38896 La Finance au service de l'Afrique PATRICK HONOHAN ET BANQUE MONDIALE THORSTEN BECK LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Patrick Honohan et Thorsten Beck BANQUE MONDIALE ©2007 The International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Site web : www.worldbank.org Courriel : feedback@worldbank.org Tous droits réservés 1 2 3 4 5 10 09 08 07 Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale. Les constatations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement les vues des Administrateurs de la Banque mondiale ou des pays qu'ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l'exactitude des données contenues dans cet ouvrage. 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ISBN-10: 0-8213-7143-6 ISBN-13: 978-0-8213-7143-5 e-ISBN: 978-0-8213-7144-2 DOI: 10.1596/978-0-8213-7143-5 2006038456 TABLE DES MATIÈRES Avant-propos x Remerciements xiii Abréviations xv 1 Cadre général 1 Introduction : Le rôle du secteur financier 1 Questions fondamentales de politique générale 4 Modernisme et activisme : Deux approches des réformes 7 Objectif ultime : Développer le secteur financier pour stimuler la croissance et réduire la pauvreté 12 Action à mener en faveur des principaux éléments du secteur financier formel 14 Pénétrer dans des marchés difficiles 17 Structure du rapport 20 2 Les systèmes financiers africains : Densité, dimensions et efficacité 25 Introduction : Comparaisons à l'échelle internationale 25 Densité et efficacité des systèmes financiers : À quoi est dû le faible score de l'Afrique ? 26 Secteur financier non bancaire 45 Financement des ménages ouvert 57 Les entreprises accordent une grande valeur à des services financiers de meilleure qualité 61 vi LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE 3 Contribution du secteur financier à la croissance à long terme : Enrichir les flux de financement pour transformer l'économie 71 Introduction : Les institutions financières du secteur formel 71 Améliorer la capacité du système bancaire à assurer l'intermédiation financière 73 Actionnariat et structure sectorielle du système bancaire 87 Financement à terme et financement du risque : Au-delà de la banque commerciale 107 Aspects macroéonomiques : Renforcer la confiance et la capacité d'absorption 120 4 La finance pour tous Introduction : Accès aux services financiers formels 139 Technologie et ingénierie financière 143 Le modèle organisationnel : Qui doit faire quoi ? 159 5 Choix de politiques dans les conditions actuelles Introduction : La vision 191 De la conception au choix de politiques 193 Où doivent commencer les pouvoirs publics ? Deux objectifs réalisables 196 Données initiales contrastées 199 Appendice : Octroi de prêts sur la base de relations personnelles en Afrique 207 Évaluation du crédit 207 Exécution 208 Bibliographie 211 Encadrés 1.1 Stabilité, sécurité et transparence, piliers de l'efficacité du secteur financier 8 1.2 La microfinance : Viabilité et large clientèle 21 2.1 Explications historiques de la variation du développement financier d'un pays à un autre 45 3.1 Dollarisation 76 3.2 Éléments à rechercher dans un système juridique efficace 79 3.3 Réglementation bancaire : Éviter de se fier aux pouvoirs discrétionnaires élargis 85 3.4 Bale II en Afrique 88 TABLE DES MATIÈRES vii 3.5 Les banques étrangères et les prêts aux PME : Données provenant d'études comparatives dans différents pays 96 3.6 IFD à capitaux publics : Expérience d'un pays 101 3.7 Mécanismes de gouvernance des IFD 105 3.8 Hausses soudaines des apports extérieurs et conséquences pour la stabilité du système financier 125 4.1 Le système financier informel est-il négligé ? 140 4.2 Opérations pilote d'assurance contre les aléas climatiques au Malawi 152 4.3 L'assurance contre les risques associés au niveau des prix en Tanzanie 154 4.4 Améliorer les conditions relatives aux envois de fonds 160 A.1 La réputation 208 Figures 1.1 PIB, taux de croissance et densité des circuits financiers, 1980-2003 3 2.1 Engagements à court terme à travers les pays 28 2.2 Crédit privé à travers les pays 29 2.3 Crédit privé et PIB par habitant 30 2.4 Engagements à court terme/PIB et PIB par habitant 31 2.5 Crédit privé/PIB et PIB par habitant 32 2.6 Ratio dépôts bancaires offshore/dépôts bancaires intérieurs : Répartition régionale 33 2.7 Composition de l'actif des banques à travers les régions 34 2.8 Densité des systèmes financiers en Afrique, 1990-2005 34 2.9 Taux d'intérêt réels en Afrique, 1990-2005 35 2.10 Marges nettes d'intérêt à travers les régions 37 2.11 Gouvernance à travers les pays 39 2.12 Taille des systèmes bancaires à travers les pays 40 2.13 Crédit privé : Origine française ou britannique des systèmes juridiques 49 2.14 Développement financier et contexte colonial initial 50 2.15 Places boursières africaines : Capitalisation et valeur négociée en pourcentage du PIB 51 2.16 Comparaison au plan international du développement des marchés boursiers : Principales bourses africaines comparées à celles d'autres pays en développement 53 viii LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE 2.17 Accès au crédit, cas régionaux extrêmes, médians et moyens 58 2.18 Accès au financement à travers les pays 59 2.19 Obstacles à l'accès au crédit à travers les régions 62 2.20 Sources de financement des investissements à travers les régions 63 2.21 Proportion du PIB représentée par l'agriculture à travers les pays 66 2.22 Proportion du PIB représentée par les activités informelles à travers les pays 67 3.1 Liquidité du système bancaire dans les pays africains 74 3.2 Banques africaines : Densité financière et liquidité, 2004 75 3.3 Opinion des milieux d'affaires sur les tribunaux et la possibilité de recouvrement des impayés 78 3.4 Profils d'actionnariat des banques : L'Afrique et le reste du monde 94 3.5 Pays africains : L'épargne et l'investissement en pourcentage du PIB 121 4.1 Contributions des coopératives, ONG, caisses d'épargne et autres banques à l'accès à des financements 166 Cartes 2.1 Densité des systèmes financiers : Ratio moyen du crédit privé au PIB,2000-2004 35 2.2 Structures prédominantes du capital social des banques 44 2.3 Pays appliquant le Code civil et la Common Law 48 2.4 Accès des ménages au crédit 60 Tableaux 2.1 Comparaisons des profits réalisés par les banques, 2000-2004 37 2.2 Comparaison au plan international des marges nettes d'intérêt et des frais généraux 38 2.3 Répartition des pays africains en fonction de la structure prédominante du capital social des banques 43 2.4 Bourses des valeurs en Afrique 52 2.5 Composition du portefeuille de quelques compagnies d'assurance vie et fonds de pension 55 2.6 Demande de crédit et difficultés des entreprises africaines à y accéder 64 TABLE DES MATIÈRES ix 3.1 Banque transnationale en Afrique : Localisations des agences ou filiales de 26 groupes bancaires internationaux 90 4.1 Envois de fonds sur salaires : Principaux pays bénéficiaires en Afrique subsaharienne 159 4.2 Principaux réseaux et intermédiaires financiers en Afrique, par nombre de comptes 164 Avant-propos Partout en Afrique, on considère à juste titre que l'accès aux moyens de fi- nancement ouvre les portes de la croissance, aussi bien aux familles d'agri- culteurs pauvres qu'aux sociétés d'exportation en plein essor. Cet ouvrage montre que le continent a besoin non seulement de capitaux, mais aussi de moyens plus efficaces et ouverts d'orienter les financements et les autres services financiers là où ils peuvent avoir le plus d'effet. Les responsables de l'action publique africains s'accordent déjà large- ment à reconnaître qu'ils doivent améliorer le fonctionnement de l'activité financière. Les pays dotés de systèmes solides ont pu connaître une crois- sance globale rapide et leurs populations en ont tiré des avantages, tant directs qu'indirects, à tous les niveaux de revenus. C'est pourquoi, au cours des dix dernières années, les pays ont adopté des réformes qui ont mis fin à la détérioration des systèmes financiers et ont permis de regagner une partie du terrain perdu. Ils ont créé les infrastructures nécessaires dans les domaines du droit, de l'information et de la réglementation. Ils ont aussi facilité l'arrivée d'intermédiaires financiers robustes opérant au niveau national, régional ou international, et ont stimulé la concurrence qu'ils se font. Des bases importantes ont été jetées, mais il est manifeste que les sec- teurs financiers ne réalisent pas encore leur potentiel. Les responsables politiques de nombreux pays africains sont confrontés à des problèmes et des choix comparables. Ils doivent déterminer comment faciliter l'offre de crédit là où elle peut stimuler la croissance ; et comment obtenir davan- tage de financements pour des projets à long terme plus risqués ; ils doi- vent décider si les petits marchés boursiers de différents pays doivent collaborer ; et quel est le meilleur moyen de réglementer les banques et les institutions de microfinance dans le contexte africain ; et enfin ils doi- vent définir les domaines dans lesquels les pouvoirs publics doivent concentrer leur action. xi xii LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Si cette étude régionale, intitulée La finance au service de l'Afrique, a été entreprise, c'est précisément parce que ces questions fondamentales très diverses se posent dans beaucoup de pays africains. Elle s'appuie sur les leçons tirées de l'expérience acquise récemment sur le continent et sur des comparaisons internationales afin de présenter une stratégie cohérente adaptée à la situation de l'Afrique et qui répond à ses besoins prioritaires. Cette étude est si vaste qu'il est difficile de la résumer brièvement. Trois grandes idées se dégagent néanmoins, qui apparaissent sous différentes formes tout au long de l'ouvrage. Premièrement, il ne fait pas de doute que la question du renforcement des institutions est à l'ordre du jour. À terme, les différents éléments de ce renforcement auront des effets positifs indéniables. Dans le même temps, il est possible de faire montre d'énergie et d'imagination pour adapter et appliquer des principes universellement reconnus aux situations locales. Deuxièmement, bien que les solutions régionales ou internationales aient des implications politiques qui sont parfois sources de difficultés, il est intéressant à plusieurs points de vue d'y rester ouvert. Le retour des banques étrangères et le regain d'intérêt pour des organismes réglemen- taires plurinationaux montrent que ces idées font déjà des adeptes. La sous-traitance et les partenariats internationaux sont également des moyens essentiels de tirer profit de nouvelles technologies qui apportent des solutions novatrices aux problèmes d'accès aux moyens de finance- ment. Troisièmement, les pays qui ont adopté une démarche caractérisée par son ouverture en ont bénéficié. J'entends par là qu'ils ont veillé non seu- lement à ce que les réformes visent tous les groupes, quels que soient leurs niveaux de revenus, et à tous les secteurs, mais aussi à ce que les orga- nismes réglementaires facilitent l'émergence et le développement d'une vaste gamme d'intermédiaires et de structures du capital, et de différents types de produits financiers. Le faible volume des investissements du secteur privé est à la fois une cause du déficit de croissance en Afrique et une conséquence du manque de confiance provoqué par les revers répétés observés dans la plupart des pays de la région. Il est difficile d'imaginer d'échapper à cette situation sans donner un rôle central à la finance. Les mesures prises pour renforcer celle-ci permettront aussi de rattraper des retards de développement fon- damentaux. Lorsqu'un système financier solide et indépendant existe, il n'est plus nécessaire de bénéficier d'un appui gouvernemental pour entre- prendre des activités commerciales, et le cadre des affaires s'en trouve transformé. En outre, le développement du secteur financier peut créer un effet de verrou qui accroît la mobilisation des élites nationales en faveur des politiques de croissance. Mettre la finance au service de l'Afrique est donc l'un des objectifs de développement les plus essentiels et les plus riches de conséquences que le continent puisse se fixer. Gobind T. Nankani Vice-président, Région Afrique Banque mondiale Remerciements Ce rapport a pour principaux auteurs Patrick Honohan et Thorsten Beck. Il s'inspire de documents de travail préparés spécialement par Erin Bryla, Juan Costain, Julie Dana, Michael Fuchs, Ufuk Guven, Olivier Mahul, Sa- muel Munzele Maimbo, Astrid Manroth, Thomas Muller, Marguerite Ro- binson et David Scott. Mark Feige a fourni des conseils au stade de la ré- daction du texte final. Edward Al-Hussainy, ainsi que Baybars Karacaovali et Heiko Hesse, ont mené des recherches remarquables sur des questions quantitatives. Le comité de lecture était composé d'Alan Gelb et de Benno Ndulu, qui ont prodigué des conseils précieux. Nous remercions les membres d'un groupe consultatif externe, Ernest Aryeetey, Chicot Eboue, Machiko Nissanke, Steve O'Connell et Lemma Senbet, qui ont formulé des observations sur une version antérieure de ce rapport. Nous exprimons notre gratitude pour leurs suggestions et leurs obser- vations à Abayomi Alawode, Sherri Archondo, Henry Bagazonzya, Bernd Balkenhol, Chris Barltrop, Priya Basu, François Boutin-Dufresne, Gabriella Braun, Colin Bruce, John Byamakuma, Jerry Caprio, Anne-Marie Chid- zero, Stijn Claessens, Tiphaine Crenn, Ross Croulet, Carlos Cuevas, Bob Cull, Julie Dana, David de Groot, Asli Demirgüç-Kunt, Ishac Diwan, Ste- phanie Emond, Tadashi Endo, Louise Fox, Martin Gisiger, Olivier Hassler, Brigit Helms, Jennifer Isern, Andres Jaime, William Kingsmill, Renate Kloeppinger-Todd, Lolette Kritzinger-van Niekerk, Kathie Krumm, Anjali Kumar, Luc Laeven, Zahia Lolila-Ramin, Millard Long, Susan Marcus, John McIntire, Latifah Merican, Margaret Miller, Paul Murgatroyd, Mark Napier, Korotoumou Ouattara, John Page, Doug Pearce, Jeeva A. Per- umalpillai-Essex, Michael Pomerleano, Ann Rennie, Ann Ritchie, Alan xiii xiv LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Roe, Ravi Ruparel, Andre Ryba, Rick Scobey, Sudhir Shetty, Ahmet Soyle- mezoglu, Martha Stein-Sochas, Robert Stone, Menbere Taye Tesfa, Moha- med Toure, Craig Thor-burn, John Tucker, Marilou Uy, Jos Verbeek, Stuart Yikona et JaeHoon Yoo. Nous sommes également reconnaissants aux res- ponsables et aux participants au marché qui ont apporté un éclairage inté- ressant durant les missions en Afrique du Sud, en Éthiopie, en Guinée équatoriale, au Kenya, au Liberia, au Mali, au Mozambique, au Rwanda et en Zambie, ainsi qu'à Londres et à Paris. Cette étude a été réalisée sous la supervision générale de John Page, économiste en chef pour la Région Afrique. La direction de l'étude a été assurée conjointement par Patrick Honohan et Tony Thompson. Abréviations ACM Association de caution mutuelle AGO Angola AIM Marché alternatif d'investissement ASSOPIL Association pour la promotion des initiatives locales (Bénin) BAO Banque de l'Afrique Occidentale BCCI Banque du Commerce et du Crédit Internationale BDAE Banque de développement de l'Afrique de l'Est BDI Burundi BEN Bénin BFA Burkina Faso BIMAO Banque des institutions mutualistes d'Afrique de l'Ouest BLNS Botswana, Lesotho, Namibie et Swaziland BNDA Banque nationale de développement agricole (Mali) BOAD Banque ouest-africaine de développement BRVM Bourse régionale des valeurs mobilières BWA Botswana CAE Communauté de l'Afrique de l'Est CAF Afrique centrafricaine CAMCCUL Ligue des caisses populaires coopératives du Cameroun CCP Compte chèque postal xv xvi LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE CDAA Communauté de développement de l'Afrique australe CECP Caisse d'épargne et des chèques postaux (côte d'ivoire) CEDEAO Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest CEMAC Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale CERUBEB Centenary Rural Development Bank CFA Communauté financière d'Afrique (Afrique de l'Ouest) CFA Coopération financière en Afrique centrale (Afrique centrale) CGAP Groupe consultatif d'aide aux populations les plus pauvres CIV Côte d'ivoire CMR Cameroun CNE Caisse nationale d'épargne COG République du Congo COM Comores COMESA Marché commun de l'Afrique orientale et australe COOPEC Coopérative d'épargne et de crédit COWAN Association des femmes rurales du Nigéria CPV Cap vert CREA Consortium pour la recherche économique en Afrique DAB Distributeur automatique de billets DBSA Banque de développement de l'Afrique australe de capitaux DFI Institut de financement du développement ERI Érythrée ESAAMLG Groupe Afrique de l'Est/Afrique australe de lutte contre le blanchiment ETH Éthiopie FADU Farmer's development Union FECECAM Fédération des caisses d'épargne et de crédit agricole mutuel FENACOOPEC Fédération nationale des coopératives d'épargne et de crédit de côte d'ivoire FGHM Fonds de garantie hypothécaire du Mali FMI Fonds monétaire international FSA Autorité britannique chargée des services financiers ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS xvii FUCEC Faîtières des Unités Coop GAB Gabon GHA Ghana GHAMFIN Association des institutions de mirofinance du Ghana GIN Guinée GMB Gambie GNB Guinée Bissau GNQ Guinée Équatoriale ICA Évaluation du climat de l'investissement IDE Investissement direct étranger IFD Institution de financement du développement IFRS Normes internationales d'information financière IMF Institution de microfinance JSE Johannesburg Stock Exchange KEN Kenya KenGen Entreprise de génération d'électricité du Kenya KPOSB Banque d'épargne postale du Kenya KUSCCO Union des Coopératives du Crédit Immobilier du Kenya LBR Liberia LSO Lesotho MDG Madagascar MDV Maldives MLI Mali MOZ Mozambique MPME Micro, petites et moyennes entreprises MRFC Compagnie Financière Rurale du Malawi MRT Mauritanie MTN Réseaux de téléphone mobile (Afrique du Sud) MUS Maurice MWI Malawi NAM Namibie NASFAM Association nationale des petits exploitants agricoles du Malawi NER Niger NGA Nigéria NIP Numéro d'identification personnel NMB National Microfinance Bank ONG Organisation non gouvernementale PESF Programme d'évaluation du secteur financier PIB Produit intérieur brut xviii LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE PME Petites et moyennes entreprises PPP Partenariat public-privé RDC République démocratique du Congo RNB Revenu national brut ROSCA Association rotative d'épargne et de crédit RTS Système de transaction à distance SACCO Coopérative d'épargne et de crédit SAFEX South African. Futures Exchange SDN Soudan SEN Sénégal SFI Société financière internationale SIDA Syndrome d'immunodéficience acquise SLE Sierra Léone SMS Service des messages courts SOM Somalie STP Sao Tomé et Principe SWZ Swaziland SYC Seychelles TCD Tchad TGO Togo TIC Technologies de l'information et des communications TZN Tanzanie TZS Shilling tanzanien (code de la monnaie) UCB Banque Commerciale Ougandaise UE Union européenne UEM Union économique et monétaire européenne UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine UGA Ouganda USD Dollar des États-Unis (code de la monnaie) VIH Virus de l'immunodéficience humaine ZAF Afrique du Sud ZMB Zambie ZMC Zone monétaire commune ZMOA Zone monétaire ouest-africaine ZNCB Banque commerciale nationale de Zambie ZWE Zimbabwe CHAPITRE 1 Cadre général Introduction : Le rôle du secteur financier Une décennie de réformes -- Le secteur financier de l'Afrique est secoué par des changements, qui sont parfois majeurs. Consolidés par une grande vague de réformes au cours des dix dernières années, les systèmes financiers de nombreux pays afri- cains ont commencé à diversifier leurs activités, à développer leurs circuits de financement et à augmenter leur champ d'action grâce à de nouveaux produits et de nouvelles technologies. La répression financière et la pra- tique du crédit dirigé ont toutes deux beaucoup diminué, et on a assisté à un vaste mouvement de privatisation des banques d'État. Celles-ci sont souvent passées sous le contrôle de banques étrangères, dont le retour n'est qu'un aspect des possibilités grandissantes qu'offrent l'internationali- sation et la régionalisation. La microfinance, déjà profondément enracinée dans le continent, s'est renforcée grâce à une croissance organique et l'ar- rivée de nouveaux intervenants. Le développement des liens entre les ins- titutions de microfinance (IMF) et les banques du secteur formel illustre l'adaptation des structures organisationnelles à des situations locales. Il semble ainsi que l'époque où les systèmes financiers formels et semi- formels restaient incapables de progresser et de prendre la place d'un sys- tème financier fragmenté et dualiste tenace soit arrivée à son terme il y a une dizaine d'années. Une nouvelle vague d'intermédiaires, dont de nom- breux obéissent aux lois du marché, a commencé à adopter des stratégies inédites qui promettent de résoudre les problèmes particuliers que ren- contre le développement des systèmes financiers dans la région. Ainsi, la technologie de la téléphonie mobile sert à payer des achats et à assurer la transparence des prix. C'est aussi la technologie moderne qui explique 1 2 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE l'essor des prêts aux particuliers dans plusieurs pays africains. -- mais il reste encore beaucoup à faire Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire. Le fait que les circuits finan- ciers restent peu diversifiés et que les petites entreprises et les ménages n'aient qu'un accès limité aux services financiers formels, en particulier dans les régions rurales, signifie que ce réveil financier n'est qu'un premier pas. Pour les établissements financiers, le climat reste difficile et les progrès n'ont pas été aussi rapides qu'on l'espérait. Cette juxtaposition d'améliora- tions et de potentiel inexploité mérite que l'on porte un nouveau regard sur les systèmes financiers de l'Afrique. Dans une certaine mesure, la situation des systèmes financiers natio- naux est le reflet de la situation économique de chaque pays. C'est cepen- dant un processus bidirectionnel qui est à l'oeuvre : un système financier solide est un moteur puissant de la croissance ­ et de l'égalité. Les systèmes financiers ouvrent des perspectives et réduisent les risques -- Les économies d'Asie de l'Est ont montré qu'en investissant l'épargne nationale de façon à augmenter la productivité, on pouvait arriver à entre- tenir une croissance rapide sur une génération. En Asie et en Amérique latine, les innovations dans le domaine de la microfinance ont aidé les ménages à faible revenu à gérer leurs risques en épargnant. Ces innova- tions ont autonomisé les microentrepreneurs dynamiques, les ont mis sur la voie de la prospérité et ont permis de relever les niveaux de vie dans les régions où ils opèrent. Les nouvelles technologies employées pour les envois de fonds et les techniques d'assurance originales adoptées ont elles aussi contribué de façon importante à améliorer les conditions de vie. En comblant le fossé qui sépare les épargnants des entrepreneurs, les systèmes financiers réduisent les risques mais aussi ouvrent des perspec- tives, et ce pour tous les intervenants. Ils peuvent diminuer les obstacles à l'entrée des entrepreneurs. Ils bénéficient ainsi à l'économie dans son ensemble en termes d'augmentation des emplois, des prix et de la qualité des services et limitent l'influence des monopoles établis qui ont un effet asphyxiant. Lorsque les agriculteurs ont accès aux moyens financiers dont ils ont besoin, ils peuvent accroître leur productivité et leur production. Les épargnants peuvent eux aussi avoir leur part des bénéfices que procure l'accroissement des flux d'investissement. Le logement, les systèmes d'as- surance et les mécanismes de retraite affichent d'énormes progrès. -- mais les pouvoirs publics doivent créer un climat favorable Les spécialistes reconnaissent de plus en plus que les mesures qui favori- sent le développement du secteur financier sont une composante fonda- mentale des politiques de développement national. De fait, il ressort d'une analyse comparative détaillée des taux de croissance de différents pays au cours d'une période de 30 ans que, de toute évidence, la densité des sys- tèmes financiers est un facteur de croissance -- et non simplement une conséquence de la prospérité (voir la figure 1.1)1. Par ailleurs, il semble CADRE GÉNÉRAL 3 qu'à revenu national égal, les pays dotés de systèmes financiers denses enregistrent une incidence de la pauvreté plus faible que les autres et que, au niveau des entreprises, l'accès au crédit et les conditions qui favorisent cet accès aient un effet sur la croissance. Systèmes financiers et progrès social Il est certain que les systèmes financiers solides s'appuient sur une bonne gouvernance, sans doute aucun à la fois au niveau des intermédiaires et à celui des organismes chargés de les superviser. À cela s'ajoute cependant le fait que, parce que toutes les entreprises à partir d'une certaine taille et tous les organismes gouvernementaux traitent avec le secteur financier, toute amélioration de la gouvernance du secteur financier accroît de manière générale la qualité de la gouvernance dans le secteur public et dans celui des entreprises. Si elles ne disposent pas d'un secteur financier qui fonctionne bien et est capable d'affecter et de redéployer les ressources disponibles pour des investissements, les sociétés africaines, dans lesquelles un petit groupe formé des intervenants (publics ou privés) déjà en place prend la plupart des décisions stratégiques et d'investissement car ceux-ci sont les seuls à FIGURE 1.1 : PIB, taux de croissance et densité des circuits financiers, 1980-2003 5 BWA log) 4 (résidu 3 MUS 2 UGA SDN SWZ 1980-2003 1 PIB MOZ GMB du GHA BEN 0 LSO ZWE ZAF MRT MLI -1 SEN COG CMR moyenne RWA TGO GNB KEN MWI -2 NER SLE ZMB CAF BDI -3 Croissance -2 -1 0 1 2 Crédit privé/PIB 1980-2003 (résidu log) Afrique subsaharienne Autres régions Tendance résiduelle Source : La figure a été établie à partir de données tirées de Beck (2006). Note : les abréviations des noms de pays figurent dans la liste des abréviations fournie dans les premières pages de l'ouvrage. Au total, 99 pays ont été pris en compte sur cette figure qui illustre le rapport entre le crédit privé du système bancaire, exprimés en pourcentage du PIB, et la croissance moyenne annuelle du PIB par habitant, une fois neutralisé l'effet du PIB initial (1980) par habi- tant, de l'inflation, de l'ouverture commerciale, de la consommation des administrations publiques, du nombre moyen d'années de scolarité et de la prime du marché noir. 4 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE avoir les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre des plans ambitieux, risquent de stagner (voir Eifert, Gelb et Ramachandran 2006 ; Rajan et Zingales, 2003). Parce qu'elles peuvent affecter et redéployer les ressources de façon plus objective sur la base de la solvabilité et des rendements attendus, les éco- nomies qui disposent de moyens financiers abondants favorisent une plus large répartition du pouvoir et de l'influence économiques qui, en prin- cipe, devrait engendrer une amélioration des résultats économiques natio- naux à de nombreux égards. Le développement des systèmes financiers peut contribuer à accroître les effectifs des élites nationales car il permet aux nantis et à la classe moyenne de profiter du succès des projets économiques locaux et de com- mencer à définir leur propre prospérité en termes de prospérité nationale, sans faire jouer un avantage ethnique ou local. Par exemple, les élites nationales s'intéressent maintenant au sort des entreprises récemment pri- vatisées dont le capital, bien qu'il soit détenu en majorité par des étrangers, est en partie coté sur les bourses locales. Si les élites s'investissent dans la prospérité économique nationale (au lieu de camper sur leurs positions et de tenter d'obtenir, du moins pendant un certain temps, leur part d'une richesse statique ou décroissante, qui risque d'être balayée par des crises sociales ou économiques), elles chercheront probablement plus résolu- ment à introduire des politiques qui sont le fondement de la croissance économique2. Questions fondamentales de politique générale Quelles mesures les pouvoirs publics doivent-ils prendre aujourd'hui pour créer un nouvel essor, faire en sorte que les technologies modernes, l'inno- vation au niveau des organisations et l'internationalisation soient exploi- tées au maximum et veiller à ce que les capitaux en quête de placement soient bien affectés de façon à bâtir les fondations de la croissance et assu- rer une protection contre des risques futurs ? La liste des mesures à prendre pour réformer et renforcer le secteur financier est longue. Toute stratégie pratique doit prendre en considération les obstacles qui existent au niveau de la mise en oeuvre. En outre, des conditions préalables doivent être remplies sur le plan économique et poli- tique si l'on veut éviter que certaines réformes soient inefficaces, voire contre-productives. Quels sont les principes qui doivent guider les décideurs africains lors- qu'ils déterminent l'ordre de priorité des politiques de renforcement des sec- teurs financiers ? Ce rapport recommande d'adopter une double stratégie. · La croissance économique est le moyen le plus sûr de réduire sensible- ment et durablement la pauvreté en Afrique ; pour favoriser une crois- sance à long terme, il faut mettre l'accent sur les composantes les plus grandes et les plus formelles du système financier. CADRE GÉNÉRAL 5 · Même lorsque les politiques de croissance commencent à faire de l'effet, il faut s'attacher essentiellement à améliorer l'accès des ménages à faible revenu et des microentrepreneurs aux services financiers. Étant donné les deux axes de cette stratégie, c'est-à-dire la croissance et l'accès, les mesures les plus pressantes qu'il importe de prendre en Afrique dans le domaine de la finance consistent à : a) augmenter l'offre et dimi- nuer le coût du crédit pour les entreprises productives, et b) étendre la couverture des services de base d'épargne, de paiement, de crédit et d'as- surance pour en faire bénéficier les populations à faible revenu, ainsi que les petites exploitations et les microentreprises qui assurent leur subsis- tance. D'autre part, l'Afrique doit disposer d'une plus large gamme de mécanismes de crédit à long terme (notamment le financement hypothé- caire), d'un plus grand nombre d'instruments de gestion des risques et de diversification, et notamment d'un processus de découverte des prix plus transparent, et enfin d'une plus grande négociabilité des titres tels que les créances sur les entreprises et les actions de ces dernières. Chacun de ces domaines exige le recours à des compétences techniques et de gestion rares, notamment dans les domaines de la gestion prudente, de la régle- mentation et de la supervision. Ces deux axes se chevauchent dans une certaine mesure, et le feront de plus en plus à mesure que des intermédiaires plus importants trouveront les moyens d'exploiter la technologie pour atteindre une clientèle plus vaste. Les défis que pose le financement des activités du secteur agricole continueront de revêtir une importance cruciale quel que soit l'axe straté- gique considéré. Accroître l'envergure de l'agroindustrie et de l'agriculture à forte productivité restera un élément majeur du processus de croissance de la plupart des pays africains, et les grandes entreprises agricoles seront toujours des clients importants des principales banques. Le principal point de contact de la plupart des agriculteurs et des travailleurs ruraux avec le secteur financier se situera cependant au niveau de la microfinance. Les axes de la croissance et de l'accès ne se chevauchent néanmoins pas dans la plupart des cas : il est rare que ces deux objectifs soient sources de conflits ou exigent des compromis, et il est possible de progresser sur les deux fronts à la fois. Les systèmes financiers africains ne sont pas tous identiques3 et ils affi- chent des résultats très divers. Il n'en reste pas moins que les conditions économiques fondamentales qui définissent l'environnement des entre- prises financières de la plupart des pays présentent suffisamment de simi- litudes pour que l'on puisse procéder à certaines généralisations. Outre la faiblesse des taux d'épargne, l'activité financière dans la plupart des pays africains se déroule dans un contexte caractérisé par des situations extrêmes à quatre grands égards : l'échelle, l'informalité, la gouvernance et les chocs. Certes, des difficultés se posent aussi ailleurs que dans ces domaines, mais la fréquence avec laquelle ces quatre facteurs contextuels constituent des obstacles en Afrique confère à l'analyse des politiques de la région un caractère particulier. 6 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE · L'échelle désigne la taille réduite des économies, et surtout des systèmes financiers nationaux ainsi que des entreprises et de leurs clients. Une population très dispersée, qui est de ce fait isolée et souvent éloignée (en temps de déplacement) des points d'accès aux services, en est un autre aspect. Comme la plupart des services financiers sont assortis de frais fixes et ont des rendements d'échelle croissants (du moins jusqu'à un certain point), le problème de l'échelle est un problème de coût uni- taire élevé, voire de services d'un prix inabordable. Parmi les solutions possibles, on peut citer une attention rigoureuse portée à la maîtrise des coûts, une internationalisation des activités de manière à partager cer- tains frais fixes, et l'utilisation des technologies de l'information et des communications pouvant réduire les coûts unitaires. · Le terme informel caractérise la situation non seulement des entreprises clientes des intermédiaires financiers, mais aussi celle des marchés dans lesquels elles fonctionnent. Il signifie qu'il est moins possible de pouvoir compter sur l'établissement de pièces justificatives et de rapports systé- matique ou sur un calendrier fiable, et que les activités peuvent, dans certains cas, ne pas être menées à partir d'un site fixe. · Les problèmes de gouvernance se posent au niveau des institutions pri- vées et publiques, mais ils sont sans doute relativement plus graves dans le secteur public. Ils réduisent la crédibilité et la stabilité des politiques publiques et augmentent le risque que leurs objectifs soient compromis au stade de la mise en oeuvre. · Les chocs ne sont pas tous plus marqués ou plus fréquents en Afrique qu'ailleurs, mais l'histoire du continent au cours des 50 dernières an- nées se caractérise par une incidence élevée de catastrophes écono- miques ou politiques épisodiques (liées à des conflits, des famines et un effondrement de la situation sociopolitique, ainsi qu'à des facteurs ex- ternes), au point que chaque pays a connu ce type de catastrophe jus- qu'à une fois par décennie (Arnold 2005 ; Meredith 2005). Au niveau microéconomique ou « idiosyncrasique », les risques sont également très élevés pour les ménages proches ou en dessous du seuil de pauvre- té et pour les petites exploitations agricoles et les petites entreprises. Pour fournir des services financiers en toute sécurité et à un coût raison- nable malgré ces conditions difficiles, les parties prenantes doivent trouver des solutions qui tirent parti des innovations technologiques dans les domaines de la finance, de l'information et de la communication, de l'in- ternationalisation et de structures d'organisation bien adaptées. En gardant présentes à l'esprit ces quatre aspects liés au contexte, nous pouvons examiner les deux principales stratégies généralement suivies pour réformer le secteur financier en Afrique CADRE GÉNÉRAL 7 Modernisme et activisme : deux approches des réformes Tout le monde s'accorde sur l'objectif qui consiste à créer et maintenir un climat favorable au développement des systèmes financiers nationaux. Les réformes engagées jusqu'à présent en Afrique sont parvenues dans une certaine mesure à stabiliser la situation macroéconomique et à éliminer les incohérences du contrôle des taux d'intérêt interbancaires. Les banques devenues insolvables ont fait l'objet de diverses interventions. Nombre d'entre elles ont bénéficié d'une restructuration de leur capital et dotées d'une meilleure équipe de gestion et d'un meilleur actionnariat. De nom- breuses autres réformes ont été adoptées, qui ont fait beaucoup pour amé- liorer le cadre réglementaire du secteur bancaire (Aryeetey et Senbet, 2004). Manifestement, il faut faire davantage, mais quoi exactement ? Nul ne peut contester l'importance de la stabilité macroéconomique, de la sécurité contractuelle et de la transparence des politiques et du commerce, qui constituent les piliers d'un système financier efficace (voir l'encadré 1.1). Ceci ne signifie pas que ces piliers sont solidement ancrés partout sur le continent et de fait, c'est loin d'être le cas. L'instabilité macroéconomique continue de menacer dans certaines régions, même si elle est beaucoup moins évidente qu'il y a dix ans. Les emprunts publics absorbent visible- ment des ressources au détriment des investissements privés dans plu- sieurs pays. Enfin, les investisseurs prennent toujours leurs décisions compte dûment tenu du risque de revirements politiques majeurs. La réforme du système juridique et judiciaire, l'amélioration de l'information financière et l'accroissement de la transparence sont autant de tâches qui sont loin d'être achevées. Il est communément admis que l'accroissement de l'efficacité des sys- tèmes financiers est, fondamentalement, tributaire de certains processus fondamentaux, comme la rationalisation et la clarification des lois, la sim- plification des procédures judiciaires, l'établissement de centrales des risques et la formation de spécialistes de la finance. Nous ne nous attarde- rons pas dans cet ouvrage sur ces objectifs et ces processus fondamentaux dont la nécessité est largement reconnue mais qui ne sont pas spécifiques à l'Afrique4. Nous nous intéresserons plutôt à des questions qui sont moins évidentes, mais qui correspondent plus précisément aux besoins parti- culiers du continent. Deux courants, différents mais complémentaires, dominent les débats actuels sur l'action à mener pour renforcer les systèmes financiers en Afrique : le courant moderniste et de courant activiste. Ils reconnaissent tous deux l'importance d'un cadre général propice, mais s'efforcent de pousser l'analyse au delà des éléments fondamentaux. Chacun est légitime, et a un champ d'application approprié. Souvent, les malentendus et les débats sur la politique à mener tiennent aux opinions divergentes sur celui des deux courants qui est le mieux adapté même et le plus efficace pour répondre à différents besoins de l'Afrique. La mise en place des infrastructures nécessaires à un fonctionnement efficace du secteur financier implique une longue phase de modernisation. 8 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 1.1 : Stabilité, sécurité et transparence, piliers de l'efficacité du secteur financier Trois éléments de base du cadre économique et institutionnel sont particu- lièrement importants pour permettre au secteur financier de fonctionner de façon efficiente. Il s'agit de la stabilité macroéconomique, de l'assurance de la bonne exécution des contrats et de l'accès aux informations. La stabilité macroéconomique contribue tout particulièrement à encoura- ger le développement du secteur bancaire. Un taux d'inflation stable et faible stimule l'épargne en permettant de mieux prévoir sa valeur réelle. La discipline budgétaire oriente l'épargne mobilisée vers le secteur privé et évite que les investissements privés ne soient évincés par les emprunts publics. Les prêteurs et les investisseurs sont plus disposés à conclure des contrats financiers lorsqu'ils savent que les droits juridiques respectifs des emprun- teurs, des créanciers et des investisseurs extérieurs (minoritaires) sont res- pectés et qu'ils peuvent espérer une exécution équitable, rapide et impar- tiale des contrats. Il a été démontré par exemple que les systèmes juridiques qui accordent un poids relatif plus grand aux droits des créan- ciers qu'à ceux des emprunteurs favorisent la densification des marchés des titres de créances, et que ceux qui accordent un poids relatif plus grand aux droits des actionnaires minoritaires qu'à ceux des actionnaires majori- taires et des dirigeants favorisent une densification des marchés des ac- tions. Dans l'idéal, les créanciers auraient des moyens efficaces de faire exécuter les contrats en dehors des procédures de faillite, et de protéger Il ne fait pas de doute que ce processus de modernisation est à la base de toute stratégie crédible pour les secteurs financiers nationaux, que ce soit en Afrique ou ailleurs. L'approche moderniste considère la finance comme un mécanisme ano- nyme, atomistique et axé sur le marché qui fait peu de cas de l'origine ou du pouvoir de ses usagers, si ce n'est dans la mesure où ce pouvoir a un impact sur la rémunération de chaque contrat financier. Les partisans de cette approche ne voient guère d'un bon oeil l'intégration du pouvoir industriel et financier car la concentration du pouvoir au sein de groupes industriels et financiers peut faire obstacle aux efforts de tout entrepreneur n'appartenant pas à ces puissants groupes. Ils éprouvent les mêmes doutes à l'égard de l'intégration des systèmes financiers et de l'État, ce qui explique l'opinion défavorable que les partisans du courant moderniste ont des banques d'État. CADRE GÉNÉRAL 9 leurs droits dans le cadre de ces procédures. Pour créer, améliorer et mettre en oeuvre des sûretés, il est fondamental que les registres des biens et les tribunaux fonctionnent efficacement. Les actionnaires doivent non seulement disposer d'informations suffisantes, mais aussi avoir la pos- sibilité de peser sur les décisions des entreprises, de façon directe en vo- tant sur les décisions essentielles, et de façon indirecte en s'exprimant sur le choix des administrateurs. L'application de la loi dans la pratique est ce- pendant plus importante que la forme qu'elle revêt sur le papier. Dans ces conditions, il est crucial de lutter contre la corruption et de renforcer le gou- vernement d'entreprise. Enfin, l'efficacité de l'intermédiation financière est tributaire du recours à des outils qui permettent d'atténuer l'asymétrie de l'information entre les prestataires et les emprunteurs car celle-ci pourrait provoquer une antisé- lection et un risque moral. Il est fondamental que les états financiers soient transparents afin de réduire les coûts de sélection et de contrôle pour les prêteurs, et partant d'affecter les ressources de façon plus efficiente. Les centrales des risques qui permettent d'avoir aisément accès à des rensei- gnements fiables sur les antécédents des clients et fournissent des infor- mations aussi bien positives que négatives accroissent considérablement la transparence de la situation des emprunteurs, et permettent aux prê- teurs de traiter sans risque indu avec une gamme plus vaste de clients ayant de bons antécédents (voir Beck, 2006). Il convient toutefois aussi de rappeler que le lien entre les risques et l'im- portance du secteur financier est à double sens. Lorsque les risques sont élevés, les contrats financiers peuvent aider les acteurs du marché à se couvrir contre ces risques ou à les mutualiser. Le système financier assure donc une précieuse protection au reste de l'économie bien que dans la pra- tique il protège plus efficacement contre les risques à court terme que contre les risques à long terme. Les modernistes s'intéressent principalement à la finance sur une grande échelle -- pour diversifier les circuits de mobilisation des ressources du système bancaire, faire en sorte que les banques acceptent de rétrocé- der ces ressources et puissent le faire en toute sécurité, et permettre aux entreprises du secteur productif formel d'avoir accès aux financements sous forme de participations et d'emprunts dont ils ont besoin pour se développer, ainsi qu'à des instruments perfectionnés de gestion des risques. L'État a un rôle fondamental à jouer dans ce domaine, en créant notam- ment un environnement porteur. Le programme des tenants du courant moderniste vise essentiellement les cadres macroéconomiques, contrac- tuels et d'information dans le but de réduire l'asymétrie de l'information, d'améliorer la sécurité des droits conférée par le cadre juridique et d'allon- ger l'horizon de planification des investisseurs. Ce programme a entre 10 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE autres pour objet d'actualiser les textes de lois qui régissent les contrats financiers et d'assurer le respect systématique de ces contrats. Pour cela, il couvre des réformes judiciaires qui visent à assurer que les droits de pro- priété sont clairement définis et sont exécutoires, aussi bien pour les avoirs en général que pour des instruments financiers modernes particuliers. Les tenants du modernisme attachent également de l'importance à la défini- tion et au maintien de règles et de procédures comptables adaptées aux réalités courantes -- pour que les comptes des entreprises soient une base d'information fiable pour les investissements et d'autres relations finan- cières -- et à l'amélioration des systèmes d'information sur la solvabilité des emprunteurs pour que ceux-ci puissent offrir leur réputation en garan- tie. Ils sont aussi très désireux d'accroître la prévisibilité et la stabilité des politiques publiques, qui influent sur la situation macroéconomique glo- bale, car le risque systémique entrave le fonctionnement des courants financiers -- même si l'intégration au système financier international peut atténuer ce problème. Pour les tenants du modernisme, les « pratiques optimales » des pays développés à économie de marché sont la pierre de touche. Ils recon- naissent qu'il faudra probablement du temps pour transposer ces pratiques, mais ils sont portés à considérer que toute évolution dans ce sens est un progrès. Nous ferons valoir que c'est dans ce domaine que les modernistes pourraient chercher à aller trop vite en Afrique car ils font parfois abstrac- tion des obstacles concrets. On ne pourra qu'être déçu des résultats de toute reproduction irréfléchie de structures trop ambitieuses observées dans des économies avancées. De fait, si à première vue le processus de modernisation présente peu de risques, il peut créer des problèmes lors- qu'il est poursuivi dans un contexte défavorable. Ainsi, comme nous le verrons au chapitre 3, l'organisation des marchés boursiers africains, conçue sur la base de ce que l'on considérait comme les pratiques opti- males des économies avancées, impose des coûts et des conditions qui pourraient avoir empêché de nombreuses entreprises africaines d'émettre des actions alors qu'elles auraient pu être cotées en bourse si la réglemen- tation boursière avait été mieux adaptée au contexte. S'il est appliqué compte dûment tenu de la situation nationale, le pro- gramme moderniste aide véritablement à jeter les bases d'un système financier efficace à long terme. Comme son nom l'indique, le courant moderniste est plus directement axé sur la modernisation que sur la crois- sance économique ; il est vrai que celle-ci accompagne autant un proces- sus de modernisation fructueux qu'elle en est le produit. Pendant que se déroule le processus de modernisation, les décideurs doivent aussi encou- rager activement les nombreuses initiatives que prennent déjà les interve- nants sur le marché des capitaux pour élargir ce dernier. Les tenants de l'activisme financier sont soucieux d'obtenir des résultats dans des domaines où le secteur financier privé anonyme ne se distingue guère, à savoir l'apport de capitaux à l'agriculture et à l'économie rurale, aux micro et petites entreprises et aux ménages à faible revenu, et l'offre de capitaux à long terme en général. Les difficultés, les risques et les coûts inhérents font obstacle à un fonctionnement efficace des systèmes finan- CADRE GÉNÉRAL 11 ciers dans chacun de ces domaines. L'effondrement d'intermédiaires finan- ciers observé de temps à autre et les bouleversements économiques qui accompagnent souvent ces crises sont également la cible des partisans de l'activisme. Les partisans du courant activiste jugent nécessaires de prendre des mesures spéciales d'intervention pour pallier aux défaillances du marché dans ce domaine. Ils prônent notamment l'adoption d'un cadre juridique contraignant et la mise en place d'autorités de contrôle prudentiel compé- tentes et politiquement indépendantes pour éviter que les intermédiaires financiers pratiquent une gestion déficiente, imprudente ou corrompue pouvant provoquer leur effondrement. Ils ont aussi pour objectif priori- taire de protéger les consommateurs des comportements prédateurs. Les partisans de l'activisme recommandent parfois de mettre en place divers intermédiaires publics, caritatifs ou privilégiés à d'autres titres. Il suffit toutefois de considérer le nombre de sociétés financières à capitaux publics qui affichent des résultats décevants (parce que, trop souvent, leurs buts sont pervertis par une direction politisée ou par la corruption), pour comprendre qu'il est risqué d'aller trop loin dans cette direction. Même si les défaillances qui ont, autrefois, justifié la nationalisation du secteur financier persistent aujourd'hui, il est rare de nos jours que les spécialistes des systèmes financiers du monde entier recommandent de mettre en place des banques de développement à capitaux publics dans les pays afri- cains. Les équipes gouvernementales efficaces auront tiré les enseigne- ments du passé et, pour éviter des interventions contre-productives dues à une gouvernance déficiente, elles appuieront la mise en oeuvre du pro- gramme des activistes mais elles ne prendront pas la direction des efforts correspondants en accroissant la participation directe de l'État à la presta- tion des services financiers. Il importera pour cela d'explorer la possibilité de faire appel à des entités régionales ou de constituer des partenariats avec des organisations non gouvernementales (ONG) locales et internatio- nales et avec le secteur privé. Les bailleurs de fonds ont eux aussi un rôle utile à jouer car ils peuvent soutenir des initiatives particulières en qualité d'activistes désintéressés. Il est une autre erreur que commettent souvent les tenants de l'acti- visme et qui consiste vouloir protéger les emprunteurs en plafonnant les taux d'intérêt à des niveaux bien trop bas. Ce faisant, ils contribuent essen- tiellement à réduire l'accès au crédit du secteur formel de ceux qui pour- raient en bénéficier le plus. Ce serait cependant faire une grave erreur que de penser que l'on peut extrapoler ces exemples pour discréditer le courant activiste en général. Une croissance rapide et de nombreux exemples de réussite ont, en parti- culier, encouragé certains entrepreneurs sociaux, ainsi que des bailleurs de fonds internationaux et d'autres intervenants, à favoriser la création et le développement d'établissements de microfinance en Afrique et dans des pays en développement d'autres continents. Or, on peut considérer que ce phénomène s'inscrit lui aussi dans le courant activiste. L'activisme est le plus efficace lorsqu'il parvient aux résultats souhaités en réalignant les incitations des intervenants pertinents. Il importe que 12 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE seules les entités dotées d'une gouvernance adéquate se lancent dans cette voie. Cela est donc problématique pour de nombreux États africains, comme le confirment les enquêtes comparatives portant sur différents pays. Il n'est pas toujours aisé de déterminer si certaines politiques doivent être considérées comme modernistes ou activistes. L'adoption généralisée, mais relativement récente, d'un régime de réglementation bancaire nette- ment renforcé dans pratiquement tous les pays est parfois présentée comme la résultante d'un programme moderniste, même si elle a été moti- vée par une série de défaillances du marché. L'imposition d'une législation régissant le comportement des banques et la mise en place d'autorités de contrôle prudentiel compétentes et politiquement indépendantes pour éviter toute déficience, imprudence ou corruption dans le cadre des activi- tés de gestion des intermédiaires financiers qui pourrait provoquer leur effondrement est aujourd'hui une pratique courante, aussi bien dans les économies avancées que dans les économies en développement. On pour- rait néanmoins aisément considérer qu'il s'agit là d'une intervention acti- viste. De fait, maintenant que les marchés sont de plus en plus intégrés et complexes, les spécialistes adeptes du modernisme commencent à prôner la discipline du marché de préférence au pouvoir réglementaire pour le secteur bancaire. La présente étude conclut que le seul moyen d'obtenir de bons résultats consiste à adopter une approche pragmatique adaptée au contexte, fondée à la fois sur des principes modernistes et des principes activistes. N'adhérer qu'à un seul de ces courants reviendrait à priver l'Afrique de nombreux services financiers dont elle a cruellement besoin. Parmi les éléments contextuels qui doivent être pris en compte, il faut citer le coût et la com- plexité de chaque type d'intervention, la facilité avec laquelle il est possible de limiter les abus et le détournement des politiques (en particulier si la gouvernance est déficiente) et les capacités d'exécution. Objectif ultime : développer le secteur financier pour stimuler la croissance et réduire la pauvreté Comme l'a montré Sachs (2005), une aide directe bien ciblée pour accroître la productivité de l'agriculture de subsistance et réduire l'inci- dence des maladies peut avoir un impact important sur les populations vivant dans l'extrême pauvreté. Toutefois, ce type d'intervention n'a pour effet que de hisser les pauvres au premier barreau de l'échelle. C'est à la microfinance qu'il incombe de les faire accéder à l'échelon suivant. Quant à la construction de l'échelle elle-même, elle nécessite des circuits de finan- cement formels. Il est pratiquement impossible de réduire la pauvreté absolue dans une économie de marché lorsque la croissance est anémique5. À long terme, le principal moyen de réduire durablement la pauvreté en Afrique consis- tera à assurer une augmentation structurelle la part de la population qui CADRE GÉNÉRAL 13 travaille dans le secteur moderne et emploie les techniques de production des économies avancées. Un système financier formel plus efficace non seulement réaliserait des opérations d'intermédiation sur une échelle beaucoup plus grande, mais ce faisant, il permettrait d'améliorer la productivité et de stimuler la crois- sance des entreprises, notamment dans des secteurs pouvant contribuer directement ou indirectement aux exportations, en particulier de biens et de services non traditionnels. Le seul moyen de réduire notablement et durablement la pauvreté absolue telle qu'on la connaît aujourd'hui, et à terme de l'éliminer, consiste à accélérer la croissance des économies natio- nales. L'élargissement de l'accès des pauvres et des habitants des régions rurales aux services financiers aurait aussi directement pour effet d'amé- liorer la situation de ces derniers et à inverser la tendance observée sur le continent, du moins jusqu'à récemment, à une augmentation des inéga- lités et des taux de pauvreté. L'agriculture -- à qui est actuellement imputable une part extrêmement élevée de la production, et surtout de l'emploi, en Afrique et qui conti- nuera de soutenir l'économie du contient dans un avenir prévisible -- devra, quant à elle, progressivement évoluer pour faire place à des exploi- tations agricoles qui, si elles restent essentiellement familiales, opéreront avec une moindre intensité de main-d'oeuvre et sur une bien plus grande échelle qu'aujourd'hui. Pour atteindre cet objectif de croissance à long terme, il faut par consé- quent pouvoir utiliser les rouages d'un système financier formel efficace. C'est le seul moyen de construire l'échelle que les pauvres vont gravir. Bien entendu, le secteur privé national et international aura accès à des services financiers efficaces, mais il ne pourra et ne voudra investir dans des structures productives modernes que dans la mesure où il aura accès à des facteurs complémentaires, comme le capital humain et les infrastruc- tures physiques, et que si d'autres conditions nécessaires aux activités commerciales sont satisfaites. Un système financier efficace doit également contribuer à l'existence de ces facteurs complémentaires. Des modalités financières adaptées peuvent accélérer et améliorer la fourniture des infrastructures physiques. Les infrastructures de droit et d'information dont les systèmes financiers ont besoin pour être efficaces contribuent en outre à améliorer de façon géné- rale la gouvernance et le climat des affaires. Enfin, les systèmes financiers sont pertinents, au niveau micro, car ils contribuent à assurer la création de capital humain. Pour investir dans la santé et l'éducation, les ménages et les individus ont besoin de services d'assurance, d'épargne et parfois de prêt, sans quoi ils ne peuvent souvent pas acquérir les compétences nécessaires. Les dispositifs financiers aident donc, au niveau des particuliers, à constituer une main-d'oeuvre qualifiée et en bonne santé, dont l'existence est l'une des conditions nécessaires les plus importantes pour que les chefs d'entreprise soient disposés à entre- prendre les investissements requis. Sur l'échelle qui doit être gravie, ces éléments se trouvent aux deuxième et troisième échelons. C'est à leur 14 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE niveau, une fois que le premier échelon a été atteint, que les dispositifs financiers d'envergure limitée peuvent jouer un rôle. S'il s'agit là de l'objectif qu'il faut viser à long terme, c'est une évolution que la plupart des pays d'Afrique n'auront pas mené à son terme avant de nombreuses années. La majorité de la population restera tributaire d'une structure économique caractérisée par une faible productivité, moins orga- nisée et moins systématique. Mais même si, dans ce contexte, l'améliora- tion de la situation des populations ne débouchera pas directement sur les transformations économiques propices à la croissance qui ont été évo- quées, cela ne doit pas être négligé. Les services financiers aux microentre- prises, même celles dont la productivité est faible, et aux ménages à faible revenu, ont un lien direct avec la réduction de la pauvreté. Action à mener en faveur des principaux éléments du secteur financier formel Les services financiers à grande échelle sont le plus souvent fournis par de grands établissements financier influents -- banques, compagnies d'assu- rance, fonds de pension, spécialistes du marché des valeurs mobilières, etc. On peut dire de façon générale que si l'on veut améliorer la quantité et la qualité des services financiers modernes dans les pays d'Afrique, il faudra accroître la concurrence et le nombre d'établissements financiers solides et rentables. De toute évidence, cela signifie que les pouvoirs publics doivent créer un environnement propice aux activités financières, mais cela ne signifie pas pour autant que ce qui est bon pour les sociétés financières actuelles est nécessairement bon pour l'économie en général. Il va de soi que les dirigeants et les propriétaires de ces sociétés sont des experts et que leur point de vue doit être considéré avec le plus grand sérieux aux fins de la formulation des politiques. Leurs recommandations semblent souvent représenter la solution moderne, mais ce n'est pas tou- jours le cas. Après tout, dans une économie équilibrée typique, c'est le sec- teur financier qui est au service du reste de l'économie, et non pas l'inverse. Cette observation revêt une importance cruciale pour l'élabora- tion des programmes d'action car le pouvoir politique et économique des principaux intervenants du secteur financier pourrait avoir tendance à faire pencher la balance du côté des mesures qui enrichissent les financiers (quelle que soit leur efficacité) et non pas de celles qui récompenseraient l'efficacité de l'activité financière. Il existe un exemple frappant d'une ini- tiative majeure récemment conçue pour améliorer la performance du sec- teur, et non pas pour satisfaire les prestataires en place. Il s'agit de la concentration du système bancaire nigérian qui a résulté du relèvement du niveau minimal obligatoire des fonds propres des banques. Cette restructuration du capital des banques n'a sans doute pas été bien accueillie par de nombreux intervenants en place, et le niveau élevé du nouveau montant minimal obligatoire risque de constituer un obstacle à la concur- rence. Il est trop tôt pour juger du résultat, mais si elle contribue à réduire CADRE GÉNÉRAL 15 les comportements de recherche d'une rente et à augmenter le profession- nalisme en éliminant de nombreuses petites banques, cette initiative aura été positive. Les banques sont, et resteront, l'élément central des systèmes financiers africains. Elles pourraient être beaucoup plus efficaces si elles pouvaient s'appuyer sur une infrastructure plus solide, notamment dans le domaine de l'information, et surtout dans le domaine juridique. Elles parviennent à fonctionner sans un régime robuste de droits de propriété foncière6 et sans un appareil judiciaire fiable, mais elles se heurtent de ce fait à de nom- breux obstacles. L'absence de ces infrastructures réduit le volume des prêts (comme le montre la forte liquidité de nombreux systèmes bancaires afri- cains) et augmente la marge que les banques doivent demander à ceux qui parviennent à emprunter, à la fois pour couvrir leurs frais administratifs ­ par suite de l'absence de dépôts importants ou d'un marché des actifs liquides ­ et pour se protéger du risque accru de pertes sur prêts. Il n'existe pas de solution technique rapide qui permettrait de régler entièrement ces problèmes juridiques, mais certaines mesures peuvent aisément être prises. Les solutions axées sur le long terme devront sans doute être adaptées à chaque pays, et exigeront certainement un accompagnement au niveau politique. La structure du capital des banques africaines a connu des changements majeurs après la faillite de nombre d'entre elles, notamment des banques d'État. Les banques internationales sont revenues en force, parmi les- quelles de nouvelles institutions sud-africaines, des banques britanniques et françaises présentes durant la période coloniale et quelques relations intercontinentales Sud-Sud, en particulier avec le Golfe et l'Asie du Sud. En outre, on assiste au développement de nouvelles banques régionales africaines. La présence de l'État persiste cependant davantage que cela n'apparaît à première vue. Tout d'abord, il reste encore beaucoup d'établis- sements parabancaires d'État, et notamment des institutions de finance- ment du développement. En outre, plusieurs grandes banques commerciales qui appartenaient auparavant à l'État restent placées sous le contrôle de celui-ci, la part de leur capital qui n'est pas détenue directe- ment par l'État étant aux mains d'actionnaires paraétatiques. En ne défen- dant qu'en paroles le concept de la privatisation, on risque de rendre les banques encore plus vulnérables aux carences souvent associées au sec- teur étatique. Enfin, les pressions politiques que subissent les banques ­ qu'elles soient d'État ou privées ­ lorsqu'elles prennent des décisions de prêt continuent de poser un problème dans certains pays. La pénurie des moyens de financement à long terme est en partie une conséquence des risques à long terme déjà évoqués, et en partie une réac- tion endogène à la nécessité d'assurer un suivi et de renégocier les contrats. Dans certains pays, elle s'explique par une distorsion induite par la régle- mentation qui limite les possibilités de transformer les échéances. Enfin, l'Afrique dans son ensemble ne dispose pas de suffisamment de ressources à placer à long terme. Si les fonds de pension, les caisses de sécurité sociale et les compagnies assurances-vie détiennent naturellement de telles res- sources, il faudrait davantage encourager ces entités à chercher plus acti- 16 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE vement des moyens de les placer à long terme. En tout état de cause, il importe de garantir que ces fonds sont bien gérés, ce qui serait plus aisé s'il existait des bourses des valeurs actives permettant de déterminer la valeur de ces investissements7. Pour l'heure, la plupart des marchés africains des valeurs mobilières organisés sont principalement des marchés primaires, et les activités sur le marché secondaire sont relativement réduites. Il est possible que l'on ait adopté un modèle de réglementation trop élaboré (un modèle moderniste trop ambitieux), qui a eu pour effet d'exclure les petits émetteurs, mais n'a pas permis de mobiliser des liquidités importantes pour les plus gros intervenants. Par suite de la défaillance de plusieurs compagnies d'assurance étatiques et de l'arrivée sur le marché de compagnies régionales ou internationales qui proposent les produits d'assurance de base, les transactions d'assurance non-vie reprennent progressivement en Afrique. Toutefois, étant donné la complexité qui peut caractériser les opérations en ce domaine, les clients doivent faire preuve de vigilance. La plupart des organismes réglemen- taires nationaux n'ont pas les moyens d'évaluer les assureurs et de sanc- tionner ceux qui sont malhonnêtes ou imprudents. On pourrait d'ailleurs envisager, à cet égard, de faire appel à la coopération régionale pour four- nir des services de supervision, éventuellement comme activité annexe au contrôle bancaire. La coopération et l'intégration régionales semblent de longue date offrir une solution possible aux problèmes que posent l'échelle restreinte de l'ac- tivité financière. Il est possible d'accroître l'intégration régionale sur de nombreux axes. Les unions monétaires sont l'un des éléments majeurs des programmes politiques. Trois unions seulement sont actuellement opéra- tionnelles, qui sont issues d'une plus longue série de relations coloniales. Malgré l'adhésion politique aux programmes de monnaie unique (très cer- tainement inspirés par le projet d'Union économique et monétaire euro- péenne), la plupart des praticiens ne pensent pas que d'autres projets de monnaie unique se concrétiseront à court terme, surtout si l'on considère la diversité des cadres des politiques macroéconomiques nationales et l'im- possibilité dans laquelle se trouvent la plupart des États africains de s'enga- ger de façon entièrement crédible en faveur d'une monnaie unique. Un domaine qui pourrait se prêter davantage à une intégration accrue est celui du contrôle des banques et d'autres intermédiaires (maintenant que les deux agences internationales des zones CFA sont bien établies et consti- tuent un modèle possible) et des marchés des valeurs mobilières (ce contrôle existe déjà pour l'un d'entre eux, et en il est au stade de la plani- fication ou de la mise en oeuvre pour d'autres). Il pourrait donc être plus utile de recentrer les efforts politiques à court terme sur la coopération au niveau du contrôle des banques et d'autres intermédiaires, et d'exploiter les avantages de l'intégration des marchés boursiers au niveau régional. Pour mobiliser globalement les ressources au niveau national, l'essen- tiel est de convaincre les personnes fortunées qu'elles peuvent effectuer des dépôts en toute sécurité dans les banques locales. Cela suppose une stabilité macroéconomique et politique, des banques saines, une concur- CADRE GÉNÉRAL 17 rence adéquate et un régime de taxes parafiscales permettant de fixer les taux d'intérêt à des niveaux raisonnables. Si les taux d'épargne africains sont restés faibles, c'est notamment que ces conditions ne sont pas réunies. L'augmentation des flux d'aide (ainsi que la flambée des prix du pétrole dans les pays producteurs de pétrole) opposent un nouvel obstacle tech- nique aux efforts visant à assurer un équilibre macroéconomique durable sans étouffer la croissance. La mesure dans laquelle le secteur privé d'un pays acceptera de conserver ses ressources dans ce pays devrait augmenter avec l'amélioration des perspectives résultant de ces entrées de capitaux, ce qui permettra de densifier les circuits financiers sans avoir à adopter des politiques du crédit trop restrictives. Il est aussi important, et possible sur le plan commercial, d'aider davan- tage de particuliers à accéder à des services de dépôt. La valeur sociale de ces services tient cependant d'un aspect entièrement différent de la mobi- lisation globale des ressources, à savoir le fait qu'ils permettent aux dépo- sants de disposer de liquidités, de constituer une épargne de précaution et d'accumuler des ressources. Les services de dépôt peuvent également être un facteur déterminant du bon développement des IMF qui servent une clientèle à faible revenu. Pénétrer dans des marchés difficiles Pas plus de 20 % des ménages africains ont accès, d'une manière quel- conque, aux circuits financiers formels8. Même les entreprises de taille moyenne ont des difficultés à obtenir les crédits et autres services finan- ciers dont elles ont besoin pour se développer. Les principaux problèmes sont de deux ordres. Premièrement, il est dif- ficile pour les intermédiaires de fournir leurs produits à des clients pauvres ou isolés ­ à plus forte raison de les adapter à leurs besoins ­ à un coût abordable. Parmi les déterminants des surcoûts qui sont particulièrement importants en Afrique (bien qu'ils se produisent aussi dans d'autres parties du monde), on peut citer la dimension réduite du marché, tant au niveau national qu'au niveau local, qui s'explique en partie par la faible densité de la population et par un isolement économique marqué, en particulier dans les régions rurales. Il faut y ajouter les carences de moyens de transport et de communication, ainsi que le montant très faible des transactions et le fait que certains produits courants ne sont pas adaptés aux besoins des petits clients. L'absence de concurrence pénalise également les clients. Deuxièmement, il est difficile de déterminer la solvabilité des emprun- teurs et de faire exécuter les contrats. Le fait que la solvabilité des clients en Afrique passe pour être faible est lié à la mauvaise qualité et à la rareté des informations sur les risques individuels et à la fréquence des chocs (météorologiques, sanitaires, sociaux) exogènes, et souvent systémiques ou du moins covariants. Les lacunes des informations juridiques, judi- ciaires et autres et les carences des infrastructures d'exécution des contrats sont aussi des facteurs déterminants très fréquents. Bien que certaines grandes banques se préoccupent depuis peu de 18 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE pénétrer dans des parties du marché où elles n'opéraient pas auparavant ­ pour toucher la clientèle des petits agriculteurs, des pauvres des régions rurales ou urbaines et de la classe moyenne susceptible d'accéder à la pro- priété ­ il ne faut pas supposer que les efforts qu'elles déploient, sans aucun appui, permettront à coup sûr de relever les formidables défis qu'elles affrontent. S'il est vrai que les banques peuvent avoir les moyens de supporter les coûts indirects que suppose la mise en place des nou- veaux systèmes qui peuvent aider à atteindre les ménages ruraux et four- nir les services financiers qui répondent aux besoins des petits agriculteurs, elles devront s'employer résolument à maintenir les coûts unitaires du fonctionnement de ces systèmes à un niveau suffisamment bas. Les pouvoirs publics peuvent aider les banques et d'autres intermé- diaires financiers privés dans ce domaine en construisant et en réparant diverses infrastructures matérielles et immatérielles qui sont essentielles pour déployer largement les services financiers. L'amélioration du fonc- tionnement des tribunaux, qui sont chargés de faire exécuter les contrats et de faire respecter les droits de propriété -- que ce soit par des réformes législatives visant à réduire la complexité et le coût de procédures judi- ciaires inutiles ou par la formation et la sélection des juges et la mise en place d'un système efficace de sanctions en cas de corruption judiciaire, ou de mécanismes efficients d'exécution des jugements -- est un domaine dans lequel le besoin de réformes est évident et où certaines mesures ini- tiales peuvent être prises sans trop de difficultés techniques ou politiques. Il n'est pas non plus très difficile de préciser la législation et les réglemen- tations fiscales afin de faciliter un plus grand recours au crédit-bail et à l'af- facturage, deux techniques de crédit qui permettent de longue date d'atteindre efficacement les emprunteurs dont les ressources sont limitées et la surface financière plus précaire. La mise en place de systèmes d'infor- mation sur la solvabilité des emprunteurs ­ des registres de créances privi- légiées aux centrales de risques, en passant par l'application des règles comptables et l'exercice de la profession d'auditeur ­ est un processus plus long, mais éminemment réalisable. La refonte des mécanismes de revendi- cation de titres de propriété foncière de façon à pouvoir utiliser les biens fonciers comme garanties pourrait être plus difficile à réaliser. Il faudra peut-être mener une campagne politique afin d'attirer l'attention du public sur les avantages relatifs de structures modernes de propriété foncière fon- dées sur le jeu du marché par rapport à des régimes fonciers tribaux ou d'autres régimes traditionnels, ou par rapport au système socialiste. Il fau- dra surtout vaincre l'opposition des défenseurs des modalités actuelles de contrôle des biens fonciers. Même si ces initiatives modernistes « intermédiaires » sont menées à bien, les activités de prêt -- et d'emprunt -- continueront de poser des dif- ficultés en Afrique. Par nécessité, les transactions commerciales ne se déroulent pas dans un cadre systématique ou structuré, en particulier dans le secteur informel. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles il n'existe pas de solution simple. Dans ces conditions, les prêteurs doivent faire davantage appel aux techniques classiques d'évaluation des prêts. Les possibilités qu'auront les MPME d'accéder au crédit par l'intermédiaire du CADRE GÉNÉRAL 19 secteur financier formel seront largement tributaires des motifs des banques et autres intermédiaires formels : ceux-ci pourront en effet privi- légier la recherche d'un profit ou être incités par des préoccupations sociales à entreprendre cet effort plus complexe et nécessairement plus coûteux. Pour que cet effort en vaille la peine, il est fondamental que ni les pouvoirs publics, ni les bailleurs de fonds, ne créent de distorsions sur le marché comme ils l'ont fait par le passé ; il ne faudrait pas, en effet, qu'ils poursuivent des interventions simplistes donnant lieu à l'octroi de crédits fortement bonifiés qui seront accaparés par des segments du marché qui peuvent de toutes manières se procurer des crédits, qui n'ont pas besoin de subventions et qui auraient pu être une clientèle rentable et assumer une part des coûts des intermédiaires tributaires du marché. L'expérience a montré que, en Afrique, les prêteurs qui obtiennent de bons résultats ne se contentent pas de suivre les règles et les procédures mécaniques qui fonctionnent bien dans un contexte plus stable. L'expres- sion générale « opérations de prêts basées sur les relations personnelles9 » est probablement celle qui décrit le mieux l'effort investi dans une évalua- tion personnalisée de la solvabilité, la souplesse accordée en cas de retard de paiement excusable et l'imagination dans le choix des méthodes de renégociation et de recouvrement dont doivent faire preuve les prêteurs pour poursuivre des opérations fructueuses avec les petites et moyennes entreprises en Afrique. Ce type de relation exige de l'expérience et des compétences, et dans un premier temps ne procure pas toujours des avan- tages financiers proportionnels aux compétences employées. C'est pour- quoi les ONG caritatives et les organismes bailleurs de fonds sont actifs dans ce domaine. Des entités commerciales se livrent également à ces acti- vités, et si elles inscrivent leur action dans la durée et disposent de res- sources initiales suffisamment importantes, elles peuvent elles aussi réussir sur ce marché à condition toutefois que leur position ne soit pas compro- mise par l'octroi des subventions ou leurs opérations bloquées par une réglementation prudentielle trop complexe ou mal conçue. Les respon- sables africains des politiques financières nationales doivent s'attacher en priorité à faciliter leurs activités et à les aider à se développer tout en maî- trisant leurs coûts. Il est difficile de mettre les services financiers de crédit et autres -- dépôts, paiements (y compris les envois de fonds dans les limites du terri- toire national ou de l'étranger) et assurance -- à la portée des habitants des régions rurales, des agriculteurs et des ménages à faible revenu. Les différentes raisons qui expliquent les difficultés rencontrées pour atteindre chacune de ces trois catégories sont claires. Par définition, les régions rurales sont plus isolées que les régions urbaines, et dans la plu- part des pays africains, la population est extrêmement dispersée. Il est rare que les exploitations agricoles puissent bénéficier des techniques les plus courantes de microfinance durable aussi rapidement et dans la même mesure que les petits commerçants urbains. En effet, d'une part, la rela- tion prêteur-emprunteur est nouvelle et ne se resserrera que progressive- ment et, d'autre part, les taux d'intérêt relativement élevés que doivent imposer les établissement de microfinance viables pour atteindre leur 20 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE seuil de rentabilité sont souvent sans commune mesure avec les taux de rendement (voir l'encadré 1.2) auxquels peut, dans l'ensemble, prétendre actuellement l'agriculture africaine, même si l'on peut compter qu'ils dépassent 10 %. Enfin, il est difficile d'atteindre les ménages à faible revenu car il est rare qu'ils aient les moyens de payer les frais fixes inévi- tables dans toute relation de type bancaire ; difficile, mais pas impossible. Pour surmonter ces difficultés, il semble naturel de faire appel à l'ingé- nierie financière et aux progrès technologiques. Dans toute l'Afrique, des innovateurs ont déjà lancé une série de projets pilotes qui peuvent avoir un impact positif. Plusieurs d'entre eux sont décrits au chapitre 4. Même si certains n'ont pas encore atteint une dimension commerciale, tous don- nent un aperçu de la voie à suivre. Toutes les parties prenantes -- IMF spé- cialisées, structurées en coopératives ou non, banques classiques, pouvoirs publics et bailleurs de fonds -- doivent contribuer à l'élargissement de la portée de ces expériences et à la poursuite de nouveaux projets. Structure du rapport Le chapitre 2 fait un bilan quantitatif des systèmes financiers de l'Afrique. Il détermine que la densité des circuits financiers du continent est légère- ment inférieure à la moyenne mondiale, même si l'on tient compte de l'in- flation et du revenu moyen par habitant. Cette observation vaut tout particulièrement pour le crédit. En outre, les Africains conservent une part extrêmement élevée de leurs dépôts à l'étranger. Les marges d'intérêt sont grandes, ce qui s'explique principalement, comme en témoignent les com- paraisons effectuées au niveau international, par la taille réduite des sys- tèmes financiers, les institutions qui sont responsables des droits de propriété et l'absence de concurrence. Mis à part certains de ceux qui sont établis de longue date, les marchés des valeurs mobilières organisés sont petits et inactifs. Les investisseurs institutionnels privilégient souvent les dépôts bancaires et l'immobilier. La microfinance a élargi son champ d'ac- tion, mais les taux d'accès à ses services restent moins élevés en Afrique que dans d'autres régions. Le chapitre 3 traite des systèmes financiers de grande envergure et de leur contribution à la croissance des économies nationales. Il examine les mesures à prendre pour densifier les circuits financiers, et en particulier pour encourager les banques à prêter une part plus grande des ressources qu'elles mobilisent. Il apporte des informations sur le rôle des différentes structures de capital des banques africaines, et notamment sur le retour des banques étrangères et le recul des opérations des banques de dévelop- pement, et fournit une interprétation de la situation observée. Il montre que la meilleure solution pour résoudre le problème des moyens de finan- cement à long terme ne consiste pas à faire appel aux banques de dévelop- pement. Les ressources à long terme des fonds de pension et d'autres in- vestisseurs institutionnels offrent en effet des possibilités plus prometteuses, bien qu'il faille pour cela améliorer la gouvernance. La transparence de système de cotation des marchés des valeurs mobilières CADRE GÉNÉRAL 21 ENCADRÉ 1.2 : La microfinance : viabilité et large clientèle L'objectif qui consiste à offrir des services à d'importants segments de la population en assurant la viabilité financière de ces opérations guide cer- tains principes de la microfinance cadrant bien avec le courant moderniste qui vise à démarginaliser les activités financières. Le replacement de la mi- crofinance dans le contexte des systèmes financiers suppose que les éta- blissements de microfinance deviendront, à terme, financièrement auto- nomes. Dans cette optique, les subventions fournies servent essentiellement à résoudre des problèmes d'organisation et des questions institutionnelles, notamment la mise au point de produits, et non pas direc- tement à bonifier les taux prêteurs à la marge (même lorsque les subven- tions revêtent la forme d'un prêt à long terme assorti d'un faible taux d'in- térêt dont le montant est investi dans des bons du Trésor par l'établissement de microfinance qui utilise alors le produit net de ce place- ment pour couvrir ses charges d'exploitation). Par ailleurs, l'accroissement du volume des activités de microfinance doit s'accompagner d'une réduc- tion de la proportion de ces activités bénéficiant de subventions (ce qui ne serait pas le cas, par exemple, de taux d'intérêt dont le prix marginal ferait systématiquement l'objet de distorsions). Même si, le plus souvent, l'in- tention est au départ de les abolir, ces subventions ont tendance à perdu- rer. Les taux d'intérêt élevés (spread plus taux de base) que l'on observe lorsque la microfinance n'est pas subventionnée ­ qui restent cependant bien inférieurs à ceux normalement pratiqués par les usuriers ­ s'expli- quent par le coût de ce type d'intermédiation, qui résulte surtout de son échelle limitée. La microfinance peut donner de bons résultats dans les ré- gions rurales, mais elle est plus répandue dans les zones urbaines et péri- urbaines, ce qui s'explique par la charge imposée par l'éloignement et une faible densité de population. Dans le même ordre d'idée, l'ampleur des taux d'intérêt (et a fortiori l'absence de services de microfinance) signifie qu'une très grande partie des effets bénéfiques que pourrait avoir la micro- finance sur le plan social, ne se concrétisent pas. On peut faire la même ob- servation, mutatis mutandis, pour les prix des instruments de type dépôts organisés et actifs pourrait être un atout : la faiblesse des volumes et du nombre des transactions sur les marchés boursiers existants est en effet ju- gée tenir en partie à l'application d'un modèle de réglementation des va- leurs mobilières trop ambitieux. L'application de règles moins onéreuses permettrait d'accroître l'ampleur et le volume des opérations boursières, et l'intérêt qu'elles peuvent présenter pour des entreprises de taille limitée, sans réduire outre mesure le degré de protection des investisseurs. La coopération régionale peut aussi contribuer à résoudre les problèmes examinés au chapitre 3, à condition de choisir, parmi les nombreux 22 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE projets, ceux qui paraissent les plus prometteurs, en privilégiant notam- ment, dans l'immédiat, des initiatives axées sur la supervision des inter- médiaires plutôt que sur les unions monétaires. Si le contexte extérieur s'améliore, il faudra élaborer les politiques avec discernement dans d'autres domaines macroéconomiques afin de veiller à ce que le volume des ressources mobilisées augmente en conséquence et d'éviter que la croissance générée grâce à la densification des circuits financiers qui s'amorce ne soit étouffée par des mesures trop restrictives. Le chapitre 4 s'intéresse à l'activité financière à la base de la pyramide. Il étudie tour à tour les difficultés que pose l'offre sur un marché plus vaste de services de crédit, d'assurance, de dépôt et de paiement. Il exa- mine, dans chaque cas, les informations recueillies et les exemples des méthodes qui peuvent porter leurs fruits dans le contexte de l'Afrique, en accordant une place importance à l'ingénierie financière et à la technolo- gie. S'il ne fait aucun doute que l'activisme est de mise, les rôles devront être clairement répartis entre les intervenants. Les sources de finance- ment privées continueront de fournir directement l'essentiel des services financiers, conjointement, il est vrai, aux coopératives et aux ONG finan- cées par des donateurs. Les pouvoirs publics doivent, en priorité, créer des structures administratives qui permettent effectivement à ces intermé- diaires d'atteindre une taille suffisante pour être rentables et qui ne sont pas entravées par une réglementation inefficace ou excessive. Les bailleurs de fonds peuvent contribuer à combler les lacunes en assumant une fonction de modérateurs indépendants afin d'éviter les abus lorsque les gouvernements nationaux ne disposent pas encore de la crédibilité sur les marchés ou des institutions de gouvernance qui sont nécessaires pour intervenir efficacement. La réforme du secteur financier est une tâche de longue haleine, mais lorsqu'ils s'y attelleront, les responsables politiques devront saisir les moyens d'aller plus vite sans sacrifier l'efficacité et l'efficience. Ils devront être particulièrement soucieux d'exploiter ce que les intervenants exté- rieurs peuvent offrir et veiller à ce que leurs politiques soient axées sur l'ouverture. Ce rapport s'achève, au chapitre 5, par un examen des ques- tions de définition des priorités. Il propose deux lignes d'action concrètes qui peuvent procurer des avantages importants dans la plupart des pays d'Afrique aujourd'hui, notamment : a) stimuler les flux de crédit en ren- forçant les centrales des risques et en rationalisant les procédures judi- ciaires, et b) accroître l'indépendance des autorités réglementaires. De façon plus générale, les objectifs prioritaires varieront en fonction de la situation, qui est très différente d'un pays africain à un autre comme en témoigne certains cas extrêmes -- les pays sortant de conflits, les pays pro- ducteurs de pétrole, les petits pays, les pays peu peuplés et enfin les quelques grands pays qui bénéficient d'une masse critique. CADRE GÉNÉRAL 23 Notes 1. L'existence d'une relation positive de cause à effet entre les systèmes financiers développés et un développement économique rapide a été établie sur la base de l'analyse de toute une série de données aux niveaux international et natio- nal et aux niveaux des branches d'activité et des entreprises. À l'échelle mon- diale, l'impact positif du développement du secteur financier sur la croissance du PIB par habitant découle de l'accroissement de l'efficience de l'allocation des ressources et, donc, de la productivité, plutôt que du volume des investis- sements (Levine, 2005). Les résultats concernant des sous-groupes de pays sont plus difficiles à interpréter. Par exemple, il est possible que le volume des investissements joue un rôle relativement plus important dans les pays à faible revenu pour lesquels la relation de cause à effet entre le secteur financier et la croissance à long terme est moins nette (Rioja et Valev, 2004a, 2004b). Aghion, Howitt et Mayer-Foulkes (2005) présentent cependant des éléments qui sug- gèrent l'existence d'un schéma de causalité complexe des variations de l'effet des systèmes financiers à différents niveaux de développement. Ces auteurs ont constaté qu'une fois qu'un pays a atteint un certain niveau de développe- ment financier, l'augmentation des volumes de financement n'alimente pas davantage la croissance. En revanche, dans les pays où les circuits financiers sont peu développés, leur densification favorise la croissance. Les études qui portent uniquement sur l'Afrique révèlent également une relation de cause à effet entre les systèmes financiers et la croissance (voir Ghirmay, 2004), bien que certaines semblent indiquer que ces systèmes pourraient y jouer un rôle moins efficace en Afrique (Kpodar, 2005). 2. Un grand projet a été réalisé par Harvard University, Oxford University et le Consortium pour la recherche économique en Afrique (CREA), qui fait fond sur des travaux antérieurs examinés dans Collier et Gunning (1999a, 1999b). Il conjugue des études de cas rétrospectives et des analyses économétriques in- ternationales pour tenter de comprendre pourquoi la croissance est faible en Afrique. Tout en notant le rôle de facteurs exogènes (« opportunités ») qui freinent de nombreux pays africains, l'étude met en évidence une série de po- litiques contraires à la croissance (« choix ») ­ régimes de réglementation, re- distribution défavorable, envolées de dépenses qui ne peuvent durer et dé- faillances de l'État ­ qui sont responsables d'un repli annuel compris entre 1 % et 2,5 % du taux de croissance annuel médian. D'après les conclusions des auteurs, éviter ce syndrome des politiques contraires à la croissance est prati- quement une condition nécessaire à une croissance rapide, et une condition suffisante pour éviter un effondrement de la croissance tel que ceux qui ont si souvent compromis la poursuite des progrès en Afrique (Fosu et O'Connell 2006 ; voir aussi Azam, Bates et Biais 2005 ; Azam, Fosu et Ndung'u, 2002). 3. Le projet Harvard - Oxford - CREA sur la croissance attire l'attention sur l'ex- trême diversité des conditions préalables de la croissance qui sont observées par suite de la géographie physique et politique des pays africains (voir Fosu et O'Connell, 2006) ; les régimes monétaires contrastés de l'Afrique sont mis en évidence par Honohan et O'Connell (1997). 4. Pour évaluer la qualité du secteur financier d'un pays quelconque sur cette 24 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE base, se reporter aux documents du FMI et de la Banque mondiale, 2005 indi- qués en référence 5. Il convient cependant de noter qu'il y a peu de temps encore, contrairement à la plupart des pays en développement dans lesquels aussi bien le nombre que le pourcentage d'habitants vivant dans la pauvreté absolue était en diminu- tion, les pays d'Afrique affichaient des inégalités grandissantes. Le nombre ab- solu de personnes vivant dans des conditions de pauvreté absolue était en hausse tandis que la prospérité de la classe moyenne s'accroissait ­ en moyen- ne ­ progressivement (voir Artadi et Sala-i-Martin, 2003 et Sala-i-Martin, 2006). Il importe toutefois de noter que certains indicateurs sociaux non mo- nétaires se sont améliorés (Silva Lopes, 2005). 6. L'insécurité du régime foncier individuel en Afrique a des répercussions bien au-delà de l'accès au crédit. Elle a notamment pour effet de geler l'investisse- ment rural, comme le montrent différentes microétudes, dont celle de Dercon, Ayalew et Gautam (2005). 7. Un autre avantage important, mais sous-estimé, des marchés boursiers tient au fait que, lorsqu'ils fonctionnent, l'élite et les classes moyennes supérieures ont intérêt à ce que le système économique soit stable et génère une croissan- ce parce qu'elles détiennent des portefeuilles de titres leur conférant (de ma- nière indépendante) des droits diversifiés et interconnectés sur le système en leur permettant de participer au capital d'entreprises (y compris de banques) qui fonctionnent dans le cadre de l'économie locale et qui en dépendent. 8. Bien entendu, les ménages et les entrepreneurs sont beaucoup plus nombreux à avoir recours aux circuits financiers informels pour satisfaire à leurs besoins. La richesse de ces circuits, et le rôle central qu'ils continuent de jouer pour la plupart des Africains, est d'ailleurs un phénomène qui fascine les observa- teurs. Ce n'est pas minimiser l'importance actuelle de ces réseaux que de limi- ter la présente analyse au secteur financier formel. C'est en effet ce secteur qui est principalement visé par l'action des pouvoirs publics et qui contribuera in- contestablement de plus en plus à la fourniture de services à la majorité des ménages et des entreprises en Afrique. 9. Il ne faut toutefois pas confondre « relations personnelles » et « relations avec des personnes apparentées » qui couvrent les relations entre le prêteur et l'emprunteur qui existent par suite d'un lien de famille, social ou commer- cial, en dehors du cadre du prêt. CHAPITRE 2 Les systèmes financiers africains : Densité, dimensions et efficacité Introduction : Comparaisons à l'échelle internationale Un système financier peu évolué-- Au regard de la thèse qui sert de fil conducteur au chapitre précédent -- à savoir que le développement du secteur financier est important pour le dé- veloppement économique et la réduction de la pauvreté -- quelle est la place des systèmes financiers de l'Afrique1 sur l'échiquier international ? Le faible niveau de densité, d'efficacité et d'accessibilité du secteur finan- cier est-il simplement un problème de développement économique ou d'autres facteurs peuvent-ils expliquer le score médiocre de l'Afrique ? Le présent chapitre compile des statistiques clés permettant une comparaison, point de départ essentiel d'une réflexion sur la question. L'objectif n'est pas de montrer du doigt les insuffisances des systèmes financiers formels afri- cains. Bien qu'il existe des écarts notables entre les pays de la région, il est de notoriété publique que le secteur financier africain affiche en moyenne des résultats largement inférieurs à ceux des autres régions. L'objectif est donc plutôt de mettre en évidence les aspects particulièrement défaillants et d'identifier les domaines où on pourrait espérer des progrès réalistes. --en termes aussi bien absolus que relatifs Tels que mesurés par la densité globale de l'activité bancaire, les systèmes financiers africains sont peu profonds. Ce manque de densité peut en gran- de partie être associé au faible niveau de revenu, compte tenu de la ten- dance qu'ont généralement les pays à revenu élevé à disposer de systèmes financiers plus denses. Toutefois un nombre disproportionné de pays afri- cains se situe en dessous de la moyenne, surtout en ce qui concerne le cré- dit. Les comptes de dépôt ouverts à l'étranger expliquent en partie les 25 26 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE dépôts manquants, et l'incapacité apparente des banques à repérer suffi- samment d'opportunités de prêt sûres se reflète dans le faible niveau des chiffres associés au crédit. Les marges bancaires sont élevées également, de même que les bénéfices et les frais généraux des banques. L'absence de concurrence dans le secteur bancaire est un aspect du problème, et elle ne peut qu'être liée à d'autres facteurs structurels influant sur les marges dans d'autres pays. Un pays africain seulement sur trois est doté d'un marché des valeurs mobilières organisé, et bien que l'Afrique du Sud dispose de l'un des plus grands marchés boursiers émergents au monde, seule une poignée des marchés restants ont pu constituer une capitalisation ou une liquidité si- gnificative. La situation du secteur des assurances est également très diffé- rente d'un pays africain à un autre, surtout dans le domaine de l'assurance vie, avec de grandes possibilités d'expansion et, comme pour les fonds de pension et de sécurité sociale, de répartition plus efficace du portefeuille. Le secteur financier est en grande partie informel Reflétant la prévalence de la pauvreté dans la région, de nouvelles données donnent à penser que pas plus de 20 % des adultes africains dis- posent d'un compte dans une institution financière formelle ou semi-for- melle. Toutefois, les données varient largement d'un pays à un autre, et le rôle que jouent les différentes catégories d'institutions -- banques d'épargne, coopératives, institutions de microfinance parrainées par des ONG -- varie considérablement également. Les entreprises se plaignent plus du manque de ressources financières en Afrique que dans d'autres régions, et elles sont moins susceptibles d'avoir recours à des sources de financement extérieures formelles, ce qui entrave l'investissement et la croissance. Densité et efficacité des systèmes financiers : À quoi est dû le faible score de l'Afrique ? Ainsi qu'il en est du monde en développement en général, l'activité ban- caire est au coeur des systèmes financiers formels de l'Afrique. Il est donc naturel de commencer notre analyse par les mesures de la densité et de l'efficacité du système bancaire. Densité du système bancaire La densité du système bancaire se mesure généralement en se référant soit aux dépôts mobilisés soit aux crédits accordés par le système. Bien que ces deux éléments d'appréciation soient étroitement corrélés, il existe des diffé- rences, concernant aussi bien leur incidence que leur mesure. Les dépôts sont essentiels pour analyser la politique monétaire, puisqu'ils permettent de mesurer un aspect important du pouvoir de dépense en liquidités dans l'éco- nomie ; et les fluctuations des ressources monétaires et des dépôts bancaires peuvent permettre de prédire l'inflation. Mais c'est le niveau des crédits ban- LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 27 caires consentis au secteur privé qui est le plus étroitement corrélé à la crois- sance à moyen terme et à la réduction de la pauvreté (Beck, Demirgüç-Kunt et Levine 2004 ; Beck, Levine et Loayza 2000 ; Honohan 2004), notam- ment parce qu'il traduit la mesure dans laquelle les banques mettent à dis- position le produit de l'épargne de la société à des fins de production2. Les mesures des dépôts et des crédits diffèrent pour plusieurs raisons. En plus de mobiliser des dépôts à l'échelle nationale, les banques peuvent ob- tenir, sur le marché de gros, des fonds prêtables -- auprès de leurs sociétés affiliées ou d'autres banques à l'étranger par exemple. Par ailleurs, le pas- sif fixe -- dont les ressources propres --renforce aussi significativement la capacité d'une banque à accorder des prêts. En revanche, toutes les res- sources mobilisées ne peuvent pas être rétrocédées au secteur privé natio- nal pour la simple raison que l'État et d'autres autorités publiques, ainsi que des sociétés d'État, ont aussi recours aux ressources des banques ; en outre, nombreuses sont les banques qui investissent une partie de leurs ressources à l'étranger. Nous nous appesantirons donc sur deux indicateurs types de la densité et du développement des systèmes financiers : le ratio des exigibilités au produit intérieur brut (PIB), qui est une mesure globale des ressources mo- nétaires (monnaie plus engagements à vue et portant intérêt) mobilisées par les banques et les intermédiaires parabancaires par rapport à l'activité économique, et le ratio du crédit privé au PIB, qui se rapproche du poten- tiel de croissance de l'intermédiation financière, mesurant les créances des institutions financières dans le secteur privé par rapport à l'activité écono- mique3. En interprétant ces données, il faut garder à l'esprit que la densité et la croissance des circuits financiers sont deux facteurs qui influent récipro- quement l'un sur l'autre : s'il est vrai que les systèmes financiers plus denses ont tendance à doper la croissance ultérieure, le niveau du revenu par habitant est également un facteur clé de la profondeur actuelle des cir- cuits financiers, les encaisses monétaires étant plus faibles dans les pays pauvres. Dans la logique de cette corrélation, nous constatons que l'inter- médiation financière dans la plupart des pays africains est plus faible que dans d'autres régions du monde (figures 2.1 et 2.2). Le ratio des exigibili- tés au PIB est de 32 % en moyenne en Afrique, contre 49 % dans la ré- gion Asie de l'Est et Pacifique et 100 % dans les pays à revenu élevé. De même, le ratio du crédit privé au PIB est de 18 % en moyenne en Afrique, contre 30 % en Asie du Sud et 107 % dans les pays à revenu élevé. Ce ra- tio est de 11 % en moyenne dans les pays africains à faible revenu, mais de 21 % dans les pays à faible revenu hors de l'Afrique. On observe également qu'en Afrique les pays ayant un revenu plus élevé ont tendance à être dotés de systèmes financiers plus denses (figure 2.3). Du fait de son revenu médian beaucoup plus élevé (et de la particu- larité de sa structure économique), l'Afrique du Sud est un cas très aty- pique relativement à tous ces indicateurs et point n'est besoin de l'exami- ner plus avant dans ce contexte. S'agissant des données sur les dépôts bancaires, deux autres cas atypiques, Maurice et les Seychelles, sont des centres financiers offshore. Les anticipations inflationnistes constituent un 28 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 2.1 : Engagements à court terme à travers les pays 4.0 terme/PIB 3.0 court à 2.0 Engagements 1.0 0.0 pays Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières. Note : Cette figure présente les engagements à court terme du système monétaire (M3) rapportés au PIB des pays dont les don- nées sont disponibles. Les pays africains sont représentés par les parties en couleur plus foncée. Les valeurs africaines les plus éle- vées se rapportent aux centres financiers offshore que sont les Seychelles, Maurice et le Cap-Vert, suivis de l'Afrique du Sud et de l'Éthiopie. Toutes les données sont celles de la dernière année à laquelle elles étaient disponibles, 2004-2005. autre facteur à prendre en compte ; les pays ayant une longue expérience de dérives inflationnistes ont tendance avoir des systèmes monétaires moins denses (Boyd, Levine et Smith, 2001). Les figures 2.4 et 2.5 montrent que le faible niveau -- et la variation entre pays -- de la densité des systèmes monétaires africains tiennent en grande partie au revenu national par habitant, en tenant compte de l'ef- fet de l'inflation. Mais il reste que plus de pays africains se situent en des- sous du seuil qu'au dessus4. Parmi les pays dont le système monétaire est peu dense figurent tous les États membres de la zone CFA à l'exception d'un seul5. La densité du système monétaire est réduite par la tendance des déten- teurs de patrimoine à garder leurs avoirs liquides hors de l'Afrique : le ra- tio des dépôts offshore aux dépôts bancaires intérieurs est sensiblement plus élevé en Afrique que dans toute autre région du monde (figure 2.6). Cette tendance indique que la fuite des capitaux fait baisser encore plus le faible taux d'épargne intérieure (bien que d'autres facteurs y contribuent, notamment la condition que certains financiers étrangers imposent aux importateurs africains de constituer des garanties en espèces à l'étranger)6. D'après les données agrégées, l'Afrique est le continent qui enregistre la LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 29 FIGURE 2.2 : Crédit privé à travers les pays 2.5 2.0 1.5 privé/PIB 1.0 Crédit 0.5 0.0 pays Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières. Note : Cette figure présente les crédits privés accordés par les banques de dépôt et autres institutions financières rapportés au PIB des 128 pays dont les données sont disponibles. Les pays africains sont représentés par les parties en couleur plus foncée. Les va- leurs africaines les plus élevées sont celles de l'Afrique du Sud, de Maurice, des Seychelles et du Cap-Vert. Toutes les données sont celles de la dernière année à laquelle elles étaient disponibles, 2004-2005. fuite de capitaux la plus importante relativement à la richesse privée, si- tuation dont les causes probables seraient une variété de facteurs de risque (Collier et Gunning 1999a, 1999b ; Collier, Hoeffler, and Pattillo 2004 ; Ndikumana et Boyce, 2002). À la différence des autres régions, la fuite des capitaux en Afrique n'est pas compensée par des entrées de capitaux pri- vés ; l'Afrique est la seule région où les financements des bailleurs de fonds dépassent encore ceux du secteur privé (Senbet et Otchere 2006). En outre, s'agissant de la densité des systèmes de crédit, plus de pays africains se situent à un niveau inférieur à celui auquel l'on pourrait s'at- tendre de la tendance concernant plusieurs pays -- et dans bien des cas, l'écart est assez important (figure 2.5). Cette situation est conforme à une autre caractéristique frappante des systèmes financiers africains, à savoir le faible taux d'intermédiation (c'est-à-dire la faible proportion des dépôts octroyés à titre de crédit au secteur privé par le biais d'intermédiaires). La figure 2.7 montre ce qui se passe : en Afrique, le système bancaire mé- dian affecte une plus grande partie de ses ressources à des actifs liquides et à des prêts à l'État que les systèmes d'autres régions, ce qui implique une moindre proportion de crédits accordée au secteur privé. Compte tenu de l'importance du crédit accordé au secteur privé pour la 30 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 2.3 : Crédit privé et PIB par habitant 2.5 2.0 1.5 ZAF privé/PIB 1.0 Crédit 0.5 MUS SYC BDI ETH BWA NER CPV GNB 0.0 MWI CIV AGO GAB ZAR COG 0.5 1.0 5.0 10.0 20.0 30.0 40.0 50.0 PIB par habitant (milliers de dollars de 2000) Afrique subsaharienne Tous les autres pays Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières ; Base de données de la Banque mondiale sur les indicateurs du développement dans le monde. Note : Les noms des pays, abrégés dans cette figure, sont donnés en entier dans la liste des abréviations fournie au début du pré- sent ouvrage. Cette figure est une représentation graphique du ratio crédit privé/PIB en rapport au PIB par habitant (en échelle lo- garithmique) de 122 pays. Les pays africains sont représentés par les parties en couleur plus foncée. Toutes les données sont celles de la dernière année à laquelle elles étaient disponibles, 2004-2005. croissance économique, il est essentiel, pour garantir le développement du secteur financier, de rechercher des moyens efficaces de s'assurer que les banques octroient davantage de ressources au secteur privé national. Bien que la densité des systèmes financiers reste faible, les signes de re- dressement sont incontestables et encourageants. Comme le montre la fi- gure 2.8, les indicateurs du développement financier du pays africain mé- dian se sont progressivement améliorés au cours de la décennie écoulée après avoir atteint le creux de la vague en 1995-1996. Le déclin initial te- nait en partie à la fermeture de certaines banques et aux rationalisations qui ont suivi les vagues de faillites bancaires observées plus tôt. L'assainis- sement des comptes a laissé les crédits et les dépôts privés à un niveau in- férieur au niveau antérieur (et il s'est souvent accompagné d'une forte augmentation de la part du crédit accordé au secteur public lorsque les banques tombant en faillite étaient recapitalisées au moyen des obligations d'État). Il se présentait alors des possibilités de croissance, laquelle se réa- lise actuellement. Le crédit réel au secteur privé a, en particulier, augmenté à un rythme accéléré, et sa valeur médiane a doublé au cours de la dernière décennie. Même exprimé en pourcentage du PIB, il s'est redressé, avec une pro- portion médiane atteignant presque 14 % en 2005, supérieure d'envi- LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 31 FIGURE 2.4 : Engagements à court terme/PIB et PIB par habitant (diagramme de dispersion partiel) 2 terme/Inflation) 1 SYC MUS court à CPV ETH KEN GHA AGO 0 GMB NAMZAF GNB MOZ MWINGA ZMB BDI MDG LSO SWZ TGO BEN CIV BWA MLI TZASEN (Engagements BFA -1 SLE RWA MRT ZAR CAF GAB UGA CMR TCD NER SDN COG résiduelle -2 -4 -2 0 2 4 Variance Variance résiduelle (PIB par habitant/Inflation) Afrique subsaharienne Toutes les autres régions Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières ; Base de données de la Banque mondiale sur les indicateurs du développement dans le monde. Note : Les noms des pays, abrégés dans cette figure, sont donnés en entier dans la liste des abréviations fournie au début du pré- sent ouvrage. Cette figure est une représentation graphique de la variance résiduelle issue d'une régression linéaire du ratio en- gagements à court terme/PIB sur l'inflation par rapport à la variance résiduelle issue d'une régression linéaire du PIB par habitant sur l'inflation, pour 139 pays. Les engagements à court terme et le PIB par habitant sont présentés en échelles logarithmiques. Les pays africains sont représentés par les points en couleur plus foncée. Toutes les données sont celles de la dernière année à laquelle elles étaient disponibles, 2004-2005. ron un tiers à son faible niveau de 1996 (une estimation par régression de la tendance temporelle est présentée à la figure 2.8). Et, bien que cer- tains pays n'aient pas connu cette progression, quatre sur cinq pays afri- cains dont les données sont disponibles voient leurs systèmes financiers s'améliorer depuis 2000. La grande variation de la densité des systèmes financiers des différents pays africains que l'on continue d'observer (carte 2.1) indique que ces sys- tèmes peuvent beaucoup progresser, notamment dans des pays comme la République démocratique du Congo et le Mozambique où les crédits oc- troyés au secteur privé restent d'un très faible niveau. Ainsi en est-il de la Tanzanie où le rapport des prêts aux dépôts du système bancaire dans son ensemble a régressé à moins de 18 % après la restructuration financière des plus grands établissements bancaires. Après une reprise prudente des activités de prêt, le ratio du crédit privé au PIB a augmenté progressive- ment depuis 1996, passant de 2,8 % cette année-là à environ 10 % en 2005. De même, les dépôts bancaires en Tanzanie progressent rapidement et ces ressources restent sous-prêtées : les possibilités de croissance restent 32 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 2.5 : Crédit privé/PIB et PIB par habitant 2 ZAF 1 NAM MUS GHA privé/inflation) BDI KEN NGA 0 ETH MWI CPV ZMB AGO SYC MRT (crédit GMB LSO SWZ MLITGO SEN BWA CIV -1 MDG BEN BFARWA MOZ GAB TZA résiduelle CMR UGA ZAR -2 NER CAF GNB TCD COG SLE SDN Variance -3 -4 -2 0 2 4 Variance résiduelle (PIB par habitant/inflation) Afrique subsaharienne Toutes les autres régions Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières ; Base de données de la Banque mondiale sur les indicateurs du développement dans le monde. Note : Les noms des pays, abrégés dans cette figure, sont donnés en entier dans la liste des abréviations fournie au début du pré- sent ouvrage. Cette figure est une représentation graphique de la variance résiduelle découlant d'une régression linéaire du ratio cré- dit/PIB sur l'inflation par rapport à la variance résiduelle découlant d'une régression du PIB par habitant sur l'inflation, pour 151 pays. Le ratio crédit privé/PIB et le PIB par habitant sont présentés en échelles logarithmiques. Les pays africains sont représentés par les points en couleur plus foncée. Toutes les données sont celles de la dernière année à laquelle elles étaient disponibles, 2004-2005. remarquables, même avant d'envisager la possibilité de mobiliser davan- tage de ressources intérieures. Pour la Tanzanie comme pour les autres pays, la question qui se pose toutefois est de savoir comment concrétiser ce potentiel de croissance. Concurrence et efficacité dans le secteur bancaire : Marges d'intérêt, coûts et rentabilité Les systèmes bancaires africains se caractérisent non seulement par de faibles niveaux d'intermédiation mais aussi par des niveaux élevés de taux d'intérêt, de spreads d'intermédiation et de profits bancaires. Le niveau élevé des taux d'intérêt sur les prêts, qu'il soit le fait de l'inefficacité ou de l'absence de concurrence, ne fait pas qu'augmenter les frais à la charge des emprunteurs. En évinçant du marché par les prix les emprunteurs pru- dents, les taux d'intérêt élevés peuvent accroître le risque de crédit, ren- dant les banques moins disposées à prêter et -- comme on l'a reconnu de- puis les premiers travaux de Stiglitz et Weiss, 1981 -- pouvant éventuellement entraîner un rationnement du crédit conjugué à un ni- veau élevé de liquidité bancaire. Une des causes des taux prêteurs élevés LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 33 FIGURE 2.6 : Ratio dépôts bancaires offshore/dépôts bancaires intérieurs : Répartition régionale Pays à revenu élevé Asie de l'Est & Pacifique Europe & Asie centrale Amérique latine & Caraïbes Moyen-Orient & Afrique du Nord Asie du Sud Afrique subsaharienne 0 0.5 1.0 1.5 Dépôts offshore/dépôts intérieurs Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières ; Base de données en ligne de la Banque des rè- glements internationaux. Note : Cette figure est une représentation graphique des valeurs minimum, maximum et médiane du ratio des dépôts bancaires offshore aux dépôts bancaires intérieurs de 132 pays. Les cases sombres représentent les intervalles interquartiles. Les cas ex- trêmes ont été omis. Toutes les données sont celles de la dernière année à laquelle elles étaient disponibles, 2004-2005. est le niveau élevé des taux d'intérêt des systèmes de paiement de gros, qui reflète les incertitudes monétaires et autres incertitudes macroécono- miques, ainsi que la demande par l'État de fonds prêtables intérieurs. Le niveau d'efficacité et de concurrence du système bancaire est un autre fac- teur qui explique la variation des taux prêteurs. Les taux d'intérêt réels des systèmes de paiement de gros ont considé- rablement augmenté pour le pays africain médian au début des années 90. Cette augmentation était la conséquence directe et voulue de la libé- ralisation des taux d'intérêt et du cadre macroéconomique. Elle était en outre influencée par les effets des anticipations budgétaires et macroéco- nomiques. Depuis 1993, les taux d'intérêt réalisés par ces systèmes de paiement ont fluctué sans qu'il s'en dégage une tendance perceptible (fi- gure 2.9). Marges de taux d'intérêt Le spread d'intermédiation (l'écart entre les taux moyens débiteur et cré- diteur) ou la marge d'intermédiation (les intérêts créditeurs nets en pour- centage du total des avoirs productifs) servent généralement de mesures de l'efficacité ou de l'inefficacité du secteur bancaire. En interprétant ces chiffres, il ne faut pas perdre de vue que la différence entre les intérêts per- çus et les intérêts payés par les banques sert à couvrir les dépenses de per- sonnel et les frais autres que les intérêts, et à constituer des provisions pour 34 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 2.7 : Composition de l'actif des banques à travers les régions Source : Base de données du FMI sur les statistiques financières internationales. Note : Cette figure indique, pour chaque région, la composition du portefeuille des actifs des banques, entre avoirs liquides, avoirs étrangers, créances sur les sociétés d'État, créances sur l'État et créances sur le secteur privé. Toutes les données se rap- portent à 2005. FIGURE 2.8 : Densité des systèmes financiers en Afrique, 1990-2005 24 22 20 18 16 pourcentage 14 12 10 8 1990 1995 2000 2005 année Engagements Dépôts bancaires/PIB Crédit privé/PIB à court terme/PIB Source : Base de données du FMI sur les statistiques financières internationales. Note : Cette figure indique les coefficients de date estimatifs découlant des régressions médianes en coupes transversales des séries temporelles groupées. . LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 35 CARTE 2.1 Densité des systèmes financiers : Ratio moyen du crédit privé au PIB, 2000-2004 < 5 % 5­10 % 10­25 % 25­50 % > 50 % Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières. FIGURE 2.9 : Taux d'intérêt réels en Afrique, 1990-2005 25 20 15 (%) 10 5 d'intérêt 0 auxT -5 -10 -15 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 année Dépôts Bons du Trésor Crédits Source : Base de données du FMI sur les statistiques financières internationales. Note : Cette figure indique les coefficients de date estimatifs découlant des régressions médianes en coupes transversales des sé- ries temporelles groupées. Les taux d'intérêt réels sont calculés en utilisant l'indice des prix à la consommation comme déflateur. 36 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE pertes sur prêt, ainsi qu'à contribuer au profit. Un spread élevé pourrait donc être le fait d'un environnement bancaire non compétitif (ce qui im- plique des niveaux de profit plus élevés) ou des facteurs tels qu'un risque plus élevé de défaillance des emprunteurs. Certains aspects du risque de défaillance peuvent en retour être considérés comme inhérents au système et échappant au contrôle des banques. Mais certaines banques peuvent dé- libérément opter pour un portefeuille à forte rentabilité mais à haut risque. Dans certains pays, les banques peuvent aussi avoir affaire à des dépenses unitaires différentes de personnel qualifié et d'autres interventions -- bien que dans un marché donné les variations des dépenses unitaires de per- sonnel soient susceptibles de refléter les différentiels de qualification plutôt que des facteurs exogènes. Cependant, les banques étrangères recrutent souvent des expatriés, ce qui peut augmenter considérablement les coûts d'intermédiation. Au regard de toutes ces considérations, il est clair que la variation des spreads et marges d'intermédiation d'un pays à un autre et d'une banque à une autre doit être interprétée avec prudence. La figure 2.10 montre que les systèmes bancaires africains ont tendance à avoir des niveaux de marge d'intérêt nette plus élevés que dans beau- coup d'autres parties du monde. En moyenne, la marge d'intérêt nette des banques africaines entre 2000 et 2004 était de l'ordre de 800 points de base, contre 480 points de base dans le reste du monde. Toutefois, les banques de plusieurs pays d'Amérique latine et d'Europe de l'Est ont des marges au moins tout aussi élevées que celles des banques africaines, ce qui pousse à s'interroger sur la cause des marges d'intérêt élevées dans les banques et dans les pays7. La rentabilité du secteur bancaire en est un facteur. La rentabilité glo- bale des banques africaines a été élevée ces dernières années : dans notre échantillon, la moyenne du taux de rendement de l'actif total s'établissait à 2,1 %, soit plus de trois fois supérieure à celle des banques non afri- caines (0,6 %). De même, le taux moyen de rendement des capitaux propres des banques africaines de cet échantillon est de 20,1 % sur la pé- riode 2000-2004, contre 8,5 % pour les banques non africaines (tableau 2.1). Ce niveau de rentabilité élevé peut s'expliquer par les primes de risque élevées qu'exigent les banquiers, l'absence de concurrence ou -- plus probablement -- la combinaison et l'interaction de ces deux facteurs. Les charges d'exploitation des banques constituent un autre aspect ex- pliquant le niveau des marges d'intérêt8. Les charges d'exploitation moyennes -- c'est-à-dire les charges administratives (frais généraux) -- des banques africaines correspondaient à en moyenne 650 points de base entre 2000 et 2004, contre 480 points de base en moyenne dans le reste du monde. La décomposition de la marge d'intérêt en bénéfice et en charges est édifiante, mais elle soulève en outre une question plus profonde qui est celle de savoir quels sont les facteurs structurels fondamentaux des diffé- rentes économies qui entraînent ces écarts. Utilisant des données re- cueillies auprès des banques de 76 pays (dont 7 d'Afrique) pour la période 1995-1999, une étude récente (Demirgüç-Kunt, Laeven et Levine, 2004), donne à penser que les principaux facteurs sont notamment la qualité de LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 37 FIGURE 2.10 : Marges nettes d'intérêt à travers les régions Pays à revenu élevé Asie de l'Est & Pacifique Europe & Asie centrale Amérique latine & Caraïbes Moyen-Orient & Afrique du Nord Asie du Sud Afrique subsaharienne 0,00 0,05 0,10 0,15 Marge nette d'intérêt Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières ; Base de données de la Banque mondiale sur les indicateurs du développement dans le monde. Note : Cette figure présente les niveaux minimum, maximum et médian des moyennes nationales des marges nettes d'intérêt réa- lisées par les banques dans 146 pays, tels que rapportés dans Bankscope pour la dernière année dont les données sont disponibles, 2004 ou 2005. Les cases sombres indiquent les intervalles interquartiles. la protection des droits de propriété (des droits de propriété moins solides amènent les banques à imposer des taux d'intérêt plus élevés et à consa- crer davantage de ressources administratives à l'évaluation et au suivi des crédits), l'inflation et la taille de la banque (les petites banques encourent des frais généraux plus importants, ce qui peut aussi augmenter leurs marges d'intérêt). TABLEAU 2.1 Comparaisons des profits réalisés par les banques, 2000­2004 Taux de rendement Taux de rendement des de l'actif (%) capitaux propres (%) Afrique 2,1 20,1 Banques étrangères en Afrique 2,8 26,7 Sous-échantillon des banques étrangères en Afrique 4,7 43,2 Reste du monde 0,6 8,5 Banques étrangères dans le reste du monde 0,9 8,6 Sous-échantillon des banques étrangères dans le reste du monde 0,7 9,7 Source : Calculs des auteurs fondés sur des données de BankScope. Note : Ce tableau indique la moyenne des taux de rendement de l'actif et des taux de rendement des capitaux propres réalisés par les catégories de banques précisées, en Afrique et dans le reste du monde. Le sous-échantillon des banques étrangères comprend les banques qui mènent des activités aussi bien en Afrique que dans le reste du monde et dont les données étaient disponibles. 38 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE En reprenant la même équation de régression, comme dans l'étude de 2004 mentionnée ci-dessus, avec un ensemble de données plus important et plus récent9 nous obtenons une confirmation et une estimation actuali- sée de l'importance de ces facteurs fondamentaux qui contribuent à élever les niveaux des charges d'exploitation et les autres éléments influant sur les marges d'intérêt élevées. Le tableau 2.2 en présente la répartition. Des 320 points de base de différence entre la marge d'intérêt moyenne de l'Afrique et celle du reste du monde, seulement 60 points de base ne trou- vent pas d'explication dans ce tableau ; des 180 points de base de diffé- rence dans les frais généraux, seulement 10 points de base ne s'expliquent pas. Une fois que nous avons pris en compte les différentes caractéristiques à l'échelle des pays et des banques, une variable nominale assignée à l'Afrique subsaharienne n'influe pas de façon appréciable sur l'une ou l'autre régression. Il semble n'y avoir aucune grande différence entre les marges et les frais généraux des banques dont les structures du capital so- cial sont différentes, en tenant compte de l'effet d'autres caractéristiques relatives aux banques ou aux pays. D'après la présente analyse, une bonne partie de l'écart, en particulier en ce qui concerne la marge d'intérêt, tient essentiellement à la faible pro- tection des droits de propriété en Afrique, tel que mesuré par l'indicateur composite de la gouvernance dont les valeurs récentes sont représentées par les points sur la figure 2.11. Sur une échelle qui a été normalisée de sorte à obtenir une moyenne mondiale de zéro et un écart type de un, les pays africains de l'échantillon ont un score en matière de gouvernance de l'ordre de ­0,5 en moyenne. Ce faible score se traduit par une différence prévue de 130 points de base dans la marge d'intérêt nette et de 40 points de base dans les frais généraux d'un niveau plus élevé. Cet indicateur de la gouvernance est certes très global, mais le faible score de l'Afrique met en évidence de nombreux aspects d'un cadre contractuel peu satisfaisant -- droits du créancier faiblement protégés et rarement appliqués par des tribunaux dont l'indépendance est compromise, un cadre d'insolvabilité TABLEAU 2.2 : Comparaison au plan international des marges nettes d'intérêt et des frais généraux Marge d'intérêt Charges administratives (points de base) (points de base) Banques africaines 800 650 Banques du reste du monde 480 480 Différence 320 180 Dont : Protection des droits de propriété 130 40 Taille de la banque 70 50 Autres caractéristiques des banques ­40 70 Inflation 100 30 Variance résiduelle de l'Afrique 60 ­10 Source : Calculs des auteurs fondés sur des données de Bankscope. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 39 FIGURE 2.11 : Gouvernance à travers les pays 2.0 1.0 gouvernance la de 0.0 composite -1.0 Indicateur -2.0 pays Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Kaufmann, Kraay et Mastruzzi 2004, Base de données Governance Matters IV de la Banque mondiale. Note : Cette figure montre l'indicateur composite de la gouvernance pour 209 pays. Les pays africains sont représentés par les par- ties en couleur. Toutes les données se rapportent à 2004. défaillant et dont les dispositions sont rarement mises en application et le non-respect généralisé des dispositions contractuelles. Le niveau élevé des marges et des frais généraux en Afrique peut s'ex- pliquer en grande partie par la taille étriquée des banques et des systèmes financiers. L'actif total de la banque moyenne africaine de notre échan- tillon s'élève à 81 millions de dollars, contre 334 millions de dollars pour la banque moyenne hors de l'Afrique. L'écart peut expliquer 70 points de base des niveaux plus élevés des marges d'intérêt nettes et 50 points de base des niveaux plus élevés des frais généraux des banques africaines, ou près d'un quart de la différence par rapport à la moyenne mondiale. La taille réduite se reflète également dans les données sur la taille de l'en- semble du système bancaire : les systèmes bancaires africains comptent parmi les plus petits au monde (figure 2.12). Un certain nombre de caractéristiques des banques revêt également de l'importance. Les banques ayant des niveaux plus élevés des produits des commissions (par opposition au produit des intérêts) réalisent des marges d'intérêt plus faibles mais encourent des frais plus élevés. Les banques moins liquides, mieux capitalisées et ayant des gains plus instables réalisent des marges plus élevées et encourent des frais plus élevés. En moyenne, les caractéristiques individuelles des banques africaines, hormis la taille, ont tendance à réduire les marges d'intérêt mais à augmenter les charges ad- ministratives. 40 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 2.12 : Taille des systèmes bancaires à travers les pays 15.0 terme court à 2000) de 10.0 dollars de engagements des (millions Logarithme 5.0 pays Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières ; Base de données de la Banque mondiale sur les indicateurs du développement dans le monde. Note : Cette figure est une représentation graphique de la taille globale du système monétaire de 121 pays, telle que mesurée sur la base des engagements à court terme (M3) en dollars pour tous les pays dont les données sont disponibles, échelle loga- rithmique. Les pays africains sont représentés par les parties en couleur. Le pays ayant le système le plus vaste est l'Afrique du Sud, avec 98 milliards de dollars, suivi du Nigéria avec 11 milliards de dollars, de Maurice avec 6 milliards dollars et de l'Éthiopie avec 5 milliards de dollars. Toutes les données sont celles de la dernière année à laquelle elles étaient disponibles, 2004-2005. Enfin, l'instabilité monétaire peut expliquer en très grande partie les niveaux plus élevés en moyenne des marges d'intérêt nettes et des frais généraux en Afrique. À ce propos, les différences entre les pays sont fort remarquables. Seulement 16 pays africains ont enregistré une inflation annuelle moyenne à deux chiffres au cours de la dernière décennie, mais les cas extrêmes -- Angola et République démocratique du Congo -- ont connu une inflation annuelle se déclinant en plusieurs centaines de pour cent et plus, celle du Zimbabwe grimpant à plus de 1000 % par an en 2005-200610. C'est ainsi que l'inflation cumulative sur les cinq années comprises entre 2000 et 2004 était de l'ordre de 36 % en moyenne pour les pays africains et de 20 % pour le reste du monde. La forte inflation a stimulé les marges d'intérêt dans les pays concernés, expliquant environ 100 des 320 points de base de différence moyenne dans les marges d'in- térêt nettes et environ 30 points de base des différences dans les charges administratives. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 41 Certains des facteurs de causalité pris en compte dans les estimations par régression pourraient avoir contribué à l'absence de concurrence dans le secteur bancaire en Afrique. Par ailleurs, les 60 points de base (en moyenne) qui restent sans explication pourraient aussi en partie être mis sur le compte de l'absence de concurrence. Les mêmes lacunes de l'envi- ronnement contractuel et du cadre d'information qui expliquent les ni- veaux élevés des frais généraux et des primes de risque associés aux prêts contribuent également à diminuer la compétitivité en liant les emprun- teurs à des prêteurs bien précis et en décourageant l'entrée en scène de nouveaux opérateurs11. Ces lacunes diminuent également la contestabilité du secteur bancaire africain en augmentant le coût d'entrée sur le marché pour les nouvelles institutions. La plupart des systèmes bancaires africains sont particulièrement concentrés. Fait peu surprenant au regard de la taille réduite des marchés nationaux. Les parts de marchés des trois plus grandes banques (ratio de concentration) de chaque pays sont de l'ordre de 73 % en moyenne dans 22 pays africains, si l'on se base sur l'actif total au cours de la dernière an- née dont les données étaient disponibles ; ce chiffre est de 74 % pour le pays médian. Ce ratio est à comparer au ratio mondial qui est de 60 %. Aucune autre région n'a une médiane supérieure à 66 %. Les ratios les plus bas en Afrique sont ceux des plus grandes économies -- Afrique du Sud (41 %) et Nigéria (48 %)12. Tous les autres pays africains ont des ra- tios d'au moins 59 %. En général, les marchés africains sont dominés par une poignée de banques. Au Mozambique, la plus grande banque (appar- tenant à des intérêts étrangers) détient 48 % du marché du crédit. À Mau- rice, les deux plus grandes banques représentent 77 % du marché. Les systèmes bancaires concentrés ne sont pas nécessairement peu com- pétitifs -- par exemple, dans des systèmes ouverts, la menace d'entrée sur le marché de nouveaux acteurs peut dissuader les anciens d'imposer des taux trop élevés (Claessens et Laeven 2004 ; Demirgüç-Kunt, Laeven et Levine 2004). Mais la concentration va généralement de pair avec l'em- prise sur le marché, surtout lorsque la contestabilité est faible. Cette tentative de quantification des obstacles à l'efficacité des systèmes bancaires met en lumière au moins trois principaux facteurs contextuels : l'environnement contractuel et le cadre d'information, les questions d'ordre général concernant le risque systémique et la faible échelle d'acti- vité. Mis ensemble, ces facteurs peuvent expliquer le niveau élevé des primes de risque qu'exigent les banquiers, la rentabilité élevée et l'absence de concurrence. Les indicateurs spécifiques utilisés dans l'analyse de ré- gression n'abordent ces questions qu'en surface. Comme on peut le voir à la figure 2.9, les spreads d'intermédiation mé- dians affichés (l'écart entre les taux débiteurs et créditeurs représentatifs rapporté dans la base de données sur les statistiques financières internatio- nales du Fonds monétaire international [FMI]) ont augmenté au début des années 90 -- une tendance vraisemblablement imputable en partie à la li- béralisation. Depuis la fin de la décennie 90, la tendance à la hausse s'est stabilisée, voire renversée, avec une médiane établie à environ 1 000 points de base en 2005 -- contre 1 500 en 2001. Les données sont trop 42 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE bruitées pour expliquer avec certitude ces progrès, mais une explication plausible est que, comme dans d'autres parties du monde, les pressions dé- coulant de la concurrence suite à la libéralisation des économies com- mencent à se faire ressentir. L'amélioration des facteurs sous-jacents liés à l'environnement dont on a parlé plus haut aura également joué un rôle, par exemple dans des pays comme le Nigéria et la Tanzanie. Questions liées au capital social Suite à une vague de privatisations et de restructurations des banques, y compris celles appartenant à l'État, la structure du capital social des banques dans nombre de pays africains a considérablement changé au cours de ces dernières années. Les banques étrangères font un retour en force aujourd'hui. Bien que des tendances plus ou moins similaires aient été observées dans d'autres régions du monde, ce phénomène est plus pro- noncé en Afrique. Le tableau 2.3 classe les pays selon que leurs banques appartiennent principalement à des intérêts étrangers (plus de 60 % des actifs bancaires dans les banques contrôlées par des entités étrangères), à l'État (ou à ses entités) ou au secteur privé local (toujours avec le seuil de 60 % des parts contrôlées), à des intérêts étrangers et à l'État (les deux possédant collectivement au minimum 70 % de l'ensemble des actifs ban- caires), ou tombent dans une catégorie résiduelle dite de « parts égales ». Deux systèmes bancaires africains sur cinq sont principalement contrôlés par des entités étrangères, et les systèmes de trois pays seulement (7 %) restent dominés par des banques d'État. La carte 2.2 indique la variation de la structure du capital social des banques à travers les pays africains. Il est intéressant de constater que bien qu'un échantillon mondial ne fait ressortir aucune variation notable dans la rentabilité des banques te- nant à la structure de leur capital social, en Afrique, les banques d'appar- tenance étrangère réalisent plus de profit que partout ailleurs dans le monde (même lorsque l'on tient compte du niveau de rentabilité élevé des banques en Afrique). Elles réalisent également plus de profit que les banques appartenant à des intérêts locaux (voir tableau 2.1). Le tableau 2.1 ressort également les données d'un sous-échantillon de banques pré- sentes aussi bien en Afrique qu'ailleurs dans le monde. Pour ce sous- échantillon, la différence entre le profit réalisé en Afrique et celui réalisé ailleurs est encore plus prononcée : une moyenne de 9,6 % en Afrique contre 6,2 % dans les autres régions. Volatilité La volatilité de la monnaie n'est qu'un des aspects d'un environnement politique et économique globalement volatile ayant entravé l'améliora- tion de la densité et de l'efficacité du système monétaire. L'Afrique est un continent en proie à des troubles civils et la violence politique ; neuf pays africains seulement n'ont pas connu de conflit interne ou externe au cours des 50 dernières années (Strand et autres 2004). Un pays africain passe en moyenne un peu plus d'une décennie sans connaître des pertur- bations économiques, sociales ou politiques (Arnold 2005 ; Meredith 2005). Cette durée est similaire à celle des cycles économiques du 19e LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 43 TABLEAU 2.3 : Répartition des pays africains en fonction de la structure prédominante du capital social des banques Appartenant Principalement Principalement principalement Intérêts d'État étrangères au secteur étrangers et État Parts égales privé local Érythrée Botswana Afrique du Sud Burkina Faso Angola Éthiopie Cap-Vert Bénin Rép. dém. du Congo Burundi Togo Rép. centrafricaine Mali Sierra Leone Cameroun Côte d'Ivoire Maurice Congo (Brazzaville) Gambie Mauritanie Gabon Guinée Nigéria Ghana Guinée-Bissau Rwanda Kenya Guinée équatoriale Somalie Rwanda Lesotho Soudan Sénégal Libéria Zimbabwe Madagascar Malawi Mozambique Namibie Niger Ouganda Seychelles Swaziland Tanzanie Tchad Zambie Source : Estimations des services de la Banque mondiale. Note : « Principalement d'État », « principalement étrangères » et « appartenant principalement au secteur privé local » signi- fient que plus de 60 % du total des actifs sont détenus par des banques appartenant majoritairement à l'État, à des intérêts étran- gers ou au secteur privé local, respectivement ; « Intérêts étrangers et État » signifie que ces deux catégories détiennent plus de 70 % de l'ensemble des actifs bancaires. « Parts égales » est une catégorie résiduelle. (Au Sénégal, les banques appartenant à des entités étrangères et celles appartenant à des entités privées locales représentent plus de 70 % du total des actifs bancaires). siècle des économies aujourd'hui dites avancées -- bien que les crises afri- caines aient tendance à être plus profondes et plus longues et à toucher tous les compartiments de l'économie et de la société. Une telle volatilité ne rejaillit pas uniquement sur la densité du système financier et les diffé- rentiels de taux d'intérêt. De la même manière que le cycle économique a entravé l'investissement et la croissance dans les pays au 19e siècle, la pro- babilité qu'un investissement réalisé durant ces dernières décennies soit détruit ou entièrement dévalorisé par un ralentissement important de l'ac- tivité économique doit avoir freiné l'investissement en Afrique -- contrai- gnant les chefs d'entreprise du continent à des perspectives à court terme. Nombreuses sont les causes de ces crises récurrentes. Elles tiennent en partie à la dépendance économique de l'Afrique à l'égard des exportations de produits de base. La proportion appréciable des ressources naturelles et des produits agricoles dans les exportations de l'Afrique, associée au ni- 44 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE CARTE 2.2 Structures prédominantes du capital social des banques Appartenant principalement à l'État Appartenant principalement à des intérêts étrangers Appartenant à des intérêts étrangers et à l'État Parts égales Appartenant principalement au secteur privé local Source : Estimations des services de la Banque mondiale. veau élevé de la volatilité des prix de ces produits, expose les économies du continent à une forte instabilité des termes de l'échange. La sècheresse, les inondations et autres chocs associés à l'offre viennent s'ajouter à ces pro- blèmes : les catastrophes naturelles causant des pertes en vies humaines sont monnaie courante en Afrique, comme dans une grande partie de l'Asie continentale. Ces dernières années, le VIH/SIDA a souvent été men- tionné parmi ces causes. Mais c'est la fréquence relativement élevée des perturbations politiques et des troubles civils qui caractérise le plus l'Afrique comme présentant une tendance quasi endémique d'instabilité économique affectant l'ensemble du système. Les perceptions qu'ont les marchés de cette instabilité freinent le déve- loppement du secteur financier. L'absence de développement financier pourrait également constituer une source d'instabilité de différentes ma- nières. Par exemple, les pays africains manquent d'instruments financiers diversifiés pour offrir à un plus grand nombre la possibilité de prétendre à la prospérité pouvant être générée par un secteur économique en plein es- sor et rentable. Ce qui, en retour, représente une occasion manquée de donner à un plus grand nombre d'Africains actifs une chance de participer à une croissance économique durable. Une telle participation contribuerait en revanche à inscrire les activités personnelles et politiques des élites dans une perspective autre que celle du court terme. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 45 Secteur financier non bancaire Les autres compartiments du système financier formel contrôlent beau- coup moins de ressources. Une fois de plus, cette tendance est caractéris- tique des pays à faible revenu en général et n'est pas particulière à l'Afrique. Mais il existe de grands écarts entre pays africains, ce qui fait res- sortir la possibilité pour les pays à la traîne de s'améliorer. Le secteur financier non bancaire peut offrir un ensemble et une va- riété de services différents de la gamme de produits bancaires classiques. En outre, un secteur non bancaire fort peut également faire concurrence ENCADRÉ 2.1 : Explications historiques de la variation du développement financier d'un pays à un autre Bien que les conditions structurelles et institutionnelles actuelles expli- quent en grande partie la variation du développement et de l'efficacité des systèmes financiers d'un pays à un autre, des chercheurs essaient d'en dé- couvrir les facteurs de causalité, notamment au plan de l'origine des diffé- rentes structures juridiques, de leurs caractéristiques géographiques et de leur composition ethnique. Les variations entre pays africains mettent en exergue bien de faits probants et, à ce titre, elles se situent au coeur des débats sur la relative importance de chacun de ces facteurs. D'après des écrits sur le droit et la finance, la tradition juridique constitue un facteur déterminant des cadres contractuels qui sont indispensable pour le développement du secteur financier. La principale différence est celle qui existe entre les traditions de la Common Law anglaise et du Code civil français, et en particulier le degré de protection des droits de propriété privée qu'offre chacune de ces traditions et leur adaptabilité au change- ment. Au risque de donner dans la caricature, on peut affirmer que l'évolu- tion de la Common Law a été fortement influencée par l'effort visant à pro- téger les droits de propriété privée vis-à-vis de l'État, ce qui a facilité la capacité des entités privées à effectuer des transactions en toute con- fiance les unes avec les autres et avec l'État. La tradition du Code civil re- flétait la réaction face à un appareil judiciaire prérévolutionnaire corrompu et cultivant le secret qui s'était rangé du côté des riches propriétaires contre les politiciens réformistes ; elle tire donc ses origines de l'effort dé- ployé par l'État pour renforcer son pouvoir sur les citoyens. Dans les situa- tions où le Code civil se méfie des juges et de la jurisprudence et s'appuie de ce fait sur des règles rigides clairement établies, la Common Law laisse libre cours à davantage de dynamisme puisque les juges réagissent à des circonstances changeantes en fonction du cas en présence, permettant à (Suite de l'encadré page suivante) 46 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 2.1 : (suite) la loi de s'adapter rapidement aux besoins de l'économie et du système fi- nancier en particulier. Le système de la Common Law s'est répandu dans le monde par l'entremise des colons britanniques ; le Code napoléonien a pour sa part influencé les codes ultérieurs d'autres puissances coloniales telles que la Belgique, l'Espagne et le Portugal. La carte 2.3 indique la différence des origines des systèmes juridiques ap- pliqués dans les pays africains. Dans la logique de la forte protection des droits de propriété et du dynamisme escompté, les pays appliquant la Com- mon Law affichent un niveau de développement financier plus élevé que ceux appliquant le Code civil. Cela se vérifie non seulement avec un large échantillon d'anciennes colonies, mais aussi à l'intérieur de l'Afrique -- bien qu'ici la différence soit moins marquée et la variation entre pays bien plus importante au sein des familles juridiques (figure 2.13). L'argument du droit et de la finance repose sur l'identité du colon. Celui des caractéristiques géographiques concerne les conditions qui préva- laient à l'arrivée des colons et l'influence qu'elles ont eue sur la démarche des puissances coloniales (Acemoglu, Johnson et Robinson 2001). Les colons européens ont adopté des stratégies colonialistes différentes en fonction du caractère favorable des conditions de morbidité à l'installation des Européens. Lorsqu'elles étaient favorables, les colons choisissaient de recréer les structures de gouvernance pour promouvoir leurs droits de propriété et les échanges commerciaux locaux. Lorsque les conditions étaient moins propices à leur installation, les colons européens créaient des « colonies d'exploitation », en mettant en place des institutions qui leur donnaient le droit d'exploiter les ressources naturelles sans protéger les intérêts commerciaux locaux (Austen, 1987). Le Congo qui, pendant un quart de siècle, fut -- de fait -- la propriété personnelle de Léopold I, roi des Belges, est souvent le premier cité comme exemple de cette ap- proche. Force est de constater que ces différentes dispositions institu- tionnelles ont survécu aux indépendances (Meredith 2005, Arnold 2006). Pour se faire une idée quantitative des conditions qui prévalaient pendant aux banques. Les systèmes financiers des économies de marché avancées se distinguent par une panoplie d'institutions et de marchés très variés of- frant une variété de produits. Hormis les banques, il s'agit entre autres des marchés financiers, où sont négociés aussi bien des titres de participation que des titres de créance, et des institutions d'épargne contractuelle, telles que les compagnies d'assurance, les fonds de pension et les fonds com- muns de placement. La multiplicité de spécialisations de ces institutions peut permettre d'offrir une gamme plus vaste de services financiers et une mise en commun plus efficace des risques à de meilleurs prix dans un LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 47 l'ère coloniale, des chercheurs ont utilisé les données historiques sur les taux de décès des premiers colons. Il est intéressant de constater que, comme le montre la figure 2.14, la densité des systèmes financiers ac- tuels est négativement liée à ces premiers taux de décès. Ces taux de mortalité variaient sensiblement en Afrique : dans les pays d'Afrique de l'Ouest comme le Ghana et le Congo, les taux de mortalité étaient très élevés, alors que le Kenya et le Zimbabwe par exemple affichaient de faibles taux de mortalité -- ce qui était propice à l'installation des colons européens. Cette différence se reflète également dans les niveaux de dé- veloppement des secteurs financiers. Le choix du régime institutionnel n'est toutefois pas dicté par les seules conditions climatiques : Nunn (2005) fait remarquer qu'il existe aussi une solide corrélation entre l'inci- dence de l'esclavage et le développement institutionnel qui a suivi. Dans certains situations, la diversité ethnique peut entraîner la constitution d'un groupe ethnique qui utilise le pouvoir étatique pour renforcer son hé- gémonie sur les autres groupes en limitant leurs droits et en les expro- priant de leurs ressources, ainsi qu'en entravant la croissance des indus- tries et des secteurs constituant une menace pour le groupe dominant. Un tel comportement peut pousser à la maximisation de la rente, à une alloca- tion inefficace et réduite des biens et services publics et à des politiques freinant la croissance, telles que la répression financière. Dans les études relatives à cette hypothèse, la diversité se mesure par indice dit de « frac- tionnement » ethnique, qui est la probabilité que deux personnes sélec- tionnées au hasard n'appartiennent pas au même groupe ethnique ; l'Afrique a tendance à afficher les scores les plus élevés pour cet indice. Toutefois, bien que des données économétriques prouvent que la diversi- té ethnique est un facteur possible de la faible croissance en Afrique (Eas- terly et Levine, 1997), il existe très peu de faits concrets indiquant qu'elle affecte le développement financier en particulier. Il en est de même d'un autre indicateur des conditions précoloniales, à savoir la centralisation du pouvoir politique, dont il a été démontré qu'elle est positivement corrélée à la fourniture des biens publics en Afrique (Gennaioli et Rainer, 2005). Pour en savoir plus sur ce sujet et à des fins de référence, voir aussi Beck et Le- vine (2005) et Levine (2005). environnement plus compétitif que cela n'est souvent le cas avec les sys- tèmes dominés par les banques, que l'on observe dans la majeure partie de l'Afrique et dans la plupart des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure à travers le globe. Les institutions d'épargne contractuelle en particulier peuvent jouer un rôle majeur dans la fourniture de capitaux patients, sous forme de fonds propres ou de prêts, destinés à des projets à long terme. Des marchés des valeurs mobilières bien organisés aident à accroître la transparence des dispositions de finan- cement en déterminant le prix d'équilibre des actions ainsi que les taux 48 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE CARTE 2.3 Pays appliquant le Code civil et la Common Law droit civil common Law Source : Appréciation des services de la Banque mondiale. d'intérêt d'équilibre des obligations. Les marchés boursiers sont particuliè- rement importants lorsqu'il s'agit de fournir des financements pour des entreprises à risque pouvant susciter des divergences d'opinion : les banques hésitent souvent à financer ces entreprises parce que le risque de perte n'est pas suffisamment compensé par le taux d'intérêt contractuel ; des investisseurs pleins de ressources peuvent constituer un portefeuille de créances sur le capital social de telles entreprises pour lesquelles le marché des valeurs mobilières offrira en temps voulu un mécanisme de sortie pour celles couronnées de succès. Marchés des valeurs mobilières Avec une capitalisation boursière de 600 milliards de dollars, le marché sud-africain (Johannesburg) est le quatrième plus grand marché émergent au monde (après la République de Corée, la Fédération de Russie et l'Inde, et avant le Brésil, la Chine et Hong Kong, Chine). Pourtant même Johan- nesburg n'est pas un marché assez grand pour la cotation principale de plusieurs des plus grandes sociétés d'Afrique du Sud. Vingt-et-une sociétés cotées à Johannesburg le sont d'abord ailleurs -- y compris le conglomérat minier Anglo American, le groupe bancaire Investec, la société de brasse- rie SABMiller, le géant de l'assurance Old Mutual et l'entreprise spécialisée dans la technologie Dimension Data, qui ont tous pour place de cotation principale la Bourse de Londres. Cette liste prouve que le contexte dans le- quel évoluent les marchés boursiers africains est tel que les grandes socié- tés se tournent aussi bien vers l'extérieur que vers le marché local13. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 49 FIGURE 2.13 : Crédit privé : Origine française ou britannique des systèmes juridiques a. Tous les pays Code civil français Common Law anglaise 0 0,5 0,1 1,5 2 Crédit privé/PIB b. Afrique Code civil français Common Law anglaise 0 0,5 1 1,5 Crédit privé/PIB Source : Base de données de la Banque mondiale sur les structures financières. Note : Cette figure présente les niveaux minimum, maximum et médian du ratio crédit privé/PIB de 84 pays dans le monde (com- partiment a) et de 26 pays en Afrique (compartiment b). Les cases sombres indiquent les intervalles interquartiles. Toutes les don- nées relatives au ratio crédit privé/PIB se rapportent à 2005. L'Afrique compte 15 marchés boursiers organisés. Plusieurs autres pro- jets sont en cours de négociation ou partiellement mis en route, mais pas encore opérationnels (ce chiffre fait abstraction du Cameroun et du Gabon qui ont tous deux récemment mis en place des bourses mais n'ont pas en- core enregistré des cotations). Un marché boursier, la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) basée à Abidjan, sert les huit pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La BRVM est le fruit de l'élargissement de la Bourse d'Abidjan créée en 1976. Quatre autres marchés boursiers sont devenus operationnels à l'ère de l'Empire britan- nique, à savoir Nairobi, Lagos, Harare et Johannesburg, la création des 50 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 2.14 : Développement financier et contexte colonial initial 2,0 1,5 ZAF privé/PIB 1,0 Crédit MUS 0,5 KEN MLI SEN BDI GHA BEN NER CIV 0,0 SLEMDG GMB NGA 2,0 4,0 6,0 8,0 Mortalité des colons (logarithme du nombre annuel de décès) Afrique subsaharienne Toutes les autres régions Source : Acemoglu, Johnson et Robinson 2001. NB : Les noms des pays, abrégés dans cette figure, sont donnés en entier dans la liste des abréviations fournie au début du pré- sent ouvrage. Cette figure est une représentation graphique de la profondeur des systèmes financiers de 63 pays, tel que mesuré par le ratio crédit privé/PIB sur un indice de la mortalité des colons (logarithme du nombre annuel de décès pour 1000). Les pays africains sont représentés par les points en couleur plus foncée. Toutes les données se rapportent à 2004. deux derniers remontant au 19e siècle. Les bourses les plus anciennes ont aussi le plus grand nombre d'actions cotées. Ces cinq bourses, et celles éta- blies en 1988 et 1989 au Botswana, au Ghana et à Maurice, étaient les seules à avoir une capitalisation boursière en fin 2004 dépassant 10 % du PIB, bien que la capitalisation boursière augmente ces dernières années (figure 2.15). Les données sur les négociations boursières mettent en lumière un as- pect différent de la contribution des bourses des valeurs dans les pays en développement. Cette contribution est influencée par la liquidité du mar- ché secondaire et par la mesure dans laquelle une large proportion des ac- tions négociées sur les marchés en développement est effectivement im- mobilisée dans les participations stratégiques des actionnaires majoritaires et n'est normalement pas négociable. Dans ce contexte, il convient de re- lever que les fonds effectivement levés sur ces marchés -- comme sur la plupart des marchés financiers14-- ne représentent qu'une infime fraction de la capitalisation boursière. Les huit bourses les plus anciennes enre- gistrent aussi la majorité des négociations les plus actives, représentant une valeur oscillant autour de 2 % du PIB au cours des dernières années (ta- bleau 2.4 ; voir aussi figure 2.15). Or même ces bourses africaines les plus LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 51 FIGURE 2.15 : Places boursières africaines : Capitalisation et valeur négociée en pourcentage du PIB 30 5 25 4 PIB 20 PIB du 3 du 15 2 10 Pourcentage Pourcentage 1 5 0 0 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Année Capitalisation du marché boursier/PIB (côté gauche) Valeur totale négociée sur le marché boursier/PIB (côté droit) Source : Données compilées à partir de rapports publiés des places boursières. Note : Cette figure indique le niveau médian des valeurs négociées dans huit marchés boursiers les plus actifs, hormis Johannes- burg, c'est-à-dire : Botswana, Côte d'Ivoire, Ghana, Maurice, Mozambique, Namibie, Nigéria et Zimbabwe. dynamiques (hormis Johannesburg) ne peuvent être considérées comme ayant un niveau de négociation élevé. Abstraction faite de Johannesburg, le chiffre d'affaires sur toutes ces places est inférieur à 15 % de la capitali- sation boursière. La Bourse de Maputo n'a enregistré aucune négociation en 2004. Le faible niveau du chiffre d'affaires est à la fois la cause et la consé- quence du manque de liquidité, comme l'indiquent les grands écarts entre les ordres d'achat et les ordres de vente et la forte volatilité des cours. Ce manque d'opérations s'auto-renforce quelque peu, puisque le volume des opérations ne justifie pas l'investissement dans les technologies de la part soit de la bourse elle-même soit des courtiers qui y exercent. Le faible ni- veau des opérations de négociation décourage les inscriptions à la cote et la levée des fonds sur les places boursières. Même la connexion de diffé- rents centres par voie électronique (comme par exemple à la BRVM, ou en Namibie dont la bourse est aujourd'hui connectée par voie électronique à la Bourse de Johannesburg) ne peut garantir davantage de négociations ou de liquidités. En procédant à une comparaison au plan international des indicateurs composites du développement des marchés boursiers (fondée sur les données disponibles pour essentiellement 7 ou 8 des bourses africaines 52 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE TABLEAU 2.4 : Bourses des valeurs en Afrique Semaines sans Concen- Nombre Capitalis. Valeur Chiffre variation tration d'obligations Année Entreprises boursière négociée d'affaires des cours des de sociétés de Pays cotées % du PIB % du PIB % % du total entreprises cotées création Afrique du Sud 403 170,5 76,5 44,9 13 06 -- 1887 Botswana 25 27,2 0,6 2,1 -- 0,21 17 1989 Côte d'Ivoire (BRVM) 39 12,3 0,3 2,5 -- 0,21 -- 1976 Ghana 30 23,7 0,8 3,2 70 0,12 3 1989 Kenya 47 26,1 2,1 7,9 41 0,20 -- 1954 Malawi 8 9,2 1,3 14,1 -- -- 0 1996 Maurice 41 36 1,6 4,4 48 0,12 1 1988 Mozambique 1 3 0 0 -- -- -- 1999 Namibie 13 6,9 0,3 4,7 57 0,39 4 1992 Nigéria 207 16,7 2,3 13,9 67 08 -- 1960 Ouganda 5 1,4 0 0,2 -- -- -- 1998 Swaziland 6 8,3 0 0 -- -- 2 1990 Tanzanie 6 6,2 0,2 2,5 -- -- 6 1998 Zambie 13 8 0,1 1,5 -- -- 0 1994 Zimbabwe 79 41,3 2,9 7 37 08 -- 1896 Sources : Base de données sur les structures financières ; base de données de la Banque mondiale sur le développement du secteur financier. NB : -- = non disponible. Toutes les données se rapportent à 2005, à l'exception de celles du Malawi qui se rapportent à 2002 et de la colonne des pourcentages de semaines sans variation des cours dont les données se rapportent à la période 2000-2004. Les semaines sans variation des cours représentent la mesure de la moyenne, pour toutes les sociétés, du pourcentage de se- maines au cours desquelles aucune variation des cours n'a été enregistrée -- indiquant la pénurie de liquidité. La concentration des entreprises est mesurée par l'indice Herfindahl de la capitalisation boursière des entreprises inscrites à la cote. Les cotations secondaires ne sont pas incluses ; par exemple, les données sur le Malawi excluent les cotations croisées d'Old Mutual. seulement), il apparaît que les principales bourses africaines se situent en dessous de la moyenne des pays en développement notamment en ce qui concerne l'efficacité, par opposition à la taille, la stabilité et l'accès des émetteurs (figure 2.16)15. Les sept autres marchés boursiers, tous établis depuis 1989, sont de faible ampleur à tout point de vue. Les petits pays africains ont tendance à ne pas avoir de marchés organisés et à ne pas en- visager d'en créer. La taille réduite des marchés boursiers africains et la pénurie de liqui- dité reflètent en partie les faibles niveaux de l'activité économique, ce qui fait qu'il est difficile d'atteindre une taille minimale ou une masse critique nécessaire pour être efficaces, et en partie aussi la situation et la fiabilité des comptes des sociétés. Plusieurs bourses établies vers la fin des années 80 et 90 l'étaient essentiellement pour faciliter le processus de privatisa- tion, dans l'espoir d'attirer des investissements grâce à la modernisation et au transfert de technologie que ces derniers pouvaient entraîner (Moss, 2003). À titre d'exemple, la Bourse de Maputo a été établie dans le cadre LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 53 FIGURE 2.16 : Comparaison au plan international du développement des marchés boursiers ­ Principales bourses africaines comparées à celles d'autres pays en développement Accès Stabilité Efficacité Taille Pays en développement Afrique subsaharienne Afrique subsaharienne, hormis Afrique du Sud Source : Base de données de la Banque mondiale sur les indicateurs du développement du secteur financier. Note : Cette figure présente les résultats moyens des différents groupes de marchés boursiers par rapport aux pays à revenu éle- vé. Les pays en développement en général ont des marchés boursiers beaucoup moins importants que ceux des pays à revenu éle- vé, mais c'est surtout au plan de l'efficacité que les résultats des bourses africaines sont inférieurs à ceux des marchés boursiers des autres régions en développement. Les indicateurs composites sont définis dans Banque mondiale (2006). du processus de privatisation de la société nationale de brasserie du Mo- zambique. Cette dernière reste la seule société cotée à ladite bourse et doit en supporter les frais d'exploitation. La création des bourses ayant été dic- tée par des facteurs externes -- plutôt que par un besoin réel exprimé par le marché, que ce soit les investisseurs ou les émetteurs -- il n'est peut-être pas surprenant que nombre d'entre elles aient jusqu'ici peiné pour at- teindre une taille ou un niveau d'activité efficace. La fixation des cours sur l'ensemble de ces marchés semble inclure une prime de risque appréciable à en juger par exemple par le faible niveau des coefficients de capitalisation des bénéfices qui les caractérisent (Moss 2003 ; Senbet et Otchere 2006). Bien qu'ayant diminué ces dernières années, le plafonnement généralisé de la détention par des intérêts étrangers des ac- tions cotées contribue aussi au faible niveau des cours16. Les perceptions de risque élevé affectent tous les pays, y compris ceux ayant un environne- ment macroéconomique stable ; la plupart des pays manquent en effet de systèmes de notation de crédit souverain. Le risque perçu se reflète égale- ment dans le montant très bas des fonds levés au moyen de nouvelles 54 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE émissions, y compris les introductions en bourse et autres ventes publiques d'actions17. Les opérations d'émission reprennent toutefois. Le Ghana a enregistré cinq émissions de nouvelles actions en 2004, représentant 60 millions de dollars. L'introduction en bourse de la Kenya Electricity Generating Com- pany KenGen, en 2006 -- la première au Kenya en cinq ans -- a suscité une forte demande et un très grand intérêt du public, ce qui a permis de lever plus de 100 millions de dollars18. Au Nigéria, l'équivalent de près de 3 milliards de dollars de nouveaux capitaux a été levé sur le marché boursier de 2003 à 2005, en rapport avec les besoins en nouveaux capi- taux des banques. Les problèmes d'échelle d'activité concernant les actions se sont reflétés sur le marché des obligations ; seulement un nombre restreint d'obliga- tions privées a été inscrit à la cote, et peu de négociations sont enregistrées sur le marché secondaire. En Tanzanie, la capitalisation du marché des obligations de société est de l'ordre de 89 milliards de shillings tanzaniens (environ 90 millions de dollars), à comparer à la capitalisation du marché des actions qui s'élève à 2,3 mille milliards de shillings tanzaniens. Le Ghana compte trois obligations de société, mais 30 sociétés cotées. La capi- talisation du marché obligataire de la BRVM est d'un niveau relativement plus élevé -- environ un cinquième de la capitalisation du marché des ac- tions. La majorité des grandes émissions émane de l'État ou des sociétés d'État. Les négociations y sont d'un très faible niveau. Les États africains19 ont plus recours aux emprunts à l'étranger que sur le marché national, bien qu'environ la moitié des États ait émis de nom- breux instruments d'emprunts nationaux (tous n'étant pas négociés sur un marché structuré), et huit d'entre eux affichant un ratio dette/PIB dé- passant 20 %. Les banques ont tendance à être les plus gros porteurs, en- viron deux-tiers des actions étant détenus en dehors de la banque cen- trale. Avec des emprunts d'une échéance initiale maximale de 12 mois estimés à 87 %, les négociations sur le marché secondaire sont rares (Christensen 2004). Ce n'est que récemment que les émissions à plus long terme ont fait leur apparition (ou réapparition) sur certains marchés bour- siers. On notera particulièrement les émissions à échéance de 7 et 10 ans des banques régionales de développement, la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et la Banque de développement de l'Afrique de l'Est (BDAE), de même qu'une poignée d'obligations d'État et de société. L'absence de telles émissions dans la plupart des monnaies traduit l'ab- sence de bons taux de référence pour les financements à long terme (Irving, 2005). Sociétés d'assurance, fonds de pension et institutions d'épargne collective La pénétration des assurances est faible en Afrique, à l'exception notable de quelques pays d'Afrique australe, reflétant vraisemblablement la per- sistance dans cette sous-région des facteurs à l'origine du succès habituel LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 55 de ce sous-secteur au Royaume-Uni à l'époque coloniale (c'est-à-dire des facteurs sous-tendus en partie par la fiscalité). La plupart des pays ont des taux de pénétration des assurances (volume des primes rapporté au PIB) inférieurs à 1 %. Le faible niveau du revenu explique en grande partie le faible taux pénétration des assurances. L'instabilité monétaire et la défaillance des cadres contractuels y contribuent également. Dans la plupart des pays, le secteur des assurances se caractérise par la taille mo- deste et l'inefficacité de nombreuses institutions et une supervision lais- sant à désirer. Certains pays ont introduit un système national de sécurité sociale financé par capitalisation et des fonds de pension également financés par capitalisation au profit des fonctionnaires ; là où de tels systèmes et fonds existent, ils sont en phase d'accumulation. S'il est vrai que les évaluations actuarielles de plusieurs de ces régimes soulèvent des questions quant à leur viabilité à long terme en l'absence d'un changement de paramètres, pour le moyen terme, ils constitueront des sources de plus en plus importantes de fonds pouvant faire l'objet d'un placement. À ce jour toutefois, la plupart des compagnies d'assurance et des fonds de pension ont in-vesti essentiellement dans l'immobilier, les titres d'État et les dépôts bancaires et comparativement moins dans les actions et les obligations de société (tableau 2.5). TABLEAU 2.5 : Composition du portefeuille de quelques compagnies d'assurance vie et fonds de pension Liquidités, Actions Biens dépôts, Effets ordinaires immobiliers Pays Fonds etc. (%) publics (%) (%) (%) Autres (%) Date Ghana Fonds de sécurité sociale et d'assurance nationale 8 7,2 19,4 35 30,4 1999 Ghana Assurance 21 14,2 5 14,8 45 1999 Kenya Assurance 8,2 30,5 7,0 29,0 25,3 2001 Kenya Fonds national de sécurité sociale 7,3 2,0 10,9 68,8 11,0 2002 Nigéria Assurance vie 12,2 3,9 31,3 11,1 41,5 1999 Ouganda Fonds national de sécurité sociale 41,9 11,3 8,2 34,8 3,8 2000 Sénégal Assurance vie 30,9 12,7 25 8,5 22,9 1999 Sénégal IPRES (fonds de pension public) 81,8 8,6 9,6 0 0 2000 Tanzanie Fonds national de sécurité sociale 26 25 6 24 19 2002 Tanzanie Fonds de pension parapublic 34 7 7 37 15 2002 Source : Archives de la Banque mondiale. Les données se rapportent à différentes années sur la période 1999-2003. 56 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Financements à terme Une autre caractéristique notable des systèmes financiers africains est le fait que toutes les institutions financières et tous les marchés des capitaux privilégient les créances à court terme. L'illustration en est la prédomi- nance des effets publics à court terme sur ceux à long terme. Christensen (2004) a constaté que l'échéance moyenne des effets publics dans 15 pays africains était de seulement 231 jours. Quatre de ces pays avaient une échéance moyenne de moins de quatre mois, contre cinq ans et demi dans les pays développés. Cette absence de financement public à long terme peut tenir à la réticence observée par les deux parties négociantes. Il ne fait pas de doute qu'au regard de la volatilité à l'échelle du système dont nous avons déjà parlé, les créanciers se satisfont davantage d'un accord qui leur laissent la possibilité de décider s'il faut reconduire des avances à court terme, en fonction de l'évolution de la conjoncture. Mêmes si les emprun- teurs pouvaient obtenir des crédits à long terme, ce serait à des conditions peu avantageuses. Cette focalisation sur le court terme se retrouve au niveau des prêts du secteur privé et des dépôts. Au Mozambique, seule- ment 35 % du portefeuille des emprunts libellés en monnaie nationale et 28 % du portefeuille des emprunts libellés en devises sont assortis d'une éché-ance initiale supérieure à un an. En Ouganda, 35 % du volume des prêts est assorti d'une échéance initiale supérieure à un an, concentrée dans 12 % de l'ensemble des prêts et lesquels sont majoritairement financés par des lignes de crédit ouvertes par des bailleurs de fonds. Il en est de même des dépôts. En Ouganda, seulement 0,4 % des dépôts à terme ont une échéance initiale supérieure à un an. Quelques éléments factuels venant des usagers permettent cependant de ne pas dresser un tableau aussi sombre. Des enquêtes menées auprès des entreprises donnent à penser que les crédits bancaires accordés aux so- ciétés en Afrique ont la même durée, sinon une durée plus longue, que ceux qui sont accordés dans d'autres régions. L'entreprise moyenne dans l'économie africaine médiane fait état de crédits bancaires d'une échéance de 45 mois, contre 36 mois en Asie du Sud, 40 mois en Amérique latine et 52 mois dans les pays à revenu élevé. L'absence de financement du logement dans la plupart des économies africaines illustre la disponibilité limitée des financements à terme. Certes le stock de financement du logement en Namibie et en Afrique du Sud at- teint 18 à 20 % du PIB, mais les chiffres des autres pays dont les données sont disponibles ne dépassent pas 2 % (Mali, Rwanda, Sénégal) ou 1 % (Ghana, Ouganda et Tanzanie)20. Ces chiffres ne sont pas seulement bas par rapport au PIB, mais également en pourcentage du crédit privé total. Outre les facteurs généraux liés à la confiance qui ne favorisent pas la crois- sance du financement à terme, de nombreux facteurs spécifiques entravent le développement du crédit hypothécaire, y compris l'absence de systèmes efficaces d'enregistrement des titres et des garanties. Les efforts déployés par nombre de pays africains pour s'attaquer au fil des ans à la rareté du fi- nancement du logement par le biais d'intermédiaires publics spécialisés en la matière se sont soldés par une répartition inégale des subventions en LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 57 faveur d'un petit nombre d'emprunteurs bénéficiant de nombreux appuis. Comme d'autres institutions financières publiques de développement, plusieurs de ces institutions sont devenues insolvables et leurs caisses ont dû être renflouées, comme en Côte d'Ivoire, au Niger, au Rwanda, en Tanzanie et ailleurs. Financement des ménages ouvert Les besoins en services financiers des ménages à faible revenu en Afrique -- longtemps exclus du système financier formel -- commencent à béné- ficier de plus d'attention de la part des pouvoirs publics, des ONG et même des banques. L'expansion rapide de la microfinance formelle et semi-for- melle et les mutations politiques intervenues en Afrique du Sud ont été les principaux facteurs de ce changement. S'il est vrai que la fermeture de certaines banques d'État à grand rayon d'action pourrait avoir réduit l'accès des ménages au crédit dans certains pays, le secteur de la microfinance a cependant enregistré une croissance. Prendre également en compte l'efficacité constante de certains bureaux de poste en matière de prestation de services bancaires et rassembler les in- formations disponibles permettent d'établir des estimations approxima- tives du pourcentage de la population adulte disposant d'un compte ban- caire ou d'un compte de type similaire. Dans le pays africain médian ce chiffre est inférieur à 20 %. Un pourcentage inférieur à celui des autres ré- gions, mais l'écart est peut-être moins important pour cet aspect du finan- cement qu'il ne l'est pour d'autres (figures 2.17 et 2.18)21. Dans une large mesure, les faibles pourcentages d'accès reflètent la conjoncture écono- mique générale (le revenu par habitant peut expliquer une large fraction de la variation de l'accès d'un pays à un autre). Toutefois, les chiffres de l'accès en Afrique restent inférieurs d'environ 2 points de pourcentage en moyenne, chiffre qui n'est pas statistiquement significatif. La représentation cartographique des pourcentages d'accès estimés montre combien l'accès varie (carte 2.4). Outre les pourcentages relative- ment élevés en Afrique du Sud, au Botswana et à Maurice, les pourcen- tages estimatifs d'accès sont relativement élevés en Angola, au Bénin, au Gabon et au Niger, de même qu'au Zimbabwe. Plusieurs des plus gros in- termédiaires financiers en nombre de clients sont des caisses d'épargne postales (même en tenant compte du fait que certains comptes sont inac- tifs). Même s'ils n'ont pas tous été toujours efficaces durant leur longue existence, certains ont été redressés avec succès, et ils restent des acteurs très importants sur le marché pour ce qui est des services de dépôts et de paiements de faible montant. Il convient de souligner que ces estimations ne sont pas censés inclure la finance informelle de type classique. Par ailleurs, la plupart des Afri- cains -- peut-être jusqu'à 80 % -- font partie des groupes de finance- ment informels. Bien que ces services financiers informels soient impor- tants, ils ne sont pas l'objet du présent ouvrage. On peut se faire une idée 58 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 2.17 : Accès au crédit, cas régionaux extrêmes, médians et moyens 100 90 adulte 80 70 population 60 la de 50 40 30 Pourcentage 20 10 0 Afrique Asie de Europe et Amérique Moyen- Asie l'Est et Asie centrale latine et Orient et du Sud Pacifique Caraïbes Afrique du Nord Source : Honohan 2006. Note : Cette figure présente les pourcentages de la population adulte ayant accès à un compte. Elle indique les valeurs moyenne, médiane, maximale et minimale des pays dans chacune des régions. La médiane est supérieure à la moyenne dans les régions Amérique latine et Caraïbes et Moyen-Orient et Afrique du Nord, la moyenne est supérieure à la médiane dans les autres régions. plus approfondie de l'accès des ménages aux services financiers moyen- nant des enquêtes, et une nouvelle série d'enquêtes sur la finance est en cours. Jusqu'ici, ces types de données ne sont disponibles que pour une poignée de pays africains, tous situés au sud du fleuve Limpopo. Ces faibles pourcentages d'accès tiennent à de nombreux facteurs. La faible densité de la population et les lacunes des réseaux de communica- tion et de transport qui caractérisent la plupart des économies africaines -- pas toutes certes -- augmentent vraisemblablement le coût des échanges commerciaux entre les différents agents de l'économie, puisque les per- sonnes, les biens et les services doivent parcourir de longues distances. En outre, la plupart des pays d'Afrique subsaharienne ont un plus faible taux de pénétration aussi bien démographique que géographique des agences et des guichets automatiques de banques que les pays en développement d'autres régions. D'autre part, les difficultés pour mettre en place et main- tenir des réseaux de communication et de transport exacerbent les effets négatifs des économies à population éparse en augmentant davantage le coût des échanges. L'Afrique a la plus faible densité des routes parmi toutes les régions, à l'exception notable de l'Asie du Sud (dont la densité de la po- pulation est en revanche beaucoup plus élevée). Les récents progrès et in- novations technologiques, tels que les agences mobiles ou les services LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 59 FIGURE 2.18 : Accès au financement à travers les pays 100 (%) 80 financement 60 au l'accès 40 de 20 Indicateur 0 pays Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Honohan 2006. Note : Cette figure présente les pourcentages estimatifs des ménages ayant accès à des services financiers formels dans 158 pays. Les pays africains sont représentés par les parties en couleur. bancaires itinérants (par téléphone portable22) permettent de limiter cet obstacle, comme on le voit plus en détail au chapitre 4. La capacité à s'offrir ces services constitue un autre obstacle. Les faibles niveaux des revenus et le manque de rentrées financières régulières ren- dent une très large couche de la population « non bancable » aux yeux des prestataires de services financiers classiques tels que les banques. Du point de vue de la demande, le niveau élevé des soldes bancaires mini- mums et des frais mensuels peut empêcher des couches importantes de la population d'avoir accès aux services financiers formels23. En Éthiopie, en Ouganda et en Sierra Leone, il faut une somme équivalant à plus de 50 % du PIB par habitant pour ouvrir un compte chèques. Au Malawi, en Ou- ganda, en Sierra Leone et au Zimbabwe, les frais annuels associés à un compte chèques s'élèvent à plus de 20 % du PIB par habitant24. Ce chiffre est à comparer à ceux de nombre de systèmes financiers des pays en déve- loppement ou des pays avancés qui n'imposent ni un solde minimum ni des frais pour les usages courants d'un compte chèques (Beck et Demirgüç- Kunt 2006)25. L'admissibilité constitue un autre obstacle à l'accès aux services finan- ciers. Au Swaziland, aux termes de la loi, une femme ne peut être partie à un contrat (par exemple en ouvrant un compte bancaire ou en contractant 60 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE CARTE 2.4 Accès des ménages au crédit < 20 % 20­30 % 30­40 % > 40 % Sources : Honohan 2006, les données supplémentaires sur la Guinée Bissau provenant de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, et estimations des services de la Banque mondiale en ce qui concerne le Tchad, la Guinée équatoriale et la Somalie. un prêt) qu'avec le consentement de son père, son époux ou tout autre membre de sexe masculin de sa famille. Cette disposition de la loi pourrait expliquer la différence notable, entre les hommes et les femmes, concer- nant la détention des comptes bancaires -- 52 % chez ceux-là et seule- ment 30 % chez celles-ci. Les pièces exigées pour ouvrir un compte ban- caire peuvent aussi représenter un obstacle majeur. Les conditions à remplir pour ouvrir un compte semblent plus lourdes en Afrique que par- tout ailleurs. Dans nombre de pays africains, pour pouvoir ouvrir un compte bancaire, les nouveaux clients doivent disposer d'une pièce per- mettant de les identifier, d'une fiche de paie, d'une lettre de référence et d'une preuve de résidence. Ces conditions sont à comparer à celles de bien de pays non africains où seulement une ou deux de ces pièces sont exigées (Beck et Demirgüç-Kunt 2006). L'obtention desdites pièces peut s'avérer difficile. Au Nigéria, les passeports ne sont délivrés que pour des motifs de voyage approuvés. Seuls les chauffeurs ont droit à un permis de conduire et la preuve d'une adresse résidentielle légalisée n'est pas délivrée aux po- pulations des zones rurales ou pour des quartiers informels (Truen et autres 2005). L'exigence de la preuve d'un revenu formel exclut tout le monde, à l'exception des fonctionnaires et des salariés des moyennes et grandes entreprises. Les lois contre le blanchiment de capitaux peuvent avoir une incidence non négligeable sur l'accès aux services financiers, en durcissant les conditions régissant les pièces à présenter et en empêchant les institutions financières novatrices de contourner ces exigences clas- siques concernant l'identité des clients. Chamberlain et Walker (2005) es- timent que 35 % des adultes en Namibie et 30 % en Afrique du Sud ne LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 61 sont pas en mesure de fournir la preuve d'une adresse physique telle qu'exigée par les lois contre le blanchiment de capitaux. La situation est encore pire au Swaziland, pays à faible revenu, où 75 % des adultes ne disposent pas d'une adresse vérifiable. Il y a, enfin, l'obstacle que représentent les caractéristiques inappro- priées des produits proposés. Les comptes bancaires avec toutes les options peuvent être non seulement onéreux mais aussi inappropriés pour nombre d'Africains qui n'ont besoin que de comptes d'opérations ou d'épargne simples. Les comptes chèques et les découverts dont ils sont assortis peu- vent entraîner un surendettement, surtout pour les individus dont les re- venus et les besoins de dépenses sont irréguliers. Sous l'effet notamment des pressions politiques, les banques du continent proposent depuis quelque temps des comptes d'opérations plus simples. Introduit en Afrique du Sud avec la charte du secteur financier, le compte Mzansi est à l'origine de l'ouverture de 1,3 million de nouveaux comptes en neuf mois, soit une augmentation de 10 % de la population « bancarisée ». Les banques au Kenya, en Ouganda et dans d'autres pays ont introduit de nouveaux types de comptes, comme on le voit plus en détail au chapitre 4. Plusieurs services financiers sont non seulement onéreux et inadaptés pour les clients peu fortunés, mais aussi de piètre qualité. D'après des en- quêtes réalisées auprès des entreprises, il faut cinq jours pour compenser un chèque en Afrique du Sud et en Ouganda, et sept jours au Mozambique -- plus de temps qu'il n'en faut pour effectuer un virement télégraphique international. Par contre, il en faut deux dans la plupart des pays d'Amé- rique latine. Il existe moins d'obstacles en termes de capacité d'accès, d'admissibilité et d'adéquation du produit chez les intermédiaires financiers non ban- caires s'intéressant aux ménages à faible revenu. Au nombre de ces inter- médiaires figurent les caisses d'épargne postales, les coopératives d'épargne et de crédit et d'autres types d'institutions financières mutualistes et autres prestataires formels ou semi-formels de services de microfinance. C'est par conséquent à ces intermédiaires que la majorité des ménages africains ont recours. Les entreprises accordent une grande valeur à des services financiers de meilleure qualité S'il est une seule donnée statistique issue d'une enquête qui justifie que le développement mette l'accent sur la finance, c'est bien le constat sui- vant : plus d'entreprises en Afrique que dans toute autre région (figure 2.19) mentionnent l'accès au crédit et son coût comme un obstacle de taille à leur fonctionnement et leur croissance26. Ce constat se dégage des enquêtes menées auprès des entreprises qui nous ont permis d'évaluer les contraintes auxquelles elles sont soumises et les modèles de financement qu'elles appliquent depuis le début des années 90. Ici, nous nous ap- puyons sur les travaux les plus récents que sont les enquêtes de la Banque 62 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE mondiale sur le climat de l'investissement, qui permettent également une évaluation comparative au plan international des entreprises africaines. Certaines similarités, mais aussi des différences frappantes, se dégagent des modèles de financement des entreprises en Afrique et dans les autres régions, comme on peut le voir à la figure 2.20. Les entreprises africaines financent près de 68 % de leurs besoins d'investissement au moyen des fonds internes, soit plus que les entreprises d'Amérique latine et d'Asie, mais moins que les entreprises du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, de l'Europe et de l'Asie centrale. Les entreprises en Afrique financent une plus petite proportion de leurs investissements au moyen de crédits ban- caires que les entreprises d'Asie de l'Est et d'Amérique latine, mais une proportion plus importante que les entreprises du Moyen-Orient, d'Eu- rope, d'Asie centrale et d'Asie du Sud. Toutefois, les entreprises en Afrique financent moins d'investissements sur fonds propres que les entreprises de toute autre région -- ce qui reflète plus vraisemblablement le faible déve- loppement des marchés financiers -- et elles financent moins d'investisse- ments sur crédit commercial que les entreprises de toute autre région, ce qui pourrait traduire des niveaux de confiance peu élevés. FIGURE 2.19 : Obstacles à l'accès au crédit à travers les régions Afrique subsaharienne Asie du Sud Moyen-Orient & Afrique du Nord Amérique latine & Caraïbes Europe & Asie centrale Asie du l'Est & Pacifique 0 1 2 3 4 Pas échelle Très d'obstacle sérieux obstacles Coût du financement Accès au financement Source : Enquêtes de la Banque mondiale sur le climat de l'investissement. Note : Cette figure présente les notations moyennes de l'accès au crédit et de son coût comme obstacles à l'exploitation et au dé- veloppement des entreprises interrogées. La notation reposait sur une échelle de 5 points où : 0 = pas d'obstacle, 1 = obstacle mi- neur, 2 = obstacle moyen, 3 = obstacle majeur et 4 = Très grand obstacle. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 63 FIGURE 2.20 : Sources de financement des investissements à travers les régions Source : Enquêtes de la Banque mondiale sur le climat de l'investissement. Note : Cette figure présente les proportions moyennes de différentes sources de fonds destinés au financement de nouveaux in- vestissements des entreprises du secteur manufacturier. Le faible recours au crédit commercial pourrait sembler surprenant parce que le crédit fournisseur a souvent été perçu comme une solution de remplacement au crédit bancaire (Fisman et Love 2003). Les petites entre- prises en particulier peuvent bénéficier du crédit fournisseur de grandes entreprises si ces dernières ont accès au crédit bancaire. En outre, le fait que le crédit commercial se fonde sur des informations circonstancielles et qu'il soit associé aux transactions réelles devrait le rendre particulièrement attrayant dans un environnement si hostile au crédit bancaire formel. Le crédit commercial doit être plus indiqué parce qu'il constitue un méca- nisme bien plus souple que les relations bancaires formelles face aux chocs inattendus. Nous examinons plus bas la mesure dans laquelle le crédit commercial intérieur à une échelle réduite se limite à des réseaux opérant en grande partie au sein de communautés ethniques bien précises, notam- ment en réponse à un cadre des affaires difficile (Eifert, Gelb et Rama- chandran 2006). 64 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Comme ailleurs, les petites entreprises en Afrique ont moins recours à des sources de financement formelles extérieures que les grandes entre- prises (Beck, Demirgüç-Kunt et Levine 2004). Force est de constater que l'absence de demandes de financements extérieurs formels ne varie pas de façon significative en fonction de la taille de l'entreprise (voir tableau 2.6). Mais la taille de l'entreprise contribue à l'allègement des contraintes de fi- nancement, d'où l'augmentation de la probabilité que la demande de cré- dits ne soit pas satisfaite à mesure qu'on passe d'une grande entreprise à une entreprise moyenne, puis à une petite entreprise et enfin à une mi- croentreprise. Des recherches antérieures s'appuyant sur des évaluations du climat de l'investissement ont établi qu'une large proportion des entreprises ne sol- licite pas de crédit. Les chercheurs en ont déduit que les entreprises -- sur- tout les petites -- ne demandent pas de crédit. La recherche des raisons profondes de cet état de chose aboutit à des conclusions bien plus nuan- cées. Le tableau 2.6 indique les pourcentages représentant trois catégories d'entreprises : celles qui sollicitent et reçoivent un crédit ; celles qui n'en sollicitent pas ; et troisièmement celles qui ont des difficultés à accéder au crédit, c'est-à-dire celles qui ont sollicité un crédit et ont vu leur demande rejetée ou celles qui n'en n'ont pas sollicité parce qu'elles ne disposaient pas de suffisamment de garanties, ou parce que le processus de demande était trop compliqué ou les taux d'intérêt trop élevés, ou encore parce qu'elles s'attendaient tout simplement à ce que leur demande soit rejetée. Le fait d'ajouter les entreprises exclues malgré elles du marché du crédit à la catégorie des entreprises ayant sollicité un crédit sans en obtenir non seulement réduit la proportion des entreprises qui ne sollicitent pas de cré- dit, mais fait également des entreprises ayant des difficultés à accéder au crédit le plus grand groupe parmi les petites entreprises. Au-delà du constat que les petites entreprises ont moins accès aux ser- vices financiers, de nombreux observateurs du financement des entre- prises en Afrique ont formulé des commentaires sur le phénomène du chaînon manquant : les moyennes et grandes entreprises ont accès aux institutions financières formelles, tandis que les microentreprises ont gé- néralement accès aux institutions de microfinance (Kaufmann 2005 et TABLEAU 2.6 : Demande de crédit et difficultés des entreprises africaines à y accéder Petites entreprises Entreprises moyennes Grandes entreprises Ont obtenu un crédit (%) 24,8 % 32 % 55,6 % N'ont pas sollicité de crédit (%) 34 % 39,8 % 32,5 % Ont des difficultés à accéder au crédita (%) 41,2 % 28,2 % 11,9 % Source : Enquêtes d'évaluation du climat de l'investissement de la Banque mondiale. Note : Les calculs se fondent sur des enquêtes menées au Kenya, à Madagascar, en Ouganda et au Sénégal. Les petites entre- prises comptent moins de 25 salariés, les entreprises moyennes en comptent entre 26 et 100 et les grandes plus de 100. a. Inclut les entreprises qui ont sollicité un crédit et ont vu leur demande rejetée et celles qui n'ont pas sollicité de crédit parce qu'elles a) n'avaient pas suffisamment de garanties, b) ont trouvé le processus de demande trop compliqué, c) ont trouvé les taux d'intérêt trop élevés, ou d) s'attendaient à ce que leur demande soit rejetée. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 65 Sacerdoti 2005). Mais les microentreprises en expansion ont du mal à se développer parce que les institutions de microfinance ne sont pas en me- sure d'augmenter les prêts qu'elles leur octroient (en raison du manque de fonds ou des plafonds réglementaires imposés au montant maximum des prêts), et les banques et les sociétés de financement ne considèrent pas ces microentreprises comme étant suffisamment formelles pour leur accorder des crédits. Les garanties et les pièces exigées sont souvent la principale cause de la réticence des banques à consentir des prêts à cette catégorie d'entreprises. L'un des problèmes auxquels sont confrontées de nombreuses entre- prises dans les pays de l'Afrique subsaharienne, comme beaucoup d'autres pays en développement, est l'exigence de garanties élevées, dépassant par- fois les 100 %. En moyenne, 83 % des entreprises d'Afrique subsaha- rienne doivent fournir aux prêteurs une garantie ou un dépôt, une pro- portion similaire à celle d'autres régions du monde. L'absence de garanties suffisantes est mentionnée par nombre d'entreprises comme étant la rai- son pour laquelle elles ne sollicitent pas un crédit ou pour laquelle leur de- mande a été rejetée. Dans le pays africain médian, les entreprises devant fournir des garanties, doivent constituer un nantissement représentant 135 % de la valeur du crédit. Ce chiffre est certes inférieur à celui du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et de l'Europe et de l'Asie centrale, mais il est beaucoup plus élevé que celui de l'Asie de l'Est et du Sud. De nombreux produits financiers disponibles dans les économies avan- cées ne sont pas proposés sur le marché africain. Lorsque cette lacune ne tient pas aux problèmes plus généraux liés au cadre des affaires, y compris la garantie des droits de propriété, elle peut être due à l'échelle d'activité réduite. Dans certains cas, des solutions techniques, telles qu'un texte de loi spécifique ou l'amélioration du cadre d'information, peuvent s'avérer utiles. Ce dernier point est particulièrement pertinent en ce qui concerne les produits pouvant éventuellement compenser les autres lacunes du cadre général plus difficiles à corriger, surtout pour les petites entreprises qui se retrouvent dans le chaînon manquant. Le crédit-bail est un outil efficace pour financer les petites et moyennes entreprises (PME) parce qu'il se sert de l'actif sous-jacent et des flux de tré- sorerie qu'il génère comme garantie plutôt que du patrimoine de l'entre- prise et du propriétaire. Le crédit-bail s'est développé dans certains pays africains, souvent sous l'impulsion de la Société financière internationale (SFI), mais il continue parfois de se heurter aux complications fiscales ou aux incertitudes réglementaires en raison de l'absence de textes de loi spé- cifiques. Bien qu'il présente l'avantage que le bailleur (prêteur) est le pro- priétaire de l'équipement loué à bail, cela ne se traduit pas toujours par un recouvrement rapide en cas de défaillance, en raison de la complexité des procédures des tribunaux, à laquelle vient généralement s'ajouter l'ineffi- cacité de l'appareil judiciaire, si ce n'est la corruption. L'affacturage -- qui n'est pas une technique de prêt à proprement par- ler -- consiste au rachat de créances par le prêteur ou l'affactureur. Pour les petites entreprises détenant des créances sur les grandes entreprises de bonne réputation, cette technique de financement ne requiert pas 66 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE d'informations sur l'« emprunteur » mais plutôt sur le débiteur obligataire. En interprétant les conclusions des enquêtes, il est important de recon- naître que les entreprises interrogées dans le cadre des évaluations du cli- mat de l'investissement sont surtout des entreprises formelles du secteur manufacturier. Les entreprises opérant dans le domaine de l'agriculture en particulier, si essentielle au bien-être économique actuel de la majeure partie de l'Afrique (Figure 2.21), sont sous-représentées. Il ne fait pas de doute que l'accès au crédit et à d'autres services financiers et encore plus restreint dans le secteur agricole que dans tout autre secteur, et plus res- treint dans les zones rurales que dans les zones urbaines. L'essentiel de l'ac- tivité agricole, surtout l'agriculture de subsistance consacrée aux cultures de base, ne se prête pas aux produits de prêt classiques. Il lui faut donc des solutions novatrices, comme on le montre au chapitre 4. Mais même les producteurs de cultures de rente ont du mal à s'assurer des financements extérieurs en raison de la fréquence des mauvaises récoltes et de la volati- lité des prix. FIGURE 2.21 : Proportion du PIB représentée par l'agriculture à travers les pays 60 PIB) du (% 40 ajoutée valeur 20 Agriculture, 0 Pays Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Base données de la Banque mondiales sur les indicateurs du développement dans le monde. Note : Cette figure indique la contribution de l'agriculture (valeur ajoutée) au PIB de 99 pays. Les pays africains sont représentés par les parties en couleur. Toutes les données se rapportent à 2005. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 67 Comme pour le crédit aux ménages, le caractère informel constitue gé- néralement un obstacle de taille à l'accès à des sources de financement for- melles, surtout en l'absence de documents officiels attestant de la pro- priété des biens immeubles pouvant servir de nantissement. On ne peut contraindre des entreprises non enregistrées officiellement à rembourser des créances contractuelles. L'activité économique informelle est en outre disproportionnellement importante en Afrique27 (figure 2.22). Il ne fait aucun doute que ce secteur aussi est privé de financements formels, n'y ayant accès qu'indirectement (par exemple, par le biais de l'aide d'amis ou de membres de la famille -- y compris les fonctionnaires qui ont accès au crédit bancaire sous forme d'avances sur salaire). FIGURE 2.22 : Proportion du PIB représentée par les activités informelles à travers les pays 80 60 PIB) secteur (% du 40 valeur la l'économie de de 20 informel Estimation 0 Pays Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Base de données Doing Business de la Banque mondiale Note : Cette figure indique la valeur estimative du secteur informel de l'économie, en proportion du PIB, les pays africains sont représentés par les parties en couleur. Toutes les données se rapportent à 2005. 68 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Notes 1. Tout au long de cet ouvrage, par « Afrique » on entend l'Afrique subsaha- rienne. 2. Une récente découverte intéressante est que le niveau de pauvreté élevé semble associé à de faibles taux d'investissement national ultérieurs, mais seu- lement dans les pays ayant des systèmes financiers dont de faibles niveaux de densité (Lopez et Serven, 2005). 3. Il ne faut cependant pas faire abstraction des limites de chacun de ces indica- teurs. Les deux représentent une valeur quantitative et n'indiquent pas l'effi- cacité de la prestation des services financiers ou leur qualité. D'autre part, ils mesurent tous deux des agrégats financiers et, à ce titre, ils ne donnent au- cune indication de l'accessibilité des services financiers par les différents agents de l'économie -- ce sur quoi nous reviendrons ultérieurement. 4. Même si un pays africain ayant une très faible note n'est pas significatif du point de vue statistique, l'analyse du modèle des cas extrêmes est significative. 5. La faible densité des systèmes financiers au sein des deux regroupements mo- nétaires de la zone CFA -- Communauté financière d'Afrique (Afrique de l'Ouest) et Coopération financière en Afrique centrale (Afrique centrale) -- en dépit de l'inflation modérée -- date de longtemps. La relative ouverture du compte de capital et la crainte de la dévaluation de la monnaie ont par le passé été présentées comme explications de cette situation, bien qu'aucune d'elle n'ait aujourd'hui autant de force qu'elle en aurait eu avant la dévalua- tion de 1994. Le terme « zone CFA » utilisé dans la présente étude renvoie aux deux regroupements. 6. Le niveau des dépôts offshore peut aussi être associé à des facteurs non liés à la fuite des capitaux, tels que l'emploi de fonds par les multinationales ou les exportateurs. Toutefois, le niveau de la fuite des capitaux peut être sous-es- timé par rapport à celui des dépôts offshore, car le premier n'inclut pas la fui- te des capitaux par des voies non bancaires. 7. Dans les explications qui suivent, en raison des données disponibles, nous uti- liserons les marges (l'intérêt créditeur net rapporté au total des avoirs produc- tifs) plutôt que les spreads (la différence entre les taux débiteur et créditeur). Les marges sont généralement moins élevées que les spreads parce qu'elles ex- cluent les intérêts non payés sur les prêts non productifs. 8. Les autres principaux aspects sont les provisions pour pertes sur prêts et le re- venu non productif d'intérêts (par exemple les commissions). Ainsi, (d'une manière approximative), bénéfices avant impôts = marge d'intérêt nette + re- venu non productif d'intérêts ­ frais généraux ­ provisions pour pertes sur prêts. 9. Les données utilisées à cet effet correspondent à la période 2000-2004 et in- cluent les données concernant 2 157 banques de 110 pays, dont 174 banques de 20 pays africains. 10. En 1994, le niveau des prix en République démocratique du Congo (alors Zaï- re) avait augmenté de 240 fois. 11. La pratique consistant à constituer une sûreté générale sur l'ensemble des avoirs d'un emprunteur, observée dans plusieurs pays anglophones appli- quant le régime de Common Law, contribue également à lier l'emprunteur à LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 69 un prêteur particulier, compte tenu notamment du coût élevé de l'enregistre- ment de telles sûretés. 12. Force est de constater que les trois plus grandes banques du Nigéria ont pu conserver une aussi large part de marché, au regard de la prolifération, à par- tir des années 60, des banques (provinciales) appartenant aux États et, vers la fin de la décennie 80, des banques privées commerciales et d'investissement (Brownbridge et Harvey, 1998). La consolidation de 2005 se traduira proba- blement par une diminution de l'emprise des trois plus grandes banques sur le marché, même si cela n'affecte pas considérablement leurs parts de marché cumulées. 13. Par exemple, la moitié des valeurs cotées à la Bourse de Namibie le sont éga- lement à la Bourse de Johannesburg (un fait dont les causes sont à chercher dans la formulation précise des règles de contrôle de la Bourse namibienne, qui permettent de placer des fonds dans des sociétés qui sont avant tout sud- africaines à condition qu'elles soient cotées à la bourse locale ; se référer à Moss, 2003). Cinq autres places boursières -- celles du Botswana, du Ghana, du Malawi, Nigéria et de la Zambie (Lusaka) -- ont aussi des cotations princi- pales ou secondaires d'une ou deux sociétés cotées à Johannesburg. La plus grande société cotée à la Bourse du Ghana, AngloGold Ashanti, est en cotation principale à la Bourse de Johannesburg et est également cotée dans six autres bourses ; les titres d'AngloGold Ashanti se négocient en majeure partie à la Bourse de New York. Il existe aussi des cotations croisées entre les bourses d'Afrique de l'Est. 14. Certaines places boursières ont inscrit à la cote des entreprises n'ayant émis aucune nouvelle action ; l'évaluation boursière des entreprises peut aussi s'apprécier sans que celles-ci ne lèvent de nouveaux fonds. 15. Ces concepts sont décrits dans Banque mondiale (2006). 16. Ces règles concernent aussi bien le pourcentage maximum des actions ordi- naires de toute société qu'un investisseur étranger peut acquérir (5 % ou 10 % sur des places comme celles du Botswana, du Ghana, du Malawi, de la Tan- zanie et du Zimbabwe) que les plafonds du pourcentage total de la participa- tion d'un investisseur étranger au capital d'une société (ou au moins l'acquisi- tion du flottement libre par un investisseur étranger) -- il s'agit de 49 % au Malawi et au Zimbabwe, 55 % au Botswana, 60 % en Tanzanie (qui, avant 2004, n'autorisait pas l'investissement de portefeuille étranger dans des ac- tions ordinaires cotées en bourse ), 74 % au Ghana et 75 % au Kenya, par exemple. Il n'existe aucune restriction particulière sur la détention d'actions par des étrangers à Maurice, en Ouganda ou en Zambie. 17. La réticence des investisseurs nationaux à prendre des participations appré- ciables est illustrée par les émissions d'actions de la Produce Buying Company au Ghana en 2000, qui n'ont pas permis de lever les fonds escomptés auprès du secteur privé en général, ce qui a laissé au fonds de sécurité social une par- ticipation beaucoup plus élevée (49 %) que les 20 % initialement prévus. Moss (2003) présente les facteurs de risque que les investisseurs avaient pro- bablement à l'esprit. 18. Cette émission a été très largement couverte et les actions ont atteint une prime de 326 % sur le cours à l'émission le premier jour de la négociation. On comptait plus de 250 000 candidats à la souscription -- deux fois et demi le nombre précédent d'actionnaires enregistrés sur le marché. 70 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE 19. À l'exception de l'Afrique du Sud, de Maurice et de la Namibie. 20. À des fins de comparaison, le financement du logement représente entre 15 % et 21 % du PIB au Chili, en Malaisie et en Thaïlande, et atteint 65 % en Irlande et 78 % aux Pays-Bas. 21. Notons que la méthode d'ajustement de courbe utilisée pour obtenir ces esti- mations a été choisie de sorte à favoriser, si faire se peut, les pourcentages éle- vés dans le cas des pays situés dans la tranche inférieure, en exagérant ainsi peut-être les pourcentages d'accès pour certains pays africains à faible revenu (Honohan, 2006). Le chiffre global de 20 % devrait donc être considéré comme une estimation maximale. 22. Les pays africains enregistrent les taux de pénétration téléphonique les plus bas au monde, qu'il s'agisse de téléphonie fixe ou mobile, mais la pénétration de la téléphonie mobile progresse rapidement. 23. Il semble y avoir différents modes d'établissement des prix des services de ges- tion des comptes. Certaines banques semblent davantage exiger un niveau élevé de soldes minimums non rémunérés, tandis que d'autres imposent des frais mensuels substantiels. Un troisième mode, tel que celui adopté en Afrique du Sud, consiste à imposer des frais pour chaque service associé au compte bancaire. 24. On citera le triste cas au Ghana de cette veuve dont l'épargne bancaire de 907 000 cedis (plus de 100 dollars), représentant des économies réalisées en transportant des marchandises au marché Makola d'Accra, a été entièrement grignotée sur une période de 2 ans (2003-2005) par des charges annuelles im- posées par sa banque suite à l'augmentation par cette dernière du solde mini- mum pour les dépôts d'épargne (Adabre 2005). 25. Ces données se fondent sur les réponses recueillies dans le cadre de l'enquête réalisée auprès des plus grandes banques de chaque pays. Elles représentent les moyennes de l'ensemble des banques ayant participé à l'enquête, pondé- rées par leur part du marché des dépôts. Pour en savoir plus, se référer à Beck, Demirgüç-Kunt et Martínez Pería (2006). 26. Bien qu'il s'agisse là d'évaluations subjectives, il convient de relever que Beck, Demirgüç-Kunt et Levine (2006) estiment que dans les pays où les entreprises font état d'obstacles financiers plus importants, les industries qui dépendent plus des financements extérieurs enregistrent une croissance relativement plus lente et les ressources d'investissement sont réaffectées plus lentement dans la mesure où la demande varie d'une industrie à une autre. Par ailleurs, Beck, Demirgüç-Kunt et Maksimovic (2005) constatent un effet négatif no- table des obstacles au financement sur la croissance des entreprises. 27. En moyenne, l'économie est plus informelle en Afrique subsaharienne que sur d'autres continents. Schneider (2005) estime à 44 % la proportion moyenne du PIB à laquelle contribue le secteur informel dans 32 pays d'Afrique subsaharienne en dehors de l'Afrique du Sud ; à comparer à 43 % en Amérique latine, 40 % en Europe centrale et orientale et dans l'ex-Union soviétique et 30 % en Asie. Les données de l'Organisation internationale du travail (OIT 2002) (concernant un nombre plus restreint de pays) indiquent une proportion des emplois informels non agricoles établie à 78 % en Afrique subsaharienne, abstraction faite de l'Afrique du Sud, à 65 % en Asie, à 51 % en Amérique latine et à 48 % en Afrique du Nord. Chapitre 3 Contribution du secteur financier à la croissance à long terme : Enrichir les flux de financement pour transformer l'économie Introduction : les institutions financières du secteur formel Contribution du secteur financier à la croissance et à la stabilité Le présent chapitre traite du fonctionnement des institutions financières du secteur formel en tant qu'agents de mobilisation de fonds, prestataires de services de gestion des risques et de services financiers aux moyennes et grandes entreprises et au secteur public. C'est à ce niveau que le secteur financier contribue significativement à instaurer une croissance et une sta- bilité économiques durables. Face à la perspective d'un accroissement des financements extérieurs sous différentes formes, le défi majeur auquel se trouvent confrontés les systèmes financiers en Afrique est celui de l'absorption. Comment les po- litiques peuvent-elles aider à assurer que ces fonds sont effectivement uti- lisés à des fins de production et de sorte à favoriser la croissance aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines ? Nous ouvrons notre réflexion sur le secteur bancaire, en relevant la forte liquidité détenue par une grande partie des banques en Afrique et en réfléchissant à la manière dont cette liquidité pourrait être efficacement utilisée au fil du temps. Ici, sur le quatuor de facteurs distinctifs liés au contexte africain (échelle d'activité, informalité, gouvernance et chocs), les deux derniers sont particulièrement prédominants. La nécessité d'améliorer l'application effective des contrats et la transparence de l'information Une quantité de plus en plus importante de données tend à confirmer la pertinence d'une proposition réitérée depuis des décennies par les 71 72 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE observateurs modernistes, à savoir qu'il importe d'améliorer l'information et la mise en application des contrats pour maîtriser les chocs idiosyncra- siques. Nous démontrons que cette proposition est particulièrement impor- tante pour l'Afrique et soulignons l'importance d'éviter les règlementations prudentielles trop militantes qui entravent l'efficacité du système bancaire sans améliorer sensiblement la stabilité générale. L'actionnariat des banques africaines évolue rapidement. Les effets pro- bables du retour des banques internationales (y compris, à titre non limi- tatif, celles basées en Afrique du Sud) sont examinés, de même que ceux du développement des banques régionales ; ce sont deux évolutions jugées bénéfiques. L'intérêt maintes fois manifesté par les autorités politiques à l'égard des IFD financées par l'État est, par contre, peu susceptible de don- ner de résultats meilleurs à ceux enregistrés par la dernière vague d'insti- tutions de ce type, essentiellement à cause des problèmes de gouvernance. Les États ne sont pas la meilleure source de capitaux à long terme -- En particulier, l'IFD contrôlée et gérée par l'État n'est pas la source la plus prometteuse de ressources à long terme. Les capitaux à long terme peuvent être recherchés auprès des caisses de retraite et de sécurité sociale, pour peu que ces dernières soient dotées de structures de gouvernance adéquates, appuyées par l'adoption par les principaux intermédiaires d'une approche plus vigoureuse des activités de banque d'investissement. L'affectation judicieuse des capitaux à long terme s'appuiera sur des mar- chés boursiers efficaces pour permettre une fixation des prix sur des bases transparentes. Cependant, le modèle réglementaire des marchés boursiers existant actuellement en Afrique n'est peut-être pas le mieux adapté, du moins pour les petits pays, comme nous allons l'expliquer : en matière de réglementation, le modèle moderniste est peut-être allé trop loin. L'habitat et les infrastructures sont les secteurs qui demandent des financements à échéance plus longue, mais avec des risques spécifiques ordinairement plus limités. Nous passons donc en revue les possibilités de financement dans chacun de ces secteurs, suivant des approches nouvelles. -- mais doivent créer un environnement macroéconomique stable La dernière section du chapitre se tourne vers les questions macroécono- miques, en attirant l'attention sur la nécessité d'assurer que la politique gouvernementale ne déstabilise pas les marchés de capitaux destinés à la grosse clientèle à travers la politique de gestion de la dette ou la réaction des autorités monétaires face aux perturbations comme celles résultant des apports d'aide extérieure. Les possibilités d'intensifier l'intégration régio- nale sont brièvement examinées, tout en soulignant l'intérêt d'axer les ef- forts sur les mesures pouvant permettre d'améliorer la gouvernance et celles susceptibles d'aider à surmonter les coûts d'une intervention à une échelle trop réduite. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 73 Améliorer la capacité du système bancaire à assurer l'intermédiation financière Garantir la capacité de prêt des banques Dans un avenir prévisible, l'essentiel des fonds investissables mobilisés par les systèmes financiers des pays africains fera l'objet d'intermédiation par les systèmes bancaires nationaux. Pour garantir l'efficacité des systèmes bancaires, il est indispensable de veiller à ce qu'ils jouent un véritable rôle d'intermédiation ; la négligence de ce secteur se traduira par la stagnation. Que peuvent attendre les Africains de leurs systèmes bancaires ? Il ne fait pas de doute qu'ils peuvent obtenir plus que des crédits. Toute une pa- noplie de services de trésorerie, de réduction du risque, de paiements et de services de crédit se trouve regroupée dans la méthodologie opération- nelle des banques commerciales. Le crédit est un ingrédient essentiel et un maillon important du fonctionnement du système économique. Cepen- dant, les banquiers africains et leurs clients se plaignent de l'insuffisance des volumes de crédit. Les uns comme les autres voudraient voir des vo- lumes plus importants de crédit, dès lors que ces crédits offrent des garan- ties de rentabilité. Du point de vue des entreprises emprunteuses et des ex- ploitations agricoles, un meilleur accès à des crédits à un coût abordable permettrait de lever un obstacle important à leur expansion. Cela étant, pourquoi les banques africaines ne prêtent-elles pas assez ? De leur propre aveu, dans un nombre considérable de pays africains, ce n'est pas l'absence de fonds mobilisés qui freine les banques. Ainsi qu'il a été noté dans le chapitre 2, nombre de systèmes bancaires africains sont plutôt liquides selon les normes internationales. Comme le démontre la Fi- gure 3.1, il n'y a là rien de nouveau. En effet, le ratio moyen des avoirs li- quides par rapport aux prêts dans le bilan global du système bancaire des pays africains a enregistré un glissement à la hausse au fil des années. L'établissement d'une comparaison entre la liquidité bancaire (définie ici de façon large en y incluant les avoirs extérieurs ainsi que les réserves en monnaie nationale) et la densité monétaire (le ratio de la masse moné- taire au produit intérieur brut (PIB)) permet d'identifier les pays les plus touchés par cet excès de liquidité endémique. Cette comparaison révèle également le problème sous un angle qui démontre que l'excès de liqui- dité peut coexister avec des fonds investissables très limités (figure 3.2). Le Fonds monétaire international fournit une analyse complémentaire sur les réserves intérieures obligatoires et excédentaires. Les systèmes qui ont mo- bilisé le plus de ressources ne sont pas ceux qui enregistrent les niveaux les plus élevés de liquidité excédentaire. En effet, la courbe descendante donne à penser que l'excédent de liquidité coïncide d'ordinaire plus sou- vent avec une monétisation limitée : la population est peu encline à éco- nomiser sous forme monétaire et les banques sont incapables de prêter même les ressources limitées dont elles disposent1. 74 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 3.1 Liquidité du système bancaire dans les pays africains 0,6 0,5 0,4 0,3 liquidité 0,2 0,1 0,0 1980 1985 1990 1995 2000 2005 année quartile supérieur quartile médian quartile inférieur Source : Calauls des auteurs Note : La liquidité se définit comme les réserves, plus les avoirs extérieurs des institutions bancaires divisés par les lignes de crédit totales, Statistiques financières internationales 20+21/(22a..g). La Figure présente les quartiles médians, supérieurs et inférieurs. Cette tendance correspond à une restructuration du capital des banques en faillite dont le portefeuille de prêt a été déprécié ou supprimé2. Mais elle indique clairement soit une difficulté à générer une activité de prêt assez satisfaisante ou une réaction à un risque de liquidité perçu comme tel. Les banquiers sont généralement favorables à la première explication, bien que certaines banques--souvent les banques étrangères--soient dans une position de déséquilibre entre les monnaies, pour avoir accepté plus de dépôts libellés en monnaie étrangère qu'il est possible de prêter dans l'éco- nomie locale (encadré 3.1). Premièrement, les banquiers se plaignent plus bruyamment de l'absence de demandes de prêts recevables ou « ban- cables ». En deuxième lieu, certaines banques (souvent les banques de pe- tite taille) s'estiment contraintes par les dispositions réglementaires rela- tives à la diversification des risques : quand un prêt unique ne doit pas dépasser un quart du capital de la banque, celle-ci a le sentiment de n'avoir pas suffisamment de capital pour financer certains grands projets. Ces pro- blèmes ne sont pas nouveaux ; ils persistent depuis quelques décennies. L'incapacité avouée des banques à prêter les ressources qu'elles ont mobi- lisées ralentit leurs efforts de mobilisation (agences, services) et décourage l'expansion. Nous examinons tour à tour ces deux aspects, en concluant que le manque de « bancabilité » est probablement le problème le plus complexe et le plus épineux. Reste que des mesures faciles à appliquer en matière de réglementation pourraient se révéler utiles. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 75 FIGURE 3.2 Banques africaines : densité financière et liquidité, 2004 a. Ratio de liquidité des banques 1,0 SYC 0,9 0,8 ZAF 0,7 MUS 0,6 M2/PIB 0,5 0,4 KEN 0,3 ETH CIV LSO 0,2 BWA TZA SWZ LIB 0,1 BEN CAR TCD GNB UGA SDN NIG CGO AGO 0,0 DRC 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Ratio de liquidité des banques de dépôt b. Ratio de liquidité des banques à faible intensité financière 0,35 KEN 0,30 ETH 0,25 CIV LSO 0,20 TZA BWA 0,15 M2/PIB SWZ LIB BEN GHA 0,10 SLE MWI CAF TCD CGO GNB 0,00 UGA NIG SDN AGO DRC 0,0 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Ratio de liquidité des banques de dépôt Source : calculs des auteurs. Note : Les abréviations des noms de pays sont incluses dans la liste des acronymes et abréviations au début du volume. La liquidité se définit comme les réserves, plus les avoirs extérieurs des institutions bancaires divisés par les lignes de crédit totales, Statistiques financières internationales 20+21/(22a..g). Le panneau inférieur est centré sur les pays à faible densité des circuits financiers. 76 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 3.1 : Dollarisation L'on assiste depuis quelques années à une nette augmentation de la part des dépôts bancaires libellés en devises dans les systèmes bancaires afri- cains. Ce phénomène est passé relativement inaperçu, de sorte que les décideurs politiques qui en font l'expérience dans leur pays ont souvent le sentiment que ce problème ne se pose qu'à eux. En fait, les taux de dolla- risation dans la vingtaine de pays africains pour lesquels des données sont disponibles présentent une répartition et une croissance analogues à celles des autres régions du monde (se reporter au tableau). Dollarisation des dépôts bancaires (devises en % du total des dépôts) Afrique Monde Variation en Afrique 2004 ou plus récent 2004 depuis 1994 Moyen 33.7 32.6 12.7 Médian 29.3 29.5 16.4 Quartile supérieur 44.1 47.9 16.2 Quartile inférieur 12.8 10.4 7.1 Source : Levy Yeyati (2006), de Nicoló, Honohan et Ize (2005) Information et mise à exécution des contrats Contrairement à l'expérience qu'ont les banquiers dans les économies avancées, où l'activité de prêt est habituellement plus rentable que la détention de titres d'État ou des avoirs liquides à l'étranger, les banquiers en Afrique constatent souvent que les prêts constituent une activité relati- vement peu rentable. Ce constat est confirmé, par exemple, dans deux études détaillées menées récemment sur des banques nigérianes et ougan- daises (Beck, Cull et Jerome, 2005 ; Clarke, Cull et Fuchs 2006). Il est aisé de voir pourquoi, d'une manière générale et dans des conditions normales, les prêts peuvent contribuer beaucoup plus à la création de valeur ajoutée et à la rentabilité des banques. Après tout, c'est à travers les prêts que les banques exploitent leur avantage comparatif dans l'évaluation et le con- trôle du crédit. Pourquoi en est-il autrement en Afrique ? Parfois, dans certains pays la forte dépendance de l'État à l'égard des emprunts inté- rieurs a entraîné une augmentation du rendement sur les effets publics émis à un niveau tel qu'ils ont étouffé la demande provenant des emprun- teurs non étatiques. Mais l'effet d'éviction est loin d'être la seule explica- tion et ce phénomène n'a pas été observé dans tous les pays. Au contraire, les banquiers sont unanimes sur les deux principaux fac- teurs qui expliquent leur réticence à prêter. En premier lieu, on peut citer LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 77 Environ un tiers des dépôts bancaires dans les pays africains pour lesquels des données sont disponibles sont libellés en devises. Les chiffres les plus élevés enregistrés concernent le Libéria (90 %), la République démocra- tique du Congo (86 %), l'Angola (72 %) et le Mozambique (60 %). Pour les pays pour lesquels des données sont disponibles pour l'année 1994, l'on note un accroissement moyen d'environ 1 à 1,5 % par an, des niveaux qui se rapprochent du taux d'accroissement moyen de la dollarisation à l'échelle mondiale. Les études comparatives sur différents pays indiquent que le niveau d'inflation enregistré par le passé et les facteurs liés à la confiance contribuent énormément à augmenter le taux de dollarisation. En stabilisant la situation macroéconomique, certains pays ont pu inverser la tendance à la dollarisation, mais dans l'ensemble, l'on observe une ten- dance à la hausse à l'échelle mondiale (De Nicoló, Honohan et Ize, 2005). La dollarisation fait peser des risques prudentiels et limite la capacité des banques de rétrocéder les ressources qu'elles ont mobilisées en monnaie nationale. En moyenne, un sur deux dollars mobilisés sous forme de dé- pôts en devises est le plus souvent investi à l'étranger. Mais, compte tenu des risques de taux de change perçus qui poussent les déposants à déte- nir des comptes en devises, les dépôts à l'étranger constitue l'alternative. L'interdiction des dépôts n'est vraisemblablement pas l'option privilégiée. Mais tous les impôts et réglementations favorisant les dépôts en devises doivent être réexaminés. Par exemple, le Liberia imposait, jusqu'à une date récente, des réserves obligatoires beaucoup moins élevées sur les dépôts en devises. Et le maintien d'un environnement macroéconomique et mo- nétaire stable peut permettre d'en limiter l'augmentation. la difficulté à obtenir les renseignements nécessaires sur les clients poten- tiels pour évaluer leur solvabilité. En deuxième lieu, figure la difficulté à faire respecter les droits des créanciers. En l'absence de ces deux éléments essentiels, les banques se retrouvent face à des procédures onéreuses, ab- sorbantes et peu fiables pour l'évaluation préalable des clients et sans la moindre assurance d'une procédure de forclusion rapide si les choses tour- nent mal. L'Afrique n'est pas la seule à connaître des défaillances à ces différents niveaux. En effet, sur les six principales régions dans lesquelles intervient la Banque mondiale, l'Afrique subsaharienne se classe en troisième posi- tion en ce qui concerne la confiance des entreprises dans le système judi- ciaire et selon l'indice de la Banque relatif aux droits de propriété (figure 3.3)3. Par ailleurs, des réformes sont en cours. Un tribunal de commerce spécial créé en Tanzanie a été accueilli avec enthousiasme par les milieux d'affaires, bien que -- peut-être inévitable- ment -- les premiers acquis n'ont pas été pleinement maintenus dans ce pays. Au Rwanda, le temps que prend le règlement d'un différend a été raccourci de 22 % suite à la création d'un tribunal spécialisé pour les af- faires commerciales, financières et fiscales (World Bank : Doing Business 2006). 78 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 3.3 Opinion des milieux d'affaires sur les tribunaux et la possibilité de recouvrement des impayés Asie de l'Est et Pacifique Europe et Asie centrale Amérique latine et Caraïbes Moyen-Orient et Afrique du Nord Asie du Sud Afrique subsaharienne 0 20 40 60 80 100 Pourcentage favorable Confiance dans les tribunaux Impayés Note : les barres montrent le pourcentage de personnes interrogées ayant une opinion favorable. Source : Enquêtes d'évaluation du climat de l'investissement de la Banque mondiale. L'idée d'un tribunal de commerce spécial présente davantage d'intérêt lorsqu'il s'agit d'affaires commerciales complexes nécessitant une exper- tise spécialisée de la part de la juridiction concernée ; la logique de la créa- tion d'un tribunal spécial pour trancher des affaires plus courantes concer- nant la mise en exécution des contrats apparaît moins évidente. Les changements au niveau des règles de procédure, qui nécessitent pour beaucoup l'adoption de lois, peuvent représenter un type de réforme plus immédiat et moins onéreux. Dans ce domaine, l'Afrique a enregistré par le passé des résultats relativement décevants, la plaçant au deuxième rang parmi les six régions en ce qui concerne le nombre de procédures et le temps mis pour résoudre les différends4. Par exemple, des mesures ont été prises dans plusieurs pays africains afin de simplifier les procédures de recours des débiteurs (par exemple, en limitant l'appel aux questions de droit et de procédure, et non aux éléments de preuve déjà présentés) et imposer des délais limites pour le dépôt des recours. La base de données Doing Business de la Banque mondiale indique que « les gains de temps et les économies en termes de coût ont permis à un plus grand nombre d'entreprises de recourir aux tribunaux. L'Ouganda a vu augmenter de 62 % les affaires commerciales soumises aux tribunaux ... « Nous avons plus foi dans les tribunaux, nous avons plus confiance », déclare Musoke, un homme d'affaires local. « Le président nous cite à présent dans ses discours », ajoute un juge de Kampala ». (Doing Business 2006). LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 79 ENCADRÉ 3.2 : Éléments à rechercher dans un système juridique efficace Un dispositif juridique fonctionnel est un ensemble de lois modernes, de règles de procédure et d'institutions solides s'appuyant sur des méca- nismes de mise en application adaptés. Lois et règlements Tandis que les cadres juridiques régissant les affaires commerciales des anciennes puissances coloniales ont été considérablement modifiés au cours du dernier demi-siècle, les systèmes fondés sur le Common Law et le droit civil hérités par les pays africains au moment des indépendances ont été rarement révisés. À titre d'exemple, les économies avancées ont modifié leurs cadres juridiques relatifs aux affaires commerciales pour tenir compte des types variés d'opérations commerciales et des mécanismes de financement complexes (notamment des notions comme le crédit-bail, la titrisation et les opérations sur les produits dérivés) qui caractérisent les économies de marché modernes et en mutation. L'une des difficultés qui se pose particulièrement aux pays de tradition juridique fondée sur le droit civil est leur incapacité de tirer parti de nombreux instruments financiers nouveaux parce qu'ils n'ont pu introduire une notion tirée du Common Law, à savoir le concept de fiducie sur lequel s'appuient ces instruments. Pour renforcer davantage leurs économies, les pays avancés se sont éga- lement efforcés de modifier l'équilibre des protections traditionnellement accordées aux parties contractantes et ont défini différents droits et res- ponsabilités pour différentes catégories d'agents. S'étant aperçu des liens étroits entre l'accès au crédit et la promotion de l'entreprenariat, ils ont cherché à réduire au minimum le risque de défaillance grâce au système juridique. Il est temps que l'Afrique intègre ce type de réformes, en veillant à ce qu'elles soient bien adaptées à la situation particulière de chaque pays. Par exemple, l'incontournable secteur agricole pourrait bénéficier de lois facili- tant l'usage des produits agricoles comme garanties en introduisant, par exemple, le concept d'entreposage, ainsi que de meilleurs mécanismes de détermination des prix au profit des exploitants agricoles tels que ceux qui pourraient découler de l'échange de produits agricoles au moyen d'instru- ments dérivés. L'évolution vers un système simplifié d'enregistrement de titres fonciers incontestables renforcerait la confiance des prêteurs dans le bien foncier comme instrument de garantie, ce qui encouragerait l'octroi de crédits. En outre, les procédures d'enregistrement des garanties ont be- soin d'être simplifiées et la base de données devrait être facilement acces- sible pour aider à la vérification du privilège de premier rang, évitant ainsi les différends. De même, la création d'une base de données contenant (Suite de l'encadré page suivante) 80 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 3.2 (suite) les renseignements sur la solvabilité empêcherait l'arbitrage du crédit et ré- compenserait les emprunteurs de bonne foi. La menace d'insolvabilité, aussi bien au niveau des entreprises que des particuliers, doit être réelle et avérée. Il conviendrait d'adopter une dé- marche spécialisée à l'égard de l'insolvabilité. La faillite personnelle dans la plupart des pays d'Afrique est un vestige du début du 20e siècle ; tandis que l'insolvabilité des entreprises relève de la loi sur les sociétés qui, dans la majorité des cas, s'appuie sur des notions qui ne sont pas généralement appliquées depuis des décennies. Il convient d'adopter un mécanisme visant à restructurer et moderniser les entreprises viables avec la par- ticipation active de l'ensemble des créanciers. Institutions de réglementation et normes de transparence La pénétration croissante des services financiers tels que la banque, l'assu- rance, les caisses de retraite et la microfinance fait nécessairement appel à la création d'un environnement propice pour le développement de ces services, et requiert une structure réglementaire adaptée pour empêcher le détournement des fonds. Des individus peu scrupuleux peuvent se réfu- gier derrière le prétexte de la responsabilité limitée pour subtiliser à des personnes crédules de l'argent gagné à la sueur de leur front. L'opacité du fonctionnement des institutions ayant accès aux deniers publics et fournis- sant des services publics peut entraîner des conséquences désastreuses. Il est indispensable d'instaurer de bonnes pratiques de gouvernance d'en- treprise, qui seront complétées par l'application de principes rigoureux d'enregistrement et de vérification comptable, en particulier s'agissant des sociétés intervenant dans ces secteurs. Pour leur permettre d'attirer l'at- tention sur les défaillances au niveau de la gouvernance interne dans ces sociétés, il est nécessaire de former des cadres indépendants par le biais d'initiatives de renforcement des capacités. Il faudrait en priorité instaurer De toute évidence, de l'avis général, les réformes améliorent l'exécution des contrats (voir encadré 3.2). Concernant les renseignements sur le crédit, les pays africains accusent généralement plus de retard. Cette situation résulte en partie d'un retard de rattrapage par rapport à une nouvelle vague : de par le monde, la pro- portion de pays dotés d'une centrale de crédit a grimpé de 46 % en 1988 à 70 % en 1998 et à 80 % en 2003 ; en Afrique, le pourcentage n'est en- core que de 60 %. Par ailleurs, la couverture de la population par les cen- trales de crédit, et l'étendue des renseignements contenus dans les cen- trales sont plus limitées que dans les autres régions -- beaucoup plus limitées, à l'exception de l'Afrique du Sud et des petits pays qui l'entourent (Doing Business 2006). Le problème se résume en partie dans le caractère informel de la résidence et l'absence d'identifiants individuels stables. Il existe des substituts à la carte nationale d'identité. Des centrales des risques sont actuellement mises au point dans les pays africains anglophones qui LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 81 des normes appropriées en matière de divulgation de l'information et mettre en place des procédures strictes et rationnelles pour garantir l'appli- cation effective des normes. La disponibilité de l'information dans le do- maine public peut favoriser une vigilance accrue et des mesures correc- tives rapides en cas de problèmes. Des institutions de réglementation solides peuvent faire respecter ces normes et autres règlements relatifs à la divulgation de l'information et veiller au bon fonctionnement général du système. Le système judiciaire traditionnel et les mécanismes d'application des normes Au delà de la simple nécessité de se doter de lois modernes, les institu- tions juridiques existantes (ainsi que celles nouvellement créées) doivent être suffisamment pourvues en personnel et autres ressources en termes d'infrastructure. Il faudrait encourager l'indépendance financière et fonc- tionnelle vis-à-vis des autres organes de l'État car dépendre excessivement de l'État (qui est souvent la principale partie en litige) pour la survie met ha- bituellement en péril l'impartialité judiciaire. En dépit de l'augmentation du nombre de litiges, les institutions juridiques et judiciaires sont restées statiques. L'on n'a pas observé d'augmentation correspondante du nombre de tribunaux ni du nombre d'agents pour servir dans les tribunaux. Les retards extrêmement longs et l'énorme frustration concernant la mise en exécution des jugements sont particulièrement pré- occupants. Les effectifs insuffisants, de même que l'absence d'incitations à assurer l'exécution rapide des jugements rend illusoire la réparation prin- cipale. Les niveaux d'indemnisation sont demeurés faibles et la mise à ni- veau des compétences techniques est limitée sinon inexistante, compte tenu du caractère évolutif des litiges. Même le personnel de bureau a be- soin d'être formé à la tenue des dossiers et à la gestion des surcharges de travail. Sans un investissement significatif dans ces compétences mi- neures, les améliorations apportées dans le domaine de l'automatisation et l'introduction d'outils modernes de suivi des affaires seront peine perdue. n'en utilisaient pas traditionnellement, tels que le Kenya et l'Ouganda, et sont en train d'être étendues à tous les cas de défaillance dans les pays où de tels cas n'étaient pas couverts auparavant. Les banquiers, qui conçoivent souvent des mécanismes bilatéraux im- parfaits mais raisonnables de fourniture de références concernant le crédit, ne sont pas toujours à l'avant-garde des mouvements visant à améliorer les centrales des risques si cela entraînera le partage obligatoire des rensei- gnements en leur possession avec d'autres prêteurs même à l'extérieur des cercles de la banque traditionnelle. Par conséquent, si les banquiers doivent être associés à des projets visant à améliorer les centrales des risques, il faudra peut-être que les autorités les poussent à aller au-delà de ce qu'ils souhaitent. Les registres des biens, dans lesquels les privilèges peuvent être enregis- trés et consultés rapidement font également partie du guide pratique re- commandé pour faciliter les prêts garantis. C'est aussi un volet sur lequel 82 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE travaillent de nombreux pays africains à travers la mise en place de sys- tèmes informatisés pouvant leur permettre de passer sans transition à un système de garantie efficient. L'absence d'une comptabilité fiable des sociétés est également en grande partie imputable au caractère informel des économies. La plupart des pays ont adopté aujourd'hui les Normes internationales en matière de rapports financiers (IFSR), de sorte que les questions doctrinales sont réduites au minimum. Mais veiller à l'application effective des règles faisant obligation de présenter rapidement des états comptables fiables et veiller à la compé- tence et à l'intégrité des personnes exerçant la profession de commissaire aux comptes constituent nécessairement des projets à moyen terme. Disposer de bonnes informations et défendre résolument les droits des créanciers constituent une des clés indispensables pour développer l'accès au crédit. Il ressort de plus en plus clairement des études économétriques approfondies, qui ont été menées grâce à l'utilisation de vastes bases de données comparatives sur différents pays collectées par la Banque mon- diale, que les pays où les droits des créanciers sont mieux défendus et qui disposent de meilleurs renseignements concernant le crédit attirent un vo- lume plus important de crédit (même en tenant compte d'autres facteurs d'explication). Lorsque la sécurité du prêteur est garantie, cela profite à l'emprunteur à travers l'accès au crédit. En approfondissant l'analyse, ce- pendant, il semble que pour les pays pauvres, les renseignements sur le crédit contribuent davantage à influencer le volume des prêts que les pro- tections juridiques (Djankov, McLiesh et Schleifer à paraître). Si tel est le cas, c'est une bonne nouvelle pour l'Afrique car la réforme complète des protections juridiques pourrait constituer un processus de longue haleine dans les pays pauvres, au moins lorsqu'il s'agit de protéger les droits de créanciers des banques contre des emprunteurs bénéficiant d'une protec- tion politique. En fait, les pays où les droits des créanciers ne sont pas suf- fisamment garantis ont le plus souvent une meilleure couverture des cen- trales des risques et vice-versa : l'information semble s'affirmer comme une sorte de substitut partiel aux droits des créanciers dans les pays où ceux-ci étaient moins garantis. (C'est visiblement le cas en Afrique où les pays dotés d'une centrale des risques ont une note moyenne de 1,1 seule- ment sur l'indice Doing Business de la Banque mondiale concernant les droits des créanciers, tandis que ceux qui n'ont pas de centrale des risques obtiennent 3,7 en moyenne)5. Cela laisse aux pays africains qui n'ont tou- jours pas de centrales des risques une marge considérable pour en créer -- et s'agissant des pays qui en sont dotés, pour améliorer la portée, la qua- lité et la précision des renseignements recueillis. Ce n'est pas seulement pour les moyennes et grandes entreprises que de meilleurs renseignements sur le crédit permettent d'améliorer l'accès au crédit. En effet, les données révèlent que le renforcement de ce volet aura des retombées bien plus importantes pour les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et les ménages (Love et Mylenko 2003). L'améliora- tion de l'accès des MPME aux financements est examinée plus en détail au Chapitre 4. Certains éléments de cette analyse, notamment l'idée que les prêteurs eux-mêmes peuvent faire davantage pour développer LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 83 les opérations de prêt fondées sur les relations personnelles pour surmon- ter certaines des difficultés liées à l'environnement, s'appliquent égale- ment au marché intermédiaire. Le rôle de la réglementation prudentielle La déréglementation pourrait-elle constituer une autre partie de la réponse à la question de savoir comment augmenter le flux de crédit ? Pour examiner cette question, il nous faut réfléchir à la raison pour laquelle l'on a prêté autant d'attention au cours des dernières années à la mise à niveau des dispositifs de contrôle prudentiel. Les systèmes financiers africains, à l'instar de la majorité des autres sys- tèmes de par le monde, ont connu des faillites bancaires généralisées dans les années 80 et 90. La base de données sur les crises bancaires de la Banque mondiale recense 53 cas d'insolvabilité des banques dans 41 pays africains depuis 1980 ; dont 40 cas dans 32 pays ont été enregistrés comme des crises généralisées. Nombre de ces événements ont eu un coût extrê- mement élevé, que l'on mesure les effets en termes de dépenses budgé- taires effectuées pour faire face aux réclamations des déposants (même si tous les déposants n'ont pas été remboursés dans tous les cas), ou en termes de chute consécutive de la production imputable à la crise. S'agis- sant des crises pour lesquelles des données sont disponibles, les coûts moyens pour les finances publiques s'élevaient à 10,6 % du PIB annuel, tandis que les pertes de production étaient estimées en moyenne à 13,1 % du PIB (Caprio et autres 2005). Ces chiffres sont globalement comparables à ceux enregistrés dans les autres régions en développement. Cependant, une connaissance plus approfondie de la nature et de l'évo- lution des crises bancaires en Afrique permet de comprendre que l'éven- tail des causes et symptômes était quelque peu différent de celles obser- vées dans d'autres régions. En particulier, s'il est vrai que l'Afrique a connu chacun des trois principaux syndromes -- les défaillances du sec- teur bancaire imputables aux mouvements d'expansion et de récession macroéconomique ; les syndromes qui peuvent être attribués aux mau- vaises pratiques des initiés de la banque privée ; et ceux que l'ont peut at- tribuer aux actions des pouvoirs publics portant atteinte à la solvabilité des banques -- on compte relativement peu de banques dans la première catégorie et un nombre relativement plus important dans la dernière ca- tégorie. En particulier, contrairement à ce qui est parfois suggéré, aucune crise systémique en Afrique n'a été provoquée par l'asymétrie des échéances dans les portefeuilles des banques. Même dans les cycles d'ex- pansion et de récession (une source de crise caractéristique en Amérique latine), par exemple suite au boom des matières premières au milieu des années 80 dans les pays de l'Union économique et monétaire ouest-afri- caine (UEMOA), des influences gouvernementales étaient également à l'oeuvre. Ce sont généralement les entreprises parapubliques et les entre- prises qui avaient joué le rôle de fournisseurs impayés de l'État et de ses démembrements qui s'étaient retrouvés dans la position des emprunteurs défaillants6. L'on a assisté également à de mauvaises pratiques bancaires, 84 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE qui se sont manifestées à travers les faillites spectaculaires de la BCCI (Banque de crédit et de commerce international, un groupe bancaire in- ternational dont le siège se trouve au Luxembourg mais qui avait réussi à mobiliser les dépôts d'individus fortunés et entreprises d'État dans plu- sieurs pays africains avant sa faillite en 1991) et de Meridien-BIAO (le successeur de la Banque de l'Afrique Occidentale, la BAO, une ancienne banque d'émission en Afrique de l'Ouest francophone qui fut rachetée, au moment de la liquidation de sa société-mère, par un banquier ambi- tieux mais peu scrupuleux basé en Zambie avant de s'effondrer en 1995, affectant ainsi de nombreux pays dans toute l'Afrique de l'Ouest et du Centre, y compris le Swaziland et la Guinée équatoriale)7. Les faillites bancaires de moindre importance au Kenya8, au Nigeria et dans d'autres pays ont été également associées à l'octroi de crédits à des initiés et à des actes de pillage impliquant souvent des directeurs ayant de bonnes relations dans les milieux politiques9. Cependant, les pertes les plus importantes étaient liées au portefeuille de prêts improductifs des banques publiques dominantes dans les pays comme le Ghana, la Tanzanie, l'Ou- ganda et la Zambie et de banques à participation majoritaire de l'État au Bénin, au Cameroun, en Côte-d'Ivoire, au Sénégal et dans d'autres pays des deux unions monétaires africaines, en République démocratique du Congo, en Angola et au Mozambique, et ailleurs. La réglementation des banques et le contrôle bancaire peuvent être ef- ficaces contre la gestion incompétente ou imprudente d'une banque pri- vée. Dans ce cas, les organes de contrôle bancaire interviennent pour pro- téger les intérêts du déposant et le fonctionnement général du système bancaire et de paiements au cas où les faillites de ces institutions sont si im- portantes qu'elles menacent l'ensemble du système. En insistant sur la nécessité d'une capitalisation suffisante, les organes de contrôle peuvent aussi aider à protéger le système contre la faillite d'une banque internationale. Mais leurs capacités dans pareil cas sont limitées, comme en témoignent les conséquences qui ont suivi la faillite de la BCCI. Malgré les accords formels conclus avec les organes de contrôle des pays d'origine de ces banques internationales, la solidité réelle de la filiale lo- cale est peut-être exagérée dans ses états comptables à telle enseigne que certaines pertes ou faiblesses sont dissimulées dans des opérations entre entités apparentées effectuées avec la banque-mère qui sont opaques pour l'organe de contrôle local10,11. Pour ce qui est des banques publiques, le rôle de l'organe de supervision est souvent bien plus limité dans la pratique. Certes l'organe de contrôle peut signaler les insuffisances du bilan d'une banque publique, mais si le gouvernement est déterminé à canaliser les ressources de la banque vers des emprunteurs privilégiés n'ayant pas la capacité ou à tout le moins l'in- tention de rembourser, peu d'autorités de contrôle bancaire jouissent de l'indépendance politique nécessaire pour suspendre les activités de cette banque. Même si du fait de leur indépendance limitée, les organes de contrôle bancaire étaient largement incapables de prévenir la plupart des crises LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 85 passées en Afrique, ce ne sera peut-être pas le cas à l'avenir. Le rôle consi- dérablement réduit des banques publiques dans la plupart des pays afri- cains amène à penser qu'une crise bancaire éventuelle en Afrique est plus que par le passé susceptible de prendre naissance dans le cycle d'expan- sion et de récession ou dans les mauvaises pratiques bancaires12. Les tech- niques classiques de contrôle des banques peuvent donc s'avérer plus per- tinentes qu'elles ne l'étaient auparavant. Ces dernières années, la plupart des organismes de contrôle bancaire en Afrique ont amélioré leurs capa- cités. Cependant, cela ne signifie pas que toutes les mesures de contrôle prudentiel qui semblent apporter une sécurité supplémentaire aux banques sont à saluer. Au contraire, bon nombre de ces réglementations sont inopérantes et, si elles limitent le développement d'une attitude es- sentiellement salutaire de prise de risque par des banques bien gérées, pourraient porter atteinte à la croissance beaucoup plus que les gains sup- posés en matière de sécurité (voir encadré 3.3). ENCADRÉ 3.3 : Réglementation bancaire : éviter de se fier aux pouvoirs discrétionnaires élargis Les études récentes sur l'efficacité de la réglementation prudentielle mettent en question la transposition sans discernement des pratiques des pays riches dans les contextes politiques et institutionnels très différents qui prévalent dans la plupart des pays. L'examen détaillé des données com- paratives sur différents pays révèle l'efficacité réduite et, à bien des égards, le caractère contre-productif dans les pays en développement, de certaines des méthodes classiques de réglementation et de contrôle et suggère en particulier que s'en remettre excessivement aux pouvoirs discrétionnaires conférés aux responsables gouvernementaux pour garantir la sécurité, la viabilité et l'efficacité du système bancaire serait une erreur de jugement. Il s'avère que les pays qui accordent les pouvoirs discrétionnaires les plus étendus à leurs organes de contrôle bancaire sont étonnamment ceux où la corruption sévit le plus dans le secteur bancaire. Certes, l'application inconsidérée des règles de Bale II n'est pas la solution idoine pour beaucoup de pays (voir l'encadré 3.4). Au contraire, pour s'as- surer que les banques favorisent le bien-être social, un pays a besoin d'ins- titutions politiques et d'autres institutions amenant ses responsables à éla- borer des politiques qui garantissent le maximum de bien-être social, et non le bien-être privé des fonctionnaires ou des banquiers. Les résultats suggèrent également certaines règles pratiques : adopter une posture de type libéral concernant l'entrée et l'octroi des agréments de même qu'en ce qui concerne l'éventail des activités autorisées. Le rôle potentiel de la discipline du marché se révèle étonnamment important, même dans les pays pauvres (Se reporter à Barth, Caprio,et Levine 2005 et à Beck, De- mirgüç-Kunt et Levine (2006). 