84083 FORUM POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE V1 Abrégé L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Abrégé Deon Filmer et Louise Fox Avec Karen Brooks, Aparajita Goyal, Taye Mengistae, Patrick Premand, Dena Ringold, Siddharth Sharma, et Sergiy Zorya Une publication conjointe de l’Agence Française de Développement et de la Banque Mondiale Ce feuillet contient l’abrégé de l’ouvrage à paraître sous le titre L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne (doi: 10.1596/978-1-4648-0107-5). En cas de divergence, le texte en langue originale prévaut. Pour commander cet ouvrage, publié par la Banque mon- diale, consulter http://publications.worldbank.org. Le rapport peut aussi être téléchargé à l’adresse suivante: www.worldbank.org/africa/youthemploymentreport. © 2014 International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000; Web: www.worldbank.org Certains droits réservés. 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Décideurs, chercheurs et étudiants y trouveront les résultats des travaux de recherche les plus récents, mettant en évidence les difficultés et les opportunités de développement du continent. Cette collection est dirigée par l’Agence Française de Développement et la Banque Mon- diale. Pluridisciplinaires, les manuscrits sélectionnés émanent des travaux de recherche et des activités de terrain des deux institutions. Ils sont choisis pour leur pertinence au regard de l’actualité du développement. En travaillant ensemble sur cette collection, l’Agence Française de Développement et la Banque Mondiale entendent renouveler les façons d’analyser et de comprendre le dével- oppement de l’Afrique subsaharienne. Membres du comité consultatif : Agence Française de Développement Jean-Yves Grosclaude, directeur de la stratégie Alain Henry, directeur de la recherche Philippe Cabin, responsable des publications, département de la recherche Banque Mondiale Francisco H. G. Ferreira, chef économiste, région Afrique Richard Damania, économiste principal, région Afrique Stephen McGroarty, directeur editorial, département des publications IBRD 394 January Afrique subsaharienne CAP- MAURITANIE VERT NIGER MALI SOUDAN ÉRYTHRÉE SÉNÉGAL TCHAD LA GAMBIE BURKINA FASO GUINÉE-BISSAU GUINÉE BÉNIN NIGÉRIA ÉTHIOPIE CÔTE GHANA RÉPUBLIQUE SIERRA LEONE SOUDAN D’IVOIRE CENTRAFRICAINE DU SUD LIBÉRIA CAMEROUN SOMALIE TOGO GUINÉE ÉQUATORIALE OUGANDA KENYA SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE GABON CONGO RÉP. DÉM. RWANDA DU CONGO BURUNDI TANZANIE SEYCHELLES COMORES ANGOLA MALAWI Mayotte (Fr.) ZAMBIE MADAGASCAR ZIMBABWE MOZAMBIQUE MAURICE NAMIBIE BOTSWANA Réunion (Fr.) SWAZILAND LESOTHO AFRIQUE DU SUD Titres parus dans la collection L’Afrique en Développement Africa’s Infrastructure: A Time for Transformation (2010) edited by Vivien Foster and Cecilia Briceño-Garmendia Gender Disparities in Africa’s Labor Market (2010) edited by Jorge Saba Arbache, Alexandre Kolev, and Ewa Filipiak Challenges for African Agriculture (2010) edited by Jean-Claude Deveze Contemporary Migration to South Africa: A Regional Development Issue (2011) edited by Aurelia Segatti and Loren Landau Light Manufacturing in Africa: Targeted Policies to Enhance Private Investment and Create Jobs (2012) by Hinh T. Dinh, Vincent Palmade, Vandana Chandra, and Frances Cossar Informal Sector in Francophone Africa: Firm Size, Productivity, and Institutions (2012) by Nancy Benjamin and Ahmadou Aly Mbaye Financing Africa’s Cities: The Imperative of Local Investment (2012) by Thierry Paulais Structural Transformation and Rural Change Revisited: Challenges for Late Developing Countries in a Globalizing World (2012) by Bruno Losch, Sandrine Fréguin-Gresh, and Eric Thomas White The Political Economy of Decentralization in Sub-Saharan Africa: A New Implementation Model (2013) edited by Bernard Dafflon and Thierry Madiès Empowering Women: Legal Rights and Economic Opportunities in Africa (2013) by Mary Hallward-Driemeier and Tazeen Hasan Enterprising Women: Expanding Economic Opportunities in Africa (2013) by Mary Hallward-Driemeier Urban Labor Markets in Sub-Saharan Africa (2013) edited by Philippe De Vreyer and François Roubaud Securing Africa’s Land for Shared Prosperity: A Program to Scale Up Reforms and Invest- ments (2013) by Frank F. K. Byamugisha Tous les titres parus dans la collection L’Afrique en Développement sont disponibles gratuitement au lien suivant : https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/2150 v Table des matières Remerciements  ix Acronymes  xi Abrégé : L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne   1 La grande population de jeunes en Afrique   3 Croissance, emploi et population active en Afrique — aujourd’hui et dans le futur   3 La transition des jeunes vers un emploi productif   7 Priorités pour aborder l’emploi des jeunes   8 Capital humain: le rôle fondamental de l’éducation de base   10 Accroître la productivité des petits exploitants agricoles   12 Améliorer la productivité des entreprises informelles non agricoles   17 Dynamiser le secteur moderne de l’emploi salarié pour le rendre plus compétitif   21 Instaurer une politique efficace d’emploi des jeunes   24 vii Remerciements Ce rapport a été préparé par une équipe diri- de l’assistance à la recherche. Kelly Cassaday gée par Deon Filmer et Louise Fox, et com- a édité le rapport dans son ensemble et Amy prenant Karen Brooks, Aparajita Goyal, Taye Gautam a été responsable de l’édition du Mengistae, Patrick Premand, Dena Ringold, chapitre 4. L’équipe remercie de leurs précieux Siddharth Sharma, et Sergiy Zorya. Shubha apports et conseils les nombreuses personnes, Chakravarty, Florence Kondylis, Obert Pimhi- membres ou non des services de la Banque dzai, Raju Singh, et Erik von Uexkull ont aussi mondiale, qui lui ont fait part de leurs com- apporté leur précieuse contribution. Le rap- mentaires lors de l’élaboration de ce rapport. port a été préparé sur la base des directives Richard Damania, Mary Hallward-Driemeier, générales formulées par Shantanayan Deva- Margaret Grosh, et Ravi Kanbur ont fourni des rajan et Ritva Reinikka. Jorge Muñoz, Lena commentaires détaillés. L’équipe demeure res- Nguyen, et Thokozani Kadzamira ont fourni ponsable de toute erreur ou omission. ix Acronymes AVEC  Association villageoise d’épargne et de crédit BIT Bureau International du Travail CFA Communauté financière africaine EFTP Enseignement et formation technique et professionnelle ONG Organisation non gouvernementale PIB Produit Intérieur Brut ZES Zone économique spéciale xi Abrégé L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne L ’Afrique subsaharienne vient d’achever économique nationale « très mauvaise » ou l’une de ses meilleures décennies de crois- « assez mauvaise » et 48 % en disent autant sur sance depuis les années 1960. Entre 2000 leur situation économique personnelle (Afro- et 2011, le produit intérieur brut (PIB) a enre- barometre 2011–12, www.afrobarometer.org). gistré une hausse de plus de 4,5 % par an en L’incidence de la pauvreté a diminué avec moyenne contre 2 % environ au cours des 20 l’expansion des économies au sud du Sahara. La années précédentes (Indicateurs du développe- croissance globale en Afrique subsaharienne n’a ment dans le monde, années diverses). En 2012, toutefois pas été aussi inclusive des pauvres que la croissance du PIB régional était estimée à dans d’autres régions. Chaque augmentation de 4,7 %, ou 5,8 % si l’on exclut l’Afrique du Sud la consommation moyenne par habitant de 1 % (Banque mondiale 2013). Environ un quart des s’est accompagnée d’une réduction de 0,69 % pays de la région a enregistré une croissance de du niveau de pauvreté ; ailleurs dans le monde, 7 % ou plus et plusieurs pays africains sont cette réduction était en moyenne d’un peu plus parmi les pays qui enregistrent les croissances de 2 % (Banque mondiale 2013). La réduction les plus rapides dans le monde. Les perspectives de la pauvreté en Afrique a été moins impor- de croissance à moyen terme restent solides et tante, en partie parce que les sources de crois- devraient être soutenues par la reprise de l’éco- sance de nombreux pays sont essentiellement le nomie mondiale. pétrole, le gaz et l’exploitation minière et non En même temps, beaucoup d’Africains les secteurs à forte densité de main-d’œuvre tels demeurent insatisfaits de ce progrès écono- que l’agriculture ou l’industrie manufacturière. mique. Selon les dernières données d’Afroba- Les jeunes, qui ont des liens plus faibles avec le romètre, 65 % des personnes interrogées affir- monde du travail pour commencer, sont donc ment que les conditions économiques de leur doublement défavorisés. pays sont identiques, voire pires, que celles de Même si la génération actuelle des Africains l’année précédente ; 53 % jugent leur situation qui joignent la population active est la plus ins- 1 2 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne truite qu’il n’y ait jamais eu, beaucoup trouvent ne se réalisera que par une meilleure compré- que leurs perspectives d’emploi et de revenus hension des moyens de profiter de cet atout. diffèrent très peu de celles de leurs parents. Relever le défi de l’emploi des jeunes dans Dans certains pays, ces perspectives sont même toutes ses dimensions (démographique, éco- pires. nomique et sociale) et comprendre les forces à Les jeunes des zones urbaines ont exprimé l’origine du problème peut ouvrir des voies vers leur mécontentement. Les manifestations des conditions de vie meilleures pour les jeunes urbaines menées surtout par des jeunes poli- et de meilleures perspectives pour les pays où tiquement actifs, mais économiquement mar- ils vivent. ginalisés, se multiplient dans les capitales afri- Ce rapport s’attache en premier lieu à caines. La violence urbaine est due sans doute esquisser la dynamique du défi de l’emploi des à des facteurs plus généraux que la situation jeunes en Afrique subsaharienne aujourd’hui : de l’emploi (comme l’inégalité et l’exclusion). Cependant, le décalage entre les attentes des • La transition démographique, à l’origine de la forte augmentation de la popula- jeunes et les opportunités d’emploi peut y tion jeune qui émerge sur les marchés du contribuer. Naturellement préoccupés, parti- travail africains et qui, à long terme, peut culièrement à la lumière du Printemps arabe, stimuler la croissance économique et le les décideurs politiques de l’Afrique subsaha- développement. rienne font de l’emploi des jeunes une grande priorité. Tout en mettant l’accent sur la jeu- • Le rôle des ressources minérales — qui ont nesse urbaine, ils sont en quête de politiques façonné la structure de la récente croissance et de programmes susceptibles de réduire le économique sans réussir à augmenter les mécontentement de la jeunesse et de faciliter emplois salariés les plus convoités par les leur transition vers l’âge adulte, y compris vers jeunes. des emplois stables et productifs. • Le réservoir largement inexploité des Mais la jeunesse urbaine n’est que la partie opportunités dans le secteur agricole, à une la plus visible et audible du problème de l’em- époque caractérisée par les prix mondiaux ploi. La majorité des jeunes Africains conti- élevés des produits agricoles et la hausse de nuent de vivre dans des zones rurales ou des la demande locale et régionale en produits petites villes. Plus pauvres et moins instruits alimentaires. que leurs homologues des grandes villes, ces • L’expansion massive de l’accès à l’éduca- jeunes luttent également dans leur chemine- tion, qui ajoute de nombreuses années ment vers l’âge adulte, notamment pour trou- d’études, sans toutefois améliorer suffisam- ver un emploi stable et rémunérateur leur per- ment l’apprentissage, pendant l’enfance et mettant de prendre en charge une famille. Pour la jeunesse. les jeunes femmes, le chemin peut être particu- • Les aspirations des jeunes et des décideurs, lièrement ardu. En naviguant leur transition de axées sur le secteur de l’emploi salarié au l’école vers le monde du travail, elles peuvent détriment des possibilités plus immédiates se heurter à des normes sociales et autres obs- offertes par l’agriculture et les entreprises tacles qui limitent leur pouvoir de décision et familiales.1 leurs choix en termes d’emplois. Le défi de l’emploi des jeunes en Afrique Reconnaissant que c’est le secteur privé qui peut sembler colossal, mais la jeunesse dyna- crée les emplois, le rapport analyse les obstacles mique de l’Afrique constitue aussi une unique qui se posent aux ménages et aux entreprises opportunité, en particulier aujourd’hui, en rai- dans leurs efforts pour relever le défi de l’em- son du vieillissement rapide des populations ploi des jeunes. Le rapport met essentiellement dans le monde. Les jeunes n’ont pas seulement l’accent sur la productivité (dans l’agriculture, besoin d’emplois; ils en créent aussi. La main- dans les entreprises familiales non agricoles et d’œuvre croissante de l’Afrique peut être un dans le secteur des emplois salariés modernes) atout sur le marché mondial. Toutefois, cette — qui est indispensable pour des revenus plus vision d’un avenir prometteur pour l’Afrique élevés, plus stables et moins vulnérables. En L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 3 réponse au dilemme des décideurs politiques, lation active africaine devrait concourir pour le rapport identifie les domaines spécifiques ces emplois. Troisièmement, les concentra- où l’action gouvernementale peut réduire les tions croissantes de travailleurs dans les zones obstacles à la productivité des ménages et des urbaines peuvent être une source d’innovation entreprises de manière à offrir de meilleures et de croissance économique rapide (Banque perspectives d’emploi aux jeunes, à leurs mondiale 2008). Les jeunes seront à la pointe parents et à leurs propres enfants. de ces développements. Enfin, en supposant que la fécondité continue à diminuer, la crois- sance rapide de la population active africaine La grande population de jeunes en impliquera une augmentation du nombre Afrique d’adultes en âge de travailler par rapport aux « personnes à charge » de l’ordre de 1 en 1985 à L’Afrique subsaharienne a aujourd’hui une environ 1,7 en 2050, offrant ainsi plus de marge opportunité sans précédent. La moitié de la pour l’épargne, l’investissement et une crois- population a moins de 25 ans. Entre 2015 et sance économique soutenue. Toutefois, cette 2035, il y aura chaque année 500.000 jeunes de transition démographique n’est pas automa- quinze ans de plus que l’année précédente. Pen- tique. Le fait que la baisse des taux de fécondité dant ce temps, la population dans le reste du est au point mort, ou n’a même pas commencé monde est ou sera bientôt vieillissante (Figure dans de nombreux pays africains demeure une A.1). La forte augmentation de la population préoccupation majeure. Mais il est aussi essen- jeune en Afrique est une opportunité au regard tiel que la population en âge de travailler aie les des faits suivants. Tout d’abord, les biens et possibilités d’être productive. services dans le monde ne peuvent pas être produits sans une main-d’œuvre en âge de travailler. