Report No.:62992-AFR Faciliter le commerce transfrontalier entre la RDC et les voisins dans la région des Grands Lacs en Afrique : Améliorer les Conditions des Commerçants Pauvres Juin, 2011 Poverty Reduction and Economic Management Africa Region World Bank Document 1 2 Table des Matières Remerciements ............................................................................................................................................. 4 Résumé ......................................................................................................................................................... 5 I. Introduction ......................................................................................................................................... 1 II. Le Potentiel pour le Commerce Transfrontalier dans la Région des Grands Lacs............................... 5 III. Les Conditions auxquelles les Commerçants dans la Région des Grands Lacs sont confrontés ......... 9 IV. Conditions physiques et procédures aux postes-frontières .............................................................. 13 V. Étapes pour la Facilitation du Commerce Transfrontalier dans la Région des Grands Lacs ............. 16 VI. Conclusions et Prochaines Etapes ...................................................................................................... 24 VII. Références .......................................................................................................................................... 27 Annexe 1 : Évaluer l’Impact des Routes et des Frontières sur les Prix Agricoles dans la Région des Grands Lacs................................................................................................................................................. 29 Annexe 2 : L’Enquête sur les Commerçants Transfrontaliers .................................................................... 37 Figures Figure 1 : La distribution des activités économiques dans les pays de la région des Grands Lacs illustré par les données d’intensité lumineuse ......................................................................................... 7 Figure 2 : PIB par tête dans la région des Grands Lacs – 2007-2009 (dollars US) ........................................ 8 Figure 3 : La fréquence des risques à la frontière telle que rapportée par les commerçants transfrontaliers ............................................................................................................................ 11 Tableaux Table 1 : Commerce transfrontalier enregistré dans la région des Grands Lacs (2009, $000) ................... 2 Table 2 : Estimatif de commerce formel et informel des denrées alimentaires pour l’Afrique de l’Est (tonnes) ......................................................................................................................................... 3 Boite Boite 1 : La collocation des installations frontalières ................................................................................ 23 3 Remerciements C e rapport fut préparé par une équipe composée de Paul Brenton (TTL, AFTPM), Shiho Nagaki (AFTP3), Caroline Hossein (consultant international, enquête sur le commerce), Celestin Bashige, Jean-Baptiste Ntagoma (consultants locaux, RDC, enquête sur le commerce), Alberto Portugal (DEGTI, analyse des prix), Nicholas Sabwa and Adrian Mukhebi (consultants internationaux, commerce transfrontalier), Michel Zarnowiecki (consultant international, douanes). Ce rapport a bénéficié de séminaires et présentations à Goma, Bukavu, Uvira, Kinshasa, Bujumbura et Kigali et de l’équipe du Commerce au Service de la Paix du secrétariat de la COMESA. Les séminaires dans la partie orientale de la RDC ont réuni commerçants et fonctionnaires gouvernementaux. Il y a également eu des présentations à Genève et à Washington. Ce rapport a bénéficié des commentaires de comité de lecture incluant Luigi Giovine, Bernard Harborne, Andrew Roberts, Philip Schuler et Paolo Zacchia, et également des suggestions de Johannes Herderschee. La version anglaise a été traduite en français par Arnaud Joye (Consultant, Université de Lausanne). Ce travail a été financé par le Fonds Fiduciaire Multi-bailleurs pour le Commerce et le Développement (Multi-Donor Trust Fund for Trade and Development) supporté par les gouvernements du Royaume- Unis, Finlande, Suède et Norvège. 