Transport en Afrique Note technique Note technique Février 1998 Développer les transports en Afrique : Un secteur en pleine mutation par Peter Watson Le défi Mettre en place des infrastructures bien conçues et efficaces est à la base de tous les efforts entrepris pour enrayer la pauvreté. Le commerce, moteur de la croissance économique, nécessite pour prospérer des infrastructures de La présente note a été préparée à la transportsfiablesetperformantesdanslamesureoùellesfacilitentlaproduction demande de la Commission et les échanges, permettent aux agriculteurs de produire et d'apporter leurs européenne et a été publiée dans la revue Le Courrier No169, une récoltes sur les marchés et favorisent les investissements privés. Des infrastruc- publication bimestrielle de lUnion tures de transport en mauvais état entravent le développement de l'Afrique et européenne consacrée aux pays de lACP. sont facteur de pauvreté. M. Peter Watson est Directeur du secteur infrastructure de la Région La vision Afrique à la Banque mondiale. Si les transports sont si peu performants en Afrique, c'est essentiellement parce L'objectif de cette série de notes techniques est de faire partager les qu'il n'existe pas d'incitations institutionnelles destinées à améliorer les infra- idées transmises dans les études structures et les services de transport. Si l'on veut que ces services soient adaptés du programme SSATP ou celles qui y ont trait. Les opinions exprimées à la demande, il faut encourager la concurrence et la participation des usagers dans la présente note n'engagent tout en promouvant un système de gestion basé sur des principes commerciaux. que son auteur et ne sauraient en aucune manière être attribuées au Instaurer une nouvelle culture en matière de développement des infrastructures groupe de la Banque mondiale. des transports enAfrique devient donc indispensable. Pour ce faire, les pouvoirs Pour de plus amples informations, publics doivent développer une nouvelle perception de leur rôle en matière de prière de contacter Julie Wagshal à prestations de services. Par expérience, on s'aperçoit que l'existence la région Afrique de la Banque mondiale, Washington. Adresse sur d'infrastructures est un préalable indispensable à l'apport massif de capitaux Internet : jwagshal@worldbank.org. privés, qui font cruellement défaut en Afrique. C'est pourquoi, même si le secteurpublics'avèrecapabledegéreravecefficacitélesinfrastructuresdetrans- port,lesecteurprivéseradeplusenplussollicitépourenassurerlefinancement. Les mentalités ne changeront réellement que si l'on reconnaît l'importance du secteur privé en matière d'infrastructure des transports. Transférer les responsabilités en matière de fourniture des infrastructures de transport implique qu'il faille repenser la nature du partenariat public-privé ainsi que le rapport entre les autorités centrales et les collectivités locales. Il serait Programme de politiques de transport en Afrique subsaharienne (SSATP) CEA et la Banque mondiale 2 Les investissements dans les infrastructures de transports Extrait d'une allocution adressée à la Commission sontexposésàdesrisquespolitiquesetnotammentceluide économique des Nations Unies pour l'Afrique par M. James D. Wolfensohn, Président de la Banque mondiale voir un gouvernement renoncer à ses engagements en (Addis-Abeba, le 27 janvier 1998) matière de réglementation. La mise en place d'un cadre Que voyons-nous lorsque nous portons notre regard sur législatif adéquat, spécifiant clairement les règles et l'Afrique ? Nous voyons un continent laissé pour compte. Sur procédures applicables, renforcera la confiance des milieux les quelque 300 milliards de dollars de capital étranger investis d'affaires. Ce cadre devrait également faciliter la dans le monde, à peine 12 milliards sont allés en Afrique subsaharienne dont 2,6 milliards représentaient des mobilisation de ressources financières locales en investissements directs - somme dérisoire comparée à la taille introduisant des mécanismes de réduction des risques. et au potentiel du continent. Personne cependant ne peut ig- norer les faits. Ce n'est pas seulement parce que le secteur privé souffre de myopie que moins d'un pour cent des De nouvelles formes de partenariats public-privé investissements directs vont en Afrique. Le continent doit d'abord se donner les moyens d'attirer les investisseurs privés en créant un environnement réglementaire transparent et un Al'heure où, dans le monde entier, des pays parviennent à système juridique opérationnel, en assurant la sécurité des attirer de plus en plus de capitaux étrangers destinés au investissements et de la fiscalité ; au niveau national, il importe développement des infrastructures, l'Afrique, elle, reste à que les États renforcent leurs capacités et attachent de l'importance aux services de santé et aux infrastructures la traîne. Parce que la privatisation des infrastructures de la appropriées. Cela veut dire également qu'il leur faut lutter région n'en est qu'à ses balbutiements, il importe de contre la corruption. Sans toutes ces mesures, les investisseurs comprendre précisément comment le secteur privé peut privés refuseront tout simplement de s'engager. contribuer à la création d'infrastructures et de définir s'il existe un besoin réel ou potentiel de développer un partenariat public-privé qui soit constructif. Le dialogue intéressant, par exemple, de tisser des liens à des niveaux engagé entre la