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Croissance, emploi et population Sud peuvent être les principaux pourvoyeurs de active en Afrique—aujourd’hui et la main-d’œuvre mondiale, soit en produisant dans le futur les biens et services nécessaires dans la région, soit en envoyant de la main-d’œuvre dans les Malgré quinze années de croissance écono- régions qui en manquent. Deuxièmement, mique relativement rapide, avec une moyenne les salaires dans l’industrie manufacturière de plus de 4,5 % par an, la quasi-totalité des pays augmentent dans d’autres régions. La popu- africains continue de dépendre des matières Figure A.1  La structure de la population d’Afrique subsaharienne est différente de celle d’autres régions a. Afrique subsaharienne b. Asie du Sud c. Asie de l’Est et Pacifique 80+ 80+ 80+ 70–74 70–74 70–74 Groupes d’âge (en années) Groupes d’âge (en années) Groupes d’âge (en années) 60–64 60–64 60–64 50–54 50–54 50–54 40–44 40–44 40–44 30–34 30–34 30–34 20–24 20–24 20–24 10–14 10–14 10–14 0–4 0–4 0–4 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 160 120 80 40 0 40 80 120 160 Populations en millions Populations en millions Populations en millions Masculin 2035 Masculin 2015 Féminin 2015 Féminin 2035 Source: Calculs des auteurs sur la base de: Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, 2011. 4 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne premières pour leurs exportations. L’incapa- rale au sujet du « chômage des jeunes », mais les cité de cette croissance à réduire la pauvreté Africains, dans leur majorité, ne peuvent sim- est frappante dans un certain nombre de pays, plement pas se permettre de rester oisifs. Très dont l’Angola, le Gabon et le Nigéria, qui sont peu de familles peuvent totalement prendre en riches en pétrole. Elle est également perceptible charge un jeune diplômé en recherche d’em- dans d’autres pays comme le Mozambique, la ploi. Ce n’est pas une coïncidence que le taux de Tanzanie et la Zambie. Les exportations de pro- chômage soit plus élevé parmi les jeunes diplô- duits manufacturés à fort coefficient de main- més des universités (issus pour la plupart du d’œuvre (la force qui sous-tend l’emploi et la sommet de la distribution des revenus). C’est transformation économique en Asie de l’Est) seulement dans les pays à revenu élevé, avec des sont loin de décoller en Afrique. En fait, la part filets sociaux plus importants, qu’un chômage du secteur manufacturier dans le PIB est plus considérable persiste, surtout chez les jeunes. faible en Afrique subsaharienne aujourd’hui (Le défi de l’emploi des jeunes étant configuré qu’elle ne l’était en 1980. Sur la même période de manière quelque peu différente dans les pays en Asie, elle a augmenté tant dans les pays à africains riches en ressources ou à revenu inter- faible revenu que dans ceux à revenu intermé- médiaire, le défi devra y être abordé différem- diaire (Figure A.2). ment ; voir Encadré A.2.) Pour mieux appréhender le défi de l’emploi Où les ressortissants d’Afrique subsaha- des jeunes dans ce contexte, nous commen- rienne trouvent-ils un emploi ? Environ 16 % çons par considérer où travaillent les Africains de ceux qui travaillent ont des « emplois sala- aujourd’hui (l’Encadré A.1 explique comment riés », c’est-à-dire des emplois pour lesquels ce rapport définit l’emploi). Contrairement à ils perçoivent un salaire régulier, et parfois la perception populaire, le chômage mesuré2 d’autres prestations complémentaires. Dans les dans les pays africains à faible revenu n’est que pays à faible revenu, ces emplois sont à peu près de 3 %. Même dans les pays à revenu intermé- équitablement répartis entre les secteurs public diaire (à l’exclusion de l’Afrique du Sud), le et privé, même si la part du secteur privé croît chômage est assez faible (Figure A.3). avec le revenu par habitant. Le secteur indus- Ces faibles taux de chômage peuvent sem- triel (minier, manufacturier et construction) bler paradoxaux étant donné l’inquiétude géné- représente moins de 20 % des emplois salariés  Figure A.2  Au cours des deux dernières décennies, la part de l’agriculture dans le PIB s’est contractée en Afrique sans avoir été remplacée par le secteur manufacturier a. Pays à Revenu Faible b. Pays à Revenu intermédiaire, tranche inférieure 100 100 90 90 80 80 70 70 Pourcentage Pourcentage 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 Afrique Subsaharienne Asie du Sud Asie de l’Est et Pacifique Afrique Subsaharienne Asie du Sud Asie de l’Est et Pacifique Agriculture Industrie non manufacturière Industrie manufacturière Services, etc. Source: Indicateurs du développement dans le monde. L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 5 Encadré A.1 Qu’est-ce qu’un « emploi » ? Dans l’évaluation des défis liés à l’emploi des jeunes, il est contribuer à la satisfaction globale d’un individu dans sa vie. important de savoir ce que signifie avoir un travail et être Tous les emplois ne permettent pas d’atteindre ces dimen- employé. Pour certains, avoir un emploi est synonyme d’avoir sions de bien-être : le type d’emploi, les conditions de tra- un salaire ou un poste rémunéré auprès d’un employeur. vail, le contrat, les avantages et la sécurité du travail sont Cependant, la plupart des emplois en Afrique ne sont pas autant d’éléments importants. Au-delà de la satisfaction structurés ainsi. Cette étude suit l’approche adoptée dans le personnelle, les emplois peuvent également contribuer à la Rapport mondial sur le développement de 2013 : emplois, cohésion sociale par plusieurs canaux : ils façonnent les iden- qui définit l’emploi comme « des activités génératrices de tités et les relations entre les individus, ils mettent les gens revenus réels ou imputés sous forme monétaire, ou en en relation les uns avec les autres à travers des réseaux. La nature, formels ou informels ». Le rapport note également répartition des emplois dans la société ainsi que les percep- que toutes les formes de travail ne peuvent être considérées tions sur ceux qui décrochent des opportunités, et pourquoi, comme des emplois — par exemple, les activités effectuées peuvent façonner les attentes et les aspirations de la popu- sans le consentement de l’employé ou en violation des droits lation pour l’avenir, le sentiment d’appartenance à la société humains fondamentaux. et la perception de l’équité. Tous ces aspects intrinsèques des Dans tous les pays, y compris ceux de l’Afrique subsaha- emplois sont particulièrement importants pour la jeunesse. rienne, les gens affirment que l’emploi a une importance qui va au-delà des revenus qu’il procure. Les emplois peuvent refléter l’identité, le statut et la confiance en soi ; ils peuvent Source: Banque mondiale, 2012. (environ 3 % du total des emplois). Les emplois Figure A.3  Où travaillent les populations de l’Afrique? restants se trouvent dans les exploitations agricoles familiales (62 %) ou les entreprises Estimation de la structure de l'emploi en Afrique subsaharienne selon le type de pays, 2010 familiales (22 %), qui ensemble peuvent être 100 décrites comme le secteur informel.3 Ces types 90 d’emplois, à savoir le travail sur une petite par- 80 celle, la vente de légumes dans la rue, la confec- 70 tion de vêtements à domicile, génèrent souvent Pourcentage du total peu de revenus, en partie parce que ces « entre- 60 prises » ont tendance à être de très petite taille 50 et n’impliquent généralement que la famille. 40 Cette structure de l’emploi perdurera- 30 t-elle ? Après tout, les pays pauvres en res- 20 sources créent des emplois privés rémuné- 10 rés à un rythme rapide, souvent plus rapide que la croissance du PIB. Les types d’emplois 0 Revenu faible Revenu Riche en Revenu Total créés dépendront en partie de la structure de intermédiaire- ressources intermédiaire- la croissance en Afrique. Les projections de tranche inférieure tranche supérieure 183 m 40 m 150 m 21 m 395 m croissance et d’emploi réalisées pour le présent rapport supposent que la croissance restera Agriculture Entreprises familiales Services salariés Industrie salariés Sans emploi forte (5–6 % par an) et sera alimentée par les Source: Fox et coll., 2013. ressources naturelles de l’Afrique (minéraux et NB: Sur l’axe horizontal, les chiffres montrent la taille de la population active âgée de 15 à 64 ans dans chaque groupe. Les pays riches en ressources naturelles inclus sont l’Angola, le Tchad, la République agriculture). Le secteur minier ne devrait pas démocratique du Congo, la Guinée, le Nigéria, la République du Congo, le Soudan, le Soudan du Sud créer un très grand nombre d’emplois. L’aug- et la Zambie. 6 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré A.2 Le défi de l’emploi des jeunes est différent dans les pays riches en ressources et certains pays à revenu intermédiaire Les pays riches en ressources font face à des défis particuliers ture (Indonésie et Malaisie) ou les produits primaires non liés en matière d’emploi. Les rentes tirées des ressources natu- aux ressources (Chili) — grâce à des politiques macroécono- relles, si elles sont mal gérées, ont pour conséquence des taux miques, de commerce et d’investissements saines, ainsi que de change surévalués et des salaires réels non compétitifs. des stratégies de développement du capital humain et un Ces conditions entravent sérieusement la création d’emplois bon environnement des affaires (Gelb et Gramann 2012). dans les secteurs orientés vers l’exportation. Dans le même Les problèmes d’emploi des jeunes dans certains pays à temps, les quelques opportunités d’emplois très bien rému- revenu intermédiaire, comme l’île Maurice et l’Afrique du nérés dans le secteur des ressources naturelles encouragent Sud, ressemblent à la crise du chômage des jeunes vécue les jeunes à « attendre un emploi », un comportement qui hors de l’Afrique subsaharienne. En Afrique du Sud en par- peut biaiser les choix éducatifs et exacerber l’inadéquation ticulier, le chômage est élevé (25-40 %, selon la définition des compétences sur le marché du travail. Les rentes des utilisée), le chômage des jeunes est encore plus élevé, et le ressources peuvent aussi provoquer de sérieux problèmes de secteur informel très petit. Le défi est de réduire le chômage, gouvernance qui freinent la croissance de l’emploi. ce qui implique une compréhension de ses facteurs détermi- En revanche, si les pays gèrent bien leurs ressources nants. Même si les symptômes et certaines causes peuvent naturelles, ils peuvent amasser des ressources financières différer (par exemple, la réglementation du travail peut jouer pour soutenir des investissements judicieux dans le déve- un rôle beaucoup plus important dans ces pays plus dévelop- loppement humain, les infrastructures et la promotion de pés), certaines des solutions proposées dans ce rapport pour nouvelles sources de croissance économique. Les pays riches d’autres pays sont assez similaires à celles dont l’Afrique en ressources qui se démarquent par leurs économies en du Sud a besoin, par exemple des mesures pour accroître pleine croissance, comme le Chili, l’Indonésie et la Malaisie, la productivité agricole ou améliorer les compétences des ont diversifié leurs économies — pour aller vers la manufac- travailleurs. mentation des emplois salariés (en pourcentage un niveau toujours inférieur à celui des autres du total d’emplois) proviendra d’une diversifi- régions en développement. La part des emplois cation continue de la production et des expor- salariés dans le secteur des services devrait pas- tations, et d’une demande intérieure en services ser de 13 à 22 %. croissante à mesure que les revenus augmen- En d’autres termes, au cours des dix