1js Institut de développement economique de la Banque Mondiale 21820 1998 Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda Petter Langseth _ = DOCUMENTS DE TRAVAIL DE L'IDE DIVISION DE L'ENTREPRISE PRIVÉE ET DE LA RÉFORME DU CADRE RÉGLAMENTAIRE Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda Petter Langseth Ce document présente le programme de réforme de la fonction publique en Ouganda. Il décrit le contexte dans lequel le programme a été mis en place et souligne le lien entre ce programme et d'autres réformes, particulièrement la réforme économique, la réforme constitutionnelle, la décentralisation, la libéralisation/privatisation, et la démobilisation de l'armée. Il analyse également les progrès accomplis jusqu'à présent, tente de faire le bilan de la réforme, et fait quelques suggestions quant aux réformes restant à accomplir. D EVeZ z Copyright C 1998 Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/Banque Mondiale 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433, U.S.A. La Banque Mondiale détient les droits d'auteur en vertu du protocole 2 de la Convention universelle sur les droits d'auteur. Ce document peut néamoins être reproduit à des fins d'enseignement ou de recherche, mais uniquement dans les pays membres de la Banque Mondiale. Le contenu du document est sujet à révision. Les opinions et interprétations présentées dans ce document n'engagent que les auteurs et ne doivent être attribuées ni à la Banque Mondiale ni à ses institutions affiliées ni à aucune personne agissant pour leur compte. Si ce document est reproduit ou traduit, une copie de la reproduction ou de la traduction devrait être envoyée à l'IDE. Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda No. de document: 400/134 F1995 400/134 F1995 Les but de documents de travail de l'IDE est de fournir un canal non officiel pour la diffusion préliminaire d'idées au sein de la Banque Mondiale et parmi les institutions partenaires de l'IDE et les autres parties qui s'intéressent aux questions de développement. La liste de tous les materiels pédagogiques et publications se publie touts les ans dans le Catalog of Learning Resources. Pour en obtenir un exemplaire, s'adresser à: Learning Resources Center, Room G C1-300 Economic Development Institute The World Bank 1818 H Street NW Washington, DC 20433, USA Telephone: (202) 473-6351 Facsimile: (202) 522-3195 Website: http: / /www.worldbank.org/edi iii Table des matières Avant-propos ............................................................v 1. La vision ougandaise et le cadre stratégique de la réforme de la fonction publique ..........2.......2 Cadre stratégique ............................................................3 Les autres programmes de réforme de l'Ouganda ......................... ...................................9 Il. Les succès de la réforme de la fonction publique en Ouganda ............................... ................ 16 III. Perspectives ........................................................... 18 Développer les ressources humaines et l'infrastructure ................................................ ........... 19 La lutte contre la corruption: améliorer la conscience professionnelle responsabiliser, et augmenter la transparence .................................................. , , .,,.20 Renforcement des capacités ................................................. 23 Une gestion axée sur l'obtention de résultats et sur l'amélioration des prestations de services ....... .......................................... 24 Renforcer les systèmes de contrôle et de gestion ................................................. 27 IV. Conclusions: Gérer le changement ................................................. 27 Postface de James Katorobo, membre de la Commission d'examen et de réforme de la fonction publique, Consultant national auprès du Programme de réforme de la fonction publique ............................. .................... 30 La reconstruction de la fonction publique .................................................. 30 Les capacités des collectivités locales ................................................. 32 Sur la voie de la démocratie ................................................. 32 Sur la voie d'une identité politique et culturelle nationale .................................................. 33 Notes ................................................. 35 Bibliographie ................................................. 37 Encadrés Encadré 1: La nouvelle fonction publique ougandaise idéale .................................................. 3 Encadré 2: Les leçons de la décentralisation ................................................. 16 Encadré 3: Les progrès de l'Ouganda au niveau macro-économique .......................................... 18 Encadré 4: Le premier séminaire de formation ougandais à l'intention des journalistes d'investigation ................................................. 21 Encadré 5: Enquête sur les prestations de services ................................................. 25 Figures Figure 1: Cadre stratégique pour l'administration de la qualité des services .................. ............... 7 Figure 2: Ouganda: place de la réforme de la fonction publique dans le relèvement économique .................................................... 31 Tableaux Tableau 1: Dépenses publiques (effectives) dans les secteur-clés ................................................. 15 Tableau 2: Le financement de la réforme de la fonction publique .............................................. 17 Avant-propos Le programme de l'Institut consiste en séries de conseiller technique principal pour le Programme tables rondes, de séminaires et ateliers de forma- de réforme de la fonction publique en Ouganda, tion régionaux et mondiaux. Dirigeants politiques, et des résultats du séminaire sur l'amélioration de fonctionnaires, chefs d'entreprise et formateurs se la déontologie et de la transparence, la réunissent pour analyser et mettre au point des responsabilisation, et la lutte contre la corruption, plans d'action sur certaines questions ou problèmes tenu à Mukono (Ouganda) en décembre 1994. précis, souvent déterminés à l'avance par les par- Lauteur tient à remercier James Katorobo et ticipants eux-mêmes. Les communications faites à Mohammad Kisubi pour leurs contributions. La cette occasion sont publiées dans la série Docu- Division sait gré à Kathryn M. Galt, lan Knapp, ments de travail de l'Institut, ce qui les rend Patricia E. Langan, Roger C. Munter et Gaiv M. accessibles à un public plus large que celui des Tata d'avoir revu le texte, et à James E. Quigley séminaires eux-mêmes. d'avoir concouru au travail d'édition et de produc- L'auteur est un spécialiste de la gestion tion. Les opinions n'engagent que leur auteur et publique à la Banque mondiale. Les réflexions qu'il ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Institut présente ici sont tirées de son expérience de ou de la Banque mondiale. Danny Leipziger, Chef de Division Division de l'entreprise privée et de la réforme du cadre réglementaire Institut de développement économique v Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda L 'Ouganda est un pays enclavé d'Afrique Actuellement, l'Ouganda a un gouvernement équatoriale. Il est bordé au nord par le d'unité nationale. Les membres de ['Assemblée Soudan, à l'est par le Kenya, au sud par la constituante ont été élus (au printemps de 1994) à Tanzanie et le Rwanda, et à l'ouest par le Zaïre. Sa titre personnel, et non en fonction de leur superficie totale est de 236 000 km2, dont un tiers allégeance à tel ou tel parti. L'Ouganda a un pou- de cours d'eau, marécages et lacs, en particulier le voir judiciaire indépendant, les libertés individuelles Nil et sa source, et le lac Victoria (commun égale- y sont respectées ainsi que la liberté de la presse. ment au Kenya et à la Tanzanie). La plus grande Au plus fort de l'insurrection au nord et à l'est, il y partie du pays se trouve à 1200 mètres d'altitude. a eu des cas de violation des droits de l'homme, Bien que mal doté en minerais et en combustibles qui ont cependant pratiquement cessé avec la fin fossiles, l'Ouganda bénéficie d'un sol fertile et d'un des activités des rebelles. Une version révisée de la climat favorable à l'agriculture. La population, es- Constitution nationale a été adoptée par l'Assem- timée à 19 millions d'habitants (en 1995), vit blée constituante en septembre 1995. Des élections essentiellement en milieu rural. L'agriculture, qui présidentielles et parlementaires ont eu lieu en mai assure plus de 50 pour cent du PIB (1995), 75 pour 1996. Il est actuellement question d'un retour à la cent des recettes d'exportation, et 80 pour cent des démocratie pluraliste. emplois, est donc l'activité économique principale. En 1986, après sept dures années de guerre Avec un revenu par habitant de 240 dollars civile, le MRN s'est retrouvé avec une fonction seulement par an en 1995, l'Ouganda figure parmi publique inefficace, démoralisée et apathique, qui les pays les plus pauvres du monde. La pauvreté avait auparavant la réputation d'être la «meilleure résulte surtout de la guerre civile, de l'instabilité d'Afrique sub-saharienne». Le MRN, devenu le politique et d'une mauvaise gestion économique. Gouvernement ougandais, a désigné une Commis- Les dix années qui ont suivi l'accession à l'indé- sion d'examen et de réforme de la fonction publi- pendance (octobre 1962) ont été caractérisées par que (la «Commission de réforme») chargée de faire des performances économiques assez satisfaisantes le diagnostic sur l'état de la fonction publique. La puisque le PNB réel a crû de 6 pour cent par an. Commission a identifié plusieurs problèmes capi- L'arrivée au pouvoir d'Amin Dada en janvier 1971 taux, notamment l'insuffisance des traitements et a bouleversé l'économie. Lorsqu'il a été renversé, des prestations sociales, les erreurs de gestion, la en 1979, le PIB avait baissé de 20 pour cent envi- désorganisation du système et les lacunes de ges- ron. Une nouvelle guerre civile a eu lieu entre 1981 tion et de formation du personnel. et 1985, et le Mouvement de la résistance natio- Conscient du fait que l'inefficacité des agents nale (MRN) a pris le pouvoir en janvier 1986. de l'Etat menace fondamentalement l'administra- i 2 Petter Langseth tion publique et compromet les efforts de déve- publique soucieuse de la qualité des services et do- loppement, le Gouvernement a élaboré un pro- tée d'attributions et d'objectifs administratifs bien gramme de réforme pour s'attaquer aux problèmes définis. Le peuple ougandais entretient des espé- en question. S'intéressant surtout à deux grands rances élevées, que le Gouvernement doit tout faire domaines, la réforme de la politique macro-éco- pour réaliser. En matière de réformes, il doit faire nomique et la réforme des institutions, il espérait preuve de clairvoyance, de détermination et de trouver le moyen de stabiliser l'économie et de faire courage. Les progrès réalisés jusqu'à présent dans disparaître les obstacles politiques et structurels au un certain nombre de domaines témoignent de sonI changement. Soucieux d'assurer l'équilibre voulu engagement à faire aboutir ces initiatives. C'est de entre, d'une part, le pouvoir et les capacités de l'Etat ces premiers succès et des moyens d'y donner suite et, de l'autre, la gestion économique et l'exercice que traite le présent document. des droits civiques, il a mis au point le Programme de réforme de la fonction publique ougandaise (le 1. La fonction publique telle que la conçoit "Programme de réformes"). l'Ouganda et le cadre stratégique de la Ce programme marque un tournant dans la réforme conduite des affaires publiques et l'élaboration des Jusqu'au début des années 90, la fonction publi- politiques officielles. Il s'agit d'une entreprise d'en- que ougandaise était extrêmement centralisée, le vergure, qui cherche à s'attaquer aux problèmes pouvoir étant concentré au sommet de la hiérar- complexes et indissociables qui concernent la chie. Rien n'était prévu pour assurer la continuité responsabilisation, l'amélioration des performances d'une fonction publique professionnelle, ni pour et la productivité. Ces problèmes ont des aspects lier les rémunérations à la performance. Les capa- non seulement techniques et matériels, mais aussi cités de gestion du personnel n'étaient pas seule- humains et spirituels. Des structures administrati- ment insuffisantes mais ont aussi fini par perdre ves inadéquates ont empêché le fonctionnement toute autonomie au fur et à mesure que les cons- des mécanismes de responsabilité politique et fi- tantes interventions politiques et l'effondrement nancière et rendu impossibles une administration, des systèmes de rémunération ont ouvert la voie un suivi et un contrôle efficaces. Le Gouvernement au cumul des emplois, à la corruption, aux effec- a cherché à adopter une approche globale, très tifs pléthoriques et aux faibles performances. ouverte, pour coordonner et synchroniser cette ré- La Commission de réforme a défini une nou- forme avec les autres programmes de réforme qu'il velle conception de la fonction publique. Plus pe- entreprenait par ailleurs - décentralisation, tite, mieux rémunérée et plus efficace, celle-ci de- privatisation, réforme macro-économique et cons- vrait appliquer des règles et des procédures justes, titutionnelle - et à en harmoniser les divers élé- simples et cohérentes pour améliorer la discipline, ments. Cette synergie était nécessaire parce que la tout en favorisant l'initiative personnelle. Elle se- défaillance des administrations ougandaises n'était rait composée d'agents entièrement responsables, pas due à la seule incompétence technique. Uef- tenus de rendre compte des tâches qui leur sont fondrement des années 70 et du début des années assignées, et attachés à réaliser un objectif person- 80 avait été causé par une décomposition politi- nel nettement défini. que qui avait sapé la confiance du public et donné Pour donner effet à cette nouvelle conception, libre cours à la corruption. le Programme de réforme vise à instaurer Depuis 1992, le Gouvernement a pris un cer- durablement la stabilité macro-économique, à tain nombre de mesures pour créer une fonction améliorer la viabilité financière à court et à moyen Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 3 terme, à renforcer les capacités, à inverser la ten- développement (IDA), au titre des deuxième et troi- dance au déclin progressif des services et ainsi, à sième tranches de crédits d'assistance technique, gagner la confiance et le respect du public (voir et par le Programme des Nations Unies pour le Encadré 1). Tel qu'il est conçu, le Programme de Développement (PNUD), et il a bénéficié de l'as- réforme tient compte du contexte macro-écono- sistance de l'Autriche, du Royaume-Uni (par l'in- mique et institutionnel évolutif qui caractérise le termédiaire de l'Overseas DevelopmentAdministra- pays, et insiste sur les objectifs de développement tion, ou ODA), des Pays-Bas et de la Suède (par explicitement fixés par le Gouvernement, sur la l'intermédiaire de l'Agence suédoise pour le déve- décentralisation et sur la démobilisation des for- loppement international, ou SIDA). ces armées. Le Programme de réforme a été mis en place Cadre stratégique par le Gouvernement en 1990. Il a été soutenu de LIOuganda a entrepris une réforme systématique de l'extérieur par l'Association internationale pour le sa fonction publique en désignant une Commission Encadré 1: La nouvelle fonction publique ougandaise idéale 1. En l'an 2000, la fonction publique * Elle ne sera chargée que des tâches ougandaise sera plus petite, et son person- qu'elle est à même d'accomplir nel sera mieux rémunéré et plus efficace. efficacement. 