No. 0233 Social Protection Discussion Paper Series L'importance de l'opinion publique: Un cadre conceptuel de prise en compte de l'économie politique dans les politiques de filets de protection et d'aide sociale Carol Graham Décembre 2002 Social Protection Unit Human Development Network The World Bank Social Protection Discussion Papers are not formal publications of the World Bank. They present preliminary and unpolished results of analysis that are circulated to encourage discussion and comment; citation and the use of such a paper should take account of its provisional character. The findings, interpretations, and conclusions expressed in this paper are entirely those of the author(s) and should not be attributed in any manner to the World Bank, to its affiliated organizations or to members of its Board of Executive Directors or the countries they represent. 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Pour obtenir des exemplaires gratuits de cette publication, prière de contacter le Service Consultatif de protection sociale de la Banque mondiale, 1818 H Street, NW., MSN G8-802, Washington D.C. 20433, Etats Unis. Téléphone : (202) 458.5267, Télécopie : (202) 614- 0471, E-mail : socialprotection@worldbank.org. Ou visitez le site internet du département de la protection sociale : http://www.worldbank.org/sp. Série d'introduction aux filets sociaux de sécurité L'introduction aux filets sociaux de sécurité de la Banque mondiale a pour but de fournir une ressource pratique aux personnes impliquées dans le concept et la mise en oeuvre de programmes de filets sociaux de sécurité dans le monde. Les lecteurs y trouveront des informations sur les meilleures pratiques pour un éventail d'interventions, de contextes par pays, de thèmes et de groupes ciblés, mais aussi la philosophie actuelle des spécialistes et des praticiens sur le rôle des filets sociaux de sécurité dans le cadre de l'agenda plus large du développement. Les notes d'introduction ont pour but de refléter un standard élevé de qualité aussi bien qu'un degré de consensus au sein de l'équipe Banque mondiale des filets de protection et avec les praticiens généralistes sur les meilleures pratiques et les meilleures politiques. Les sujets d'introduction sont initialement révisés par un comité d'organisation composé de spécialistes de la Banque mondiale et de spécialistes externes, et les notes préparatoires sont soumises à l'examen des pairs pour un contrôle de qualité. Cependant le format de cette série est assez flexible de manière à refléter les développements importants dans ce domaine d'une manière opportune. La série d'introduction apporte sa contribution aux matériaux d'enseignement couverts lors du cours sur les Filets sociaux de sécurité offert à Washington DC aussi bien que lors de divers autres cours sponsorisés par la Banque. L'introduction aux Filets sociaux de sécurité et le cours annuel sont soutenus conjointement par l'Unité de la Protection Sociale du Réseau de Développement Humain et par l`Institut de la Banque mondiale. L'Institut de la Banque mondiale offre aussi des cours régionaux sur mesure par correspondance de façon régulière. Pour plus d'information sur la note relative aux séries d'introduction et sur les notes concernant d'autres sujets de couverture sociale, veuillez contacter le Service Consultatif de Protection Sociale; téléphone (202) 458-5267; fax (202) 614-0471; email: socialprotection@worldbank.org. Des copies des notes reliées aux filets de protection, y compris la série d'introduction aux filets de protection sociale, sont disponibles électroniquement à http://www.worldbank.org/safetynets. Le site web comprend aussi des versions traduites de ces notes, dès que celles-ci sont disponibles. Un plan ambitieux de traduction est en cours de réalisation (particulièrement pour l'espagnol et le français, et certains en russe). Pour plus d'information sur les cours de l'Institut de la Banque mondiale relatifs aux filets sociaux de sécurité, veuillez visiter le site web http://www.worldbank.org/wbi/socialsafetynets. Notes Récentes et en Voie de Publication, Série : Introduction aux filets sociaux de sécurité, à la date d'Août 20021 Thème Auteur Program Interventions Cash transfers Tabor Food related programs Rogers and Coates Price and tax subsidies Alderman Fee waivers in health Bitran and Giedion Fee waivers in housing Katsura and Romanik Public works Subbarao Micro credit and informal insurance Sharma and Morduch Cross-cutting Issues Overview Grosh, Blomquist and Ouerghi Institutions de Neubourg Targeting Coady, Grosh and Hoddinott Evaluation Blomquist Political Economy Graham Gender Ezemenari, Chaudhury and Owens Community Based Targeting Conning and Kevane Country Setting/Target Group Very Low Income Countries Smith and Subbarao Transition Economies Fox Non-contributory pensio ns Grosh and Schwarz 1. Papers may be added or deleted from the series from time to time. Résumé La politique économique influence la conception, la mise en application et le produit des programmes de filets de protection et des autres programmes d'assurance sociale, mais il n'y a pas de consensus général parmi les décideurs politiques sur la manière de prendre en compte les interêts de l'économie politique dans les décisions de politique. Cet article essaie de fournir un cadre conceptuel pour cette prise en compte, avec une concentration sur l'établissement de systèmes permanents d'aide sociale et d'assurance sociale. Ce cadre essaie d'incorporer les attitudes politiques relatives à la redistribution et à l'égalité des chances par rapport à l'égalité des résultats, attitudes qui varient grandement entre les pays et les régions. Cet article discute les instruments disponibles pour les décideurs politiques, pour que ces derniers évaluent leurs propres contextes politiques, aussi bien que les stratégies d'introduction des nouvelles approches des filets de protection et d'une politique de bien-être social au vu d'attitudes politiques ancrées. Table des matières L'importance de l'opinion publique à l'aide sociale : une perspective transversale sur le pays.................................................................................................................... 5 Le contexte du pays en voie de développement: Preuves venant d'Amérique Latine ..................................................................................................................................... 15 Opinions et résultats en Amérique Latine .................................................................... 20 L'expérience chilienne .................................................................................................... 23 Autres exemples............................................................................................................... 24 Eviter les pièges et identifier les opportunités: stratégies d'évaluation, de cadrage et de navigation du contexte politique ......................................................................... 28 Evaluation des opinions publiques...............................................................................29 Des attitudes aux choix de politique: un cadre pour faire les choix ............................30 Navigation du contexte politique: Pièges et fenêtres d'opportunité........................... 33 Le cadre institutionnel.................................................................................................... 33 Opinion publique ancrée................................................................................................ 35 Efforts audacieux contre efforts « à la sauvette »........................................................ 36 Conclusion....................................................................................................................... 39 Références........................................................................................................................ 41 Figures 1 Dépense sociale du gouvernement comme pourcentage du PNB.................................... 6 2 Personnes soutenant la productivité vs. PNB par tête Amérique Latine, 1998 ............. 19 Tableaux 1 Bonheur et opinions au sujet de la redistribution U.S., 1978­98 .................................... 7 2 Attitudes envers la responsabilité gouvernementale aux Etats-Unis, en Allemagne, Italie et en Grande-Bretagne ................................................................................................ 9 3a Attitudes par rapport aux causes de la pauvreté US, 1990........................................... 11 3b Attitudes par rapport aux causes de la pauvreté US, 1990 .......................................... 12 4 Attitudes par rapport aux causes de la pauvreté Amérique Latine, 2000 ...................... 17 5 Attitudes au sujet de légalité des chances Amérique Latine, 2000................................ 20 6 Dépense sociale en Amérique Latine ............................................................................ 22 7 Perceptions concernant l'égalité des chances, Amérique Latine, 2000 ......................... 26 8 Peur du chômage, réponses médianes par pays, Amérique Latine, 2000 ...................... 28 L'importance de l'opinion publique: Un cadre conceptuel de prise en compte de l'économie politique dans les politiques de filets de protection et d'aide sociale Carol Graham, professeur principal chargée de cours et directrice-adjointe, Center on Social and Economic Dynamics, The Brookings Institution1 Il a été reconnu depuis longtemps que l'économie politique influence la conception, la mise en oeuvre et les résultats des filets de sécurité, ainsi que d'autres programmes d'assurance sociale. Cependant, il n'existe pas de consensus général parmi les décideurs politiques sur la manière de prendre en compte les questions d'économie politique dans les décisions de politique. Ceci est dû en partie au fait que les contextes d'économie politique peuvent différer grandement entre pays. Mais c'est aussi dû à l'absence d'un cadre conceptuel plus large qui permette la discussion de ces questions dans les cercles politiques. Cet article tentera de fournir un tel cadre, avec une concentration particulière sur le rôle des opinions publiques. Ceci est un travail initial dans un nouveau domaine, et ce cadre a dès lors pour but autant de stimuler une discussion plus approfondie que de guider les efforts immédiats de politique. Le premier objectif de cet article est l'établissement de systèmes permanents d'aide sociale, plutôt que de programmes temporaires de filets de protection. Les filets de protection à court terme sont d'importance critique à des moments particuliers. Mais parce que les pays en développement peuvent souvent financer des programmes temporaires avec le soutien de fonds externes, particulièrement pendant les périodes de crise, ils n'exigent habituellement pas les sortes de choix d'économie politique nécessaires pour des programmes à plus long terme.2 L'établissement de systèmes permanents d'aide sociale exige finalement le développement d'un contrat social politiquement viable, et dès lors, des choix publics fondamentaux dans le domaine de l'allocation de ressources rares. En outre, il est de plus en plus clair que même des réformateurs économiques modèles sont vulnérables à la volatilité des fluctuations du commerce international et des flux de capital, et que les pays ont besoin de systèmes permanents de filets de sécurité, qui puissent se développer ou se contracter selon les nécessités, afin de fournir une protection sociale lors de récession périodiques.3 1 L'auteur souhaite reconnaître l'aide de Sun Kordel et Isabel Aninat dans la préparation des tableaux de cet article. L'article s'appuie aussi sur des travaux plus anciens, avec Stefano Pettinato comme point de départ. L'auteur souhaite aussi remercier Margaret Grosh, Christopher Chamberlin, et Philip Goldman pour leurs commentaires utiles. 2 Ceci s'applique bien sûr aux gouvernements démocratiques. Les régimes autoritaires obtiendront probablement moins de soutien extérieur, mais feront aussi probablement moins face aux mêmes contraintes d'économie politique. 3Je fournis un nombre de raisons détaillées pour lesquelles des systèmes plus permanents sont nécessaires, dans Graham (2001). Voir aussi Lustig (2000). 2 Une raison du manque de clarté conceptuelle sur l'économie politique des filets de sécurité et d'aide sociale est que cela impose la compréhension des cultures politiques des différents pays et de leurs attitudes à l'égard de la justice sociale et de la redistribution, en plus de la prise en compte de leur cadre institutionnel macroécomique et public. Les publics diffèrent largement entre pays, quant à leurs vues sur le rôle du gouvernement dans la provision de services publics et quant à l'étendue jusqu'à laquelle une responsabilité collective existe vis-à-vis d'individus incapables de s'occuper d'eux-mêmes.4 Il y a aussi des différences d'attitudes persistantes sur la manière dont les opportunités sont distribuées, et sur le rôle du gouvernement dans l'égalisation de ces opportunités et de leurs résultats.5 Cependant, ces différences d'attitudes se transforment souvent en modèles permanents de comportement économique et politique, et sont d'importance particulière pour le degré de soutien politique qui peut être généré en faveur de la redistribution ou d'autres formes d'aide publique. Alors que ces dernières sont des questions larges et philosophiques, elles ont des effets importants sur l'économie politique des filets de sécurité et sur les autres formes d'aide publique. Il est peu surprenant que les décideurs politiques n'aient pas de recette claire pour s'en occuper. Cependant, ces questions marquent une différence quant à la faisabilité et la viabilité politique de politiques particulières, par exemple dans les décision relatives aux approches universelles par opposition aux approches ciblées, décisions relatives aux programmes permanents par opposition aux programmes temporaires, l'équilibre entre les investissements en éducation et capital humain, et l'aide aux travailleurs déplacés. Cet article proposera un cadre pour l'incorporation des attitudes du public sur le sujet du bien-être social dans les débats et les choix de politique. Une prémisse sous-jacente est que la compréhension de telle opinion publique facilitera la capacité des décideurs politiques à évaluer, cadrer et naviguer leurs contextes respectifs d'économie politique lorsqu'ils conçoivent et mettent en application leurs politiques d'aide sociale. Il y a, sans aucun doute, d'autres facteurs qui influencent l'économie politique des politiques d'aide sociale, y compris le cadre public institutionnel, la structure et l'équilibre de pouvoir des institutions politiques, entre autres. Ces facteurs sont, sans aucun doute, aussi importants que les attitudes dans la détermination des résultats de politique. Cet article propose d'utiliser l'opinion publique comme cadre d'analyse ; cette dernière doit ensuite les prendre en compte ainsi que d'autres facteurs -tels que les contraintes fiscales. Alors que certaines analyses précédentes d'économie politique se concentraient sur le rôle des opinions publiques dans la mise en forme des politiques de bien-être social, elles étaient limitées aux économies industrielles avancées. A ce jour, une telle approche n'a pas été considérée dans l'analyse des économies en voie de développement. L'article est donc une tentative d'aller au-delà des paramètres habituels lorsque l'on pense aux politiques d'aide sociale, et par conséquent, qu'elles que soient les contributions que cet article apporte, celles-ci sont aussi tempérées par les risques émanant d'un fonctionnement en territoire inconnu. L'article est élaboré à partir de plusieurs corps de littérature, y compris ceux sur l'économie politique de la réforme; sur les filets de sécurité et la pauvreté, et sur la mobilité, 4J'explore ceci en détail dans Graham (1998). 5 Pour une discussion détaillée de la politique du gouvernement en faveur des opportunités par rapport aux résultats, voir le chapitre introductif dans Birdsall et Graham (2000). Pour les effets de ces attitudes sur les modèles de comportement politique, voir Chapitre 1 dans Graham et Pettinato (à venir). 