes unites de production pour produire une quantite elevee a de faibles coiits unitaires. Mais Ia production a moindre coiit, pour I'ensemble des processus agro·industriels au sein d'un secteur, n'exclut pas necessairement les petites et moyennes industries (PM!). La firme devrait etudier Ie systeme agro·industriel pour degager les fonctions qui seraient mieux remplies par des unites de production de petite dimension que par de grandes unites exigeant beaucoup de capital. Par exemple, l'industrie indien· ne du cuir et de la chaussure comprend Ies processus d'(korchage, de nettoya- ge, de tannage, de polissage et de confection. L'ecorchage et Ie nettoyage sont des operations effectuees a petite echelle en raison de Ia nature des approvisionnements en matiere premiere : Ies animaux morts sont trouves et ecorches par une foule d'entrepreneurs individueis (car Ies croyances religieuses interdisent de tuer Ies vaches). Le processus de tannage necessite des equipements importants et implique, par voie de consequence, que I'on traite de gran des quantites. Mais la phase de confection des chaussures et des articles en cuir que comporte Ie processus peut etre me nee efficace- ment a petite echelle, avec un equipement modeste. Le secteur italien d'exportation de la chaussure, qui est prospere, et 1'industrie bresilienne de la chaussure, qUi est en pleine expansion, font largement appel aux PMI au stade de la confection. (Ces pays ont l'avantage sur l'Inde que les betes sont abattues pour leur viande et que les peaux, qui constituent la matiere premiere, sont de qualite superieure.) Certains auteurs ont affirme que les techniques qui exigent beaucoup de main-d'reuvre sont dans la pratique souvent moins efficaces que Ies techni- ques qui exigent beaucoup de capital, parce qu'elles emploient relativement plus de main-d'reuvre et de capital pour produire la meme quantile de produit 5 • Cependant, i1 existe beaucoup de possibilites d'augmenter l'inten- 5. Voir, par exemple, Richard S. Eckaus, «The Factor Proportions Problem in Un- derdeveloped Areas», The American Economic Review, vol. 50, nO 2 (mai 1960), pp. 642-648. Tableau 4-1. Dillhen tes technologies de traitement du riz en Indonesie, 1972 Type de technologie de transformation Broyagea Petite Grande Petit Grand fa main unite unite ensemble ensemble Specification technique et economique ( s)a (s)a (slm) a (m)a (m)a Donnees par unite Capacite (en tonnes metriques par an)b s.o. 1000e 2500d 7200 21600 Coot de l'investissement (en dollars des Etats-Unis)C 0 8049c 9051l d 453283 2605926. Ouvriers de premiere ligne (nombre par equipe) s.o. 12c 16 d 27 39 Donnees pour des entrees annuelles de 1 000 tonnes metriques ...... de riz brut IV IV Colit de !'investissement (en dollars des Etats-Unis)e 0 8049 36204 62956 120645 Ouvriers de premiere Jigne (nombre) 22,oof 12,00 6,40 3,75 1,81 Production de liz traite (en tonnes mchriques) 570 590 630 650 670 Prix du marche (en roupies par kilogramme) 40,0 45,0 48,0 49,5 50,0 Valeur de la production (en millions de roupies) 22,8 26,6 30,2 32,2 33,S Valeur ajoureeg 4,8 8,6 12,2 14,2 15,5 Donnees pour une valeur ajoutee annuelle de 10 millions de roupies Coot de \'investisscment (en dollars des Etats-Unis)e 0 9359 29675 44335 77 835 Ouvriers de premiere tigne (nombre) 45,83 13,95 5,25 2,64 1,17 s.o., sans objet. Source: C. Peter Timmer, «Choice of Technique in Rice Milling on Java», Bulletin of indonesiJIn Economic Studies, voL 9, nO 2 (juillet 1973) ; reproduit en tant que Research and Training Network Reprint (New-York: Agricultural Development Council, Inc., septembre 1974). p. 6. a. La lettre s entre parentheses indique que l'equipement utilise un sechage solaire ;m indique un sechage mecanique. b. La capac ire de traitement est mesuree en entrees annuelles de tonnes metriques de riz brut, a supposer que l'equipement fonctionne 2400 heures par an. c. Les donnees techniques et les donnees de couts de la petite usine de traitement du riz sont precisement celles d'un decortiqueur fabrique locale- ment du type «instantane» dont la capacire d'absorption est de trois-quarts de tonne par heure, qui est relie a un polisseur du type Engelberg, dont la capacire d'absorption est d'une demi-tonne par heure. Cette petite usine comporte un hangar de battage et une aire de sechage solaire, mais aucune instal- lation de stockage supplementaire. Cette usine est consideree comme representative de toute la garnme des petites installations de traitement du riz. .- ~ d. Les donnees mecaniques et les donnees de couts de la grande usine de traitement du riz sont precisement celles d'une unire integree japonaise "'" disposant d'une capac ire de stockage de 756 tonnes de riz brut, de 360 tonnes de riz en sac et de 546 tonnes de riz en VIac contenu dans des coffres metalliques verticaux. Elle com porte un sechoir mecanique dont 1a capacire est de trois-quarts de tonnes par heure a cote d'une aire de sechage solaire. La capacire de traitement est de 1 tonne a 1,1 tonne de riz par heure. e. Ce chiffre comprend les couts des batiments et des machines (y compris un batteur mil par un moteur diesel), mais non ceux du sol. En 1972, 1 dollar des Etats-Unis = 413 roupies. f. Cela suppose qu'un ouvrier pile a la main environ 150 kilogrammes degabah (riz brut) par jour, avec un rendement voisin de 35 'kilogrammes de riz. g. La valeur ajouree est calculee en supposant que la gabah coute 18 roupies par 'kilogramme, cout superieur au prix plafond de 16 roupies pour Ie kilogramme de gabah «seche au village» livre a.l'usine. Le cout (et la valeur ajoutee) de la reduction des impuretes pour aboutir a la gabah «seche a l'usine» est inc\us dans les activires de transformation. 124 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS site de I'utilisation de la main-d'oouvre sans pour autant que la firme voie sa situation economique se degrader. Les analystes pourraient envisager plu- sieurs demarches possibles : selection, au sein du systeme agro-industriel, des phases de la production exigeant beaucoup de main-d'oouvre, comme dans l'exemple de l'industrie du cuir ci-dessus ; choix de produits incorporant davantage de main·d'oouvre ; ou encore, separation entre les aspects de la technologie qui sont impossibles it modifier et oil la substitution du capital it la main-d'oouvre est dictee par Ie processus ou les exigences du marche, et les aspects qui ne sont pas essentiels et oil la substitution est dictee par les couts de la main-d'oouvre ou par les preferences des dirigeants d'entre· prise 6 • L'analyste doit aussi se rendre compte qu'il existe de nombreuses options technologiques et de permutations possibles entre la machine et la main·d'oouvre qui ont des consequences sur l'intensite d'utilisation du capi- tal. L'annexe A illustre les ecarts considerables dans les couts en capital et dans les couts variables que l'on rencontre dans des processus sembi a- bles ou differents. (Les estimations des couts qui figurent dans les tableaux de Tableau 4-2. Systemes de traitement du riz et du mars en Thailande en 1975 et au Guatemala en 1973 POUTcentage Pays Traite dans les usines Pile Ii domicile Tharlande (province) Ayuthya 100 o Cahyaphum 88 12 Kalasin 100 o Phichit 99 1 Phrae 99 1 Songkhla 85 15 Guatemala (region) Hau tes terres rurales 99 1 Camp agnes de l'Est 98 2 Camp agnes du Sud 98 2 Zones semi-urbaines 99 Source: James E. Austin (sous la direction de), Global Malnutrition and Cereal For- tification (Cambridge, Mass. : Ballinger Publishing Co., 1979). 6. Pour une perspective marxiste de la substitution, voir G.E. Skorov (lnstitut de l'economie mondiale et des relations internationales, Acaoomie des sciences de l'URSS), SCience, Technology, and Economic Growth in Developing Countries (Lon- dres : Pergamon Press, 1978), pp. 87-94 ; pour une critique de cette perspective, voir Deepak Lal, Men or Machines (Geneve ; Organisation internationale du travail, 1978), annexe A, pp. 59-62. LA TRANSFORMATION 125 l'annexe A sont des donnees de reference permettant d'evaluer les couts de technologies de transformation de denrees alimentaires comparables.) Un projet peut souvent economiser beaucoup de capital, sans sacrifier pour autant la qualite du produit ou des emplois, grace it l'achat d'equi- pements de seconde main. Les couts eleves de la main-d'reuvre dans les nations plus industrialisees avant agent les innovations qui economisent la main-d'reuvre. Les industriels, pour etre competitifs, achetent donc de nou- velles machines. 