HNP CSR Mali – Implications Politiques 70614 v2 La Problématique de la Santé et de la Pauvreté au Mali Volume 2 : Implications Politiques 02 Avril, 2011 1 HNP CSR Mali – Implications Politiques Le Mali compte 14,5 millions d’habitants dont plus de 70% vit en milieu rural, avec un taux de croissance démographique de l’ordre de 3 % par an. Depuis 1994, le taux de croissance réelle du produit intérieur brut du Mali s’est établi en moyenne à 5 % par an. La croissance de l’économie s’est traduite par une progression du revenu national brut par habitant de 240 dollars en 1994 à 380 dollars en 2005. Malgré cette croissance favorable, le Mali reste l’un des pays les plus pauvres au monde : en 2006, il était classé 175eme parmi 177 pays sur la base de l’Indice de Développement Humain du PNUD. Cependant, le pourcentage de la population vivant dans la pauvreté a baissé de 55,6 à 47,4 % entre 2001 et 2006 : près de 80% des pauvres vivent en milieu rural en 2006. Cette note politique résume les principaux résultats et les implications de politique du rapport sur la problématique de la pauvreté et de la santé au Mali. Il met en exergue la nécessité de renforcer les efforts pour accélérer la baisse de la mortalité infanto-juvénile et de la mortalité maternelle, et initier la baisse de la fécondité pour mettre le pays dans la trajectoire pour atteindre les objectifs de développement du millénaire (OMD) en matière de santé. Le Mali a réalisé des progrès notables dans la couverture des interventions essentielles de santé au cours des dernières années en mettant à profit les gains d’amélioration de l’accessibilité géographique des services de santé facilités par un partenariat Etat-communauté spécifique au système de santé malien. Le système de santé malien est, cependant, en transition avec l’approfondissement de la décentralisation et l’émergence de nouveaux acteurs dans la santé dont les collectivités territoriales, les prestataires privés et les organismes d’assurance maladie. Les progrès vers l’atteinte des OMD au cours des prochaines années vont dépendre maintenant sur la capacité de saisir les opportunités ouvertes par ce nouvel environnement interne et de mobiliser ces nouveaux acteurs dans le cadre de partenariats effectifs pour faire face aux défis des ressources humaines dans la santé, de l’amélioration de la qualité des services de santé de base, et de l’accessibilité des services de santé. Etat de santé de la population en progression mais à un rythme insuffisant Au niveau actuel de son développement économique, le Mali pourrait mieux faire en matière de santé de la population. Les conditions sanitaires du Mali combinent des niveaux relativement élevés de mortalité infanto-juvénile, de malnutrition, de mortalité maternelle et de fécondité dans un contexte où la prévalence du VIH/SIDA est faible relativement aux standards régionaux. Les tendances récentes de la mortalité suggèrent que pour atteindre les objectifs de développement du millénaire (OMD) en matière de santé, le Mali devra renforcer les efforts pour accélérer la baisse de la mortalité infanto-juvénile et de la mortalité maternelle, et initier la baisse de la fécondité au cours des prochaines années. La mortalité des enfants de moins de 5 ans a rapidement baissé de plus de 350 pour 1000 au début des années 70s à moins de 250 pour 1000 au début des années 90s. La baisse de la mortalité des enfants s’est ralentie, cependant, au cours des années 90s en raison de la stagnation de la mortalité entre 1 et 5 ans. Depuis la fin des années 90s, cependant, la baisse de la mortalité des enfants s’est accélérée de nouveau : la mortalité des enfants a baissé de 229 pour 1000 entre 1996 et 2000 à 191 pour 1000 entre 2001 et 2006. Le graphique ci-dessus suggère, cependant, 1 HNP CSR Mali – Implications Politiques que le maintien du rythme actuel de la baisse de la mortalité des enfants ne permettrait pas au Mali d’atteindre les OMD en 2015. Evolution de la mortalité infanto-juvénile (MIJ) et l’indicateur cible des OMD en 2015 : 5q0 pour 1000. 250 200 150 MIJ tendance actuelle 100 MIJ OMD 50 0 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 Source : EDS 1995-96, 2001, 2006 ; Driss Zine-Eddine El-Idrissi (2009) Des efforts particuliers seront nécessaires dans les régions de Koulikoro, Ségou, et Sikasso pour faire face à la stagnation des conditions sanitaires des enfants dans ces régions. Par ailleurs, des efforts ciblés sont nécessaires pour soutenir la réduction de la mortalité des enfants parmi les plus pauvres de la population. Evolution de la mortalité maternelle (MM) et l’indicateur cible des OMD en 2015 : MMR pour 100.000 naissances vivantes 600 500 400 MM tendance 300 actuelle MM OMD 200 100 0 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 Source : EDS 1995-96, 2001, 2006 ; Driss Zine-Eddine El-Idrissi (2009) 2 HNP CSR Mali – Implications Politiques Le taux de mortalité maternelle a légèrement diminué entre le milieu des années 90s et 2006 en passant de 582 pour 100 000 naissances vivantes à 464 pour 100 000 naissances vivantes. Le rythme de la baisse de la mortalité maternelle, cependant, est trop faible pour l’atteinte des OMD. Les risques de mortalité maternelle restent toujours élevés malgré le développement et la mise en œuvre de plusieurs interventions et stratégies novatrices. Peu d’efforts, cependant, ont été engagés pour réduire la fécondité dans le pays. En effet, pour la majorité des familles Maliennes, la baisse de la fécondité n’est pas encore amorcée. Les niveaux de fécondité observés au Mali sont parmi les plus élevés en Afrique de l’Ouest. Alors que la baisse de la fécondité a été amorcée dans les pays voisins, l’indice synthétique de fécondité a stagné au Mali au cours des quinze dernières années entre 6.5 et 7 naissances-vivantes par femme. Les efforts pour accroitre durablement la couverture des interventions sanitaires à haut impact devraient être renforcés car les principales causes de décès dans la population générale au Mali restent les infections respiratoires, les maladies diarrhéiques, le paludisme, les conditions périnatales, le VIH/SIDA, la tuberculose et la malnutrition. Dans le cadre des efforts pour améliorer les conditions sanitaires des enfants, une plus grande priorité devrait être accordée aux initiatives pour améliorer l’état nutritionnel des enfants, particulièrement dans les zones rurales, mais aussi dans les quartiers pauvres des zones urbaines. Une meilleure prise en charge au cours de la grossesse et des urgences obstétricales réduirait significativement les risques de mortalité maternelle et de mortalité des nouveau-nés. Enfin, des efforts soutenus sont nécessaires pour réduire le fardeau du paludisme sur l’économie et le système de santé et pour contenir la prévalence du VIH/SIDA dans la population en général, parmi les groupes à risques en particulier. Mali : Causes de