Rapport no 89838-NE REPUBLIQUE DU NIGER Mesure des Tendances de la Pauvreté Questions Méthodologiques et Analytiques Août 2014 Réduction de la pauvreté et gestion économique 4 Région Afrique Document of the World Bank __________________________ MONNAIE ET EQUIVALENT Unité monétaire = franc CFA ouest-africain (CFA) 1 dollar EU = 492,00 francs CFA (6 août 2014) EXERCICE DE L’ÉTAT 1er janvier au 31 décembre POIDS ET MESURES Système métrique SIGLES ET ABRÉVIATIONS (Franc) CFA Franc de la Communauté Financière Africaine EDS Enquête Démographique et de Santé ECVMA Enquête Nationale sur les Conditions de Vie des Ménages et l’Agriculture ENBC Enquête Nationale sur le Budget et la Consommation des Ménages FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine INS Institut National de la Statistique OMD Objectives du Millénaire pour le Développement PDES Programme de Développement Economique et Social QUIBB Questionnaire des Indicateurs de Base du Bien-être Vice-président : Makhtar Diop Directeur pays : Paul Noumba Um Directeur secteur : Marcelo Giugale Chef secteur : Miria Pigato Chef de l’équipe de projet : Johannes Herderschee ii République du Niger : Mesure des tendances de la pauvreté Table des matières REMERCIEMENTS ......................................................................................................................................... IV INTRODUCTION ............................................................................................................................................ 1 CHAPITRE 1 : MÉTHODE DE COMPARAISON DE LA PAUVRETÉ AU NIGER ...................................................................... 5 CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE DE 2011 ............................................................................................................. 6 A. INDICATEUR DE BIEN-ÊTRE ....................................................................................................................... 6 B. SEUILS DE PAUVRETE .............................................................................................................................. 8 Méthodologies de 2005 et 2007/2008 ..................................................................................................... 11 C. INDICATEUR DE BIEN-ETRE ..................................................................................................................... 12 D. SEUILS DE PAUVRETE ............................................................................................................................ 13 Tendances de la pauvreté : 2005 à 2011 .................................................................................................. 13 E. PAUVRETE MONETAIRE ......................................................................................................................... 13 Indicateurs de pauvreté non monétaire .................................................................................................. 20 CONCLUSION ............................................................................................................................................. 23 ANNEXES : AUTRES TABLEAUX ....................................................................................................................... 25 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................................... 28 Tableaux TABLEAU 1 : PANIER DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE ................................................................................................... 9 TABLEAU 2 : SEUILS DE PAUVRETE DE 2011 ................................................................................................................. 11 TABLEAU 3 : TENDANCES DES INDICATEURS DE PAUVRETE, 2005 A 2011* ........................................................................ 14 TABLEAU 4 : STRUCTURE DE L’EMPLOI DE LA POPULATION NIGERIENNE DE 15 ANS ET PLUS ................................................... 19 TABLEAU 5 : DECOMPOSITION DES TENDANCES DE LA PAUVRETE PAR TYPE DE LOCALISATION ET MIGRATION RURALE-URBAINE .... 19 TABLEAU 6 : INDICATEURS DE PAUVRETE NON MONETAIRE : CONDITIONS DE LOGEMENT ET POSSESSION D’ACTIFS DURABLES ...... 20 TABLEAU 7: POURCENTAGE DE PERSONNES VIVANT DANS DES MENAGES QUI POSSEDAIENT LE BIEN EN 2005, 2007 ET 2011..... 24 Figures FIGURE 1 : ÉVOLUTION DE LA DISTRIBUTION DES DEPENSES PAR HABITANT, 2005 A 2011 .................................................... 16 FIGURE 2 : ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION AGRICOLE PAR HABITANT AU NIGER, 2006 A 2010 ............................................ 18 Encadrés ENCADRE 1: LA TECHNIQUE DE DOMINANCE ................................................................................................................. 15 ENCADRE 2: METHODE D’ANALYSE DE LA PAUVRETE EN TERMES DE CONDITIONS DE VIE ....................................................... 22 iii Remerciements Ce rapport a été préparé par Prospère Backiny-Yetna et Diane Steele. Les auteurs souhaitent remercier Sebastien Dessus, Janet Owens et Sean Lothrop pour leurs importantes contributions à cette analyse. L’appui logistique a été assuré par Judite Fernandes. Les estimations présentées dans ce document ont été envoyées pour information aux autorités du Niger. iv Introduction 1. Mesurer la pauvreté avec exactitude et évaluer les tendances de son incidence et de sa gravité figurent parmi les défis les plus fondamentaux du développement économique. Sans un moyen crédible pour suivre la dynamique de la pauvreté, l’efficacité des politiques et programmes ne peut être déterminée de manière fiable, et l’impact ni des stratégies des pouvoirs publics en matière de lutte contre la pauvreté ni des efforts des organismes internationaux ne peut être évalué. La nécessité de mesurer la pauvreté avec précision est la plus pressante dans les pays les moins développés, où la pauvreté est généralisée, souvent extrême, et déterminée par un ensemble de causes liées entre elles, bien que les données précises sur la consommation et les revenus y soient souvent limitées et incohérentes. Il est essentiel de surmonter la limitation des données et de renforcer la validité des statistiques sur la pauvreté pour atteindre les objectifs tant des décideurs nationaux que des institutions internationales de développement. 2. La question de la mesure efficace de la pauvreté a fait l’objet d’un intérêt renouvelé depuis que les Nations Unies ont adopté les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2000. Cet ensemble d’objectifs ambitieux et de portée considérable comprenait la réduction de moitié des taux de pauvreté par rapport à leurs niveaux de 1990 d’ici 2015. Le Niger a adopté cette priorité et élaboré et mis en œuvre deux stratégies de réduction de la pauvreté au cours des années 2000. La troisième stratégie adoptée récemment par l’État, le Programme de développement économique et social (PDES), se concentre sur cinq domaines clés, dont au moins deux contribuent directement à réduire la pauvreté de manière durable : i) en renforçant la sécurité alimentaire et accélérant le développement agricole, et ii) en encourageant une économie axée sur la croissance, menée par le secteur privé (ministère du Plan, 2012). L’évaluation des progrès vers la réalisation de l’OMD de lutte contre la pauvreté ou de l’effet de s stratégies de développement économique de l’État nécessitera un suivi rigoureux des indicateurs de pauvreté. Pour ce faire, de considérables obstacles méthodologiques doivent cependant être surmontés. 3. Au Niger, comme dans de nombreux pays comparables, les données sur la pauvreté sont collectées à l’aide d’enquêtes auprès des ménages sur les modes de consommation et les conditions de vie. Ces données sont soumises à une analyse statistique et économétrique afin de déterminer un indicateur de bien-être approprié, ainsi qu’un ou plusieurs seuils de pauvreté, reflétant une définition de la pauvreté à la fois appropriée au niveau local et comparable à l’échelle internationale. Au cours des deux dernières décennies, des avancées méthodologiques majeures ont été réalisées sur le plan analytique. Ravallion (1996) ainsi que Deaton et Zaidi (2002) ont mis au point des techniques pour la conception de l’indicateur de bien-être, proposant des solutions élégantes à des questions délicates, telles qu’entre autres, le traitement des biens durables et des différences locales dans le coût de la vie. Ravallion (1998) a proposé une nouvelle méthode, plus solide, pour déterminer le seuil de pauvreté, connue sous le nom d’approche fondée sur les besoins essentiels. Elle a largement supplanté la méthode fondée sur l’apport nutritionnel, qui était avant cela l’outil le plus utilisé pour déterminer les seuils de pauvreté. Entretemps, la méthode d’enquête utilisée pour collecter des données sur la consommation a également été revue et améliorée, quoique de manière plus progressive. Dans la mesure de la pauvreté, il est essentiel de garder à l’esprit que tant la méthode d’enquête adoptée pour collecter les données que les techniques analytiques 1 utilisées pour les analyser peuvent avoir un impact profond sur la distribution observée du bien-être et l’estimation des indicateurs de la pauvreté (Lanjouw et Lanjouw, 2001 ; Tarozzi, 2004). 4. Plusieurs facteurs méthodologiques peuvent affecter l’exactitude des données sur la consommation pendant la phase de collecte, notamment le nombre de visites des enquêteurs, le moment de l’année où le questionnaire est appliqué, la période de souvenir, ainsi que la composition du panier de consommation défini dans l’enquête. Il est particulièrement important de savoir si les informations sur la consommation sont collectées à l’aide d’un carnet journalier ou si elles dépendent uniquement de la mémoire de la personne interrogée. Ce choix implique un compromis assez clair entre le coût de l’enquête et la fiabilité des données ; en général, l’approche utilisant un carnet journal ier aura tendance à être plus fiable que celle basée sur la mémoire, même si le carnet journalier présente également des inconvénients1, en particulier d’être plus coûteux à mettre en œuvre. Ce compromis est accru par la longueur de la période de souvenir (le laps de temps pour lequel la personne interrogée doit enregistrer ou se remémorer sa consommation). Toutes choses étant égales par ailleurs, des périodes de souvenir plus longues auront tendance à fournir des résultats plus solides, dans la mesure où l’impact des chocs temporaires de consommation sera atténué sur un laps de temps supérieur. Le fait de demander aux personnes interrogées de se souvenir de leurs modes de consommation sur une période plus longue présente néanmoins un risque pour l’exactitude des données, dès lors qu’il est plus difficile de se remémorer des événements plus lointains, en particulier des sujets de routine tels que la consommation de denrées de base (Deaton et Grosh, 2000 ; Deaton, 2001). 