81748 L’INCLUSION SOCIALE Nécessaire fondation pour une prospérité partagée Vue d’ensemble %DQTXHPRQGLDOH © 2013 Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement / La Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone: 202-473-1000; Internet: www.worldbank.org Certains droits réservés Ce document est l’œuvre des services de la Banque mondiale en collaboration avec des contributeurs externes. Il doit être noté que la Banque mondiale n’est pas nécessairement propriétaire de chacun des éléments contenus dans ce document. La Banque mondiale ne peut donc pas garantir que l’utilisation du contenu de ce document n’enfreindra pas les droits de certaines tierces parties. Le risque d’un recours éventuel suite à une infraction de ce type vous incombe entièrement. Les résultats, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne traduisent pas nécessairement les opinions de la Banque mondiale, de ses Administrateurs ou des pays qu’ils représentent. 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Faces Blue, n.d. Programme d’art de la Banque mondiale PN 646338 iii Photo: Arne Hoel / Banque mondiale iv Dans tous les pays, certains groupes—qu’il s’agisse de migrants irréguliers, de populations au- tochtones ou autres minorités—sont confrontés à des barrières qui les empêchent de participer pleinement à la vie politique, économique et sociale de leurs pays. Ces groupes sont marqués par des stéréotypes, des stigmates et des superstitions. Ils vivent souvent dans l’insécurité. Et ces désa- vantages ne les empêchent pas seulement de tirer parti des possibilités d’avoir une vie meilleure, mais les privent aussi de leur dignité. Dans de nombreux pays, les populations exclues se sont organisées pour corriger les injustices sub- ies toute une vie durant. Ces citoyens nouvellement actifs comprennent les victimes de violence qui réclament que justice soit faite ou des membres de classes moyennes de plus en plus nombreuses, revendiquant leur plus grande participation aux processus politiques de leurs pays. Ils arrivent armés ou simplement en colère, protestant au Brésil ou en Inde et occupant Wall Street ou la place Tahrir. Ensemble, leur indignation atteste une crise de l’inclusion au niveau planétaire. Au sein du Groupe de la Banque mondiale, nous nous sommes rendu compte que faire face à la néces- sité de l’inclusion sociale s’avérera d’une importance vitale si nous voulons atteindre notre objectif de prospérité partagée pour tous les peuples. Même si des avancées considérables ont été accomplies dans la réduction de la pauvreté extrême, pays après pays, certains groupes demeurent exclus des retombées du développement. Une marée montante ne soulève pas forcément tous les bateaux. Reconnaissant cette situation, le Groupe de haut niveau de personnalités éminentes sur le Pro- gramme de développement des Nations Unies pour l’après-2015, nommé par le Secrétaire Général de l’ONU, a appelé en mai 2013 à penser des objectifs de développement visant les groupes exclus. Il a exhorté le Secrétaire Général à “Ne laisser personne de côté”, ajoutant “Nous devons nous assurer que chacun d’entre nous—indépendamment de l’origine ethnique, du sexe, de la situation géographique, du handicap, de la race ou d’autres critères—bénéficie des droits fondamentaux de l’Homme et des opportunités économiques de base. Inclure les exclus est un défi complexe. Au sein du Groupe de la Banque mondiale, nous procédons au début toujours de la même manière : en interrogeant, triant et en analysant les faits. Le résultat de ce travail est cette étude factuelle sur l’inclusion sociale. C’est la première du genre pour le groupe de la Banque mondiale. Nous estimons qu’elle représente l’une des revues de l’inclusion sociale la plus complète qui soit. Même si les travaux doivent être poursuivis, nos recherches nous permettent d’affirmer avec confiance les quelques fait suivants : Les groupes ostracisés existent dans tous les pays, riches et pauvres, démocratiques ou non. Ils sont souvent cachés des recensements publics, rendus invisibles par leur peur des représailles. Au Vietnam, par exemple, où la réduction de la pauvreté a été impressionnante, les peuples autochtones sont moins susceptibles d’être couverts par les programmes de santé ou de recevoir des vaccina- tions essentielles. Au cours de la récente crise financière, les Afro-Américains étaient deux fois plus susceptibles d’être mis au chômage que leurs concitoyens blancs aux Etats-Unis. En Bolivie, les femmes de la minorité ethnique de langue quechua ont 28 points de pourcentage de probabilité en moins d’achever leurs études secondaires que les hommes boliviens hispanophones. 1 Les groupes exclus sont privés d’opportunités. Les groupes exclus sont nettement moins suscep- tibles de percevoir les bénéfices des investissements dans le domaine du développement. En Ou- ganda, par exemple, où le taux d’accès à l’électricité est faible, près de la moitié des personnes du groupe Buganda interrogées, a indiqué bénéficier de l’électricité, comparé à moins de 5 pour cent des populations Lugbara et Ngakaramajong minoritaires. La même ventilation s’applique à l’accès à l’eau potable. Certains groupes exclusse sont vu refuser des opportunités pendant des centaines d’années, comme les Amérindiens des Etats-Unis. Pauvreté et exclusion ne sont pas synonymes. Dans certaines sociétés, même les riches peuvent être exclus, comme c’est le cas des homosexuels nantis dans certains pays d’Afrique. Les mouve- ments protestataires au Moyen-Orient ont, en partie, été alimentés par les demandes de citoyens appartenant à la classe moyenne revendiquant une plus grande participation à la prise de décision publique et la reddition des comptes de la part des dirigeants politiques. L’exclusion coûte cher. Mesurer le coût de l’exclusion présente des défis méthodologiques, mais les coûts—qu’ils soient sociaux, politiques ou économiques—peuvent d’être considérables. La ségrégation professionnelle peut restreindre la libre circulation des talents et des ressources, en- traînant des pertes de productivité pour une économie toute entière. Selon une étude, l’exclusion de la minorité ethnique des Roms a coûté à la Roumanie 887 millions d’euros en perte de produc- tivité. Les études menées en Bolivie estiment que l’exclusion ethnique réduit la productivité agricole jusqu’à 36 pour cent. Chose bien plus importante, nous avons réuni une multitude de preuves montrant que l’inclusion peut être planifiée et réalisée. L’éducation représente un facteur sans pareil pour stimuler l’inclu- sion. Les chefs religieux et autres champions du changement peuvent aider les groupes exclus à se faire entendre et gagner en confiance. La marche vers une plus grande inclusion, toutefois, n’est pas linéaire. Etendre les droits de peuples opprimés par le passé risque de déclencher une vive réaction au sein des groupes historiquement dominants, qui voient leurs intérêts menacés. Le processus de renforcement de l’inclusion est progressif. Il requiert du temps et un engagement inébranlable. Pour- tant, les avantages qui découlent d’une quête persistante de l’inclusion sont à la fois frappants et nombreux. Des exemples peuvent être observés à travers le monde, du renversement de l’apartheid en Afrique du Sud, à l’interdiction du bandage des pieds en Chine au soutien croissant désormais accordé par la police brésilienne aux victimes de viols. L’exclusion est loin d’être immuable. Il est urgent de résoudre le problème de l’exclusion sociale. Les tensions s’exacerbent dans le monde en raison de changements démographiques, de la migration, de l’envolée des prix des produits al- imentaires et la volatilité de l’économie. Les populations fuyant les guerres et la pauvreté extrême deviennent souvent les groupes les plus exclus des pays hôtes. A l’avenir, par ailleurs, le changement climatique se traduira probablement par des migrations de masse, lorsque les villes et les pays feront face à des sécheresses extrêmes, des tempêtes, des vagues de chaleur et l’élévation du niveau de la mer. Des préjugés durables peuvent aboutir à ce que les groupes exclus soient rendus responsables des tensions sociales croissantes et de la concurrence pour les ressources. Pour aller de l’avant avec sagesse, nous avons besoin d’un programme de recherche clair. Il nous faut de meilleurs outils pour mesurer les coûts de l’exclusion et diagnostiquer ses causes profondes. Photo: Thomas Michael Perry / Banque Mondiale Nous devons aussi développer des analyses pointues des stratégies qui sont le plus susceptibles de renforcer l’inclusion sociale et des mécanismes permettant de jauger quand ces efforts d’inclusion fonctionnent et quand ils n’aboutissent pas. Nous présentons ce rapport dans l’espoir qu’il stimulera la recherche, l’action et un débat plus large sur l’inclusion sociale. Une meilleure compréhension de cette thématique cruciale renforcera les ef- forts qui visent à obtenir de meilleurs résultats pour les pauvres de notre monde et qui contribuent à atteindre nos objectifs partagés d’éliminer l’extrême pauvreté et de réaliser une prospérité partagée par tous les peuples. Jim Yong Kim Président Le Groupe de la Banque mondiale 2 Ce rapport a été préparé par une équipe dirigée par Maitreyi Bordia Ont contribué par leurs commentaires constructifs à différentes Das, Département du Développement Social (Social Development phases du processus d’examen  : Motoko Aizawa, Beatrix Allah- Department—SDV), sous la direction de Rachel Kyte, Vice- Mensah, Kaushik Basu, Tara Beteille, Ana Maria Muñoz Boudet, Franck présidentedu Réseau de Développement Durable (Sustainable Devel- Bousquet, Charles Cormier, Maria Correia, Alberto Coelho Gomes opment Network—SDN) et Cyprian Fisiy, Directeur du Département Costa, Anis Dani, Pyush Dogra, Mariana Felicio, Varun Gauri, Elena du Développement Social (SDV). Glinskaya, Helene Grandvoinnet, Asli Gurkan, Sara Gustafsson, Ber- nard Harborne, Karla Hoff, Naila Kabeer (School of Oriental and African L’équipe principale, était composée de Sabina Espinoza, Gillette Studies, Universitéde Londres), Sarah Keener, Jeni Klugman, Markus Hall, Soumya Kapoor-Mehta, Kamila Kasprzycka, Maria Beatriz Or- Kostner, Paul Kriss, Angela Nyawira Khaminwa, Andrea Liverani, Alexan- lando, Juan Carlos Parra Osorio, Maira Emy Reimão, Lisa Schmidt, dre Marc, Robin Mearns, Bala Menon, Sarah Michael, Ambar Narayan, Sonya Sultan, Emcet Oktay Tas et Ieva Žumbyté. De plus, Sabina Deepa Narayan (conseiller international), Claudia Nassif, Sarah Ned- Espinoza, Soumya Kapoor-Mehta et Emcet Oktay Tas ont fait partie olast, John Newman, Clarence Tsimpo Nkengne, Asta Olesen, Pedro de l’équipe de rédaction principale. Nous souhaitons remercier tout Olinto, Mario Picon, Hans-Otto Sano, Rodrigo Serrano, Ulrich Schmidt, particulièrement Elizabeth Acul, Colum Garrity, Kyung Min In, Nona Jordan Schwartz, Sudhir Shetty, Iain Shuker, Varun Singh, Emmanuel (Anju) Sachdeva, Syed Abdul Salam et Cristy Tumale du SDV pour Skoufias, Rob Swinkels, Sarah Twigg, Paolo Verme, Varalakshmi Ver- leur appui exceptionnel. umu, Chaogang Wang, Gregor Wolf et Michael Woolcock. Des contributions de fond ont été préparées par Taaka Awori (con- La direction du Secteur du développement social a contribué à sultante indépendante), Sabina Espinoza, Patricia Fernandes, Roberto améliorer de nombreuses idées du rapport. Les discussions avec Foa (Université de Harvard), Rasmus Heltberg, Surinder Jodhka (Uni- Junaid Ahmad, Mariana Cavalcanti (Getúlio Vargas Foundation, Rio versité Jawaharlal Nehru, New Delhi), Soumya Kapoor-Mehta, Kamila de Janeiro, Brésil), He Hsiaojun (Centre International de Réduction Kasprzycka, Sadaf Lakhani, Rachel Marcus (consultante indépen- de la Pauvreté en Chine), Ricardo Paes de Barros (Secrétariat des dante), Roberto Miranda (Banque interaméricaine de développement), Affaires stratégiques de la Présidence brésilienne), Dewen Wanget Simon O’Meally, Maria Beatriz Orlando, Juan Carlos Parra Osorio, Xiaoqing Yu ont contribué à la rédaction du document. Les premiers Beata Plonka (consultante indépendante), Graeme Ramshaw (consul- résultats du rapport ont été présentés lors de réunions et de sémi- tant indépendant), Maira Emy Reimão, Audrey Sacks, Lisa Schmidt, naires organisés par l’Organisation de Coopération et de Développe- Hilary Silver (Université Brown), Li Shi (Université Normale de Beijing), ment économiques (OCDE), l’Agence suisse de développement et de Sonya Sultan, Emcet Oktay Tas, Francesco di Villarosa (consultant in- coopération, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la dépendant), Maria Cecilia Villegas, Xiaolin Wang (Centre international science et la culture (UNESCO), le Centre international de réduction de réduction de la pauvreté en Chine), and Ieva Žumbyte. de la pauvreté en Chine, l’Institut d’études sur le travail et la société L’équipe souhaite adresser ses remerciements aux examinateurs et l’Institut de développement d’outremer et les participants ont fait pairs Dan Banik (Université d’Oslo et China Agricultural Univer- des observations précieuses. sity), Francisco Ferreira, Arjan de Haan (Centre de Recherche pour Le rapport s’est appuyé sur une série d’engagements opérationnels le Développement International, Canada), Jesko Hentschel, Andrew et analytiques pris en charge par les bureaux de la Banque mondiale Norton (Overseas Development Institute), Dena Ringoldet Carolyn en Afghanistan, au Brésil, en Chine, au Ghana, en Pologne et en Turk pour leurs commentaires pertinents et leur participation aux Ouganda. Nous exprimons également notre reconnaissance pour le réunions d’examen. Marianne Fay (économiste en chef, SDN), Elis- soutien apporté par le Fonds de dépôt nordique et le Fonds d’affec- abeth Huybens (directeur sectoriel, SDV au moment de la concep- tation spéciale multi-donateurs pour l’analyse de la pauvreté et de tion de ce rapport ; aujourd’hui directeur sectoriel, Développement l’impact social (PSIA-MDTF). social, région Europe et Asie centrale) et Susan Wong (directrice sectorielle, SDV) ont également enrichi le rapport par leurs précieux Enfin, Fionna Douglas, Hendrik Barkeling, Doreen Kibuka-Musoke commentaires et conseils. et Ewa Sobczynska ont fourni des conseils et un soutien précieux. Bruce Ross-Larson a modéré un atelier d’auteurs et Dick Thompson a apporté son soutien éditorial pour l’aperçu. 