Title: OED Précis no. 145 - Le développement de la région du Cholla, en Corée Job number: 98F0490 Language: English Translations: French Country: Korea Input date: 7/19/99 Le développement de la région du Cholla, en Corée Le premier programme de développement régional financé par la Banque en Corée, programme réalisé entre 1975 et 1990, était l'une des premières interventions qui a montré comment la Banque peut amener le secteur public et le secteur privé à oeuvrer de concert pour promouvoir le développement. Le programme a permis de déclencher un processus d'industrialisation dans le Cholla du Sud, resté jusque-là à la traîne par rapport au reste du pays. Il a transformé les économies de deux îles et eu un impact profond sur le développement institutionnel de cette région. L'étude d'évaluation* de l'impact des trois projets du programme qu'a effectuée l'OED a montré que, outre les répercussions directes qu'ils ont pu avoir, les projets ont eu une série de retombées qui ont accru leur impact à long terme. Le programme a surtout ouvert aux institutions des possibilités d'évoluer à mesure que le cadre juridique et réglementaire visant à promouvoir la croissance industrielle évoluait lui-même dans le temps. Les collectivités locales du Cholla du Sud ont assimilé tant de connaissances qu'elles ont depuis lors créé trois grandes nouvelles zones industrielles sans aide aucune de la Banque ou de l'administration centrale. Si le développement économique de la Corée a des caractéristiques distinctives, l'étude confirme que les chefs d'entreprise réagissent positivement aux lois et règlements qui fournissent un cadre d'incitations approprié à l'investissement. Les projets Pendant près de trois décennies, la région du Cholla est restée à l'écart du miracle économique coréen. Tout au long des années 60, l'économie nationale a enregistré un taux de croissance annuel de près de 10 %, mais l'écart des revenus entre le Cholla et Séoul et Kyungsang, les deux régions les plus industrialisées du pays, s'est creusé. Dans les années 70, malgré les mesures prises par le gouvernement pour favoriser la migration des populations et le transfert des emplois vers les régions les moins développées, rares sont les industries qui ont choisi de se relocaliser dans le Cholla du Sud, la région la plus déshéritée du pays. Entre 1975 et 1984, la Banque mondiale a approuvé trois projets (voir encadré 1) pour aider la Corée à développer la région du Cholla et à réduire les disparités régionales. Il s'agissait de projets très complexes. Globalement, ils couvraient sept villes et cinq îles de deux provinces, le Cholla du Sud et le Cholla du Nord, et ils comportaient au total 22 éléments. Ces éléments concernaient notamment des zones industrielles, des zones d'habitation et des zones touristiques (y compris des parcs nationaux) ; des marchés citadins ; des ponts pour relier les îles au continent ; le secteur de la pêche, et des services urbains tels que l'approvisionnement en eau, l'assainissement et les routes. Les projets représentaient le premier programme de développement régional jamais réalisé par la Banque, unique en son genre jusqu'à présent pour les efforts soutenus qui ont été déployés et la façon dont ils ont été exécutés. - 3 - Une opération pilote avant la montée en puissance Le premier projet était un projet pilote réalisé dans le Cholla du Sud. Le deuxième projet a lancé l'élément zone industrielle et laissé la municipalité de Kwangju, la capitale de la province, poursuivre le développement industriel par ses propres moyens avec des projets relais. Le troisième projet visait à étendre le modèle de développement régional à Chonju et Iri (aujourdhui Iksan) au Cholla du Nord. En fait, les trois projets ont suivi un modèle séquentiel avec une phase expérimentale avant de passer au stade de banalisation méthode qui n'a été massivement adoptée que des années plus tard et qui est considérée aujourd'hui comme une méthode d'approche importante pour de nombreuses opérations de la Banque mondiale. Impact direct des projets L'impact des divers éléments d'investissement des projets (tels que les routes et les réseaux de distribution d'eau) est difficile à déterminer car la région s'est tellement développée que les actifs créés par les projets qui se détachaient auparavant dans le paysage se sont maintenant fondus dans l'environnement urbain. Par exemple, les routes