2. L'administration rénovée aura les caracté- * La corruption sera réduite, grâce à des ristiques suivantes: méthodes efficaces de surveillance et * Elle sera tournée vers l'obtention de ré- de répression. sultats. * La prise de décisions s'appuiera sur des * Elle sera transparente. informations sûres et des données * Elle suivra des règles et des procédu- fiables. res simples, favorisant la discipline, 3. Les fonctionnaires ougandais: mais laissant place à l'initiative indivi- * recevront un salaire minimum vital; duelle. * seront respectés par le public; * Son système de valeurs, partagé par . auront des objectifs et des buts admi- tous, s'appuiera sur des règles qui vi- nistratifs bien définis, et manifesteront sent à faire des économies et à lutter par leur travail leur attachement à ceux- contre les gaspillages, à travers le res- ci; et pect de règles concurrentielles pour la * assumeront l'entière responsabilité de passation des marchés publics et les leur travail et auront des objectifs per- appels d'offres. sonnels clairement définis. * Elle disposera d'un nouveau système 4. Les services non essentiels seront soit con- de répartition des ressources entre col- fiés au secteur privé, soit supprimés. Les lectivités locales, fondé sur des priori- mécanismes de régulation et de contrôle tés explicites et sur le coût unitaire des doivent protéger l'intérêt public, mais aussi services ou sur leur voleur ajoutée. accompagner l'expansion du secteur privé. * Elle sera dotée d'un budget rationnel, fondé sur des priorités et des program- mes déterminés. Source: Gouvernement ougandais (19931. 4 Petter Langseth d'examen et de réforme de la fonction publique tous les problèmes que soulevait la réforme, mais il («Commission de réforme»), qu'il a chargée d'inter- semblait qu'il y avait intérêt, au vu de la situation roger 25000 fonctionnaires à partir de 1989/90 pour dans laquelle se trouvait l'Ouganda à l'époque, à cerner les questions-clés de la politique gouvernemen- se concentrer sur ces deux objectifs seulement. Le tale, proposer de nouvelles perspectives à la fonction salaire minimum vital, mis en place par la Com- publique et élaborer un plan pour guider à l'avenir mission de réforme, est celui du fonctionnaire dé- l'action du pays. Le rapport, de 729 pages, paru en butant de classe subalterne'. Calculé grâce à une septembre 1990, et qui est l'aboutissement de tout enquête sur le coût de la vie (calculé à partir du ce travail, contient 255 recommandations concrètes, panier d'aliments) réalisée en 1989/90, il serait qui ont été approuvées et rendues publiques dans un actuellement de 75 000 shillings par mois, des aug- Livre blanc publié par le Gouvernement en 1991, mentations étant prévues pour compenser l'infla- sur les moyens de combler l'écart entre la situation tion et les disparités entre les affectations en mi- actuelle de la fonction publique et celle que l'on en- lieu urbain et rural. Le principe du salaire mini- visageait désormais. mum vital - qui comprend des indemnités en Malgré le soutien du Parlement et du Gou- espèces pour le logement, le transport, et la santé, vernement, la réforme a avancé lentement. Hor- ceci représentant donc la monétisation intégrale des mis l'examen auquel ont été soumis cinq ministè- prestations/bénéfices non salariaux - est la pierre res et le renvoi en 1992 d'environ 6 000 agents de angulaire de la réforme devant permettre à l'Etat improductifs, elle nra guère réalisé de pro- l'Ouganda de disposer d'une fonction publique grès tangibles pendant cette première période. Le motivée et incitée à obtenir des résultats. problème que pose l'imprécision du plan d'action Le deuxième grand objectif de la réforme, (qui, par exemple, ne dit pas qui doit prendre quelle l'adoption d'une gestion pragmatique, c'est-à-dire mesure, ni à quel moment) a été réglé par la nomi- axée sur l'obtention de résultats, doit permettre de nation d'un Conseiller technique principal pour la égager des orientations pratiques pour définir des réforme de la fonction publique (avec un objectifs assortis de critères de résultats mesurables financement de l'ODA, du PNUD et de la Ban- et fixer les modalités et le calendrier des divers vo- que mondiale), qui a apporté son concours à l'ef- Icts de la réforme, par ministère, par district et par fort de réforme à partir d'octobre 1992. La mis- fonctionnaire. Pour déterminer une base de réfé- sion première du conseiller était de préciser et sim- rence, ou des indicateurs de ce qu'était la fonction plifier les recommandations d'ordre général qui fi- publique avant la réforme, afin de mesurer les pro- guraient dans le rapport, et de leur donner suite en grès réalisés, le Gouvernement et l'Institut de dé- s'appuyant sur l'assise de plus en plus large qu'of- veloppement économique de la Banque mondiale fraient les efforts de réforme entrepris dans tous ont mené une Enquête sur les prestation de servi- les domaines de l'activité économique. Il a été dé- ces. Les conclusions de celle-ci devraient faciliter cidé que le processus poursuivrait deux objectifs l'adoption d'un nouveau style de gestion et per- essentiels, à savoir le versement d'un salaire mini- mettre aux responsables politiques de faire un bi- mum vital, et l'adoption d'un mode de gestion axé lan de la réforme du point de vue de ses bénéfices sur l'obtention de résultats, ces deux mesures de- nets procurés à la société. vant conduire à une amélioration des prestations Un plan inspiré du rapport de la Commission de services. de réforme a été élaboré en quatre mois par des Ces deux types de mesures ne touchaient pas hauts fonctionnaires et présenté dans un document l'ensemble du service public et ne recouvraient pas de 50 pages intitulé Gestion du changement: Con- Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 5 texte, vision, objectifs, stratégie etplan, publié par le place d'unités plus petites, plus responsables, char- Ministère de la fonction publique. Ce plan, accom- gées uniquement de fonctions essentielles, pour pagné d'un programme d'action détaillé, a reçu, ainsi libérer des fonds permettant de relever les ré- en mai 1993, l'aval politique de la Présidence. Le munérations et d'offrir de nouvelles possibilités Président et le Ministère de la fonction publique d'expansion au secteur privé. Le nombre de minis- ont présenté le Programme de réforme à tous les rères ayant été ramené de 38 à 21 en 1 992, il était ministres et à tous les secrétaires permanents à l'oc- nécessaire d'analyser le rôle du Gouvernement et casion d'un séminaire tenu les 19 et 20 août 1993. des ministères et de se demander quelles activités Ce comité politique de haut niveau a approuvé les devaient être privatisées ou coordonnées entre mi- mesures envisagées, et 3 000 exemplaires des actes nistères. du séminaire ont été imprimés et distribués aux Les ministères ont été soumis à un processus fonctionnaires et aux principales parties intéressées d'examen complexe, auquel ont participé dix con- [voir Management of Change: Report on the sultants locaux en gestion professionnelle et vingt Proceedings of the Seminar ofMinisters and Perma- fonctionnaires du Ministère de la fonction publi- nentSecretaries, atthe International Conference Cen- que, ainsi qu'un conseiller expatrié (sous l'autorité tre, 19-20 août 1993, Kampala (Ouganda)]. du Conseiller technique principal). Chaque équipe, Le plan d'action se compose de six grands vo- composée de trois à cinq membres, a interrogé des lets, chacun d'entre eux étant lié aux deux objec- fonctionnaires occupant des postes-clés dans les tifs majeurs de la réforme que sont le salaire mini- administrations et distribué des questionnaires à mum vital et la gestion axée sur l'obtention de ré- un certain nombre de fonctionnaires des ministè- sultats. res. Une fois les données recueillies et analysées, les 1. Rationalisation des ministères et des districts équipes ont présenté leurs résultats au Ministère, 2. Renforcement de la capacité du Ministère qui les a examinés et a soumis ses conclusions à de la fonction publique à gérer la réforme et l'approbation du Gouvernement. à la renforcer Des études identiques ont été réalisées au ni- 3.Monétisation des prestations/bénéfices ex- veau des districts, afin de reconsidérer le rôle des tra-salariaux pouvoirs publics, définir les objectifs et les priori- 4. Classement des emplois tés, déterminer les indicateurs d'impact, éliminer 5. Code de conduite et discipline le personnel excédentaire et axer les efforts sur le 6. Programme d'information et stratégie de renforcement des capacités, notamment le communication de la réforme. rééquipement des administrations et la mise en Le Programme de réforme, qui marque un tour- valeur des ressources humaines. Comme beaucoup nant radical dans la conduite des affaires publiques de fonctions devaient être décentralisées et délé- et l'élaboration des politiques en Ouganda, est un guées par les administrations centrales aux collec- plan d'ensemble global qui s'attaque aux problèmes tivités locales, la responsabilité opérationnelle du complexes et indissociables inhérents à une réforme fonctionnement de la plupart des services et les de la fonction publique. Le plan d'action exprime effectifs, les crédits et les avoirs qui se trouvaient l'engagement du Gouvernement ougandais à abou- auparavant sous l'autorité du gouvernement cen- tir à un changement positif, malgré les difficultés que tral devraient dorénavant relever des 39 adminis- cela représente (voir Figure 1). trations de district. Il a été recommandé de réduire Le premier train de mesures, la rationalisation les effectifs de 50 pour cent dans l'ensemble des des ministères etees districts, avait pour objet la mise ministères et des districts considérés. Le Comité 6 Petter Langseth de mise en oeuvre du projet, organe interministériel paie. Cette méthode s'est révélée particuliè- composé de hauts fonctionnaires (secrétaires per- rement efficace dans l'enseignement, où 25 manents, directeurs et commissaires), a joué un rôle 000 noms ont disparu en trois ans. important en révisant et en recommandant au * L'abolition du système d'emploi de Gouvernement les principales mesures à prendre groupe-qui permettait au chef de service et en facilitant la prise de décisions. d'engager à court terme des employés tem- Pour donner aux administrations ainsi poraires n'ayant aucun droit à pension-a restructurées les nouveaux niveaux d'effectifs pré- permis de licencier 30 000 fonctionnaires vus, le Conseil de la mise en oeuvre et du suivi, supplémentaires. composé de sages nommés par le Président, a pro- * Certains postes ayant été déclarés superflus cédé à des entretiens pour savoir quels étaient les lors de l'examen des ministères, on a pro- fonctionnaires qui devaient conserver les postes cédé à des mutations et à des compressions approuvés et quels étaient ceux qui occupaient des de personnel. postes inutiles, et lesquels d'entre eux étaient en * Le programme de départ à la retraite volon- surnombre et devaient quitter la fonction publi- taire offrait des indemnités généreuses aux que. Le Conseil a donné à chaque fonctionnaire employés qui, ayant obtenu la note C (et par- une note, allant de A à C: «A» pour compétence et fois même la note B) acceptaient de démis- performance exceptionnelles, «B» pour compétence sionner. Environ 4 500 personnes ont bénéfi- et performance acceptablee et «C» pour un niveau cié de ce régime. En outre, les évaluations des de performance inacceptable. C'est ainsi que l'on résultats auxquels le Conseil de la mise en a réussi à redimensionner la fonction publique cen- oeuvre et du suivi avait procédé ont permis trale en prenant six types de mesure: licenciement au gouvernement central de se débarrasser de des employés indûment maintenus en fonction, 11 de ses 32 secrétaires permanents. élimination des «employés fantômes», abolition du * Le gel du recrutement dans la fonction pu- système d'emploi de groupe, compressions consé- blique a été imposé en 1990, l'approbation cutives aux examens des ministères, programme de du chef du personnel étant nécessaire pour départ à la retraite volontaire et gel du recrutement. le recrutement d'un nombre très limité de t Les fonctionnaires «indûment maintenus en cadres, tels que des ingénieurs et des méde- fonctions» sont ceux ayant dépassé l'âge de cins. Le Ministère de la fonction publique la retraite, ceux recrutés dans la fonction estime que, conjugué à l'érosion naturelle publique de manière irrégulière ou les in- des effectifs, ce gel est l'une des raisons de la compétents. Au total, 6 339 fonctionnaires réduction d'environ 7 pour cent par an de permanents (1992) et 7 241 enseignants la masse salariale, soit l'équivalentde21 600 (1993) ont quitté le service de l'Etat avec employés par an depuis 1991. une indemnité de licenciement. Il a été décidé, à l'issue de cet effort de * Environ 42 000 «employés fantômes»- rationalisation, que la masse salariale serait relevée fonctionnaires ayant démissionné ou n'ayant en trois ans et passerait de 21 pour cent des dépen- jamais existé, mais figurant cependant sur ses renouvelables en 1994 à 31 pour cent en 1996, les états de paie-ont été radiés. Le Gou- pour que le salaire minimum vital puisse être versé vernement a créé, au sein du Ministère de la à un effectif réduit de la fonction publique. fonction publique, un groupe de surveillance La réforme avait également été entreprise, par qu'il a chargé de contrôler et de vérifier les le biais des examens des administrations effectués radiations et les inscriptions sur les états de en 1992, dans cinq autres ministères dans le cadre Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 7 .{~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ E 2~~~~~~~~~~~~~~~ li g7 A *1Ia k b. -I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ï o ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ -E~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. 8 Petter Langseth du processus de restructuration. Il est cependant tifs permettraient d'améliorer et les salaires et les apparu que le Ministère de la fonction publique prestations de services. lui-même devait être réformé. La deuxième grande Le cinquième volet de la réforme, touchant étape du plan d'action, commencée en 1993, a donc au code de conduite et de discipline, a fait l'objet d'une consisté à rendre le ministère mieux à même de série de séminaires tenus dans tout le pays à l'in- conduire la réforme et de s'en faire le champion, tention des hauts fonctionnaires. Ces séminaires ce qui supposait qu'on le ré-équipe et que son per- étaient centrés sur le rôle que ces derniers devaient sonnel reçoive la formation voulue. Grâce à l'achat jouer en tant que leaders, et sur la gestion axée sur (pour 300 000 dollars) d'ordinateurs et de maté- l'obtention de résultats. Le Code de conduite, ins- riel de bureau, les cadres ont été formés à la ges- piré du principe du service désintéressé, est à plu- tion des dossiers et au contrôle des systèmes, et ils sieurs égards parallèle aux Instructions de service, ont appris à utiliser le système de codage informa- qui stipulent que: tisé ainsi que le système d'information pour la ges- «[ ..] nul fonctionnaire ne peut, à aucun mo- tion du personnel et autres outils de contrôle. ment, mener une activité qui compromette Le Ministère de la fonction publique, qui sert d'une manière ou d'une autre ses fonctions de modèle au renforcement des institutions et des d'agent de l'Etat, ni avoir aucune occupation fonctions de gestion et de supervision, s'est fait le ni entreprendre aucune action qui puisse com- champion de l'amélioration de la gestion des res- promettre d'une manière ou d'une autre les sources humaines et de la réforme elle-même, en intérêts du service public ou qui soit contraire prenant de grandes initiatives en matière de sou- à sa qualité d'agent de l'Etat, ni mettre ses fonc- tien technique et de formation. Il semblait cepen- tions officielles au service de ses intérêts parti- dant que ces simples éléments, si fondamentaux culiers ou de ceux de sa famille» (Gouverne- qu'ils soient, étaient insuffisants au regard des ob- ment ougandais, 1994). jectifs de la réforme. Faisant pendant au Code de conduite et aux Le troisième et le quatrième volets de la ré- Instructions de service, le Code de conduite des forme, la monétisation des prestations extra salaria- cadres supérieurs (Gouvernement ougandais, 1994) les et la catégorisation des emplois, prévoyaient une définit certains comportements interdits et exige comptabilisation de toutes les prestations non pé- que les hauts fonctionnaires fassent connaître tous cuniaires en même temps qu'une révision de l'en- les ans, à l'Inspection Générale du Gouvernement semble de la structure des traitements basée sur l'état de leurs avoirs et de leurs obligations. l'évaluation des tâches et les définitions de postes. Lors des journées d'étude organisées en décem- Ainsi, après avoir monétisé les indemnités de loge- bre 1994 par l'Inspection Générale du Gouverne- ment et de déplacement, et d'autres allocations ment (avec l'aide de l'Institut de développement auxquelles quelques hauts fonctionnaires avaient économique et deTransparency International), des droit (sur un effectif d'environ 320 000 personnes parlementaires, des hauts fonctionnaires et des re- en 1990) à hauteur de 1 500 dollars par mois, le présentants de la société civile ont mis au point un Ministère a procédé à la vente de 2 259 maisons et plan de lutte contre la corruption en quatre points. de 4 741 véhicules appartenant à l'Etat, afin de Sans précédent en Afrique, ce plan d'action, que le dégager des recettes pour financer la masse sala- Gouvernement a approuvé en janvier 1995, vise à riale. On espérait que la mise en place d'un régime sensibiliser l'opinion publique aux effets de la cor- salarial simple et transparent, et l'exploitation d'un ruption, à réprimer les infractions en faisant mieux nouveau système de codage des postes et des effec- appliquer les lois anti-corruption en vigueur et à Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 9 amener l'Inspection Générale du Gouvernement corruption et de connaître l'existence des institu- et d'autres corps d'Etat à procéder à un tions qui la combattent; 2) d'améliorer les techni- renforcement institutionnel de manière à restaurer ques du métier pour ce qui est d'obtenir des infor- un sens de l'éthique sociale, à prévenir la corrup- mations selon les règles déontologiques, de respec- tion, à améliorer la transparence, et à augmenter la ter la vie privée des intéressés, de vérifier les sour- responsabilité des agents publics devant le public ces d'information et d'éviter tout litige; 3) de ren- en général. forcer l'engagement professionnel et le sens des res- Ces journées d'étude, qui étaient une façon ponsabilités; et 4) de mettre les journalistes au cou- de s'attaquer énergiquement à la corruption, ont rant du Programme de réforme de la fonction pu- aussi mis l'accent sur les critères de rendement et blique, de ses effets sur l'avenir du pays et de son les objectifs de performance. Les résultats de l'en- rôle dans la lutte contre la corruption. Le volet re- quête de 1995 sur les prestations de services ont latif à l'information prévoyait aussi que l'on aide- permis de disposer d'indicateurs de référence pour rait le Ministère à présenter dans les règles de l'art mesurer les progrès de la réforme, d'instituer des ses communications aux conférences, journées normes et des objectifs réalistes pour les ministères d'étude et séminaires; que l'on étudierait les pro- et les districts, de beaucoup progresser dans la mise blèmes de communication entre les diverses par- en place d'une gestion axée sur l'obtention de ré- ties prenantes; que l'on coordonnerait l'action des sultats, de se focaliser sur une amélioration des donateurs; et que l'on entreprendrait certaines performances des services publics, et donc d'incul- autres activités médiatiques pour sensibiliser le quer un nouveau sens de la discipline au sein de la public au Programme de réforme. fonction publique. Enfin, le sixième volet du Programme de ré- Les autres programmes de réforme de l'Ouganda forme était l'élaboration d'un programme d'infor- La réforme de la fonction publique ne se situe pas mation et d'une stratégie de communication pour la hors de tout contexte. Elle n'est pas la seule ré- reforme. Les groupes visés en premier lieu-le pu- forme à être entreprise et, bien au contraire, on blic, les fonctionnaires et la communauté des s'efforce de la faire aller de pair avec les tentatives bailleurs de fonds-devaient être tenus au courant de réorganisation d'autres secteurs, pour que tou- des activités de réforme, d'abord par les publica- tes ces initiatives soient durables. Pour assurer le tions déjà mentionnées ci-dessus, mais aussi, à partir succès de la réforme de la fonction publique, on l'a de 1993, par les rapports trimestriels rendant donc étroitement coordonnée avec cinq autres ini- compte de l'avancement du plan d'action. Une in- tiatives distinctes: formation directe, précise et disponible en temps * La réforme économique. C'est de la réalisa- voulu était censée assurer la transparence voulue et tion du Programme de redressement éco- répondre à certaines attentes. nomique que dépend la mise en place des Le rôle des médias a été mis en avant, vu l'im- incitations (notamment du salaire minimum portance particulière de leur rôle dans la diffusion vital) qui amélioreront les résultats d'ensem- de l'information. C'est ainsi que des journalistes ble de la fonction publique. ont été invités à suivre huit ateliers-séminaires sur * La libéralisation et laprivatisation. Ces deux le journalisme d'investigation entre 1995 et 1998 programmes ont été conçus pour réduire pour améliorer leurs aptitudes et leur efficacité au l'intervention de l'Etat en matière écono- service de l'intérêt public. Ces stages ont permis: mique dans le cadre de la stabilisation et de 1) à la profession de comprendre le problème de la l'ajustement macro-économiques. 10 Petter Langseth * La reforme constitutionnelle. La réforme cons- pour l'exportation et les produits de substitution des titutionnelle a été conçue pour démocrati- importations ne sont pas pénalisés. Le Gouvernement ser le système politique national. On espère a récemment mis en place un système uniformisé que sa contribution sera décisive pour la ré- d'allocation des changes afin d'éliminer les déséqui- forme de la fonction publique dans des do- libres systématiques et les distorsions de prix. Parmi maines comme la responsabilisation des ac- les autres mesures prises pour créer un environne- teurs publics, la transparence, le rôle de l'Etat ment économique propice aux exportations et à la et celui des dirigeants. diversification, on peut citer: * La décentralisation. Conçue pour étendre les * L'abolition des monopoles d'exportation, pouvoirs des collectivités démocratiques lo- qui a permis au secteur privé de participer à cales, la décentralisation devrait avoir une l'exportation des produits traditionnels. Cela incidence majeure sur les prestations de ser- a été particulièrement le cas dans le secteur vices publics de demain. La prestation de du café, et il faut s'attendre à une évolution nombreux services publics étant ainsi effec- analogue pour le thé et le coton. tuée à un niveau plus proche de ses bénéfi- * La simplification des procédures d'exporta- ciaires au plan local, on peut espérer une tion, par exemple, l'octroi automatique de amélioration de la transparence et de la res- licences. Pour renforcer les politiques ponsabilité des acteurs publics devant les existantes, le Gouvernement réduira au mi- citoyens. nimum la réglementation des exportations • La démobilisation de lannée. Fonctionnai- et la rendra plus transparente. res et militaires émargent au même budget * L'adoption d'un nouveau code de l'investis- et, en cas de cessation de service, se trou- sement, qui incitera le secreur privé à inves- vent en concurrence sur le même marché tir dans les activités à vocation exportatrice. de l'emploi. * La mise en place par les pouvoirs publics de l'infrastructure appropriée (matérielle LE PROGRAMME DE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE et réglementaire) pour compléter ces in- Ces huit dernières années, l'Ouganda, dont le PIB vestissements. a augmenté de 10 pour cent en 1995, a fait des Du point de vue de la gestion budgétaire, les progrès remarquables du point de vue de l'ajuste- points critiques sont l'insuffisance des recettes, le ment structurel, et il peut être cité en exemple à recours aux mesures de soutien des importations beaucoup d'autres pays. L'équipe arrivée au pou- et le niveau du déficit budgétaire. voir en 1986 a pris en charge un pays gravement Malgré des niveaux de recettes satisfàisants pré- affaibli par 15 années de guerre civile. En mai 1987, vus pour 1994, grâce à la création d'un service cen- le Gouvernement, aidé notamment par le FMI et tral du fisc (URA), les recettes de l'Etat restent relati- la Banque mondiale, a entrepris la réalisation d'un vement faibles et ne représentent que l l pour cent programme de redressement économique, qui a du PIB en 1995. Ce piètre résultat empêche le Gou- permis de réduire considérablement les déséquili- vernement de réaliser son programme de dépenses bres macro-économiques et structurels, et d'ouvrir - notamment de rémunérer les fonctionnaires - la voie à une croissance soutenue. pour maintenir la stabilité macro-économique, et a En particulier, on a encouragé la production pour pour résultat regrettable le recours à l'aide budgé- l'exportation par une politique de change qui ne taire extérieure. En 1992, sur les 26 pays africains surévalue pas le shilling, ce qui fait que la production bénéficiant d'un crédit d'ajustement structurel de la Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 11 Banque mondiale, c'est l'Ouganda qui avait les re- souvent difficile sur le plan politique et aux effets cettes fiscales (6.1 pour cent du PIB) les plus faibles sociaux négatifs, certains prix importants étaient de la région. Les recettes du Kenya, en comparaison, soumis à un contrôle direct ou indirect. On peut étaient de 19,1 pour cent en 1992 (Husain et citer, par exemple, le prix des principaux produits Faruquer, 1994). D'après les projections du FMI, le manufacturés locaux, le prix à la production des recouvrement des recettes devrait s'améliorer et at- principaux produits d'exportation (café, coton, thé teindre de 11 à 12 pour cent du PIB en 1996. Ce et tabac) et certains prix de produits importés, en sera un progrès très modeste parce que toutes les particulier celui du pétrole. Le Gouvernement a méthodes «instantanées» de recouvrement de recet- d'abord supprimé le contrôle des prix des produits tes ont déjà été appliquées. Les gains seront ensuite industriels puis, pendant l'exercice 92, libéré les plus progressifs, en fonction de l'expansion de l'im- prix à la production des produits agricoles. Enfin, pôt direct, de l'amélioration de l'administration de les prix des produits du pétrole ont cessé d'être l'impôt et de l'introduction d'une taxe sur la con- contrôlés en janvier 1994. sommation. Il est probable que le succès du Lalibéralisationdesprixs'estaccompagnéede recouvrement des recettes dépendra surtout de l'effi- l'élimination des obstacles à l'accès aux marchés. cacité avec laquelle on parviendra à recréer une «cul- Dès qu'a été aboli le monopole exercé par l'Office ture fiscale» largement respectée par le secteur privé. de cornmercialisation des exportations de denrées La réduction du déficit budgétaire global est alimentaires, les commerçants du secteur privé ont d'une importance décisive si l'on veut donner au commencé à entrer en concurrence pour les ex- budget une base financièrement indépendante et portations non traditionnelles, comme les haricots, viable. Le déficit devait en principe être ramené à le mais et le sim sim. Une fois aboli l'Office de 11,4 pour cent en 1995 (grâce à un effort accru de commercialisation du café, en 1990, les négociants recouvrement des recettes), mais il n'en faut pas n'ont pas tardé à se lancer dans l'exportation de moins renforcer la tendance grâce à une meilleure café, et ils assurent actuellement 80 pour cent en- maîtrise des dépenses. L'accroissement de la masse viron des exportations ougandaises de ce produit. monétaire est limité à un niveau qui a permis de La disparition de l'Office et les autres mesures de ramener à 5,4 pour cent le taux de l'inflation en déréglementation du sous-secteur ont quelque peu juin 1996. Le Gouvernement a également décidé relancé la production de café, qui est passée de 122 de ne plus financer le déficit budgétaire en em- 154 tonnes pendant l'année fiscale 91 à 156 000 pruntant auprès de la Banque centrale, source de tonnes pendant l'année fiscale 95, malgré le très pressions inflationnistes dans le passé. Les condi- bas niveau des cours mondiaux. La Loi sur la pro- tions d'emprunt imposées au secteur privé sont duction de coton, entrée en vigueur en février 1994, assouplies dans la mesure où l'Etat réduit ses pro- a fait disparaître les deux monopoles qui restaient, pres emprunts auprès des banques. Dans un tel à savoir le monopole de la coopérative syndicale contexte, la réforme de la fonction publique doit sur l'égrenage du coton et le monopole de l'Office elle-même présenter un bon rapport coût/effica- de commercialisation des fibres sur les exportations cité, tout en préparant les fonctionnaires à leur de ce produit. nouveau rôle dans la gestion de l'économie. L'opération de déréglementation très poussée du marché des devises s'est faite en quatre temps LA LIBÉRALISATION ET LA PRIVATISATION en Ouganda. Tout d'abord, on a procédé à des dé- Bien que l'Ouganda n'ait pas dû en passer par une valuations périodiques pour essayer (en vain) de libéralisation des prix à grande échelle, opération conserver un taux de change compétitif. Puis, les 12 Petter Langseth pouvoirs publics ont permis la création d'un sys- les taux d'intérêt, la déréglementation a nettement tème de bureau de change, ce qui revenait à légali- avancé. Les taux sont maintenant déterminés par ser le marché parallèle. Ensuite, en janvier 1992, le marché, sauf les taux du crédit agricole, des cré- les autorités ont organisé la première adjudication dits à terme et des dépôts à un an, qui ont été liés à des devises, au cours de laquelle devaient être ven- la moyenne mobile du rendement des bons du Tré- dus, à des banques commerciales, des fonds de sou- sor, mis en adjudication toutes les semaines. Les tien aux importations fournis par les bailleurs de taux d'intérêt ont baissé l'année passée, mais pas fonds. Au départ, les devises proposées se vendaient autant que l'inflation. Les taux d'intérêt servis sur avec une décote de plus de 20 pour cent par rap- les comptes d'épargne sont passés de 21 pour cent port aux taux du bureau. Même si l'écart des taux en décembre 1992 à 11 pour cent en décembre s'est resserré à la longue, la segmentation des deux 1995; les taux des prêts, d'une manière générale, marchés et les différences entre les justificatifs exi- sont tombés de 33 à 23 pour cent. Les banques gés par l'un et par l'autre ont fait qu'il était difficile ont maintenu la même marge de 12 points de pour- de parvenir à une parfaite coïncidence des taux centage entre les taux prêteurs et les taux d'intérêt pratiqués sur les deux. Au dernier stade de la servis sur les dépôts. Elles ont été longues à réduire libéralisation, le Gouvernement a aboli l'adjudica- les taux d'intérêt, ce qui fait que les emprunteurs tion des devises (ler novembre 1993) et mis en ont parfois dû faire face à des taux d'intérêt réels place un système de change uniformisé, dont les de 10 pour cent, ou même davantage. banques commerciales et les bureaux de change sont On peut invoquer quatre raisons pour expli- les teneurs de marché. Selon ce nouveau système, quer pourquoi les banques ont baissé leurs taux la Banque centrale interviendra de temps à autre d'intérêt de si mauvais gré: leurs portefeuilles de pour réaliser certains objectifs en matière de mon- prêts et leurs bilans sont très faibles; leurs frais d'ex- naie ou de balance des paiements. ploitation sont élevés; la concurrence entre elles est Avec la mise en place de ce système de change, limitée, voire inexistante, et elles craignent une in- l'Ouganda dispose maintenant d'un taux de change flation élevée et