ÉTUDE DE CAS 01 R É S E R VE D E BI O SPH È R E TR A NSFR O NTA LI È R E D U D E LTA DU MON O ÉTUDE DE CAS 01 Réserve de Biosphère transfrontalière du Delta du Mono U ne réserve de biosphère repose sur une démarche inclusive et participative qui favorise la réconciliation entre le développement économique des communautés locales et la conservation de la biodiversité. menacées. L’une des grandes singularités écologiques de la zone réside notamment dans la rencontre entre divers écosystèmes, marin, terrestre et lagunaire. Le sud de la réserve est constitué presque exclusivement d’eaux lagunaires qui relient les lacs et les rivières qui s’y jettent. Il est séparé par un banc de sable du littoral en constante érosion. De vastes zones humides et périodiquement inondées jouxtent enfin une grande partie des lagunes. Ce site s’étend sur une superficie de 346 285 hectares. Caractéristiques socio-culturelles Sur le plan culturel et social, la zone concernée par le présent cas d’étude, abrite une population d’environ deux millions d’habitants dont environ 80% vivent princi- palement de l’agriculture à petite échelle et de la pêche artisanale ainsi que de l’exploitation du bois et du charbon de bois, et qui dépend donc, dans une large mesure, de Contexte l’approvisionnement en services écosystémiques du milieu environnant. Cette zone de forte densité de population, Caractéristiques géographiques issue de différentes vagues migratoires, est caractérisée par Situé à la frontière sud du Bénin et du Togo, où se côtoient des tensions ethniques et culturelles qui sont renforcées rivières, lacs, marécages, savanes, forêts (y compris des forêts par la grande pauvreté de la région. Des agglomérations sacrées), mangroves et plages, le Delta du fleuve Mono importantes telles Grand Popo sont connectées par une abrite une grande variété d’espèces animales protégées multitude de villages aux infrastructures précaires et aux mais dont certaines demeurent aujourd’hui fortement habitats souvent fragiles et insalubres. 1 ÉTUDE DE CAS 01 R É S E R VE D E BI O SPH È R E TR A NSFR O NTA LI È R E D U D E LTA DU MON O Principaux Défis Origine et objectifs de La diversité biologique de la zone est menacée tant par l’étude de cas la poussée démographique et la pression croissante qui Origine du projet s’exerce sur ses ressources naturelles, que par les effets causés par le changement climatique. Initié en 2013, le projet Réserve de la Biosphère du Delta de Mono, s’appuie sur les initiatives de conservation locales • La surexploitation des ressources: à cause de la pau- déjà existantes, principalement mises en place par les vreté et du manque de connaissances sur des formes ONGs locales agissant dans la zone pour sensibiliser les plus durables de gestion des terroirs, les populations communautés à la protection de l’environnement. Compte surexploitent les ressources naturelles dont elles tenu de sa richesse en biodiversité, le Delta avait dans disposent et risquent de perdre à court terme leurs un premier temps fait l’objet d’aménagements locaux de principaux moyens de subsistance. La pêche artisanale valorisation de la zone dans le but de la transformer, à par exemple, qui constitue l’une des principales activités moyen terme, en un pôle touristique attractif. économiques de la réserve, a provoqué l’épuisement quasi total du stock de poissons dans les lacs, rivières Suite à la réalisation d’une étude de cartographie de la et le long des côtes. réserve, effectuée par l’Agence de l’Environnement du Bénin, une série de mesures d’aménagements a été définie • Insuffisance de moyens pour lutter contre les activités et finalement intégrée aux plans d’aménagements com- illégales: Sur les quelques sites officiellement protégés, munaux. Une fédération d’acteurs pour la gouvernance les autorités compétentes ne disposent souvent pas des ressources du Mono a d’autre part été mise en place de moyens suffisants pour empêcher les activités par ECO-Bénin en partenariat avec le PNUD et le Fonds illégales, telles que le braconnage, la coupe illicite Français pour l’environnement Mondial (FFEM). du bois ou les intrusions agricoles. Or, plus le couvert forestier diminue, plus la vulnérabilité des populations A cette époque, les modes de gestion de la biodiversité entre les deux pays étaient très différentes et nécessitaient locales augmente et plus la pression exercée sur les une coordination accrue pour les améliorer. Un accord ressources s’amplifie. intergouvernemental fut finalement signé en 2012 entre • Manque de connaissances des défis écologiques et les deux pays afin d’améliorer la coopération quant à la sociaux: La grande faiblesse des connaissances dans le gestion des ressources transfrontalières. domaine écologique peut également se constater au niveau des agents impliqués, tous secteurs confondus. Le Projet dans son ensemble fut officiellement accordé