50221 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Janvier 2009 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes © 2009 Banque Mondiale 1818 H Street, NW Washington, DC 20433 Tous droits réservés Les constatations, interprétations et conclusions contenues dans le présent rapport n'engagent que ses auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale, ni des organisations qui lui sont affiliées, ni celles des membres du Conseil des administrateurs de la Banque mondiale, ou de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), du Fonds international de développement agricole (FIDA) ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale, la FAO et le FIDA ne garantissent pas l'exactitude des données citées et n'accep- tent aucune responsabilité quant aux conséquences de leur utilisation. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent rapport n'impliquent de la part de la Banque mondiale, de la FAO et du FIDA aucun jugement quant au statut juridique d'un territoire quelconque et ne signifient nullement que ceux-ci reconnaissent ou acceptent ces frontières. Table des matières 1. Quels facteurs expliquent les récents chocs des prix des produits ...........................................1 agricoles de base ? Pourquoi les pays arabes sont-ils inquiets des récents chocs des prix ? ........................................ 1 Quels sont les facteurs augmentant les risques en matière de sécurité alimentaire ? ................. 2 Les chocs des prix alimentaires continueront-ils d'être une source ............................................... 8 de problèmes pour les pays arabes ? 2. Quel est l'impact du récent choc des prix pour les économies des pays arabes ? ............... 11 Quel sera l'impact du récent choc des prix alimentaires sur l'inflation ? ....................................12 Quel est l'impact du choc des prix alimentaires sur les budgets publics ? ..................................12 Quels sont les impacts potentiels sur la pauvreté des chocs des prix alimentaires ?.................14 Quelles sont les implications en matière de sécurité alimentaire pour les pays arabes ............17 présentant des dotations en ressources et des équilibres budgétaires différents ? 3. L'avenir de la sécurité alimentaire : la dépendance à l'égard des importations.................. 21 devrait augmenter Que peut-on tirer des modèles prospectifs à propos de la sécurité alimentaire ........................21 dans les pays arabes ? 4. Améliorer la sécurité alimentaire par des filets de protection sociale,................................. 27 des services de planning familial et par l'éducation Quelles sont les conséquences à long terme des chocs des prix alimentaires .............................28 sur l'éducation, la santé et la nutrition ? Quelles sont les mesures utilisées par les États arabes pour répondre........................................29 au récent choc des prix et quelles sont les limites de ces mesures ? Comment les pays arabes peuvent-ils gérer la demande afin d'atténuer .....................................31 les conséquences des chocs des prix ? 5. Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité ................... 37 Quel rôle va jouer la productivité pour répondre à la demande croissante ................................37 de denrées alimentaires dans les pays arabes ? iv Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Les pays arabes pourront-ils étendre les surfaces cultivées pour répondre ................................38 à leur demande de denrées alimentaires ? Quels sont les obstacles et les possibilités d'accroissement de la productivité ? ........................38 Comment les pays arabes peuvent-ils tirer le meilleur parti de leurs maigres ...........................41 ressources en eau ? Pourquoi est-il essentiel d'investir davantage dans l'agriculture pluviale pour ..........................44 les pays arabes ? Comment les pays arabes peuvent-ils accroître la productivité ? .................................................45 Comment les investissements peuvent-ils améliorer la diffusion des connaissances ................48 auprès des agriculteurs ? 6. La réduction de l'exposition à la volatilité du marché............................................................... 51 Comment les pays arabes peuvent-ils assurer un approvisionnement régulier .........................51 en céréales importées à des prix raisonnables ? Quelles sont les stratégies de stockage de rechange ? .....................................................................54 L'acquisition des terres est-elle une stratégie viable ?.....................................................................56 Quelles stratégies de rechange les pays arabes peuvent-ils employer ?........................................58 Prochaines étapes ...................................................................................................................................... 61 Références : ................................................................................................................................................. 63 Liste des encadrés Encadré1.1 : Les dimensions de la sécurité alimentaire sont multiples ............................................ 3 Encadré 1.2 : Pourquoi les prix de détail des denrées alimentaires n'ont pas baissé ........................ 7 parallèlement aux prix des produits de base Encadré 6.1 : L'Égypte pourrait atténuer le risque de prix élevés du blé en utilisant ....................56 des instruments financiers Liste des figures Figure 1.1 : Les pays arabes sont les plus gros importateurs nets de céréales dans le monde ....... 2 Figure 1.2 : Ralentissement des taux de croissance mondiaux des rendements .............................. 4 des principales céréales Figure 1.3 : La politique des biocarburants aux États-Unis peut contribuer à la ........................... 6 substitution du blé par du maïs Figure 2.1 : L'IPC des denrées alimentaires a tiré à la hausse l'IPC global en 2007 ....................12 Figure 2.2 : Les pays pauvres en pétrole affichent des déficits budgétaires tandis ........................13 que les pays riches en pétrole affichent des excédents budgétaires. Figure 2.3 : Les subventions alimentaires représentent une part importante du .........................14 PIB dans certains pays Table des matières v Figure 2.4 : Les pays arabes à haute dépendance des importations de céréales .............................18 et fort déficit budgétaire sont les plus vulnérables au niveau macroéconomique Figure 3.1 : La demande de céréales dépasse de loin la production intérieure dans.....................22 les pays arabes Figure 3.2 : Le potentiel du Soudan de devenir le grenier à blé des pays arabes ...........................25 est incertain Figure 3.3 : Ensemble, la gestion de la demande et l'amélioration de la production ....................26 réduisent le fardeau des importations et la vulnérabilité Figure 5.1 : Historiquement, le prix du blé a baissé ...........................................................................38 Figure 5.2 : L'expansion des terres arables dans les pays arabes a largement dépassé ..................39 celle du monde entier jusqu'aux années 90 où l'expansion s'est limitée au Soudan Figure 5.3 : Dans les pays arabes, une productivité céréalière en retard sur les.............................39 moyennes mondiales Figure 5.4 : Les ressources en eau des pays arabes sont en train de passer rapidement ...............40 d'une situation de stress hydrique à une situation de pénurie absolue Figure 5.5 : Le coût de l'autosuffisance augmente quand la population et .....................................44 les revenus augmentent Liste des tableaux Tableau 2.1 : Les populations pauvres sont concentrées dans les zones rurales .............................15 Tableau 3.1 : La hausse des importations de céréales variera selon les pays arabes .......................23 Tableau 4.1 : Les pays arabes ont eu recours à diverses politiques économiques ...........................30 globales et à des programmes existants de protection sociale pour répondre au récent choc des prix Tableau 5.1 : L'usage de l'irrigation varie fortement par sous-région et par pays ..........................41 Tableau 5.2 : La recherche agricole et le financement dans les instituts nationaux .......................46 de recherche agricole Tableau 6.1 : Indice des performances logistiques : classement mondial ........................................52 Tableau 6.2 : L'Égypte aurait réalisé des économies sur les importations en ..................................56 utilisant des instruments de couverture Acronymes et abréviations AAAID Autorité arabe pour les INRA Institut national de recherche investissements et le agricole développement agricoles IPC Indice des prix à la consommation CCG Conseil de coopération des États OADA Organisation arabe pour le arabes du Golfe développement agricole FAO Organisation des Nations Unies OCDE Organisation de coopération et de pour l'alimentation et l'agriculture développement économiques FIDA Fonds international de OMS Organisation mondiale de la santé développement agricole ONG Organisation non FMI Fonds monétaire international gouvernementale ICARDA Centre international de recherches PAM Programme alimentaire mondial agricoles dans les zones arides PIB Produit intérieur brut IFPRI Institut international de recherche PIBAg Produit intérieur brut agricole sur les politiques alimentaires USAID Agence des États-Unis pour le développement international Les montants en dollars correspondent à des dollars américains (USD), sauf mention contraire. Remerciements L e présent rapport a été parrainé conjoin- tement par la Banque mondiale, l'Organi- sation des Nations Unies pour l'alimentation et Msangi, Timothy Sulser et Clemens Breisinger de l'IFPRI. l'agriculture (FAO) et le Fonds international de L'équipe a également bénéficié du précieux développement agricole (FIDA). concours de Dina Elnaggar, Hilary Gopnik et Damian Milverton sur les communications ; de Il a été préparé par une équipe comprenant Lesley Campbell sur les instruments financiers ; Julian Lampietti (Chef de projet), Nicholas de John Blomquist sur les filets de protection Magnan (Économiste de l'agriculture), Sean sociale ; et de Ruslan Yemtsov sur les aspects liés Michaels (Consultant FAO), et Alex McCalla à la pauvreté. L'équipe adresse également ses vifs (Professeur émérite en économie et ressour- remerciements aux réviseurs internes Hassan ces agricoles), Maurice Saade (Spécialiste en Zaman (PREM), John Lamb (ARD), Chris politique agricole, Bureau régional du Proche- Delgado (ARD) et Mark Smulders (FAO). Luis Orient, FAO) et Nadim Khouri (Directeur, Constantino, Farruq Iqbal, Nabil Chaherli, Aseel Proche-Orient et Afrique du Nord, FIDA). Barghuthi, Omer Karasapan, August Kouame, Marie Françoise How Yew Kin, Syvie Creger Laszlo Lovei, Jamal Al-Kibbi, Demba Ba, Kevin et Indra Raja ont participé à son élaboration. Carey, Claudia Nassif, Santiago Herrera, Wael Adélaïde Barbey en a assuré la traduction en Mansour, Hania Sahnoun, Jorge Thompson français. Araujo, Elliott Riordan, Julia Bucknall, Raffaello Cervigni, Shawki Barghouti, Alex Kremer, Lelia Les résultats du model IMPACT, établis par Croitoru, Adélaïde Barbey, Hari Dulal, Taysir Al- l'Institut international de recherche sur les Ghanem (FIDA) et Mylene Kherallah (FIDA) politiques alimentaires (IFPRI) ont été aima- ont également collaboré à diverses étapes et sous blement communiqués à l'équipe par Siwa diverses formes à la préparation de ce rapport. Résumé analytique C e document de travail conjoint examine les raisons d'intervenir et propose un cadre stratégique permettant de renforcer la Les États arabes importent au moins 50 % des calories qu'ils consomment. Premiers importa- teurs de céréales, les États arabes se retrouvent sécurité alimentaire et de gérer les chocs des prix plus exposés que d'autres pays aux dangereuses des denrées alimentaires dans les pays arabes. Il fluctuations des prix des produits de base agri- ne propose pas de politiques ou de recommanda- coles. Leur vulnérabilité risque probablement tions de projet destinées à un pays en particulier. de s'aggraver dans les prochaines années en ré- De telles recommandations découleront de l'ap- ponse à leur forte croissance démographique, à plication par chaque pays des principes formulés la faiblesse de leur productivité agricole et à leur par ce cadre stratégique général en prenant en dépendance à l'égard des marchés mondiaux des compte les préférences politiques et culturelles, produits de base. les dotations en ressources et la tolérance aux risques particulières de chacun d'entre eux. Les États arabes doivent donc se mobiliser sans attendre pour renforcer la sécurité alimentaire. La forte hausse des prix des produits de base Les projections de leur balance alimentaire agricoles (les « produits de base ») et des denrées démontrent que la dépendance à l'égard des alimentaires de 2007 et du premier semestre importations va progresser de près de 64 % au 2008 a suscité dans le monde entier de graves cours des vingt prochaines années. interrogations en matière de sécurité alimen- taire, malnutrition et progression de la pauvreté. Le présent document suggère trois stratégies Alors que la menace d'un choc prolongé des prix déterminantes -- trois piliers -- qui peuvent, alimentaires s'éloigne avec la chute des prix de ensemble, étayer les politiques de résistance à la l'énergie et des produits de base et l'affaiblisse- vulnérabilité future aux chocs liés aux prix : ment de l'économie mondiale au cours du second semestre 2008, bien des facteurs sous-jacents de 1. Renforcer les filets de protection sociale, volatilité des prix alimentaires semblent devoir améliorer l'accès aux services de planning perdurer et vont requérir des soins vigilants pour familial et promouvoir l'éducation. que la planète ne revive pas à l'avenir de nouvelles 2. Promouvoir l'approvisionnement en denrées flambées des prix alimentaires. alimentaires produites par les agricultures xii Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes nationales et améliorer les conditions de grammes de transfert d'espèces qui pourraient vie en milieu rural en s'attaquant au retard être modifiés ou étendus de manière à répondre de la croissance de la productivité par des à ce besoin. investissements accrus en recherche-déve- loppement. Les pays arabes peuvent prendre des mesures 3. Réduire l'exposition à la volatilité du marché pour accroître la production alimentaire inté- par l'amélioration de l'efficience de la chaîne rieure, même s'il existe des contraintes liées à la d'approvisionnement et par une utilisation disponibilité limitée en eau et terres. Les projec- plus efficace des instruments financiers de tions indiquent que d'ici 2050, l'eau renouvelable couverture des risques. disponible passera à moins de 500 mètres cubes par habitant et les terres arables à 0,12 hectares Le renforcement de la sécurité alimentaire dans par habitant. Ce deuxième pilier permettrait les pays arabes repose prioritairement sur l'édu- d'améliorer la productivité agricole par le biais cation -- le premier pilier. Les gouvernements d'investissements en recherche-développement. arabes peuvent réduire la demande de céréales L'amélioration des technologies va stimuler en formant les familles aux questions de nu- les rendements des cultures de céréales. Ils se trition, tout en facilitant l'accès aux services de situent actuellement à la moitié de la moyenne planning familial. Le récent choc alimentaire se des rendements mondiaux, et l'écart ne cesse traduit par quatre millions supplémentaires de de croître. personnes sous-alimentées dans les pays arabes. Le blé représente à lui seul près de 35 % des Une meilleure gestion de l'eau sera déterminante calories consommées quotidiennement dans les pour accroître la productivité agricole. L'inves- pays arabes, renforçant la forte dépendance de tissement dans la recherche-développement la région à l'égard des importations de céréales. agricole est tout aussi important car, malgré Des programmes d'éducation axés sur la santé des taux de rentabilité moyens de 36 % dans pourront encourager les familles à choisir un ré- les pays arabes, elle y est moins bien financée gime alimentaire plus équilibré, moins fortement que dans le reste du monde. Le changement tributaire des céréales. climatique risque d'avoir un impact significatif sur les productions nationales et les initiatives Outre l'éducation, des filets de protection sociale de recherche-développement doivent être enga- bien ciblés et ajustables atténuent les impacts gées rapidement pour faire avancer la prochaine des chocs des prix en veillant à ce que les prix révolution verte. alimentaires ne conduisent pas les familles pauvres à compromettre la santé ou l'éducation Comme les pays arabes risquent de rester impor- de leurs enfants. Les pauvres de la région sont tateurs nets de céréales, même en cas de mise en particulièrement vulnérables aux chocs des prix oeuvre réussie de ces mesures, des instruments des denrées alimentaires, ils y consacrent de financiers tels que les options et contrats à terme 35 % à 65 % de leur revenu. La plupart des pays constituent des moyens attractifs de réduction de de la région disposent d'un ou de plusieurs pro- l'exposition à la volatilité des marchés par la cou- Résumé analytique xiii verture des risques. Les pays arabes pourraient Un retour de chocs des prix comme ceux de également faire évoluer les bases législatives et 2007/2008 contraindra inévitablement les organisationnelles des procédures de passation familles des différents pays arabes à mettre en des marchés pour obtenir de meilleurs prix et balance le coût de l'éducation de leurs enfants réduire les coûts. ou des soins médicaux pour pouvoir assurer leur subsistance. Pour éviter une telle catastrophe, il Les pays arabes pourraient également gérer convient que tous les pays arabes réexaminent plus activement leur vulnérabilité en matière la situation de leur sécurité alimentaire et leur d'importations en investissant dans des infras- exposition aux fluctuations futures des approvi- tructures permettant de produire, de stocker sionnements et des prix. et de transporter les denrées alimentaires. Environ 75 % du prix de détail des denrées Une approche s'appuyant sur les trois piliers alimentaires sont imputables à la production, décrits dans le présent document (renforcement au transport et à la commercialisation. Ce type des filets de protection sociale, de l'accès aux d'investissement pourrait également permettre services de planning familial et promotion de à certains pays importateurs de denrées alimen- l'éducation ; promotion des sources nationales taires ayant accès à du pétrole bon marché de de denrées alimentaires ; et, réduction de l'expo- procéder à un meilleur arbitrage entre les prix sition à la volatilité des marchés) offre un cadre du carburant et ceux des denrées alimentaires. stratégique global et intégré pour l'amélioration Les investissements potentiels pourraient de la sécurité alimentaire. Ce défi mondial porter sur des terres, des infrastructures ou de requiert une réponse mondiale, pilotée par les la technologie, et pourraient éventuellement gouvernements, les institutions de prêt et de venir à l'appui de la recherche-développement financement internationales et régionales, les dans les pays disposant d'un potentiel de organismes des Nations Unies, les organisations croissance des exportations agricoles vers les non gouvernementales, la société civile et le sec- pays arabes. teur privé, tous agissant de concert. 1 Quels facteurs expliquent les récents chocs des prix des produits agricoles de base ? L es prix très élevés des produits de base agricoles au cours des six premiers mois de 2008 ont ravivé dans le monde entier les préoc- » Les pays arabes sont très vulnérables aux chocs des prix internationaux des produits de base alimentaires. cupations relatives à l'aggravation de la pauvreté » Les produits de base agricoles internatio- et de la malnutrition. Les prix ont toutefois re- naux sont peut-être en train d'entrer dans culé d'environ 50 % depuis juin 2008, une baisse une période de volatilité durable des prix partiellement liée à de forts gains de production en raison de l'étroitesse des marchés et du dans les pays développés (FAO 2008a). D'autres contingentement des stocks. facteurs importants ont contribué à la chute des » Les investissements en productivité agricole prix, notamment la crise financière mondiale, sont essentiels pour conserver à long terme le plongeon des cours mondiaux du pétrole et des prix stables et abordables. l'appréciation du dollar américain. En dépit de la baisse récente des prix alimen- Pourquoi les pays arabes sont-ils inquiets taires, bien des facteurs sous-jacents influant des récents chocs des prix ? sur la hausse et la volatilité des prix semblent devoir persister. Des facteurs structurels, tels Les pays arabes sont très vulnérables aux fluc- que la croissance démographique, la hausse des tuations des marchés internationaux des pro- revenus et la demande en biocarburants, peuvent duits de base car ils sont fortement tributaires empêcher les prix réels de retomber aux creux des importations de denrées alimentaires. Les historiques du début des années 2000. L'étroi- tesse des marchés amplifie les réactions des prix 1 L'étroitesse des marchés signifie qu'une faible propor- aux évolutions faibles et transitoires de l'offre et tion de la production mondiale entre sur les marchés internationaux par le biais des échanges commerciaux. la demande.1 La persistance de prix élevés et une 2 Les pays arabes incluent tous les membres de la Li- volatilité accrue sont dangereuses pour les pays gue des États arabes (LEA) : Algérie, Arabie saoudite, arabes, car leurs approvisionnements alimen- Bahreïn, Comores, Djibouti, Égypte, EAU, Irak, Jorda- taires sont largement dépendants des marchés nie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Oman, Palestine, Qatar, Somalie, Soudan, Syrie, Tunisie, et internationaux des produits de base.2 Les mes- Yémen. Les Comores n'ont pas été inclues dans l'analyse sages clés de ce chapitre sont les suivants : en raison de leurs particularités géographiques. 