Précis D É P A R T E M E N T D E L É V A L U A T I O N D E S O P É R A T I O N S P R I N T E M P S 1 9 9 9 N U M É R O 1 9 0 Le transport en Indonésie L ORSQUE LA BANQUE A CONÇU UNE SÉRIE DE PROJETS au milieu des années 80 pour renforcer l'infrastructure indonésienne du transport -- qui était proche de la satura- tion du fait de la croissance économique rapide du pays --, elle s'est peu intéressée aux questions institutionnelles ou politiques, axant essentiellement son effort sur les aspects techniques de l'exécution des opérations. Et pourtant, le cadre d'action est im- portant, comme le montre une évaluation récemment réalisée par l'OED. Individuellement, les projets ont été jugés satisfaisants pour la réalisation de leurs objectifs physiques mais, pris en tant que programmes, ils avaient tous souffert de la faiblesse de l'environnement institutionnel. Ce problème n'ayant pas été pris en compte, quatre des cinq projets n'ont eu qu'un impact institutionnel modeste et leur viabilité à long terme est incertaine. Les projets composantes et résultats de chacun de ces Le secteur du transport contribue pour 7 % projets sont présentés ci-après. au PIB de l'Indonésie et représente 20 % du budget de développement du pays. Ces Secteur routier (350 millions de dollars) chiffres illustrent l'importance de ce secteur Ce projet avait pour objectif d'améliorer dans le progrès économique en Indonésie. les politiques d'utilisation des routes, de Quatre des projets évalués visaient à renforcer les institutions du secteur et accroître la capacité et l'efficacité de d'améliorer la qualité du réseau routier l'infrastructure routière qui supporte une surtout par des travaux d'entretien, de grande partie du trafic interurbain remise en état et d'amélioration. marchandises 41 % et passagers (93 %). L'assistance technique pour l'exécution L'objet du cinquième projet était de des travaux de génie civil, le rationaliser la gestion du chemin de fer na- renforcement des institutions et la forma- tional et, d'un service au sein du ministère tion (y compris à l'étranger) d'ingénieurs des Communications, en faire une société et d'exploitants d'entreprises de transport publique détenue par l'État. Les objectifs, routier faisait partie des composantes du 2 Département de l'évaluation des opérations de la Banque mondiale l'administration centrale et les collectivités locales. Le projet visait à améliorer l'infrastructure routière des villes, à rendre celles-ci mieux à même de mettre en place et d'entretenir les équipements et services nécessaires, et à créer le contexte institutionnel et le cadre d'action nécessaires à la planification des transports urbains. La construction et la remise en état de la voirie urbaine, la formation et l'assistance technique pour la gestion des opérations et la su- pervision des travaux faisaient partie des composantes du projet. Une assistance technique Cliché : Curt Carnemark, 1993 limitée était également prévue pour renforcer la capacité des projet. Il s'agissait aussi d'aider le gouvernement à organismes d'exécution à élaborer les plans et politiques préparer une déclaration de politique générale et un plan nécessaires. L'OED a toutefois estimé que cet aspect était d'action pour corriger les imperfections des projets nettement insuffisant, compte tenu de la très grave situa- précédents et mettre en place un cadre de développement tion du transport urbain dans le pays. Le Département a global du secteur routier. fait observer que l'effort de renforcement des institutions Le projet était techniquement bien préparé. La dans ce secteur avait été nettement sous-estimé et que la composante « gestion technique et routière », exécutée démarche adoptée, axée sur la modicité des coûts, avait par l'administration centrale des routes, a bien répondu été une erreur. Malgré ces lacunes, l'équipe chargée des à l'attente. Toutefois, selon l'OED, la décentralisation activités et les évaluateurs de l'OED ont jugé ce projet en cours a fait que les organismes centraux étaient satisfaisant, et son impact institutionnel limité. Jugée moins à même d'exécuter le programme global de probable par les responsables des opérations, la viabilité développement. Le projet a malgré tout été bien exécuté du projet a été évaluée comme incertaine par l'OED. et a été noté de façon satisfaisante tant par l'équipe chargée des opérations que par les évaluateurs de l'OED Aménagement urbain : Djabotabek qui ont aussi estimé que la viabilité des activités était (150 millions de dollars) probable et que celles-ci avaient pour beaucoup Dans le sillage de l'opération sur les villes de province, ce contribué au renforcement institutionnel au niveau de projet était consacré à Djakarta, Bogor, Tangerang et l'administration centrale des routes. Bekasi (Djabotabek). Démarré un an plus tard, il avait essentiellement les mêmes objectifs : concevoir et apporter Transport dans les villes de province des améliorations aux systèmes de transport urbain et (51 millions de dollars) contribuer à la planification et au développement de Ce projet, destiné aux quatre plus grandes villes du pays l'infrastructure. Les défauts relevés ont été les mêmes et après Djakarta (Surabaya, Medan, Semerang et Bandung), l'erreur de cadrage constatée par l'OED dans le cas du a été conçu à une époque où l'urbanisation était