5. Le moment de la collecte des données peut également influencer les résultats des enquêtes de consommation. Ce risque est particulièrement présent dans un pays où l’économie est dominée par le secteur agricole. L’expérience internationale a montré que chez les pauvres, la consommation tend à être plus élevée immédiatement après les récoltes, puis diminue régulièrement jusqu’à la prochaine récolte. Une étude réalisée à l’échelle nationale en Tanzanie (Beegle et al., 2010) a comparé huit méthodes différentes de collecte des données sur la consommation des ménages, comprenant différentes périodes de souvenir. Elle a montré les principales différences dans la consommation observée, imputables aux différentes méthodes. En détectant une sous-estimation particulièrement importante de la consommation des ménages chez les chefs de ménage illettrés, l’étude a également mis en évidence que les caractéristiques démographiques, telles que le niveau d’instruction du chef de ménage, peuvent elles aussi avoir un impact sur les résultats. Enfin, tant la composition du panier de consommation utilisée dans l’enquête que la façon dont les différents éléments sont définis et enregistrés peuvent grandement influencer la distribution observée. Une analyse récente d’enquêtes auprès des ménages réalisées au Mozambique (Alfani et al. 2012) a montré que des changements relativement mineurs dans la liste des articles inclus dans l’enquête avaient significativement faussé la distribution de la consommation, avec des effets particulièrement déformants sur les différences constatées entre les ménages urbains et ruraux. 1 Dans les enquêtes sur la consommation des ménages réalisées au Canada à l’aide de la méthode de collecte quotidienne, McWhinney et Champion (1974) ont remarqué qu’en moyenne, les dépenses de consommation pendant la première semaine du mois étaient supérieures de 8,3 % à celles de la deuxième semaine. Plus récemment, dans une enquête nationale menée quotidiennement en Papouasie-Nouvelle-Guinée sur une période de 14 jours, Gibson (2012) a montré que le volume des transactions baissait en moyenne de 3 % par jour, pour ne plus représenter que 62 % de celui du premier jour à l’issue des deux semaines, avec une dépense moyenne au dernier jour de 54 % de celle du premier jour. Ces deux études ont présumé que l’effet était dû au fait que les personnes interrogées dépensaient une grande partie des salaires et transferts immédiatement après les avoir perçus, puis modéraient leurs dépenses à mesure que l’argent disponible diminuait. 2 6. En raison de l’influence exercée par la méthodologie sur les résultats des enquêtes sur la consommation des ménages, les changements méthodologiques d’une enquête à l’autre peuvent sérieusement compromettre la mesure des tendances de la pauvreté au cours du temps. Entre 2005 et 2011, le Niger a mené trois enquêtes nationales auprès des ménages conçues pour mesurer les niveaux de pauvreté, identifier les populations vulnérables et rassembler des données permettant d’évaluer l’efficacité des politiques de l’État. La première enquête, réalisée en 2005, a déterminé un taux national de pauvreté de 62,1 % (INS, 2005). Ses conclusions ont contribué à fournir un cadre analytique à une révision importante de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté en 2007. La deuxième enquête, menée de 2007 à 2008, a montré un léger déclin du taux de pauvreté à 59,5 % (INS, 2008). La troisième enquête, réalisée en 2011, a déterminé un taux national de pauvreté de 48,2 %, soit une baisse remarquable de 11 points de pourcentage entre 2008 et 2011. Cette période était pourtant caractérisée par une faible croissance économique, sans explication immédiatement apparente à cette chute brutale des taux de pauvreté. Les mêmes techniques analytiques ayant été utilisées pour calculer les seuils de pauvreté à partir des données des enquêtes, la spectaculaire évolution du taux de pauvreté suggère qu’une partie de la variation constatée pourrait résulter de problèmes avec les données mêmes des enquêtes. Des changements significatifs dans plusieurs domaines majeurs de la méthode d’enquête peuvent contribuer à expliquer la baisse apparente des taux de pauvreté. 7. La méthodologie de collecte des données sur la consommation alimentaire a été différente dans chacune des trois dernières enquêtes réalisées au Niger. La méthode de collecte, la période de souvenir, le nombre de visites auprès des ménages et le nombre de tournées pour chaque visite différaient en 2005, 2007/2008 et 2011. L’enquête de 2007/2008 a collecté des données pendant sept jours consécutifs, tandis que celles de 2005 et 2011 ont mené des entretiens rétrospectifs, où il était demandé aux personnes interrogées de se souvenir de leur consommation alimentaire passée. De plus, l’enquête de 2005 a utilisé une période de référence de 12 mois, contre une semaine seulement pour l’enquête de 2011. Les enquêteurs ont rendu une seule visite à chaque personne interrogée au cours des enquêtes de 2005 et 2007/2008, contre deux visites en 2011 (l’une durant la saison de plantation et l’autre durant la récolte). 8. La durée et le moment de la collecte des données ont également été différents pour chaque enquête. En 2005, la collecte de données a duré trois mois (d’avril à juillet 2005). Elle a pris une année entière en 2007/2008 (d’avril 2007 à avril 2008), tandis qu’en 2011, elle s’est étalée sur une période de 4 mois divisée en deux périodes (de juillet à septembre, et de novembre à décembre 2011). Enfin, aucune donnée sur les prix n’a été recueillie lors des enquêtes de 2005 et de 2007/2008, et le vieillissement de la base d’échantillonnage a diminué la qualité de l’échantillonnage dans toutes les enquêtes. 9. Le but de ce document est de produire une analyse solide des tendances de la pauvreté au Niger entre 2005 et 2011, en se fondant sur l’enquête de 2011 pour suivre la pauvreté et corriger les différences méthodologiques dans les enquêtes précédentes. Afin de rendre les données d’enquête comparables au cours du temps, cette étude effectuera des révisions rétrospectives des estimations nationales de la pauvreté. Cette technique a été utilisée avec succès dans plusieurs autres pays afin de résoudre la question de la comparabilité des données. En Inde, les tendances de la pauvreté présentées par l’Office national des statistiques au début des années 1990 ont été remises en question par des conclusions contradictoires d’études qui ont finalement obligé l’Office à revoir ses chiffres (Deaton, 2002 ; Deaton et Drèze, 2003 ; Tarozzi, 2004). À la suite d’une enquête nationale réalisée en 2011, le Sénégal a revu les 3 chiffres de la pauvreté issus de ses enquêtes de 2006 et de 2001 (ANSD, 2012). En réponse aux inquiétudes concernant les statistiques officielles sur la pauvreté au Mozambique, la Banque mondiale a produit une étude similaire, qui a révélé des différences méthodologiques dans la collecte des données et a présenté d’autres tendances de la pauvreté fondées sur les données révisées (Alfani et al., 2012). Au Niger lui-même, l’évaluation de la pauvreté réalisée en 2011 par la Banque mondiale a revu les estimations de la pauvreté de 2005 et 2007/2008 afin de les rendre plus comparables entre elles (Banque mondiale, 2011), et cette étude s’appuie sur ces efforts. 10. La décision d’utiliser l’enquête de 2011 comme base pour instaurer une cohérence méthodologique repose sur deux facteurs. Premièrement, les changements dans la méthodologie d’enquête sont soupçonnés d’être en partie responsables des importantes variations dans les estimations de la pauvreté obtenues pour les différentes enquêtes. Des révisions sont donc nécessaires pour déterminer des tendances fiables de la pauvreté. Deuxièmement, l’enquête de 2011 a coïncidé avec l’adoption de l’actuelle stratégie du Niger pour la croissance et la réduction de la pauvreté, le PDES. Les indicateurs élaborés à partir de l’enquête de 2011 servent de référence pour le suivi des performances économiques durant la mise en œuvre du PDES. Il est donc essentiel que les enquêtes futures se fondent sur la même méthodologie afin de maintenir la comparabilité. De plus, cette méthodologie sera à nouveau appliquée en 2014, lorsqu’une enquête de panel des mêmes échantillons de ménages sera réalisée pour évaluer les nouveaux changements dans la dynamique de la pauvreté. 11. La section suivante décrit la méthodologie de l’enquête de 2011 ainsi que les techniques utilisées pour rendre les chiffres précédents compatibles avec cette méthodologie. La section encore suivante présente les chiffres révisés de la pauvreté et analyse leurs implications. La section finale émet des conclusions et recommandations. De plus, il convient de noter qu’à côté de cette étude concentrée sur les questions méthodologiques, une analyse plus centrée sur les politiques, les tendances de la pauvreté, de l’inégalité et de la dynamique associée, sur la base des chiffres révisés présentés ici , est également disponible. 4 Chapitre 1 : Méthode de comparaison de la pauvreté au Niger 12. Pour mesurer les niveaux de pauvreté et évaluer les tendances au cours du temps, trois outils sont nécessaires. Le premier est un indicateur du bien-être des ménages, qui totalise la consommation d’un ménage pour permettre de la comparer à celle d’autres ménages. Le deuxième est un seuil de pauvreté, une valeur de l’indicateur de bien-être en dessous de laquelle un ménage est considéré comme pauvre. Le troisième est un ensemble d’indicateurs de pauvreté, des outils statistiques utilisés pour déterminer le niveau de bien-être de chaque ménage et le relier au seuil de pauvreté. Pour obtenir des indicateurs de pauvreté cohérents à travers les différentes régions et périodes, l’indicateur de bien -être et le seuil de pauvreté doivent être similaires dans les différentes enquêtes. Pris ensemble, ces facteurs sont déterminés par le type et la qualité des données produites par le processus de l’enquête. 