2 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 1.1 : Les pays arabes sont les plus gros importateurs nets de céréales dans le monde (millions de tonnes métriques, 2007) Commerce mondial Importations céréalières nettes (en millions TM), de la région, 2007 Ex Union soviétique +21 +105,4 Europe ­11,6 Asie ­46,9 Amérique du Nord ­58,2 ­26,9 Pays arabes Océanie +8 Amérique latine +9,1 Afrique et Caraïbes subsaharienne + Exportations nettes ­ Importations nettes Sources : Auteurs. Adapté à partir de FAO, 2008e. pays arabes sont les plus gros importateurs de ments dans ces pays et des relations qu'entre- céréales dans le monde (Figure 1.1). La plupart tiennent les pays arabes avec eux. importent au moins 50 % des calories alimen- taires qu'ils consomment (FAO, 2008b). Quels sont les facteurs augmentant les Une forte dépendance à l'égard des impor- risques en matière de sécurité alimentaire ? tations de denrées alimentaires suscite des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire. Le Les facteurs d'offre et de demande ayant recours aux marchés internationaux des produits contribué aux récents chocs des prix s'expli- de base pose problème tant en matière de prix quent mieux en termes structurels et cycliques. que d'approvisionnement. En termes de prix, Il est largement reconnu que le récent choc des des prix élevés des denrées alimentaires pèsent prix alimentaires résulte d'une convergence très lourdement sur les ménages et les budgets déphasée de multiples facteurs structurels et nationaux. En termes d'approvisionnement, cinq cycliques.3 Des projections récentes des marchés exportateurs (Argentine, Australie, Canada, UE et États-Unis) fournissent 73 % des céréales 3 Les facteurs structurels sont des facteurs à long terme commercialisées à l'échelle de la planète (FAO, qui causent une modification permanente de l'offre ou de la demande. Les facteurs cycliques sont des facteurs 2008b) ce qui signifie que l'accès à l'importation à court terme qui induisent un déplacement temporaire de céréales est fortement tributaire des événe- de l'offre et la demande. Quels facteurs expliquent les récents chocs des prix des produits agricoles de base ? 3 des produits de base de l'OCDE, la FAO et la dans d'autres secteurs de leur budget. Les pro- Banque mondiale (OCDE et FAO, 2008) (Ban- ducteurs agricoles ne peuvent pas augmenter que mondiale, 2008b) invitent à un changement rapidement la production en réponse aux prix structurel permettant d'empêcher les prix de élevés en raison de la durée du cycle saisonnier revenir au niveau d'avant la crise. Bien que ceci de la production agricole et de la lenteur du dé- puisse être ou ne pas être vrai, c'est le système veloppement des technologies agricoles. créé par les forces structurelles et cycliques qui préoccupe particulièrement les pays arabes, un Le ralentissement de la croissance de la système très sensible aux déficits d'approvision- productivité agricole à l'échelle mondiale va nement et à la demande toujours croissante, entraîner une diminution des excédents de renforçant la probabilité de chocs de prix futurs. l'offre. Pour pouvoir répondre à l'évolution La vitesse à laquelle peuvent augmenter les prix de la demande alimentaire, la croissance de la alimentaires apparaît particulièrement problé- productivité agricole mondiale doit devancer matique en raison de l'inélasticité de l'offre et de la croissance de la population. Dans le cas la demande. Les ménages, en particulier pauvres, contraire, la demande dépassera l'offre et les prix ne peuvent pas modifier ni réduire rapidement des denrées alimentaires augmenteront. Les taux leur consommation alimentaire en réponse à des de croissance de la productivité de la culture prix élevés. En fait, ils doivent faire des coupes des principales céréales ralentissent à l'échelle Encadré 1.1 : Les dimensions de la sécurité alimentaire sont multiples « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les citoyens, à tout moment, ont accès économiquement, socialement et physiquement à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins et préférences alimentaires pour une vie saine et active » (Sommet mondial de l'alimentation, Rome, 1996). Pour atteindre la sécurité alimentaire, les quatre dimensions suivantes doivent être examinées : La disponibilité des denrées alimentaires : La disponibilité de quantités suffisantes de denrées alimentaires de qualité adéquate, fournies par la production nationale ou les importations (y compris l'aide alimentaire). L'accès aux denrées alimentaires : L'accès des individus à des ressources adéquates (droits) leur permettant de s'affranchir de la faim en se procurant les denrées alimentaires nécessaires. Les droits sont définis comme l'ensemble des groupes de produits de base dont une personne maîtrise l'accès étant donné les conditions juridiques, politiques, économiques et sociales de la communauté à laquelle elle appartient (y compris les droits traditionnels tels que l'accès à des ressources communes). L'utilisation : L'utilisation de la nourriture par le biais d'un régime alimentaire adéquat, d'eau potable, d'assainissement et de soins de santé pour atteindre un état de bien-être nutritionnel où tous les besoins physiologiques sont remplis. Ce qui souligne l'importance des apports non alimentaires en matière de sécurité alimentaire. La stabilité : Pour qu'une population dispose de la sécurité alimentaire, les ménages ou les individus doivent avoir accès à tout moment à une alimentation adéquate. Ils ne doivent pas être soumis au risque de perdre leur accès à la nourriture en cas de chocs soudains (crise économique ou climatique par exemple) ou d'événements cycliques (insécurité alimentaire saisonnière par exemple). La notion de stabilité correspond donc à la fois aux dimensions de disponibilité et d'accès de la sécurité alimentaire. Au plan national, la sécurité alimentaire existe lorsque tous les citoyens d'un pays bénéficient individuellement de la sécurité alimentaire. Source : FAO, 2006a 4 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 1.2 : Ralentissement des taux de croissance mondiaux des rendements des principales céréales (variation en pourcentage de la croissance des rendements, 1980­2005) 5% Blé 4% Croissance annuelle 3% 2% Riz 1% 0% 1980 1990 2000 Source : FAO, 2008b Note : Les taux de croissance des rendements sont calculés en moyenne glissante sur sept années. mondiale (Figure 1.2).4 C'est notamment dû au prix sur le marché mondial. Plus le marché est recul de l'appui public à la recherche agricole, en étroit, plus la fluctuation des prix internationaux diminution depuis 1990 (Ruttan, 2002). Si cette s'intensifie et plus la probabilité de futurs chocs tendance ne s'inverse pas, l'étroitesse des mar- de prix s'accroît. chés des produits de base persistera et le risque de chocs des prix alimentaires augmentera. La faiblesse des niveaux de stocks accroît la sensibilité aux perturbations de l'offre et la L'étroitesse des marchés internationaux de demande. Les réformes des dernières années, céréales se traduit par de fortes variations telles que le remplacement des politiques de des prix en cas de variations relativement soutien des prix par des paiements directs aux modestes de l'offre ou de la demande. Les ex- agriculteurs, ont fait baisser les stocks dans les portations de blé et de riz ne représentent que, pays de l'OCDE par rapport à leurs niveaux respectivement, 18 % et 6 % de leur production élevés des années 80 et 90 (Gardner et Sumner, mondiale, le reste est consommé localement 2007 ; Banque mondiale, 2008a). Un niveau (FAO, 2008e). Au plus fort du récent choc faible des stocks, combiné à des marchés étroits certains pays exportateurs de blé et de riz ont des céréales et une demande sans cesse crois- interdit les exportations, de peur de ne pas être en mesure de nourrir leurs populations. Ces in- 4 La croissance de la productivité désigne le changement terdictions ont contribué à l'escalade rapide des en pourcentage de la croissance des rendements. Quels facteurs expliquent les récents chocs des prix des produits agricoles de base ? 5 sante, mène à un marché des produits de base Les cultures de denrées alimentaires sont en « juste-à-temps », calé sur la demande, plus abandonnées au profit des cultures dédiées aux vulnérable aux perturbations. La FAO prévoit biocarburants subventionnés. Les politiques qui que les stocks mondiaux en fin de campagne promeuvent les biocarburants comme l'éthanol céréalière 2008/2009 atteindront 474 millions et le biodiesel, couplées à des droits de douane de tonnes métriques, en hausse de 9 % par nationaux élevés décourageant les importations rapport à leur niveau exceptionnellement bas à de biocarburants, incitent à faire basculer l'ex- l'ouverture, atteignant le plus haut volume depuis ploitation agricole des terres au détriment de la 2002/2003 (FAO, 2008a). En conséquence, il production de denrées alimentaires et des pâtura- est prévu que le ratio stock/consommation des ges (FAO, 2008g). Cette évolution a été prouvée céréales va s'améliorer de deux points de pour- aux États-Unis, un pays qui représente 28 % des centage par rapport au niveau bas de 2007/08 exportations mondiales de céréales (Figure 1.3). qui était à 20 %. Bien que les stocks augmentent, Fabiosa et al. (2008) estiment que ces politiques la probabilité de chocs des prix reste élevée lors- américaines vont sans doute directement pousser que les stocks du pipeline plongent en dessous les cours mondiaux du blé et des oléagineux à la d'une fourchette sise entre 25 % et 30 %. hausse. La poursuite de ces politiques contribuera à accentuer l'étroitesse des marchés du blé et à Le changement climatique contribuera à pousser à la hausse l'ajustement structurel des l'étroitesse du marché et à son instabilité en cours du blé dans le monde. Des politiques simi- augmentant la volatilité des rendements céréa- laires en matière de biocarburants dans l'Union liers et, en provoquant, éventuellement, une européenne, au Canada et ailleurs, pourraient baisse de la production mondiale de céréales. exacerber les changements structurels attendus Les projections des modèles de changement en matière de production de blé, céréales secon- climatique mondial annoncent une probabilité daires, oléagineux, sucre et autres cultures. croissante de sécheresses et d'inondations dans le monde entier (Cline, 2007). La fréquence des L'historique des prix des produits alimentaires sécheresses et des inondations survenant dans de base montre qu'ils évoluent comme les prix les principales régions exportatrices de céréales du pétrole. Le pétrole est le principal compo- représente une préoccupation essentielle pour sant du diesel et des engrais, deux éléments clés les pays arabes. Les recherches entreprises sur des intrants agricoles. Le coût du transport des l'impact du réchauffement de la planète sur denrées alimentaires augmente également avec la moyenne de production de céréales ne sont le prix du carburant. Une étude récente indique pas concluantes, mais il y a des signes qui mon- que lorsque les prix du pétrole dépassent 50 dol- trent que la production moyenne va diminuer. lars par baril, les prix du pétrole et des produits Rosenzweig et Parry (1996) estiment que la alimentaires de base varient conjointement, mais production mondiale de céréales pourrait di- que lorsque le prix du pétrole tombe en dessous minuer de 5 % de 1996 à 2060, même avec des de 50 dollars le baril, ce lien entre les prix du investissements modérés dans l'adaptation aux pétrole et ceux des denrées alimentaires disparaît changements climatiques. (Banque mondiale, 2009). Dans la plupart des 6 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 1.3 : La politique des biocarburants aux États-Unis peut contribuer à la substitution du blé par du maïs (1980­2017 superficie plantée, millions d'acres) 100 Maïs USA Surfaces plantées en millions d'acres 80 60 Blé 40 1980 1990 2000 2010 Source : USDA, 2008b. cas, les producteurs de pétrole ne seront pas de base réels (Frankel, 2008). La baisse récente concernés par la hausse des prix des produits du dollar américain par rapport à d'autres devi- alimentaires de base. En revanche, si les prix du ses fortes a stimulé la demande de ces produits pétrole baissent alors que les prix des produits de base, car ces derniers affichaient des prix en alimentaires de base augmentent -- par ex. dollars inférieurs en termes réels. La spéculation les prix du pétrole sont bas alors que sévit une financière a également pu contribuer au choc des grande sécheresse -- les pays producteurs de prix. Dans les périodes d'incertitude et/ou de pétrole seront moins bien armés pour financer récession, les investisseurs se tournent vers des de futurs chocs de prix. La hausse des prix du actifs réels, y compris les produits de base. Cela pétrole peut aussi avoir un impact sur les prix des provoque de fortes augmentations des investis- produits de base en augmentant la demande liée sements non traditionnels sur les marchés des aux biocarburants, déroutant des céréales et du produits de base avec des mises de fonds d'inves- sucre à vocation alimentaire vers la production tisseurs pariant sur une poursuite de la hausse des de carburants (FAO, 2008c). prix. Quoi qu'il en soit, des recherches récentes suggèrent que la spéculation pourrait être un Les politiques monétaires, les fluctuations symptôme d'un choc des prix alimentaires et non monétaires et la spéculation financière peuvent une cause (Carter, Rausser et Smith, 2008). aussi avoir contribué au récent choc. Des taux d'intérêt faibles réduisent le prix du stockage et Il est difficile de prévoir l'impact de la crise fi- encouragent l'achat et la détention de produits nancière sur la production de denrées alimen- Quels facteurs expliquent les récents chocs des prix des produits agricoles de base ? 7 taires. La complexité des pressions de l'offre et la (FAO, 2008a). Si les prix des intrants baissent demande sur les marchés agricoles peut susciter plus lentement que les prix à la production, les un certain nombre de scénarios différents. La cri- marges de l'agriculteur vont diminuer, incitant se financière peut freiner la demande de produits les producteurs à réduire leur production. Tou- de base, accentuant la pression baissière sur les tefois, si la chute des prix suit celle des prix à la prix agricoles avec des ralentissements des taux production, les agriculteurs peuvent être incités de croissance du PIB, des attentes du marché né- à maintenir la production. gatives et des prix du pétrole en recul. La baisse des prix du pétrole fera reculer la demande des La crise financière peut également limiter l'ac- produits de base utilisés dans la production de cès au crédit de certains pays, ce qui limite leur biocarburants (par exemple, le maïs et la canne capacité d'importation des denrées alimen- à sucre). Du côté de l'offre, la crise financière taires. Que la crise financière fasse ou non baisser pourrait réduire les incitations à produire face la production des denrées alimentaires, elle ra- à une baisse des prix agricoles et à un accès au lentira le commerce des denrées alimentaires, no- crédit réduit pour les agriculteurs. La baisse des tamment dans les pays en développement. Lors- prix du pétrole réduira, en revanche, les coûts de que les entreprises alimentaires internationales la production agricole et des transports. En fin et les pays exportateurs de denrées alimentaires de compte, l'effet net sur la production dépend resserrent le crédit, certains pays arabes disposant de la rapidité relative de l'ajustement des prix à de ressources financières limitées auront du mal à la production et des prix des intrants agricoles financer les importations de céréales par le biais Encadré 1.2 : Pourquoi les prix de détail des denrées alimentaires n'ont pas baissé parallèlement aux prix des produits de base « Comme le lièvre de la célèbre fable d'Ésope, les prix des produits de base ont tendance à prendre rapidement de l'avance [sur les prix de détail] au cours des cycles d'inflation, mais ils finissent par perdre la course, en chutant en termes réels »-Blomberg et Harris, 1995 Les consommateurs trouvent que dans l'ensemble les prix de détail des denrées alimentaires restent élevés, même après la chute de 50 % des prix des céréales ayant suivi le pic des prix de juillet 2008. Bien que ceci puisse sembler illogique, il existe un décalage conséquent entre les prix des produits de base et les prix de détail. La relation entre les prix des produits de base et les prix de détail est complexe. Les prix des produits de base ne sont pas déterminés par les seuls effets de l'offre et la demande courantes des consommateurs. Les produits de base se négocient sur des marchés mondiaux d'enchères où les prix peuvent rapidement s'adapter à la demande future réelle ou prévue. Le commerce de détail des marchandises, cependant, se négocie sur de nombreux marchés disjoints soumis à des contrats préexistants et à d'autres frictions (Blomberg et Harris, 1995). De même, les prix de vente au détail des biens, y compris des denrées alimentaires, ne sont pas uniquement déterminés par les prix des produits de base utilisés pour leur production. Aux États-Unis, 25 % du prix de détail des denrées alimentaires correspondent aux produits de base alimentaires et reviennent aux agriculteurs. Les autres 75 % entrent dans la production, le transport et la commercialisation, et reviennent aux fabricants, grossistes et détaillants. Les coûts de production au niveau des exploitations dépendent principalement des prix du pétrole, alors que les coûts de production et de transport des denrées alimentaires du commerce de détail dépendent des salaires, des prix de l'énergie (produits pétroliers et non pétroliers), des taux d'intérêt et de la fiscalité au niveau international (Urbanchuck, 1997). En fin de compte, des prix élevés des produits de base peuvent envoyer un signal d'avertissement d'inflation globale, mais quand les prix des produits de base finissent par baisser, l'inflation persiste souvent au niveau du consommateur. Source : Bloomberg et Harris, 1995 ; Urbanchuck, 1997 8 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes de la dette. C'est un vrai sujet de préoccupation croissance démographique de l'ensemble des car les pays arabes devraient à l'avenir dépendre pays arabes s'affiche à 1,7 %, c'est à dire bien au- de plus en plus des importations. dessus du taux mondial de 1,1 % (Banque mon- diale, 2008b).5 Outre la progression plus rapide qu'ailleurs du nombre des habitants des pays Les chocs des prix alimentaires arabes, il en va de même de leur pouvoir d'achat. continueront-ils d'être une source de Le taux courant de croissance des revenus des problèmes pour les pays arabes ? pays arabes dépasse la moyenne mondiale, res- pectivement à 3,4 % et 3 % (Banque mondiale, Les facteurs d'offre et de demande augmentent 2008b).6 L'urbanisation est aussi en hausse les risques en matière de sécurité alimentaire dans les pays arabes, la population urbaine a dans les pays arabes. La croissance démographi- cru de 3 % au cours de la période 1990­2006, que, l'urbanisation et la hausse des revenus sont dépassant la moyenne mondiale établie à 2,2 % relativement fortes dans les pays arabes et renfor- (FAO, 2008b). ceront la demande de denrées alimentaires. Les contraintes du côté de l'offre sont également plus Les contraintes en matière d'eau et de terres fortes dans la plupart des pays arabes qu'ailleurs sont particulièrement difficiles dans les pays en raison d'une concurrence âpre s'exerçant sur arabes. Au total, 75 % environ des ressources des ressources limitées en terres arables et en eau, exploitables et renouvelables en eau sont préle- restreignant la capacité de croissance de la pro- vés dans le système naturel et utilisés, alors que duction de céréales de ces pays. L'étroitesse des dans les autres régions ce taux varie entre 1 % marchés des céréales et le changement climatique et 30 % (Banque mondiale, 2007a). Dans cer- vont augmenter la sensibilité des prix aux pertur- taines zones, ce sont des sources d'approvision- bations de ces facteurs d'offre et de demande. Le nement non renouvelables qui sont exploitées découplage potentiel des prix du pétrole et des (eaux souterraines fossiles, par exemple). Il y a produits alimentaires de base peut causer une donc peu, ou pas, de potentiel d'augmentation détérioration des équilibres budgétaires des pays durable de l'utilisation de l'eau dans la plupart producteurs de pétrole, réduisant leur capacité à des pays arabes. L'accroissement des superficies faire face aux chocs futurs. On ne sait pas si les cultivables est aussi beaucoup plus lent dans les prix mondiaux des denrées alimentaires seront pays arabes que dans le reste du monde. Sans le plus élevés ou plus bas, mais il est certain que Soudan, les superficies des terres arables et de les pays arabes resteront dans l'avenir toujours cultures permanentes ont augmenté de 1,7 % vulnérables aux chocs de prix et de quantité des par an sur la période 1995­2005 (6,7 % avec le denrées alimentaires. 5 Les données démographiques de la Banque mondiale Les facteurs structurels conditionnant la de- correspondent à la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) de la Banque mondiale. mande de denrées alimentaires se développent 6 Le revenu se mesure en pourcentage de variation plus rapidement dans les pays arabes que dans annuelle du PIB par habitant PPA en dollars interna- le reste du monde. La projection du taux de tionaux constants 2005 entre 2001 et 2007. Quels facteurs expliquent les récents chocs des prix des produits agricoles de base ? 