rapide et projet sur les villes de province vaut aussi pour le projet où la circulation dans les grandes villes était chaotique et Djabotabek. La notation des activités est identique, l'OED avait atteint son seuil de saturation, du fait d'une infra- ayant ici encore jugé la viabilité incertaine. structure inadaptée, d'une voirie non classée, d'une gestion inefficace de la circulation, de transports en commun Troisième projet routier en faveur des kabupaten déficients, d'une planification insuffisante de (215 millions de dollars) l'aménagement de l'espace urbain et des transports, et Ce projet visait à améliorer l'accès aux principaux cen- d'une répartition trop vague des compétences entre tres économiques dans 73 kabupaten (districts ruraux) Précis 3 grâce à la remise en état, l'amélioration et l'entretien des activités a jugé ce projet satisfaisant, son impact sur d'environ 30 000 kilomètres de routes rurales. Il était le renforcement des institutions substantiel et sa viabilité également prévu de renforcer la capacité institutionnelle incertaine. Pour ces trois critères, la notation de l'OED a des services des travaux publics des kabupaten afin que été satisfaisant, limité et incertain, respectivement. la gestion du réseau routier des zones rurales puisse être déléguée à des administrations locales. La plupart des Problèmes communs aux cinq projets objectifs physiques ont été atteints, mais les services des Malgré une solide gestion des aspects techniques, tous travaux publics n'ont pas voulu reconnaître la les projets ont souffert des faiblesses institutionnelles, prépondérance que la Banque souhaitait donner au une dimension qui aurait dû être prise en compte pen- programme d'entretien des routes. Aussi a-t-il fallu dant la préparation et la supervision des opérations. subordonner l'octroi du prêt à l'exécution de ce Pour cela, il aurait fallu que la direction de la Banque programme pour que l'entretien des routes puisse être joue un rôle plus actif. L'existence de déficiences assuré à 100 %. Cette situation a affaibli la capacité de similaires dans les programmes et activités que la la Banque à engager un dialogue constructif et a été un Banque finance dans le secteur du transport dans obstacle à un changement d'attitude durable. L'OED a d'autres pays milite en faveur d'un examen général de la toutefois estimé que ce projet avait eu de nombreux façon dont la direction supervise les projets au stade de effets positifs sur le plan socio-économique. L'équipe la préparation et de l'exécution des opérations. chargée des activités a jugé le projet satisfaisant, son im- Les problèmes sont de quatre ordres : pact sur le renforcement des institutions modeste et sa viabilité probable. L'OED a fait la même évaluation, s La dimension politico-économique de l'entretien des sauf pour la viabilité qu'il a jugée incertaine. routes. L'affectation des crédits pour l'entretien des routes manque d'impartialité, certaines provinces et Assistance technique dans le secteur ferroviaire kabupaten étant plus favorisés que d'autres, (28 millions de dollars) indépendamment des besoins. Il en est de même des Ce projet avait pour objectif principal de mettre en ex- investissements plus importants, car les ressources ploitation commerciale la branche trafic ainsi que les proviennent de l'administration centrale. Cette situa- services d'entretien des équipement mécaniques et des tion incite certains responsables de collectivités voies. D'un service au sein du ministère des Communi- territoriales à exagérer leurs besoins et à utiliser les cations, le chemin de fer national devait être transformé, crédits pour conforter leur influence auprès des à cette fin, en une société publique détenue par l'État. Il électeurs. s'agissait également de réduire sensiblement le nombre s Qualité de la construction et passation des marchés. d'employés, de préparer des programmes annuels La qualité de la construction dans les projets soumis à détaillés de formation du personnel, de fixer des objectifs évaluation était irrégulière pour les deux grandes opérationnels et financiers et d'adopter un plan raisons suivantes : les entrepreneurs n'avaient pas les d'investissement. Une assistance technique était compétences techniques et managériales voulues et les également prévue dans le domaine de l'informatique de chefs de projet se sont médiocrement acquittés de leur gestion, du calcul des coûts, du contrôle des marchés, de mission, notamment du point de vue de la conception, la gestion des stocks, des horaires des trains et des de l'organisation et de la passation des marchés de activités de promotion. travaux de génie civil et de la sélection et de la super- Les objectifs du projet n'ont été que partiellement vision des entrepreneurs. En outre, le manque de atteints. Si l'exploitation du chemin de fer a été transparence dans l'attribution des marchés alimente théoriquement transférée à une société semi-autonome, la corruption. l'État conserve la propriété des voies, détermine les obli- s Gestion des projets. Cette tâche incombait à des cel- gations de service public de la société, s'immisce dans lules de gestion des projets. Du point de vue du l'exploitation et use de ses pouvoirs pour la tarification renforcement des institutions, ces cellules constituent et les nominations à des postes clés. En outre, les