13. Depuis 2005, trois enquêtes auprès des ménages ont été réalisées par l’Institut national de la statistique du Niger (INS). Il s’agit du Questionnaire des indicateurs de base du bien-être (QUIBB) de 2005, de l’Enquête nationale sur le budget et la consommation des ménages (ENBC) de 2007/2008 et de l’Enquête nationale sur les conditions de vie des ménages et l’agriculture (ECVMA) de 2011. Ces enquêtes ont respectivement couvert 6 690, 4 000 et 3 859 ménages. Elles ont été conçues pour collecter des types d’informations similaires, notamment les caractéristiques sociales et démographiques du ménage, l’état de santé, le niveau d’instruction et la situation de l’emploi de ses membres, les caractéristiques physiques du logement lui-même, les activités économiques des membres du ménage, son accès à l’infrastructure de base, son revenu total et ses modèles de consommation. La méthodologie de collecte des trois enquêtes diffère toutefois de manière significative. 14. La méthode utilisée pour comparer les résultats de ces enquêtes au cours du temps comprend deux phases. Premièrement, dans la mesure où l’ECVMA de 2011 doit être utilisée comme nouvelle base pour la mesure de la pauvreté, un indicateur de bien-être et un seuil de pauvreté doivent être déterminés pour 2011, et les indicateurs de pauvreté de 2011 sont directement tirés de l’enquête. Deuxièmement, les nouvelles estimations fondées sur le modèle de 2011 sont appliquées aux enquêtes de 2007/2008 et 2005. Cette technique, appelée l’imputation d’enquête à enquête, était initialement conçue pour estimer les indicateurs de pauvreté dans la plus petite unité administrative d’un pays, qui correspond au « canton » au Niger. Le but est de dresser des cartes précises de la pauvreté illustrant la distribution géographique des indicateurs de pauvreté. Dans les cas où les indicateurs de pauvreté sont difficiles à comparer au cours du temps (par exemple, en raison de changements dans la méthode d’enquête), la technique peut également être utilisée pour rétablir la comparabilité (Christiaensen et al., 2012). 5 Chapitre 2 : Méthodologie de 2011 15. L’indicateur de bien-être est la principale mesure utilisée pour déterminer le bien-être global de chaque ménage objet de l’enquête. Il est généralement déterminé par le revenu total ou le niveau de consommation du ménage. Dans ce cas, l’indicateur de bien-être correspond à la consommation par membre du ménage, c’est-à-dire la consommation totale du ménage divisée par le nombre de membres du ménage.2 Une fois que la consommation par membre du ménage est déterminée, elle est normalisée à l’aide d’un déflateur spatial prenant en compte les différences dans le coût de la vie d’une région à l’autre. Ces différences dans les coûts de base de la vie résultent des variations dans les prix alimentaires et non alimentaires locaux, ainsi que des coûts du transport et d’autres transactions qui influencent largement les prix à la consommation. 16. Les données de l’ECVMA de 2011 ont été collectées au cours de deux visites. La première a été effectuée entre la mi-juillet et la mi-septembre 2011, pendant la saison des semailles et de l’entretien des exploitations agricoles ; la seconde visite a eu lieu en novembre et décembre, durant la récolte. Trois questionnaires ont été élaborés pour chaque visite. Un « questionnaire sur les ménages » a été administré lors de la première visite, en vue de recueillir essentiellement des informations démographiques de base, ainsi que des données sur la consommation alimentaire au cours des sept jours précédents et sur la consommation non alimentaire au cours des 7 jours, 30 jours, 3 mois, 6 mois et 12 mois précédents, en fonction de la fréquence à laquelle on s’attend à ce que le ménage achète différents types de biens. Un « questionnaire agricole » a collecté des données sur les ménages agricoles, notamment l’accès à la terre, les types de produits cultivés, ainsi que la main-d’œuvre, l’équipement et autres intrants utilisés dans la production. Enfin, un « questionnaire sur la communauté » a évalué l’accès des ménages aux installations de base ainsi que les prix à la consommation sur les marchés locaux. 17. Le questionnaire sur les ménages utilisé pour la seconde visite était plus court que pour la première. Il collectait des données démographiques sur les membres qui avaient rejoint le ménage depuis la première visite, et évaluait la consommation alimentaire et non alimentaire du ménage au cours des 7 et 30 jours précédents, respectivement. Le questionnaire agricole de la seconde visite visait à évaluer la récolte et la vente des produits de l’exploitation, ainsi que l’évolution du cheptel possédé. Enfin, le questionnaire sur la communauté de la seconde visite ne concernait que les prix à la consommation. 18. L’agrégat de consommation est conçu pour couvrir les dépenses tant alimentaires que non alimentaires. La dépense alimentaire comprend les denrées achetées, les aliments consommés sur la propre production du ménage, et ceux reçus en cadeau, don, ou paiement en nature. La dépense non alimentaire comprend les biens et services de consommation non durables, les loyers versés par les locataires ou un loyer fictif imputé aux propriétaires, et une valeur d’utilisation estimée pour les biens durables. L’agrégat de consommation prend en compte les particularités uniques de l’enquête, et accorde 2 Un revenu total peut également être utilisé comme indicateur de bien-être. Pour une discussion des avantages et inconvénients des différents types d’indicateurs, voir Deaton A. (2001). 6 une attention appropriée aux éléments pour lesquels des données sur la consommation ont été collectées durant chacune des deux visites. 19. Lors de chaque visite, les données sur la consommation alimentaire ont été rétrospectivement collectées pour les sept jours précédents, puis normalisées à l’aide d’une procédure statistique prédéterminée. Les chiffres ont été annualisés en multipliant les données de chaque visite par le ratio 182,5/7. En raison des fluctuations saisonnières habituelles, les prix alimentaires ont considérablement varié entre les deux visites ; pour refléter les variations dans les prix, le pays a été divisé en cinq zones agroécologiques : i) la capitale, Niamey, ii) toutes les autres zones urbaines, iii) la zone rurale exclusivement agricole, iv) la zone rurale combinant agriculture et pastoralisme, et v) la zone rurale exclusivement pastorale. Un indice des prix mesurant les changements entre juillet/septembre et novembre/décembre a été déterminé pour chaque région.3 L’agrégat de consommation alimentaire pour la seconde visite a été divisé par cet indice des prix, puis combiné aux données de la première visite. Le choix d’appliquer ce déflateur temporel à l’agrégat de consommation de la seconde visite implique que la période de collecte de la première visite est implicitement retenue comme période de référence de l’enquête. 20. La détermination de la consommation annuelle des biens et services de consommation non durables a nécessité un processus moins compliqué. Ce chiffre a été obtenu en multipliant la consommation obtenue par la fréquence d’observation, et les prix ont été supposés constants tout au long de l’année. Lorsque la consommation du même élément a été enregistrée au cours des deux visites, chacune d’elle a été comptabilisée pour une moitié de l’année. 21. Le logement a été considéré comme un bien en capital, et la consommation liée au logement a été déterminée sur base de la valeur marchande de l’unité de logement en tant que bien locatif. En d’autres termes, un logement occupé par son propriétaire a été co nsidéré comme apportant une valeur de consommation égale à son prix estimé de location. Pour les ménages non propriétaires de leur logement, le loyer a été estimé à l’aide d’une régression linéaire où la variable dépendante était le logarithme du montant du loyer et la variable indépendante les caractéristiques de l’unité de logement ainsi que les variables dichotomiques de la région et du lieu de résidence. 22. Une méthode différente a été employée pour déterminer la valeur de la consommation des biens durables, tels qu’un moyen de transport, les appareils mécaniques, le mobilier et autres articles domestiques. Les biens durables étant achetés de manière irrégulière et durent généralement plusieurs années, leur valeur d’utilisation a été estimée sur la base de l’ensemble des biens inventoriés pour chaque ménage, de leur âge, de leur prix d’achat, et de leur prix de remplacement. Un taux d’amortissement basé sur ces facteurs a été utilisé pour déterminer la valeur annuelle des biens durables au niveau des ménages. 23. Une fois l’agrégat de consommation estimé pour chaque ménage, il a été divisé par le nombre de membres du ménage pour obtenir la consommation par habitant. Enfin, la consommation par habitant a été normalisée entre les différentes régions à l’aide d’un déflateur spatial pour le coût de la 3 L’indice est de 1,060 pour Niamey ; 1,009 pour le reste de la zone urbaine ; 0,954 pour la zone rurale agricole ; 0,954 pour la zone rurale agropastorale ; et 1,075 pour la zone rurale pastorale. 7 vie. Ce déflateur spatial a été calculé en utilisant le seuil de pauvreté de Niamey comme référence nationale, puis en fixant comme déflateur le ratio entre le seuil de pauvreté de la zone agroécologique et celui de Niamey. La détermination de ces seuils régionaux de pauvreté est donc essentielle pour la validité de l’évaluation. 24. Le seuil de pauvreté correspond à un niveau de consommation déterminé en dessous duquel un ménage est classé comme pauvre. En règle générale, le seuil de pauvreté cherche à refléter le coût de la satisfaction des besoins essentiels d’un individu (Ravallion, 1998). La première étape de l’approche des « coûts des besoins essentiels » consiste à déterminer un seuil de pauvreté alimentaire pour un apport calorique minimal quotidien et un seuil de pauvreté non alimentaire pour la satisfaction des besoins essentiels non alimentaires tels que l’habillement et le logement. 25. En 2005, le seuil de pauvreté alimentaire a été déterminé sur la base d’une norme internationale de 2 400 calories par personne et par jour ; la présente analyse utilise cette même valeur de référence. Il n’existe en revanche aucune norme commune pour le seuil de pauvreté non alimentaire. Toutefois, pour la détermination d’un seuil de pauvreté non alimentaire fondé sur le co ût des besoins essentiels, Ravallion (1998) part du principe que la simple satisfaction des besoins essentiels de consommation non alimentaires nécessite des sacrifices au niveau de la consommation alimentaire. Le seuil de pauvreté non alimentaire peut donc être défini comme la valeur de la consommation non alimentaire par habitant des ménages où la consommation totale par habitant est égale au seuil de pauvreté alimentaire. Cette définition est utilisée pour la limite inférieure du seuil de pauvreté non alimentaire. Sa limite supérieure peut, elle, être calculée en prenant la valeur de la consommation non alimentaire des ménages où la consommation alimentaire par habitant est égale au seuil de pauvreté. Cette dernière est utilisée dans la présente analyse. 