3 Inclusion sociale • Le processus d’amélioration des conditions de participation des individus et groupes à la société. • Le processus d’amélioration des capacités, des opportunités et de la dignité des personnes désavantagées sur la base de leur identité pour participer à la société. Photo: Yusuf Türker/ Banque mondiale 4 Le Groupe de la Banque mondiale a commencé à se concentrer sur de bien-être économique, mais aussi en termes de partici- l’inclusion sociale en constatant que même au sein des pays, les pation et d’autonomisation de tous les groupes. investissements dans le domaine du développement produisaient Une société inclusive doit être dotée des institutions, struc- des avantages inégaux. D’autres évaluations ont révélé que des tures et processus qui autonomisent les communautés groupes présentant certaines caractéristiques distinctives restaient locales, de sorte qu’elles puissent demander à leurs gouv- systématiquement à l’écart des progrès d’un pays. Ces groupes ernements de rendre des comptes. Elle requiert aussi la comptaient parmi les plus pauvres d’un pays, mais n’étaient pas participation de tous les groupes de la société, y compris systématiquement les plus pauvres. Souvent, mais pas toujours, il ceux qui étaient traditionnellement marginalisés dans les s’agissait de minorités. Ce qui les distinguait des autres étaient processus décisionnels, comme les minorités ethniques et qu’ils appartenaient à des groupes exclus —des populations au- les populations autochtones (Banque mondiale 2013b, 33, tochtones, des nouveaux immigrants, des personnes handicapées, soulignement ajouté). des personnes de couleur de peau différente, des personnes s’ex- primant de manière imparfaite dans la langue officielle. C’étaient L’inclusion sociale est intrinsèquement importante. Mais elle compte des personnes marquées par des stigmates, des stéréotypes et des aussi parce qu’elle est le socle de la prospérité partagée et que l’ex- superstitions. Elles faisaient face à des barrières uniques qui les clusion sociale est simplement trop coûteuse. Ne pas traiter la ques- empêchaient de participer pleinement à la vie politique et économi- tion de l’exclusion de groupes entiers de personnes comporte un coût que de leurs. Elles étaient exclues. substantiel—social, politique et économique. Le Printemps Arabe a peut-être été récemment la réaction la plus coûteuse à l’exclusion L’une des plus grandes initiatives de développement dans le monde d’une jeunesse éduquée, non pas seulement des marchés du travail, arrive à sa fin. L’année 2015 marque le point final pour la réalisation mais aussi et peut-être principalement, de la prise de décision poli- des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). En évalu- tique et de la responsabilisation. Même si la mesure du coût de l’ex- ant la réponse aux OMD et en traçant la voie de la prochaine ère de clusion présente des défis méthodologiques considérables, certains développement, le Groupe de haut niveau de personnalités éminentes efforts ont été déployés en ce sens. Un rapport de la Banque mondi- nommé par le Secrétaire Général des Nations Unies sur le programme ale sur les Roms (une minorité ethnique en Europe) estime les pertes de développement des NU pour l’après-2015 (ONU 2013) en a appelé de productivité annuelles entraînées par leur exclusion. Il suggère que à repenser les objectifs de développement en mettant l’accent sur ces coûts pourraient se chiffrer entre 231 millions€ en Serbie à 887 l’atteinte des groupes exclus. “Ne laisser personne de côté,” a-t-il con- millions d’euros en Roumanie (de Laat 2010). seillé. “Nous devons nous assurer que chacun d’entre nous, indépen- damment de l’origine ethnique, du sexe, de la situation géographique, L’exclusion a aussi des conséquences négatives sur le développe- du handicap, de la race ou d’autres critères, bénéficie des droits fon- ment du capital humain. Par exemple, selon un rapport récent, les damentaux de l’Homme et des opportunités économiques de base.” enfants handicapés sont moins susceptibles de commencer l’école que les enfants sans handicap et leur taux de maintien à l’école est Parallèlement aux développements dans le monde, le Groupe de la également inférieur (OMS et Banque mondiale 2011). De la même Banque mondiale a annoncé poursuivre deux objectifs ambitieux : manière, les femmes qui sont victimes de violence conjugale en Inde mettre fin à la pauvreté extrême et promouvoir une prospérité part- sont moins susceptibles de se voir dispenser des soins prénataux et agée. La notion qui sous-tend ces objectifs est celle de “durabilité.” plus susceptibles d’interrompre leur grossesse ou d’accoucher d’un Une voie durable en termes de développement et de réduction de la enfant mort-né ; leurs enfants, quant à eux, sont plus susceptibles pauvreté est définie comme une voie qui gère les ressources de la de présenter des retards de croissance que les enfants de mères planète pour les générations futures, qui garantit l’inclusion sociale et n’ayant pas été victimes de violences (Banque mondiale 2011a). adopte des politiques responsables sur le plan budgétaire, qui limitent le fardeau de la dette future (Banque mondiale 2013b). Et comme le Ce rapport fournit un cadre de référence pour comprendre et pro- note une publication récente du Groupe de la Banque mondiale: gresser sur la voie de l’inclusion sociale. Il est destiné aux respons- ables politiques, universitaires, activistes et partenaires au dévelop- Une voie durable vers la fin de la pauvreté extrême et la pement, en fait, à tous ceux qui sont curieux de savoir ce que peut promotion de la prospérité partagée impliqueraient aussi la signifier l’inclusion et comment elle peut être abordée dans un création d’une société inclusive, pas seulement en termes monde en proie à de formidables transitions. Même s’il ne fournit 5 Photo: Simone D. McCourtie / Banque mondiale pas de réponses définitives, il propose une définition et un cadre pour aider à faire avancer l’agenda de l’inclusion sociale. Il s’appuie sur des travaux analytiques précédemment réalisés par la Banque sur des thématiques qui ont abordé l’inclusion sociale. Il se base aussi sur la revue de publications dans le domaine, l’analyse de données d’enquêtes, certains nouveaux travaux qualitatifs et l’en- gagement politique dans des pays sélectionnés. Ce rapport est le premier examen exhaustif de l’inclusion réalisé par la Banque. Il est, sans nul doute, incomplet. Nous espérons que ce premier effort stimulera et inspirera d’autres recherches des spé- cialistes en sciences sociales pour approfondir la compréhension des causes, conséquences et remèdes contre l’exclusion. Ce rapport contient sept messages principaux: 1. Les groupes exclus existent dans tous les pays. 2. Les groupes exclus se voient systématiquement refuser des opportunités. 3. Des transitions intenses au niveau mondial conduisent à des transformations sociales qui créent de nouvelles op- portunités d’inclusion sociale et exacerbent, dans le même temps, les formes existantes d’exclusion. 4. Les populations prennent part à la société à travers les marchés, les services et les espaces. 5. Les transformations sociales et économiques affectent les attitudes et perceptions des peuples. Dans la mesure où les personnes agissent sur la base de leur ressenti, il est impor- tant d’accorder de l’attention à leurs attitudes et perceptions. 6. L’exclusion n’est pas immuable. De nombreux éléments démontrent que l’inclusion sociale peut être planifiée et réalisée. 7. Pour progresser, il faudra avoir une connaissance plus vaste et plus profonde de l’exclusion et de ses répercus- Photo: Simone D. McCourtie / Banque mondiale sions et prendre des mesures concertées. 6 Bien qu’il soit généralement admis que l’inclusion sociale est importante, peu de termes sont aussi abstraits et politiques que l’inclusion sociale. Il signifie notoirement beaucoup de choses pour beaucoup de personnes. Même s’il est vrai que le terme est plus politique qu’analytique (Øyen 1997), il est aussi vrai qu’il trouve ses racines dans des modèles de bien-être identifiables et dans des principes de justice sociale et de dignité humaine. 1 Ce rapport propose de définir l’inclusion sociale de deux manières. La première définition est de portée générale, pour orienter les décideurs poli- tiques. Elle affirme que l’inclusion sociale est : Le processus qui consiste à améliorer les conditions de participation des individus et groupes à la société. 2 Une seconde définition, plus précise, prend en Le processus d’amélioration des capacités, des compte la manière dont les termes de l’inclu- sion sociale peuvent être améliorés et pour qui. opportunités et de la dignité des personnes Elle articule l’inclusion sociale comme étant : désavantagées sur la base de leur identité, à participer à la société. Souvent, les gens trouvent plus facile d’expliquer ce qu’est l’exclu- de l’exclusion sociale, qui joue un rôle clé dans la stimulation des cor- sion sociale. Pourtant, l’exclusion sociale est souvent placée dans la rélats de la pauvreté plus facilement observables (manque d’instruc- même catégorie que les concepts connexes de pauvreté et d’inégal- tion, mauvaise santé et bénéfices limités du marché du travail). Elle ité. L’inclusion sociale peut tout à fait porter sur la réduction de la souligne que la privation découlant de l’exclusion sociale tend à se pauvreté—mais elle va souvent au-delà et, dans certains cas, elle produire simultanément sur plusieurs axes, de sorte que les politiques ne la concerne pas du tout. Prenons le cas d’un homosexuel vivant qui libèrent juste l’un de ces axes de privation, comme par exemple, dans un quartier huppé de l’un des nombreux pays d’Afrique. Il n’est l’accès amélioré à l’éducation, ne cèderont pas sur les autres. Elle pas pauvre certes, mais certainement exclu et risque même la mort lève le rideau sur les systèmes de normes et de croyances qui sous- dans certains pays. L’exclusion peut se recouper avec la pauvreté, tendent cette exclusion à multiples facettes, qui peuvent être des découlant d’un ensemble de désavantages multiples et interdépen- normes déclarées, comme l’apartheid en Afrique du Sud ou le résultat dants qui conduisent à la privation à la fois économique et sociale de systèmes de croyances tangibles transmis à travers l’histoire. (Silver n.d.). Pour élaborer des politiques inclusives efficaces, il est essentiel de comprendre que “les pauvres” ne sont pas une masse L’inclusion sociale n’est pas non plus synonyme d’égalité. Le terme homogène, mais qu’ils sont plutôt différentiés sur la base de leur d’inclusion sociale peut contribuer à la notion d’égalité, mais il peut profession, appartenance ethnique, lieu de résidence ou race. surtout expliquer pourquoi certaines inégalités existent ou pourquoi certaines sont particulièrement durables (Tilly 1999). Il existe de L’inclusion sociale porte l’analyse de la pauvreté au-delà de l’identifi- multiples moyens de participation et d’inclusion plus importante, cation des corrélats pour en découvrir les causes sous-jacentes. Elle même si les individus ne disposent pas de ressources égales. Dans pose des questions comme celles de savoir pourquoi certains groupes le même temps, même les personnes tout en haut de l’échelle des sont surreprésentés parmi les pauvres et pourquoi certaines per- revenus peuvent être exclues socialement, par persécution politique sonnes n’ont pas accès à l’éducation, à la santé et autres services ou ou discrimination basée sur l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle ou qu’elles se voient dispenser des services de qualité médiocre. Elle ex- le handicap (Warschauer 2003). L’exclusion peut ainsi être horizon- pose la nature multidimensionnelle de la privation chronique découlant tale, affecter plusieurs membres d’un groupe, qu’ils soient pauvres 7 Photo: Simone D. McCourtie / Banque mondiale ou riches. C’est un processus dont l’inégalité est parfois, mais pas années, plusieurs initiatives significatives de mesures des progrès toujours, le résultat. sociétaux de manière plus exhaustives ont été entreprises, et nom- bre d’entre elles ont intégré des rapports subjectifs du bien-être. Les praticiens du développement, qui considèrent parfois l’inclu- sion