droits des structures autonomes qui absorbent les ressources d'accès à supporter par la société d'exploitation n'ont humaines de l'organisme d'exécution en privant celui- pas été calculés de façon rationnelle. ci des avantages de la formation reçue par les agents Selon l'OED, les coûts à supporter par le chemin de qu'elles emploient. Dès lors, on comprend mieux fer seraient moindres si, au-delà de l'exploitation du pourquoi la formation a eu un impact limité sur la réseau, la société était propriétaire des voies ferrées et capacité de gestion des projets des organismes des terrains utilisés et était responsable de l'état de ces d'exécution. La Banque décentralisant ses services voies et des investissements connexes. L'équipe chargée vers les missions résidentes et ses agents travaillant en 4 Département de l'évaluation des opérations de la Banque mondiale relation plus étroite avec les organismes d'exécution, faciliter la gestion du secteur. on devrait pouvoir plus facilement se passer des cel- sLe processus de décentralisation, qui s'est pour le mo- lules de gestion. ment limité à un transfert de compétences techniques s Décentralisation. La décentralisation fait intervenir aux collectivités territoriales, devrait être étendu aux toute une série de réformes qui tendent à accroître responsabilités financières et administratives et à l'autonomie locale et à accélérer le développement. l'élaboration des politiques. Le renforcement des Lors de la conception et de la préparation des cinq capacités des administrations locales doit se projets sur les transports, la Banque a tenu la poursuivre et le réseau routier dont celles-ci sont décentralisation pour un fait acquis sans prendre en responsables doit être protégé des ingérences de compte les difficultés et incohérences inhérentes au l'administration centrale. transfert de compétences à des collectivités locales et sLes administrations routières devraient être repensées sans essayer de soutenir ou d'accompagner la pour gérer le réseau selon des principes commerciaux. réalisation de l'objectif poursuivi. Ces problèmes se Cela aiderait à mieux affecter les ressources et sont répercutés sur la répartition sectorielle et fournirait une source de financement stable, faisant intersectorielle des ressources et ont eu un impact sur appel à l'usager, pour la promotion d'une gestion plus le recours aux connaissances locales, ce qui a rejailli responsable, l'entretien du réseau existant et par la suite sur l'adhésion aux projets et sur la l'expansion des routes collectives et des grands axes. viabilité des opérations. sUn cadre institutionnel est nécessaire pour contribuer au développement des routes de village, qui jouent un Enseignements et conclusions rôle économique et social important en zone rurale. À Au moment où ces projets ont été conçus et exécutés, ils cette fin, l'OED recommande la mise en place de étaient conformes aux politiques et règles de bonne pra- coopératives routières privées à caractère villageois et tique de la Banque. Ils présentaient un caractère tech- la fourniture d'une assistance technique aux membres nique et économique très marqué et étaient mis en de ces structures pour assurer l'entretien des routes au oeuvre avec compétence et détermination. Il existait moindre coût. cependant un décalage entre les projets, tels que conçus, sIl conviendrait de mettre en place une organisation et la nécessité d'améliorer le contexte institutionnel et le des transports compétente pour les grandes cadre d'action du secteur des transports. Les causes de ce agglomérations. Composée d'un éventail de décalage semblent multiples. Les procédures de la collectivités territoriales pouvant répondre aux Banque n'étaient peut-être pas adaptées au niveau de besoins du pays en matière de transport urbain, cette développement du secteur ; la décentralisation et le organisation pourrait servir de cadre pour coordonner mode de gestion de projets ne se sont pas traduits par les les mécanismes de décision publics et privés, faciliter résultats escomptés ; et la concertation sur l'action à le travail de réglementation et de planification, mener ne s'est pas déroulée au niveau voulu. Il serait incorporer les améliorations en matière de transport souhaitable que la Banque recherche de nouveaux aux plans d'aménagement urbain et préparer des moyens de s'attaquer aux problèmes systémiques au plans de gestion de l'environnement correspondant niveau des projets. Il conviendrait plus précisément aux opérations dans ce secteur. d'intervenir sur les aspects suivants : sL'organisation des chemins de fer doit être à nouveau examinée car la répartition actuelle des compétences s Pour le réseau routier de chaque province, il en fonction d'une distinction entre la propriété et conviendrait d'adopter une stratégie en bonne et due l'exploitation de l'infrastructure ne donne pas satis- forme. Il faudrait que chaque province prépare et faction. En outre, l'État devrait envisager l'adoption publie un plan de développement applicable à toutes d'une législation permettant à des prestataires privés les routes classées et que les collectivités propriétaires d'utiliser le réseau ferroviaire contre paiement de et leurs sources de financement soient définies pour droits. Sur la base d'une évaluation de l'OED réalisée en 1998 par Antti Talvitie.