8 Tableau 1 : Panier de consommation alimentaire Première visite Seconde visite Consommation initiale Consommation ajustée Consommation initiale Consommation ajustée Coefficient de Quantité Quantité Quantité Quantité Calories Calories Calories Calories conversion (dans 100 g) (dans 100 g) (dans 100 g) (dans 100 g) Maïs 356 0,919 327,0 0,983 349,8 0,710 252,6 0,779 277,2 Millet 340 3,250 1105,0 3,476 1181,8 2,925 994,4 3,210 1091,4 Riz 360 0,549 197,6 0,587 211,3 0,579 208,6 0,636 228,9 Sorgho 343 0,512 175,5 0,547 187,7 0,712 244,4 0,782 268,2 Farine de manioc 338 0,126 42,6 0,135 45,6 0,129 43,5 0,141 47,8 Pâtes 367 0,138 50,8 0,148 54,3 0,147 53,9 0,161 59,1 Pain 249 0,033 8,3 0,036 8,9 0,030 7,6 0,033 8,3 Oignons frais 24 0,100 2,4 0,107 2,6 0,083 2,0 0,091 2,2 Tomates séchées 17 0,035 0,6 0,038 0,6 Okras séchés 31 0,033 1,0 0,035 1,1 0,047 1,4 0,051 1,6 Haricots secs 341 0,193 66,0 0,207 70,6 0,280 95,4 0,307 104,7 Cube de bouillon Maggi 337 0,016 5,2 0,017 5,6 0,016 5,3 0,017 5,8 Soumbala 337 0,031 10,5 0,033 11,2 0,041 13,7 0,045 15,0 Feuilles de baobab 337 0,074 24,9 0,079 26,6 0,062 21,1 0,069 23,1 Sel 337 0,110 37,1 0,118 39,7 0,108 36,2 0,118 39,8 Poivre 53 0,017 0,9 0,018 1,0 Dates 156 0,041 6,5 0,044 6,9 Ignames 119 0,058 6,9 0,064 7,6 Patates douces 121 0,075 9,1 0,083 10,0 Canne à sucre 30 0,068 2,0 0,075 2,2 Bœuf 150 0,062 9,3 0,066 9,9 0,064 9,6 0,071 10,6 Mouton 263 0,041 10,8 0,044 11,6 0,085 22,4 0,093 24,6 Viande caprine 123 0,054 6,7 0,058 7,2 0,062 7,6 0,068 8,3 Viande de volaille 122 0,054 6,6 0,057 7,0 0,053 6,4 0,058 7,1 Huile de palme 884 0,074 65,3 0,079 69,9 0,084 74,2 0,092 81,5 Huile d’arachide 884 0,035 31,1 0,038 33,3 0,027 23,9 0,030 26,2 Lait frais 79 0,010 0,8 0,011 0,9 0,013 1,0 0,014 1,1 Lait caillé 75 0,028 2,1 0,030 2,2 0,043 3,2 0,047 3,6 Sucre 373 0,134 49,9 0,143 53,4 0,106 39,7 0,117 43,58429 Total 2 244 2 400 2 187 2 400 Source : Calculs des auteurs à partir de données de l’ECVMA/INS, Niger, 2011 9 26. À ce stade, il est important de décider s’il faut établir un unique seuil de pauvreté national ou utiliser des seuils différents pour les différentes régions ou différents types de localisation. D’un côté, un seuil de pauvreté unique présente l’avantage de la simplicité et peut faciliter le partage d’information entre les divers organismes et organisations travaillant sur les questions liées à la pauvreté. D’un autre côté, des seuils de pauvreté multiples peuvent refléter avec plus d’exactitude les conditions locales et aboutir à une estimation nationale plus précise ainsi qu’à des définitions locales plus utiles. La solution conventionnelle consisterait à définir plusieurs seuils de pauvreté en fonction des régions ou types de localisation, tout en conservant un unique seuil de pauvreté de référence ; le ratio entre chaque seuil de pauvreté local et le seuil national de référence pourrait alors servir de déflateur de la consommation totale. 27. Le Niger est un vaste pays doté d’infrastructures de transport limitées ; les coûts élevés de l’expédition de biens d’un endroit à un autre entraînent de fortes variations dans les prix locaux. Des coûts de transaction élevés peuvent considérablement accroître les prix à la consommation dans les zones éloignées des centres de production ou des points d’importation des marchandises. Ces écarts sont généralement plus prononcés entre les zones urbaines et rurales, mais les différences sont également courantes entre régions. Par exemple, dans les régions où le pastoralisme est fréquent et l’agriculture rare, les prix de la viande et des produits laitiers ont tendance à être relativement bas par rapport à ceux des légumes et des céréales, tandis que dans les zones dominées par la culture des légumes et des céréales, ces produits ont tendance à être relativement bon marché par rapport à la viande et aux produits laitiers. La solution idéale aurait été de définir un seuil de pauvreté pour chaque région, réparti suivant le milieu urbain ou rural. Toutefois, pour que les estimations statistiques soient solides, il faut un nombre suffisant d’observations, mais un tel degré de désagrégation géographique aboutirait à des échantillons de trop petite taille. Pour arriver à un degré utile de spécificité géographique tout en conservant des échantillons valides, nous utilisons un seuil de pauvreté unique pour chacune des cinq zones agroécologiques décrites plus haut. 28. La détermination des seuils de pauvreté est basée sur les paniers de denrées alimentaires utilisés dans l’enquête ECVMA de 2011. Un panier de 25 denrées alimentaires avait été utilisé pour la première visite et un panier de 27 denrées pour la seconde. Ensemble, ces denrées représentaient près de 90 % de la consommation alimentaire des ménages (voir Error! Reference source not found.). Ces paniers ont été constitués à partir de la consommation moyenne nationale et ils permettent de définir différents seuils de pauvreté basés uniquement sur les différences dans le coût de la vie. Le panier, initialement fixé à environ 2 200 kilocalories, a été porté à 2 400 kilocalories. Les prix sont basés sur les moyennes obtenues à partir du module de l’enquête relatif aux prix, combiné aux valeurs unitaires moyennes utilisées dans le module relatif à la consommation. Cette technique permet de définir des seuils de pauvreté pour chacune des deux visites. La moyenne arithmétique simple de ces seuils de pauvreté détermine le seuil de pauvreté final de chaque zone agroécologique. 29. Le seuil de pauvreté non alimentaire est obtenu à l’aide de la méthode du coût des besoins essentiels décrite ci-dessus. Le modèle économétrique ci-dessous est une fonction d’Engel de la demande alimentaire, où la variable dépendante est la part de la consommation alimentaire dans la consommation totale, et les variables indépendantes sont, d’une part, le logarithme du ratio de la consommation des ménages par habitant par rapport au seuil de pauvreté et, d’autre part, le carré du logarithme de ce ratio. 10 Xi Xi CBAi  �  � ln( )  � ln( )2  U i ZA ZA 30. Un seuil de pauvreté minimum est donné par la formule : Zinf = ZA*(2 – �), tandis qu’une approximation du seuil de pauvreté maximum est obtenue à l’aide de la formule : Zsup = ZA/(� + �)/(1 + � ). On retient alors le seuil de pauvreté maximum. 31. Un seuil national de pauvreté unique facilite le dialogue et la coordination des politiques et programmes de lutte contre la pauvreté. Le seuil de Niamey est celui qui convient le mieux pour servir de seuil de pauvreté national. Par conséquent, les comparaisons de la pauvreté sont réalisées en reliant l’agrégat de consommation de chaque ménage au coût de la vie à Niamey. Cela implique de diviser la consommation totale par habitant par le déflateur, à savoir le rapport entre le seuil de pauvreté de chaque zone agroécologique et le seuil de pauvreté de Niamey. Tableau 2 : Seuils de pauvreté de 2011 Consommation Minimum non Maximum non Total Total Seuil Déflateur alimentaire alimentaire alimentaire minimum maximum national Niamey 119 107,5 47 802,9 63 527,7 166 910,4 182 635,2 182 635,2 1,000 Autres zones urbaines 106 656,0 42 805,6 56 886,6 149 461,7 163 542,6 182 635,2 0,895 Agricole 98 316,7 39 458,7 52 438,7 137 775,4 150 755,4 182 635,2 0,825 Agropastoral 104 507,9 41 943,5 55 740,8 146 451,3 160 248,7 182 635,2 0,877 Pastoral 105 453,2 42 322,9 56 245,0 147 776,1 161 698,2 182 635,2 0,885 Source : Calculs des auteurs à partir de données de l’ECVMA/INS, Niger, 2011 Méthodologies de 2005 et 2007/2008 32. L’INS et la Banque mondiale ont analysé les enquêtes 2005 et 2007/2008 du Niger. Ces études de la Banque mondiale (2006) et de l’INS (2008) ont émis des conclusions importantes qui ont été d’une grande utilité à l’époque, mais, comme indiqué dans l’introduction, leurs constatations ne sont pas comparables avec celles de l’enquête de 2011. Au lieu de recalculer le seuil de pauvreté, comme proposé ci-dessus, il serait possible d’obtenir les tendances de la pauvreté en mettant simplement à jour le seuil de 2007/2008 à l’aide de l’indice des prix à la consommation. Cette approche donne un taux de pauvreté d’environ 45 %, ce qui n’est pas réaliste au regard des récentes performances économiques du Niger, et la tendance observée serait en fait le résultat de différences méthodologiques plutôt que la preuve d’un déclin substantiel de la pauvreté. Il est donc nécessaire d’ajuster les estimations de 2005 et de 2007/2008 pour obtenir une vision cohérente des tendances de la pauvreté sur l’ensemble de la période. Comme décrit ci-dessus, cet ajustement est effectué en deux phases : recalculer les indicateurs de bien-être pour 2005 et 2007/2008 et déterminer un ensemble révisé de seuils de pauvreté permettant d’effectuer des comparaisons valides entre les enquêtes. 11 33. Pour pouvoir être comparés aux estimations de la pauvreté de 2011, les indicateurs de 2005 et 2007/2008 doivent être révisés. Christiaensen et al. (2012) proposent une méthodologie dérivée des travaux d’Elbers, Lanjouw et Lanjouw (2002, 2003) pour créer des cartes de la pauvreté à partir d’estimations révisées. Himelein (2014) a appliqué cette méthode d’imputation d’enquête à enquête pour prévoir le nombre de pauvres au Cameroun en 2011 à l’aide de l’enquête EDS de 2011 et des enquêtes de 2007 et 2001 sur la pauvreté. Dans le présent document, nous appliquons la méthode de Himelein, décrite ci-dessous. Cette procédure implique l’utilisation d’un modèle économétrique basé sur les données de l’enquête de référence (dans le cas présent, l’enquête de 2011) afin d’attribuer un indicateur de bien -être aux enquêtes précédentes de 2005 et de 2007/2008. Ce nouvel indicateur de bien-être est ensuite utilisé pour déterminer les tendances de la pauvreté à la place de l’agrégat de consommation tiré directement de l’enquête. 34. Ce processus comprend trois phases. La première consiste à constituer un ensemble de variables communes aux trois enquêtes et portant la même définition. Les variables indépendantes potentielles comprennent la localisation géographique (milieu rural ou urbain, région, etc.) ; les caractéristiques démographiques du ménage et de son chef (taille du ménage, nombre de pièces du logement par membre du ménage, sexe et situation conjugale du chef de ménage, etc.) ; la qualité du logement (électricité, eau courante, etc.). Ces variables sont regroupées en catégories (voir la liste des variables à l’Annexe A3). 