3 les opportunités, et les opinions au sujet de la redistribution dans les économies industrielles avancées. Il sera aussi élaboré à partir de la recherche récente de l'auteur sur les tendances de mobilité et les opinions vis-à-vis de la redistribution dans les économies en voie de développement, aussi bien que sur une expérience plus ancienne d'aide à la conception et à la mise en oeuvre de programmes de filets de sécurité en Amérique Latine, Afrique et Europe de l'Est. L'article pose en principe que les différences dans les opinions politiques vis-à-vis de la redistribution -et de l'égalité des chances par rapport à l'égalité des résultats- affectent la conception des structures de bien-être social, et cela, à son tour, donne un aperçu des programmes de filets de sécurité qui auront plus de chance de réussir et qui sont politiquement viables dans un contexte particulier. La deuxième moitié de l'article, titrée « éviter les mines et identifier les fenêtres d'opportunité », discute les instruments d'évaluation disponibles, que les décideurs politiques peuvent utiliser pour évaluer leur propre contexte politique; fournit un éventail de thèmes autour desquels les choix de conception du programme peuvent être cadrés ; et suggère des stratégies de navigation de divers contextes politiques dans des pays individuels, basés sur les leçons tirées de l'expérience. Elle se concentre sur trois questions principales. La première est l'intersection entre l'économie politique et la capacité des institutions du secteur public. Alors que la capacité des secteurs administratif et politique est le plus souvent considérée comme une contrainte -et l'est souvent, cette section discutera comment et quand le contexte politique peut fournir des opportunités d'amélioration de la capacité institutionnelle du secteur public, aussi bien que le moment où l'état des institutions du secteur public peut être un catalyseur pour des changements plus larges dans la structure de la provision de services sociaux. La seconde question concerne la manière et le moment où des opinions largement répandues sur le rôle de l'Etat dans la provision d'égalité des chances ou de résultats -tel que le soutien large aux programmes sociaux universels du Costa Rica ou le manque de soutien en faveur de la provision étatique d'aide sociale en Asie- agissent comme des contraintes (mines) et/ou des catalyseurs (fenêtres) dans la réforme des systèmes d'assurance sociale. Les exemples dans lesquels les décideurs politiques ont été capables de circonvenir des attitudes contraignantes -et les stratégies qu'ils ont utilisées- seront particulièrement mis en exergue. La troisième question concerne le choix entre des stratégies de changement basées sur des partenaires, et d'autres, mises en application au niveau central, ainsi que la manière dont on peut atteindre l'équilibre approprié de ces deux efforts, eu égard à un contexte d'économie politique particulier.6 Si les contraintes au niveau central sont assez importantes, alors une approche basée sur une démonstration sans dessus-dessous, peut être la seule option de réforme réalisable. Dans d'autres cas, il est possible d'utiliser une approche plus intégrée, qui combine la réforme des institutions au niveau central avec des approches au niveau local, basées sur la participation à la provision de services. 6Ce thème particulier est discuté en détail dans Graham, Grindle, Lora, et Seddon (1999). 4 L'importance de l'opinion publique à l'aide sociale : une perspective transversale sur le pays. Les différences dans l'opinion publique parmi les économies industrielles avancées sont reflétées dans la structure de leurs systèmes sociaux. Américains, Japonais et Australiens, par exemple, dépensent des proportions plus basses de leur produit national brut pour leurs systèmes sociaux par rapport à leurs homologues européens de l'OCDE (figure 1). Les modèles de dépense au Japon (et dans les autres pays d'Asie) reflètent une dépendance plus grande sur la famille comme filet de sécurité.7 Le niveau plus bas des dépenses sociales aux Etats-Unis reflète les attitudes longuement soutenues par les Américains en matière de responsabilité individuelle et d'opportunités de monter dans l'échelle sociale, qui contrastent avec les croyances des Européens en une responsabilité collective de la société pour ces individus qui restent en arrière. Ces contrastes résultent en une tolérance plus élevée de l'inégalité parmi les Américains que parmi les Européens, ainsi qu'en un système social bien plus étendu en Europe. Alors que ce sont des généralisations qui ne s'appliquent évidemment pas à tous les individus, elles ont été bien documentées dans de nombreux sondages d'opinions publiques, et ont été remarquées depuis les écrits d'Alexis de Tocqueville.8 Un des articles les plus récents dans cette lignée a été écrit par Alberto Alesina, Rafael di Tella et Robert MacCulloch (2000), qui trouvent que, en tenant d'autres variables de manière constante, l'inégalité a des effets négatifs de taille sur le bien-être subjectif de toutes les tranches de revenu dans une sélection de pays européens, et des effets particulièrement forts pour les pauvres, ce qui est ce à quoi l'on s'attendrait. Par contraste, aux Etats-Unis, le seul groupe qui soit rendu moins "heureux" par l'inégalité est le groupe des personnes aisées tendant vers la gauche du spectre politique. 7D'ailleurs, ces attitudes sont si fortes que, lors des répercussions de la crise en Asie, une des contraintes citées, s'opposant au soutien d'institution financière internationale de filets de sécurité, était la résistance locale à l'expansion du soutien public et la crainte que le système de sécurité basé sur la famille ne s'érode. Voir Birdsall et Haggard (2000). 8 Voir, par exemple, de Tocqueville (1869); pour une discussion plus récente des tendances actuelles ainsi que des attitudes américaines relatives à la mobilité individuelle, McMurrer et Sawhill (1998). 5 Figure 1 Dépense sociale gouvernementale comme pourcentage du PNB, 1997 Japan United States Canada Germany United Kingdom Italy Belgium Austria France Denmark Norway Netherlands Sweden 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 Source: Banque mondiale, site web sur les réseaux de protection. Nous avons basé notre analyse sur des données issues de l'Enquête Sociale Générale des Etats-Unis (ESG). Les bases de données cumulatives de cette enquête couvrent 30,000 individus pour les années 1972 à 1993.9 En contrôlant les variables traditionnelles socio- démographiques (âge, sexe, race, statut matrimonial et emploi) ainsi que le revenu et l'éducation, nous découvrons que les individus qui favorisent la redistribution aux Etats-Unis sont, en moyenne, moins heureux ou moins satisfaits de leurs vies que ceux qui ne favorisent pas une telle redistribution. (tableau 1).10 9 L'ESG n'est pas un panneau, et par conséquent ne couvre pas les mêmes individus sur la période donnée. C'est le même jeu de données qui est utilisé par Oswald et ses collègues pour analyser le bonheur aux Etats- Unis. Dans la mesure où le revenu n'a été sondé que partiellement pour l'échantillon pour chaque année, nous avons seulement pu examiner les effets du revenu sur les différentes variables dépendantes pour des segments spécifiques de l'échantillon à la fois. 10La question sur la variable de redistribution--EQWLTH-- demande si les personnes questionnées sont d'accord que le gouvernement réduise les différences de revenu, avec des réponses possibles sur une échelle de sept points. Le score le plus bas sur l'échelle est l'opposition à la redistribution et le score le plus élevé est le soutien. La question de la redistribution de la richesse est posée dans la plupart des années de sondage, mais pas dans toutes. 6 Tableau 1 Bonheur et attitudes vis-à-vis de la redistribution, E-U., 1978­98 1 2 Dep.Var.: Bonheur coeff. z-stat coeff. z-stat Age -0.042 -10.29 -0.054 -9.08 Age2 0.048 11.30 0.061 9.83 Mâle -0.143 -6.24 -0.126 -3.81 Noira -0.473 -13.55 -0.421 -8.30 Autres racesa -0.022 -0.31 0.000 0.00 Marié 0.803 31.56 0.758 21.03 Education 0.038 9.22 0.029 4.77 Revenu réelb 0.000 14.61 0.000 9.88 Chômage -0.726 -10.72 -0.684 -6.80 Retraité 0.094 2.05 0.002 0.03 Richesse égalec ... ... -0.063 -7.21 Pseudo-R2 0.043 0.045 Nombre d'obs. 31817 15419 Ordered logits with year dummies (coefficients not shown) a. Dummies for race; omitted category is white/caucasian b. Real income in constant 1998 dollars. When we use the log of income with the same specifications in equation 1, we get a coefficient of .234 and a z-stat of 11.24. c. Positive response on questions whether or not the government should reduce inequality (possible answers on a 7 point scale) Source: Author. Peut-être que ce qui est le plus remarquable dans ces attitudes, c'est leur persistance, malgré un nombre assez large de preuves suggérant que les taux de mobilité réelle aux Etats- Unis et en Europe ne sont pas si différents (McMurrer et Sawhill 1998; Erikson et Goldthorpe 1985). Les perceptions publiques aux Etats-Unis reflètent une croyance dans des perspectives élevées de mobilité ascendante sur l'échelle sociale. Un travail récent sur le vote, par Roland Benabou et Efe OK, par exemple, trouve que même si la majorité des Américains vivent bien en dessous du revenu moyen, beaucoup choisissent de ne pas voter pour la redistribution parce qu'ils croient qu'ils en dépasseront la nécessité dans l'avenir. Ces deux auteurs soutiennent leur travail théorique avec des données empiriques provenant du Comité d'Etude sur la Dynamique des Revenus (CEDR) (Benabou et Ok 1998). Soutenant la direction générale de ces découvertes, Alberto Alesina et Eliana La Ferrara (2000) trouvent que ceux qui croient que la société américaine offre des chances égales à tous, s'opposent à la redistribution, alors que ceux qui croient que le processus de mobilité soit biaisé, soutiennent la redistribution. Etant donnés les niveaux relativement élevés de l'inégalité de revenu en Amérique, et qu'une majorité de la population vit en dessous du revenu moyen, une proportion étonamment petite d'Américains soutient la redistribution. Quarante pour cent des personnes 7 questionnées dans l'ESG sont d'accord que le gouvernement devrait réduire les inégalités, alors que 33 pour cent ne sont pas d'accord et que 20 pour cent sont neutres. Thomas Piketty (1995) démontre théoriquement comment des expériences passées de mobilité influencent les attitudes politiques. Giacomo Corneo et Hans Peter Gruner (2000) testent sa théorie en utilisant des preuves empiriques provenant des Etats-Unis et d'Europe, et découvrent que les individus qui ont fait l'expérience d'une mobilité ascendante intergénérationnelle tendent à s'opposer à la redistribution du revenu par le gouvernement. Ils trouvent aussi que les différences transversales dans le pays concernant les opinions sur la redistribution sont expliquées par ce qu'ils nomment "les effets de rivalité sociale" et "les effets de valeurs publiques", qui s'ajoutent aux motifs pécuniaires individuels types. Le premier groupe est concerné par la manière dont les individus, dans une société particulière, se voient par rapport aux autres individus de leur quartier, et dès lors, s'ils bénéficieront de la redistribution. Le deuxième groupe concerne les perceptions individuelles sur la manière dont les chances sont distribuées de manière égale dans la société. Ceux qui pensent que les caractéristiques non-reliées au travail, telles que le contexte familial, sont importantes, soutiendront probablement plus la redistribution. De nouveau, les attitudes américaines relatives aux chances d'opportunité semblent distinguer les Etats-Unis des pays européens dans l'étude. Les Américains expriment aussi un soutien plus limité de la responsabilité gouvernementale en matière de système social: des pourcentages moins élevés d'Américains, par rapport aux Européens, considèrent le travail, les services de santé, les personnes âgées et le logement comme étant des responsabilités essentielles du gouvernement (Gilens 1999) (Tableau 2). Une enquête récente sur les attitudes européennes trouve que la majorité des Européens sont contents de leurs systèmes sociaux tels qu'ils sont et ne souhaitent pas les voir altérés, même dans les cas où les personnes questionnées disent qu'elles savent que leurs systèmes de retraite font route vers l'insolvabilité (Boeri, Borsh-Supan et Tabellini, 2001). Il y a aussi des preuves claires que les attitudes publiques, à leur tour, façonnent la politique américaine sociale. Une étude clé, réalisée par Benjamin Page et Robert Shapiro, a découvert que, sur une période de quarante-cinq ans, les changements dans l'opinion publique précédèrent souvent les changements dans la politique du gouvernement sur un éventail complet de questions indépendantes. Bien sûr il est aussi possible que les changements de politique puissent façonner les attitudes publiques, mais ceci semble avoir lieu moins souvent et d'une manière moins notable.11 Un regard rapide sur les tendances de la politique sociale américaine met en lumière le rôle des opinions publiques et son influence sur celle-ci. Le système social américain a été mis en place plus tard que le système européen. Les retraites ont été introduites avec le New Deal et l'assurance-santé pour les employés gouvernementaux dans les années 60. Aujourd'hui, plus d'un Américain sur sept -soit 42 millions de personnes- n'a pas d'assurance-santé.12 Par contraste, le premier système de 11 L'étude de Page et Shapiro, citée dans Gilens (1999), p. 25. D'autres études arrivent à la même conclusion, basée sur les différences entre programmes étatiques. Ces études découvrent que, en contrôlant les différences de revenu, d'éducation et d'urbanisation, les politiques de l'Etat, sur un éventail de questions, reflètent les différences d'attitudes (sur une échelle allant de libéral à conservateur), entre Etats. Voir Gilens, p. 25. 12 Le chiffre de 42 millions est pour les individus qui manquaient de couverture santé pendant les 12 mois de l'année 1999 (Burtless et Siegel 2001). 8 sécurité sociale en Europe date de l'époque de Bismarck, en Allemagne, et des systèmes nationaux de santé furent mis en place dans plusieurs pays pendant la première moitié du 20ème siècle. Aux Etats-Unis, après l'établissement, par le New Deal, d'une sécurité sociale et d'emploi dans les travaux publics en réponse à la Grande Dépression, l'autre expansion soutenue de politique sociale eut lieu pendant les années 60, avec la guerre du Président Johnson contre la pauvreté. Une exception majeure à ce moment critique, fut l'Aide aux Familles avec des Enfants Dépendants (AFED), qui fut le premier effort à l'échelle nationale, de fourniture d'une aide aux pauvres ne travaillant pas. Au début des années 90 (avant la réforme de 1996) l'AFED comptait pour 9.4 pour cent de toutes les dépenses sociales, avec plus de 12 millions de personnes inscrites au budget, un nombre qui a continué à augmenter malgré la croissance économique soutenue des années 90.13 Les questions relatives à l'efficacité du système social commencèrent à s'accumuler, même parmi les analystes favorables à ses objectifs et prenant partie pour les populations pauvres.. Tableau 2 Attitudes relatives à la responsabilité du gouvernement aux Etats-Unis, en Allemagne, en Italie et en Grande-Bretagne (pourcentage) Quelle responsabilité a le gouvernement pour Etats-Unis Allemagne Italie faire en sorte que tous ceux qui veulent un travail en aient un? Responsabilité essentielle 34 60 79 Responsabilité importante 37 34 15 Une certaine responsabilité 24 6 5 Pas de responsabilité 4 1 1 Fournir des soins médicaux de qualité? Responsabilité essentielle 42 63 79 Responsabilité importante 36 32 16 Une certaine responsabilité 20 6 4 Pas de responsabilité 3 0 1 S'occuper des personnes âgées? Responsabilité essentielle 41 51 69 Responsabilité importante 40 42 23 Une certaine responsabilité 18 6 8 Pas de responsabilité 1 1 1 Fournir un logement adéquat? Responsabilité essentielle 25 39 69 13 Voir Murray, Serafini, et Twohey (2001) pour les chiffres de contrôle. Les chiffres du budget viennent de CBO (1995 et 2000). Les chiffres de pourcentage se traduisent en $18 milliards sur un budget de $191 milliards pour 1995. 