86 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Les restrictions inutiles imposées sur l'étendue des activités des banques peuvent fragiliser au lieu de renforcer les banques en limitant leurs possi- bilités de faire des profits. Les exemples de ce type de restrictions observés récemment dans le contexte africain comprennent le recours excessif aux conditions de garantie, les règles inutilement contraignantes sur la concen- tration du risque et les limites sur le montant des prêts aux emprunteurs mal cotés. Dans certains pays, les banques sont obligées de provisionner entière- ment les grosses créances non garanties même si elles sont productives. Par exemple, les réglementations tanzaniennes ont imposé récemment une garantie de 125 % pour les prêts individuels d'un montant supérieur à 5 % du capital de la banque. Ceci suppose, en fait, que ces prêts non garantis doivent être entièrement financés par le capital de la banque et pas du tout par les dépôts. Ceci ne peut que freiner ce qui aurait été autrement des prêts viables soutenus par une trésorerie prévisionnelle crédible. Toutefois, comme cela est quantifié au chapitre 2, les conditions de garantie semblent être ancrées dans la pratique bancaire en Afrique même là où elles ne sont pas imposées par la réglementation. Les partisans de l'application de fortes garanties font remarquer le coût et la difficulté à obtenir le rembourse- ment, même des prêts apparemment excessivement garantis. Aussi valable que puisse être ce constat, il indique aussi l'importance que peuvent éga- lement avoir des éléments autres que la garantie dans l'évaluation des prêts. Les limites sur la concentration des créances peuvent être aussi trop contraignantes -- quoique que ce ne soit pas toujours le cas. Dans la zone UEMOA, un seul prêt peut atteindre 75 % du capital de la banque avant de toucher le plafond ; cette limite est probablement trop indulgente. Mais si le fait de détenir seulement dix créances, représentant chacune seule- ment 10 % du capital d'une banque, suffit pour violer les limites géné- rales de concentration des créances, comme c'est le cas dans d'autres pays, même les banques relativement grandes auront du mal à se conformer à la réglementation et à répondre aux besoins de crédit même des clients qui ne demandent que l'équivalent de quelques millions de dollars. Il est très souvent difficile de financer de grands projets sans atteindre les plafonds de concentration des créances, particulièrement dans les petits pays ayant un secteur financier généralement peu développé. Après tout, le capital global des banques au Rwanda est d'environ 50 millions de dollars, de 70 millions de dollars au Tchad, d'environ 350 millions de dollars au Mozambique et de près de 300 millions de dollars en Tanzanie. Les banques ont des moyens de contourner cette disposition (en dehors de se faire octroyer des exemptions par les autorités de réglementation, une pratique qui, si elle est généralisée, menace aussi la cohérence de la ré- glementation et introduit le type de pouvoir discrétionnaire accordé aux organes de contrôle qui peut favoriser la corruption). Par exemple, elles peuvent former des consortiums de prêt avec d'autres banques soumises à la réglementation locale ou avec des banques étrangères, y compris des fi- liales. Cependant, une telle collaboration est coûteuse et compliquée par les facteurs liés au contrôle des changes et par d'autres facteurs. En les LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 87 soumettant à des contraintes excessives en matière de partage de l'infor- mation, l'exigence d'une telle collaboration réduit les incitations qu'ont les banques à faire l'effort de déterminer la solvabilité des grands projets. Dans les pays francophones, la tradition qui consiste à solliciter une ap- probation préalable officielle des emprunteurs a mis longtemps à s'estom- per. Prenant ses origines dans la pratique autrefois répandue qui consistait à escompter une fraction importante des prêts bancaires à la banque cen- trale, le système d'approbation préalable proprement dit a été aboli il y a plusieurs années. Mais dans la zone UEMOA, il en reste quelques vestiges à travers la règle qui veut que 60 % au moins du portefeuille de chaque banque soit prêté à des emprunteurs qui ont été classés comme admissibles à un refinancement. Compte tenu du fait que cette réglementation n'est pas appliquée, elle peut revêtir, dans la pratique, un caractère vexatoire, mais elle est difficile à inscrire dans une politique de développement. Par ailleurs, l'idée que l'organe de réglementation bancaire devrait émettre un jugement au cas par cas sur la négociabilité en banque de la plupart des emprunteurs indique certainement un manque de confiance officiel dans la capacité des banques à remplir leur fonction. Les organismes de contrôle bancaire en Afrique doivent par conséquent faire preuve de retenue dans l'exercice de leur mission consistant à veiller à la sécurité et à la viabilité des systèmes bancaires. Les mesures vigou- reuses susceptibles de limiter la capacité des banques à prendre des risques de crédit raisonnables et prudents sont à éviter. Il ne s'agit pas réellement d'accepter des risques d'échec nettement plus importants ; il s'agit plutôt d'éviter des précautions inutilement restrictives. Et l'adoption des versions élaborées du récent accord de Bale II sur la réglementation bancaire ne semble pas devoir arranger la situation : en effet, ce serait prématuré pour la plupart des pays africains (encadré 3.4). Au total, cependant, l'accès gé- néralisé aux exemptions et le fait que les banques ne se plaignent que ti- midement de la réglementation excessive autorisent à penser que ce n'est pas uniquement voire principalement le poids de la réglementation sur le crédit qui limite l'accroissement du volume du crédit en Afrique. Actionnariat et structure sectorielle du système bancaire Pour que le système bancaire fournisse les services de crédit qui font tant défaut aux économies africaines, comment faudrait-il l'organiser au mieux ? Les systèmes bancaires africains sont-ils trop concentrés ; exces- sivement dépendants de l'actionnariat étranger ? Ou alors, y a-t-il trop de petites banques ? Quel rôle devrait jouer l'État ? C'est ici que se posent les enjeux de l'organisation et de l'internationalisation. Construire des systèmes bancaires solides en Afrique Comme indiqué au Chapitre 2, les systèmes bancaires en Afrique sont for- tement concentrés. Les études ont démontré que les politiques libérales 88 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 3.4 : Bale II en Afrique Les organismes de contrôle bancaire à travers l'Afrique font de plus en plus face à de nouvelles pressions suite à l'entrée en vigueur du nouvel accord international entre les organes de contrôle bancaire des pays avancés connu sous le nom de Bale II. Aucune obligation officielle n'est faite aux organes de réglementation dans les pays en développement d'adopter l'accord et, en réalité, les techniques relativement complexes qui sont envisagées dans certains aspects de l'approche de Bale II pourraient se révéler assez dange- reuses si elles étaient appliquées dans un environnement sur lequel l'on ne dispose pas des données de base ni des compétences nécessaires. Par exemple, la méthode « uniformisée » d'évaluation du capital exigé des banques énoncée dans Bale II envisage le recours à des agences de nota- tion du crédit qui attribueraient des cotes à différents emprunteurs sur la base du capital nécessaire aux banques pour soutenir les prêts accordés à ces emprunteurs. Il est difficile d'imaginer une activité de notation respec- tée et jouissant d'une indépendance reconnue dans les petits pays peu nantis. En premier lieu, peu, sinon aucune pression, ne serait exercée par le marché sur une agence de notation afin qu'elle modère ses évaluations parce qu'aussi bien la banque que l'emprunteur préféreraient recevoir une note plus élevée. Une méthode alternative contenue dans Bale II consiste à recourir au propre système de notation interne de la banque pour attribuer le montant du capital nécessaire. Cette approche exige des banques d'être à même d'attribuer des notes crédibles sur la base d'un modèle statistique du risque de défaillance. Les données nécessaires pour construire un tel modèle n'existent pas encore sur le continent au Nord du fleuve Limpopo. régissant l'entrée sur le marché peuvent compenser la position dominante que pourrait autrement conférer la concentration (Berger et autres 2004). La promotion d'une offre suffisante de banques concurrentes solides est un souci constant pour les autorités bancaires africaines, plus particulière- ment au regard de l'étroitesse du marché. Les marchés de capitaux plus vastes peuvent permettre la concurrence entre de gros intermédiaires. Ainsi, la quadrature du cercle de la concur- rence et de l'échelle d'activité appelle ainsi à un approfondissement du marché des capitaux au niveau des différents pays ainsi qu'au développe- ment de la banque transnationale et régionale. Jusqu'à présent, le degré de concurrence garanti aux principales banques par les quasi-banques locales est limité ; elles sont cependant confrontées à une rude concurrence de la part des banques extraterritoriales et des meilleures entreprises clientes. Changements dans l'actionnariat des banques La récente reprise de la croissance économique dans l'ensemble de la ré- gion a favorisé l'arrivée de quelques nouvelles banques et l'augmentation LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 89 Cependant, les banques internationales, qui luttent déjà pour se conformer aux nouvelles dispositions en ce qui concerne leurs activités dans leur pays d'origine, exhortent les organismes de contrôle des pays en développe- ment à adopter Bâle II afin d'harmoniser les exigences de rapports impo- sées aux banques. Il faut résister à cette pression. Il n'est pas si difficile pour des banquiers internationaux de préparer des états financiers selon l'ancien régime (en effet, elles réaliseraient des économies plus substan- tielles si elles pouvaient rendre compte à un organe de réglementation ré- gional, comme examiné ci-après). En outre, compte tenu de la complexité des modèles de notation interne, les organismes de réglementation des pays d'accueil ne pourraient pas justifier les frais de mise en place néces- saires pour évaluer la qualité d'un modèle de notation interne. Par-dessus tout, si les banques locales étaient également autorisées à employer des approches mieux élaborées pour apprécier le niveau de capital requis, la difficulté et l'ambiguïté d'évaluer si ces systèmes mesuraient convenable- ment le risque, ajoutées à ce qui est, dans la pratique, un degré d'indépen- dance politique limité de l'organisme de réglementation, aboutira rapide- ment de facto à une absence totale de réglementation. Certes l'utilisation de modèles de risque statistiques par les banques deviendra et devrait de- venir de plus en plus répandue dans les années à venir, mais l'adoption des méthodes perfectionnées de mesure du capital énoncées par Bale II doit être reportée pour l'heure en Afrique. Il est probable que l'Afrique soit également affectée par l'application de Bale II dans les pays avancés à tel point que cela donnera lieu à des exi- gences plus importantes en matière de fonds propres pour soutenir les prêts consentis par les banques internationales à la région, ce qui pourrait limiter l'accès des grandes entreprises aux emprunts à l'étranger. du nombre d'agences. Comme indiqué au Chapitre 2, même les ratios du crédit au PIB se sont améliorés. En outre, les tendances récentes dans l'or- ganisation du secteur bancaire ont été influencées par trois changements structurels. Premièrement, l'amélioration des communications internatio- nales (liaisons aériennes et télécommunications) dans la région a facilité l'expansion des banques régionales. En deuxième lieu, le rodage des réformes a permis d'assainir les portefeuilles de banques depuis longtemps insolvables, dont beaucoup sont des banques publiques et ont cédé leur contrôle à de nouveaux actionnaires. Troisièmement, on note la réappari- tion des banques sud-africaines comme investisseurs. Il est peu probable que l'on ait pu assister à la nouvelle vague de banques multinationales en Afrique sans les améliorations intervenues dans les moyens de communication. Les plus étendus de ces réseaux sont jusqu'ici Ecobank et Bank of Africa, qui trouvent toutes deux leur origine dans l'intégration déjà effective de la zone UEMOA. Cependant, ces deux groupes se sont récemment étendus au-delà de cette zone, Bank of Africa ouvrant des agences au Kenya et à Madagascar et prévoyant d'implanter TABLEAU 3.1 : Banque transnationale en Afrique. Localisations des agences ou filiales de 26 groupes bancaires internationaux Faso Congo ert équatoriale du Congo AngolaBurundi Bénin BotswanaBurkina CamerounCap-V Rép.centrafric.Tchad Comores Rép. Côte-d'IvoireRD Djibouti Guinée Éthiopie Gabon Gambie Ghana Guinée Guinée-BissauKenya Lesotho Groupe bancaire (pays) AGO BDI BEN BWA BFA CMR CPV CAF TCD COM COG CIV ZAI DJI GNQ ETH GAB GMB GHA GIN GNB KEN LSO BEL Belgolaise* BEN Financial Bank BWA Finabank CAM Afriland First CAM FOTSO CIV Cofipa DEU Novobanco(Procredit) FRA BNP Paribas 90 FRA Calyon FRA SGB GAB BGFI GBR Barclays GBR Stanchart GHA International Comm'l GMB First International KEN Kenya Comm'l. LBY BSIC MLI Ecobank NAM Capricorn I H NGA Guaranty Trust NGA Intercontinental PRT Millennium BCP TGO Bank of Africa USA Citi ZAF ABSA ZAF Stanbic Principe et Sud Tome -Leone du Libéria MadagascarMalawi Mali MauritanieMaurice MozambiqueNamibie Niger Nigeria Rwanda Sao Sénégal SeychellesSierra Afrique Soudan SwazilandTanzanie Togo Ouganda Zambie Zimbabwe Groupe bancaire (pays) LBR MDG MWI MLI MRT MUS MOZ NAM NER NGA RWA STP SEN SYC SLE ZAF SDN SWZ TZA TGO UGA ZMB ZWE BEL Belgolaise* BEN Financial Bank BWA Finabank CAM Afriland First CAM FOTSO CIV Cofipa DEU Novobanco FRA BNP Paribas FRA Calyon FRA SGB GAB BGFI 91 GBR Barclays GBR Stanchart GHA Intern'l Comm'l GMB First International KEN Kenya Comm'l. LBY BSIC MLI Ecobank NAM Capricorn I H NGA Guaranty Trust NGA Intercontinental PRT Millennium BCP TGO Bank of Africa USA Citi ZAF ABSA ZAF Stanbic Source : Sites web des banques. *Fortis, la société-mère de la Belgolaise, a annoncé en 2005 qu'elle cessait les activités de cette dernière. 92 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE un réseau encore plus vaste. Le projet de filiale commune entre Ecobank et la FirstBank du Nigeria, une banque plus importante, va permettre de renforcer considérablement son échelle d'activité. Le Tableau 3.1 illustre l'ampleur de l'activité bancaire transnationale au Nord du fleuve Limpopo. Les banques implantées en Afrique du Sud offrent depuis longtemps des services bancaires dans les pays voisins (Botswana, Lesotho, Namibie et Swaziland). Plus récemment, Stanbic13 et, dans une moindre mesure, ABSA ont saisi les opportunités d'acquérir des banques importantes plus au Nord. En 2005, la Barclays du Royaume-Uni a acquis une participation majoritaire dans ABSA : elle envisage, sous réserve de l'approbation des organes de réglementation, de céder toutes ses activités en Afrique à ABSA. Ainsi, même si ABSA est contrôlée en définitive par Barclays, deux des trois principaux groupes bancaires situés hors de l'Afrique du Sud seront contrôlés par des intérêts sud-africains. Le processus de privatisation a été extrêmement long et n'est toujours pas achevé14. Les banques commerciales publiques ont fait leur apparition pendant les premières décennies des indépendances, soit à la suite de la nationalisation pure et simple des banques existantes par des gouverne- ments socialistes (comme en Guinée, au Mozambique, au Soudan15 et en Tanzanie16) ; dans le cadre d'une initiative isolée (comme au Ghana, au Lesotho et en Ouganda) ou par un processus d'africanisation progressive du capital (comme dans la plupart des pays de la zone CFA, au Kenya et au Nigeria17). Suite à l'effondrement de la BCCI et de Meridien-BIAO, les autres États se sont retrouvés propriétaires de leurs filiales locales. Le désenchantement grandissant face aux résultats obtenus par les banques publiques -- causé non seulement par les coûts budgétaires occasionnés par le remboursement de pertes sur prêt imprévues, mais aussi les résultats fonctionnels décevants -- ajouté aux encouragements de la communauté des bailleurs de fonds, ont conduit la plupart des États à chercher à ré- duire leur participation dans les banques commerciales et à ouvrir la porte à de nouveaux arrivants. Ils ont adopté une panoplie de stratégies de privatisation. Le transfert des participations de l'État dans les caisses nationales de sécurité sociale ou d'autres entités parapubliques était une approche peu susceptible d'influer sensiblement sur la gouvernance. Une autre approche a consisté à céder une participation minoritaire au grand public à travers une offre publique de vente comme au Kenya et au Nigeria ; même cette solution constitue un moyen limité de contrôle sur une direction encore largement désignée par l'État. Les autres privatisations partielles ont fait intervenir des action- naires stratégiques, parfois à travers un contrat de gestion. Dans bien des cas, ce sont les mêmes banques à capitaux étrangers qui étaient actives pendant l'époque coloniale (ou leurs successeurs), qui ont effectué leur entrée ou leur retour en tant qu'investisseurs stratégiques. Ainsi, bien que leurs réseaux en Afrique soient moins étendus que par le passé, les banques françaises comme la Société générale, le Crédit agricole et BNP- Paribas sont encore une fois les principaux acteurs étrangers dans la zone CFA, les deux dernières étant les successeurs du Crédit Lyonnais et du LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 93 consortium BCI qui étaient présents jusqu'aux années 8018. Dans les pays anglophones, Barclays, Standard Chartered et la Standard Bank of South Africa (Stanbic) figurent encore, avec Citigroup, parmi les banques étran- gères les mieux implantées. Les banques portugaises ont réinvesti les mar- chés de l'Angola et du Mozambique. Peu d'États africains se sont résolument opposés à la vague de dénatio- nalisation. Comme exposé au Chapitre 2, seuls trois pays ont encore la plupart de leur système bancaire entre les mains de l'État, tandis que 20 pays ont plus de 60 % de leur système bancaire sous le contrôle d'action- naires étrangers. (La Figure 3.4 montre que l'Afrique est allée beaucoup plus loin que le reste des pays en développement en réduisant sa dépen- dance vis-à-vis des banques contrôlées par l'État et en s'en remettant à l'actionnariat étranger). Même l'Éthiopie a permis l'émergence de banques privées, mais non étrangères. Cependant, tous se sont montrés réticents à céder totalement la participation et le contrôle de l'État. En partie, cette démarche est dictée par l'inquiétude que la privatisation de grandes banques commerciales qui fournissent des services financiers essentiels dans l'ensemble du pays, y compris dans les contrées relativement isolées, serait suivie par la fermeture des agences les moins dynamiques et les moins rentables. Des craintes se sont également exprimées quant aux conséquences politiques de licenciements importants de l'excédent de per- sonnel. Des inquiétudes plus générales se sont manifestées au sujet de l'en- gagement à long terme des propriétaires privés19 et de leur sensibilité éventuelle aux enjeux d'intérêt national. Enfin, il est clair que la conserva- tion d'une participation majoritaire dans la principale banque contrôlée par des nationaux, même si cette part est répartie entre de nombreux actionnaires, reste encore aujourd'hui un objectif politique pour des rai- sons idéologiques plus générales20. Échelle d'activité L'influence des structures d'actionnariat dépend des stratégies adoptées par la direction des banques et de ses capacités. Le but des banques transnatio- nales africaines est d'exercer des activités bancaires rentables, au lieu de financer principalement les groupements économiques existants dans leurs pays d'origine. En partageant certaines fonctions, elles peuvent aussi réaliser des économies d'échelle, même si pour l'heure, des groupes comme Bank of Africa et Ecobank restent encore de dimension réduite, avec un peu plus de 2 milliards de dollars d'actifs au total (bien que l'actif de l'association Firstbank-Ecobank se chiffrerait à 6 milliards de dollars). Bien entendu, ces niveaux peuvent être atteints par des banques natio- nales, plus particulièrement sur les grands marchés comme ceux du Nige- ria, du Kenya et de la Tanzanie, du Cameroun et (dans les périodes de stabilité) de l'Angola et de la Côte-d'Ivoire. Atteindre l'échelle optimale était également un des objectifs visés par la décision des autorités nigérianes d'imposer un niveau de capital mini- mum exceptionnellement élevé pour les banques, à savoir 25 milliards de nairas, soit près de 200 millions de dollars. Cette décision a abouti à une 94 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE FIGURE 3.4 : Profils d'actionnariat des banques. L'Afrique et le reste du monde Afrique Surtout public 7% Surtout local 23% Équitablement Surtout étranger partagé 45% 18% Étranger et public 7% Reste des pays en développement Surtout public Surtout local 12% 24% Surtout étranger 30% Équitablement partagé 25% Étranger et public 9% Source : Estimations des auteurs à partir du tableau 2.3 et de l'Enquête de la Banque mondiale sur la réglementation et la supervision. Note : Surtout public, surtout étranger et surtout local signifie que plus de 60 % du montant total des actifs est détenu par des banques majoritairement contrôlées par l'État ou majoritairement contrôlées par des actionnaires étrangers et locaux. Étranger et public signifie que ces deux catégories détiennent ensemble plus de 70 %. Équitablement partagé est une catégorie résiduelle. très forte consolidation sur le marché bancaire nigérian, les banques ayant décidé d'opérer des fusions et aussi de lever de nouveaux capitaux avant l'expiration du délai fixé à fin 2005. Le nombre total de banques -- qui avait considérablement augmenté dans les années où prévalaient des taux de change multiples pour profiter des opportunités de profit exceptionnelles LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 95 qu'offrait ce régime -- s'est réduit de 89 à 25. Un autre avantage parallèle a peut-être été que la recomposition des structures d'actionnariat aurait en- traîné un réalignement des centres de pouvoir économique et financier existants au Nigeria, dont l'effet aurait probablement été d'amener les banques à s'intéresser davantage à rechercher la rentabilité bancaire qu'à offrir des services à des clients reconnus, ouvrant ainsi la voie aux entre- prises jusqu'ici mal desservies. Il est encore trop tôt pour évaluer le succès de l'expérience nigériane : est-il possible qu'elle ait limité inutilement l'en- trée sur le marché ? L'augmentation du capital des banques aurait-il en- traîné une explosion des prêts non viables ? Mais une chose est certaine, c'est que la trajectoire future de l'activité bancaire aura été modifiée, non seulement au Nigeria, mais dans l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. L'échelle d'activité est ce que les grandes banques internationales ont en abondance et c'est un aspect dont les pays d'accueil pourraient bénéficier à moindre coût, si les conditions de la concurrence sont réunies. Chaque filiale nationale peut puiser dans une grande panoplie de services assurés par le bureau central et dans les ressources financières de celui-ci selon le besoin. (En effet, les filiales des grandes banques internationales exter- nalisent de plus en plus une grande part de ce qui peut être automatisé à leurs bureaux mondiaux). Mais leurs modèles opérationnels et leurs objec- tifs commerciaux sont souvent différents de ceux des propriétaires locaux. Il est évident que les banques telles que les filiales africaines de la BNP et de Standard Chartered concentrent particulièrement leurs services sur les grandes compagnies intervenant sur le marché international et sur les clients haut de gamme. Elles ont également d'importants clients étrangers qui entretiennent des relations commerciales avec l'Afrique. Il faudra opé- rer un changement profond de leur stratégie pour qu'elles choisissent de se concentrer, par exemple, sur les petites et moyennes entreprises (PME). Une politique axée sur la clientèle Les données recueillies à l'échelle internationale autorisent à penser que l'entrée de banques étrangères sur le marché n'aboutira pas à l'exclusion des PME ; même si les banques étrangères ne s'occupent pas de ce segment, l'intensification de la concurrence pour s'attirer les gros clients amènera les banques locales à s'orienter vers le bas de la gamme (encadré 3.5). Cet aspect est important car il serait réellement préoccupant que toutes les banques étrangères s'intéressent surtout à la grosse clientèle. Après tout, dans certains pays africains (tels que le Mozambique et Madagascar), la quasi-totalité des banques commerciales sont contrôlées par des action- naires étrangers. Mais les faits indiquent que le modèle et les pratiques com- merciales des banques internationales présentes en Afrique sont variables. Certes, Stanbic et ABSA affirment étendre désormais leur cible à toute la panoplie des services bancaires et à une vaste clientèle et des signes indi- quent que leur comportement se confirme. Probablement, ces banques sud- africaines voient de plus fortes similitudes entre leur marché d'origine et les autres régions d'Afrique. Les nouvelles initiatives entreprises en Afrique du Sud pour toucher une clientèle à plus faible revenu (par exemple avec le 96 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 3.5 : Les banques étrangères et les prêts aux PME : données provenant d'études comparatives dans différents pays L'entrée des banques étrangères est partout un sujet controversé. D'une part, les banques étrangères sont supposées apporter de l'argent frais, des technologies nouvelles et des techniques plus efficientes ainsi que de nou- velles compétences et occasionner une pression concurrentielle pour les systèmes bancaires de leurs marchés d'accueil. D'autre part, une pré- sence plus importante des banques étrangères pourrait réduire l'accès au crédit, notamment pour les PME, étant donné que ces entreprises s'en re- mettent davantage aux prêts sur mesure. Par ailleurs, les banques étran- gères pourraient manifester moins de loyauté à l'égard de leurs pays d'ac- cueil et se retirer en période de crise ou même en cas de chocs dans des pays tiers et en réaction à des modifications globales du portefeuille. Les données comparatives sur différents pays ont confirmé que les banques à capitaux étrangers sont plus efficaces que les banques locales dans les pays en développement et que l'entrée de banques étrangères exerce bien une pression concurrentielle sur les banques locales pour qu'elles de- viennent plus efficaces (Claessens, Demirgüç-Kunt et Huizinga, 2001). Les données empiriques sur l'effet de l'arrivée des banques étrangères sur l'accès au crédit sont au pire mitigées sinon favorables. D'une part, les em- prunteurs dans les pays où il y a une plus forte présence des banques étrangères font état d'obstacles moins importants au financement et sont plus susceptibles d'avoir accès au crédit bancaire (Clarke, Cull et Martinez Peria, 2001). L'entrée de banques étrangères sur le marché permet de ré- duire les prêts basés sur les relations personnelles et leurs effets négatifs sur la répartition des ressources (Bonin et Imai 2005 ; Giannetti et Onge- na, 2005). D'autre part, les études sur quelques pays en développement ont démontré que les banques à capitaux étrangers sont moins enclines à prêter aux emprunteurs plus opaques et se fient davantage à des rensei- gnements précis plutôt qu'à des informations imprécises (Mian 2003). Par ailleurs, les retombées à court terme de la présence des banques étran- gères n'apparaissent pas de manière évidente dans les études économé- triques comparatives limitées aux pays à faible revenu -- certaines études font même état d'effets négatifs (Detragiache, Gupta et Tressel 2005). S'il existe des données confirmant que les banques étrangères pourraient transmettre les chocs survenus dans leur pays d'origine à leurs pays d'ac- cueil, leurs prêts ne baissent pas généralement durant les crises finan- cières dans leurs pays d'accueil (Dages, Goldberg et Kinney, 2000 ; mais se reporter à Peek et Rosengren 2000). Le retrait de certaines banques étran- gères en Argentine suite à la crise de 2001 pourrait être cité comme un contre-exemple, mais là ce fut le traitement arbitraire et inéquitable par l'administration de l'actif et du passif libellés en devises qui a poussé les banques vers la sortie. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 97 nouveau produit de dépôt baptisé Mzansi, examiné plus en détail au Cha- pitre 4) ont également renforcé la compréhension de ces banques et leurs capacités à offrir des services aux clients de milieu de gamme dans un contexte africain où la population est inégalement répartie. Il est difficile d'être affirmatif sur les types de structure d'actionnariat qui sont les plus efficaces. Même s'il est réconfortant d'observer des indices évidents d'une modification des attitudes par rapport à la vision étriquée qu'elles avaient toutes pendant la période coloniale (ne serait-ce que par l'utilisation accrue d'équipes de direction issues de la région), il serait naïf de croire que le retour des banques étrangères est une panacée pour l'en- treprise africaine. Néanmoins, une analyse rigoureuse des données quan- titatives disponibles indique que certaines inquiétudes soulevées par la pri- vatisation et la cession de banques clés à des propriétaires étrangers étaient mal fondées ou à tout le moins exagérées. Même dans le cas du Nigeria où l'État s'est dessaisi de participations substantielles, quoique essentielle- ment minoritaires, dans près de 14 banques au début des années 90 prin- cipalement à travers des offres publiques d'actions aux Nigérians (une mé- thode qui n'a pas été très efficace dans d'autres pays), la rentabilité de ces banques a été rétablie assez rapidement. Beck, Cull et Jerome (2005) constatent que, bien que l'État semble avoir choisi de privatiser la moins viable de ses banques au moyen d'une vente publique d'actions, la renta- bilité de ces banques -- qui représentaient ensemble la moitié du système bancaire -- atteignait le niveau des banques privées. Ces banques sont re- venues à la rentabilité sans réorienter leur portefeuille vers les obligations d'État (même si les banques qui détenaient des obligations pendant ces an- nées-là les trouvaient plus rentables que les prêts). Le cas plus récent de l'acquisition par Stanbic de la Uganda Commercial Bank (UCB) révèle des indices encore plus prometteurs, selon une nou- velle étude menée par Clarke, Cull et Fuchs (2006). Non seulement Stan- bic, qui a intégré l'ancienne banque publique en situation de monopole dans sa propre filiale ougandaise, a pu asseoir sa rentabilité (grâce notam- ment à la recapitalisation globale de l'UCB par l'État avant sa vente), mais, mieux, seule une agence a été fermée et plusieurs agences autrefois peu rentables sont revenues à une exploitation rentable. Par ailleurs, tandis que les prêts de Stanbic au secteur agricole étaient jusque-là même infé- rieurs à la moyenne des banques à capitaux étrangers (comme ce fut le cas de l'UCB au cours des dernières années), les données sur la situation après la fusion indiquent que la consolidation des activités a peut-être eu pour effet d'augmenter les prêts au secteur agricole à un niveau qui, quoique modeste, est comparable à celui des autres banques à capitaux étrangers. Il y a d'autres signes positifs : une cellule de promotion des PME a été créée et les niveaux minima de dépôts ont été drastiquement réduits. N'em- pêche qu'il est encore prématuré d'émettre un jugement définitif sur ce cas. Il est vrai que les banques internationales ne visent pas un but chari- table. En effet, l'examen des comptes des banques multinationales en Afrique subsaharienne révèle qu'elles ont des rendements beaucoup plus 98 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE élevés sur les actifs et les fonds propres que les filiales des mêmes banques dans les pays en développement non africains. Ceci peut s'expliquer en partie par l'existence d'une prime de risque pour l'Afrique. Mais les banques multinationales implantées en Afrique tendent également à être plus rentables que les banques contrôlées par des nationaux. Cette renta- bilité correspond en partie non seulement à une offre de produits supé- rieure, à une meilleure organisation et à une meilleure maîtrise des coûts, mais aussi aux avantages que leur confère leur position dominante sur le marché. La plupart des contrôles administratifs destinés à empêcher l'exer- cice d'un pouvoir dominant sur le marché dans le secteur bancaire ont le plus souvent un effet dommageable de limitation de l'accès qui surpasse l'effet bénéfique sur la limitation des profits excessifs21. L'unique solution viable aux tarifs exorbitants est de garantir un environnement de politique générale qui permette non seulement l'entrée22, mais créée également des conditions dans lesquelles les concurrents voudront pénétrer le marché pour exploiter les possibilités dynamiques de profit offertes par la crois- sance du marché. La création d'un environnement concurrentiel restera cependant un défi, compte tenu notamment du fait que la tendance à la consolidation bancaire se poursuit à l'échelle mondiale. Au Mozambique, la position do- minante de la principale banque s'explique par la fusion des banques- mères des deux principales banques sur leur marché d'origine, à savoir le Portugal. À cela, il faut ajouter le fait que l'acquisition par Barclays d'AB- SA, propriétaire de la banque leader sur le marché tanzanien, la National Bank of Commerce, a renforcé la concentration bancaire dans ce pays. Reste à voir ce qui adviendra après le départ de la Belgolaise, étant donné que ses filiales régionales sont absorbées par d'autres propriétaires. Toute- fois, en gardant à l'esprit la manière dont les grands groupes internatio- naux perçoivent les marchés exigus et fragmentés en Afrique, il se pourrait bien que le dynamisme futur de la concurrence provienne davantage de l'expansion des banques contrôlées par des ressortissants africains dans l'ensemble du continent, et pas seulement celles du Nigeria et de l'Afrique du Sud23,24. Les discours politiques populistes mobilisent souvent autour de l'oppo- sition aux banques étrangères, ce qui peut engendrer des difficultés pour les dirigeants politiques qui souhaitent faire profiter leur pays des bienfaits que procure l'entrée de banques étrangères sur le marché. Les banques elles aussi font bien d'utiliser des antennes sensibles aux susceptibilités politiques. Les considérations politiques liées à l'entrée de banques étran- gères en Afrique sont trop mal comprises, tout comme les autres aspects de la réforme du secteur financier en Afrique qui relèvent de l'économie poli- tique. À titre d'exemple, il se peut qu'un système bancaire essentiellement contrôlé par des nationaux (comme au Nigeria) favorise l'émergence d'un groupe d'intérêt politique plus influent en faveur d'une réforme plus géné- rale des structures de gouvernance, bien qu'on n'ait pas suffisamment d'éléments d'appréciation pour formuler plus qu'une simple conjecture. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 99 Les IFD à capitaux publics Une génération antérieure de décideurs politiques a naturellement opté pour la création d'intermédiaires spécialisés contrôlés par l'État pour aider à canaliser les ressources investissables vers des projets de développement. L'histoire de certaines IFD remonte à l'époque coloniale, et leur raison d'être réside dans ce qui est perçu comme les échecs du marché dans les domaines du financement à long terme, du financement agricole et du financement à petite échelle. Les institutions privées jugent ces secteurs coûteux à servir et considèrent qu'ils offraient des rendements insuffisants au regard des risques. La création d'IFD contrôlées par l'État a donné des résultats décevants, et pas seulement en Afrique. Si la crise des années 80 a fait ressortir les défaillances dans tous les segments du système financier, ces problèmes ont été encore plus prononcés pour les IFD contrôlées par l'État. À cela s'ajoute le fait que les financements ont tari car les bailleurs de fonds internationaux avaient des doutes quant à l'efficacité et à la pérennité de nombreuses IFD pour l'acheminement des fonds. Les IFD à capitaux publics ont généralement très peu réussi à toucher le marché ostensiblement visé, n'ont pas été capables de recouvrer les prêts et ont, dans l'ensemble, pesé lourdement sur les finances publiques. La cause du problème était liée en partie à l'ingérence politique, en partie à l'harmoni- sation insuffisante des incitations, ou encore aux structures de coûts d'in- termédiation excessivement élevés. Nombre d'entre elles ont été fermées, la plupart ont dû compresser leurs effectifs. Mais les IFD à capitaux publics -- mêmes celles dont les résultats sont médiocres -- se sont révélées des survivants tenaces. Elles n'ont pas tota- lement disparu de la scène. En effet, on compte aujourd'hui plus de 60 IFD en Afrique. Mais dans de nombreux pays, de la Tanzanie au Mali en pas- sant par la Zambie, les banques spécialisées contrôlées par l'État sont res- tées dans une situation à moitié figée, sont largement illiquides, ne four- nissent que peu de services, ont une solvabilité précaire et dépendent du soutien de l'État. Pourquoi les États ont-ils choisi de continuer une liaison vieille d'un demi-siècle avec les IFD ? Cela s'explique en partie par la persistance de ce qui est perçu comme des défaillances dans le marché, que ce soit au niveau du financement de l'habitat, du financement du développement industriel ou du financement agricole. La réticence des autorités à prendre des me- sures décisives pour vendre ou réhabiliter ces institutions témoigne en par- tie de la tension qui existe entre a) une idée toujours présente selon la- quelle il faut se pencher sur les défaillances du marché et b) le fait que le redressement de la situation financière de la banque nécessitera l'engage- ment de ressources budgétaires qui ne peuvent être détournées facilement d'autres objectifs. C'est la raison pour laquelle nombre de ces entités de- meurent dans un état léthargique. Étant donné qu'il s'agit manifestement d'un compromis peu satisfai- sant, vers où les États doivent-il se tourner ? Revenir au modèle des IFD tout en y apportant quelques améliorations ou se tourner vers d'autres solutions ? Depuis de nombreuses années, la Banque mondiale adopte 100 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE généralement une position tendant à décourager les IFD à capitaux pu- blics, ce qui intrigue beaucoup de gens, d'autant que la Banque elle-même peut être considérée comme une IFD à capitaux publics, quoique à une échelle mondiale, et compte tenu du financement dont bénéficient les banques régionales et sous-régionales de développement de la part des gouvernements des pays riches. En fait, le modèle d'IFD contrôlée par l'État est difficilement conciliable avec les conceptions contemporaines sur le mode de fonctionnement opti- mal des systèmes financiers basés sur les principes du marché. Cela est es- sentiellement dû au fait que -- vu sous l'angle de la planification -- le mo- dèle des IFD à capitaux publics brouille des différences cruciales : entre un prêt et un don, entre le rendement social et le rendement privé, entre les prévisions des promoteurs et les évaluations réalistes. Une chose est de se lancer dans un programme de développement financé sur fonds publics en parfaite connaissance de cause et en mesurant les risques et incertitudes que cela implique, tout en s'assurant que les responsables politiques se chargent du déblocage des fonds publics. Une telle approche s'inscrit bien dans une optique de planification des finances publiques. Mais une institu- tion financière est créée dans l'intention et l'espoir qu'elle soit un fonds re- nouvelable viable à long terme et autofinancé. En conjuguant cette at- tente à l'obligation d'octroyer des prêts de longue durée visant des objec- tifs sociaux bien définis aboutit à une confusion de rôles -- et à différer l'évaluation, de sorte qu'il y a généralement peu de chances que les retom- bées financières et sociales soient jugées acceptables. Le fait que les inves- tissements s'étalent sur une longue période de temps et l'absence d'un marché secondaire pour l'évaluation de la valeur évolutive de ces investis- sements complique la responsabilité des gérants d'une telle institution. Et même si des doutes surviennent concernant la viabilité financière de l'in- vestissement, il est bien trop facile pour la direction des IFD à capitaux pu- blics de se cacher derrière l'écran de fumée créé par la justification sociale de l'investissement. Au moment où l'évidence de l'échec apparaîtra claire- ment, les responsables seront déjà partis depuis longtemps. Ainsi sont créées les conditions de la mainmise de l'élite. Les personnes ayant une bonne connaissance des IFD publiques en Afrique ou vivant dans les autres régions du monde savent que ceci n'est pas une opinion purement théorique. Un cas, celui du Nigeria, est exa- miné à l'encadré 3.6. Malheureusement, le Nigeria ne fait nullement ex- ception à la règle. Le synopsis du Nigeria en 2000 pourrait être reproduit pour plusieurs pays du continent. Comme ces récits ne sont pas générale- ment compris ou comme les échecs ont été attribués à tort à la malchance, des personnes soucieuses de l'intérêt général continuent de proposer la création, la modernisation ou la recapitalisation des banques de dévelop- pement partout en Afrique. Au Nigeria, un projet de loi a été introduit à cet effet au parlement au début de l'année 2006. Les raisons immédiates qui pourraient expliquer l'échec des IFD à capi- taux publics sont multiples : perturbations des taux de change et autres perturbations macroéconomiques, ingérences politiques flagrantes (avec LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 101 ENCADRÉ 3.6 : IFD à capitaux publics : expérience d'un pays. Pour ne citer qu'un seul cas significatif et bien documenté, le secteur des IFD au Nigeria se trouve, d'après un rapport publié par Alawode et autres (2000), « dans une situation financière relativement désastreuse ». Les données disponibles sur sept IFD nigérianes (la Nigeria Industrial Develop- ment Bank, la Nigeria Bank for Commerce and Industry, la NEXIM, le National Economic Recontruction Fund, la Urban Development Bank, la Nigerian Agricultural and Credit Bank) en 1997 et en 1998 ont révélé : · une perte annuelle combinée de 9 % du total de l'actif et des pertes cu- mulées de 45 % du total de l'actif (équivalent en 2000 à environ 100 mil- lions de dollars en dépit de l'inflation et de la dépréciation de la monnaie) ; · une valeur nette négative de 25 % de l'actif (malgré les méthodes comptables optimistes qui ont été employées) ; · un portefeuille de créances improductives de 78 % en moyenne (pour les quatre IFD pour lesquelles des données étaient disponibles). Plusieurs de ces institutions avaient démarré sur des bases solides et pro- metteuses, mais elles subissaient de lourdes pertes, imposaient des marges d'intérêt insuffisantes, faisaient face à des risques de change ex- cessifs et n'avaient jamais développé une forte culture d'évaluation du cré- dit. Au moment où les prêts improductifs ont commencé à augmenter en flèche, la trésorerie disponible pour de nouveaux prêts a commencé à tarir. Même les emprunteurs qui auraient pu rembourser leurs emprunts étaient moins motivés à le faire à mesure que s'évanouissait toute possibilité d'ob- tenir de nouveaux prêts. Les personnels les mieux qualifiés sont partis. · À la fin des années 90, la Nigeria Industrial Development Bank avait mis un terme aux prêts à sa clientèle de moyennes et grandes entreprises, dont plus de la moitié perdaient de l'argent ou étaient en liquidation. · Sur l'ensemble du portefeuille de créances de la Nigeria Bank for Com- merce and Industry aux PME, 98 % accusait des arriérés de paiements et essentiellement toute la trésorerie de la banque était affectée au paiement des charges de personnel. Malgré cela, la direction envisa- geait la construction d'un nouvel immeuble devant abriter le siège de la banque. · En ce qui concerne la banque de promotion des exportations « NEXIM », 99,7 % de son portefeuille était improductif dans les 6 ans qui ont suivi sa création. En réalité, une part considérable de son portefeuille avait été héritée de la Banque centrale du Nigeria qui avait mis à disposition des fonds destinés à être rétrocédés à plusieurs banques qui se sont bientôt (Suite de l'encadré page suivante) 102 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 3.6 (suite) retrouvées en situation d'insolvabilité. À l'instar du National Economic Re- contruction Fund, une institution de financement des exportations agri- coles mettant également à la disposition des banques des fonds destinés à être rétrocédés, ce sont les banques les plus fragiles qui ont été atti- rées. · La Urban Development Bank, chargée d'offrir des financements pour l'aménagement urbain, n'a pu mobiliser des ressources extérieures et dépendait en grande partie de sa dotation en capital pour financer le peu d'investissements qu'elle a réalisés. Ces financements sont accordés à des prix situés entre 2 et 4 % en dessous des taux commerciaux. Les difficultés de recouvrement des prêts ont découragé la banque d'accor- der d'autres prêts ou de réaliser d'autres investissements au-delà du ni- veau de 10 % du total de l'actif qui avait été atteint en 1997. Mais la Ur- ban Development Bank a conservé un personnel important et quatre bureaux, ce qui a entraîné des coûts administratifs équivalant à 4 dollars par dollar prêté. · Le cas le plus décevant a été probablement celui de la Nigeria Education Bank qui, 7 ans après avoir été créée pour aider au financement du sec- teur de l'enseignement supérieur, n'avait pu accorder un seul prêt, mal- gré un personnel de 261 agents répartis entre 21 bureaux. Dans l'ensemble, cette expérience n'a pas été seulement un cas de pré- carité financière, mais aussi d'échec social : en 2000, les IFD nigérianes n'avaient atteint ni leurs objectifs financiers ni leurs objectifs de développement. les pressions exercées non seulement concernant le choix des personnes devant recevoir les prêts, mais aussi pour l'annulation des prêts) et les compétences insuffisantes du personnel, une situation qui est souvent ag- gravée par les décision de facturation des prêts en dessous de la valeur. Mais tout ceci nous ramène à l'ambivalence fondamentale du modèle : le but de l'IFD est-il de faire des profits en tant qu'intermédiaire financier viable, axé sur le marché ou vise-t-elle à réaliser des objectifs sociaux ou de développement bien définis ? L'idée d'une agence de garantie du crédit financée sur les fonds publics gagne de plus en plus de terrain dans les milieux de la banque de dévelop- pement comme une voie alternative pour l'avenir, qui contourne ce qui est désormais une convention, à savoir éviter de créer de nouvelles IFD. Les garanties de crédit, quelle que soit leur nature, sont de plus en plus ré- pandues dans les systèmes financiers des économies avancées. Elles re- couvrent différentes modalités, telles que la titrisation des crédits par les banques et leur cession totale ou partielle (en principe assortis d'une forme de garantie de crédit) à d'autres banques, à des institutions finan- cières non bancaires telles que les compagnies d'assurance ou autres fonds gérés25. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 103 Cette nouvelle forme de technologie financière pourrait-elle fournir des financements aux secteurs spécialisés ou à plus haut risque où les banques commerciales semblent réticentes à pénétrer ou pour des échéances plus longues que ce qui intéresse les banques commerciales ? La réponse à cette question doit être nuancée. Pour commencer, il importe de recon- naître que nombre de programmes publics de garantie du crédit intègrent des subventions cachées -- même celui de la Corée a perdu environ 1 milliard de dollars par an au cours des dernières années. Dans la mesure où les prêts sont restructurés de sorte à les rendre admissibles au porte- feuille des institutions non bancaires, dans le pays d'origine ou à l'étranger, (comme dans les pays avancés), cette démarche pourrait alors offrir des perspectives intéressantes. Ceci étant, il faudra peut-être développer un marché secondaire plus dynamique pour attirer des investissements réelle- ment significatifs de la part des institutions non bancaires. Mais un autre déterminant des dérivés du crédit et de l'activité de garantie du crédit a été l'arbitrage réglementaire. Les risques sont transférés des entités comme les banques commerciales, qui sont soumises à la réglementation pruden- tielle, à des entités telles que les fonds gérés, les sociétés spécialisées de ga- rantie du crédit et les compagnies d'assurance, qui sont moins étroitement réglementées ou pas réglementées du tout. Si les détenteurs ultimes du risque ont des porte-monnaie bien garnis, alors cela ne posera aucun pro- blème, mais si l'échec des détenteurs ultimes se répercute sur les finances publiques par le biais des renflouements forcés, alors l'arbitrage réglemen- taire s'avérera avoir été une fuite en avant coûteuse. En réunissant différents participants du marché financier, quelques ex- périences récentes de programmes de garantie du crédit ont permis de mettre à jour des possibilités inexploitées dans le domaine de la banque d'investissement. Le Fonds de garantie hypothécaire du Mali (FGHM) a été créé par des sociétés de bancassurance locales et des entités gouvernemen- tales en vue de réaliser un objectif fondamental simple : fournir des garan- ties croisées pour des prêts hypothécaires. Bien que ceci demeure son acti- vité de base26, avec un prêt moyen garanti de 23 000 dollars et un portefeuille total de prêts garantis d'environ 20 millions de dollars, le FGHM a constaté que l'expertise de son personnel dans le domaine de la banque d'investissement lui permet de s'engager dans des activités connexes assimilables à celles d'une banque d'investissement, telles que la promotion et l'arrangement de la vente d'un portefeuille de prêts hypo- thécaires. Si ces initiatives continuent d'être couronnées de succès, et si elles peuvent être élargies sans occasionner de lourds passifs éventuels pour le FGHM, c'est peut-être en finançant et en introduisant sur le mar- ché malien l'expertise en matière d'activités de banque d'investissement que le Fonds remplira sa principale fonction sociale et apportera sa véri- table contribution au développement du secteur financier au Mali. Mais, beaucoup d'IFD ont fini par coûter à l'État plusieurs fois le mon- tant du capital injecté au départ (l'État ayant fourni des garanties soit ex- plicites soit implicites aux emprunts des IFD). De même, un programme de garantie déclenche presque automatiquement des passifs éventuels très importants, dépassant le montant envisagé par l'investissement explicite 104 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE réalisé au départ. Les passifs éventuels cachés sont largement supérieurs à ce que le parlement ou le grand public avaient cru comprendre initiale- ment. À l'instar des IFD à capitaux publics, la possibilité d'occasionner ces passifs éventuels représente un grand pot de miel qui attire les individus à la recherche de rentes. Les IFD à capitaux publics n'ont pas seulement échoué financièrement ; elles semblent également avoir été incapables d'atteindre leurs objectifs de développement. Même si le secteur privé n'a peut-être manifesté aucun enthousiasme à entrer dans les secteurs ciblés, il a été certainement dé- tourné de toute idée de le faire par la présence d'un concurrent subven- tionné. Et pire encore, dans bien des cas, aucune tentative n'a été faite pour fixer à ces entités des objectifs clairs, pour évaluer leur performance par rapport à ces objectifs et évaluer le coût de manière cohérente. Pour tout gouvernement gérant une IFD aujourd'hui, il ne saurait y avoir d'exercice plus utile pour orienter les politiques futures que d'entreprendre un tel examen des coûts et avantages (Yaron, Benjamin et Charitonenko 1998). En plus d'inspirer directement les décisions du gouvernement, un examen des coûts et avantages peut créer une dynamique d'économie po- litique. Si les résultats de ces analyses sont couramment rendus publics, cela servira de base à un débat public qui pourrait permettre de faire échec à la mainmise de l'élite sur l'IFD. Toutes les IFD à capitaux publics n'ont pas failli à leur mission, mais leurs chances de succès sont trop faibles. Il semble que le modèle de l'IFD ne peut avoir une bonne chance d'aboutir que si l'on maintient des pra- tiques et des procédures de gouvernance exceptionnellement rigoureuses, dans un environnement politique adapté et bien informé (encadré 3.7). Ceci explique probablement le fait qu'on constate plus d'exemples de suc- cès dans les IFD dans les économies avancées, où les infrastructures poli- tiques, civiques et juridiques appuyant la gouvernance sont mieux éta- blies. Les pays riches dotés de structures de gouvernance solides peuvent se permettre de risquer sur des IFD à capitaux publics ce qui est pour eux des sommes relativement faibles. Ces pays peuvent absorber les pertes éventuelles, et décourager les abus par la menace crédible de sanctions. Les banques multinationales de développement, que ce soit au niveau continental, telles que la Banque africaine de développement ou au ni- veau sous-régional (telles que l'East African Development Bank et la De- velopment Bank of Southern Africa ou la DBSA), offrent également l'avantage d'être moins dépendantes de l'environnement politique d'un seul pays. Mais pour les pays africains dont les gouvernements envisagent une expansion des IFD à capitaux publics, le pari est peu attrayant. C'est l'ampleur des pertes par rapport au revenu national, les mauvaises struc- tures d'incitations inhérentes, et l'idée que toute sanction contre les abus est improbable, qui rendent le calcul des avantages et des coûts attendus défavorable pour la plupart des initiatives de création d'IFD publiques en Afrique aujourd'hui. Quelques signes d'amélioration de la gouvernance sont perceptibles sur le continent ; peut-être qu'avec le temps, le besoin de publier des avertissements sur la santé des IFD à capitaux publics se fera moins ressentir. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 105 ENCADRÉ 3.7 : Mécanismes de gouvernance des IFD L'examen des pratiques de gouvernance institutionnelle de certaines des institutions financières publiques les plus respectées à travers le monde suggère un certain nombre de caractéristiques qu'il convient d'essayer d'incorporer dans toute IFD encore en activité, en vue de réduire le risque d'échecs coûteux. Globalement, ces caractéristiques visent à créer les conditions d'une concurrence loyale entre les IFD et les autres intermé- diaires financiers, en veillant à ce que l'IFD n'acquière pas une position pri- vilégiée dans un segment du marché susceptible d'être desservi peut-être plus efficacement par d'autres. En particulier, toutes les dispositions clas- siques de gouvernance imposées à une société privée doivent s'appliquer aussi aux IFD que le gouvernement souhaitera maintenir en activité. Ces dispositions ont trait par exemple au rôle et à la responsabilité du conseil d'administration et de ses différentes commissions spécialisées (vérifica- tion des comptes, évaluation du risque, rémunération), à la comptabilité fi- nancière, à la vérification des comptes et à la transparence. Il est indispensable de définir clairement la fonction de chacune des entités publiques. Il faudrait une séparation administrative claire des responsabili- tés au sein de l'administration entre l'exercice du contrôle sur l'IFD (quel- qu'un doit être désigné comme représentant du propriétaire pour assumer cette fonction), l'exercice de fonctions de contrôle sur les entreprises non financières contrôlées par l'État et la définition de politiques pertinentes de développement du secteur privé. Des textes de loi et des règlements trans- parents et largement diffusés doivent clairement : · identifier et délimiter les objectifs de politique sociale et gouvernemen- tale des IFD, c'est-à-dire les éléments spécifiques de la politique d'ac- tionnariat de l'État ; · définir les différentes fonctions, responsabilités et pouvoirs des or- ganes de gouvernance des IFD (représentant du propriétaire, conseil d'administration, direction générale) ; · fournir des orientations générales concernant la manière dont les coûts associés à la fourniture par l'IFD des services sociaux ou des services publics seront pris en charge ; · préciser la nature des obligations éventuelles de l'État quant à la recapi- talisation de l'IFD et/ou au remboursement des dettes de l'IFD ; · prévoir des dispositions adéquates pour garantir la transparence et la diffusion de l'information concernant la mission de mise en oeuvre telle que définie dans la politique gouvernementale. (Suite de l'encadré page suivante) 106 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 3.7 (suite) Outre les dispositions normales de communication de rapports financiers applicables à toute entreprise, il faudrait imposer la publication d'un rapport régulier sur les résultats obtenus par l'IFD dans la promotion des objectifs sociaux et de politique gouvernementale qui lui ont été assignés. Un rap- port d'exécution suppose nécessairement l'emploi d'une méthodologie d'évaluation clairement définie, basée sur l'utilisation d'indicateurs mesu- rables et vérifiables des résultats des politiques sociale et gouvernemen- tale. Cela suppose également une présentation claire de la nature et de l'ampleur de toute aide financière de l'État, comprenant par exemple des subventions, des concessions ou des garanties fiscales. Certaines IFD africaines ont entrepris d'évaluer leurs dispositifs de gouver- nance par rapport à ces critères ou à des critères analogues. Ceci étant, il est évident que l'efficacité de ces procédures dépend essentiellement de plusieurs conditions : une frange suffisante de la population bien informée des questions financières et économiques, la possibilité et la volonté de la presse d'informer l'opinion publique, la facilité d'adaptation du processus politique. Ces conditions préalables ne sont pas encore généralement pré- sentes dans la région. Source : ce texte s'inspire de notes inédites préparées par David Scott. Étant donné que le marché privé ne fonctionne pas de façon très satis- faisante dans ces secteurs difficiles et que, pourtant, il semble difficile de surmonter de manière fiable les difficultés liées à la gouvernance et aux in- gérences politiques qui ont entaché la performance de tant d'IFD à capi- taux publics, quelle est aujourd'hui la voie la plus sûre et la plus porteuse pour l'avenir dans le domaine du financement du développement en Afrique ? Les IFD publiques existantes peuvent-elles être réhabilitées en ouvrant leur capital au secteur privé, en offrant des produits de prêt diver- sifiés ou en ayant accès à des sources plus fiables de monnaie nationale ? Des expériences sont déjà menées dans ce sens. Par exemple, la DBSA ba- sée à Johannesburg -- qui a participé activement à la réhabilitation des IFD dans les pays voisins -- est optimiste, même si sa direction comprend que la réussite de ces entreprises dépend essentiellement de la garantie d'une gouvernance adéquate. Dans certains cas, le virage vers le contrôle privé s'est accompagné d'une réorientation vers la banque commerciale, à l'instar du groupe DFCU en Ouganda, de la Development Bank of Kenya et, dans une certaine mesure, d'Austral Bank au Mozambique. Cette nou- velle orientation pourrait avoir pour effet implicite de garantir la survie commerciale de l'intermédiaire, mais poussée à l'extrême, elle peut se sol- der par la création d'une institution qui n'a de banque de développement que le nom. Plus généralement, les banques privées seraient peut-être disposées à intervenir dans certains des compartiments difficiles du marché si elles ne sont pas court-circuitées. En effet, la banque de développement, au sens LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 107 d'activité bancaire tournée vers des objectifs à plus long terme et particu- lièrement soucieuse de générer des retombées sociales, en plus d'assurer sa rentabilité, pourrait être viable pour un investisseur privé (ou pour les par- tenaires de développement extérieurs, un point sur lequel nous revien- drons au Chapitre 4). Mais en plus, le financement non bancaire pourrait contribuer plus largement à résorber durablement les déficits de finance- ment à terme et le financement de risque. Enfin, une règle empirique valable serait que les initiatives de création de banques de développement financées sur fonds publics semblent valoir la peine si les risques de perte sont limités. Les services bancaires d'inves- tissement qui arrangent et négocient des accords sans prendre de positions significatives (comme dans l'exemple du Mali) peuvent combler un déficit de connaissances qui existe sans aucun doute aujourd'hui dans la plupart des marchés de capitaux africains. Les subventions limitées et contrôlables, qui pourraient s'avérer nécessaires pour lancer les banques d'affaires ayant une telle vocation, pourraient être bien récompensées. Une telle éventua- lité serait réalisable dans le cas où les banques réussissaient à a) attirer du capital-risque étranger ou local, à b) fournir des services de conseils sur les aspects liés au financement des contrats de partenariat public-privé (PPP) dans le domaine de l'infrastructure ou à c) jouer un rôle de catalyseur dans le développement des marchés et la mise au point de nouveaux instru- ments de crédits hypothécaires et, plus généralement, pour constituer des groupements de fournisseurs potentiels de financement à long terme ou de financement de risque, dans le pays d'origine ou à l'étranger, en associa- tion avec les usagers, notamment dans les secteurs de production où il existe à long terme un potentiel en matière d'exportation. Financement à terme et financement du risque : au-delà de la banque commerciale La préoccupation concernant le financement à long terme, qui a motivé en grande partie l'intérêt porté aux IFD, n'est pas spécifique à l'Afrique, mais a été observée à travers les décennies dans les différents pays. Évidem- ment, il ne s'agit pas seulement de financement à long terme ; même le financement des exportations et les autres modes de financement du com- merce peuvent se révéler insuffisants et onéreux en Afrique. Mais il semble bel et bien exister des indices qui confirment que l'accès au financement à moyen et à long terme améliore les perspectives de croissance des entre- prises (Demirgüç-Kunt et Maksimovic 1999). Si nous ne sommes pas en mesure de fournir beaucoup de données quantitatives pour attester com- bien la situation en Afrique est particulièrement difficile concernant le volet des prêts à long terme, il est certainement vrai que le financement à long terme est loin d'être disponible en abondance. En effet, on ne trouve qu'un petit nombre de pays où les banques accordent habituellement des prêts à des échéances supérieures à trois ans, même aux emprunteurs 108 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE d'excellente qualité. Et, comme le démontrent les données d'enquêtes examinées au Chapitre 2, lorsque les entreprises ont recours au système financier pour accéder au financement extérieur, c'est principalement vers les banques qu'elles se tournent. Toutefois, nombre de projets d'investissement productif, notamment dans les infrastructures, les biens d'équipement ou le stock de logements sont mieux financés par des capitaux à long terme ayant des échéances de cinq, dix, voire vingt ans. C'est la raison pour laquelle, s'ils génèrent des taux de rendement élevés et peuvent assurer le service de la dette et rembourser des volumes d'endettement élevés sur le long terme, ils ne peuvent rembourser des investissements sur la trésorerie générée sur les horizons de financement à court terme offerts sur les marchés africains. Ils ont besoin de profils de remboursement correspondant à des profils de tré- sorerie à long terme. Bien entendu, certains emprunteurs, constatant que les prêteurs n'entendent pas accorder des prêts de longue durée, s'enga- gent en supposant que les facilités de crédit qui leur sont actuellement ac- cordées seront renouvelées ; mais trop souvent, les risques de refinance- ment sont bien trop importants pour que le projet puisse aller de l'avant. En matière de financement de l'habitat, la plupart des ménages de classe moyenne en Afrique pourrait amortir et rembourser des hypothèques suf- fisamment élevées pour construire des logements adéquats si l'amortisse- ment pouvait être étalé sur un horizon assez long pour réduire les rem- boursements mensuels des prêts hypothécaires à des niveaux susceptibles d'être honorés. Il est aisé de voir pourquoi les capitaux à long terme ne sont pas aussi facilement accessibles que les capitaux à court terme. Du point de vue du pourvoyeur de fonds, les prêts à long terme présentent plus de risques que les prêts à court terme. L'incertitude et le manque d'information concer- nant l'avenir prédominent. Aussi longtemps que les remboursements contractuels sont honorés, l'institution prêtant à longue échéance renonce à la possibilité d'exercer un contrôle ou d'influer sur l'emprunteur afin qu'il prenne des mesures correctives au cas où le risque de défaillance semble s'être accru. En outre, la propre liquidité du pourvoyeur est mise en danger27. Une banque peut se rendre compte que la plupart de ses dépôts théoriquement à court terme sont en pratique très stables, mais cette stabilité dépend peut-être de la situation macroéconomique. En cas d'augmentation subite des retraits, les banques africaines pourraient ne pas disposer de marchés monétaires liquides sur lesquels ils pourraient mobiliser rapidement des fonds. Ainsi, bien que la transformation des dépôts à court terme en prêts à plus long terme soit au coeur du modèle classique de la banque, la vo- lonté des banques africaines de pousser très loin cette transformation des échéances est limitée, même là où cela ne leur est pas interdit par la régle- mentation. L'accès au financement formel du capital à risque est encore plus rare. À preuve, les bénéfices non distribués financent l'essentiel des besoins de fonds de roulement ainsi que le capital d'expansion. Ceci représente une forme de capital-actions, mais l'on a si peu recours aux offres publiques et LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 109 les marchés de capitaux organisés sont de dimension réduite, inactifs et n'intéressent qu'un nombre très limité de grandes entreprises, d'institu- tions multilatérales et financières. Les placements privés se font en grande partie de manière ponctuelle. Lorsque d'autres entrepreneurs obtiennent des capitaux extérieurs, ceux-ci proviennent de sources informelles comme des parents, des amis ou des membres de la communauté. Un des problèmes que pose le financement par actions a trait en partie à la difficulté que le détenteur des capitaux étrangers éprouve à suivre la performance réelle de l'entreprise. Peut-être les initiés ont-ils trouvé des moyens de détourner une grande partie du profit réel de l'entreprise à leur propre avantage et à celui de leurs associés, en expropriant effectivement les détenteurs de capitaux extérieurs. Ces problèmes de suivi sont répan- dus dans le financement par actions à travers le monde, mais ils se res- sentent de façon plus aiguë là où les informations sont rares et peu fiables, comme dans de nombreuses parties de l'Afrique. Cependant, il y a des pourvoyeurs naturels de capitaux à long terme et de fonds de placement en actions ordinaires. Certains de ces fonds sont basés à l'étranger et nous aurons moins à dire à ce sujet. Mais les éléments des marchés de capitaux locaux n'ont pas encore donné la pleine mesure de leurs capacités dans ce domaine. Les investisseurs institutionnels, les marchés des valeurs mobilières organisés et certains instruments et inno- vations spécifiques liés au financement de l'habitat et des infrastructures qui peuvent être d'une certaine utilité sont jusqu'à présent en quantité insuffisante dans les circonstances actuelles en Afrique. Ils sont abordés brièvement ci-après. Les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels en tant que pourvoyeurs naturels de financement à long terme Une des exceptions à la règle générale selon laquelle la plupart des pour- voyeurs de fonds sont réticents à s'engager sur le long terme concerne les caisses de retraite et de sécurité sociale. Quoique ces fonds ne soient pas totalement exempts des problèmes qui découragent les autres investis- seurs, ils ont bel et bien une préférence naturelle pour les instruments à long terme, étant donné que l'échéance de leurs engagements est égale- ment longue. Dans un contexte où la population et la main-d'oeuvre offi- cielle sont en augmentation rapide, les caisses élargies de sécurité sociale et de retraite des agents de l'État en Afrique disposent souvent de sommes importantes et en augmentation qui ont besoin d'être investies dans des instruments à long terme. Dans le même temps, il règne une certaine inquiétude concernant la viabilité actuarielle de nombre de ces fonds. Les doutes ont peut-être trait aux paramètres des régimes sous-jacents, les pensions ou autres presta- tions promises étant trop généreuses pour pouvoir être financées en main- tenant les taux de cotisation actuels. En outre, le recouvrement des cotisa- tions n'est pas toujours très efficacement assuré, et même les adhérents qui ont cotisé de manière très irrégulière pourraient réclamer en temps voulu, et si tel est le cas, réclameront certainement une pension. L'augmentation 110 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE des taux de décès liés au SIDA complique également l'évaluation de la sol- vabilité des fonds de pension. En fonction des prestations de décès, une augmentation des décès précoces d'adhérents aux régimes pourrait amé- liorer ou aggraver la solvabilité des fonds ; par ailleurs, les taux de décès peuvent plafonner dans les prochaines années, inversant ainsi l'effet. Du côté de l'actif, les politiques d'investissement passées ont souvent entraîné un effritement des rendements en termes de valeur plutôt que des rende- ments liés au marché. L'investissement dans les effets publics à faible ren- dement, les pertes de valeur réelle provoquées par l'inflation imprévue, les dépôts gelés dans des banques commerciales ou de développement peu solvables et les autres investissements qui se sont soldés par des échecs sont des faits trop courants. Les mauvais rendements des investissements découlaient souvent des missions confiées par des États sans ressources et dans cette mesure, traduisent davantage une divergence entre une poli- tique de financement déclarée et une réalité dépourvue de capitaux, qui n'est pas sans rappeler les régimes de répartition qui sont en vigueur dans certains pays avancés. Parfois, ils traduisaient d'autres formes de mauvaise gouvernance des fonds. Même un régime en situation de déficit actuariel est toutefois suscep- tible de générer des excédents importants dans les prochaines décennies dans la plupart des pays africains. Et par conséquent, l'échéance effective de ses dettes sera longue. Pour l'heure, ces régimes disposent de sommes considérables à investir à long terme ; pour autant que ces fonds ne soient pas affectés au financement du déficit public (comme c'est le cas aux États- Unis et dans bien d'autres pays), ils pourraient être mis à profit pour aug- menter les capitaux à long terme susceptibles d'être placés sur le marché des capitaux. De plus en plus de caisses de sécurité sociale se détournent du modèle à prestations déterminées -- parfois non financé -- au profit d'un régime contributif à prestations déterminées entièrement financé. L'un des espoirs que placent les réformateurs dans ces régimes est que ces réformes génére- ront plus d'économies à long terme pour l'investissement. Pourtant, même quand ils sont gérés sans aucun contrôle des gestionnaires des finances pu- bliques, une part trop importante des fonds investissables des régimes de retraite et de sécurité sociale continuent d'être placés dans des dépôts ban- caires à court terme ou dans des effets publics à court terme. L'on peut ob- server cette situation par exemple dans les cas du Sénégal et de l'Ouganda (se reporter au Tableau 2.3). En effet, de nombreux pays -- et pas seule- ment en Afrique -- souffrent dans une certaine mesure de la transforma- tion inverse des échéances. Différentes raisons expliquent pourquoi les possibilités offertes aux in- vestisseurs institutionnels de développer l'accès aux capitaux à long terme ne sont pas exploitées. Dans certains cas, les restrictions à l'inves- tissement imposées par la réglementation ou la politique prudentielle li- mitent inutilement l'étendue de la politique d'investissement dans les fonds de pension. Les gestionnaires de grands fonds de pension subissent des pressions de la part de ceux qui recherchent une solution de facilité pour l'obtention de financement à long terme pour leurs projets. La LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 111 difficulté consiste à assurer une saine gouvernance de ces fonds. Dans les systèmes financiers très évolués, la plupart des actifs d'un fonds de pen- sion peuvent être réévalués par référence au marché, permettant ainsi une évaluation intérimaire de la qualité des décisions d'investissement. Cela n'est pas possible avec les actions non cotées sur un marché moins développé. Peut-être cela explique-t-il pourquoi, quand ils se détournent des dépôts bancaires et des obligations d'État, les gestionnaires des fonds de pension dans nombre de pays africains tendent à favoriser l'immobi- lier. L'immobilier est visible et plus facile à évaluer que les souscriptions privées ou encore les prêts d'un montant élevé accordés à des sociétés non cotées, pour ne pas parler des instruments plus complexes comme les titres adossés à des crédits mobiliers. C'est là que les marchés de valeurs mobilières organisés peuvent aider à enraciner et à établir une base de comparaison entre les stratégies d'investissement et contribuer à l'évalua- tion et au maintien d'une gouvernance de qualité. En plus d'investir directement, les fonds de pension et autres fonds do- tés de ressources à long terme doivent être des acheteurs disposés d'en- sembles d'hypothèques ou d'obligations adossées à une hypothèque ou d'autres instruments à long terme arrangés ou négociés par l'entremise d'autres intermédiaires qui n'ont pas eux-mêmes des ressources à long terme, comme les banques commerciales ou les banques d'affaires. En ef- fet, l'étendue des compétences nécessaires dans le domaine de la banque d'affaires pour combler le fossé entre les fonds de pension et les emprun- teurs ultimes est considérable. Avec le temps, d'autres formes de fonds institutionnels et de fonds gérés peuvent également jouer un rôle grandissant dans le financement à terme et le financement de risque en Afrique. Le secteur des assurances en Afrique est encore de dimensions réduites et dominé dans la quasi-totalité des pays par le marché de l'assurance autre que l'assurance-vie, ce dernier type d'assurance n'étant qu'à ses débuts. En outre, un certain nombre de plans d'investissement collectifs ont été récemment autorisés partout en Afrique, mais ne sont pas encore des acteurs importants du marché. Une poignée d'investisseurs institutionnels étrangers sont actifs sur les marchés africains et devraient être bien accueillis non seulement parce qu'ils impor- tent des fonds de placement, mais aussi parce que leurs activités peuvent s'accompagner d'un transfert de technologie28. L'expérience dans d'autres parties du monde laisse penser qu'il y a peu de chances que les investis- seurs directs étrangers ou les investisseurs de portefeuille soient ceux qui contribuent le plus à l'instabilité des flux macroéconomiques ou de capi- taux. Au contraire, l'IDE sera un catalyseur indispensable pour stimuler une croissance durable en Afrique29. Les marchés des valeurs mobilières comme catalyseurs du financement à long terme Les marchés organisés des valeurs mobilières pourraient jouer un rôle clé pour faciliter l'apport de financement à long terme et de financement du 112 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE risque par les investisseurs institutionnels et autres aux entreprises pro- ductives dans le domaine des activités manufacturières, de l'agro-indus- trie, des services, des services publics et -- indirectement -- aux acheteurs de maisons issus de la classe moyenne. Mais ce potentiel a été rarement exploité jusqu'ici en Afrique. Malgré une forte reprise de l'activité, des cotations et des fonds mobili- sés au cours des dernières années, il demeure vrai (comme décrit au Cha- pitre 2) que, hormis la bourse de Johannesburg, les 14 autres bourses en Afrique subsaharienne affichent un faible niveau de transactions et de mo- bilisation de nouveaux capitaux. Le Nigeria est le plus dynamique des autres marchés ; l'on constate tout un ensemble de problèmes liés à l'aug- mentation du capital minimum des banques. Certaines des sociétés cotées ont mobilisé des fonds importants pour leur développement grâce à l'émis- sion d'actions, comme étayé par des documents, par exemple, dans Amo Yartey (2006). Toutefois, d'une manière générale, la plupart des grandes entrées en bourse enregistrées au cours des dernières années faisaient suite à des privatisations, des incitations fiscales30, des introductions en bourse obligatoires imposées aux banques et ce qu'on pourrait appeler les cotations « de prestige » de la part d'entreprises multinationales ou régio- nales. La dernière des catégories ci-dessus demande une explication. Une cota- tion de prestige est l'émission d'une fraction relativement réduite du capital d'une filiale locale dans un contexte où la société-mère n'a pas besoin des ressources qui seront mobilisées. Certains émetteurs d'actions de prestige perçoivent ce type de cotations comme un gadget publicitaire, ainsi qu'un moyen de signaler un attachement au pays d'accueil et la création d'un lobby éventuel d'actionnaires locaux pouvant servir de caution politique. Les autres cotations analogues représentent un héritage historique : en 2004, Guinness Ghana a acheté 99,6 % des actions de Ghana Breweries, mais cette dernière reste une entreprise cotée en bourse. Les entrées sur le marché boursier local permettent à ces entreprises d'offrir une rémunéra- tion à travers l'octroi d'actions aux travailleurs (comme ce fut le cas avec la Compagnie Ivoirienne d'Electricité, dont 69 % des actions sont détenues par un grand groupe français de services publics). D'une manière ou d'une autre, les étrangers détiennent une fraction considérable des actions sur la plupart des bourses et la majorité de ces actions sont des participations stratégiques. Même au Nigeria, la part détenue par les étrangers est éva- luée à juste moins de la moitié. Ce sont là des moyens raisonnables pour une bourse des valeurs d'en- trer en activité. Même les émissions de prestige peuvent fournir des instru- ments d'épargne utiles pour les institutions locales31. Mais, jusqu'ici l'ab- sence de marché secondaire significatif pour échanger la plupart des actions limite la liquidité des participations et signifie que les prix sur la bourse des valeurs sont peu susceptibles de représenter un indicateur fiable de la valeur réelle de la possession en bloc des actions. En outre, la plupart des actions sont effectivement bloquées dans des participations straté- giques ou de contrôle et ne sont pas disponibles pour la vente. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 113 Les émissions d'obligations ont été jusqu'à une époque récente peu nombreuses et dans certaines bourses des valeurs ont nécessité des garan- ties de la part de tiers, avec pour conséquence qu'elles ne permettent pas au marché de révéler une valeur consensuelle concernant la dette de la so- ciété émettrice. Bien que certains marchés admettent à la cote les obliga- tions d'État à moyen et à long terme, dans la plupart des pays, elles ne sont toujours pas offertes avec suffisamment de régularité à une base d'investis- seurs suffisamment large ou avec un niveau de risque de défaillance suffi- samment bas pour permettre au marché d'établir une courbe de rende- ment crédible pour la monnaie nationale (c'est-à-dire un ensemble de taux d'intérêt sans défaillance pour différentes échéances). En bref, la disponibilité insuffisante de valeurs cotées et l'absence d'ac- tivités d'échange limite la capacité de la plupart des ces marchés à fournir une plate-forme pour la découverte des prix et la référenciation d'autres valeurs. Le volume des opérations ne justifie pas l'investissement dans la technologie consenti soit par la bourse elle-même soit par les maisons de courtage. Le volume des opérations limité décourage l'entrée en bourse et la mobilisation de fonds sur les bourses des valeurs. Par une espèce de cercle vicieux, le nombre limité et le niveau réduit des opérations aug- mentent à leur tour les coûts de transaction. C'est dans ces domaines qu'il faut envisager un renforcement des mar- chés boursiers. À cet égard, il est possible qu'on ait mis trop l'accent au cours des dernières années sur la mise en place de régimes réglementaires onéreux pour assurer un niveau de protection élevé pour le client de dé- tail sur le marché secondaire. De tels régimes représentent un investisse- ment de départ substantiel, en partie dans les systèmes informatiques et les infrastructures, mais surtout dans les procédures, la législation, la régle- mentation et la supervision. Si les coûts technologiques d'une plateforme de négociation de base ont chuté32, les coûts plus élevés et la difficulté ad- ministrative à créer un environnement opérationnel favorable pour une bourse des valeurs ont, pour ainsi dire, augmenté. Ces coûts fixes sont lo- giques dans un marché enregistrant des volumes d'opérations élevés, mais ne sont pas si faciles à justifier pour un marché débutant. Ils entraînent des coûts élevés qui, à leur tour, limitent davantage les volumes. Les coûts liés à l'observation des normes sont également élevés. Le succès du modèle de réglementation qui a été adopté dépend d'un niveau élevé d'efficacité dans les domaines de la réglementation et de la gouvernance. En l'absence d'un environnement fiable (y compris de normes comptables, de mécanismes de contrôle et de mise en application des normes), l'investissement dans la législation, la réglementation et les procédures est délaissé. Le régime réglementaire et judiciaire n'est pas, dans bien des cas, capable d'identifier et de sanctionner les délinquants, et il est donc probable que le niveau d'observation des normes soit en fait li- mité. Par ailleurs, dans la pratique, les principaux investisseurs actuels et futurs en ce qui concerne la plupart des actions et obligations en Afrique tendent à être relativement avertis et n'auront peut-être pas besoin ou ne bénéficieront pas beaucoup d'une protection telle que celle que peut véri- tablement offrir le dispositif réglementaire. 114 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE L'architecture du marché devrait être choisie sur la base des besoins et des capacités existant au niveau local. Il se pourrait fort bien que la plupart des entreprises africaines auraient plus de bénéfices à tirer d'une approche réglementaire plus légère semblable à celle des « marchés secondaires » dans les pays développés. L'accent serait mis sur l'augmentation des émis- sions sur les marchés primaires, davantage que sur le rendement des opé- rations à grande fréquence. Une approche de réglementation plus légère, qui est une étape de plus par rapport aux marchés des souscriptions privées et des marchés « hors cote », peut fonctionner dans une certaine mesure sur la base du caveat emptor, où il incombe à l'investisseur d'affiner ses capa- cités d'analyse33. Il y aurait, bien entendu, des réglementations (concer- nant le dépôt des dossiers, la divulgation de l'information et la gouver- nance de l'entreprise), mais elles seront conçues en y introduisant une cer- taine souplesse et seront choisies de sorte à être relativement faciles à faire appliquer. Certains organes de réglementation tels que la Direction du contrôle des services financiers du Royaume Uni (British Financial Services Authority (FSA) ont déjà la responsabilité de réaliser une évaluation du rapport coût-bénéfice de toutes les nouvelles réglementations. Et même aux États-Unis, une commission de haut niveau a récemment publié un rapport sur la nécessité d'une définition des moyens plus efficaces de pro- mouvoir la réalisation des objectifs de bonne gouvernance et de transpa- rence, plus particulièrement en ce qui concerne les petites entreprises (Commission de contrôle des opérations de bourse -- US Securities and Ex- change Commission 2006)34. Des approches semblables devraient inspirer également la réglementation en Afrique, mais avec encore plus de force. Plusieurs bourses africaines (Ghana, Nairobi, Nigeria et la Bourse Régio- nale des Valeurs Mobilières (BRVM) en Afrique de l'Ouest) ont une multi- plicité de compartiments de cotation qui diffèrent par exemple selon la concentration du capital autorisé et les antécédents de profit préalable- ment à l'inscription à la cote. Ce qui est suggéré ici, c'est que le modèle de marché secondaire pourrait être la principale approche réglementaire pour les bourses africaines de dimensions réduites plutôt que d'être une exten- sion. Par ailleurs, contrairement à plusieurs marchés secondaires dans les économies avancées qui ont axé leurs efforts sur une croissance rapide et sur les sociétés de haute technologie, l'objectif en Afrique serait de cibler les petites et moyennes entreprises en général. Cette démarche offrirait à la plupart des entreprises un marché à moindre coût au niveau local. Leurs offres sur un tel marché, quoique sou- mises à une réglementation légère, ne manqueraient cependant pas d'in- téresser les investisseurs institutionnels locaux qui attendront un rende- ment à la mesure des risques qui sont pris. Ce n'est pas que les dispositions plus contraignantes soient sans objet -- en effet, des critères et des règles d'admission plus stricts peuvent permettre d'accroître la liquidité du mar- ché et les prix, comme cela a été démontré pour les marchés de plus grande dimension. Mais elles finissent par ériger une barrière liée au coût d'observation des normes, qui exclut trop d'entreprises africaines suscep- tibles de bénéficier de capitaux extérieurs35. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 115 Pour les sociétés de plus grande taille -- aptes et disposées à instaurer véritablement des normes strictes de gouvernance et de transparence pour pouvoir bénéficier d'un coût du capital moins élevé et pour toucher une clientèle plus large d'investisseurs internationaux -- l'introduction sur les marchés développés comme ceux de Johannesburg ou de Londres repré- sente une alternative viable. Le chapitre 2 évoque déjà dans quelle me- sure les entreprises sud-africaines de plus grande taille se font admettre à titre principal sur les places boursières de pays développés telles que Londres, Luxembourg et l'Australie. La migration des grandes entreprises vers les marchés internationaux est un processus observé partout dans le monde. Si ces entreprises mobi- lisent des capitaux à moindre coût à l'étranger, cela pourrait permettre de libérer davantage de financements et susciter davantage l'intérêt des inves- tisseurs locaux pour les sociétés de taille plus réduite qui ne sont pas des- servies à présent. Les opérations se concentrent le plus souvent sur le mar- ché le plus liquide, de sorte qu'il n'est guère surprenant que la migration des cotations pourrait se traduire par une réduction du niveau des opéra- tions des entreprises au niveau local après leur migration. En effet, là où cette migration prend son origine dans des marchés autrefois dynamiques, l'on a observé une perte de la liquidité globale (Levine et Schmukler 2006). Mais les bourses africaines se trouvent à un stade d'où elles ne peuvent que s'améliorer. Cette approche à deux paliers (marchés locaux à bas coûts pour les pe- tites entreprises, accès aux principaux marchés étrangers pour les grandes entreprises) pourrait constituer une alternative ou un complément au dé- veloppement du concept de marché régional de valeurs mobilières. La perspective de la création d'unions régionales des bourses est examinée à la Section 3.4 ci-après. D'autres mesures complémentaires sont nécessaires pour assurer le développement des marchés des valeurs mobilières. Au nombre de ces mesures, figure l'instauration d'un environnement fiscal stable et prévi- sible. Par ailleurs, les intervenants sur les bourses des valeurs devront com- mencer à orienter leurs stratégies vers la base de clientèle future que représentent les petites entreprises en favorisant les services de conseils aux entreprises. En définitive, la stratégie optimale pour le développement de marchés boursiers organisés en Afrique visera à assurer que les entre- prises ont un meilleur accès au capital patient. Cela n'impliquera pas nécessairement la mise en place d'une bourse des valeurs locale dont le niveau de sophistication pourrait fonctionner comme une barrière à l'en- trée empêchant les entreprises locales d'attirer des capitaux. Financement à long terme de l'habitat Même si l'absence de marchés hypothécaires fonctionnels est loin d'être la seule cause de la mauvaise qualité de l'habitat en Afrique, un meilleur accès au financement à long terme de l'habitat pourrait améliorer consi- dérablement la qualité des logements, et ouvrir un débouché utile pour 116 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE des capitaux à long terme. Le financement du logement peut rendre plus abordable la réalisation de gros investissements concentrés dans la construction, la rénovation ou l'extension d'une maison en étalant les coûts dans le temps. Il peut également financer des investissements suffi- sants à la mesure des dettes à long terme accumulées par les fonds de pen- sion et les compagnies d'assurance. Nombre de ménages de classe moyenne en Afrique disposent de reve- nus stables et sûrs et pourraient se permettre d'honorer des prêts hypothé- caires à long terme suffisants pour acquérir un logement de qualité. Au lieu de cela, la disponibilité très limitée de crédits hypothécaires à long terme met trop de gens dans cette situation peu enviable qui les oblige à n'améliorer leur habitation qu'au fur et à mesure que s'améliorent leurs revenus, avec tous les inconvénients et les retards que cela implique. Comme on l'a vu, documents à l'appui, au chapitre 2 ci-dessus, la plu- part des secteurs financiers en Afrique accordent très peu de prêts au loge- ment. S'il est disponible, le financement du logement se limite surtout aux classes supérieures et à la communauté des expatriés. De l'autre côté, comme indiqué ci-dessous, les clients de la microfinance peuvent avoir ac- cès à des prêts pouvant servir à améliorer leur habitation. C'est pour com- bler le vaste fossé entre ces deux compartiments que le développement du marché hypothécaire peut jouer un rôle utile. De nombreux obstacles freinent le financement du logement en Afrique : instabilité macroéconomique, régimes de droits de propriété et marchés dé- ficients, et absence de mécanismes de financement appropriés. Quoique pré- judiciable pour la plupart des contrats financiers, le niveau d'inflation élevé est ruineux pour le marché hypothécaire. Il a tendance à concentrer les rem- boursements en début de période (assortis de taux d'intérêt nominaux éle- vés pour compenser l'inflation anticipée), entraînant ainsi des frais d'admi- nistration très élevés pendant les premières années. Elle peut également effriter l'épargne et aggraver l'incertitude financière. Cependant, l'inflation n'est pas le principal obstacle au développement du marché hypothécaire dans la plupart des pays africains aujourd'hui. Le financement à long terme du logement se heurte en principe à des contraintes aussi bien au niveau de l'instruction du dossier (primaire) qu'au niveau du financement (secon- daire). Les institutions financières sont réticentes à accorder des échéances longues aux créanciers hypothécaires à cause des insuffisances du cadre des prêts et du cadre opérationnel. Par ailleurs, elles ne peuvent elles-mêmes avoir accès à un financement à long terme36. Les marchés hypothécaires du secteur formel subissent des contraintes liées à l'inadéquation des cadres juridiques et institutionnels. La protection juridique insuffisante des prêts garantis et les faiblesses liées à la réalisation des garanties, le caractère incomplet des titres fonciers et de l'immatricula- tion foncière, les restrictions au transfert des terrains, l'insuffisance des in- formations de crédit sur les emprunteurs de détail, et l'absence de normes de construction et de procédures d'évaluation limitent la capacité des ins- titutions financières à fournir des financements à long terme pour le loge- ment. En outre, les défaillances au niveau de la chaîne d'approvisionne- ment mettent le logement hors de prix. En particulier, l'inefficacité des LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 117 mécanismes de financement et de fourniture des infrastructures primaires rend prohibitifs les coûts de mise en valeur des terrains. Par ailleurs, l'étroi- tesse des marchés, qui enregistrent peu d'opérations, réduit la valeur des garanties et le coût des prêts pour les banques. En dépit de ces obstacles, les prêteurs dans plusieurs pays ont pénétré sur les marchés du financement au logement ou les ont développés de ma- nière agressive. Les banques implantées en Afrique du Sud se sont enga- gées à étendre le financement du logement aux ménages à faible revenu et ont commencé à offrir des produits ciblés de financement du logement sur ce marché. Les institutions financières financées par les bailleurs de fonds, telles que le groupe DFCU en Ouganda, se sont introduites sur le marché de l'habitat à loyer modéré. Dans le but de stabiliser les ressources de fi- nancement, les Banques Populaires au Rwanda et Nyesigiso au Mali et d'autres petits prêteurs en Afrique de l'Ouest ont lancé des produits d'épargne liés au logement calqués sur le modèle français. Un autre obstacle important au financement à long terme du logement réside dans l'absence de ressources remboursables à long terme. Les hypo- thèques dans la plupart des pays, notamment en Europe et aux États-Unis, sont encore financées principalement au moyen de ressources de dépôt. Cependant, cette méthode suppose une base de départ relativement stable et la possibilité pour les banques de gérer la liquidité en utilisant les mar- chés interbancaires et de rachat. Mais l'on a constaté un intérêt croissant pour les marchés secondaires pour financer les prêts au logement de longue durée. L'une des approches est celle d'un marché des obligations hypothécaires entièrement garanties ou au moins un marché des obliga- tions rattachées à des hypothèques. La mise au point d'un cadre adéquat pour la vente et la négociation de propositions d'hypothèques garanties est une tâche délicate. Compte tenu de l'absence de bourses des valeurs orga- nisées ainsi que des coûts élevés liés à l'entrée en bourse et du niveau limi- té des opérations sur ces bourses là où il en existe, la titrisation intégrale pourrait s'avérer difficile ou au moins prématurée dans la plupart des pays africains. Au lieu de cela, les banques et autres donneurs d'ordres d'hypo- thèques sont susceptibles de réaliser des rendements similaires avec des coûts de mise en place moins élevés en émettant des obligations rattachées à des hypothèques garanties par des droits prioritaires sur les portefeuilles d'hypothèques inscrits au bilan de la banque ou d'autres titres de caractè- re semblable. Les caisses de retraite et les compagnies d'assurance seraient les principaux candidats à l'achat de ces obligations et apporteront le finan- cement nécessaire. Les facilités de trésorerie de deuxième niveau, qui utilisent le produit des émissions d'obligations (souvent financées en partie par les États qui en partagent également les risques) pour refinancer les émetteurs d'hypo- thèques de premier rang, se sont révélées une alternative efficace pour fournir un financement à long terme dans de nombreux pays. Ces instru- ments, ainsi que d'autres formes d'instruments mis à la disposition du pu- blic -- tels que les garanties de recouvrement assorties d'un concours fi- nancier suffisant pour servir de support à des instruments de financement à long terme -- peuvent indiquer un engagement des pouvoirs publics à 118 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE maintenir un cadre de politique macroéconomique durable. Toutefois, s'ils sont mis en place de manière trop précoce et sans une gouvernance adé- quate, ils risquent de créer une dépendance semblable à celle déjà obser- vée par le passé par les institutions de financement du logement et d'autres IFD, qui ne sont manifestement pas parvenues, au fil des années, à réaliser les objectifs de financement du logement. Aider le marché à mettre au point les mécanismes de financement né- cessaires est une approche plus porteuse que les tentatives passées pour fournir un financement direct au logement à travers des intermédiaires contrôlés par l'État. Nombre d'institutions de cette nature (Tanzanie, Rwanda, Cameroun) ont également échoué financièrement et ont été in- capables de toucher leur clientèle cible. De même, la création d'une base de financement par le biais d'un programme d'épargne obligatoire simi- laire à celui du Fonds fiduciaire national sur le logement du Nigeria (Nige- rian National Housing Trust Fund) peut aboutir à une rémunération infé- rieure au prix du marché, à une gestion non transparente des fonds des épargnants et à d'interminables listes d'attente d'emprunteurs. De nombreux ménages sont trop démunis et ne sont pas assez solvables pour avoir accès à des hypothèques à long terme d'un montant suffisant pour s'acquitter intégralement du prix de la maison. Dans ce cas, le finan- cement progressif amélioré reste une voie médiane possible, comme exposé au chapitre 4 ci-après. Les remises de fonds jouent un rôle important dans le financement des constructions de logement dans de nombreux pays afri- cains. Les enquêtes microsociologiques dans des pays comme le Nigeria et le Ghana indiquent qu'une part significative des flux de remises de fonds est affectée à la construction d'habitations. L'établissement d'un lien entre les remises de fonds et des marchés hypothécaires fonctionnels en exploi- tant les premiers comme fonds propres pour appuyer les prêts hypothé- caires pourrait énormément contribuer à donner un coup d'accélérateur au financement du logement dans les pays bénéficiaires. Le développement de systèmes et de produits de paiement en vue d'offrir des incitations afin qu'une part plus importante des envois de fonds transmis de manière infor- melle soient mis à disposition pour l'intermédiation dans le système finan- cier formel contribuera à améliorer l'efficience et l'efficacité du finance- ment lié aux envois de fonds pour la construction de logements. Des instruments de financement novateurs pour les infrastructures Le système financier national pourrait jouer un rôle plus important dans le financement des infrastructures, soit en investissant dans les obligations liées aux infrastructures soit en intervenant dans le financement des par- tenariats public-privé dans les infrastructures37. Compte tenu de leur forte utilisation de capital, du long délai pour le recouvrement des coûts et des flux de trésorerie relativement prévisibles, les projets d'infrastructure offrent une opportunité d'investissement naturelle pour l'épargne à long terme. En finançant les infrastructures, les investisseurs institutionnels LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 119 locaux peuvent aider à éviter la transformation inverse des échéances et à améliorer le profil de risque de leur portefeuille. Le financement en monnaie nationale des infrastructures pourrait mieux correspondre aux flux des retombées ou aux frais d'administration, entraînant ainsi moins de risque pour le prêteur et une charge du service de la dette plus prévisible pour le fournisseur ou l'usager de l'infrastruc- ture. En fonction du régime des droits de douane, le niveau plus réduit des coûts de financement peut se traduire en dernier ressort par une baisse des frais pour les usagers. Selon que la fourniture des infrastructures est assurée par une autorité publique, une entreprise privée de services publics ou un PPP, toute une gamme d'instruments financiers peut être envisagée. Au nombre des solu- tions de financement public des infrastructures figurent les emprunts obli- gataires destinés au financement d'infrastructures. En fonction de la solva- bilité générale de l'État, ce type d'emprunts pourrait se révéler plus intéressant que les obligations d'État classiques s'il est soutenu par une source d'amortissement spéciale basée sur les frais de participation des usa- gers ou des impôts spécifiques. En cas d'intervention d'une entreprise pri- vée de services publics ou d'un PPP38, les émissions d'obligations de socié- tés non garanties et, dans un premier temps, des offres publiques de vente d'actions émises par les entreprises existantes peuvent fournir un finance- ment en monnaie nationale pour couvrir leurs charges au niveau local tout en développant également les marchés financiers par le biais de nou- velles opportunités d'investissement. En outre, la titrisation des recettes des entreprises existantes pourrait offrir une source de financement alter- native sur les marchés financiers dotés d'un cadre juridique solide. La contribution des marchés de capitaux locaux au financement des in- frastructures a été jusqu'à présent limitée en Afrique. Les promoteurs pu- blics ou privés de projets ont apporté leur propre financement ou ont em- prunté des fonds auprès de banques internationales. Seuls quelques emprunts obligataires pour l'aménagement d'infrastructures ont été émis sur les marchés financiers locaux, et principalement dans le secteur des té- lécommunications où les investissements peuvent être recouvrés plus ra- pidement, les prix ne sont souvent pas réglementés et les marchés ont un potentiel d'expansion considérable. Il faudra développer des compétences utiles dans le domaine de la banque d'investissement sur les deux versants du marché pour que des so- lutions de financement interne plus ambitieuses puissent être couronnées de succès. Il serait peut-être réaliste de commencer par le financement des entreprises actuellement solvables avant d'essayer de financer des projets d'infrastructure entièrement neufs. Une des difficultés réside dans l'absence d'une courbe de rendement à long terme pouvant servir de base pour la fixation d'un prix réaliste pour les obligations. Mais, ce qui est plus important encore, c'est la capacité limi- tée des banques et des investisseurs institutionnels à analyser, structurer et contrôler les risques à long terme des projets. Ces risques comprennent une variété de risques politiques et réglementaires. Dans la plupart des pays 120 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE africains, les régimes de réglementation des infrastructures sont incomplets et les régimes tarifaires futurs restent donc incertains. Qui plus est, les risques de crédit pourraient se révéler importants pour les projets qui dé- pendent d'accords de garantie gouvernementale39. Des pertes techniques et commerciales importantes résultant de la fraude, du non-paiement et de l'absence de technologies de mesure accroissent les risques commerciaux. Bien entendu, l'idée de lier l'emprunt obligataire au projet d'infrastructure vise à obtenir un meilleur partage de ces risques, mais cet objectif peut être difficile à réaliser lorsque les risques sont difficiles à évaluer40. Comme c'est le cas avec les obligations liées à des hypothèques, les in- vestisseurs sont plus réticents à acheter des instruments à long terme là où il n'existe pas de marché de valeurs mobilières liquide pour leur offrir une voie de sortie au cas où ils ont besoin de liquidité. Cette situation a amené d'aucuns à suggérer qu'une facilité de trésorerie publique pourrait être mise en place pour offrir une solution de refinancement assortie d'un pla- fond de taux d'intérêt, réduisant ainsi le risque de refinancement à long terme. Cette facilité pourrait également être utilisée pour des prêts ban- caires après une échéance convenue et tout aussi bien fournir un prêt hy- pothécaire postconstruction pour les investisseurs en capital à risque privé, passé leur horizon de placement initial. Ceci étant, ces mécanismes en- traînent des risques contingents importants pour les autorités publiques et il faudrait les structurer de manière prudente afin de préserver un équi- libre raisonnable entre les risques et la protection de l'intérêt général. L'ap- plication des techniques d'évaluation économique dans la banque d'investissement et les finances publiques pour la conception et l'évalua- tion de toutes ces initiatives est une condition indispensable pour préser- ver véritablement l'intérêt général. Aspects macroéconomiques : renforcer la confiance et la capacité d'absorption La capacité des systèmes financiers nationaux de fonctionner efficacement dépend, pour une large part, des conditions macroéconomiques dans le pays d'origine et des pressions fiscales sur les marchés de capitaux. Par ailleurs, leur efficacité est ou peut être influencée par l'environnement ré- gional général, plus particulièrement lorsqu'il existe une coopération in- tergouvernementale au niveau régional. Avantages et obstacles macroéconomiques Si les efforts actuellement déployés pour renforcer la capacité de prêt des systèmes financiers locaux sont couronnés de succès, cela réduira l'inci- dence de l'excédent de liquidité bancaire chronique. Par ailleurs, des sys- tèmes plus actifs et plus efficients pourront donc aider l'économie à LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 121 absorber ce qui promet d'être un flux croissant de ressources investis- sables susceptibles d'être générées par le doublement de l'aide promise -- ainsi que le rapatriement de l'épargne actuellement placée hors du terri- toire -- sans succomber au « syndrome hollandais » 41 . Au lieu d'ache- miner simplement les ressources additionnelles qu'elles mobilisent vers des placements à l'étranger ou dans des titres d'État, les banques jugeront avantageux de rétrocéder prudemment ces fonds aux emprunteurs dont les opportunités d'investissement entraîneront de larges retombées pour l'ensemble de l'économie. L'accroissement du capital productif qui en résultera aidera à assurer que les flux ne créent pas de pressions inflation- nistes et qu'il ne soit pas nécessaire d'étouffer leur effet d'expansion par des hausses excessives des taux d'intérêt directeurs. L'impact de ces flux sur la croissance sera donc beaucoup plus durable. En effet, si l'efficacité des systèmes financiers dans l'intermédiation financière se renforce comme il se doit, les taux d'épargne nationaux rela- tivement bas enregistrés en Afrique, et le placement de ces fonds impor- tants sur des places étrangères et dans des dépôts en devises au niveau local, deviendront une contrainte grandissante (Aryeetey et Udry 2000). Après tout, la plupart des pays africains dépendent déjà beaucoup de l'épargne étrangère pour augmenter un taux d'épargne domestique déjà FIGURE 3.5 Pays africains : l'épargne et l'investissement en pourcentage du PIB 25 20 PIB 15 du 10 Pourcentage 5 0 1980 1985 1990 1995 2000 année Investissement intérieur brut Solde des ressources Épargne intérieure brute Source : Base de données des Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale. Note : La figure présente la moyenne des pays africains. Le solde de ressources représente l'écart entre l'investissement et l'épargne. 122 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE assez faible. Le ratio d'épargne (l'épargne nationale brute rapportée au PIB) pour l'économie africaine moyenne n'atteint en moyenne que 8 % au cours de la dernière décennie sans aucun signe d'une hausse. En effet, le volume global des transferts et des emprunts extérieurs (composés prin- cipalement de l'aide extérieure, mais aussi, comprenant récemment les flux de capitaux privés), a financé une part de l'investissement national brut équivalant à l'épargne nationale (figure 3.5). Par contre, pour les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire dans le monde entier, l'épargne nationale a dépassé l'investissement domestique chaque année au cours des trois dernières décennies. Stabilisation des marchés de capitaux destinés à la grosse clientèle Les questions généralement liées à la confiance recoupent toutes les ana- lyses concernant les moyens de stabiliser la performance des marchés de capitaux destinés à la grosse clientèle en Afrique. Les dépôts bancaires rela- tivement importants détenus à l'extérieur par les Africains peuvent être en partie attribués à des facteurs en rapport avec la confiance42. Les rende- ments élevés réalisés sur les obligations d'État en monnaie nationale tra- duisent également la crainte que les difficultés de remboursement entraînent des retards, des impôts exceptionnels ou une dévaluation subite, à l'instar de la dollarisation croissante des dépôts bancaires (se reporter à l'encadré 3.1). Le risque systémique perçu dans les pays africains est important. Il ne s'agit pas seulement des risques naturels (examinés au Chapitre 2). Au contraire, c'est le risque politique qui semble prédominer. Pour ne citer qu'un exemple des perceptions actuellement observées à l'extérieur, les pays africains obtiennent la note 4,5 sur l'échelle de notation du risque po- litique allant de 0 à 7 établie par l'agence belge de crédit à l'exportation. Cette note est à comparer avec la moyenne de 2,4 enregistrée pour le reste du monde43. Les principales voies de solution à ces difficultés se situent dans des aspects qui dépassent le cadre du présent rapport, et se rapportent non seulement à la gestion budgétaire, mais plus largement au fonctionnement des institutions politiques et sociales de gouvernance. Néanmoins, le champ de la politique du secteur financier recoupe un certain nombre d'éléments pertinents. Il est approprié d'en mentionner brièvement deux : la gestion de la dette publique intérieure et les solutions de politique finan- cière aux fluctuations de l'aide extérieure. Gestion de la dette publique Hormis notamment son impact direct sur l'endettement de l'État, sur le coût du capital et sur la vulnérabilité aux variations du niveau de confiance, la dépendance excessive à l'égard des emprunts intérieurs de l'État a un effet corrosif sur les incitations pour les banques. Il devient trop aisé pour elles de dégager des profits à court terme sans avoir à exercer leurs compétences en matière d'évaluation du crédit, empêchant ainsi LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 123 l'utilisation des fonds à des fins productives. Cet état de fait peut également rendre les banques vulnérables lorsque les taux baisseront à nouveau, entraînant ainsi un cycle d'expansion suivie de récession. Mais un pro- gramme planifié de manière cohérente, modéré et maîtrisé d'emprunts publics par l'émission d'obligations sur un marché transparent peut per- mettre de mettre en place une infrastructure pouvant favoriser également l'émission d'obligations privées. Les investisseurs intervenant sur les marchés de capitaux africains sont d'ordinaire jugés hostiles à la prise de risque. C'est un phénomène observé depuis longtemps (se reporter à Austen 1987). N'ayant pas confiance dans la pérennité des réformes macroéconomiques, les intervenants sur le mar- ché maintiennent des méthodes prudentes en matière de risque. Renforcer la confiance dans la stabilisation des politiques fiscales et macroécono- miques est un défi important pour les décideurs politiques à vocation ré- formiste. Ce processus d'apprentissage bénéficie de cadres de politique mo- nétaire transparents et prévisibles et de règles et de procédures clairement définies. La communication des objectifs de politique monétaire, des infor- mations de marché fiables et une coordination entre les organismes publics clés comme le Service de gestion de la dette, la Banque centrale et le Ser- vice du budget sont des étapes cruciales pour éviter des perturbations in- utiles du marché et des surprises susceptibles d'empêcher de gagner la confiance des investisseurs. Notamment dans les premières phases, pendant que se bâtit la con- fiance, ce sont les taux d'intérêt variables plutôt que les taux d'intérêt fixes qui ont plus de chances d'intéresser les investisseurs dans les instruments de financement à plus long terme. Les emprunts obligataires à long terme pour le financement des infrastructures, déjà évoqués ci-dessus, peuvent être un moyen très utile d'allonger les échéances. À mesure que la confiance se renforce, le gestionnaire de la dette pu- blique peut, en uniformisant les obligations qui sont négociées sur le mar- ché et en se concentrant sur un petit nombre d'échéances clés, établir un rendement stable et représentatif pour les obligations de meilleure qualité à ces échéances. Ce rendement peut alors servir de référence non seule- ment pour l'émission d'obligations privées, mais aussi pour toutes les sortes de calculs de la valeur présente et future qui sont effectuées dans l'écono- mie. C'est ce qu'on désigne par l'établissement d'une courbe de rende- ment. Dans certains environnements, les instruments indexés sur l'inflation pourraient offrir une protection intéressante pour les investisseurs spécia- lisés dans les fonds de pension et autres investisseurs à long terme. Les ins- truments indexés sur l'inflation sont le plus utiles lorsque la trésorerie ou les garanties des emprunteurs fournissent une couverture naturelle contre l'inflation à l'instar des investissements immobiliers, des investissements en capital dans le secteur du détail ou dans les produits d'infrastructure générant des flux de trésorerie solides au niveau local. Augmentation soudaine des flux d'aide extérieure et autres flux externes Le doublement promis du volume global de l'aide à l'Afrique posera des difficultés d'absorption qui ne peuvent être traitées efficacement que si le 124 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE renforcement structurel des systèmes financiers nationaux se concrétise. Par ailleurs, les flux sont peu susceptibles d'augmenter sans à coups. L'aide extérieure est déjà un élément assez volatile dans la balance des paiements des pays africains. Les flux d'aide extérieure ont enregistré des brusques envolées souvent attribuées au changement de régime ou d'orientation politique ou à une situation d'après-conflit. L'on pourrait assister plus cou- ramment à l'intensification des flux vers les différents pays avec l'accrois- sement global du flux d'aide extérieure. Ces hausses spectaculaires peuvent poser des difficultés pour la politique globale du crédit. L'aide n'est pas l'unique source d'instabilité des flux. Les quantités et les prix des produits d'exportation ont également provoqué par le passé des cycles de prospérité et de récession, qui ont été souvent mal gérés. Le der- nier de ces cycles profite actuellement aux pays africains producteurs de pétrole. Les flux de capitaux privés peuvent également se montrer des plus instables, comme on a pu l'observer dans des épisodes particuliers qui ont affecté le Kenya et l'Afrique du Sud, par exemple. La majorité du continent africain n'a pas connu de cas de ce genre par le passé, ce qui témoigne de l'importance limitée des stocks d'investissement de portefeuille étrangers. Il n'existe aucun manuel de règlement mécanique pour quantifier la réaction optimale des autorités fiscales et, plus particulièrement des auto- rités monétaires aux montées en flèche des entrées de fonds. Mais le pro- blème n'est pas aussi mystérieux qu'on veut le faire croire. La première question qui se pose aux autorités monétaires revient à s'interroger sur le fait de savoir si cette hausse vertigineuse pourrait être liée à une hausse de la demande de soldes monétaires réels. Si tel est le cas, cette demande accrue ne devrait pas être étouffée par une politique agressive. Mais s'il s'agit du contraire, alors les conditions monétaires assouplies qui résulte- ront d'une approche accommodante aboutiront à la création d'une situa- tion à la fois d'inflation, de dépréciation de la monnaie et de déficit de paiements au compte courant. L'adhésion mécanique à des objectifs quan- titatifs fixes en matière d'agrégats monétaires et du crédit n'est pas une réponse adéquate. Une approche douce de taux d'inflation ciblé est plus prometteuse, conjuguée à une réponse dynamique aux évolutions du mar- ché pour permettre de tenir compte de la modification de la fonction de la demande monétaire, permettant ainsi d'éviter les erreurs des deux côtés. Une telle approche permettra, d'une part, d'assurer que les flux ne soit pas suraseptisés par la poussée à la hausse des taux d'intérêt, empêchant ainsi la réponse au niveau de la production et du développement ; et, d'autre part, d'éviter que les hausses temporaires se traduisent par des schémas de dépenses insoutenables (encadré 3.8). Collaboration régionale Nous avons déjà fait mention de la possibilité d'une collaboration régionale dans le domaine de la supervision des banques et des assurances et dans les opérations et la gouvernance des marchés boursiers. Les autres domaines possibles comprennent la comptabilité et l'audit, les renseignements sur le LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 125 ENCADRÉ 3.8 : Hausses soudaines des apports extérieurs et conséquences pour la stabilité du système financier Les variations soudaines du niveau des flux d'aide extérieure ou des autres flux externes (tels que les excédents de paiement générés actuellement pour les pays producteurs de pétrole par les niveaux exceptionnels des cours pétroliers) posent des problèmes de gestion macroéconomique et monétaire, autant qu'elles exigent des améliorations des capacités d'inter- médiation. Dans la mesure où les flux d'aide extérieure et l'argent du pétrole sont dé- pensés directement pour les importations sans ajouter à la demande inté- rieure, il n'est manifestement pas besoin d'y attacher des conséquences macroéconomiques. Mais plus généralement, si l'argent provenant de l'aide entraîne une augmentation des dépenses intérieures, une hausse soutenue de ces flux poussera le reste du système économique à s'y adap- ter, plus particulièrement les variables clés, à savoir notamment les taux d'intérêt réels, les revenus et les taux de change. Malgré une longue litté- rature la question se pose même dans un modèle aussi simple que celui de Mundell et Fleming, de même que dans les modèles du syndrome hollan- dais ; pour une analyse récente appliquée aux pays à faible revenu, se re- porter à O'Connell et autres (2006), il n'est pas assez largement admis que ces ajustements doivent être pris en compte dans l'adaptation de la poli- tique monétaire au nouvel équilibre. Les ajustements d'équilibre des (hausses) des taux d'intérêt réels et du re- venu réel et de (l'appréciation) des taux de change réels qui seront néces- saires pour ramener l'équilibre sur les marchés des produits locaux, de l'ar- gent et des devises, face à une envolée durable des flux, pourraient se révéler importants. Leur importance dépendra en particulier de la propen- sion marginale à financer les importations à l'aide du surcroît de revenu, de l'élasticité des importations par rapport aux prix et de la sensibilité de la de- mande monétaire aux taux d'intérêt. Si ces deux variables ou l'une d'entre elles est élevée (ce qui est probable dans nombre de pays africains, bien que l'on ne dispose pas d'estimations précises et fiables), les variations de l'équilibre seront faibles. Néanmoins, elles auront un impact sur la de- mande de soldes monétaires réels. Du point de vue de la politique monétaire et du crédit, il est évident que l'ob- jectif devrait être de procéder à l'ajustement sans effet quelconque sur l'in- flation. Ce qui suppose, par exemple, que la trajectoire de croissance pré- vue des agrégats monétaires nominaux, y compris l'objectif-cible en matière de monnaie centrale, doit être compatible avec la trajectoire préexistante prévue des prix et avec la nouvelle demande monétaire d'équilibre. (Suite de l'encadré page suivante) 126 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE BOX 3.8 (suite) Dans la pratique, aucun de ces ordres de grandeur ne sera connu avec pré- cision. Néanmoins, une trajectoire prévue (ciblée) de la monnaie centrale correspondant au taux d'inflation prévu, et une trajectoire prévue de taux d'intérêt et de taux de change doivent être calculées en s'appuyant sur les meilleures informations disponibles. Ensuite, à mesure que les événe- ments se déroulent, les écarts entre les réalisations et les prévisions peuvent être incorporées dans le modèle qui sous-tend les prévisions ini- tiales afin de mettre à jour les paramètres. Une inflation accrue ou un taux d'intérêt plus bas que prévu ou une appréciation des taux de change indi- queront la nécessité de resserrer l'objectif de monnaie centrale, etc. Les objectifs monétaires doivent ainsi bénéficier d'une attention constante dans le cas où la demande de monnaie et les autres relations pertinentes se révéleraient différentes de ce qui était prévu. Une analyse plus appro- fondie de ces questions dans le contexte actuel de l'Afrique figure dans Mohanty et Turner (2006) et FMI (2006). crédit, les systèmes de paiement et, bien sûr, la création d'une monnaie commune. Des initiatives ont été prises dans tous ces domaines et bien d'autres. Certaines fonctionnent bien depuis des décennies, plus particu- lièrement dans la zone CFA. Les trois questions fondamentales qu'il fau- drait se poser sur chaque nouvelle initiative dans ce domaine sont : i) ré- duira-t-elle les coûts de transaction ; ii) va-t-elle accroître l'efficacité et conforter la confiance en renforçant effectivement l'indépendance de l'ins- titution régionale à l'égard des pressions politiques nationales ; iii) quels pays faudrait-il intégrer ? Ces questions attendent des réponses définitives, mais plusieurs considérations doivent être présentes à l'esprit. · En premier lieu, certaines formes de service financiers peuvent franchir les frontières sans avoir besoin d'une structure réglementaire suprana- tionale ou multinationale élaborée pour les régir. La prolifération des banques transnationales en Afrique est une illustration de la manière dont les entreprises de négoce peuvent être disposées à négocier les coûts d'une intervention dans une multiplicité de pays afin d'étendre leurs activités sur un marché plus vaste. Ces développements peuvent en rajouter à la complexité du travail de l'organe de contrôle, mais l'idée fondamentale est qu'il peut intervenir sans avoir besoin d'être poussé par un effort de coopération internationale de la part des autorités publiques. · En deuxième lieu, même lorsqu'on les analyse ensemble, les économies et les systèmes financiers de la plupart des regroupements de pays afri- cains sont encore de dimension réduite. Pour parvenir à créer un sys- tème financier actif et efficient, les pays africains devraient réellement s'intégrer davantage dans le système financier mondial et pas seulement avec leurs voisins. La coopération entre les organes de réglementation LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 127 africains et les échanges financiers avec les pays voisins peut s'avérer très précieuse, et une connaissance des conditions régionales indique que c'est naturellement par ces tractations qu'il faudrait commencer. Mais elles ne règlent pas totalement les problèmes liés à l'échelle d'acti- vité réduite. · En troisième lieu, ce serait peut-être une erreur de transposer de manière inconsidérée des idées qui font recette dans l'Union euro- péenne (UE). Le fonctionnement harmonieux des infrastructures judi- ciaires et de gouvernance qui appuient les activités de l'UE ne peut être assuré en ce moment dans toutes les régions africaines. Par ailleurs, l'équilibre délicat des pouvoirs entre les grandes et les petites nations qui a été maintenu au fil des années au sein de l'UE pourrait être diffi- cile à reproduire dans plusieurs des regroupements africains. La domi- nation économique de l'Afrique du Sud dans tous les regroupements de pays africains dont elle est membre, et du Nigeria au sein de la Commu- nauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), par exemple, posent de sérieuses difficultés pour une coopération véritable, étant donné la crainte qu'ont les autres pays d'être inondés par le membre le plus grand d'un regroupement auquel ils ont adhéré. L'absence d'avancées dans les initiatives antérieures a rendu nombre de décideurs politiques africains quelque peu sceptiques à l'égard des idées nouvelles dans ce domaine. Les doutes peuvent être surmontés au mieux en ayant le souci de la sélectivité et des priorités dans l'examen des nou- velles initiatives, en mettant l'accent sur les efforts qui offrent aussi la pos- sibilité de générer des gains concrets significatifs et qui sont réalisables aux points de vue politique et organisationnel. Les unions monétaires. Les unions monétaires figurent en bonne place dans les préoccupations des autorités politiques. Si l'on ajoute l'accord de la Zone monétaire commune (CMA) reliant les monnaies du Lesotho, de la Namibie, de l'Afrique du Sud et du Swaziland aux deux unions de la zone CFA, cela fait trois exemples pratiques, qui sont les survivants d'un ensemble plus étendu de relations établies à l'époque coloniale. Cet ouvrage n'est pas le lieu indiqué pour procéder ici à une analyse complète de la question d'une monnaie com- mune. En dépit de l'engagement politique en faveur des programmes de monnaie unique (sans doute inspiré par le projet de l'Union monétaire eu- ropéenne ), la plupart des spécialistes n'espèrent pas voir se concrétiser d'autres projets de monnaie unique à court terme, notamment en raison de la diversité des environnements de politiques macroéconomiques na- tionales et de l'incapacité de la plupart des gouvernements africains à ex- primer un engagement réellement crédible à l'égard d'une monnaie unique44. La réglementation et le contrôle. C'est dans le domaine de la réglementation et du contrôle des intermé- diaires qu'une approche régionale semble offrir l'hypothèse la plus plau- 128 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE sible en termes de gains. Compte tenu de la base limitée de compétences disponible ou financièrement accessible dans ces domaines hautement spécialisés, il faut que la mise en commun de ces compétences génère des retombées significatives pour une région regroupant une multiplicité de pays de manière à ce que, en cas d'une crise, elles puissent être déployées rapidement vers les pays où ils sont le plus nécessaires. Une approche inté- grant plusieurs pays offre également une distance ou une indépendance politique supplémentaire. L'expérience des deux commissions bancaires régionales et la commission régionale unique des assurances (qui couvre l'ensemble des 13 États) de la zone CFA semble confirmer ce constat au moins dans une certaine mesure. Les potentialités disponibles ne sont pas totalement exploitées, considérant à quel point certains pouvoirs de déli- vrance des agréments et de sanction restent en vigueur au niveau national. La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et le Marché commun d'Afrique orientale et australe (COMESA) ont égale- ment pris des initiatives allant dans le sens de l'harmonisation de la régle- mentation et du contrôle bancaires, mais ces initiatives ne sont pour l'instant pas allées bien loin. Il y a aussi le Groupe de lutte contre le blan- chiment de capitaux d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe (ESAAMLG). Dans le cas où une approche réglementaire régionale serait étendue à l'autorisation des activités bancaires transnationales sur le principe du « passeport unique » adopté par l'Union européenne, ceci pourrait ren- forcer la concurrence entre les banques dans les petits États membres dans la région soumise à la réglementation. Les banques pourraient fournir des services au-delà des frontières sans supporter tous les coûts liés à un enre- gistrement distinct dans chaque pays. Un passeport unique est en vigueur dans les pays de la zone CFA, mais il n'est pas automatique, ni en théorie ni en pratique. Toutefois, les obstacles à l'entrée ne semblent pas opérer de distinction dans la pratique entre les demandeurs de la zone CFA et ceux des ressortissants de pays non membres de la zone CFA, évitant ainsi le risque qu'une approche régionale puisse élever des obstacles à l'entrée de banques internationales solides. La SADC, en particulier, a besoin d'être plus attentive à ce risque, au regard de l'importance des banques sud-afri- caines dans de nombreux pays de la SADC et du danger qu'elles puissent former un lobby pour s'opposer à l'entrée de banques internationales ve- nant d'autres régions (Jansen et Vennes 2006). Des arguments semblables pourraient s'appliquer davantage à la réglementation des marchés finan- ciers, notamment du fait que peu de pays africains ont ou pourraient avoir des marchés financiers suffisamment étendus pour justifier pleinement le coût incompressible de la mise sur pied d'un organe de réglementation to- talement conforme aux normes internationales. L'on voit apparaître, à l'inverse, le risque que même après avoir adhéré à un groupement régional, les membres délaissent l'économie potentielle de coûts en insistant pour créer une multiplicité de bureaux à double em- ploi dans chaque pays (comme cela semble avoir été le cas, dans une cer- taine mesure, dans la zone CFA). En effet, il peut également exister des rendements d'échelle décroissants liés à la coopération régionale s'il y a LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 129 une multiplication des réunions internationales de représentation entre les membres. L'on peut également manquer l'occasion de réaliser l'indépen- dance opérationnelle et fonctionnelle à l'égard des autorités nationales, en fonction des procédures de nomination et de définition des mandats. Un certain niveau d'harmonisation du cadre juridique pour la régle- mentation bancaire semblerait être une condition préalable pour une approche conjointe du contrôle bancaire. D'aucuns ont également laissé entendre qu'une telle harmonisation (par exemple l'exigence d'un pour- centage minimal de capital-risque correspondant) serait nécessaire pour garantir un environnement concurrentiel équitable pour les banques à capitaux étrangers et les banques internationales, bien que cette proposi- tion ne paraisse pas si évidente. Marchés des valeurs mobilières. Des avancées technologiques réalisées récemment ont permis de relier plus facilement les opérations des marchés des valeurs mobilières. Il se pourrait qu'en formant des marchés régionaux plurinationaux, les bourses de valeurs existantes accroissent leur volume d'activités et le nombre d'in- tervenants sur le marché. En théorie, une telle démarche présente des attraits évidents : les marchés les plus grands ont plus de chances de tirer parti de l'intégration verticale et horizontale des services et des produits. Les marchés régionaux des valeurs mobilières pourraient générer des éco- nomies d'échelle plus importantes et accroître l'accès des entreprises à la dette et aux capitaux. Vu du point de vue de l'investisseur, la régionalisa- tion offrirait théoriquement des possibilités de diversifier le risque en per- mettant d'investir dans un éventail plus large d'instruments et de titres émis sur le marché. Le développement de marchés plus vastes encourage- rait l'entrée de fonds des marchés émergents, qui ouvrent l'accès à un réservoir mondial d'épargne pour les émetteurs de titres et de participa- tions. Une variété d'initiatives qui se recoupent et visent toutes générale- ment à favoriser une intégration accrue des bourses des valeurs en Afrique sont en discussion (se reporter à Irving 2005 ; pour l'Afrique de l'Est, se reporter à Alawode et autres 2002). Il ne fait aucun doute que la coopération transnationale et le transfert de technologie peuvent être utiles, notamment si elles aident à maîtriser les coûts opérationnels et réglementaires. En revanche, les coûts fixes in- évitables liés à la création d'une plateforme de transaction simple et de di- mension réduite ne sont plus très élevés. Et la cotation croisée (plutôt que l'intégration) peut permettre aux émetteurs d'accéder à un réservoir plus étendu d'investisseurs. Par conséquent, le principal avantage opérationnel d'un fonctionnement intégré des marchés des valeurs mobilières est d'améliorer la liquidité heure après heure et jour après jour. Mais on ne sait pas avec certitude à combien s'élèveront les gains en valeur absolue sur cet axe même en mettant en commun tous les petits marchés africains des valeurs mobilières : il n'en résultera pas moins un marché de dimen- sion réduite et illiquide. Et les contrôles des changes en vigueur entre les pays participants annuleraient une grande part du bénéfice en termes de 130 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE liquidité à court terme. (En outre, les obligations cotées dans différentes monnaies nationales pourraient ne pas attirer beaucoup d'investissement transnational). En effet, toute proposition de création de bourses régionales des valeurs mobilières doit se pencher effectivement sur le contrôle des changes et sur d'autres restrictions sur les investissements transnationaux en valeurs mo- bilières. Ceci peut sembler évident, mais ces restrictions sont souvent im- posées pour des raisons stratégiques et politiques qui iraient à l'encontre des objectifs d'intégration des marchés boursiers, et leur résolution doit être un préalable. Si le moment n'est pas encore venu pour une libéralisa- tion générale, des formes de libéralisation limitée (par exemple, l'autorisa- tion des placements à long terme réalisés par des investisseurs institution- nels agréés) peuvent être une voie médiane viable. Le succès de la Bourse régionale des valeurs mobilières à Abidjan a été jusqu'ici modeste. L'investissement transfrontalier à travers le marché est en hausse, mais les volumes sont encore réduits. Les entreprises ivoiriennes dominent toujours le marché des actions45, et on ne sait pas encore avec certitude si le montant total des coûts opérationnels (de la bourse des va- leurs et de sa réglementation et de son contrôle) sont moins élevés qu'ils l'auraient été si le Sénégal avait par exemple, opté pour une bourse auto- nome. Dans l'autre zone CFA (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale, la CEMAC), les projets de création d'une bourse des va- leurs régionale n'ont pas été accueillis de manière uniforme46. Une régionalisation plus poussée pourrait rapporter des gains, mais ceux-ci ne nécessiteront pas tous l'adoption d'une solution élaborée à l'échelle de la région. En effet, les efforts nécessaires aux plans technique, juridique et administratif pour que les États puissent créer et maintenir une bourse des valeurs régionale multilatérale contrôlée conjointement et totalement intégrée (même si les problèmes liés au contrôle des changes ont été surmontés) indiquent que les solutions par étapes moins onéreuses devraient être davantage privilégiées. Chaque élément de la régionalisa- tion éventuelle peut être considéré comme un module. Quelle est la meilleure façon de réaliser des économies d'échelle au plan régional, la mise en commun de la liquidité et des risques ? L'externalisation à un pres- tataire commun de certains services pourrait s'avérer plus efficace que d'insister sur la création d'un nouveau prestataire multinational de pro- priété commune. À titre d'exemple, les services administratifs de compen- sation et de règlement pourraient être fournis de manière efficiente à un certain nombre de bourses des valeurs différentes par une entité unique, même si ces bourses des valeurs continuent de ne pas être reliées entre elles. L'établissement de normes régionales communes en matière de logi- ciel et de technologie pourrait s'avérer inutile lorsque les normes actuelles qui donnent satisfaction peuvent être réactivées. Encore une fois, l'utilisation de plateformes de transaction reliées entre plusieurs pays peut être envisagée même si la réglementation et le con- trôle restent du ressort de chaque pays. Un petit pays pourrait exploiter l'existence d'une bourse des valeurs fonctionnelle dans un pays voisin plus LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 131 grand, faisant profiter à moindre coût le marché local des avantages d'une technologie plus avancée47. Cette approche en étoile est beaucoup moins exigeante en termes de coordination politique et administrative que l'ap- proche multilatérale et elle pourrait être considérée comme une voie po- tentiellement porteuse vers une intégration plus large des marchés. Elle peut être conçue de sorte à éviter le risque que les entreprises de taille moyenne originaires de pays plus pauvres se perdent parmi les nombreuses cotations sur les bourses de valeurs de plus grandes dimensions. En re- vanche, cela ne contribue aucunement à éviter la domination grandis- sante d'un petit nombre de bourses des valeurs, qui peuvent sembler peu attractives pour des raisons non économiques. Les cotations boursières croisées dans différents pays constituent une autre alternative plus limitée à la régionalisation complète. Cette approche est déjà expérimentée, par exemple avec la cotation croisée des entreprises East African Breweries et Kenya Airways basées à Nairobi et à Dar-ès-Sa- laam et sur la bourse des valeurs ougandaise. L'autre solution, déjà appli- quée, pour les grandes entreprises à la recherche d'un marché plus vaste et plus liquide serait simplement de procéder à l'introduction croisée sur une grande bourse internationale, que ce soit celle de Johannesburg ou ailleurs. Le recours à cette option continuera certainement de se développer. Il est édifiant dans ce contexte de constater dans quelle mesure la conso- lidation des grands marchés des valeurs mobilières européens est en train d'être portée davantage par l'initiative privée que par l'initiative publique au moyen des fusions et des prises de contrôle entre entreprises existantes gérant des bourses et des services connexes. Une action intergouverne- mentale est en cours dans l'UE pour harmoniser et coordonner la régle- mentation de ces marchés, mais avec la suppression depuis belle lurette des contrôles de change, l'action des pouvoirs publics a eu tendance à suivre plutôt que de diriger l'intégration des marchés dans ce domaine. Le cadre juridique et les principes comptables Un ensemble de lois commerciales communes est déjà en vigueur dans la zone CFA, et pourrait être mis en place dans la Communauté est-africaine, où les États membres existants partagent la tradition de la Common Law. Mais une unification complète du droit des affaires dans le cadre d'un regroupement régional plus large intégrant aussi bien les pays pratiquant le droit civil que ceux qui ont adopté la Common Law semble une perspec- tive lointaine. Au lieu de cela, il serait préférable d'orienter les efforts d'harmonisation du cadre juridique vers des initiatives limitées visant à élaborer quelques lois-cadres destinés à régir et faciliter d'autres méca- nismes de coopération dans le domaine de la finance. Par contre, il semble y avoir davantage à gagner, pour un risque et un coût bas, à promouvoir des accords de collaboration en matière de comptabilité et d'audit. Des gains d'efficacité pourraient être obtenus de l'apprentissage partagé et des possibilités pourront s'offrir pour l'audit transfrontalier. Et une région qui a mis en place un cadre commun pour l'adoption de l'IFRS ne fait aucune- ment obstacle à une intégration plus poussée dans le reste du continent. 132 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE En complément aux initiatives de coopération spécifiques susceptibles d'être adoptées dans ces domaines, une politique axée sur une « vision ré- gionale, mais visant en priorité à créer les conditions de base nécessaires au niveau national » est susceptible d'être bénéfique. Cette vision est déjà manifestée dans les différents objectifs macroéconomiques et budgétaires qui ont été définis dans les groupements régionaux africains qui visent à créer ou préserver une monnaie commune et une union économique. Elle doit également guider les réformes dans les autres domaines (y compris les paiements) où il n'existe pas encore de projets actifs de collaboration trans- frontalière. Notes 1. La RDC au début des années 2000 en fournit ici un bon exemple : la guerre ci- vile a effrité la monétisation et les banques ont placé une grande partie de leurs ressources à l'étranger. La Guinée équatoriale illustre bien la capacité d'absorption limitée d'un système bancaire face à des flux importants de capi- taux -- dans ce cas, des recettes liées aux hydrocarbures. 2. Cette tendance correspond en partie aux réserves obligatoires, même si les choix des autorités monétaires relatifs aux réserves obligatoires peuvent être influencés par le niveau effectif des réserves souhaitées des banques, notam- ment si les autorités souhaitent limiter l'accumulation de réserves excéden- taires importantes. En tous les cas, si les réserves obligatoires sont élevées dans plusieurs pays, une majorité des pays africains détient bien des réserves excé- dentaires considérables (FMI 2006). 3. Si l'enquête avait été limitée aux banquiers, les réponses auraient peut-être été plus critiques. Par ailleurs, la situation ne se présente pas si bien s'agissant des impayés, qui sont signalés par 84 % des entreprises africaines -- seule l'Asie du Sud connaît une situation pire. Mais, cela pourrait mieux s'interpré- ter comme une indication du caractère informel des méthodes de rembourse- ment plutôt que comme une indication des mesures prises pour assurer l'exé- cution des contrats. 4. Elle occupe également le deuxième rang s'agissant du coût de recouvrement glo- bal le plus élevé, si celui-ci est exprimé en pourcentage du revenu par habitant. 5. Cependant, la corrélation entre la couverture des centrales des risques (le nombre de personnes enregistrées en proportion de la population) et les droits des créanciers dans tous les pays africains est sensiblement positive à +0,61, es- sentiellement à cause du fait qu'en Afrique les grandes centrales des risques au niveau des ménages se limitent en grande partie à l'Afrique du Sud et aux pe- tits pays qui l'entourent. 6. Azam, Biais et Dia (2004) examinent la crise bancaire survenue dans la zone UEMOA dans les années 80 en suivant un modèle dans lequel l'interférence des pouvoirs publics pourrait continuer d'influencer les incitations des ban- quiers internationaux après la crise. 7. Paradoxalement, c'est la Meridien-BIAO, qui devait mal tourner, qui est deve- nue la première banque privée à être agréée en Tanzanie en 1991 après un quart de siècle de monopole public dans le secteur bancaire. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 133 8. Chose intéressante, la résolution des crises survenues au Kenya à la fin des an- nées 90 a consisté à faire supporter par les gros déposants (comme condition de la survie de la banque) une part importante des pertes subies par certaines banques par la conversion d'une partie de leurs dépôts en actions. 9. Brownbridge et Harvey (1998) fournissent des explications fort utiles sur les pays anglophones. Ils décrivent par exemple l'expérience nigériane où une li- béralisation menée après 1986 a conduit de nombreux entrants à la recherche d'un accès privilégié à des devises rationnées et/ou la possibilité de se livrer au pillage et aux prêts à des initiés. La plupart des banques appartenant à la vague précédente de banques publiques (contrôlées par les administrations provin- ciales) étaient en difficulté au début des années 90. Les trois principales banques, qui ont chacune un passé fort respectable, ont mieux survécu. Elles avaient aussi accumulé des prêts improductifs importants, qui se chiffraient peut-être à 40 % du volume total de leur portefeuille de prêt au milieu des an- nées 90, mais sont demeurées à flot grâce à leur forte liquidité et à l'absence générale de pression concurrentielle sur le marché qui leur permettait de dé- gager des marges importantes sur des opérations improductives. Un autre aperçu utile des faillites de banques africaines est fourni dans Daumont, Le Gall et Leroux (2004). 10. Un exemple de succès partiel qui illustre les problèmes rencontrés est la pre- mière tentative de privatisation avortée de la Uganda Commercial Bank au profit d'une société de droit malaisien, mais qui s'est révélée être une société- écran pour des personnes jugées peu recommandables par les autorités ougan- daises qui se sont octroyées des prêts à grande échelle (Clarke, Cull et Fuchs 2006). 11. Parfois l'incitation peut produire l'effet contraire, la position de la filiale locale ayant été exagérée dans les états comptables à des fins fiscales. 12. Une autre menace à prendre en compte est l'impact du VIH/SIDA, qui aug- mente les coûts et entraîne une variété de risques de défaillance et de garantie dans les pays africains durement frappés par l'épidémie. Dans le même temps, les intermédiaires financiers peuvent être bien placés pour mesurer et gérer ces risques. Voir Kalavakonda (2005) et Magill (2003) 13. C'est le nom sous lequel la Standard Bank d'Afrique du Sud (qui était, jus- qu'en 1987, une filiale de Standard Chartered Bank) est implantée dans plu- sieurs autres pays africains. Stanbic a repris en 2000 les activités en Afrique d'ANZ-Grindlays, successeur de la National Bank of India (mais les principales activités de la National Bank of India au Kenya ont été cédées à la Kenya Com- mercial Bank). 14. La base de données de la Banque mondiale sur les privatisations a recensé 39 privatisations d'institutions bancaires en Afrique entre 1988 et 2003, pour un revenu total atteignant 329 millions de dollars. En outre, 50 autres privatisa- tions d'institutions financières non bancaires -- dont beaucoup dans le secteur des assurances -- ont été recensées, pour un montant supplémentaire équiva- lant à 100 millions de dollars. Se reporter à Senbet et Otchere (2006) pour une analyse critique des niveaux de rentabilité réalisés par les banques africaines après leur privatisation. 15. Le ton de la lettre reçue par le directeur de Barclays à Khartoum fait penser à une OPA très polie : « Sur décision du Conseil de la Révolution en date du 25 mai 1970, les banques implantées au Soudan ont été nationalisées. 134 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Barclays Bank est désormais dénommée State Bank for Foreign Trade. ...Vous êtes donc invités à vous présenter à votre bureau demain matin à 10 heures ...afin de procéder à la passation de service ... Le Conseil d'administration de la State Bank for Foreign Trade vous exprime ses remerciements pour les ser- vices rendus à ce pays et vous souhaite une bonne continuation » (Ackrill et Hannah 2001) 16. En Tanzanie, les activités de toutes les sept banques privées existant à l'époque ont été fusionnées dans la nouvelle National Bank of Commerce. 17. Au Nigeria, il est intéressant de noter que les banques étaient réticentes à se faire immatriculer localement. La Barclays a tenu à faire retirer la marque in- ternationale lorsque sa participation à ce qui est devenue plus tard la Union Bank of Nigeria fut réduite à 20 % dans le cadre de la politique gouvernemen- tale. Ceci est à mettre en parallèle avec l'inquiétude moderne que des ban- quiers étrangers véreux puissent se servir de leur marque internationale pour créer des entreprises, tout en limitant leur risque en se dissimulant derrière leur enregistrement en tant qu'entreprise locale. 