35. La deuxième étape consiste à construire le modèle. Le modèle de base est estimé pour 2011 ; il s’agit d’une régression logarithmique de la consommation par habitant avec des variables indépendantes communes aux trois enquêtes dans le membre de droite. Afin de définir un modèle parcimonieux, les variables sont intégrées groupe par groupe puis testées4. Si un groupe de variables est conjointement significatif à 95 %, il est conservé dans le modèle. Les autres groupes sont éliminés du modèle. Après ces tests de signification conjointe, les variables individuelles sont soumises à la même procédure. À la fin du processus, les variables explicatives du modèle sont celles ayant une relation statistiquement significative avec le logarithme de la consommation par habitant. L’estimation du modèle au niveau national, rural/urbain ou régional pose problème. La dernière solution est exclue, car l’échantillon de l’enquête de 2011 n’avait pas été conçu pour produire des indicateurs de pauvreté au niveau régional. Le modèle national fonctionne bien, avec un R-carré égal à 0,586 (les résultats des modèles sont donnés dans le Tableau A1 en annexe). Le modèle urbain est encore meilleur (R-carré égal à 0,755), et nous pourrions être tentés d’utiliser le modèle rural/urbain. La prévision des indicateurs de pauvreté basée sur ce modèle indique toutefois un énorme déclin de la pauvreté, probablement parce que ce modèle est moins stable en raison de l’évolution considérable de certaines variables telles que les téléphones portables. C’est pourquoi nous utilisons le modèle national, mais nous procédons à l’imputation dans chaque zone de résidence. 36. La troisième étape est la validation du modèle et la prévision de l’indicateur de bien-être. L’imputation est effectuée dans Stata à l’aide des commandes « imputation multiple » avec des moyennes 4 Cette procédure donne de meilleurs résultats que la méthode par étapes que l’on trouve dans le progiciel statistique et qui peut, par exemple, donner des coefficients de régression et des valeurs R 2 trop élevés (Himelein, 2014). 12 prédictives correspondant aux options qui donnent de bons résultats. Selon Himelein (2014), pour approcher plus précisément la variance de la distribution, la procédure « imputation multiple » demande d’ajouter un certain nombre d’imputations au modèle, en général dix, ce que nous avons fait. Le modèle doit être validé avant d’être utilisé pour l’analyse de la pauvreté. Cette validation est effectuée en éva luant la performance prédictive du modèle. Pour la validation, l’échantillon est divisé de manière aléatoire en deux sous-échantillons composés des ménages avec un numéro d’identification respectivement pair et impair5. Le modèle est appliqué au premier sous-échantillon tandis que l’imputation est effectuée sur le second. Ces opérations sont ensuite inversées. Pour l’ensemble de l’échantillon, l’indice numérique de pauvreté est de 48,2 % en 2011. Lorsqu’il est calculé pour les sous-échantillons un et deux, il vaut respectivement 48,7 % et 47,8 %. Lorsque le modèle est appliqué au premier sous-échantillon, la valeur estimée est de 51 %, avec une erreur type de 2,77. L’intervalle de confiance de cette estimation englobe à la fois l’indice numérique de pauvreté calculé pour l’échantillon complet et la valeur réelle du deuxième sous-échantillon, sur laquelle porte l’estimation. L’application du modèle au deuxième sous -échantillon donne des résultats encore plus précis. Ce qui est vrai pour l’indice numérique de pauvreté vaut également pour les autres indicateurs de pauvreté, notamment l’écart de pauvreté et le carré de l’écart de pauvreté (voir le Tableau A2 en annexe). 37. Il est nécessaire de déterminer des seuils de pauvreté spécifiques pour 2005 et 2007/2008 si l’indicateur de bien-être (consommation annuelle des ménages par habitant) est imputé en valeur nominale. Avec la méthode utilisée dans le présent document, la consommation annuelle par habitant pour 2005 et 2007/2008 est établie en francs CFA (FCFA) ouest-africains de 2011. Nous utilisons donc le seuil de pauvreté de 2011, qui s’élève à 182 635 francs CFA. Tendances de la pauvreté : 2005 à 2011 38. Le Niger est un vaste pays présentant une grande diversité de moyens de subsistance et de conditions économiques. Il jouxte un bon nombre de pays, dont d’autres nations sahéliennes enclavées (Burkina Faso, Tchad et Mali) ; des pays côtiers ouest-africains (Nigéria et Bénin) ; et des pays nord- africains (Algérie et Libye). Tous entretiennent des relations économiques avec le Niger. En conséquence, pour un agriculteur de la région reculée de Tahoua disposant d’un accès limité aux infrastructures de communication et de transport, les opportunités sont plus restreintes que pour un commerçant de la région de Diffa, dans le sud du pays, qui peut facilement accéder à l’économie en plein essor du Nigéria voisin. La diversité des expériences complique l’analyse de la pauvreté au Niger. Les cap acités statistiques et analytiques limitées des organismes publics accroissent encore la difficulté, d’autant plus que les données fiables remontent rarement à plus de quelques années. Alors que ce rapport porte uniquement sur les tendances de la pauvreté de 2005 à 2011 en se basant sur les trois enquêtes conduites auprès des ménages au cours de cette période, il faudrait évaluer les données depuis le début des années 1990 pour comprendre l’évolution de la pauvreté au Niger sur le long terme. En l’absence d’informations fiables à 5 Au cours de l’enquête, les ménages ont été numérotés de 1 à 12 dans chaque zone urbaine et de 1 à 18 dans chaque zone rurale. 13 long terme, cette étude tente néanmoins d’élaborer une vision exacte de l’expérience récente de la pauvreté et de l’inégalité au Niger. Nous espérons que l’analyse présentée ici pourra être utilisée non seulement pour éclairer des politiques fructueuses de lutte contre la pauvreté, mais aussi pour promouvoir des techniques de recherche statistique plus efficaces à l’avenir. 39. Il est important de souligner dès le début que le bien-être individuel est principalement évalué à l’aide de la consommation annuelle des ménages par habitant. Cet agrégat est obtenu directement à partir des données de 2011 et est ensuite comparé aux estimations des enquêtes de 2005 et de 2007/2008 révisées selon le modèle décrit à la section précédente. Le seuil de pauvreté de 2011 est établi à 182 635 francs CFA, soit un niveau de consommation équivalent à 500 francs CFA par jour et par personne. Ce même seuil de pauvreté est utilisé pour 2005 et 2007/2008 étant donné que l’agrégat de bien-être imputé pour ces années est exprimé en valeur de 2011. 40. Entre 2005 et 2011, l’indice numérique de pauvreté a progressivement décliné. La part des Nigériens vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 53,7 % en 2005 à 52,6 % en 2007/2008, pour atteindre 48,2 % en 2011. Si la baisse de la pauvreté entre 2005 et 2007 est faible et pas statistiquement significative, elle l’est sur l’ensemble de la période 2005 à 2011, avec une diminution du taux de pauvreté d’un peu plus d’un point de pourcentage par an. L’indice numéri que de pauvreté ne raconte toutefois qu’une partie de l’histoire. Elle ne permet pas, par exemple, de mesurer l’évolution de la profondeur ou de la gravité de la pauvreté. En d’autres termes, si la situation d’un ménage pauvre s’améliore sans que celui-ci atteigne le seuil de pauvreté, le taux de pauvreté reste inchangé. De même, si la situation d’un ménage déjà pauvre devient encore plus désespérée, aucun impact n’est enregistré sur le taux de pauvreté. Par conséquent, pour obtenir une vision plus complète des tendances de la pauvreté, d’autres indicateurs doivent être pris en compte. Deux des plus importants sont la profondeur de la pauvreté, qui mesure l’écart entre le revenu moyen des pauvres et le seuil de pauvreté ; et la gravité de la pauvreté, qui mesure le degré d’inégalité de consommation parmi les pauvres. Tableau 3 : Tendances des indicateurs de pauvreté, 2005 à 2011* 2005 2007/2008 2011 Urbain Rural Total Urbain Rural Total Urbain Rural Total P0 29,6 58,6 53,7 21,8 58,3 52,6 17,9 54,6 48,2 (3,07) (1,78) (1,53) (2,25) (1,98) (1,73) (2,18) (2,24) (1,97) P1 6,9 16,6 15,0 5,0 16,6 14,8 3,6 15,0 13,1 (0,87) (0,60) (0,52) (0,65) (0,87) (0,73) (0,49) (0,93) (0,79) P2 2,4 6,5 5,8 1,7 6,5 5,8 1,1 5,7 4,9 (0,38) (0,31) (0,27) (0,29) (0,45) (0,38) (0,18) (0,46) (0,39) % de la population 16,8 83,3 100 17,6 82,1 100 17,3 83 100 % des pauvres 9,3 90,7 100,0 6,4 93,6 100,0 6,4 93,6 100,0 bre N de pauvres 624 513 6 123 432 6 747 945 452 724 6 591 040 7 043 764 511 016 7 452 615 7 963 631 Source : Calculs des auteurs à partir de données de l’ECVMA/INS, Niger, 2011 (*) Les erreurs types des indicateurs sont indiquées entre parenthèses. 41. Les mesures de la profondeur et de la gravité de la pauvreté révèlent une tendance plus ambiguë. Ces deux indicateurs sont stables entre 2005 et 2007/2008. Cela signifie qu’alors que l’indice numérique de pauvreté a chuté de 1,1 point de pourcentage au cours de cette période, la profondeur et la 14 gravité de la pauvreté sont restées inchangées. En d’autres termes, même si certains Nigériens sortaient de la pauvreté, la situation de ceux qui continuaient de vivre sous le seuil de pauvreté avait tendance à devenir de plus en plus difficile. Après 2007/2008, les tendances de la profondeur et de la gravité de la pauvreté s’améliorent de manière plus franche, la différence entre 2005 et 2011 étant statistiquement significative. Une question qui mérite d’être étudiée de plus près est à quel point la mauvaise saison agricole de 2011 a affecté les tendances de la pauvreté entre 2007/2008 et 2011. Cette question est examinée en détail dans la section suivante, mais deux observations peuvent déjà être faites à ce stade. Premièrement, les données de 2011 reflètent principalement les conséquences de la saison agricole 2010, qui était plutôt bonne, tandis que la saison 2011 a un impact plus prononcé sur la consommation de l’année suivante, 2012. Deuxièmement, les résultats couvrent la totalité de la période 2007/2008 à 2011 et pas seulement la dernière année. 