9 Soudan). Alors qu'à l'échelle mondiale, les terres que dans le reste du monde. Les rendements arables et de cultures permanentes ont progressé céréaliers moyens ont progressé en moyenne de de 2,3 % (FAO, 2008b). Outre les contraintes 14,5 % entre 1990 et 2007 dans les pays arabes en eau et terres, la croissance des rendements contre 21,5 % mondialement. céréaliers a été plus lente dans les pays arabes 2 Quel est l'impact du récent choc des prix pour les économies des pays arabes ? L e récent choc des prix offre des ensei- gnements conséquents sur les effets potentiels macro et microéconomiques de réduisant leur capacité d'absorption des chocs des prix alimentaires. prix élevés des denrées alimentaires et sur les Au niveau microéconomique, le récent choc a résultats des politiques publiques adoptées sans doute étendu et aggravé la pauvreté, bien en réponse à ces orientations. L'inflation re- qu'il soit prématuré de pouvoir déterminer présente un challenge dans les pays arabes au précisément quelle est l'ampleur exacte des niveau macroéconomique car elle a progressé dommages. Les pauvres sont clairement les plus au cours des années récentes à un rythme deux vulnérables en cas de chocs des prix alimentaires fois plus élevé que celui de l'inflation mondiale dans la mesure où ils consacrent la plus grande (FMI, 2008). Les prix élevés de l'énergie et partie de leur budget à l'alimentation. Les chocs des denrées alimentaires sont des facteurs des prix alimentaires peuvent faire basculer déterminants, dépassant l'impact de l'inflation dans la pauvreté des personnes qui se situaient globale de plusieurs points de pourcentage. au-dessus de la ligne de pauvreté et aggraver la Des prix alimentaires élevés viennent aussi condition de ceux qui sont déjà pauvres. Les détériorer les balances commerciales de tous messages clés de ce chapitre sont les suivants : les pays arabes. La plupart des pays ont recours aux subventions pour remédier à l'élévation » Les chocs sur les prix alimentaires menacent des prix alimentaires, mais elles peuvent com- la stabilité macroéconomique des pays dis- promettre l'équilibre budgétaire d'un pays. posant de peu de ressources. Bien que les prix des produits alimentaires de » La baisse des prix du pétrole rend les pays base aient baissé au cours des derniers mois, pétroliers plus vulnérables aux chocs. ils restent plus élevés qu'au moment où le » Les chocs des prix alimentaires augmentent choc des prix s'est déclenché ; l'inflation reste la profondeur et l'incidence de la pauvreté. préoccupante. La crise financière mondiale et » Les différents pays sont confrontés à des la baisse des prix du pétrole auront un impact problèmes de sécurité alimentaire différents significatif sur les soldes budgétaires des pays en fonction de leur dotation en ressources et arabes exportateurs de pétrole les plus riches, de leur équilibre budgétaire. 12 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 2.1 : L'IPC des denrées alimentaires a tiré à la hausse l'IPC global (2007) Yémen Syrie Égypte Djibouti Jordanie Liban Algérie Koweït IPC Alimentaire Maroc IPC Global Irak 0 5 10 15 20 25 Variation annuelle en % (2006­2007) Source : Banque mondiale, 2008b. Quel sera l'impact du récent choc des prix Quel est l'impact du choc des prix alimentaires sur l'inflation ? alimentaires sur les budgets publics ? Le choc des prix alimentaires aura un impact Les pays n'exportant pas de pétrole subissent majeur sur l'inflation. La hausse des prix ali- des pressions budgétaires croissantes dues mentaires menace la stabilité macroéconomique, au récent choc. Outre l'inflation, les chocs des essentiellement par le biais de l'inflation. La prix alimentaires impactent directement la ba- hausse des prix des produits de base a contribué, lance commerciale et l'équilibre budgétaire. Un jusqu'à récemment, à l'inflation dans le monde, grand nombre de pays arabes (par ex. l'Égypte, atteignant cinq points de pourcentage dans la Jordanie, la Syrie et le Yémen) ont augmenté les pays en développement (Banque mondiale, les salaires des employés du secteur public et 2008c). La Figure 2.1 montre qu'en 2007 la va- ont essayé de venir en aide aux pauvres en aug- riation annuelle en pourcentage de l'inflation des mentant les subventions du pain, en mettant denrées alimentaires a dépassé, dans plusieurs en place des transferts directs en espèces et en pays arabes, celle de l'ensemble de l'inflation. Le supprimant les droits de douane sur les produits Koweït et l'Irak, où l'indice global des prix à la alimentaires de base primordiaux. Toutefois, ces consommation (IPC) a dépassé l'IPC des den- rées alimentaires, représentent des exceptions notables à cette tendance.7 Malgré la chute des 7 Outre le choc des prix des données alimentaires, d'autres facteurs inflationnistes sont intervenus : monnaies du prix des produits de base, l'inflation devrait CCG rattachées à un dollar déclinant, hausse des prix rester élevée dans l'avenir (FMI, 2008). des logements, et, liquidités résultant du pétrole. Quel est l'impact du récent choc des prix pour les économies des pays arabes ? 13 mesures ne sont pas viables sans une augmenta- permis d'amortir ses factures d'importation de tion concomitante des revenus. Afin de financer denrées alimentaires. les dépenses supplémentaires, les pays pauvres en pétrole peuvent être contraints de réduire Les pays riches en pétrole ont pu absorber les d'autres dépenses essentielles ou d'augmenter prix élevés des denrées alimentaires grâce à les emprunts, ce qui a des effets négatifs à long leurs recettes pétrolières. Les gouvernements terme sur leurs économies. Les pays non-ex- des pays riches en pétrole ont pu augmenter portateurs de pétrole, qui dépendent de façon les salaires du secteur public et mettre en significative des importations de céréales, tels oeuvre de vastes programmes de subventions que la Jordanie, le Liban, le Maroc et Djibouti, alimentaires sans subir de contraintes budgé- affichent tous des déficits budgétaires et com- taires insupportables. La forte chute récente merciaux, contribuant à leur situation écono- des prix du pétrole peut cependant détériorer mique difficile. Toutefois, la hausse des recettes les excédents commerciaux, ce qui réduirait les des exportations d'autres matières premières a recettes en devises, les recettes de l'État et les réduit les déséquilibres dans les pays pauvres options d'investissement. Si les prix du pétrole en pétrole mais riches en autres ressources continuent de baisser alors que les prix des naturelles. Les exportations de phosphates du denrées alimentaires restent élevés, les excé- Maroc ont, par exemple, triplé en valeur en dents budgétaires et commerciaux pourraient 2008 et couvert le déficit pétrolier, tandis que se transformer en déficits chroniques. La Syrie, les exportations de potasse de la Jordanie ont par exemple, est actuellement un exportateur Figure 2.2 : Les pays pauvres en pétrole affichent des déficits budgétaires tandis que les pays riches en pétrole affichent des excédents budgétaires. (soldes 2007) 50 40 Pays pauvres en pétrole* Pays riches en pétrole Pourcentage du PIB 30 20 10 0 ­10 ­20 Liban Jordanie Égypte* Yémen* Syrie* Djibouti Maroc Bahreïn Arabie saoudite Irak Algérie Oman Qatar EAU Koweït Source : Banque mondiale, 2008b. * La Syrie, le Yémen et l'Égypte sont des pays exportateurs de pétrole, mais leur production et leurs exportations nettes sont faibles par rapport à celles des pays riches en pétrole. 14 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 2.3 : Les subventions alimentaires représentent une part importante du PIB dans certains pays (2007) Syrie 2,1 Jordanie 1,8 Égypte 1,3 Maroc 0,7 Yémen 0,5 Arabie 0,2 saoudite Koweït 0,1 Liban 0,04 Algérie 0,03 0.0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 Pourcentage du PIB Source : Banque mondiale 2008b. de pétrole, mais ses réserves sont en baisse, et impopulaire une politique de rationalisation des de coûteux programmes de subventions ali- subventions alimentaires, le Chapitre 4 du présent mentaires contribuent à une détérioration de document expose des stratégies envisageables l'équilibre budgétaire.8 permettant d'améliorer leurs performances et de réduire leur impact budgétaire. Des programmes de subventions alimentaires généralisés peuvent créer de lourdes charges budgétaires. Les chocs des prix alimentaires Quels sont les impacts potentiels sur la font grimper le coût des politiques publiques pauvreté des chocs des prix alimentaires ? de subventionnement des denrées alimentaires. Dans le même temps, une réponse courante des La pauvreté rurale se situe au coeur des problè- pouvoirs publics aux chocs consiste à augmenter la mes de sécurité alimentaire des pays arabes. couverture et l'ampleur de ces subventions, faisant Près d'un quart des habitants des pays arabes grimper encore davantage les coûts. Dans des pays est pauvre, et 76 % d'entre eux vivent en zones comme la Syrie et l'Égypte, qui pratiquent des rurales. Les taux de pauvreté en zones rurales politiques de subventions généralisées, les subven- baissent plus lentement que dans les zones tions dépassent 1 % du PIB. Elles pourraient poser un important problème budgétaire si les prix des 8 La Syrie devrait devenir un importateur net de pétrole produits de base restent élevés ou en cas de futurs d'ici à 2010. 9 C'est bien léger par comparaison avec les subventions à chocs de prix (Figure 2.3).9 Bien que les consi- l'énergie dont la moyenne régionale atteint 7 % du PIB dérations sociales et politiques puissent rendre (Banque mondiale 2008l). Quel est l'impact du récent choc des prix pour les économies des pays arabes ? 15 Tableau 2.1 : Les populations pauvres sont concentrées dans les zones rurales (Années diverses) Pourcentage de population Pourcentage de population Pourcentage de pauvres Pays urbaine qui est pauvre rurale qui est pauvre en milieu rural Yémen1 21% 40% 84% Djibouti1 39% 83% 31% Égypte1 10% 27% 78% Soudan2 27% 85% 81% Cisjordanie et bande de Gaza2 21% 55% 67% Jordanie1 12% 19% 29% Syrie2 8% 15% 62% Algérie1 10% 15% 52% Mauritanie3 30% 50% 78% Maroc1 5% 15% 68% Tunisie1 2% 8% 75% Source : 1 Banque mondiale, 2008d ; 2 FIDA et FAO, 2007 ; 3 Banque mondiale, 2008b. Note : Seuil de pauvreté déterminé par pays. urbaines (FIDA et FAO, 2007). Le Tableau 2.1 ils consacrent de 35 % à 65 % de leurs revenus montre comment les pauvres sont répartis entre à l'achat d'aliments. Des estimations suggèrent les zones rurales et urbaines dans les pays arabes que, faute de croissance économique, une aug- pour lesquels des données sur la pauvreté sont mentation de 30 % des prix alimentaires en disponibles. Il y a tant de pauvres résidant en zo- Égypte aurait produit une augmentation de la nes rurales qu'il est indispensable de prévoir des pauvreté de 12 points de pourcentage (en réalité filets de protection sociale adaptés permettant la pauvreté a reculé grâce à la croissance écono- de les couvrir, ce que les programmes actuels de mique). Au Maroc, une augmentation de 14 % tests utilisant des variables proxy renseignant sur du prix des denrées alimentaires aurait produit les moyens de subsistance (Proxy Means Test) une augmentation de la pauvreté de 4 points de ne sont pas capables de bien faire. Les filets de pourcentage. À Djibouti une augmentation de protection sociale seront présentés plus en détail 21 % de l'IPC des denrées alimentaires aurait pu dans le Chapitre 4. faire remonter la pauvreté extrême de 14 points de pourcentage.10 Il s'agit donc d'impacts de Des prix alimentaires plus élevés contribuent relativement forte amplitude, ce qui reflète une à une augmentation de l'incidence, de la pro- fondeur et de la sévérité de la pauvreté. Les 10 Ces chiffres résultent de simulations et représentent pauvres de la région sont les plus durement le maximum des effets possibles. Ils correspondent aux touchés par les chocs des prix alimentaires, car variations des prix alimentaires (ou de la composante 16 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes caractéristique de la pauvreté dans la région : L'investissement au profit des petits exploi- une concentration relativement élevée de la tants est essentiel pour éradiquer la pauvreté population proche du seuil de pauvreté rendant rurale et améliorer la sécurité alimentaire au les chiffres de la pauvreté très sensibles aux aug- plan national. Il y a de nombreuses justifica- mentations du coût de la vie, même très limitées tions politiques pouvant inciter les dirigeants (Banque mondiale, 2006). Toutefois, au Yémen, à venir en aide aux petits exploitants. Ils repré- le doublement du prix du blé en 2007 n'a entraîné sentent, en général, la majorité de la population qu'une augmentation de l'indice numérique de la rurale et des pauvres vivant en zones rurales. pauvreté de six points de pourcentage (Banque Permettre aux petits exploitants de devenir plus mondiale, 2008m). C'est qu'en effet, un pour- productifs contribue à la sécurité alimentaire centage relativement élevé de la population vit des ménages, laquelle contribue à son tour à en dessous du seuil de pauvreté. la sécurité alimentaire nationale. Par consé- quent, le succès des petits exploitants devrait Certains groupes de pauvres risquent de per- aussi être reconnu comme un objectif de sécu- dre davantage que d'autres avec la hausse des rité alimentaire (FIDA et FAO, 2007 ; FAO prix alimentaires. Les plus touchés seront les 2008f ). Le Chapitre 5 examinera de manière pauvres des villes, les ruraux ne possédant pas de plus approfondie la nécessité d'investir dans les terres et les petits agriculteurs ou ceux dont l'ac- petits exploitants. tivité agricole est marginale. Les grandes exploi- tations agricoles seront protégées des chocs dans L'impact du choc des prix alimentaires peut la mesure où elles bénéficieront sans doute de persister pour certains groupes au-delà de la la hausse des prix des produits agricoles (FAO, chute des prix. Les ménages en situation d'ex- 2008f ). En revanche, une forte proportion de trême pauvreté peuvent renoncer à des intrants petits agriculteurs dans plusieurs pays arabes de production pour acheter de la nourriture, risquent d'être affectés par la hausse des prix réduisant leur potentiel de gains pour l'année alimentaires parce que ce sont des consomma- suivante. Ainsi, au Yémen 10 % des agriculteurs teurs nets de denrées alimentaires. Les premières sondés ont consommé des stocks de semences constatations faites au Yémen sont très préoccu- en réserve pour l'année suivante (Programme pantes. Entre 2006 et 2008 le pourcentage de la alimentaire mondial, 2008). Certains ménages population étudiée souffrant de sous-alimenta- pauvres sont sans doute en train de renoncer à tion a progressé de 35 points de pourcentage des dépenses de santé et d'éducation afin de se -- un chiffre consternant -- passant de 24 % à nourrir, compromettant à terme la productivité 59 % (Programme alimentaire mondial, 2008). Il faut mettre en place des opportunités d'emplois alimentaire de l'IPC) sur une période de temps à peu pour aider les groupes marginaux à assurer leur près similaire ó de la pré-crise (2005) au début de 2008 sécurité alimentaire. Le Chapitre 5 examinera ó en supposant une absence de croissance des revenus et les stratégies permettant de créer des activités pas de substitution vers des produits non alimentaires. Ils ne prennent également pas en compte les éventuels économiques dans les zones rurales. effets positifs des hausses des prix alimentaires sur les revenus des agriculteurs. Quel est l'impact du récent choc des prix pour les économies des pays arabes ? 17 des générations futures. La même étude indique ou d'autres restrictions à l'exportation, comme il qu'au Yémen 39 % des ménages interrogés ont s'en est produit au pic du récent choc. réduit leurs dépenses de santé (Programme alimentaire mondial, 2008). La vulnérabilité des pays du CCG aux chocs des prix alimentaires culmine lorsque les prix du pétrole sont bas et les prix des produits ali- Quelles sont les implications en matière de mentaires de base sont élevés. La faiblesse des sécurité alimentaire pour les pays arabes prix du pétrole affaiblit les soldes budgétaires des présentant des dotations en ressources et pays riches en pétrole, entravant leur gestion des des équilibres budgétaires différents ? prix élevés des produits alimentaires de base.11 Des facteurs conjoncturels (par exemple, une L'exposition aux risques des prix et des quanti- diminution de la demande en raison de la crise fi- tés alimentaires est fonction de la dépendance nancière et des prix élevés du pétrole) contribuent à l'égard des importations de céréales et des à la baisse récente des prix du pétrole, réduisant équilibres budgétaires. Les pays arabes sont des les revenus des pays exportateurs de pétrole. Les preneurs de prix dépendant des importations facteurs structurels, renforcés par les préoccupa- car ils ne représentent qu'une part relativement tions occidentales en matière de sécurité énergé- faible de la production mondiale de céréales, tique et de réchauffement de la planète, peuvent exposés à des risques conséquents de prix et de contribuer à un effondrement prolongé des prix quantité. Le risque de prix signifie que les prix du pétrole. Ces facteurs pourraient susciter un des céréales vont être prohibitifs, compromettant découplage des prix du pétrole et des produits les achats, même si les quantités sont disponibles alimentaires de base, ce qui rendra plus difficile sur les marchés mondiaux. Le risque de quantité pour les pays riches en pétrole de compenser les signifie que les denrées alimentaires peuvent ne dégradations des termes de l'échange.12 pas être disponibles, même s'il y a suffisamment de fonds pour les acheter. La Figure 2.4 présente Djibouti, le Yémen, le Maroc, la Jordanie, la diverses combinaisons possibles de dépendance Tunisie et le Liban sont les plus vulnérables des importations de céréales et d'équilibre bud- gétaire afin de mesurer les risques rencontrés par 11 L'épuisement des réserves de pétrole peut aussi les pays arabes en matière de prix et de quantité sensiblement réduire le degré de protection des pays actuellement exportateurs de pétrole contre les impacts des denrées alimentaires. Les pays du CCG et budgétaires négatifs des prix élevés des produits ali- les autres pays fortement tributaires des impor- mentaires. tations de céréales, mais disposant de solides 12 Les pertes des termes de l'échange se produisent lorsque la balance commerciale d'un pays se dégrade. soldes budgétaires, sont moins vulnérables à un Il s'agit donc d'un risque à long terme pour les pays risque de prix en raison de leur solide base de res- riches en pétrole car les énergies fossiles de substitution sources. Comme ces pays dépendent cependant demeurent relativement coûteuses. Les pays riches en pétrole peuvent atténuer leur vulnérabilité en utilisant entièrement des importations alimentaires, ils les revenus courants du pétrole pour diversifier leurs sont préoccupés par les risques de quantité pou- économies et ainsi limiter leur dépendance future à vant intervenir via des interdictions d'exporter l'égard des revenus pétroliers. 18 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 2.4 : Les pays arabes à haute dépendance des importations de céréales et fort déficit budgétaire sont les plus vulnérables au niveau macroéconomique (Soldes budgétaires 2007 -- pourcentage du PIB, Soldes céréaliers 2005 ­ tonnes métriques)* Élevé Vulnérabilité maximale Dépendant, mais budgétairement sain Djibouti Bahreïn UAE La dépendance à l'égard des importations céréalières Koweït Jordanie Qatar Oman Libye Liban Yémen Arabie saoudite Algérie Tunisie Maroc Irak Syrie Égypte Soudan Moins dépendant, mais budgétairement tendu Vulnérabilité minimale Faible 0 Déficit Surplus Position budgétaire Risques de prix et Risques de prix faibles, Risques de prix et de Risques de quantité faibles, de quantité faibles risque de quantité élevés quantité élevés risques de prix élevés Source : Auteurs. Adapté de FAO, 2008b ; FMI, 2008 ; Banque mondiale, 2008b. Note : La dépendance à l'égard des importations céréalières se mesure par le ratio importations nettes de céréales/consommation totale de céréales. * Les soldes budgétaires 2007 sont tirés des données du FMI. Les données FAOSTAT les plus récentes sur les soldes céréaliers datent de 2005. aux chocs des prix alimentaires, car ils sont 13 En Tunisie, par exemple, on estime que la balance exposés sur les deux fronts : quantité et prix, commerciale alimentaire a enregistré un excédent de 277 millions de dinars en 2006 et un déficit de 426,8 et à des niveaux élevés dans les deux cas.13 Le millions en 2007 avec une couverture des importations risque de prix pose problème parce que la fragi- reculant de 121 % à 79 %. En termes de quantités, le lité de l'équilibre des finances publiques limite pays a importé 296 600 tonnes métriques de blé en les options de financement. Le risque de quantité janvier et février 2008, soit 11,8 % de moins que durant la même période de 2007, mais avec un doublement pose problème en raison de la forte dépendance en valeur. En outre, les décaissements de la Caisse de à l'égard des importations. Ces pays pourront compensation ont atteint 575 millions de dinars en 2007 avoir besoin d'appuis extérieurs pour assurer contre 321 millions de dinars en 2006, correspondant à 1,3 % du PIB. leur sécurité alimentaire car leurs ressources Quel est l'impact du récent choc des prix pour les économies des pays arabes ? 19 budgétaires ne leur permettent pas de faire face Aucun pays arabe n'est à l'abri de futurs chocs aux chocs. des prix alimentaires. Chaque pays doit évaluer le niveau de risque de prix et de quantité qu'il Le Soudan, l'Égypte et la Syrie présentent un peut tolérer et le montant qu'il peut consacrer à risque de quantité faible et un risque de prix son atténuation, en vue d'élaborer une stratégie élevé. Le risque de prix pose problème parce que de gestion des risques visant à atténuer l'im- la fragilité de l'équilibre des finances publiques pact des futurs chocs de prix. Cette stratégie limite les options de financement. Le risque de comprendra plusieurs volets permettant de quantité représente un problème moindre parce répondre à la croissance de la demande de den- que ces pays sont moins tributaires des importa- rées alimentaires, d'augmenter la production de tions. Bien que ces pays soient moins tributaires denrées alimentaires et de contrôler l'exposition des importations de céréales, ils ont tous des à la volatilité des prix des produits de base. Les programmes de subventions alimentaires qui pays peuvent, simultanément, réduire la pression fragilisent leur équilibre budgétaire. Le Cha- budgétaire en concevant des filets de protection pitre 4 présente des stratégies qui peuvent être sociale plus efficients. utilisées pour faire baisser les coûts et améliorer l'efficacité de ces programmes. 