pour 5 ans par le Ministère fédéral allemand de l’Environne- Les parties prenantes manquent indéniablement de ment, de la Protection de la Nature, de la Construction vue d’ensemble concernant les défis écologiques et et de la Sûreté nucléaire (BMUB) en Décembre 2013. La sociaux rencontrés par la région, ce qui entrave con- GIZ fut désignée pour assurer sa mise en œuvre. Pour sidérablement l’intégration de la notion de service assurer le travail avec les communautés, la GIZ se base écosystémique dans les planifications spatiales et sur les efforts déjà fournis des ONG béninoises Nature sectorielles de la réserve. tropicale et ECO-Bénin, de AMNet au Togo, des ONGs Agbo Zegue, CossolPG et CEDAC ainsi que les organ- • Les perturbations environnementales: Les inondations ismes de tutelle du Bénin (Ministère de l’Environnement régulières, dues aux dépôts de sable aux embouchures chargé de la Gestion des Changements climatiques, du des rivières, sont hautement bénéfiques pour la con- Reboisement et de la Protection des ressources naturelles servation de la biodiversité et la productivité de la zone et forestières, Centre national de gestion des réserves et offrent notamment aux lamantins africains encore de faune (CENAGREF) et du Togo (Ministère de l’Envi- présents dans la zone, un espace de pâturage et de ronnement et des Ressources forestières, Direction des frayère. Or, on constate actuellement une réduction Ressources forestières). importante du dépôt de sable qui s’expliquerait en partie par la construction du barrage de Nangbeto sur Depuis la mise en œuvre du projet, les deux pays se sont le Mono qui retiendrait le sable, et par l’installation du mis d’accord pour gérer les ressources naturelles de la port de Lomé, qui perturbe les courants et entraine zone de façon durables en appliquant les principes du une déportation de la matière sableuse vers le Nigéria. programme « Man and the Biosphère » de l’UNESCO. 2 ÉTUDE DE CAS 01 R É S E R VE D E BI O SPH È R E TR A NSFR O NTA LI È R E D U D E LTA DU MON O Objectifs d’intégrer des mesures favorisant la conservation de la biodiversité et des services écosystémiques dans les plans L’initiative ayant conduit à la création de la Réserve de de gestion et d’aménagement communaux. Biosphère transfrontalière du Delta du Mono constitue un cas d’étude emblématique pour les nombreuses 3. Renforcement des capacités. Des ateliers ont été zones de la région partageant les mêmes caractéristiques organisés à l’attention des populations locales afin de les écologiques et socio-économiques. Elle propose une sensibiliser sur la bonne gestion des ressources naturelles. solution permettant d’assurer la protection des écosys- Les acteurs locaux quant à eux, ont bénéficié de formations tèmes naturels et des processus écologiques à travers la sur la bonne gestion des ressources naturelle. conservation de la nature et la promotion de l’utilisation 4. Création d’un comité de coordination transfrontalière. durable des ressources naturelles. Elle favorise en outre la Le projet a permis en outre la constitution d’un comité de promotion d’un développement économique plus inclu- coordination transfrontalière, officiellement reconnu par sif qui bénéficie directement aux communautés locales les autorités locales des deux pays, et chargé principale- défavorisées occupant la périphérie des aires centrales ment de gérer le site, d’arbitrer les éventuels conflits liés à de la réserve. l’utilisation des ressources, d’observer les implications de projets de grande envergure dans la région et de prendre Objectifs stratégiques activement part à la prise de décisions visant le site. • Réduire les pressions directes sur la biodiversité et 5. Inscription à la liste des réserves de biosphères de promouvoir une utilisation durable des ressources l’UNESCO. Les pays partenaires ont soumis en Octobre 2016 l’ensemble des documents requis au programme « • Protéger et valoriser la côte par la restauration de Man and the Biosphère » (MAB) de l’UNESCO, en vue de l’écosystème naturel (en privilégiant les mangroves) recevoir la qualification officielle de «Réserve de biosphère». • Renforcer les capacités des acteurs locaux intervenant Cette approche qui favorise l’utilisation durable des res- dans la gestion des ressources naturelles sources naturelles dans les zones-tampons et de transition • Intégrer les services écosystémiques dans les plans de permet de réconcilier le développement économique développements communaux des communautés locales avec la conservation de la bio- • Améliorer les conditions de subsistance des populations diversité. Le delta du Mono a été officiellement reconnu vulnérables confrontées aux risques de changement en juin 2017 par l’UNESCO comme réserve de biosphère climatique transfrontalière et intègre le réseau mondial des réserves de biosphère de l’UNESCO. Ci-dessous, une carte des 8 • Etre déclaré Réserve de Biosphère à l’UNESCO afin aires de conservation retenues au sein de la réserve. de gagner une plus grande visibilité internationale Principales Activités Le concept de «Réserves de biosphère» reconnu par l’UNESCO est l’un des défenseurs L’approche, participative et inclusive, a été divisée en traditionnels de ce qui a été désigné dans deux phases: la Convention sur la Diversité Biologique, comme «approche basée sur l’écosystème». Phase 1 (2014-2016) Contrairement à l’approche des ‘zones 1. Identification des sites d’intérêt écologique. Sur la base protégées’, les réserves de biosphère sont d’initiatives locales existantes, une cartographie participa- conçues pour obtenir la participation des tive du site a été réalisée en 2013. Celle-ci visait d’abord populations locales dans la conservation et à identifier les aires particulièrement intéressantes d’un la gestion de la biodiversité tout en veillant à point de vue écologique et à prévoir avec la population satisfaire leurs besoins de subsistance. Cette locale des mesures efficaces pour mieux protéger ces approche est réalisée par l’utilisation durable des portions territoriales protégées. Dans les zones tampons ressources naturelles dans les zones-tampons avoisinantes, l’accent a été mis sur l’utilisation durable des et de transition. Ainsi, les réserves de biosphère forêts, des rivières et des terres agricoles. visent-elles à réconcilier le développement économique des communautés locales avec 2. Intégration de la conservation de la biodiversité dans les plans d’aménagement locaux. Un appui a été apporté la conservation de la biodiversité. aux acteurs publics (niveau régional et national) sur la façon 3 ÉTUDE DE CAS 01 R É S E R VE D E BI O SPH È R E TR A NSFR O NTA LI È R E D U D E LTA DU MON O Phase 2 (2017-2019) zone. La restauration de ces zones écologiques prioritaires favorise le maintien et la régénérescence de la faune et 1. Renforcement des capacités techniques et financières flore régionale. des acteurs gestionnaires jusqu’à atteindre leur complète autonomisation afin qu’ils soient en mesure de faire effi- 5. Gestion durable des ressources favorisant les cacement face aux défis de gestion des sites. communautés locales. Les communautés locales hautement dépendantes de leur environnement sont de plus de 2. Mise en place des instruments pour assurer une sur- plus en plus conscientes du risque lié à la dilapidation veillance et un suivi écologique accru de la faune et de la des ressources à des fins d’un profit à court terme. Des flore dans l’aire communautaire, ce qui devrait permettre alternatives d’exploitation durables des ressources doivent d’évaluer plus précisément l’impact positif des actions faire partie des nouvelles dispositions de gestion de la implémentées dans le cadre du projet. zone. Le développement notamment de l’écotourisme dans la région et d’autres activités économiques durables 3. Promotion et dynamisation d’activités durables bénéficieront directement aux communautés locales. réductrices de pression sur les ressources et créatrices de richesses et d’emplois. Les indicateurs de succès présentés ci-dessous permettront d’évaluer l’impact social, économique et environnemental des nouvelles mesures de protection dans le cadre de Résultats et impact la réserve: L’approche intégrale du projet permet d’ores et déjà • Taux d’augmentation des espèces de faune d’observer d’importants succès, liés à la fois à la gestion • Taux de régénérescence de la flore des impacts du changement climatique et à l’utilisation • Amélioration des conditions de subsistance des durable des ressources et qui favorise en même temps la populations riveraines de la réserve croissance économique durable de la région. 1. Mise en place d’un système de surveillance transfrontalier. Un mécanisme de surveillance transfrontalier a été mis Leçons tirées en place et permet aujourd’hui de mieux préserver La protection et l’utilisation durable des ressources naturelles l’environnement côtier et marin et de renforcer le partage d’une zone à valeur écologique significative (delta, etc.) peut indispensable des connaissances entre les acteurs être répliquée dans des contextes similaires et notamment gestionnaires du projet des deux pays. dans des zones transfrontalières touchées par l’érosion et partageant les mêmes caractéristiques. La combinaison des 2. Renforcement légal du contrôle des ressources. Mise en éléments suivants doit néanmoins être assurée pour garantir place des règlements d’application permettant un contrôle le succès de ces efforts: plus efficace sur les ressources. De plus, la reconnaissance juridique des organes locaux de gestion a permis la création 1. La volonté des communes de protéger la biodiversité. de mécanismes coercitifs efficaces, leur permettant d’exercer L’adhésion des communes est indispensable à la réussite au niveau