pro- tent. L’emploi dans le secteur des services va, chaines années, au mieux, seul un quart de la selon les prévisions, croître plus rapidement jeunesse d’Afrique subsaharienne trouvera un que l’emploi dans les secteurs industriels. emploi salarié, et seule une petite fraction de Comme par le passé, la plupart des emplois ces emplois seront des emplois « formels » dans non agricoles seront donc créés dans les ser- des entreprises modernes. La plupart des jeunes vices. Sur la base de ces hypothèses, les pro- finiront par travailler dans le même secteur que jections montrent que le nombre des emplois leurs parents — dans des exploitations agri- salariés dans le secteur industriel connaîtra une coles et des entreprises familiales (Figure A.4). hausse de 55 % au cours des dix prochaines Le défi de l’emploi est donc non seulement années. Le problème est que cette croissance de créer des emplois dans le secteur formel, commence d’une base si petite qu’elle est loin aussi importants soient-ils, mais aussi d’aug- de permettre d’absorber les millions de jeunes menter la productivité de près de 80 % de la qui joignent chaque année la population active. population active occupée qui sera dans le La base étant limitée, la part des emplois indus- secteur informel, et ainsi aborder le problème triels salariés dans l’emploi total n’augmentera du sous-emploi dans ce secteur. La forte aug- que de 3 à 4,5 % en Afrique subsaharienne, mentation de la population jeune en Afrique et L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 7 Figure A.4  L’informel sera la norme en 2020 cains l’espoir de sortir de l’emploi informel ? Emplois par secteur Bien au contraire. L’accroissement de la pro- ductivité des petites exploitations agricoles et 300 des entreprises familiales est précisément ce qui 250 va permettre au secteur formel de se dévelop- Emplois (millions) 200 per et prospérer. Cela a été déterminant pour la transformation structurelle en Asie et en Amé- 150 rique latine, et c’est également la clé de l’avenir 100 de l’Afrique. 50 0 Agriculture Entreprises Services Industrie La transition des jeunes vers un familiales salariés salariés emploi productif 2010 Nouveaux emplois en 2020 Source: Fox et coll., 2013. La jeunesse se caractérise par le fait qu’il s’agit Note: Le nombre projeté de nouveaux emplois crées d’ici à 2010 d’une période de transition (cf. Banque mon- est de 125 millions. diale 2006). Les jeunes quittent l’école pour le travail, et pour se lancer dans une carrière. la structure actuelle de l’économie impliquent Ils prennent de nombreuses décisions qui les que la majorité des travailleurs de cette généra- conduiront ou non à fonder une famille et à tion resteront dans le secteur informel durant vivre sainement (y compris décider d’opter la majorité de leur vie professionnelle. A long pour des comportements à risque tels que le terme, ces travailleurs (ou leurs enfants) évo- tabagisme et la consommation d’alcool). La lueront vers le secteur formel, tout comme plupart d’entre eux commencent aussi à assu- leurs homologues en Asie de l’Est et en Amé- mer les droits et devoirs de citoyen, comme rique latine. la participation aux élections. La question est L’importance accordée à l’augmentation de donc de savoir comment aider les jeunes à réa- la productivité dans le secteur informel peut liser ces transitions de façon à les mettre sur sembler inhabituelle au vu de la publicité faite la voie d’un emploi productif. Les problèmes sur le taux de chômage élevé des diplômés qui se posent aux jeunes — en particulier aux universitaires et la récente attention portée à jeunes femmes ou aux plus pauvres — durant la création d’emplois dans le secteur manu- ces transitions augmentent la difficulté de trou- facturier formel (Dinh et coll. 2012). Mais les ver un chemin vers la productivité (même s’il diplômés universitaires ne représentent qu’une est important d’assurer des emplois productifs part infime (environ 3–4 %) de la population pour tous les membres de la société, comme active, sont issus des ménages les plus riches, et expliqué dans l’Encadré A.4). continuent d’avoir les meilleures perspectives La transition de l’école vers le travail, ainsi d’emploi. La création d’emplois dans le sec- que celle entre les différents secteurs de l’em- teur formel est importante et doit être encou- ploi (entre l’agriculture et un emploi salarié ragée, mais la réalité est que même si les pays par exemple), est particulièrement difficile africains réussissaient à attirer une injection pour les jeunes Africains. Beaucoup n’ont pas extraordinaire d’investissements privés dans les moyens, les compétences, les connaissances les entreprises à forte densité de main-d’œuvre, ou les relations nécessaires pour convertir leurs cela ne devrait extraire qu’un petit nombre de études en un emploi productif. Il n’existe pas travailleurs du secteur informel dans un avenir non plus de voie structurée à suivre. Beaucoup proche (Encadré A.3). de jeunes combinent école et travail pendant Même s’il est réaliste de mettre l’accent sur plusieurs années (Figure A.5). Certains vont le rôle du secteur informel, cela signifie-t-il directement dans l’apprentissage ou des arran- que nous sommes pessimistes pour l’avenir de gements similaires, mais d’autres ne le font pas. l’Afrique ? Refusons-nous aux travailleurs afri- Des données provenant des régions urbaines 8 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré A.3 Que se passera-t-il au niveau de l’emploi si l’industrie manufacturière légère augmente de façon spectaculaire en Afrique ? Certains observateurs soutiennent que la structure de l’em- annuelle moyenne de l’emploi salarié dans l’industrie devrait ploi pourrait changer plus rapidement si l’Afrique réalisait doubler au cours de la décennie pour atteindre 12 % par un changement radical pour dévier de sa voie de croissance an, et le total des emplois salariés devrait augmenter de 6 % actuelle (Lin et Monga 2012; Dinh et coll. 2012). Quelles par an. perspectives d’emploi pourraient s’ouvrir à la jeunesse d’ici Cependant, au bout du compte, la structure de l’emploi 2020 si les pays africains reprenaient à leur compte les indus- ne devrait changer que très légèrement par rapport à celle tries et les emplois de l’Asie à compter de 2015, tout comme d’aujourd’hui. Les pays à faible revenu pourraient espérer les pays asiatiques tels que le Bangladesh, le Cambodge et le quelque 5 millions d’emplois salariés en plus par an, et les Vietnam l’ont fait avec les industries et emplois du Japon et pays à revenu intermédiaire tranche inférieure, environ 2 de la Corée du Sud dans les années 1980 et 1990 ? millions de nouveaux emplois salariés — un écart de 10 % Pour tester ces possibilités, nous avons simulé cette expé- par rapport au nombre total de nouveaux emplois dans ces rience récente de l’Asie dans les pays à faible revenu et à pays, soit un léger changement par rapport aux perspec- revenu intermédiaire tranche inférieure de l’Afrique.a Dans tives offertes aux nouveaux entrants. Ces gains modestes la simulation, l’élasticité de l’emploi salarié augmente de 1,2 reflètent en partie la courte période utilisée pour la projec- pour correspondre à l’élasticité historique des emplois sala- tion (elle couvre cinq ans alors que le changement structurel riés pour le Bangladesh, le Cambodge et le Vietnam. Cela au Vietnam s’est déroulé sur vingt ans). Ils reflètent égale- signifie que l’emploi dans le secteur industriel devrait croître ment la population active plus importante de l’Afrique et la plus rapidement de 20 % par rapport à la valeur ajoutée, base limitée à partir de laquelle le développement industriel ce qui implique une croissance à haute intensité de main- doit commencer. L’Afrique aura besoin de deux décennies au d’œuvre. La projection de croissance industrielle des pays moins pour changer suffisamment la structure de l’emploi à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire tranche afin d’offrir des perspectives radicalement différentes à sa inférieure est également revue à la hausse, au taux de 10 % jeunesse, d’où l’importance de commencer le processus de par an sur la période 2015-2020. Ce chiffre est légèrement changement dès aujourd’hui. supérieur au taux de croissance industriel médian et moyen enregistré par le Bangladesh, le Cambodge et le Vietnam au cours de la dernière décennie (9,3 % par an). Source: Fox et coll., 2013. Si ce scénario « spectaculaire » pouvait se réaliser, les a. Les pays africains riches en ressources sont exclus de cette simulation, emplois salariés dans le secteur industriel augmenteraient car même les pays riches en ressources de l’Asie de l’Est n’ont pas réussi plus rapidement dans les pays à faible revenu et à revenu la transformation de l’emploi simulée ici. intermédiaire tranche inférieure de l’Afrique. La croissance de la Tanzanie montrent que certains jeunes tion professionnelle selon le sexe. Par exemple, font des petits boulots, avec un appui de leurs les jeunes femmes dans le secteur des entre- familles pour une période allant jusqu’à cinq prises familiales travaillent surtout dans des ans, avant d’obtenir un emploi salarié ou de domaines restreints tels que la couture, même s’établir à leur propre compte (pour la plupart). si beaucoup d’autres professions pourraient De plus, les jeunes de la première génération être plus lucratives. qui quittent l’école et qui aspirent à des emplois salariés souffrent de leur manque d’antécédents familiaux dans l’emploi formel. Ils manquent Priorités pour aborder l’emploi de réseaux pour les aider à trouver un emploi. des jeunes Par rapport aux hommes, les jeunes femmes peuvent être particulièrement défavorisées par Pour comprendre les défis qui entravent la pro- d’autres dimensions de la transition, telles que ductivité et les revenus des jeunes, et orienter la la constitution d’une famille (Figure A.6). Les façon dont les politiques doivent être ciblées, normes sociales tendent à imposer une ségréga- le présent rapport examine les trois principaux L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 9 Encadré A.4 L’emploi des jeunes et l’emploi en général Un élément clé de l’amélioration des perspectives d’em- ture ou démarrer des entreprises familiales ne réduisent ploi pour la jeunesse africaine est de comprendre et d’abor- généralement pas de telles occasions pour les adultes. Mais der les défis économiques globaux de l’Afrique. Pour cette les efforts pour promouvoir l’accès des jeunes au secteur raison, une grande partie de ce rapport sera axée sur l’identi- salarié moderne pourraient entraîner un déplacement des fication des politiques susceptibles d’accroître la productivité adultes évoluant dans le secteur. Une assistance aux jeunes de tous les emplois (dans l’agriculture, les entreprises fami- peut avoir des avantages à long terme si elle les met sur une liales non agricoles et le secteur salarié moderne). Le rapport trajectoire productive. Toutefois, les travailleurs âgés peuvent identifie également les politiques prometteuses visant plus avoir des familles et autres personnes économiquement particulièrement les jeunes afin de les aider à mieux réussir la dépendantes qui comptent sur leur revenu. Il n’est pas clair transition vers un emploi plus productif dans chacun de ces que le bien-être social soit amélioré en favorisant les jeunes trois secteurs. travailleurs par rapport aux personnes plus âgées. Accroître L’importance accordée à la jeunesse dans ce rapport pose les possibilités pour tous les travailleurs, tout en aidant les la question de savoir s’il peut être socialement avantageux jeunes à franchir les obstacles qui leur sont spécifiques, est la de soutenir des politiques de l’emploi plus favorables à la stratégie recommandée par ce rapport. jeunesse qu’aux autres membres de la société. Des efforts spécifiques pour aider les jeunes à se lancer dans l’agricul- Source: Auteurs. Figure A.5  La (lente) transition de l’école au monde du travail a. Rural b. Urbain 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 15 18 21 24 27 30 33 15 18 21 24 27 30 33 Age Age Au travail Aussi bien au travail qu'à l'école A l'école Pas à l'école, pas au travail, à la recherche d'emploi Source: Analyse par les auteurs des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées. secteurs où les populations travaillent : l’agri- nement des affaires. Ce cadre est décrit plus en culture, les entreprises familiales non agricoles détails dans l’Encadré A.5. et l’emploi salarié moderne. Il établit ensuite Sur le plan du capital humain, le rôle de une distinction entre deux dimensions qui l’éducation de base domine les interventions façonnent le potentiel des jeunes à trouver des dans l’ensemble des trois secteurs. Différentes trajectoires vers un travail productif dans ces approches s’imposent pour renforcer les trois secteurs : le capital humain et l’environ- compétences postscolaires dans l’agriculture, 10 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure A.6  La formation de famille démarre plus tôt pour les jeunes femmes a. Femmes b. Hommes 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 15 20 25 30 35 15 20 25 30 35 Age Age Déjà eu un enfant Déjà marié Déjà eu des rapports sexuels Source: Analyse faite par les auteurs de données des enquêtes démographiques et de santé (28 pays). les entreprises familiales et le secteur salarié variation substantielle dans