42. La combinaison d’un déclin général des indicateurs de pauvreté sur l’ensemble de la période 2005 à 2011 avec des fluctuations contraires dans la direction des indicateurs de pauvreté sur la sous-période nous pousse à étudier de plus près les hypothèses sous-tendant l’analyse, en particulier celles concernant la détermination du seuil de pauvreté. Par exemple, le seuil de pauvreté établi à partir des données de l’enquête de 2011 était basé sur une consommation quotidienne de 2400 calories par personne plus des dépenses non alimentaires équivalentes à la dépense non alimentaire moyenne des ménages dans laquelle la consommation alimentaire par habitant était égale au seuil de pauvreté alimentaire. Afin de tester la solidité des résultats, il convient de mo difier ces hypothèses. L’une des méthodes possibles est la technique de dominance pour les comparaisons de la pauvreté, décrite dans l’Error! Reference source not found. ci-dessous. Encadré 1: La technique de dominance Cette technique consiste à établir pour chacune des années des fonctions de distribution de la consommation par habitant. Pour la courbe résultante, l’axe Y est la consommation par habitant et l’axe X le pourcentage des personnes vivant dans des ménages dont la consommation par habitant est inférieure à ce niveau. À chaque seuil de pauvreté représenté sur l’axe Y correspond un taux de pauvreté sur l’axe X. Lorsqu’une courbe A se situ e en dessous d’une courbe B, les niveaux de pauvreté liés à la courbe A sont systématiquement inférieurs à ceux de la courbe B ou, en d’autres mots, la distribution de la courbe A domine celle de la courbe B. 43. La technique de dominance ne corrobore pas le déclin de la pauvreté au cours de chaque sous-période, et les hypothèses sous-tendant le seuil de pauvreté influencent clairement la tendance observée. Comme le montre la Error! Reference source not found. ci-dessous, l’utilisation d’un seuil de pauvreté poussant le taux de pauvreté au-dessus des 50 % entraîne une chute continue de ce taux sur les deux périodes. Pour les seuils de pauvreté donnant un taux inférieur à 50 %, les courbes se croisent en plusieurs points. En particulier, le bien-être des plus pauvres semble plus élevé en 2005 qu’en 2007/2008, mais on observe tout de même un déclin entre 2007/2008 et 2011. Ceci indique que le déclin de la pauvreté observé sur la période 2005 à 2011 s’est produit au cours de la seconde sous-période (2007/2008 à 2011) tandis que les indicateurs de pauvreté sont restés pratiquement identiques entre 2005 et 2007/2008. 15 Figure 1 : Évolution de la distribution des dépenses par habitant, 2005 à 2011 Fonction de distribution cumulative Probabilité <= lndepph Logarithme de la dépense par habitant Source : Calcul des auteurs à partir de 1994-CWIQ, ENBC-2007/2008 et ECVMA-2011 44. L’objectif de la stratégie de développement du Niger n’est pas seulement d’infléchir le taux de pauvreté, mais aussi de réduire le nombre absolu des personnes vivant dans la pauvreté ; malheureusement, même si des progrès limités ont été réalisés au niveau du premier objectif, la croissance rapide de la population entrave continuellement la réalisation du second. En 2005, le nombre total de Nigériens vivant sous le seuil de pauvreté était estimé à 6,7 millions, mais en dépit du déclin du taux de pauvreté, ce nombre atteignait quelque 8 millions en 2011, soit un taux de croissance de 18,5 % au cours d’une période pendant laquelle la population n’a augmenté que de 13,1 %. Cette hausse importante du nombre des personnes vivant dans la pauvreté est préoccupante, et le taux de fertilité extrêmement élevée du Niger (7,6 enfants par femme en 2011) a des conséquences majeures pour l’évolution de la pauvreté. 45. Au rythme actuel, le Niger ne parviendra pas à atteindre l’objectif du Millénaire pour le développement consistant à réduire de moitié le taux de pauvreté de 1990 d’ici 2015. Comme indiqué précédemment, le taux de pauvreté de référence de 1990 avait été déterminé à 63 % pour le Niger sur la base des données de l’ENBC de 1989/1990 pour les zones urbaines, et de 1992/1993 pour les zones rurales. En raison de différences méthodologiques, il n’est pas possible de comparer directement ce taux à ceux obtenus avec les enquêtes plus récentes. Toutefois, lorsque l’on applique aux données de 1990 l’élasticité de la croissance de la pauvreté calculée à partir des enquêtes récentes, on obtient un taux de pauvreté semblable à celui observé en 2005. Toutefois, même si l’on retenait le taux de référence initial 16 de 63 %, le taux cible pour 2015 serait de 32 % et, avec un taux de pauvreté estimé à plus de 48 % en 2011, ce taux cible n’est plus réaliste. 46. La dynamique de la pauvreté rurale-urbaine révèle également des tendances divergentes. Les taux de pauvreté ont régulièrement chuté tant en milieu rural qu’urbain entre 2007/2008 et 2011, mais entre 2005 et 2007/2008, on a surtout pu observer un déclin dans les centres urbains et une stagnation dans les zones rurales. L’indice numérique de pauvreté rurale a chuté modestement de 0,3 point de pourcentage en milieu rural entre 2005 et 2007/2008, alors que la pauvreté urbaine déclinait d’environ 7 points de pourcentage. Dans ces deux types de zones, la diminution entre 2007/2008 et 2011 a pratiquement atteint 4 points de pourcentage. Les raisons de ces tendances sont complexes et cette étude n’a pas pour objectif d’étudier cette question en profondeur.6 Toutefois, plusieurs observations pertinentes pour la méthodologie de mesure de la pauvreté méritent d’être explorées de manière plus détaillée. 47. Le premier élément à considérer est le manque de régularité des performances du secteur agricole nigérien. En 2011, plus de huit Nigériens sur dix vivaient en milieu rural, et la grande majorité d’entre eux dépendaient principalement de l’agriculture pour subvenir à leurs besoins. L’agriculture représente un quart de l’économie du Niger et exerce une influence énorme sur l’emploi, les revenus, la pauvreté et le bien-être général. En raison de sa situation géographique, le Niger souffre de sécheresses fréquentes (environ une fois tous les trois ans au cours de la dernière décennie). En raison de l’absence généralisée de systèmes d’irrigation, les fluctuations dans les précipitations tendent à se traduire par une succession de bonnes et mauvaises récoltes. 48. La production agricole par habitant a augmenté de plus de 25 % entre 2007 et 2008, avant de chuter de 38 % entre 2008 et 2009. La volatilité du secteur a un impact profondément négatif sur la pauvreté dans la mesure où elle expose constamment les ménages ruraux à des chocs négatifs. En outre, l’agriculture nigérienne tend à favoriser la culture extensive plutôt qu’intensive. Comme indiqué dans la Error! Reference source not found. ci-dessous, même lors des bonnes années, les rendements par hectare ne s’améliorent généralement pas, si bien que l’accroissement de la production se fait par l’expansion des terres agricoles. La dernière évaluation de la pauvreté réalisée au Niger par la Banque mondiale (Banque mondiale, 2011) met en lumière le besoin pressant de moderniser les pratiques agricoles et de construire des infrastructures rurales afin d’atteindre une réduction durable et générale de la pauvreté. 6 Une analyse de la nature et des causes des tendances de la pauvreté observées au Niger, et de leurs implications pour les politiques de développement, est en cours et devrait être publiée en même temps que la présente étude. 17 Figure 2 : Évolution de la production agricole par habitant au Niger, 2006 à 2010 500,0 450,0 400,0 350,0 300,0 250,0 200,0 150,0 100,0 50,0 0,0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Per Capita Agricultural Production agricole parProduction (kg) habitant (kg) Per Capita Cereals Production Production de céréales (kg) (kg) par habitant Yields hectare) (kg per(kg Rendements par hectare) Source : Calculs des auteurs basés sur les données de l’INS. 49. Une deuxième raison du niveau de pauvreté constamment élevé est le manque généralisé de diversification économique. L’emploi, la productivité et les exportations sont essentiellement concentrés dans l’agriculture de subsistance, le bétail et l’extraction d’uranium. La structure de l’emploi enregistrée lors des enquêtes de 2005 et 2011 reflète cette concentration de l’activité économique dans le secteur primaire.7 50. En 2001, environ trois travailleurs nigériens sur quatre avaient l’agriculture pour occupation permanente. En outre, le secteur agricole lui-même n’est pas diversifié. Dans d’autres pays du Sahel (Tchad, Mali, Burkina Faso), l’industrie du coton fournit des emplois en dehors de l’agriculture (égrenage, production textile, etc.), mais ce type d’ajout de valeur est peu fréquent au Niger, où la plupart des produits agricoles sont vendus ou consommés sans être transformés. La comparaison des structures de l’emploi de 2005 et 2011 suggère que le taux de chômage double entre la saison agricole et la morte - saison. Pendant cette dernière, la plupart des exploitants sont sous-employés, même si certains exercent d’autres activités, notamment le petit commerce. 7 Plusieurs problèmes méthodologiques doivent être pris en compte. En 2005, seul l’emploi actuel de la personne interrogée était enregistré (c’est-à-dire l’emploi occupé au cours des 7 jours précédant la visite de l’enquêteur) tandis qu’en 2011, l’enquête se concentrait sur l’emploi à long terme de la personne interrogée (c’est -à-dire l’emploi occupé pendant les 12 mois précédant la visite de l’enquêteur). Comme l’enquête de 2005 avait été principalement conduite en dehors de la saison agricole, ce facteur explique certaines différences structurelles dans le secteur professionnel. Toutefois, la différence de méthodologie présente l’avantage de fournir des informations importantes sur l’emploi en dehors de la saison agricole. Comme il n’est pas suffisamment comparable à celui des deux autres enquêtes, cette étude ne prend pas en compte le module relatif à l’emploi de l’enquête de 2007/2008. 