3 L'avenir de la sécurité alimentaire : la dépendance à l'égard des importations devrait augmenter A lors que l'avenir des prix mondiaux des denrées alimentaires n'est pas connu, les modèles économiques montrent que la demande des investissements rentables et la réduction de l'exposition à la volatilité du marché. alimentaire va dépasser l'offre dans les pays ara- bes, les rendant beaucoup plus vulnérables aux Que peut-on tirer des modèles prospectifs chocs des prix alimentaires que les autres régions. à propos de la sécurité alimentaire dans Les dirigeants doivent élaborer une stratégie glo- les pays arabes ? bale capable de concilier les risques inhérents aux importations avec les coûts liés à l'accroissement Deux modèles économiques prospectifs pré- de la production nationale. Les messages clés de voient que la demande de denrées alimentaires ce chapitre sont les suivants : va sensiblement croître jusqu'en 2030 dans les pays arabes. Le modèle IMPACT,14 créé » Les modèles prospectifs relatifs à l'économie par l'IFPRI (2008a), et un modèle de la FAO mondiale prévoient que la consommation (2006a ; 2008d) : ce sont tous deux des modèles de céréales et de viande dans les pays arabes de balance alimentaire établissant des projections continuera de surpasser la production, in- de l'offre et la demande alimentaires à l'échelle de duisant une dépendance croissante à l'égard la planète.15 Bien qu'ayant adopté des méthodes des importations alimentaires. différentes, les deux modèles offrent des résultats » De nombreux facteurs ayant contribué au remarquablement similaires pour les pays arabes, récent choc des prix alimentaires semblent à l'exception du Soudan.16 Les deux modèles être plus graves et durables dans les pays arabes qu'ailleurs. 14 Modèle international d'analyse des politiques rela- » Une stratégie de sécurité alimentaire dans tives aux produits agricoles et au commerce extérieur (IMPACT). les pays arabes reposant sur trois piliers 15 Sauf indication contraire, les projections présentées comprend le renforcement des filets de dans le présent document sont tirées du modèle IM- protection sociale et de l'éducation pour PACT. 16 Les modèles de l'IFPRI et de la FAO donnent des faire face à la hausse de la consommation, résultats contradictoires en ce qui concerne le Soudan, l'amélioration de la productivité agricole et importateur net ou bien exportateur net de céréales. des conditions de vie en milieu rural grâce à Les résultats du modèle de l'IFPRI sont utilisés dans 22 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 3.1 : La demande de céréales dépasse de loin la production intérieure dans les pays arabes 160 000 Demande Céréales (y/c animalières) milliers 120 000 80 000 Production 40 000 0 2000 2010 2020 2030 Source : Auteurs. Adapté de l'IFPRI, 2008. Notes : Soudan inclus ; TM signifie tonnes métriques prévoient que la demande alimentaire continuera estimations, de 37 à 69 millions de tonnes métri- d'augmenter sensiblement dans les pays arabes ques.18 La quantité totale de céréales importées jusqu'en 2030, et au-delà, et que la production nécessaires à la région devrait donc progresser n'arrivera pas à s'ajuster, d'où une dépendance de 55 %, passant de 47 à 73 millions de tonnes accrue à l'égard des importations alimentaires.17 métriques d'ici à 2030 (Figure 3.1). Ceci signifie que les pays arabes seront de plus en plus vulnérables aux chocs internationaux des Les importations nettes de céréales varient en prix alimentaires s'ils n'adoptent pas des mesures fonction de la croissance de la population et de d'atténuation. la disponibilité des ressources en terres et en La dépendance à l'égard des importations de céréales va augmenter de près de 64 %, aggra- toutes les projections agrégées de la région, et les deux séries de projections sont utilisées quand il s'agit du vant les déficits alimentaires dans la plupart seul Soudan. des pays arabes. La demande totale de céréales 17 Le modèle IFPRI fait une projection allant jusqu'en dans les pays arabes va progresser, passant d'en- 2030 tandis que le modèle de la FAO va jusqu'en 2050. viron 84 millions de tonnes métriques en 2000 18 Bien que les ressources en terres et en eau soient très à près de 142 millions de tonnes métriques en limitées, les améliorations de la productivité agricole 2030. Sur cette même période, avec l'augmen- sont la norme, même si elles s'obtiennent plus lentement. Au fil du temps, de nouvelles technologies sont créées tation des investissements dans l'agriculture et et adoptées par plus d'agriculteurs, faisant progresser la l'innovation technologique, la production de production. Ces hausses ne seront toutefois pas suffi- céréales devrait pouvoir progresser, selon les santes pour répondre à la demande projetée. L'avenir de la sécurité alimentaire : la dépendance à l'égard des importations devrait augmenter 23 Tableau 3.1 : La hausse des importations de céréales variera selon les pays arabes (Hypothèses de base de l'IFPRI) Ressources Projection de la Projection Projection en eau croissance des croissance croissance renouvelables/ importations nettes démographique, des revenus, habitant, de céréales, Sous-région et pays 2000­2030 (%) 2000­2030 (%) 2005 (m3) 2000­2030 (%) Péninsule arabique1 105 190 145 89 Afrique du Nord-Est Djibouti 68 200 378 69 Égypte 59 168 788 137 Somalie 118 167 1 787 48 Soudan 66 254 1 780 -- Mashreq Irak 95 24 3 688 2 48 Jordanie 74 238 163 61 Liban 30 186 1 259 52 Syrie 78 189 1 379 98 Maghreb Algérie 47 210 355 18 Libye 57 211 103 72 Maroc 45 193 921 ­17 Tunisie 29 200 455 4 Source : IFPRI, 2008; FAO, 2008b 1 Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite, EAU et Yémen. 2 Données 1995. -- = Non disponible eau. Dans certains pays arabes, les importations La consommation de viande et de lait va aussi de céréales vont doubler, alors que dans d'autres augmenter. La consommation de viande va pro- elles resteront constantes ou diminueront. Tous gresser de 104 % tandis que celle de lait augmen- les pays, à l'exception du Soudan, restent des im- tera de 82 %. La hausse de la consommation de portateurs nets de céréales jusqu'en 2030 et au- produits animaliers sera plus conséquente dans delà (Tableau 3.1). Dans le modèle, la croissance les pays riches en pétrole (elle aura quasiment de la population représente le principal moteur doublé entre 2000 et 2030), stimulée par la de l'augmentation nette des importations de céréales, tandis que la croissance du revenu joue 19 Les données relatives à la production de la FAO un rôle moins important. L'Égypte va augmenter (2008b) montrent que la production du Maroc a fait ses importations de céréales de 138 % de 2000 un bond de2000 à 2003 et qu'elle a ensuite ralenti. Les à 2030, beaucoup plus que tout autre pays de la réductions prévues des importations céréalières du Maroc sont donc en grande partie déjà intervenues, et région. Le Maroc est le seul pays dont les impor- donc, à partir de maintenant, leurs besoins en matière tations de céréales vont diminuer (de 17 %).19 d'importations vont augmenter. 24 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes hausse des revenus et la croissance démogra- nant le Soudan en position d'importateur net phique. Il en résultera une dépendance future de céréales dans un avenir prévisible (Figure sensiblement accrue à l'égard des importations 3.2). En 2005, dernière année pour laquelle des de ces produits. Les pays non producteurs de données sont disponibles, le Soudan était encore pétrole verront aussi progresser leur consom- un importateur net, ne satisfaisant que 71 % de mation de viande et de lait, mais ils sont dotés sa consommation de céréales. des ressources naturelles nécessaires pour assurer une production suffisante permettant Le potentiel du Soudan comme grenier à blé de de maintenir leurs importations autour de leur la région dépend de l'amélioration massive de niveau actuel. la productivité et des infrastructures. Actuel- lement, les rendements des céréales au Soudan La hausse de la demande de viande et de sont très faibles (FAO, 2008b). Cela est en partie lait renforce la vulnérabilité aux chocs des dû à l'omniprésence de l'agriculture pluviale, et prix céréaliers. La consommation de viande en partie à la faiblesse des investissements au ni- et de lait va augmenter plus rapidement que veau des exploitations. Si la sous-productivité du la consommation de céréales, et cela se reflète Soudan se trouvait nettement améliorée, le pays dans la composition de la demande de céréales. pourrait devenir une source majeure de céréales La demande de céréales destinées à la consom- pour les autres pays arabes (Dubaï School of mation humaine devrait augmenter d'environ Government, 2008). Aucun de ces modèles ne 50 % de 2000 à 2030, mais celle qui est destinée prend en compte une éventuelle forte perfusion à l'alimentation des animaux va presque doubler. de capitaux étrangers dans l'agriculture et les C'est une tendance qui vaut pour tous les pays, infrastructures soudanaises (transports, canaux producteurs ou non producteurs de pétrole. Sans d'irrigation, infrastructures de commercialisa- des investissements adéquats dans des techno- tion, etc.). S'il est clair que le Soudan ne pourra logies améliorant les rendements, l'expansion pas approvisionner tous les pays arabes, il existe rapide de la production animalière risque de un potentiel d'investissements étrangers pouvant se faire au détriment des productions agricoles faire progresser la production de façon spectacu- futures.20 laire par une expansion verticale et horizontale. Cette question est examinée plus en détail au Le Soudan recèle 30 % des terres arables des Chapitre 5. pays arabes, mais il est loin de devenir le gre- nier à blé de la région. Les modèles d'IMPACT Un ralentissement économique mondial aura et de la FAO proposent des projections de pro- peu d'impact sur l'augmentation probable des duction similaires pour le Soudan, mais les deux modèles diffèrent en termes de consommation intérieure. Le modèle IMPACT prévoit une 20 Ces conséquences ne sont pas prises en compte dans demande intérieure faible et des exportations le modèle, mais elles doivent être envisagées. Le bétail, qui fait partie intégrante des systèmes de culture, peut nettes de céréales. La FAO prévoit une demande endommager les sols par compactage et empêcher l'adop- intérieure plus soutenue qu'IMPACT, mainte- tion de certaines formes d'agriculture de conservation. L'avenir de la sécurité alimentaire : la dépendance à l'égard des importations devrait augmenter 25 Figure 3.2 : Le potentiel du Soudan de devenir le grenier à blé des pays arabes est incertain 12 000 IMPACT 12 000 FAO Demande Céréales (y/c animalières), millions TM Céréales (y/c animalières), millions TM 10 000 10 000 Production 8 000 8 000 Production 6 000 Demande 6 000 4 000 4 000 2 000 2 000 0 0 2000 2010 2020 2030 2000 2010 2020 2030 Source : Auteurs. Adapté de l'IFPRI, 2008 ; FAO 2008d. importations alimentaires.21 Dans un scénario 21 Ce scénario particulier de « croissance faible » a été « d'investissements et croissance faibles »,22 le établi avant le récent ralentissement financier mon- modèle IMPACT prévoit en 2030 une demande dial. C'est une projection à long terme globalement pessimiste, prenant en compte une diminution de la de céréales (alimentation humaine et animale) croissance économique globale et une croissance de la dans les pays arabes inférieure de 7 % au scénario productivité agricole due aux changements climatiques. de référence, une demande de viande inférieure Le récent ralentissement financier mondial devrait au contraire provoquer une période de croissance lente de 8 % et une demande de lait inférieure de 15 %. de courte durée (un à deux ans) Quand on en saura La production de céréales et produits laitiers plus des effets du récent ralentissement mondial sur la diminuerait également, mais pas autant que la productivité agricole, il sera envisageable d'établir un scénario de « croissance faible » mieux ajusté. L'analyse demande. Par rapport au scénario de référence, dans le présent rapport rend donc compte des résultats les importations nettes de céréales seraient donc du modèle dans le cadre du scénario de référence. inférieures de 7 % et les importations nettes de 22 La réalisation du scénario de croissance agricole lente lait seraient inférieures de 25 %. La production suppose que la croissance du PIB mondiale est inférieure de 0,3 points de pourcentage à celle du scénario de réfé- de viande reculerait plus que la demande de rence (3,06 % par an contre 2,86 % par an). Ce scénario viande dans le scénario de croissance faible, suppose également une réduction des chiffres mondiaux conduisant à une progression de 14 % des im- de croissance du cheptel de 20 % et une réduction des taux de productivité animale de 20 %. Enfin, le scénario portations nettes. suppose une réduction de la croissance du rendement des cultures dans le monde de 40 % ainsi qu'une réduction Le défi pour l'avenir est de trouver les meilleu- de la production mondiale des huiles et farines de 20 % (IFPRI, 2008a). res façons d'améliorer la sécurité alimentaire, 26 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes tout en reconnaissant qu'il y aura une dé- sécurité alimentaire nationale : la gestion globale pendance continue et croissante à l'égard des des niveaux de consommation aide à résoudre les importations. Les projections sur l'avenir des préoccupations à long terme concernant le risque balances alimentaires des pays arabes suggèrent d'approvisionnements insuffisants à certaines trois stratégies d'intervention déterminantes, périodes sur les marchés mondiaux (risque de « piliers », que chaque pays peut utiliser pour éla- quantité) et la charge potentielle résultant de borer un plan de réduction de la vulnérabilité aux prix élevés des produits alimentaires de base chocs des prix alimentaires et d'amélioration de (risque de prix). L'augmentation de la produc- la sécurité alimentaire. La première s'attaque au tion intérieure permettra de réduire le risque de problème de la hausse de la consommation par quantité, mais n'amortira pas les chocs de prix un renforcement des filets de protection sociale car les pays arabes ne représentent qu'une faible et de l'accès aux services de planning familial et part de la production mondiale de céréales. Le par la promotion de l'éducation. C'est ce dont lissage de l'exposition à la volatilité du marché, traite le Chapitre 4. La seconde propose des par une meilleure gestion des importations et par investissements d'un bon rapport coût-efficacité le biais des instruments décrits dans le Chapitre en vue d'améliorer la productivité agricole et les 6, permettra d'améliorer la gestion du risque de conditions de vie en milieu rural. C'est ce dont prix, mais ne répondra pas aux préoccupations traite le Chapitre 5. Et la troisième vise à réduire relatives au risque de quantité. Ensemble, ces l'exposition à la volatilité du marché, ce qu'exami- trois piliers construiront une stratégie globale ne le Chapitre 6. La Figure 3.3 montre comment permettant d'atténuer les effets des futurs chocs ces trois piliers se combinent pour améliorer la des prix alimentaires. Figure 3.3 : Ensemble, la gestion de la demande et l'amélioration de la production réduisent le fardeau des importations et la vulnérabilité 160 000 Céréales (y/c animales), millions TM Demande (basse) 120 000 Production (haute) 80 000 40 000 0 2000 2010 2020 2030 Source : Auteurs. Adapté de l'IFPRI, 2008a. Note : Les lignes en pointillé ont été obtenues en réduisant la demande de 0,5 % supplémentaire chaque année et en augmentant la production de 1 % chaque année. Ces lignes ont une simple valeur démonstrative et ne résultent pas du modèle. 4 Améliorer la sécurité alimentaire par des filets de protection sociale, des services de planning familial et par l'éducation L e premier pilier de la stratégie de sécurité alimentaire, répond à la demande inté- rieure croissante de produits alimentaires. Les être renforcés lorsque les chocs sévissent et ré- duits quand ils reculent. Il existe, évidemment, de graves risques politiques liés aux réformes des chocs des prix alimentaires seront particulière- filets sociaux de sécurité, comme le démontrent ment dévastateurs pour la jeune génération dans les récentes émeutes en Égypte en réponse à une les pays arabes s'ils conduisent à une réduction pénurie de denrées alimentaires subventionnées. de l'investissement des ménages en matière de Une autre méthode peut être utilisée pour santé, de nutrition et d'éducation. Des prix élevés réduire au minimum les dommages provoqués des denrées alimentaires peuvent contraindre les par les chocs des prix alimentaires, consistant à ménages pauvres à réduire leur consommation offrir un meilleur accès aux services de planning alimentaire, provoquant malnutrition, gaspillage familial et à engager une politique éducative et retards de croissance. Les enfants peuvent se des populations, notamment les femmes et les trouver contraints d'abandonner l'école parce enfants, sur les conséquences d'une mauvaise que leurs familles ne peuvent plus prendre en alimentation. Les messages clés de ce chapitre charge le coût des livres ou les frais de scolarité. sont les suivants : Le dynamisme démographique de la région constitue l'un de ses atouts les plus importants, » Le renforcement des filets de protection so- et il faut tout mettre en oeuvre pour qu'il ne se ciale est essentiel pour assurer la protection transforme pas en handicap. des personnes les plus nécessiteuses. » Des sources d'avantages durables peuvent Des filets de protection sociale efficaces sont résulter de l'accès aux services de planning essentiels pour éviter une « génération perdue », familial et de l'éducation des personnes sur née de l'insuffisance des investissements de santé, les conséquences d'une mauvaise alimenta- de nutrition et d'éducation. Mais la création de tion. filets sociaux de sécurité fournissant une aide » L'adoption d'une stratégie sur plusieurs appropriée à ceux qui en ont le plus besoin d'une fronts, comprenant des mesures telles que manière financièrement viable exige un meilleur l'enrichissement des aliments, peut aider à ciblage et de la souplesse, de sorte qu'ils puissent réduire la prévalence de la malnutrition. 28 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Quelles sont les conséquences à long ments dans l'avenir des jeunes. Par exemple, les terme des chocs des prix alimentaires sur familles pauvres peuvent interrompre les soins l'éducation, la santé et la nutrition ? de santé préventifs, retirer les enfants des écoles afin de générer des revenus supplémentaires ou Les chocs peuvent inciter les pauvres à réduire de réduire les coûts, et remplacer un régime bien leur consommation alimentaire, ce qui pour- équilibré par une alimentation moins coûteuse, rait faire progresser la prévalence de la mal- comprenant moins d'aliments sains de base nutrition. Le récent choc des prix alimentaires (Benson et al, 2008). La presse égyptienne a in- s'accompagne de 4 millions supplémentaires diqué que les pauvres ont commencé à réorienter de personnes sous-alimentées dans les pays leur consommation alimentaire vers des produits arabes (FAO, 2008f ). En se fondant sur deux moins coûteux à faible valeur nutritive. Certaines indicateurs -- retard de croissance et gaspillage familles sont également en train de réduire les -- le Yémen est l'un des dix pays au monde les dépenses d'éducation et de santé. Des rapports plus touchés par cette augmentation de la mal- informels signalent, au Yémen, des retraits d'élè- nutrition, et c'est le pays arabe le plus touché. ves des écoles effectués par les ménages pauvres Les données les plus récentes de l'Organisation pour les faire travailler. mondiale de la santé indiquent que 58 % des enfants yéménites de moins de cinq ans souffrent Certains types de subventions alimentaires de retards de croissance et que 41 % présentent générales peuvent éventuellement augmen- une insuffisance pondérale (OMS, 2008a). A ter à long terme les dépenses de santé. Les Djibouti, la situation est aussi préoccupante : denrées alimentaires subventionnées mises à la 39 % des enfants de moins de cinq ans souffrent disposition de tous les secteurs de la population de retards de croissance et 26 % présentent une peuvent susciter une surconsommation chez les insuffisance pondérale. Les ménages qui répon- personnes vivant au-dessus du seuil de pauvreté. dent à des chocs de prix en réduisant leur apport Des subventions d'aliments dangereux pour la calorique ou en optant pour des aliments moins santé (sucres et huiles de table) peuvent, par chers ou moins nutritifs, au détriment de la exemple, rendre moins attractifs les régimes consommation d'aliments sains, accroissent leur équilibrés, dans la mesure où le prix des produits exposition aux risques de santé, en particulier malsains est plus abordable (Alston, Sumner, et de malnutrition (FAO, 2008f ). La malnutrition Vosti, 2006). L'obésité, la consommation élevée infantile diminue la capacité intellectuelle des de graisses animales et la faible consommation adultes et la capacité de travail, causant des dif- de fibres alimentaires représentent des facteurs ficultés économiques pour les individus et leurs de risque de maladies chroniques non trans- familles (Caulfield et al., 2006). missibles comme les maladies coronariennes, le diabète sucré et les cancers du côlon et du Les chocs peuvent aussi inciter les pauvres à sein (National Research Council, 1989). Si les réduire l'investissement en capital humain. Les programmes de subventions alimentaires géné- ménages à faible revenu peuvent répondre à des ralisées provoquent effectivement une hausse des hausses des prix durables par des désinvestisse- taux d'obésité dans les pays arabes, les coûts pour Améliorer la sécurité alimentaire par des filets de protection sociale, des services de planning familial et par l'éducation 29 y remédier peuvent devenir une préoccupation teurs de blé. Il a également maintenu un contrôle majeure.23 Pour éviter d'en arriver là, les pays des prix sur le blé, la farine et le pain et a réduit arabes peuvent commencer à mettre en oeuvre la taxation des céréales. L'Égypte a interdit les des mesures nutritionnelles de prévention des exportations de riz pour essayer de protéger les maladies liées aux régimes alimentaires. Aux consommateurs des cours mondiaux élevés. La États-Unis, par exemple, les frais médicaux Syrie a imposé des restrictions à l'exportation et a liés à l'obésité représentaient 9 % du total des réduit la taxation des céréales. Djibouti a éliminé dépenses médicales américaines en 1998, et les taxes à la consommation sur plusieurs denrées pourraient avoir atteint un pic de 93 milliards de alimentaires de base et apporte une aide alimen- dollars (dollars 2002) (Finkelstein, Fiebelkorn, taire limitée aux familles rurales par le biais d'ap- et Wang, 2003). L'Égypte, où environ 45 % de puis de bailleurs de fonds. La Tunisie a réduit la population est considérée comme obèse, est les taxes sur le blé et maintient un contrôle des le pays arabe le plus à risque (OMS, 2008b). prix sur des produits alimentaires de base straté- Avec des taux d'obésité plus élevés en Égypte giques. Le Yémen accorde à titre temporaire des qu'aux États-Unis (où l'obésité atteint 32 %), les subventions du blé tandis que la Jordanie pour- dépenses médicales de l'Égypte pourraient bien- suit son programme de subvention du pain.24 Les tôt monter en flèche. S'il n'est pas prouvé que les salaires du secteur public ont été augmentés dans amples subventions égyptiennes des prix du pain plusieurs pays, y compris la Jordanie, l'Égypte, et du sucre soient des facteurs contribuant à son la Syrie, le Yémen, l'Arabie saoudite et Oman, taux d'obésité, c'est certainement une possibilité bien que ces augmentations aient été en grande qui mérite d'être approfondie. partie destinées à compenser les hausses des prix de l'énergie et des prix alimentaires. Certains pays ont utilisé des transferts directs en espèces Quelles sont les mesures utilisées pour renforcer le pouvoir d'achat des pauvres.25 par les États arabes pour répondre L'Égypte a récemment étendu son petit pro- au récent choc des prix et quelles gramme de transferts en espèces tandis que le sont les limites de ces mesures ? Yémen a instauré un programme d'allocations Les gouvernements arabes répondent au récent choc des prix par une combinaison de 23 Il faut de 15 à 20 ans avant que l'augmentation du poids corporel ne soit suivie de l'apparition du diabète et politiques commerciales, d'augmentations des encore 5 à 15 ans supplémentaires avant que le diabète salaires et de programmes de filets de protec- n'entraîne des complications plus graves, telles qu'insuf- tion sociale qu'il sera difficile de réduire. Des fisance rénale, cécité et amputations. 