les profils éduca- moderne. Du côté de l’environnement des tifs des jeunes travailleurs dans chaque secteur affaires, accroître la productivité implique de (Figure A.7). L’évaluation de l’apprentissage au permettre aux agriculteurs d’accéder au finan- plan international montre que ces jeunes n’ont cement et de sécuriser leurs biens fonciers. pourtant pas les compétences pour être com- Dans le secteur des entreprises familiales non pétitifs sur le marché mondial. La scolarisation agricoles, les services d’infrastructure et l’accès est différente de l’apprentissage. De grandes au financement ainsi qu’un espace de fonction- insuffisances dans la qualité de l’instruction nement joueront un rôle crucial. Pour stimu- signifient que l’effet de l’éducation sur la pro- ler l’emploi dans le secteur moderne salarié, la ductivité est bien inférieur à son potentiel. La réglementation et les infrastructures commer- mauvaise qualité de l’éducation freine directe- ciales seront importantes. ment la productivité et empêche les individus d’acquérir de nouvelles compétences. L’apprentissage à l’école primaire est sou- Capital humain : le rôle fondamental vent minimal : 80 % des élèves maliens en de l’éducation de base 3ème année d’école primaire et plus de 70 % des élèves ougandais en troisième année d’école L’Afrique subsaharienne a connu une augmen- primaire sont incapables de lire un seul mot tation rapide du nombre d’enfants qui achèvent (Cloutier, Reinstadtler et Beltran 2011). Même l’école primaire, de 50 % environ en 1991 à les élèves qui achèvent leur cursus primaire ont 70 % en 2011. En moyenne, le jeune Ghanéen un faible niveau de compétences de base : 43 % ou Zambien est aujourd’hui plus scolarisé que des élèves de sixième année primaire en Tanza- la moyenne des citoyens français ou italiens en nie et 74 % au Mozambique n’ont pas dépassé 1960 (Pritchett 2013). La cohorte actuelle des le niveau des compétences de base en « calcul » jeunes en Afrique subsaharienne sera la plus tandis que 44 % au Mozambique n’ont pas scolarisée qu’il n’y ait jamais eu. l’aptitude de « lire pour comprendre » (Hungi Le niveau d’instruction influe sur les pers- et coll. 2010). Quelques années d’éducation de pectives d’emploi, comme en témoigne la base de qualité médiocre ne conféreront pas de L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 11 Encadré A.5 Cadre d’analyse de l’emploi des jeunes Les trois principaux secteurs d’emploi : Le secteur salarié moderne est composé de petites, moyennes et grandes entreprises qui embauchent, en per- L’agriculture est le secteur qui concentre la grande majorité manence cinq employés ou plus. Il comprend également le des emplois en Afrique subsaharienne. L’agriculture occupe secteur public qui, dans certains pays, constitue une part plus de 70 % de la population active des pays à faible importante du secteur salarié moderne. Dans les pays à revenu et plus de 50 % dans les pays à revenu intermédiaire, faible revenu et à revenu intermédiaire tranche inférieure tranche inférieure d’Afrique. Les agriculteurs africains sont d’Afrique subsaharienne, près de la moitié des emplois essentiellement des petits exploitants qui consomment une salariés relève du secteur public. Dans ce rapport, l’accent grande partie de ce qu’ils produisent. Selon des récentes est mis uniquement sur le secteur privé, qui a le plus grand données d’enquêtes de ménages, on estime que la part potentiel de création d’emplois. de l’autoconsommation est de l’ordre de 50 % (contre 20–30 % en dehors de l’Afrique subsaharienne). Les deux dimensions qui ouvrent des trajectoires vers des Les entreprises familiales ne sont pas formellement emplois productifs : ­ constituées en société, mais sont des entreprises non • Le capital humain — le côté de l’offre, ou les capaci- agricoles appartenant aux ménages. Elles comprennent tés, l’éducation, les compétences, les liens familiaux, les des travailleurs autonomes qui gèrent des entreprises qui réseaux et d’autres caractéristiques ancrées dans un indi- embauchent parfois des membres de la famille, sans rému- vidu et qui lui permettent de trouver des opportunités nération, mais peuvent également employer de façon per- d’être productif, d’augmenter et de sécuriser ses revenus. manente jusqu’à cinq employés non membres de la famille. La grande majorité (70 %) des entreprises non agricoles • L’environnement des affaires — les facteurs hors du aujourd’hui relèvent purement de l’auto-emploi : seul le contrôle immédiat du travailleur et qui affectent la pro- propriétaire travaille dans l’entreprise familiale. Près de ductivité (accès à la terre, capital et finance, infrastruc- 20 % de ces entreprises comprennent un autre membre de tures, technologie et marchés), ainsi que les politiques la famille, et seuls 10 % embauchent une personne exté- gouvernementales, les règlementations et programmes rieure à la famille. susceptibles d’influencer le choix de l’activité économique et la réalisation de l’activité. Figure A.7  L’éducation façonne les possibilités : éducation par secteur d’emploi pour les jeunes de 15–24 ans et de 25–34 ans a. Ages 15–24 b. Ages 25–34 100 100 80 80 60 60 Pourcentage Pourcentage 40 40 20 20 0 0 Agriculture Entreprises Salarié Salarié Agriculture Entreprises Salarié Salarié familiales sans avec familiales sans avec contrat contrat contrat contrat Pas d'éducation Primaire inachevé Primaire achevé Premier cycle secondaire achevé Second cycle secondaire achevé Post-secondaire Source: Analyse par les auteurs des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées. 12 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne gains de productivité si les élèves ne maîtrisent (offrant souvent des performances supérieures pas encore l’écriture et le calcul et ce, même si à moindre coût) ne doit pas être étouffé, mais les approches dites « d’éducation de la seconde plutôt encouragé et canalisé afin de donner à chance » offrent des possibilités de rattrapage. un plus grand nombre d’étudiants la possibilité Pour beaucoup, cependant, l’enseignement pri- d’apprendre. maire est le plus haut niveau de scolarité qu’ils Des améliorations au niveau de l’éducation pourront atteindre. Ces résultats sont d’autant de base permettront de jeter les fondements plus troublants qu’ils montrent que les élèves d’une meilleure productivité. Dans le même qui quittent l’école ont une base trop fragile temps, des actions complémentaires sont néces- pour acquérir ensuite des compétences plus saires pour améliorer l’environnement des spécialisées. affaires et développer le capital humain afin de Même les élèves qui arrivent dans le secon- maximiser les chances de succès des jeunes dans daire (ceux qui seront les plus susceptibles la transition vers des emplois rémunérateurs. d’aller vers le secteur salarié moderne) ne sont Ces mesures varient selon le secteur d’emploi, pas compétitifs au niveau mondial. Dans une comme nous le verrons prochainement. récente évaluation internationale des élèves en huitième ou neuvième année de scolarité (équivalent de la 4e ou 3e), 79 % des Ghanéens Accroître la productivité des et 76 % des Sud-Africains n’ont pas dépassé petits exploitants agricoles le plus bas niveau de compétences en mathé- matiques. À titre de comparaison, la moyenne L’agriculture peut et doit être un secteur d’op- internationale est de 25 % et les scores cor- portunités pour la jeunesse d’Afrique subsa- respondants pour les élèves indonésiens et harienne. La demande croissante en produits jordaniens sont respectivement de 67 % et de alimentaires est le signe que l’offre peut tirer 45 %.4 Au-delà de ces compétences cognitives, profit d’un marché en pleine croissance. Et la de nombreux jeunes n’ont pas les compétences demande croissante ne se limite pas qu’aux comportementales et socio-émotionnelles, par- marchés intérieurs en pleine expansion en fois appelées « compétences douces », qui sont Afrique. Les cours mondiaux des denrées ali- nécessaires pour obtenir, conserver et être pro- mentaires sont à leur niveau le plus élevé depuis ductif dans un emploi. plusieurs décennies, et ils devraient rester élevés Aborder la question de ces lacunes d’appren- au moins pendant le reste de la décennie. tissage n’est pas aisé. Les enquêtes dans les écoles L’Afrique est bien placée pour produire pour révèlent de grosses failles dans la prestation des ce marché mondial important et potentielle- services. Par exemple, l’absentéisme des ensei- ment lucratif. Elle a des réserves abondantes gnants sur un jour donné était entre 16 et 20 % de terres et souvent d’eau, contrairement à au Kenya, au Sénégal et en Tanzanie ; les élèves d’autres régions. Si les jeunes peuvent avoir du primaire n’avaient que 2 à 3 heures environ accès à ces ressources et les utiliser en conjonc- d’apprentissage par jour (Indicateurs de Pres- tion avec des stratégies visant à rendre l’agri- tations des Services, www.SDIndicators.org). Il culture plus productive, les résultats pourraient est essentiel de réformer le cadre de redevabilité être transformateurs pour la génération de qui permet à cette performance médiocre de revenus et la croissance économique. Plus des persister. Une meilleure information sur la per- deux tiers des jeunes travaillant dans les zones formance doit être complétée par des approches rurales sont déjà employés dans l’agriculture, ciblées qui renforcent le rôle des personnes les et la plupart y resteront, même si le secteur non plus touchées : les élèves et leurs parents. Des agricole se développe très rapidement. mesures pour s’assurer que les enseignants sont Bien que l’agriculture soit la source la plus bien préparés à l’enseignement et soutenus dans immédiate de revenu et d’emploi pour un leurs tâches sont indispensables pour créer une grand nombre de jeunes, les efforts visant à équipe de professionnels très performants. Le accélérer la croissance agricole et à améliorer la développement des écoles privées en Afrique sécurité alimentaire en Afrique ont été concep- L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 13 tuellement distingués des efforts visant à créer beaucoup plus d’emplois non agricoles mieux des emplois pour les jeunes. Ces objectifs sont rémunérés pour tout le monde, surtout les pourtant complémentaires. Accroître les pers- jeunes. pectives des jeunes pour un travail productif en Comprendre pourquoi le secteur le moins milieu rural est sans doute le plus important productif est également le plus important en catalyseur pour permettre à l’Afrique de profi- termes d’emploi peut donner des pistes sur la ter de ses dividendes démographiques. façon dont les travailleurs agricoles peuvent La faible productivité agricole est le princi- augmenter leur productivité. Les petits agri- pal obstacle à surmonter. La productivité agri- culteurs peuvent être pris dans un piège qui cole reste plus faible en Afrique que dans toute les empêche de générer des revenus suffisants autre région du monde, et l’agriculture est le pour investir afin d’augmenter la production secteur le moins productif dans les économies et la productivité. La grande majorité des agri- africaines. Pourtant, la productivité globale culteurs africains travaillent sur des petites des facteurs, ainsi que des terres et du travail, parcelles, souvent dans des régimes fonciers a été en hausse dans l’agriculture africaine incertains. Ils ne peuvent pas profiter des éco- depuis les années 1990 (Fuglie et Rada 2013; nomies d’échelle (quand elles existent), des Nin-Pratt, Johnson et Yu 2012). Elle pourrait intrants agricoles modernes et de la mécanisa- encore augmenter avec la hausse du cours des tion. L’insuffisance des infrastructures rurales denrées alimentaires puisque la valeur de la (transport, électricité et irrigation) limite production pour la même quantité d’intrants les efforts des agriculteurs pour obtenir des augmentera. Mais ces indicateurs de produc- intrants abordables tels que les semences et les tivité sont bien en deçà des niveaux atteints engrais, vendre leur production de façon ren- dans d’autres régions au cours de leurs phases table, ou exploiter de nouvelles terres agricoles. de croissance économique rapide. En effet, Le manque d’irrigation rend l’agriculture plus les pays africains ne suivent pas la trajectoire vulnérable aux aléas climatiques. d’autres régions où les gains de productivité Les faibles niveaux d’éducation et les pro- dans les exploitations agricoles, combinés blèmes de santé omniprésents (deux résultats à des revenus plus élevés et de meilleures de la médiocrité des prestations de services) opportunités non agricoles, ont entraîné un empêchent les agriculteurs d’accroître leur déplacement rapide de la main-d’œuvre hors propre productivité, et limitent aussi le nombre du secteur agricole. de migrants vers les zones où l’agriculture ou Les effets de la faible productivité agricole toute autre occupation pourrait être plus pro- vont bien au-delà des zones rurales et des ductive. Les jeunes ruraux ont des niveaux ménages agricoles. Un résultat souvent oublié d’instruction nettement inférieurs à leurs de la faible productivité agricole en Afrique homologues des villes. La prise en charge ou le est le prix élevé des denrées alimentaires sur le traitement de certaines maladies endémiques marché intérieur. Les prix locaux ne sont que ne sont pas coûteux à gérer et traiter, mais ces peu corrélés avec les prix mondiaux, surtout