9 Responsabilité importante 38 46 22 Une certaine responsabilité 32 14 7 Pas de responsabilité 5 1 1 Source: Smith, Tom W. "The Welfare State in Cross-National Perspective," Public Opinion Quarterly, S1. No. 3, Fall 1997, p. 417. Plusieurs tentatives de réforme sociale ont échoué dans les années 80 -en partie à cause de la politique compliquée de réforme sociale dans presque tous les pays. Au milieu des années 90, cependant, le Président Clinton, un Démocrate qui fut élu sur la promesse qu'il fit de "mettre fin au système social tel que nous le connaissons", réussit à passer une loi majeure de réforme sociale. Bien que les détails de la loi de réforme aillent bien au-delà de la portée de cet article, ses caractéristiques d'étayage majeures sont importantes pour la discussion.14 En premier lieu, la réforme pivotait autour de l'objectif de cessation de la dépendance à long terme et sur la remise au travail des assurés sociaux. Pour la première fois, des limites dans la durée, de cinq années, furent imposées aux récipiendaires d'assurances sociales, et l'AFED devint l'Aide Temporaire aux Familles Nécessiteuses (ATFN).15 Au même moment, la plupart des Etats ont fait des efforts pour rendre le travail rémunérateur. 16 En deuxième lieu, la loi accorda beaucoup plus de liberté aux Etats dans la conception et la mise en application des programmes sociaux, qui reçurent des bourses en bloc -bien que devant être dépensées selon des lignes de conduite- de la part du gouvernement fédéral. Un nombre important d'observateurs -y compris ceux qui étaient initialement critiques de la réforme- remarquent que la réforme a été particulièrement réussie jusque là, coupant les salaires sociaux de moitié en l'an 2000.17 Cependant, même les supporters de la réforme, mettent en garde contre le fait qu'une certaine partie de ce progrès est due à l'expansion sans précédent de l'économie américaine, et que dans le cas d'une récession sérieuse, beaucoup de travaux peu qualifiés tenus par les anciens récipiendaires d'assurances sociales seront les premiers à être coupés.18 La distinction la plus importante, sous-jacente à la fois à la logique de la réforme sociale de 1996 et à celle des attitudes américaines sur le système social plus général, est entre les 14 Pour une excellente description de la réforme de prévoyance sociale de 1996, voir Sawhill (2001). 15 Les Etats pouvaient exempter jusqu'à 20 pourcent des récipiendaires de ces limites. 16 Un effort additionnel (et fédéral) pour rendre le travail rentable était l'expansion du Crédit d'Impôt pour Revenu Gagné (EITC). 17 Pendant cette période, 6.5 millions de personnes sont sorties du système d'aide sociale (Murray et al ., 2001 et information obtenue lors de la participation de l'auteur à la Table Ronde sur les Enfants, une discussion semi- annuelle d'experts sur les questions sociales relatives aux enfants, The Brookings Institution, Washington, D.C., 25 mai 2001). Les chiffres du budget n'ont pas tant changé cependant, dans la mesure où la majorité de la dépense prend la forme de bourses en bloc accordées aux Etats. Ainsi la TANF et autre "soutien à la famille" composent maintenant 8.9 pourcent des allocations ayant subi l'enquête sur la situation de fortune, soit $21 milliards sur un budget de $236 milliards. Les chiffres de nouveau viennent de CBO (1995 et 2000). 18La preuve des effets de la réforme sur les enfants de parents célibataires qui travaillent, qui ont dû aller travailler au risque de perdre leurs bénéfices, est mitigée à ce jour. Le problème est qu'il est en partie trop tôt pour évaluer complètement les effets. Mais les quelques études existantes ne trouvent pas de preuve de détérioration marquée, et dans certains cas il y a eu des progrès scolaires pour certains groupes d'âge. Voir Morris et autres (2000). 10 pauvres méritants (personnes handicapées, personnes âgées, enfants et/ou travaillant) et les pauvres non-méritants (physiquement capables, mais ne travaillant pas). Cette distinction a résulté en une tension entre deux objectifs : celui de remettre les assurés sociaux sur le chemin du travail et celui d'amélioration de la vie des familles pauvres et de leurs enfants.19 Il est clair qu'il y a des échanges, par exemple, lorsque les mères célibataires d'enfants petits doivent se débrouiller pour trouver des arrangements sous-optimaux de garde d'enfants, afin qu'elles puissent avoir un emploi qui fournit à peine plus de revenu que ne le faisaient leurs paiements sociaux. D'un autre côté, il y a un assez grand nombre de preuves que le système d'avant la réforme encourageait la dépendance et récompensait l'éducation des enfants nés hors mariage, même si ce n'était que d'une manière implicite. Sans se soucier de la position que quelqu'un prend sur la question des pauvres méritants par rapport aux pauvres non-méritants, il est très clair que l'opinion publique américaine en général est beaucoup plus favorable à la provision d'un soutien social aux premiers plutôt qu'aux seconds, et que les Américains, toutes tranches de revenus confondues. -y compris les pauvres (définis comme étant ceux ayant des revenus inférieurs par 200 pour cent au seuil officiel de pauvreté)- questionnent l'efficacité du système social. Par exemple, une enquête récente de la Radio Publique Nationale (RPN)/ Kaiser/ Kennedy School (2001) découvre qu'il n'y a pas de différence significative statistiquement entre les pauvres et le reste de la société globale dans la réponse aux questions sur la relation entre le système social et la pauvreté: 47 pour cent des personnes questionnées non-pauvres et 45 pour cent des personnes questionnées pauvres disent que le système social est une cause majeure de pauvreté.20 Plus généralement, les Américains sont divisés sur les causes de la pauvreté. Approximativement la moitié des personnes scrutées par l'enquête RPN/Kaiser/Kennedy School ont déclaré que les pauvres n'en font pas assez pour se sortir eux-mêmes de la pauvreté et l'autre moitié a déclaré que des circonstances hors de leur contrôle sont cause de leur pauvreté. Et, d'une manière assez surprenante, les Américains ayant de bas revenus (ceux faisant moins de 200 pour cent du seuil officiel de pauvreté ou $34,000 pour une famille de quatre personnes) sont seulement légèrement plus capables de sentir que leur pauvreté est due aux circonstances. Notre propre analyse se base sur deux questions posées dans l'ESG, sur les causes de la pauvreté, questions qui ont été demandées à 1330 personnes questionnées en 1990 seulement. Nous avons découvert que les Noirs, les personnes questionnées ayant un revenu faible, et ceux qui se placent sur le côté libéral (gauche) du spectre politique, déclareront probablement que la pauvreté est due à un manque d'emplois. Par contraste, les personnes interrogées ayant moins d'éducation et ceux qui se placent sur le côté conservateur (droite) du spectre politique, déclarent que la pauvreté est due à un manque d'effort, alors que le niveau de revenu n'a aucun effet significatif (Tableau 3a et 3b). Tableau 3a Attitudes par rapport aux causes de la pauvreté US, 1990 1 Dep. Var.: Pauvreté due au manque d'emplois coeff. z-stat 19Voir Sawhill (2001). 20 Ceci était un sondage national par téléphone. Basé sur un échantillon représentatif pris au hasard, de 1,952 personnes questionnées, de 18 ans et plus. 11 Age 0.003 0.150 Age2 -0.008 -0.400 Mâle -0.279 -2.450 Noira 0.817 4.240 Autre racea 0.474 1.590 Marié -0.043 -0.350 Education -0.077 -3.650 Revenu réelb 0.000 -3.580 Chômage 0.389 0.980 Opinion politique -0.169 -4.030 Pseudo-R2 0.0394 Nombre d'obs. 1165 Ordered logit estimates a. Omitted category is white/caucasian b. Real income in constant 1998 dollars. When we use the log of income with the same specifications, we get a coefficient of -.275 and a z-stat of -3.870. Source:Author. Tableau 3b Attitudes par rapport aux causes de la pauvreté US, 1990 1 Dep. Var.: Pauivreté due à un manque d'efforts coeff. z-stat Age 0.015 0.710 Age2 -0.011 -0.540 Mâle -0.017 -0.150 Noira -0.362 -1.910 Autre racea -0.480 -1.580 Marié 0.124 0.970 Education -0.080 -3.680 Revenu réelb 0.000 0.060 Chômage 0.329 0.820 Opinion politique 0.167 3.860 Pseudo-R2 0.0219 Nombre d'obs. 1170 Ordered logit estimates a. Omitted category is white/caucasian b. Real income in constant 1998 dollars. When we use the log of income with the same specifications, we get a coefficient of 0.125 and a z-stat of 1.76, also not significant. Source: Author. Une analyse générale des opinions américaines sur le système social, réalisée par Martin Gilens, trouve que les Américains se sentent plus concernés par l'aide qu'ils peuvent apporter aux pauvres, afin que ces derniers puissent s'auto-suffire, qu'ils ne le sont d'économiser l'argent du contribuable (Gilens 1999). Alors que le soutien apporté au système social en général varie légèrement selon la tranche de revenu, le soutien apporté aux programmes liés à 12 la situation de fortune ne varie pas. La plupart des personnes ne pensent pas que les bénéfices des assurances sociales sont trop élevés. Cependant beaucoup pensent que les budgets sont remplis de récipiendaires non méritants (Gilens 1999, p.57). La distinction entre les pauvres méritants et non-méritants est certainement un déterminant bien plus important du soutien que le public apporte au système social aux Etats- Unis, plus que le soutien entre programmes ciblés et programmes universels, lequel a cependant reçu bien plus d'attention, en tout cas dans la littérature académique. Cette dernière question a causé une bonne dose de débat, avec des érudits comme Theda Scokpol soutenant l'argument très réel selon lequel à moins que les programmes ne soient universels ­ou qu'au moins ils bénéficient et à la classe moyenne et aux populations pauvres-, ils ne seront pas politiquement viables. Elle cite la croissance -et la soi-disant sacrosainte nature- de programmes comme la Sécurité Sociale ou Médicare, et les oppose aux coupes faites dans les programmes sociaux ciblés. D'autres personnes, comme Robert Greenstein, déclarent que les Américains soutiendront les programmes ciblés s'ils sont assurés de leur efficacité et que leur cible soit un groupe politiquement frappant, tel que les enfants, et il cite le programme Head Start comme exemple.21 Ces deux arguments ont tous deux beaucoup de mérite, et ils s'appliquent à tous les pays et à toutes les cultures politiques. L'importance relative de chacun, eu égard à un contexte spécifique, dépend en partie des opinions publiques sur la redistribution. Une question associée concerne la proximité des classes moyenne et pauvre. En théorie, une plus grande proximité et/ou similarité entre classe moyenne et population pauvre devrait se traduire en un soutien politique plus large de la redistribution en faveur des pauvres Le travail (à venir) de Joan Nelson sur les économies en voie de développement suggère que les politiques sociales et les politiques d'assurance sociale, soutenues par la couche moyenne politiquement pertinente, aussi bien que par les populations pauvres, lorsque ces deux couches ont des intérêts qui se chevauchent, ont plus de chance d'être durables. Peter Lindert (1996) trouve que les différences de dépense en transferts sociaux, entre les tendances politiques des pays industrialisés, sont largement expliquées par l'oblique du revenu: la taille du fossé entre classe riche et classe moyenne par rapport à celle de celui entre classe moyenne et classe pauvre. Un fossé plus grand entre classe moyenne et classe pauvre signifiera moins d'affinités entre ces deux groupes, et par conséquent moins de dépenses sociales. Les Etats-Unis, qui connaissent un large fossé entre classe moyenne et classe pauvre, ont aussi le niveau de dépense sociale le plus bas de tous les pays de l'échantillon. Gilens (1999, p. 43) déclare que "la plupart des Américains se considère comme appartenant à la classe moyenne, et la thèse de l'auto-intèrêt nous conduirait à penser que le public soutiendrait plus volontiers une aide gouvernementale à la classe moyenne qu'aux pauvres." Cependant, le soutien des Américains pour le système social semble pivoter sur le concept de système social comme soutien des pauvres méritants plutôt que comme un filet de protection sociale général ou un système d'assurance sociale. Gilens, par exemple, trouve que la majorité du public américain soutient le système social pour les pauvres mais pas la classe moyenne. Ceci est distinct de la vision européenne de politiques d'assurances sociales et de filets de protection universels. 21Pour un excellent résumé de ce débat, voir Skocpol (1991) et Greenstein (1991). 13 Ainsi, malgré le grand fossé entre la classe moyenne et la population pauvre aux Etats- Unis, le soutien public pour le système social semble tourner autour de récipiendaires de ce système qui soient des pauvres "méritants" et non des membres de la classe moyenne. Cependant, le concept de pauvres "méritants" varie parmi les personnes questionnées. En raison même de la brêche assez large entre classes moyenne et pauvre, on pourrait s'attendre à ce que le soutien des pauvres lié à leur situation de fortune déclinât lors de périodes de récession économique, pendant lesquelles la classe moyenne se sent plus vulnérable. Mais ce n'est pas le cas : le soutien au système social augmente. Il se peut qu'en période de récession, ceux qui relèvent de la classe moyenne, se sentent même plus compatissants à la cause des pauvres, précisément parce qu'eux-mêmes sont plus vulnérables au risque de devenir, à leur tour, des pauvres «méritants ». En outre, Gilens trouve que le soutien au système social - même parmi les personnes questionnées ayant des revenus plus conséquents- est plus élevé parmi les Américains qui connaissent ou sont apparentés à quelqu'un qui a bénéficié du système social. Un facteur qui affecte clairement les attitudes américaines au sujet du système social - et qui est aussi un problème lorsque l'on compare l'économie politique du soutien au système social à travers les différentes sociétés- est la race. Le soutien des Américains au système social est directement lié à leurs perceptions de la composition raciale de la pauvreté. Alors que les Noirs sont pauvres de manière disproportionnée par rapport aux Blancs, ils composent seulement 27 pour cent de la population pauvre totale. Par contraste, dans une enquête récente citée par Gilens, la réponse médiane à une question demandant aux personnes interrogées d'estimer le pourcentage de la population pauvre noire, est de 50 pour cent. D'autres enquêtes confirment cette tendance à la surestimation. (Gilens 1999, pp. 68- 69). Gilens trouve aussi que, plus les Américains surestiment le pourcentage de population pauvre noire, moins ils soutiendront le système social. Il y a une forte association, par exemple, entre les préférences en matière de dépenses sociales et la croyance selon laquelle "si les Noirs essayaient seulement un peu plus durement, ils seraient aussi riches que les Blancs." Plus de 50 pour cent d'Américains blancs qui sont d'accord avec cette déclaration, pensent que les assurances sociales devraient être coupées, alors que seulement 20 pour cent de ceux qui ne sont pas d'accord avec cette déclaration, pensent qu'il faudrait couper les dépenses. La même position n'a pas lieu avec les autres groupes d'immigrants. (Gilens 1999, p. 177). Une étude séparée, réalisée par Erzo Luttmer (2000), basée sur des données issues de l'ESG, trouve des preuves de "loyauté envers le groupe racial": les individus soutiennent plus volontiers les dépenses sociales, dès que la part des récipiendaires de leur propre groupe racial augmente. Les différences dans les allocations de ressources entre les Etats, confirment les effets de ces attitudes sur la politique. Luttmer remarque que des Etats relativement hétérogènes sur le plan racial accordent moins de bénéfices sociaux. Une étude plus ancienne réalisée par Larry Orr (1976), de contrôle du revenu moyen de chaque Etat et des différences régionales, trouve qu'un Etat n'ayant que des cas sociaux blancs offrirait presque $2,000 de plus par an en soutien AFED qu'il ne le ferait si les cas sociaux étaient tous des Noirs. Par contraste, les 14 politiques des Etats regardant les pauvres « méritants » ne diffèrent pas en fonction de la race.22 Les attitudes au sujet de la dépense sociale ont aussi des effets sur la manière dont les individus votent sur les questions touchant la dépense concernée. Dans une étude basée sur approximativement 20,000 blocs de recensement en Californie, et une proposition de 1992 de limite de la dépense sociale (Proposition 165), Luttmer (2000) montre que les résultats actuels du vote peuvent être extraordinairement bien expliqués par le soutien prévu au système social, même lorsque l'on contrôle les effets fixés par le pays, les effets fixés par le recensement et la fraction noire du bloc de recensement.23 Les décisions électorales relatives aux dépenses de santé ne sont pas toutes des référendums clairement exprimés sur la coupure des bénéfices, comme l'était la Proposition 165. Cependant, la force des résultats suggère que les données d'enquête sur les opinions relatives au système social peuvent être un instrument de prévision utile du soutien politique pour les politiques sociales dans un certain nombre de contextes. Au-delà de la question de la dépense sociale, la fragmentation ethnique ou raciale semble avoir des effets sur l'allocation des biens publics en général. Alesina, Baqir, et Easterly (1999), dans une étude sur les villes américaines, les zones métropolitaines et les comtés urbains, trouvent que les parts de dépense en biens publics productifs -éducation, routes, égoûts et ramassage des ordures- sont inversement reliées à la fragmentation ethnique de la ville (ou à celle de la zone métropolitaine plus grande), même après contrôle des autres déterminants socio-économiques et démographiques.24 Cette discussion n'a pas pour but d'impliquer que les attitudes américaines relatives au système social s'appliquent à travers pays, ni que le système social américain est un modèle pour les autres pays. Elle utilise l'exemple américain -pour lequel nous avons beaucoup de données- pour démontrer l'étendue jusqu'à laquelle les opinions relatives à la redistribution ont des effets sur la politique sociale. En outre, la discussion a mis en lumière un certain nombre de questions qui sont au coeur originel de l'économie politique des politiques d'aide sociale dans tous les contextes du pays. Ce sont : aide ciblée contre aide universelle ; pauvres « méritants » contre pauvres « non-méritants » ; hétérogénéité raciale et immigration; et échanges entre les objectifs, tels que le découragement de la dépendance et l'amélioration de la vie des enfants et de leurs familles. Toutes ces questions diffèrent entre pays et entre cultures. Cependant, elles doivent être prises en considération pour que ces systèmes d'assurance sociale soient politiquement viables dans la durée. Le contexte du pays en voie de développement: Preuves venant d'Amérique Latine Un problème évident de la prise en compte des opinions publiques dans les questions d'économie politique est l'absence de données adéquates, qui sont d'autant plus rares pour les 22Une étude séparée, réalisée par Christopher Howard (1997), et citée dans Gilens (1999), découvre qu'il n'y a pas de différences reliées à la race, entre les Etats, sur les niveaux de bénéfices de l'assurance chômage. 