8i les equipements remplaces par cette pratique n'ont pas d'interet economique sur Ie marche des pays industrialises ou its ont vu Ie jour, i1s peuvent etre viables dans des nations moins industrialisees. Les couts de la main-d'reuvre sont plus faibles dans ces nations et celles-ci sont desi- reuses d'installer des equipements exigeant beaucoup de main-d'reuvre pour des raisons financieres et sociales. Les equipements de seconde main n'alte- rent pas la qualite du produit final, mais permet simplement de prendre avan- tage des differences de coilt entre facteurs. Une technologie qui ne convient plus dans un environnement donne peut fort bien convenir dans un autre. Un industriel colombien du secteur textile, it qui l'auteur a rendu visite, a, par a exemple, achete une serie d'equipements une firme textile des Etats-Unis qui ayaH adopte une nouvelle technologie, economisant davantage de main- d'reuvre. L'economie de capital realisee par la firme colombienne par cet achat d'equipements de seconde main suffit it payer la formation des ouvriers qui devaient demonter et faire fonctionner les equipements, les couts de transport, et Ie remontage et I'installation de I'ensemble des equi- pements. Plusieurs raisons expliquent que des equipements de seconde main ne soient pas achetes plus frequemment. Les informations sur Ie type et la qualite des equipements disponibles sont souvent rares, et iI se peut que I'acheteur originaire d'un pays en developpement doive se deplacer dans Ie pays industrialise pour inspecter les machines. II se peut egalement qu'il soit difficile d'obtenir des pieces de rechange pour les equipements d'une conception moins nkente 7 • Ou encore, les responsables de la politi- que ou les ingenieurs de l'usine peuvent considerer, au plan psychologique, que les equipements de seconde main correspondent it un «statut bas» ou sont «retrogrades»8. Dans ces circonstances, l'analyste doit rappeler aux interesses qu 'en termes socio.economiques, nouveau n'est pas forcement synonyme de meilleur. Les equipements de seconde main sont egalement difficiles a evaluer et leur achat complique la tache d'evaluation budgetaire des pouvoirs publics. Au lieu d'acheter des equipements de seconde main, on peut acquerir une technologie en investissant sous licence, en devenant sous- 7. L'analyste doit comparer la disponibilite des pieces de rechange et des services (en ce qui concerne la qualite et les couts) de tous les equipements importes et des equi- pements locaux, que les equipements importes soient neufs ou de seconde main. 8. Louis T. Wells, Jr., «Engineering Man vs. Economic Man» dans Timmer et au- tres, The Choice o{ Technology in Developing Countries.' Some Cautionary Tales, Har- vard Studies in International Affairs, nO 32 (Cambridge, Mass: Harvard University, Cen- ter for International Affairs, 1975), pp. 319-342. 126 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS contractant, ou en recourant a un investissement etranger direct. La quatrill- me section de la bibliographie donne des references sur cet aspect du choix de la technologie, parmi d'autres. L'ENERGIE. Un autre facteur de production a considerer dans Ie choix de la technologie, facteur qui est source de preoccupations economiques croissantes aussi bien dans les nations developpees que dans les pays en developpement, consiste dans les exigences energetiques de la technologie. Les agro-industries utilisent des quantites importantes d'energie. Aux Etats·Unis, par exemple, l'energie utilisee en 1975 par les industries ali- mentaires representait 4,8 % de toute I'energie utilisee (la production agricole seule n'en exigeait que 2,9 %)9. Avant de prendre position en faveur d'une technologie et d'une source d'energie, la firme agro-industrielle devrait evaluer les possibilites d'approvisionnement et les prix de divers combustibles possi. bles et la consommation d'energie des diverses technologies (voir les tableaux A·I a A-3). On peut, par exemple, secher Ie riz par Ie solei! ou a l'aide de machines (voir Ie tableau A.I). L'energie solaire est evidem· ment gratuite, mais il faut peser l'economie d'energie associee it cette source au regard d'autres facteurs, comme la qualite du produit final. Le riz secM a I'air libre est soumis aux attaques des insectes et des intemperies. Si les autres sources etaient Ie charbon, Ie fuel ou Ie bois, il faudrait chauffer indirectement Ie produit afin d'eviter la contamination due it la suie ou a la fumee. Si la source etait Ie gaz naturel, Ie cout serait plus eleve, mais l'indus· triel pourrait utiliser des foumeaux a combustion directe, dont les couts en capital et les couts de fonctionnement sont moins eleves et dont l'efficacite est plus grande. n arrive parfois que I'energie soit sous-tarifee (sub- ventionnee) par l'Etat. C'est Ie cas en Arabie Saoudite, ce qui a conduit cer· tains entrepreneurs prives a etablir la-bas des usines de deshydratation de legumes. Si on avait fixe Ie prix fictif de I'energie a son cout d'opportunite social, ces projets auraient un rapport couts-avantages sociaux negatif. Ainsi, la necessite d'une evaluation des couts sociaux parallele a celle des couts financiers importe autant pour determiner les couts de l'energie que pour analyser les facteurs que sont la main-d'~uvre et Ie capital. On a developpe des «comptabilites de I'energie» pour les operations des industries alimentaires. R. Paul SinghlO a propose que l'analyste : • decide d'un object if (par exemple, d'ameliorer I'efficacite de I'ener- gie thermique utilisee dans un processus) ; • choisisse un bomage du systeme (par exemple, un element des equi- pements de transformation ou une serie d'operations de transfor- mation) ; 9. Office of Industrial Programs, Federal Energy Administration, Energy Use in the Food System (Washington, D.C. : U.S. Government Printing Office, 1976). 10. R. Paul Singh, «Energy Accounting in Food Process Operations», Food Techno- logy, vol. 32, nO 4 (1978), p. 40. LA TRANSFORMATION 127 • trace un diagramme de flux du processus (en utilisant des symboles normes) ;11 • identifie et quantifie tous les flux d'entree en masse et en energie (par exemple, la vapeur, l'air chaud ou l'energie electrique qui traver- sent la frontiere du systeme) ; • identifie et quantifie tous les produits en masse et en energie (y compris tout l'accroissement d'energie inclus dans Ie produit lui- meme). Cette comptabilite peut aboutir a des couts energetiques differents par unite de produit selon les technologies et les sources energetiques. Elle peut egalement mettre a jour les points d'un processus susceptibles de bene- ficier d'autres sources d'energie - comme l'utilisation de l'energie solaire pour chauffer l'eau exigee par la transformation. Les techniciens de l'alimentation et les ingenieurs de l'industrie peuvent fournir les calculs necessaires aux esti- mations de la comptabilite energetique. Une source d'energie, qui prend de l'importance dans certains pays est la production agro-industrielle d'ethanol a partir de la biomasse 12 . L'ethanol tire de la biomasse est particulh~rement intthessant comme pro- duit de remplacement de l'essence et comme matiere premiere chimique. On peut Ie fabriquer a partir de materiaux contenant du sucre, de feculents et de materiaux cellulosiques. La technologie de base est bien connue. L'ethanol tire de la canne a sucre est rentable des que les prix petroliers s'elevent a 31 dollars Ie baril. Mais Pun des principaux elements a prendre en consideration est qu'il faut qu'on dispose d'assez de terres pour les cultures destinees a la production d'ethanol et que ces terres ne mordent pas sur les superficies necessaires aux cultures vivrieres de base. LA MATIERE PREMIERE. Dans certaines agro-industries, la ressource la plus rare peut ne pas etre Ie capital ou l'energie, mais la matiere premiere. II faut donc accorder la priorite a la technologie qUi fait I'usage Ie plus efficace de la matiere premiere. On a indique au chapitre precedent que, dans la plupart des agro-industries, Ie coOt en matiere premiere representait Ie poste de depense Ie plus important. Au vu de cette contrainte, toute technologie qui peut economiser des couts sur ce poste peut fournir un gain economique substantiel. 