Banque mondiale et les gouvernements est multiples entre des entreprises privées et des institutions à la mesure de l'importance accordée à cette question, financières et publiques, qui toutes feront appel aux ser- notamment pour ce qui est des contraintes liées au régime vices d'experts nationaux et internationaux. Si les fiscal. Les expériences acquises de par le monde montrent partenariats les plus visibles continueront de réunir les que les investisseurs sont extrêmement précautionneux pouvoirs publics et les grands partenaires étrangers, il dans le choix des marchés et exigent un certain nombre de importe que les petites et moyennes entreprises participent conditions préliminaires qui, pour ainsi dire, n'existent pas également à la construction des infrastructures de trans- encore en Afrique. port et soient des acteurs économiques à part entière. Dans La plupart des marchés africains sont encore trop la plupart des cas, il faut varier les solutions apportées à la restreints pour attirer les capitaux privés. Ce manque mise en place d'infrastructures de transport en milieu rural d'intérêt s'explique surtout par le faible revenu par habi- et faire appel à la participation des autorités locales dans tant associé à un faible taux de croissance qui, leur gestion et leur financement. La création d'un climat de vraisemblablement ne se traduira pas par une hausse sen- confiance mutuelle entre tous les partenaires qu'ils soient sible du pouvoir d'achat dans les années à venir. Outre la publics ou privés, étrangers ou nationaux, appartenant au taille modeste des marchés, il faut également dire que pouvoir central ou local, est essentielle si l'on veut que cette l'intégration de la région à l'économie mondiale est encore coopération débouche sur des produits et des services de toute récente et les expériences rencontrées, surtout enAsie qualité. et en Amérique latine, ont montré combien les économies Engager le secteur privé dans la gestion et le financement doivent s'intégrer pour pouvoir attirer le plus de capitaux des infrastructures de transports en Afrique n'est pas un possibles. Les infrastructures de transports peuvent jouer projet classique de développement du secteur privé. Cela un rôle déterminant dans le développement du commerce exige que l'on accorde un soin tout particulier à des ques- régional, la croissance économique et le recul de la tions qui se rapportent aux échanges et aux liens pauvreté. qu'entretiennent les secteurs public et privé dans la région. 3 Coopération régionale dans le corridor de Maputo Le développement du corridor de Maputo est une initiative que l'Afrique du Sud et le Mozambique ont entreprise conjointement avec le plein appui de la SADC. L'objectif de cette initiative était de moderniser ce corridor de transports, de permettre la création de nouveaux projets de développement dans la zone, d'encourager la participation du secteur privé tant national qu'international et d'attirer les capitaux privés. Les principales composantes de ce projet consistaient à : · Construire une route à péage financée par le secteur privé entre Witbank en Afrique du Sud et le port de Maputo. L'ensemble du projet coûtait 320 millions de dollars. · Améliorer la gestion et les opérations portuaires de Maputo et du réseau ferroviaire de l'Afrique du Sud, du Swaziland et du Zimbabwe par l'entremise de concessions privées financées par l'IDA. · Construire, avec la participation de la SFI, une fonderie d'aluminium à proximité du port de Maputo capable d'exporter 245 000 tonnes en lingots. Le coût du projet s'élevait à 1,4 milliard de dollars. · Exploiter la nappe de gaz de Pande, conduire un gazoduc jusqu'à Maputo et bâtir une aciérie produisant 3,4 millions de tonnes de fer/acier par an, pour un coût total de 2,4 milliards de dollars. · Créer une connexion avec le réseau sud-africain de distribution d'électricité pour alimenter la fonderie et l'aciérie et pour satisfaire les besoins d'une région en pleine croissance. · Mettre en oeuvre le Projet de zones protégées transfrontières dont l'objet est de promouvoir le tourisme et la préservation de la nature au Mozambique. Une concession de 230 000 ha a été octroyée en vue de développer l'écotourisme au sud de Maputo (un investissement qui, selon les premières estimations, représenterait près de 800 millions de dollars). Le Développement du corridor de Maputo a reçu l'appui sans réserve des deux pays et de l'ensemble de la sous-région. Cette initia- tive - en particulier la composante transports - cadre parfaitement avec la SAP (Stratégie d'assistance au pays) établie par la Banque mondiale pour le Mozambique et la stratégie élaborée pour l'Afrique du Sud. Cette entreprise offre également une formule de partenariat public-privé particulièrement attractive, le secteur privé étant à l'origine de la plupart des investissements. Cet exemple montre qu'il est possible d'élargir l'intégration politique et économique entre pays qui accusent de profondes différences. Les membres de la SADC aimeraient que la Banque axe ses travaux sur des questions d'ordre régional. S'il est vrai que la Banque a joué un rôle similaire dans le passé, il lui faut dorénavant dépasser la problématique orientée sur des pays isolés et se porter sur des questions et problèmes appréhendés à l'échelle régionale. Le Groupe de la Banque mobilise toute la gamme de ses produits dans la mise en oeuvre de cette initiative (IDA, BIRD, SFI, AMGI, FEM). En