18 51. La structure de l’emploi de chaque catégorie professionnelle met en évidence le manque général d’emplois salariés. Au Niger, seul un emploi sur 10 bénéficie d’un salaire régulier. La plupart des travailleurs sont des indépendants ou travaillent dans une entreprise familiale (le plus souvent du secteur primaire), dans un environnement caractérisé par un accès limité au crédit et de rares opportunités de développement du capital humain. Il est donc probable que de nombreux travailleurs se retrouvent coincés dans un cercle vicieux de faible productivité et d’insécurité économique permanente. Tableau 4 : Structure de l’emploi de la population nigérienne de 15 ans et plus Structure de l’emploi par secteur Agriculture Industries Commerce Services Total % sans emploi 2011 74,7 7,9 7,3 10,2 100 21,0 2005 55,8 10,8 20,9 12,5 100 46,3 Structure de l’emploi par catégorie professionnelle Employé Indépendant TCP Aide familiale Total % sans emploi 2011 10,1 1,0 58,9 30,0 100,0 20,3 2005 8,4 0,6 80,4 10,7 100,0 46,3 Source : Calculs des auteurs basés sur CWIQ-1994 et ECVMA-2011 52. Un autre facteur de l’évolution des tendances de la pauvreté pourrait être la migration rurale-urbaine. La population urbaine représentait 16,8 % de la population totale en 2005 et 17,3 % en 20118. Le secteur urbain informel semble attirer une petite partie des travailleurs ruraux. Bien que le salaire moyen soit peu élevé dans ce secteur, l’emploi informel dans l’économie urbaine tend à offrir des revenus plus élevés et plus réguliers que l’agriculture. Une décomposition des tendances de la pauvreté entre 2005 et 2011 indique que presque la totalité de la baisse d’environ 5,4 points de l’indice numérique de pauvreté correspond à un déclin interne dans les zones urbaines ou rurales, et que seul 0,5 % de cette diminution est imputable à la migration rurale-urbaine. La migration vers les villes est également associée à une très faible réduction de la profondeur et de la gravité de la pauvreté (environ 0,8 % de la réduction totale de la pauvreté). Il est intéressant de noter que, si la migration rurale-urbaine semble négligeable en termes de réduction de la pauvreté, les migrations saisonnières, elles aussi liées à la mobilité sur le marché du travail, peuvent y contribuer de manière plus significative, mais la question doit être creusée. Tableau 5 : Décomposition des tendances de la pauvreté par type de localisation et migration rurale-urbaine Pauvreté Décomposition 2005 2011 Différence Intrasecteur Migrations Interaction Indice numérique de pauvreté 53,70 48,24 -5,46 -5,266 -0,028 -0,047 Profondeur de la pauvreté 15,01 13,07 -1,94 -1,929 -0,015 -0,012 Gravité de la pauvreté 5,79 4,88 -0,91 -0,861 -0,007 -0,004 Source : Calculs des auteurs basés sur CWIQ-2005 et ECVMA-2011 8 Bien que le taux de 17,3 % soit correct dans la mesure où les résultats de l’enquête de 2011 étaient alignés sur les chiffres de la population de 2012 directement tirés du recensement de la population et du logement (RGPH), les taux de 2005 sont moins précis parce que la base d’échantillonnage utilisé pour l’enquête (RGPH 2001) était déjà légèrement obsolète et que les chiffres de la population étaient alignés sur des estimations qui avaient tendance à légèrement surestimer la population urbaine. 19 Indicateurs de pauvreté non monétaire 53. La pauvreté est un phénomène multidimensionnel, et le revenu n’est pas le seul indicateur valable permettant de l’évaluer. Même s’il constitue un indicateur essentiel, le revenu est loin de fournir une mesure complète du bien-être. La qualité et la disponibilité des biens et services publics ont un impact majeur sur les conditions de vie des ménages et sont particulièrement importantes pour le bien- être des pauvres, qui a le plus tendance à dépendre de l’efficacité de l’administration publique. Les conditions de logement et la possession d’actifs sont également des indicateurs très importants de richesse ou de pauvreté relative, mais elles ne sont pas correctement reflétées par le niveau de revenu. En outre, afin de garantir la cohérence des indicateurs de pauvreté au cours du temps et d’identifier les menaces pour la solidité des analyses futures, il est important d’étudier la façon dont les autres dimensions de la pauvreté évoluent. 54. Une méthode pour calculer un indicateur de bien-être non monétaire et le seuil de pauvreté associé consiste à déterminer la valeur totale des actifs durables que possède le ménage, ainsi que la qualité de son logement. Une variable est créée pour chaque actif durable et indicateur de qualité du logement. Cette variable reçoit la valeur 1 lorsque le ménage possède l’actif et 0 dans le cas contraire. Des poids statistiques sont créés pour les ménages, et l’indicateur de bien-être est une combinaison linéaire basée sur ces poids des variables d’actifs durables et de qualité du logement (voir Error! Reference source not found., ci-dessous). La présente étude utilise des variables dichotomiques pour la possession d’une voiture, d’une moto, d’un vélo, d’un poste de télévision, d’un ventilateur, d’une cuisinière électrique ou à gaz, d’un lecteur DVD, d’un réfrigérateur, d’une antenne parabolique et d’une machine à coudre, ainsi que pour la résidence dans une maison avec des murs « en dur », une toiture en tôle, en tuile ou en béton, l’eau courante, l’électricité, des toilettes à chasse d’eau, et enfin le nombre de piè ces du logement par membre du ménage.9 Après le calcul de l’indicateur de bien-être, le seuil de pauvreté est déterminé d’une manière conduisant à peu près aux mêmes taux de pauvreté par type de zone que ceux issus de l’analyse de la pauvreté monétaire effectuée en 2011 : 18 % en milieu urbain et 54 % en milieu rural. Tableau 6 : Indicateurs de pauvreté non monétaire : Conditions de logement et possession d’actifs durables 2005 2007/2008 2011 Urbain Rural Total Urbain Rural Total Urbain Rural Total P0 29,4 53,5 49,5 21,5 53,9 48,2 17,9 54,9 48,6 P1 13,1 20,8 19,5 9,7 20,1 18,3 8,3 21,6 19,3 P2 7,5 10,5 10,0 5,6 9,9 9,2 4,8 10,9 9,9 % de la population 16,8 83,3 100,0 17,6 82,1 100,0 17,3 83,0 100,0 % des pauvres 10,0 90,0 100,0 7,9 92,1 100,0 6,4 93,6 100,0 bre N de pauvres 749 802 6 047 289 6 797 091 614 095 6 077 894 6 691 989 510 607 7 503 931 8 014 538 Source : Calculs des auteurs, basés sur le CWIQ-2005, l’ENBC-2007/2008 et l’ECVMA-2011 9 Les voitures et les toilettes sont presque exclusivement utilisées en milieu urbain. De plus, la possession d’un téléphone n’est pas prise en compte dans l’analyse. Avec l’avènement des téléphones portables, la possession des téléphones a explosé entre 2005 et 2011 et l’inclusion de cet indicateur pourrait par conséquent nuire à la pertinence de la tendance de la pauvreté. 20 55. Au Niger, la pauvreté fondée sur les actifs change moins au cours du temps que la pauvreté monétaire. Les deux formes de pauvreté ont diminué entre 2005 et 2007/2008, la pauvreté monétaire chutant de 1,1 point de pourcentage et celle fondée sur les actifs de 1,3 point. Par la suite, alors que la pauvreté monétaire continuait de baisser entre 2007/2008 et 2011, la pauvreté fondée sur les actifs restait pratiquement inchangée. Tout comme la pauvreté monétaire, la pauvreté fondée sur les actifs peut être évaluée non seulement en termes d’incidence, mais aussi de profondeur et de gravité. Ces indicateurs affichent les mêmes tendances que l’incidence de la pauvreté, à savoir un léger déclin entre 2005 et 2007/2008, suivi par une stagnation entre 2007/2008 et 2011. 56. L’évolution de la pauvreté non monétaire révèle toutefois des contrastes plus marqués entre les milieux urbain et rural. Les conditions de vie urbaines semblent s’améliorer assez rapidement, avec une chute de la pauvreté urbaine fondée sur les actifs de plus de 29 % en 2005 à moins de 18 % en 2011. En revanche, l’amélioration des conditions de vie rurales a été nettement plus modeste : en 2011, le taux rural de pauvreté fondée sur les actifs n’affichait que 0,9 point de pourcentage de moins que celui de 2005 et était, en fait, légèrement supérieur à celui de 2007/2008. Le nombre des ruraux touchés par la pauvreté fondée sur les actifs a, par conséquent, augmenté plus vite que celui des ruraux touchés par la pauvreté monétaire : la population pauvre en actifs a augmenté de 25 % entre 2005 et 2011, passant de moins de 6 millions à plus de 7,5 millions. En raison de l’accroissement de leur part dans la population et de la progression des taux de pauvreté, 94 % des pauvres du Niger vivent en milieu rural. 57. La stagnation de la pauvreté fondée sur les actifs et le léger recul de la pauvreté monétaire mettent une fois de plus en évidence l’amélioration modeste et instable des indicateurs de la pauvreté au Niger. Ces tendances reflètent, en particulier, la vulnérabilité du ménage moyen, étant donné que de faibles niveaux de revenus empêchent d’investir dans la qualité des logements et les actifs durables. Certaines conditions de logement affichent néanmoins une légère amélioration. Le pourcentage de la population vivant dans des maisons avec des murs en béton ou en parpaings a augmenté de 4,2 % en 2005 à 7 % en 2011, et celui des personnes vivant dans des maisons avec toiture en tôle, en tuile ou en béton a progressé de 7,8 % à 11,4 %. 58. De façon troublante, deux conditions de logement qui ont un impact fort sur la santé publique (l’assainissement et à l’élimination des déchets) ne présentent que peu ou pas d’amélioration. En 2005, 21 % des ménages utilisaient des toilettes à chasse d’eau ou des latrines améliorées ; ce nombre a chuté à moins de 20 % en 2007/2008, puis légèrement remonté à 23 % en 2011. Les toilettes à chasse d’eau sont utilisées par moins de 2 % de la population. Ces tendances semblent indiquer que la qualité des maisons neuves est essentiellement alignée sur la moyenne du stock déjà existant. Il en va de même de l’élimination des déchets des ménages. En 2007/2008, 7,6 % des ménages avaient recours aux installations publiques ou à des services privés pour éliminer leurs déchets domestiques, les services privés, eux-mêmes, utilisant souvent les décharges publiques. Cette proportion est descendue à 5,8 % en 2011, illustrant ainsi la difficulté des municipalités à répondre aux besoins d’infrastructure des populations urbaines croissantes. 59. L’accès à l’électricité s’est rapidement élargi, bien qu’à partir d’un bas niveau initial, mais l’accès à l’eau potable reste limité. L’électrification a progressé de façon spectaculaire : le pourcentage des personnes vivant dans des ménages où l’électricité est la principale source d’éclairage a doublé entre 2005 et 2011. Le taux d’électrification en 2011 est toutefois resté faible en valeur absolue (14,4 %). De 21 son côté, l’accès à l’eau potable stagne aux alentours de 50 % depuis 2005. Cette question mérite une attention particulière, étant donné que ce pourcentage concerne les ménages ayant accès à une source d’eau potentiellement potable dont la qualité réelle n’est pas vérifiée. De plus, dans ce contexte, « l’accès » n’est pas synonyme d’une eau courante à la maison, mais plutôt d’une eau potable localement disponible. Si l’on considère le temps et la distance requis pour obtenir cette eau, le niveau réel de l’accès des ménages à l’eau potable est de fait beaucoup plus faible. 60. L’accession à la propriété des logements affiche une tendance plus encourageante à l’amélioration. De plus, le pourcentage des ménages possédant un titre foncier formel est passé de 9 % en 2007/2008 à 12,7 % en 2011. L’accession à la propriété des logements et foncière peut aider à atténuer l’impact des chocs négatifs, tels que la perte d’emploi ou toute autre diminution temporaire du revenu, et ce type de résistance est particulièrement important pour les pauvres. 61. La possession de biens durables représente une autre dimension de la pauvreté fondée sur les actifs. Des améliorations ont été enregistrées dans la possession de biens, mais la plupart ont eu lieu en milieu urbain. En 2011, plus de ménages urbains ont déclaré posséder un moyen de transport (c.