23La variable dépendante était un vote "non" sur la Proposition 165, et la variable indépendante était le soutien prévu pour la prévoyance sociale, basé sur les données de l'ESG, avec un nombre de variables de contrôle. Le R-carré ajusté allait de .40 à .75, en fonction de la spécification. 24Easterly, dans un article séparé avec Levine (1997), trouve que la fragmentation ethnique est négativement correliée à la croissance économique dans certaines économies africaines sélectionnées. 15 économies en voie de développement. Nous avons collaboré au développement de telles données pour l'Amérique Latine. Bien que nous ne puissions évidemment pas assumer que les leçons tirées de l'Amérique Latine puissent s'appliquer directement aux autres régions, elles peuvent nous aider à développer plus en profondeur notre cadre conceptuel sur ces questions. En outre, la diversité des 17 économies d'Amérique Latine dans l'échantillon -aussi bien que la diversité de leurs différents systèmes sociaux- nous accorde plus d'espace pour tirer des conclusions plus généralement applicables. Le sondage Latinobarometro couvre tous les pays de langue espagnole, à l'exception de la République Dominicaine et de Cuba, et inclut le Brésil -un total de 17 pays avec approximativement 17,000 observations chaque année. Ce sondage a été conduit annuellement de 1997 à 2000.25 A moins que cela ne soit noté autrement, les résultats rapportés ici proviennent de la dernière année du sondage, 2000, qui a le questionnaire le plus complet. Lorsque cela était possible, nous avons utilisé l'intégralité de l'échantillon regroupé pour vérifier la solidité des découvertes. L'échantillon groupé a l'avantage d'être une série dans la durée, mais le désavantage demeure que les questions les plus pertinentes ne se retrouvent pas sur toutes les années. Les enquêtes varient en termes de l'exactitude à laquelle elles sont une bonne représentation au plan national. Des pays tels que le Brésil et la Bolivie, qui possèdent de grandes portions de populations rurales éloignées, posent des défis bien plus grands en matière de couverture représentative. Les sondages ont un préjudice urbain, mais couvrent cependant une part substantielle de la population rurale. Lors de certaines années respectives de ce sondage, nous avons été capables de suggérer un nombre de questions concernant la perception du statut social, du bien-être subjectif et des opinions relatives à la redistribution et à la mobilité individuelle. L'une des choses les plus frappantes qui ressorte des données issues d'Amérique Latine, est la similarité marquée des attitudes des Etats-Unis et de l'Amérique Latine au sujet des causes de la pauvreté, au sujet de la redistribution et de la mobilité intergénérationnelle. Lorsque les Américains (dans l'ESG) sont interrogés sur les causes de la pauvreté, par exemple à la question "une cause majeure de la pauvreté est le manque d'effort de la part des pauvres eux-mêmes", 36 pour cent répondent que le manque d'effort est très important, alors que 43 pour cent déclarent qu'il est quelque peu important et 21 pour cent disent qu'il n'est pas important.26 Lorsque l'on pose la même question aux Sud Américains, sur les causes de la pauvreté, un groupe étonnamment similaire de 36 pour cent déclarent que la pauvreté est due à un manque d'effort de la part des pauvres, alors que 63 pour cent pensent qu'elle est la conséquence de mauvaises circonstances. Lorsque nous observons les déterminants attribuant la pauvreté au manque d'effort, comme nous l'avons fait avec les Etats-Unis, rétrogradant une réponse positive sur la 25 Il y a approximativement 1000 interviews par pays. L'enquête est conduite par une firme privée respectée, MORI, basée au Chili, avec le soutien de la Commission Européenne et de la banque Inter-Américaine de Développement (BID). L'effort a commencé en 1995 avec un sous-échantillon de pays; une couverture totale commença en 1997. J'étais impliquée dans l'effort d'envoi du sondage lors de ma bourse universitaire à la BID, et continue à fournir des données d'introduction lors de la conception du sondage chaque année. Parce que MORI doit encore couvrir les coûts, les données les plus récentes sont disponibles pour le public seulement par l'achat. Les données en arrière sont disponibles gratuitement auprès de la BID. 26Les calculs de l'auteur sont basés sur les données de l'ESG. 16 pauvreté due au manque d'effort comme une variable dépendante, nous découvrons que les seules variables significatives sont la richesse et le penchant vers la droite du spectre politique (cette dernière tendance est rapportée par les personnes interrogées elles-mêmes). Pendant ce temps, les personnes au chômage répondront probablement plus par la négative (Tableau 4). Comme cela a été discuté plus haut, pour les Etats-Unis, croire que la pénurie d'emplois est importante comme cause de pauvreté est en corrélation négative et significative avec le fait d'être politiquement à droite, aussi bien qu'en corrélation avec le revenu, l'éducation et le fait d'être un homme (Tableau 3a).27 Nous n'avons pas cette question pour l'Amérique Latine. Tableau 4 Attitudes relatives aux causes de pauvreté en Amérique Latine, 2000 1 2 Dep.Var.: Pauvreté due au manque d'effort coeff. z-stat coeff. z-stat Age -0.004 -0.53 -0.001 -0.12 Age2 0.000 0.11 0.000 -0.29 Mâle 0.081 1.93 0.074 1.75 Marié -0.061 -1.29 -0.077 -1.62 Richesse 0.353 3.21 0.210 1.88 Années d'Education -0.006 -0.93 -0.005 -0.89 Chômage -0.185 -2.06 -0.154 -1.70 Retraités 0.050 0.48 0.073 0.69 Spectre politique 0.051 5.50 0.047 4.97 Heureux ... ... 0.235 10.8 Pseudo-R2 0.0431 0.0517 Nombre d'obs. 10500 10428 Logit estimates with country dummies (coefficients not included). Source: Author. Une découverte assez intéressante est que, lorsque nous incluons le bonheur dans l'équation de la pauvreté comme étant due au manque d'effort, nous trouvons que des personnes plus heureuses, en moyenne, croient que la pauvreté est bel et bien due à un manque d'effort, en Amérique Latine comme aux Etats-Unis (y compris le fait que la variable "bonheur" rende les deux variables "richesse" et "chômage" insignifiantes pour les deux régions). Bien qu'une explication sur cette découverte soit au-delà de l'étendue de cette étude, l'on pourrait poser comme principe, que croire que la pauvreté est un phénomène infligé aux populations, crée plus de détresse que le fait de croire qu'elle est le résultat d'un manque d'effort individuel.28 27 Les résultats de la régression pour les deux jeux de conclusions sont disponibles sur demande, auprès de l'auteur. 28 Pour l'Amérique Latine et pour les Etats-Unis, nous trouvons que le fait de pencher vers la droite plutôt que vers la gauche du spectre politique, est correlié positivement et d'une manière significative au bonheur, quoique la direction de la causalité soit loin d'être claire. Nous nous étendons sur les questions de bien-être subjectif et leur relation à des phénomènes macro- et microéconomiques dans plusieurs autres articles, qui sont résumés dans Graham et Pettinato (à venir). 17 Dans une note plus ancienne (Graham et Pettinato 2001), nous avons découvert qu'en Amérique Latine, ceux qui croient qu'il existe des perspectives élevées de mobilité ascendante future -et croient que les opportunités de promotion égale dans leur propre pays sont également partagées- ont plus de chance d'être satisfaits de leur vie en général. (La variable «opportunité égale » est discutée en plus grand détail ci-dessous.) Nous n'avons pas de questions similaires sur les perspectives de mobilité ascendante pour les Etats-Unis. Lorsque nous considérons les opinions relatives à la mobilité inter-générationnelle, nous trouvons des similarités remarquables entre les Etats-Unis et l'Amérique Latine. Lorsque les Américains sont interrogés sur le niveau de vie futur de leurs enfants, comparé au leur aujourd'hui, 57 pour cent déclarent que leurs enfants vivront mieux et 23 pour cent qu'ils apprécieront le même niveau de vie. En Amérique Latine, à la même question, 58 pour cent des personnes interrogées déclarent que leurs enfants vivront mieux alors que 26 pour cent pensent que leur vie sera identique. Lorsque les personnes interrogées en Amérique Latine, le sont au sujet de leur propre statut économique dans le futur, 41 pour cent répondent qu'il sera meilleur et 42 pour cent pensent qu'il sera identique. Malheureusement, nous n'avons pas de question comparable dans l'ESG. Un contraste relativement frappant a lieu lorsque les personnes interrogées sont questionnées sur leur propre statut comparé à celui de leurs parents. Aux Etats-Unis, 64 pour cent des personnes interrogées déclarent qu'elles vivent mieux que leurs parents, 21 pour cent pensent que c'est la même chose et 15 pour cent pensent que leur situation est pire. En Amérique Latine, par contraste, seulement 16 pour cent des personnes interrogées déclarent qu'elles vivent mieux que leurs parents, alors que 21 pour cent pensent que c'est la même chose et 50 pour cent pensent que leur niveau de vie est pire que ne l'était celui de leurs parents. Ceci n'est pas surprenant étant données les crises économiques des années 80, et le fait que les soucis relatifs à un emploi stable demeurent élevés et que les salaires réels n'ont pas encore retrouvé leur niveau des années 70 dans plusieurs pays de la région. Est-ce que les opinions relatives à la mobilité inter-générationnelle affectent celles concernant la redistribution? Dans notre analyse des données issues de l'ESG pour les Etats- Unis, ni les opinions sur le niveau de vie de leurs parents ou sur celui de leurs enfants n'ont d'effet significatif sur les opinions relatives au rôle du gouvernement dans la redistribution (EQWLTH). Pour l'Amérique Latine, et pour l'enquête de 1998 seulement, nous avons une question sur ce dont le pays a le plus besoin pour aller de l'avant : croissance de la productivité ou plus de redistribution. Lorsque nous utilisons la réponse à cette question comme variable dépendante et ajoutons les opinions sur la mobilité inter-générationnelle sur la droite, la seule variable significative est le niveau de richesse, qui ­ce qui ne nous surprend pas- est en corrélation positive avec le soutien à la productivité.29 Lorsque l'on considère les niveaux moyens de soutien à la productivité par rapport à la redistribution sur toute la région, nous trouvons qu'un nombre étonnamment élevé de 53 pour cent des personnes questionnées soutiennent la productivité aux dépens de la redistribution. Parmi les pays, les niveaux moyens de soutien à la productivité sont plus élevés dans les pays plus pauvres ou souffrant de plus d'inégalités (figure 2). Au sein de ces pays, ce sont les personnes les plus aisées qui, en moyenne, soutiendront plus probablement la productivité que la redistribution, ce qui est l'attitude à laquelle on s'attendait. 29Résultats de régression disponibles auprès de l'auteur. 18 Nous expliquons les différences à travers un pays de deux façons. La première est une explication concernant l'opportunité de la réforme. La plupart des pays pauvres et souffrant d'inégalités, de la région, (principalement en Amérique Centrale) se sont engagés plus tôt dans le processus de réforme de marché, et la plus grande partie des citoyens reconnaît le besoin d'établir une croissance durable comme un pré-requis à aller de l'avant, particulièrement étant donnée l'expérience de la région avec de hauts niveaux de dettes, d'inflation et de croissance stagnante. La deuxième, ce sont ces mêmes pays qui ont des institutions étatiques très faibles et des structures sociales sous-développées. Ainsi, le citoyen moyen est probablement assez sceptique quant à l'efficacité et l'équité de politiques de redistribution.30 Figure 2 Personnes soutenant la productivité contre PNB par tête Amérique Latine, 1998 80 Honduras 75 70 Nicaragua (%) El Salvador 65 Bolivia 60 Costa Rica supporters Guatemala 55 Peru Colombia 50 Ecuador Mexico Paraguay Uruguay Productivity45 Brazil Argentina 40 Venezuela R2 = 0.51 Panama Chile 35 0 5,000 10,000 15,000 1998 GDP per capita (PPP$) Source: Auteur. La même question ne faisait pas partie de l'enquête de l'année 2000. Il y a une question sur l'égalité de partage des opportunités dans le pays spécifique de la personne questionnée. Quoique nous incluions un simulacre pour représenter le fait d'être pauvre (en dessous de .45 sur l'index de richesse dans l'échantillon), il n'a d'effet significatif dans aucune direction qui porterait à croire que les chances sont égales. En d'autres mots, les pauvres auront autant tendance à croire que les chances sont également partagées que tout autre groupe, une découverte plutôt surprenante étant donnée la profondeur et l'étendue de la pauvreté dans la région. Cependant, les personnes les plus éduquées n'auront pas tendance à croire en ce partage égal des opportunités, alors que les personnes aisées auront plus tendance à le croire (Tableau 5). Lorsque nous incluons les opinions relatives à la mobilité inter-générationnelle dans l'équation, nous trouvons que l'évaluation, par les personnes questionnées, de leur situation comparée à celle de leurs parents, n'a pas d'effet, mais que la croyance que leurs 30Nous discutons ceci en détail dans Graham et Pettinato (2000). 19 enfants vivront une vie meilleure est significative et positivement en corrélation avec la croyance selon laquelle les chances sont disponibles de manière égale. Opinions et résultats en Amérique Latine A un niveau très général, les opinions relatives au sujet de la redistribution en Amérique Latine semblent remarquablement similaires à celles des Etats-Unis et donc assez différentes de celles d'un pays européen moyen ayant un filet de protection sociale plus développé. Alors que les explications à ce phénomène sont sans aucun doute complexes, il est plausible qu'une partie de la foi plus forte en l'effort individuel qu'en la redistribution achevée par l'Etat en Amérique Latine, vienne d'une tradition très faible de redistribution efficace dans la région, avec des exemples innombrables du passé, capturés par des groupes intérêt relativement privilégiés aux dépens des très pauvres.31 Tableau 5 Attitudes relatives à l'égalité des chances Amérique Latine, 2000 1 2 Dep.Var.: Pauvreté due au manque d'effort coeff. z-stat coeff. z-stat Age -0.023 -3.28 -0.019 -2.54 Age2 0.000 2.50 0.000 1.97 Richesse 0.571 3.68 0.434 2.60 Années d'éducation -0.012 -2.20 -0.016 -2.65 Mâle 0.022 0.58 0.040 0.98 Marié 0.048 1.12 0.080 1.75 Chômage 0.016 0.21 0.034 0.40 Retraité 0.125 1.37 0.098 0.99 Poorduma 0.054 0.82 0.010 0.14 Niveau de vie des enfantsb ... ... 