d'accès au quartier des affaires de Yeosu se trouvent aujourd'hui en plein coeur du centre-ville, qui est pleinement développé. L'OED a centré son étude sur l'impact de deux grands éléments des projets, à savoir les zones industrielles et les deux ponts qui relient les îles de Tolsan et de Chindo au continent. Les projets ont eu à la fois des effets directs immédiats et des retombées indirectes sur le long terme qui leur ont assuré un impact durable. Ils ont eu deux effets directs importants : ils ont amorcé l'industrialisation de la région et ils ont permis aux responsables locaux de se familiariser avec le processus de développement et de le gérer, au début avec le concours d'organismes de l'administration centrale et plus tard par leurs propres moyens, avec une participation importante du secteur privé. Industrialisation Une base industrielle solide a été créée. Avec le premier projet de zone industrielle, les administrations locales et provinciales ont réussi à attirer de grandes entreprises qui ont servi de points d'ancrage aux nouvelles zones industrielles. De petites et moyennes entreprises se sont installées par la suite, en investissant dans de nouvelles usines et du nouveau matériel. Les entreprises de sous-traitance se sont vite multipliées. La demande d'espace a augmenté si rapidement que, même avant que la première zone industrielle financée par la Banque ne soit entièrement occupée en 1984, il était devenu évident qu'il faudrait prévoir une expansion de la zone. L'infrastructure industrielle est aujourd'hui cinq fois plus importante que l'investissement initial du projet dans la zone industrielle de Kwangju. L'équipe chargée de l'étude a noté que la distribution d'électricité est meilleure dans la zone du projet qu'à l'extérieur. Les entreprises ont également indiqué qu'en ce qui les concerne les services d'utilité publique et d'autres services d'infrastructure se sont améliorés dans la zone industrielle du projet. Lors des entretiens qu'ils ont - 4 - eus avec l'équipe chargée de l'étude, les responsables des entreprises industrielles privées ont régulièrement souligné le rôle de catalyseur de la Banque dans le processus de développement de la région et la façon dont les projets ont conduit le secteur public et le secteur privé à oeuvrer de concert. Apprentissage institutionnel L'un des effets les plus importants, bien qu'inattendus, du programme, c'est la rapidité avec laquelle les autorités locales, qui devaient s'occuper du fonctionnement des installations des projets et les développer rapidement pour faire face à la demande, ont pu assimiler une vaste somme de connaissances. Les projets ont offert pour la première fois aux responsables des administrations nationale et locale la possibilité de se familiariser avec la préparation et la mise en oeuvre de projets pour le développement de la région. Ils ont aussi donné aux responsables locaux l'occasion de travailler pour la première fois en équipe avec les responsables de l'administration centrale. Si la Banque avait accepté de créer une zone industrielle nettement plus importante dans la phase initiale, les autorités locales n'auraient pas eu ainsi la possibilité de se familiariser avec les méthodes de planification et de construction industrielles. Les responsables locaux qui ont exécuté les projets de la Banque ont indiqué qu'ils utilisent les approches et les méthodes apprises dans le cadre des projets de la Banque pour préparer, évaluer et exécuter les programmes. Les études formelles de faisabilité, les études techniques et l'analyse économique, qui étaient inconnues dans la région avant les projets, sont désormais devenues la norme. Les 57 missions envoyées par la Banque dans la région en l'espace d'une vingtaine d'années ont aussi fourni maintes occasions d'apprendre d'un côté comme de l'autre. Les résultats de ce processus d'apprentissage ont été spectaculaires. La première zone industrielle, à Hanam, dans la ville de Kwangju, était occupée en totalité en 1984. D'une superficie de 1,5 million de mètres carrés, elle était presque aussi vaste que toutes les zones industrielles qui existaient auparavant mises bout à bout. Les autorités locales ont commencé à travailler à l'extension de la zone en 1986 (le processus étant achevé en 1988) sans l'aide de l'État ni de la Banque. La ville a lancé seule la troisième phase des travaux en 1989, laquelle a été