décès en 2002 Infections respiratoires Maladies diarrheiques Paludisme Conditions perinatales VIH/SIDA Deficiences nutritionelles Tuberculose Autres maladies infectieuses, conditions maternelles et perinatales Maladies cardiovasculaires Neoplasmes malignes Autres maladies non-infectieuses Traumatismes Sources : http://www.who.int/entity/healthinfo/statistics/bodgbddeathdalyestimates.xls 3 HNP CSR Mali – Implications Politiques Couverture des Interventions A Haut Impact Le Mali a mis à profit les gains d’amélioration de l’accessibilité géographique des services de santé pour réaliser des progrès notables dans la couverture des interventions essentielles de santé au cours des dernières années. En dehors de la couverture des services de planification familiale qui a continué à stagner, la couverture des soins de santé de la reproduction s’est nettement améliorée : la proportion de femmes ayant eu une consultation prénatale au cours de la grossesse a progressé de 49% en 1996, à 59% en 2001, pour atteindre 70% en 2006 ; la proportion d’accouchements assistés dans une formation sanitaire est passée de 30% en 1996, à 38% en 2001, pour atteindre 45% en 2006. Les dix dernières années ont été marquées par une nette amélioration de l’équité d’accès aux soins de santé de la reproduction avec l’extension de la couverture des soins de santé de la reproduction aux femmes rurales et aux femmes appartenant aux segments les plus pauvres de la population. Les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Mopti et Kayes restent, cependant, des régions où beaucoup de progrès doivent être réalisés en matière de couverture des soins de santé de la reproduction. Les progrès en matière de couverture des services de santé de la reproduction pourraient être étendus et consolidés si les interventions prioritaires identifiées dans le cadre du PRODRESS et de la Feuille de Route pour l’Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle et Néonatale au Mali bénéficient d’un appui soutenu. Mali : Evolution de la couverture des interventions de santé de la reproduction Pourcentage (%) de naissances dont l’accouchement a été assisté dans une formation sanitaire 1996 2001 2006 100 80 60 40 20 0 Urbain Rural Plus Pauvres Quintile 2 Quintile 3 Quintile 4 Plus Riches Ensemble Sources: Enquête Démographie et Santé : 1995-96, 2001, 2006 Dans le cadre de la couverture des interventions de santé de l’enfant, les bases de l’amélioration de la couverture vaccinale entre 2001 et 2006 ont été élargies grâce à la redynamisation du programme élargi de vaccination, contribuant ainsi à l’amélioration de l’équité dans la couverture vaccinale des enfants : la couverture de tous les vaccins est passé de 29% en 2001 à 48% en 2006 au niveau national; elle a plus que doublé dans les zones rurales passant de 22% en 4 HNP CSR Mali – Implications Politiques 2001 à 46% 2006 ; elle est passée de 20% en 2001 à 49% en 2006 parmi les enfants issus des segments les plus pauvres de la population. La couverture de la supplémentation en micronutriments a aussi significativement augmenté dans la population générale entre 2001 et 2006, dans les zones rurales et les catégories les plus pauvres de la population en particulier. En contraste, malgré les efforts d’extension de l’accessibilité géographique et de la mise en œuvre de la prise en charge intégrée des maladies de l’enfance (PCIME) dans les structures de santé, les niveaux et les inégalités en matière de prise en charge de l’enfant malade n’ont pas beaucoup changé au cours des dernières années à l’image des niveaux de la consultation curative primaire. Des efforts additionnels sont nécessaires pour accroitre la couverture des interventions essentielles de santé de l’enfant dans les régions de Kayes, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal : des stratégies avancées et mobile plus adaptées aux spécificités géographiques de ces régions sont nécessaires pour accroitre la couverture des interventions essentielles de santé; celles-ci pourraient être soutenues par le financement décentralisé à travers des partenariats effectifs dans le contexte de la décentralisation. Mali : Evolution de la couverture (%) du vaccin contre la rougeole parmi les enfants de 12-23 mois 1996 2001 2006 80 60 40 20 0 Urbain Rural Plus Pauvres Quintile 2 Quintile 3 Quintile 4 Plus Riches Ensemble Sources: Enquête Démographie et Santé : 1995-96, 2001, 2006 Les interventions de prévention dans le cadre de la lutte contre le paludisme ont connu des progrès importants aux cours des dernières années. L’évolution de la couverture des moustiquaires imprégnées des femmes enceintes suggère qu’en plus de la distribution à travers les services de santé, le Mali devra recourir à d’autres canaux dont des campagnes périodiques pour assurer une couverture adéquate des populations cibles. En effet, à l’instar des femmes enceintes, les enfants de moins de cinq ans ont bénéficié de façon équitable de l’augmentation de la couverture des moustiquaires imprégnées grâce à la campagne intégrée de 2007. La prise en charge du paludisme au niveau des structures de santé, cependant, devrait entre renforcée. La couverture du traitement préventif intermittent du paludisme parmi les femmes enceintes est très faible au niveau national et ne touche essentiellement qu’une faible partie des femmes de Bamako et des groupes socioéconomiques les plus aisés. Par ailleurs, beaucoup d’efforts sont 5 HNP CSR Mali – Implications Politiques nécessaires pour améliorer la prise en charge de l’enfant malade dans le cadre de la lutte contre le paludisme à travers la précocité de la prise en charge et l’amélioration de l’équité d’accès aux structures de santé. Un des défis majeurs de la lutte contre le VIH/SIDA au Mali est comment renforcer la tendance de la diminution de la prévalence de la maladie observée au cours des dernières années. Pour faire face à ce défi, les connaissances des populations sur les moyens de prévention du VIH/SIDA devraient être renforcées. Les connaissances sur l’utilisation du condom pour se protéger contre le risque du VIH/SIDA devraient être accrues dans la population en général, dans les régions Mopti et de Tombouctou en particulier. Les connaissances sur les moyens de protection contre la transmission mère-enfant devraient être accrues dans les populations rurales et dans les régions Kidal, Gao, Tombouctou, Mopti et Kayes. Par ailleurs, les informations sur les tests et conseils volontaires du VIH durant la visite prénatale suggèrent que les interventions de VIH/SIDA et de santé de la reproduction sont faiblement intégrées. Des efforts sont nécessaires pour intégrer les interventions de VIH/SIDA dans les paquets d’activités des Centres de Santé de Référence (CSREF) et des Centres de Santé Communautaire (CSCOM) pour étendre les opportunités de bénéficier de services de conseils et de tests volontaires aux populations rurales et aux segments les plus pauvres de la population. Recommandations. Dans le cadre des efforts pour améliorer couverture des interventions à haut impact, il est recommandé de :  Renforcer les interventions de santé de la reproduction. Pour influer sur la demande, il est nécessaire de renforcer les campagnes de marketing social et de communication de masse à travers les medias modernes et traditionnels pour des changements de comportements en matière de santé de la reproduction, y inclus la planification familiale. Pour améliorer l’offre des services de santé de la reproduction, il est nécessaire de renforcer les capacités des prestataires de santé en matière de planification familiale au niveau des CSREF et CSCOM, d’étendre les activités de distribution à base communautaire des services et produits de planification familiale, et de renforcer le système de référence/évacuation pour la prise en charge des urgences obstétricales et néonatales.  