11. International Federation of Institutes for Advanced Study (Energy Analysis Workshop on Methodology and Conventions, 1974), dans «Energy Accounting as a Po- licy Analysis Tool», Rapport pour la Commission de la Science et de Technologie, Cham- bre des Representants des Etats-Unis (Washington, D.C. : U.S. Government Printing Office, 1976). 12. Pour une analyse plus complete, voir Banque Mondiale. «Alcohol Production from Biomass in the Developing Countries» (Washington, D.C., septembre 1980). 128 L'.\NALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS L 'utilisation de la capacite L'un des problemes auxquels se heurtent habituellement les agro-indus- tries est la sous-utilisation de la capacite due au caractere saisonnier de la matiere premiere et de la demande du produit (comme les glaces, Ie choco- lat ou certaines boissons). La technologie retenue peut dans une certaine mesure reduire Ie temps mort dO aux facteurs saisonniers. De nombreux stades de transformation sont identiques pour des produits differents, dont Ie proces- sus de traitement est sembi able (voir au chapitre 3, les sous-sections «Utilisa- tions concurrentes de la matiere premiere» et «La disponibilite»). s'ensuit, n par exemple, qu'une usine construite pour transformer des haricots peut facilement traiter certains autres fruits ou legumes, au prix de quelques equi- pements suppJementaires et de quelques modifications dans la mani€he de travailler. De meme, les laiteries qui sont equipees pour la transformation a chaud ou la mise en boites de conserve pourraient traiter des tomates ou des ananas13 . Si elles adaptent leur technologie pour traiter une gamme plus large de produits, les agro-industries peuvent etaler leurs achats de matieres premieres sur une peri ode plus longue, qui embrasse les cycles des diffe- rentes cultures. n existe d'autres moyens que la technologie pour attenuer les effets du caractere saisonnier de la matiere premiere. Entre autres, on peut obtenir plu- sieurs recoltes successives grace a I'irrigation ou a des semences nouvelles ; on peut raccourcir les cycles de reproduction du betail grace ala genetique ; on peut recourir a des produits de remplacement, comme des matieres premieres stockees ou deja a demi-transformees (telles que Ie lait en poudre ; voir la sous-section «La capacite de stockage», ci-dessous), et les introduire dans Ie processus de production ; on peut faire des campagnes publicitaires speciales a l'intention des consommateurs pendant la saison creuse. n importe de re- chercher des moyens permettant d'intensifier I'utilisation de la capacite d'un projet d'une part pour elargir la periode pendant laquelle I'investisse- ment engendre un revenu, d'autre part pour amoindrir les effets socio- economiques defavorables d'un chomage saisonnier. Les capaciu!s de gestion Dans Ie choix de la technologie, un autre critere est constitue par sa compatibilite avec les capacites de gestion de I'entreprise. Les bons gestion- naires sont souvent une denree rare dans les pays en developpement, surtout au niveau du personnel d'encadrement. Le choix de la technologie peut mini- miser la charge d'encadrement, notamment grace au remplacement des 13. Organisation internationale du travail, «Labour and Social Problems Arising out of Seasonal Fluctuations of the Food Products and Drink IndUstries», Deuxieme conference technique tripartite sur les industries productrices de denrees alimentaires et de boissons, Rapport nO 2 (Geneve, 1978). LA TRANSFORMA nON l29 composantes du processus qui necessitent Ie contr6le Ie plus intensif par des machines. (Mais les reserves qu'on a formult~es a propos de l'arbitrage entre Ie capital et la main-d'amvre joueraient dans ce cas.) Les techniciens qualifies sont egalement rares, si bien qu'il faut evaluer avec soin les besoins d'entre- tien et de reparation des equipements. nest frequemment arrive que des equi- pements agro-industriels tres sophistiques aient fini par etre inutilises parce que la capacite d'entretien de I'usine etait deficiente. Les consequences sur fa nutrition Un critere bien souvent ignore dans Ie choix de la technologie est repre- sente par les effets de la methode de transformation sur la valeur nutri- tionnelle des denrees alimentaires l4 . En general, les industriels n'ont pas porte un grand interet au contenu nutritif de leurs produits parce qu'ils n'ont pas estime que les consommateurs attachaient une grande importan- ce a la valeur nutritionnelle dans leurs decisions d'achat 15 • La technolo- gie peut pourtant avoir un effet important sur la valeur nutritionnelle des aliments, et l'analyste de projets industriels devrait se pencher explicite- ment sur cet aspect du choix de la technologie. Les techniciens de l'alimenta- Hon et les dieteticiens peuvent procurer des informations techniques utiles a l'analyse de la valeur nutritionnelle d'un produit. Toutefois, en raison de I'ignorance relative de la dimension de la nutrition dans l'analyse des pro- jets, nous nous attarderons quelque peu sur cet aspect. Les elements nutritifs peuvent etre divises en deux grandes catego- ries : les macroelements (les proteines, les hydrates de carbone, les grais- ses) et les microelements (les vitamines, les minerais). Nous presenterons d- dessous les elements de ces deux categories et les effets sur la nutrition de divers types de transformation des denrees alimentaires. LES PROT£INES. La transformation peut ameliorer ou degrader Ie caractere digeste des proteines. C'est ainsi qU'une denaturation induite par la chaleur peut rendre globalement les aliments plus digestes, mais que la chaleur peut egalement reduire la qualite des proteines en degradant Ie grou- pe ethylamine de la lysine ou en bloquant son metabolisme (surtout en pre- sence de sucres reducteurs, comme Ie glucose, Ie fructose et Ie lactose). LES HYDRATES DE CARBONE. Dans des conditions normales de trans- formation, l'amidon est stable. Mais les sucres reducteurs peuvent degenerer et brunir en presence de catalyseurs et sous l'effet de la chaleur. l4. L'auteur exprime tous ses remerciements au Docteur Sam Yong pour l'aide a qu'il a fournie dans les recherches necessaires la mise au point de cette section. l5. Voir James E. Austin, «Can Nutrition Sell ?», The Professional Nutritionist, vol. 8, nO 3 (8 septembre 1976), pp. l2-l5 ; «Marketing Nutrition», Cereal Foods World (novembre 1977), vol. 22, nO 11, pp. 567-571 ; et Confronting Urban Malnutrition: The Design of Nutrition Programs, World Bank Staff Occasional Papers, nO 28 (Balti- more: Johns Hopkins University Press, 1980), pp. 3643. 130 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS LES GRAISSES. II se peut que, pendant Ia transformation et Ie stocka- ge, l'isomerisation et l'oxydation des graisses diminuent la valeur biologique des acides lipidiques non satures. La deterioration des graisses qui est acceleree par la chaleur, la lumiere et la presence d'oligoelements metalli- ques, peut reduire la valeur organoleptique des aliments. Cette deteriora- tion peut etre retardee par l'action des antioxydants que contiennent naturel- lement les graisses ou qu'on peut ajouter pendant la transformation. LES VITAMINES. Certaines vitamines hydrosolubles, comme la thiamine (vitamine Bl), la riboflavine (vitamine B2), la niacine, la pyridoxine (vitami- ne B6) et l'acide ascorbique (vitamine C), sont perdues au cours de la trans- formation, dans une mesure qui depend de leur solubilite et de leur stabilite, de la nature de l'aliment, et des conditions de transformation. L'acide ascor- bique s'oxyde rapidement au cours de la transformation, surtout en presence de cuivre ou de fer dans un milieu de pH neutre. La thiamine se de- grade rapidement dans des solutions neutres ou alcalines, meme a des tempe- ratures moderees ; elle est egalement sensible a la chaleur, au cuivre ou au fer, et aux sulfites. La riboflavine est stable, sauf en presence de la lumiere dans des milieux dont Ie pH est neutre ou alcalin. La niacine, qui est proba- blement la vitamine la