24 La Jordanie a supprimé d'autres subventions alimen- réformes commerciales et fiscales ont souvent taires et énergétiques dans le cadre d'une réforme plus été adoptées comme première réponse, afin d'ac- large. croître la sécurité alimentaire et de contrôler les 25 Les transferts en espèces peuvent être inconditionnels, accordés selon des critères prédéterminés à tous ceux qui prix à la consommation. Le Maroc a récemment y répondent, ou conditionnels, les espèces n'étant remises significativement réduit ses droits de douane sur qu'en échange d'un changement de comportement (par le blé et a accordé des subventions aux importa- ex. envoi des enfants à l'école). 30 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Tableau 4.1 : Les pays arabes ont eu recours à diverses politiques économiques globales et à des programmes existants de protection sociale pour répondre au récent choc des prix. Politiques économiques globales Programmes de protection sociale existants Augmentation Réduction de l'offre en Contrôles des taxes puisant dans des prix/ sur les les stocks Restrictions Subventions Transferts Nourriture Rationnement/ céréales de céréales à de la en contre bons Repas Pays vivrières vivrières l'exportation consommation espèces travail alimentaires scolaires Égypte Maroc Tunisie Yémen Liban Syrie Jordanie CBG Irak Djibouti Source : Banque mondiale, 2008b. Note : CBG signifie Cisjordanie et bande de Gaza conditionnelles liées au travail en s'appuyant Dans la foulée de la récente crise financière et sur un fonds social basé sur les infrastructures économique mondiale, les États arabes devraient tout en réformant et élargissant son programme être amenés à réduire davantage les subventions de transferts en espèces. Une des conséquences alimentaires en raison des pressions pour ac- de certaines des mesures prises à ce jour, c'est croître les dépenses publiques et ainsi stimuler qu'elles seront difficiles à éliminer ou à réduire. l'économie. L'augmentation des salaires du secteur public apporte une réponse permanente et non ciblée, Les subventions alimentaires sont très po- alimentant les tensions inflationnistes. Quand pulaires, mais elles présentent de graves les bénéficiaires s'habituent aux mesures de inconvénients. Un grand nombre de pays de la subventionnement des denrées alimentaires, région s'appuient largement sur les subventions continues, voire élargies dans le cas de l'Égypte, il alimentaires comme principal filet de protection peut être extrêmement difficile de faire machine sociale, y compris l'Égypte, la Jordanie, la Syrie et arrière, même si les prix du marché retombent. le Maroc, entre autres. Les subventions alimen- Améliorer la sécurité alimentaire par des filets de protection sociale, des services de planning familial et par l'éducation 31 taires en nature sont particulièrement populaires Égypte, par exemple, le programme d'aide sociale et de nombreux pays ont étendu ces subventions couvre moins de 12 % des pauvres et comporte en réponse au récent choc des prix. Alors que les un taux estimé de fuite des prestations vers les subventions énergétiques représentent de loin non-pauvres allant de 48 % à 60 % en 2008 la composante la plus importante des filets de (Banque mondiale, 2008n). Au Yémen, en 2005, sécurité dans la plupart des pays, les subventions le programme de transfert en espèces du Fonds alimentaires absorbent jusqu'à 2 % du PIB dans de protection sociale n'a atteint que 13 % de la certains cas (Figure 2.3).26 Les subventions com- population pauvre. 70 % des personnes ayant portent plusieurs inconvénients. Tout d'abord, bénéficié des transferts n'appartenaient pas au elles détournent des ressources importantes qui groupe cible. Le Fonds national d'aide de la pourraient être utilisées autrement et de ma- Jordanie n'a touché que moins de 20 % des popu- nière plus productive. Deuxièmement, elles sont lations éligibles en 2005, et 14 % seulement des inutilement coûteuses quand elles ne sont pas populations ayant reçu de l'aide faisaient partie ciblées, car la plupart des avantages profitent aux des populations pauvres. non-pauvres.27 Et troisièmement, les systèmes de distribution alimentaire en nature génèrent des frais administratifs coûteux et de vastes gas- Comment les pays arabes peuvent-ils pillages dus aux pertes sur stockage. Par ailleurs, gérer la demande afin d'atténuer les ils encouragent la corruption, le gaspillage et le conséquences des chocs des prix ? détournement à des fins de consommation non humaines des denrées alimentaires. Améliorer la conception des filets de protec- tion sociale pour amortir les effets des chocs Les filets de protection sociale existants ne des prix alimentaires et les empêcher de couvrent pas ceux qui en ont le plus besoin. Les provoquer des dommages permanents. Des programmes doivent être ciblés sur les pauvres simulations démontrent qu'une forte baisse de parce qu'ils sont les plus touchés par les chocs l'indice numérique, de la profondeur et de la de prix, dépensant proportionnellement plus pour les aliments de base. La plupart des pro- 26 En 2006­2007, les subventions à l'énergie ont re- grammes de transferts d'espèces dans la région présenté plus de 17 % du PIB en Iran, 11 % en Syrie et sont peu importants, représentant moins de 1 % 7 % en Égypte. 27 Yemtsov (2008) estime qu'en Égypte une personne du PIB dans la plupart des cas.28 La plupart des du quintile le plus pauvre perçoit 3 fois moins de sub- programmes utilisent des approches de ciblage ventions que celle appartenant au premier quintile de par catégorie. Les ménages et les individus ont la distribution, de même au Maroc où les pauvres ne reçoivent que 10 % des dépenses globales de subventions droit à des prestations s'ils entrent dans les des prix du gouvernement alors que 90 % vont à des biens catégories ciblées, telles que mère célibataire, subventionnés consommés par les non-pauvres. veuve, chômeur, personne âgée ou handicapé. 28 En Égypte, moins de 0,1 % du PIB a été consacré à Ces catégories ne sont pas ciblées sur les seuls l'aide par transfert d'espèces en 2005 ; le Maroc consacre environ 0,6 % du PIB aux transferts d'espèces ; le Fonds pauvres et ne couvrent pas nécessairement les national d'aide de la Jordanie représentait entre 0,6 % et fractions de population les plus pauvres. En 0,7 % du PIB entre 2002 et 2005. 32 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes gravité de la pauvreté pourrait intervenir dans du Mexique sont des exemples de programmes de nombreux pays de la région si le système réussis de transferts conditionnels d'espèces à actuel de transferts catégoriels devait être rem- grande échelle. placé par des transferts ciblés par l'intermédiaire d'un test utilisant des variables proxy29 couplé Renforcer la coordination des programmes et à un ciblage géographique (Banque mondiale, améliorer les mécanismes de paiement pour 2009). Les tests utilisant des variables proxy sont accroître l'efficience des ressources. Au niveau généralement performants pour l'identification des instances responsables, la coordination des des situations de pauvreté chronique à long programmes doit être renforcée afin de réduire terme. En augmentant le budget consacré à de les chevauchements de mandats et de bénéficiai- tels programmes sans subventions généralisées, res qui provoquent des gaspillages de ressources. l'impact sur la réduction de la pauvreté peut être En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, par considérablement augmenté. La plupart des pays exemple, les filets de sécurité transitent par un arabes disposent des ensembles de données sur réseau complexe de programmes appuyés par le les ménages requises pour établir la formule de gouvernement, des bailleurs de fonds internatio- ciblage nécessaire et un grand nombre d'entre naux, des ONG et des organisations caritatives, eux ont déjà adopté cette approche ou envisagent dont certains ciblent les mêmes populations. de le faire. Au niveau des programmes, des améliorations Utiliser des transferts d'espèces, car ils peu- 29 Les tests utilisant des variables proxy consistent à vent être plus efficients que les subventions en déterminer un ensemble de caractéristiques observables nature. Par rapport aux subventions en nature, corrélées à la pauvreté afin d'identifier la population attri- les transferts d'espèces ne faussent pas les mar- butaire sans effectuer d'évaluation directe des revenus. 30 Il est à craindre cependant que le passage des subven- chés des produits de base, génèrent en principe tions alimentaires en nature à des transferts d'espèces des coûts administratifs plus faibles, transitent n'aient des incidences négatives en termes de genre, car par des systèmes de paiement qui limitent la c'est normalement l'homme, chef de ménage, qui reçoit les transferts, et il peut ne pas donner nécessairement fraude et le détournement des prestations, et la même priorité à l'achat de denrées alimentaires et à la donnent aux bénéficiaires le plein contrôle de nutrition que ne le ferait des femmes (FAO, 2006c). leurs achats.30 La plupart des pays de la région 31 L'assistance conditionnelle fournie en espèces aux fa- disposent d'au moins un programme de transfert milles pauvres est soumise à des conditions de conduite, portant souvent sur la scolarisation des enfants et le d'espèces qui pourrait être adapté et étendu pour maintien de régimes de santé. Ces aides en espèces per- devenir un important filet de protection sociale. mettent de réduire la pauvreté en soi et rémunèrent les Les transferts conditionnels d'espèces repré- familles pour un coût d'opportunité lié à un changement de comportement ; le changement de comportement sentent une option de programme qui pourrait est censé contribuer au développement à long terme du favoriser le développement du capital humain capital humain des jeunes. et aider à rompre le cycle de la pauvreté.31 Les 32 Le Programme alimentaire mondial (PAM) au Yémen, a mis en place des programmes d'alimentation scolaire transferts pourraient être, par exemple, subor- ciblés sur les écoles de filles qui ont eu un impact sensible, donnés à la scolarisation d'un enfant.32 La Bolsa incitant les parents de plusieurs communautés rurales à Familia du Brésil et Progresa / Oportunidades envoyer leurs filles à l'école (IRIN, 2005). Améliorer la sécurité alimentaire par des filets de protection sociale, des services de planning familial et par l'éducation 33 pourraient être apportées aux mécanismes de des marchés des denrées alimentaires ou lorsque paiement utilisés pour distribuer les aides et les subventions sont le seul filet de protection en matière de fonctionnement administratif et sociale disponible. de personnel. L'Égypte expérimente pour son système de rationnement une carte à puce qui Améliorer l'accès aux services de planning comportera à terme des transferts d'espèces et familial. Les pays arabes font partie des pays à autres avantages tels que l'assurance maladie. La taux de croissance démographique les plus élevés carte à puce peut être utilisée pour le suivi et la du monde. Atteignant 73 millions d'habitants en distribution d'avantages par l'intermédiaire des 1950, la population de l'ensemble des pays arabes banques. Toutefois, la mise en pratique des cartes atteint aujourd'hui 333 millions d'habitants, à puce peut être plus difficile à déployer dans les c'est à dire qu'elle a plus que quadruplé. Elle zones rurales, où le faible niveau d'éducation et va encore pratiquement doubler d'ici à 2050, les difficultés d'accès aux infrastructures risquent passant à environ 600 millions d'habitants. Une de réduire leurs taux d'utilisation. population jeune croissante suppose d'avoir accès à des ressources suffisantes afin de maximiser sa Mettre en oeuvre des filets de protection contribution à la société. Toutefois, la croissance sociale suffisamment souples pour pouvoir démographique intensifie aussi les besoins d'im- être étendus en cas de chocs et réduits quand portations alimentaires. Elle s'accompagne d'une ceux-ci s'estompent. C'est important car l'ajus- hausse de la facture publique correspondant aux tement de l'aide permet d'aider les personnes subventions alimentaires, ce qui peut peser lourd vulnérables au moment où les prix sont élevés quand il s'agit de biens et services de base que et de réduire la charge budgétaire quand les prix tout le monde utilise. L'un des moyens les plus sont bas. Dans la mesure du possible, ce sont efficaces pour remédier à ce problème consiste à les programmes ciblés existants de transferts fournir aux populations des services de planning d'espèces qui devraient en priorité être revus à la familial. Les revenus en hausse, l'urbanisation et hausse. Il s'agit notamment de l'aide sociale axée l'éducation sont souvent considérés comme des sur la pauvreté, mais aussi des retraites sociales, facteurs clés contribuant à réduire à long terme des indemnités de chômage et des pensions d'in- le taux de natalité. Toutefois, l'accès aux services validité. Lorsque des programmes d'allocations de planning familial s'est avéré très efficace pour publiques conditionnelles liées au travail font accélérer les tendances démographiques à long déjà partie des filets de sécurité, il peut être utile terme. Les tendances démographiques et la gé- d'élargir la portée du programme. En deuxième néralisation de l'accès aux services de planning ligne, il serait préférable de recourir aux bons familial donnent déjà des résultats significatifs en alimentaires ou à d'autres formes d'aide quasi réduisant les taux de croissance démographique monétaire pouvant être ciblées et ajustées en dans plusieurs pays arabes comme la Tunisie, le hausse ou en baisse. Les subventions directes et Liban, le Maroc, l'Algérie et l'Égypte. La généra- les distributions alimentaires représentent enfin lisation de l'offre des services de planning familial l'option la moins souhaitable, à laquelle il ne dans les pays arabes qui continuent d'afficher de faudrait recourir qu'en cas de dysfonctionnement hauts taux de croissance démographique comme 34 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes le Yémen, la Jordanie et la Mauritanie, pourrait souvent due à une carence en fer, réduit la capa- avoir des impacts à long terme appréciables sur cité d'apprentissage, met en danger le système toute une gamme de problèmes socio-économi- immunitaire des enfants et réduit la productivité ques, y compris la sécurité alimentaire.33 des adultes. De nombreux pays arabes ont utilisé des suppléments diététiques et l'enrichissement Enseigner aux familles les avantages d'une des aliments pour remédier à ces carences en alimentation équilibrée pour maintenir à long micronutriments. Alors que la fortification du sel terme un bon état de santé. Une alimentation en iode a été un succès dans de nombreux pays, équilibrée riche en vitamines, en minéraux et en la fortification de la farine en fer n'a pas fait ses fibres peut aider à réduire le risque de problè- preuves en tant qu'agent de réduction de l'ané- mes de santé tels que malnutrition et maladies mie, comme l'indiquent les résultats des études non transmissibles. Les régimes alimentaires complémentaires menées dans la région.34 On a devraient s'améliorer avec la hausse des revenus. reproché à ces mesures de ne pas être durables et On peut néanmoins accélérer la tendance à la de ne pas atteindre ceux qui en ont le plus besoin, diversification alimentaire par le biais de pro- en particulier les familles pauvres dans les zones grammes de formation ciblés sur les enfants, rurales. En outre, l'anémie peut être causée par qui sont les consommateurs d'aujourd'hui et de de multiples facteurs, mais la contribution de la demain, et les femmes, qui jouent un rôle clé dans carence en fer aux chiffres d'ensemble de l'anémie la détermination de la composition du régime dans les pays arabes n'est pas signalée.35 Une alimentaire du ménage. Un des principaux ob- stratégie sur plusieurs fronts de réduction de la jectifs de ces programmes devrait être d'informer malnutrition par carence en micronutriments les familles sur la composition nutritionnelle des pourrait comprendre notamment la gestion des aliments de base. Par exemple, les estimations maladies infectieuses, le déparasitage, la pro- indiquent qu'environ 40 % à 45 % de la valeur motion de l'allaitement maternel, l'éducation nutritive des produits à base de farine blanche, nutritionnelle et la diversification alimentaire, (vitamines et fibres) sont perdus au cours du outre la supplémentation nutritionnelle et l'en- blanchiment et d'autres processus (Le Journal richissement, si les faits viennent justifier ces d'Afrique du Nord, 2008). Des programmes interventions. Au cours des dernières années, d'éducation nutritionnelle pourraient souligner les bénéfices nutritionnels de la consommation 33 Avec son taux actuel de croissance démographique de de produits à base de farine de blé entier par 3 % par an, la population du Yémen devrait passer de 21 rapport aux produits à base de farine blanche. millions aujourd'hui à 58 millions en 2050. 34 Voir, par exemple, les études menées à Bahreïn (Mi- nistère de la Santé du Royaume de Bahreïn, 2003) et en Adoption d'une stratégie sur plusieurs fronts Iran (Sadighi et al, 2008). pour aider à réduire la prévalence de la mal- 35 Les causes de l'anémie sont notamment les suivantes : nutrition en micronutriments. Les carences perte de sang, ankylostomes, faible apport alimentaire en en fer, iode et vitamine A provoquent des fer, forte consommation d'inhibiteurs de l'absorption du fer, carence en vitamine B12, carence en acide folique, problèmes de santé liés à la nutrition parmi les drépanocytose, thalassémie (la plupart des pays arabes plus importants pour les pays arabes. L'anémie, se situent en zone de thalassémie). Améliorer la sécurité alimentaire par des filets de protection sociale, des services de planning familial et par l'éducation 35 il y a eu un intérêt croissant pour des cultures Une telle approche n'a pas encore été adoptée améliorées de variétés bio-fortifiées d'aliments par les pays arabes et pourrait représenter pour de base comme outil primaire de lutte contre la certains une option à suivre pour lutter contre la malnutrition par carence en micronutriments. malnutrition par carence en micronutriments. 