18. La Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale au Sénégal a repris le patri- moine de 150 ans de l'autre banque coloniale française, la BAO, dont la situa- tion dans les années 90 est évoquée ci-après. 19. La récente décision du groupe néerlandais Fortis de se dessaisir du réseau Bel- golaise indique que ces inquiétudes n'étaient pas totalement injustifiées. 20. Par exemple, un plafond de 49 % a été imposé sur la participation acquise en 2005 par le consortium dirigé par Rabobank dans la NMB tanzanienne et (éventuellement) sur la participation de Rabobank dans la ZNCB (Zambia Na- tional Commercial Bank) de Zambie (bien que, dans les deux cas, des cessions d'actions supplémentaires à des nationaux soient prévues). 21. Exiger la publication précise des frais représente une exception. Cela peut être une importante mesure de protection des consommateurs, bien qu'ayant seu- lement une efficacité modérée dans le renforcement de la concurrence. 22. C'est-à-dire l'entrée sur le marché d'institutions crédibles dotées d'un capital suffisant et d'une direction qualifiée. La nécessité d'encourager l'arrivée de nouveaux entrants ne saurait dispenser les autorités de réglementation de faire preuve de diligence raisonnable. Il faut également prêter attention aux propositions embryonnaires formulées dans le contexte de l'OMC selon les- quelles les pays devraient s'engager à accepter l'entrée d'une banque agréée dans n'importe quel pays. 23. Par le passé, la garantie officielle des dépôts a été parfois préconisée par ceux qui cherchent à bâtir des systèmes bancaires stables. Ceci étant, les études à l'échelle de plusieurs pays indiquent que les effets d'incitation secondaires qui découlent de manière inattendue des programmes officiels supposent que leur introduction pourrait se révéler probablement contre-productive dans les pays où les structures de gouvernance sont généralement peu solides (Demirgüç- Kunt et Kane 2002). Seulement cinq programmes de ce type sont totalement opérationnels en Afrique aujourd'hui. 24. Seul un petit nombre de pays africains (principalement le Kenya, le Malawi et le Zimbabwe) ont pris des engagements importants les obligeant, en vertu de l'accord général sur le commerce des services, à autoriser l'accès des mar- chés dans le domaine des services financiers. Compte tenu du risque de voir arriver de nouveaux acteurs peu viables de pays étrangers mal réglementés LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 135 pour profiter de ces engagements là où les capacités de contrôle du pays d'ac- cueil sont faibles, cette mise en garde est probablement justifiée. Ce qu'il convient d'encourager, c'est l'entrée des banques solides et bien gérées. 25. Le terme quelque peu ambigu d'« atténuation des risques » est parfois em- ployé dans ce contexte là où il serait approprié d'utiliser le terme de « trans- fert du risque ». Si les programmes de garantie du crédit transfèrent une par- tie du risque à des parties qui sont en mesure de contribuer à l'évaluation des risques ou pour lesquelles l'hypothèse du risque peut servir de couverture dans leur portefeuille, alors il y a un gain réel. Mais si la motivation de la tran- saction est de profiter d'une subvention cachée ou d'une défaillance dans la réglementation prudentielle, dans ce cas le risque n'est pas atténué dans l'en- semble du système et peut être amplifié. 26. Tandis que la société de garantie procède à une évaluation préalable des prêts garantis, cette activité est peut-être en partie un arbitrage réglementaire. 27. Les prêts à long terme à taux d'intérêt fixe ne peuvent être financés sans risque par les dépôts à court terme compte tenu du risque de modification des taux, un risque qui peut être très élevé dans les périodes d'instabilité macroécono- mique. Ce problème peut être toutefois exagéré, dans la mesure où la plupart des emprunteurs se contenteront d'un taux d'intérêt variable comme prix à payer en contrepartie de la sécurité du financement à terme. Les banques sont de plus en plus conscientes de la nécessité d'assurer que cette modification des taux est inscrite dans le contrat et que la formule est juste et transparente. 28. Plusieurs fonds de ce type sont actifs en Afrique, y compris Actis (www.act.is) et le Fonds pour la croissance en Afrique d'Equator (consulter http://mbendi.co.za). Des possibilités peuvent s'offrir à l'avenir pour un enga- gement international plus intense dans le partage du risque à travers des ins- truments tels que les dérivés de crédit internationaux. 29. S'il est vrai que les retombées avantageuses pour les pauvres de certains des investissements directs étrangers (IDE), plus particulièrement de certains in- vestissements miniers, peuvent être contestées, il ne fait aucun doute que l'IDE a déjà eu et aura un effet positif de plus en plus grand sur la producti- vité des entreprises et la croissance économique du pays. L'analyse des micro- données sur les entreprises révèle que l'investissement direct étranger en di- rection de l'Afrique génère des gains de productivité importants (Moss, Rama- chandran et Shah 2004). Au niveau macroéconomique, les apports d'IDE, contrairement à l'intégration des marchés financiers en général, sont forte- ment associés à la croissance en Afrique (Collins 2004). 30. Même si aucun financement n'est mobilisé et si les actions cotées attirent peu ou pas de transactions. 31. Une des illustrations possibles est celle de Tanzania Breweries, la plus grande entreprise cotée à la bourse des valeurs de Dar-ès-Salaam dont la capitalisation boursière avoisine 400 millions de dollars et qui affiche un rendement bour- sier de plus de 11 %. Ses principaux actionnaires, qui représentent ensemble 94 % du total, sont : South African Breweries 53 % ; East African Breweries 20 % ; Unit Trust of Tanzania 6 % ; Directeur du Trésor de la République unie de Tanzanie 4 % ; Société financière internationale 4 % ; Caisse de retraite des agents de l'État 3 % ; Umoja Fund 2 % ; Caisse de retraite des entreprises pa- rapubliques 1 % ; Caisse nationale de sécurité sociale 1 %. 136 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE 32. Et dans tous les cas, les méthodes classiques non électroniques d'opérations à la criée peuvent être, si elles sont organisées de manière efficiente comme à Dar-ès-Salaam, par exemple, tout à fait adaptées au volume de transactions lo- cales et au nombre réduit d'inscriptions à la cote. 33. Les marchés secondaires des pays développés imposent des conditions diffé- rentes et, à certains égards, moins contraignantes à l'émetteur (moins contrai- gnantes par exemple en ce qui concerne la condition d'avoir des antécédents de rentabilité, une capitalisation minimum et un nombre minimum d'action- naires, parfois plus contraignantes en ce qui concerne la divulgation de l'infor- mation). Bien évidemment, les coûts d'introduction et de maintien en bourse dépendent non seulement des réglementations (au sens étroit), mais aussi de l'architecture des marchés financiers et de l'efficacité du secteur. L'expérience du marché AIM (Alternative Investment Market) à Londres (http://www.lon- donstockexchange.com/en- gb/products/companyservices/ourmarkets/aim_new/) dans ses efforts pour réduire au minimum ces coûts pour les entreprises entrant en bourse est édi- fiante. L'essentiel est d'adapter les règles sur la gouvernance de l'entreprise de manière pragmatique et appropriée et d'éliminer les règlements qui sont inap- plicables dans le contexte local. Par exemple, il pourrait s'avérer utile de suivre l'AIM en faisant surtout peser la responsabilité principale du respect des régle- mentations sur le « conseiller désigné », c'est-à-dire l'intermédiaire financier qui amène l'entreprise sur le marché (Grose et Friedman 2006). Dans un contexte où la résolution des questions de gouvernance est largement confiée au conseiller désigné, l'AIM n'est soumis à a) aucune norme minimale concer- nant le nombre d'actions détenues par le public ; b) aucune disposition concer- nant les antécédents boursiers ou la capitalisation boursière minimale ; c) au- cune approbation préalable des actionnaires pour les acquisitions (à l'exception des prises de contrôle inversées). La théorie juridique qui sous- tend l'idée d'adapter la réglementation financière aux conditions locales est examinée dans Pistor et Xu (2002). 34. Considérant que, par petites entreprises, la commission américaine entend celles ayant une capitalisation boursière de moins de 787 millions de dollars, il est évident que ces considérations s'appliquent à la quasi-totalité des entre- prises africaines. 35. Même les normes minimales de transparence peuvent décourager les entre- prises susceptibles d'entrer en bourse. Moss (2003) laisse entendre que c'est une des raisons qui explique pourquoi Ghana Telecom n'était pas cotée en bourse à la fin des années 90 après la vente d'une participation stratégique à Malaysia Telekom. La transparence vis-à-vis du marché suppose aussi la trans- parence vis-à-vis des autres, y compris du gouvernement. Moss soutient éga- lement que les propriétaires d'entreprises ont souvent des raisons d'être réti- cents à prendre cet engagement. 36. Akuffo (2006) relate un cas intéressant illustrant la difficulté à établir les cré- dits hypothécaires à une échelle correspondant aux besoins nationaux en ma- tière de logement. Il décrit la mutation progressive d'un intermédiaire qui était censé au départ servir de base à un système viable de financement du logement au Ghana fondé sur une conception innovante des produits dans une banque commerciale instruisant moins de 100 dossiers de prêts hypothécaires par an et dont seulement 30 % des actifs sont composés de prêts hypothécaires. LES SYSTÈMES FINANCIERS AFRICAINS : DENSITÉ, DIMENSIONS ET EFFICACITÉ 137 37. L'expérience de la participation du secteur privé à l'aménagement des infra- structures en Afrique est bien examinée dans Nellis (2005). 38. Les PPP dans le domaine des infrastructures font apparaître d'autres solutions de financement. Un PPP bien conçu incarne l'idée que chacune des parties doit supporter les risques qu'elle est prête à gérer à moindre coût. À titre d'exemple, le secteur privé pourrait supporter les risques de construction, les risques commerciaux et financiers, tandis que les risques politiques, réglemen- taires et juridiques sont assumés par le secteur public. Le risque lié à la deman- de est fréquemment partagé car il est influencé à la fois par les politiques ré- glementaires et les conditions du marché. Cependant, l'expérience des PPP en Afrique a démontré que le transfert effectif des risques vers le partenaire privé est souvent limité, tandis que les rendements pour le secteur privé sont élevés, ce qui indique une capacité limitée des gouvernements à négocier efficace- ment de telles opérations. Si jamais le bénéfice pour un PPP dépasse ses charges (par rapport à la fourniture des services par le secteur public), il faut veiller particulièrement à éviter d'occasionner un lourd passif éventuel, par exemple, à travers des garanties. 39. La confiance des investisseurs pourrait être renforcée par l'amélioration de la planification des dépenses d'investissement public, notamment a) par une ap- proche rigoureuse et transparente de l'arbitrage macroéconomique entre les dépenses sociales et l'investissement dans le domaine des infrastructures, b) l'analyse systématique des coûts et bénéfices économiques et financiers comme base pour la sélection et la hiérarchisation des projets devant recevoir un investissement, c) le ciblage des secteurs qui ne peuvent être financés par le secteur privé, d) la mise en place de structures et de capacités institutionnelles pour analyser, structurer et négocier les options relatives à la participation du secteur privé et e) une approche transparente et prudente du point de vue des finances publiques à l'égard du soutien possible de l'État aux PPP, telles que les subventions ou garanties directes. En outre, il faudra réaliser encore des pro- grès dans les réformes réglementaires pour réduire le risque réglementaire et aller vers une viabilité financière à long terme des secteurs des infrastructures. 40. Il a été suggéré que, pour stimuler le développement des marchés, les institu- tions financières internationales ou autres bailleurs de fonds pourraient a) inter- venir pour apporter des financements complémentaires tels que le financement des projets par participation au capital ou par dette subordonnée ; et b) fournir aux bailleurs de fonds consacrés aux infrastructures des garanties partielles contre, par exemple, le risque réglementaire. Encore une fois, c'est par un jeu d'équilibre qu'il faudra assurer que de telles interventions favorisent effective- ment le développement des marchés plutôt que de créer une dépendance. 41. Ou elles pourraient permettre aux économies d'absorber la hausse brutale des recettes tirées des ressources naturelles, comme cela s'est produit récemment en Angola, au Tchad, en République du Congo, en Guinée équatoriale, au Mo- zambique et au Nigeria. 42. Évidemment, ce constat s'applique même aux avoirs extérieurs qui découlent de la nécessité de détenir des nantissements en espèces par rapport à des expé- ditions de produits d'importation. 43. D'autres agences d'assurance du crédit à l'exportation ont des notations généra- lement analogues. L'indice du risque commercial de la même agence, qui va de 0 à 2 situe le pays africain moyen à 1,83, comparé à 1,18 pour le reste du monde. 44. Différents projets d'unions monétaires ont été initiés en Afrique, en plus de ceux actuellement en vigueur dans la zone franc CFA (Fielding 2006) et dans la Zone monétaire commune d'Afrique australe. En effet, dès 1963, la création d'une monnaie commune pour l'ensemble de l'Afrique était un des objectifs de l'Organisation de l'unité africaine et reste un objectif à long terme de l'Union africaine. Probablement, les propositions actuelles les plus actives sont-elles celles de la Communauté est-africaine (EAC) qui comprend le Ke- nya, la Tanzanie et l'Ouganda, avec l'adhésion future probable du Rwanda et du Burundi qui vise à l'établissement d'une union monétaire dès 2010 et de la Zone monétaire d'Afrique de l'Ouest, la ZMAO qui regroupe la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Nigeria et la Sierra Leone, avec l'adhésion future prévue du Liberia qui vise actuellement la création d'une union monétaire d'ici à dé- cembre 2009. Plus tard, il pourrait y avoir une fusion des monnaies de l'UE- MOA et de la ZMAO pour réaliser l'objectif, fixé de longue date (depuis 1975), de création d'une union monétaire de la CEDEAO. Bien que les mécanismes institutionnels qui entourent une union monétaire risquent d'agir comme un facteur de modération (Stasavage 2000), un tel projet pourrait être compromis par les pressions fiscales et, comme l'affirment Masson et Pattillo (2005), les intérêts politiques divergents entre les membres éventuels pourraient rendre l'adhésion onéreuse pour beaucoup. Et les gains potentiels liés au commerce au sein de l'union semblent ne pas devoir être importants (Masson 2006). L'expérience de l'UE met en évidence ce qu'il est effectivement possible d'ac- complir en termes d'intégration financière en l'absence d'une union moné- taire, tout en montrant dans le même temps qu'une monnaie unique peut contribuer à l'efficacité du système financier (Honohan et Lane 2001). 45. Bien que Bank of Africa ait rejoint la Sonatel du Sénégal comme émetteur d'actions non ivoirien, le marché des obligations accueille un plus grand nombre de pays. Outre la Banque ouest-africaine de développement, et les gouvernements du Burkina Faso, de la Côte-d'Ivoire et du Sénégal, il y a des obligations cotées émises par des entreprises de services publics à capitaux pu- blics au Bénin et au Sénégal, et par d'autres émetteurs du Burkina Faso, de Côte-d'Ivoire et du Mali. 46. L'existence d'une monnaie commune donne au marché obligataire de la BRVM un énorme avantage par rapport aux autres projets régionaux regrou- pant des groupes de pays à plusieurs monnaies. C'est à la seule condition que les obligations soient libellées dans la même monnaie qu'il peut exister une courbe de rendement commune. 47. Les liens électroniques entre les bourses des valeurs de Namibie et de Johan- nesburg peuvent être considérés comme un exemple. En effet, la bourse des valeurs de Johannesburg encourage une utilisation plus large de sa technolo- gie -- même si jusqu'à présent d'autres voyaient avec scepticisme le fait de cé- der la direction à Johannesburg. CHAPITRE 4 La finance pour tous Introduction : Accès aux services financiers formels Moins de 20 % d'adultes africains possèdent un compte auprès d'un inter- médiaire financier du secteur formel ou semi-formel. Quel que soit l'ins- trument de mesure adopté, l'accès généralisé aux ressources financières reste un objectif assez lointain. Cela vaut tout autant pour les systèmes d'épargne et de paiement que pour le crédit et les opérations de finance- ment. Le présent chapitre examine les mesures à prendre pour accroître ce taux d'accès, car c'est là une condition nécessaire pour que les petites et moyennes entreprises (PME) et les pauvres puissent tirer avantage des technologies financières modernes. Une plus grande attention est portée au secteur formel qu'au secteur informel Assurément, en Afrique, les ménages et les entreprises s'adressent en bien plus grand nombre aux services financiers informels pour satisfaire à leurs besoins. Le fait de restreindre la présente analyse au secteur financier for- mel ne diminue en rien l'importance revêtue par les réseaux informels. L'existence d'une multiplicité d'entités financières informelles est un im- portant aspect du contexte dans lequel opèrent les intermédiaires du sec- teur formel. Il ne faudrait surtout pas croire que les services fournis par les IMF telles que nous les connaissons aujourd'hui pourraient parfaitement remplacer ceux assurés par les dispositifs financiers traditionnels et infor- mels dans la plupart des régions de l'Afrique. Cela dit, au fur et à mesure de la modernisation et de la croissance des économies africaines, le secteur financier formel accroîtra sa part relative et absolue des services aux mé- nages et aux entreprises du continent (voir l'encadré ci-après). L'accès aux services financiers formels est un domaine dans lequel on peut prévoir des 139 140 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 4.1. Le système financier informel est-il négligé ? L'Afrique possède un dynamique secteur financier informel, allant des per- cepteurs incertains de susu dans les marchés de Monrovia aux importants systèmes rotatifs d'épargne et de crédit de Nairobi -- et leurs mécanismes complexes mais efficaces d'incitation qui intriguent les théoriciens de l'éco- nomie -- en passant par les njangi (tontines) de Yaoundé auxquelles parti- cipe la classe moyenne supérieure et où les transactions portent sur de fortes sommes. La vigueur des systèmes informels d'intermédiation en Afrique est attestée par de nombreuses études (par ex. Aryeetey et al., 1997a, b ; Anderson et Baland, 2005). Il a été dit que, si l'on considère l'en- semble des systèmes formels et informels, 80 % de la population traite avec un type quelconque d'intermédiaire, quand bien même il ne s'agirait que d'un agent de recouvrement ou d'un banquier ambulant. En outre, comme dans le reste du monde entier, les amis, les parents et les relations d'affaires fournissent un important appui financier aux petites et aux moyennes entreprises. Certains spécialistes attribuent un rôle plus important au secteur financier informel dans les sociétés africaines, notant par exemple le rôle distinctif des tontines dans la facilitation des relations interpersonnelles, fonction qui n'a peu de points communs avec les tâches exécutées dans le cadre du système financier formel (cf. Rowlands, 1995 ; pour une analyse de la contribution au sens large des réseaux sociaux afin de mieux comprendre l'activité économique africaine, voir Udry, 2000). Le fait que le présent rapport ne couvre que dans une mesure très limitée le secteur financier informel ne signifie pas que ce dernier est sans impor- tance, ni du reste qu'il ne survivra pas à la modernisation évoquée ici. En effet, la révolution des IMF a, dans une certaine mesure, fait fond sur l'ex- périence de ces structures informelles, et au bout du compte, quelques- unes des plus petites IMF agréées se distinguent peu des dispositifs infor- mels. Les intermédiaires formels et informels continueront de poursuivre en pa- rallèle des opérations de montant minime dans un avenir prévisible -- même si les intermédiaires formels absorbent une part croissante du mar- ché. Le véritable atout du secteur financier formel tient cependant à son aptitude à fournir une plus grande gamme de services à une plus grande échelle, et au fait qu'elle permet de regrouper les risques dans une bien plus grande mesure que ne le peut le secteur informel. LA FINANCE POUR TOUS 141 progrès considérables au cours des prochaines années. Il est possible de se servir des nouvelles technologies, que ce soit au niveau de l'ingénierie fi- nancière ou dans le domaine de l'information et de la communication (TIC). Quelques-unes des technologies financières examinées ne sont pas véritablement nouvelles, même en Afrique, mais elles ne sont pas exploi- tées autant qu'elles pourraient l'être. La microfinance peut satisfaire les besoins financiers des pauvres -- La révolution de la microfinance a donné aux IMF la confiance nécessaire pour fournir des services de dépôt et de prêt aux pauvres. Différentes IMF emploient différentes méthodologies et chacune considère que ses tech- niques sont supérieures aux autres. Il est néanmoins clair, au vue de la dé- termination et des compétences en gestion observées, que ce secteur peut desservir les couches de population à faible revenu dans une grande partie de l'Afrique, et ce parfois même en l'absence de toute subvention, bien que le niveau souvent élevé des taux d'intérêt pratiqués (même s'ils sont nettement inférieurs aux taux exigés par les usuriers) puisse limiter les emprunts aux usages ayant le rendement le plus élevé1. À ce niveau, le défi consiste à accroître l'échelle des activités et à desservir les régions éloi- gnées, sans cesser de maîtriser les coûts2 et sans réduire la qualité de l'éva- luation des prêts. -- ainsi que des PME Le présent chapitre ne s'intéresse toutefois pas uniquement à la satisfac- tion des besoins des plus pauvres. L'accès aux services financiers étant en pratique fermé à d'énormes pans de l'économie, il convient de prêter at- tention à ce qui peut être qualifié de marché des petites et moyennes en- treprises. Ces entreprises dont les besoins de financement sont de l'ordre de quelques milliers de dollars opèrent probablement, compte tenu de la situation de nombre d'économies africaines, à la limite du secteur infor- mel. Elles ne sont actuellement pas en mesure de tenir une comptabilité d'entreprise satisfaisante. Elles sont mal servies par les banques dont les procédures supposent plus de formalité. Les agriculteurs dont les activités ne se limitent pas uniquement à une agriculture de subsistance se re- trouvent souvent dans la même situation. Une bonne gestion est plus importante que le modèle organisationnel Qui fournira ces services de plus vaste portée à ces segments du marché ? Une pléthore d'intermédiaires formels et semi-formels3 -- plus d'un mil- lier à l'échelle de l'Afrique -- procèdent actuellement sous une forme ou une autre à des activités de microfinance. Leur taille, la complexité de leurs opérations et leur structure organisationnelle varient énormément. Les partisans de la mutualité font parfois valoir que les coopératives doivent ouvrir la voie en assurant des services financiers pour tous. Cette conception est implicitement incorporée dans le cadre législatif en vigueur dans les pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UE- MOA). D'aucuns soutiennent que, grâce aux économies d'échelle qu'elles 142 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE peuvent réaliser et à leur rayon d'action, les banques multiservices auront à terme un avantage inégalable au niveau des coûts lorsqu'il s'agira de fournir des services à la majorité. Le fait que des intermédiaires organisés sur des modèles très différents obtiennent de bons résultats en Afrique mi- lite contre tout point de vue dogmatique, dans un sens ou dans un autre, en la matière. La diversité et la mise à l'essai de nouvelles structures et stratégies commerciales semblent, à l'heure actuelle, offrir la meilleure chance d'accroître le rayon d'action des prestataires de services financiers. Cela étant, il importe par-dessus tout d'améliorer la gestion et de maîtriser les coûts, et de faire mieux prendre conscience aux bailleurs de fonds commerciaux des opportunités commerciales qui existent à la « base de la pyramide » à laquelle ils ne se sont jusqu'ici guère intéressés. Le cadre plus général de la politique financière doit par ailleurs être pro- pice au développement de la microfinance. Il est absolument essentiel de s'assurer que la concurrence s'intensifie suffisamment pour inciter les in- termédiaires à rechercher des moyens de fournir sans risque des services à une plus vaste clientèle -- et de veiller à ce qu'une réglementation trop lourde ne bride pas de tels efforts. Dans ce contexte, les questions régle- mentaires les plus importantes sont, notamment, celles qui se rapportent au plafonnement des taux d'intérêt. Le meilleur moyen de lutter contre les pratiques de financement abusives consiste à imposer une politique de transparence et des codes pratiques de procédures de prêt. L'Afrique du Sud a montré la voie en élaborant et en appliquant de telles mesures. Mais les prêteurs ne peuvent pas non plus relâcher les efforts qu'ils doivent dé- ployer pour maîtriser le coût de leurs activités, qui les empêche de deman- der des taux d'intérêt moins élevés pour pouvoir atteindre une plus vaste clientèle. En outre, plus les taux d'intérêt sont élevés, plus grande est la menace d'une riposte politique qui aurait pour effet de plafonner les taux d'intérêt à un niveau si bas que les opérations s'en ressentiraient. Le présent chapitre fait ressortir les grands facteurs contextuels propres à l'Afrique, à savoir l'échelle, l'informalité, la gouvernance et les chocs. Bon nombre des innovations observées dans le domaine de la microfinance dans le monde entier et appliquées en Afrique offrent de bons moyens de remédier aux problèmes associés à l'échelle et à l'informalité des tran- sactions, voire même à certains problèmes de gouvernance. En ce qui concerne les chocs, cependant, le risque microéconomique ou idiosyncra- sique, et non le risque systémique, est le plus pertinent dans le contexte de ce chapitre ; paradoxalement, la microfinance peut mieux résister à un risque systémique national qu'à des chocs locaux. Dans tous les cas, il est crucial, pour assurer l'accès des petits exploi- tants et des pauvres à des services financiers, de recourir à une ingénierie financière novatrice et aux technologies modernes, tout en n'épargnant aucun effort pour maîtriser les coûts. Si dans une certaine mesure une telle démarche peut être fructueuse, il est probable que dans un avenir pré- visible au moins une partie de l'énergie et de l'enthousiasme nécessaires devra résulter des efforts résolus d'activistes dévoués à l'intérêt public, qui tirent leur satisfaction professionnelle de la valeur sociale de leurs réalisa- tions, et non de l'assurance qu'ils obtiennent bien pour leurs services la LA FINANCE POUR TOUS 143 rémunération à laquelle ils pourraient prétendre sur le marché financier mondial. Le modèle moderniste à lui seul ne suffira pas. Technologie et ingénierie financière Nombre de produits normalement offerts par les banques et même par les IMF en Afrique sont mal adaptés aux besoins des clients pauvres. Parfois, cette inadaptation n'est que trop évidente et il est facile de voir comment y remédier. Les régimes d'épargne habituels qui sont assortis de calendriers rigides ne conviennent pas à des ménages pauvres dont les rentrées de fonds sont volatiles. Il en va de même pour les comptes d'exploitation trop flexibles qui permettent à leurs détenteurs de contracter par inadvertance de coûteux découverts. Les calendriers de remboursement des prêts qui ne tiennent pas compte des cycles culturaux ne sont pas non plus adaptés aux besoins des petits exploitants. Bien que de nombreux intermédiaires afri- cains aient mis au point une gamme de produits qui permet d'éviter ces problèmes, trop nombreux sont ceux qui ne l'ont pas fait. Il convient éga- lement de souligner que, s'il faut, certes, rechercher des solutions origi- nales en exploitant le potentiel de technologies modernes novatrices, des technologies financières qui ont fait leurs preuves depuis longtemps, et qui peuvent considérablement élargir l'accès des pauvres aux services finan- ciers, ne sont souvent pas encore employés en Afrique. Pour remédier à cette situation, il importera d'adopter un programme d'action axé sur la fourniture de services de formation. Hors du cadre généralement établi, la technologie moderne offre certaines possibilités d'éviter quelques-uns des obstacles causés par la lenteur avec laquelle les infrastructures progressent et par d'autres aspects du contexte africain (Ivaturi, 2006). Quels sont les innovations qui pourraient se révéler efficaces pour l'Afrique ? De toute évidence, elles doivent permettre de surmonter cer- tains des obstacles évoqués, mais il faut aussi que leur coût unitaire soit faible. Les innovations, dont le coût tient essentiellement à leur mise au point initiale et d'autres frais fixes, et dont le coût marginal par transaction ou par nouveau client est très faible, offrent une importante possibilité d'élargir l'accès aux services financiers à la base de la pyramide. On trouve déjà en Afrique et ailleurs quelques exemples d'utilisation de diverses technologies électroniques ou financières pour résoudre des pro- blèmes précis d'accès aux services financiers. Ces exemples montrent les possibilités et les limites des solutions qui ont été mises au point jusqu'ici. Les méthodes en question présentent toutes certaines caractéristiques : la collecte, le traitement et la diffusion électroniques des informations ; l'uti- lisation des téléphones mobiles et d'autres technologies de télécommuni- cation pour remédier aux problèmes de la distance et de l'isolement ; et la mise en commun des risques sur la base de l'observation de variables de remplacement pour chaque risque. Chacune de ces méthodes se caracté- rise par des coûts marginaux unitaires relativement faibles. Leur mise en place est, en revanche, souvent extrêmement coûteuse. 144 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Innovations en matière de crédit Bien que nombre de praticiens nous aient rappelé à juste titre l'importance d'autres dimensions de l'accès aux services financiers, l'analyse revient toujours sur le crédit. On peut compter que les diverses innovations au niveau des politiques intermédiaires, qui ont été évoquées au chapitre 3, permettront d'améliorer le contexte des activités de crédit. L'accroissement des volumes et l'amélioration de la facilité d'utilisation des garanties est une priorité claire. Certaines mesures prises dans ce sens, notamment l'amélioration des lois régissant le crédit-bail, la location-vente et l'affacturage peuvent permettre d'accomplir beaucoup, même sans un système judicaire très efficace ou en l'absence d'un renforcement plus général de la gouvernance. L'établissement de registres efficaces des titres de propriété -- adaptés aux réalités locales et aux concepts locaux des droits d'usage (Fleisig et de la Peña, 2003) -- facilite l'octroi de crédits associés à une garantie. En effet, lorsqu'un emprunt est garanti par des produits exportables ou quand l'emprunteur a conclu un contrat de sous- traitance pour l'approvisionnement d'une société minière multinationale par exemple, il peut être facile d'obtenir un crédit en Afrique. Mais que se passe-t-il lorsqu'il n'existe ni des chiffres crédibles ni de bonnes garanties (directes ou indirectes)? En pareille circonstance, que peut faire le prêteur potentiel pour faciliter l'évaluation de la solvabilité de son éventuel client ? Hormis la demande d'une garantie, quelles sont les autres solutions possibles ? La première partie de la présente section examine quatre techniques qui visent à répondre à ces questions4, et qui relèvent manifestement du courant moderniste. La deuxième partie vise à définir les solutions qui peuvent être retenues lorsqu'il s'avère inévitable d'évaluer la solvabilité des emprunteurs individuels, comme c'est le cas pour la plupart des cré- dits aux PME. Techniques d'atténuation des risques de crédit Dans cette sous-section, nous examinons quatre problèmes de crédit ou de déficit de financement (que ce soit pour l'achat d'intrants agricoles ou pour la construction de logements bon marché) pour lesquelles des solutions ont été trouvées dans certaines régions d'Afrique. L'une des grandes ques- tions qui se posent ici consiste à déterminer si le courant moderniste per- met de tout accomplir : accroître le recours à des systèmes automatiques d'approbation du crédit sur la base de renseignements vérifiables, émanant notamment de centrales des risques fournissant des informations exactes, peu coûteuses et complètes ; assurer l'exécution rapide des décisions ju- diciaires impartiales, etc., ou s'il importe en outre de poursuivre un pro- gramme activiste pertinent. L'expérience du financement des activités agricoles5 en Afrique permet de penser que les deux courants ont leur rôle à jouer. Considérons, par exemple, le financement de l'agriculture sous contrat et le crédit-stockage. Ces deux techniques de crédit remontent à l'origine des activités finan- cières, et elles ont toutes deux pour objet de résoudre des problèmes d'une LA FINANCE POUR TOUS 145 grande importance pratique. Leur utilisation sur une plus grande échelle compte au nombre des priorités des programmes mis en oeuvre par nombre d'organismes pour renforcer le financement agricole en Afrique depuis plusieurs années (Kloeppinger-Todd, 2005). L'agriculture contrac- tuelle s'inscrit dans le courant moderniste puisque les modalités de crédit exigent tout au plus une infrastructure juridique de base pour encadrer les activités du secteur privé. En fait, elle peut ne pas nécessiter de législation particulière, comme on l'a vu en Ouganda. En revanche, la mise en place des mécanismes de crédit-stockage pour les petits exploitants nécessite une intervention résolue et bien définie d'une entité parrainante -- bien qu'une banque privée puisse parfois juger avantageux de jouer ce rôle. Le crédit accompagne l'agriculture sous contrat Dans les régions où les produits d'exportation sont cultivés sur de petites exploitations, la sous-utilisation des engrais est un problème chronique et bien connu, auquel on cherche à remédier depuis des générations. En Afrique de l'Est et en Afrique cen- trale, les petits agriculteurs n'ont pas accès aux facilités de caisse requises pour l'achat d'engrais (ou d'autres facteurs de production). Les grossistes, les exportateurs et les transformateurs de produits agricoles veulent cepen- dant s'assurer un approvisionnement fiable pour pouvoir utiliser leurs ins- tallations de manière rentable. Au fil des ans, les négociants6 privés sont devenus, dans la plupart des pays africains, les principaux fournisseurs d'engrais à crédit dans le cadre d'un dispositif de financement de l'agricul- ture sous contrat conçu de manière à ce que le prêt soit remboursé au moyen des recettes de la récolte (qui doit être vendue au créancier). Ce système profite à l'agriculteur car il lui permet d'accroître sa productivité, mais il peut avoir l'inconvénient de masquer le coût élevé du crédit qui ré- sulte du faible prix d'achat de la récolte. Il profite au négociant en l'assu- rant d'un bon approvisionnement mais l'expose aussi au risque que le pe- tit agriculteur vende subrepticement sa récolte à un autre négociant et ne rembourse pas son emprunt7. Dans la pratique, le dispositif fonctionne souvent de façon satisfaisante lorsque la conjoncture est favorable. Selon une étude du Fonds internatio- nal de développement agricole (Ruotsi, 2003) couvrant trois pays, on n'a observé de signes d'abus du pouvoir sur le marché par le prêteur qu'au ni- veau de la chaîne d'approvisionnement en coton du Mozambique. Le mo- nopole de l'achat du coton prêteur avait été donné au prêteur en question dans le but d'atténuer le problème des ventes occultes. Une façon novatrice de réduire le risque des ventes occultes est de prêter à des coopératives de petits exploitants. L'intérêt collectif qu'ont ces derniers à maintenir le dispositif en place d'année en année est probablement plus constant que celui de l'un quelconque des participants, et la coopérative peut exploiter la dynamique de petits groupes pour s'assurer de la bonne conduite de ses membres -- même si les résultats n'ont pas toujours été concluants dans la pratique. Un examen plus poussé de ce dispositif de crédit au niveau de la chaîne d'approvisionnement révèle toutefois qu'il ne permet d'offrir qu'un éventail limité de services financiers aux agriculteurs (comme l'a noté Pear- ce 2003). Du reste, les crédits sont d'un montant assez modeste. Environ 146 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE un demi-million de petits cultivateurs de thé kenyans recourent à un tel dispositif, mais le montant moyen de leur emprunt ne s'élève qu'à 30 dol- lars environ -- et peut donc n'avoir vraiment d'utilité que dans la mesure où il encourage l'adoption de cultures et de méthodes de production à plus forte valeur ajoutée. Les agriculteurs cherchent à tirer avantage des fluctuations saisonnières prévisibles des prix Il existe une variante du modèle d'agriculture contractuelle dans laquelle l'agriculteur ou la coopérative finance les facteurs de production hors du contexte de la chaîne d'approvisionnement et vend directement sa production sur le marché. Dans ce cas, toutefois, l'agriculteur peut être à la merci des fluctuations des prix à la période des récoltes, à moins d'avoir ac- cès à des crédits qui lui permettent d'attendre le meilleur moment pour vendre ses produits. Le crédit-stockage -- qui existe depuis des millénaires mais qui est encore insuffisamment utilisé en Afrique malgré de nombreux exemples de réussite -- fait entrevoir une solution à ce problème. En conservant des céréales dont la qualité a été vérifiée dans un entrepôt agréé indépendant, l'agriculteur peut offrir une bien meilleure garantie au prêteur. Il n'est toutefois pas facile de mettre en place ce type de dispositif pour les petits exploitants. Aucun groupe de petits agriculteurs n'est en mesure d'y parvenir seul, en raison de l'échelle que doit avoir ce genre de méca- nisme. Il faut donc que de gros exploitants y participent aux côtés des pe- tits exploitants pour atteindre un volume viable. Il faut aussi que le gérant de l'entrepôt ait montré qu'il a la surface financière requise -- peut-être en adhérant à un réseau d'entrepôts autorégulé par le biais d'examens par les pairs. Le contrat doit être établi de façon à donner véritablement au ban- quier la garantie semi-automatique prévue par ce système (les céréales ne sortent pas de l'entrepôt tant que la dette n'a pas été remboursée ; la banque peut en prendre possession si l'emprunteur ne rembourse pas les fonds empruntés). On a pu voir, au Ghana et en Zambie par exemple, comment ces aspects du système -- et surtout son échelle -- déterminent si les dispositifs de crédit-stockage mis en place pour les petits exploitants servent bien ces derniers et s'ils sont viables ou non (Onumah, 2003). Il s'ensuit que, même si ce mécanisme existe depuis très longtemps, les par- tisans du système devront encore faire preuve d'un certain activisme pour susciter l'action concertée requise. Deux autres exemples, qui témoignent de l'efficacité mais aussi des li- mites de l'approche moderniste, viennent non pas du secteur rural mais des villes : ils concernent les salariés, soit un segment de la société africaine en expansion qui deviendra probablement beaucoup plus important dans les années à venir, et le financement des logements pour ménages à faible revenu. Dans le cas des salariés, les banques considèrent que le caractère formel de leurs transactions avec l'employeur peut constituer une garantie de substitution, tandis que dans l'autre cas, une malencontreuse tentative moderniste d'assurer la qualité des logements a eu un effet contraire à l'objectif et compromis une activité qui aurait pu rentrer utilement dans le cadre du microcrédit. LA FINANCE POUR TOUS 147 Les prêts sur salaire Les familles à revenu faible ou intermédiaire dont les re- venus sont stables ne peuvent souvent pas capitaliser leurs gains futurs. Les prêts sur salaire (autre mécanisme connu de longue date mais qui connaît à présent un essor fulgurant dans plusieurs pays africains) peuvent contribuer utilement, bien que de manière limitée, à résoudre ce pro- blème. La technologie entre en jeu ici également, dans la mesure où c'est la gestion électronique des rémunérations qui permet aux fournisseurs de crédit de fournir ce type de service d'une manière efficace au plan des coûts. La banque -- il s'agit souvent d'une des grandes banques internatio- nales qui sont entrées dans ce marché forte de l'expérience fructueuse qu'elles ont acquises en Afrique du Sud où ces opérations se développent rapidement -- prend les dispositions requises pour que le montant dû au titre du remboursement du prêt soit prélevé en priorité sur le chèque de paie. Ce système est très apprécié des employés et, partant, de leurs em- ployeurs. Les prêts peuvent être utilisés à de nombreuses fins, par exemple pour financer l'amélioration du logement ou satisfaire d'autres besoins de consommation. Il semblerait aussi qu'ils servent parfois de capital d'amor- çage d'activités rémunératrices poursuivies par d'autres membres du mé- nage (dans ce cas, l'emprunteur primaire -- c'est-à-dire le membre de la famille qui est salarié -- joue de facto le rôle de garant du bénéficiaire ef- fectif du prêt). De cette façon, au moins une partie des prêts sur salaire contractés dans des zones urbaines finissent par financer de petits investis- sements dans des activités génératrices de revenu qui peuvent même être poursuivies dans des zones rurales. Ce système présente des inconvénients. La banque jouit d'une situation de quasi-monopole vis-à-vis des salariés de chaque établissement, ce qui peut contribuer à l'imposition de taux d'intérêt qui semblent excessive- ment élevés dans certains pays -- et qui génèrent probablement des profits extraordinaires, bien que cette supposition n'ait pas encore été validée par une analyse rigoureuse. Par-delà la question de savoir si les taux pour- raient être plus faibles, la demande est forte et les emprunteurs paraissent apprécier l'opportunité qui leur est offerte. Des microcrédits au logement évolutifs Les crédits hypothécaires classiques sont hors de portée des pauvres dans la plupart des pays africains. D'une part, les pauvres ne détiennent en général pas de titre foncier officiel pour le terrain sur lequel ils vivent. D'autre part, ils ne disposent pas d'un re- venu régulier, condition nécessaire pour obtenir, auprès d'un prêteur hypo- thécaire classique, un prêt pluriannuel d'un montant suffisant pour construire ne serait-ce qu'une petite maison. Mais sans crédit, les pauvres peuvent être obligés d'épargner pendant plusieurs années avant de pou- voir entreprendre des travaux d'amélioration, aussi modestes soient-ils. Au lieu d'effectuer un prêt ponctuel, nombre de microprêteurs préfèrent suivre une stratégie de financement évolutive pour financer l'améliora- tion des logements de ménages pauvres. Le mécanisme du financement évolutif offre manifestement le moyen de bâtir un logement en l'absence de tout crédit. Lorsqu'il vient s'ajouter à un crédit, il permet de construire, plus vite, un logement de plus grande taille. Ce financement présente les 148 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE caractéristiques habituelles du microcrédit moderne. Le premier prêt peut porter sur un montant modeste et être assorti d'une brève échéance mais, peu à peu, à mesure que l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur de- vient plus fiable, le montant des prêts ultérieurs augmente, et les échéances s'allongent. La principale différence avec un microcrédit conventionnel ré- side dans la longueur de l'échéance, qui peut être de trois, voire quatre ans. Le taux d'intérêt requis pour que le créancier atteigne le seuil d'équi- libre peut aussi être plus faible puisque le recouvrement des coûts de trai- tement des dossiers de prêt est étalé sur une plus longue période. Comme c'est souvent le cas pour le microcrédit, le prêteur ne se fie pas à une garantie ; en fait, ce type de prêt n'est en général accordé qu'à ceux dont le prêteur connaît les antécédents. Même si l'emprunteur n'a pas de titre de propriété officiel, tant qu'il jouit du droit de facto d'occupation des lieux, le prêt n'est pas perdu. Comme c'est le cas pour le crédit au loge- ment accordé aux ménages à revenu plus élevé, le succès de l'opération dépend d'un certain nombre d'intervenants, notamment les autorités lo- cales auxquelles il incombe probablement de fournir les services d'infra- structure de base tels que l'eau, l'électricité, et les routes. Selon une étude de 2002 sur le Kenya, les codes de construction et d'habitation établis dans l'hypothèse que chaque unité de logement serait construite en une seule fois ont eu pour effet de rendre illégal le processus de construction par étapes. Une réglementation fondée sur de bonnes intentions et conçue pour protéger les acheteurs de promoteurs incompétents ou peu scrupu- leux a donc eu l'effet pervers d'empêcher les pauvres d'être mieux logés, pour n'avoir pas pris en compte l'impossibilité, pour beaucoup, de financer la construction en une seule fois de leur logement (Brown et al., 2002). L'octroi de prêts aux petites entreprises sur la base des relations personnelles : comment y parvenir en Afrique Les quatre exemples de la sous-section précédente concernent des tech- niques qui, d'une façon ou d'une autre, permettent d'éviter une coûteuse évaluation de la solvabilité de chaque emprunteur, ou de superviser et de suivre l'emprunteur (dans certains cas, en établissant un lien entre le prêt et une transaction réelle). Une autre approche -- peut-être insuffisamment employée aujourd'hui par les intermédiaires du secteur formel africain dans leurs transactions avec les entreprises de taille moyenne -- consiste à assurer des opérations de prêts sur la base de relations personnelles. En ne prêtant qu'à de gros clients pouvant offrir des garanties, se pour- rait-il que les banques se privent d'un marché lucratif8 ? Certes, la renta- bilité de l'octroi de prêts sur la base de relations personnelles avec les PME (à distinguer du microcrédit) en Afrique est incertaine. Il faudrait donc peut-être inscrire ce type d'opération au programme du courant activiste, en vue de leur parrainage par des bailleurs de fonds ou de leur poursuite au nom de l'intérêt public, au lieu de les considérer sous l'angle de résul- tats purement financiers9. L'observation de la conduite des opérations de crédit au sein des en- treprises en Afrique permet de mieux comprendre certains aspects du cadre de l'activité qu'il faut prendre en compte si l'on tient à resserrer la LA FINANCE POUR TOUS 149 collaboration du secteur financier formel et des entreprises de taille moyenne. Après tout, le crédit interne représente une grande partie des activités de financement des entreprises. Grâce à l'analyse exhaustive d'une série d'études sur les entreprises de plusieurs pays africains (Biggs et Srivastava, 1996 ; Bigsten et al., 1999, 2003 ; Fafchamps, 2004), nous avons une assez bonne connaissance de ce marché (voir l'appendice)10. Les prêteurs opérant sur le marché des entreprises de taille intermédiaire en Afrique procèdent donc à une évaluation multidimensionnelle de la solvabilité de leurs clients avant d'effectuer une opération de prêt ou de vente à crédit : ils examinent la capacité de l'emprunteur, ses relations commerciales, sa réputation et sa moralité, en se fondant sur des appré- ciations qualitatives lorsqu'il n'existe pas d'informations quantitatives. Certes, cette démarche ne s'écarte pas outre mesure des recommanda- tions des manuels bancaires, mais la collecte des informations est extrê- mement longue et coûteuse, et nécessite que le prêteur soit un membre de l'économie locale. Les services fondés sur les relations internes en Afrique s'appuient par ailleurs sur une stratégie d'exécution souple fon- dée sur le concept de défaut de paiement excusable, l'emprunteur n'étant poursuivi en vue d'obtenir remboursement que dans la mesure et au mo- ment où il a les moyens de rembourser (Fafchamps, 2004)11,12. Les banques africaines modernes peuvent-elles trouver de meilleurs moyens d'acquérir davantage de renseignements de ce genre sur les PME qui sont leur clientes ? Celles qui y parviendront peuvent compter non seulement réaliser des opérations de financement profitables, mais aussi apporter beaucoup aux sociétés au sein desquelles elles opèrent. De toute évidence, il importe que les autorités publiques veillent à ne pas entraver de tels efforts, par exemple en adoptant des règlements exigeant des garanties trop importantes ou l'approbation préalable de la plupart des clients par la banque centrale ou par l'organisme de réglementation bancaire (voir le chapitre 3). Innovations en matière d'information, d'assurance et de gestion des risques Si de nombreux types de produits financiers peuvent contribuer à réduire les risques ou à se protéger contre ceux-ci13, les régimes d'assurance for- mels et d'autres modalités particulières de couverture font plus que ne le peuvent le crédit et l'épargne en permettant non seulement de répartir les coûts dans le temps, mais aussi de regrouper les risques pour un grand nombre d'intervenants, notamment ceux qui sont plus en mesure de les assumer14. La réduction de l'effet net de ces risques peut contribuer à ac- croître la consommation moyenne dans le temps, ainsi qu'à en réduire les fluctuations. Mais en raison des problèmes d'information sur le risque mo- ral et l'antisélection, ainsi que des frais de gestion, les produits d'assurance du secteur formel ne sont pas viables dans le cas des ménages pauvres15. La gestion des risques liés à l'agriculture pluviale dont dépend d'une fa- çon ou d'une autre une grande majorité d'Africains, s'est révélée tout particulièrement difficile16. Non seulement les risques inhérents à cette 150 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE activité sont élevés, mais les méthodes classiques d'atténuation des risques et d'assurance sont toutes les deux difficiles à appliquer dans ce contexte. Les agriculteurs adoptent de multiples approches pour gérer leurs risques, notamment des systèmes d'atténuation des pertes (comme les cultures in- tercalaires, la diversification de la production, la lutte phytosanitaire, la gestion des ressources en eau) et d'épargne. L'assurance agricole est en gé- néral plus efficace lorsqu'il s'agit de protéger les paysans contre des pertes lourdes mais peu fréquentes, tandis que les techniques d'atténuation des pertes sont plus efficaces dans le cas de pertes fréquentes mais limitées. Outre qu'ils améliorent directement le bien-être des agriculteurs, les instruments de gestion des risques peuvent faciliter l'accès à des crédits agricoles assortis de meilleures conditions car ils accroissent la solvabilité des agriculteurs et autres intervenants du secteur agricole. Dans la mesure où les instruments de gestion des risques au niveau des exploitations contribuent à la stabilité financière globale du secteur agroindustriel, des avantages indirects, sous forme de disponibilité de crédits, peuvent s'exer- cer à d'autres niveaux de la chaîne de commercialisation agroalimentaire. En principe, le premier élément indispensable à la gestion des risques est l'information ; celle-ci est nécessaire pour identifier, mesurer et suivre17 les risques auxquels est exposée la personne assurée. Elle est souvent diffi- cile à obtenir, car ceux qui la possèdent ne tiennent pas à la communiquer. L'expérience de l'assurance agricole tous risques parrainée par l'État s'est soldée, presque partout, par des résultats financiers décevants car le montant des indemnités et des frais de gestion est constamment supérieur à celui des primes. Cela signifie que les risques de catastrophes dans le do- maine de l'agriculture sont systématiquement sous-estimés, et que ni le risque moral ni l'antisélection ne sont contrôlés. Ce type d'assurance n'a pas non plus recueilli une large adhésion des petits exploitants ; ce sont les gros exploitants qui souscrivent le plus à ce type d'assurance (et béné- ficient le plus des subventions). Une nouvelle série d'initiatives actuellement pilotées en Afrique, qui font appel à de récentes innovations technologiques et conceptuelles, visent à mettre en place un système d'assurance ciblant les risques qui sont importants pour les agriculteurs tout en étant relativement faciles à évaluer et à vérifier, avec un risque moral limité. L'expérience initiale de l'assurance contre les aléas climatiques au Malawi est prometteuse (voir l'encadré ci-après), bien que l'on ne sache pas encore quelle pourra être l'efficacité de ce type d'initiative à grande échelle. Une initiative pilote a été lancée par la banque CRDB en Tanzanie pour fournir une assurance contre les risques associés au niveau des prix aux coopératives d'agriculteurs et de transformateurs (voir l'encadré ci-après). Elle a permis de voir que les banques classiques et autres intermédiaires chevronnés doivent participer à ce type d'activité pour faire le lien avec les marchés financiers mondiaux sur lesquels il est possible de contracter une réassurance au titre des risques de catastrophes. Pour les utilisateurs, un grand nombre des systèmes d'assurance de ce type présente une lacune fondamentale -- et parfois décisive -- qui tient de l'ampleur du risque de base, c'est-à-dire, par exemple, l'absence d'une corrélation parfaite entre LA FINANCE POUR TOUS 151 la hauteur des pluies enregistrée à la station météorologique et celle effectivement observée par l'agriculteur assuré. Ce problème est en général assez important (Binswanger et van den Brink, 2005). Innovations au niveau des dépôts et des paiements Bien que l'intérêt général porté au microcrédit le fasse quelque peu ou- blier, comme le savent pertinemment tous ceux qui s'intéressent de près aux comportements d'adaptation des pauvres, ces derniers ont besoin, avant même d'emprunter, de mécanismes simples et fiables d'épargne et de paiement. Le moment des rentrées de fonds ne coïncide pas forcément à celui où il faut faire des dépenses ; le revenu des ménages qui ne peut être épargné de manière sûre et peu onéreuse risque de disparaître ; l'ac- cumulation de fonds suffisants pour acheter en gros, voire pour acquérir des biens de consommation durables ou des articles de valeur, est large- ment fonction de la possibilité d'épargner18. La plupart des ménages ont également un besoin crucial de services financiers parce qu'ils doivent en- voyer des fonds à des parents vivant dans une région éloignée du pays ou recevoir des fonds envoyés par des parents de l'étranger. Dans ce cas, le problème que doivent résoudre les prestataires de ser- vices financiers n'est guère un problème de solvabilité19. Au contraire, le principal défi consiste à réduire suffisamment les coûts unitaires des tran- sactions, ce qui n'est pas facile dans beaucoup de régions d'Afrique en rai- son de l'éloignement des banques et du montant extrêmement faible de chacune des transactions des ménages pauvres. Il est évident que certains intermédiaires financiers du secteur formel ne s'intéressent pas à ce marché. Les montants minima extraordinairement élevés fixés pour les soldes des comptes et la lourdeur des frais de transaction perçus par certaines banques visent clairement à décourager un grand public qui n'est pas pris en considération dans les plans d'activité de ces entités20. Mais la conception de produits novateurs et la technologie moderne ont permis à d'autres intermédiaires de trouver des moyens de rentabiliser ce type d'activité. Maintenant que les opérations de ces innovateurs prennent de l'ampleur, les grands intervenants commencent à se demander comment ils pourraient eux aussi tirer profit de ce nouveau marché. Plusieurs exemples illustrent la façon dont les innovations financières ou les technologies de la communication peuvent contribuer à résoudre, en Afrique, les problèmes de l'éloignement et de l'ampleur limitée des transactions. L'accroissement de la demande de produits faciles à gérer et peu coûteux a montré qu'il existe une clientèle pour les produits de dépôt et de paiement, ce qui a encouragé les prestataires à trouver des moyens novateurs de servir ces marchés inexploités. Ces prestataires ont combiné des innovations technologiques et financières pour réduire les coûts uni- taires et offrir des services aux pauvres dans les régions à faible densité de population (Cracknell, 2004 ; Genesis, 2003 ; Truen et al., 2005). 152 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 4.2. Opérations pilote d'assurance contre les aléas climatiques au Malawi L'agriculture est essentiellement pluviale au Malawi. Le pays souffre égale- ment des effets cumulatifs des sécheresses répétées, de la dégradation des sols et, dans certaines régions, d'inondations. Les sécheresses répé- tées obligent les ménages ruraux à effectuer des ponctions sur leurs biens et à adopter des stratégies d'adaptation négatives, et créent aussi un cli- mat permanent d'insécurité alimentaire chez les ménages les plus vulné- rables. Outre les impacts ex post de la sécheresse, le risque d'un épisode de sécheresse influe de façon considérable sur le développement du sec- teur agricole, en ralentissant l'investissement au niveau des exploitations et la participation à des activités de production plus rentables, mais présen- tant plus de risques. Le risque de sécheresse empêche aussi les agricul- teurs d'investir dans des cultures à plus grande valeur ajoutée parce que les ménages ne peuvent pas obtenir les crédits nécessaires pour acheter des facteurs de production tels que les semences et l'engrais. Les banques, qui courent les mêmes risques que les agriculteurs qui sont leurs clients, hésitent à investir dans l'agriculture de peur que leurs emprunteurs ne puissent les rembourser par suite d'un sinistre associé aux conditions climatiques ou d'une perte de revenus produite par la faiblesse des prix. De petites opérations pilotes menées par un certain nombre de compa- gnies d'assurances malawiennes ont récemment permis de mettre un pro- duit d'assurance multirisques agricoles. Mais à l'issue de la première an- née, durant laquelle elles ont subi d'importantes pertes liées au risque moral et à l'ampleur des frais de gestion, les compagnies d'assurance ont décidé de mettre un terme à leurs activités dans ce domaine. Fort de cet- te expérience, les assureurs malawiens se sont montrés hésitants à s'en- gager dans la fourniture d'assurances agricoles, tout en souhaitant voir dans quelle mesure une variante de cette police multirisques classique pourrait produire des résultats. L'Association nationale des petits exploitants (NASFAM) collabore avec les agriculteurs à la mise en place de circuits de commercialisation des pro- duits à valeur ajoutée, et elle encourage ses adhérents, qui sont regroupés en clubs de 15 à 20 membres, à s'investir davantage dans les activités à plus haut rendement. L'Association a attribué la faible productivité des pay- sans malawiens à la fois au manque d'accès au crédit et à la pénurie de fac- teurs de production de qualité ; la première année, elle a choisi de miser sur la culture de l'arachide en raison de la susceptibilité de cette plante à la sé- cheresse et de son potentiel de croissance au Malawi. Les cultivateurs d'arachide du pays n'avaient guère accès au crédit pour acheter des semences d'arachide, et en général utilisaient les semences locales qu'ils pouvaient trouver. De nombreux membres de NASFAM ont LA FINANCE POUR TOUS 153 indiqué souhaiter utiliser des semences d'arachide certifiées, afin d'accroître leurs recettes. Bien que plus coûteuses, les semences certifiées offrent divers avantages par rapport aux semences locales et, notamment, résistent mieux à des maladies comme les infections fongiques qui peuvent détruire une récole. En outre, les semences certifiées peuvent être commercialisées sous le nom d'une variété et non comme des semences génériques. Le cycle végétatif de l'arachide comporte trois stades distincts : l'établis- sement et la pousse, la floraison et la formation des gousses, le remplis- sage des gousses et la maturité. Les données produites par les travaux de recherche agronomique dans chaque district ainsi que l'expérience des agriculteurs permettent de déterminer la hauteur cumulative des pluies né- cessaire à chaque stade de croissance pour a) obtenir une récolte partielle et b) éviter le stress hydrique. Les hauteurs de pluies minimales qui sont retenues constituent les seuils stipulés dans la police d'assurance. Étant donné que l'assurance contre les aléas climatiques peut atténuer le risque associé à l'octroi de prêts aux agriculteurs, deux banques, Opportunity International Bank of Malawi (OIBM) et Malawi Rural Finance Corporation (MRFC), ont accepté de prêter aux agriculteurs les montants dont ils ont besoin pour acheter des semences certifiées à condition qu'ils contractent cette assurance. En mars 2006, 892 agriculteurs membres de NASFAM avaient emprunté, en moyenne, une quarantaine de dollars chacun pour acheter des semences et acquérir une police d'assurance coûtant environ 3 dollars. Les accords de prêt stipulent que la banque est le créancier privilégié en cas d'indemnisation par l'assurance. En outre, NASFAM, qui achètera la majorité des arachides produites par les agriculteurs participants, a accepté de verser à la banque les premières recettes de la vente des récoltes. S'il n'y a pas de sécheresse, les agriculteurs tireront profit de la plus forte valeur ajoutée de leur production. NASFAM, OIBM et MRFC ont conjointement fourni aux agriculteurs participants des informations et une formation concernant le projet pour que ceux-ci comprennent bien les coûts et les avantages du prêt assorti de l'assurance contre les aléas climatiques avant de le contracter. Un problème s'est posé au début du projet pilote, qui a tenu à la faiblesse des taux de germination des semences. Cette faiblesse a été imputée non pas à une insuffisance des pluies, mais à la mauvaise qualité et à l'état de pourriture des semences achetées. Ce problème montre que l'assurance contre les aléas climatiques n'offre aux banques qu'une protection limitée contre le risque de rendement. Une fois que la cause du problème a été identifiée, NASFAM a collaboré avec le fournisseur de semences pour four- nir des semences supplémentaires aux paysans enregistrant des taux de germination faibles. Malgré ce problème, tant les prêteurs que les autres participants au projet pilote -- les agriculteurs, NASFAM et l'association des assureurs -- sont enthousiastes à l'idée de poursuivre ce programme à grande échelle l'année prochaine. 154 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 4.3. L'assurance contre les risques associés au niveau des prix en Tanzanie Étant donné que les pratiques de commercialisation exigent qu'ils fixent les prix à la production au début de la campagne, en Tanzanie les intermé- diaires tels que les coopératives et les transformateurs des filières café et coton sont exposés à des risques élevés qui tiennent au niveau des prix pendant les six à huit mois que durent la récolte, l'achat, la transformation et en fin de compte la vente de ces produits d'exportation. Les organisa- tions intermédiaires qui ne comprennent pas ou ne gèrent pas le risque en- couru subissent généralement de graves pertes d'exploitation qui les em- pêche de rembourser leurs dettes. Les banques locales qui octroient des prêts à ces organisations recon- naissent que ces risques financiers sont considérables. Jusqu'ici, les banques se sont efforcées de les gérer en exigeant des taux d'intérêt élevés (12 à 14 %) ou en réduisant le volume de leurs prêts lorsque l'évolution des cours mondiaux est défavorable (voir Bryla et al. 2003). La banque tanza- nienne CRDB vient toutefois de lancer un nouveau programme pour amé- liorer la gestion de ses risques et de ceux que courent ses emprunteurs en offrant des services d'intermédiation donnant lieu à des opérations de cou- verture par des contrats à terme et d'option sur New York Board of Trade. CRDB a de fortes raisons de chercher à améliorer les méthodes de gestion des risques, et elle comprend bien les risques que courent les emprun- teurs, parfois mieux que ces derniers eux-mêmes. En outre, contrairement aux coopératives, une banque locale peut être une cliente attrayante pour les banques multinationales et les maisons de courtage qui offrent des pro- duits de couverture. La banque tanzanienne peut offrir à ses emprunteurs des contrats personnalisés de gestion des risques pour les aider à gérer les risques associés aux fluctuations de prix durant la saison et à atténuer le risque de pertes d'exploitation auquel sont exposés les coopératives et les décortiqueurs. En dernière analyse, l'amélioration des pratiques de gestion des risques à ce niveau renforcera la solidité financière de l'ensemble du secteur et réduira les risques associés aux fluctuations des prix des pro- duits de base. La relance de l'antenne mobile Equity Bank (Kenya) se distingue à plusieurs égards des autres institutions qui cherchent à fournir des services aux pauvres. En particulier, elle a re- pris et modernisé un service basé sur une technologie relativement simple, à savoir l'antenne bancaire mobile. Elle a entrepris de doubler le nombre de ses véhicules et compte en avoir une centaine en service à la fin de 2006. Chaque véhicule est équipé d'ordinateurs portables branchés sur le réseau de télécommunications d'une agence, ce qui lui permet de fournir LA FINANCE POUR TOUS 155 un vaste éventail de services bancaires21. Chaque antenne mobile se rend dans chaque localité une fois par semaine à une date prédéterminée. Au milieu de 2003, les deux tiers des prêts en cours étaient accordés à des clients desservis par le biais des antennes bancaires mobiles (Wright, 2005). Equity Bank a également fait preuve de créativité en offrant des pro- duits d'épargne répondant aux besoins des groupes ayant les plus faibles revenus dont les économies sont modestes, comme en témoigne l'écart po- sitif important entre le volume de l'épargne mobilisée et celui des prêts consentis (situation relativement rare pour les IMF). Elle propose, par exemple, un régime d'épargne contractuelle dénommé jijenge qui requiert une certaine discipline mais permet à ses clients d'épargner en vue d'évé- nements prévisibles, tout en leur garantissant la possibilité d'obtenir un prêt d'urgence d'un montant pouvant atteindre 90 % du solde de leur compte d'épargne. Tel qu'il est structuré, ce produit donne aussi aux clients la flexibilité nécessaire pour établir des plans d'épargne personnalisés dont ils déterminent la durée ainsi que la fréquence des paiements. Les cartes à puce Teba Bank, en Afrique du Sud, innove de longue date dans des mécanismes d'épargne et de paiement, sa première activité dans ce domaine ayant consisté à assurer le paiement des salaires des travailleurs migrants des mines sud-africaines22. Son projet Bank A-Card doit utiliser le réseau existant de téléphonie mobile pour fournir des services bancaires électroniques de base peu onéreux aux communautés peu fortunées et mal desservies des régions urbaines pauvres d'Afrique du Sud. L'utilisateur achète une carte à puce, qui peut par la suite être rechargée. La valeur stockée peut être utilisée pour acheter électroniquement des biens et des services. Lorsqu'un achat est effectué, son montant est automatiquement déduit de la valeur stockée et transféré au commerçant. L'A-card a les fonctionnalités d'une carte à puce et elle est utilisable à tous les points de vente qui acceptent actuellement les cartes de débit ordinaires (DFID et FDCF 2004). Ce système passe par les circuits de télécommunications mobiles plutôt que des lignes fixes, beaucoup plus coûteuses, et nécessite un simple terminal sans fil efficace au plan des coûts qui peut être installé dans les magasins fréquentés par une clientèle ne disposant que de faibles revenus. De simples cartes de débit bande magnétique permettent d'enregistrer les montants en compte et les achats, d'effectuer des retraits d'argent, des virements sur d'autres comptes, de recharger le nombre d'unités d'utilisation de réseau et d'assurer des paiements par des tiers. Le Remote Transaction System (système de transaction à distance, RTS) actuellement mis à l'essai par trois IMF en Ouganda permet d'utiliser les cartes à puce pour des opérations plus complexes. Il utilise aussi de ro- bustes TIC pour atteindre un plus grand pourcentage de la population des zones rurales23. Le RTS permet de traiter les transactions associées au rem- boursement des prêts, aux dépôts d'épargne, aux retraits et aux transferts de fonds. Au niveau du client, il nécessite un appareil point de vente équipé d'un lecteur de carte à puce et d'une imprimante pour les reçus, et des capacités de transmission par le réseau de téléphonie mobile. Chaque client 156 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ou groupe de clients utilise une carte à puce et un numéro d'identification personnel pour authentifier et autoriser les transactions. Au niveau des services de gestion, le RTS nécessite un serveur qui enregistre et conserve les transactions de tous les points de vente, et des connections avec les sys- tèmes informatiques de gestion de chaque IMF participante ainsi qu'aux systèmes comptables de chacune des institutions participantes (Kam et Tran, 2005). À la suite de cette opération pilote, les IMF ont entrepris de revoir leurs processus opérationnels en vue d'exploiter pleinement le potentiel du RTS. Une simple superposition de cette nouvelle technologie pourrait en effet accroître le coût et la complexité des transactions. La technologie a poussé à leurs limites les infrastructures physiques locales (connections télépho- niques irrégulières, manque de fiabilité de l'alimentation en électricité) et les compétences technologiques des clients. En outre, le projet pilote a montré que le coût de la mise en place de l'infrastructure nécessaire à l'uti- lisation de cette technologie aurait été trop élevé pour que les IMF puissent l'assumer à elles seules, et que ce n'est que si les infrastructures sont mises en commun et que des normes communes sont adoptées qu'il sera possible d'assumer le coût de la fourniture de ces supports financiers à une clien- tèle beaucoup plus importante (Firpo, 2005). Toutefois, les frais fixes étant maintenant couverts, le consortium met le RTS à la disposition des déve- loppeurs sans percevoir de droit de licence. Dans ce cas encore, la logique du courant moderniste -- le recours aux technologies les plus perfection- nées disponibles -- s'allie à celle du courant activiste, en ce sens que des innovateurs acceptent d'assumer un coût fixe pour mettre au point un produit qui peut permettre à d'autres IMF, plus petites et aux ressources li- mitées, ainsi qu'à leurs clients d'en profiter. Les services bancaires par téléphone mobile Il est possible dans un nombre croissant de pays africains d'avoir accès à des services bancaires à partir d'un téléphone mobile, ce qui ouvre des perspectives considérables étant donné la rapidité avec laquelle la télépho- nie mobile se développe sur le continent -- bien que ce système ne soit peut-être toujours pas accessible aux personnes les plus pauvres. L'intérêt présenté par ces services est d'autant plus élevé que la présence physique d'institutions bancaires performantes est limitée, comme en République démocratique du Congo. Le système de paiement mis en place par Celpay en République démocratique du Congo et en Zambie illustre la manière dont fonctionne ce type de système24. Il permet à un abonné d'utiliser son téléphone mobile pour régler ses factures, importante innovation dans un pays où peu de gens possèdent une carte de crédit ou de débit, et où il est dangereux d'avoir sur soi des espèces. Pour effectuer un paiement, il suffit d'envoyer un message alphanumérique indiquant les détails de la transac- tion à Celpay, qui renvoie un message alphanumérique au téléphone mo- bile du payeur lui demandant son numéro d'identification personnel pour confirmer la transaction. Celpay procède ensuite au transfert des fonds entre les comptes bancaires des intéressés. En Zambie, ce système compte déjà 2 000 utilisateurs qui effectuent, LA FINANCE POUR TOUS 157 chacun, plusieurs transactions par mois. Le destinataire du paiement ac- quitte en général à Celpay une commission représentant entre 1 et 2 % de la valeur de la transaction.. La vérification du numéro d'identification per- sonnel permet de garantir la sécurité du système, et le payeur ainsi que le destinataire du paiement reçoivent confirmation de la transaction sous forme d'un numéro de référence unique ; ils peuvent aussi avoir accès en ligne à tous les détails de toutes leurs transactions. Ce système est facile à utiliser et tous ceux qui savent envoyer un SMS peuvent donc s'en servir. Les utilisateurs abonnés à ce service de Celpay doivent déposer des fonds dans un compte Celpay, après quoi ils peuvent commencer à effectuer des dépenses par téléphone mobile. Ils peuvent également vérifier le solde de leur compte au moyen de leur téléphone mobile (Wood et de Cleene, 2004). Enseignements tirés des innovations Les exemples ci-dessus témoignent des possibilités qu'offrent le téléphone mobile, le téléphone par satellite, les ordinateurs portables et les cartes à puce en permettant de surmonter les obstacles opposés par la distance et les frais de traitement des transactions à la prestation des services de paie- ment et de dépôt (et parfois d'autres services financiers). Ils témoignent aussi d'une conception des produits d'épargne qui est plus axée sur le client. Lorsque l'intermédiaire financier veut réellement servir une clien- tèle pauvre et que d'autres obstacles existent tels que l'hésitation des indi- vidus pauvres à faire appel à un intermédiaire de peur d'être traités de fa- çon irrespectueuse, il peut facilement surmonter ces obstacles. L'expérience a également montré, toutefois, que les coûts de lancement sont importants. Dans presque tous les cas, l'opération pilote a joué un rôle important en permettant d'adapter le modèle avant son lancement à l'in- tention d'une plus vaste clientèle. Elle a notamment donné lieu à des en- trevues avec les clients, et elle a aidé les prestataires à mieux comprendre les besoins et les préférences de ces derniers, dont le point de vue a été pris en compte, dans la mesure du possible, lors de l'adaptation des produits, même si en général cela a entraîné des investissements supplémentaires et la formation de personnels afin de modifier les méthodes de travail des in- termédiaires. Les coûts initiaux de ces innovations et le risque d'un trop faible taux d'adoption comptent parmi les obstacles à des progrès rapides en ce domaine. Bien que tous ces mécanismes semblent relever du courant moderniste, ceux qui les ont lancés ont dû également faire preuve d'un certain activisme car, dans bien des cas, les innovations initiales n'ont pas produit rapidement de rentrées financières. Un segment du marché longtemps négligé : les envois de fonds de travailleurs à l'étranger Malgré l'intérêt considérable récemment accordé aux envois de fonds de l'étranger, en général, et les efforts déployés pour définir les « meilleures pratiques » (voir Isern, Deshpande et van Doorn, 2005 ; CPSS et Banque mondiale, 2006), la question des envois de fonds en Afrique des tra- vailleurs à l'étranger commence à peine à être étudiée (Pearce et Seymour, 2005 ; Sander et Maimbo, 2003, 2004). Les flux déclarés de ces transferts 158 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE vers l'Afrique (par les circuits du secteur formel) ont fait un bond pour pas- ser de 1,2 milliard de dollars en 1994 à 4,3 milliards en 2004, et pourraient même avoir atteint 8 milliards de dollars en 2005. Les trois quarts des flux déclarés sont destinés à trois pays (Nigéria, Ouganda et Soudan) et plus de 97 % des transferts sont imputables à 17 pays -- notamment tous ceux qui affichent des rentrées d'au moins 10 millions de dollars. On estime que même ce montant appréciable est nettement inférieur aux flux totaux -- peut-être de moitié25. Comme le montre le tableau 4.1, plusieurs grands pays bénéficient régulièrement d'entrées supérieures à 5 % de leur PIB26. Les données sur les rapatriements de salaires Sud-Sud, qui sont relative- ment plus courants en Afrique que dans les autres régions, sont celles qui font le plus défaut : il importera de faire un effort particulier pour collec- ter ces données (Banque mondiale 2005). En effet, les mouvements migra- toires dynamiques et complexes observés en Afrique, qui expliquent les besoins de transfert de fonds, sont eux-mêmes mal compris. On assiste à une féminisation de la migration, à la diversification des destinations, à la transformation des déplacements de main-d'oeuvre en migration commer- ciale, et à la fuite des cerveaux de la région. À cela vient s'ajouter le trafic d'êtres humains, le déplacement des courants de réfugiés, et la promotion croissante par les organisations économiques régionales de la libre circula- tion des travailleurs (voir Adepoju, 2004 pour une analyse détaillée). Il est difficile, d'un point de vue méthodologique, de séparer les effets au plan des politiques de ces différents aspects des courants migratoires sur les en- vois de fonds de l'étranger. L'importance des envois de fonds continue certes de s'accroître sur le continent, mais la couverture et la qualité de l'infrastructure du secteur fi- nancier requise pour ces transferts restent, pour l'essentiel, insuffisantes. Si l'on compare les services à base technologique évoqués précédemment aux moyens mis en place pour transférer les envois de fonds de l'étranger, ces derniers font piètre figure, bien que la situation ne soit pas irrémé- diable. Les coûts des envois de fonds Nord-Sud vers l'Afrique semblent plus élevés que les transferts en direction d'autres régions (Hernandez- Coss ; Egwuagu ; et Josefsson, 2006). À ce jour, la plupart des envois de fonds passant par le secteur formel s'effectuent par le biais des services éta- blis de longue date, rapides et fiables mais toujours assez coûteux, de pres- tataires spécialisés27 comme Western Union et ses