0.338 11.23 Niveau de vie des parentsc ... ... 0.015 0.56 Pseudo-R2 0.0313 0.0378 Nombre d'obs. 14799 12974 a. Simulacre pour le fait d'être pauvre, défini comme en dessous de .45 sur l'index de la richesse b. Score sur la question « est-ce que vos enfants vivront mieux que vous? » c. Score sur la question "est que vous vivez mieux que vos parents?" Source: Auteur. L'observation n'était pas seulement régressive, mais aussi inefficace, avec plusieurs pays dépensant de d'important pourcentages de leurs dépenses publiques sur les secteurs sociaux, mais avec peu à montrer en termes d'effets sur la réduction de la pauvreté. En outre, des dépenses publiques mal allouées étaient souvent accompagnées par des déficits fiscaux 31Pour plusieurs récits de clientèlisme ou de politique politicienne dominant les décisions d'allocation dans le cadre des programmes publics de filets de sécurité, voir Graham (1994). 20 insoutenables, résultant en de hauts niveaux d'inflation et de hauts niveaux de dette extérieure, ce qui discréditait d'autant plus la redistribution dans beaucoup de pays. Ce record faible de la redistribution provient, pour une grande part, de la faiblesse des institutions du secteur public et des systèmes d'assurance sociale sous-développés. Ainsi, dans plusieurs pays, de tels programmes étaient fragmentaires ou spécifiques à un secteur, et ont conduit à la redistribution de recettes d'impôt général sur certains secteurs de la population active (habituellement une minorité) et non sur d'autres. Les travailleurs organisés du secteur public et ceux des secteurs industriels stratégiques, tels que les minerais ou le pétrole, avaient plus de chance d'être couverts. Alors que les travailleurs de ces secteurs ne sont pas privilégiés par les normes industrielles du pays, ils le sont, relativement à la majorité des travailleurs de leurs propres pays, particulièrement par rapport à ceux du secteur informel. Au Brésil, par exemple, seulement 18 pour cent des tranches de revenu les plus pauvres -qui comptent pour 40 pour cent de la population- sont couverts par le système public de sécurité sociale, et reçoivent seulement 3 pour cent des bénéfices payés par le système en question. Au Vénézuela, les dépenses sur le personnel absorbent 90 pour cent du budget de l'éducation, ce qui reflète le pouvoir des syndicats de professeurs dans le pays (Birdsall et James 1990; Angell et Graham). Il est peu surprenant, par conséquent, que les deux tendances aient dominé le débat sur les dépenses sociales dans la région dans les années 80. La première fut un changement vers des politiques et des programmes plus ciblés, qui s'éloignaient des formes universelles d'assurance sociale.32 La deuxième, en partie une excroissance de la première, fut l'introduction et la prolifération des fonds sociaux dans les années 80 et 90 -des programmes sociaux pauvres, semi-autonomes qui allouaient des fonds, basés pour leur plus grande partie, sur la demande des organisations et des municipalités au niveau local. Certains de ces fonds, mais pas tous, ont joué un rôle important dans l'amortissement de l'impact de l'ajustement des politiques en faveur des groupes pauvres (mais non des plus pauvres).33 Avec presque deux décennies d'expérience dans les programmes ciblés et les fonds sociaux, il y a encore un fort consensus sur le besoin de cibler les fonds publics limités disponibles pour la dépense du secteur social, vers les secteurs qui en ont le plus besoin. Il y a moins de consensus au sujet des mérites des fonds sociaux. Des programmes qui fonctionnent largement en-dehors des institutions courantes du secteur public et qui allouent des dépenses selon des critères basés sur la demande, tout en ayant un certain nombre d'avantages, ont une capacité limitée de ciblage et une très large hétérogénéité dans les résultats. En outre, de tels programmes ne font traditionnellement pas partie d'un contrat social plus large, et ne peuvent remplacer des systèmes d'assurance et d'aide sociale ayant une base plus large, dans le long terme. Etant donnée l'étendue du besoin et la limitation des fonds publics, un certain ciblage s'avèrera toujours nécessaire. D'un autre côté, trop d'accent mis sur le ciblage dans le contexte de chiffres élevés de pauvres éligibles, peut résulter dans la mise à l'écart des extrêmement pauvres. Ceci est un souci particulier si le programme utilise des critères basés sur la demande dans le processus d'allocation, comme le suggère l'expérience de l'Argentine dans le cadre du programme Trabajar. Une étude récente d'un effort de limitation des fonds 32Pour une revue des témoignages dans ce domaine, ainsi que des débats philosophiques, voir Grosh (1994) et van de Walle et Nead (1995). 33Pour un examen critique des fonds sociaux, voir Tendler (2000). 21 de ce programme a découvert que les récipiendaires les plus pauvres finissaient par perdre le soutien du programme, dans la mesure où les demandes plus vocales de groupes moins pauvres mais mieux organisés, réussissaient mieux à obtenir des fonds de plus en plus limités (Ravallion 1999). En d'autres mots, un ciblage efficace des plus pauvres dans le contexte de hauts niveaux d'éligibilité des pauvres exige des fonds suffisants. L'opinion publique au sujet de la redistribution, des causes de la pauvreté et des chances de mobilité seront critiques à l'égard du développement d'un tel contrat social -et des formes plus permanentes d'aide sociale- dans la plupart des pays de la région. Les différences entre les pays d'Amérique Latine pris individuellement, seront aussi définitives. Ces différences sont en partie reflétées dans le niveau et la composition des dépenses publiques, qui varient grandement entre les pays. Il y a des pays de la région qui ont une longue tradition de systèmes sociaux ou d'assurance sociale, et pour la plupart, ce sont des pays dans lesquels ces programmes sont encore largement intacts, même s'ils ont été substantiellement altérés afin d'incorporer les soucis d'efficacité aussi bien que la nouvelle pensée sur le rôle du secteur privé, sur les contributions individuelles et sur le ciblage des dépenses vers les groupes en ayant le plus besoin. Le Tableau 6 fournit un aperçu des différents niveaux de ressources publiques consacrées aux dépenses du secteur social dans la région. Cependant, il ne reflète pas comment ou si les dépenses sont ciblées. Ainsi, des pays qui n'ont pas fait beaucoup d'effort dans le ciblage des dépenses vers les pauvres, tels que le Brésil, dépensent un pourcentage similairement élevé de leurs dépenses publiques sur le secteur social (et un plus haut pourcentage de leur PNB sur les dépenses sociales) que des pays tels que le Chili, qui ont fait des incursions majeures dans le ciblage des dépenses vers les plus pauvres, et ont constaté des effets conséquents sur la réduction de la pauvreté. Tableau 6 Dépense sociale en Amérique Latine Dépense sociale/PNB Dépense sociale/dépenses publiques totales Pays 199091 199697 199091 199697 Argentine 17.7 17.9 62.2 65.1 Bolivie 6.0 12.0 25.8 44.2 Brésil 19.0 19.8 59.5 59.1 Chili 13.0 14.1 60.8 65.9 Colombie 8.1 14.3 29.7 38.2 Costa Ricaa 18.2 20.8 64.4 65.1 Salvador 5.4 7.7 21.9 26.5 Guatemala 3.3 4.2 29.8 42.1 Honduras 7.8 7.2 33.1 31.9 Mexique 6.5 8.5 41.6 52.9 Nicaraguab 10.3 10.7 38.3 35.6 Panama 18.6 21.9 40.0 39.9 Paraguay 3.0 7.9 39.9 47.1 Pérou 2.3 5.8 16.7 40.9 République Dominicaine 4.5 6.0 36.9 39.0 Uruguay 18.7 22.5 62.3 69.8 22 Vénézuela 9.0 8.4 33.9 39.0 Moyenne pour la régionc 10.1 12.4 41.0 47.2 a. Chiffres pour 1996-97 sont basés sur les résultats de 1996 seulement, en raison du manque d'information. b. Chiffres pour 1990-91 sont basés sur les résultats de 1991 seulement, en raison des problèmes dûs à l'hyperinflation en 1990. c. Moyenne simple des chiffres des pays. Source: ECLAC, Social Panorama of Latin America, 1998 (LC/G. 2050-P), Santiago, Chile, 1999. L'expérience chilienne Le Chili est peut-être le pays de la région qui a été le plus loin dans la réforme des institutions de son secteur social, modifiant ses institutions de sécurité sociale, d'éducation, de santé et d'assurance sociale dans la foulée, avec des degrés différents de succès en fonction du secteur. Comme conséquence de son haut degré de capacité administrative pré- existante des secteurs sociaux, combiné avec des efforts dans le ciblage, le record du Chili dans la protection du bien-être des plus pauvres parmi les pauvres pendant la longue crise économique du début des années 80, à la fois au moyen de programmes d'emploi dans les travaux publics et au moyen de programmes ciblés de nutrition pour la mère et l'enfant, a reçu beaucoup d'attention positive, et des tentatives ont été faites dans un certain nombre de pays de copier les différents éléments de ses réformes du secteur social.34 Malgré ce record, le Chili a dû, dans la durée, adapter ses politiques de système social aux réalités changeantes, puisque son économie s'est développée extensivement et que le revenu par tête a augmenté, autant que les circonstances politiques et les attitudes ont changé de leur côté. Le ciblage des dépenses d'assurance sociale, par exemple, a eu lieu dans les années 70 et les années 80, sous les auspices d'un régime politique autoritaire, alors que le débat politique était réprimé et que les syndicats étaient hors-la-loi. Avec la transition démocratique en 1990, les décideurs politiques ont dû adapter le système à des pressions politiques plus larges et plus "normales", tout en maintenant l'accent sur les programmes ciblés. Les soucis des syndicats de professeurs, par exemple, étaient prédominants dans les adaptations des réformes de l'éducation intervenues pendant la période post-autoritaire.35 La dépense sociale générale a augmenté à un taux effectif annuel de 8.5 pour cent de 1991 à 1995, par contraste avec la décennie précédente, lorsqu'elle avait décliné en réalité (mais augmenté pour les groupes les plus pauvres). Cependant, les augmentations après 1990, tout en maintenant un soutien en faveur de dépenses ciblées et liées à la situation de fortune, ont été plus importantes pour des services disponibles sur une base plus universelle: santé, éducation et sécurité sociale.36 L'augmentation a été rendue possible grâce à un consensus bi-partisan sur l'augmentation des impôts sur les dividendes et sur les commerces.37 Ce fut une réponse au besoin du gouvernement d'aborder les soucis authentiques de la classe moyenne et des presque pauvres qui n'avaient pas réussi aussi bien 34Voir, par exemple, Cowan et de Gregorio (2000); et les chapitres sur le Chili dans Graham (1994) et (1998). 35 Ces changements ne se sont pas faits sans critique cependant, puisque beaucoup ont argumenté que la centralisation des relations du personnel, qui avait lieu, érodait l'efficacité et la flexibilité introduite par les réformes sur les coupons. Pour plus de détails, voir Gauri (1999). 36Arrellano (2000) et information obtenue lors de la participation de l'auteur à la conférence pendant laquelle les articles préparatoires sur le projet furent présentés et discutés, Santiago, Juillet 1997. 37Pour une discussion détaillée de la réforme fiscale, voir Boylan (1996). 23 que les plus pauvres dans les réformes, particulièrement dans les secteurs de la santé et de la sécurité sociale.38 Maintenant, après presque une décennie de niveaux de croissance élevés et soutenus, et pour rester dans la lignée de l'ancien record du Chili d'utilisation de l'emploi dans les travaux publics comme filet de protection, le gouvernement Lagos ré instaure un certain nombre de programmes de ce type pour faire face à un taux de chômage de plus de 8 pour cent et à plusieurs années de croissance lente. Des plans ont été posés pour créer plus de 100,000 emplois supplémentaires au travers d'un certain nombre d'agences du secteur public, y compris le Fond de Contingence Sociale.39 Autres exemples L'Uruguay et le Costa Rica sont deux autres pays remarqués pour leur structure de système social. Bien que l'Uruguay n'ait pas été aussi loin que le Chili en termes de ciblage des dépenses et d'introduction du secteur privé et du choix dans la livraison des services, il a introduit des comptes individuels dans son système de sécurité sociale, ainsi qu'une réforme majeure de l'éducation comportant certains éléments de gestion décentralisée. Pendant ce temps, le Costa Rica continue de maintenir un système ayant une base plus universelle, mais dans les dernières années, le pays a été confronté à des problèmes de diminution de la qualité des services, diminution due à l'incapacité de se maintenir à l'échelle de la demande de services. L'Argentine avait aussi un système d'assurance sociale très bien développé pendant des décennies, mais il penchait plus lourdement vers la couche moyenne que vers les pauvres.40 38Pour les échanges concernant la couche moyenne dans la réforme de la sécurité sociale, voir James (1998). Pour le destin de la couche moyenne et des presque pauvres plus généralement dans le cadre des réformes de marché, voir Birdsall, Graham, et Pettinato (2000). 39 "Mensaje del Presidente de la Republica, Ricardo Lagos, Al Congreso Nacional, 21 de mayo 2001," El Mercurio, 21 Mai 2001; et discussions avec Kirsten Sehnbruch, candidat au doctorat, University of Cambridge, Juin 2001. 40Dans une grande mesure, cela reflète le pouvoir du mouvement syndical péroniste au moment où il fut établi. Même le système de retraite semi-privé, établi dans les années 90, est bien plus favorable aux travailleurs ayant des revenus moyens qu'à ceux ayant des revenus plus faibles. 24 Eu égard à la discussion ci-dessus sur la loyauté de groupe et de race, et sur les dépenses sociales aux Etats-Unis, ainsi que sur les effets plus généraux de la fragmentation ethnique et raciale sur la dépense des biens publics, il est important de remarquer qu'il y a une grande homogénéité raciale dans les pays dans lesquels les systèmes d'assurance sociale avaient été développés plus tôt. Ceci contraste d'une manière aiguë avec plusieurs pays andins et avec le Mexique, par exemple, dans lesquels la population indigène constitue une plus grande proportion de la population totale. En termes historiques, alors que le premier jeu de pays était éloigné du centre le l'empire colonial espagnol, le dernier était situé bien plus proche du coeur de l'administration d'une élite coloniale, connue pour son exploitation de la population locale. En attendant, le Brésil, un pays ayant aussi un filet de sécurité très limité et de hauts niveaux d'inégalité et de pauvreté, est à la fois très grand, et en termes de races et géographiquement fragmenté. A un niveau très général, ces pays qui ont les systèmes d'assurance sociale et de filet de sécurité les plus développés de la région, ressemblent aussi beaucoup plus aux pays homogènes d'Europe, et ceux qui n'avaient pas de tels systèmes, ressemblent beaucoup plus aux Etats-Unis, c'est-à- dire sont hétérogènes, du point de vue géographique et en termes de race. Tout ceci consiste en des généralisations très larges. Cependant, elles trouvent un écho dans les opinions différentes au sujet de la redistribution parmi les pays d'Amérique Latine. L'Argentine, le Chili et l'Uruguay, par exemple, se comptent parmi les plus grands supporters de la redistribution dans la région (Figure 2). Et ces trois pays ont tous des scores en dessous de la moyenne, en ce qui concerne la croyance que les chances sont partagées de manière égale (Tableau 7). En d'autres mots, les publics de ces pays soutiendront probablement plus un certain rôle du gouvernement dans la redistribution et/ou la fourniture d'un filet de sécurité, qu'une personne moyenne d'Amérique Latine. 25 Tableau 7 Perceptions de l'égalité des chances, Amérique Latine, 2000 Pays Moyenne Niveau de Dév. Freq. Argentine 0.141 0.348 1187 Bolivie 0.211 0.408 1057 Brésil 0.147 0.354 979 Colombie 0.227 0.419 1183 Costa Rica 0.290 0.454 987 Chili 0.216 0.412 1171 Equateur 0.242 0.429 1160 Salvador 0.259 0.439 987 Guatemala 0.294 0.456 975 Honduras 0.322 0.467 994 Mexique 0.309 0.462 1182 Nicaragua 0.217 0.413 989 Panama 0.238 0.426 981 Paraguay 0.281 0.450 602 Pérou 0.254 0.436 1031 Uruguay 0.250 0.433 1167 Vénézuela 0.507 0.500 1142 Total 0.259 0.438 17774 Note: Scores moyens par pays sur une question demandant si les chances étaient partagées de manière égale, avec comme réponse possible "pas de manière égale" ayant une valeur de "0" et "de manière égale" ayant une valeur de "1". Source:Auteur. 