sociale comme une idée trop ésotérique, s’interrogent sou- Le test qui consiste à avancer sur la voie de l’inclusion sociale est vent sur la manière de la quantifier. Quand peut-on savoir que l’ex- de passer des mesures à la question de savoir pourquoi certains clusion se produit et quand l’inclusion est-elle réalisée  ? Cette résultats sont obtenus pour certains groupes, afin de se concentrer mesure est effectivement importante pour établir l’ampleur et la sur les moteurs et les processus de ces résultats. Agir de la sorte profondeur de l’exclusion et contrôler les progrès sur la voie de signifie persévérer en posant des questions, ne pas se contenter, l’inclusion. par exemple, de savoir que certains groupes sont surreprésentés chez les pauvres ou que certains enregistrent des résultats encore Des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine de plus mauvais en termes de développement humain, mais plutôt de la mesure du bien-être humain, si ce n’est de l’inclusion sociale, se demander pourquoi cela est le cas. Ceci signifie de dégager un plus directement. En fait, les conceptualisations du progrès sociétal consensus autour des réponses difficiles que ces questions vont in- «basées sur le bonheur» remontent aux écrits de Bentham et Mill. évitablement susciter. Le discours qui en découle est la manière la Mais au fil du temps, l’attention est passée du bonheur à la mesure plus importante dans laquelle l’inclusion sociale peut avoir un sens. de la production réelle (Galbraith 1998; Sen 2000). Ces dernières 8 Les individus et groupes sont exclus ou inclus en fonction de leur identité. Le genre, la race, la caste, l’origine ethnique, la religion et le handicap figurent parmi les identités de groupes les plus courantes qui débouchent sur l’exclusion. L’exclusion sociale basée sur ces Les yeux d’autrui sont nos attributs peut entraîner une diminution du statut social, souvent ac- prisons ; leurs idées sont nos cages compagnée de résultats moindres en termes de revenus, de dota- tions en capital humain, d’accès à l’emploi et aux services et de participation à la prise de décision à la fois au niveau national et —Virginia Woolf, local. Les écarts entre les résultats atteints par les hommes et les “An Unwritten Novel” (1921) femmes dans de nombreux domaines sont bien documentés. Les personnes d’ascendance africaines sont toujours exclues dans de nombreuses cultures. Le système de castes, particulier à l’Inde et au Népal, représente un “type idéal” d’exclusion, complété d’une idéolo- gie et d’une hiérarchie qui a persisté tout au long des millénaires. La religion demeure un sérieux moteur de l’exclusion. De même, les peuples autochtones dans le monde entier restent en butte à l’exclu- sion enracinée, pour une grande partie, dans leur déplacement hors de leurs terres traditionnelles (Hall et Patrinos 2012). 9 Certaines identités qui n’étaient pas identifiées comme sources secondaires de 5 points de pourcentage comparé à un homme his- d’exclusion ou d’inclusion sociale il y a quelques décennies le sont panophone. Si cette femme bolivienne était un homme appartenant à aujourd’hui. Elles incluent l’orientation sexuelle, la nationalité et le la population quechua, la probabilité d’achever le secondaire baisserait VIH/SIDA. La communauté des personnes lesbiennes, gaies, bisex- de 14 points de pourcentage. Si elle était une femme quechua, elle uelles et transgenres (LGBT), par exemple, est visée par l’exclusion baisserait de 28 points de pourcentage. De la même manière, l’inter- dans de nombreuses, si ce n’est la majorité des cultures. Avec les section des caractéristiques sociales et spatiales est un marqueur vagues de migration massive, à la fois dans les pays et au-delà des commun du désavantage. frontières, l’identité des groupes de migrants et des individus a fait l’objet d’une attention toute particulière, notamment dans les pays Les groupes sont hétérogènes et l’exclusion existe donc aussi au développés, qui s’efforcent de trouver des manières d’intégrer les sein des groupes. Les caractéristiques de certains membres du personnes issues de l’immigration. groupe, comme le statut socioéconomique, la place dans le cycle de vie ou les circonstances (comme le veuvage) peuvent aussi conférer Les individus sont membres de différents groupes simultanément et un avantage ou un désavantage. Là où les systèmes de sécurité so- peuvent être exclus en raison de l’une de leurs identités, mais pas ciale sont principalement informels, la plupart des personnes âgées d’une autre. La notion d’ “intersectionnalité” repose sur la compréhen- risquent actuellement d’être mal soignées. De la même manière, sion que les individus sont simultanément situés dans des structures sans action concertée sur la pauvreté, l’emploi et le développement et sphères sociales multiples (figure 1). Cependant, lorsqu’elles se humain, les pays à larges cohortes ne sont pas en mesure de réa- recoupent, les identités peuvent produire une multiplication des avan- liser leur “dividende démographique.” La couleur de la peau peut tages ou désavantages. Par exemple, l’intersection entre le sexe, l’âge, également compter ; les individus de la même race ou appartenance l’origine ethnique et le lieu de résidence peut avoir des effets nette- ethnique (en fait, même au sein de la même famille) qui ont une ment plus négatifs que les seuls effets du sexe. Prenons le cas de peau plus claire semblent obtenir de meilleurs résultats, allant des la Bolivie, qui enregistre des niveaux élevés de scolarisation dans les possibilités de se marier (surtout pour les femmes) à l’emploi (Villar- établissements secondaires. La Figure 2 montre qu’être une femme real 2010; Hersch 2008; Jha et Adelman 2009). hispanophone en Bolivie réduit la probabilité d’achever ses études Figure 1: Les personnes ont des identités multiples, Figure 2: L’Intersection des identités transfère qui se recoupent le désavantage cumulatif : achèvement du cycle secondaire en Bolivie –5% –14% –28% Sexe Religion Points de Pourcentage Invalidité Orientation sexuelle Appartenance ethnique Un Bolivien Une Bolivienne Un Bolivien Une Bolivienne Situation hispanophone hispanophone parlant Quechua parlant Quechua professionnelle Lieu Source: Banque mondiale, sur la base de données du Minnesota Population Center 2011 et de l’Institut National de la Statistique bolivien, 2001. Note: La figure montre les effets marginaux de l’achèvement du cycle secondaire, en utilisant des hommes et l’espagnol comme langue Note: La figure donne des exemples illustrant les types d’identité. La taille maternelle et comme groupe de référence, des individus de 25 ans et plus, de chaque bulle dénote l’importance d’une identité, qui peut varier d’un avec neutralisation de l’effet de l’âge, âge au carré et résidence urbaine/ individu ou groupe à l’autre et même pour un individu au fil du temps. rurale. Toutes les valeurs sont significatives au niveau de 1 pour cent. 10 L’exclusion intervient à la fois au travers de pratiques et proces- comme étant des faits. Les stéréotypes des Roms“fainéants” ou sus matériels et immatériels. Bien que cela soit plus évident dans des femmes faiblement impliquées sur le marché du travail sont si les différences dans les résultats « matériels », elle est enracinée internalisés par la majorité qu’ils sont souvent considérés comme dans des normes et croyances immatérielles qui, à leur tour, con- des truismes, même s’ils ne sont pas corroborés par des données duisent à des stéréotypes, préjugés et stigmates. Ces propriétés sur la participation sur le marché du travail (de Laat 2010). Parfois, matérielles sont construites socialement et déployées par celui qui les mots qui décrivent certaines pratiques en disent beaucoup sur exclut et celui qui est exclu. Par exemple, les stéréotypes sur les l’acceptation sociale de l’exclusion. Exemple : le terme ‘eve teasing’ groupes peuvent être si profondément enracinés dans le marché du (attouchement dans les foules) est utilisé en Asie du Sud comme travail que les recruteurs ou pairs ne se rendent même pas compte un euphémisme désinvolte pour désigner le harcèlement sexuel des qu’ils en sont empreints (voir Deshpande et Newman 2007; Loury femmes sur les lieux publics, et le terme et la pratiques sont tous 1999) ou ne les considèrent probablement pas comme tels mais deux traités avec la même indulgence. Ce rapport fournit un ensemble d’interventions à titre d’illustration, en même temps les marchés fonciers et du travail. Dans de nom- mais chaque politique ou programme peut être conçu ou mis en breuses régions du monde, le manque historique d’accès des fem- œuvre dans une optique d’inclusion. mes au foncier a sous-tendu leur manque de droits de la propriété et autres droits exécutoires. L’exclusion de l’accès au foncier touche Les individus et groupes veulent être inclus dans trois domaines in- à la fois les populations rurales et urbaines. Les marchés fonciers terdépendants : les marchés, les services et les espaces (figure 3). urbains ont notoirement été biaisés en faveur des riches et des Les trois domaines représentent à la fois des barrières et des op- puissants  ; les lois qui régissent leur utilisation et leur vente ont portunités pour l’inclusion. Ces trois domaines se recoupent, tout récemment suscité un vaste débat. Une des manifestations de l’ex- comme les dimensions différentes de la vie d’un individu. Intervenir clusion des marchés fonciers urbains et ruraux est l’accès inégal au dans un domaine sans tenir compte des autres est l’une des raisons logement, accompagné d’effets externes négatifs dans d’autres do- les plus importantes du succès limité des politiques et programmes maines. Côté inclusion, la propriété foncière, peut conférer un statut en matière d’inclusion. et une sécurité (voir Deininger et Feder 1998; Carter 2000). A l’instar des marchés fonciers, les marchés du travail sont des sites stratégiques pour le jeu des relations sociales. Ils reflètent les Marchés inégalités existantes et historiques dans une société et sont liés à la stratification sociale (voir Polanyi 1944). Dans leurs interactions quotidiennes, les individus s’engagent dans la société à travers quatre principaux marchés—foncier, logement, Par exemple, l’esclavage était fondamentalement une répartition travail et crédit—qui se recoupent tous au niveau individuel et du professionnelle des tâches, avec les esclaves travaillant dans les ménage. Le foncier, par exemple, a été un moteur historique de fermes et les plantations. De la même manière, les castes sont un l’exclusion. Les racines de l’exclusion des populations indigènes système de ségrégation professionnelle qui est devenu une forme de dans le monde entier, par exemple, résident, en grande partie, dans stratification sociale excluant systématiquement certains groupes. l’appropriation de leurs terres par leurs colonisateurs ou d’autres groupes non autochtones. De profonds bouleversements sociaux La disparité des résultats sur le marché du travail est le plus claire- ont été causés par l’inégalité des relations agraires, qui chevauchent ment démontrée par l’écart dans les revenus des groupes favorisés et 11 Figure 3: Propulser l’inclusion sociale : un cadre car la liberté rompt les liens avec les anciens “employeurs,” qui sont aussi les “parrains” qui, mis à part les emplois qu’ils fournissent sont aussi les pourvoyeurs de logement, de protection et de trans- ferts en nature (Banque mondiale 2011b). La tendance mondiale vers “l’inclusion financière” peut manifeste- ment porter sur la pénétration des instruments financiers sur des marchés inexploités, mais elle concerne aussi l’inclusion sociale. Marchés L’assistance sociale et les salaires, même pour les travailleurs non Terres Services qualifiés, sont de plus en plus canalisés à travers les banques et Logement Protection sociale Travail Information autres formes de mécanismes de paiement formels. Dans ces cir- Crédit Electricité constances, le manque d’accès aux systèmes financiers devient un Transport axe d’exclusion important. Les services financiers sont, par ailleurs, Education Santé de plus en plus liés à l’accès à la technologie numérique, comme les Eau cartes à puces et les guichets automatiques, susceptible de créer une Espaces couche supplémentaire d’exclusion pour les individus et groupes qui Politique ne sont pas instruits ou déjà autrement défavorisés. Seuls 15 pour Physique cent des adultes dans des pays fragiles ou touchés par des conflits dé- Culturel tiennent des comptes en banque (Demirgüç-Kunt, Klapper et Randall Social 2013). Sur les marchés financiers plus développés, aussi, de grands chocs économiques et le manque d’accès au crédit peuvent nuire de manière disproportionnée aux minorités, comme il ressort de la crise hypothécaire américaine au cours de laquelle les Afro-Américains et Latinos ont été touchés de manière disproportionnée par rapport à leur part de prêts hypothécaires (Bocian, Liet Ernst 2010). Capacités Opportunités Dignité Services L’accès aux services est essentiel pour améliorer l’inclusion sociale. Les services de santé et d’éducation renforcent le capital humain. Les services de protection sociale protègent les groupes vulnérables des effets des chocs et favorisent leur bien-être. Les services de transport renforcent la mobilité et relient les individus