4 Résumé C e rapport analyse la situation actuelle et les opportunités d’amélioration du commerce transfrontalier entre la RDC et ses pays voisins, en se focalisant sur les produits agricoles. Il établit que la majorité des échanges commerciaux actuels sont informels et conduits par des commerçants individuels, principalement des femmes pauvres. Ce rapport démontre l’importance de ne pas assimiler « informel » et « illégal ». En effet, chaque jour le grand nombre de commerçants traversant la frontière le fait à travers des postes-frontières officiels. Le but de ce rapport est de fournir des informations sur la situation actuelle et le potentiel commercial transfrontalier entre la RDC, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, d’identifier les conditions et les problèmes auxquels les commerçants sont confrontés au franchissement des postes-frontières, et de formuler des recommandations aux décideurs politiques sur les priorités de mesures de facilitation commerciale. Exploiter le potentiel d’échanges commerciaux transfrontaliers est un élément important pour la croissance et la réduction de la pauvreté ainsi qu’un mécanisme fondamental pour le renforcement de la stabilité dans la région. En comparant les prix des produits alimentaires sur une série de marchés de la RDC, du Rwanda et du Burundi, le rapport souligne le rôle important que pourrait jouer les échanges transfrontaliers en vue de réduire les différences et la volatilité des prix des produits agricoles. Cependant, ce potentiel n’est que partiellement réalisé, notamment concernant les échanges à la frontière de la RDC. L’impact, sur les prix relatifs, de traverser la frontière entre le Rwanda et le Burundi est équivalent, en moyenne et en termes de distance séparant les deux marchés, à éloigner ces deux marchés de 174 kilomètres supplémentaires ou, en termes de temps de voyage, à 4,6 heures supplémentaires. Traverser la frontière entre la RDC et le Burundi revient, en moyenne, à éloigner les marchés d’environ 1824 kilomètres ou 41 heures supplémentaires. Entre le Rwanda et la RDC, ces estimations sont, en moyenne, de 1549 kilomètres et 35 heures respectivement. Traverser les frontières de la RDC comporte de nombreux risques; les commerçants subissent harcèlement, violence physique et pertes financières. Ce rapport présente des informations collectées dans le cadre d’une enquête réalisée auprès des commerçants transfrontaliers, sur les conditions auxquelles ils sont confrontés lors du franchissement des frontières. Les conclusions sont austères : les conditions de vie et les activités, des femmes commerçantes essentiellement, sont actuellement minées en permanence par le niveau de harcèlement et de violence physique aux frontières, et à la prévalence de paiements non-officiels et de pots-de-vin. Pour de nombreuses femmes, le commerce est la seule source de revenus au sein de leur famille, et malgré ces conditions difficiles, elles n’ont d’autres alternatives que de continuer leurs activités ; elles sont bloquées dans une économie de survie. De plus, ces femmes souffrent d’un manque de représentation et sont faiblement organisées. Néanmoins, la majorité d’entre elles souhaiteraient développer et accroitre leurs activités. Cette volonté de développement pour réussir doit être accompagnée par un renforcement de la sécurité au franchissement des frontières et par l’établissement de règlements transparents et prévisibles. 5 Ce rapport propose certaines étapes cruciales permettant la facilitation des échanges commerciaux transfrontaliers dans la région des Grands Lacs. L’amélioration des conditions et du traitement des commerçants transfrontaliers aux frontières doit être une priorité immédiate. Le niveau de vie d’un nombre substantiel de femmes et de ménages dépendants de ces activités commerciales pourrait ainsi être significativement amélioré. De plus, ces mesures induiraient une augmentation des échanges commerciaux transfrontaliers et une disponibilité accrue des produits alimentaires de base, à moindre coût. Dans un deuxième temps, un cadre politique permettant aux commerçants de graduellement mieux s’organiser, avec le soutien des services compétents assurant un accès renforcé à l’information et au crédit et garantissant une meilleure représentation des leurs intérêts, doit être adopté et mis en application. Ces activités pourraient ainsi graduellement se formaliser et l’efficacité des réseaux de distribution pourrait se renforcer. Les étapes clés sont identifiées comme suit : • Les fonctionnaires, à tous les niveaux, reconnaissent le rôle central des commerçants transfrontaliers les plus pauvres. Les femmes commerçantes pauvres sont perçues et traitées de manière négative par les décideurs politiques, reflétant l’idée fausse qu’elles seraient une source de grosses pertes de revenus. • Une politique détaillée de gestion des frontières est développée et mise en œuvre. Elle doit garantir que: (i) seules les quatre agences légalement autorisées aux frontières soient présentes; l’essentiel du harcèlement provient du nombre important d’agences (parfois jusqu’à 15) opérant aux frontières; (ii) le régime de politique commerciale soit plus transparent et prévisible. Les mesures pratiques pouvant être rapidement mises en place incluent que tous les paiements faits aux fonctionnaires doivent être enregistrés et un reçu doit être systématiquement délivré ; ces paiements doivent être uniquement exécutés dans un bâtiment unique et clairement identifié ; aucun paiement en nature ne doit être autorisé; (iii) les infrastructures soient améliorées aux postes- frontières. Les infrastructures relatives aux transports et les bâtiments officiels, en mauvais état et inadaptés, doivent être réhabilités en incluant la fourniture de services de base