Renforcer les interventions de santé de l’enfant. Il s’agit de renforcer les interventions pour l’amélioration de la nutrition des enfants dans les zones rurales et dans les quartiers pauvres des zones urbaines. Par ailleurs, les efforts pour accroitre la couverture dans le cadre du programme élargi de vaccination devraient être renforcés ; dans les régions de Kayes, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal, ces efforts devraient inclure des stratégies avancées et mobiles plus adaptées aux spécificités géographiques. Pour améliorer la prise en charge de l’enfant, les efforts de mise en œuvre de la PCIME devraient être étendus dans tous les CSREF et les CSCOM ; les initiatives de gratuités et de subventions devraient être renforcées pour une meilleure prise en charge de l’enfant malade.  Renforcer la lutte contre le paludisme et le VIH/SIDA. Pour étendre la couverture des interventions de prévention du paludisme, il est nécessaire de renforcer la distribution des moustiquaires imprégnées aux femmes enceintes et aux enfants à travers les services de santé de base (CSREF, CSCOM), d’appuyer des campagnes périodiques de distribution des 6 HNP CSR Mali – Implications Politiques moustiquaires imprégnées des femmes enceintes et des enfants à l’image la campagne intégrée de 2007 et d’appuyer les efforts pour étendre la couverture du traitement préventif intermittent du paludisme parmi les femmes enceintes. Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer les campagnes de communication pour des changements de comportements en matière de protection contre le VIH/SIDA, de renforcer l’intégration des interventions de VIH/SIDA et de santé de la reproduction, et appuyer la décentralisation des interventions de VIH/SIDA au niveau des CSREF et des CSCOM pour étendre les opportunités de bénéficier de services de conseils et de tests volontaires aux populations rurales et aux segments les plus pauvres de la population.  Mettre en place un environnement incitatif pour soutenir les interventions de santé à haut impact. Le renforcement des interventions de santé à haut impact devrait être soutenu par des adaptations des mécanismes de financement en instaurant des contrats et des mécanismes de financement basé sur les performances pour renforcer les mesures incitatives pour motiver les Associations de Santé Communautaire (ASACO), les prestataires des CSREF et des CSCOM et les agents de santé communautaire. Par ailleurs, des mesures spécifiques devraient être prises pour renforcer les caisses de solidarité pour la prise en charge des références au niveau de l’ensemble des cercles et pour mettre en place des mécanismes de voucher pour réduire les contraintes liées au transport entre le niveau village et le CSCOM pour les femmes enceintes et le nouveau-né malade. Gouvernance dans le Système de Santé Depuis l’indépendance du Mali, la gouvernance dans le secteur de la santé s’est adaptée pour faire face aux problèmes et priorités de santé sous l’influence des changements de l’environnement économique et politique interne, des stratégies sanitaires au niveau international et régional, et des modalités d’intervention étrangère dans la santé. Au cours des premières décennies d’indépendance, la gouvernance du système de santé est marquée par le centralisme étatique sous l’idéologie socialiste dominante et l’exclusion de l’initiative privée dans la santé. Les changements économiques et politiques des années 80s et 90s, cependant, ont favorisé l’éclosion du secteur privé et l’émergence d’une gouvernance décentralisée du système de santé fondée sur le partenariat entre l’Etat et les communautés. L’avènement des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté et des initiatives globales de santé sont venus renforcer l’alignement des interventions sanitaires aux objectifs du millénaire pour le développement, le niveau de priorité de la santé dans les interventions gouvernementales, l’aide extérieure, et l’émergence d’une culture de gestion axée sur les résultats dans le secteur de la santé. Les orientations politiques actuelles du Mali basées sur l’élargissement des acteurs et des instruments de politique dans la santé à travers la dévolution de la santé aux collectivités territoriales, l’émergence des organismes d’assurance maladie, et la contractualisation marquent, cependant, le début d’une transition dans la gouvernance dans le secteur de la santé. La gouvernance du secteur de la santé est marquée par le renforcement de la déconcentration de l’administration sanitaire depuis les années 90s. La planification dans le secteur de la santé est faite du bas de la pyramide sanitaire vers le sommet, mais l’articulation avec les plans de développement des collectivités territoriales et le cadre de dépenses à moyen terme devrait être 7 HNP CSR Mali – Implications Politiques renforcée. L’adaptation d’une approche sectorielle dans le secteur s’est traduite par des efforts pour mettre en place de cadres inclusifs de pilotage des interventions sanitaires à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. La gestion financière dans le secteur public de santé s’est inscrite dans le cadre plus large des efforts de modernisation de la gestion des finances publiques. La gestion des finances publiques dans le secteur de la santé, cependant, est assez complexe en raison des spécificités institutionnelles du secteur et de la multiplicité des partenaires techniques et financiers. Malgré cette complexité, des améliorations sont notées dans la gestion des finances publiques dans le secteur de la santé, mais celle-ci reste toujours centralisée. Les cadres de pilotage des interventions sanitaires sont soutenus par un système d’information consistant mais dont la régularité des rapports, l’analyse aux différents niveaux et l’inclusion des secteurs privés devraient être renforcées. Les changements dans la gouvernance du secteur de la santé depuis