aux opportunités. L’eau et l’assainissement sont essentiels pour une bonne santé. L’accès à l’énergie est important pour les moyens de subsistance et le capital des groupes exclus. Dans une étude portant sur 18 pays d’Amérique humain. Et les services de l’information améliorent la connectivité et Latine, Topo, Atal et Wilder (2010) ont constaté des écarts de salaires permettent aux individus de participer à la “nouvelle économie.”” considérables liés au genre et à l’appartenance ethnique entre les Dans l’ensemble, les groupes subordonnés ont généralement moins populations indigènes et non indigènes. La ségrégation profession- accès aux services de base. Dans les zones rurales en République nelle par race, appartenance ethnique et genre est omniprésente et démocratique populaire lao, par exemple, les estimations suggèrent contribue à l’exclusion de certains groupes des emplois privilégiés. qu’une proportion plus élevée de femmes de la communauté exclue Les marchés fonciers et du travail sont étroitement liés aux marchés (non lao-thaï) n’a jamais fréquenté les bancs de l’école (34 pour cent du crédit, surtout dans les sociétés en développement. La forme la comparé à 6 pour cent des femmes non lao-thaï). Les hommes du plus extrême de combinaison de ces trois types de marchés est le groupe exclu sont en meilleure posture que les femmes, mais sys- travail forcé, qui persiste dans de nombreux pays. Au Népal, par ex- tématiquement en moins posture que le groupe majoritaire : 17 pour emple, dans le contexte des systèmes Kama ¯lia et Hausa/Charuwa, cent des hommes non lao-thaï n’ont jamais fréquenté l’école com- les familles endettées, venant souvent de castes historiquement paré à 4 pour cent des hommes lao-thaï. Les disparités sont égale- désavantagées, se donnent en gage, elles ou leurs enfants, car elles ment visibles dans l’accès aux services de santé. Au Vietnam, où ne peuvent pas payer les dettes qu’elles ont contractées auprès de la réduction de la pauvreté a été impressionnante, les populations prêteurs, qui sont souvent aussi des propriétaires fonciers. De tels indigènes sont moins susceptibles d’être couvertes par les pro- arrangements de travail impliquent la servitude des travailleurs agri- grammes de santé ou de bénéficier des vaccinations vitales, malgré coles en échange de paiements de salaires anticipés de la part des des améliorations impressionnantes dans l’accès général à la santé propriétaires terriens à des taux bien en-deçà des salaires minimum (Hall et Patrinos 2006, 2012). Selon les données de pays africains, ou en lieu et place de prêts à taux d’intérêt très élevés. Les travail- les groupes ayant comme langues maternelles des langues minor- leurs liés au marché du travail par des mécanismes de travail en itaires accèdent généralement moins aux services comme l’eau et servitude sont rarement en mesure d’épargner suffisamment pour l’électricité. En Ouganda, par exemple, où le taux d’électrification est rembourser leur dette et sont donc effectivement en situation de bas en général, la moitié des personnes de l’ethnie Buganda, inter- servage pour le restant de leur vie. La transition de la servitude pour rogées dans le cadre de l’enquête démographique et de santé de dette à une plus grande liberté du travail est empreinte de risques, 2011 (UBOS et ICF 2012),a indiqué avoir accès à l’électricité, taux 12 Figure 4 : L’accès à l’électricité varie selon les ethnies en Ouganda, 2010 Baganda (Muganda) Munyoro Mutooro Banyankole Munyarwanda Basoga Mugishu Autres Mugwere Mufumbira Bakiga Madi Mukonjo Acholi Ateso Langi Source : Banque mondiale, sur la base Alur de données émanant de l’enquête Lugbara démographique et de santé de 2011 en Ngakaramajong Ouganda (UBOS et ICF 2012). 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Note : le nom des groupes ethniques apparaît Pourcentage de la population ayant accès à l’électricité tel que dans l’enquête. qui tombe à moins de 5 pour cent chez les Lugbara et Ngakaram- sociale et économique (Wilson et Portes 1980; Portes et Jensen ajong (figure 4). Des résultats semblables ressortent des résultats 1989). Ce phénomène a été documenté, pour les Cubains à Miami de l’Afrobaromètre en termes d’insécurité hydrique déclarée par les et autres immigrants, qui contournent la discrimination sur le marché sondés : les Langi, Ateso et Alur font état de la plus haute incidence du travail en consolidant leurs positions dans des groupes d’exclus. en termes d’expérience de l’insécurité hydrique “la plupart ou tout le Toutefois, toutes les stratégies de regroupement ne mènent pas temps”, les Mutooro, Mukiga et Munyankole étant plus susceptibles nécessairement à la mobilité sociale. L’impact pervers du regroupe- de ne jamais faire état d’une telle insécurité. ment est illustré dans les profils de mortalité infantile différentiés au Ghana, où les Ga enregistrent des niveaux de mortalités plus élevés que d’autres groupes ethniques. Weeks et ses collègues (2006) ont observé un lien étroit entre les différences de mortalité infantile (par Espaces groupe ethnique) et le regroupement résidentiel à Accra. Les espaces physiques ont un caractère social, politique et culturel Dans la mesure où l’inclusion sociale concerne aussi fondamentale- qui consolide les systèmes et les processus d’exclusion. L’exemple ment la responsabilisation de l’État vis-à-vis de ses citoyens, il s’agit le plus manifeste de l’exclusion est celui des espaces physiques tout autant de détenir une part équitable dans les marchés et les réservés aux groupes dominants, comme les clubs réservés aux services. Ce ne sont pas seulement les pauvres ou les groupes tradi- Blancs pendant l’apartheid en Afrique du Sud ou l’esclavage aux tionnellement exclus qui revendiquent davantage d’espace politique États-Unis. Selon les ouvrages consultés, une sous-culture créée par et de participation. De plus en plus, des personnes instruites qui se des groupes dominants aux Etats-Unis exclut implicitement les mi- sentent exclues d’une série d’espaces réclament une participation norités, même lorsqu’elles ont les moyens de devenir propriétaires accrue. La pauvreté et le statut de minorité aggravent souvent le de leurs habitations dans leurs quartiers. Les quartiers deviennent non-accès à l’espace politique. De nombreux pays ont assisté à un ainsi “blancs” ou “noirs”; le terme “white flight”(fuite des blancs) est recul du pouvoir de l’État depuis les années 1980, accompagné d’un utilisé pour documenter le départ de familles blanches lorsque des élargissement des possibilités économiques. Pourtant, le pouvoir de personnes de couleur commencent à s’installer dans leurs quartiers. l’Etat continue de sous-tendre de nombreux processus d’exclusion Les quartiers noirs sont souvent considérés comme pauvres, “mau- et d’inclusion et la recherche de rentes devient un important proces- vais” ou dangereux, traduisant un jugement de leur caractère social sus d’exclusion. Par exemple, le pouvoir d’adjuger une concession et économique. De la même manière, il semblerait que les Dalits minière ou la détention de postes qui peuvent influencer l’embauche d’Inde et du Népal soient encore parfois empêchés de pénétrer dans dans le secteur public, offrent de vastes possibilités de consolider des temples et autres espaces physiques considérés comme “purs.” l’espace social, politique et économique. Même si les responsables politiques ne favorisent pas nécessairement ou exclusivement leurs Les groupes exclus peuvent réagir à leur désavantage en récla- groupes ethniques ou culturels, les groupes n’ayant que peu ou prou mant certains espaces. Le regroupement dans certaines zones de représentation politique risquent que leurs intérêts ne soient pas géographiques peut servir d’enclaves d’opportunités pour les exclus pris en compte (Marcus et al. 2013). qui, lorsqu’ils sont exclus du marché principal, se concentrent sur des marchés réservés aux exclus et les utilisent pour la mobilité 13 hautement performant. De plus, elles peuvent internaliser l’exclusion Capacités de telle sorte qu’elles ne se donnent même pas la peine d’essayer Ce rapport utilise les idées de capacités, de chances et de dignité et d’obtenir de meilleurs résultats, connaissant la discrimination dont les applique aux groupes exclus. La capacité, par exemple, est innée font l’objet les membres de leurs groupes. Elmslie et Sedo (1996) chez les individus ; mais lorsqu’elle est mesurée au moyen de tests proposent l’idée de “l’impuissance acquise” pour montrer que des de connaissances, elle n’est pas toujours répartie de manière aléa- événements négatifs, comme un épisode de discrimination, peuvent toire. Plutôt, elle peut être obtenue par médiation sociale. Un enfant provoquer une diminution de la capacité d’apprentissage. L’exclusion qui obtient des résultats médiocres à des tests standardisés à un âge peut, par conséquent, susciter la résignation, à la fois au niveau du précoce peut être affecté par une série de processus d’arrière-plan. groupe qu’au niveau individuel, ce qui diminue le capital humain, lim- Ceux-ci peuvent inclure le fait qu’il est né avec un faible poids de ite l’effort et devient en quelque sorte une prophétie autoréalisatrice. naissance d’une mère très jeune et qu’il n’a peut-être pas été stimulé par ses parents à l’instar de ses camarades vivant dans des circon- stances plus avantagées. Ces désavantages cumulés sont souvent systématiquement répartis par race, appartenance ethnique ou lieu Opportunités de résidence. Les publications sur l’éducation de la petite enfance L’inégalité des chances est l’une des contraintes majeures à la réal- indiquent que le cerveau commence à se développer in utéro et bien isation du potentiel humain. L’indice d’égalité des chances—Human que les cerveaux soient suffisamment élastiques pour compenser les Opportunities Index (HOI) le souligne et concentre l’attention des poli- privations maternelles ou autres privations in utéro, il se peut qu’ils n’y tiques sur des investissements qui égalisent les chances au début du arrivent pas complètement. De plus, lorsque les enfants sont privés cycle de vie. L’hypothèse sous-jacente est qu’un approvisionnement en de stimulants et d’aliments au cours des premiers mois et années de services égalitaire confèrera à tous les individus une chance égale de leur vie, leur développement en est affecté de manière permanente. traduire leurs capacités en bien-être amélioré. La capacité d’un individu est aussi affectée par les personnes qui Accorder toutes les chances n’est pas seulement un défi institu- l’entoure et qu’il considère comme modèles de référence. Borjas tionnel dans de nombreux pays ; le processus d’élargissement des (1992) utilise la notion de “capital ethnique” pour montrer que les opportunités peut, en soi, être un processus d’exclusion, limitant à individus qui appartiennent à des groupes performants ont tendance la fois l’offre et la demande en opportunités. à obtenir des résultats plus performants. Ce rapport soutient que les groupes de référence et les modèles de rôles sont importants Prenons le cas des services de santé dans les régions éloignées où dans la “capacité à aspirer”, pour utiliser une expression d’Appa- vivent des femmes autochtones. L’éloignement de leurs habitations durai. Lorsque les individus appartenant à des groupes défavorisés signifie que leur offrir des services de qualité et de quantité égale voient autour d’eux des personnes peu performantes, ils placent la à ceux auxquels ont accès leurs concitoyennes dans les zones ur- barre nettement plus basque s’ils avaient appartenu à un groupe baines est difficile, à la fois sur le plan budgétaire et institutionnel. 