achevée en 1991. Tous les sites aménagés dans le cadre de la troisième phase ont été vendus avant l'achèvement des opérations, et 85 % d'entre eux étaient occupés en 1995. Ensemble, la deuxième et la troisième zone sont plus vastes que la première. Cette séquence d'opérations de développement industriel massif en un peu plus d'une dizaine d'années est à elle seule remarquable. En 1992, Kwangju était la ville de Corée dont l'expansion était la plus rapide. Sur les 15 régions que compte le pays, le Cholla du Sud et le Cholla du Nord se classaient, respectivement, en 8e et en 11e position pour ce qui est du produit régional brut par habitant. Parmi les six plus grandes villes de Corée, Kwangju était la seule où l'emploi manufacturier ait augmenté entre 1988 et 1993. Le Cholla du Sud et le Kyonggi, où se trouve Séoul, sont les seules régions dont la part dans la production a augmenté pendant cette période. Certes, ces résultats ne sauraient être attribués - 5 - uniquement aux projets de la Banque, mais ces projets ont été des catalyseurs qui ont enclenché le processus de développement industriel dans la région du Cholla. Retombées annexes Certaines retombées annexes des projets de développement peuvent en fait se révéler essentielles pour le succès des projets, et même cruciales pour leur viabilité. L'expérience de la région du Cholla illustre clairement la théorie de la centralité des effets secondaires d'Albert Hirschman (Development Projects Observed, The Brookings Institution, 1995). Liaisons industrielles Les intégrations en aval et en amont créées par les entreprises des zones industrielles sont le meilleur exemple de retombée secondaire qui devient un élément crucial pour le succès d'un projet. Une liaison en aval est créée, par exemple, lorsqu'une nouvelle filiale fabrique des pièces détachées et du matériel (comme des pièces détachées pour les automobiles) pour la société mère. Il y a création d'une liaison en amont, par exemple, lorsqu'une nouvelle entreprise qui produit des biens de consommation (tels que les appareils ménagers) utilise les produits d'une autre industrie dans son processus de fabrication. Dans la zone industrielle d'Hanam, créée par le deuxième projet réalisé avec le concours de la Banque, les liaisons qui se sont développées ont eu un effet cumulatif sur le développement industriel et l'emploi de la région. Les deux tiers des entreprises manufacturières d'Hanam fabriquent des produits qui sont utilisés par d'autres entreprises de la zone industrielle, et plus d'un quart des entreprises vendent la totalité de leur production à d'autres industries ; quatre cinquièmes utilisent des produits fabriqués par d'autres entreprises. Sur les 395 entreprises que compte la zone d'Hanam, sept seulement comptent plus de 300 employés. Toutes les autres sont de petites et moyennes entités. En admettant que chacune des grandes entreprises a conclu des accords de sous-traitance avec une vingtaine ou une trentaine de petites entreprises, on peut penser que la moitié des petites entreprises de la zone ont bénéficié des effets de l'intégration en dehors de tout lien entre société mère et filiale. Effets institutionnels secondaires Les autorités centrales et locales ont établi de nouvelles relations de travail et des liens étroits de coordination. Cet effet secondaire en a déclenché d'autres : l'adhésion et la participation des administrations locales aux projets et aussi des modifications dans les lois et règlements, qui ont été positivement accueillies par le secteur privé. Les administrations nationale et locale ont modifié les lois et règlements régissant les entreprises privées, ce qui a stimulé les investissements industriels dans la région du Cholla. En même temps, la ville de Kwangju a apporté des changements dans la planification et le zonage, - 6 - changements qui ont incité les petites et moyennes entreprises à quitter l'ancienne zone industrielle de la ville pour s'installer dans la nouvelle en réalisant une plus-value. Les fonctionnaires locaux ont acquis une grande maîtrise du développement industriel et ils ont joué un rôle de premier plan dans l'amélioration du fonctionnement du marché de la région. Les administrations centrale et locale ont oeuvré de concert pour promouvoir la région du Cholla, et elles ont réussi à attirer les trois premières entreprises qui ont servi de point d'ancrage à cette zone. L'intérêt