26 En outre, seulement quelques pays de la région ­Argentine et Brésil- ont des systèmes d'assurance-chômage ­au moins traditionnellement définis comme tels- et des deux, seul le Brésil fournit une couverture de taille signifiante.41 Le Chili a seulement passé une législation sur l'assurance-chômage en 2001, et le système en est encore aux balbutiements. Au mieux, le système, qui est basé sur les contributions de l'employeur et de l'employé sur des comptes individuels, couvrira 10 pour cent de la population active.42 Une raison du manque d'assurance-chômage dans la région, est qu'elle est conçue pour couvrir les travailleurs ayant un emploi stable dans le secteur formel, alors qu'une proportion large de la population active -y compris la plupart des travailleurs pauvres- relève du secteur informel.. Il n'est pas surprenant que la peur du chômage soit forte et qu'elle ait des effets négatifs d'une manière constante sur la perception du bien-être auprès des personnes questionnées dans toutes les tranches de revenu. Ces soucis sont légèrement plus forts pour ceux qui sont au bas de l'échelle des revenus que pour les riches. Ils sont aussi plus forts pour ceux qui sont moins éduqués et pour ceux qui travaillent dans le secteur privé.43 Les scores médians de la peur du chômage sont aussi plus bas dans les pays ayant des filets de sécurité et/ou une assurance chômage plus développés qu'ils ne le sont dans la plupart des autres pays de la région. Alors que ces peurs sont, sans aucun doute, menées par les conditions macro- économiques globales et par les taux de chômage ouvert, l'existence d'un filet de sécurité peut aider à les améliorer (Tableau 8). Cet article a essayé, jusque-là, de démontrer comment les opinions du public -au sujet de la redistribution, des causes de la pauvreté et des chances de mobilité ascendante- ont des effets sur la viabilité politique des politiques de système social. Elles peuvent aussi influencer la conception et le choix des politiques. Il a aussi été démontré que les attitudes en Amérique Latine -un échantillon large de pays en voie de développement- ressemblent beaucoup plus à celles des Etats-Unis qu'à celles des pays européens. Ceci suggère que des filets de protection basés sur le travail et sur une contribution individuelle plus limitée soient des solutions politiques plus durables pour ces pays. Une telle approche est aussi logique, étant donnés les grands secteurs informels et la capacité fiscale limitée de ces économies. En particulier, la dépendance continue sur la taxe à la valeur ajoutée (TVA) comme générateur de la plupart des recettes générales est une forme régressive de l'imposition en général, qui présente un nombre d'échanges lors de la conception de politiques d'aide sociale fondées sur de telles recettes. Ainsi, le développement de systèmes d'aide sociale plus permanents et ayant une base plus large, sera limité et progressif par nécessité. Cependant, ceci ne devrait pas rabaisser l'importance du besoin de faire des progrès sur cet ordre du jour. 41L'Equateur a un système petit, non-traditionnel; le Vénézuela a un système de compensation pour perte d'emploi qui est sujet à des changements; et dans les Caraïbes, la Barbade a un plan traditionnel. Pour un excellent aperçu des systèmes d'assurance-chômage et autres de la région, voir Mazza (1999). 42La loi a été le sujet de beaucoup de débats, avec une grande opposition de la part de la droite. Selon la manière dont on lit la loi, seulement 7 pourcent de la population active sera couverte. 43Nous rapportons ces résultats dans leur intégralité dans Graham et Pettinato (2001). 27 Tableau 8 Peur du chômage, réponses moyennes par pays, Amé rique Latine, 2000 Pays Moyenne Niveau de Freq. Dév. Argentine 0.617 0.394 914 Bolivie 0.656 0.343 955 Brésil 0.677 0.381 829 Colombie 0.709 0.333 1049 Costa Rica 0.661 0.371 818 Chili 0.598 0.375 933 Equateur 0.752 0.315 1084 Salvador 0.545 0.375 768 Guatemala 0.685 0.352 878 Honduras 0.643 0.372 877 Mexique 0.561 0.355 979 Nicaragua 0.720 0.344 799 Panama 0.612 0.362 895 Paraguay 0.725 0.348 564 Pérou 0.738 0.310 944 Uruguay 0.546 0.367 569 Vénézuela 0.732 0.355 1032 Total 0.661 0.361 14887 Note: Les scores moyens par pays sur une question demandant le niveau de souci des personnes questionnées concernant la perte de leur emploi, avec "pas du tout concerné" ayant une valeur de "0", "un petit peu concerné" une valeur de "0.3", "concerné" une valeur de "0.6" et "très concerné" une valeur de "1.0". Source: Auteur. Eviter les pièges et identifier les opportunités: stratégies d'évaluation, de cadrage et de navigation du contexte politique Une politique d'aide sociale et/ou de système social est particulièrement vulnérable aux attitudes politiques et au contexte politique. La plupart des populations connaissent un consensus relativement large sur la nature «publique » de biens tels que l'éducation et la santé, dans la mesure où les bénéfices de ces biens, dans l'ensemble, sont relativement évidents. Cependant, l'aide à ceux qui ne sont pas en mesure de prendre soin d'eux-mêmes, particulièrement dans le cas de ceux qui sont physiquement capables, est plus controversée, au moins dans certaines sociétés. C'est une question particulièrement difficile dans les pays en voie de développement, dans lesquels des contrats sociaux établis et des systèmes d'assurance sociale de base large sont l'exception, et qu'au même moment, il y a une grande pauvreté. Dans la plupart des pays, la nature du contrat social doit encore être établie, y compris l'obtention d'un accord sur la manière de le financer, qui occasionnera finalement la redistribution de certains secteurs vers d'autres. Jusqu'à ce jour, il y a eu beaucoup de pensée sur le débat entre les services ciblés et les services plus universels. Dans les pays en voie de développement, étant donnés le besoin et la 28 limite des fonds publics, un certain ciblage s'avèrera toujours nécessaire. Les choix politiques devant être mis en lumière peuvent ne pas toujours être entre les services universels et les services ciblés, mais plutôt entre les presque pauvres et les pauvres, et entre les pauvres et les extrêmement pauvres; entre les pauvres qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas ; entre des programmes financés et mis en oeuvre par le centre et d'autres, financés et mis en application localement ; entre le secteur formel et le secteur informel. La solution à ces questions sera finalement la clé nécessaire aux pays en voie de développement pour évoluer de stratégies d'aide sociale temporaires et traditionnellement financées par des sources externes vers des structures de système social qui font partie d'un contrat social financé par le pays lui-même. Il y a très peu de pays en voie de développement dans lesquels de telles questions ont été résolues, et cet article suggère seulement des manières d'y penser. Ce qui est clair, c'est que les attitudes publiques sur ces questions, s'ajoutant aux structures socio-économiques et institutionnelles de pays particuliers, joueront un rôle déterminant dans le processus. Le rejet ou la négligence d'opinions publiques profondément ancrées résultera probablement en des programmes non viables. Ceci ne signifie pas que de nouvelles approches ne puissent pas être introduites, ni que l'opinion publique ne puisse changer avec le temps. Mais les stratégies de mise en oeuvre de la réforme doivent comprendre la navigation des contraintes posées par les attitudes et l'opinion publiques, et la reconnaissance des possibilités d'opportunité. Cette section de l'article tente de fournir aux décideurs politiques trois séries d'outils. La première série concerne les outils avec lesquels évaluer l'opinion publique ­et le contexte d'économie politique plus large- dans un pays donné. La deuxième série consiste en un éventail des thèmes autour desquels on peut cadrer les choix regardant la faisabilité de types particuliers de programmes, eu égard à la situation du pays. La troisième série est un menu des stratégies de navigation du contexte politique, options qui sont organisées autour de trois variables dépendantes du contexte : la structure et la capacité des institutions publiques ; la nature des opinions publiques relatives à l'aide sociale; et l'équilibre entre des initiatives de réforme menées par le centre et d'autres, décentralisées. Evaluation des opinions publiques Une question évidente pour les décideurs politiques est la manière de mesurer et d'évaluer l'opinion publique, et comment appliquer ces évaluations à des questions concrètes de politique. Les instruments d'évaluation les plus évidents sont les sondages d'opinion publique. Comme le suggère l'étude des modèles de vote de la Californie, discutée ci-dessus, l'opinion publique au sujet des dépenses du système social, telles qu'elles sont exprimées dans les sondages, peuvent s'avérer un indicateur relativement fiable du soutien politique en faveur de ces politiques ou des changements proposés devant y être apportés. Le Latinobarometro est un bon exemple du type d'instrument de sondage pouvant jouer un tel rôle. C'est l'enquête la plus vaste de son genre dans les économies en voie de développement; des données d'enquêtes similaires pour d'autres pays et régions en voie de développement seraient extrêmement valables. A l'heure actuelle, des efforts sont faits pour développer un « baromètre » de l'Asie, et des efforts de sondage similaires ont lieu dans quelques pays africains sélectionnés. Une question qui est critique de ces efforts et d'autres efforts associés au recueil de données, est celle du financement adéquat 29 Un problème majeur avec le Latinobarometro, par exemple, est que, en raison de contraintes de coût, les sondages ne sont pas représentatifs sur le plan national, dans beaucoup de pays. Ils sont particulièrement biaisés dans le cas des pays ayant des populations rurales importantes et éloignées, tels que la Bolivie et le Brésil.44 Le Latinobarometro laisse aussi échapper des questions importantes pour lesquelles nous avons des données analogues dans les économies développées, et qui ont une influence sur la conception des politiques. Une question-clé, par exemple, est l'étendue jusqu'à laquelle les publics latins veulent payer des impôts -et en particulier des impôts de type progressif- pour soutenir le développement de formes plus efficaces et permanentes d'assurance sociale. Des ressources additionnelles sont nécessaires pour que de tels sondages couvrent une fourchette plus importante de questions afin de donner une représentation nationale approximative plus étroite, et pour que les données soient rendues disponibles au public. Se rajoutant aux instruments de sondage, l'histoire propre à chaque pays, de la trajectoire des efforts d'aide sociale (ou du manque de ces derniers), est certainement un guide secourable dans la détermination de l'étendue et de l'échelle auxquelles l'effort est politiquement faisable. Les publics de pays se reposant traditionnellement lourdement sur les systèmes de soutien familiaux, tels que les économies d'Asie de l'Est, ne se sentiront probablement pas confortables avec des programmes publics généreux, à très large échelle, comme l'a montré leur réluctance à mettre en place de nouveaux filets de sécurité lors des répercussions de la crise économique de 1997. D'un autre côté, les publics tels que ceux des anciens pays communistes, qui sont habitués à de vastes plans publics, ne seront pas en faveur de politiques d'aide très ciblées, au moins dans le court terme. Bien que les attitudes puissent changer, et changent d'ailleurs avec le temps -et sont souvent influencées par des histoires de réussite dans les autres pays-, prêter attention aux anciennes trajectoires peut au moins fournir une information utile sur le croisement des attitudes publiques et des politiques d'aide. Des attitudes aux choix de politique: un cadre pour faire les choix Une question concerne la manière de recueillir une information suffisante. Une autre concerne la manière d'appliquer ce savoir aux questions politiques. Ces questions varieront, sans aucun doute, en fonction du contexte du pays. Cependant, il y a plusieurs questions qui sont génériques à l'économie politique de toutes les politiques d'aide sociale, et qui aideront à la détermination des choix-clés, comme de savoir si une approche ciblée ou une approche plus universelle est optimale, ou si les programmes devaient être financés et administrés au niveau fédéral ou au niveau local. Dans une large mesure, ces questions pivoteront sur la question de la personne que le public estime «mériter » une aide, et jusqu'à quel point ce choix est dicté par des similarités et des différences entre ceux ayant besoin d'aide et le grand public. Plus les contraintes fiscales sont grandes, plus il y a de chances que les opinions sur la personne qui «mérite » l'aide, jouent un rôle. De telles attitudes, ainsi que le débat politique, peuvent aussi être 44Pour cette raison, dans certaines de nos analyses de régression, à la fois dans cet article et dans d'autres, nous traitons le sondage entier comme un échantillon à l'échelle de la région plutôt que comme un échantillon représentant le pays. Pour la plupart des spécifications, nous trouvons que les résultats sont très similaires, que nous incluions ou non ces pays simulacres. 30 influencées par les intérêts de groupes de pression particuliers qui revendiquent des bénéfices d'aide sociale. Ces groupes sont rarement les plus nécessiteux. Qui est méritant: Les pauvres contre la classe moyenne En premier lieu, quelle est la relation de proximité (dans la distribution du revenu) et de similarité (en termes d'emploi, de résidence) entre les pauvres et la classe moyenne? Dans certains pays ­particulièrement dans les économies développées-, les pauvres forment une « sous-classe » distincte. Dans d'autres, et dans la plupart des pays ayant une économie de marché balbutiante, il y a un nombre assez important d'entrées dans- et de sorties de- la pauvreté, de personnes appartenant aux rangs de la classe moyenne.45 Alors que dans tels cas il y a habituellement une catégorie séparée de personnes extrêmement pauvres, qui ne partage aucun trait avec la classe moyenne (et qui ne nécessite pas des politiques d'aide séparées), l'économie politique de l'aide sociale devrait être vue en termes de la conformité des intérêts des pauvres et de la classe moyenne.46 Qui est méritant: diversité raciale Une question importante est le degré homogénéité ou d'hétérogénéité raciale, entre les pauvres et le reste de la société. Comme le montre la discussion initiale sur les Etats-Unis, alors même que le public soutient des politiques à base large telles que la santé et l'éducation, sans tenir compte de la composition raciale de la société, de grandes différences raciales semblent créer des divisions politiques lorsqu'il s'agit d'aide liée à la situation de fortune pour les pauvres « non méritants » (personnes physiquement capables, se trouvant au chômage). Dans de telles circonstances, un conditionnement et une commercialisation ingénieux des politiques d'aide -aussi bien qu'une éducation du public- peuvent s'avérer nécessaires (par exemple, pour dépasser les conceptions fausses du public américain au regard de l'étendue de la population pauvre). Qui est méritant: Equilibre régional Une question associée concerne l'étendue jusqu'à laquelle la pauvreté est régionalement concentrée. De nouveau, il peut s'avérer plus difficile de rassembler un soutien public pour des politiques d'aide en faveur de populations qui sont éloignées, ou « invisibles » au citoyen moyen, par opposition à ces populations plus proches et avec lesquelles il y a une certaine affinité. Qui plus est, des populations isolées ont encore moins de chance d'être représentées par des groupes d'intérêt organisés et ayant de l'influence. Qui est méritant: attitudes politiques au regard des causes de la pauvreté Une autre question concerne celle de l'orientation politique ou idéologique de la majorité du public. Il est très clair, à partir de nos deux analyses, des Etats-Unis et de l'Amérique Latine, que les personnes questionnées qui se placent à la droite (du côté conservateur) du spectre politique, soutiendront beaucoup moins la redistribution vers les pauvres ou les nécessiteux, et croiront plus probablement que les pauvres sont pauvres en raison d'un manque d'effort de leur part, plutôt qu'en raison de circonstances au-delà de leur contrôle. Une recherche par Corneo et Gruner (2000), discutée ci-dessus, suggère que les effets de ces attitudes agrégées au niveau du pays, soient aussi fortes, si ce n'est même plus, que les intérêts économiques au niveau individuel, dans leur explication des différences internes au pays en matière 45 Pour de la documentation sur ce sujet, voir Birdsall, Graham, et Pettinato (2000); et Pritchett, Suryahadi, et Suarto (2000). 