plus stable, reste tres stable face a la chaleur et a la lumiere. L'acide panthothenique est stable dans un milieu de pH neutre ou legerement acide, mais est plus sensible a la lumiere dans un milieu de pH acide. La stabilite de l'acide folique depend en partie de sa forme chimique: Ie monoglutamate est relativement stable face a la chaleur dans un milieu de pH acide ou neutre, mais, lorsqu'ils sont associes, Ie triglutamate et l'hepta- glutamate sont instables face a la chaleur. L'acide foJique est egalement sensible au cuivre et au fer. La cobalamine est stable dans un milieu de pH legerement acide, mais eUe est rapidement detruite par la chaleur dans un milieu de pH alcalin, par la lumiere, ou par la presence d'oligoele- ments metalliques (Ie cuivre et Ie fer, par exemple). La pyridoxine est stable sous la chaleur dans une solution acide ou alcaline, mais est sensible a la lu- miere lorsque Ie milieu a un pH neutre ou alcalin. Le pyridoxal, qui est une autre forme de la pyridoxine presente dans Ie lait et d'autres aliments, est labile sous la chaleur. En dehors des pertes dues aux degradations chimiques qu'on vient de mentionner, les vitamines hydrosolubles peuvent donner lieu a d'autres pertes par lessivage. L'ampleur des pertes depend de la solubilite de la vitamine particuliere. Ainsi, la thiamine, I'acide folique, l'acide ascorbique, la pyridoxine et la niacine, toutes vitamines tres solubles dans l'eau, sont rapidement perdus par lessivage, alors que la riboflavine, moins soluble, nisiste mieux au lessivage. A la difference des vitamines hydrosolubles, les vitamines liposolubles (la vitamine A ; les carotenes, ou la previtamine A ; la vitamine D ; la vitamine E ; et la vitamine K) sont stables dans un Jessivage, mais eUes peuvent se degrader par oxydation, surtout en presence de lumiere, de metaux et d'autres catalyseurs. La vitamine A et les carotenes sont egaJe- ment labiles sous la chaleur, parce qu'ils se transforment en des formes moins actives. LA TRANSFORMATION 131 LES MINERAlS. En general, la transformation n'a guere d'effets sur les minerais (comme Ie calcium, Ie phosphore, Ie fer et Ie magnesium) que comportent les aliments ; mais certaines pertes par lessivage peuvent etre enregistrees. II est possible que des oligoelements metalliques soient per- dus, mais les effets de ces pertes sur la nutrition sont moins bien connus. LES EFFETS DU TRAITEMENT DU RIZ. L'exemple du riz traite (voir Ie paragraphe «Les exigences qualitatives» ci-dessus, ou la sous-section «La conception du produit>i, au chapitre 2) montre la fa'S on dont des technolo- gies differentes peuvent influer sur la valeur nutritive. Le riz est l'aHment de base de plus de la moitie de la population mondiale, et il fournit entre 70 et 80 % des calories absorbees chaque jour dans les pays d'Orient. Le riz dans son ecorce est appele riz brut ou paddy. Le riz blanc est I'endosperme poli qui reste lorsqu'on a enleve Ies autres parties du grain. Dans Ie traitement du riz, toute une serie d'operations mecaniques enle- vent l'ecorce, l'embryon et les autres couches exterieures du noyau de riz. Quand Ie riz brun decortique passe une nouvelle fois dans des decortiqueurs ou dans des cones de polissage, Ie pericarpe, la plus grande partie de I'embryon et les couches exterieures sont enlevees sous forme d'une poudre appeJee «bram. Les couches interieures et Ie reste de I'embryon sont ensuite retires a l'aide de brosses, et forment une poudre appelee «poli». Le bran n'est pas consomme par l'homme, et Ie poli n'a qU'une utilisation Iimitee, parce qu'il a ten dance a rancir rapidement 16 . Aux Etats-Unis, par exemple, 8,5 % du poids total du grain est retire sous forme de bran, et 1,8 % sous forme de polL Tableau 4-3. Composition approximative de divers produits tires du riz (En pourcentage) Produit Proft! Riz Riz Riz bf%gique brun poli precuit Bran Poli Proteines 10,1 7,2-9,0 7,4 10,6-14,0 12,I CI4,2 Hydrate de carbone 86,6 90,8 81,3 s.o. 59,9 Graisses 2,4 0,34 0,3 11,7 12,7 Fibre 0,9 0,1 0,2 11,1 5.0. Principes (mineraux) 1,2 0,5 0,7 13,1 12,3 s.o. : sans objet. Note: Les pourcentages sont calcules sur une base exempte d'humidite. Source : A.M. Altschul et R.W. Planck, «Effects of Commercial Processing of Cereals on Nutrient Content: Rice and Rice Products», dans Nutritional Evaluation of Food Processing, Ire edition, publie sous la direction de R.S. Harris et H. von Boesecke (New-York: John Wiley and Sons, 1964), p. 204. 16. A.M. Altschul et R.W. Planck, «Effects of Commercial Processing of Cereal on Nutrient Content: Rice and Rice Products», dans Nutritional Evaluation of Food Pro- 132 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO·INDUSTRIELS Tableau 4-4. Teneur en vitamines de divers produits tires du riz (En milligrammes par 100 grammes) Produit Riz Riz Riz Vitamine brun polf precuit Bran Poli Biotine 0,12 0,04-0,06 0,1 0,6 0,6 Acide folique 0,16 0,19 1,5 1,9 Niacine 46,2-47,2 10,0-15,0 30,0-48,0 336,0 330,0 Acide pantothenique 10,3-17,0 6,4-8,0 13,7 22,0-27,7 33,3 Riboflavine 0,6 0,15-0,31 0,3-0,6 2,0 2,2 Thiamine 2,0-4,8 0,4-0,8 1,9-3,1 24,0 22,0 Vitamine B6 6,9-10,3 3,3-4,5 25,0 20,0 -, non disponible. Source,' Identique a celie du tableau 4-3. Le tableau 4-3 montre la composition approximative de divers produits tires du riz. Leur teneur en vitamines figure sur Ie tableau 4-4. Les pour- centages des tableaux montrent que les parties du grain qui sont enlevees au cours du traitement, c'est-it-dire Ie bran et Ie poli, sont plus riches en elements nutritifs que l'endosperme. (Incidemment, it en va de meme pour Ie ble.) Si le riz entier est une bonne source de vitamines et de minerais, ces olio goelements nutritifs sont largement perdus au COUTS du traitement. Meme si les pertes en prott~ines sont relativement faibles dans la transformation, certaines fractions proteiniques, qui sont riches en lysine, Ie plus important acide amine reducteur dans la proteine du riz, partent avec Ie bran et Ie polL Ainsi, les proteines du riz poB comprennent environ 3,3 % de lysine l7 , alors que les proteines du riz brun en comprennent 4,5 %18. Le tableau 4-5 foumit une estimation des elements nutritifs retenus dans les differents produits tires du riz. Cette estimation se fonde sur les donnees des tableaux 4·3 et 4-4. Bien qU'on puisse faire varier Ie degre de traitement du riz pour accrol' tre la fraction d'tHements nutritifs conservee, les programmes visant it encou- rager la consommation de riz peu traite par des popUlations sous·alimentees echouent generalement en raison de la prevention des consommateurs envers un riz qui n'est pas blanc. Le riz peu traite, qui est obtenu it la main avec un pilon et un mortier, ou it l'aide d'une machine reductrice, a une valeur nutri- cessing, Ire edition, public sous la direction de R.S. Harris et H. von Boesecke (New York: John Wiley and Sons, 1960), p. 204. 17. M.C. Kik, Arkansas Agricultural Experimental Station Bulletin (1957), p. 589 ; C.M. Lyman et autres, Journal of Agricultural Food Chemistry, vol. 4 (l956), p. 1008. 18. C.H. Edwards et autres,Journal of Agricultural Food Chemistry, vol. 3 (1955), p.953. LA TRANSFORMA nON 133 Tableau 4-5. Estimation des elements nutritifs conserves dans divers produits tires du riz (En pourcentage) Produit Riz Riz Element nutriti! po/i precuit Bran Poli Proreines 72 76 10 2 Hydrate de carbone 94 95 5.0. 1 Graisses 13 13 42 10 Fibre 10 20 91) 5.0. Vitamines Biotine 37 75 32 9 Niacine 34 75 61 10 Acide pantotbenique 48 91 16 5 Riboflavine 34 67 28 7 Thiamine 16 66 60 12 Vitamine B-6 41 n.d. 25 4 Principes mimhaux 37 52 60 S.o. 5.0., sans objet; n.d., non disponible. Note : Les estimations se fondent sur les donnees des tableaux 4-3 et 44 et sont obtenues al'aide de la formule suivante : Perte en pour- centage de Element nu tritif, en Element nutritif, en pourcentage, 1 Rendement, en pourcenta- l'element pourcentage, _ contenu ge, du produit nutritif [ contenu dans Ie x dans Ie riz produit 100 pour cent Element nu tritif, en pourcentage, contenu dans Ie riz brun Element nutritif conserve en = 100 pour cent - perte, en pourcentage, de l'element nu tritif. pourcentage On suppose que Ie rendement du produit, en pourcentage, est de 8,5 % pour Ie bran, 1,8 % pour Ie poli, 89,7 % pour Ie riz poli, et 90 % pour Ie riz precuit. Les pourcentages des elements nutritifs conserves dans Ie riz poli, Ie bran et Ie poli n'ont pas toujours une somme egale Ii 100 %, parce que les donnees des tableaux 4-3 et 44 ont ere rassemblees a l'origine par A.M. Altschul et Planck Ii partir de differentes sources. Quand deux chif- fres, maximal et minimal, sont offerts pour la teneur en element nutritif, on s'est servi dans leg calculs de leur moyenne. Source: Adaptation de A.M. Altschul et R.W. Planck, «Effects of Commercial Pro- cessing on Cereals», p. 204. 