les années 90s ont facilité une plus grande implication des citoyens dans la gestion des organisations de prestation de soins. La gouvernance dans le sous-secteur hospitalier s’est inscrite dans une dynamique d’autonomisation progressive des hôpitaux publics. Suite à la réforme hospitalière de 2002, un cadre institutionnel a été mis en place pour promouvoir un processus gestionnaire axé sur la réponse aux attentes des citoyens et des patients, la responsabilisation des professionnels de santé dans l’amélioration de la qualité et la maîtrise des coûts des services, l’obligation de résultats et l’imputabilité. Même si des progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre de la réforme hospitalière, beaucoup d’efforts restent à faire pour que les établissements publics hospitaliers remplissent pleinement leur rôle dans le système de santé. Au niveau des services de santé de base, un cadre de gouvernance décentralisée typique au Mali s’est développé sous la forme d’un partenariat état-communauté initié avec l’adoption de la politique de santé et de population de 1990. Les arrangements institutionnels du partenariat état- communauté sont caractérisés par l’émergence de l’association de santé communautaire (ASACO), une entité privée de la société civile, qui est devenue un des principaux véhicules de la participation communautaire dans la santé. Le partenariat état-communauté est soutenu par une convention d’assistance mutuelle passée entre le Ministère de la Santé et les ASACO qui sert non seulement de conduite de subventions contingentes de l’Etat vers les communautés pour la prise en charge des coûts d’investissement et une partie des charges récurrentes des centres de santé communautaires, mais aussi d’instrument de coordination des interventions de l’Etat et des initiatives communautaires dans la santé. Les structures d’incitation associées au partenariat état- communauté ont favorisé l’extension de la couverture géographique des services de santé dans le pays. Le partenariat état-communauté est, cependant, à la croisée des chemins avec le transfert de compétences en matière de santé aux collectivités territoriales qui offre des opportunités importantes pour le renforcement de la gouvernance et le développement sanitaires. Recommandations. Dans le cadre des efforts pour améliorer la gouvernance dans le secteur de la santé, il est recommandé de :  Renforcer le partenariat dans la santé. Le partenariat dans la santé devrait être renforcé autour de trois axes pour soutenir la mobilisation des ressources et une meilleure utilisation des ressources sanitaires. Le Mali devra renforcer l’approche sectorielle et la coordination avec les partenaires techniques et financiers sur la base du Compact signé avec la 8 HNP CSR Mali – Implications Politiques communauté internationale dans le cadre du Partenariat International pour la Santé. Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place des partenariats effectifs entre le Ministère de la Santé, les collectivités territoriales et les ASACO pour coordonner les interventions sanitaires, pour soutenir l’amélioration de la qualité des services de santé de base, et accroitre la couverture des interventions sanitaires à haut impact dans le contexte de la décentralisation. Enfin, il faudra assurer une plus grande implication des acteurs du secteur privé à but lucratif dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques sanitaires et les instances de suivi et de coordination des interventions sanitaires.  Renforcer les systèmes d’information, de planification et d’allocation des ressources dans la santé. Il est nécessaire de renforcer l’articulation des plans sanitaires et des Plans de Développement Social, Economique et Culturel (PDSEC) des collectivités territoriales, l’articulation entre les plans sanitaires annuels, le cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) et l’élaboration du budget annuel du Ministère de la Santé, et le processus d’élaboration et de révision et les rapports de performance du CDMT pour soutenir l’efficacité des dépenses publiques. Il est nécessaire de renforcer les systèmes d’information sanitaire en levant les goulots d’étranglement liés au retard à la transmission des données, l’insuffisance dans l’analyse des données à tous les niveaux, la prise en compte des données des structures privées, et la rétro information. Il faudra renforcer le suivi des dépenses publiques dans le secteur de la santé pour s’assurer que les allocations budgétaires arrivent aux services destinataires. Enfin, des enquêtes de satisfaction des clients des services de santé devraient être menées régulièrement pour intégrer les préférences des maliens dans la gestion des services de santé.  Renforcer la responsabilisation des prestataires et la culture du rendre compte dans la santé. Le Mali devrait mettre à profit l’autonomie des organisations de prestation de soins du secteur public hospitalier, du secteur privé communautaire, et du secteur privé à but lucratif et l’émergence de nouveaux agents de financement dans la santé (collectivités territoriales et organismes d’assurance maladie) pour promouvoir une culture du rendre compte dans le secteur de la santé. La contractualisation basée sur les performances devrait être généralisée au niveau du système de prestation de soins. Dans cette perspective, des efforts seront nécessaires pour aligner les incitations associées aux relations contractuelles entre le Ministère de la Santé, les collectivités territoriales et les organismes d’assurance maladie émergents d’une part et les organisations de prestation de soins d’autre part. Les recommandations plus-haut pour mettre en place un environnement incitatif pour soutenir les interventions de santé à haut impact s’inscrivent dans cette perspective. Disponibilité et Accessibilité des Services de Santé Face aux besoins sanitaires, les Maliens font face à une diversité de sources d’offre de soins. Parmi celles-ci, les établissements publics hospitaliers, les centres de santé de référence et les centres de santé communautaire du secteur privé à but-non lucratif constituent jusqu’ici les principaux véhicules des interventions étatiques dans la santé. Un secteur privé moderne, dont la dynamique repose essentiellement sur l’initiative privée et le pouvoir d’achat dans les centres urbains, est entrain de se développer mais son potentiel n’est pas encore mis à profit pour 9 HNP CSR Mali – Implications Politiques contribuer aux objectifs de santé publique en général, l’extension de la couverture des interventions essentielles de santé en particulier. Enfin, le secteur traditionnel, qui reste une source importante de soins, est en cours de structuration. Les centres de santé de référence et les centres de santé communautaire du secteur privé à but- non lucratif, et les stratégies avancées et mobiles et les interventions