instable. En ce qui concerne le uniforme, déterminé par le marché. Le marché des contrôle prudentiel des banques, les textes qui vien- devises est affranchi de tout contrôle pour la quasi nent d'être adoptés, intitulés Bank of Uganda Act totalité des opérations courantes. C'est ainsi qu'a et Financial Institutions Act, ont, entre autres dis- été restaurée la confiance du public dans le shilling positions, augmenté les coefficients de trésorerie ougandais et que des fonds détenus à l'étranger ont et donné à la Banque centrale des attributions plus reflué vers le pays. Pendant l'exercice 94, le mar- étendues en matière de surveillance du système fin- ché était si bien alimenté en devises sous forme de ancier. Cependant, la mise en application de ces recettes d'exportation, de capitaux et de transferts lois laisse à désirer. privés et de soutien des importations par les Au cours des trois dernières années, le processus bailleurs de fonds, que la monnaie nationale s'est de privatisation a été accéléré, un bureau de la appréciée nettement par rapport à toutes les gran- privatisation a été mis en place par le Ministère des des monnaies étrangères. A partir de décembre Finances et de la Planification pour exécuter un pro- 1995, la Banque centrale a dû intervenir sur les gramme .Ie cession, et la plupart des entreprises et marchés pour freiner l'appréciation de la monnaie. des propriétés étatiques sont maintenant aux mains Dans le secteur financier, la réforme a surtout du secteur privé. Certaines entreprises au capital en- porté sur la politique des taux d'intérêt et le con- core public, telles que CMB, Uganda Electric Board, trôle prudentiel des banques. En ce qui concerne et Uganda Commercial Bank devraient être prochai- Enseignements tirés de la reforme de la fonction publique en Ouganda 13 nement privatisées. Dans quelques années, l'Etat ne conque gère ou conduit des affaires ou autres activi- possédera plus et n'aura plus à gérer d'entreprises com- tés dont il est le principal bénéficiaire. Il est notam- merciales. Le rôle de l'Etat en matière commerciale ment interdit d'accepter ou de demander des cadeaux sera limité à la création d'un environnement favori- ou des avantages pour l'exercice d'une charge offi- sant les entreprises privées. cielle; de permettre un conflit d'intérêts entre des fonctions officielles et des intérêts personnels; de se LA RÉFORME CONSTITUTIONNEULE passer de l'approbation du Comité du Code pour Pour rendre la fonction publique plus efficace, il passer un marché avec l'Etat ou avec certaines entre- ne suffit pas de renforcer les systèmes de forma- prises étrangères; d'user illégalement de biens publics; tion et de gestion, ni de réviser les règlements; en- et d'utiliser à mauvais escient des informations offi- core faut-il mettre en place un système de respon- cielles confidentielles. sabilité des agents publics qui révèle et réprime la Certains comportements sont interdits non corruption et l'incompétence, mais qui reconnaisse seulement par le Code, mais aussi par la loi, comme et récompense aussi les bonnes performances. Cela le détournement de fonds publics, l'abus de fonc- n'est possible que lorsque l'environnement politi- tions officielles pour obtenir des biens, la conduite que extérieur est fondé sur des systèmes qui sou- d'affaires privées au détriment des fonctions offi- mettent les dirigeants à une surveillance effective cielles pendant les heures de service, les actes in- et les forcent à rendre compte de leurs actions à compatibles avec le statut d'agent de l'Etat, la fraude l'occasion d'élections régulièrement organisées et fiscale ou le non respect d'autres obligations finan- donnant lieu à une concurrence loyale. La Consti- cières, la défense des intérêts de gouvernements tution part du principe que le développement fu- étrangers contraires aux intérêts de l'Ouganda; les tur de l'Ouganda sera largement fonction de la atteintes aux droits de l'homme; et les activités con- qualité des dirigeants qui seront chargés d'appli- traires à l'intégrité du Gouvernement. De plus, les quer les dispositions constitutionnelles. Le nouveau plus hauts fonctionnaires n'ont pas le droit de dé- style de direction recommandé aux dirigeants, qu'ils tenir des actions de sociétés ou une participation soient élus ou nommés, dérive des 1 1 principes importante au capital d'une entreprise, ni d'occu- énoncés dans la Constitution (Gouvernement per un poste dans une entreprise commerciale ou ougandais, 1995): notion élargie de-la fonction de industrielle étrangère, ni d'agir comme intermé- direction; service du bien commun; obligation pour diaire rémunéré. les supérieurs de donner l'exemple; honnêteté et Les fonctionnaires sont aussi tenus de re- impartialité des chefs; sensibilité au sort des grou- specter la plupart de ces règles, que reprend le pes marginalisés; volonté de diriger le développe- Code de conduite des fonctionnaires. Au mo- ment; conduite démocratique des affaires; respect ment de sa nomination, chaque fonctionnaire de l'Etat de droit; mises à l'épreuve périodiques; s'engage par serment à observer les règles du sens de l'honneur; transparence et responsabilité. Code. Toute personne démise de ses fonctions Ces principes sont à la base du Code de con- pour infraction au code est interdite de charge duite des dirigeants qui définit précisément certains publique pendant au moins cinq ans. Il s'agit comportementsinterdits,ouaucontrairerecomman- de créer ainsi un climat de civisme allant dans dés, aux dirigeants. C'est ainsi qu'un dirigeant doit le sens de la réforme de la fonction publique, informer tous les ans l'Inspection générale de son qui cherche à améliorer la déontologie, la trans- revenu, de son actif et de son passif. Sa déclaration parence et le sens des responsabilités au sein des doit couvrir aussi ses «prête-noms», c'est-à-dire qui- administrations publiques. 14 Petter Langseth LA DÉCENTRALISATION ticipation plus active de la collectivité et des mé- Les principaux objectifs du programme de nages. La population devrait être ainsi davantage décentralisation sont de créer un appareil d'Etat incitée à payer l'impôt, désormais consciente de plus démocratique, sensible aux besoins de la so- l'importance du service public. Cela permettra de ciété et responsable devant elle, de favoriser le viabiliser les programmes de réforme et de modi- renforcement des capacités au niveau local et d'in- fier les comportements face aux problèmes de dé- troduire des possibilités de choix à l'échelon local veloppement qu'un apport de ressources ne peut dans les prestations de services publics, afin de faire résoudre à lui seul. naître un sentiment d'«appropriation locale». Les changements administratifs résultant de la LA DÉMOBILISATION DE L'ARMÉE décentralisation visent à rapprocher les centres de Les forces armées d'un pays jouent un rôle central décision de la population et à améliorer la com- en ce qu'elles garantissent la sécurité indispensable munication entre les dirigeants locaux et la popu- au développement. Mais ces mêmes forces armées lation à laquelle ils doivent rendre des comptes. La peuvent aussi entraver sérieusement le développe- nouvelle situation devrait être propice à la ment, et ce de multiples façons, notamment en décentralisation des décisions, dorénavant fonction absorbant trop de ressources, en empêchant la mise des options et conditions locales. en place d'un gouvernement responsable et en pri- Pour des raisons budgétaires, de mauvaise ges- vilégiant généralement l'affrontement plutôt que tion financière, et d'excès de centralisme, la provi- la négociation, ce qui peut fragiliser les forces éco- sion de services publics au niveau des districts a été nomiques internes. C'est ainsi que le secteur mili- relativement inefficace. Pour répondre à ces préoc- taire a imposé aux pays de l'Afrique subsaharienne cupations, le Statut de l'Administration Locale a ini- un fardeau particulièrement lourd. tié un processus de décentralisation par étapes, de- La fin de la guerre froide a marqué une évolu- vant commencer en 1994 par 13 districts (sur 39), à tion positive dans de nombreuses régions du con- travers lequel les fonctions, les pouvoirs, et les res- tinent, par un règlement des conflits (Éthiopie, ponsabilités ont été transférés de l'administration Mozambique, Namibie) ou par une libéralisation centrale vers l'administration locale et les conseils politique (Bénin, Gambie, Mali, Namibie, locaux aux plus bas niveaux, afin d'assurer que les Zambie). Avec la mutation économique par laquelle décisions soient prises aussi près que possible des ci- passent de nombreux pays africains, ces ajustements toyens. Ce programme a été étendu pendant l'année politiques offrent aux gouvernements l'occasion 1995/1996 à l'ensemble des 39 districts. d'affecter leurs ressources limitées non plus au bud- Liamélioration de la communication entre le get militaire mais à des secteurs productifs. gouvernement central et les collectivités locales, et L'Ouganda est l'un des pays qui a commencé à agir entre les collectivités locales elles-mêmes, permet- en ce sens (voir Tableau 1) puisque les dépenses tra de renforcer les liens entre les différents pro- militaires financées localement représentent une grammes de la réforme, et est donc un objectif prio- part des dépenses renouvelables qui est tombée de ritaire. Des consultations régulières entre con- 39,3 pour cent (exercice 1989/1990) à 23 pour seillers, fonctionnaires et organisations non gou- cent (exercice 1993/1994), puis à 30,4 pour cent vernementales (ONG), et des échanges réguliers (exercice 1995/1996). entre conseillers et citoyens locaux à l'occasion des Tout en procédant à la réforme de la fonction Conseils de résistance de district, devraient aider à publique, l'Ouganda s'est lancé dans un pro- lever certains des obstacles qui entravent une par- gramme de démobilisation de l'armée. Cette dé- Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 15 mobilisation libère des fonds (les <«dividendes de la l'expérience ougandaise, il faudra prévoir une aide paix») que l'on peut affecter à d'autres postes bud- ciblée supplémentaire si l'on veut que les anciens gétaires, notamment à la santé et à l'éducation. Le combattants deviennent des membres productifs Gouvernement a donc décidé de réduire de 40 pour de leurs nouvelles communautés. L'une des gran- cent en trois ans l'effectif de l'armée et de le rame- des questions qui se posent à ce niveau est celle de ner ainsi à 50 000 hommes (plan approuvé en 1992 l'accès à la terre des soldats, qui leur permettrait de par le Conseil de l'armée de résistance nationale de redevenir agriculteurs. Selon un profil des troupes l'Ouganda). Ces dividendes de la paix devraient établi avant le début de la démobilisation, les deux représenter l'équivalent de 14 millions de dollars tiers des anciens combattants souhaitent devenir par an, mais il ne faut pas sous-estimer les coûts agriculteurs, et jusqu'à 10 pour cent d'entre eux se sociaux et humains de cette initiative. Les soldats considèrent comme des paysans sans terres. démobilisés forment un groupe particulièrement La réforme de la fonction publique et le Pro- défavorisé, il a donc été créé un Programme d'aide gramme de démobilisation de l'armée sont des en- aux anciens combattants, qui constitue un filet de treprises complexes et il faudra peut-être des an- sécurité temporaire. nées pour les mener à terme. Il n'existe pas de solu- Les filets de sécurité de court terme et les pro- tion simple aux déséquilibres structurels de la fonc- grammes de réinsertion de long terme sont d'une tion publique et militaire. Il est donc encourageant importance décisive pour la réussite de la démobi- de constater que la réforme de la fonction publi- lisation de l'armée. S'ils ne fonctionnent pas, des que a réussi dans un certain nombre de pays, sou- pressions s'exerceront vraisemblablement pour ra- vent dans le cadre d'un programme d'ajustement lentir la démobilisation. Le Programme d'assistance soutenu par le FMI. Ailleurs, les résultats ont été aux anciens combattants part du principe que les plus nuancés. Il est trop tôt encore pour dire dans démobilisés seront capables d'assurer leur propre quelle catégorie l'Ouganda se retrouvera finale- subsistance à la fin de la période de rodage mais, ment, mais le pays semble pour l'instant être sur la d'après les premiers renseignements disponibles sur bonne voie. Si les trois étapes de la mise en oeuvre Tableau 1: Dépenses publiques (effectives) dans les secteurs clés (En pourcentage) ° Agence 89/90 90/91 91/92 92/93 93/94 94/95 95/96 Défense 39,3 37,2 29,8 27,7 23,0 25,0 30,4 Education 1 9,4 11,5 13,8 14,6 15,1 1 7,6 18,0 Santé 2,9 3,4 4,1 5,2 6,1 22,2 11,9 Agriculture 2,3 2,6 3,1 2,8 2,8 3,0 2,9 Notes:'Pourcentage des dépenses totales financées localement, hors financement des donateurs. Source: Uganda Computing Service/MFEP 16 Petter Langseth du programme de démobilisation ont été exécu- mentant ainsi la responsabilité des agents et admi- tées normalement, et si le Programme d'Assistance nistrations et améliorant leur efficacité, et encou- aux Vétérans s'est recentré sur la réintégration des rageant «le contrôle» des programmes et des pro- vétérans dans la vie civile, le renouveau des activi- jets exécutés au niveau des districts; affranchir les tés rebelles dans le nord du pays a largement per- responsables locaux des contraintes imposées par turbé le programme de démobilisation. le centre et les laisser se doter d'un appareil admi- nistratif adapté aux particularités locales (voir En- II. Les succès de la réforme de la fonction cadré 2). publique en Ouganda L'effectif de la fonction publique et de l'armée Les succès de la réforme de la fonction publique a été considérablement réduit, le nombre de fonc- ougandaise sont impressionnants. La tionnaires et de militaires étant ramené, respecti- décentralisation, par exemple, conduite par le Se- vement, de 320 000 à 128 000 (mars 1996) et de crétariat de la décentralisation au Ministère des 90 000 à 50 000. On est en train de rationaliser la collectivités locales et le Comité interministériel de fonction publique en redéfinissant le rôle de l'Etat, la décentralisation, devait être coordonnée avec les en privatisant certaines fonctions et certains servi- autres programmes de rénovation. Agissant dans ces pour lesquels le secteur privé est plus efficace, le cadre juridique de la loi de 1993 sur la et en réduisant le nombre de ministères et de di- décentralisation, les deux organes cherchent à réa- rections. Des enquêtes sur l'efficacité de toutes les liser les objectifs de la réforme: déléguer le pouvoir administrations publiques ont été effectuées dans réel aux districts, et réduire d'autant la charge de 39 districts, et le niveau des rémunérations a été travail des administrations centrales lointaines et très largement relevé pour atteindre globalement manquant de ressources; rendre effectif le contrôle le niveau du salaire minimum vital. Les économies politique et administratif des services publics, aug- financières réalisées grâce aux compressions de per- Encadré 2: Les leçons de la décentralisation * Les dirigeants politiques doivent être, au faciliterait la solution des problèmes et amé- niveau central comme au niveau local, en- liorerait les capacités locales. gagés dans la réussite de la réforme. * La mise en oeuvre progressive des réFor- * Il est indispensable d'assurer la coordina- mes sur le plan géographique constitue une tion entre administrations (finances et fonc- stratégie réaliste. tion publique, par exemple) et collectivités * La société civile doit jouer un rôle plus im- locales, sous l'égide de la Présidence. portant dans la rénovation et le dévelop- * Il est impératif de doter les districts des ca- pement de l'Ouganda. pacités nécessaires, grâce à la formation * L'établissement de réseaux et le partage des d'instructeurs, pour que le personnel de données d'expérience des collectivités lo- district puisse participer aux initiatives cales-c'est-à-dire la création d'institutions d'amélioration des prestations de services. «maison»-sont une nécessité. * Le recours à des experts non fonctionnai- res, de préférence des consultants locaux, Source: Francis Lubanga, Directeur du Secrétariat de la décentralisation, Workshop on Civil Service Reform in Anglophone AFrica, Le Cap, 25-28 avril 1 995. Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 17 Tableau 2 : Le financement de la réforme (1994-95) En milliers Source de dollars En % Nature d l'aide Ouganda 5 217 25,4 Finance, incitations PNUD 219 1,1 Assistance technique, finances, incitations IDA 551 2,7 Assistance technique, formation, finances, incitations ODA 3 295 16,1 Assistance technique, formation, licenciements CEE 10 0,0 Formation DANIDA 2 600 12,7 Frais de licenciement Pays-Bas 2 600 12,7 Frais de licenciement Suède 3 000 14,6 Frais de licenciement Autriche 3 000 14,6 Frais de licenciement Total 20 492 100,0 Note: Le montant de la contribution de l'agence danoise DANIDA ne comprend pas l'aide considérable apportée à la décentralisation. Source: Chiffres du Ministère de la fonction publique. sonnel, au gel du recrutement, à l'élimination des restaurer l'intégrité de la fonction publique et de la «employés fantômes», et au programme de départ responsabiliser davantage; la coordination de tous volontaire à la retraite sont de beaucoup supérieu- les efforts de rénovation et de réorganisation en res aux coûts directs de la réforme. Bien que l'on cours, afin de créer des synergies et d'échelonner estime que celle-ci a coûté 30 millions de dollars à au mieux les mesures à prendre. l'Etat de 1993 à 1995, les bailleurs de fonds, im- Leshautsresponsablesougandaissontbiencons- pressionnés par l'ampleur du cadre stratégique du cients du fait que le succès des réformes dépend de Gouvernement et par le dynamisme de sa stratégie leur aptitude à renforcer les capacités locales, à four- de communication, ont promis de fournir pour la nir sur le terrain l'assistance technique nécessaire, et réforme 20,4 millions de dollars supplémentaires à assurer l'accès aux aides financières dans des condi- (voir Tableau 2). Ces fonds ont surtout servi à in- tions réalistes. Les fonctionnaires et le public demniser le personnel licencié. lui-même devraient comprendre que la corruption Plusieurs variables ont joué jusqu'à présent un ne sera plus payante dès lors que le Gouvernement- rôle déterminant dans le déroulement de la réforme: mené par l'Inspection générale, le Président et le l'internalisation des problèmes que la réforme de- Cabinet, et inspiré par la nouvelle Constitution- vait résoudre; une certaine conception, largement aur davantage la capacité et la volonrté politique né- partagée, des choses à faire et des voies à suivre; un cessaires pour s'attaquer aux problèmes d'intégrité, soutien politique assez ferme et constant de la part de transparence, et de responsabilité. En outre, les des hauts responsables assez nombreux pour cons- fonctionnaires doivent recevoir unl salaire minimum tituer une «(masse critique»; la volonté affirmée de vital, tout en se préoccupant surtout des services aux 18 Petter Langseth usagers et en pratiquant une gestion axée sur l'ob- été décentralisée au niveau des districts et des sous- tention de résultats. districts, et l'on a renforcé la capacité de gestion Bien qu'il soit trop tôt pour juger de l'ampleur des administrations d'Etat, notamment au Minis- des effets sociaux et économiques de la réforme, tère de la fonction publique, au Ministère des col- une enquête sur les prestations de services a été lectivités locales et au Ministère des finances et de menée en 1995. L'objectif de l'enquête sur les pres- la planification économique. L'encadré 3 décrit les tations de services est en fin de compte d'amélio- succès macro-économiques globaux du vaste pro- rer la façon dont le public est desservi. Ce faisant, gramme de rénovation de l'Ouganda. l'enquête produit des renseignements sur l'état des services qui peuvent servir de référence et amélio- III. Perspectives rer la conception des programmes de réforme et Plusieurs problèmes centraux restent à régler pour l'administration des services. L'enquête peut aussi que le programme de réforme de la fonction publi- faire ressortir les domaines dans lesquels on pour- que maintienne le cap: il faut absolument dévelop- rait éliminer ou privatiser les services publics. Elle per les capacités des ressources humaines en assurant constitue un instrument de mesure qui conjugue le paiement régulier du salaire minimiium vital et en les données sociales et économiques avec les infor- offrant des incitations adéquates. continuer la lutte mations tirées de ce que les citoyens attendent, contre la corruption, renforcer les capacités; privilé- perçoivent ou savent par expérience des prestations gier une gestion axée sur l'obtention de résultats et de services publics. En plus de l'enquête, la res- l'amélioration des prestations de services atLx usagers. ponsabilité de la prestation des services publics a et améliorer le système de gestion et de contrôle. Encadré 3: Les succès de I'Ouganda au niveau macro-économique Au niveau macro-économique, certains progrès * Fléchissement du toux d'accroissement d'ensemble ont été réalisés: du déficit global (hors subventions) ex- * Élimination des barrières à l'entrée sur les primé en pourcentage du PNB (1 4,4 marchés pour cent en 1 992, 1 1,2 pour cent pen- * Déréglementation du marché des devises dant l'exercice 93) et élimination des taux de change fixes * Augmentation des recettes fiscales expri- * Réduction de la part des dépenses militai- mées en pourcentage du PNB, (8 pour cent res dans le budget de l'Etat (39,3 pour cent pendant l'exercice 92, 11 pour cent pen- en 1989, 21,2 pour cent en 1995) grâce dant les exercices 94/95) à la démobilisation de l'armée et à d'autres * Taux d'investissement nationai intérieur mesures o passé de 9 pour cent du PIB en 1986/87 * Baisse du taux d'inflation à moins de 3 pour à 1 6,7 pour cent en 1 994/95 cent en juin 1 995, qui atteignait 63 pour En termes de dépenses renouvelables, on cent un an auparavant estime que les dépenses militaires ont été * Baisse des toux d'intérêt de 21 pour cent ramenées de 39,3 pour cent en 1 989 (don- en décembre 1992 à 11 pour cent en dé- nées effectives) à 23 pour cent pour l'exer- cembre 1993 cice 93, * Croissance du PIB de 3,1 pour cent entre 1980 et 1990 et de 6,6 pour cent entre 1 990 et 1 995 Enseignements tirés de la réforme de lafonction publique en Ouganda 19 Développer les ressources humaines et clarifications ont du être faites, en particulier l'infrastructure sur les allocations et le logement. Il est fondamental que les fonctionnaires possèdent Pour que les objectifs fixés soient atteints dans le savoir, les compétences et les motivations néces- le futur, il faudra que des décisions soient prises et saires pour fournir des services publics de qualité, appliquées dans les domaines suivants: et que leur travail s'appuie sur une infrastructure * La définition d'une politique des rémuné- adéquate. rations de long terme, y compris: Les rémunérations sont au coeur de la moti- - la détermination de nouveaux niveaux de vation. A ce sujet, on doit reconnaître que l'enga- salaires minimums ou la rationalisation de gement du gouvernement à augmenter les rému- la structure salariale de l'exercice 1996! nérations a été remarquable, de même que les ac- 1997, qui devront tenir compte des requê- tions qu'il a prises dans ce sens. Les niveaux de ré- tes faites à ce sujet par les fonctionnaires, munérations atteints pendant l'exercice 96/97 sont et de la nouvelle structure salariale propo- globalement en accord avec les objectifs que le sée à la suite de la récente évaluation et Gouvernement s'était fixés en termes de salaire classification des emplois; minimum vital. Aux niveaux de responsabilité les - la mise en place d'un programme plus élevés, le salaire minimum vital a même été d'incitations salariales à la performance; dépassé, grâce, notamment, à la monétisation des - une décision claire quant au futur des prestations/bénéfices extra-salariaux des années allocations qui existent encore dans la précédentes. Aucun autre avantage n'a été attribué fonction publique traditionnelle (par à ce groupe. Aux niveaux de responsabilité moyens, exemple, allocation déjeuner) ou dans les on a limité l'augmentation salariale afin de répon- agences spécialisées; dre à d'autres exigences concernant la masse sala- - la clarification de la situation des rému- riale. On a abouti à un salaire inférieur de 25% au nérations et autres émoluments des per- salaire minimum vital. Ce groupe connaît cepen- sonnes couverts par le Fond Consolidé, dant une nette amélioration de sa situation par rap- qui, bien que budgétés autrement, sont port à 1995/96. Enfin, les salaires des instituteurs cependant toujours comptés dans la ont été augmentés de 40% en 1996-97, ces der- masse salariale approuvée par le Parle- niers n'ayant pas bénéficié auparavant d'une ment. monétisation de leurs prestations extra-salariales. - l'examen de la logique et de la faisabilité Le ratio de compression entre le fonctionnaire de traiter de la même façon les salaires débutant qualifié et le fonctionnaire le mieux payé du personnel nommé pour raisons poli- est de 1/26, ce qui est en accord avec l'objectif de tiques et les salaires des parlementaires. 1/30 recommandé par le Comité parlementaire - la continuation de la politique visant à (mais ce qui est plus élevé que le ratio final de 1/15 ne pas faire d'augmentation nette de la recommandéparlaCommissiondeRéorganisation taille de la fonction publique et la du Service Publique). "budgétisation de la main d'oeuvre". Cette structure des salaires a été très con- * La mise en place d'un mécanisme permet- testée par les syndicats, qui lui reprochent de tant de rassembler des commissions et co- favoriser les leaders politiques et certains fonc- mités divers afin de déterminer annuelle- tionnaires. Alors que la politique des salaires ment les rémunérations dans les différentes avait été en général acceptée, beaucoup de sections du service public. 20 Petter Langseth * Létablissement d'un mécanisme de négocia- création de l'Inspection Générale du Gouver- tion entre le Gouvernement et les syndicats. nement, qui a joué une rôle fondamental dans * La détermination de l'interlocuteur finan- les enquêtes sur la corruption (voir Encadré 4). cier des agences à "trésorerie limitée": serait- L'évolution du climat politique ougandais-at- il plus prudent que ces agences négocient testée par l'élection de l'Assemblée constituante, directement avec le ministère des Finances, l'adoption d'une nouvelle Constitution (1995), le ministère de la fonction publique déter- des élections présidentielles en mai 1996 et une minant les lignes politiques à suivre (en ter- économie en essor-donne à penser que le mo- mes de rémunération dans le service public ment est venu pour le Gouvernement d'intensi- etc...)? fier la lutte contre la corruption. En 1997, le paiement des fonctionnaires a été A l'invitation de l'Inspection Générale du sérieusement perturbé et délayé, les capacités bud- Gouvernement, une mission conjointe IDE/Trans- gétaires de l'Ouganda ayant été limitées parency International a entrepris, à la fin de 1994, significativement par l'augmentation du nombre d'examiner la stratégie anti-corruption de d'élèves à la suite de l'exécution du projet "d'Edu- l'Ouganda. Elle a conclu que l'ampleur de ce fléau cation Universelle" et les guerres auxquelles s'expliquait en l'occurrence par un certain nombre l'Ouganda a participé. de facteurs: * le coût des campagnes électorales (frais qu'il La lutte contre la corruption: améliorer la faudra diminuer significativement); conscience professionnelle, la responsabilité des * l'extrême modicité des traitements dans la agents publics devant le public et la transparence fonction publique (qui oblige les fonction- Dans son Rapport de 1990, la Commission de la naires à s'assurer un revenu supplémentaire, réforme a défini la corruption comme «un com- par des voies légales ou non); portement ou une pratique qu'un fonctionnaire ou * le laxisme des mécanismes d'audit dans les un particulier adopte en violation flagrante des rè- administrations publiques et le secteur gles et procédures existantes, aux fins d'en tirer un parapublic; bénéfice pour lui-même ou pour un groupe». La * la non-observation manifeste des Instruc- corruption a été considérée comme un problème tions de service (qui, entre autres disposi- particulièrement important à la fois par la Com- tions, interdisent aux fonctionnaires d'en- mission de réforme et par le séminaire de décideurs treprendre toute activité pouvant donner de haut niveau organisé en 1993 par le Gouverne- naissance à un conflit d'intérêts); ment, et l'opinion publique ougandaise est de plus * l'impossibilité de contrôler les ressources et en plus convaincue que les pouvoirs publics doi- les engagements financiers des principaux vent faire davantage. décideurs de l'Etat; Le redressement économique de l'Ouganda, - la manipulation de certains types d'aide; largement reconnu, ne doit pas masquer le fait * le manque de ressources de l'appareil judi- que la corruption demeure, dans la société ciaire, qui ne s'est pas encore relevé des an- ougandaise, un fléau qui risque de compromet- nées de guerre civile; tre l'avenir politique et économique du pays. * tes modifications constantes apportées au ré- Après l'arrivée au pouvoir en 1987 du Mouve- gime de l'investissement privé, qui ne facili- ment de la résistance nationale, le danger d'une tent pas la mise en oeuvre d'un programme telle éventualité a été reconnu, aboutissant à la de privatisation de grande envergure; Enseignements tirés de le réforme de la fonction publique en Ouganda 21 Encadré 4: Le p.er séminaire de fonnJd exemple, de doter l'Inspection Générale du Gou- mgodes à inteution des * lstes vernement d'enquêteurs expérimentés ayant le d'invest . pouvoir d'engager des poursuites, pour rendre plus d'investigation crédible la lutte contre la corruption. On pourrait, Pendant une semaine (du 14 au 19 août 1995), d'autre part, nommer un commissaire aux plaintes 25 journalistes se sont réunis aux environs de publiques, qui ne s'occuperait que de corruption, Kampala pour perfectionner leurs talents d'en- dans le contexte d'une campagne nationale anti- quêteur et participer à des débats approfondis corruption, qui aurait pour but de sensibiliser le avec des hauts fonctionnaires. public aux effets néfastes de la corruption. La mis- Ce stage, organisé conjointement par l'ins- . titut de développement économique et sion a également recommande lin troduction d'un Transparency International, avait été demandé «serment d'incorruptibilité» dans l système de par l'inspection Générale du Gouvernement préséleçtion pour la passation des marchés publics dans le cadre de la lutte anti-corruption menée (avec obligation, pour les adjudicataires, de rendre en Ouganda, et pour améliorer la conscience public le montant des commissions), l'institution professionnelle, la transparence et la responsa- de mécanismes de contrôle et de discipline dans bilité dans les administrations publiques. L'un l'appareil judiciaire et les professions juridiques, et des grands moments du stage a été la simula- l'adoption, en matière de privatisation, de directi- tion d'une affaire de corruption mise au point ves et de dispositifs de contrôle plus stricts. par deux journalistes danois (qui avaient même donné des fausses pistes). L'affaire se dévelop- En 1994, deux atliers-séminaires sur l'intégrité pait tous les jours, de petits groupes de journa- ont été organisés par Transparency International et listes jouant le rôle de journaux ayant une orien- l'IDE pour essayer de définir quels étaient les moyens tation idéologique différente. de reconstruire le système d'intégrité national, effon- Pour beaucoup de ces journalistes, c'était dré depuis les années 1960. Les participants étaient la première fois qu'ils pouvaient s'entretenir di. membres ou employés du bureau du Contrôleur rectement avec des hauts