porté par les administrations locales à la croissance a renforcé la confiance du secteur privé. Les autorités locales ont ainsi pu forger de saines alliances avec les entrepreneurs privés. C'est ainsi que les organismes publics et les entreprises privées ont constitué des délégations conjointes pour promouvoir les intérêts de la région auprès des organismes de l'administration centrale et des conglomérats implantés à Séoul, la capitale. Mesures d'incitations pour le secteur privé. Les industriels interrogés par l'équipe chargée de l'étude ont souligné que les formalités de l'administration locale exigent maintenant moins de paperasserie que dans les années 60 et 70, lorsque l'obtention de permis de construire et de licences était considérée comme une gageure. Depuis une vingtaine d'années, les choses ont changé. À l'heure actuelle, il bien plus facile d'obtenir des permis et des licences, et les municipalités sont devenues des adeptes du zonage. La municipalité de Kwangju a changé sa façon de gérer le développement industriel. En 1985, la ville a créé une Subdivision spéciale chargée de planifier, financer et commercialiser les zones industrielles. Deux ans plus tard, elle mettait en place un Office de gestion de la zone industrielle d'Hanam en tant qu'organisme polyvalent pour évaluer la faisabilité économique et financière des opérations proposées et promouvoir la vente de lotissements. En 1987 également, la ville a élevé la Section du développement industriel au rang de division municipale, chargée de la promotion et de la commercialisation. Les industriels ont souligné qu'au fil des ans les «règles du jeu », c'est-à-dire le cadre institutionnel régissant l'industrie, et en particulier l'ensemble des lois et règlements, ont été adaptées pour mieux tenir compte des réalités du marché, la bureaucratie est moins envahissante et les paperasseries ont été grandement réduites. En fait, la taille de l'Office de gestion de la zone industrielle d'Hanam a sensiblement diminué et ses attributions sont désormais circonscrites à l'enregistrement des demandes, qui sont automatiquement approuvées. Beaucoup des fonctions qu'il assumait auparavant sont désormais laissées au marché. Possibilité de transfert - 7 - L'étude confirme que les chefs d'entreprise considérés individuellement réagissent positivement aux incitations destinées à promouvoir le développement industriel. Le problème est de trouver un mécanisme, politique ou autre, qui permette d'enclencher le processus de l'apprentissage institutionnel. En Corée comme dans beaucoup d'autres pays industriels, ces changements ont été apportés par des décideurs qui ne sont pas contentés d'attendre que l'on vienne frapper à leur porte. *Rapport d'évaluation d'impact : « Delayed Devlopment of the Cholla Region: an Institutional Study » par Kyu Sik Lee, Rapport n° 16211, 31 décembre 1996. Les Administrateurs et les agents de la Banque peuvent se procurer ce document auprès du Service de documentation interne et des centres régionaux d'information, ou du Centre d'information : 1-202/458-5454, fax 1-202/522-1500, e-mail : pic@worldbank.org. Précis rédigé par Stefano Petrucci. En 1983, Daewoo Electronics a implanté une usine dans la zone industrielle d'Hanam. En un peu plus de dix ans, la société est devenue l'un plus grands producteurs coréens d'appareils ménagers, avec un chiffre d'affaires de 2 milliards de dollars en 1995. La principale usine d'Hanam emploie 1800 personnes, mais Daewoo a créé 1 200 entreprises sous-traitantes, dont 180 à Kwangju et 35 à Hanam. Les autres sont situées à Séoul et à Pusan. La société compte 22 usines à l'étranger et elle a accordé l'exclusivité de sa marque à 47 entreprises dans le monde. Les Précis de l'OED ont pour objet d'informer les spécialistes du développement au sein de la Banque mondiale et à l'extérieur des conclusions et recommandations du Département de l'évaluation des opérations. Les opinions qui y sont exprimées sont celles du personnel du Département et ne sauraient être attribuées à la Banque mondiale ni aux institutions qui lui sont affiliées. Ces précis et d'autres publications de l'OED peuvent être consultés sur internet, au site http ://www.worldbank.org/html/oed. Les commentaires et demandes de renseignements doivent être adressés au Directeur de la rédaction, OED, tél. 1-202/458-4497, fax : 1-202/522-3200, e-mail : eline@wordlbank.org.