communautaires qu’ils appuient, restent jusqu’ici les piliers de l’extension de la couverture des interventions essentielles de santé. Grace à la coordination des efforts de l’Etat, des collectivités territoriales et des communautés, l’accessibilité géographique des services de santé s’est significativement améliorée : la proportion de la population à moins de 5 km du paquet minimum d’activités est passée de 3% en 1993 à 46% en 2003, pour atteindre 58% en 2007. Mali – Evolution de l’accessibilité géographique du Paquet Minimum d’Activités entre 2000 et 2007 : Pourcentage (%) de la population à moins de 5 km 2000 2007 100 80 60 40 20 0 Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Tombouctou Gao Kidal Bamako Ensemble Sources : Annuaires Statistiques (SLIS) En dépit des efforts qui ont été déployés dans le pays pour améliorer l’accessibilité géographique des services de santé au cours des deux dernières décennies, les niveaux de consultation curative primaire ont faiblement progressé sur l’ensemble du pays au cours des dix dernières années : de 0.20 visite par tête par an en 1996, le nombre de visites par tête par an n’a atteint que 0.29 en 2007, ce qui est très en dessous des normes de l’OMS de 1 visite par tête par an. Ainsi, pour rentabiliser les efforts investis pour améliorer l’accessibilité géographique, le Mali devra engager des efforts additionnels pour améliorer la disponibilité et la composition de personnel de santé qualifié dans les régions du pays en dehors de Bamako : en effet, il sera difficile d’étendre la couverture des services de santé de la reproduction, par exemple, sans des efforts conséquents pour accroitre la disponibilité des sages-femmes ou des infirmières dans les régions intérieures. Par ailleurs, plus de la moitié des femmes maliennes continuent d’identifier les barrières financières comme la première contrainte pour accéder aux soins : par conséquent, des efforts 10 HNP CSR Mali – Implications Politiques soutenus sont nécessaires pour améliorer l’accessibilité financière aux soins de santé dans le pays. Recommandations. Dans le cadre des efforts pour améliorer la disponibilité et l’accessibilité des services dans le secteur de la santé, il est recommandé de :  Accroitre l’accessibilité des services de santé sur la base du partenariat entre le Ministère de la Santé et les collectivités territoriales. Le partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales devrait être renforcé pour soutenir l’amélioration de l’accessibilité géographique et l’équipement des services de santé de base. Des stratégies plus adaptées d’extension de l’accessibilité géographique, telles que les stratégies mobiles, sont nécessaires dans les régions de Kidal, Tombouctou, Kayes et Mopti. Des efforts additionnels devraient être engagés pour améliorer la disponibilité et la composition de personnel de santé qualifié dans les régions du pays en dehors de Bamako à travers la médicalisation des CSOCM et l’accroissement de la disponibilité des sages-femmes ou des infirmières dans les régions intérieures.  Renforcer la contribution du secteur privé dans l’amélioration de l’accessibilité des services. L'articulation entre le secteur public et le secteur privé devrait être améliorée pour renforcer la contribution du secteur privé à la réalisation des objectifs de santé publique. Dans ce cadre, la réglementation des catégories d'établissements privés médicaux et paramédicaux devrait être révisée et renforcée, y incluse la participation du secteur privé au service public hospitalier. Des mesures incitatives (accès au financement bancaire, garantie, exonérations fiscales ciblées, contrats et financement basés sur les performances) devraient être mises en place pour motiver l’installation des acteurs du secteur privé dans les zones faiblement couvertes. Ressources Humaines A court terme (horizon de 5 ans), le Mali n’a pas de réel problème de disponibilité de ressources humaines en santé, sauf pour les sages-femmes. Les effectifs des autres catégories (médecins et infirmières) sont déjà largement au-dessus des recommandations minimales de l’OMS. Les écoles produisent déjà un grand nombre de personnel, souvent beaucoup plus que n’en recrute la fonction publique. La capacité de production en personnel de santé n’est donc clairement pas un goulot d’étranglement. Pour autant, le recrutement de nouveaux fonctionnaires n’est pas forcement la solution dans la mesure où la plupart des personnels recrutées sont venus s’installer (légalement ou non) sur Bamako ou dans les grandes villes. Au total, l’augmentation des effectifs n’a pas bénéficié au secteur rural, c’est-a-dire a la majorité de la population. Le principal problème des ressources humaines au Mali est en effet très clairement celui de la répartition géographique des personnels de santé. Certes, à la différence d’autres pays, le pays est parvenu à limiter l’ampleur du problème pour les médecins, notamment grâce au programme de médicalisation des zones rurales. En revanche, la situation est devenue critique concernant les sages-femmes, dont le rôle est pourtant essentiel dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale. 11 HNP CSR Mali – Implications Politiques Mali : Nombre d’habitants par personnel de santé par région en 2007 Médecins Sages-femmes Infirmiers/Assistants Médicaux 70,000 60,000 50,000 40,000 30,000 20,000 10,000 0 Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Tombouctou Gao Kidal Bamako Ensemble Normes OMS Source : Ministère de la Sante et BTC Mali, 2009. L’Approche Sectorielle dans le Domaine de la Sante au Mali. Décembre. La faible performance des ressources humaines dans tous les secteurs (public, communautaire, privé) est un problème majeur. Elle prend plusieurs formes : faible compétence des agents, impolitesse avec les patients et absentéisme. Cette performance défaillante des RHS peut s’expliquer à la fois par des lacunes dans les formations dispensées (tant initiale que continue) mais aussi par la faible motivation des agents. Le système de fonction publique, couplé à un système de prime peu incitatif et à une faible décentralisation de la GRH, expliquent pour une large part la démotivation du personnel. Recommandations. Dans le cadre des efforts pour améliorer la disponibilité, la qualité, la motivation et la répartition des ressources humaines dans le secteur de la santé, il est recommandé de :  Mettre en œuvre des politiques pour attirer et fidéliser les personnels en zone rurale. Plusieurs stratégies sont possibles ici (et ne sont pas exclusives les unes des autres). o Un premier type de stratégie consiste à attirer les personnels urbains dans les zones rurales. Cette politique est la plus fréquente, mais c’est aussi la plus coûteuse (exemple de la Zambie) et pas forcément la plus efficace (exemple du Niger). Elle est toutefois à envisager au Mali, étant donné le grand nombre de personnels (notamment les médecins) sous-employés au Bamako. Ces personnels constituent une réserve précieuse de jeunes professionnels, qui pourraient facilement être incités à s’installer en zone rurale. Elle peut être mise en œuvre de trois façons :  La première méthode est de réaliser des recrutements sur postes (fonctionnaires ou non). Mais cela suppose impérativement une décentralisation de la GRH. Etant donné que les personnels de santé maliens ne respectent pas forcement l’affectation qui leur a été donnée, il est essentiel que leur rémunération soit validée au niveau local (i.e. par ceux qui les 12 HNP CSR Mali – Implications Politiques supervisent au quotidien). Sinon, les recrutements sur postes seront détournés de leur objet.  