14 Photo: Richard Brice / Banque mondiale L’implantation de centres de santé dépend souvent du poids poli- rôle important dans la réaffectation des chances. Des événements tique des habitants et certaines des populations les plus éloignées catastrophiques et imprévus peuvent aussi survenir, comme des cri- sont le moins bien représentés. Même lorsque les infrastructures ses économiques et des catastrophes naturelles, qui agissent sur la sont disponibles, la qualité peut être inégale en raison du manque réaffectation des chances, avec des impacts inégaux sur des sous- fréquent de personnel médical. Enfin, la demande en infrastructures groupes de la population. Au cours de la récente crise financière aux est aussi “faible” pour toute une série de raisons, y compris le traite- États-Unis, par exemple, la probabilité que les Afro-américains perdent ment indigne et l’humiliation infligées par les prestataires de ser- leur emploi était deux fois plus importante que celle de leurs con- vices, dissuadant les femmes à se rendre dans ces centres. citoyens blancs et il leur a fallu nettement plus longtemps pour en retrouver (Lynch 2012). Au niveau individuel, des événements comme Les opportunités peuvent aussi passer par des besoins spéciaux. des accidents ou décès dans les familles peuvent à jamais modifier Par exemple, certains groupes peuvent avoir besoin de bénéficier l’accès aux possibilités. de mesures correctives pour pouvoir bénéficier des mêmes opportu- nités, en raison de leurs conditions initiales, qui incluent leurs car- actéristiques innées (par exemple, état d’invalidité). Il est estimé que 12 à 16 pour cent de l’ensemble des enfants aux Etats-Unis entrent dans le système scolaire avec une incapacité qui entrave Dignité leur capacité d’apprentissage (AAP 2001). Les enfants handicapés Ce rapport introduit l’idée de dignité dans le lexique du Groupe de la qui bénéficient d’un soutien ciblé en plus de l’école sont plus sus- Banque mondiale. L’idée que la dignité compte pour les individus et ceptibles d’obtenir un diplôme, de décrocher un emploi et de vivre les groupes n’est pas nouvelle dans la théorie du développement. de façon autonome (Shonkoff et Meisels 2000). Pourtant, ces ser- Le terme dignité est mentionné dans plusieurs pactes et chartes vices d’aide sont souvent déficients, reflétant l’exclusion sociale, relatifs aux droits de l’homme. L’idée des capacités d’Amartya Sen économique et politique plus large des personnes handicapées (Yeo englobe la notion de dignité humaine. et Moore 2003). La situation des enfants handicapés dans des pays La dignité relative à l‘inclusion sociale est intrinsèquement liée aux moins développés est encore plus défavorable. Quelle est la proba- notions de respect et de reconnaissance. Lorsqu’à travers leurs in- bilité qu’on leur proposera des possibilités égales ? stitutions et normes, les cultures et processus dominants manquent Enfin, les chances évoluent au cours du cycle de vie. Egaliser les activement de respect aux individus et groupes considérés comme chances au début de la vie ne garantit pas une capacité de résultats subordonnés, ces individus et groupes peuvent soit se retirer, soit se égaux au fil du temps. Il y a des moments critiques dans le cycle de soumettre ou protester. vie, comme l’entrée sur le marché de l’emploi après l’école et pendant La non-reconnaissance peut rendre les individus et même des pans les futures recherches d’emploi permettant d’évoluer professionnel- entiers “invisibles” dans les statistiques officielles. Par exemple, lement, où les facteurs de demande et d’offre jouent tous deux un 15 Figure 5 : Les migrants en Chine urbaine disent “être dans de nombreuses cultures, un membre handicapé regardés de haut ” par les locaux, 2011 du ménage est passé sous silence lorsque le personnel d’enquête mène des entretiens. Dans d’autres cas, les personnes comme les réfugiés qui passent la frontière sans documents peuvent éviter activement tout contact a. Par âge officiel. Parmi les autres personnes non-reconnues, il 30 convient de citer les apatrides et même les citoyens lé- gaux qui ne disposent pas de documents prouvant leur Pourcentage de répondants 25 résidence ou admissibilité à divers régimes de presta- tions. Dans d’autres cas encore, comme celui des Roms 20 dans de nombreux pays européens, le groupe exclu se cache des enquêtes et recensements officiels pour se 15 fondre dans les statistiques de la majorité. De manière un peu schématique, la dignité et la reconnaissance sont 10 liées à la manière dont les groupes subordonnés sont traités par les groupes dominants et par l’Etat. Ce traite- 5 ment inclut le mépris pour leurs cultures et pratiques et les stéréotypes intentionnels ou non intentionnels qui les 0 empêchent de pleinement participer à la société. 0 5 0 35 0 5 0 + Des outils sont développés pour mesurer quand les –2 –4 51 –2 –3 –4 –5 31– 21 41 26 16 46 36 individus sont traités avec dignité ou quand ils ne le sont pas. La littérature empirique sur la dignité a été dirigée par des éthiciens médicaux et les défenseurs du traitement respectueux des patients, en particulier des b. Par niveau d’instruction malades en phase terminale, des personnes âgées et 25 des personnes ayant des déficiences physiques et cog- nitives significatives, entre les mains des prestataires médicaux. Par exemple, en utilisant les données de Pourcentage de répondants 20 l’enquête sur la qualité des soins de 2001 du Common- wealth Fund, menée auprès de 6722 adultes vivant aux 15 Etats-Unis, Beach et  al. (2005) analysent l’association entre deux mesures du respect (participation aux déci- sions et traitement avec dignité) et les résultats des pa- 10 tients (satisfaction, adhésion et dispense du traitement préventif optimal). Après ajustement tenant compte des 5 caractéristiques démographiques des répondants, ils sont arrivés à la conclusion que la probabilité de se dé- clarer satisfait était plus élevée chez les individus traités 0 avec dignité. Les mesures de la dignité étant encore en e e ur el e ur èt air cé développement, les termes dignité, respect et recon- nn rie rie b Ly im sio pé ha fé naissance sont souvent utilisés indifféremment. Pr alp es su in of en en An Pr oy oy Dans une enquête réalisée récemment en Chine auprès M M de 128000 migrants dans des zones urbaines, il a été D’accord Totalement d’accord demandé aux sondés s’ils pensaient que les migrants étaient “toujours regardés avec mépris” dans les villes Source : Shi 2012. dans lesquelles ils vivent. Un tiers à un quart des sondés a indiqué penser toujours être regardé de haut par les Note : Sur la base des réponses à la question, “êtes-vous d’accord avec l’opinion selon laquelle les migrants sont toujours regardés de haut par les locaux ?” dans locaux—un résultat qui ne varie que peu avec l’âge ou l’enquête de 2011 sur les migrants menées par la Commission nationale de la le niveau d’instruction (figure 5). Le sentiment d’être re- santé et du planning familial de la République populaire de Chine. gardé de haut augmente avec la durée du séjour, sug- gérant que les migrants ont fait l’objet de comportements déplaisants lorsqu’ils séjournaient suffisamment long- temps et qu’ils ont été en contact avec plus de personnes (Shi 2012). 16 Une grande partie des bouleversements politiques qui touchent quête de nouveaux emplois, d’opportunités d’affaires et d’instruc- le monde actuellement peut être reliée à des transitions tion. Les villes offrent aussi un milieu social différent. Les anciennes démographiques, spatiaux, économiques et en matière de savoir normes et valeurs sont remplacées par de nouvelles, plus diverses. qui transforment les sociétés. L’impact cumulé des transitions des Cependant, tous les processus sociaux dans les zones sociales ne quelques dernières décennies a changé le profil de la communauté sont pas nécessairement positifs pour les groupes exclus. Les villes mondiale et refaçonné quelques-uns des problèmes d’inclusion so- sont de plus en plus polarisées entre les individus qui ont accès aux ciale. L’impact cumulé de ces transitions à grande échelle a modifié services de base et ceux qui ne l’ont pas. le contexte de l’inclusion en créant de nouvelles possibilités, à la fois pour l’inclusion et pour l’exclusion. Les bidonvilles au Brésil, connus sous l’appellation favelas, sont un exemple typique. Reconnaissant que les favelas sont le témoi- Les transitions démographiques complexes sont accompagnées gnage visuel de l’inégalité dans le pays, le Brésil a adopté le man- d’impacts sociaux importants. Des taux de fécondité et de mortalité tra de passer de “villes divisées” en “villes intégrées”. plus faibles modifient les structures d’âge et les conditions de loge- ment. Un nombre croissant de personnes âgées signifie que les pays L’inégalité dans les villes est aussi l’une des causes profondes doivent trouver de nouveaux moyens de gérer une nouvelle cohorte de la criminalité à laquelle sont en proie de nombreuses villes. Au importante. A l’échelle mondiale, la cohorte de jeunes, qui vivent fil du temps, la violence peut s’institutionnaliser et être difficile à principalement dans les pays en développement et en proie à des démanteler. Les défis de gouvernance dans les zones urbaines con- conflits, est la plus importante de l’histoire. Les “pyramides” des tribuent à ce que certains groupes se sentent laissés pour compte, âges (encadré 1) font partie de l’histoire. Par conséquent, tirer parti avec peu d’opportunités de participation et de recours. Les fonc- du dividende démographique requiert une action concertée pour in- tions gouvernementales clés peuvent être reprises par la mafia du clure les jeunes dans les marchés, les services et les espaces ainsi pays, les barons de la drogue et autres exacteurs. Les problèmes qu’une gestion habile de l’économie politique. de santé mentale, la toxicomanie et le manque de sécurité sont des phénomènes qui affectent tous les individus de façon plus négative De plus, les tendances actuelles suggèrent que la migration va prob- dans les zones urbaines. Les groupes exclus vivent dans des quart- ablement devenir un processus démographique plus dramatique et iers qui les exposent à ces facteurs négatifs plus intensément. volatile que la fécondité ou la mortalité. L’Europe est la plus grande région d’accueil. Le taux de fécondité y est en dessous des seuils de L’une des transitions les plus profondes de ce siècle intervient dans remplacement, ce qui indique qu’à moins d’une hausse des taux de le sillage du changement climatique. Il a déjà des conséquences rap- naissance pendant une période soutenue, elle continuera à importer ides et catastrophiques sur les moyens de subsistance, les récoltes de la main-d’œuvre. et les écosystèmes. Un récent rapport augure le scénario d’un monde de 4 ° C plus chaud en 2100 que lors de la période préindus- La migration au sein des pays augmente en taille et en importance. trielle, menant à des vagues de chaleur catastrophiques, des sécher- La migration interne en cours en Chine, par exemple, est le mouve- esses et des inondations dans de nombreuses régions du monde ment de population le plus grand et le plus rapide de l’histoire, créant, (Banque mondiale 2013a). Des périodes de stress lié au climat, entre autres, des pénuries de services urbains. Dans le même temps, comme la sécheresse, influent sur la disponibilité alimentaire, et les les catastrophes naturelles, les guerres, le trafic d’êtres humains et personnes qui en sont le plus durement touchées vivent dans les la récession économique influent sur les mouvements migratoires. zones en proie à des conflits. Sen (2001) soutient que l’insécurité Toutes ces tendances ont une incidence sur l’inclusion. Par exemple, alimentaire durant les périodes de stress climatique est plus élevée certains pays et régions assistent à des niveaux élevés d’hostilité et dans les pays touchés par des conflits car, contrairement aux pays de résistance face aux migrants. qui ne le sont pas, les régimes de ces pays consacrent plus de res- sources à leurs dépenses militaires qu’à des programmes sociaux L’urbanisation a été l’une des transitions les plus dramatiques du et ont des marchés et services défaillants. Les conflits peuvent in- siècle dernier, et elle continuera de se déployer au cours du siècle fluer sur la production agricole, par exemple, en bloquant la capacité actuel. Au niveau individuel et des ménages, l’urbanisation offre la d’importer (UN 1993), en entravant l’accès aux terres agricoles et possibilité d’une mobilité sociale au travers de tout un éventail de en retirant les hommes de l’agriculture. Ces populations fragiles se possibilités. Les migrants des zones rurales s’installent en ville, en 17 Encadré1: Les pyramides des âges Figure B.1.1 Pyramides des âges en Ouganda, en Pologne appartiennent à l’histoire et en République arabe d’Egypte en 1950, 2010 et 2050 Ouganda Les transitions de la fécondité et de la mortalité et les mou- 100+ vements migratoires irréguliers sonneront le glas des pyra- 95–99 mides des âges à l’horizon 2050, dans tous les pays sauf 90–94 85–89 ceux qui enregistrent des taux de fécondité très élevés. La 80–84 Figure B.1.1 montre les structures d’âge dans trois contex- 75–79 tes très différents : l’Ouganda, où la transition de la fécon- 70–74 65–69 dité a été lente et tardive ; en Pologne, où les taux de fécon- 60–64 dité et de mortalité sont très bas ; et en République arabe 55–59 50–54 d’Egypte, qui se situe entre ces deux scénarios. Les pyra- 45–49 mides montrent que d’ici2050, la moitié de la population de 40–44 l’Ouganda aura moins de 20 ans ; la population de l’Egypte, 35–39 30–34 jeune aujourd’hui, sera plus âgée et remplacée par une co- 25–29 horte de jeunes gens nettement plus petite ; et la Pologne 20–24 15–19 qui sera confrontée à une véritable crise du vieillissement. 10–14 Chacun de ces trois scénarios souligne qu’il est impératif 5–9 de planifier et d’élaborer une vision. 0–4 9 6 3 0 3 6 9 9 6 3 0 3 6 9 9 6 3 0 3 6 9 (%) d’hommes (%) de femmes (%) d’hommes (%) de femmes (%) d’hommes (%) de femmes 1950 2010 2050 Pologne 100+ 95–99 90–94 85–89 80–84 75–79 70–74 65–69 60–64 55–59 50–54 45–49 40–44 35–39 30–34 25–29 20–24 15–19 10–14 5–9 0–4 6 4 2 0 2 4 6 6 4 2 0 2 4 6 6 4 2 0 2 4 6 (%) d’hommes (%) de femmes (%) d’hommes (%) de femmes (%) d’hommes (%) de femmes 1950 2010 2050 République arabe d’Egypte 100+ 95–99 90–94 85–89 80–84 75–79 70–74 65–69 60–64 55–59 50–54 45–49 40–44 35–39 30–34 25–29 20–24 15–19 10–14 5–9 0–4 9 6 3 0 3 6 9 9 6 3 0 3 6 9 9 6 3 0 3 6 9 (%) d’hommes (%) de femmes (%) d’hommes (%) de femmes (%) d’hommes (%) de femmes 1950 2010 2050 Photo: Simone D. McCourtie / Banque mondiale Source: Banque mondiale, sur la base de données de l’ONU, 2011. 