local des droits de « propriétaire », en coopération d’un projet de protection de la biodiversité et d’adaptation avec les forces de l’ordre et les tribunaux, afin de mieux aux risques liés au changement climatique. Travailler avec protéger certains sites spécialement menacés. des communautés ou des administrations ayant manifesté au préalable une volonté de protéger et de conserver ses 3. Transparence accrue dans la gestion des ressources ressources est une condition nécessaire à sa mise en œuvre. naturelles. Le fait de travailler de façon transversale avec 2.L’intégration des initiatives locales existantes. Il est l’ensemble des acteurs depuis la base jusqu’au niveau fondamental d’établir un diagnostic préalable permettant ministériel a considérablement contribué à rendre plus d’identifier les initiatives déjà mises en place dans la région. transparente la gestion des ressources naturelles dans la En effet, intégrer à la démarche initiale la contribution et les zone et à identifier précisément les apports de chaque site initiatives entreprises par des acteurs locaux, qui connaissent au maintien des services écosystémiques. la réalité et les défis rencontrés dans la zone, est hautement plus efficace qu’imposer une solution offrant une assistance 4. Restauration de zones endommagées. La réhabilitation parfois non adaptée à la région. du milieu fait partie intégrante du projet. Il est actuellement possible de constater la restauration de nombreuses rives et 3. Le renforcement des capacités et l’implication des acteurs d’une grande partie des écosystèmes de mangroves de la locaux. La mise en place d’activités visant à sensibiliser et à 4 ÉTUDE DE CAS 01 R É S E R VE D E BI O SPH È R E TR A NSFR O NTA LI È R E D U D E LTA DU MON O renforcer les capacités des communautés locales participe à En amont, un travail adapté et continu de sensibilisation et l’appropriation des projets de conservation par ces acteurs. de renforcement des capacités des acteurs doit être assuré. Dans le même ordre d’idée, un processus inclusif et participatif les impliquant directement dans les activités de conservation Pour conclure, la démarche engagée, propose des solutions des ressources permet d’obtenir des résultats plus probants. concertées basées sur le compromis et l’engagement des populations pour une gestion efficiente des ressources 4. Des alternatives à la surexploitation des ressources. Offrir naturelles autour des différents sites protégées. Les actions aux communautés locales des alternatives à la dilapidation entreprises dans la Réserve de Biosphère Transfrontalière du des ressources, telles que la coupe abusive du bois ou la Delta du Mono offre une opportunité unique d’inspirer d’au- pêche artisanale intensive, est indispensable pour une ges- tres projets et programmes dans la région et de réconcilier tion durable efficace des ressources disponibles. Il est donc le développement économique des communautés locales important de prévoir dans le dispositif la mise en place de avec la conservation de la biodiversité. projets d’agriculture durable et de foresterie qui permettront aux populations de subvenir à leurs besoins sans exercer de pression excessive sur les ressources. Conclusion L’exemple de la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta du Mono démontre qu’une démarche intégrale, abor- dant à la fois les facteurs environnementaux, économiques et institutionnels, peut contribuer à réconcilier biodiversité et développement local. Il est indispensable de former des gestionnaires locaux, légalement responsables de la gestion des ressources et de définir clairement le rôle joué par ceux-ci et le pouvoir qui leur est attribué. Renforcer l’ensemble du système doit impéra- tivement être sanctionné par des actes légaux reconnus par les différents pays afin de renforcer progressivement le cadre juridique protégeant les ressources naturelles de la zone. Des mécanismes et des outils permettant un partage renforcé des ressources et des informations doivent également être crées pour assurer la pérennité des efforts entrepris. RÉFÉRENCES • GIZ Réserve de Biosphere Transfrontalière de Delta • http://fr.unesco.org du Mono • Agence de presse africaine: http://mobile.apan- • https://republiquetogolaise.com/culture/1906- ews.net/index.php/fr 726-un-site-du-togo-integre-le-reseau-mondial- • https://www.cbd.int/cepa/cepafair/2016/presen- des-reserves-de-la-biosphere-de-l-unesco tations/postertool/bj-tg-giz-web.pdf Le Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA) est une plateforme de rencontre visant à assister les pays ouest-africains dans leurs efforts pour gérer leur littoral de manière durable et renforcer leur résilience socio- économique aux effets du changement climatique. Ce programme vise également à faciliter l’accès des pays concernés à l’expertise technique et au financement. www.worldbank.org/waca 5