fonctionnaires, comme Général, des ministères, de la Police, des médias, de le Directeur des poursuites publiques, l'lnspec- l'Université de Makerere, et de la commission de la teur général du Gouvernement et le Contrôleur Uiesité de Marc re, edelaco n général, qui ont pris la parole pendant le stage. passation des marchés pubics. Leurs interventions ont débouché sur des discus- Les résultats des ces séminaires ont été de trois sions libres consacrées au Programme de ré- ordres différents: premièrement, les participants ont forme de la fonction publique et au rôle des établi un bureau local de TI afin de promouvoir médias dans la lutte contre la corruption. ses objectifs au niveau national. Deuxièmement, En outre, il a été recommandé que le nou- les participants ont publié la "Déclaration d'inté- veau Parlement adopte une loi sur la liberté de grité de Mukono", qui appelle les ougandais à for- l'information dès la première année de son exis- mer un front uni face au fléau de la corruption, à tence. De leur côté, les médias devaient merpuntfront unface au reéau de la rrutonà s'autodiscipliner de façon plus rigoureuse et pré- respecter et renforcer le respect du droit, à renfor- senter l'actualité objectivement et équitablement. cer les institutions de lutte contre la corruption, à soutenir la réforme du service public, et à promou- voir le développement du secteur privé. Enfin, les La mission conjointe IDE/Transparency In- participants ont fait un certain nombre de recom- ternational a recommandé, pour lutter contre la mandations au Gouvernement, visant à recons- corruption, certaines mesures précises qui ont été truire le système d'intégrité en Ouganda, compre- approuvées par le Gouvernement. Il s'agirait, par nant le renforcement des capacités à travers les agen- 22 Petter Langseth ces de lutte contre la corruption, la création d'un sonnel nécessaire et adéquat, ayant des compéten- cadre légal encourageant la diminution de la cor- ces pratiques et professionnelles, et un niveau d'in- ruption, l'amélioration de la qualité du journalisme tégrité irréprochable. d'investigation, et l'éducation du public sur le su- Quant à la Commission parlementaire des jet des dommages causés par la corruption. Comptes Publiques, au bureau du Contrôleur Géné- L'Ouganda dispose de plusieurs institutions en ral, au Département des Investigations Criminelles, charge avant tout de combattre le problème de la cor- au Département des Poursuites Publiques, et à la Ma- ruption dans la vie publique, y compris l'Inspec- gistrature, ces institutions n'ont pas échappé aux tion du Gouvernement, dont le rôle et la fonction pratiques de corruption qu'elles sont censées com- ont été intégrés dans la constitution, le Départe- battre. Il faudra utiliser à la fois la carotte et le bâ- ment d'Investigations Criminelles, la magistrature, ton pour reconstruire la crédibilité de ces institu- le bureau du Directeur des Poursuites Publiques, tions et pour qu'elles soient enfin efficaces dans fonction qui a aussi été constitutionnalisée. Ces l'accomplissement de leur mission. On devra ré- institutions ont manqué de leviers pour avoir un munérer correctement leur personnel et donner à réel impact sur le niveau de la corruption. Un cer- celui-ci les moyens techniques nécessaires à l'ac- tain nombre de mesures ont été proposées au Gou- complissement de sa mission. D'un autre côté, les vernement pour les revitaliser et leur donner les sanctions en cas d'infraction au code de conduite moyens de lutter efficacement contre la corruption. devront être particulièrement sévères. Lors de leur Depuis 1987, l'inspection du Gouvernemnent a recrutement, les agents de ces institutions devront été le pilier institutionnel de la stratégie anti-cor- faire la preuve de leur intégrité. ruption du Gouvernement. Bien qu'elle ait permis Même si le problème de la corruption en de limiter quelques excès en matière de corruption Ouganda ne se situe pas au niveau des lois, qui pa- de la vie publique, on a souvent considéré que cette raissent relativement adaptées, mais au niveau de institution manquait des moyens d'agir. Dans le leur application, un certain nombre de suggestions passé, ses rapports sur la corruption n'ont pas été ont été faites pour améliorer l'environnement lé- publiés et l'institution dépendait d'autre branches gal permettant de diminuer l'incidence des prati- administratives pour les poursuites des personnes ques de corruption parmi lesquelles: le corrompues. renversement de la charge de la preuve, la création L'Assemblée constituante, reconnaissant ces de tribunaux spéciaux pour les délits de corrup- faiblesses, a inclus dans la constitution les fonc- tion, l'introduction d'une législation sur la liberté tions de l'Inspection. Depuis, l'Inspection a des de l'information, l'assouplissement des lois sur la pouvoirs d'investigation, d'arrestation, de pour- diffamation permettant à la presse d'exposer plus suite, d'inspection de locaux et de consultation des librement la corruption, l'amélioration de la pro- documents nécessaires à l'accomplissement de ces tection légale des témoins, le vote de lois permet- fonctions. Elle est devenue une agence indépen- tant de rendre les contrats obtenus par des prati- dante dans l'exercice de ses pouvoirs constitution- ques corrompues nuls et non avenus, le vote de nels. L'ensemble des personnes publiques ou pri- lois permettant de confisquer les biens acquis à vées et les autres institutions, organisations et en- travers des pratiques corrompues, et la signature treprises, sont dans son domaine de compétence. d'accords d'extradition avec les pays étrangers pour L'inspection dorénavant rend compte au Parlement que les corrompus qui fuient leurs pays soient ren- et non plus au Président. L'enjeu maintenant pour voyés dans leur pays d'origine et répondent de leurs l'Inspection est de recruter et savoir garder le per- crimes devant leurs tribunaux nationaux. Enseignements tirés de la reforme de lafonction publique en Ouganda 23 Quant à la presse, dont le rôle d'éducation du vaillant dans la magistrature ou l'administration. public est fondamental, beaucoup l'ont accusée de En dehors de ces quelques réformes, quelques pratiquer la chasse aux sorcières ou la diffamation. réformes administratives seraient aussi utiles pour C'est pourquoi, on doit renforcer la formation des améliorer la lutte contre la corruption. Tout journalistes, qu'il s'agisse de ceux de la presse écrite d'abord, les dirigeants économiques et politiques ou télévisuelle. Depuis 1995, huit séminaires de du pays devraient renouveler leur engagement à formation en journalisme d'investigation ont été diminuer l'incidence de la corruption. organisés par le Gouvernement et facilités par Deuxièmement, les lois et règles sur la passation l'IDE. Ces séminaires ont été conçus pour amélio- des marchés publics, la contractualisation, et l'oc- rer les compétences professionnelles des journalis- troi de permis devraient être actualisées afin de li- tes et ont été conduits en collaboration avec les miter les marges de manoeuvre discrétionnaires. Il associations locales de journalistes. Il faudrait que faudrait aussi rendre le système administratif en ces séminaires continuent, et se concentrent en général moins prévisible et les rencontres face à face particulier sur l'amélioration des compétences de devraient être limitées afin de diminuer les oppor- certains journalistes présents aux séminaires tunités de corruption. Par exemple, dans les do- précédants. maines sensibles aux pratiques corrompues, les Lepublic devrait être largement inclus dans membres du public ne devraient pas pouvoir pré- la lutte contre la corruption. Les agences de lutte dire à quel fonctionnaire ils auront à faire (grâce à contre la corruption devraient lancer des cam- la rotation du personnel). Ceux en charge de su- pagnes d'éducation du public cordonnées sur les perviser le travail des autres devraient faire des en- dangers de la corruption utilisant divers supports quêtes-surprises, et les responsables devraie.ât de- tels que les posters, les films, la radio, la télévi- mander des rapports annuels, trimestriels et men- sion, le théâtre et les organisations suels.Quantàlacomptabilité,lesrégulationscon- communautaires (autorités religieuses, conseils tre les conflits d'intérêts devraient être strictement locaux, groupes de la jeunesse etc...). Ces cam- respectées. Enfin, il est nécessaire d'informer le pagnes devraient viser à augmenter la confiance public sur les moyens qu'il a de porter plainte, de du public dans les programmes gouvernemen- protéger les plaignants contre des tentatives taux de lutte contre la corruption, à éduquer le d'intimidation et de représailles, de faire en sorte public sur son droit à ne pas payer de pots-de- que toutes les plaintes fassent l'objet d'enquête de vin et sur les mécanismes permettant de porter la part de l'Inspection Générale, de montrer en plaintes contre des pratiques corrompues, à dis- exemple et de récompenser ceux qui dénoncent la créditer l'enrichissement personnel par voie de corruption, et de conduire des enquêtes d'opinion corruption, à rassurer le public en lui assurant sur ce que le public pense de l'efficacité des mesu- que la divulgation des pratiques corrompues ne res anti-corruption. conduira pas à des représailles, à rendre publics les succès dans la lutte contre la corruption, et à Renforcement des capacités dissiper le mythe selon lequel la corruption fait En décembre 1994, le Gouvernement partie des cultures africaines. Des populations ougandais, soucieux de renforcer et d'accélérer particulières peuvent aussi être l'objet de cam- les effets des réformes concernant le développe- pagnes d'information, comme les responsables rnent économique et la prestation de services des programmes scolaires, les institutions reli- publics, a conclu les négociations relatives à un gieuses, ou les juristes et hommes de loi tra- programme de renforcement des capacités de 35 24 Petter Langseth millions de dollars, qui est en cours d'exécution ques. Ce voler prévoit également depuis octobre 1995. Ce programme comporte l'amélioration de l'enseignement du cinq volets: droit. 1. Le volet «renforcementdes capacités dugou- 4. Le vo/el ,comptabilité professionnelle» vernement central» continuera à appuyer aidera à créer une association profession- la réforme en cours. Il renforcera la ges- nelle (Institmt ougandais d'experts-comp- tion du personnel administratif des ser- tables), à mettre en place un système lo- vices centraux et aidera à améliorer les cal d'examen et de titularisation des pro- services publics, en instaurant une ges- fessionnels, et à instituer des normes tion axée sur l'obtention de résultats et comptables locales. un système d'évaluation des fonctionnai- 5. Le volet «fonds deformation pour desfonc- res basé sur leur performance. tions d'exécution» permettra d'instituer un 2. Le volet «renforcement des capacités des dispositif transparent et concurrentiel collectivités locales» soutiendra le pro- grâce auquel on pourra faire coïncider la gramme de décentralisation en cours. demande de formation à des fonctions Il poursuivra le renforcement des struc- pratiques (notamment en gestion, infor- tures, des systèmes et des procédures matique, comptabilité financière et droit) de gestion des finances et du person- et l'offre de services de formation suscep- nel au niveau des districts. Il compren- tibles d'être locaux. Ce volet permettra dra la formation du personnel de dis- d'aiderlesétablissementsd'enseignement trict à la nouvelle gestion et prévoira en renforçant leurs capacités pédagogi- un «rééquipement» de base (quelques ques par une action ponctuelle de for- travaux de génie civil et la fourniture mation (instructeurs et matériel). de matériel). Il contribuera également à des opérations ponctuelles visant à Une gestion axée sur l'obtention de résultats et de aider plusieurs collectivités locales à meilleures prestations de services mettre leur comptabilité à jour. Enfin, Pour améliorer les prestations de services aux usa- il contribuera à la décentralisation en gers, le Gouvernement ougandais a emprunté, grâce fournissant des fonds pour financer des au Programme de renforcement des capacités services de consultants en fonction des institutionnelles, les fonds nécessaires à la mise en besoins. place des systèmes et des activités de formation que 3. Le volet «système juridique» doit renfor- nécessite l'adoption d'une gestion axée sur l'obten- cer le cadre juridique dans lequel s'ef- tion de résultats. fectue le développement du secteur En règle générale, un gouvernement qui en- privé. En faisant mieux connaître et en treprend un nouveau programme commence par diffusant plus largement les textes ju- la planification, passe à l'exécution, et termine par ridiques et les arrêts de justice, ce vo- l'évaluation des résultats. Mais, pour instaurer une let renforcera d'importantes institu- philosophie du service public axée sur l'usager et la tions telles que le Ministère de la jus- performance, il faut apparemment procéder à l'en- tice, le Ministère des affaires constitu- vers, c'est-à-dire commencer par se faire une idée, tionnelles et l'appareil judiciaire, ainsi à travers une vaste enquête, de ce que pensent les que l'ensemble des professions juridi- citoyens des principaux services publics et de la Enseignements tirés de la rifrrme de la fonction publique en Ouganda 25 manière dont ils fonctionnent, puis, au vu des ré- donner une image des services par district, par sec- ponses, passer à la planification et toujours, grâce teur et par partie intéressée, et permettre de com- aux données recueillies, exécuter le programme parer les effets de divers programmes dans les 39 envisagé. districts. L'impact devait être ciblé, la forme facile Le Gouvernement, appuyé par l'Institut de à lire, présentant les principales informations dont développement économique de la Banque mon- ont besoin les décideurs. Ceux-ci en conséquence diale, a préparé une enquête sur les prestations de disposent des indicateurs choisis pour la période service afin de dégager des indicateurs utiles et adap- de référence et des données pour les périodes sui- tés sur les prestations de service telles que perçues vantes, On leur a présenté également la liste des par les usagers, et ainsi faciliter le suivi et la mise programmes et activités qui ont eu lieu cette an- en oeuvre de la réforme de la fonction publique née-lâ. Ils peuvent ainsi replacer les résultats obte- ainsi que d'autres programmes. Cette enquête, con- nus dans le contexte d'ensemble des programmes, çue localement et soigneusement ciblée, devait déterminer quelles réformes ont apporté le maxi- Encadré 5: Enquête sur les prestations de services Lacunes. Le succès des programmes de ré- société civile doit être traitée comme une clien- forme de la fonction publique est resté limité tèle. Pour réorienter la gestion et l'axer sur la dans les pays emprunteurs parce que leurs gou. satisfaction de l'usager, il faut d'abord connai- vernements: tre ses attentes, ses préférences et son expé- * n'avaient pas une idée claire de la manière rience. C'est ce que fait l'enquête en rassem- dont les services fonctionnaient auparavant, blant les opinions d'un échantillon représentatif élément indispensable pour concevoir des de citoyens ordinaires et d'autres bénéficiaires réformes appropriées; des services publics (entreprises, collectivités * ne disposaient pas du mécanisme qui aurait locales, groupes associatifs). Elle réunit aussi permis de mesurer les effets des réformes des observations sur les interactions effectives du point de vue de l'amélioration des ser- entre fournisseurs et prestataires de services, et vices aux usagers; analyse ces données au regard d'indicateurs * n'avaient pas les moyens de faire naître un macro-économiques connus (données fiscales, nouvel état d'esprit à l'égard du public dans emploi, etc.). les institutions en cours de réforme; Le système d'enquêtes sur les prestations de * ne dialoguaient pas avec les citoyens à services a été conçu par l'Institut de développe- propos de leurs préférences et de leurs at- ment économique pour rendre les pouvoirs pu- tentes en ce qui concerne les prestations blics mieux à même de concevoir et mettre en de services; oeuvre des programmes de réforme. L'enquête * ne disposaient pas de dispositif de respon- renforce les capacités de gestion de tout le pro- sabilité gàrantissant l'efficacité et l'équité cessus de la prestation de services et permet de des dépenses de l'Etat. mieux répondre aux besoins du public. Elle constitue également un moyen de consultation Priorité à l'usager. Un postulat de base de entre les pouvoirs publics et la société, contri- l'enquête sur les prestations de services est que buant ainsi au processus de démocratisation, l'opinion du citoyen est importante et que la Source: Langseth, Langan et Taliercio (1995]. 