à domaines de la politique de santé font l’objet l’intérieur. Lorsque les prix sont élevés sur les d’une moindre attention en dépit de leur coût marchés intérieurs, ceci augmente le coût des élevé pour l’économie rurale. Les maladies, en denrées alimentaires et fait monter les salaires, plus de réduire la main-d’œuvre disponible des contribuant ainsi au manque de compétitivité ménages agricoles, peuvent épuiser l’épargne globale de l’Afrique. Des prix élevés sur le mar- quand les traitements sont coûteux et entraîner ché intérieur affectent les revenus réels de toute la vente de détresse d’actifs. la population, sauf les agriculteurs qui sont Pour que l’Afrique puisse accroître la pro- des vendeurs nets de denrées alimentaires et ductivité agricole suffisamment pour soutenir dont les coûts de production sont relativement la croissance globale et offrir des revenus plus faibles. Une plus grande productivité agricole élevés aux travailleurs du secteur, l’agriculture permettra de réduire les coûts des denrées ali- doit rapidement cesser d’être une activité de mentaires sur le marché intérieur et de créer dernier recours et de faible productivité pour 14 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne se transformer en secteur dont le dynamisme vaux agricoles à plein temps, (2) des travaux technique et les opportunités sont reconnus agricoles à temps partiel, combinés avec la ges- (voir Encadré A.6 pour une analyse du lien tion d’une entreprise familiale pouvant inclure entre productivité et emploi dans l’agricul- la vente de services agricoles ou d’intrants, ou ture). En accordant une plus grande priorité à (3) un travail salarié. Pour augmenter la pro- des programmes bien conçus d’investissement ductivité de ces trajectoires vers l’emploi agri- public dans l’agriculture, en poursuivant les cole, au moins quatre contraintes doivent être progrès en matière de réformes de régulations levées : les contraintes liées aux services finan- et politiques et en augmentant l’attention por- ciers et au crédit, aux politiques foncières, aux tée à l’inclusion des jeunes, l’agriculture peut infrastructures et aux compétences. absorber le grand nombre de nouveaux deman- deurs d’emploi et offrir un travail intéressant Crédit et services financiers avec de grands avantages publics et privés. Parce qu’ils travaillent dans des environne- De façon générale, trois voies s’offrent aux ments à risques et manquent de garanties, les jeunes ruraux dans l’agriculture : (1) des tra- ménages ruraux sont confrontés à des diffi- Encadré A.6 La main-d’œuvre quitte-t-elle l’agriculture à mesure que la productivité augmente ? Si les exploitations agricoles de l’Afrique deviennent plus Tableau EA.6.1  Augmentations en pourcentage des zones grandes à mesure que la productivité augmente, les travail- cultivées, de la main-d’œuvre agricole et de la production par leurs seront-ils forcés à quitter le secteur et n’auront-ils nulle employé en Afrique subsaharienne part où aller ? Certains observateurs ont évoqué ce problème, 1960–2008 1990–2008 et les raisons sont compréhensibles. Dans d’autres parties du (% d’augmentation) (% d’augmentation) monde, la croissance de la productivité s’est accompagnée Zones cultivées  42 20 d’une augmentation de la taille des exploitations agricoles, une réduction de l’intensité en main d’œuvre de la produc- Main-d’œuvre agricole 125 21 tion, et des départs de travailleurs du secteur agricole. Production par employé  21  9 La dotation en terre et en main-d’œuvre de l’Afrique ainsi Source: Fuglie et Rada, 2013. que son histoire récente offrent des perspectives pour apai- ser ces craintes. Si la terre est disponible et les zones culti- vables toujours en expansion, l’augmentation de la taille des un nombre limité de produits manufacturés non échan- exploitations ne doit pas nécessairement entraîner un dépla- geables, un énorme potentiel de croissance en termes de cement de la main-d’œuvre, surtout avec le coût élevé du superficies et de rendements, et l’évolution des avantages capital pour investir dans la mécanisation. Comme le montre comparatifs dans les pays développés en faveur de produits le tableau ci-dessous, entre 1960 et 2008, les superficies et services à forte densité technologique. Le coût du capital cultivées en Afrique ont augmenté, la main-d’œuvre agri- en Afrique reste élevé, reflétant les faibles taux d’épargne, cole a augmenté, et la production par employé a augmenté les coûts élevés liés à la pratique des affaires, et la demande malgré le grand nombre de travailleurs par hectare. Ces der- croissante en investissements d’infrastructure à forte densité nières années, de 1990 à 2008, le rythme de croissance de la de capitaux. La part de l’agriculture dans le PIB africain (et la main-d’œuvre a ralenti par rapport à l’expansion des terres capacité d’absorption de main-d’œuvre) pourrait donc rester et la production par travailleur n’a cessé de croître. stable, voire croître plutôt que diminuer avec le développe- Les exploitations agricoles de l’Afrique peuvent augmen- ment. Les réserves abondantes de bonnes terres, d’eau et ter en nombre, en taille et en productivité sans provoquer de main-d’œuvre jeune et dynamique sont des atouts consi- un déplacement de la main-d’œuvre. L’expérience du sous- dérables à un moment où l’économie mondiale a un besoin continent avec un changement structurel au XXIe siècle n’est urgent de plus de nourriture. Que l’Afrique puisse ou non pas susceptible de reproduire celle d’autres régions, à des utiliser de manière productive ces actifs dépend de la réduc- périodes précédentes. Le contexte actuel est caractérisé par tion des contraintes liées à l’accès à la terre et à la levée des les prix élevés des denrées alimentaires à l’échelle mondiale, obstacles à la croissance agricole identifiés dans ce rapport. L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 15 cultés majeures pour obtenir du capital et des grammes pour renforcer leur capacité à servir crédits. Les institutions financières tradition- les jeunes. nelles ne trouvent pas rentable l’activité d’oc- troi de crédits agricoles. Un certain nombre Politiques foncières d’organisations non gouvernementales Des droits fonciers précaires et mal définis, et (ONG) et de banques innovent par la mise en les difficultés à louer ou utiliser autrement les place de nouveaux instruments et de nouvelles terres posent des problèmes aux jeunes dans institutions, dont certains semblent promet- le secteur agricole. Certains jeunes possèdent teurs. Créées au Niger en 1991, les associations des terres (bien que ce soit de petites parcelles), villageoises d’épargne et de crédit (AVEC), où mais la propriété reste fortement concentrée les membres épargnent à des intervalles régu- chez les adultes plus âgés (Figure A.8). liers et prêtent des fonds suivant les conditions Le problème des droits fonciers précaires déterminées par le groupe, se sont répandues et mal définis peut être résolu en dressant dans 39 pays, essentiellement africains. Elles un inventaire des parcelles enregistrées et en offrent de vastes possibilités pour aider les améliorant le cadastre. Ce processus se révèle jeunes à épargner de l’argent afin de l’investir de plus en plus pratique grâce aux systèmes dans l’agriculture et d’accéder au crédit, tout d’information géographique (SIG). La sécu- en bénéficiant d’accompagnement et d’accès à rité des droits fonciers est aussi renforcée par l’information à travers un groupe. Les AVEC l’amélioration des procédures de délivrance de pourraient aider les jeunes des zones rurales à titres fonciers. Lorsque les agriculteurs savent se lancer dans l’agriculture et les secteurs non que leurs droits fonciers sont garantis, ils sont agricoles. plus susceptibles d’investir dans l’amélioration Divers dispositifs institutionnels et pro- de leurs terres. Une récente évaluation d’impact grammes d’incitation peuvent aussi améliorer d’un projet pilote d’enregistrement foncier au l’accès au crédit. Des examples incluent diffé- Rwanda montre que le renforcement de la rentes formes de garanties (hypothèques mobi- sécurité des droits fonciers entraîne l’augmen- lières et autres), le crédit-bail (qui ne requiert tation des investissements dans l’amélioration aucune garantie, comme la « DFCU Leasing des terres de 9 pour cent chez les agriculteurs Company » en Ouganda), la liaison du crédit et des services de vulgarisation agricole (s’atta- quant ainsi à de multiples contraintes en même temps, puisque les jeunes ont aussi besoin d’in- Figure A.8  Propriété foncière par âge formations) et l’agriculture sous contrat (où le Pourcentage de propriétaires d’au moins une parcelle de terre 80 grossiste octroie des crédits pour l’acquisition 70 d’intrants). Aucune de ces innovations de la finance 60 rurale n’est réservée exclusivement aux jeunes. Ces derniers ne devraient pas non plus être 50 Pourcentage considérés comme un groupe isolé qui devrait 40 bénéficier de services financiers conçus spécia- lement pour eux. Les risques pris en travaillant 30 avec cette clientèle sont élevés, et le fait d’isoler 20 les jeunes d’un groupe de personnes plus vaste qui permet de partager les risques les rendrait 10 encore moins attractifs pour les institutions 0 financières. Une meilleure approche consiste à 15–19 20–24 25–29 30–34 35–39 40–44 45–49 50–54 55–59 60+ soutenir un éventail d’innovations financières Age qui facilitent l’accès des petits exploitants agri- Tanzanie Ouganda Malawi coles et entrepreneurs ruraux. Au besoin, des nouveautés doivent être ajoutées à ces pro- Source: Analyse des données LSMS-ISA par les auteurs. 16 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne et de 18 pour cent chez les agricultrices (Ayalew motorisée est peu dense. L’entretien des routes Ali, Deininger, et Goldstein 2011). pavées est coûteux et, souvent, non financé. Une fois les terres enregistrées et les titres D’autre part, les routes sont susceptibles de fonciers délivrés, les marchés de location de devenir des outils de favoritisme politique terres peuvent se développer. Il a été démon- (Raballand et Macchi 2009). tré que les marchés de location de terres pro- meuvent l’agriculture à vocation commerciale Compétences au Ghana et encouragent le transfert de terres Étant donné leur faible niveau d’éducation aux petits exploitants agricoles au Soudan. En (Figure A.7), les jeunes des zones rurales revanche, les restrictions imposées aux marchés peuvent améliorer leur productivité à travers de location de terres freinent le développement une meilleure scolarisation. L’amélioration de des secteurs agricoles et non agricoles. Elles la productivité entraîne à son tour une hausse découragent les propriétaires terriens d’accep- de la demande de scolarisation, déclenchant ter des emplois dans le secteur non agricole de ainsi un cycle vertueux. Les résultats utilisés peur de perdre leurs terres. pour démontrer les effets secondaires de l’édu- L’industrie agricole peut augmenter la pro- cation proviennent généralement de l’agri- ductivité, et certaines régions d’Afrique, la culture : les agriculteurs apprennent de leurs savane guinéenne notamment, ont un énorme voisins agriculteurs, notamment des plus édu- potentiel de développement de l’agriculture qués, qui sont plus susceptibles d’adopter de commerciale sur de grandes et petites exploi- nouvelles technologies (Conley et Udry 2010 ; tations (Morris, Binswanger-Mkhize, et Byer- Rosenzweig 2012). Tous ces effets s’observent lee 2009). Cependant, les grandes propriétés plus nettement chez les jeunes agriculteurs. foncières à vocation commerciale et l’industrie En plus de l’éducation de base, l’agricul- agricole peuvent susciter des controverses sur ture à forte productivité nécessite un certain le plan politique. Il est essentiel de résoudre les nombre de compétences spécifiques, notam- problèmes que constituent la part des grandes ment en matière de traitement, commercia- exploitations agricoles dans une structure sec- lisation, fonctionnement et réparation de torielle diversifiée, ainsi que la rémunération de machines, transport, logistique et contrôle de petits propriétaires en échange des terres mises qualité. Dans certains pays, des instituts de for- à disposition des grands exploitants commer- mation professionnelle agricole (dont certains ciaux. D’autres moyens de regroupement des sont associés à des universités) fournissent tra- petits exploitants, comme les associations de ditionnellement ces compétences. Ces instituts producteurs ou l’agriculture sous contrat, affichent des résultats mitigés, principalement pourraient être aussi des approches pratiques en raison du manque de liens entre la théorie, pour améliorer la productivité lorsqu’une l’enseignement magistral et le besoin d’une for- échelle de production plus grande contribue à mation pratique, sur le terrain. réduire les coûts. L’histoire des programmes de vulgari- sation agricole en Afrique est peu encoura- Infrastructures geante, principalement en raison du manque Dans certains cas, mais pas dans tous, les inves- de mesures incitatives et de redevabilité. tissements dans les infrastructures rurales De meilleurs résultats sont obtenus dans le peuvent avoir des taux de rendement extrê- cadre des nouveaux programmes qui autono- mement élevés. En général, ces investissements misent les agriculteurs en leur proposant un apparaissent dans des zones plus