18 Photo: JP Keenan / Banque mondiale réfugient souvent dans des pays où la sécurité alimentaire est meil- social, celui qui s’est étendu à tous les niveaux, même dans les pays leure, mais leur présence peut exacerber les tensions. les plus pauvres. Une nouvelle cohorte de jeunes gens a des acquis, des aspirations et des espoirs très différents de ceux de la généra- Parallèlement et de manière sous-jacente, d’autres transitions in- tion de leurs parents. tervenues au cours des dernières décennies sont les transitions économiques profondes. La mondialisation et l’intégration régionale, En Afrique subsaharienne, par exemple, le taux brut de scolarisation associées à d’importantes réformes au niveau national, ont conduit au secondaire a été multiplié par cinq, passant de 7 à 36 pour cent à une forte croissance et à une réduction de la pauvreté impression- entre 1970 et 2009 (base de données WDI). Au niveau mondial, nante dans le monde entier. En conséquence, une vaste cohorte est le chiffre correspondant à pratiquement doublé, passant de 36 à désormais “passée” dans la classe moyenne (Ferreira et al. 2013; 68 pour cent. L’éducation change les relations de pouvoir au sein Kharas et Gertz 2011; Dadush et Shaw 2011), ce qui implique un d’une société et des ménages. Les groupes considérés comme sub- changement dans les valeurs sociétales et les aspirations. La classe ordonnés se font entendre et gagnent en assurance lorsqu’ils sont moyenne est souvent le précurseur du changement. Son soutien est instruits. Ils ont tendance à s’affirmer davantage en demandant à essentiel pour atteindre les objectifs de l’inclusion sociale, en partie l’Etat et aux prestataires d’assumer leurs responsabilités et en exi- parce que la relation entre la classe moyenne et l’Etat est assez dif- geant des groupes considérés comme dominants de les traiter avec férente de la relation entre les pauvres et l’Etat. La classe moyenne dignité et respect. Au niveau des ménages, les jeunes femmes in- revendique la participation et la responsabilisation comme un droit ; struites ont davantage voix au chapitre dans les prises de décision les pauvres peuvent souvent être réduits au statut de suppliants et sont en mesure d’accéder à des opportunités en dehors de leurs par un Etat fort. Dans le même temps, les révolutions du savoir, les foyers, que leurs mères n’ont jamais eues. Leur éducation change réseaux sociaux et l’action citoyenne ont montré que lorsqu’elles res- les relations de pouvoir au sein des familles. tent insatisfaites, les aspirations peuvent créer des défis uniques pour les gouvernements. Bien que les tendances de l’inégalité soient Un nombre important d’études se concentre sur l’énorme impact que extrêmement hétérogènes selon les pays, les inégalités de reve- peut avoir l’éducation sur l’inclusion des femmes sur les marchés, nus s’accentuent dans les pays les plus peuplés comme la Chine dans les services et les espaces. Lorsque des jeunes femmes ont été et l’Inde. Enfin, la sécurité alimentaire reste un défi dans la plupart interrogées au Bangladesh dans le cadre de discussions de groupe des pays en développement, les groupes exclus et populations vivant sur la manière dont l’éducation avait changé leurs vies, elles ont décrit dans des régions éloignées étant les plus vulnérables. de manière poignante que le gain le plus important à leur yeux était “d’être capable de parler” (Banque mondiale 2008). Pourtant, assurer L’éducation est une autre force puissante qui change, elle aussi, une éducation de qualité décente reste un défi. De plus, les institu- le contexte social. L’éducation est l’agent inégalé du changement tions éducatives peuvent être des espaces d’exclusion importants. 19 Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses. —Épictète Photo : Arne Hoel / Banque mondiale 20 Les attitudes et perceptions ont une incidence sur l’inclusion sociale, l’enseignement supérieur des femmes et les attitudes négatives vis- dans la mesure où les individus agissent en fonction de ce qu’ils à-vis de leur éducation supérieure. En Australie, Nouvelle-Zélande ressentent. Leur sentiment d’être inclus et respecté est essentiel et dans quelques pays scandinaves, l’inscription dans l’éducation pour les opportunités auxquelles ils accèdent et la manière dont ils supérieure des femmes est presque universelle, et les attitudes dis- participent dans la société. En revanche, la question de savoir quels criminatoires vis-à-vis de l’accès à l’éducation supérieure très lim- groupes sont inclus et exclus, et à quelles conditions, est façonnée itées. Les attitudes par rapport à l’accès des femmes à l’emploi par les attitudes des individus vis-à-vis des autres et d’eux-mêmes. sont nettement moins favorables dans les pays qui enregistrent les taux de participation les plus faibles des femmes à la population L’importance des attitudes et perceptions a également des re- active (moins de 20 pour cent), notamment en Egypte, Irak, Arabie tombées sur des dimensions qui dépassent les individus. De nom- Saoudite, Pakistan, Algérie, Jordanie, et en République islamique breuses publications montrent que les préjugés, stéréotypes et d’Iran (figure 6). Il semble aussi qu’il y ait une relation entre les perceptions erronées affectent la manière dont les politiques sont attitudes envers les femmes qui occupent des postes de direction mises en œuvre et même conçues. Le présent rapport montre que et celles qui assument des rôles de leaders. Les pays où le plus les attitudes jouent un rôle clé dans le traitement des individus et faible nombre de sondés a affirmé que les hommes font de meilleurs des groupes, que ce soit par les autres membres de la société et dirigeants politiques sont aussi ceux qui ont le pourcentage le plus par l’Etat. Les attitudes et perceptions se font aussi les médiateurs élevé de femmes parlementaires (par exemple, Andorre, la Suède, le de l’inclusion sociale et font la lumière sur les processus au tra- Canada, la Finlande, l’Argentine et les Pays-Bas). vers desquels l’exclusion intervient. Les perceptions de l’iniquité, de l’injustice et de la frustration vis-à-vis des institutions sociales Les attitudes et perceptions sont forgées par l’histoire, la culture et et politiques ou de la société dans son ensemble traduisent sou- la manière dont les institutions ont évolué au fil du temps. Prenons vent les sentiments d’impuissance des individus. Les sentiments le cas de l’inégalité perçue et de son acceptation dans les sociétés. d’équité, de justice et “d’appartenance à la société” peuvent être L’analyse des données des Enquêtes mondiales sur les valeurs des manifestions de la reconnaissance, du respect et de l’écoute menée pour ce rapport suggère une relation non linéaire entre l’am- d’une société vis-à-vis de ses membres. pleur de l’aversion à l’inégalité et l’inégalité observée. L’Australie et de nombreux pays d’Europe enregistrent une faible inégalité et une Les attitudes des individus sont souvent liées aux résultats. Les atti- faible appétence en la matière. Certains pays d’Amérique latine (par tudes vis-à-vis de l’éducation des femmes, de l’accès aux emplois et exemple, le Chili, l’Argentine, l’Uruguay et, dans une certaine me- postes de direction sont étroitement associées aux résultats médio- sure, le Brésil) présentent des niveaux élevés d’inégalité mesurée, cres pour les femmes. L’analyse des données des Enquêtes mondi- mais leur aversion à son égard est assez similaire à celle d’autres ales sur les valeurs, menée pour ce rapport, par exemple, débouche pays présentant des niveaux d’inégalité nettement plus faibles. sur une relation inverse entre les taux bruts d’inscription dans 21 L’opinion des citoyens sur l’ampleur de l’équité dans leurs pays tra- de la société. Le pouvoir économique est intimement lié au pouvoir duit souvent des problèmes plus profonds d’inclusion et d’exclusion politique et à la représentation dans la prise de décision qui, à leur dans la société. Ce rapport constate, par exemple, sur la base de tour, affectent la répartition des dépenses publiques et peut conduire données de l’Afrobaromètre, qu’une majorité de citoyens de pays afri- à l’inégalité des chances. Les inégalités de revenus, par exemple, ont cains estime que leur pays traite les citoyens de façon inégale. Cette considérablement augmenté au cours des trois dernières décennies conclusion peut indiquer que l’exclusion est un problème pour beau- partout en Afrique sub-saharienne. En 2010, l’Afrique était le deux- coup et non pas pour quelques-uns seulement et que l’Etat est perçu ième continent le plus inégalitaire de la planète (après l’Amérique comme répondant aux besoins d’une petite frange de la société. latine), et 6 des 10 pays les plus inégalitaires du monde se trou- vaient en Afrique australe (BAD 2012). Les perceptions de l’inégalité Les perceptions de l’iniquité en Afrique sont corroborées par d’autres dans des contextes non-africains peuvent être forgées, de la même tendances dans quelques pays. La croissance économique de l’Afri- manière, par des tendances sous-jacentes de ces mêmes contextes. que de la décennie écoulée a reposé dans une large mesure sur l’ex- traction minière, avec des bénéfices concentrés sur une petite frange Figure 6: Les pays et régions où les personnes affirment que les hommes ont plus de droits sur les emplois sont aussi ceux où les taux de participation des femmes à la population active sont plus faibles, 2005–08 55 Suède Fédération de Russie Éthiopie Canada Rwanda Norvège Slovénie Ukraine Moldavie 50 Royaume-Uni Finlande France Allemagne Viet Nam Burkina Faso Bulgarie Thaïlande Taux de participation des femmes à la Ghana Suisse Zambie Roumanie Géorgie population active (pourcentage) 45 États-Unis Hongkong Chine d’Amerique Pérou Trinité- Afrique du Sud Australie et-Tobago Chypre Pays-Bas Japon Rép. De Corée 40 Argentine Espagne Italie Brésil Pologne Indonésie Uruguay Guatemala Mali 35 Chili Malaisie Mexique 30 Inde Maroc 25 Turquie Égypte 20 Iran (Rép. Islamique) Jordanie Iraq 15 10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Pourcentage des sondés qui pensent que les hommes ont plus de droits sur les emplois lorsque ceux-ci sont rares Sources: Banque mondiale, sur la base des données des Enquêtes mondiales sur les valeurs, 2005–08 (attitudes) et les Indicateurs du Développement dans le Monde, 2005–08 (taux de participation des femmes à la population active). Note: les valeurs correspondent aux données qui étaient disponibles pour les deux variables sur une période de deux ans. Données les plus récentes disponibles entre 2005 et 2008. 22 Ce rapport est une déclaration sans équivoque que le changement est possible et que les décideurs politiques, militants, partenaires du développement et autres acteurs, qui se soucient de justice et de prospérité partagée, peuvent orienter le changement vers l’inclusion Une nouvelle et triomphante utopie de la sociale. L’exclusion n’est pas ancrée dans la culture et elle n’est pas immuable. Le changement peut se produire incidemment ou être vie... car aux lignées condamnées à cent conçu. Il peut intervenir à travers des événements discrets ou via des ans de solitude, il n’était pas donné sur terre processus progressifs qui aboutissent au fil du temps. de seconde chance. Le changement est rarement linéaire. Les tentatives de le rendre inclusif peuvent impliquer des compromis et créer des gagnants et des perdants. Les groupes dominants peuvent résister lorsque les —Gabriel García Márquez, groupes précédemment subordonnés se sentent inclus et trans- discours prononcé lors gressent les normes. La résistance peut être accompagnée de de la remise du Prix Nobel représailles actives, faisant reculer le processus de changement. Les exemples de changement vers l’inclusion abondent dans l’his- toire. L’Afrique du Sud, par exemple, est passée d’une ségrégation d’inclusion sociale en s’attaquant à des «torts» spécifiques que la institutionnalisée vers l’idéal d’une “nation arc-en-ciel” en l’espace société devait redresser. Plus récemment, il a été reconnu que les de deux décennies. Le bandage des pieds, une ancienne tradition en médias ont joué un rôle important dans le changement des mentalités Chine, a été freiné avant de disparaître finalement après une cam- et la sensibilisation contre l’exclusion (Trujillo et Paluck 2012). pagne sociale intense et son interdiction par la loi. L’articulation de l’exclusion sociale au Brésil, initialement fondée sur la croyance large- Passer de l’exclusion à l’inclusion ne se fait pas du jour au lendemain ; ment répandue dans une “démocratie raciale”, a finalement accepté il est important d’avoir une vision à long terme. L’inclusion sociale que la discrimination sur la base de la race a freiné certains groupes. requiert de dépasser les croyances négatives et les stéréotypes sur Le système d’exclusion de la justice locale informelle au Bangladesh, les groupes exclus, qui ne peuvent disparaître en quelques années le Shalish, a été transformé grâce à une plus grande représentation de «politique inclusive». Le temps est par conséquent un aspect es- et participation. Dans une région où le rôle de la femme dans la so- sentiel  ; les impacts de certains changements peuvent encore être ciété est confiné à la sphère privée, un niveau d’éducation plus élevé ressentis pendant de nombreuses années ou être les conséquences des femmes en Jordanie est devenu la règle plutôt que l’exception. imprévues des politiques ou autres développements. De la même manière, l’impact du changement sur les groupes peut varier et ce qui L’Etat a le rôle prééminent dans la promotion du changement vers est considéré comme coûteux pour certains groupes aujourd’hui peut l’inclusion, mais d’autres acteurs jouent également un rôle important. avoir des résultats positifs à l’avenir et vice-versa. En fait, c’est l’interaction des actions étatiques et non étatiques qui mène à l’inclusion. Les catalyseurs et champions du changement vers Les pays qui ont réussi dans la lutte contre l’exclusion sociale ont l’inclusion sociale, par exemple, sont souvent issus des élites. L’abo- généralement des institutions solides. La force des institutions lition de l’esclavage aux États-Unis, la fin des pieds bandés en Chine réside en grande partie dans leur agilité et malléabilité face aux et de l’apartheid en Afrique du Sud ont tous été le résultat de mouve- nouveaux besoins de l’inclusion sociale. Prenons le cas de la Suède, ments sociaux menés par les élites. Certains d’entre eux sont issus souvent citée comme un exemple brillant de l’inclusion sociale. Au- de groupes exclus, comme dans le cas de l’Afrique du Sud, d’autres jourd’hui, le pays est aux prises avec les défis de l’immigration. Ses de groupes dominants, comme dans le cas des États-Unis. Dans de institutions, qui ont toujours répondu positivement aux défis sociaux nombreux pays, le rôle des chefs religieux à la fois dans la propulsion et économiques, doivent à présent trouver de nouveaux moyens et la résistance au changement a été considérable. Le rôle des chefs pour répondre aux besoins d’une population plus hétérogène que d’entreprise dans la promotion de l’inclusion sociale est également re- la Suède d’antan. Les institutions, pour leur part, sont influencées connu. Enfin, les mouvements de la société civile et l’action collective par des circonstances historiques et ont, par conséquent, souvent des groupes exclus ont traditionnellement promu des programmes beaucoup de mal à changer. 