VILLES REFUGE Moyen Orient et Afrique du Nord Une perspective urbaine sur le défi du déplacement forcé de populations Supported by the Préface La présente note d’orientation vise à nous aider à mieux comprendre le déplacement forcé de populations en milieu urbain du fait de conflits, en abordant cette problématique du point de vue des villes qui accueillent ces populations. Elle analyse pourquoi nous avons besoin d’une nouvelle stratégie pour faire face à ce phénomène ; comment « appréhender différemment » les déplacements forcés en milieu urbain dans le cadre général de l’aide humanitaire et au développement ; quels enseignements tirés des schémas d’urbanisation actuels et d’autres expériences pertinentes peuvent éclairer les interventions dans les domaines humanitaire et du développement ; et ce que « appréhender différemment » signifie pour les acteurs du développement au niveau local, national et international. Cette note d’orientation est principalement destinée aux acteurs du développement et de l’humanitaire ainsi qu’aux responsables des politiques, de plus en plus confrontés aux implications urbaines des déplacements prolongés. Crédit photo: © Dominic Chavez/World Bank Principaux messages Le déplacement forcé de populations est l’un des problèmes les plus préoccupants auxquels fait face la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Le nombre de personnes forcées de se déplacer à travers le monde continue d’augmenter, particulièrement dans la région MENA, où des vagues de troubles et de conflits ont causé un accroissement très marqué des déplacements de populations. En 2016, le nombre de déplacés était estimé à 65,6 millions de personnes dans le monde, dont un quart vivait dans des pays de la région MENA. Pour chaque réfugié déplacé dans la région, l’on compte quasiment cinq personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Contrairement à la croyance générale, la plupart des personnes forcées de se déplacer ne vivent pas dans des camps. L’image que l’on a des personnes déplacées recevant des denrées alimentaires, des abris et des services est le plus souvent liée aux camps dirigés par des agences humanitaires. En réalité, seul un très petit nombre de personnes déplacées vit dans les camps. Aujourd’hui, la plupart se trouvent dans les villes où les réseaux de fourniture des services, du logement et des moyens de subsistance sont déjà bien en place. Cette tendance s’observe particulièrement dans la région MENA déjà fortement urbanisée, où l'on estime que 80 à 90 % des personnes déplacées vivent dans les villes - un chiffre sensiblement plus élevé que la moyenne mondiale qui est de 60 %. Les villes d’accueil doivent être au cœur des solutions au problème du déplacement de populations. Le fait que les déplacements se font de plus en plus vers les villes, et non plus vers les camps, devrait obliger les acteurs de l’humanitaire et du développement à revoir leurs modes d’intervention auprès des populations déplacées. Plutôt que d’apporter des solutions individualisées à ces populations dans les camps et en milieu rural, l’enjeu consiste à aider les communautés d'accueil à renforcer les services, le logement et les emplois existants afin de répondre à la fois aux besoins des populations locales et des déplacés. L’aide ciblée apportée aux personnes déplacées dans les villes doit s’accompagner d’interventions visant le développement local qui s’appuient sur les structures de gouvernance et les mécanismes de prestation de services existants, afin de promouvoir le bien-être de tous les habitants indépendamment de leur origine. Les stratégies privilégiant uniquement l’aide apportée aux personnes déplacées peuvent exacerber les tensions sociales entre les déplacés et les populations hôtes et n’aident pas ces dernières à faire face aux nouveaux besoins résultant de l’augmentation rapide de la population. Recommandations à l’intention des agences internationales La principale recommandation à ces agences est d’intégrer d’emblée les approches humanitaire et de développement dans les villes d’accueil des populations déplacées. Il importe tout particulièrement de mener les actions suivantes : o Définir des solutions intégrées au déplacement forcé des populations vers les villes en combinant les aspects humanitaires et de développement o Encourager la participation de la société civile dans les interventions de développement o Utiliser davantage les administrations nationales et locales pour la fourniture de l’aide et des services o Mobiliser des financements concessionnels pour renforcer la capacité d’intervention dans les pays et villes touchés o Améliorer les données factuelles pour mieux décider des politiques de développement et mieux les programmer. Recommandations à l’intention des administrations locales Les administrations locales sont en première ligne des interventions face aux déplacements en milieu urbain. Les actions prioritaires que doivent mener les autorités locales et municipales comprennent les suivantes : o Renforcer et élargir les services de base et les infrastructures dans l’optique du développement et non seulement de l’aide humanitaire d’urgence. o Définir les modalités de prestation de services pour instaurer et renforcer la confiance entre les communautés et les administrations locales en vue de la cohésion sociale. o Obtenir l’appui des intervenants nationaux et internationaux afin de combler les déficits en matière de capacité et de financement. o Renforcer les capacités et la résilience pour mieux se préparer face à la problématique des déplacements de populations et mieux y répondre. o Promouvoir le développement économique local et la participation du secteur privé pour une croissance partagée. Recommandations à l’intention des gouvernements nationaux Les gouvernements nationaux ont aussi un rôle important à jouer. Les actions prioritaires que doivent mener ces administrations centrales comprennent les suivantes : o Se conformer aux normes des politiques concernant les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur des pays conformément aux engagements internationaux pris par chaque pays. o Exécuter des politiques nationales cohérentes dans les domaines ne relevant pas directement du ressort des autorités locales et municipales, comme les marchés du travail, les marchés foncier et du logement, l’éducation et la santé. o Mettre en œuvre des politiques cohérentes en matière de réfugiés et personnes déplacées, qui proposent notamment d’autres solutions que celles axées principalement sur les camps. o Prêter leur concours aux efforts de renforcement de la cohésion sociale entre les personnes déplacées et les communautés hôtes afin d’assurer la viabilité à moyen terme. o Accompagner les politiques qui favorisent désormais le développement à moyen terme plutôt que les interventions essentiellement à caractère humanitaire. o Mobiliser des financements pour aider les administrations locales à répondre aux besoins accrus en la matière. Le débat sur les actions à mener doit tenir compte de la dynamique politique autour de la question du déplacement forcé de populations Les gouvernements des pays d’origine et d’accueil sont au cœur de la crise. Les décisions qu’ils prennent influent sur l’ampleur et la direction des mouvements des populations, autant que sur les impacts et les solutions à court, moyen et long termes. Les partenaires de développement étrangers peuvent accompagner l’adoption et la mise en œuvre d’interventions pertinentes, mais la responsabilité incombe principalement aux autorités nationales et locales. Réduire l’impact du déplacement forcé de populations sur les communautés hôtes (dans les camps ou les agglomérations urbaines) n’est pas une question strictement technique. Les décisions des autorités hôtes sont souvent mues par des considérations politiques dont il faut tenir compte au moment d’accompagner le gouvernement dans ses efforts. Une stratégie axée sur le développement devrait non seulement viser à réduire les vulnérabilités des personnes forcées de se déplacer, mais aussi à atténuer les effets de leur présence sur les communautés d’accueil. Cette approche globalisante consistant à soutenir l’ensemble de la communauté peut aussi réorienter le dialogue politique sur le déplacement forcé de populations.