densément choix de fournisseurs et de services parmi un peuplées (Banque mondiale 2008), mais même éventail d’organismes publics, privés et non dans ce cas, les investissements doivent être gouvernementaux. Une autre approche, les évalués au cas par cas et non acceptés systé- écoles pratiques d’agriculture, implique des matiquement. Par exemple, les routes rurales méthodes d’apprentissage participatives, le pavées ne sont pas toujours un bon investisse- développement et la diffusion de technologies ment, surtout dans des zones où la circulation spécifiques, et semble remporter un véritable L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 17 succès, surtout dans le renforcement des capa- naux et locaux (vêtements d’occasion, articles cités des femmes. Les pépinières d’entreprises ménagers, légumes, œufs). Elles contribuent et les alliances rurales qui réunissent sociétés aussi au secteur industriel en transformant des commerciales et organisations de producteurs produits agricoles ou des ressources naturelles constituent d’autres moyens d’augmenter les en charbon, briques ou céréales transformées. revenus agricoles. Dans tous ces efforts, l’uti- Certaines exercent des activités artisanales telles lisation des technologies de l’information et de que la menuiserie, la couture, la confection, ou la communication peut favoriser et tirer profit la construction. de la participation des jeunes. Les entreprises familiales vendent des biens et services à bas coût, principalement pour le marché local, qui manque d’un secteur de ser- Améliorer la productivité des vices moderne. En zones urbaines, les com- merçants et les démarcheurs remplacent les entreprises informelles non commerces de proximité et les centres com- agricoles merciaux. Les produits manufacturés de qua- lité médiocre fabriqués par ces entreprises, La majorité des personnes qui travaillent hors par exemple les briques et les meubles arti- du secteur agricole sont actives dans des entre- sanaux, finissent par être remplacés par des prises familiales informelles. Ce type d’entre- biens de meilleure qualité produits localement prise est souvent un pilier d’un portefeuille (fabriques de briques et de meubles) ou impor- diversifié de revenus. En réalité, de nombreux tés. En conséquence, les entreprises manufactu- ménages sont engagés à la fois dans les secteurs rières familiales ne durent pas aussi longtemps agricoles et non agricoles (30 à 50 pour cent que les entreprises familiales de prestation de des ménages ruraux possèdent une entreprise services. familiale informelle). En zones urbaines, de Historiquement, les entreprises familiales nombreux ménages possédant une entreprise ont eu tendance à rester de toute petite taille ou ont un membre de la famille qui gagne un à disparaître ; très peu deviennent des petites ou revenu salarial, une tendance qui est susceptible moyennes entreprises. Les données provenant de s’amplifier avec le temps (Fox et Sohnesen de l’Afrique de l’Ouest montrent que, même 2012). après dix ans d’exploitation, le capital de ces Bien que leur productivité soit relative- entreprises reste inchangé. La plupart d’entre ment faible, les entreprises familiales génèrent elles ne recrutent jamais un autre employé. Les des revenus généralement plus élevés que emplois qu’elles offrent, y compris à des jeunes, ce que leurs propriétaires pourraient déga- consistent donc à saisir une opportunité com- ger dans le secteur agricole. La plupart des merciale et à créer une nouvelle entreprise. entreprises familiales n’ont pas d’employé et Malgré leur petite taille, les entreprises fami- constituent une activité indépendante pure. liales constituent un instrument de réduction Peu ont un membre de la famille comme de la pauvreté en Afrique, avec la possibilité de main-d’œuvre supplémentaire et 10 pour devenir un instrument encore plus puissant. cent seulement recrutent du personnel hors On les retrouve généralement dans des régions de la famille. Certaines entreprises naissent riches. Les ménages possédant des entreprises en réponse à une opportunité commerciale sont moins susceptibles d’être pauvres et sont locale (comme l’augmentation de la demande concentrés dans les quintiles du milieu de la d’un service), alors que d’autres sont créées distribution des revenus. Les ménages ruraux parce que le ménage n’a pas d’autres moyens tirent de leurs entreprises un revenu horaire de subsistance. plus élevé que celui de leurs activités agri- Que font les entreprises familiales ? Elles coles. En zones urbaines, certains proprié- vendent pour la plupart des services (coiffure, taires d’entreprises familiales ont des revenus réparation), ainsi que des biens de consom- plus importants que les salariés. En effet, à un mation produits sur les marchés internatio- même niveau d’éducation et de compétences, la 18 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne consommation des ménages ruraux et urbains Politique urbaine possédant une entreprise familiale en Afrique L’un des obstacles les plus souvent invoqués n’est pas différente de celle des ménages ayant à la productivité des entreprises familiales est un emploi salarié (Fox et Sohnesen 2012). De le manque d’accès à un espace de travail adé- plus, certains affirment aussi être « plus heu- quat et souvent le harcèlement légal et extra- reux » (Falco et al. 2013). judiciaire par les autorités locales. L’insécurité La plupart des gouvernements continuent des locaux décourage l’entrée (la principale d’ignorer, de négliger ou de miner le potentiel forme de croissance dans ce secteur), et l’in- de ce secteur. Les colporteurs et les vendeurs vestissement dans l’entreprise. En intégrant la sont considérés comme une nuisance à bannir croissance des entreprises familiales dans les des quartiers d’affaires des capitales. Les défen- processus de planification, les gouvernements seurs de l’emploi formel reprochent aux entre- peuvent favoriser le développement de ce sec- prises familiales de ne pas offrir les avantages teur au lieu de s’y opposer. Sans planification, et la sécurité d’un emploi salarié. Pensant que commerçants et vendeurs envahissent les trot- les entreprises familiales peuvent être transfor- toirs et les rues, entraînant leur encombrement mées en petites et moyennes entreprises (pour massif. Souvent, la situation dégénère en crise, lesquelles il existe une stratégie), les gouver- et les autorités ont recours à la police ou aux nements essaient de formaliser ces entreprises forces de sécurité pour « décongestionner » la informelles. Mais cette transformation se pro- ville. La politique d’expulsion étant rarement duit rarement, car ce n’est pas l’intention des permanente, le cycle tend à recommencer. Si propriétaires. Sans soutien, les entreprises les gouvernements avaient planifié la crois- familiales tentent simplement de survivre. En sance des entreprises familiales et leur avaient Tanzanie, la loi interdit l’exercice d’activités aux alloué un espace adéquat dans les principales entreprises ne disposant pas de locaux fixes (ce zones de circulation piétonnière dans la ville, qui correspond à 80 pour cent des entreprises la croissance de l’emploi et la stabilité sociale familiales), ce qui n’empêche pas les gouverne- auraient suivi. ments de collecter taxes et impôts auprès de ces Parallèlement à la planification, les déci- mêmes entreprises. deurs nationaux peuvent clarifier les droits En revanche, le Ghana, dont la tradition de propriété foncière dans les zones urbaines, commerciale remonte à l’époque précolo- donnant ainsi la latitude aux administrations niale, incorpore explicitement les entreprises locales d’allouer des espaces pour l’exercice familiales dans ses documents de stratégie et des activités des entreprises familiales. Les les institutions qui les appliquent. En 2006, le chevauchements des réglementations et des gouvernement a défini un objectif consistant responsabilités rendent l’application de la loi à « améliorer la productivité et les revenus/ difficile, quand elle existe. Par exemple, à Dar salaires… dans tous les secteurs de l’économie, es-Salaam, les administrations locales ne sont y compris l’économie informelle » (République pas habilitées à décider si les démarcheurs du Ghana 2006). Le « Trade Union Congress » peuvent utiliser les terres qui bordent les routes soutient le développement d’organisations nationales. Tout comme les marchés de loca- d’entreprises familiales et leur intégration dans tion de terres peuvent faciliter l’accès aux terres les mécanismes de consultation entre le gou- agricoles, elles peuvent aussi faciliter l’accès des vernement et le secteur privé. entreprises familiales à un espace pour exercer Pour réaliser le potentiel du secteur des leurs activités. entreprises familiales en matière de création Outre un espace protégé, les entreprises d’emplois productifs pour les jeunes, les stra- familiales ont aussi besoin de services tels que tégies nationales et les interventions locales la sécurité, les installations sanitaires, l’élec- doivent s’attaquer à trois domaines clés : le tricité, le transport et l’approvisionnement climat des affaires en zones urbaines, l’ac- en eau. Pour la plupart, elles sont disposées à cès aux services financiers et au crédit et les payer pour ces services (et en réalité les paient) compétences. par le biais de taxes et d’impôts. Les entreprises L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 19 familiales paient les taxes locales à un taux plus lancement d’une activité (Dupas et Robinson élevé que les grandes entreprises (Fox et Sohne- 2013). sen 2012) mais ne reçoivent souvent aucun ser- La nécessité d’assurer aux pauvres un accès vice. Les entreprises familiales disposent d’une aux services financiers est un problème courant. marge de manœuvre très faible pour améliorer Du fait des économies d’échelle, l’expansion cette situation. Les autorités locales ne sont pas des services bancaires formels (banques, ser- redevables vis-à-vis des entreprises familiales, vices d’épargne postale, institutions d’épargne parce que la décentralisation politique ineffi- formelles autres que les banques) s’accroît cace et le statut juridique ambigu privent ces généralement avec l’augmentation des reve- entreprises de participation à la gouvernance nus et l’urbanisation (les banques vont là où se locale. trouve l’argent). Mais l’histoire ne s’arrête pas là en Afrique. Les données du FINDEX montrent Crédit et services financiers que, au même niveau de revenu par habitant, Parce qu’ils manquent d’accès aux sources les politiques nationales peuvent produire des de financement formelles, les jeunes peinent résultats très différents (Figure A.9). Les pays à mobiliser des capitaux pour créer et gérer à faible revenu et à revenu intermédiaire tels une entreprise. Le problème est exacerbé par que le Ghana, le Kenya et le Rwanda ont assuré le fait que les finances de l’entreprise et celles un meilleur accès aux services financiers que du ménage sont liées, de sorte que les dépenses d’autres pays africains et non africains à niveau irrégulières du ménage (frais de scolarité, de revenu égal. Ils y sont parvenus principale- réparations et autres) et les chocs externes ment en réduisant les coûts du service pour les (maladies) affectent aussi l’entreprise. Presque petits épargnants et les épargnants des régions tous les propriétaires d’entreprises fami- reculées. liales africaines aujourd’hui déclarent avoir Au Kenya, l’accès aux services bancaires créé leur entreprise grâce à des fonds propres a été amélioré grâce à l’usage novateur de la ou à des prêts contractés auprès d’amis et de technologie bancaire mobile. En développant parents. L’écrasante majorité des entreprises les services bancaires sans agence, la banque existantes n’ont obtenu aucun type de prêt mobile permet de maintenir les comptes à un au cours des 12 derniers mois. Une expansion coût relativement bas pour les épargnants et du crédit ne comblera pas nécessairement cet les emprunteurs. Aujourd’hui, environ la moi- écart, et peut même l’aggraver, comme l’ont tié de la population adulte kenyane utilise la montré des expériences récentes en Inde. Pour banque mobile. Au Rwanda, le gouvernement utiliser le crédit avec efficacité, un emprunteur a mis en place des incitations pour permettre doit être capable d’épargner régulièrement aux banques de développer des produits à pour rembourser le prêt. À cet effet, la mise en faible coût à l’usage des petits épargnants, et place d’un mécanisme d’épargne est essentielle. pour permettre aux ménages de recourir aux Le manque d’inclusion financière des banques. Ces incitations consistent en des paie- ménages en Afrique est à l’origine du pro- ments aux ménages via les banques, y compris blème de crédit auquel sont confrontées les les banques de micro-finance dont la clientèle entreprises familiales. Non seulement les se recrute parmi les ménages à faible revenu.5 ménages manquent de sources de crédit, mais Le Ghana a mis en place un système de banques ils trouvent difficilement des lieux sûrs pour rurales pour traiter les paiements destinés aux protéger leur épargne. En conséquence, il leur cultivateurs de cacao. Aujourd’hui, ces banques est difficile d’accumuler des fonds pour lan- offrent des comptes à frais modiques dans les cer ou développer leur activité. Ce problème zones rurales. Le Ghana et le Rwanda encou- est particulièrement grave