46Une bonne description des différents besoins des extrêmement pauvres peut se trouver dans Lipton (1988). 31 d'opinions relatives à la redistribution, dans une sélection de pays européens et aux Etats- Unis. Cette recherche, s'ajoutant au cas d'étude basé sur le travail, suggère que les différences au niveau du pays dans les opinions concernant le système social soient très importantes, et que les politiques d'aide comportant un élément exigeant un travail ou des efforts personnels, (tel que c'est le cas dans la nouvelle loi sociale des Etats-Unis) ont plus de chance d'être politiquement viables auprès des publics de droite ou conservateurs que les autres types de politique, telles que les politiques sociales de style européen. De nouveau, la manière dont les programmes sont présentés et commercialisés sera importante. Qui est méritant: les pauvres ou les enfants des pauvres La conception d'un programme reflète les objectifs des décideurs politiques et du public, et les différences entre les deux peuvent avoir des effets majeurs sur les différents groupes de bénéficiaires. Des programmes tels que le programme social des Etats-Unis, qui pivote sur un objectif de remettre les pauvres au travail, fait des échanges sur d'autres objectifs, tels que le statut des enfants pauvres en général. En d'autres mots, les enfants des pauvres « non- méritants » qui ne retrouvent pas de travail, sont beaucoup plus vulnérables sous un système de style Etats-Unis, dans lequel les pauvres qui ne travaillent pas risquent de perdre leurs bénéfices, qu'ils ne le sont dans un système de style européen, qui fournit une aide basée sur le nombre de personnes dans une famille pauvre ayant besoin d'aide. Cependant, un risque associé avec ce dernier type de système, est qu'il est difficile de décourager la dépendance sur le système social. Sans porter de jugement sur le système pouvant être le meilleur, les décideurs politiques ont besoin d'être conscients des échanges existants, ainsi que des attitudes publiques à leur égard. Dans certaines économies d'Europe de l'Est et des anciens pays communistes, par exemple, il est beaucoup moins acceptable politiquement de faire des coupures dans les bénéfices liés aux pensions qu'il ne l'est dans les programmes d'aide familiale.47 Une partie de cela est, sans aucun doute, déterminée par le poids relatif des groupes intérêt (retraités ayant le temps et étant en même temps très organisés; les parents des enfants pauvres ne le sont pas). Une partie est aussi déterminée par l'opinion publique. Cependant, l'établissement d'une certaine clarté sur les objectifs du programme et sur les choix occasionnés, rendra plus simple aux décideurs politiques la navigation du contexte politique lors de la présentation et de la mise en oeuvre du programme. Une question plus générale, à laquelle la recherche académique, plus que les sondages d'opinion publique, doit répondre, concerne les types de systèmes d'aide sociale faisables et viables dans des contextes de hauts niveaux de pauvreté et d'inégalité. Sans tenir compte de leur conception et de leur champ d'application, les systèmes d'aide sociale doivent être mis en oeuvre dans le contexte de politiques macro-économiques orientées vers la croissance, puisque, au mieux, ils peuvent au moins complémenter la croissance et réduire la pauvreté. Cependant, ils peuvent servir de suppléments importants au processus de croissance en protégeant les personnes vulnérables pendant les périodes de crise ou de récession économique et, ce qui est également important, en fournissant une assurance face au risque de chômage pour ceux qui saisissent de nouvelles opportunités de mobilité ascendante. Dans 47Je discute ceci en détail dans Graham (1994) et Graham (1998); voir les chapitres sur la Pologne dans le premier article et sur la République Tchèque dans le second. 32 ce dernier rôle, les système sociaux rehaussent une participation plus large au processus de croissance. Même là, et particulièrement dans les contextes des très pauvres, il peut y avoir des choix difficiles à faire au sujet des investissements dans l'éducation des enfants contre la fourniture de protection aux adultes sans emploi. 48 Navigation du contexte politique: Pièges et fenêtres d'opportunité Une fois que les choix ont été effectués au sujet de la personne des bénéficiaires de l'aide sociale, les décideurs politiques doivent encore naviguer dans des contextes politiques variés et souvent très difficiles, afin de mettre en oeuvre les changements de politique. L'économie politique n'est pas la seule contrainte ou le seul souci auquel les décideurs politiques doivent faire face lorsqu'ils conçoivent et mettent en application des politiques de filet de sécurité. Plusieurs, parmi ces contextes, sont importants mais vont au-delà de l'étendue de cet article, comme la question critique des contraintes fiscales (qui, finalement, dicte beaucoup de choix politiques). Le point de concentration ici consiste en trois jeux de questions qui interagissent directement avec le contexte d'économie politique pour déterminer la faisabilité de programmes particuliers de filets de sécurité et d'autres types de politiques d'aide, ainsi que des stratégies pour les mettre en application. Ces questions concernent la capacité administrative des institutions du secteur public; l'étendue jusqu'à laquelle l'opinion publique relatives à l'aide sociale sont ancrées dans ou formées autour de types particuliers de politiques ; et l'équilibre entre des initiatives de réforme très larges, menées au niveau central et des initiatives plus petites, ad hoc, de nature ou non pilote. La compréhension du territoire (mental, politique, etc) du pays dans le cadre de ces trois questions, aidera les décideurs politiques à naviguer le contexte de l'économie politique. Le cadre institutionnel Le choix d'un filet de sécurité et d'autres politiques d'aide sociale est souvent dicté par la capacité des institutions du secteur public. Dans les pays dont les institutions publiques sont faibles et ayant une capacité administrative très réduite, les politiques qui dépendent très peu de l'administration centrale et beaucoup plus des institutions et organisations locales (y compris les ONG) pour identifier et mettre en oeuvre des projets , tels que le modèle de fonds social de l'aide sociale, sont habituellement plus appropriées. Cependant, il y a clairement un échange, dans la mesure où de telles politiques sont beaucoup moins efficaces à cibler des groupes spécifiques, particulièrement les plus pauvres, qui sont les moins à même de présenter des propositions de projets viables. Ainsi, quoique décentralisés, les programmes basés sur la demande sont très attrayants dans beaucoup de contextes, et ont souvent des externalités positives en termes de développement de capacité et de création de partenaires au niveau local. Cependant, ils ne peuvent traditionnellement pas fournir un filet de sécurité garanti contre l'échec. Ceci doit être conservé à l'esprit si la protection des plus vulnérables est un objectif majeur. Ceci dit, dans beaucoup de contextes dans lesquels la capacité administrative au niveau central exclut les autres approches, ceci peut n'être que la seule alternative réalisable, du moins à court terme. 48Bien sûr, les personnes au chômage ont souvent des enfants, et par conséquent les échanges ne sont pas toujours directs. 33 En outre, si le contexte politique est hostile à la redistribution ou aux stratégies d'aide, alors ce modèle est aussi attrayant dans la mesure où il peut démontrer que ceux qui reçoivent une aide doivent faire preuve d'initiative et contribuer un effort substantiel pour la recevoir. Un autre avantage est que la délégation de la responsabilité à l'égard du programme du niveau central au niveau local peut souvent aider à diffuser le débat politique et l'opposition politique, comme ce fut le cas aux Etats-Unis en 1996, lorsque les Etats se sont vus donner des bourses en bloc et une grande flexibilité dans la mise en place des règles de l'ATFN. A plus long terme, le modèle d'aide sociale basé sur la demande peut être développé davantage afin de créer des liens plus grands avec le secteur public général, liens qui puissent remplir les objectifs de création d'institutions, tel que cela a été tenté dans la deuxième étape du Fonds Social d'Urgence de la Bolivie. Comme toujours, cette approche occasionne aussi des échanges, dans la mesure où plus il y a de liens avec la bureaucratie générale, moins le programme est susceptible de devenir leste et flexible. Le modèle alternatif d'aide sociale est un programme mis en application de manière centrale, au sein même de la bureaucratie du secteur public, comme c'est le cas avec les politiques de prévoyance sociale au Chili, au Costa Rica et en Uruguay (même si plusieurs d'entre elles ont des éléments au niveau local). Ceci peut s'avérer être l'approche la plus efficace si le ciblage des plus pauvres est un objectif, comme le démontre l'expérience du Chili dans les années 80. Cependant, la capacité administrative est un pré-requis pour ce type d'approche. Il y a aussi d'autres avantages sur le plan de la réduction de la pauvreté. En plus du ciblage, il est possible de coordonner différentes sortes d'aide, telle que lier une aide basée sur les ressources pour des mères ayant de bas revenus à des visites régulières de leurs enfants dans les dispensaires. Il est aussi davantage possible de garantir une certaine uniformité et un certain équilibre régional dans les politiques d'aide, quoique ces objectifs soient sous réserve d'un financement suffisant et d'un engagement politique, en plus de la réserve de capacité administrative. Avec les approches basées sur la demande et gérées au niveau local, l'hétérogénéité des résultats est donnée. En même temps, comme il a été remarqué ci-dessus, ces derniers peuvent avoir un avantage dans le contournement ou l'esquive des controverses politiques au niveau national. Une approche réalisée au niveau central est aussi plus facile à maintenir de manière permanente et basée sur le besoin et peut être une réponse aux cycles macro-économiques et/ou aux chocs externes. La coordination au niveau central rend plus probable et plus aisée la prévision des récessions économiques et leur prise en compte préalable. La récente mise en oeuvre de l'emploi dans les travaux publics, par le Chili, par exemple, demandait la coopération et la participation de divers ministères, ainsi que la coordination avec le secteur privé. Ceci serait plus difficile -quoique possible- à accomplir avec un fonds d'assistance semi-autonome et basé sur la demande. Alors que des programmes décentralisés et se reposant peu sur l'administration se prêtent mieux aux environnements politiques "hostiles", des programmes d'aide se reposant sur le niveau central -programmes qui sont en général plus larges- exigent au moins un degré minimum de soutien politique, dans la mesure où ils seront probablement plus le point de concentration de débats politiques au niveau national. Il n'est donc pas surprenant que les pays qui ont les systèmes de cette sorte les plus développés ont aussi des cultures politiques qui mettent l'accent sur un degré minimum de solidarité sociale et de responsabilité 34 collective d'aide à ceux qui ne réussissent pas. Ils sont aussi, comme cela a été remarqué ci- dessus, relativement homogènes en termes de race et tendent à être plus petits en termes géographiques.49 Deux questions importantes et intégralement liées sont la structure des institutions politiques et l'organisation et/ou la force relative des groupes intérêt spécifiques. Dans certains contextes, les directeurs sont très libres de mettre en oeuvre des changements dans le domaine de l'aide sociale. Cependant, dans la plupart des cas, les politiques d'aide sociale sont étroitement liées aux politiques de secteur social tels que la santé ou l'éducation, sur lesquelles les publics ont traditionnellement des opinions très fortes, et pour lesquelles l'approbation législative est requise pour faire des changements ou mettre en oeuvre des réformes. Au contraire des réformes macro-économiques, qui peuvent souvent être mises en oeuvre par décret exécutif, les réformes du secteur social et de l'assurance sociale demandent traditionnellement l'approbation du pouvoir législatif. Ainsi, la nature et l'équilibre relatif des institutions politiques joueront un rôle dans la détermination des sortes de réformes réalisables et de leur étendue. Dans des contextes où le pouvoir législatif est relativement fort, il peut s'avérer nécessaire de construire une large base de soutien pour les réformes -et/ou une approche plus décentralisée et plus différentielle. Lié à ceci est le rôle des groupes intérêt Dans les pays où les syndicats organisés ou tout autre groupe intérêt, sont très forts, il sera très difficile d'écarter leurs intérêts -et leurs revendications sur les bénéfices liés à l'aide sociale- dans n'importe quelle initiative de réforme générale réalisée au niveau central. De nouveau, la balance des intérêts interagira avec l'opinion publique sur la personne qui mérite l'aide, dans la détermination des types de politiques réalisables et viables. Rien de cela n'implique que des pays particuliers sont prédestinés à avoir un type particulier de filet de sécurité ou de programme d'aide sociale. Cependant, cela suggère vraiment que certains types de programmes soient plus faciles à mettre en oeuvre dans des contextes administratifs et politiques particuliers. Opinion publique ancrée La seconde question concerne la manière dont les décideurs politiques peuvent naviguer les attitudes politiques ou les cultures politiques lorsqu'ils essaient de mettre en oeuvre de nouveaux types de ­ou des changements aux- politiques d'aide sociale. Plusieurs observateurs ont remarqué les difficultés qu'avaient les acteurs externes à convaincre les décideurs politiques en Asie du besoin de politique de filet de sécurité pendant la crise économique de 1997-1998.50 La raison en était la peur que la forte tradition de ces pays, tradition de responsabilité fondée sur la cellule familiale en matière d'aide sociale, serait victime de l'introduction de programmes publics. Alors que ces peurs étaient probablement justifiées jusqu'à un certain point, il est aussi clair que de très grandes souffrances humaines et de larges augmentations de la pauvreté auraient pu être évitées si des filets publics, plus efficaces, de sécurité avaient été en place. Et si la récupération de la crise économique n'avait pas été si rapide, ces questions auraient été encore plus frappantes. 49D'autres programmes d'aide publique à grande échelle, comme les programmes de travaux publics en Inde, ont été mis en application sur une base régionale. 50Voir, par exemple, Birdsall et Haggard (2000). 