Une seconde méthode est d’attribuer des primes d’éloignement. La prime actuellement (5,000 FCFA) est très faible et donc sans effet. L’étude DCE en cours permettra d’estimer les montants nécessaires.  La troisième méthode est déjà utilisée : il s’agit du subventionnement de l’exercice privé en milieu rural. C’est la méthode employé dans le programme de médicalisation des zones rurales. Ce programme mériterait d’être soutenu (y compris financièrement) par le Gouvernement. o La seconde stratégie consiste à s’appuyer sur les personnels déjà (ou bientôt) en zone rurale. On sait en effet que les personnes ayant passé leur enfance en zone rurale y reviennent (ou y restent) plus facilement. La aussi, plusieurs méthodes sont possibles :  Une méthode possible est de créer un plus grand nombre d’écoles en dehors de Bamako. L’exemple très réussi de l’école de Gao devrait être répliqué dans d’autres régions.  Le statut des personnels déjà en zone rurale devrait être amélioré. En particulier, les infirmières travaillant en CSCom devraient bénéficier d’avantages supplémentaires, étant donné leur contribution majeure aux besoins de santé.  Une catégorie spécifique de personnels recrutés en zone rural pourrait être créée. Le modèle des Health Extension Workers en Ethiopie a démontré son potentiel. A la différence des agents communautaires, ces personnes bénéficient d’une formation longue et de qualité. De plus, elles sont sous contrat avec l’Etat. Enfin, comme elles sont recrutées dans les communautés locales, ils y restent généralement.  Les compétences des personnels de santé déjà en zone rurale pourraient être renforcées. Par exemple, sur le modèle nigérien, les médecins généralistes pourraient se voir offrir une formation (environ 1 an) en chirurgie de district. Cela éviterait d’avoir recours à des gynécologues- obstétriciens, dont fort peu accepteront de s’installer en zone rurale.  Renforcer la formation des sages-femmes et améliorer la qualité de la formation de toutes les catégories. Aujourd’hui, sauf pour les sages-femmes, la priorité en matière de formation est bien plus la qualité que la quantité. Cela suppose notamment de (i) réguler le développement anarchique des écoles privées de formation de paramédicaux, (ii) recruter des enseignants supplémentaires, y compris venant du privé. A ce sujet, l’expérience du Malawi est à retenir. Plutôt que de recruter directement des enseignants, ce pays a préféré subventionner chaque école en fonction du nombre d’étudiants. Les écoles ont alors majoritairement utilisé ces fonds pour recruter du personnel enseignant et donc pour accroitre la qualité de leur enseignement (et le nombre de leurs étudiants). En ce qui concerne les recrutements, il est important de reprendre le message précédent : aucun recrutement dans le secteur public ne devrait avoir lieu sans s’assurer que les personnes recrutées vont effectivement répondre à des besoins de santé. Bamako est déjà saturé par les personnels sous-employés et peu productifs. 13 HNP CSR Mali – Implications Politiques  Améliorer la motivation du personnel de santé. Pour accroitre la productivité du personnel de santé, des systèmes de primes de performance devraient être instaurés pour le personnel de santé dans le cadre des contrats de performance. Pour autant, l’attribution de primes à la performance ne pourra suffire. Il est nécessaire aussi de donner plus d’autonomie de gestion aux établissements publics, notamment en matière de GRH. Par exemple, si le règlement de la paie du salaire et les recrutements peuvent continuer à être centralisés ou éventuellement régionalisés (pour des raisons de qualité), les procédures de contrôle de la paie, d’affectation et de promotion devraient être mieux contrôlées par les responsables d’établissements. Secteur Pharmaceutique De nombreux progrès ont été accomplis dans le secteur pharmaceutique au Mali, notamment au niveau de la mise en place d’un nouveau cadre institutionnel et de différents instruments indispensables à la réalisation des missions d’une Autorité Nationale de Réglementation. Il s’agit, d’une part de la mise en place de la Direction de la Pharmacie et du Médicament, de l’Inspection de la Santé, du Laboratoire Nationale de la Santé et de la Pharmacie Populaire du Mali ; et d’autre part, du financement des médicaments essentiels par le gouvernement et ses partenaires au développement, et la disponibilité au niveau national et régional de la plupart des médicaments et produits essentiels pour la prévention et le traitement des maladies. Malgré ces efforts, le système de santé au Mali continue à enregistrer, surtout dans les structures de santé de la zone rurale, des défis dans la gestion des médicaments essentiels génériques (MEGs) qui peuvent, compromettre l’atteinte des objectifs de la Politique Pharmaceutique Nationale. Les problèmes récurrents enregistrés sont relatifs à la disponibilité régulière à temps opportun des MEGs dans les zones rurale qui est étroitement liée à l’efficacité des systèmes de distribution du niveau régional vers le niveau local et de gestion des stocks dans les structures décentralisées du système de santé ; à l’insuffisance du dispositif réglementaire et technique permettant d’assurer la qualité des médicaments ; et à la charge excessive que représente les médicaments dans les dépenses de santé des ménages. La complexité des différents sous- systèmes, la faiblesse des activités de supervision technique à tous les niveaux, la multiplicité des schémas d’approvisionnement et de distribution des produits des campagnes et programmes spéciaux, expliquent, pour une bonne part, les déficiences du système pharmaceutique national. La politique pharmaceutique est un instrument essentiel dans la lutte contre la pauvreté, en particulier dans ses aspects relatifs à l’approvisionnement, à la fixation des prix des produits, ainsi qu’à la prescription et utilisation rationnelles des médicaments. En effet, les produits pharmaceutiques pèsent plus que toutes les autres dépenses de santé sur les budgets des familles et représentent à eux seuls la moitié de l’obstacle au recours aux soins. Recommandations. Dans