26 Petter Langseth mum d'effets positifs marginaux nets et analyser le importants des résultats que l'on a pu obtenir à rapport entre l'effort fourni et les résultats de partir de l'enquête: en ce qui concerne la santé, les la réforme. résultats de l'enquête ont montré qu'un quart des L'enquéte sur les prestations de services a elle- foyers avaient utilisé les services de santé durant même fait l'objet d'une enquête pilote à la fin de l'année précédant l'enquête, sachant que les foyers 1995 (voir Encadré 5). Relativement peu coûteuse, dont le chef est paysan et/ou sans éducation ont elle a recensé les données sectorielles et macro-éco- moins tendance à utiliser les services de santé ad- nomiques de la Banque mondiale qui existent déjà ministratifs. Les deux tiers des foyers étaient prêts et a dressé une bonne description de la manière à payer une somme médiane de 725 Ush par visite dont la société civile perçoit les services publics qui à la clinique, mais une majorité était réticente à lui sont assurés. La première phase de la recherche, payer pour des services de mauvaise qualité. 38% celle des sondages sur la façon dont le public per- des foyers considéraient les services administratifs çoit les prestations de services et des observations de santé de bonne qualité, alors que 30% en sur les prestations réelles des services publics, a été moyenne les trouvaient moyens, 22% les considé- menée par des équipes de nationaux (le Bureau de rant de mauvaise qualité. Les problèmes les plus statistique et l'Université de Makerere disposent du importants soulignés lors de l'enquête étaient le personnel qualifié) spécialement formés, ce qui a manque de médicaments et l'accès difficile aux ser- réduit les frais au minimum. Le coût de la phase vices. Quant aux services agricoles, seuls 11% des d'exécution a été, lui aussi, atténué par l'emploi de foyers avaient déjà eu une visite de la part d'un recenseurs locaux travaillant sous la supervision agent du service d'extension agricole, et la moitié d'un consultant local. Lenquête pilote devait aider des foyers se disaient prêts à payer pour des visites, à renforcer les capacités locales pour concevoir et surtout s'il s'agit de visites de conseil ou d'infor- exploiter les indicateurs, et pour réaliser mation. Le reproche principal que l'on a fait au périodiquement des enquêtes. service était celui de ne pas exister. Les objectifs de l'enquête sur les prestations Les résultats de l'enquête ont permis de partir de service étaient les suivants: développer une d'une bonne base de départ pour planifier et me- méthodologie appropriée pour une série d'enquê- surer l'impact et la couverture des services dans le tes à conduire plus tard sur les prestations de servi- futur. Les données peuvent être utilisées à la fois ces en Ouganda, rassembler des données sur des au niveau des districts et au niveau des ministères services publics clés afin de définir une base à par- centraux (sachant que les districts sont en fait res- tir de laquelle des actions peuvent être prises pour ponsables des prestations de services, les ministè- réformer ces services, augmenter les capacités, et res centraux n'apportant que l'orientation politi- sensibiliser les gouvernements et administrations que). Enfin, si l'objectif principal de l'enquête était centrales et locales à l'amélioration des prestations de fournir une base de données sur laquelle des de service. actions futures peuvent reposer, elle a aussi permis On a donné comme priorité à l'enquête l'exa- d'augmenter les capacités nationales d'évaluation. men des services de santé et d'agriculture, identi- Le travail de conception et d'exploitation de fiés comme des services coûteux et dont les pro- l'outil de diagnostic de la fonction publique per- grammes sont considérés comme prioritaires. On met à la réforme de se concentrer davantage sur le a utilisé à la fois des données quantitatives et public. S'interroger sur ce que pense la clientèle, qualitatives, suivant la méthodologie de la Sentinel c'est valoriser l'opinion des usagers et, par ce biais, Community Surveillance. Voici quelques exemples avancer sur la voie d'un gouvernement plus sou- Enseignements tirés de l réforme de la fonction publique en Ouganda 27 cieux de ses administrés. On s'est déjà efforcé dans opérationnelles et financières de l'administration, le passé d'étudier le problème des prestations de il est nécessaire de mettre en place un système in- services au niveau des ministères mais, en l'occur- formatique de gestion du personnel (SIGP), d'amé- rence, l'enquête est plus compléte. Elle a ceci d'iné- liorer la gestion des archives, et de renforcer la fonc- dit qu'elle mesure les réformes en partant à la fois tion d'inspection au sein du service public. Jusqu'à du sommet vers la base et de la base vers le som- présent, un SIGP pilote a été mis en place au sein met. Elle aura enfin des incidences sur les autres du ministère de la fonction publique, des agents programmes de réforme: les indicateurs mesurés à ont été formés en gestion des archives, et une en- l'échelle des districts pourraient, par exemple, pré- quête sur les prestations de services a été conduite, senter un intérêt pour le programme de première étape pour mesurer les performances de décentralisation. la fonction publique. Lun des enjeux pour la fonction publique de Ensuite, pour renforcer les capacités au sein demain sera l'introduction de la gestion axée sur de la fonction de contrôle (ou d'inspection), il fau- l'obtention de résultats, qui est un style de gestion drait former le personnel d'inspection sur la qui vise à atteindre des objectifs définis et méthodologie et les objectifs du contrôle, intro- mesurables. Le succès de cette gestion reposera sur duire des techniques d'audit des performances et l'introduction: des études d'efficacité et d'efficience, préparer un a) d'une culture de programmation et de manuel d'inspection, renforcer et clarifier les rela- gestion par objectif, qui permettra de ré- tions entre les différentes agences de contrôle et les viser périodiquement les objectifs de cha- différents ministères, et inclure le personnel d'ins- que organisation; pection dans les futures étapes des enquêtes sur les b) d'une gestion des ressources humaines prestations de service. axée sur la performance, dans laquelle les évaluations de performance et les systè- IV. Condusions mes de récompenses sont basés sur l'ob- Si experts et institutions sont d'accord pour pen- tention de résultats précis; ser que le développement du secteur privé est la clé c) d'une gestion axée sur les performances du relèvement économique de l'Afrique, ils se ren- programmées, qui assure que la program- dent compte de plus en plus que les institutions mation et la budgétisation sont directe- du secteur public ont aussi un rôle déterminant à ment liées aux résultats prévus. jouer. Ces institutions doivent en effet, partout en Dans ce contexte, il est urgent de renforcer le Afrique, créer un «environnement propice» au sec- pouvoir des ministres, de leurs secrétaires perma- teur privé, c'est-à-dire, entre autres, fournir un ca- nents, et des chefs de département si l'on veut pou- dre macro-économique stable, améliorer la presta- voir mettre en place une gestion axée sur l'obten- tion des services au public, structurer les incitations tion de résultats. Il serait contreproductif de vou- économiques propres à faire jouer la concurrence loir que le personnel atteigne des objectifs précis si dans le secteur privé, mettre en place une infras- on ne lui accorde pas la liberté de choisir les dé- tructure, valoriser les ressources humaines de fa- terminants de ces résultats. çon appropriée, et enfin, mettre en place un sys- tème financier adapté. Au vu des changements de Renforcer les systèmes de gestion et de contrôle cap inattendus des réformes observées dans le passé Pour mettre en place un système de gestion effi- dans d'autres pays d'Afrique, on ne saurait trop se cace permettant de mieux contrôler les activités féliciter des progrès réalisés jusqu'à présent par 28 Petter Langseth l'Ouganda. Son exemple témoigne cependant de qués dans le processus de réforme que les l'existence et de l'importance décisive de certains objectifs de celle-ci seront atteints de facteurs susceptibles de permettre une évolution manière durable. C'est pourquoi la Com- durable et positive des services publics en Afrique: mission de réforme et la Commission de 1. La manière dontla réforme est conçue. L'ef- la réforme constitutionnelle ont interrogé fort de réforme doit s'inscrire dans une des milliers d'Ougandais avant de publier, conception globale, indissociable des en 1990, leurs recommandations concer- autres programmes de réforme. La ré- nant la réforme de la fonction publique. forme est un processus d'apprentissage, 4. Un consensus sur la conception de la réforme et doit se concentrer sur un certain nom- et ses modalités d'exécution. Le succès des bre d'éléments: aboutir à un coût raison- réformes est fonction du degré de nable de la fonction publique (par le ni- consensus qui se dégage non seulement veau d'effectif approprié et la redéfinition sur les problèmes à résoudre, mais aussi du rôle de l'Etat), mettre en place un sa- sur les moyens à mettre en oeuvre, tant laire minimum vital et d'autres incitations en théorie qu'en pratique. En Ouganda, économiques, introduire une gestion axée la même commission (la Commission de sur l'obtention de résultats et la réforme) a identifié les problèmes in- l'amélioration des prestations de services, ternes de la fonction publique, défini la et trouver des solutions aux problèmes liés manière d'envisager l'avenir, déterminé le à la déontologie, à la responsabilisation nouveau rôle que devaient jouer les pou- et à la transparence. La réforme doit être voirs publics et formulé 255 recomman- de conception simple, pour que la vision dations précises sur les changements à d'ensemble et les objectifs restent clairs. apporter et la manière de procéder. Les 2. Ledésirquaz legouvernementdeparticiper quelques expatriés qui participent à la activement à un processus novateur et phase d'exécution ne sont que des ani- adaptatifi Toute réforme est une évolu- mateurs qui aident les Ougandais à met- tion. Les gouvernements doivent accep- tre en oeuvre leurs propres stratégies de ter comme un fait inévitable la résistance réforme. au changement. Ils devraient, tout en 5. Une idée claire de ce que doit être le rôle de mettant ce qu'ils savent des «pratiques l'Etat. Les hauts responsables doivent défi- optimales» au service des objectifs de la nir la mission fondamentale et les objectifs réforme, définir des stratégies pour gérer de politique générale de la réforme, et in- le changement et les attentes des fonc- diquer clairement quel rôle incombe à tionnaires, de manière à anticiper et à l'Etat. En Ouganda, cette nouvelle concep- surmonter cette résistance. tion a été exposée lors d'un séminaire or- 3. Une réforme venant de la base. La popu- ganisé par le Gouvernementen 1993, à l'in- lation, à tous les niveaux sociaux, devrait tention des décideurs de haut niveau. Le intervenir personnellement afin de déter- descriptif mis au point d'un commun ac- miner les problèmes à régler. Puisqu'ils cord lors de ce séminaire a été distribué à sont les principaux intéressés, les citoyens toutes les parties prenantes. devraient fixer le programme de réforme. 6. Un soutien ferme et durable de la part des Ce n'est que si les gens se sentent impli- plus hauts responsables. Le profond atta- Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 29 chement des dirigeants politiques de la tion, les réformes ne pourront donner que nation au succès de la réforme est crucial des résultats très limités en Ouganda. Le non seulement pour créer une nouvelle programme de lutte contre la corruption, fonction publique, mais aussi pour me- lancé en décembre 1994, est un premier ner à bien les autres programmes de ré- pas dans cette voie. forme. La volonté des dirigeants politi- 10. La synergie entre les différentes réformes. ques doit correspondre aux souhaits de L'action entreprise dans le domaine de la leurs mandants si l'on veut que la réforme fonction publique n'est que l'une des aboutisse. En Ouganda, le Président, le composantes du flot de changements à Cabinet, le Conseil de la résistance na- prévoir pour instaurer une saine gestion tionale et les plus hauts fonctionnaires des affaires publiques et la stabilité éco- soutiennent activement des réformes qui nomique. C'est dans cet esprit que vont dans le sens de ce que désire l'opi- l'Ouganda a entrepris cinq programmes nion publique. de réforme: réforme de la fonction pu- 7. Le salaire minimum vital. Le fait de ver- blique, décentralisation, privatisation, ser à tous les fonctionnaires un salaire réforme constitutionnelle et réforme éco- minimum vital ne garantit pas en soi une nomique. Tous ces programmes doivent amélioration de la prestation de services, être coordonnés et gérés de manière à mais c'est une condition préalable déci- maximiser les effets de synergie (voir Fi- sive (mais souvent négligée) de la réus- gure 2). site de la réforme. Il. Importance du soutien bien coordonné des 8. Le souci des usagers. Il faut privilégier da- bailleurs defonds. Le succès et la viabilité vantage une gestion axée sur l'obtention de la réforme dépendent du soutien ap- de résultats et l'impact de l'intervention porté par la communauté des bailleurs de de l'Etat sur la prestation des services. La fonds, qui doit être approprié, intégré et conception de la réforme de la fonction fourni en temps voulu. Il faut qu'il y ait publique, mais aussi le suivi des effets une vision commune, autour de laquelle qu'elle a sur les prestations de services se mobilisent les financements et les ini- peuvent bénéficier significativement de tiatives. l'enquête sur les prestations de services. De nombreux objectifs de la réforme sont en 9. Déontologie, responsabilisation et transpar- cours de réalisation, ouvrant la voie à de nouveaux ence. L'absence de responsabilité, le man- progrès et répondant aux impératifs d'un change- que de conscience professionnelle et la ment de grande envergure. L'Ouganda ayant déjà corruption sont bien ancrés, et même fait des choix difficiles et commencé à s'attaquer institutionnalisés, dans toutes les fonc- aux éléments clés de la réforme, ce pays se rappro- tions publiques africaines. La corruption che de la phase suivante, qui consiste à instaurer ne pourra disparaître que lorsque les di- une culture de l'innovation dans la fonction publi- rigeants politiques et le public lui-même que par la valorisation des ressources humaines, décideront ensemble de ne plus la tolé- c'est-à-dire par la formation continue, l'évaluation rer. Si l'on n'améliore pas la moralité, la et la reconnaissance des performances, et la parti- conscience et la transparence profession- cipation des fonctionnaires aux décisions qui les nelles pour barrer la route à la corrup- concernent. Pour qu'employeur et employés s'en- 30 Petter Langseth tendent plus facilement sur des objectifs communs, l'on est en train de mettre en place (Lamonte, le Gouvernement doit favoriser l'épanouissement 1994). On peut y voir le signe annonciateur, après de ses