134 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS tive superieure a celIe du riz blanc, traite de facton totalement mecanique. Mais Ie riz peu traite a ten dance a rancir, a cause de sa forte tenue en grais- ses. n est plus sensible egalement a une degradation microbienne, Ii cause de la richesse en proteines de ses couches exterieures. Dans certains pays, Ie riz est enrobe de glucose, pour 0,2 % de son poids, et de talc, pour 0,08 %de son poids, afin d'accentuer Ie brillant du grain 19 . Cette pratique est malsai- ne au plan nutritif, parce que I'amiante du talc peut etre cancerigene et parce qu'il faut laver Ie riz avant de Ie cuire, et que Ie rinctage entraine d'autres pertes d'elements nutritifs. Les tableaux 44 et 4-5 montrent clairement que Ie riz precuit, qui fait I'objet d'une large consommation en Asie du Sud, conserve la plupart des elements nutritifs qui sont presents a l'origine dans Ie grain entier. Pour preparer Ie riz pnkuit, on trempe Ie riz brut dans l'eau, on Ie passe Ii la vapeur et on Ie seche au soleH avant de Ie traiter. Au cours de ce pro- cessus, les elements nutritifs hydrosolubles contenus dans Ie germe et les couches exterieures sont introduits dans l'endosperme, plein d'amidon, du grain. Le bref passage a la vapeur transforme en gelatine I'amidon de la cou- che exterieure de l'endosperme et aide Ie riz poli Ii conserver les elements nu- tritifs hydrosolubles. En raison de ces effets, la prtkuisson est un processus qui renforce la valeur nutritive du riz. LES EFFETS DE LA TRANSFORMATION DU BLE. La premiere trans- formation peut de meme avoir des effets sur d'autres cereales que Ie riz. Le tableau 4-6 montre de facton tres claire que la teneur en vitamines et en mine- rais des produits tires du bIe diminue nettement jusqu'li un taux de blutage de 70 %. Ces chiffres revelent que l'endosperme du ble est pauvre en vitamines et en minerais : ces eh!ments nutritifs sont, pour I'essentiel, contenus dans Ie germe et Ie bran, et sont perdus dans la transformation. La diminution de la teneur en minerais du bIe, due a la transformation, a egalement de I'importan· ce dans Ie secteur des minoteries, au plan du controle de la qualite. En effet, une forte teneur de la farine en minerais est en general un indice que la farine est contaminee par des particules de bran. Comme Ie phosphore phy- tatique (qui se compose avec Ie calcium et Ie magnesium pour former des sels sans valeur au plan biologique) est enleve plus rapidement que Ie calcium au cours de la transformation, Ie calcium contenu dans la farine a une valeur bio- logique plus grande que dans Ie ble entier. Bien que la transformation n'enleve qU'une faible fraction des proteines avec Ie germe et Ie bran, elle diminue la teneur en lysine et en tryptophane, parce que les proteines du bran sont plus riches en lysine et en tryptophane que les proteines de l'endosperme. (Avant meme que Ie bran et Ie germe soient enleves, les proteines du ble sont pauvres en lysine et en trytophane par rapport aux autres cen!ales.) La transformation diminue aussi la teneur en graisses des produits tires du ble. Cette reduction affaiblit la valeur unitaire en calories des produits tires du bIe, mais accroit la 19. A.M. Altschul et R.W. Planck, «Effects of Commercial Processing of Cereal», p. 204. LA TRANSFORMATION 135 Tableau 4-6. Estimation des elements nutritifs conserves dans la/arine de ble (En pourcentage) Elements nutritifs conserves, en pourcentage, en fonction du taux de blutage du bU en tier, dans la farine Blutage Blutage Blutage I!leve normal special EUments nutritifs (85 %) (70 %) (44 %) PronHnes 83 63 39 Hydrate de carbone 91 77 51 Graisses 58 35 15 Fibre 47 3 Vitamines Niacine 19 10 5 Riboflavine 54 24 13 Thiamine 70 17 5 Vitamine B-6 n.d. 10 4 VitamineE n.d. 8 2 Principes (min(haux) 41 18 10 n.d., non determine; ..., present en traces infiniresimales. a Note: Les estimations ont ere obtenues l'aide de la formule suivante : Concentra- tion relative, en pourcen· Element Element ] Taux de tage, de Perte, en nu tri tif, en nutritif, en blutage, en I'element pourcentage, nutritif d'element = pourcentage, pourcentage, pourcentage nutritif [ dans Ie ble dans le x x ----- entier produit 100 pourcent 100 pourcent Element nutritif, en pourcentage, dans Ie bIe entier Elements nutritifs conserves, en = 100 pour cent - perte, en pourcentage, d'element nutritif . pourcentage stabilite de ces produits lors du stockage, en leur evitant de rancir. Des firmes britanniques ont utilise un taux plus eleve de blutage pour Ie bIe (80 a 85 %) avec peu de modifications dans la couleur de la farine et dans les qualites de cuisson 20 • 20. RJ. Dimler, «Effects of Commercial Processing of Cereals on Nutrient Con- tent: Milling, Part A : Wheab, dans Nutritional Evaluation of Food Processing, Ire edi- tion, pp. 197-204. 136 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS LES EFFETS DU TRAITEMENT DES FRUITS ET L£GUMES. Les fruits et legumes peuvent egalement subir des pertes importantes d'oligoele- ments nutritifs au cours de leur transformation. Ces pertes varient avec Ia culture, l'element nutritif et Ie processus. Par exemple, Ie blanchissement des pois a la vapeur leur fait perdre 12,3 % de leur teneur en vitamine C, alors qu'un blanchissement a l'eau leur en fait perdre 25,8 %21 . La mise en conserve peut faire perdre presque en totalite certains elements nutritifs. Le maYs en conserve, par exemple, a perdu 80 % de sa thiamine 22 • LE RENFORCEMENT ET LA MODIFICATION DU PRODUIT. Quand la technologie choisie par la firme responsable de la transformation affecte serieusement la qualite nutritive de son produit,le gouvernement ou les asso- ciations professionnelles interviennent en general pour reglementer la deci- sion. L'analyste specialiste des agro-industries devrait noter ces effets nega- tifs de la technologie que represente la perte d'elements nutritifs et chercher a les minimiser grace a des adaptations de la technologie ou au retablissement de la teneur en elements nutritifs par un renforcement. La technologie ali- mentaire n'est pas necessairement, a cet egard, reductrice de la valeur nutritive. EIle peut augmenter celle-ci en renfor<$ant Ie produit pour compen- ser les pertes en elements nutritifs qui sont inevitables pendant la transfor- mation, en ralentissant la degradation, ou en transformant des ressources pau- vres en elements nutritifs en aliments de valeur nutritive superieure 23 • C'est a des transformations nutritives de ce genre que s'est attache l'Institut de recherche et de developpement des produits alimentaires en Thai1ande 24 • L'institut a concentre ses recherches sur les residus en proteines du haricot mung, qui etaient enleves et mis au rebut dans les usines d'amidon de la Thallande. En utilisant une nouvelle technologie alimentaire, l'institut a cree un corps simple a base de proteines et l'a transforme, par extrusion, en des aliments de sevrage, riches en eh~ments nutritifs, destines aux enfants d'age prescolaire. Ainsi, la technologie a permis de recuperer un sous-pro- duit gaspille et de Ie transformer en un produit adapte, consommable par un groupe vulnerable au plan de la nutrition 25 . 21. D.B. Lund, «Effects of Blanching, Pasteurization, and Sterilization on Nutrients», dans Nutritional Evaluation of Food Processing, 2e edition (1975), p. 205. 22. Ibidem. 23. Pour une presentation plus complete du renforcement des aliments, voir James E. Austin (sous la direction de), Global Malnutrition and Cereal Fortification (Cambridge, Mass. : Ballinger Publishing Co., 1979) ; et Confronting Urban Malnutri· tion, pp. 71·75. 