5 Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité L e deuxième pilier de la stratégie de sécurité alimentaire consiste à accroître la produc- tivité agricole. L'accroissement de la productivité » Les investissements dans les moyens d'exis- tence en milieu rural aideront les commu- nautés rurales à tirer le meilleur parti de va augmenter le pouvoir d'achat des pauvres en leurs ressources. zones rurales et peut même réduire la dépen- dance à l'égard des importations et accroître les gains de change. Quel rôle va jouer la productivité pour répondre à la demande croissante de La production alimentaire dans les pays arabes denrées alimentaires dans les pays arabes ? est limitée par la rareté des terres et des ressour- ces en eau. L'expansion des terres arables ou de Les gains de productivité demeurent le contre- l'irrigation est limitée, de sorte que l'accent doit poids essentiel à la demande croissante de être mis sur l'accroissement de la productivité en denrées alimentaires. Les données présentées termes de rendements et de valeur par unité de dans le Chapitre 1 indiquent qu'il existe un cer- terre et d'eau. L'accroissement de la productivité tain nombre de facteurs structurels tenaces qui, nécessite des investissements dans la recherche, la dans l'avenir, risquent de maintenir à un niveau vulgarisation et les transferts de technologie. Les élevé les prix des produits agricoles de base. On messages clés de ce chapitre sont les suivants : peut cependant essayer de mieux comprendre de quoi sera fait l'avenir en examinant l'histoire » L'augmentation de la productivité apporte du prix du blé au cours des 100 dernières années un contrepoids essentiel à la demande (Figure 5.1). Depuis le début des années 1900, croissante de denrées alimentaires et aux les prix réels du blé aux États-Unis ont été contraintes de production. orientés à la baisse, sous l'effet de l'expansion et » L'investissement doit être ciblé pour s'assurer de l'évolution technologique. Au 19ème siècle et que l'eau soit placée à sa plus haute valeur dans la première moitié du 20ème siècle, cette d'utilisation. augmentation de la productivité était avant tout » La recherche-développement peut faire due à l'extension des surfaces cultivées. Dans la émerger de nouvelles technologies qui vont seconde moitié du 20ème siècle, elle résultait stimuler la productivité. principalement de l'intensification de la produc- 38 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 5.1 : Historiquement, le prix du blé a baissé 900 800 700 Prix réels (USD/tonne) 600 500 400 300 200 100 0 1908/09 1922/23 1936/37 1950/51 1964/65 1978/79 1992/93 2006/07 Source : Ministère de l'Agriculture des États-Unis, 2008a tion due aux investissements et aux savoir-faire 20ème siècle, l'expansion des terres arables dans (Evans, 1998). Bien que les superficies cultivées les pays arabes a dépassé la moyenne mondiale, continuent d'augmenter, le taux d'expansion a mais dans les années 90, elle s'est nettement ralenti. De même, la décomposition des gains ralentie (Figure 5.2). Ce ralentissement résulte de productivité démontre que la recherche- principalement de l'urbanisation et de la sé- développement a été le principal facteur de vère concurrence pour les rares ressources en croissance depuis les années 60. La révolution eau. Des ressources foncières limitées et une verte a permis des gains de productivité faisant population en croissance rapide peuvent en baisser les prix élevés des denrées alimentaires se combinant créer un avenir inquiétant : en après le choc pétrolier de 1970. Toutefois, la 2050, la superficie de terre arable par habitant baisse des prix progressive de la première moitié devrait être de 0,12 hectares, en chute de 63 % de cette décennie s'est aussi accompagnée dans par rapport à son niveau des années 90 (FAO, le monde entier d'une baisse corrélative des 2008b). investissements en recherche-développement agricole (Banque mondiale, 2008e). Quels sont les obstacles et les possibilités d'accroissement de la productivité ? Les pays arabes pourront-ils étendre les surfaces cultivées pour répondre à leur Dans les pays arabes, la productivité n'atteint demande de denrées alimentaires ? pas les moyennes des autres pays en déve- loppement ni les moyennes mondiales. Les Les opportunités d'expansion des terres ara- rendements céréaliers se situent actuellement bles sont limitées. Pendant la majeure partie du à la moitié de la moyenne mondiale, et l'écart Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité 39 Figure 5.2 : L'expansion des terres arables dans les pays arabes a largement dépassé celle du monde entier jusqu'aux années 90 où l'expansion s'est limitée au Soudan 140% Pays arabes Pourcentage par rapport terres arables 130% Pays arabes 120% (sauf Soudan) 110% Monde 100% 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 Source : Auteurs Adapté de la FAO, 2008b. Figure 5.3 : Dans les pays arabes, une productivité céréalière en retard sur les moyennes mondiales 4 Monde 3 TM par hectare Pays développés 2 importateurs nets de biens alimentaires Monde arabe 1 0 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 Source : Auteurs Adapté de la FAO, 2008b. se creuse (Figure 5.3).36 La croissance de la 36 Les céréales comprennent l'orge, le maïs, le millet, productivité dans les pays arabes a commencé l'avoine, le riz, le seigle, le sorgho, le tritical, le blé et les à rattraper celle des autres pays en dévelop- céréales non dénommées ailleurs. pement importateurs nets de denrées alimen- 40 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes taires au milieu des années 80 (FAO, 2008b ; Le manque d'eau s'aggrave et constitue Dyson, 1995). Un rattrapage probablement dû un obstacle majeur à l'accroissement de la à l'adoption généralisée des variétés améliorées productivité agricole. L'usage accru de l'eau, de riz et de blé en Syrie et en Égypte (Baum, conjugué à l'accroissement de la population, en 2004). La croissance de la productivité dans fait une ressource de plus en plus rare dans les la région est cependant depuis peu à nouveau pays arabes. Les ressources en eau par habitant en baisse, alors qu'elle continue de progresser renouvelables ont diminué d'environ 75 % de dans les pays en développement importateurs 1950 à aujourd'hui. Elles devraient encore di- nets de denrées alimentaires. La croissance minuer de 40 % par rapport aux niveaux actuels de la productivité des cultures maraîchères d'ici 2050. (Figure 5.4). Cette tendance baissière est aussi en retard par rapport à la moyenne sera probablement accélérée par le changement mondiale, mais l'écart est faible, tandis que climatique. celle des fruits se situe au-dessus de la moyenne mondiale. Une croissance faible de la produc- Pour traiter le problème de la pénurie d'eau, tivité céréalière, conjuguée à des contraintes les pays doivent adopter des approches diffé- fortes en matière de terres et d'eau, suscite une rentes en fonction de leur accès à l'irrigation plus grande dépendance des importations. Le et de leur dépendance de l'irrigation. Le principal obstacle à une forte productivité est la recours à l'irrigation varie beaucoup selon les rareté de l'eau, mais le manque d'investissement sous-régions (Tableau 5.1). Les pays du CCG dans la recherche et dans les agriculteurs joue sont entièrement tributaires de l'irrigation également un rôle. en raison de très faibles niveaux de précipita- Figure 5.4 : Les ressources en eau des pays arabes sont en train de passer rapidement d'une situation de stress hydrique à une situation de pénurie absolue 4 000 Mètres cubes par habitant 3 000 2 000 1 000 0 1950 2000 2050 Source : Auteurs Adapté de la FAO, 2008b. Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité 41 Tableau 5.1 : L'usage de l'irrigation varie fortement par sous-région et par pays (2007, sauf indication contraire) Pourcentage total Pourcentage annuel Pourcentage de Pays de terres irriguées de terres irriguées cultures vivaces irriguées Golfe, sauf Yémen 100 100 100 Yémen 47 42 65 Djibouti 100 100 100 Égypte 95 97 87 Somalie -- 14 -- Soudan 9 8 99 Irak 32 27 91 Jordanie 31 32 31 Liban 41 43 39 Syrie 30 32 19 Algérie 17 10 90 Libye 14 11 17 Mauritanie 7 6 9 Maroc 18 10 75 Tunisie 8 9 8 Source : OADA, 2007 -- = Non disponible. tions.37 Dans les pays du Machrek (Irak, Jor- sources en eau du Soudan soient relativement danie, Liban et Syrie), la proportion des terres moins rares, la proportion de terres irriguées irriguées varie de 27 % à 43 % du total des reste inférieure à 10 % (OADA, 2007). terres cultivées. Les pays du Maghreb (Algé- rie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie) sont beaucoup moins dépendants de l'irrigation (de Comment les pays arabes peuvent-ils 7 % à 18 %), tandis que l'Égypte et Djibouti en tirer le meilleur parti de leurs maigres dépendent à près de 100 %. Bien que les res- ressources en eau ? Il n'y a pas d'apport d'eau nouvelle pour l'irri- 37 Le modèle IMPACT inclut le Yémen dans le CCG. gation, de sorte que tout développement agri- Le Yémen n'est cependant pas entièrement tributaire de l'irrigation car ses précipitations ne sont pas aussi faibles cole doit passer par des économies d'eau. La que celles des pays du CCG. demande en eau non agricole croît rapidement. 42 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes L'irrigation utilise aujourd'hui environ 85 % de valeur ajoutée par goutte d'eau six fois supérieure l'ensemble des eaux de surface et eaux souterrai- à celle de la culture de blé, et dix fois plus que la nes captées dans les pays arabes, or il faut que production de viande bovine. Au Maghreb, 40 % ce chiffre diminue.38 Bien que des progrès aient des terres irriguées sont consacrées à la culture de été réalisés, l'utilisation du dessalement et du céréales, c'est à dire moins que dans le Machrek recyclage des eaux usées pour s'approvisionner (51 %), l'Afrique du Nord-Est (64 %) et le CCG en eau d'irrigation n'est pas économiquement (73 %) (FAO, 2008b). Lorsque les agriculteurs viable pour la plupart des activités agricoles. sont incités à supporter l'intégralité du coût de L'utilisation des eaux usées traitées pour ir- l'eau, ils modifient de plein gré leur utilisation riguer les cultures alimentaires n'est en outre des terres irriguées passant des cultures sans pas toujours aisée car elle suscite souvent des grande valeur comme le blé à des cultures à plus résistances du public, bien que ceci soit en train forte valeur ajoutée telles que les fruits et les d'évoluer (Banque mondiale, 2007). L'utilisation légumes. Ils bénéficient en outre d'incitations des eaux usées pour l'irrigation des cultures non à investir dans des technologies d'irrigation alimentaires doit toujours être encouragée, car économes en eau. elle libère de l'eau pour d'autres utilisations. La récupération de l'eau représente un autre moyen L'incitation des agriculteurs à remplacer les d'approvisionnement supplémentaire pour l'ir- céréales par des cultures de grande valeur rigation.39 Il est important de reconnaître que entraîne diverses répercussions sur la sécu- le dessalement, le recyclage des eaux usées et la rité alimentaire. Le Rapport mondial sur le récupération de l'eau ont leurs limites. Ensemble, développement de la Banque mondiale (2008e) ils pourraient représenter 20 % à 25 % des eaux fait valoir qu'en matière d'agriculture la toute captées mais ces opérations ont un coût élevé et première priorité pour la majorité des pays ara- un usage limité. bes consiste à diversifier leur production en se détournant des cultures alimentaires de base au Les politiques de réduction du coût de l'eau profit des cultures de grande valeur (comme les incitent les agriculteurs à en faire un usage fruits et légumes) destinées à l'exportation. Les non avantageux et sans grande valeur. Le cultures de grande valeur offrent aux proprié- subventionnement de l'eau et de l'énergie qui taires fonciers de plus grandes opportunités de réduit le prix de l'eau incite les agriculteurs à développement, créent plus d'emplois pour les ne pas maximiser la valeur de l'eau (Banque femmes et les ouvriers agricoles sans terres et mondiale, 2007). Tout d'abord, des déperditions augmentent les salaires agricoles. Dans les pays résultent d'utilisations non avantageuses de l'eau telles que l'irrigation par inondation au lieu de 38 Ce chiffre s'applique à la région Moyen-Orient et Afri- systèmes économes en eau tels que les systèmes que du Nord de la Banque mondiale. Il ne comprend pas d'aspersion et de goutte à goutte. Deuxième- les pays arabes, la Somalie et le Soudan, mais comprend ment, les agriculteurs optent pour des cultures les pays non-arabes Iran et Israël. 39 La récupération de l'eau désigne des pratiques et des à faible valeur ajoutée par goutte d'eau utilisée. structures de capture des eaux pluviales, y compris la Par exemple, la culture des légumes produit une construction de petits barrages. Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité 43 comportant un mix d'agricultures pluviale et de ses besoins alimentaires et de son potentiel irriguée, tels que les pays du Maghreb, du Ma- agricole. Dans la mesure où des séries chrono- chrek et le Soudan, la tarification de l'eau pour- logiques de données sur les superficies plantées rait créer une répartition naturelle : les céréales et les rendements sont disponibles, un modèle seraient essentiellement cultivées dans les zones d'optimisation peut être utilisé pour évaluer les pluviales tandis que les cultures de grande valeur options (Banque mondiale, 2008f ). se développeraient dans les zones irriguées. Cela augmenterait la dépendance à l'égard des Au Maroc, la réalisation de l'autosuffisance importations de céréales, mais créerait aussi plus céréalière est possible, mais elle aura un coût de rentrées en devises, grâce aux exportations de élevé. Le Maroc est moins dépendant des im- cultures de grande valeur, couvrant le coût des portations de céréales que la plupart des pays importations supplémentaires de céréales. Ce arabes. Les projections montrent que la demande serait aussi plus rentable pour les agriculteurs. marocaine de céréales pour la consommation Ils conserveraient une part de revenu disponible humaine (blé, principalement) va augmenter de pour l'achat de produits de base. Cela ne signi- 73 millions de tonnes métriques en 2003 à 103 fie pas pour autant que les pays qui dépendent millions de tonnes métriques en 2030 (IFPRI, entièrement de l'irrigation doivent arrêter de 2008). Si les agriculteurs marocains font pro- cultiver des céréales là où c'est économiquement gresser de manière raisonnable la productivité viable et durable, comme dans la vallée du Nil céréalière et la superficie cultivée, le Maroc pour- en Égypte. Dans les pays du Golfe, où l'eau d'ir- rait atteindre l'autosuffisance en production cé- rigation est plus rare, la production de céréales réalière jusqu'en 2017.40 Toutefois, la conversion pourrait être complètement éliminée en faveur de terres pouvant être utilisées pour des cultures de cultures de grande valeur plus efficientes. à haute valeur ajoutée à la culture de céréales est En complément de ces évolutions, les stratégies très coûteuse (Figure 5.5). Comme la demande décrites au Chapitre 6 peuvent être développées continue de croître, le coût de l'autosuffisance pour accroître la sécurité alimentaire. grimperait d'USD 21 millions en 2007 à USD 6 milliards en 2017 (dernière année où l'autosuffi- Les pays arabes devront importer une grande sance serait possible). La valeur totale du revenu partie de leurs céréales, même dans les cas sacrifié pour garantir l'autosuffisance céréalière où ils en produisent eux-mêmes une partie. du pays sur une période de 11 ans atteindrait L'arbitrage entre une réduction des importations le chiffre vertigineux d'USD 16 milliards. Les de céréales ou une augmentation des recettes arbitrages entre les cultures de grande valeur et d'exportations agricoles représente un exercice les céréales varient selon les pays, mais le message d'équilibre complexe entre avantages et sacrifices. Il suppose d'évaluer soigneusement comment concilier ces options lors de l'examen de la poli- 40 La productivité de chaque province serait poussée au niveau de la province la plus productive de cette tique de l'eau car celle-ci est déterminante pour région du Maroc et la surface des terres consacrées à la le choix des formes de production. C'est un production de céréales serait poussée à un niveau record arbitrage particulier à chaque pays, en fonction historique. 44 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Figure 5.5 : Le coût de l'autosuffisance augmente quand la population et les revenus augmentent Récoltes délaissées, Pourcentage de terres de cultures à haute valeur ajoutée 16% 6 000 en valeur brute 12% 4 000 USD millions 8% 2 000 4% Pourcentage de terres de cultures à haute valeur ajoutée 0% 0 2005 2010 2015 2020 Source : Banque mondiale, 2008f. sous-jacent est le même : le coût d'opportunité L'agriculture pluviale dans les pays arabes de la recherche de l'autosuffisance céréalière est en danger en raison du changement cli- augmente de façon exponentielle à mesure que matique. Les modèles de changement clima- la demande augmente. tique indiquent que la moyenne annuelle des précipitations pourrait diminuer de 10 % dans les 50 prochaines années (Banque mondiale, Pourquoi est-il essentiel d'investir 2008g). Les sécheresses et les vagues de chaleur davantage dans l'agriculture deviendront plus fréquentes avec l'accélération pluviale pour les pays arabes ? des cycles climatiques. En conséquence, les rendements des cultures pluviales vont de plus Malgré des climats secs dominants, de nom- en plus fluctuer au fil du temps. Les rendements breux pays arabes dépendent principalement de moyens vont commencer à baisser, avec une l'agriculture pluviale. En Algérie, Irak, Jordanie, baisse globale de 20 % dans les pays arabes et Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Soudan, Syrie, de près de 40 % en Algérie et au Maroc (Banque Tunisie et Yémen, l'agriculture pluviale est prati- mondiale, 2007a). Ce sont habituellement les quée sur plus de la moitié de toutes les terres ara- agriculteurs et les pasteurs les plus marginalisés bles (OADA, 2007). Dans les pays du Maghreb, qui dépendent le plus de l'agriculture pluviale, au Soudan et au Yémen, au moins 80 % de la en particulier dans les zones plus sèches. Ces culture céréalière est pluviale et dans le Machrek, groupes seront encore plus marginalisés et la culture est pluviale dans la moitié, ou les deux appauvris par les effets négatifs du changement tiers, des superficies céréalières (FAO, 2008b). climatique. Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité 45 Aider les agriculteurs pratiquant la culture Les rendements dans les pays arabes s'accom- pluviale à s'adapter aux changements clima- pagnent de nombreux avantages sociaux, tels tiques nécessite des investissements dans les que l'amélioration de la sécurité alimentaire et nouvelles technologies. La recherche sur les des moyens d'existence en milieu rural, et profi- cultures conventionnelles et les cultures résistan- tent à un large éventail de personnes, allant des tes à la sécheresse génétiquement modifiées est agriculteurs aux consommateurs de denrées ali- essentielle pour maintenir une agriculture plu- mentaires. Compte tenu de ces vastes retombées viale économiquement viable (El Obeidy, 2006). sociales, le secteur public doit montrer l'exemple Le travail de conservation des sols par le labour en investissant en R&D agricole. peut permettre d'augmenter et de stabiliser les rendements en cas de sécheresses fréquentes Accroître les investissements publics en re- (Banque mondiale, 2008e).41 Les essais de blé en cherche-développement agricole. Les pays culture pluviale au Maroc ont produit des rende- arabes investissent annuellement environ USD ments plus élevés et plus stables que les systèmes 1,4 milliard par an en R&D agricole (Pardey et conventionnels de travail du sol (Mrabet, 2002 ; al., 2006), ou 0,66 % du PIB agricole (PIBAg) 2008). Certains experts estiment, cependant, (Alston et al., 2000).43 Ce chiffre est légèrement que la recherche agricole n'arrivera pas à suivre le supérieur à la moyenne des pays en développe- rythme du changement climatique et qu'il serait ment qui se situe à 0,53 %, mais bien inférieur plus judicieux de consacrer les ressources publi- au niveau d'investissement recommandé situé à ques à d'autres domaines que l'agriculture, offrant 2 % du PiBAg (Gana et al., 2008), ou au niveau aux gens d'autres moyens de subsistance. des investissements des pays développés, qui atteint en moyenne 2,36 % du PIBAg (Alston et al., 2000). Outre l'atypique Bahreïn, qui in- Comment les pays arabes peuvent-ils vestit 18 % de son petit PIBAg dans la R&D, les accroître la productivité ? pionniers de la région sont la Libye, la Jordanie et le Maroc (Tableau 5.2). Il n'y a pas que les La recherche-développement agricole (R&D) pays développés qui investissent fortement dans permet d'obtenir des rendements très élevés. la R&D agricole ; le Brésil investit 1,7 % de son Les rendements de la recherche-développement agricole dans le monde sont estimés à 45 %. Dans 41 Le travail de conservation du sol (on parle aussi de les pays arabes, l'estimation est légèrement infé- labour minimum, labour zéro et d'agriculture de conser- rieure, à 36 % (Alston et al., 2000).42 Avec des vation) peut être utilisé pour les deux types de cultures, rendements aussi élevés, il semble qu'il existe un pluviale et irriguée. L'un de ses principaux avantages, la rétention de l'humidité du sol, est particulièrement per- sous-investissement brut en R&D agricole dans tinent pour l'agriculture pluviale dans les pays arabes. les pays arabes et dans le monde. Suite au récent 42 L'estimation pour la région arabe est beaucoup moins choc des prix alimentaires, il y a un regain d'inté- précise car il n'y avait que 11 études disponibles, beau- rêt pour les investissements dans la productivité, coup moins que dans d'autres régions. 43 Environ 0,50 % vont aux laboratoires nationaux, le mais il faudra davantage de R&D pour que les reste va à d'autres institutions de recherche du secteur pays arabes puissent vivre une révolution verte. public. 