fonctionnaires, et les responsables compren- l'élimination des principales distorsions macro-éco- dre qu'ils peuvent, par leurs actes, soit aller à l'en- nomiques, d'une nouvelle ère qui s'ouvre pour la contre des nouvelles perspectives qui s'offrent à la planification ougandaise, s'inscrivant dorénavant fonction publique ougandaise, soit favoriser son dans le cadre d'un système économique natio- évolution positive. nal intégré. La planification de l'ajustement structurel pro- Postface de James Katorobo, membre de la voque une deuxième distorsion, à savoir le fait que Commission d'examen et de réforme de la l'on néglige les pauvres des zones rurales et urbai- fonction publique, Consultant national auprès nes. Le PIB par habitant a baissé de 40 pour cent du Programme de réforme de la fonction entre 1970 et 1986, mais cette évolution s'est in- publique versée et, depuis 1986, on enregistre une croissance Il est rassurant d'apprendre de celui qui a été l'ar- de 20 pour cent. Mais la misère s'est aggravée mal- chitecte de la planification ougandaise, Timusiimee gré le Programme pour l'atténuation de la pauvreté Mutebile (Mutebile, 1995), que la stratégie et le et du coût social de l'ajustement. C'est là un exem- contenu des plans d'ajustement structurel n'ont pas ple de croissance sans équité. L'augmentation des été dictés par des intérêts étrangers - et l'on pense apports financiers des bailleurs de fonds n'a fait surtout à la Banque mondiale et au FMI. Ces plans qu'alourdir le fardeau de la dette. ambitieux correspondent en réalité aux constata- Du fait de l'importance excessive accordée à tions et aux décisions auxquelles le Gouvernement l'élimination des distorsions macro-économiques, est arrivé de manière délibérée. Les conditionnalités on a négligé la gestion micro-économique de la ont été, et restent, convenues entre les dirigeants production. L'effondrement du système de distri- ougandais et la communauté des bailleurs de fonds. bution d'intrants agricoles illustre bien les nouvel- On notera toutefois que, par sa méthodologie, les distorsions qui sont apparues au niveau micro- la planification de l'ajustement structurel vise à faire économique (Laker-Ojok, 1995). Les bailleurs de disparaître les distorsions et les déséquilibres macro- fonds eux-mêmes ont contribué à la marginalisation économiques. Elle ne s'intéresse pas directement à du secteur privé en injectant des subventions dans l'édification d'institutions et d'organisations les services d'approvisionnement en intrants agri- meilleures, garantes d'une utilisation plus efficace coles de l'Etat. Le démantèlement réussi du mo- des ressources de l'économie. Les stratèges nopole exercé par l'Office de commercialisation du ougandais eux-mêmes déclarent qu'il faut d'abord café sur les exportations montre comment la ferme éliminer les distorsions si l'on veut assurer une volonté de mener une réforme à bien peut aboutir meilleure exploitation des ressources. à des résultats positifs en dépit des résistances Paradoxalement, l'ajustement structurel (Katorobo, 1995). On a besoin de plusieurs exem- lui-même perturbe le système de planification ples de succès pour faire la preuve de l'efficacité de ougandais. Il marque un écart par rapport à la pla- la libre concurrence sur le marché. nification économique générale, intégrée au plan national, des années 60 et 70. C'est pourquoi il est La reconstruction de lafonction publique encourageant d'apprendre que c'est un système de Malgré l'ampleur des réformes, il reste absolument formulation des politiques et de planification éco- impératif de mettre en place une fonction publique nomique qui fonctionne à partir de la base que efficace et efficiente dont une société stable et policée Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 31 Figure 2: Ouganda: Place de la réforme de la fonction publique dans le relèvement économique CVo onté Po ilique Cadre 1echn;§ue l ontrâletintérioriser Accord sur un Accord sur un Msenpa,sui, g / les problèmes t vision du future programme d'odfions E de lorfne / Renforcement des capactés Revue du service s Renfarcemen des capacités, gouvernement centrol pubcli et commission Renforcement des capacités, coleivités loaales î de Réorganisalion sB Renforcement des copocités, sedeur légal g Renforcement des capacités, comptabilité g 1989t 1990 O 1995 Budget de farmai 20 Swivi de l'impct nqêe buhs sur b foncfionnemendssrie uv é-u du fonrdonnement des senie l T T~~~~~Réfornes en coursT- ne peut se passer. Or, la stabilité sociale est indispen- n'a pas su mobiliser l'énorme volume de ressources sable pour créer un climat propice à la libération des financières nécessaires à la réforme, et par la résis- forces productives latentes. C'est la fonction publi- tance et les atermoiements des fonctionnaires af- que qui doit avoir un effet stabilisateur au moment fectés par les changements qu'elle implique. où s'élargit le champ du secteur privé, où s'intensifie la libre concurrence pour ce qui est de répondre aux La réhabilitation des collectivités locales besoins de la société et où le rôle de l'Etat est limité Il existe un lien direct entre la création des capaci- aux activités qui ne se prêtent pas à la privatisation. tés nécessaires à un ordre constitutionnel stable au Une nouvelle conception de la fonction pu- niveau national et la création de capacités locales blique a été adoptée, et une nouvelle stratégie mise de gestion au niveau des collectivités locales. La en place, afin de rendre à la fonction publique centralisation excessive du pouvoir-qui a détruit ougandaise son lustre passé. Mais la concrétisation les centres locaux du pouvoir dispersé des chefferies de cette conception a été ralentie par le fait qu'on traditionnelles et des autorités locales-a confirmé, 32 Petter Langseth en Ouganda comme ailleurs, la vérité de l'adage grès, mais les risques de recul restent considéra- de lord Acton, selon lequel «Le pouvoir corrompt bles. Le pays devra rester vigilant s'il veut conser- et le pouvoir absolu corrompt absolument». ver ses acquis et entretenir cette dynamique. La voie La décentralisation peut en revanche créer des qui mène à un style de gouvernement démocrati- conditions plus propices à la croissance économi- que plus affirmé et plus durable passe par la que, améliorer l'efficacité et la transparence de l'ad- réorientation de plusieurs politiques. ministration, et la responsabiliser, ce qui est vital La stabilisation macro-économique par l'ajus- pour assurer la légitimité du système politique. Les tement structurel doit certes se poursuivre, mais dirigeants locaux doivent ètre à même de gérer et en mettant l'accent sur le développement social, d'évaluer les programmes dans le cadre de la nou- tel qu'il est défini par le Programme des Nations velle structure de pouvoir. En vertu de la Loi de Unies pour le développement dans son Rapportsur 1993 sur la décentralisation (Gouvernement le développement humain, 1994. Le problème que ougandais, 1994), les districts administreront leurs pose la pauvreté dans les zones rurales et urbaines propres affaires, ce qui exigera d'eux des talents doit être attaqué de front. En laissant se créer des d'intermédiaire et de négociateur. îlots de richesse et de prospérité excessives à En fait, les nombreux objectifs de la Kampala et à Jinja, on prépare tout simplement les décentralisation fédérale visés dans la loi exigeront guerres civiles de demain. On s'est beaucoup pré- des dirigeants locaux beaucoup de compétence et occupé d'attirer des financements extérieurs, et le d'aptitudes. Il faut donc favoriser le développement pays est maintenant mieux à même de concevoir des capacités à la base, au niveau des individus, des et de présenter des projets. Pourtant, le bilan de structures et des institutions, pour gérer comme il l'exécution des projets est catastrophique. Les quel- convient les affaires communautaires locales et ques crédits des bailleurs de fonds ont été dilapi- l'économie. Créer ces capacités est une tâche très dés, et la plupart des fonds détournés d'une façon difficile qui se heurte à bien des obstacles et des ou d'une autre. Les projets clés en main et l'assis- résistances (Regan, 1994; Nsibambi, 1994). tance technique ont joué un rôle excessif. Linca- Ceux qui ont à pâtir de la décentralisation- pacité à conserver les financements fournis par les notamment les directions centrales (Regan, donateurs s'est traduite par des sorties excessives 1995)-s'efforceront de s'y opposer. Les ressour- de fonds et une aggravation du fardeau de la dette ces subiront de sérieuses ponctions (Nsibambi, ougandaise. 1995), et les forces réactionnaires de type maffia Pour aller de l'avant, il faudra mettre fin à ces risquent de s'emparer des institutions locales fuites et à l'hémorragie financière massive qui en (Regan, 1995). Pourtant, à terme, ce creuset de résulte. Il faut s'intéresser non pas à l'expansion pièces et de morceaux contradictoires pourrait don- des actifs matériels, mais à leur gestion et à leur ner naissance à des communautés locales dynami- entretien. Il faut passer de la rhétorique à la réalité, ques, composant un réseau national solide mais renforcer les capacités, prendre des mesures aux souple, multiculturel et multi-ethnique, c'est-à-dire effets plus durables et susciter une véritable par- une société pluraliste qui préserve son unité en re- ticipation populaire. On devrait évaluer et conce- connaissant son propre besoin de diversité. voir les projets non plus en fonction de l'apport des bailleurs de fonds, mais sur la base des résultats Sur la voie de la démocratie et des effets positifs obtenus. Durant les neuf années qui ont suivi 1986, la Pour obtenir ces effets économiques positifs, reconstruction de l'Ouganda a fait d'énormes pro- il faut instaurer une société fondée sur le soutien Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 33 populaire et la transparence. Il faut mettre parmi celles qui s'imposent pour accompagner l'Ouganda, qui a connu plusieurs régimes fascistes l'évolution en cours. Toutes les réformes lancées dans son histoire, à l'abri de la dictature en met- dans le pays resteront artificielles, imposées par tant en place des centres de pouvoir diversifiés et le haut, si l'on ne fait aucun effort véritable pour dispersés. Le problème est que tout régime en place déléguer le pouvoir aux masses pour assurer une a avantage à ce que le pouvoir soit excessivement participation populaire. Il faut mobiliser, puis centralisé. Le constitutionnalisme a été affaibli par administrer de façon efficace et productive, les des présidences fortes (à l'exception de la présidence ressources extérieures et internes pour parvenir actuelle) qui, après avoir perdu le soutien politi- à une prospérité économique et spirituelle lar- que des masses, recourent à la manipulation des gement et équitablement répartie. Quand il aura dispositions constitutionnelles et à la coercition en cultivé toutes les valeurs humanistes et bridé s'appuyant sur des armées privées. Or, il n'existe toutes les formes de déshumanisation, aucun centre de pouvoir civil capable de faire pres- l'Ouganda aura acquis la qualité de nation sur sion sur le régime. Comment la démocratisation le plan politique et culturel. peut-elle aboutir dans ces conditions? C'est une Il s'agit maintenant de redéfinir le rôle des question qui reste sans réponse. pouvoirs publics à l'appui du développement de Il ne faut donc pas prendre pour acquis le ré- l'Ouganda, et d'améliorer l'efficacité et la produc- sultat des efforts de démocratisation menés sous tivité du secteur public. l'autorité du Président Yoweri Museveni. Il faudra Pour commencer à adapter l'emploi dans le tenter d'assurer un équilibre fragile entre les exi- secteur public aux besoins des Ougandais, les auto- gences fédéralistes des régions où la monarchie a rités sont en train dz mettre en place des contrôles été restaurée et celles des républiques, et entre les plus efficaces et de privatiser les fonctions et les centres de pouvoir locaux solides et viables, qui font services que le secteur privé est plus apte à définir. leur apparition, et un gouvernement central fort L'exercice de cette autorité est indispensable pour mais non dominateur. Les rapports entre les auto- transformer les administrations ougandaises, bu- rités centrales et les autorités locales doivent être reaucraties pléthoriques au sommet, engorgées et fondés sur le dialogue et la négociation. Seule l'ap- léthargiques, en organisations efficaces et produc- parition d'une mentalité caractérisée par la tolé- tives, soucieuses des résultats et de la qualité dçs rance et le sens du compromis peut écarter le dan- services assurés aux usagers. Le réaménagement des ger, toujours présent, d'un retour à un régime dic- salaires, qui permettrait de garantir à tous les em- tatorial, aussi expédient que destructeur. ployés un salaire minimum vital (dans le cadre d'une stricte austérité budgétaire), le renforcement Sur la voie d'une identité politique et culturelle des capacités et une saine gestion des ressources Le redressement de l'Ouganda passe par la humaines seraient déjà une excellente façon de ré- refonte de la société ougandaise sous tous ses veiller les enthousiasmes. Le nouvel environnement aspects, depuis les infrastructures matérielles institutionnel incitera les fonctionnaires à travailler jusqu'aux mentalités et au sentiment national. au service d'un pays plus équitable et plus stable. Il y faudra une volonté politique ferme et sou- A cette fin, le Gouvernement ougandais a été tenue, permettant de surmonter les résistances l'un des premiers à utiliser des agents de change- relativement fortes liées à l'ampleur même des ment et des instruments de politique générale fon- mesures de réforme. La reforme de la fonction damentaux pour promouvoir la formulation des publique n'est que l'une des grandes mesures politiques et favoriser le bien-être social, notam- 34 Petter Langseth ment en entreprenant le Programme de réforme de la fonction publique. Cette vaste entreprise vise à régler les questions complexes et indissociables que soulève l'amélioration des résultats et de la pro- ductivité des fonctionnaires, questions pour les- quelles des solutions techniques ne suffisent pas. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures qui attestent qu'il peut atteindre son ob- jectif ultime, à savoir assurer la pérennité de la sta- bilité macro-économique avec des administrations inspirées par la notion de service public et dotées d'attributions administratives et de missions clai- res. Mais le problème reste toujours le même: com- ment soutenir les réformes en cours sans s'exposer de nouveau aux malédictions du passé. Les avanta- ges tirés de la réforme doivent justifier le temps, l'énergie et les ressources qu'on y consacre et qu'on y consacrera encore à l'avenir. Enseignements tirés de la réforme de lafonction publique en Ouganda 35 Notes 1. Un comité interministériel, chargé en janvier 1995 de réévaluer le salaire minimum vital, a décidé d'appeler celui-ci salaire vital et en a donné une définition détaillée, sur la base des résultats du sondage portant sur un assorti- ment de produits alimentaires. 36 Petter Langseth Enseignements tirés de la réforme de la fonction publique en Ouganda 37 Bibliographie Gouvernement ougandais. 1990. «Public Service Katorobo, and Munene (directeurs de publi- Review and Reorganization Commission.» cation). Uganda: Landmarks in Rebuilding a Kampala: Government Printer. Nation. Kampala: Fountain Publisher Ltd. . 1993. «Management of Change: Langseth, P., E. Brett, J. Katorobo et J. Munene Report on the Proccedings of the Seminar of (directeurs de publication). 1995. Uganda: Ministers and Permanent Secretaries at the Landmarks in Rebuildinga Nation. Kampala: International Conference Centre, 19-20 août Fountain Publisher Ltd. 1993.» Kampala: Government Printer. Langseth, P., P. Langan et R. 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Washington, D.C. 20433, USA Tel: (202)473-6351 Fax: (202)522-3195 EDI's Website at: http://www.worldbank.org/html/edi/home.html