24. Nevin Scrimshaw et autres, High·Protein Product Development in Thailand, Technical Report Series, nO 1 (Cambridge, Mass. : Massachusetts Institute of Technolo- gy, International Nutrition Planning Program, 1973). 25. Pour une presentation plus detaillee des options technologiques et des pers- pectives offertes, ou des problemes souleves, par des aliments composes nourrissants, voir Jerianne Heimendinger, Marian Zeitlin et James Austin, Nutrition Intervention in Developing Countries: Formulated Foods, Agence des Etats-Unis pour Ie developpe- ment international (USAID), Special Study nO 3 (Cambridge, Mass : Oelgeschlager, Gunn and Hain, 1980) ; et Alan Berg, «Industry's Struggle with Malnutrition», Harvard Business Review, vol. 50, nO 1 (janvier-fevrier 1972), pp. 130-141. LA TRANSFORMATION 137 Les points marquants pour /'analyse de projet Les principaux facteurs que l'analyste de projet doH prendre en compte, lorsqu'il etudie Ie choix de la technologie dans un projet agro-industriel, sont resumes dans les questions suivantes. La technologie de transformation est-elle compatible avec les exigences qualitatives du marche ? • Est-elle adaptee aux normes de qualite exigees par les segments du marche? • L'augmentation des recettes justifie-t-elle les investissements techno- logiques? • La technologie est-eUe adaptee au marcbe local et au marcbe d'exportation? Quelles contraintes impose Ie processus de transformation? • Quelle est la nature de ces contraintes ? • Quel est Ie nombre des options technologiques ? • QueUes sont les contraintes de dimension? • La demande est-elle suffisante par rapport a l'echelle de la produc- tion? Que/le technologie offre les couts socioeconomiques les plus faibles ? • Comment se combinent la main-d'reuvre et Ie capital ? • QueUe est la consommation de math~res premieres? • Quels sont les besoins en energie ? • Existe+il des sources d'energie fondees sur la biomasse ? Comment la technologie inj7uera-t-elle sur l'utilisation de La capacite du projet? • Peut-on proceder a des adaptations pour diversifier les produits transformes et allonger Ie cycle des operations? • Quels sont les couts et les avantages de ces adaptations ? La technologie se combine-t-elle bien avec les capacites de gestion de La firme? • Existe-t-il un encadrement suffisamment qualifie ? • Dispose-t-on de techniciens suffisamment qualifies? • Peut-on adapter la technologie pour qU'elle soit compatible avec des qualifications moins elevees ? Quelles sont les consequences de La techn%gie sur /a nutrition? • Quels effets a-t-elle sur la qualite et la quantite des eiements nutri- tifs? • Peut-on, par des adaptations de la technologie, trouver des methodes permettant de minimiser la perte d'eiements nutritifs ou d'accroitre la valeur nutritive? 138 L'ANAL YSE DES PR01ETS AGRO-INDUSTRIELS LA LOCALISATION DE L'USINE La localisation de l'usine est, a cote du choix de 1a technologie, une autre decision capitale dans la conception du projet. Le premier critere de localisa- tion est la proximite entre les matieres premieres et les marches, Ie transport etant un facteur essentiel a considerer. Les autres considerations ont trait a l'offre de main-d'alUvre, aux infrastructures disponibles, aux couts des terres et aux effets sur Ie developpement. Matieres premieres, marches et transport n faut decider si l'usine sera implantee a proximite de la matiere pre- miere ou a proximite du marche Oil les produits finis sont demandes. La decision depend des caracteristiques de la matiere premiere et de son processus de transformation, et du cout et de la disponibilite des services de transport. Les conditions relatives aux matieres premieres et au transport qui jouent en faveur d'une implantation proche des fournisseurs de matieres premieres sont : • Des produits tres perissables qui exigent une transformation im- mediate, comme les concombres, les melons ou la canne a sucre; • Des produits fragiles qui ne supportent qu'une manutention mini- me, comme les reufs ou les tomates ; • Des produits dont Ie poids ou Ie volume sont considerablement rMuits par la transformation, et qui sont ainsi plus facilement trans- portables, comme Ie bois, les cereales, Ie coton, Ie raisin ou la canne a sucre. Les conditions relatives aux matieres premieres et au transport qui jouent en faveur d'une implantation proche du marche Oil les produits finis sont demandes sont : • Des produits qui ne soient pas tres perissables ou fragiles, comme les pommes de terre ; • Des produits dont Ie poids ou Ie volume augmentent au cours de la transformation, comme les boissons en bouteille ou en boite ; • Une transformation qui exige des approvisionnements provenant de differentes sources, comme la fabrication de crayons. La decision d'implantation exige un arbitrage entre un facteur, comme les couts de transport, et un autre 26 • A mesure que la technologie des trans- 26. En general, les camions sont plus economiques pour des trajets courts, Ie che- min de fer pour des trajets intermediaires, et les bateaux pour des trajets longs. Le trans- port aerien est particulierement adapte it des produits de haute valeur et it des produits pour lesquels la rapidite est un facteur critique. LA TRANSFORMATION 139 ports se modifie, les couts changent et l'analyse economique relative a la localisation de I'usine en est affectee. Aux Etats-Unis, par exemple, la baisse des couts de transport des cereales a rendu rentable Ie deplace- ment des minoteries de points de rassemblement des cereales eloignes vers les centres urbains, ce qui a permis d'ameliorer les services rendus aux consommateurs du voisinage. Au contraire, les emballeurs de viande des Etats-Unis ont quitte les villes et se sont rapproches des zones d'elevage du betail, pour economiser des frais de transport et de transformation. Les couts de transport ont egalement une importance fondamentale lorsqu'il s'agit de decider Ie nombre et l'echelle des usines que l'agro-industrie doit construire. Si les fournisseurs de matieres premieres ou les marches sont tres eparpilIes et si les couts de transport sont eleves, il peut etre sage pour la firme de construire plusieurs usines plutOt qu'une seule, plus grande. Les economies realisees sur Ie transport peuvent compenser les econo- mies d'echelle tin~es du fonctionnement d'une seule usine. Le poids economique du transport sera rapproche de la valeur du produit. Par exemple, I'elasticite de la demande de transport, pour un produit dont la valeur a I'exportation est elevee, comme les fleurs cou- pees, sera relativement faible, parce que les couts de transport ne represen- tent qu'un petit pourcentage des couts totaux. Une firme qui transforme un produit de ce type se pnSoccupera davantage d'une implantation proche du fournisseur - pour reduire Ie risque lie au caractere perissable du pro- duit - et de la qualite des services de transport (la rapidite 'et la refrigera- tion, par exemple), que des couts de transport. II se peut que des services de transport de qualite mediocre, ou dont la disponibilite est restreinte, elimi- nent des sites qui seraient autrement interessants. Quand cela se produit, la firme devrait etudier la perspective d'une integration, ou elle assurerait ses propres services de transport. L'integration exige une analyse des investis- sements suppIementaires et des economies potentielles Bees a I'accroisse- ment de la fiabilite. L 'offre de mo,in-d'ceuvre Comme les agro-industries n'emploient pas, en general, beaucoup de travailleurs, elles ne se heurtent pas a un manque de travailleurs non qualifies, surtout si les travailleurs qu'utilise Ie projet sont tres mobiles. Mais il est plus difficile de trouver de la main-d'reuvre qualifiee et de bons gestionnaires, et cette contrainte a une acuite particuliere lorsque l'usine se situe dans une zone rurale. Si c'est Ie cas, il se peut que la firme doive offrir des incitations financieres speciales ou un confort particulier pour attirer et conserver du personnel qualifie. La disponibilite des infrastructures Comme des infrastructures defectueuses peuvent augmenter les couts et 140 L'ANAL YSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS avoir un effet defavorable sur la qualite, la firme agro-industrielle doit consi- derer les installations et les services disponibles dans les differents emplace- ments