tels que l’eau et l’électricité. Des travaux immédiats doivent être engagés afin de permettre une réduction des risques de sécurité provoqués par ces infrastructures, et il est nécessaire de créer des zones ouvertes et transparentes pour les fonctionnaires et les commerçants. (iv) la coordination et la coopération transfrontalière soit renforcées. Les agences frontalières clés ne sont pas suffisamment coordonnées avec leurs homologues au Burundi, au Rwanda et en Ouganda. Généralement, une gestion efficace des frontières nécessite des contacts réguliers entre les autorités douanières des deux pays voisins. Il existe assurément des opportunités en termes de partage de bâtiments et d’installations aux frontières, mais cela nécessite une prise de décision au plus haut niveau politique en RDC pour la mise en application. • Un professionnalisme accru et une sensibilisation renforcée aux problématiques de genre de la part des fonctionnaires. Dans un premier temps, il faudrait s’assurer que tous les effectifs portent un uniforme ou un badge visible en permanence. Les femmes sont sous-représentées dans les agences officielles, ainsi augmenter le nombre d’officier féminin serait une étape importante. Il est 6 cependant reconnu qu’il est avant tout nécessaire de mobiliser des officiers sensibles aux problématiques de genre et aux difficultés rencontrées par les commerçants hommes ou femmes. N’autoriser les fouilles corporelles des femmes que par des agents féminins est une mesure évidente qui devrait être obligatoire et faire l’objet d’une importante campagne de communication publique. La formation des officiers aux problématiques de genre et aux procédures douanières devrait permettre de renforcer ces mesures. • Un soutien renforcé aux commerçants, notamment par le biais des associations de commerçants. La représentativité des intérêts des commerçants doit être renforcée, notamment par un soutien aux associations de commerçants, afin de garantir que leurs intérêts soient défendus et pris en compte dans les politiques publiques. Ces associations pourraient également être un vecteur de formation et d’information. • Une stratégie pour intégrer les entrepreneurs pauvres dans l’économie formelle. Il est nécessaire d’adresser les préoccupations majeures des commerçants, telles que l’accès aux financements, le manque d’informations sur les prix et les opportunités d’affaires, la formation sur les pratiques commerciales et entrepreneuriales de base. Ce rapport permet d’établir que des interventions, permettant de réduire la taille des frontières et de faciliter la libre circulation des biens et des personnes aux frontières, pourraient avoir d’importants bénéfices économiques. A court terme, ces bénéfices prendraient la forme d’un renforcement de la sécurité et d’une augmentation des revenus pour les femmes commerçantes pauvres, dont leur activité commerciale est cruciale pour le bien-être de leur ménage, contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté dans les communautés situées le long de la frontière. De plus, la levée des contraintes majeures aux échanges commerciaux entre la RDC et le Burundi, et entre la RDC et le Rwanda pourrait permettre au commerce de jouer un rôle central dans l’intégration des marchés de produits alimentaires dans la région. Cela permettrait d’augmenter les revenus des agriculteurs et de créer de véritables sources alternatives de revenus pour ceux impliqués dans des activités qui déstabilisent la région. Des progrès sur ces différentes problématiques ont pu être constatés au niveau régional et national. Des séminaires ont récemment été organisés, à Goma et Bukavu, réunissant des représentants des autorités régionales, des fonctionnaires des agences aux frontières et des commerçants. Le Gouverneur du Sud Kivu a visité la frontière à Bukavu. Dans des entretiens récents, les commerçants de Bukavu ont confirmé que l’attention croissante des autorités a entrainé une diminution des cas de harcèlement. A Kinshasa, les problématiques du commerce transfrontalier et les conditions auxquelles doivent faire face les commerçantes pauvres furent présentées lors d’un séminaire organisé en avril 2011. Lors de cette réunion, les agences principales ont adopté une feuille de route détaillée et séquencée, en vue d’une amélioration des procédures frontalières aux deux postes pilotes de l’Est (Goma et Bukavu). La mise en œuvre de cette feuille de route conduira à une rationalisation des procédures et à la réalisation 7 d’accords clairs entre les différentes agences sur qui fait quoi, avec l’élaboration de descriptifs de taches clairs. La Banque Mondiale met en œuvre un projet pilote afin d’améliorer la facilitation commerciale aux frontières de l’Est de la RDC, notamment au poste de Petite Barrière à Goma. Ce projet vise à atteindre des améliorations stratégiques des infrastructures dans le but de créer un espace plus ouvert et plus transparent contribuant à une réduction des risques de sécurité. Ce projet permettra également de dispenser des formations pour les officiers de douanes et de sécurité, visant à améliorer et professionnaliser leurs comportements aux frontières, mais aussi de soutenir l’autonomisation des associations de commerçants et le développement de leurs capacités. Ce projet fera l’objet d’une évaluation d’impact approfondie. Les données de référence sont collectées en mai et juin 2011, et le projet commencera à apporter des améliorations à partir du mois de juillet. 