35 D'un autre côté, certains publics ressentent très fortement la responsabilité collective dans le cadre de certains biens, allant de l'aide sociale à l'éducation. Dans la plus grande partie de l'Europe de l'Est, par exemple, il a été extrêmement difficile de mettre en place des réformes de sécurité sociale basée sur des contributions individuelles, en raison même de la croyance ancrée que les systèmes de pension/retraites devraient être publics, même s'il est de plus en plus clair que les systèmes actuels sont insolvables et que le soutien continu du public à leur endroit, est un obstacle aux autres dépenses essentielles du gouvernement. Ceci contraste avec le grand nombre de pays d'Amérique Latine qui, suivant l'exemple du Chili, ont introduit des systèmes de sécurité sociale privés ou partiellement privés. Dans le contexte de l'Europe de l'Est, où les pensions ont été universellement fournies par- et la responsabilité de- l'Etat pendant des décennies, l'introduction de changements a été beaucoup plus difficile qu'en Amérique Latine, où de grandes parties du public n'étaient pas couvertes par le système public de pension pour commencer, et où le rôle de l'Etat dans la fourniture de services sociaux était encore plus limité. Comment, alors, naviguer des opinions profondément ancrées, relatives à l'aide sociale ? Comme point de départ, il est clair qu'elles ne peuvent pas être simplement mises à l'écart. Si les attitudes favorisent le secteur privé, alors l'engagement de ce dernier dans les programmes d'aide (soit dans la fourniture de services, soit dans l'embauche de main- d'oeuvre temporaire) peut rendre plus politiquement réalisable de tels programmes. Si les opinions s'expriment fortement au sujet des pauvres méritants par rapport aux pauvres non- méritants, alors des exigences de travail ou d'autres formes d'efforts personnels peuvent aider à rendre ces programmes politiquement réalisables. Par contraste, dans le cas où il existerait des opinions fortement ancrées au sujet de certains services considérés comme étant des biens publics, alors les réformes qui cherchent à augmenter des choses telles que la voix et le choix, doivent être introduits avec prudence et avec des éléments forts en matière de relations publiques -ou mieux encore sur une base pilote- pour éviter les débats politiques polémiques qui peuvent compromettre des efforts de réformes plus larges.51 Efforts audacieux contre efforts « à la sauvette » La littérature et le débat sur la mise en application de réformes macro-économiques se sont concentrés sur les avantages et les inconvénients des approches intégrales par rapport aux approches progressives, en matière de réforme. Des arguments similaires pourraient être considérés au sujet de l'opportunité et de l'échelle des réformes dans le domaine de l'aide sociale. Une distinction analogue mais légèrement différente s'applique aux réformes de système social, entre les réformes réalisées par le centre, clairement définies, et les réformes décentralisées ou ad hoc, faites à la dérobée. Le succès dans la réforme du système social et d'autres secteurs sociaux occasionne habituellement des efforts extensifs de publicité et d'explications des réformes au public; un consensus clair sur leur direction; un engagement au niveau central et une mise en place des priorités. Des cas multiples de réforme du système social ayant échoué, aux Etats-Unis, par rapport au succès de la réforme de 1996, sont des cas d'étude. Un avantage additionnel résidait dans le fait que Clinton était un Démocrate, poursuivant ce qui semblait être un agenda Républicain classique (ramener les récipiendaires d'assurance sociale au travail et 51 L'opposition publique aux réformes des programmes d'aide sociale, comme dans le cas du ciblage des subventions de riz au Sri Lanka et des subventions pour les repas de maïs en Zambie, peut mettre en difficulté les efforts du gouvernement en matière de réforme macroéconomique. 36 mettre fin à leur dépendance). Il avait une «fenêtre » d'opportunité, pendant laquelle son avantage politique relatif coïncidait avec un consensus national très clair sur le besoin de réforme du système social.52 Cependant, le succès en matière de réforme sociale contraste d'une manière aiguë avec l'échec de cette même administration en matière de réforme du domaine de la santé, en partie parce que dans ce dernier cas, il y avait peu de consensus sur la direction de la réforme. Des exemples similaires abondent dans les économies en voie de développement. Le succès de l'Uruguay dans la réforme de l'éducation au début des années 90 fut en grande partie le fait du consensus clair sur la direction de la réforme et aussi grâce aux talents politiques et de commandement de son ministre de l'éducation, German Rama (Filgueira and Moraes 1999). Là aussi, il y eut une fenêtre d'opportunité créée en partie par le consensus public clair sur le besoin de réforme de l'éducation. Ceci contraste d'une manière aiguë avec l'échec de la réforme du secteur de la santé en Uruguay, à la même époque. En attendant, en Colombie, une réforme très ambitieuse du secteur de la santé, fut réalisée au début des années 90. La réforme en question était basée sur la séparation du financement et de la fourniture des services de santé, l'introduction de la compétition dans la fourniture de services, et l'extension de l'assurance à des centaines de milliers d'individus ayant un revenu faible. L'effort fut en grande partie possible en raison de la vision et de l'engagement du ministre de la santé de l'époque, Juan Luis Londono (Graham, Grindle, Lora, et Seddon 1999). Bien que le talent de commandement ne se traduise pas aisément en recommandation de politique, il n'en demeure pas moins important. Cependant il y a aussi des exemples dans lesquels même les réformateurs et les communicateurs les plus efficaces sont incapables de passer des réformes en raison même des opinions publiques ancrées. Le cas de Vaclav Klaus et de la réforme du système d'aide sociale dans la République tchèque en est un exemple. Dans ce cas, un leader qui avait réussi à transformer du jour au lendemain une économie planifiée au niveau central en une économie de marché, et qui avait mis en place la première tentative intégrale de coupons de privatisation dans la région, n'a pas été capable de réformer le système des bénéfices sociaux. Klaus voulait initialement cibler les bénéfices familiaux (qui étaient universels dans la République tchèque) vers des familles étant à 1.25 fois le salaire minimum et en dessous. Après une opposition largement répandue, le gouvernement a retiré sa proposition, acceptant d'augmenter vertigineusement les bénéfices pour les familles les plus pauvres, mais de payer des bénéfices à tous ceux qui gagnaient jusqu'à 2 fois le minimum -ce qui signifiait que toutes les familles, à l'exception des 5 pour cent les plus riches, recevraient des bénéfices.53 Klaus réalisa qu'un débat public élargi sur le ciblage de la politique sociale compromettrait d'autres parties de son programme de réforme. Ceci était dû aux opinions profondément ancrées sur le droit universel aux bénéfices de l'aide sociale. De ce moment là, le gouvernement retira ses efforts plus extensifs et la réforme des programmes d'aide sociale devint un processus de bricolage. Dans de tels contextes, il peut bien s'avérer impossible d'obtenir l'approbation politique pour des types particuliers de réformes -au moins lors de conjonctures politiques particulières- puisque le coût politique peut être si élevé qu'il risque de compromettre un 52Pour des détails sur la politique de réforme de prévoyance sociale des Etats-Unis, voir Weaver (2000). 53Je discute ceci en détail dans le chapitre sur la République Tchèque dans Graham (1998). 37 objectif important du gouvernement dans d'autres domaines, tels que la réforme macro- économique. Dans ces cas, la seule façon de faire des progrès vers la réforme et/ou d'introduire de nouvelles approches à la fourniture de services sociaux est d'adopter une stratégie de « réforme à la sauvette ».54 Ici la stratégie est exactement l'opposé de celle décrite ci-dessus. Au lieu d'un effort réalisé au niveau central, recevant beaucoup d'attention dans le débat politique national, les efforts de réforme dans ce cas prennent place comme programmes-pilote au sein d'un ministère ou d'une agence particulière, et est mis en oeuvre principalement au niveau local. Si et lorsque de telles réformes réussissent, elles peuvent alors gagner l'attention nationale (et une mise en application au niveau national) précisément parce que leur réussite éloigne l'arme la plus puissante des critiques de la réforme - la peur de résultats incertains. Un cas d'étude est le programme de santé CLAS au Pérou. Les CLAS (Comités Locaux pour l'Administration de la Santé) étaient gérés par la communauté et par des comités administratifs mis en place pour gérer les dispensaires locaux au Pérou. Le programme commença comme un programme-pilote et a ensuite été étendu dramatiquement, couvrant approximativement deux-tiers des dispensaires ruraux du Pérou. Les comités, qui étaient surveillés par le ministère central et composés d'un représentant du ministère, d'un docteur local respecté, et d'autres officiels élus localement, étaient entièrement responsables de la gestion des dispensaires, y compris de l'administration des honoraires. Les Péruviens ont toujours payé au moins des sommes nominales pour les services de santé. Le changement majeur avec CLAS est qu'au lieu de renvoyer les honoraires aux bureaux de santé régionaux et de recevoir en échange un petit pourcentage sur ces honoraires, ils conservèrent tous les honoraires et les gérèrent et les allouèrent localement. Les CLAS furent autorisés à utiliser les fonds qu'ils généraient pour acheter des fournitures supplémentaires et autres biens de nécessité, ainsi que pour embaucher des travailleurs supplémentaires -ou pour payer des heures supplémentaires aux travailleurs existants, relevant du secteur de la santé publique. Un problème important avant l'apparition des CLAS fut que les dispensaires étaient seulement ouverts pendant quelques heures par jour, et que les usagers ruraux voyageaient sur de longues distances à un coût très élevé (en termes de leur temps et de leur revenu relatif), pour trouver porte close et/ou un manque de médicaments. Dans les zones où les CLAS ont été mis en application, l'usage local des dispensaires a augmenté et des études précoces ont trouvé des preuves de l'amélioration des indicateurs de santé, tels que la mortalité infantile. (Paredes-Solari 1995 et Taylor 1996). Les travailleurs locaux du secteur de la santé publique, à l'origine opposés au programme sur la base de la sécurité de leur emploi, devinrent très vite d'ardents supporters une fois qu'ils eurent réalisé qu'ils pouvaient travailler plus d'heures et être payés pour ces dernières. Ainsi, les travailleurs locaux du secteur de la santé, et les utilisateurs de ces dispensaires, devinrent partenaires, et ce faisant, créèrent une base importante nouvelle de soutien politique à ce programme. A l'heure actuelle, il y a beaucoup plus de villages demandant à bénéficier des CLAS que le gouvernement peut en mettre en place (ou souhaite en mettre en place).55 54Nous avons introduit ce terme dans Graham, Grindle, Lora, et Seddon (1999). 55Je discute le programme CLAS en détail dans le chapitre sur le Pérou dans Graham (1998). Le destin du programme dans la conjoncture d'instabilité politique au Pérou depuis lors, est quelque peu incertain. 38 Parmi d'autres choses, trois furent essentielles au succès du CLAS. La première fut un programme important d'ouverture au niveau local. La deuxième fut l'engagement du ministère de la santé au moment où la réforme fut mise en oeuvre, dans la mesure où il y avait beaucoup d'opposition, à la fois au sein du ministère et au niveau régional du secteur de la santé. Finalement, également important fut le fait que les CLAS n'aient pas reçu beaucoup de publicité au niveau central et/ou ne sont pas entrés dans le débat politique national. Le Président Fujimori, qui craignait toute délégation d'autorité au niveau local, se serait peut-être même opposé au programme s'il en avait su plus. Au même moment, la privatisation des services sociaux était devenue la «bête noire » politique au Pérou, en raison de la campagne menée par l'opposition contre une proposition d'éducation basée sur les coupons, et inspirée par la réforme chilienne. L'opposition s'est effectivement concentrée sur le pauvre état des écoles rurales du Chili et le gouvernement de Fujimori a failli perdre un référendum constitutionnel sur la question de la réforme de l'éducation.56 Le gouvernement a subséquemment laissé tomber l'initiative de réforme par peur des réverbérations politiques continues. Les CLAS furent mis en oeuvre pendant cette période et, s'ils avaient eu plus de publicité, l'opposition les auraient peut-être inclus dans leur campagne de protestation contre la `privatisation' des services sociaux. Le point ici ne concerne pas les particularités des CLAS et/ou des autres réformes, mais plutôt que si et lorsque les opinions politiques sont relativement ancrées -et à certains moments elles peuvent le devenir encore plus en réaction aux autres tentatives de réforme non reliées, telle que l'éducation au Pérou-, il y a des `champs de mine' politiques que les décideurs politiques feraient bien d'éviter. Si et lorsque c'est le cas, une réforme à la sauvette, sur une base pilote tranquille, est la manière la plus efficace de procéder. Ceci met de nouveau en lumière l'importance, pour les décideurs politiques, d'être conscients des particularités du contexte politique actuel, ainsi que des attitudes politiques plus généralement. Conclusion Cet article a suggéré un cadre pour la pensée relative à l'économie politique des politiques de filets de sécurité et d'aide sociale. Elle a mis en lumière l'importance des opinions publiques au sujet des causes de la pauvreté, de la distribution des chances et de la redistribution (parmi d'autres). Elle pose comme principe que de telles attitudes ne sont pas seulement un élément- clé au choix des programmes, mais qu'elles influenceront probablement la conception et la direction future de ces politiques. Alors que des programmes de filets de sécurité temporaires et financés par des aides extérieures peuvent faire éviter ces soucis de manière plus aisée, les politiques d'aide sociale qui forment une partie intégrante d'un contrat social à plus long terme, doivent les prendre en considération. Ces attitudes auront une pertinence et une importance particulières dans l'allocation des problèmes. Le point de concentration habituel lors de la discussion de telles questions est si ces programmes devaient être ou non ciblés ou universels. Tout en reconnaissant l'importance de cette distinction, cet article pose en principe que des opinions publiques profondément ancrées exigent souvent un élargissement de cette dichotomie pour inclure 56 Il y a un débat sur les effets de la réforme des coupons dans les écoles rurales pauvres du Chili, qui étaient déjà en mauvais état avant la réforme. Voir Gauri (1999). Cependant, cela a quand même servi d'arme politique puissante pour l'opposition péruvienne. 39 d'autres conflits (ou intersections) intérêt potentiels entre les presque pauvres et les pauvres, entre les pauvres et les extrêmement pauvres, entre les pauvres qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, et entre les travailleurs des secteurs formel et informel. En outre, le contexte institutionnel peut dicter d'autres choix (ou intersections) entre des programmes financés et mis en place au niveau central et d'autres plus décentralisés, basés sur la demande. Afin que les décideurs politiques incorporent l'opinion publique dans le processus politique, ils ont besoin de plus et de meilleurs instruments d'évaluation de l'opinion publique. Ceci exige à la fois un soutien et un renforcement des efforts en cours, de mesure de l'opinion publique. C'est un domaine dans lequel les institutions internationales pourraient jouer un rôle majeur, en aidant à générer et propager l'information, à la fois au sein des frontières nationales et entre pays. La prise en compte des opinions publiques a des implications directes dans la mise en oeuvre de la réforme. Dans certains contextes, des efforts de réforme rapides, audacieux et clairement définis, sont l'approche la plus efficace. Dans d'autres, où l'opinion publique est profondément ancrée et/ou le sujet de débats politiques polémiques, les réformes d'aide sociale ou d'autres politiques sociales peuvent avoir des coûts politiques élevés qui peuvent compromettre des efforts macro-économiques plus larges. Dans ces cas, la réforme «à la sauvette » qui gagne ensuite l'approbation du public grâce au succès des nouvelles politiques et à leur effet de démonstration, peut s'avérer la seule stratégie politiquement réalisable. 40 Références Le mot polycopié décrit des ouvrages reproduits de façon informelle et peuvent ne pas être disponibles dans les bibliothèques. Alesina, Alberto, and Eliana LeFerrara. 2000. "Preferences for Redistribution in the Land of Opportunities." Harvard University. Processed. Alesina, Alberto, Reza Baqir, and William Easterly. 1999. "Public Goods and Ethnic Divisions." Quarterly Journal of Economics, 114(November): 1243-84. Alesina, Alberto, Rafael diTella, and Robert MacCulloch. 2000. "Inequality and Happiness: Are Europeans and Americans Different?" Harvard University, Cambridge, Mass. Processed. Angell, Alan, and Carol Graham. 1998. "Can Social Sector Reform Make Adjustment Sustainable and Equitable? Lessons from Chile and Venezuela." 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