possibles. G.N. Puri et F. Lamson-Scribner ont recommande qu'une firme etudie un site du point de vue des aspects suivants, qui concernent I'infrastructure electrique et I'alimentation en eau 2 7 Electricite • La demande (actuelle et prevue, pour identifier les goulets d'etran- glement possibles) : usines, communautes • La source et sa disponibilite • La fiabilite Registre des coupures de l'annee precedente (certaines entre- prises d'interet general ne considerent pas des coupures momen- tanees comme des «interruptions». En consequence, verifier Ie registre) • La possibilite de satisfaire la de man de desiree sur une base annuelle • Les liens avec Ie reseau electrique d'Etat Effets de coupures du reseau sur l'electricite deIivree au site de l'usine Volonte des electriciens de reparer dl chaud» des !ignes ou passe encore Ie courant. • Le cmIt de l'electricite achetee Conditions du contrat Documentation Eau potable • La demande, la charge et les pressions, les temperatures • La source et sa disponibilite • Le traitement d'ebullition de l'eau potable exige • Le cmIt • Le type d'energie necessaire ala chaudiere, sa source et sa disponibi- lite Eau de refroidissement • La conception du systeme d'humidification maximale • La tour de refroidissement : eau de riviere ou eau de mer? • Les systemes de prelevement des eaux • Le rejet • La protection contre la corrosion • Le probleme de la pollution 27. G.N. Puri et Frank Lamson-Scribner, «Technical Aspects of Appraisal», Rap- port nO CN439 de l'ED! (Washington, D.C., Banque Mondiale, mai 1976 ; roneote) ; voir aussi Organisation des Nations Unies pour Ie developpement de I'industrie (UNIOO), Manual for the Preparation of Industrial Feasibility Studies, Sales nO E.781I.B.5 (New-York, 1978), pp. 54-97 ; et S. Soderman, Industrial Location Planning (New- York: Halsted, 1975). LA TRANSFORMATION 141 • La distance jusqu'au pOint de prelevement • Le droit de passage pour l'approvisionnement et Ie rejet • Les autorisations requises Fonctionnaires : noms, titres, adresses A obtenir aupres de qui ? Quand? Statut actuel Documentation • Le coilt Eau de traitement • La demande (actuelle et prevue) et la charge it pleine capacite • La source et sa disponibilite • Le traitement • Le coilt L'analyste doit aussi evaluer les infrastructures de transport, y compris les routes, les voies de chemin de fer, et les hangars de stockage aux termi- naux. Dans un pays d'Afrique orientale, une usine de fabrication de breuf en boite connaissait une penurie de matiere premiere au moment OU les eleveurs de betail d'une province voisine etaient dans l'impossibilite de faire parvenir leurs betes it l'usine, parce que les routes et Ie climat n'etaient pas adaptes au transport d'animaux vivants. En consequence, Ie gouvernement aida les eleveurs it installer un abattoir et une usine de refrigeration dans les zones d'elevage. Les blocs de breuf congele furent alors transportes jusqu'a l'usine de breuf en boite pour les transformations ulterieures. Si les infrastructures sont deficientes, l'analyste de projet doit comparer les couts d'investissement entraines par la fourniture de ces infrastructures et les avantages du site. De la meme fa~on, meme s'il existe des sources publi- ques d'energie electrique, l'usine doit etudier !'incorporation d'une gemhatrice d'urgence, pour se preserver de coilteuses coupures de courant. II faudrait aussi inventorier les infrastructures a caractere social y compris Ie logement, les ecoles, les installations de sante, les equipements de loisirs -, parce que ces elements sociaux peuvent exercer une influence sur la capacite du projet d'attirer Ie personnel necessaire. Les infrastructures sociales devraient en general etre creees en coopera- tion avec I'Etat et prevoir une propriete collective des installations. Le partage des responsabilites minimise les problemes de gestion et les problemes sociaux que posent les «viIles d'entreprise». Certains gouvernements ont encourage les agro-industries en creant des lotissements industriels ou des zones industrielles. Les sites fournissent les infrastructures de production necessaires a un complexe d'agro-industries, poussent des industries complementaires it s'installer I'une it cote de I'autre, et permettent une plu~ grande efficacite grace au partage des services (d'achat ou de commercialisation) et des installations. Mais ces zones ont parfois abouti, dans les regions rurales, a la creation d' «i16ts» de developpement mal integres, sans effets sur les zones rurales adjacentes. 142 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS Les couts des terres Les couts des terrains representent d'habitude une fraction relativement faible des depenses totales en capital, parce que les usines de transformation ne sont pas tres etendues. II n'en reste pas moins que les couts des terres va- rient, et qu'une etude comparative des prix d'achat des terrains est indispensable. Si Ie proprietaire d'un terrain potentiellement utilisable pour Ie projet est en meme temps un promoteur de ce projet, Ie cout des terrains doit etre compare a celui d'autres terrains, pour verifier qu'i\ corresponde a une valeur de marche equitable. Les terrains urbains sont en general plus chers que les terres rurales, mais Ie prix depend des autres usages possibles du sol. La firme devrait acheter suffisamment de terrains pour per- mettre une expansion future. Le developpement des banlieues augmente la valeur des terrains et Ie cout des acquisitions foncieres ulterieures. II se peut egalement qu'une localisation dans une ville en voie d'urbanisation rapi- de aboutisse a une congestion ulterieure du trafie et a une hausse des couts de transport. Les ellets sur Ie developpement Un des derniers points a considerer a propos de l'emplacement d'une usine concerne les effets differents que peuvent avoir sur Ie developpe- ment les diverses localisations possibles. L'analyste doit prendre en compte l'augmentation de I'emploi et la redistribution des revenus qu'entrai- nera Ie projet. II se peut que Ie developpement de regions relativement arrierees soit une priorite gouvernementale, et la localisation d'une usine de transformation dans une region arrieree peut fournir les debouches necessaires a un encouragement de la production agricole, favoriser l'utili- sation de terres marginales, ou enrayer l'exode rural. Robert Bates, par exem- pIe, a trouve une correlation negative entre la prosperite rurale et l'exode rural 28 • Meme si Ie site n'est pas optimal, il peut etre choisi parce qu'il est conforme aux objectifs sociopolitiques d'un pays29. II est possible que Ie gouvernement offre des incitations budgetaires pour dedommager les fir- mes des couts supplementaires qu'entraine une localisation dans des regions sous-developpees destinee a soutenir la politique de developpe- ment de l'Etat. Ces avantages peuvent rendre Ie rendement financier d'un projet compatible avec son rendement economique, et assurer la mise en reuvre du projet. 28. Robert Bates, Rural Responses to Industrialization (New-Haven: Yale Univer- sity Press, 1976), p. 252. 