le cadre des efforts pour améliorer la disponibilité, la qualité, l’abordabilité des médicaments, il est recommandé de :  Renforcer la règlementation du secteur pharmaceutique. Il s’agit de pérenniser le dispositif renforcé et compléter ses prérogatives, notamment dans le domaine du contrôle des 14 HNP CSR Mali – Implications Politiques essais cliniques. Il faudra aussi réviser certains textes qui concernent les professions libérales et renforcer l’application des textes relatifs au contrôle de la promotion et de la publicité sur les médicaments et à la pharmacovigilance. Pour renforcer l’assurance qualité et le contrôle de qualité, il est nécessaire d’adopter les actes règlementaires qui permettent l’application des procédures d’assurance qualité et de contrôle de qualité validées techniquement, ce qui leur donnerait un fondement juridique. Pour renforcer la coordination, il faudrait mettre en place un cadre formel de coordination entre d’une part les services responsables de la mis e en œuvre des fonctions règlementaires ; notamment la Direction de la Pharmacie et du Médicament, l’Inspection de la Santé, le Laboratoire National des Santé et la Pharmacie Populaire du Mali; et d’autre part les institutions de formation et de recherche qui ont pour objectif commun l’amélioration des performances et la meilleure maitrise du secteur. Enfin, il faudrait adapter le curriculum de formation initiale aux nouvelles orientations du secteur santé et mettre en place un programme de formations postuniversitaires et continues, surtout à l’endroit des pharmaciens du secteur privé.  Renforcer le système d’approvisionnement, de stockage et de distribution des produits pharmaceutiques. Il est nécessaire de renforcer l’autonomie financière de la Pharmacie Populaire du Mali par le paiement en temps opportun des factures dues par le trésor public dans le cadre de la gratuité de certains traitements et la mise en place d’un mécanisme coordonné de financement des achats des médicaments des programmes prioritaires. Ceci va diminuer la réticence des fournisseurs de la Pharmacie Populaire du Mali à soumissionner à ses appels d’offres et éviter les ruptures récurrentes de stocks des médicaments essentiels. Les partenaires au développement devraient aussi appuyer le pays à la mise en place de procédures harmonisées pour un approvisionnement coordonné des médicaments.  Rationnaliser l’usage des médicaments. Il est nécessaire d’appliquer les recommandations des différentes études sur les prix des médicaments essentiels et renforcer la règlementation des prix, pour amoindrir les effets de la stratégie de liberté des prix adoptée par l’Etat et assurer une meilleure accessibilité financière des médicaments par les couches les moins nanties de la population. Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer les mesures visant à améliorer la prescription rationnelle des médicaments par les professionnels et leur utilisation rationnelle par les consommateurs, notamment le contrôle de la promotion et de la publicité, la mise en place de dispositifs de gestion des conflits d’intérêt, l’expansion et la régularité des initiatives d’éducation du public, et la lutte sans merci contre les facteurs limitant dans le marché illicite du médicament. Financement de la Santé Les niveaux et les sources de financement de la santé au Mali et leur combinaison ont beaucoup changé au cours de la dernière décennie en raison de l’amélioration de l’environnement macroéconomique et de la priorité croissante accordée à la santé. L’économie malienne a repris avec la croissance depuis les années 90s, cependant, les performances économiques sont toujours dépendantes du poids de l’agriculture et des fluctuations pluviométriques. Les dépenses de l’Etat ont significativement augmenté au cours des dernières années en raison de la croissance des ressources fiscales et des initiatives d’allégement de la dette. 15 HNP CSR Mali – Implications Politiques Les dépenses publiques de santé et l’assistance étrangère dans la santé ont beaucoup augmenté au cours des dernières années, mais les ménages maliens restent la première source de financement de la santé. Les dépenses totales de santé ont fortement augmenté de moins de US$ 20 par tête avant 2000 pour atteindre US$34 par tête en 2007 ; elles ont continué à fluctuer autour de 5,6% du PIB au cours de la dernière décennie. Les dépenses publiques de santé ont plus que doublé entre 2000 et 2007, démontrant la priorité accordée aux secteurs sociaux dans le cadre de la lutte contre la pauvreté ; par ailleurs, les collectivités territoriales ont émergé en tant que source, mais surtout en tant qu’agent de financement de la santé en conséquence des réformes de décentralisation. De 6,4% des dépenses totales de l’Etat en 2002, la part des dépenses publiques de santé s’est accrue pour atteindre 8,7% en 2006 ; jusqu’en 2008, cependant, le Mali était toujours loin d’atteindre la cible de 15% des engagements d’Abuja. De 1,4% en 2002, le ratio des dépenses publiques de santé sur le PIB avoisine 2% depuis 2006. L’assistance étrangère dans le secteur la santé a plus que triplé au cours de la dernière décennie pour atteindre 20% des dépenses totales de santé en 2007, mais elle a connu des fluctuations interannuelles importantes au cours des dernières années. Malgré l’augmentation significative des dépenses publiques et de l’aide étrangère dans la santé au cours de la décennie, les sources privées, principalement les dépenses directes des ménages, contribuent à environ 50% des dépenses totales de santé et restent la première source de financement du secteur de la santé. Mali : Evolution des dépenses totales de santé (en Milliards de FCFA) selon les sources de financement Publiques Privees Exterieures 175.0 150.0 125.0 100.0 75.0 50.0 25.0 0.0 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Sources : Ministère de la Santé, 2006. «Les Comptes Nationaux de la Santé du Mali : 1999-2005 ». Juillet. Des efforts sont nécessaires dans le cadre de l’allocation des ressources publiques pour appuyer la disponibilité des ressources humaines, l’amélioration de la qualité des services de santé de base et l’amélioration de l’accessibilité financière des services de santé. Les mécanismes d’allocation des dépenses publiques de santé du Mali restent dominés par des mécanismes de financement de l’offre et des intrants. L’allocation des dépenses publiques au cours des dernières années a plus soutenu l’amélioration de l’accessibilité géographique des services de santé de base et les établissements hospitaliers. A l’image des problèmes de gestion des ressources humaines dans le secteur de la santé, les dépenses en personnel ont stagné au cours des dernières 16 HNP CSR Mali – Implications Politiques années par rapport aux autres catégories économiques des dépenses publiques de santé. En effet, une part grandissante des