8 I. Introduction La paix et une stabilité relative, depuis 2008, créent les conditions favorables à un rétablissement de l’économie locale dans la région des Grands Lacs. Bien connu comme étant une zone de conflit depuis le début des années 1990, l’économie de la région des Grands Lacs, et particulièrement la région Est de la République Démocratique du Congo (RDC), a été dévastée par les conflits récurrents. Cette guerre, souvent citée comme la plus meurtrière au monde depuis la seconde guerre mondiale, a entrainé la mort de prés de 5,4 millions de personnes entre 1998 et 2003. Cette région, bien que toujours luttant contre l’instabilité et la fragilité, s’est engagée dans la voie d’une reprise économique, notamment, à travers plusieurs accords de paix, à une relance du dialogue politique régional et à l’appui d’une aide internationale massive, dont la plus grande mission de maintien de la paix des Nations Unies au monde. A ce jour, la relance économique est due principalement au secteur informel témoignant d’une incertitude continue sur la sécurité, du manque de réglementations claires et des problèmes de gouvernance au sein des institutions étatiques.1 Le commerce international offre un potentiel énorme de croissance et de réduction de la pauvreté dans la région. Les exportations de minerais en provenance de la RDC occupent une place prépondérante dans les exportations vers les marchés internationaux. Prétendument, il existe une marge considérable pour tous les pays et toutes les économies de la région de profiter des opportunités qu’offrent les échanges commerciaux internationaux pour divers biens et services. En effet, cela peut contribuer à la sécurité alimentaire, entrainer une croissance du taux d’emploi dans l’ensemble de la région, contribuer au retour de la population de déplacés internes, ainsi que de diminuer les prix et de favoriser l’accès à des intrants clés utilisés pour l’exportation d’autres biens et services. L’exploitation de ces opportunités du commerce transfrontalier, bien que plus faibles en termes de valeur que l’exportation de minerais, est susceptible d’avoir un impact bien plus direct en termes de revenus et d’emplois dans la région, et pourrait permettre d’améliorer les conditions de vies de nombreux ménages. De plus, bien que l’amélioration des conditions sécuritaires soit un préalable à toute reprise commerciale, le développement des opportunités économiques et l’amélioration des conditions de vie des populations contribueront indubitablement à un renforcement de la stabilité. Par exemple, des rendements croissants associés aux activités agricoles peuvent fournir de véritables alternatives en termes d’emplois et des sources de revenus autres que l’exploitation minière artisanale, permettant donc une évolution progressive vers un secteur minier mieux organisé et moins perturbé. Exploiter les opportunités des marchés régionaux et internationaux jouera un rôle central dans l’augmentation des revenus des agriculteurs et de la sécurité alimentaire. Les échanges commerciaux transfrontaliers sont amenés à jouer un rôle de plus en plus important en connectant les 1 Le Mémorandum économique de la RDC se concentre sur ces questions et les contraintes politico-économiques limitant les progrès à leur résolution. 1 régions en surplus alimentaires et avec celles en déficits, particulièrement dans un contexte de développement caractérisé et conduit par une concentration croissante de population et d’activités dans les zones urbaines. L’augmentation des revenus entrainera une hausse de la demande pour divers biens et services et améliorera la portée bénéfique mutuelle des échanges transfrontaliers entre la RDC et les autres pays de la région des Grands Lacs dans des secteurs tels que l’agriculture, les produits manufacturés et les services. Les flux Table 1 : Commerce transfrontalier enregistré dans la région des Grands Lacs commerciaux (2009, $000) constatés entre la Importation RDC et ses voisins Burundi RDC Rwanda Ouganda dans la région des Burundi 7037 3291 426 Grands Lacs sont Exportation RDC 652 5975 4346 relativement faibles et principalement Rwanda 1738 11392 3071 tournés vers la RDC. Ouganda 28515 78307 141853 Le tableau 1 présente Monde 337649 1109830 4246228 les données officielles disponibles du Source: WITS commerce de marchandises entre la RDC, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda en 2009.2 Ces flux commerciaux transfrontaliers sont très faibles par rapport aux importations totales de chaque pays. Par exemple, les importations rwandaises en provenance de la RDC ne représentent qu’environ un demi pourcent de ses importations totales en 2009. Il est également évident