éliminant les obstacles à la participation du secteur pas le cas en Afrique où ils sont encore l'exception. Les privé dans le domaine des infrastructures des transports, gouvernements ne réussiront à attirer ces cofinancements on améliore par là même les cadres juridiques et que s'ils sont résolus à mettre en place des mesures sous réglementaires qui restreignent leur privatisation. On se forme de concessions ou de mécanismes de garanties et à rend de plus en plus compte qu'il importe au plus haut instaurer un climat favorable aux entreprises. La Banque, point d'instaurer des organes publics de soutien et de créer de son côté, soucieuse d'améliorer ses services, recherche un environnement réglementaire sain pour assurer le bon des moyens de fournir et de piloter des services hors prêt fonctionnement des entreprises publiques. On s'intéresse pour aider ses clients à identifier et à négocier des projets de plus en plus au rôle crucial que jouent ces institutions de cofinancement avec des organismes de financement dans un système d'économie de marché et à la nécessité de privés. renforcer leur capacité de contrôle. Le cofinancement prend toute son importance à l'heure Une nouvelle perception de la décentralisation où les ressources réservées à l'aide à l'étranger se compriment.Aider un pays bénéficiaire à formuler un plan L'expérience montre que les programmes de financement durable et capable d'identifier de gouvernementaux marchent mieux si les pouvoirs publics potentiels cofinancements est une activité qui prend de sollicitent la participation des usagers potentiels et font plus en plus d'importance au sein de la Banque mondiale. appel aux collectivités locales riches en ressources Si le cofinancement de projets de développement prend humaines. Cette approche non seulement permet à ces rapidement de l'ampleur dans certaines régions, tel n'est programmes de se développer harmonieusement et leur 4 assure une plus grande pérennité mais offre l'occasion aux néanmoins dans des stratégies d'assistance au pays (SAP) gouvernements d'être mieux informés. élaborées avec les parties prenantes et qui mettent l'accent La décentralisation est un processus pluridimensionnel sur la restructuration des entreprises, la participation du où les progrès et les échecs alternent. Les initiatives visant secteur privé et sur la nécessité de réformer le cadre à décentraliser le processus décisionnel en Afrique réglementaire. Au niveau régional, le Programme de s'articuleautourdetroisgrandsaxes:politique,budgétaire politiques de transport en Afrique subsaharienne (SSATP), et institutionnel. Trois domaines dont l'importance n'est une initiative dont la Banque mondiale est le principal plus contestable mais qui nécessitent une analyse partenaire, vise à rendre le secteur des transports plus rigoureuse en raison de la complexité de leur structure et performant en encourageant la réforme des politiques et de leur relation interne. Les institutions décentralisées du cadre institutionnel. Ce programme est le fruit d'une devront renforcer les capacités financières et intense collaboration dont l'objet est d'encourager les administratives des collectivités locales - ou faire appel à réformes, les échanges d'expérience et de stimuler le des commanditaires - pour couvrir les coûts renforcement des capacités. d'implantation des biens et des services publics en milieu Le Groupe de la Banque qui évolue selon les besoins et rural. Les ressources financières proviennent de trois direc- les orientations des pays bénéficiaires s'emploie à produire tions : leurs propres ressources, les transferts budgétaires des outils adaptés à leurs besoins. Ce Groupe -- composé sous forme de dotations et les ressources extérieures (prêts de la BIRD, de l'IDA, de la SFI et de l'AMGI - met en oeuvre et dons). En ce qui concerne le secteur routier, la Banque les instruments les plus variés pour soutenir des procède à l'estimation des besoins d'entretien routier et fait programmes et des projets de transport prometteurs : en sorte qu'ils soient financés. Il faudrait trouver une études économiques et sectorielles, revues des dépenses approche similaire pour les infrastructures municipales et publiques, assistance technique, opérations d'ajustement, villageoises puisqu'il est peu probable que les ressources garanties en vue de réduire les risques non commerciaux, financières locales soient suffisantes pour satisfaire les participation au capital et activités de promotion. besoins. Est-il besoin de dire que ces outils ne sont, en définitive, Dans la mesure où les collectivités territoriales ont la que des moyens de parvenir à une seule fin -- améliorer le possibilité de trouver des ressources financières sous forme bien-être de tous ... de recettes fiscales et d'emprunts, il conviendrait de mettre en place un système approprié où des critères d'efficacité et d'équité seraient au coeur des objectifs à atteindre. Le rôle de la Banque mondiale Au niveau national, l'aide apportée par la Banque mondiale dans le secteur des transports se traduit essentiellement par des programmes de prêts IDAdestinés au développement durable des infrastructures physiques -- notamment dans le domaine routier, mais aussi ferroviaire et portuaire. Cette aide se fait de plus en plus avec la coopération d'autres bailleurs de fonds et prend la forme de programmes d'investissements sectoriels pluriannuels (SIP). Les projets de transports s'inscrivent