pour les jeunes et ragent tous les deux l’expansion des banques les femmes. Des recherches ont montré que mobiles pour améliorer l’accès aux services l’accès à un lieu sûr pour placer l’épargne est financiers. Les pays des unions monétaires de particulièrement important pour la capacité l’Afrique centrale et de l’Ouest (UEMOA et des femmes à constituer leur capital en vue du CEMAC) changent aussi leurs règlementations 20 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure A.9  Au même niveau de revenu, les politiques nationales produisent des niveaux d’inclusion financière différents 100 90 80 MUS MNG Personnes 25+ (pourcentage) 70 THA CHN 60 ZWE RSA 50 AGO 40 RWA KEN IND EGY NGA BWA 30 UGA SWZ GHA COM BFA GAB 20 10 COG SEN NER MLI TKM 0 350 3,500 PIB par habitant 2011 (en $EU courants) Pays de la zone CFA Autres pays de l'Afrique subsaharienne Reste du monde Tendance dans les pays Tendance dans les autres pays Tendance dans les pays de la zone CFA de l'Afrique subsaharienne du reste du monde Source: Présentation en tableau des données FINDEX par les auteurs. Note: Echelle logarithmique sur l’axe des x. pour favoriser davantage l’inclusion. Le Bénin, prennent ces quatre types de formation. Les qui a encouragé la création d’institutions de programmes destinés aux entreprises familiales micro-finance, a été un précurseur dans ce existantes visent généralement leur expansion, groupe. par exemple à travers l’acquisition de compé- tences commerciales. Compétences La bonne nouvelle pour l’emploi des jeunes La formation peut souvent contribuer à ouvrir est que les programmes conçus pour facili- des trajectoires vers l’emploi des jeunes dans ter l’entrée dans le secteur (par opposition les entreprises familiales. Les programmes de à ceux axés sur la croissance des entreprises formation (aussi bien pour l’entrée dans le existantes) semblent avoir obtenu un certain secteur que pour l’amélioration des revenus et succès, de sorte que des modèles prometteurs de la viabilité des entreprises existantes) sont ont émergé. L’apprentissage et la formation en les outils les plus couramment utilisés par les entreprise peuvent aider les jeunes, à condition gouvernements et les bailleurs de fonds pour que ces programmes soient étroitement liés aux soutenir les entreprises familiales, qu’ils ciblent signaux du marché. C’est la raison pour laquelle les jeunes ou pas. Les programmes offrent : les fournisseurs privés, les entreprises existantes (1) la formation technique dans un secteur notamment, constituent la meilleure source de spécifique (telle que la couture, la mécanique, ces formations. Les jeunes font souvent face à la boulangerie) ; (2) l’acquisition des compé- des contraintes multiples en termes de compé- tences commerciales ou l’éducation financière tences nécessaires pour se lancer dans le secteur (telle que la comptabilité de base ou la gestion des entreprises familiales. Les programmes financière) ; (3) les compétences comporte- pilotes les plus prometteurs offrent des interven- mentales et personnelles ; ou (4) un mélange de tions qui s’attaquent à ces multiples contraintes ces compétences. Les programmes destinés aux (offrant ensemble des formations pour l’acqui- jeunes sont surtout axés sur l’acquisition des sition de compétences comportementales, com- compétences nécessaires pour se lancer dans merciales et/ou techniques, ou combinant la le secteur des entreprises familiales et com- formation avec des mesures visant à s’attaquer L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 21 aux contraintes de crédit à travers les groupes Le secteur salarié moderne crée des emplois d’épargne, les subventions et d’autres moyens). à un rythme assez rapide en Afrique subsa- Bon nombre de ces programmes d’intervention harienne — et généralement de manière plus « combinés » sont cependant coûteux, et n’ont rapide que la croissance du PIB. Le problème est pas encore passé à l’échelle en Afrique. que le secteur s’est développé à partir d’une base En général, en dépit du grand nombre de si limitée qu’il ne peut toujours pas recruter les programmes de formation, il n’existe que peu millions de jeunes arrivant chaque année sur le de données sur leur efficacité dans le secteur marché de l’emploi. Pour générer des emplois des entreprises familiales en Afrique. Une uti- à un rythme proportionnel à la croissance de la lisation plus systématique d’évaluations rigou- population active, il ne fait aucun doute que les reuses s’impose clairement, notamment des entreprises exportatrices, avec leur potentiel de évaluations d’impact qui mesurent les résultats vente sur les marchés internationaux, devront parmi les participants au programme et les être le moteur de la création d’emplois dans ce comparent avec un groupe témoin. Au mini- secteur. Étant donné que la plupart des écono- mum, les gouvernements doivent encourager mies africaines sont petites, l’accès aux marchés tous les programmes à réaliser le suivi de leurs extérieurs est essentiel pour atteindre le poten- résultats et à en rendre compte. Parallèlement, tiel du secteur salarié moderne. Les possibilités les gouvernements ne doivent pas nécessaire- d’échanges internationaux sont vastes. Même ment essayer d’offrir des formations directe- les services font l’objet d’échanges internatio- ment, mais plutôt concentrer leurs efforts sur naux, mais ils nécessitent aussi généralement des programmes qui facilitent le marché privé, un niveau de compétences relativement élevé par exemple en diffusant des informations sur qui manque toujours dans une bonne partie de des possibilités de formation ou en permettant l’Afrique subsaharienne. En outre, les effets du aux jeunes défavorisés d’accéder aux forma- commerce sur l’emploi vont au-delà des entre- tions déjà disponibles. prises exportatrices, car l’augmentation de la demande émanant du secteur des exporta- tions (intrants, biens de consommation et ser- Dynamiser le secteur moderne de l’emploi salarié pour le rendre plus compétitif Figure A.10  Part de l’emploi salarié dans l’emploi total : les jeunes par rapport à la population générale Bien qu’il soit petit (16 pour cent de la popu- lation active), le secteur de l’emploi salarié 100 formel représente le moteur de l’emploi et 90 Emplois salariés/Emplois, âges 15–34 de la croissance à moyen et long terme pour 80 l’Afrique. Aucun pays ne s’est développé sans 70 que ce secteur ne se soit devenu une part pré- (pourcentage) pondérante de l’emploi. C’est le secteur qui 60 peut exploiter les économies d’échelle et pro- 50 duire pour l’exportation. Les effets multipli- 40 cateurs de la création d’emplois salariés sur 30 l’économie des ménages sont significatifs. La plupart des diplômés du secondaire aspirent à 20 travailler dans ce secteur. Lorsque ces aspira- 10 tions ne sont pas satisfaites, les risques d’ins- 0 tabilité sociale et de violence politiques sont 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 élevés. Les jeunes d’Afrique n’ont certes aucun Part salariale/Emplois, âges 15–34 avantage particulier en termes d’emploi sala- (pourcentage) rié moderne, mais ils constituent toujours Ligne à 45 degrés une part importante de cet emploi lorsqu’il se Source: Analyse par les auteurs de données d’enquêtes de développe (Figure A.10). ménages et d’emploi. 22 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne vices) augmente les possibilités d’emploi dans matière d’infrastructures bloquent l’accès des d’autres parties de l’économie. entreprises aux services d’infrastructures, et il Qu’est-ce qui entrave le développement est peu probable que la construction de nou- des entreprises exportatrices en Afrique velles infrastructures résolve le problème sans aujourd’hui ? Clairement, le coût de transport l’amélioration des politiques et des institutions. transfrontalier de marchandises est prohibi- Inversement, l’amélioration des politiques, à tif dans la région, et il y a un besoin urgent l’instar des tarifs de l’électricité et de l’eau ou de meilleures infrastructures de transport, de des règlements routiers, peut permettre d’amé- procédures douanières facilitées et de passages liorer sensiblement les services et d’attirer le accélérés aux postes transfrontaliers intéri- secteur privé. eurs. Mais le principal obstacle au dévelop- Les financements onéreux ou limités pement en Afrique d’un secteur orienté vers empêchent les entreprises d’investir pour amé- l’exportation est la faible productivité. liorer la productivité et entravent la croissance Les causes sous-jacentes ne sont pas iden- des entreprises productives. Les banques en tiques à travers le continent, même si elles Afrique établissent des exigences élevées en ont des effets similaires. Dans certains pays, le matière de garantie et des primes de risques, coût des facteurs complémentaires à la main- en partie parce qu’elles ne disposent pas de sys- d’œuvre (électricité, transports terrestres, etc.) tèmes d’information sur la solvabilité suscep- est trop élevé. Dans d’autres, les formalités tibles d’aider les prêteurs à évaluer les clients bureaucratiques retardent l’accès des investis- potentiels. Ce problème peut être résolu par la seurs aux terres ou aux permis. Les coûts élevés réforme des politiques et de la règlementation. de l’intermédiation financière privent les entre- L’Afrique a aussi besoin d’améliorer et de faire prises et les entrepreneurs du capital nécessaire respecter les droits des créanciers, qui facilite- pour mettre en œuvre de bonnes idées. Dans ront l’octroi de prêts en garantissant la protec- de nombreux pays, la fragmentation des mar- tion des prêteurs en cas de défaut des emprun- chés locaux élimine la concurrence et réduit la teurs. L’amélioration des droits des créanciers pression sur l’augmentation de la productivité. et du respect des contrats permettront aussi Ces questions relatives au climat des affaires aux emprunteurs d’utiliser un large éventail demeureraient un problème pour la produc- d’actifs en garantie. tivité (et par conséquent l’emploi des jeunes) Dans les économies avancées, de nouvelles même si les entreprises produisaient unique- entreprises innovantes apparaissent et se déve- ment pour les marchés nationaux. loppent sans cesse, tandis que les entreprises Que faire pour améliorer la faible pro- existantes peu productives disparaissent. Ces ductivité de la main d’œuvre en Afrique ? mouvements sont une importante source L’ensemble du climat des affaires entre en jeu de croissance de la productivité globale et de ici, avec quelques exceptions. Par exemple, les l’emploi dans le secteur salarié moderne. En règlementations du marché de l’emploi, consi- Afrique, ce processus est freiné non seulement dérées comme un élément déterminant de la par les contraintes financières qui pèsent sur productivité ailleurs, ne jouent pas un rôle cen- les entrepreneurs, mais aussi par des forma- tral en Afrique, sauf dans le cas de l’Afrique du lités d’entrée ou d’expansion contraignantes. Sud. Dans de nombreux pays, les règlementa- Des questions de gouvernance, à l’instar de la tions peuvent exister, mais elles sont rarement corruption dans l’octroi de permis d’exploita- appliquées. tion et autres autorisations, entravent aussi ce processus. Les infrastructures et le climat des En bref, les obstacles à l’amélioration de la affaires productivité en Afrique sont une combinai- Les infrastructures constituent un problème son de défaillances du marché et des pouvoirs majeur, mais la construction de nouvelles publics. Les défaillances des pouvoirs publics infrastructures n’est pas nécessairement la peuvent être difficiles à corriger (surtout solution. Les politiques et règlementations en lorsqu’elles nécessitent des politiques touchant L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 23 l’ensemble de l’économie comme la dérégle- deux problèmes semblent se poser. Les diplô- mentation ou la réforme de la tarification), et més du secondaire et du supérieur affirment leur rectification n’a pas toujours produit des avoir du mal à trouver un emploi en raison de résultats. Les intérêts particuliers à l’intérieur et l’absence de demande. Il y a une offre de main- à l’extérieur des gouvernements peuvent entra- d’œuvre bien plus abondante pour des emplois ver les réformes ou leur application. L’analyse peu qualifiés (ouvriers) que de main-d’œuvre du secteur de l’industrie légère en Éthiopie qualifiée et expérimentée pour des emplois tels montre que l’industrie du cuir pourrait créer que des ingénieurs mécaniciens et ingénieurs 90 000 emplois (elle compte actuellement de fabrication ou pour des emplois de bureau, 5 000 emplois). Pour atteindre ce potentiel, des comme des comptables et des cadres. En même analyses de la chaîne de valeur montrent que temps, les employeurs demandent des auto- le gouvernement doit supprimer une série de risations pour importer une main-d’œuvre contraintes d’ordre règlementaire, notamment qualifiée et expérimentée. Les diplômés à tous des restrictions commerciales, des pratiques niveaux dépourvus d’une formation technique anticoncurrentielles et la règlementation finan- et d’une certaine expérience professionnelle cière qui affectent le secteur (Dinh et al. 2012). (où ils peuvent acquérir et démontrer les com- L’ampleur de cette réforme signifie que cela pétences comportementales tout aussi valables) pourrait prendre un certain temps. sont confrontés à un marché du travail Une approche