46 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Tableau 5.2 : Recherche agricole et financement des instituts nationaux de recherche agricole Années de chercheurs Financements ACP/100 000 Financement Pays potentielles (ACP)1 (millions d'USD 2000) résidents agricoles en % du PIBAg Algérie 575 14 8 0,4 Bahreïn 32 3 457 17,9 Égypte 6 710 68 27 0,5 Irak 770 -- 30 -- Jordanie 198 6 35 1,2 Liban 83 4 66 0,4 Libye 261 13 83 1,6 Maroc 606 40 6 0,9 Soudan 595 3 3 0,1 Syrie 1 058 15 22 0,4 Tunisie 368 15 16 0,6 EAU 73 -- 46 -- Yémen 245 6 3 0,8 Monde arabe 11 574 187 14 0,5 Brésil 3 943 924 11 1,4 Argentine 1 858 270 45 1,0 Mexique 3 097 357 12 1,6 Sources : Casas et al. 1999 ; IFPRI 2008b. 1 Une année potentielle de chercheur équivaut à une année de recherche. C'est l'unité utilisée, car de nombreux chercheurs ont des activités variées associant enseignement, vulgarisation et conseil, n'en faisant des chercheurs qu'à temps partiel. -- = Non disponible. PIBAg, dont 1,4 % investi par l'intermédiaire des Le nombre des chercheurs en agriculture dans organismes gouvernementaux (FAO, 2008b). les pays arabes est relativement élevé, mais ils Les pays arabes n'ont accru leurs dépenses de sont sous-financés et mal équipés. En 1999, R&D agricole que de 0,05 % du PIBAg de il y avait dans les pays arabes 14 chercheurs 1981 à 2000, alors que les pays développés ont agricoles à plein temps pour 100 000 habitants augmenté leurs dépenses de 0,95 % (Banque mondiale, 2008e).44 44 Il y a des signes d'amélioration, récemment le Qatar, la Tunisie et les Émirats arabes unis ont fait des progrès Renforcer les incitations en faveur des cher- en soutenant la R&D du secteur public (Gana et al., cheurs du secteur agricole dans les pays arabes. 2008). Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité 47 en zones rurales (Tableau 5.2). Les chefs de file de l'investissement. Le renforcement des droits en la matière sont Bahreïn, hors concours, avec de propriété intellectuelle sur les variétés amé- 457 chercheurs pour 100 000 habitants en zones liorées et d'autres innovations agricoles aiderait rurales, puis la Libye, avec 83, et le Liban, avec les entreprises à privatiser le produit de leurs 66.45 Ces chiffres correspondent à ceux que l'on investissements. En Amérique latine, le finan- trouve dans les pays ayant un fort développement cement par appel d'offres de la R&D est devenu agricole, tels que l'Argentine (avec 45 chercheurs fréquent. Les entreprises privées sont autorisées pour 100 000 habitants en zones rurales), le à concourir pour des fonds publics qu'elles Brésil (avec 11), et le Mexique (12) (Tableau peuvent utiliser pour mener des recherches par 5.2). Cependant, le financement par chercheur cofinancements privés. Une autre méthode que dans les pays arabes est beaucoup plus faible, de les gouvernements peuvent utiliser pour encou- sorte que les chercheurs ont tendance à avoir des rager l'investissement privé consiste à offrir des salaires plus bas et moins de ressources, ce qui les récompenses pour certaines innovations, telles rend moins productifs que les chercheurs mieux que la création de variétés de blé résistant à la dotés (Casas et al., 1999). Pour les chercheurs sécheresse, développées par le secteur privé. Une titulaires d'un doctorat, les incitations financières autre approche consiste à encourager l'innova- pour entrer dans les services de recherche du sec- tion en permettant aux agriculteurs de postuler teur public des Instituts nationaux de recherche à des aides à la mise en oeuvre de nouvelles tech- agricole (INRA) sont généralement inférieures à nologies et de techniques. Ce type de R&D de ce qu'offrent le monde universitaire et l'enseigne- base, à l'initiative des agriculteurs, a favorisé la ment. Ceux qui intègrent les INRA disposent diffusion des technologies et fait progresser les souvent d'équipements insuffisants pour être revenus dans plusieurs pays, y compris l'Albanie efficaces dans leurs recherches en raison de la (Banque mondiale 2008k). En fin de compte, faiblesse des investissements en technologies c'est un partenariat entre la recherche du secteur de l'information et en personnel administratif public, du secteur privé et des agriculteurs qu'il (Gana et al., 2008). Des augmentations des faut instituer pour renforcer la R&D dans les salaires des chercheurs et des ressources pour- pays arabes (Banque mondiale, 2008e). raient attirer les chercheurs les meilleurs et les plus brillants vers l'agriculture, ce qui stimulerait Promouvoir un programme de recherche l'innovation, source de croissance de productivité multilatéral pour augmenter le nombre des de l'agriculture arabe. bénéficiaires d'un programme de recherche commun. La Ligue des États arabes (LEA) et Élaborer des stratégies novatrices qui encoura- Le Programme de développement de l'Orga- gent les investissements du secteur privé dans nisation des Nations Unies (PNUD) recom- la R&D agricole. Comme la recherche agricole mandent de créer un fonds régional de R&D produit essentiellement des biens publics, il est disposant d'un engagement budgétaire à long difficile d'attirer les investissements du secteur privé. Il existe cependant plusieurs dispositions 45 La faiblesse relative de la population rurale de Bahreïn qui peuvent être prises pour renforcer le climat gonfle ce chiffre. 48 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes terme (LAS-PNUD, 2008). Au niveau national, bons résultats. Elle est pratiquement inexistante le fait de ne pas pouvoir récupérer les rende- dans les pays arabes les plus pauvres -- Soma- ments de la recherche résultant des retombées lie, Soudan et Yémen. Un programme réussi positives qu'elle provoque représente la plus de vulgarisation doit pouvoir toucher tous les importante des conséquences négatives du sous- agriculteurs, petits et grands. Les grandes exploi- investissement dans la recherche (Alston, 2002). tations disposent du potentiel de production par Comme de nombreux pays arabes partagent les agriculteur le plus élevé et seront en mesure de mêmes objectifs agricoles (principalement la payer, avant les autres, des technologies novatrices sécurité alimentaire) et les mêmes défis (comme mais coûteuses. Les petits exploitants produisent la rareté de l'eau et le changement climatique), sans doute moins de denrées agricoles par hec- un programme de recherche multi-pays pour- tare et par agriculteur, mais ils représentent une rait augmenter le nombre de bénéficiaires de part importante de la population ciblée ; le plus ce programme de recherche commun. Un tel grand échec de la vulgarisation a été de ne pas leur programme serait bien placé pour intégrer les fournir des informations rudimentaires néces- connaissances autochtones dans son programme saires (Gana et al., 2008). Les petits exploitants de recherche. Parce que les technologies autoch- doivent souvent lutter pour rester compétitifs, car tones sont développées à partir de la base, elles ils manquent d'informations techniques et com- sont bien adaptées aux besoins de l'utilisateur merciales de base. La vulgarisation est nécessaire final (Warren et Rajasekaran, 1993). Le mandat pour les aider à produire et commercialiser des du Centre international de recherches agricoles cultures à plus forte valeur ajoutée, sources de dans les zones arides (ICARDA) couvre la meilleures opportunités économiques tant pour plupart des pays arabes. Le Centre arabe pour les agriculteurs que pour leurs communautés. l'étude des zones arides et des terres sèches Assurer la réussite des petits exploitants repré- (ACSAD), établi par la LEA en 1968, a un sente une composante essentielle de la sécurité mandat similaire à celui de l'ICARDA et couvre alimentaire nationale, comme on l'a indiqué au tous les pays arabes. Un fonds agricole arabe Chapitre 2. indépendant pourrait travailler avec l'ICARDA, l'ACSAD, les INRA et d'autres organismes de Investir dans des moyens d'existence en recherche pour atteindre les objectifs de ses milieu rural pour améliorer la sécurité contributeurs. alimentaire et améliorer le bien-être des agriculteurs. Les actifs des ménages, tels que la terre, le capital physique, l'éducation et la Comment les investissements peuvent-ils santé, sont des facteurs déterminants pour améliorer la diffusion des connaissances rendre les agriculteurs capables de sécuriser auprès des agriculteurs ? leurs moyens d'existence ruraux et de partici- per à la concurrence sur les marchés agricoles Coupler les investissements en R&D avec les (Banque mondiale, 2008e). Il est fondamental progrès de la vulgarisation. La vulgarisation de faciliter l'accès à ces actifs pour améliorer le agricole dans les pays arabes ne donne pas de pouvoir d'achat, ce qui nécessitera d'importants Optimiser les investissements pour accroître la productivité et la rentabilité 49 investissements publics. Rendre les petites ex- dans les infrastructures rurales, l'amélioration ploitations agricoles plus productives et plus du fonctionnement des marchés agricoles, la rentables va également contribuer à l'améliora- facilitation de l'accès aux services financiers, tion du pouvoir d'achat des ménages ruraux. Un les progrès des organisations de producteurs et large éventail de tactiques peut être utilisé pour la mise en place de modalités de paiement des atteindre cet objectif, y compris l'investissement services environnementaux. 6 La réduction de l'exposition à la volatilité du marché M ême si les pays arabes réussissent à répondre à la demande et à augmenter la productivité, ils resteront importateurs nets » Les investissements dans les infrastructures utilisées pour produire, stocker et transpor- ter les denrées alimentaires peuvent réduire de céréales et seront donc, à ce titre, exposés l'exposition à la volatilité des importations aux risques des marchés étroits et des prix de céréales. élevés. Réduire l'exposition à la volatilité des importations de céréales est le troisième pilier de la stratégie de sécurité alimentaire. Un cer- Comment les pays arabes peuvent-ils tain nombre de stratégies de gestion des risques assurer un approvisionnement régulier sont à la disposition des pays arabes, chacune en céréales importées à des prix comportant des avantages et des inconvénients raisonnables ? en matière de réduction des risques de prix et de quantité. Chaque pays arabe est confronté à une Un examen complet des méthodes nationa- combinaison différente des risques de quantité les de passation des marchés de céréales peut et de prix, variant en fonction de sa capacité à suggérer des méthodes simples pour générer produire des denrées alimentaires au niveau des économies substantielles. L'amélioration national, de ses ressources en pétrole et de ses des procédures de passation des marchés est un autres ressources naturelles. Chaque pays a donc moyen peu coûteux de réaliser des économies. besoin de sa propre stratégie, faite sur mesure, Les pays qui importent de grandes quantités de gestion des risques. Les messages clés de ce de céréales devraient revoir leur législation chapitre sont les suivants : nationale et leurs méthodes de passation des marchés pour déterminer si elles sont rigides, » L'amélioration de l'efficience de la chaîne dépassées et coûteuses. Le Yémen offre un d'approvisionnement peut fortement réduire exemple de passation des marchés archaïque : les coûts et améliorer la distribution. il ne tient pas compte des prix ni n'utilise » Le développement des stocks virtuels re- d'outils sophistiqués de mesure pour déter- présente une stratégie plus rentable et plus miner la quantité à importer lorsqu'il fait ses flexible pour faire face au risque de quantité appels d'offres, mais se contente simplement que les stocks physiques. d'actualiser ses chiffres des années précédentes 52 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes (Banque mondiale, 1995). Les systèmes mo- ou en utilisant les marchés financiers (Banque dernes de passation des marchés de denrées mondiale, 2008h). alimentaires font appel à l'électronique pour les opérations d'appels d'offres, soumission Une logistique défaillante posant problème des offres, crédit et atténuation des risques dans toute la région. Il est particulièrement des transactions. important pour les pays qui importent de grandes quantités de denrées alimentaires Des évolutions législatives et des changements d'améliorer la logistique de la chaîne d'ap- organisationnels dans les règles nationales provisionnement, car ceci réduit les coûts et de passation des marchés peuvent permettre améliore la distribution et, en fin de compte, des économies d'échelle et de gestion des ris- permet de mettre plus de denrées alimentaires ques dans la passation des marchés. Les pays à la disposition des consommateurs et à un arabes forment ensemble le plus grand groupe prix inférieur. Les pays du CCG figurent en d'importateurs. Ils pourraient donc tirer parti bonne place dans l'indice des performances d'économies d'échelle en matière de passation logistiques de la Banque mondiale (Tableau des marchés de denrées alimentaires et réduire 6.1), ils sont toutefois peu performants par les coûts en assouplissant les contraintes juri- rapport aux autres pays à revenus élevés. Ceci diques nationales qui interdisent la passation peut s'expliquer par une prédominance si forte de marchés multinationaux. En matière de des exportations de pétrole dans les économies risque, les pays arabes pourraient aussi profiter de ces pays qu'il n'y a eu relativement que peu davantage des économies de marchés formelles. de pressions du secteur privé pour réformer le En effet, s'ils ne reçoivent pas toujours les prix commerce et les transports. Les performances les meilleurs et des quantités définitives pour de logistique varient grandement selon les leurs importations de denrées alimentaires, c'est pays du Maghreb. L'Algérie fait partie des pour une autre raison : ils utilisent moins les dix pays les moins bien classés dans le monde, marchés formels du risque pour assurer leurs tandis que la Mauritanie se situe dans la transactions que ne le font les pays de l'OCDE, moitié supérieure et se classe sixième parmi la Chine, l'Inde, et d'autres économies émer- les pays à faible revenu. Bien qu'il bénéficie gentes. Les grandes transactions commerciales des mêmes bonnes relations et liens étroits comportent des risques importants et, dans avec l'UE, les performances du Maroc sont un univers où l'offre est limitée et les appels largement inférieures à celles de la Tunisie. Les d'offres compétitifs, les pays arabes sont dans deux pays ont mis en oeuvre des réformes doua- une position très désavantageuse pour assurer nières et portuaires exemplaires. La Tunisie a, leur sécurité alimentaire par rapport à des pays cependant, réagi plus rapidement, améliorant qui couvrent les risques. C'est une situation qui la logistique interne, comme le camionnage et peut être évitée en établissant des partenariats l'entreposage, et a également mis en place un pour assurer les transactions avec des sociétés système d'échange électronique de données multinationales très expérimentées et avec un pour simplifier le dédouanement (Banque large réseau de partenaires commerciaux établis, mondiale, 2007b). La réduction de l'exposition à la volatilité du marché 53 Tableau 6.1 : Indice des performances logistiques : classement mondial Pays Rang mondial (sur 150) Pays Rang mondial (sur 150) EAU 20 Mauritanie 67 Bahreïn 36 Maroc 94 Arabie saoudite 41 Égypte 97 Koweït 44 Liban 98 Qatar 46 Yémen 112 Oman 48 Somalie 127 Jordanie 52 Syrie 135 Tunisie 60 Algérie 140 Soudan 64 Djibouti 145 Source : Banque mondiale 2007b Un suivi amélioré de l'offre et la demande de que les stocks ou la production locale sont trop céréales régionales et mondiales aidera les bas, il sera peut-être déjà trop tard pour éviter pays arabes à prévoir les chocs de prix, leur une crise. La Ligue des États arabes propose permettant d'ajuster en conséquence leurs im- d'instaurer un système régional de surveillance portations. Même s'il était impossible de prévoir de la sécurité et d'alerte précoce qui permettra dans toute leur ampleur les récents chocs des de déterminer l'ampleur et de localiser les be- prix alimentaires sur les pays arabes, certains des soins d'aide nécessaires pour répondre à une facteurs les ayant causés auraient pu être détec- pénurie alimentaire (LEA-PNUD, 2008). tés par des systèmes de surveillance appropriés. Un tel système pourrait collaborer avec les Les pays grands producteurs de blé disposent institutions mondiales existantes qui suivent en permanence de projections des productions l'approvisionnement alimentaire.46 La création et des stocks. L'USDA publie chaque mois, par de stations météorologiques permettra de exemple, des prévisions des productions, stocks prévoir la localisation des éventuelles pénuries et prix du blé sur Internet. En allant de l'avant, et la quantité de céréales nécessaire dans ces les dirigeants tireraient profit de l'adoption de zones pour pouvoir stabiliser les prix (Banque systèmes permettant de collecter en continu et mondiale, 2008c, 2008i). Les informations de s'approprier en temps réel les informations. locales peuvent ensuite être agrégées pour que Il est difficile d'assurer le suivi de l'offre et 46 L'USAID (Système d'alerte précoce contre la famine, la demande intérieures dans la région parce FEWS), la FAO et le PAM collaborent avec des institu- que les populations rurales sont largement tions locales du monde entier pour dépister d'éventuelles dispersées. Au moment où l'on aura appris pénuries alimentaires. 54 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes les dirigeants puissent disposer d'estimations bas. Comme ces pays sont petits, ils pourraient des volumes de céréales à importer et voir où envisager de conserver leurs stocks dans un lieu ils seront le plus nécessaire. central. Mais ils pourraient aussi s'organiser pour avoir accès à des stocks conservés dans un pays voisin, comme l'Arabie saoudite, disposant de Quelles sont les stratégies de plus d'infrastructures de stockage. stockage de rechange ? Les pays peuvent utiliser des instruments Les pays ont besoin d'adapter leurs stratégies financiers de couverture de risque comme de stockage à leurs besoins spécifiques. Les complément d'un bon rapport coût-effica- stocks de vivres servent des objectifs multiples : cité du stockage physique. Les instruments aide alimentaire d'urgence rapide en temps de financiers peuvent être utilisés pour constituer crise, stocks de roulement pour la distribution des stocks virtuels, en assurant les céréales à un normale et stocks tampons pour stabiliser les certain prix et en évitant ainsi bien des coûts prix intérieurs (Dorosh, 2008).47 Chaque pays associés au stockage physique. Ces méthodes doit évaluer l'utilité de chacun de ces usages en permettent d'éviter le coût élevé du stockage fonction de ses besoins. Les facteurs clés entrant physique des produits périssables.48 Les instru- dans cette évaluation sont la consommation na- ments financiers améliorent aussi la planification tionale, la variabilité de la production nationale budgétaire, en permettant aux pays importateurs (croissante avec le changement climatique), les d'obtenir par avance des prix fermes. Les contrats coûts de stockage, la taille du pays par rapport à terme et les options sur contrat à terme sont les au marché international, les risques de baisse de deux principaux instruments financiers utilisés la production et de prix élevés pour les pauvres pour établir des stocks virtuels.49 Certains pays et l'étroitesse des marchés internationaux. Le Maroc et la Syrie auraient, par exemple, besoin 47 Chaque niveau de la chaîne d'approvisionnement d'évaluer la production nationale en fonction utilise le stockage pour améliorer la sécurité alimen- des précipitations à des époques critiques de la taire. Les agriculteurs, qu'ils soient producteurs nets ou consommateurs nets, stockent s'ils pensent que les période de pousse pour pouvoir ajuster leurs prix vont augmenter. Les consommateurs des villes réserves en conséquence. Comme dans ces pays stockent quand une pénurie s'annonce. Les grandes la production varie selon les régions, il leur fau- sociétés et les gouvernements stockent pour profiter de prix élevés ou déprimés sur les marchés intérieurs dra assurer le transport intérieur des stocks de (Banque mondiale, 2008i). céréales en fonction de la localisation des déficits 48 Détérioration, manutention, transport, rotation (pas- de production attendus. L'EAU et Bahreïn, en sation des marchés et prélèvements constants), et coût d'opportunité du capital : autant d'éléments constituant revanche, savent quelles sont les quantités à im- des obstacles économiques au stockage. Cela signifie que porter (100 %) et n'ont pas à tenir compte de la des stocks plus importants se traduisent par des pro- production intérieure. Leur stratégie de constitu- grammes de distribution plus lourds et par des déficits budgétaires plus marqués (Dorosh, 2008). tion de réserves se concentrera sur la production 49 Les options sur un marché à terme offrent plus de mondiale et sur l'achat et le stockage au moment souplesse que des contrats à terme ; elles assurent l'ache- où les quantités sont abondantes et les prix teur contre les hausses des prix, mais si les produits ne La réduction de l'exposition à la volatilité du marché 55 importateurs continuent d'utiliser des contrats entre USD 1,5 et 4,8 millions sur ces deux mois conventionnels avec des fournisseurs bien grâce aux options. Le montant de la prime et établis, tout en utilisant les contrats à terme et les économies potentielles augmentent avec la les options comme mesure supplémentaire de taille de l'option (Banque mondiale, 2008i). Des sécurisation des prix. pays, à titre individuel, ou un fonds régional pourraient négocier des contrats beaucoup plus Les contrats à terme offrent un moyen de gérer importants pour se prémunir contre les prix le risque de prix des produits alimentaires de élevés des céréales (Encadré 6.1). base. Les contrats à terme sont des instruments financiers qui obligent l'acheteur à acheter une Les pays peuvent se couvrir contre les risques quantité déterminée d'un produit de base à un de prix des produits de base en utilisant des prix fixe sur une période de temps prédétermi- instruments financiers tels que les swaps et les née. Ils requièrent généralement une certaine prêts, avec l'appui de la Banque mondiale. La forme de crédit ou de garantie. Les contrats à Banque internationale pour la reconstruction et terme semblent particulièrement attrayants pour le développement (BIRD), branche de la Banque les pays arabes riches en pétrole disposant d'un mondiale, offre à ses clients des swaps de pro- accès direct au crédit. L'encadré 6.1 illustre la duits de base et peut structurer des prêts liés à manière dont l'Égypte, très grand importateur des produits de base dans lesquels la monnaie de blé, aurait pu se servir des options et contrats de remboursement sera convertie à partir des à terme pour atténuer les effets du récent choc dollars américains en un indice de produits de des prix alimentaires. base pour aider à réduire le risque de prix des produits alimentaires de base. Lorsque les prix Les options sur des contrats à terme donnent internationaux des céréales sont élevés, le swap à l'acheteur le droit, mais non l'obligation, permet à la BIRD de réduire l'obligation de d'acheter une quantité déterminée de mar- paiement d'intérêts du pays client. Les écono- chandise à un prix fixe pendant une période mies ainsi réalisées sur les remboursements de de temps prédéterminée. Contrairement aux la dette peuvent ainsi venir en compensation des contrats à terme, les options sont payables hausses des coûts des importations de denrées d'avance en espèces, ce qui en rend l'accès plus alimentaires. La BIRD peut évaluer l'exposition aisé lorsqu'il est difficile d'obtenir des crédits. Le au risque des variations des prix des produits de Malawi a mis en place une couverture par options base du client et l'aider à concevoir un cadre de afin de se protéger de la hausse des prix lors de gestion des risques approprié. Une fois le cadre la crise de la sécurité alimentaire de 2005­2006. mis en place, le client pourra choisir dans un Les options ont été exercées sur une période de menu de produits et services (Banque mondiale, deux mois à la fin de 2005, permettant au Ma- 2008j). lawi d'importer 60 000 tonnes métriques de maïs à un prix inférieur de 50 à 90 dollars par rapport sont pas nécessaires, il n'est pas dans l'obligation de les au prix du marché. La prime du contrat s'élevait prendre. Un contrat à terme sur un marché à terme bien à USD 1,5 million, le Malawi a donc économisé réglementé peut servir de police d'assurance. 