concurrents28. Depuis trop longtemps, les politiques et les réglementations financières et monétaires font obstacle aux envois de fonds et à leur investissement efficace (voir l'encadré 4.4). Le contrôle des changes, les formalités admi- nistratives d'ouverture de compte, les procédures de retrait d'espèces et le nombre très faibles d'agences dans les zones rurales sont autant de raisons pour lesquelles les intéressés continuent de préférer passer par les circuits informels. Les écarts importants observés entre les taux de change offi- ciels et ceux du marché parallèle, de même que d'autres taxes explicites ou implicites, encouragent aussi l'utilisation de ces circuits. Enfin, les mé- thodes informelles sont souvent la seule option offerte aux migrants en situation illégale. LA FINANCE POUR TOUS 159 TABLEAU 4.1 Envois de fonds sur salaires : principaux pays bénéficiaires en Afrique subsaharienne Date de la Pays bénéficiaire USD millions % du PIB* dernière observation Lesotho 223,0 29,2 2004 Cap-Vert 92,1 15,2 2003 Guinée-Bissau 21,3 6,8 2003 Ouganda 306,1 5,8 2004 Soudan 1 401,2 5,7 2004 Sénégal 448,2 5,4 2003 Togo 128,3 3,9 2003 Mali 138,9 3,5 2003 Bénin 49,5 3,2 2003 Nigéria 2 272,7 2,6 2004 Burkina Faso 43,6 1,9 2001 Sao-Tomé-et-Principe 0,6 1,2 2002 Sierra Leone 24,6 0,9 2004 Ghana 82,3 0,8 2004 Mozambique 2,5 0,6 2004 Éthiopie 133,4 0,5 2004 Niger 11,5 0,5 2003 Sources : World Development Indicators de la Banque mondiale sauf pour le Lesotho. Pour ce pays, base de données de la Confé- rence des Nations Unies pour le commerce et le développement ­ Manuel de statistiques 2005. *Note : Flux moyens sur la période 2000-2002 en pourcentage du PIB de 2001. Le modèle organisationnel : qui doit faire quoi ? Il ressort déjà clairement des exemples donnés que quelques-unes des in- novations permises par la technologie qui peuvent contribuer à élargir l'ac- cès aux services financiers en Afrique peuvent être spontanément adoptées --c'est déjà le cas --par des intermédiaires dans certains pays. Il est pro- bable que les initiatives privées joueront un rôle prépondérant à l'avenir (en grande partie d'ailleurs par l'adoption par d'autres pays des méthodes qui ont donné de bons résultats dans un pays par suite, entre autres, des opérations des banques, des IMF et d'autres intervenant dont les activités couvrent plus d'un pays). Toutefois, étant donné la fragmentation des mar- chés nationaux africains, le faible montant de chaque transaction et la por- tée limitée des relations, le taux de rendement que l'on peut attendre des investissements dans les éléments de coûts fixes des technologies finan- cières pourrait sembler trop faible à un entrepreneur privé -- surtout dans le climat généralement défavorable à l'investissement privé en Afrique, comme on l'a vu au chapitre 1. En outre, le problème de l'action collective se pose dans nombre de cas (en ce sens qu'il ne sert à rien d'investir à moins que plusieurs intermédiaires ne le fassent simultanément). L'analyse qui suit vise à déterminer comment sortir de cette impasse, que ce soit avec 160 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 4.4. Améliorer les conditions relatives aux envois de fonds Dans l'ensemble, les possibilités offertes par l'infrastructure des transferts officiels de fonds en Afrique ne sont pas pleinement exploitées. Les tran- sactions en espèces continuent d'être la norme dans la région. La propor- tion des ruraux pauvres qui ont accès à des services bancaires formels, sans même parler des systèmes formels de paiement, demeure en parti- culier très faible. Une amélioration de l'infrastructure de transfert des fonds sur le continent permettrait d'accomplir des progrès dans cinq domaines (CPSS et Banque mondiale, 2006). · Transparence et protection du consommateur · Infrastructure du système de paiement · Cadre juridique et réglementaire · Structure du marché et concurrence · Pratiques en matière de gouvernance et de gestion des risques Le marché des services de transfert de fonds devrait être transparent et fournir une protection suffisante au consommateur. Le ministère britan- nique du Développement international (DFID) et le Banking Code Stan- dards Board ont demandé qu'une étude soit consacrée aux instruments de transfert de fonds proposés à la diaspora au Royaume-Uni, en vue de remé- dier à la pénurie d'informations et au manque de transparence. L'enquête a couvert plusieurs des principales destinations des transferts effectués à partir du Royaume-Uni, notamment le Ghana, le Kenya et le Nigéria. La dis- ponibilité de meilleures informations sur les services de transfert des fonds devrait non seulement aider les expéditeurs à choisir le service qui répond le mieux à leurs besoins, mais aussi stimuler la concurrence entre les pres- tataires des services de transfert de fonds, de manière à réduire le coût et améliorer la qualité du service offert aux expéditeurs de fonds (Pearce et Seymour, 2006, Isern, Deshpande et van Doorn, 2005). Il importe d'encourager l'apport d'améliorations à l'infrastructure du systè- me de paiement qui peuvent accroître l'efficacité des services de transfert de fonds. Le choix de la méthode de transfert est déterminé par plusieurs facteurs dont : la commodité (les systèmes impliquant le moins de forma- lités administratives sont employés de préférence aux autres) ; la fami- liarité (la méthode de transfert retenue est souvent celle utilisée par les pa- rents et les grands-parents de l'expéditeur, ou recommandée par les amis et la famille) ; le coût (bien que les participants n'aient guère d'informa- tions sur la structure des coûts, ils savent en général quelles sont les mé- LA FINANCE POUR TOUS 161 thodes les moins chères) ; la rapidité (elle est particulièrement importante lorsque le transfert est effectué par suite d'une urgence) ; le degré d'accep- tion du risque (de vol et autres ; les participants ont déclaré que plus le montant du transfert est important, plus grande est leur aversion au risque) ; et l'accès (la facilité avec laquelle le bénéficiaire se rend au point de livrai- son). En Afrique du Sud par exemple, transférer des fonds par l'intermédiai- re d'un chauffeur de taxi ne coûte pas cher, il n'y a pas de formulaires à remplir, et les personnes qui n'ont pas de compte bancaire peuvent facile- ment utiliser ce service. Cette méthode est très souvent employée pour les transferts aussi bien dans le pays que transfrontières, et autant par les cols bleus que par les cols blancs. Les participants à l'enquête ont égale- ment indiqué que, à leur avis, la poste avait un réseau de distribution bien supérieur à celui des banques en zone rurale, et qu'elle fournit des services aussi sûrs et rapides qu'une banque (CGAP, 2003). Les services de transfert devraient être appuyés par un cadre juridique et réglementaire rationnel, prévisible, proportionnel et non discriminatoire dans les juridictions pertinentes. La réglementation des permis de presta- tion des services de transfert des fonds couvre essentiellement les opéra- tions de change. Les règles applicables aux prestataires de services de transfert de fonds de moindre envergure et aux services informels sont souvent obscures et difficiles à trouver ; elles peuvent en outre imposer des coûts trop élevés. Pour pouvoir mieux examiner et renforcer les cadres réglementaires en Afrique, il faudra mieux comprendre non seulement les marchés des envois de fonds africains, mais aussi les mécanismes com- merciaux qui expliquent l'attrait que présentent les services de transfert non bancaires pour divers segments de la clientèle dans le reste du monde, ainsi que la façon dont ces mécanismes sont agréés et réglementés. Un cadre porteur dans lequel les conditions de délivrance de licence ont été adaptées pour tenir compte des besoins réels de transparence et de gestion des engagements en devises pourrait améliorer considérablement la disponibilité et la couverture des services financiers de base, et notam- ment les transferts de fonds. La concurrence et un accès adéquat aux infrastructures de paiement sur le territoire national devrait être encouragés dans le secteur des transferts de fonds. Par exemple, les sociétés de transfert de fonds en Somalie, où le système bancaire n'est pas opérationnel, affichent des résultats impres- sionnants depuis la chute du gouvernement en 1991. Ce marché fonc- tionne de façon très efficace et fournit des services rapides et peu coûteux dans toutes les régions du pays. Les montants transférés par l'intermé- diaire de ces sociétés fournissent des moyens de subsistance et des ser- vices essentiels aux familles somaliennes. Les sociétés de transfert de fonds facilitent aussi les échanges internationaux et le commerce intérieur même dans les régions isolées du pays, et elles permettent de financer des investissements dans les activités commerciales, les services de (Suite de l'encadré page suivante) 162 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ 4.4 (suite) proximité, le bâtiment et le secteur foncier. Le principal défi que devra relever le gouvernement, une fois qu'il aura complètement pris la direction du pays, consistera à trouver le moyen de tirer pleinement parti de la dynamique de cette composante du système financier au profit du secteur privé somalien, tout en s'efforçant d'éliminer les risques de réputation d'une branche d'activité non réglementée. Les services d'envois de fonds doivent se dérouler conformément à des pratiques appropriées en matière de gouvernance et de gestion des risques. La branche des activités des transferts de fonds de l'étranger, comme celle des paiements en général, court des risques d'ordre juridique, financier et opérationnel et est aussi exposée à des risques de fraude et de réputation. Avant d'adopter des mesures d'atténuation des risques, les sociétés de transfert de fonds devraient évaluer l'ampleur des risques pour s'assurer que les mesures envisagées sont suffisantes face aux risques existants et au volume des opérations en général. Elles ont donc besoin d'investir dans une mesure considérable dans des ressources humaines qualifiées (Isern, Deshpande et van Doorn, 2005). Les nouveaux venus sur le marché doivent former leurs effectifs et/ou recruter un personnel spécialisé dans les relations avec la clientèle et les opérations de « back- office ». Les systèmes d'information doivent être en mesure de gérer le volume des transferts prévus, en garantissant la sécurité des transactions, peut-être en assurant des liaisons avec d'autres sociétés de transfert, et en produisant des rapports pour se conformer à la réglementation (par exemple la loi contre le blanchiment des capitaux). l'appui des bailleurs de fonds, des autorités au niveau local, national ou transnational, des différentes banques ou d'associations de financiers pri- vés ou d'utilisateurs (par exemple, des mutuelles d'assurance-crédit). La nécessité d'une gouvernance adéquate est un thème qui revient sans cesse dans l'analyse, en particulier pour le programme du courant activiste. L'action des tenants de ce courant n'est pas restreinte par les pressions directes du marché ; ils ont choisi d'investir des fonds et des efforts dans des initiatives que le marché n'a pas voulu poursuivre. Il importe donc que l'entité parrainante soit dotée d'une bonne gouvernance pour que l'on puisse raisonnablement compter que ces efforts et ressources ne seront pas perdus ou détournés. L'entité en question peut être un organisme privé disposant de vastes ressources -- et probablement aussi doté d'un esprit civique -- un organisme caritatif, ou encore un bailleur de fonds. Les administrations centrales ou locales ne sont pas, dans les conditions actuelles, les entités les mieux placées pour promouvoir un programme activiste dans le secteur financier. LA FINANCE POUR TOUS 163 La diversité des modèles organisationnels dans le secteur africain de la microfinance L'un des traits les plus frappants de l'expansion récente et actuelle de la mi- crofinance en Afrique est le nombre très élevé de modèles différents, sur le plan des technologies financières utilisées, des structures organisation- nelles, du degré d'informalité ou de réglementation et de la clientèle. Non seulement cette diversité semble plus grande que dans d'autres régions, mais aussi l'importance relative des différents modèles -- même ceux de la microfinance dans le secteur formel -- varie largement d'un pays à l'autre. Sur la base de son analyse des données disponibles sur l'Afrique, Robin- son (2006) note que : « Toutefois, indépendamment de leurs antécédents ou de leur forme institutionnelle, les grandes institutions financièrement autonomes qui appartiennent à des intérêts responsables, ont un bon gouverne- ment d'entreprise et des gestionnaires compétents, connaissent le marché et sont déterminées à appliquer les meilleures pratiques de la microfinance -- et dont la culture d'entreprise privilégie la forma- tion, les mesures incitatives, la transparence, l'efficacité et la respon- sabilité -- se trouvent toutes à l'une des extrémités de ce continuum. La majorité des clients des services de microfinance sont aussi re- groupés à cette même extrémité. À l'extrémité opposée se trouvent les nombreux fournisseurs de services de microfinance qui ne pré- sentent que peu, sinon aucune, de ces caractéristiques. Entre les deux, on peut observer de nombreuses initiatives positives et de mul- tiples obstacles ». La quantification de l'importance relative de la couverture des services des prestataires de différents types et de différentes tailles est une science inexacte, ne serait-ce que parce que ces prestataires sont extrêmement nombreux. La base de données la plus complète sur les secteurs formel et semi-formel est celle du Groupe consultatif pour l'assistance aux plus pauvres (CGAP) (Christen, Rosenberg et Jayadeva 2004)29, qui comporte plus de 800 entrées pour l'Afrique bien que les réseaux des coopératives et ceux des mutuelles d'épargne et de crédit soient chacun regroupés sous une entrée (comme le système des banques communautaires au Nigéria). Il est vrai qu'environ 80 % de la clientèle du continent traitent avec les 44 plus grandes entités (classées en fonction du nombre de comptes), ce qui justifie pleinement la remarque de Robinson selon lequel « la microfi- nance en Afrique est de plus en plus dominée par de grandes institutions et fédérations financières matures qui ont un grand rayon d'action » (Robinson 2006, 16). Chacune de ces entités compte au moins 100 000 clients (tableau 4.2). On retrouve, parmi les 44 premières institutions, la même diversité d'entités qu'au niveau de l'ensemble des intervenants : des banques étatiques, notamment les banques d'épargne postale, des banques privées, des mutuelles d'épargne et de crédit, et des organisations non gou- vernementales (ONG). 164 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Il ne faut pas oublier, lorsque l'on examine le tableau 4.2, que le nombre de comptes est une mesure très imparfaite de la couverture des services30. Bien des comptes, surtout semble-t-il, ceux des caisses d'épargne postale, sont inactifs et n'ont guère d'impact sur la situation de leurs titulaires. (On estime que, au total, seulement 10 % des comptes ouverts auprès de la caisse d'épargne postale en Ouganda sont actifs). Par ailleurs, la gamme des services offerts par ces différents types d'intermédiaires varie grandement. Il convient de garder tous ces éléments à l'esprit lorsqu'on constate que, de manière générale, près de la moitié des comptes répertoriés dans la base de données (élargie) du CGAP pour l'Afrique sont ouverts auprès de caisses d'épargne ou de banques postales. Cette proportion est à peu près la même que pour l'ensemble du monde en développement. La ventilation des autres comptes est cependant assez différente en Afrique où le pourcentage des diverses formes de coopératives de crédit et d'ONG est beaucoup plus élevé (20 % et 10 % respectivement) que dans le reste du monde (figure 4.1). Toutefois, ces proportions varient nettement d'un pays africain à l'autre. Dans 11 des 42 pays africains figurant dans la base de données, plus des trois quarts des comptes sont ouverts auprès de caisses d'épargne TABLEAU 4.2 Principaux réseaux et intermédiaires financiers en Afrique, par nombre de comptes Nombre de Pays Non de l'institution Type comptes Afrique du Sud Post Bank Banque postale 2 100 000 Zimbabwe People's Own Savings Bank Caisse d'épargne 1 695 000 Kenya KPOSB Banque postale 1 636 000 Ghana Rural and Community Banks Banques 1 200 000 Niger Caisse nationale d'épargne Banque postale 1 124 000 Nigéria Community Banks Banques individuelles 1 000 000 Tanzanie Tanzania Postal Bank Banque postale 954 000 Kenya KUSCCO Mutuelle ou coopérative de crédit 952 000 Côte d'Ivoire CECP Banque postale 828 000 Cameroun Caisse d'épargne postale Banque postale 700 000 Tanzanie National Microfinance Bank Banque 670 000 Afrique du Sud TEBA Bank Banque 649 000 Madagascar Caisse d'épargne Banque postale 574 000 Rwanda Banques populaires Mutuelle ou coopérative de crédit 385 000 Bénin FECECAM Mutuelle ou coopérative de crédit 378 000 Burkina Faso Caisse nationale d'épargne Banque postale 363 000 Bénin Caisse nationale d'épargne Banque postale 350 000 Côte d'Ivoire FENACOOPEC-CI Mutuelle ou coopérative de crédit 291 000 Botswana Savings Bank Banque postale 287 000 Nigéria Countrywomen's Assoc COWAN ONG 270 000 LA FINANCE POUR TOUS 165 TABLEAU 4.2 (suite) Nombre de Pays Non de l'institution Type comptes Ouganda Centenary Rural Development Bank Banque 251 000 Burkina Faso Fédération des caisses populaires Mutuelle ou coopérative de crédit 248 000 Maurice Postal Savings Bank Banque postale 245 000 Soudan Savings & Social Devt. Bank Caisse d'épargne 230 000 Éthiopie Dedebit Credit and Savings Inst Institution financière non bancaire 221 000 Éthiopie Amhara Credit and Savings Inst Institution financière non bancaire 216 000 Namibie Postal Savings Bank Banque postale 209 000 Sénégal Caisse Nationale de Crédit Agricole Banque agricole 205 000 Malawi Savings Bank Banque postale 204 000 Cap-Vert Caixa Economica de Cabo Verde Caisse d'épargne 200 000 Togo Caisse d'Epargne du Togo Banque postale 200 000 Sénégal Caisse Nationale d'Épargne Banque postale 197 000 Gabon Caisse Nationale d'Épargne Banque postale 175 000 Kenya Equity Bank Banque 173 000 Malawi Malawi Rural Finance Company Institution financière non bancaire 166 000 Niger Mata Masu Dubara CARE ONG 162 000 Nigéria FADU Farmers' Development Union NBFI 156 000 Éthiopie Credit Unions Mutuelle ou coopérative de crédit 150 000 Cameroun Cam. Coop. CU League CAMCCUL Mutuelle ou coopérative de crédit 149 000 Tanzanie SACCOs Mutuelle ou coopérative de crédit 137 000 Togo Faîtière des Unités Coop FUCEC Mutuelle ou coopérative de crédit 133 000 Soudan Agricultural Bank of Sudan Banque agricole 125 000 Ouganda Postbank Uganda Banque postale 122 000 Mali Kafo Jiginew Mutuelle ou coopérative de crédit 115 000 Source : revu par les auteurs au moyen des données utilisées par Peachey et Roe (2006) et par Christen et al. (2004) Notes : La liste comprend les intermédiaires ou les réseaux cherchant à étendre leur rayon d'action et ayant plus de 100 000 comptes ou clients. La part du marché est surestimée dans la mesure où certains comptes sont inactifs : la proportion des comptes ouverts dans les bureaux de poste qui sont inactifs est très élevée. Le réseau ghanéen ARB n'est organisé que de manière très souple. Les banques communautaires du Nigéria ne sont pas regroupées en un réseau formel. et de banques postales ; mais plus des trois quarts des comptes sont ouverts auprès d'IMF non bancaires dans 16 autres pays. Cela montre bien la di- versité des formes d'organisations dans les pays africains31. Il est aussi intéressant de noter que l'importance relative des coopéra- tives et des ONG est beaucoup plus grande en Afrique qu'ailleurs pour les comptes de prêt (figure 4.1). Il faut donc se poser deux questions : i) le mo- dèle des mutuelles présente-t-il une caractéristique particulière en Afrique, et ii) les banques pourraient-elles jouer un plus grand rôle32 ? 166 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Les différentes formes de mutualité Les éléments distinctifs de la mutualité33 contribuent nettement à l'effi- cacité de la culture du crédit et aux circuits d'information qui renforcent l'évaluation de la capacité d'emprunt et la discipline au niveau des rem- boursements. Il est permis de penser que ces processus sont plus rigoureux pour les groupes de relativement petite taille et par conséquent, en pra- tique, pour l'intermédiation à petite échelle. Ils présentent des avantages particuliers dans le cadre du secteur informel et dans les situations où le respect des contrats de crédit ne peut être imposé par des entités exté- rieures. Les points forts de la mutualité semblent donc tout particulière- ment bien adaptés aux environnements qui prédominent en Afrique. Dans le secteur africain de la microfinance, les principes de la mutua- lité sont appliqués à la fois au niveau de l'octroi des prêts et à celui de la FIGURE 4.1 Contributions des coopératives, ONG, caisses d'épargne et autres banques à l'accès à des financements Part des intermédiaires Part des intermédiaires Ensemble des comptes Emprunteurs Afrique Afrique ONG 10% Autre banque/ Caisse établissement d'épargne et Banque parabancaire de crédit postale ou ONG 35% ou caisse 48% coopérative d'épargne 21% 48% Autre banque/ Caisse établissement d'épargne et parabancaire de crédit ou 21% coopérative 17% Monde Monde Caisse d'épargne et de crédit ou coopérativeONG 6% 5% ONG 23% Caisse Banque d'épargne Autre banque/ postale ou et de crédit Autre banque/ établissement caisse ou établissement parabancaire d'épargne coopérative parabancaire 41% 48% 2% 75% Source : graphiques revus par les auteurs sur la base des données tirées de Peachey et Roe 2005 et Christen, Rosenberg et Jayadeva 2004. LA FINANCE POUR TOUS 167 gouvernance de l'intermédiaire. Il n'existe pas de corrélation étroite entre mécanismes de crédit et gouvernance. Si certaines banques commerciales et IMF contrôlées par les bailleurs de fonds recourent parfois aux tech- niques de prêt collectif, beaucoup de coopératives ou de mutuelles d'épargne et de crédit africaines consentent des prêts individuels mais s'appuie sur un modèle de gouvernance collective. Des variantes des prêts collectifs ont été jugées efficaces dans différents environnements et pour différents types de clients. Les principaux micro- prêteurs cessent, de plus en plus, de se limiter à un seul modèle de prêt. Par exemple, l'ONG internationale CARE préconise une panoplie éclectique de techniques. Pour les zones urbaines et périurbaines, de petits groupes de quatre à six membres sont formés34. De plus grands groupes « villa- geois » de 20 membres ou plus sont établis en milieu rural35. Un autre modèle employé par CARE pour les groupes disposant de capacités limi- tées -- en général les femmes -- dans les zones éloignées est conçu pour stimuler et éduquer ces groupes afin qu'ils s'organisent eux-mêmes en asso- ciation d'épargne et de crédit entièrement financées par l'épargne accu- mulée par les membres du groupe (Allen, 2002). De nombreuses variantes de ces techniques sont utilisées par les IMF dans toute l'Afrique, qui dif- férent au niveau de la structure contractuelle et de la taille des groupes36. À l'extrémité opposée du spectre, d'autres IMF préfèrent consentir des prêts individuels, estimant ceux-ci plus flexibles et tenant mieux compte de l'évolution des besoins de chaque emprunteur que les prêts collectifs qui n'avancent qu'au rythme de développement le plus lent. Procredit/IPC fournit un exemple d'une IMF opérant sur ce modèle ; le fait qu'elle ait obtenu des permis bancaires dans plusieurs pays montre à quel point son modèle est proche du système bancaire traditionnel -- même si cette IMF cible une clientèle à faible revenu qui empruntent des montants moins élevés, et partant doit mettre l'accent sur la maîtrise des coûts. De nom- breuses IMF constituées en mutuelles consentent aussi des prêts dont la responsabilité incombe à un individu, sur le modèle classique de la coopé- rative d'épargne et de crédit. La distinction établie ici n'est pas rigide. Par exemple, dans une coopé- rative d'épargne et de crédit, chaque emprunteur est solidaire des autres par suite de sa participation au capital de la coopérative, mais ce lien est beaucoup plus faible que celui que peut impliquer la participation à un prêt collectif ou à garantie mutuelle. Les associations de garantie mutuelle rendent cette distinction encore plus floue. Prêt collectif ou individuel ? Quel est le meilleur modèle ? En matière de prêt, il n'est pas évident que les prêts collectifs l'emportent sur les prêts individuels ou inversement (Cull et Giné, 2004)37. Par exemple, il se peut que le recours par les insti- tutions consentant des prêts collectifs à la pression des pairs ne soit pas toujours efficace. Dans le secteur agricole, le groupe peut être confronté à un risque commun ou tout au moins covariant. Certains membres de groupes de paysans emprunteurs ont suivi des pratiques collusoires pour donner une impression inexacte de leur capacité de remboursement -- 168 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE voir Binswanger et van den Brink (2005) dont la proposition de création d'une structure communautaire complexe et cohérente pour faire face aux difficiles problèmes posés par les risques et les incitations dans le domaine du financement rural mérite plus d'attention qu'elle n'a reçue jusqu'ici. La persistance d'une multiplicité de modèles signifie peut-être que dif- férents modèles fonctionnent mieux dans différents environnements. L'optimisme à la Pangloss de cette conclusion pourrait toutefois ne pas être justifié. Le principe de la survie du plus apte est peu susceptible de s'impo- ser rapidement dans le secteur des prêts sociaux, qui bénéficie souvent du concours de bailleurs de fonds et dont les institutions sont en général diri- gées par des responsables motivés par des préoccupations d'ordre social. Les personnes possédant les compétences de gestion pluridimensionnelles nécessaires pour occuper un poste de haut niveau dans une IMF sont gé- néralement suffisamment qualifiées pour obtenir un emploi très bien ré- munéré dans l'industrie des services financiers d'une économie avancée. C'est par civisme qu'elles poursuivent leurs activités dans la microfinance en Afrique sociale. Cette situation complique la comparaison des modèles de microfinance, car même un modèle inférieur peut opérer de manière efficace et survivre lorsqu'il bénéficie des efforts de responsables compé- tents et motivés. En outre, si un nombre croissant d'IMF font état de pro- fits, d'autres ne peuvent poursuivre leurs opérations que grâce aux res- sources des donateurs (fournies parfois sous forme de prêts bon marché ou de prises de participation au capital, et non de dons). Les bailleurs de fonds ne peuvent certes appuyer indéfiniment un mauvais modèle (quelques IMF non rentables ont déjà fermé leurs portes), mais leur comportement peut prolonger son existence. Le succès des coopératives : mirage ou miracle ? Les non-spécialistes pensent souvent, à tort, que les mutuelles ne servent qu'une clientèle très pauvre et consentent des prêts peu élevés. Le mon- tant moyen des prêts accordés par les coopératives de l'échantillon d'IMF africaines étudiées par Lafourcade et al. (2005) est d'environ 500 dollars, soit à peu près 120 % du revenu national brut (RNB) par habitant, c'est-à- dire un montant nettement supérieur à la moyenne de 300 dollars pour l'ensemble des IMF examinées38. Même si cela donne à penser que les co- opératives servent en moyenne une clientèle moins pauvre, ces dernières affichent un taux de rendement de l'actif de 0,4 %, c'est-à-dire inférieur au taux de plus de 2 % enregistré pour le reste des IMF. Les plafonds so- ciaux ou statutaires des taux d'intérêt débiteurs contribuent probablement à cette situation : les IMF non réglementées ont des coûts unitaires bien plus élevés, mais peuvent largement les financer au moyen de leurs re- cettes financières39. En revanche, si l'on considère que les coopératives d'épargne et de cré- dit du secteur formel sont, comme l'a dit Stuart Rutherford, des tontines suralimentées, il serait probablement erroné de tenir pour acquis que le modèle de coopératives cible les groupes ayant des revenus plus élevés. Lorsque l'on prend en compte les données relatives aux tontines du sec- teur informel, le montant moyen des prêts accordés par cet ensemble plus LA FINANCE POUR TOUS 169 large de coopératives est nettement plus faible. Même s'il repose sur les idées mutualistes de solidarité et de capital so- cial, le modèle coopératif n'est pas à l'abri d'un échec provoqué par des malversations ou par un comportement négligeant. Il peut avoir des diffi- cultés à s'adapter à la nécessité d'un financement externe, qui remet en cause le principe d'autonomie sur lequel repose ce modèle. La faillite en 1998 du plus grand réseau béninois de coopératives, FECECAM, en est un exemple. Parmi les nombreux enseignements tirés de ce cas précis, citons « la prise de conscience, par le réseau, qu'une rapide expansion entraînée par des lignes de crédit, allant à l'encontre d'une bonne gestion financière, peut compromettre la viabilité d'une institution » (Ouattara, 2002). En Afrique de l'Est, également, où le modèle mutualiste de SACCO perd peut- être du terrain au profit d'autres formes institutionnelles, on observe des défaillances endémiques au niveau de la gestion et des portefeuilles. En outre, le ciment mutualiste qui assure la cohésion du modèle lorsque tout va bien peut s'effriter soudainement en cas de chocs défavorables, les membres pouvant décider de ne pas rembourser leurs emprunts s'ils estiment que l'institution ne sera probablement plus en mesure de consentir des prêts à l'avenir. La récente affaire des associations de garantie mutuelle à Madagascar en est un exemple frappant40. Ces associations avaient été créées sur les conseils du ministère malgache de l'Agriculture, de l'Élevage et des Pêches pour faciliter l'octroi, par Bank of Africa (qui est une institution multinationale), de crédits agricoles dans les régions de Madagascar où aucune mutuelle de crédit n'opérait. Cependant, la crise de 2002 a provoqué l'effondrement des prix à la production et certains clients ont été incapables de rembourser leurs dettes ; la situation a dégénéré au point que toute discipline a disparu et que mêmes les membres du comité directeur des associations ont refusé de rembourser leurs emprunts (Bennett et al. 2005). Dans ce cas encore, les analyses a postériori ont montré que les principes de solidarité que présuppose le modèle mutualiste n'avaient pas été réellement intégrés : par exemple, le ministère a joué un trop grand rôle dans la promotion du programme, et les groupes d'agriculteurs n'ont pas bien compris leurs responsabilités collectives. La crise a révélé d'autres problèmes : par exemple, les procédures d'approbation des prêts étaient tellement laborieuses que le crédit était accordé parfois trop tard pour permettre l'achat des facteurs de production agricoles qu'il devait financer (ces prêts ont alors généralement servi à financer des besoins de consommation de sorte que les emprunteurs ont eu des difficultés à les rembourser). Les coopératives, dont le principe de gouvernance est fondé sur l'attri- bution d'une voix à chaque membre, ne sont donc pas adaptées à des si- tuations caractérisées par des disparités entre les ressources des membres. Elles peuvent ne pas être bien en mesure d'absorber des capitaux exté- rieurs. De tels inconvénients ont contribué à la décision des plus grandes institutions financières mutuelles du Royaume-Uni de modifier leur struc- ture organisationnelle pour se constituer en sociétés par actions. En re- vanche, de nombreuses mutuelles européennes ont réussi à adapter leur structure de manière novatrice pour contourner ces obstacles. On note 170 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE déjà des exemples de telles innovations en Afrique également : le Crédit Mutuel du Sénégal a lancé une banque régionale, la Banque des institu- tions mutualistes d'Afrique de l'Ouest (BIMAO) qui lui permet d'accepter des fonds propres (tout en facilitant l'offre d'autres services bancaires). Des confédérations, jusqu'ici peu structurées, de coopératives locales d'épargne et de crédit en Afrique de l'Ouest (telles que Nyesigiso et Kafo Jiginew au Mali), tout en restant fidèles aux principes de la mutualité, ont considéra- blement centralisé leur processus décisionnel au niveau des bureaux cen- traux nationaux des réseaux41. Cooperative Bank, au Kenya, qui au départ était un département au sein du ministère des Coopératives, s'est progres- sivement transformée en une structure faîtière des coopératives kenyanes ainsi qu'en une banque autonome agréée. Plus le pouvoir du bureau central du réseau s'accroît, plus l'influence que peuvent avoir les membres des différentes coopératives du réseau sur la gouvernance de ces dernières diminue. À cet égard, on observe une intéressante convergence, au niveau de la gouvernance, dans le cas du réseau de quelque 120 banques rurales et communautaires du Ghana. Ces banques commerciales (dont les activités et la couverture géographique sont assujetties à quelques restrictions) ne sont pas des mutuelles mais, en 1981, elles ont formé une association qui, à son tour, a constitué en 2001 la banque ARB Apex qui constitue à présent leur siège à certains égards (Steel et Andah, 2003, Andah, 2005)42, . Il n'est pas évident qu'une 43 coopérative membre de l'un des grands réseaux du Mali ou une des coopératives kenyanes soit plus attachée à la région locale dans laquelle elle mène ses activités ou plus sensible aux besoins de ladite région, qu'une banque rurale appartenant à des intérêts locaux au Ghana. En fin de compte, les pouvoirs publics seraient mal avisés d'insister pour l'adoption de structures mutualistes, qui aurait pour effet d'empêcher les autres promoteurs d'IMF de réaliser leur potentiel. Les changements d'ordre législatif entrepris dans l'UEMOA montrent que ce raisonnement commence à être pris en compte car nul ne part plus du principe que les IMF auront une gouvernance de type mutualiste : jusqu'ici, les institutions non mutualistes ne pouvaient solliciter qu'une licence temporaire de cinq ans (Lolila-Ramin, 2005). Les banques classiques offriront-elles des services directs ou seront-elles spécialisées dans les grosses opérations ? Étant donné les avancées dans la microfinance de banques d'autres régions et l'octroi de permis bancaires à un petit nombre d'entités africaines ciblant leurs opérations sur les PME et les emprunteurs à faible revenu, certains observateurs ont suggéré que les banques pourraient détenir la clé de l'ave- nir de la microfinance. Si cette assertion se rapporte aux grandes banques internationales, il est loin d'être évident que ces dernières puissent pour- suivre dans cette voie sans difficulté. La microfinance ne rentre pas dans le cadre du mode d'exploitation de certaines d'entre elles. D'autres font va- loir qu'elles ont une stratégie de services qui leur permet de servir une clientèle ayant des revenus plus faible que la norme pour les banques et LA FINANCE POUR TOUS 171 qu'elles travaillent avec des micro, petites et moyennes entreprises (MPME). Mais il n'est pas clair jusqu'à quel degré de l'échelle elles peuvent réellement espérer descendre44. À cet égard, tous les regards sont tournés vers l'Afrique du Sud, pour voir ce que feront les banques et autres grandes institutions financières, qui sont censées pouvoir et devoir faire plus pour assurer un système financier ouvert à tous dans le pays45. Il s'agit d'un bon banc d'essai : les grandes banques sont solides et compétentes, et l'environnement écono- mique général est relativement solide. L'accès des pauvres aux services bancaires reste pourtant limité. Les solutions qui se révèleront efficaces et financièrement viables en Afrique du Sud pourraient être adaptées au reste du continent, après que les coûts de mise en oeuvre et à l'essai auront été assumés par l'Afrique du Sud. Le problème réside essentiellement dans les coûts unitaires. Le coût des transactions de faible montant qu'implique l'offre de services aux pauvres peut être excessivement élevé pour les grandes banques interna- tionales. Étant donné les salaires que ces dernières doivent verser aux agents instruits et bien formés dont elles ont besoin, en raison du degré de technicité et de complexité de quelques-uns de leurs produits (et des pro- cédures d'examen et de contrôle nécessaires), toute activité nécessitant une intervention personnelle est très coûteuse. Les technologies peuvent certes réduire considérablement les frais de transaction, et avoir un effet compensatoire, mais leur utilisation dans une région à faible densité de population risque également de se révéler excessivement coûteuse si le volume des transactions n'est pas assez important. Par exemple, les frais par transaction que perçoivent les banques sud-africaines même pour les comptes Mzansi qui sont assorties de commissions peu élevées (soit l'équivalent de plus de 0,50 dollar pour un retrait à un guichet automa- tique, et 0,35 dollar pour un retrait ou un achat à un point de service) sont à la portée des Sud-africains de la classe moyenne inférieure, mais probablement trop élevés pour le Mozambicain moyen. La mesure dans laquelle les banques peuvent encore réduire leurs frais pour élargir leur clientèle reste à déterminer. On pourrait toutefois envisager que les grandes banques assument une fonction de mobilisation -- en attirant sur le marché des volumes élevés de capitaux ainsi que des produits plus complexes. Les banques acheminent déjà de gros volumes de ressources mobilisées vers des IMF et les coopéra- tives dans plusieurs pays, et elles sont bien évidemment le principal circuit des systèmes de paiement. Si certains prêteurs spécialisés financés par des banques ont affiché des résultats très décevants (le cas d'Unibank et de Saambou en Afrique du Sud est examiné par Rust, 2002), d'autres ont réa- lisé des opérations prometteuses46. Les échecs ont en partie tenu à l'excès de confiance témoigné par les fournisseurs de fonds dans les capacités d'in- formation et de gestion du prêteur primaire. Un problème particulier se pose à cet égard lorsque le prêteur primaire bénéficie du concours de bailleurs de fonds, dispose de peu de capital ou se trouve dans une situa- tion financière si précaire que les prêteurs commerciaux exigent la garan- tie d'un bailleur de fonds, ce qui va dans une certaine mesure à l'encontre 172 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE du but recherché. Fort heureusement, un nombre croissant d'IMF solides obtiennent des prêts auprès des banques commerciales sans garantie (Isern et Porteous, 2005). Nous avons déjà mentionné le rôle que doivent jouer les banques et autres intermédiaires d'envergure internationale en faisant le lien avec les marchés obligataires ou de la réassurance internationaux auxquels il est nécessaire de recourir pour pouvoir mettre en oeuvre des systèmes de type assurance agricole en fournissant une réassurance contre le risque de ca- tastrophes. D'autres formes de partenariat entre les banques classiques et les entités de microfinance peuvent être envisagées. De façon plus générale, les banques commerciales pourraient tirer parti de l'établissement de liens étroits avec les IMF existantes. Par exemple, en l'absence d'un dossier de crédit formel, il est peu probable que les petits entrepreneurs ou les microentrepreneurs dont les besoins de crédit ne peuvent plus être satisfaits par les régimes des prêts collectifs de la microfi- nance puissent obtenir un crédit auprès d'une banque commerciale qui ne les connaît pas, à moins qu'il n'existe des dispositifs de cofinancement ou d'échange d'informations entre les IMF et les banques. Un échelon en dessous des grandes banques internationales, les pers- pectives de participation à des opérations de microfinance -- et, de fait, les activités des banques locales en ce domaine -- sont nettement meilleures. La situation dépend en partie de la mission des banques et de leur plan d'activité. Des entités telles que Centenary Rural Development Bank (CE- RUDEB) en Ouganda, Equity Bank et K-Rep au Kenya, CRDB et Akiba Bank en Tanzanie, Banque nationale de développement agricole (BNDA) au Mali, Malawi Rural Finance Corporation (MFRC) au Malawi, Afriland Bank, BICEC et Union Bank au Cameroun, et CNCA au Sénégal ont mon- tré de différentes façons que, en Afrique, les banques commerciales agréées peuvent opérer de manière efficace sur une grande échelle dans la micro- finance. Ces entités sont des spécialistes de la microfinance ou du dévelop- pement dont les activités couvrent un seul pays, mais d'autres banques comme Bank of Africa et Ecobank, dont les activités s'étendent à plusieurs pays, procèdent elles aussi de plus en plus à des opérations de financement de petite envergure. National Microfinance Bank (NMB) en Tanzanie a poursuivi une dé- marche unique en s'appuyant sur les structures formelles existantes pour atteindre un plus vaste marché. NMB est issue de la privatisation et de la recapitalisation de National Bank of Commerce, banque d'État qui a été cé- dée à ABSA of South Africa. NMB a commencé ses opérations avec un vaste réseau d'agences (95, dont six seulement se trouvent à Dar-es-Salaam) et un volume de dépôts important. Elle était équipée de nouveaux systèmes mis au point dans le cadre d'un contrat de gestion et avait pour principal objectif de desservir les ménages et les MPME. Maintenant qu'une partie de son capital a été cédé à un consortium dirigé par Rabobank, NMB com- mence progressivement à développer son portefeuille de prêts. Un autre modèle prometteur a été adopté au Bénin et au Tchad par Fi- nancial Bank (groupe bancaire dont la dimension internationale tient aux liens migratoires existant de longue date entre le Tchad et la côte) et par LA FINANCE POUR TOUS 173 Kingdom Bank au Zimbabwe ; il consiste à constituer une filiale chargée de la microfinance, qui peut à terme devenir une entité autonome. Cette option peut être attrayante du fait des différences qui peuvent exister au niveau des procédures opérationnelles et de la culture d'entreprise (Isern et Porteous, 2005 ; Kloeppinger-Todd, 2005). Les banques commerciales ne sont pas les seules grandes institutions formelles qui contribueront à élargir l'accès aux ressources financières en Afrique. Nous avons déjà évoqué le cas de la poste. L'institution des postes remonte au début de l'ère coloniale, et la gamme et le succès de leurs ser- vices financiers varient considérablement d'un pays africain à l'autre (Banque mondiale et ING Bank, à paraître). Le plus grand système postal -- celui du Nigéria -- n'offre pas actuellement de services financiers. De nombreuses banques postales n'ont pas cherché à servir une clien- tèle et certaines n'ont pas été bien gérées -- l'un des problèmes courants étant le manque de contrôle de l'enregistrement des engagements dans les livrets de banque lorsque ceux-ci sont le document légal. Certaines ont souffert d'un manque de liquidité provoqué par les pouvoirs publics, ce qui a eu des conséquences désastreuses pour leur aptitude à honorer ne serait- ce que les contrats financiers les plus élémentaires, comme le rembourse- ment rapide des épargnants. Toutefois d'autres services postaux africains ont réussi à sortir de situa- tions difficiles et font preuve d'un dynamisme prometteur. Lorsqu'ils sont bien gérés, ils ont l'avantage naturel considérable de pouvoir exploiter leur vaste réseau géographique ainsi que leurs capacités en technologies de l'information pour offrir des produits financiers simples (épargne, paie- ment) à une clientèle pauvre. Ils sont souvent le plus grand prestataire de services financiers du pays -- par exemple, Nampost en Namibie compte 50 % de la clientèle des services d'épargne, et environ 13 % du volume de l'épargne ; elle dispose de 190 bureaux répartis sur l'ensemble du terri- toire national. Au Bénin, la valeur totale des comptes chèque postaux (CCP) et des comptes de la caisse d'épargne postale (CNR) équivaut à plus de la moitié des dépôts bancaires. Outre leur système interne de paiement, y compris souvent le système de virement, plusieurs banques postales offrent des services de paiement international par le biais du réseau de Western Union ou d'autres sociétés de transferts de fonds. En veillant à ne pas bloquer leur admission au système national de paiement, il serait pos- sible de réduire les coûts des services de paiement de détail. L'offre de services de prêt a été envisagée dans quelques cas. Il s'agit d'une démarche qui se heurte aux pressions politiques mentionnées pré- cédemment, et elle ne peut être encouragée sans quelque réserve. Cer- taines banques postales ont été détachées du système postal proprement dit, sur la base de l'expérience concluante observée dans quelques pays eu- ropéens. Cependant, les efforts en ce sens n'ont pas tous été couronnés de succès, et ils peuvent faire grimper les coûts et perdre les avantages intrin- sèques de la poste qui incitent en fait la clientèle à faire appel à ses services financiers. Certaines entités dérivées, telles que celle du Kenya -- qui sert environ 1,6 million d'épargnants -- ont concentré leurs activités au niveau d'un groupe beaucoup plus réduit d'agences (à peu près 70 au Kenya), au 174 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE lieu d'exploiter la gamme complète des bureaux de postes, qui sont au nombre de 900 dans ce pays. Les grandes chaînes de magasins de vente au détail ont les mêmes avan- tages que la poste, même si en général elles ne disposent pas d'un réseau de points de services aussi étendu. Certains détaillants africains souhaitent diversifier leurs activités de façon à offrir certains services financiers à une vaste clientèle. Les services de dépôt et de paiement seront encore une fois les premiers produits offerts. Les chaînes de supermarchés commencent à envisager d'obtenir un permis bancaire limité qui leur permettra d'offrir de tels services. Rôle des gouvernements : cohérence, discrétion, modèle de réglementation Concurrence, infrastructure, coordination Comme nous l'avons vu, l'État lui-même n'est pas souvent l'entité la mieux placée pour fournir des services financiers (notamment pour des raisons de crédibilité et de gouvernance). Quelques-unes des institutions novatrices évoquées dans le présent chapitre sont bien des entités pu- bliques, mais elles sont les exceptions qui confirment la règle. Il existe néanmoins de nombreux moyens par lesquels l'action des pouvoirs pu- blics peut contribuer à améliorer la qualité et le rayon d'action des ser- vices. Outre la politique relative à la réglementation prudentielle, ces moyens peuvent être regroupés sous les rubriques de promotion de la concurrence, de fourniture de l'infrastructure et d'autres biens publics, et de coordination. En ce qui concerne la concurrence, maximiser l'éventail des prestataires fiables et éviter d'imposer des coûts inutiles aux fournisseurs constituent deux principes directeurs essentiels. Pour ne citer qu'un exemple, lorsque l'État a besoin d'effectuer des paiements dans des régions éloignées, lancer un appel d'offres en vue de l'attribution du marché correspondant, au lieu de continuer de passer automatiquement par les circuits habituels, peut contribuer à accroître le champ des possibilités d'application de nouvelles technologies de paiement interne et encourager l'innovation. De nombreux éléments de l'infrastructure -- matérielle et autre-- dont a besoin le secteur financier ne peuvent être fournis qu'avec la participa- tion de l'État. Au niveau le plus élémentaire, la stabilité politique et la sécurité physique sont des conditions essentielles pour rendre le système financier apte à fonctionner. Nombre d'autres investissements dans l'infra- structure, tels que ceux visant à améliorer l'infrastructure de l'éducation47 et des transports, sont en outre nécessaires pour le développement écono- mique et social. Les TIC électroniques en particulier sont essentielles à la réalisation de nombreuses innovations financières. L'infrastructure de financement au mésoniveau, plus précisément celle d'ordre juridique et informationnel (déjà examinée au chapitre 3), reste pertinente pour assurer l'accès de tous aux services financiers. Les normes et les pratiques comptables, la loi sur la faillite, le recours aux tribunaux LA FINANCE POUR TOUS 175 pour recouvrer les garanties, joueront tous un important rôle. Une réforme peu coûteuse mais très prometteuse consisterait notamment à créer un cadre juridique clair et porteur pour le crédit-bail, l'affacturage, et la loca- tion-vente. Un tel cadre et la mise en place de registres efficaces des titres de propriété et de centrales des risques et pourraient largement contribuer à élargir l'accès à des emprunts de faible montant. La conception et la tech- nologie des systèmes nationaux de paiement revêtent de l'importance dans la mesure où elles peuvent faciliter ou entraver la fourniture, dans des conditions concurrentielles, de services peu coûteux de paiement de détail de montant limité. (Par exemple, la fixation à un taux uniforme par article des frais d'interchange applicables aux transactions par carte peut empê- cher l'utilisation des systèmes de paiement par les personnes pauvres). Un type classique de service public qui est très important pour assurer l'efficacité de la finance est la fourniture par l'État de services de promo- tion de la petite entreprise, et notamment de vulgarisation agricole48. Ces services ne sont pas toujours fournis par l'État de la façon la plus efficace au plan des coûts et il peut souvent se révéler plus rationnel de confier leur prestation au secteur privé, éventuellement moyennant une subvention. Néanmoins, il est clair que les informations sur les pratiques commerciales de base et tout particulièrement sur la façon de tirer le meilleur parti des services existants sont extrêmement limitées. Il est relativement facile de suivre la performance des services de développement des entreprises sub- ventionnés par l'État, de sorte que les autorités peuvent s'assurer que leurs ressources sont utilisées de manière profitable. Il est important que de telles évaluations soient effectuées sur une base régulière49. Il est aussi important de contribuer à l'amélioration des connaissances financières pour que les pauvres puissent faire bon usage des opportunités de plus en plus nombreuses qui leur sont offertes et ne soient pas victimes de mauvaises décisions financières, notamment en contractant des em- prunts trop élevés. Les efforts d'éducation financière peuvent peut-être aussi porter leurs fruits en préparant le terrain à l'adhésion à des normes axées sur le respect des contrats financiers. L'adoption de nouvelles technologies dans le domaine financier est imputable aux activistes du marché, notamment les ONG, et elle a été appuyée par des ressources émanant de donateurs et, parfois, du budget de l'État. Les innovateurs ont obtenu les meilleurs résultats lorsqu'ils ont été parrainés par des organismes dotés d'une solide gouvernance qui ont veillé à ce qu'elles ne soient pas détournées de leurs objectifs. Les décideurs doivent comprendre les innovations pour éviter de les bloquer par inadvertance par des réglementations ou de les fragiliser en octroyant des subventions coûteuses et non durables qui feront obstacle à l'expansion du marché sans pour autant atteindre leur objectif. Les participants au marché n'envisageront pas d'adopter une telle innovation à moins que le marché ne soit ouvert. En un mot, la politique doit être conçue de façon à préparer le terrain aux activistes. Même si, en raison des défaillances de la gouvernance, on ne saurait re- commander la poursuite d'un programme activiste dans le secteur finan- cier par la plupart des organismes gouvernementaux africains, ces derniers 176 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE peuvent servir d'intermédiaires ou de facilitateurs -- et procéder à des échanges de vues pour s'assurer que les démarches activistes d'autres en- tités sont regroupées ou coordonnées si cela doit en accroître l'efficacité. En collaboration avec les associations professionnelles, le gouvernement peut largement contribuer à pallier les déficiences de la coordination qui entravent l'adoption de normes commerciales communes et la mise en place de l'infrastructure des marchés des capitaux, par exemple en ouvrant des centrales des risques ou en établissant des contrats hypothécaires nor- malisés pour faciliter la titrisation. Il est cependant plus difficile pour les gouvernements africains d'utiliser avec succès les leviers de la politique pour faire pressions sur les presta- taires privés qui recherchent uniquement à dégager un profit et qui n'ont pas d'objectifs sociaux, en vue de les amener à étendre leur rayon d'action et à élargir l'accès aux ressources financières une fois qu'ils ont atteint le point auquel leurs opérations cessent d'être rentables. Contrairement à ce qui se passe dans les économies avancées où il est possible d'exercer dans une certaine mesure des pressions juridiques ou morales sur les intermé- diaires financiers pour réduire l'exclusion financière, en Afrique la plupart des gouvernements ne peuvent partir du principe que cela est un moyen d'action viable ou raisonnable. Dans la mesure où le problème est d'ac- croître les taux d'accès qui s'établissent actuellement à 10 ou 20 % (contrairement aux économies avancées où le défi est de réduire de 10 à 15 % le taux d'exclusion) les outils choisis et le calendrier fixé pour at- teindre ces différents objectifs doivent être réalistes. En effet, étant donné la petite taille de leurs marchés, les gouvernements africains ont une in- fluence économique limitée sur les banques classiques dans un environne- ment concurrentiel. L'imposition de contraintes excessives amènerait les banques à réduire l'ampleur de leurs activités ou à se retirer du marché50. L'Afrique du Sud constitue encore une fois une exception, puisque les banques ont lancé le produit Msanzi au moins en partie pour se soustraire aux pressions politiques. De fait, même si l'influence des gouvernements des autres pays reste limitée, l'expérience sud-africaine, si elle continue de s'avérer concluante, constitue désormais une source de pression morale : si les banques peuvent étendre efficacement leurs services en Afrique du Sud, pourquoi ne le pourraient-elles par ailleurs sur le continent ? Modèle de réglementation Les autorités nationales non seulement ont une action dynamique en mettant en place le cadre nécessaire aux prestataires de services pour pou- voir opérer de manière efficace, mais aussi exercent une forte influence sur le développement de la finance par le biais du modèle de réglementa- tion prudentielle qu'elles adoptent. Il existe un consensus sur certains des principaux éléments d'un modèle de réglementation de la microfinance (Christen et al., 2003), et les banques centrales africaines ont mené les efforts pour faire accepter et mettre en place un cadre réglementaire cohé- rent de la microfinance51. Pourtant, certains points importants restent ambigus. La prolifération de petites IMF, qu'elles soient le fait de coopéra- tives, parrainées par des ONG ou le produit d'autres initiatives privées, a LA FINANCE POUR TOUS 177 créé un goulet d'étranglement pour les responsables de la réglementation. Il est facile de voir, dans plusieurs pays, qu'un grand nombre de ces insti- tutions sont mal gérées et éprouvent des difficultés financières. Cela est aussi certainement le cas dans d'autres pays. Cette situation présente un dilemme pour le responsable de la réglementation. D'un côté, les petites IMF peuvent difficilement créer des risques systémiques, surtout si elles n'offrent pas de services de dépôt. En revanche, une grande partie des activités de financement du terrorisme ont une échelle relativement modeste, de sorte que les IMF ne sont pas à l'abri de telles opérations. Il semble donc important de baser la conception d'un cadre réglemen- taire pour les IMF sur le principe primordial que la réglementation ne doit pas étouffer l'initiative et l'élargissement du rayon d'action des services, surtout dans les régions isolées52. Il convient de ne pas accorder une im- portance démesurée aux risques de crise systémique et de financement du terrorisme et d'adapter les réglementations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme en fonction de la taille et du mode de fonctionnement de chaque classe d'intermédiaires, comme le proposent Isern, Deshpande et van Doorn (2005). Seules les grandes IMF acceptant les dépôts doivent faire l'objet d'une supervision systématique, pour des raisons prudentielles, par l'organisme de régle- mentation bancaire. À cet égard, dans la plupart des pays, la taille des ins- titutions devrait être mesurée par le nombre de clients ayant un compte de dépôt. Des modalités plus limitées peuvent être envisagées pour les autres. Malgré la phase récente d'expansion et de concentration des IMF, on peut affirmer qu'aucune IMF opérant en Afrique n'a un bilan suffisamment im- portant pour que sa faillite ait un effet de contagion pouvant entraîner l'ef- fondrement du secteur financier sur une grande échelle53. Axer les efforts sur les institutions qui comptent un grand nombre de clients -- et unique- ment sur celles qui acceptent les dépôts -- permet simplement de répartir de manière rationnelle des ressources limitées de supervision, afin de pro- téger les intérêts d'un nombre important de clients et, ce faisant, de préser- ver également la stabilité sociale. Une nouvelle démarche observée en Afrique consiste à classer les IMF disposant d'un capital suffisamment important dans une catégorie régle- mentaire distincte. En effet, en raison de leur taille, les institutions appar- tenant à cette catégorie poursuivent des opérations d'une ampleur qui les met sur le même plan que les banques et la banque centrale. Elles sont su- pervisées plus étroitement que les autres IMF, mais elles peuvent être auto- risées à entreprendre un plus large éventail d'activités (elles peuvent peut- être être autorisées à poursuivre sur un plus vaste territoire géographique leurs activités d'octroi de prêts et de mobilisation de dépôts, à effectuer des opérations de change ou à consentir de plus importants prêts individuels). La raison d'être de cette catégorie supplémentaire est que ces institutions, qui n'ont ni le capital ni le savoir-faire nécessaires pour fournir sans risque une gamme complète de services bancaires, ne peuvent donc pas pour des raisons de sécurité être autorisées à avoir toute la marge de manoeuvre conférée par un permis bancaire, mais elles sont trop grandes pour être au- torisées à se soustraire à la réglementation prudentielle54. Cela veut-il dire 178 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE que la réglementation des grandes institutions doit sonner le glas des IMF de plus petite taille ? Pas encore. Il est possible que, à terme, un ou deux modèles d'IMF s'imposent. Cela étant, il n'existe pour le moment pas assez d'éléments qui permettent de conclure que, compte tenu de l'environne- ment socio-économique actuel de l'Afrique, l'un quelconque des modèles en vigueur présente des inconvénients ou des avantages décisifs. Il est manifestement peu probable qu'un secteur d'IMF financièrement viables et ayant un large rayon d'action sera formé à long terme de petites institutions. Comme le montrent clairement les analyses économétriques de la viabilité des IMF, les coûts ne pourront être maîtrisés qu'à partir d'une certaine échelle (Honohan, 2004). Nos observations de cette période d'essai nous amène toutefois à penser que certains géants potentiels de demain débutent aujourd'hui sur une petite échelle. Si nous ne savons pas encore véritablement quel modèle finira par s'imposer, nous ne pouvons pas savoir les types d'IMF qui méritent de se développer55. La diversité des modèles appliqués actuellement facilite probablement l'innovation au niveau des produits et des processus. Étant donné l'état actuel de nos connaissances, la jeunesse de l'industrie et le rôle essentiel que continuera à jouer l'essai de diverses formules pour déterminer celles qui seront effi- caces et viables dans le contexte de l'Afrique, il serait peu avisé d'adopter prématurément des lois imposant l'uniformité ou d'insister dès le début sur la constitution d'institutions d'une certaine échelle. Les responsables de la réglementation sont en général hostiles aux petites institutions et leur méfiance est souvent justifiée. Au moins 250 petites IMF ont fermées leurs portes au Cameroun, après avoir connu une croissance explosive entre 1996 et 1999, bien que 85 % du secteur conti- nue d'opérer de manière informelle ou hors du cadre réglementaire. Mais, au Bénin, c'est la FECECAM, le plus grand réseau du pays, qui a fait faillite. Il s'ensuit que la fermeture de petites entités n'offre aucune garantie de sécurité pour l'avenir. Les objectifs que se fixent les responsables de la réglementation pour les petites IMF doivent être à la hauteur de leurs moyens. Un superviseur de petites IMF ne peut guère faire plus que prêter attention aux informations qui peuvent lui être communiquées et procéder à des vérifications ponc- tuelles ou motivées par des rumeurs ou les soupçons qu'il peut avoir. Bien souvent, les lacunes tiennent à l'insuffisance des qualifications fondamen- tales nécessaires aux affaires et à la tenue des comptes : il est assurément indispensable d'améliorer la transparence financière. Identifier les besoins en matière de renforcement des capacités et contribuer à les satisfaire sont deux des fonctions les plus profitables du superviseur. Les réseaux des coopératives, des mutuelles de crédit et des banques rurales, comme Apex Bank de l'Association des banques rurales du Ghana, estiment déjà qu'il est dans leur intérêt collectif d'employer des inspecteurs qui se rendent dans les IMF membres à intervalles réguliers pour procéder à des vérifications et fournir des conseils sur une base collégiale. Ils seront incités à agir de la sorte tant que les IMF ne seront pas couvertes explicitement ou implicitement par une assurance-dépôts. La prise de dispositions pour que le superviseur officiel des petites IMF qui LA FINANCE POUR TOUS 179 travaille avec ces réseaux et ces institutions faîtières puisse faire appel, si besoin est, aux ressources humaines de l'entité de réglementation des banques, permettra d'assurer que des compétences adéquates seront disponibles pour faire face à toute crise naissante. Cette approche pragmatique ne sauvera pas toutes les IMF, mais les avantages qu'elle présente en ciblant mieux les efforts et en réduisant les coûts l'emporteront sur ses inconvénients, s'il en est. L'adoption d'une telle approche sélectivement plus ciblée de la supervi- sion devrait s'accompagner d'un recadrage de la réglementation. Bien qu'il soit probablement difficile de concevoir une réglementation faisant obs- tacle aux monopoles et protégeant le consommateur qu'il soit possible de faire respecter, il conviendrait de commencer à prêter davantage attention à ces objectifs. Outre qu'ils peuvent faire monter les prix, les établisse- ments en place peuvent bloquer l'adoption d'innovations technologiques, en particulier celles qui ont un impact sur le réseau comme les systèmes de paiement. En outre, toute restriction mécanique abusive au niveau de la conception et de la gamme des produits pouvant être offerts par les banques et les IMF aura pour effet d'empêcher les innovations qui pour- raient favoriser l'extension du rayon d'action de ces institutions56. L'impo- sition de règles artificielles de classification des prêts, de coefficients de li- quidité excessifs, de restrictions sur la propriété (jusqu'à une date récente, aucune entité privée ne pouvait posséder plus de 20 % du capital d'une banque en Ouganda), de lois usuraires et d'autres formes de plafonnement des intérêts, peuvent entraver les opérations des banques et dissuader les IMF de se transformer en banques, ce qui a pour effet de limite l'éventail des services qu'elles peuvent offrir à leurs clients. Les plafonds sur les taux d'intérêt sont un problème particulièrement grave. Bien que les spécialistes de la finance s'accordent tous à reconnaître les effets sociaux préjudiciables de l'imposition de plafonds limitatifs sur les taux débiteurs des banques, les efforts menés pour contrôler les taux ont toujours un attrait populiste. Un récent projet de loi au Kenya aurait par exemple fixé le plafond des taux débiteurs des banques à 400 points de base au-dessus des taux des bons du Trésor, ce qui aurait eu pour effet de priver une grande partie des emprunteurs potentiels de la possibilité d'emprunter. Le Nigéria applique un plafond similaire -- 400 points de base au-dessus du taux minimum de réescompte -- conformément au « guide des frais bancaires » imposé par la banque centrale (Charitonenko 2005)57. Le plafond fixé pour les taux d'intérêt débiteurs des banques de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) est actuellement de 15 %. Même le plafond usuraire relativement élevé de 27 % applicable aux IMF des pays de l'UEMOA (18 % pour les banques) représente une contrainte pour les IMF de cette région, et il est nettement inférieur aux taux annuels de 50 à 80 % généralement demandés par les prêteurs sud-africains pour les prêts de faible montant. Il est certain qu'il peut être délicat sur le plan politique d'éliminer ou d'assouplir les lois sur l'usure. L'approche adoptée par les autorités sud- africaines, qui consiste à autoriser les prêteurs déclarés à appliquer des taux plus élevés (sans officiellement abolir les plafonds usuraires) a eu le 180 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE mérite d'accroître la transparence des opérations de prêt à taux élevé et d'offrir la possibilité d'empêcher les pratiques de prêt abusives, tout en permettant la poursuite d'activités efficaces de microfinance (Helms et Reille, 2004). La contribution des bailleurs de fonds : ressources, innovation, indépendance Quelle est la place des bailleurs de fonds externes ? Premièrement, bien sûr, ils peuvent apporter des ressources technologiques, humaines et financières. Outre le renforcement des capacités et d'autres aspects institutionnels, les bailleurs de fonds peuvent être des sources d'innovation et d'entrepreneuriat. Par ailleurs, en mettant à profit leur indépendance à l'égard des groupes d'intérêts locaux, ils peuvent offrir un degré de protection contre les pressions politiques et avoir un effet de modération. À ce titre, ils peuvent se permettre, contrairement aux gouvernements qui s'exposeraient ainsi à des risques, de s'engager plus profondément dans la voie de l'activisme. Cette observation est également valable pour un nombre croissant de prestataires étrangers de fonds destinés de manière générale à promouvoir le développement du secteur financier et de la microfinance (dons, prêts, garanties, fonds propres) qui n'appartiennent pas au groupe des bailleurs de fonds traditionnels et peuvent avoir des motifs plus commerciaux58,59. De nombreux exemples d'éléments de cette nature ont été donnés dans le présent chapitre. On pourrait y ajouter les participations au capital des petites banques et d'IMF africaines prises par la Société financière interna- tionale (SFI) et d'autres bailleurs de fonds. Les donateurs sont eux aussi touchés par les problèmes d'échelle, surtout lorsque (comme dans le cas de la SFI) les investissements ont un but lucratif. Les participations ont une valeur financière peu élevée et ne permettent pas de rembourser facile- ment les inévitables frais de gestion de base engendrés par leur évaluation et leur suivi. Il devient par conséquent important d'associer à la participa- tion purement financière un budget suffisant pour couvrir les dépenses de personnel, tout en perfectionnant les moyens d'évaluer la contribution de ces coûts au développement national. Les bailleurs de fonds doivent cependant être prudents. En raison de leur taille, ils avancent comme un éléphant dans un jardin : lorsqu'ils pro- cèdent à une opération, ils peuvent écraser les intervenants locaux. Com- ment peuvent-ils apporter leur aide tout en continuant d'encourager les prestataires privés de services financiers à mettre en place leurs propres technologies et à accroître l'offre de leurs produits sur le marché ? Com- ment peuvent-ils s'assurer que le coût de leur aide ne dépasse pas le mon- tant de l'aide inscrit au budget ? Quelques-unes des causes les plus cou- rantes d'effets secondaires préjudiciables et de dépassement budgétaire sont déjà bien connues des bailleurs de fonds et des bénéficiaires avec, en première ligne, les taux d'intérêt bonifiés. Les innovations en ce domaine ne sont pas toutes totalement sans LA FINANCE POUR TOUS 181 risques. Considérons, par exemple, les programmes de garantie de prêts qui sont de plus en plus populaires. Il ne faudrait surtout pas qu'ils deviennent tout simplement un moyen déguisé de fournir de facto d'importantes bonifications d'intérêt à des projets qui présentent en fait un risque de crédit élevé mais non admis60. Dans la mesure où la garantie ne sera pas réclamée avant des années, même s'ils sont inefficaces, les systèmes de ce type peuvent paraître performants pendant assez longtemps. Il est toutefois possible de structurer la garantie de manière à réduire les distorsions, par exemple en ne la faisant jouer que pour la première perte et seulement pendant une période donnée. Moins problématiques sont les interventions qui créent des conditions favorables, telles que celles -- comme le recommande Pearce (2003) -- qui établissent de liens entre les participants du secteur privé, encouragent les associations d'agriculteurs, offrent des services techniques de vulgarisation agricole et assurent des services de base de promotion de l'entreprise. En finançant les coûts de lancement et non les coûts marginaux, ces types d'interventions peuvent éviter les distorsions les plus préjudiciables. Il importe, dans le secteur financier comme dans les autres secteurs, d'explorer des approches novatrices pour résoudre le problème consistant à déterminer à qui doit revenir une subvention donnée (éventuellement en faisant appel à la concurrence entre les prestataires désireux d'obtenir la subvention). En fait, la contribution des bailleurs de fonds, notamment des intermédiaires financiers internationaux, à l'accroissement des flux de crédit au profit des petits emprunteurs est une question délicate car c'est souvent le parrainage de ces derniers qui a entraîné le développement des institutions de financement du développement défaillantes dans le passé. Les bailleurs de fonds tiennent, pour la plupart, à ne pas répéter les erreurs du passé. Il serait probablement souhaitable d'adopter une démarche plus participative pour la conception et l'évaluation des projets de rétrocession de fonds, pour tenter d'éviter que de tels projets ne soient compromis par le favoritisme dont pourraient faire preuve les prêteurs secondaires. À cette fin, il importe d'intensifier les efforts de renforcement des capacités et d'accorder une attention particulière à la structure des institutions. Enfin, les bailleurs de fonds doivent examiner ce qui se passe dans leur propre pays, en ce qui concerne notamment les envois de fonds internatio- naux. Faudra-t-il prendre des mesures réglementaires pour promouvoir la concurrence sur le marché des transferts des fonds vers l'Afrique et l'offre de services fiables mais bon marché ? La Commission européenne a réussi à assurer l'amélioration des technologies des paiements internationaux aux particuliers et à garantir aux consommateurs des prix plus faibles dans le contexte de la monnaie unique européenne. Pourrait-on reprendre ces idées pour les envois de fonds à destination de l'Afrique ? Notes 1. Porteous (2006a) analyse les raisons pour lesquelles les taux d'intérêt des IMF n'ont pas diminué avec le temps. 182 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE 2. Les données du site www.mixmarket.org montrent que pour les 57 plus impor- tantes IMF africaines qui communiquent leurs données à la base de données MIX, les frais de gestion moyens par emprunteur s'élevaient à 129 dollars (et la valeur médiane était de 58 dollars) en 2003. Avec des coûts unitaires si éle- vés, il est difficile pour les IMF de consentir des prêts de faible montant sans bénéficier de subventions explicites ou implicites. Il y a néanmoins des raisons de croire que le recours aux subventions diminue. Un plus grand nombre d'IMF font désormais état de leur rentabilité et, comme les bailleurs de fonds privilégient maintenant les financements sous forme de prêts et de participa- tions au capital, les donateurs accordent moins fréquemment de dons (Lafour- cade et al. 2005). 3. Cette catégorie recouvre les coopératives agréées et les ONG octroyant uni- quement des crédits, ainsi que les entreprises acceptant les dépôts. 4. Pour les bailleurs de fonds et leurs clients qui préfèrent se livrer uniquement au commerce de produits conformes à une interprétation stricte de la loi de la Sharia, il importe de faire appel à une gamme d'innovations différente. Les ex- perts islamistent affinent continuellement les produits conformes à la Sharia, pour qu'ils puissent, en général, remplir les mêmes fonctions que les instru- ments de financement fondés sur l'intérêt et les produits d'assurance conven- tionnels. Bien qu'elle s'accroisse, l'utilisation de ces produits en Afrique reste très limitée. Le site web du projet de financement islamique de Harvard Law School fournit de précieuses informations sur ce sujet : http://ifp.law.harvard.edu/. 5. Pour un examen général des problèmes actuels des services financiers en zones rurales, voir Kloeppinger-Todd (2005), Nagarajan et Meyer (2005) et Zeller (2003). L'étude plus technique présentée dans Conning et Udry (à pa- raître) est un examen fiable de l'économie actuelle des services financiers ru- raux dans les pays en développement, et contient de nombreux renvois à des études africaines. 6. Les négociants privés ont assumé ce rôle parce que les établissements paraéta- tiques se sont retirés du marché dans de nombreux pays. L'État kenyan, s'est par contre, lancé sur le tard dans cette activité et, en 1992, il a remplacé les usines de sucre comme principal fournisseur de facteurs de production à cré- dit aux petits exploitants du secteur sucrier : la situation s'est toutefois avérée internable car il a dû passer un volume de créances par pertes et profit, et il a cessé ses activités dans ce domaine au bout d'une dizaine d'années. 7. Comme les prêts pour l'achat de facteurs de production représentent en général une faible proportion de la valeur de la production finalement achetée, les prêteurs peuvent estimer que des taux d'abandon de créances même élevés sont tolérables. Il convient de noter que le risque de ventes occultes ne concerne essentiellement que les produits dont la chaîne d'approvisionnement ne comporte pas de goulet d'étranglement naturel. 8. Boot et Schmeits (2005) font valoir que (même s'ils ont perdu de leur impor- tance dans les pays avancés, sauf pour les très importantes transactions) les services bancaires fondés sur les relations demeurent l'un des facteurs primor- diaux de l'avantage concurrentiel des banques. LA FINANCE POUR TOUS 183 9. Les économies peu performantes ne sont pas les seules à recourir à ce type de services de prêt fondés sur les relations personnelles. Allen, Qian et Qian (2005) et Allen et al. (2006) notent l'importance de ce type de dispositif de crédit informel dans les économies chinoise et indienne en rapide expansion. 10. L'analyse microéconomique commence également à être appliquée à la der- nière série d'enquêtes sur le climat de l'investissement financées par la Banque mondiale ; voir Eifert, Gelb et Ramchandran (2006), et Moss, Ramachandran et Shah (2004). Sur la base de ces enquêtes, des rapports d'évaluation du cli- mat de l'investissement ont déjà été achevés pour une douzaine de pays afri- cains : Afrique du Sud, Bénin, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Madagascar, Mali, Maurice, Sénégal, Ouganda, Tanzanie et Zambie ; le rapport sur le Malawi de- vrait être bientôt publié (http://www.enterprisesurveys.org/ICAs.aspx). 11. Le concept de défaut de paiement excusable est également appliqué, avec de bons résultats, par l'une des banques de développement les plus efficaces du monde, à savoir la Bank for Agriculture and Agricultural Cooperatives (Thaï- lande) (voir Townsend et Yaron, 2001), voir aussi Conning et Udry (à paraître). 12. On a pu constater que, de manière générale, les réseaux de crédit de ce type se constituent au sein d'un même groupe ethnique, conformément à une autre stratégie d'adaptation des prêteurs dans un cadre des affaires difficile. En limitant leurs opérations à des membres de leur ethnie, les réseaux de crédit réduisent les possibilités de croissance et freinent l'augmentation de la productivité (Eifert , Gelb et Ramachandran 2006) : prôner un plus grand recours aux services de prêt fondés sur les relations personnelles ne revient en aucune façon à défendre de telles restrictions. 13. Le maintien d'un compte d'épargne auprès d'un intermédiaire financier offre aux ménages un moyen de protéger, dans une certaine mesure, leurs flux de consommation en cas d'urgence. Un ménage qui est victime d'un sinistre ou qui est confronté à des dépenses urgentes (médicaments, enterrement, etc.) ne peut pas éviter de subir une perte en termes de valeur actuelle nette totale, mais il peut éviter d'avoir à réduire sa consommation pendant un certain temps. Il serait aussi bon que les ménages puissent avoir accès à des crédits d'urgence. 14. Seules les très grandes entités comme l'État peuvent directement avoir accès aux marchés financiers internationaux de l'assurance, aux instruments dérivés sur matières premières et à d'autres produits. Par exemple, pendant la crise alimentaire de 2005-2006, le Gouvernement malawien a mis en oeuvre un méacanisme novateur de gestion des risques financiers associés aux mesures prises pour faire face à l'insécurité alimentaire, en acquérant des options d'achat adaptées sur le marché de gré à gré, sur la base des cours du marché à terme sud-africain (SAFEX), pour fixer le niveau plafond du prix des importations de maïs. Il est plus difficile de généraliser le recours à ces méthodes de gestion des risques dans l'ensemble de l'économie. 15. Il existe également des dispositifs d'assurance informels mais bien organisés, no- tamment pour couvrir le coût des funérailles en Afrique (cf. Dercon et al. 2004). 