29. Nations Unies, Industrial Location and Regional Development, Comptes rendus d'un seminaire interregional, aoiit 1968, Sales nO 71.11 .B.18 (New-York, 1971). LA TRANSFORMATION 143 Les points marquants pour ['analyse de projet Lorsqu'il decide de l'emplacement d'une usine agro-industrielle, l'analys- te doit considerer les questions suivantes. Les facteurs que representent la matiere premiere, Ie marche et Ie trans- port jouent-ils en faveur de I 'emplacement propose ? • La matiere premiere est-elle perissable ? • Le poids ou Ie volume du produit sont-ils reduits ou augmentes ? • Quels sont Ie coOt et la qualite des services de transport? • Faut-il construire plusieurs usines ou une seule usine ? • L'usine doit-elle pourvoir elle-meme a ses transports? L 'offre de main-d'a!Uvre est-elle suffisante sur place? • L'offre de personnel non qualifie, de personnel qualifie et de per- sonnel de gestion est-elle suffisante ? • Faut-il offrir des incitations speciales au personnel? Les infrastructures sont-elles acceptables it. I'emplacement propose ? • Quels sont les approvisionnements en electricite et en eau, quels sont leurs effets ecologiques, sont-ils fiables, quel est leur coOt ? • QueUes sont les installations de lutte contre l'incendie ? • QueUes sont les possibilites de transport? • a QueUes sont les infrastructures caractere social ? Quels seront les couts des terrains necessaires it. I'usine ? • Quels sont les prix compares au metre-carre? • Les terrains sont-ils suffisants pour les besoins futurs ? Quels seront les effets sur Ie developpement du site envisage ? • Quels seront les effets sur l'emploi et la repartition des revenus ? • Quels seront les effets sur Ie developpement regional? • Quelles sont les incitations budgetaires offertes a l'usine pour soute- nir Ie developpement ? LA GESTION DES STOCKS La gestion des stock~ est complexe dans les agro-industries, du fait de la nature biologique et du caractere saisonnier de la matiere premiere. L'ana- lyste doH surtout considerer la capacHe de stockage, les installations physi- ques, et les aspects financiers du projet. La capacite de stockage La gestion des stocks de matiere premiere a pour but de minimiser l'ecart 144 L'ANALYSE DES PROJETS AGRO-INDUSTRIELS entre les approvisionnements et la capacite de transformation. n se peut que Ie caractere saisonnier des matieres premieres oblige l'usine it stocker, en une seule fois, l'integralite de ses besoins annuels ou semestriels. Mais certai- nes matieres premieres doivent etre transformees tres vite, parce qu'elles sont tres perissables. Quand c'est Ie cas, la necessite de stocker la matiere premiere est beaucoup moins forte, et la capacite de transformation, ainsi que la production des produits finis, est plus importante. La transformation peut diminuer la capacite d'un produit it etre stocke, et lorsqu'une usine ne prevoit pas cette modification, des problt~mes impor- tants de gestion des stocks peuvent apparaitre. Par exemple, une minoterie des Philippines comportait des installations reduites de stockage du ble, mais avait construit et louait des surfaces considerables pour stocker la farine 3o . Quand la demande tombait, la firme possedait des stocks import ants d'une farine perissable, qui, meme traitee chimiquement, n'avait une duree de conservation que de quatre mois. Dans des conditions adequates. Ie bIe peut etre stocke pendant des annees, mais il devient nettement plus perissable apres une transformation. Le probleme fut amplifie par un important arrivage de ble, et, en raison du manque de silos, il fallut transformer ce ble immedia- tement. L'une des possibilites offertes pour la gestion des stocks d'une usine est un stockage intermediaire. La matiere premiere peut subir une premiere transformation et prendre les formes telles que la creme de tomate, Ie con- centre de jus d'orange, Ie lait en poudre, par exemple qui la rendent moins perissable, et elle peut alors etre stockee dans l'attente de transfor- mations ulterieures. Vne transformation partielle presente l'avantage de rMui- re les investissements en equipements de fabrication des produits finis et per- met 11 l'usine de fonctionner pendant une periode plus longue, ce qui diminue les coiits associes it des capacites oisives. L'analyste do it etudier l'arbitrage entre les couts de la matiere premiere et les installations du stockage des produits finis. Si la transformation reduit beau coup Ie volume de la matiere premiere - par exemple, la conversion d'oranges en jus refrigere -, la place requise pour Ie stockage des produits finis sera bien plus faible. Mais la qualite et Ie cout des installations de stockage peuvent differer. Dans Ie cas du jus d'orange refrigere, la difference est entre un entrepot non refrigere et un entrepot frigorifique. Quoi qu'il en soit, Ie caractere perissable et Ie caractere saisonnier des maheres premieres agro-industrielles necessitent de modifier les procedures habituelles de gestion des stocks par exemple, les systemes rentables d'echelonnement des com- mandes 31 • L'usine doH egalement comporter des capacites de stockage suffi- 30. Edward Felton et Ralph Sorenson, «Republic Flour Mills, Inc.», etude de cas nO ICH 12 M 30 (Manille : Inter-University Program for Graduate Business Education, 1966). 31. Pour une description de certaines de ces procedures, voir J. Orlicky, Material Requirements Planning (New-York: McGraw-Hili, 1975) ; O.W. Wright, Production and Inventory Management in the Computer Age (Boston : Cahny Books, 1974) ; et D.C. Whybark et J.G. Williams, «Material Requirements Planning under Uncertainty», Deci· sion Sciences. vol. 7, n0 4 (octobre 1976), pp. 595-606. LA TRANSFORMATION 145 santes pour les facteurs de production et les fournitures autres que la y matiere premiere, compris les pieces detacMes necessaires la reparation a des equipements. Ces stocks ne necessitent en general pas beaucoup de place et de couts, mais si on n'en dispose pas, l'ensemble du processus de trans- formation peut etre bloque. Les installations physiques On a estime aI~-3~ % les pertes de denrees alimentaires apres la recol- te32. Les principales causes des pertes sont la maladie, les insectes, et les infiltrations microbiennes 33 • Un stockage convenable peut supprimer en partie ces causes de pertes (voir au chapitre 3 les sous-sections «Les utilisations concurrentes de la matiere premiere: pertes)} et «Les determinants de la qualite. La manutention et Ie transport; Ie stockage»). Les instal- lations de stockage doivent comprendre des installations de preparation, comme des hangars de sechage, aussi bien que des entrep6ts. On presentera ci- dessous les possibilites de stockage, et les installations adequates de stockage, des cereales, des legumineuses, des produits animaux, et des fruits et legumes. LES CEREALES. Les cereales contiennent plus de 20 % d'humidite lors a de la recolte et sont tres sensibles une degradation due au developpement des microbes ou aux dommages causes par les parasites et les insectes. Les grains des cereales (grains qui se composent d'une ecorce et d'un embryon a d'elements nutritifs de reserve) resistent la deterioration quand ils sont secMs de telle sorte que la teneur en humidite tom be en-dessous de 14-15 %. Le sechage accroit la stabilite du stockage des grains non transformes, parce que, lorsque Ie taux d'humidite se situe autour de 14-15 % ou au dessus, Ie developpement microbien peut creer des «poches chaudes» (des zones loca- lisees ou la temperature s'accroit) susceptibles de carboniser les grains stockes. Les cereales mal secMes dans un champ peuvent degager des odeurs de moisi. Meme aux Etats-Unis, ou la technologie agro-industrielle est tres developpee, les pertes de cereales stockees, dues a des insectes, des parasites et des microorganismes, ont ete estirnees a un chiffre au moins egal a 9 % de la recolte totale en 1974 34 • Si elle stocke les grains de cereales non transformes dans des silos, des baraques et des sacs, une usine peut minimi- ser les modifications defavorables de la valeur nutritive et du gout des a cereales en ventilant les stocks pour eviter l'humidite due la condensation 32. E.A. Asselbergs, «FAO Action Programme for the Prevention of Food Losses», discours prononce devant les dirigeants d'entreprises agro-industrielles lors d'un seminaire sur Ie systeme alimentaire du monde developpe et en developpement (Boston: Harvard University, Graduate School of Business Administration, 31 mai 1978). 33. E.R. Pariser et autres, Post-Harvest Food Losses in Developing Countries (Washington, D.C. : National Academy of Sciences), pp. 47-109. 34. Robert M. May, «Food Lost to Pests», Nature, vol. 267 (23 juin 1977). 146 L'ANAL YSE DES PROIETS AGRO-INDUSTRIELS et en les prottlgeant des insectes et des r6deurs. Lorsque Ie taux d'humidite est inferieur a 14-15 %, les proteines, les hydrates de carbone, les graisses, les vitamines et les minerais contenus dans les grains des cereales subissent peu de modifications. En dehors du fait qu'il entraine des pertes dans les elements nutritifs et les qualites organoleptiques des cereales, Ie developpement microbien peut aussi produire des metabolites toxiques qui, si elles sont consom- mees, sont susceptible d'etre dangereuses pour la sante. Des grains qui ont e16 endommages lors du stockage par la fermentation, les maladies dues aux insectes et aux parasites, la respiration microbienne (<