complémentaire consiste à saturé, traduisant aussi bien une inadéquation créer un environnement localisé — une zone « des aspirations » qu’une inadéquation des économique spéciale (ZES), par exemple, compétences. bénéficiant des infrastructures et de la dérè- Tout comme dans les secteurs de l’agricul- glementation nécessaires — dans laquelle les ture et des entreprises familiales, une étape industries qui pourraient tirer profit de leur prioritaire pour résoudre ces problèmes dans proximité peuvent se regrouper et prospérer. le secteur salarié moderne consiste à assurer Le gouvernement fournit le terrain et les ser- une bonne éducation de base. Les compétences vices d’infrastructures opérationnels pour la fondamentales sont essentielles pour tous types ZES. Bien qu’en Chine cette approche ait attiré de travailleurs salariés, en partie parce qu’elles les investissements et le savoir-faire étrangers et facilitent ultérieurement l’acquisition de for- permis au pays de devenir un moteur de l’ex- mations complémentaires ou l’apprentissage portation des produits manufacturiers, elle n’a au travail. pas été appliquée avec succès en Afrique. Pour éviter de créer davantage de diplô- Outre une réflexion approfondie sur la més universitaires qui ne peuvent pas être conception et l’application de ces interven- embauchés, les politiques et les programmes tions, les décideurs doivent évaluer chacune d’enseignement supérieur devront aussi être d’elles en termes de risques de capture poli- orientés vers la demande du secteur privé. Le tique, qui a gravement nui à la politique financement des universités publiques devrait industrielle lorsqu’elle fut tentée récemment à comprendre une composante privée (surtout grande échelle en Afrique. Chaque subvention pour ceux qui peuvent payer), afin que les crée une rente. Les intérêts politiquement puis- signaux émanant du secteur privé puissent être sants, s’ils récupèrent ces rentes, résisteront aux reçus (Devarajan, Monga, et Zongo 2011). Un efforts visant à les réduire, même si cette étape tel changement améliorera aussi l’équité en est nécessaire pour que les industries soient matière d’accès à l’enseignement supérieur, si le compétitives sur les marchés mondiaux. paiement des frais de scolarité est lié au niveau de revenu et n’est plus systématiquement gra- Compétences tuit. Ceux qui paient exigeront un bon rapport La demande des diplômés du secondaire est- coûts/bénéfices. elle tout simplement insuffisante dans le sec- L’expérience des programmes d’enseigne- teur salarié moderne en Afrique, ou y a-t-il une ment et de formation techniques et profession- inadéquation des compétences ? En fait, ces nels (EFTP) en Afrique subsaharienne est peu 24 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne encourageante. La formation professionnelle tunités auxquels les pays eux-mêmes font face secondaire et post-secondaire coûte au moins dans un monde globalisé. Le principal pro- trois fois plus que l’enseignement secondaire de blème de l’emploi réside dans le fait que la pro- base, mais n’offre pas une meilleure plateforme ductivité et les revenus sont faibles, tandis que vers les emplois du secteur privé. La formation les aspirations, surtout celles des jeunes, sont offerte par les programmes gouvernementaux élevées. Malgré les progrès enregistrés dans de n’est souvent pas adaptée aux besoins du sec- nombreux pays, la plupart des jeunes d’Afrique teur privé. aujourd’hui n’auront pas une transition facile Les gouvernements en Afrique subsaha- et toute tracée vers un emploi à revenu assuré, rienne doivent privilégier l’appui aux dimen- un des aspects essentiels de l’âge adulte. Toutes sions de biens publics dans l’EFTP, notam- les parties prenantes (les gouvernements, les ment l’information et l’assurance de la qualité. entreprises privées, les fournisseurs de forma- Pour promouvoir l’accès des jeunes pauvres et tion privés, les organisations non gouverne- défavorisés à la formation, les gouvernements mentales et les jeunes eux-mêmes) ont un rôle doivent fournir une aide financière pour leur à jouer pour faciliter cette transition. formation dans le secteur public ou dans le Pour réaliser des progrès, il faut adopter une secteur privé. L’information sur les avantages approche globale pour réduire les restrictions d’options alternatives de formation peut aider sur le capital humain et l’environnement des les jeunes à aligner leurs choix de formation sur affaires qui empêchent le secteur privé de sai- les réalités du marché du travail. Si les gouver- sir les opportunités et accroître la productivité nements soutiennent des options de formation dans l’agriculture, les entreprises familiales et spécifiques, ces options doivent mettre l’accent le secteur de l’emploi salarié moderne. Les gou- sur les compétences transversales plutôt que sur vernements doivent avoir une vision globale de les compétences spécifiques à une entreprise ou la manière dont il convient d’aborder la situa- à un emploi, car les employeurs doivent déjà tion, ils doivent « s’approprier » l’ensemble de avoir une motivation pour le développement la problématique. de ces dernières. Les programmes destinés aux On a souvent tendance à considérer que la jeunes défavorisés combinant une formation formation aux compétences techniques et pro- avec des stages semblent prometteurs, mais la fessionnelles fournie par les gouvernements est faisabilité de leur passage à l’échelle en Afrique la solution majeure. Mais cette mesure, en soi, reste à prouver. ne s’attaquera pas aux problèmes les plus graves. Les pratiques de gestion visiblement mau- Les interventions des gouvernements doivent vaises observées dans les entreprises africaines se concentrer sur les biens publics, ces éléments suggèrent qu’il reste beaucoup à faire pour qui favoriseront l’augmentation de la producti- améliorer la productivité en investissant dans vité dans les activités économiques des ménages la formation aux compétences commerciales et et des entreprises. Des actions spécifiques de gestion, et peut-être même dans l’offre de peuvent lever les contraintes les plus impor- conseils en gestion personnalisés. Les résultats tantes à court terme, telles que l’amélioration d’évaluations de ces programmes sont mixtes de l’accès des entreprises familiales et des entre- mais prometteuses, et les gouvernements prises modernes aux financements, l’améliora- devraient envisager de les tester et les améliorer tion de l’accès des jeunes à la propriété foncière à travers un pilotage prudent. et à la technologie pour accroître les revenus dans l’agriculture, la construction d’infrastruc- tures de base permettant à toutes les entreprises Instaurer une politique efficace d’être plus productives, et l’ouverture de l’accès d’emploi des jeunes aux marchés régionaux pour permettre aux entreprises d’élargir la portée de leurs produits. Le défi de l’emploi des jeunes en Afrique ne Le Tableau A.1 résume les actions prioritaires. peut pas être abordé à travers des solutions Il est également urgent d’entreprendre simples. C’est le reflet des défis et des oppor- d’autres actions visant à s’attaquer aux L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 25 contraintes mais qui n’auront des retombées des affaires nécessitera un effort soutenu, et il positives qu’à moyen terme. Par exemple, il faudra peut-être du temps pour que les inves- faudra du temps pour que les améliorations tisseurs réagissent. Mais les décideurs doivent urgentes à apporter à l’enseignement de base, être à la hauteur de ces défis urgents. Si l’on élément fondateur au développement de toutes n’agit pas immédiatement, les cohortes futures les autres compétences, se traduisent par l’ac- de jeunes n’auront peut-être jamais suffisam- croissement de la productivité et l’amélioration ment de trajectoires ouvertes vers un travail de l’emploi des jeunes. La réforme du climat productif. Tableau A.1  Actions prioritaires à entreprendre maintenant pour s’attaquer au défi de l’emploi des jeunes Actions requises maintenant pour Actions requises maintenant pour Domaine d’intervention affecter la cohorte actuelle de jeunes affecter les futures cohortes de jeunes Agriculture   1. Promouvoir les marchés de location de terres   1. Instaurer des systèmes efficaces de transactions et d’enregistrement foncier   2. Piloter des programmes de transfert intergénérationnel de terres   2. Passer à l’échelle les programmes de transfert intergénérationnel   3. Appuyer les services de vulgarisation agricole de qualité liés à la de terres demande (couvrant l’information et les compétences)   3. Intégrer les jeunes dans des interventions innovantes destinées   4. Lier le crédit agricole aux services de vulgarisation agricole à améliorer la productivité (organisation de producteurs, développement de l’élevage, irrigation et autres)   4. Développer les compétences à travers des améliorations rapides des systèmes éducatifs dans les zones rurales Agriculture et entreprises   5. Promouvoir les associations villageoises d’épargne et de crédit et familiales les groupes d’entraide   6. Promouvoir l’inclusion financière pour les ménages   7. Utiliser les programmes de filets sociaux comme un vecteur de mise en œuvre d’interventions destinées aux jeunes défavorisés Entreprises familiales   8. Développer une stratégie nationale visant l’expansion et la   5. Développer les compétences fondamentales à travers des productivité, en tenant compte de l’avis des jeunes et des améliorations rapides des systèmes éducatifs propriétaires d’entreprises familiales   6. Répondre aux besoins en infrastructures des entreprises familiales   9. Assurer aux entreprises familiales l’accès à un espace de travail et dans la planification du développement urbain aux infrastructures à travers l’amélioration de la politique urbaine 10. S’appuyer sur des organisations non gouvernementales pour réaliser des interventions intégrées qui aident les jeunes défavorisés à se lancer dans le secteur en s’attaquant à des multiples contraintes (par ex. développer conjointement un ensemble de compétences ; ou développer des compétences tout en assurant un accès aux financements) salarié Secteur de l’emploi ­ 11. Réduire le coût des services d’infrastructures en assurant la qualité   7. Augmenter la quantité des services d’infrastructure moderne et l’efficience   8. Élargir les marchés régionaux des produits 12. S’attaquer aux goulots d’étranglement dans la logistique   9. Développer les compétences fondamentales à travers des 13. Réduire la corruption et le coût de démarrage d’entreprise améliorations rapides des systèmes éducatifs 14. Réformer l’enseignement et la formation techniques et 10. Améliorer l’accès au crédit à travers la réforme du secteur professionnels et instaurer des partenariats public-privé pour offrir financier des formations liées à la demande Mesures transversales 15. Augmenter la sensibilisation sur les possibilités et voies d’insertion 11. Promouvoir le développement de la petite enfance et la nutrition vers les activités indépendantes, surtout pour les jeunes femmes pour établir une base plus solide pour l’acquisition ultérieure des compétences 16. Envisager l’éducation de la deuxième chance pour les compétences de base 12. Développer les compétences comportementales (envisager des réformes au sein du système éducatif) 13. Réduire les taux de fécondité pour réduire la taille des cohortes futures de jeunes (à travers l’amélioration de l’éducation des filles, l’amélioration de la santé maternelle et infantile, l’amélioration de l’accès à la planification familiale) 14. Collecter de meilleures données sur l’emploi, et développer des analyses plus solides sur les contraintes, les priorités et les opportunités des pays en matière d’emploi 26 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Ces priorités ne constituent, bien entendu, Notes qu’un guide général. S’attaquer au défi dans un   1. Les entreprises familiales sont pour la plupart pays donné nécessitera une analyse spécifique composées de travailleurs indépendants (cf. au pays. Le cadre d’analyse proposé dans le pré- Encadré A.5). sent rapport, le diagnostic général qu’il pose,   2. Défini comme le fait de n’avoir aucun emploi pendant au moins sept jours et d’être active- ainsi que les données et résultats qu’il rassemble ment à la recherche d’emploi (OIT 1982). pour illustrer les approches réussies ou promet-  3. Les entreprises familiales sont définies dans teuses, fournissent la base d’une telle analyse et l’Encadré A.5. indiquent les orientations politiques à suivre.   4. Les élèves du niveau 2 au Botswana et ceux du Mais une analyse spécifique au pays est néces- niveau 9 en Afrique du Sud ont subi des tests saire pour s’attaquer aux problèmes locaux qui ce qui correspond à neuf années de scolarité; entourent des questions importantes : qu’est- au Ghana les élèves du Form 2 des Junior High ce qui freine l’augmentation des revenus dans School ont été testés, ce qui correspond à huit l’agriculture, les entreprises familiales et le sec- années de scolarité. teur de l’emploi salarié moderne ? Pourquoi  5. Une approche similaire a été utilisée en est-ce difficile pour les jeunes de démarrer des Mongolie. entreprises familiales et d’y effectuer un travail productif ? Pourquoi les investissements pri- Références Ayalew Ali, , Klaus Deininger, et Markus P. 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