23 En quoi les politiques efficaces dans la lutte contre l’exclusion de réinstallation, ou leur réserver des quotas d’utilisation des terres, sociale diffèrent-elles des politiques sociales ordinaires? En sub- peut accroître leur accès aux opportunités tout en les autonomisant. stance, les politiques d’inclusion sociale sont des politiques qui ne Deininger, Goyal et Nagarajan (2010), par exemple, constatent que les font pas nécessairement plus, mais qui font les choses différem- droits des femmes à la propriété dans l’indivision peuvent influer pos- ment. Aucun ensemble de politiques ou de programmes ne peut itivement sur l’éducation des filles dans le ménage. Les programmes être classé comme «politiques d’inclusion sociale» ou «programmes offrant des services de garde d’enfants peuvent améliorer les résultats d’inclusion sociale». En fait, en fonction du « tort »à redresser ou du des femmes sur le marché de l’emploi. Les taux de participation des « droit »à approfondir, un éventail d’interventions pourrait être utilisé. femmes à la population active et leurs salaires sont inférieurs à ceux Ce rapport fournit quelques exemples d’interventions au sein de la des hommes, même après ajustement d’une série de facteurs relatifs typologie générale des marchés, des services et des espaces, mais aux individus et aux ménages (Banque mondiale 2012, 2013c). De n’importe quelle politique ou programme peut être conçu et mis en nombreuses femmes sont dans l’incapacité de travailler en raison de œuvre en mettant l’accent sur l’inclusion sociale. leurs obligations familiales ; pourtant, les services de garde d’enfants sont chers et rares pratiquement partout. Les programmes qui offrent Souvent un programme ou une politique peut recouper différents des services de garde d’enfants subventionnés peuvent non seule- domaines—les marchés, services et espaces. Les politiques en ment aider les femmes à améliorer leurs résultats sur le marché du faveur de l’inclusion sociale doivent être liées les unes aux autres ou travail, mais aussi avoir d’autres effets externes positifs. être trans-sectorielles. L’exclusion sociale est un processus multidi- mensionnel dans lequel les pratiques dans un domaine conduisent L’accès à des services tenant compte des besoins spéciaux de à l’exclusion ou la renforcent dans un autre domaine. Les politiques groupes exclus peut largement contribuer à améliorer l’inclusion so- de lutte contre l’exclusion sociale requièrent, par conséquent, ce que ciale. Des tarifs subventionnés ciblant les groupes exclus et des ser- Silver (2013) appelle « une séquence d’interventions dynamique ».En vices de transport accessibles peuvent aider à connecter ces groupes basant son propos sur le cas des sans-abris, elle soutient que leur aux marchés, services et espaces. La ville de São Paolo a choisi d’in- inclusion dans la société requiert un « continuum de soins », à com- staurer des billets à tarifs forfaitaires comme alternative aux tarifs mencer par un lieu de transition pour vivre, une formation pour ac- basés sur la distance parcourue pour subventionner les pauvres. Les céder au marché de l’emploi et (éventuellement), un traitement des tarifs sont valables pour plusieurs modes/déplacements pendant dépendances aux drogues et à l’alcool et (finalement) un logement un trajet. Certains groupes, comme les femmes et les personnes permanent, peut-être avec des services de soutien à long terme pour handicapées, rencontrent d’autres barrières à l’utilisation des trans- les aider à conserver leur logement. Ce rapport catégorise les inter- ports (par exemple, un éclairage public insuffisant qui suscite des ventions en domaines de marchés, de services et d’espaces, tout en inquiétudes pour la sécurité, des moyens de transports inaccessibles comprenant que les domaines se recoupent et que des interventions aux personnes handicapées, etc.). Là aussi, les pays expérimentent dans un domaine peuvent avoir des répercussions dans d’autres. des méthodes innovantes pour traiter les défis auxquels ces groupes sont confrontés en termes de mobilité physique. Les politiques et les programmes peuvent intervenir sur divers marchés. Prenons le cas des réformes foncières. Même si elles ne La manière dont les services sont fournis compte presqu’autant sont, en soi, pas une panacée à l’exclusion ou l’inégalité, les sociétés que leur conception technique. Les stéréotypes qui sont souvent en- qui les ont mises en œuvre tendent à être plus inclusives. L’octroi de racinés chez les prestataires de services peuvent avoir un effet dom- titres fonciers aux femmes et la reconnaissance de fait des modes mageable sur la manière dont ceux-ci traitent leurs clients, mais ce d’utilisation de terres communales par les populations autochtones ne sont là pas des problèmes insurmontables. Une pratique de plus peuvent s’avérer efficaces dans la création d’opportunités et la pro- en plus courante consiste à mettre l’accent sur les « compétences motion de la dignité. Dans de nombreuses sociétés, les femmes ne culturelles  » des prestataires de services. Cette pratique est par- sont traditionnellement pas propriétaires terriennes. En faire des co- ticulièrement avancée dans le secteur de la santé et social et se propriétaires dans le cadre de projets de redistribution de terres ou développe dans celui de l’éducation et dans d’autres secteurs. 24 Photo: Richard Brice / Banque mondiale Responsabiliser les prestataires non pas seulement pour leur simple Colombie, est un exemple unique et innovant de la manière dont des présence et leurs compétences techniques, mais aussi pour leurs villes peuvent devenir inclusives pour leurs citoyens, à la fois grâce compétences culturelles en tant qu’indicateur de performance, con- à la planification des infrastructures et l’engagement des citoyens. tribuera certainement fortement à garantir que les minorités culture- Tristement célèbre pour son cartel de la drogue qui l’a utilisée comme lles se sentent à l’aise lorsqu’elles accèderont aux services. base d’opérations, la ville a entrepris des actions policières et mil- itaires d’envergure de 2003 à 2006 qui ont conduit au démantèle- Accorder de la reconnaissance aux groupes exclus et « invisibles » ment du cartel et à une baisse significative du nombre d’homicides est une étape importante sur la voie de leur inclusion générale. De (Muse 2012). Avec l’arrivée d’un nouveau maire, elle a transformé nombreux pays ont, par exemple, des systèmes d’enregistrement son système de transport, avec des téléphériques faisant la navette des naissances et des décès défaillants. Les initiatives visant à entre les comunas (municipalités ou conseils) auparavant en guerre améliorer ces systèmes n’évoqueront pas immédiatement des im- (Romero 2007). Parmi les différentes initiatives de développement ages d’inclusion sociale, mais sans enregistrement, un enfant ne entreprises, on peut citer la création de nouveaux espaces publics, peut souvent pas être scolarisé et les membres d’une famille ne par exemple, le Parque Biblioteca España et de nouveaux musées, sont pas autorisés à accéder aux biens de la personne décédée. Les pour encourager l’interaction sociale. Une grande partie du budget plus pauvres ou la plupart des groupes exclus ne peuvent accéder municipal de Medellín est aujourd’hui consacrée à des investisse- aux prestations parce qu’ils n’ont pas de documents d’identité ou de ments sociaux, ciblant les franges vulnérables de la population, moyen de prouver qu’ils existent réellement. Cette reconnaissance y compris les personnes âgées. Plusieurs programmes mettent littérale peut émaner d’initiatives visant à fournir des cartes d’iden- l’accent sur l’organisation des jeunes et des personnes âgées en tité ou à créer des bases de données électroniques ou à déployer groupes d’action communautaires. Ces groupes, dont les membres des efforts spéciaux pour recenser les personnes qui risquent de sont élus, aident leurs concitoyens vulnérables à faire valoir leurs rester invisibles. L’efficacité du Brésil dans la mise en œuvre de intérêts auprès des municipalités (spécialement au moment de la Bolsa Familia et de programmes connexes de transfert d’espèces planification budgétaire) et les mettent en situation de demander s’explique en partie par l’existence du Cadastro Único, une base de aux entités gouvernementales de leur rendre des comptes. données des participants aux programmes. Il existe une tension de longue date entre les politiques et pro- La langue est un aspect important de l’identité et de la revendication grammes qui visent à fournir un accès universel et ceux qui ciblent d’un espace politique et culturel. Les politiques linguistiques peuvent, des groupes spécifiques. Le ciblage peut porter sur des approches ainsi être un moteur important de l’exclusion et de l’inclusion. Le territoriales (souvent appelées « ciblage géographique ») ou sur cer- statut de certaines langues en tant que langues officielles du gouv- tains individus ou groupes. Les critères de ciblage peuvent inclure le ernement ou du système éducatif a des conséquences à la fois sym- niveau de pauvreté, l’âge, l’état d’incapacité, le sexe, l’appartenance boliques, politiques et d’ordre pratique. Sur le plan de la symbolique, à une minorité, ou une combinaison de ces critères. Les politiques de le statut officiel suggère que certains groupes ethnolinguistiques et discrimination positive peuvent être considérées comme une forme leurs cultures ont plus de valeur que d’autres. Sur le plan pratique, le de ciblage de certains groupes qui, en raison de leur exclusion his- fait d’accorder à certaines langues un statut officiel peut désavantager torique, font l’objet d’un traitement spécial pour leur permettre de ceux qui ne sont pas en mesure de communiquer dans ces langues. rattraper leur retard par rapport à la moyenne de la population. La dis- Ce désavantage peut s’aggraver au fil des générations, les enfants crimination positive peut prendre diverses formes ; les quotas n’en des groupes exclus sur le plan linguistiques rencontrant une barrière sont qu’un exemple. Les lois qui garantissent l’égalité des chances supplémentaire à l’accès à l’apprentissage et à l’emploi, aux services face à l’emploi, au crédit, au logement et à l’éducation sont une au- publics et aux espaces démocratiques. tre forme d’action positive. En outre, les constitutions de plusieurs Les interventions qui agissent à l’intersection de l’espace social et pays, comme la Bolivie, l’Inde, la Malaisie, le Népal, l’Afrique du Sud physique peuvent s’avérer transformatrices. La ville de Medellín, en et l’Ouganda, prévoient des politiques préférentielles en faveur des 25 Photo: Maria Fleischmann / Banque mondiale groupes exclus pour corriger les déséquilibres historiques. Destinées par des femmes tout autant que les autres (Barron et al. 2009).Plu- à accroître les possibilités et à aplanir les disparités, ces politiques sieurs programmes CDD sont parvenus à améliorer l’accès des pau- réservent des places dans les établissements d’enseignement pub- vres aux espaces et à développer un capital social. Ces programmes lics, la fonction publique ou des organes législatifs. ont aussi l’avantage d’être capables d’innover plus rapidement, dans la mesure où ils sont fondés sur le principe de la mobilisation commu- Les politiques préférentielles créent souvent une série