56 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes Encadré 6.1 : L'Égypte pourrait atténuer le risque de prix élevés du blé en utilisant des instruments financiers L'Égypte a importé un volume de blé estimé à 7 millions de tonnes métriques de novembre 2007 à octobre 2008, au moment où les prix du blé s'envolaient. Les prix d'achat réels pratiqués à l'époque ne sont pas disponibles, mais une simulation simple, prenant comme référence les prix du marché du Chicago Board of Trade (CBOT) pour mesurer les tendances du marché sur la période, montre que le prix de ces achats, s'ils avaient été effectués sur la base des prix à terme du CBOT, se serait élevé à 2,75 millions de dollars. Une stratégie de couverture appuyée sur des contrats à terme ou des options sur la période de référence aurait offert des perspectives budgétaires plus précises, ainsi qu'une certaine forme de protection contre les hausses des prix à court terme. Cette simulation montre comment l'Égypte aurait pu partiellement se protéger de la hausse des prix du blé en utilisant des instruments financiers de couverture (contrats à terme et options). Dans la simulation, l'Égypte peut utiliser des contrats à terme ou des options et adopter une approche de la couverture discrétionnaire ou non-discrétionnaire. Une couverture discrétionnaire désigne une couverture dont le prix est jugé favorable. Une couverture non- discrétionnaire désigne l'achat de couvertures à intervalles réguliers indépendamment du prix. Il en résulte quatre approches. Ces approches peuvent être appliquées quelle qu'en soit l'ampleur, la couverture pouvant aller jusqu'à 100 % des importations prévues et même au-delà. Chaque approche comporte une couverture entre mai et septembre 2007, pour protéger les achats de blé effectués entre novembre 2007 et octobre 2008. Les quatre stratégies auraient toutes permis de faire des économies par comparaison au coût d'un achat aux prix CBOT au comptant. Pour la période examinée, les économies réalisées avec des contrats à terme auraient été plus importantes qu'avec des options. Étant donné que le prix des contrats à terme n'est jamais descendu en dessous du prix payé, l'Égypte n'aurait pas eu à les vendre à perte. Si les prix de marché avaient baissé, l'Égypte aurait été sujette à des engagements risquant d'être fort importants et imprévisibles. C'est ce qui rend la couverture par des contrats à terme plus risquée que celle offerte par des options. Les options auraient pu être exercées à tout moment car le prix du marché s'est toujours maintenu au-dessus du prix d'exercice. Les performances des options n'ont pas été tout à fait aussi bonnes que celles des contrats à terme sur la période de temps retenue pour la simulation dans la mesure où les couvertures par options requièrent, en contrepartie du surcroît de flexibilité qu'elles offrent, de payer une prime qui vient s'ajouter au coût global. Dans cette simulation, la couverture discrétionnaire a été moins performante que la non-discrétionnaire. Il aurait été préférable que l'Égypte achète des montants fixes de couvertures, régulièrement, à des dates prédéterminées, plutôt que d'essayer de choisir des moments avantageux pour acheter. Le Tableau 6 2 montre comment des couvertures par des contrats à terme et des options auraient permis de réaliser des économies en 2007­2008 par comparaison aux prix au comptant du marché du CBOT sur la période novembre 2007­octobre 2008. Tableau 6.2 : L'Égypte aurait réalisé des économies sur les importations en utilisant des instruments de couverture Étendue de la Par tonne 25% 50% 75% 100% couverture métrique (millions d'USD) (millions d'USD) (millions d'USD) (millions d'USD) Contrat à terme Discrétionnaire $85,11 $151 $302 $453 $604 Non-discrétionnaire $91,35 $162 $324 $486 $649 Options Discrétionnaire $81,18 $144 $288 $432 $576 Non-discrétionnaire $85,93 $153 $305 $458 $610 Source : Auteurs. Note : Les pourcentages figurant dans les en-têtes des colonnes correspondent à la part des importations qui est couverte. L'acquisition des terres est-elle une ou louent de plus en plus de terres dans des stratégie viable ? pays pauvres, mais dans lesquels les terres abondent. Cette stratégie est souvent présentée Pour sécuriser leur approvisionnement ali- comme une stratégie où tout le monde gagne. Le mentaire, les investisseurs arabes achètent pays investisseur acquiert des terres et obtient La réduction de l'exposition à la volatilité du marché 57 une garantie d'accès aux denrées alimentaires qui Les investisseurs doivent soigneusement y sont produites tout en bénéficiant de retours distinguer les objectifs de développement de sur investissements élevés. Dans le même temps, leurs objectifs de sécurité alimentaire. Les le pays bénéficiaire empoche une injection de investisseurs cherchent à mettre en rapport leur capitaux dans son secteur agricole, génératrice de abondance de capitaux avec l'abondance de terres développement économique. Pour que l'opéra- et de main-d'oeuvre des pays hôtes. Dans une tion profite véritablement à tous, il est impératif perspective de développement, c'est une démar- cependant que le pays investisseur protège les che parfaitement sensée, tant pour l'investisseur citoyens du pays bénéficiaire des nationalisations que pour le pays hôte. Toutefois, des rendements ou des expropriations, des mauvais traitements élevés comportent des risques inhérents élevés, ce de la main d'oeuvre et de la perte de leur propre qui représente un inconvénient majeur lorsque sécurité alimentaire. l'objectif est la sécurité alimentaire. Les exploi- tations agricoles à grande échelle ont connu de L'Arabie saoudite et les EAU sont les plus graves échecs au Soudan où, en dépit du poten- grands acheteurs mondiaux de terres dans tiel agricole du pays, le Programme alimentaire des pays tiers. Ces deux pays arabes riches en mondial nourrit actuellement 5,6 millions de pétrole possèdent plus de 2,8 millions d'hecta- personnes. Le Soudan ne parvient pas à produire res à eux deux, principalement en Indonésie, au suffisamment de denrées alimentaires pour sa Pakistan et au Soudan. Plusieurs autres pays ont propre population, sans parler de celles des pays également acquis ou tenté d'acquérir des terres investisseurs. Dans un pays où les habitants ont agricoles à l'étranger : l'Égypte en Ouganda et faim, il y aurait des risques de graves répercus- au Soudan ; Bahreïn aux Philippines ; le Koweït sions politiques s'il devait s'y développer une au Cambodge, Laos et Myanmar ; la Libye en tentative de captage des récoltes des agriculteurs Ukraine et au Zimbabwe ; et le Qatar au Cam- pour les livrer à un pays investisseur plus riche. bodge (The Economist, 2008 ; Sudan Tribune, Il y a peu, le bail de 99 ans de Daewoo Logistics 2009). Les autres grands investisseurs dans des (Corée du Sud) de location de 1,3 million d'hec- terres à l'étranger sont la Chine et le Japon. L'in- tares de terres agricoles à Madagascar (plus de vestissement est réalisé par des États (EAU), des la moitié des terres agricoles de Madagascar) a institutions financières multinationales (Auto- capoté en raison de la violente réaction politique rité arabe pour les investissements et le dévelop- dans le pays hôte sur ce qui a été perçu comme pement agricoles, AAAID) et des entreprises du « néo-colonialisme » (Ryall et Plfanz, 2009). privées (Al-Qudra de l'Arabie saoudite). Il a été Bien qu'une telle résistance ne se rencontre pas suggéré de prévoir des partenariats public-privé nécessairement dans d'autres pays d'accueil, elle dans lesquels le secteur public absorbe les risques doit servir d'avertissement en soulignant les et le secteur privé maximise les profits (Dubaï difficultés d'ordre politique potentielles liées School of Government, 2008). Toutefois, une à l'acquisition de terres agricoles dans d'autres telle stratégie peut encourager le secteur privé pays pour parvenir à une plus grande sécurité à adopter des comportements d'investissement alimentaire. Les lenteurs bureaucratiques dans imprudents s'il n'internalise pas les risques. les pays hôtes ont aussi un effet dissuasif sur cette 58 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes stratégie d'investissement : il faut 24 jours pour Quelles stratégies de rechange les pays exporter du Pakistan un conteneur de denrées arabes peuvent-ils employer ? alimentaires, 35 jours du Soudan et 89 jours du Kazakhstan (Dubaï School of Government, Les pays peuvent investir dans les infrastruc- 2008). Si les objectifs de sécurité alimentaire et tures utilisées à l'étranger pour la production, les objectifs de développement doivent, pour le stockage et le transport des denrées alimen- être remplis, comprendre des investissements taires. Il peut s'agir d'infrastructures perma- en terres dans des pays étrangers, il est essentiel nentes : ports, silos et routes ; d'infrastructures que l'environnement politique et le climat des mobiles : bateaux, camions et intrants (par ex. affaires permettent une livraison garantie et au engrais) ; ou d'infrastructures intellectuelles : moment choisi. brevets de variétés de graines et d'autres tech- nologies. L'achat de terres n'est pas indispen- La mise en place d'activités agricoles dans des sable si l'investisseur peut fournir et contrôler pays tiers peut permettre aux investisseurs de les infrastructures et la technologie nécessaires se mettre à l'abri des risques du marché, mais pour produire, transporter et stocker les denrées ceci comporte un coût. L'utilisation du marché alimentaires. Le bénéficiaire reste en position mondial pour obtenir de grandes quantités de d'augmenter la productivité de ses terres et de sa denrées alimentaires peut recéler bien des aléas, main d'oeuvre et peut potentiellement bénéficier comme l'ont prouvé les récents chocs des prix du système sans indisposer la population locale alimentaires. Quoi qu'il en soit, en choisissant en vendant des terres, tandis que l'investisseur d'investir dans des pays tiers au lieu d'utiliser limite son immobilisation de capital et ne s'ex- le marché, l'investisseur prend tous les risques pose pas aux risques politiques liés aux achats de météorologiques du pays hôte plutôt que de terres. Les pays du Golfe bénéficieraient d'une choisir un pays dans lequel s'approvisionner. Des telle stratégie, car ils créeraient des synergies de risques politiques inhérents au pays hôte peuvent filières en produisant du pétrole tout en contrô- également poser de graves problèmes, surtout lant les facteurs de production primaire dérivés dans des pays comme le Soudan, où les conflits du pétrole. Si ces actifs sont correctement diver- sont fréquents. Le marché offre une plus grande sifiés, ils minimisent également les problèmes souplesse que les investissements chez des tiers. liés à la météorologie et aux risques politiques Des capitaux immobilisés par des acquisitions mentionnés dans le paragraphe précédent. Des de terres et des locations à long terme ne peu- entrepôts en douane pourraient être construits vent pas être facilement dégagés pour l'achat de dans les pays arabes, afin que les entrepôts phy- denrées alimentaires auprès d'autres fournisseurs siques associés aux marchés internationaux de quand il y a des perturbations météorologiques produits de base soient installés à l'intérieur de la ou politiques dans le pays hôte. région. Ceci permettrait de réduire les réticences La réduction de l'exposition à la volatilité du marché 59 relatives aux achats de couvertures liées à des mondiaux. L'utilisation d'instruments financiers stocks physiques de blé situés sur des marchés de couverture des risques sur les cours mondiaux à terme éloignés et stimulerait le commerce des peut contribuer à stabiliser le prix des céréales produits de base. qu'ils ont encore besoin d'importer. Les pays peuvent sur le long terme investir Des stratégies de gestion des risques appro- dans la R&D agricole des pays étrangers. Le priées doivent être élaborées pays par pays en Chapitre 5 a rappelé que l'investissement en fonction du degré de tolérance au risque et R&D agricole permettait des taux élevés de de la capacité financière de gérer les risques rendement. Dans les pays arabes, notamment par le biais d'investissements dans les chaînes chez ceux où la terre et l'eau sont extrêmement d'approvisionnement, par l'utilisation d'instru- rares, la productivité peut être trop faible pour ments financiers et par l'investissement dans justifier de limiter à la région l'investissement des terres et des infrastructures à l'étranger. dans la recherche. Les investissements dans Certains outils, comme la modernisation des l'agriculture à l'étranger pourraient accroître la procédures de passation des marchés et l'amélio- sécurité alimentaire en faisant progresser la pro- ration de la logistique, fournissent des mesures ductivité des partenaires commerciaux actuels ou correctives de base pouvant être appliquées potentiels. En outre, si les régimes de propriété dans une certaine mesure par tous les pays de intellectuelle sont suffisamment solides, les la région. Le recours aux instruments financiers pays investisseurs pourraient s'approprier les est une technique plus récente, mais comme le technologies qui augmentent la productivité, ce démontre la réussite de la Banque mondiale au qui leur permettrait en fait de monnayer le droit Malawi, des pays à petites économies peuvent d'usage de la technologie contre une partie de la utiliser avec succès des instruments de couver- production en résultant. ture pour se protéger des risques du marché. Les investissements dans des terres, des infrastruc- Il n'existe pas de méthode idéale unique pour tures et dans la R&D à l'étranger conviennent réduire l'exposition à la volatilité des marchés ; mieux aux pays arabes disposant d'économies les outils présentés dans ce chapitre peuvent plus fortes. Tous les pays arabes importateurs de être utilisés individuellement, ou en combinai- denrées alimentaires devraient pouvoir trouver son, pour minimiser les risques. L'amélioration des moyens d'atténuer l'impact des chocs des des chaînes d'approvisionnement peut réduire prix des denrées alimentaires tels que celui de les coûts et améliorer la distribution. L'inves- 2007­2008. La Banque mondiale et ses parte- tissement dans des terres et des infrastructures naires sont à même d'offrir un appui en matière à l'étranger peut réduire la quantité de céréales de définition, financement et mise en oeuvre de que les pays arabes doivent importer aux cours stratégies appropriées de gestion des risques. Prochaines étapes C e document de travail conjoint identifie les principales questions liées à la sécurité alimentaire qui sont propres aux pays arabes et indications essentielles sur les principaux types d'analyse, spécifiques à chaque pays, qu'il faut entreprendre pour pouvoir établir une stratégie propose un cadre stratégique pour y remédier. globale et personnalisée. Le cadre stratégique comprend trois piliers : (1) le renforcement des filets de protection socia- La première étape consiste à établir une pro- le et la promotion de l'accès aux services de plan- jection à long terme de l'équilibre alimentaire ning familial et à l'éducation, (2) l'amélioration national. Ceci permet aux dirigeants du pays de de l'offre alimentaire intérieure et des moyens de déterminer la quantité de denrées alimentaires subsistance ruraux par l'augmentation des inves- qui va être consommée, la quantité produite tissements en recherche-développement, et (3) la au niveau national et à combien se chiffrent les réduction de la vulnérabilité par l'amélioration de besoins d'importation. Plusieurs modèles sont l'efficience de la chaîne d'approvisionnement et actuellement disponibles pour établir cette pro- par une utilisation plus efficace des instruments jection, y compris ceux présentés dans le présent financiers de couverture des risques tels que les document. options et les contrats à terme. La deuxième étape consiste à explorer toute La prochaine étape consiste pour chaque pays la gamme des mesures qui peuvent être prises à déterminer la meilleure façon de combiner pour renforcer les filets de protection sociale, les trois piliers pour créer une stratégie inté- donner accès aux services de planning familial et grée et globale qui s'attaque aux politiques à promouvoir l'éducation. À court terme, l'amélio- court, moyen et long termes d'amélioration de ration des performances des filets de protection la sécurité alimentaire. Ces stratégies seront sociale représente le chantier le plus important spécifiques à chaque pays, car elles dépendent car elle va atténuer l'impact des chocs des prix d'une multitude de facteurs, notamment des alimentaires sur les pauvres. L'évaluation des préférences nationales, politiques et culturelles, options disponibles de renforcement des filets de des dotations en ressources et de la tolérance au protection sociale exige de pouvoir utiliser des risque. Quoi qu'il en soit, le cadre stratégique données fiables sur les revenus et les dépenses proposé dans le présent document donne des des ménages, de disposer d'un consensus sur la 62 Renforcer la sécurité alimentaire dans les pays arabes définition nationale de la pauvreté et de données des céréales ce qui constituerait un niveau et convenables sur les coûts administratifs de dif- un type d'exposition acceptables. En s'appuyant férents programmes. Le potentiel de rendement sur les résultats de la projection de la balance à différents niveaux d'investissement dans la alimentaire et sur la sensibilité de la projection nutrition, l'éducation et le planning familial peut aux étapes deux et trois ci-dessus, il devient s'analyser à l'aide d'une projection de la balance possible de mesurer l'exposition nationale à la alimentaire. volatilité du marché et de faire une modélisation des coûts et des avantages des autres approches La troisième étape consiste à identifier les in- décrites dans le Chapitre 6. vestissements potentiels capables d'augmenter la productivité et la rentabilité agricoles natio- L'étape finale consiste à examiner attentivement nales. Cette démarche est plus pertinente pour les conséquences budgétaires de toutes les op- certains pays que pour d'autres et nécessite un tions de rechange. Aucun pays ne peut s'engager comptage précis des terres et ressources en eau à fond dans chacune des options proposées dans disponibles et une analyse de l'existence ou non ce cadre stratégique, il est donc essentiel d'éva- de politiques appropriées permettant d'en tirer le luer les compromis à faire entre les différentes meilleur parti. Elle exige également de connaître stratégies de sécurité alimentaire et les autres la rentabilité d'investissements de rechange en objectifs nationaux. recherche-développement agricole, et dans cer- tains cas, de réaliser une analyse des éventuels La Banque mondiale, l'Organisation des Nations avantages et inconvénients de la recherche de Unies pour l'alimentation et l'agriculture et le l'autosuffisance en cultures essentielles. Fonds international de développement agricole sont tous prêts à jouer un rôle dans ce processus La quatrième étape consiste à déterminer en en apportant une assistance technique et des matière d'exposition à la volatilité du marché financements pour les investissements. Références : Alston, J. M. 2002. "Spillovers." Australian Jour- social, Moyen-Orient et Afrique du Nord. nal of Agricultural and Resource Economics Washington, DC : Banque mondiale. 46 (3) : 315­346. ------. 2007a. Making the Most of Scarcity : Alston, J. M., C. Chan-Kang, M.C. Marra, P.G. Accountability for Better Water Manage- Pardey, et T.J. Wyatt. 2000. "A Meta-ana- ment in the Middle East and North Africa. lysis of Rates of Return to Agricultural Washington, DC : Banque mondiale. R&D : Ex Pede Herculem ?" Washington, ------. 2007b. Connecting to Compete : Trade DC : Institut international de recherche Logistics in the Global Economy. Washing- sur les politiques alimentaires. ton, DC : Banque mondiale. Alston, J. 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