ressources de l’assistance extérieure de la santé continue à être gérée par les partenaires techniques et financiers et est consacrée essentiellement au financement des activités de prévention et des investissements. Les dépenses de santé des ménages quant à elles sont associées aux soins curatifs en général, à l’achat de médicaments hors des formations sanitaires en particulier. Les prévisions du PRODESS II Prolongé (2009-2011), cependant, suggèrent une réorientation majeure pour renforcer l’amélioration de la qualité des services de santé de base et l’amélioration de l’accessibilité financière des services de santé. Ces orientations viennent soutenir le mouvement de déconcentration des dépenses publiques de santé vers les régions et les districts sanitaires enclenché depuis 2006. Plusieurs chantiers de réformes et d’initiatives de politique ayant des implications importantes sur le financement de la santé dans les prochaines années sont en cours au Mali. Premièrement, en raison des réformes de décentralisation administrative et politique en cours dans le pays, le secteur public de la santé a désormais une structure verticale où les priorités en matière de santé sont définies et les décisions d’allocation des ressources sont prises à plusieurs niveaux dont l’Etat et les collectivités territoriales (régions, cercles et communes). Ce nouvel environnent institutionnel ouvre des opportunités pour accroître la mobilisation et améliorer l’utilisation des ressources dans le secteur de la santé. Deuxièmement, plusieurs initiatives de gratuité et de subventionnement ont été lancées au cours des dernières années : la distribution gratuite de médicaments et consommables semble avoir eu un impact positif, en particulier en termes d’immunisation et de réduction des infections au VIH. Enfin, un cadre de politique d’extension de l’assurance maladie, sous forme de triptyque, est en cours de mise en place : (i) Il est prévu de mettre en place un régime d’assurance maladie obligatoire qui va couvrir les employés du secteur formel et leurs ayants-droits, soit environ 16% de la population du pays. (ii) Un régime non- contributif d’assistance médicale est entrain d’être mis en place au bénéfice des indigents et des plus démunis à hauteur de 5% de la population. (iii) Un nouveau cadre stratégique pour étendre l’assurance maladie à la majorité de la population employée dans les secteurs informe ls et ruraux, sur la base d’un partenariat Etat-communauté et la mutualité, a été élaboré. Recommandations. Dans le cadre des efforts pour améliorer le financement de la santé, il est recommandé de :  Renforcer la gestion stratégique du secteur de la santé. Le Mali devra renforcer la base d’informations financières pour soutenir la gestion stratégique dans le secteur de la santé. Il est nécessaire de remettre à jour régulièrement les comptes nationaux de la santé et de produire régulièrement des revues des dépenses publiques de santé pour appuyer l’analyse de l’efficience des dépenses publiques de santé. Il est nécessaire de renforcer les capacités de suivi des dépenses publiques à travers des enquêtes régulières de suivi des dépenses publiques dans le secteur de la santé. Par ailleurs, il est nécessaire de réaliser périodiquement des études sur l’incidence des bénéfices des dépenses publiques pour apprécier l’équité des dépenses publiques dans le secteur de la santé. Cette base d’informations élargie devrait soutenir les débats de politique pour développer un cadre compréhensif du financement de la santé pour soutenir la combinaison stratégique des mécanismes de financement existants ou en cours de mise en place pour faire face aux besoins sanitaires importants du pays. 17 HNP CSR Mali – Implications Politiques  Accroitre la mobilisation des ressources dans le secteur de la santé. Le Mali devrait renforcer le prépaiement dans le secteur de la santé. Dans cette perspective, le pays devrait accroitre la part des dépenses publiques de santé dans les dépenses de l’Etat pour atteindre la cible de 15% des engagements d’Abuja à l’horizon 2015. Par ailleurs, le Mali devrait saisir les opportunités offertes par le Compact signé avec la communauté internationale dans le cadre du Partenariat International pour la Santé pour renforcer la prédictibilité de l’assistance étrangère dans le secteur. Enfin, le Mali devrait renforcer les efforts de mutualisation du risque maladie afin de recycler une part de plus en plus importante des dépenses privées des ménages, qui vont sans nul doute continuer de s’accroitre dans le secteur, à travers des mécanismes de prépaiement dont les mutuelles de santé et le régime d’assurance maladie obligatoire.  Améliorer l’efficience de l’allocation des dépenses de santé. Il est nécessaire d’engager des efforts pour améliorer l’allocation des dépenses publiques de santé. En effet, les mécanismes d’allocation des dépenses publiques de santé restent dominés par des mécanismes de financement basés sur les intrants et sont biaisées en faveur des infrastructures et des établissements hospitaliers au détriment des dépenses de personnel et des services de santé de base. Il est nécessaire d’accroitre les dépenses de personnel pour faire face aux défis de la qualité, de la motivation et de la répartition des ressources humaines dans le secteur discutés plus haut. Il est nécessaire de renforcer les transferts des pouvoirs et des ressources aux collectivités territoriales pour améliorer l’efficacité des dépenses publiques de santé et la fourniture des services de santé de base. Il est suggéré de renforcer l’amélioration de la qualité et l’accessibilité financière des services de santé en mettant l’accent sur le financement des services de santé de base (centres de santé de référence, centres de santé communautaire, prestataires privés) à travers des mécanismes de financement basé sur les performances pour soutenir l’amélioration de la qualité des services et la couverture des interventions sanitaires à haut impact.  Améliorer la protection financière des ménages et l’équité dans la santé. Enfin, il faudra faire face aux défis d’équité d’accès et dans le financement de la santé qui pourraient être exacerbés par la mise en œuvre des régimes d’assurance maladie obligatoire et d’assistance maladie au cours des prochaines années. A l’instar des pays à faibles revenus qui ont étendu la couverture de l’assurance maladie aux secteurs informels et ruraux et aux pauvres, le Mali devrait bâtir sur des mécanismes de subvention par l’Etat et ses expériences mutualistes pour étendre la couverture de l’assurance maladie à la majorité de la population employée dans les secteurs informels et ruraux. Dans cette perspective, les multiples initiatives de subvention et de gratuités devraient être progressivement recyclées à travers ces mécanismes d’assurance maladie subventionnée en renforçant le ciblage des pauvres. 18