de dilemmes et nautaire. Ils ont ainsi l’avantage de la souplesse et de la participation de préoccupations. Un de ces dilemmes est de savoir si les pays sou- des communautés, qui encourage la production de nouvelles idées. haitent nommer ces groupes, “affirmant” ainsi la fracture. Au Brésil, par exemple, la mise en place de quotas pour les Afro-Brésiliens a été Parfois, l’impact des programmes dépasse de loin l’objectif initial, qui précédée d’un débat intense sur la question de savoir si ces quotas peut consister à améliorer la couverture ou les prestations. Prenons signifieraient implicitement la reconnaissance de la race en tant que le cas des programmes de protection sociale. La plupart d’entre eux marqueur de la discrimination— une idée qui allait à l’encontre du peut aussi renforcer l’estime en soi des groupes subordonnés, tout concept brésilien de démocratie raciale. La France a opté pour le ci- comme les attitudes des autres à leur endroit. Au Lesotho, par ex- blage géographique des zones socialement et économiquement défa- emple, les bénéficiaires de pensions sociales ont indiqué faire l’objet vorisées plutôt que pour la désignation des groupes ethniques vivant d’un respect accru à leur égard de la part la société après l’introduc- dans ces zones. La Chine a réalisé des progrès impressionnants tion de la pension sociale nationale. La pension a également contribué dans la réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale grâce à un à accroître l’estime en soi, car les bénéficiaires ont pu davantage con- ciblage géographique judicieux. Dans les pays candidats à l’Union tribuer financièrement à l’éducation de leurs petits-enfants. Au Nicara- européenne, les Roms ne sont pas spécifiquement reconnus dans gua, de la même manière, un programme de versements en espèces la législation relative à la discrimination positive, mais relèvent de la assujettis à certaines conditions fait état d’impacts positifs imprévus catégorie générale des « groupes défavorisés ». (Silver 2013). sur le leadership des femmes (Makours et Vakis 2009). Un deuxième dilemme est de savoir comment s’assurer que les élites Les subventions et transferts sociaux peuvent jouer un rôle dans la bien établies ne réduisent pas les avantages des quotas lorsque les réduction des disparités historiques. Dans l’Afrique du Sud apart- ressources sont rares. Un dilemme connexe est de savoir comment heid, les bénéficiaires des subventions sociales étaient principale- éviter de créer des effets pervers et inciter d’autres groupes à faire ment les Blancs et les « métis ». Les noirs ne percevaient qu’une par- valoir leur « faiblesse »et, partant, prétendre à l’action positive. Une tie mineure des prestations. Le gouvernement postapartheid a mis dernière préoccupation est que les politiques de discrimination pos- en place des réformes pour que les subventions sociales ciblent les itive renforcent le ressentiment des groupes dominants, qui peuvent noirs qui étaient surreprésentés parmi les pauvres, mais ne bénéfici- remettre en question les qualifications des candidats bénéficiant aient pas de transferts (Leibbrandt, Woolard et Woolard 2007). Mis à d’un traitement préférentiel, intensifiant ainsi leur stigmatisation. part le fait qu’il bénéficie à une proportion nettement plus importante de la population des municipalités indigènes que non indigènes, le Le développement piloté par les communautés (Community-driven programme bien ciblé Oportunidades, mis en œuvre au Mexique, a development—CDD) est une approche qui donne aux groupes commu- également permis de réduire les écarts entre les hommes et les fem- nautaires le contrôle sur les décisions de planification et les ressou- mes face à l’emploi et les niveaux de violence familiale. rces d’investissement dans les projets de développement locaux. Les études récentes sur l’impact des programmes CDD montrent que lor- Tout comme certains programmes peuvent avoir des avantages qui dé- squ’ils sont bien mis en œuvre, ils peuvent améliorer la prestation des passent leur intention, d’autres peuvent générer des coûts imprévus. services dans des secteurs comme la santé et l’éducation, améliorer Par exemple, l’âge de départ à la retraite différent pour les hommes la durabilité des ressources et aider les communautés à construire et les femmes dans la fonction publique en Chine est conçu comme des infrastructures à moindre coût et de meilleure qualité (Mansuri une concession envers les femmes qui travaillent ; de même, les lois et Rao 2013; Wong 2012). En outre, en ciblant principalement les de nombreux pays qui sont destinées à protéger les jeunes migrantes groupes pauvres et vulnérables, ces programmes peuvent les aider à d’abus à l’étranger en imposant un âge minimum de départ. Mais ces se faire entendre dans l’élaboration des politiques. Il ressort, par ex- politiques ont toutes deux des conséquences négatives : elles exclu- emple, de l’évaluation d’impact du programme de développement in- ent les femmes âgées en Chine du marché du travail ou créent les donésien Kecamatan (KDP) que les bénéficiaires participent en nom- conditions dans lesquelles les jeunes femmes pauvres migrent sans bre aux réunions de programme, les ménages pauvres et ceux dirigés papiers (voir Das 2008, 2012). 26 Figure 7: Comment inclure : Attaquer le problème du nombre élevé de décès maternel dans les groupes tribaux en Inde Diagnostic : Créer des pistes “Demander Concevoir l’action Suivre les progrès de recours et de pourquoi ?” rétroaction • Pourquoi une grande majorité des • Fournir des bons, aides et • Etablir un cadre de suivi auquel • Mettre en place une institution de femmes des groupes tribaux incitations adaptés au contexte peuvent accéder les groupes tribaux type Ombudsman pour mettre en affirment ne pas penser qu’il culturel • Créer des mécanismes de suivi application les droits tribaux soit nécessaire d’accoucher dans • Lancer des campagnes d’éducation/ au niveau des communautés • Autonomiser les femmes des un dispensaire? sensibilisation en langues et dialectes • Etablir des mécanismes de suivi tiers communautés tribales au moyen • Si la raison est la pauvreté, pourquoi locaux • Utiliser les audits sociaux et de lois et leur accorder une assistance ces femmes sont-elles • Enregistrer les naissances et les décès organiser des réunions publiques légale surreprésentées parmi les pauvres ? • Impliquer la communauté dans la • Réaliser des “autopsies verbales” • Créer des services d’assistance • Si la raison est le manque de surveillance de la santé • Mandater des fiches d’évaluation indépendants connaissances, pourquoi ne • Utiliser les systèmes de connaissances citoyenne • Mettre en place des comités de santé sont-elles pas mieux informées ? tribaux de la santé • Communiquer publiquement les tribaux locaux ayant un accès à • Si la raison est l’éloignement, • Etablir des liens avec d’autres résultats du suivi, y compris au l’administration du district pourquoi ne sont-elles pas programmes travers de canaux électroniques • Constituer des comités de règlement connectées ? • Utiliser de manière innovante les • Utiliser les TIC pour demander des plaintes responsabilisés prestataires privés, y compris les un feedback anonyme • Mettre en place des systèmes de En : sociétés de transport privées reporting aux communautés sur • réalisant une analyse ex ante • Recruter davantage de personnel les actions entreprises innovante féminin des communautés tribales • effectuant des consultations utiles, • Demander que les prestataires de y compris au moyen des services soient formés en technologies de l’information compétences culturelles et des communications (TIC) • Demander aux prestataires des pour permettre aux femmes comptes à la fois pour leurs de répondre anonymement comportements et leurs compétences techniques • Offrir des incitatifs aux prestataires pour qu’ils s’installent dans les régions éloignées Le présent rapport s’attaque à problème insoluble, celui des mauvais terres et de forêts sont au cœur de sa situation. Vu sous cet angle, résultats de santé maternelle chez les groupes indigènes, et fait valoir il est clair que, du point de vue de l’offre, la promotion de meilleures que le changement en faveur de l’inclusion sociale doit commencer infrastructures de santé est un instrument mal ajusté pour lutter par un bon diagnostic. Il doit “demander pourquoi” (figure 7). contre les niveaux élevés de mortalité maternelle. Les femmes des groupes tribaux en Inde n’accouchent pas, pour leur Poser la bonne question est susceptible de mener à la conception d’un majorité, dans des dispensaires. Lorsqu’on leur demande pourquoi, programme social différent. Les questions peuvent notamment être : la majorité écrasante d’entre elles déclarent qu’elles ne pensent pas que cela soit nécessaire. Les praticiens de la santé sont d’avis • Quel est le “tort” ou problème insoluble abordé, ou qu’est- que leurs mauvais résultats de santé sont dus à la faible demande ce qui a “fonctionné” qu’il convient d’approfondir ? en soins de santé formels. Mais le fait de continuer de poser la question « pourquoi » est peut-être révélateur d’une affirmation de • L’intervention ou le service cherche à inclure quel groupe la dignité et d’un rejet de l’humiliation par les groupes exclus, dans et qui risque d’être exclu ? le cas présent, des femmes de groupes tribaux qui se sentent mal traitées par les prestataires de services. • Pourquoi ces groupes ou zones risquent-ils d’être laissés pour compte ? Quels sont les canaux au travers desquels Les raisons immédiates qui sous-tendent les résultats médiocres l’inclusion peut avoir lieu ? sont un phénomène complexe qui n’est pas visible immédiatement. De manière générale, le mauvais état de santé d’une femme ap- • Quelles sont les innovations qui peuvent être mises en partenant à un groupe tribal est enraciné dans le faible pouvoir qu’elle place pour garantir l’inclusion? Qu’est-ce qui peut être fait a par rapport à quiconque d’autre dans le pays. Les questions de différemment ? 27 28 Même si sa contribution au monde des idées est un objectif impor- tant, ce rapport ne sera un bien collectif à portée plus générale que Le progrès humain n’est ni s’il influence le monde de la recherche, des politiques, programmes automatique ni inévitable. Il faut et projets. Quelles sont les contributions potentielles de ce rapport à la conception et mise en œuvre de politiques, programmes et pro- admettre que le progrès de jets ? Comment traduit-il un nouvel agenda de l’inclusion sociale ? l’humanité ne roule jamais sur les Nous espérons que ce rapport interpelle les praticiens essentielle- ment de la manière suivante : roues de l’inéluctabilité. . . . Sans • C’est un appel aux décideurs politiques et aux chercheurs efforts persistants, le temps lui-même à utiliser le terme inclusion sociale en portant tout particu- devient un allié des forces insurgées et lièrement attention à sa signification et à ses limites. primitives de l’émotionalisme irrationnel • Il introduit quelques idées nouvelles de la philosophie et de la théorie dans le domaine de la pratique. et de la destruction sociale. Ce n’est • Il met en évidence les lacunes dans la compréhension de pas le moment pour l’apathie ou la l’inclusion sociale et les domaines potentiels de travail complaisance. C’est le moment pour supplémentaire, au travers du pilotage de nouvelles initia- tives et de la réalisation de nouvelles analyses empiriques. l’action vigoureuse et positive. • Il souligne l’importance de poursuivre les efforts de me- sure de l’inclusion sociale. —Dr. Martin Luther King, Jr. • Il met l’accent sur l’importance de se demander pourquoi les mauvais résultats persistent pour certains groupes avant de concevoir les instruments avec lesquels lutter contre l’exclusion. • Il souligne que l’inclusion sociale signifie le développement d’alliances et du consensus social. • Il attire l’attention sur le fait que le suivi du changement sur la voie de l’inclusion sociale doit être innové et que cette innovation doit être intégrée dans la pratique. • C’est un appel à une plus grande participation des chercheurs à fournir aux décideurs politiques les connais- sances essentielles pour concevoir judicieusement des politiques et programmes d’inclusion sociale. Photo: JP Keenan / Banque mondiale 29 AAP (American Academy of Pediatrics). 2001. “The Continued Das, M. B. 2008. “Minority Status and Labor Market Outcomes: Importance of Supplemental Security Income (SSI) for Children Does India Have Minority Enclaves?” Policy Research Working and Adolescents with Disabilities.” Pediatrics 107 (4): 790–93. Paper 4653, World Bank, Washington, DC. AfDB (African Development Bank) Group. 2012. “Income Inequality ———. 2012. “Stubborn Inequalities, Subtle Processes: Exclusion in Africa.” Briefing Note 5, AfDB, Tunez-Belveder, Tunez. http:// and Discrimination in the Labor Market.” Background paper for www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Policy- World Development Report 2013, World Bank, Washington, DC. Documents/FINAL%20Briefing%20Note%205%20Income%20 Inequality%20in%20Africa.pdf (consultado el 5 de abril, 2013). Deininger, K., and G. Feder. 1998. “Land Institutions and Land Markets.” Policy Research Working Paper 2014, World Bank, ., M. 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