16. Bien que l'on mette ici l'accent sur l'assurance dans le domaine agricole, il faut savoir qu'il existe d'autres types de microassurance en Afrique. Une assurance- vie est souvent associée au microcrédit. Les sociétés d'inhumation, souvent 184 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE promues par les entreprises de services funéraires, sont extrêmement répandues en Afrique australe. Divers régimes de microassurance-maladie ont vu le jour, souvent gérés suivant des principes mutualistes, mais faisant également appel à la participation active des prestataires de soins de santé, lesquels ont besoin du parrainage et de l'appui des bailleurs de fonds. Ces régimes sont parfois associés à la microfinance -- en fait, certains préfèrent contracter des prêts d'urgence plutôt qu'une microassurance-maladie pour faire face aux problèmes de santé (voir McCord et Osinde, 2003 pour l'Afrique de l'Est et Louis, 2006 pour une intéressante étude de cas en français). Une série très utile d'études de cas, dont plusieurs réalisées en Afrique, sont accessibles à l'adresse www.microinsuancecentre.org. Voir également Preker (2005). 17. Par exemple, le suivi des prix des cultures permet aux agriculteurs de détermi- ner à quelle période ils doivent vendre leurs produits. Les agriculteurs ignorent souvent les prix du marché et ne peuvent par conséquent obtenir des prix équitables. La technologie de l'Internet peut permettre de remédier à la situa- tion. Les infokiosques installés dans le cadre de l'opération pilote « Drumnet » de PRIDE-Kenya offrent de tels services d'information, et pourraient à terme couvrir de plus vastes services, notamment de paiement, voire même de crédit. 18. Comme Rutherford (2001), il convient de distinguer entre les trois raisons pour lesquelles les pauvres peuvent vouloir constituer une épargne : premièrement, pour satisfaire aux gros besoins liés aux événements prévisibles du cycle de vie (naissances, décès, mariages, frais de scolarité, vieillesse, etc.), et pour faire face à l'irrégularité des rentrées de revenus (par exemple les recettes des récoltes saisonnières ou le produit de la vente d'un animal) ; deuxièmement, pour répondre aux situations d'urgence (maladie, traumatisme, perte d'emploi, guerre, inondation, etc.) ; et troisièmement, pour saisir des opportunités (démarrage d'une entreprise, acquisition d'actifs ou achat de postes de radio, de télévision, etc.). Les événements du cycle de vie sont assez prévisibles et la liquidité de l'épargne n'est guère préoccupante. En revanche, il importe de disposer de produits d'épargne liquide pour financer les situations d'urgence. Même si les ménages font preuve de la discipline nécessaire pour accumuler et conserver chez eux l'épargne dont ils auront besoin pour des raisons précises à un stade quelconque de leur vie, garder ses économies chez soi n'est pas une solution sûre, car les économies peuvent être utilisées pour effectuer des dépenses de consommation courante moins prioritaires, données à des parents, ou même être volées. (Le problème que constitue la perte d'économies est mis en évidence, dans le cas de l'Ouganda, par Wright et Mutesasira, 2001. Ceux-ci ont estimé que 99 % des épargnants du secteur informel avaient perdu une partie de leurs économies, et que ces pertes représentaient en moyenne 22 % du montant épargné au cours des douze mois précédents). Wright (2003) regroupe une série d'articles très utiles sur les mécanismes d'épargne financière en Afrique. Il convient cependant de noter que l'épargne de précaution non financière est importante en Afrique, comme l'ont montré les nombreuses études consacrées à cette question, comme celle de Kazianga et Udry (2005). LA FINANCE POUR TOUS 185 19. Les comptes chèques et les cartes de crédit représentent des techniques de paiement qui font appel au crédit et peuvent être moins adaptés à la situation des pauvres que les comptes d'épargne et les cartes de débit. 20. Les fortes disparités entre les niveaux de vie ont peut-être joué un rôle ici ; certaines banques ont pu chercher à obtenir des marges plus élevées en offrant à des clients appartenant aux tranches de revenus supérieures des services de haute qualité dans un cadre très confortable, très différent de celui des services bancaires destinés au grand public.Même lorsque ces banques auront pris conscience des profits que peuvent générer l'offre de services au grand public, elles pourront continuer de segmenter le marché en réservant à leurs clients nantis l'accès à des locaux luxueux. 21. Botswana Saving Bank utilise, non pas des antennes mobiles, mais des livrets d'épargne électroniques (ce qui réduit la fraude et accélère la prestation des services) qui sont utilisables avec des guichets automatiques peu coûteux et des appareils points de service installés dans certains bureaux de poste du pays. Ce service fait également appel aux moyens de télécommunication directs, fournis par un système par satellite qui permet de couvrir une bien plus grande partie du vaste territoire de ce pays qui se caractérise notamment par sa faible densité de population. 22. Bien avant qu'un plus grand éventail de banques sud-africaines ne commencent à proposer des comptes Mzansi dans le contexte de la Charte du secteur financier, Teba Bank avait mis au point un compte d'épargne rémunéré peu coûteux essentiellement pour les habitants à faible revenu des zones rurales sud-africaines qui n'avaient pas accès ou n'avaient qu'un accès très limité à des services bancaires. 23. Le système a été conçu par une équipe formée au départ par Hewlett Packard et comprenant des représentants d'ACCION International, Biz Credit, FINCA International, Grameen Technology Center, Freedom for Hunger, Global eChange, et PRIDE AFRICA (Firpo, 2005). 24. L'Afrique du Sud (Wizzit, MTN et Standard Bank) et le Kenya (Vodafone MPesa) disposent également de services bancaires par téléphone mobile. Leurs fonctionalités sont légèrement différentes (par exemple l'aptitude à fonctionner sur différents réseaux de téléphonie mobile) de même que leurs tarifs et les marchés ciblés (Porteous, 2006b). 25. Par exemple, on ne dispose pas de données récentes pour le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Kenya ou la République démocratique du Congo, pour ne ci- ter que les plus grands pays non pris en compte. 26. Outre l'envoi des fonds aux parents restés au pays, les émigrés peuvent faire des dépôts dans les comptes qu'ils maintiennent en leur nom auprès du sys- tème bancaire de leur pays d'origine. Le système des dépôts des Cap-Verdiens émigrés en est un exemple frappant puisque ces dépôts (subventionnés jus- qu'à une date récente) représentent 40 % de la masse monétaire M2 (Karpo- vicz, 2006). 27. La possibilité d'obtenir une notation de crédit favorable sur la base de trans- ferts de fonds réguliers disparaît essentiellement lorsque les fonds sont en- voyés à des guichets de retrait d'espèces comme le font les sociétés de transfert 186 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE d'argent, au lieu d'être virés sur des comptes ouverts par les bénéficiaires au- près d'une banque ou d'une IMF. 28. La société Ikobo a mis en place des services de transferts d'argent par carte de débit dans plusieurs pays africains. Ces services permettent aux personnes qui effectuent le transfert de recharger à distance la carte de débit Visa qui a été envoyée au bénéficiaire, et ce dernier peut alors immédiatement effectuer un retrait à un guichet automatique dans les villes africaines. Il semblerait que ces services soient légèrement moins coûteux que ceux des sociétés de transfert de fonds. Les codes d'utilisation, à des fins de recharge, de certains réseaux de téléphonie mobile africains peuvent également être achetés au Royaume-Uni et dans d'autres pays (et communiqués par téléphone au bénéficiaire). (Sur le continent africain, le temps d'utilisation peut parfois être transféré entre les comptes de différents utilisateurs, moyennant le paiement d'une commission peu élevée). 29. La base de données du CGAP a été complétée par Peachey et Roe (2005), qui y ont enregistré davantage d'établissements d'épargne. Les données présen- tées dans la présente étude reflètent également certaines précisions, notam- ment celles suggérées par Honohan, 2006. 30. Les estimations des taux globaux d'accès des ménages présentés au chapitre 2 ont donné lieu à l'utilisation d'une fonction non linéaire des nombres de comptes, ce qui devrait contribuer à réduire les distorsions mentionnées ici. 31. Fait intéressant, le ratio global dépôts/prêts des IMF (72 %) est beaucoup plus élevé en Afrique qu'ailleurs. En d'autres termes, la contribution nette des fonds extérieurs au financement du secteur est plus faible en Afrique. 32. Au vu des données disponibles sur les résultats financiers des principaux prestataires africains de services de microfinance, Robinson (2006,16) constate : « Qu'ils soient des organisations spécialisées ou des institutions polyvalentes, ces prestataires de services de microfinance se financent généralement sur le marché et sont financièrement autonomes. Ils ont le plus souvent d'importants actifs et affichent des taux élevés de remboursement. En outre, à l'exception des ONG, le nombre de leurs comptes d'épargne est généralement supérieur à celui des prêts en cours ». Robinson relève en outre que par rapport au très faible revenu national par habitant, le salaire des employés des prestataires africains est considérablement plus élevé que dans les autres pays, même si cela a pour contrepartie une productivité beaucoup plus forte, telle que mesurée par le nombre de clients par employé. 33. Les principes de la mutualité sont parfois résumés par les termes « démocratie, participation, solidarité, autonomie et responsabilité ». Ouattara, Gonzales- Vega et Graham (1999), entre autres, ont préparé des études de cas portant sur les institutions financières mutuelles africaines. 34. Les mécanismes traditionnels des petits groupes qui créent une obligation de prêt et imposent un échéancier de remboursement rigoureux font l'objet de critiques, leurs détracteurs faisant valoir qu'ils imposent des coûts de transaction inutiles. En outre, bien que les membres du groupe puissent avoir à terme la possibilité d'obtenir des prêts plus importants si l'ensemble du groupe rembourse à temps, le modèle ne tient pas compte de la manière dont les besoins des clients peuvent évoluer dans le temps. LA FINANCE POUR TOUS 187 35. Le modèle de la banque villageoise a été utilisé pour la première fois par FINCA et ACCION. Il s'appuie parfois, dans ce cas, en partie sur les structures de pouvoir du village. 36. Voir Basu, Blavy et Yuleck (2004) pour une utile vue d'ensemble. 37. Une récente analyse statistique des comptes de plusieurs centaines d'IMF du monde entier fait ressortir certains éléments communs intéressants (Cull, Demirgüc-Kunt et Morduch 2005). Les établissements qui prêtent à des individus (par opposition aux prêteurs villageois et aux entités octroyant des prêts collectifs) accordent généralement des prêts plus importants. Les revenus des prêteurs ne sont sensibles au niveau des taux d'intérêt que dans le cas de ceux qui accordent des prêts individuels. Il existe une relation positive entre le coût de la main-d'oeuvre et la rentabilité, mais encore une fois uniquement chez les prêteurs accordant des prêts individuels, ce qui permet de penser qu'ils tirent davantage profit d'une augmentation des dépenses qu'ils consacrent à la présélection des clients et au suivi des opérations que les institutions prêtant à des villages et à des groupes. Comme ils peuvent exploiter les économies d'échelle en consentant des prêts plus importants à leurs clients plus solvables, il est peu surprenant que leur clientèle compte une plus grande proportion de personnes moins pauvres. 38. Il est intéressant de noter que le montant de 300 dollars représente un pour- centage (89 %) du RNB par habitant qui est supérieur au pourcentage moyen observé en Asie, en Amérique latine ou dans la région Afrique du Nord et Moyen-Orient. Cette situation tient en partie aux plus faibles niveaux de reve- nu en Afrique. Certaines IMF africaines accordent cependant des prêts extrê- mement modestes. Le montant moyen des prêts d'ASSOPIL (Association pour la promotion des initiatives locales) au Bénin et de Bessfa RB au Ghana est de 35 dollars et 37 dollars, respectivement. La taille et la rentabilité de ces IMF s'expliquent par leur très forte productivité : on compte plus d'un millier d'emprunteurs par membre du personnel dans le cas d'ASSOPIL. 39. Il est révélateur, comme l'ont constaté Lafourcade et al. (2005, figure 8), que les charges d'exploitation représentent une proportion beaucoup plus grande de l'actif total dans les pays d'Afrique australe et de la région de l'océan Indien que dans le reste de l'Afrique. Il est possible que les dépenses de personnel soient considérablement plus élevées en Afrique australe et dans l'océan In- dien par rapport à la taille moyenne des prêts. 40 Les associations de garantie mutuelle (formées suivant le modèle mis au point sur le continent européen de l'après-guerre) ont commencé à apparaître dans certains pays africains (De Gobbi, 2003). Ces associations, parrainées tantôt par des banques et tantôt pas des associations professionnelles, et bénéficiant parfois d'un appui concret des gouvernements, sont un moyen par lequel des groupes de PME exploitent leurs connaissances spéciales sur la solvabilité des membres pour garantir les emprunts de ceux-ci auprès des banques et d'autres intermédiaires financiers. 41. D'autres réseaux de mutuelles se sont créés autour d'un solide noyau, comme PAMECAS au Sénégal qui, comme le montre son ancien nom d'où est tiré son acronyme (Projet d'appui aux mutuelles d'épargne et de crédit au Sénégal), était au départ une initiative parrainée par des bailleurs de fonds. 188 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE 42. Entre autres, l'ARB Apex Bank exploite un système très efficace de paiement de masse pour le compte des banques rurales. 43. Fait quelque peu surprenant, il ne semble exister aucune institution faîtière correspondante pour les 700 banques communautaires du Nigéria (Charito- nenko, 2005). 44. Si la plupart des intermédiaires financiers classiques embrassaient les principes du financement viable, leur contribution serait plus importante. Wood et de Cleene (2004) présentent des arguments détaillés et intéressants en faveur d'une telle démarche. 45. En octobre 2003, en réaction aux pressions politiques exercées ou anticipées, les institutions financières sud-africaines ont adopté une charte -- Black Economic Empowerment Charter -- qui recouvre des mesures visant à faciliter l'accès des ménages à faible revenu aux services bancaires, notamment en leur permettant d'avoir un compte de dépôt simplifié (le compte Mzansi) qui ne donne lieu au prélèvement que de faibles commissions et qui n'offre pas de facilité de découvert (les découverts peuvent devenir excessivement coûteux lorsque les pauvres y ont recours en cas d'imprévus). Quelques-unes des techniques qui ont été adoptées pour mettre cette charte en application commencent à être utilisées dans d'autres régions du continent. 46. La Barclays Bank a récemment poursuivi une opération novatrice, se démar- quant de son image quelque peu conservatrice, en lançant au Ghana une ini- tiative pilote consistant à octroyer des microcrédits aux percepteurs susu pour que ceux-ci les rétrocèdent à leurs clients. Ghana Cooperative Susu Collectors Association, structure faîtière autorèglementée des percepteurs susu a identi- fié 100 de ses 4 000 membres pour participer à l'opération pilote et à procéder à un examen préliminaire de ces emprunteurs. Ghana Microfinance Institu- tions Network (GHAMFIN) a facilité le renforcement des capacités des percep- teurs susu et organisé un programme de formation financière de base destiné à ceux qui seraient les emprunteurs finaux. Notant dans un communiqué de presse que les activités des percepteurs susu au Ghana forment la contrepartie d'une économie de 75 millions de livres sterling (équivalant à près de 2 % du PIB) « qui prospère sous le radar des services banquiers traditionnels », Bar- clays semble faire valoir que le programme pourrait être rentable à grande échelle (http ://www.ghamfin.org/). 47. L'éducation et l'investissement dans le capital humain sont indispensables à l'adoption de technologies financières. Les connaissances codifiées, par exemple au niveau des outils d'évaluation de la solvabilité ou d'octroi de prêts hypothécaires, exigent la combinaison d'importants niveaux de capital hu- main et de savoir tacite comme l'aptitude à utiliser les technologies de l'infor- mation et de la communication, ainsi que des capacités organisationnelles et de gestion adéquates. 48. À l'opposé, on a pu observer les effets préjudiciables de quelques politiques gouvernementales bien intentionnées, comme la fourniture gratuite d'engrais par l'État à certains cultivateurs de maïs en Zambie, qui a irrémédiablement compromis un mécanisme prometteur d'octroi de crédits aux taux du marché pour l'achat d'engrais (Ruotsi, 2003). LA FINANCE POUR TOUS 189 49. Pour déterminer l'utilisation optimale des ressources, il est nécessaire de prendre en considération non seulement l'efficacité probable de la dépense proposée (en tenant compte du risque moral et d'autres effets secondaires im- prévus qui sont potentiellement nuisibles), mais aussi le coût d'opportunité (c'est-à-dire la valeur des autres utilisations possibles des fonds publics). 50. L'expérience menée à la fin des années 70 et dans les années 80 à laquelle il est souvent fait référence et qui a consisté à obliger les banques désirant étendre leurs activités dans les villes de développer dans la même proportion leur ré- seau de succursales rurales (Burgess et Pande, 2004) illustre bien ce point. Rares sont les villes africaines où la perspective d'ouvrir une agence supplé- mentaire est assez attrayante pour inciter le banquier à ouvrir également une agence en zone rurale : une telle politique risque d'avoir l'effet inverse et de réduire de manière générale l'accessibilité et le nombre d'agences. 51. Parmi les plus actives, on peut citer les banques centrales de l'Ouganda, de la Tanzanie, du Kenya, de la Gambie, de l'Éthiopie, et les deux unions moné- taires de la zone CFA. 52. Chiumya (2006) présente une intéressante étude de cas axée sur ces préoccupations. 53. Même une institution aussi importante au plan national que FECECAM, qui compte près d'un demi-million de bénéficiaires, attire des dépôts qui ne représentaient qu'environ 7 % des dépôts bancaires la dernière année examinée. Cela ne signifie toutefois pas que les institutions ciblant leurs efforts sur la microfinance affichent globalement des engagements négligeables. Par exemple, les entités ci-après figurent parmi les sept plus grands intermédiaires de leur pays si l'on se base sur le montant total des dépôts : FECECAM (Bénin), Faîtière des Unités Coop ­FUCEC (Togo), Fédération nationale des Coopératives d'épargne et de crédit ­ FENACOOPEC (Côte d'Ivoire), Crédit mutuel (Sénégal), Kafo Jiginew et Nyesigiso (Mali), Réseau des caisses populaires du Burkina ­ RCPB (Burkina Faso), Cameroon Cooperative Credit Union League ­ CAMCCUL et Union Bank (Cameroun), et Bank of Africa (Madagascar). De nombreuses IMF importantes empruntent également des montants substantiels auprès de banques. 54. En Afrique du Sud, les propositions visant à créer deux nouvelles catégories de banques « de base » et « restreintes » ont des raisons d'être quelque peu similaires, bien qu'elle soit davantage motivée par le sentiment que les normes de capital minimum actuelles des banques font obstacle à l'accès de nouveaux clients à faible revenu aux services bancaires de détail. Le capital minimum requis des banques appartenant aux nouvelles catégories proposées serait plus faible puisqu'il serait de 50 millions et de 10 millions de rands sud-africains respectivement, contre 250 millions de rands pour une banque universelle. Pour l'essentiel, les banques de base pourraient offrir, en sus des services de transaction, des services de dépôts et des prêts garantis, tandis que les banques restreintes ne pourraient qu'accepter des dépôts. L'intérêt de cette segmentation réglementaire complexe en ce qui concerne l'élargissement d'un accès viable et socialement utile dépendra des réalités nationales (Finmark Trust, 2005). 190 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE 55. De nombreux organismes de réglementation des IMF africaines s'inquiètent de la prolifération de petits prêteurs se faisant passer pour des IMF, mais opé- rant à la manière traditionnelle des prêteurs informels. Comme dans le passé, le fait qu'il existe un marché pour les services de ces prêteurs témoigne des li- mites de la finance formelle. 56. Les innovations électroniques et celles qui font appel à la téléphonie mobile soulèvent d'importantes questions réglementaires, examinées par Porteous (2006b) qui souligne à quel point il est souhaitable que le cadre réglemen- taire soit ouvert à l'innovation et stable, afin de donner aux innovateurs la confiance nécessaire pour effectuer l'investissement initial. Certaines régions d'Afrique étant proches de la frontière technologique à divers titres, les res- ponsables de la réglementation des économies avancées seront probablement aussi confrontés à la rapide évolution de ce domaine. 57. Voir la circulaire de la Banque centrale du Nigéria en date du 23 avril 2004 à l'adresse : http://www.cenbank.org/out/circulars/bsd/2004/bsd-02-2004.pdf. 58. Un important exemple de ce nouveau type de bailleur est le Fonds pour le cli- mat d'investissement en Afrique (http ://www.investmentclimatefacility.org/), initiative conjointe à laquelle participent plusieurs gouvernements nationaux ainsi que de grands groupes de sociétés multinationales. Opérant avec l'appui de l'Union africaine dans le cadre du processus du Mécanisme d'examen par les pairs du NEPAD, le Fonds a fait des marchés des capitaux l'un des huit de ses domaines prioritaires, et il a été explicitement constitué pour exploiter ce potentiel. 59. En ce qui concerne la microfinance, 11 principes clés ont été approuvés par le Groupe des Huit, par les 33 bailleurs de fonds membres du CGAP, et par de nombreuses autres entités : ils sont présentés sur le site http://www.cgap.org/portal/site/CGAP/menuitem.64c03ec40a6d295067808 010591010a0/. Les directives adoptées collectivement pour les bailleurs de fonds de la microfinance sont présentées à l'adresse http://www.cgap.org/por- tal/binary/com.epicentric.contentmanagement.servlet.ContentDeliveryServ- let/Documents/donorguidelines.pdf. 60. Certains bailleurs de fonds (par exemple U. S. Agency for International Deve- lopment) ont recours à des programmes de promotion de l'entreprise (comme celui actuellement mis en oeuvre par Chemonics en Ouganda) conjointement à leurs programmes de garantie des prêts, dans le but de réduire les risques des projets et d'en faciliter l'évaluation. Il sera intéressant de voir les résultats que produira ce modèle. CHAPITRE 5 Choix de politiques dans les conditions actuelles Introduction : La vision Des services financiers appropriés, accessibles et viables Les chapitres précédents ont permis de voir comment les systèmes finan- ciers des pays africains pourraient évoluer au cours des prochaines années pour devenir un secteur financier offrant une gamme de services plus ap- propriés, accessibles et viables dont les économies et les sociétés africaines ont besoin. Cette évolution implique l'existence d'un plus grand nombre d'intermédiaires financiers soutenus par des propriétaires solides et de bonne réputation, ayant des structures dirigées par un personnel qualifié, et qui se font concurrence de façon active et novatrice, sur la base d'un contrôle rigoureux des coûts et de la connaissance du marché local et des conditions qui y prévalent. Cela implique également l'existence d'un envi- ronnement propice pour un système financier solide -- les cadres juri- diques et les systèmes d'information nécessaires aux droits de propriété, susceptibles d'appuyer les contrats financiers. Les entreprises modernes qui produisent pour les marchés locaux et in- ternationaux à des niveaux élevés de productivité ont besoin de certains de ces services. Ce n'est qu'au prix d'une augmentation du nombre et de la taille de ces entreprises que les économies africaines peuvent espérer, à la fois, absorber le nombre sans cesse croissant de jeunes qui entrent dans la vie active au cours des prochaines années1 et générer suffisamment de revenus pour sortir ceux-ci de la pauvreté absolue. Des systèmes financiers seront également nécessaires pour offrir à petite échelle des services en toute sécurité et à un coût abordable en vue de satisfaire les besoins des ménages à faible revenu, des microentreprises et des petits exploitants qui pratiquent l'agriculture de subsistance. Ces 191 192 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE services (avec des améliorations précises dans d'autres secteurs) permet- tront aux pauvres de s'assurer que la nouvelle génération a l'état de santé et le niveau d'instruction nécessaires pour mettre pleinement à profit les opportunités créées par le secteur moderne en expansion2. Il n'est pas nécessaire de choisir entre la croissance et les services La dichotomie entre les services financiers consacrés à la croissance et ceux consacrés aux services était assez claire par le passé en ce qu'elle permet- tait de distinguer quelle institution s'occupait de quel marché. Mais cette distinction est de moins en moins marquée et la tendance va se poursuivre. L'une des raisons est l'existence du marché intermédiaire, constitué de pe- tites et moyennes entreprises qui opèrent actuellement en marge de l'éco- nomie formelle et qui sont souvent considérées par les banques commer- ciales comme des entités informelles ne présentant aucun intérêt pour elles. Ainsi, ces entreprises doivent prendre de plus en plus d'ampleur en termes de pratiques commerciales -- notamment dans le domaine de la comptabilité et de la collaboration avec les structures officielles -- et accé- der en fin de compte à un niveau supérieur de productivité et de compéti- tivité. L'autre raison tient au fait que la prise de conscience croissance de la possibilité de générer des profits au bas de la pyramide fera en sorte que les intermédiaires financiers formels cibleront désormais une clientèle moins riche alors que les structures spécialisées en microfinance évolueront en sens inverse. Ainsi, comme c'est de plus en plus la tendance dans certains pays, certaines institutions de microfinance se transformeront en banques et certaines banques deviendront des chefs de file dans le compartiment des services financiers aux groupes à faible revenu. Parallèlement, l'entrée en scène des intermédiaires financiers solides qui recherchent des emplois rentables et sûrs pour leurs fonds offrira aux entrepreneurs dynamiques un moyen de trouver les financements nécessaires à leur croissance sans verser dans le clientélisme politique ni conclure des alliances défavorables avec les établissements en place. Les administrations sont mieux équipées pour faciliter le fonctionnement des marchés que pour y participer Si cette conception accorde un rôle majeur aux activités privées -- ce qui reflète l'opinion selon laquelle le secteur financier est particulièrement sensible aux conséquences négatives et imprévues de l'intervention irra- tionnelle de l'État et des milieux politiques -- l'État a un rôle de premier plan à jouer pour que cette conception soit traduite dans les faits. Comme il a été souligné tout au long du présent rapport, la mission la plus grati- fiante de l'État n'est pas celle d'essayer de se substituer au marché, mais au contraire, c'est de favoriser et d'encourager le bon fonctionnement du marché en créant un cadre global et en mettant en place, au niveau inter- médiaire, les infrastructures spécifiques dont les acteurs du marché ont be- soin. Les activités des bailleurs de fonds sont souvent importantes en ce qu'elles influencent la formulation des politiques gouvernementales, ne CHOIX DE POLITIQUES DANS LES CONDITIONS ACTUELLES 193 serait-ce qu'au niveau technique ; ainsi, les bailleurs de fonds doivent, eux aussi, envisager comment contribuer à la réalisation de cette vision. De la conception au choix de politiques Le but du présent rapport était d'examiner attentivement les défis posés à la politique du secteur financier des pays africains et les opportunités qui lui sont offertes. Il devrait maintenant ne plus faire de doute que la dé- marche adoptée ne conduit pas à l'établissement d'une liste de contrôle succincte d'activités facilement réalisables. Toute liste de contrôle peut pa- raître à la fois d'une longueur déprimante et pleine d'activités difficilement réalisables. En effet, la plupart des pays africains, au cours des deux dernières dé- cennies, ont entrepris de réformer les lois fondamentales qui régissent les activités des banques et de la banque centrale, ainsi que celles qui régissent les marchés de titres et de l'assurance. Certains de ces pays ont promulgué des lois qui définissent et clarifient le fonctionnement des fonds communs de placement, des sociétés de crédit-bail et des systèmes de paiement à la grosse clientèle, entre d'autres, pour que les intermédiaires concernés puissent exercer leurs activités sans craindre que l'absence de sécurité juri- dique n'ait des conséquences inattendues. Les lois qui régissent l'utilisa- tion moderne des garanties et l'insolvabilité ont également été examinées, tout comme, évidemment, l'a été l'ensemble du domaine controversé des droits de propriété et des droits fonciers. Tous ces efforts sont cruciaux pour l'amélioration de la sécurité juridique sans laquelle la signature des contrats financiers constituerait un gros risque pour toutes les parties. En attendant, il a fallu concevoir des structures de réglementation et les doter d'un personnel bien formé, appelé non seulement à servir dans les banques, mais aussi à gérer les institutions de microfinance dont les clients ont très peu de chance d'évaluer la solvabilité. Les banques en difficulté ont dû être restructurées, recapitalisées et confiées à des entités de bonne réputation en matière de gestion. Toutes ces mesures sont nécessaires et ne sont, dans la plupart des cas, réalisées qu'en partie. Chaque étape comporte une partie technique, mais la plupart des mesures impliquent aussi des choix tactiques et politiques. Faut-il bloquer l'entrée de nouvelles entités pour permettre à celles en place de se consolider ? Doit-on donner la préférence aux entités contrôlées par des intérêts nationaux par opposition aux intérêts étrangers dans l'espoir qu'elles agissent dans l'intérêt national ? La question des finances est-elle réellement si sensible que toute mesure doit être fondée sur les normes les plus complexes en vigueur, ou les raccourcis sont-ils autorisés et opportuns ? Ce rapport propose des éléments de réponse, ou tout au moins, suggère une démarche face à de telles questions tactiques. Ainsi, un fil conducteur à trois volets sous-tend le débat de politique générale qui fait l'objet du présent rapport : 194 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE · Premièrement, sans pour autant négliger le long terme, l'on peut em- prunter des raccourcis pour permettre aux systèmes financiers africains d'offrir plus rapidement les services les plus essentiels, sans compromettre la stabilité et l'efficacité. · Deuxièmement, l'ouverture à ce que le monde extérieur peut offrir, que ce soit sous forme de coopération régionale au niveau des politiques ou de prestation des services par des entités étrangères. · Troisièmement, l'importance de la prise en compte de l'ouverture en tant qu'objectif dans l'élaboration des politiques. Raccourcis La base de toute vision cohérente de ce à quoi un système financier afri- cain devrait aspirer est certainement établie, dans une large mesure, par les résultats obtenus par les pays développés3, en s'ancrant sur des bases so- lides dans les domaines du droit et de l'information. Le programme moder- niste évoqué plus haut est ce dont on a besoin à long terme. Les conseillers extérieurs (y compris la Banque mondiale) consacrent la majeure partie de leur temps à discuter avec les décideurs de la manière d'étoffer ce pro- gramme et d'aider à le concrétiser à la longue. Et ceci à juste titre car un grand nombre d'aspects demandent du temps pour être mis en place. C'est la raison pour laquelle il est important de lancer ce programme, mais aussi de rechercher des raccourcis et de s'assurer qu'une priorité suffisante est accordée à des mesures susceptibles de produire des résultats rapides. Suggérer que les infrastructures d'information peuvent présenter des avantages plus importants que la réforme de l'encadrement juridique dans les pays à faible revenu qui ont des lacunes notables en matière de gouver- nance est une illustration de tels raccourcis, qui impliquent des choix à opérer et des priorités à définir comme c'est le cas entre les différents élé- ments du programme moderniste. Un autre exemple réside dans l'idée que l'on pourrait réglementer plus efficacement le marché de titres dans la plupart des pays africains si l'on commençait par des règles moins strictes, suivant le modèle du second marché des pays développés. De même, il est conseillé d'éviter, pour le moment, d'appliquer la plupart des variantes du dispositif de Bâle II sur la réglementation bancaire qui peuvent rendre les choses plus complexes. Dans l'ensemble, il y a lieu de reconnaître, plus que l'on ne l'a fait jusqu'à présent, l'intérêt qu'il y aurait à adapter les dispositifs réglementaires aux besoins et moyens locaux. Toutefois, l'adaptation ne doit naturellement pas être une excuse pour ouvrir, de façon plus ou moins délibérée, une brèche pouvant faciliter le retour des négligences et des délits d'initié qui se sont soldés, dans le passé, par la faillite de nombreux intermédiaires financiers. CHOIX DE POLITIQUES DANS LES CONDITIONS ACTUELLES 195 On peut considérer le programme activiste comme étant en majeure partie un raccourci dont les systèmes financiers plus évolués ont moins be- soin (quoique même ceux-ci souffrent des dysfonctionnements du marché qui doivent être corrigés, comme cela a été mentionné). Ainsi, la proémi- nence du programme activiste va probablement diminuer au fil du temps, à mesure que se corrigeront les lacunes structurelles. Pour le moment, tou- tefois, il faut déployer des efforts pour mettre en place un système finan- cier efficace. Les choses ne se feront pas d'elles-mêmes. Cependant, il est crucial de renforcer la gouvernance là où s'expérimente le programme activiste. Si les institutions publiques de financement du développement (et les mécanismes de garantie des crédits) ont échoué dans le passé faute de gouvernance suffisante, il ne faut perdre de vue le fait que les caisses de sécurité sociale, récemment encouragées à contribuer à l'offre des services de financement à long terme et de financement du risque pourraient bien glisser sur la même pente si leur bonne gestion n'est pas assurée. Organismes extérieurs À plusieurs reprises au cours de l'exposé, nous avons soutenu que les or- ganismes extérieurs peuvent pallier les insuffisances dont souffrent cer- tains pays. Ils peuvent offrir une meilleure gouvernance parce qu'ils sont à l'abri des pressions politiques nationales. Ils peuvent aussi offrir des méca- nismes de partage des risques et éviter les déséconomies liées à la petite taille des pays. Ils peuvent enfin apporter la technologie et aider à renfor- cer le capital humain. Cette remarque s'applique aux organisations régio- nales, aux intermédiaires financiers et marchés contrôlés par des intérêts étrangers et aux bailleurs de fonds. Explorer les avantages potentiels de l'internationalisation, que ce soit au plan régional ou mondial, doit être un élément à prendre nécessairement en compte dans la conception des politiques applicables à tout aspect des systèmes financiers des pays africains. L'amélioration recherchée peut-elle être réalisée plus efficacement ou à moindres frais par une certaine forme de sous-traitance ou par la coopération régionale ? Ce qui est « étranger » n'est pas forcément « bon », même en matière de finance, et il faut soi- gneusement évaluer les revers potentiels, que ce soit en termes de coûts importants de coordination au niveau régional ou de la volatilité macro- économique excessive qui pourraient résulter de la libéralisation préma- turée du compte de capital. Mais dans de nombreux cas, sinon dans la plu- part, les avantages dépassent facilement les coûts et de nombreuses objections (telles que la crainte que les nationaux ne vont pas acquérir les compétences nécessaires si les services sont fournis par des entités étran- gères) se révèlent, à l'examen, être sans fondement. Ici, dissiper les doutes populistes constitue un défi pour les conseillers et encore plus pour la clas- se politique du pays. 196 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Ouverture Bien que cela ne soit pas évident, la réforme classique du système financier est une entreprise potentiellement radicale, qui peut aller à l'encontre des intérêts en place car elle transforme l'économie et la société en offrant des opportunités à tous. Qui peut douter que de telles transformations sont né- cessaires dans la plupart des économies africaines aujourd'hui ? L'unique type de société qui pourra prospérer au cours des décennies à venir est une société dans laquelle tous ont clairement intérêt à garantir une croissance économique durable, que ce soit au niveau des élites existantes, qui éla- borent les politiques, ou au niveau des pauvres dont l'avenir peut être consi- dérablement amélioré seulement à travers l'assurance d'une part raison- nable des retombées de la prospérité générale. Par conséquent, l'ouverture est également un critère qui doit servir à évaluer les choix de politiques. Faciliter la prestation des services de microfinance à une clientèle plus large nécessite des mesures de la part non seulement des pouvoirs publics qui doivent s'assurer que les innovateurs ne sont pas freinés par des règles intempestives, mais aussi des entités de parrainage et des intermédiaires. Ces derniers doivent innover pour réduire les coûts unitaires et surmonter les difficultés liées à l'échelle d'activité et à l'éloignement. Ils doivent aussi veiller à ce que les innovations efficaces soient durables et amplifiées, et contribuer ainsi à atteindre l'objectif d'ouverture en évitant le syndrome des initiatives répétées à petite échelle qui s'essoufflent parce qu'il est moins fascinant d'assurer le suivi que d'innover. L'ouverture se fait aussi en assurant l'existence d'un nombre suffisant de prestataires de services compétitifs. Autrement, les entités en place se limiteront aux clients qui sont les plus faciles à servir. Au lieu de protéger ces entités contre les nouveaux venus, plusieurs décideurs africains -- bien que pas tous ­ sont sagement favorables à l'entrée de prestataires de ser- vices de bonne réputation. Où doivent commencer les pouvoirs publics ? -- Deux objectifs réalisables Chaque pays qui a participé au Programme d'évaluation du secteur finan- cier (FSAP)4 de la Banque mondiale et du FMI sait bien qu'il peut être par- ticulièrement ardu de rendre les dispositifs juridiques et réglementaires conformes aux « pratiques optimales » -- telles que définies par les orga- nismes internationaux de réglementation et par les experts. En effet, pour beaucoup de pays dont les ressources administratives sont limitées, c'est une tâche impossible à accomplir à court terme. Il ne s'agit pas simplement d'ajuster des lois et de modifier les institutions (au niveau des systèmes des tribunaux, des registres, etc.). Cela peut aussi entraîner des bouleverse- ments politiques à cause des changements des rapports de force qui pour- raient en résulter. Il est donc nécessaire de définir les priorités. Il existe CHOIX DE POLITIQUES DANS LES CONDITIONS ACTUELLES 197 deux options importantes qui peuvent déboucher sur des résultats très positifs (politiques ou administratifs) à un coût relativement faible. Stimuler le flux des crédits par la consolidation des registres et la rationalisation des procédures judiciaires Étant donné que la forte liquidité va fréquemment de pair avec la crise du crédit -- des banquiers dans certains pays découragent activement les dé- pôts, les taux de dépôts diminuent et les spreads augmentent -- l'améliora- tion des conditions qui favoriseront l'augmentation des flux de crédit sur le marché intermédiaire pourrait être la première priorité de la plupart des éco- nomies africaines. Un aspect de la solution est l'utilisation plus innovatrice des technologies de prêt dont certaines ont été examinées au chapitre 4. Mais, cette solution se trouve en très grande partie entre les mains des in- termédiaires eux-mêmes. Que peuvent faire les pouvoirs publics ? Dans la mesure où les opérateurs économiques sont désormais plus libres de déter- miner leurs taux d'intérêt dans beaucoup de pays africains et compte tenu des taux d'inflation beaucoup moins élevés, la répression financière et l'instabilité macro-économique ne peuvent plus figurer au premier rang des obstacles à l'accroissement des crédits bancaires -- bien que la situa- tion actuelle puisse changer et nécessite une vigilance constante de la part des décideurs. Par contre, un certain nombre d'autres mesures dont plu- sieurs ont déjà été mentionnées au chapitre 3 revêtent plus d'importance. L'application de ces mesures contribuera à stabiliser et à développer le système financier. Le fonctionnement des registres (registres fonciers, registres des reven- dications liées aux biens meubles, registres des cotes de crédit) doit être amélioré presque partout. Dans de nombreux cas, cette amélioration in- clut la promulgation de textes législatifs d'accompagnements, notamment les textes spéciaux nécessaires pour régir le crédit-bail et l'expansion du marché hypothécaire. Ces aspects méritent aussi d'être pris en compte dès le début. En effet, certains pays africains ont récemment engagé des ac- tions vigoureuses allant dans ce sens et l'on aura bientôt l'occasion de faire le point à un niveau pratique sur le degré de succès enregistré dans ce domaine (comme dans d'autres domaines précis) afin de tirer des ensei- gnements d'une telle évaluation pour en déduire ce qui convient le mieux à l'Afrique. La Banque mondiale a prévu de faire un tel bilan dans un proche avenir. L'amélioration des procédures juridiques représente, bien entendu, un défi plus exaltant. En particulier, les progrès en matière de réforme seront lents là où la corruption a envahi les tribunaux. Toutefois, quelques chan- gements simples des procédures peuvent aider. Les procédures juridiques inefficaces derrière lesquelles les emprunteurs défaillants (ceux qui peuvent, mais ne veulent pas rembourser) se cachent peuvent être modifiées -- et ceci, une fois de plus, au prix d'une nouvelle législation et 198 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE d'autres mesures. La qualité des décisions rendues par les tribunaux peut être améliorée par la formation et, peut-être, la création des tribunaux spéciaux de commerce. Cette tâche n'est pas négligeable. Certaines parties intéressées peuvent provoquer l'opposition populiste à toute réforme en faveur des créanciers et les réformes ne seront probablement pas mises en oeuvre si elles ne bé- néficient pas d'un appui politique solide et subtil. L'intégration de telles ré- formes dans une stratégie nationale d'expansion de la microfinance pour- rait être un des moyens de créer le consensus autour de cet aspect du programme moderniste5. Instituer un contrôle indépendant Un organisme de contrôle sans autonomie politique peut être pire qu'in- utile, en particulier s'il protège les établissements inefficaces en place contre la concurrence. Par exemple, à présent, les lois régissant l'activité des banques commerciale et de la banque centrale dans de nombreux pays africains ne donnent pas à l'autorité monétaire ou au régulateur du secteur bancaire une indépendance opérationnelle suffisante vis-à-vis des politi- ciens -- et des banques -- pour lui permettre de faire un travail efficace. L'importance d'une telle indépendance n'était pas encore évidente lorsque ces lois -- généralement calquées sur celles du Royaume-Uni et de la Fran- ce qui ont depuis lors été révisées -- ont été promulguées6. Cela étant, concentrer trop de pouvoir discrétionnaire aux mains du ré- gulateur bancaire peut aussi être préjudiciable, et l'indépendance de l'au- torité monétaire présuppose l'existence d'une presse libre et d'une opinion publique informée. L'éthique de responsabilité va nécessairement de pair avec l'indépendance. L'éthique de responsabilité exige une compréhen- sion claire des objectifs du régulateur (comme de ceux de l'autorité moné- taire). Ces objectifs devraient envisager de faciliter l'entrée d'intermé- diaires solides sur le marché, améliorant de ce fait la concurrence. Pour éviter les crises systémiques, il faudrait créer les conditions permettant de compter davantage sur la discipline du marché, en complément des mécanismes officiels de contrôle, ce qui devrait contribuer à améliorer les résultats. Pour pouvoir être indépendantes, l'entité de régulation du secteur ban- caire et les autorités monétaires doivent avoir des compétences et la capa- cité administrative nécessaires. C'est là un équilibre subtil à réaliser. Dans le cas de l'entité de régulation du secteur bancaire, l'avantage marginal d'avoir un personnel de contrôle supplémentaire formé et expérimenté peut sembler insignifiant dans les années entre les crises, mais il est des plus avantageux d'avoir un personnel capable de juguler une crise nais- sante, ou de s'attaquer à la crise quand elle survient. C'est une raison pour préconiser la mise en place des mécanismes de coopération régionale dans la réglementation bancaire (comme on l'a vu plus haut). Quant aux CHOIX DE POLITIQUES DANS LES CONDITIONS ACTUELLES 199 autorités monétaires, la banque centrale de nombreux pays africains semble être l'organisme le mieux équipé, généralement en raison de la na- ture de son bilan et de sa capacité à puiser dans les profits de la frappe des monnaies pour couvrir les dépenses d'administration. D'une part, ces res- sources servent parfois à créer un pôle d'excellence pour orienter une vaste gamme de politiques financières, et pas seulement la politique moné- taire. D'autre part, certaines de ces institutions auraient peut-être été bien avisées de faire preuve de plus de modération dans la mise sur pied de leurs services. D'autre banques centrales peinent après avoir eu à faire face aux frais liés à une crise bancaire ou budgétaire et ne jouissent plus d'une indépendance financière, et encore moins opérationnelle ou en matière de politique. Quant à la règlementation du secteur financier non bancaire, une lé- gère libéralisation du marché de capitaux peut être indiquée pour de nom- breux pays africains. Et, bien que les marchés de l'assurance et des pen- sions soient de plus en plus importants, la complexité de la comptabilité applicable aux assurances et la taille encore modeste de ce marché per- mettent de reconnaître qu'il ne serait peut-être pas possible de doter l'organe de réglementation d'un effectif suffisamment important pour avoir toutes les chances de prévenir les abus. Dans ce secteur, le principe de caveat emptor doit demeurer important. La conception d'une règlementation prudentielle pour le secteur de la microfinance est devenue l'objet d'une grande controverse ces dernières années, malgré l'accord sur quelques principes consensuels. Les princi- paux problèmes semblent résider dans la diversité et la multiplicité des ins- titutions de microfinance et une tendance pour les entités de réglementa- tion nouvellement établies à intervenir à outrance et à se livrer à la microgestion. L'élaboration des politiques dans la plupart des pays africains peut se fonder sur deux présomptions utiles : a) les institutions de microfi- nance qui n'acceptent pas de dépôts n'ont pas besoin d'une réglementa- tion prudentielle ; et b) la délégation des activités de suivi aux institutions de tutelle des réseaux de mutuelles ou de coopératives peut permettre de réduire la charge du contrôle à un niveau pratique. Enfin, la conception de la réglementation doit tenir compte du fait que les banques (qui évoluent vers une clientèle moins nantie) et les institutions de microfinance (qui évoluent vers une clientèle plus riche) rivaliseront de plus en plus sur le marché intermédiaire. La règlementation des deux marchés sur lesquels interviennent ces deux catégories d'institutions devrait favoriser une saine compétition entre elles. Données initiales contrastées Étant donné que les conditions initiales sont différentes dans les pays afri- cains, une seule solution serait-elle efficace partout ? Oui et non : oui, dans la mesure où l'objectif est de compter essentiellement sur un système 200 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE financier autonome, reposant sur les forces du marché, pour prendre la plupart des décisions importantes en matière d'affectation des ressources dans l'économie ; non, dans la mesure où ce serait une erreur de transpo- ser certaines pratiques précises (telles que la nouvelle méthode de calcul du capital bancaire de Bâle II) dans un environnement où les principales conditions ne sont pas réunies -- et également parce que les priorités se- ront différentes pour l'Afrique et entre les différents pays africains, en fonction des conditions initiales. Ainsi, bien que tous les pays africains rencontrent les mêmes difficultés dans une mesure plus ou moins grande, l'importance relative qu'il faut ac- corder aux différents aspects sera déterminée par les conditions locales. Par exemple, seulement cinq caractéristiques7 relatives aux pays font immé- diatement ressortir les priorités différentes qui doivent être intégrées à la conception et au calendrier des réformes de la politique : · Les pays sortant d'un conflit · les pays à faible densité · Les petits pays · Les pays riches en pétrole · Les pays ayant atteint une masse critique Les pays sortant d'un conflit La capacité de certaines transactions financières à résister aux chocs dans des États dont les gouvernements ont été accablés par le conflit a été per- çue par d'aucuns comme une illustration de la capacité du secteur finan- cier privé à résister et à fournir certains services même sans l'appui de l'État8. Mais en général, le rayon d'action réel du secteur financier formel dans des pays en butte à des conflits se réduit le plus souvent à une zone géographique limitée, car les agences bancaires de l'intérieur du pays sont abandonnées. En effet, la plupart des banques s'effondrent complètement ou deviennent pratiquement insolvables puisque leur liquidité dépend du financement monétaire du déficit des finances publiques. D'autre part, les billets de banque se détériorent physiquement et doivent rivaliser avec une monnaie parallèle ou contrefaite introduite par les groupes d'insurgés. Au rang des priorités du nouveau gouvernement, figure le rétablisse- ment de la crédibilité de la monnaie, soutenue par un traitement équi- table, cohérent et transparent des problèmes relatifs aux anciens billets et également par un cadre de politique macroéconomique et monétaire co- hérent et crédible9. Le retour sur le marché des banquiers importants présentera plusieurs défis différents. Certains des anciens banquiers auront définitivement quitté le marché, mais d'autres peuvent souhaiter y revenir bien que leurs CHOIX DE POLITIQUES DANS LES CONDITIONS ACTUELLES 201 anciennes banques aient fait faillite. Peuvent-ils être jugés compétents et appropriés ? Le chaos peut avoir offert une occasion d'effectuer des transactions louches à travers ce qui reste du système financier et, même l'idée que cela pourrait en être ainsi signifie qu'il faudrait mettre en place, plutôt que cela n'aurait été le cas, des procédures de lutte contre le blanchiment des capi- taux et contre le financement du terrorisme, si de telles mesures s'avèrent nécessaires pour rétablir les liens entre le pays et les correspondants ban- caires internationaux. Le système de paiements national devra probablement être reconstruit de bas en haut. Si la sécurité demeure sujette à caution dans l'arrière-pays et si aucune agence bancaire n'y existe encore, l'État aura du mal à effec- tuer des paiements, y compris au profit de ses propres salariés. Les bureaux de poste peuvent ne pas encore fonctionner et en leur absence, il pourrait ne pas y avoir d'autre solution que de faire en sorte que la banque centrale offre temporairement des services d'encaissement de chèques. Par la suite, les banques retourneront dans les principales villes périphériques, en particulier si on leur offre une rémunération réaliste pour l'encaissement des chèques émis par l'État. Les paiements électroniques utilisant la tech- nologie de téléphonie mobile -- qui va probablement être un des premiers services à couvrir de larges zones géographiques -- et les points de vente situés dans quelques magasins des plus grandes villes peuvent constituer des options réalisables dans un avenir relativement proche. (Les textes ju- ridiques nécessaires pour sécuriser les paiements électroniques peuvent ne pas être strictement nécessaires dans un premier temps pour régir ce sys- tème, mais ils seront nécessaires le moment venu)10. Les pays à faible densité Les nombreux pays à faible densité en Afrique présentent quelques simili- tudes avec les pays sortant d'un conflit, en termes de difficultés de commu- nications. Ici aussi, les paiements électroniques de faibles montants et la té- léphonie mobile offrent donc d'énormes possibilités. Pour s'assurer que ces technologies soient exploitées, les décideurs doivent éviter de se confiner dans une seule technologie particulière (certains des systèmes faisant ac- tuellement leur apparition sont beaucoup plus efficaces que d'autres) ou dans des systèmes qui ne sont pas compatibles les uns avec les autres, de promulguer des lois qui permettront aux banques et à ceux qui utilisent ces systèmes de se sentir en sécurité dans leurs droits et de supprimer les règles bancaires inutiles qui pourraient entraver l'adoption de ces technologies. De nombreux pays africains sont sur le point d'introduire des systèmes de paiement de gros montants très sécurisés, rapides et efficaces. L'effort ne de- vrait pas s'arrêter là. En effet, améliorer l'efficacité des paiements de faibles montants a un rang de priorité plus élevé pour plusieurs pays africains. 202 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE Une architecture répartie du système financier va probablement être l'une des caractéristiques essentielles des pays à faible densité, quoique cette caractéristique dépende de la manière dont la population est effectivement répartie. Dans certains pays comme le Niger ou le Tchad, de vastes étendues du territoire sont presque totalement inhabitées, la population étant concentrée en majeure partie dans un nombre relativement peu élevé de centres ou près de ceux-ci. Il n'est pas exclu qu'à la longue le réseau d'agences bancaires viables couvre tous ces centres. En Tanzanie, par contre, la population est dispersée à travers un grand nombre de peuplements isolés. La plus grande partie de la population restera dans cette situation, comme c'est le cas à présent -- assez loin d'une agence bancaire11. Cela veut dire qu'une fraction importante de la population ne pourra avoir accès à ces services que par l'intermédiaire des institutions de microfinance ou de certains types d'agences. Le rôle que doit jouer le gouvernement pour faciliter de tels mécanismes n'est pas seulement celui de régulateur. Il doit faire preuve d'ingéniosité pour s'assurer que toute subvention accordée -- ou tout contrat relatif aux paiements à effectuer pour le compte du gouvernement dans des zones rurales -- sont conçus de façon à offrir des conditions équitables afin que les prestataires de services financiers les plus efficaces finissent par fournir chaque aspect du service. Ce système peut bien aboutir à une architecture répartie, les grandes institutions telles que les banques, les organismes de coordination du réseau d'institutions de microfinance ou les bureaux de poste obtenant les marchés et en sous-traitant certaines parties à des entités rurales, y compris les institutions de microfinance. Les petits pays La petite taille des pays implique un ensemble quelque peu différent de compromis à faire. Ici, l'incapacité à mettre à profit les économies d'échelle dans le pays et la tendance des fournisseurs peu nombreux à exploiter leur pouvoir de monopole entraînent naturellement le recours aux presta- taires de services extérieurs, tant pour les besoins du marché que pour la réglementation. Ces pays doivent trouver un moyen de surmonter les déséconomies liées à l'échelle d'activité insuffisante, notamment l'absence de concurrence entre les différents prestataires de services financiers. Les décideurs voudront privilégier une ouverture accrue aux prestataires de services financiers étrangers de bonne réputation qui souhaitent s'installer, même s'il vont, de toute évidence, s'appuyer lourdement sur leurs sociétés mères basées à l'étranger pour les services de technologie, de gestion, et de traitement des opérations et même d'approbation des crédits. Nouer une alliance avec une bourse voisine, pour éventuellement créer un marché des changes satellite, est une option parfaitement envisageable si le pays ne dispose pas de son propre marché des changes -- et même si c'est le cas. Une telle situation peut poser des problèmes de contrôle des CHOIX DE POLITIQUES DANS LES CONDITIONS ACTUELLES 203 changes pour les deux pays, dans la mesure où les opérations sur le mar- ché des changes satellite pourraient servir à exporter des fonds, mais ces questions deviendront de moins et moins importantes au fur et à mesure que les contrôles des changes diminueront. Plus le pays est petit, plus la coopération régionale en matière de règle- mentation prudentielle des banques et d'autres intermédiaires devient at- trayante et sous-traiter ces fonctions à des organisations multinationales peut constituer une solution très viable. Dans une certaine mesure, les avantages de la sous-traitance ont depuis longtemps été reconnus par les petits pays africains tels que la Guinée-Bissau et le Lesotho. Mais les possibilités présentées par ce domaine n'ont pas encore été totalement exploitées. Les pays riches en pétrole Plusieurs pays africains bénéficient de la hausse spectaculaire de la valeur des exportations de pétrole. Pour les plus petits pays de ce groupe, les ré- sultats sur le papier sont stupéfiants. En effet, la Guinée Équatoriale aurait occupé le deuxième rang mondial en termes de PIB par habitant en 2005. Mais, le reste de l'économie reflète peu ces acquis. Certes, les banques lo- cales se portent bien grâce aux frais imposés sur les transferts internatio- naux associés à l'industrie pétrolière, bien que celle-ci soit financée en ma- jeure partie de l'étranger. La politique du secteur financier peut avoir un rôle à jouer en limitant les effets du syndrome hollandais liés à la suréva- luation auxquels l'on a assisté ailleurs, à la suite des booms pétroliers et en constituant un mécanisme permettant d'affecter une partie de ces res- sources au financement des investissements productifs -- qui peuvent, à leur tour, aider à augmenter la productivité et la production dans les secteurs non pétroliers. En dehors de la politique monétaire et de taux de change, les autres pré- occupations ici concernent la gestion des fonds publics tels que les fonds de pension et la caisse de sécurité sociale. Ces problèmes, encore plus que ceux qui touchent le secteur bancaire ou la bourse des valeurs, occuperont une place de choix dans l'esprit des décideurs du secteur financier. Les pays ayant atteint la masse critique Une poignée de pays africains ont l'échelle d'activité nécessaire pour envi- sager de fournir sur le marché intérieur une plus large gamme de services et de mettre en place un cadre administratif et réglementaire plus global. Les décideurs peuvent faire preuve de plus d'ambition en déterminant la nature et la forme de leurs mesures de politique générale. Dans cette caté- gorie de pays, le Kenya et le Nigeria ont rejoint l'Afrique du Sud et la dis- cussion serait également pertinente pour certains autres pays, et cela de plus en plus au fil du temps. 204 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE La décision de la Banque centrale du Nigeria sur l'adéquation du capital illustre avec éclat la capacité des décideurs du secteur financier des grands pays à élaborer une note d'orientation particulière et à s'en tenir à celle-ci12. Cette expérience met en évidence plusieurs caractéristiques des grands systèmes financiers : · En premier lieu, la capacité à innover et à concevoir des politiques adap- tées aux besoins du pays sans effaroucher les principaux intervenants. Sur un petit marché, la plupart des banques auraient choisi de fermer plutôt que de mettre autant de capitaux sur la table, mais étant donné la valeur de franchise de l'agrément bancaire -- sa rentabilité potentielle -- les banques nigérianes se sont conformées à cette décision. · Deuxièmement, la valeur d'un marché boursier national, même dans un domaine qui concerne en priorité le secteur bancaire. Bien que les mar- chés boursiers de l'Afrique soient si souvent minimisés, la bourse nigé- riane a pu lever environ 3 milliards de dollars pour recapitaliser les banques. Celles-ci auraient eu des difficultés à lever un tel montant si elles avaient compté sur les marchés des capitaux privés et auraient payé beaucoup plus en frais et en information si elles avaient été inscrites sur le marché des changes de Londres ou de Johannesburg. Encore une fois, les limites d'un petit marché des changes sont relatives. · Enfin, le rôle d'un débat public actif entre les spécialistes du secteur finan- cier et le public au fait des réformes envisagées. Non seulement ces réformes ont d'abord été diffusées pour discussion avant d'être finalisées, mais elles ont aussi été l'objet d'un débat large et libre dans les médias publics. Cette transparence et cette consultation dans la formulation des politiques peuvent ne pas aboutir à un débat aussi sérieux ou enrichissant dans les petits pays, mais cette démarche ne coûte rien tout en étant très utile. Ces réflexions montrent comment les décideurs du secteur financier peuvent formuler les politiques de manière plus ambitieuse et plus globale. Cela implique des efforts visant à améliorer la compétitivité et sanctionner les abus de la règlementation du marché. (Dans des économies de moindre envergure, les régulateurs n'ont pas souvent des moyens efficaces de s'assurer de la mise en application effective de la réglementation destinée à réduire les profits : la perspective de faire moins de profits peut simplement déclencher la fermeture de certaines structures.) Ainsi, les grands pays peuvent faire oeuvre de pionnier en matière de modernisation des pratiques des intermédiaires et des marchés financiers. La création ou la réactivation des groupes consultatifs de consommateurs et de producteurs pourrait aider dans la conception de telles politiques qui incluraient, non seulement les règles applicables aux pratiques sur le mar- ché, qui doivent sous-tendre une bourse qui fonctionne bien, mais aussi CHOIX DE POLITIQUES DANS LES CONDITIONS ACTUELLES 205 une réglementation conçue pour limiter les prêts prédateurs et promou- voir l'accès des groupes à faible revenu aux services financiers. La législa- tion récemment promulguée et la charte du secteur financier en Afrique du Sud constituent un modèle intéressant. L'adaptation et l'application d'une telle législation ailleurs en Afrique pourraient commencer dans les grands pays et devraient provoquer au moins un effet d'émulation partout. * * * Une combinaison de modernisme et d'activisme, chacun tempéré par la prise en compte du fait que les conditions institutionnelles préalables ont des lacunes dans la plupart des pays africains, constituera le moyen le plus efficace pour orienter le mouvement vers des systèmes financiers plus so- lides et plus efficaces. Ces lacunes comprennent l'insuffisance des res- sources administratives des pouvoirs publics et la faiblesse des institutions de gouvernance, notamment celles de surveillance financière. Ces lacunes impliquent qu'il est peu probable que des réglementations très complexes fonctionnent efficacement et que la participation effective du gouverne- ment à l'allocation du crédit, ou de façon plus générale, à la propriété des intermédiaires financiers, soit contrecarrée au profit des intérêts spéciaux. Offrir des infrastructures pour le programme de modernisation tout en s'assurant que la porte reste ouverte aux activistes -- locaux ou étrangers, à but lucratif ou charitable -- est le principal objectif du gouvernement et de ses organes. Ce programme est contraignant, non seulement à cause de sa complexité du point de vue technique et de la nécessité de réagir aux changements intervenant dans l'environnement international, mais aussi parce qu'il ne constitue pas le genre d'initiative spectaculaire qui permet de garantir l'appui politique. Néanmoins, la persévérance et l'ingéniosité seront récompensées dans la mesure où des systèmes financiers efficaces revêtent une importance cruciale pour la réalisation des objectifs de développement en Afrique. Notes 1 Selon des projections des Nations Unies, la population de la tranche d'âge de 15 à 59 ans en Afrique subsaharienne s'accroitra de 401 millions d'habitants en 2005 à 514 millions en 2015 et à 656 millions en 2025. Bien que les aug- mentations en chiffres absolus se poursuivent, le rythme de croissance d'une décennie à l'autre a déjà atteint un niveau maximal (à presque 34 % dans la décennie s'achevant en 1995). 2 Près du tiers des plus de 80 millions d'enfants âgés de 10 à 14 ans en Afrique subsaharienne (en excluant l'Afrique du Sud) travaillent actuellement. 3 Soutenir que la finance moderne représente un objectif à long terme relative- ment cohérent pour les décideurs du secteur financier en Afrique n'est pas nier que les systèmes financiers plus évolués n'ont pas connu d'échec. La plu- part des économies avancées ont connu de graves crises bancaires dans les 206 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE années 80 ou les années 90, ce qui a fait mettre à nouveau l'accent sur l'adéquation du capital. Les informations erronées fournies aux opérateurs en bourse et à d'autres clients par des institutions financières de premier plan à la fin des années 90 et au début des années 2000 ont conduit à une série de mises en accusation de personnalités en vue et à des changements importants dans la réglementation. 4 Vingt pays africains (en plus de la CEMAC) ont déjà participé au FSAP depuis 2000. Trois pays ont déjà réalisé des évaluations de suivi de ce programme. 5 Bien que les taux d'intérêt apparemment élevés nécessairement imposés par les sociétés de microfinance risquent de constituer ici un obstacle, ces sociétés, à mesure qu'elles élargissent leur champ d'activité, ont besoin elles aussi de soigner leur image, faute de quoi elles pourraient également devenir impopulaires. 6 Sous la pression internationale, de nombreux pays modernisent les lois et les dispositions prises pour la lutte contre le blanchiment des capitaux et la lutte contre le terrorisme, afin d'améliorer l'intégrité financière. 7 Une sixième catégorie -- centres bancaires offshore -- ne s'applique à présent qu'à Maurice, aux Seychelles et peut­être au Cap-Vert et ne sera pas examinée plus avant dans le présent rapport. 8 Le cas de la Somalie est souvent cité, quoique certains autres aspects de l'économie aient été considérablement plus résistants que le secteur financier (voir Mubarak 2003 ; Nenova et Harford 2004). 9 Addison, Le Billon et Murshed (2001) et Addison et al (2005) présentent une vue d'ensemble des problèmes avec des exemples tirés des expériences faites en Afrique, y compris ceux des pays suivants : Angola, Burundi, République démocratique du Congo, République du Congo, Érythrée, Éthiopie, Libéria, Rwanda et Somalie. 10 Un examen intéressant des publications sur la microfinance dans les pays sor- tant d'un conflit figure dans Nagarajan et McNulty (2004). 11 Il existe certes 200 agences bancaires en Tanzanie, mais l'agence la plus proche est située en moyenne (pour l'ensemble des ménages des zones rurales) à 38 kilomètres. 12 L'annonce de cette politique a été faite par Charles Soludo, gouverneur exécutif de la Banque centrale du Nigéria, un mois à peine après sa nomination en 2004. Il a décrit cette mesure comme étant « les premières idées concernant les éléments clés de la réforme à effectuer par la Banque centrale du Nigéria » et sur laquelle il sollicitait les commentaires et les suggestions du comité des banquiers « avant qu'elle ne soit finalisée ». Toutefois, les principales caractéristiques ont été maintenues, jusqu'au calendrier et à la consolidation des banques (chaque banque dont le capital est au moins égal à la contrevaleur de 200 millions de dollars -- un montant exceptionnellement élevé en comparaison des normes internationales). Voir http://www.cenbank.org/ documents/speeches.asp. APPENDICE Octroi de prêts sur la base de relations personnelles en Afrique Le crédit interne représente une grande partie des ressources financières des entreprises, et en particulier des petites entreprises et autres emprun- teurs qui ont un accès limité au financement des banques. Les prestataires de crédit qui obtiennent de bons résultats dans le contexte africain recon- naissent l'importance que continue de revêtir l'établissement de relations personnelles entre créancier et emprunteurs. Ces prestataires : a) évaluent la solvabilité de l'emprunteur potentiel sur la base de plusieurs critères, et b) font preuve de souplesse au niveau opérationnel (Fafchamps, 2004 ; voir également Biggs et Shah, 2006). Évaluation du crédit La collecte des renseignements est extrêmement coûteuse et exige beau- coup de temps. Elle exige aussi que le prêteur soit un membre de l'écono- mie locale. Celui-ci doit, en premier lieu, savoir si l'emprunteur est capable d'offrir sur le marché des biens et des services de qualité. Il lui faut ensuite déterminer si l'emprunteur jouit d'une bonne réputation commerciale et s'il tient à la conserver1 (voir l'encadré A.1). Enfin, il convient d'établir si, au vu de la moralité de l'emprunteur et/ou de son aptitude à la dissimu- lation, il est probable ou non qu'il donne une fausse impression de sa ca- pacité de remboursement. Les techniques modernes d'évaluation de la cote de crédit font implici- tement appel à certains indicateurs qui sont corrélés à ces facteurs, même si lesdits indicateurs sont établis seulement de façon très indirecte sur la base des antécédents de paiement, et non pas sur celle d'informations soi- gneusement recueillies par le biais de l'observation directe de l'emprunteur 207 208 LA FINANCE AU SERVICE DE L'AFRIQUE ENCADRÉ A.1. La réputation La réputation est un élément largement étudié des décisions de crédit au sein de communautés très unies. Les études consacrées aux activités éco- nomiques passés et présentes montrent comment les problèmes de paie- ment enregistrés par un membre d'un réseau même très dispersé de mar- chands peuvent être signalés et déboucher sur le rejet de ce membre (Greif, 1993). En signalant un cas de défaut de paiement, le créancier lésé fait une mauvaise réputation au débiteur défaillant : ce risque de réputation accroît le coût des défauts de paiement et en réduit l'incidence. Ces réseaux bâtis sur la réputation sont en général formés de personnes originaires du même groupe ethnique : les Libanais/Syriens dans nombre de pays, surtout en Afrique de l'Ouest ; les Ashanti au Ghana, etc. On ob- serve aussi généralement que « les entreprises étrangères éprouvent des difficultés à traiter avec les entreprises africaines et trouvent ces dernières en général peu fiables » ; enfin, selon plusieurs études, les circuits de cré- dit sont plus solides au sein des groupes ethniques qu'entre ceux-ci. Face à ce constat, certains ont fait valoir que la confiance et la réputation sont fondamentalement fondées sur l'ethnie et qu'elles n'ont aucun impact probable ou bénéfique dans un système financier pluraliste. Il ne faudrait toutefois pas exagérer le rôle de l'ethnicité en tant que facteur fondamental de l'efficacité des flux du crédit en Afrique. En effet, le rôle de l'ethnicité au niveau du crédit et d'autres transactions commerciales fondés sur les relations personnelles est souvent mal compris. Il ne s'agit pas d'une question de solidarité ethnique. Les réseaux sociaux ne correspondent pas étroitement aux groupes ethniques en Afrique. Les réseaux ethniques d'affaires sont nettement plus petits que les groupes ethniques -- il s'agit de sous-groupes qui ont une origine historique et non ethnique. dans le cadre d'une multitude d'interactions économiques et sociales. La plus importante source de ce type de renseignements est l'établissement d'antécédents fondés sur des transactions fructueuses. Une fois qu'elle a été gagnée de cette façon, la confiance permet d'établir de précieux rap- ports qui peuvent assurer de futurs prêts. C'est pourquoi, des relations de crédit extrêmement longues sont courantes sur les marchés africains (Faf- champs, 2004). Exécution Une fois qu'ils ont octroyé un prêt, les prêteurs notent que le respect des obligations de remboursement est assuré avec une très grande souplesse dans le contexte commercial qui existe dans la plupart des pays africains. APPENDICE : OCTROI DE PRÊTS SUR LA BASE DE RELATIONS PERSONNELLES EN AFRIQUE 209 Sur le marché du crédit étudié par Fafchamps (2004) et ses collaborateurs, les prêteurs reconnaissent qu'un grand nombre de facteurs (liés, par exemple aux conditions météorologiques ou aux transports, pour ne citer que les plus fréquents) peuvent avoir une incidence sur l'aptitude de l'em- prunteur à rembourser dans les délais prévus. Il s'ensuit que les retards non coupables ou les « ruptures de contrat excusables » sont automati- quement excusées. Pour les prêteurs, un retard de même quelques se- maines n'est guère important. En fait, dans des environnements extrême- ment incertains, il peut arriver qu'aucune date précise de remboursement ne soit fixée. Les prêteurs s'attendent à être payés même lorsque l'échéance est passée. Un retard n'est pas synonyme de forte probabilité de non-paiement : en général, 80 ou 90 % des paiements en retard finissent par être effectués. À terme, lorsqu'il estime que son débiteur a la possibilité de le rembour- ser, le prêteur passe à l'action. Rares sont les pays où il est fait, pour cela, appel à des tribunaux ou à des avocats (Fafchamps 2004, tableau 4.5)2. En fait, quand il pense pouvoir être remboursé, le prêteur commence à harce- ler l'emprunteur ou à suivre attentivement son activité, et se présente sou- vent le jour du marché ou de la paie lorsque son emprunteur est probable- ment davantage en mesure d'avoir de l'argent, pour voir si la capacité de remboursement de ce dernier s'est améliorée. Le prêt peut également être renégocié à ce stade. Les prêteurs et les négociants font état d'autres formes de sanctions contre les prêteurs qui sont lents à rembourser. Ceux-ci ne peuvent plus s'attendre à faire les meilleures affaires ou à être fournis en priorité lorsque certaines marchandises se font rares. La relation d'affaires constitue donc une forme de garantie commerciale. Le souci de veiller à son maintien in- cite les débiteurs à rembourser. Cette situation, bien entendu, implique que le prêteur jouisse d'un certain degré de monopole, ce qui témoigne clairement du coût social d'un système de crédit bâti sur une structure de collecte de renseignements aussi coûteuse. Notes 1. Depuis des siècles, certains groupes ethniques et certaines sociétés informent la communauté du nom des individus en défaut de paiement et les punissent. C'est peut-être en raison, du moins en partie, de telles traditions que l'on ob- serve une plus forte incidence des opérations de crédit au sein des groupes eth- niques dans certains pays africains (Fisman, 2003). 2. Une exception a été notée dans le cas du Zimbabwe dans une étude réalisée vers le milieu des années 90. L'existence d'un appareil judiciaire relativement efficace encourage en effet un plus grand recours aux tribunaux. Il est intéressant de voir que le nombre de contrats non respectés est plus elevé au Zimbabwe, ce qui pourrait signifier que la possibilité de saisir les tribunaux pour faire respecter les contrats a encouragé des pratiques de prêt plus risquées et, partant, des ruptures de contrat plus fréquentes. Bibliographie Acemoglu, Daron, Simon Johnson et James Robinson. 2001. "The Colonial Origins of Comparative Development: An Empirical Investigation." American Economic Review 91 (5) : 1369401. Ackrill, Margaret et Leslie Hannah. 2001. Barclays: The Business of Banking 169-1996. Cambridge, Royaume -Uni : Cambridge University Press. Adabre, Jonathan. 2005. "Bank `Robs' Woman of Her Widow's Mite." Public Agenda, 10 octobre 2005. www.ghanaweb.com/public_agenda/article. php?ID=4351 Addison, Tony, Philippe Le Billon et S. Mansoob Murshed. 2001. "`Finance in Conflict and Reconstruction" Journal of International Development 13(7) :951-64. Addison, Tony, Alemayehu Geda, Philippe Le Billon et S. 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Pour de plus amples informations, consulter www.greenpressinitiative.org L a Finance au service de l'Afrique brosse un tableau panoramique des systèmes financiers africains, tant ceux qui opèrent sur une grande échelle (« la finance au service de la croissance ») que ceux qui fonctionnent sur une échelle restreinte (« la finance pour tous »). La situation évolue de manière positive dans le domaine de la finance en Afrique. L'expansion du crédit a repris après une longue pause, de nouveaux et robustes intermédiaires s'implantent sur le marché, et la couverture des services de microfinance s'élargit progressivement. Le secteur financier peut contribuer de manière déterminante à transformer les économies africaines -- en ouvrant des débouchés commerciaux à une plus large clientèle et en ache- minant plus efficacement de plus amples ressources. Lorsqu'un système financier solide et indépendant existe, il n'est plus néces- saire de bénéficier d'un appui gouvernemental pour entreprendre des activités commerciales, et le cadre des affaires s'en trouve transformé. Le secteur financier peut de surcroît aider les groupes de population pauvres et les habitants des zones rurales isolées en leur offrant des services limités de paiement, d'épargne et d'atté- nuation des risques. La Finance au service de l'Afrique présente un cadre d'actions cohérentes qui répondent aux priorités des Africains et peuvent produire des résultats dans le contexte du continent. Cet ouvrage remet en question certaines idées reçues sur un large éventail de questions couvrant aussi bien les réglementations boursières et bancaires que l'organisation des institutions de microfinance. Il met en relief les évolutions positives observées dans toute l'Afri- que subsaharienne et fait ressortir les points faibles. Cet ouvrage sera utile aux décideurs, aux banquiers, aux analystes financiers et aux économistes qui travaillent en Afrique. BANQUE MONDIALE ISBN: 0-8213-7143-6