-à-d. une voiture ou une moto). En même temps, les ménages ruraux ont connu une baisse de la propriété d’automobiles et une augmentation de la possession de motos. Un plus grand nombre de personnes vivent aujourd’hui dans des maisons équipées d’un poste de télévision, d’un lecteur DVD, d’un ventilateur et d’un réfrigérateur, mais ces améliorations sont également pour la plupart observées en milieu urbain. Encadré 2: Méthode d’analyse de la pauvreté en termes de conditions de vie Tout comme la pauvreté monétaire, la pauvreté fondée sur les actifs requiert un indicateur de bien-être et un seuil de pauvreté. L’indicateur de bien-être est établi sur la base des biens durables que possède le ménage et d’un ensemble de caractéristiques du logement. Supposons que l’évaluation est effectuée sur la base des biens K, énumérés comme b1i, b2i, … bki pour le ménage i. Ce sont des variables binaires pouvant prendre la valeur 1 ou 0 selon que le ménage possède ou non le bien. L’indicateur de bien-être pour le ménage i sera : Wi = w1b1i + w2b2i + ⋯ + wkbki, où wj est le poids attribué à chacun des biens j, j = 1,…, k. La conception d’un indicateur de bien-être implique donc deux problèmes : le choix des variables bj et la détermination de leurs poids. Comme indiqué plus haut, les variables bj sont choisies parmi un ensemble de biens durables et de caractéristiques du logement. Elles sont supposées refléter le niveau de vie du ménage ; plus un ménage possède de biens, plus il est aisé. De même, les ménages vivant dans des maisons dotées de meilleures installations (matériaux de construction améliorés, électricité, eau courante, etc.) sont supposés jouir d’un niveau de bien-être plus élevé que ceux qui vivent dans des maisons dotées de commodités moindres. Une faiblesse importante de cette approche est que la qualité relative de ces biens n’est pas systématiquement prise en compte, ce qui peut occulter des inégalités réelles dans les niveaux de vie. Une autre question majeure est la pondération des variables. Une approche classique consiste à effectuer une analyse factorielle (ex. analyse par composantes principales) effectuant la projection d’un espace de dimension K dans un espace de dimension plus faible (généralement 1), en retenant comme poids les coefficients de projection. Cette approche a souvent été utilisée pour analyser la pauvreté sur une période donnée, par exemple pour évaluer l’impact d’un programme lié à la pauvreté en l’absence d’un agrégat de consommation. Le but de cette étude étant d’analyser les tendances de la pauvreté, il est important de maintenir des poids cohérents, afin que la différence dans l’indicateur de bien-être ne reflète que les 22 différences dans la possession de biens. Les poids retenus seront donc un divisé par le nombre des ménages possédant le bien en 2011. 23 Conclusion 62. Cet aperçu des tendances de la pauvreté au Niger indique que, même si les conditions de vie des ménages ne se sont pas détériorées, elles ne se sont que légèrement améliorées au cours de la période 2005 à 2011, et que deux conclusions méthodologiques majeures se dégagent de cet exercice. Premièrement, les tendances révélées par l’analyse de la pauvreté fondée sur les actifs sont légèrement différentes de celles reflétées par les indicateurs de pauvreté monétaire. Deuxièmement, de nombreux indicateurs affichent des tendances mitigées, et lorsque des améliorations sont observées, elles sont fréquemment mineures. Cela souligne la difficulté rencontrée par les décideurs politiques nigériens pour atteindre les OMD et les objectifs plus modestes de la stratégie nationale de développement du pays. 24 Tableau 7: Pourcentage de personnes vivant dans des ménages qui possédaient le bien en 2005, 2007 et 2011 Urbain Rural Total 2005 2007/2008 2011 2005 2007/2008 2011 2005 2007/2008 2011 Moyenne ET Moyenne ET Moyenne ET Moyenne ET Moyenne ET Moyenne ET Moyenne ET Moyenne ET Moyenne ET Murs « en dur » 23,6 0,9 29,7 1,0 35,5 1,2 0,2 0,1 0,5 0,2 0,5 0,1 4,2 0,2 5,7 0,4 6,5 0,4 Toit en tôle/béton 34,0 1,1 41,6 1,1 49,9 1,3 2,5 0,2 3,7 0,4 3,3 0,4 7,8 0,3 10,4 0,5 11,4 0,5 Eau courante 31,6 1,0 37,8 1,1 40,9 1,3 3,1 0,3 0,6 0,2 0,3 0,1 7,8 0,3 7,1 0,4 7,3 0,4 Électricité 40,6 1,1 53,4 1,1 59,9 1,3 1,2 0,2 3,2 0,4 4,9 0,4 7,8 0,3 12,1 0,5 14,4 0,6 Toilettes décentes 76,1 0,9 80,9 0,9 85,0 0,9 10,3 0,4 7,1 0,6 10,8 0,6 21,3 0,5 20,2 0,6 23,6 0,7 Pièces par personne 41,4 0,6 42,1 0,6 44,3 0,7 40,9 0,3 39,4 0,4 40,2 0,4 41,0 0,3 39,8 0,3 40,9 0,3 Voiture 7,4 0,6 9,0 0,7 10,8 0,8 0,2 0,1 0,7 0,2 0,1 0,1 1,4 0,1 2,1 0,2 2,0 0,2 Moto 13,5 0,8 20,6 0,9 25,8 1,1 2,8 0,2 4,4 0,4 8,1 0,6 4,6 0,3 7,2 0,4 11,2 0,5 Vélo 19,3 0,9 22,3 1,0 13,5 0,9 8,9 0,4 10,6 0,7 5,5 0,5 10,6 0,4 12,7 0,5 6,9 0,4 Poste de télévision 32,7 1,0 41,6 1,1 45,7 1,3 2,1 0,2 2,4 0,3 1,8 0,3 7,2 0,3 9,3 0,5 9,4 0,5 Ventilateur 26,9 1,0 36,4 1,1 41,2 1,3 0,6 0,1 0,9 0,2 0,5 0,1 5,0 0,3 7,1 0,4 7,5 0,4 Cuisinière 6,6 0,6 4,8 0,5 6,2 0,6 0,6 0,1 0,0 0,0 0,1 0,1 1,6 0,2 0,9 0,1 1,1 0,2 Lecteur DVD 16,6 0,8 20,3 0,9 22,7 1,1 0,6 0,1 1,2 0,2 1,4 0,2 3,3 0,2 4,6 0,3 5,1 0,4 Réfrigérateur 18,6 0,9 19,7 0,9 19,3 1,0 0,8 0,1 0,3 0,1 0,6 0,2 3,8 0,2 3,7 0,3 3,8 0,3 Antenne parabolique 2,6 0,4 4,5 0,5 9,9 0,8 0,0 0,0 0,2 0,1 0,5 0,1 0,5 0,1 0,9 0,2 2,1 0,2 Machine à coudre 7,3 0,6 10,0 0,7 8,2 0,7 2,3 0,2 1,9 0,3 2,1 0,3 3,1 0,2 3,3 0,3 3,2 0,3 Source : Calculs des auteurs, basés sur le CWIQ-2005, l’ENBC-2007/2008 et l’ECVMA-2011 25 Annexes : Autres tableaux Tableau A1. Modèle estimé à partir des données de 2011 pour valider le modèle présenté à l’encadré 1 (suite) National Urbain Rural Coeff. Err. type P>t Coeff. Err. type P>t Coeff. Err. type P>t urbain 0,1022 0,0326 0,002 hhtaille -0,0910 0,0102 0 -0,115 0,014 0 -0,082 0,011 0 hhtaille2 0,0022 0,0005 0 0,004 0,001 0 0,002 0,001 0,003 hfemme 0,179 0,062 0,004 conjoint 0,170 0,052 0,001 hâge -0,019 0,005 0 hâge2 0,000 0,000 0,001 hmstat3 0,0847 0,0293 0,004 0,087 0,034 0,012 hmstat4 -0,0647 0,0319 0,043 -0,076 0,045 0,091 hh_dep_ratio -0,0436 0,0117 0 -0,072 0,011 0 -0,038 0,014 0,007 piepers 0,3290 0,0327 0 0,283 0,044 0 0,341 0,043 0 halfab 0,0930 0,0235 0 0,093 0,034 0,007 héduc_1 -0,095 0,032 0,003 -0,022 0,052 0,677 héduc_2 -0,021 0,029 0,0485 -0,070 0,044 0,111 héduc_3 0,000 (omis) héduc_4 0,029 0,034 0,399 0,242 0,125 0,053 électricité 0,0923 0,0412 0,025 0,080 0,032 0,012 eaucour 0,068 0,024 0,005 wc_ce 0,2793 0,0467 0 0,259 0,040 0 wc_la 0,1158 0,0399 0,004 0,066 0,027 0,015 0,153 0,060 0,011 toit 0,1061 0,0306 0,001 0,091 0,026 0 0,149 0,051 0,004 proprio 0,070 0,031 0,022 loca 0,0811 0,0256 0,002 0,095 0,036 0,009 téléph 0,0857 0,0183 0 0,172 0,024 0 0,069 0,020 0 cuisin 0,1739 0,0501 0,001 0,144 0,046 0,002 0,395 0,090 0 frigo 0,1480 0,0289 0 0,0877 0,029 0 0,173 0,060 0,004 dvd 0,251 0,051 0 télé 0,1298 0,0344 0 0,102 0,035 0,003 ventilo 0,0969 0,0291 0,001 0,132 0,030 0 vélo 0,1018 0,0364 0,005 0,055 0,029 0,06 0,134 0,051 0,009 moto 0,2269 0,0257 0 0,120 0,021 0 0,286 0,037 0 voiture 0,3250 0,0375 0 0,318 0,039 0 0,722 0,053 0 bovin 0,0052 0,0019 0,007 0,008 0,002 0,001 cameq -0,0150 0,0068 0,028 région_1 0,146 0,047 0,002 région_2 -0,001 0,049 0,985 région_3 -0,1846 0,0337 0 -0,161 0,036 0 -0,051 0,034 0,141 région_4 -0,2205 0,0522 0 -0,325 0,034 0 -0,059 0,059 0,318 région_5 -0,1201 0,0366 0,001 -0,153 0,048 0,002 région_6 -0,1747 0,0444 0 -0,353 0,060 0 région_7 -0,1656 0,0435 0 -0,195 0,039 0 région_8 -0,1705 0,0322 0 -0,211 0,034 0 _cons 12,6144 0,0475 0 13,231 0,114 0 12,446 0,072 0 bre N d’obs. 3803 1500 2303 R-carré 0,5864 0,7553 0,393 26 Tableau A2. Comparaison des calculs et estimations directs des indicateurs de pauvreté de 2011 à l’aide du modèle national de A1 P0 P1 P2 Moyenne Err. type Moyenne Err. type Moyenne Err. type Indicateurs initiaux de pauvreté Total 48,2 1,97 13,1 0,79 4,9 0,39 Urbain 17,9 2,18 3,6 0,49 1,1 0,18 Rural 54,6 2,24 15,0 0,93 5,7 0,46 Indicateurs de pauvreté calculés sur 50 % de l’échantillon (sous-échantillon 1) Total 48,7 2,09 13,0 0,87 4,9 0,044 Urbain 19,7 2,76 3,7 0,59 1,1 0,21 Rural 54,9 2,38 15,1 1,02 5,7 0,52 Indicateurs de pauvreté calculés sur 50 % de l’échantillon (sous-échantillon 2) Total 47,8 2,53 13,1 0,93 4,9 0,45 Urbain 16,1 2,32 3,6 0,57 1,2 0,25 Rural 54,2 2,94 15,0 1,11 5,6 0,54 Indicateurs de pauvreté estimés sur le sous-échantillon 2, le sous-échantillon 1 étant le sous-échantillon initial Total 51,0 2,77 13,4 1,03 4,9 0,51 Urbain 16,6 2,92 3,7 0,86 3,7 0,86 Rural 58,1 3,06 15,4 1,17 5,6 0,59 Indicateurs de pauvreté estimés sur le sous-échantillon 1, le sous-échantillon 2 étant le sous-échantillon initial Total 47,4 2,50 13,2 1,06 5,1 0,55 Urbain 20,7 3,87 4,9 1,13 1,8 0,58 Rural 53,1 2,91 15,0 1,26 5,8 0,65 Source : Calculs des auteurs, basés sur l’ECVMA-2011 27 Tableau A3. Liste des variables utilisées dans le modèle Groupe Variables Bétail Nombre de bovins, nombre de moutons et de chèvres, nombre de chameaux Transport Ménage possède un vélo, ménage possède une moto, ménage possède une voiture Logement Ménage possède un poste de TV, ménage possède un ventilateur, ménage possède un lecteur DVD, ménage possède une machine à coudre Cuisine Ménage possède une cuisinière, ménage possède un réfrigérateur Communication Ménage possède une ligne fixe ou un téléphone portable Chef Chef de ménage est une femme, âge du chef de ménage, âge du chef de ménage au carré, le compagnon/la compagne du chef de ménage vivait dans le ménage Démographie Nombre d’enfants de 0 à 4 ans, nombre d’enfants de 5 à 14 ans, nombre d’enfants de 7 à 14 ans allant à l’école, ratio de dépendance du ménage, taux de fréquentation scolaire du ménage, nombre de personnes par pièce Taille du ménage Taille du ménage, taille du ménage au carré Propriété du logement Ménage était propriétaire du logement, ménage louait le logement Niveau d’instruction du Chef de ménage sait lire et écrire, chef de ménage n’a jamais été à l’école, chef de chef ménage a un niveau d’enseignement primaire, chef de ménage a un niveau d’enseignement secondaire inférieur, chef de ménage a un niveau d’enseignement secondaire supérieur ou universitaire Situation matrimoniale Chef de ménage est non marié, chef de ménage est monogame, chef de ménage est du chef polygame, chef de ménage est veuf ou divorcé Services publics Ménage a l’électricité, ménage a l’eau courante Toilettes Ménage utilise des toilettes à chasse d’eau, ménage utilise des latrines Maison Murs de la maison sont « en dur », toit de la maison est « en dur » Région Agadez, Diffa, Dosso, Maradi, Tahoua, Tillabery, Zinder, Niamey Autres variables non Urbain/rural, logarithme du nombre de pièces de l’habitation groupées 28 Bibliographie Agence nationale de la statistique et de la démographie (2012). 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