qu’actuellement les exportations du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda vers la RDC excédent leurs importations respectives en provenance de la RDC. Les données officielles disponibles pour les années 1970 suggèrent, qu’à cette époque, la RDC était un exportateur net vers le Rwanda et le Burundi et un importateur net de l’Ouganda. En 2009, les données officielles disponibles révèlent que les produits clés exportés depuis le Rwanda et l’Ouganda vers la RDC – le ciment, le fer et les produits en acier – sont liés au secteur de la construction. Les principales marchandises enregistrées dans les importations de ces mêmes pays en provenance de la RDC sont le bois, l’huile végétale, les médicaments et les parfums. Actuellement, les échanges commerciaux transfrontaliers informels jouent un rôle prépondérant en connectant les producteurs et les marchés de la région des Grands Lacs. Les statistiques officielles sous estiment largement le niveau des échanges commerciaux transfrontaliers dans la région. Par exemple, le nombre de camions traversant la frontière ne représente qu'une infime proportion des échanges réalisés par la dizaine de milliers d’individus qui traversent les frontières à l’Est 2 Ces dernières années, les données officielles de la RDC n’ont pas été transmises aux Nations Unies. Nous utilisons donc les exportations de chaque pays partenaire pour palier à ce manque. 2 de la RDC quotidiennement. Ce type de commerce informel n’est pas illégal mais est plutôt une activité à petite échelle et mal organisée qui n’apparaît pas dans les registres douaniers. Il faut préciser clairement que ce type de commerce informel à petite échelle est « officiel » dans le sens où les commerçants passent par les postes-frontières officiels, payent un frais de passage au bureau de l’immigration et, si traités de manière appropriée, payent un droit de douane sur les importations.3 Sabwa et Mukhebi (2011), dans un document d’information préparé pour ce rapport, estiment que le volume de commerce informel de la RDC, avec les pays de la région des Grands Lacs, dans les denrées alimentaires est presque 5 fois supérieur au volume de commerce formel dans ces mêmes produits (Table 2). Concernant les autres pays de la région, le commerce informel des denrées alimentaires, bien que moins important qu’en RDC, est toujours une composante importante du commerce transfrontalier. Les échanges transfrontaliers sont la source principale de revenus d’un grand nombre de commerçants informels, principalement des femmes transportant des produits agricoles. La dimension de genre est donc centrale à la compréhension de cette problématique. Il y a cependant très peu d’informations relatives à ces commerçants, la manière dont ils opèrent et les conditions générales de leurs activités.4 Le commerce illégal de minéraux et de bois posent également des défis essentiels. Concernant les minéraux, le sujet a été largement discuté et documenté dans plusieurs rapports dans le cadre de l’initiative « le Commerce au Service de la Paix » (Trading for Peace) et des mesures internationales ont été adoptées concernant des programmes de certification de minéraux tels que le coltan et la cassitérite. Ce rapport analyse la Table 2 : Estimatif de commerce formel et informel des denrées alimentaires situation actuelle et les pour l’Afrique de l’Est (tonnes) RDC Kenya Rwanda Ouganda opportunités de commerce Formel 3276 22728 8286 205583 transfrontalier entre la RDC Informel 16078 9116 2177 114879 et les pays voisins, en se Ratio : informel/formel 4,91 0,40 0,26 0,56 focalisant sur les produits Source: Sabwa et Mukhebi (2011) agricoles. Ce rapport synthétise des travaux portant sur le niveau actuel et le potentiel de croissance des échanges commerciaux transfrontaliers entre la RDC, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda. La comparaison des prix de produits alimentaires dans une série de marchés dans ces trois pays permet d’illustrer le rôle déterminant du commerce transfrontalier dans la réduction des différences des niveaux des prix des produits agricoles et dans la réduction de la volatilité de ces prix. Toutefois, ce potentiel n’est que partiellement réalisé, en particulier dans les échanges commerciaux à travers la frontière de la RDC. Cette analyse est complétée par des informations collectées lors d’une enquête menée auprès des commerçants opérant aux frontières, permettant de cerner leurs conditions de travail à ces frontières. 3 Bien qu’il n’existe aucun tarif légal sur les exportations, les commerçants sont souvent amenés à payer un droit de douane. 4 Un document d’Alerte Internationale (2010) fournit des informations importantes sur la nature des biens transportés et les conditions auxquelles sont confrontés les commerçants passant au poste-frontière de Goma-Gisenyi. Mthembu-Salter (non daté), Coulibaly et Maburuki (2006) et Masinjila (2009) fournissent également de précieux renseignements à ce sujet. 3 Les conclusions de ce rapport sont dures: les conditions de vie et les activités, des femmes commerçantes essentiellement, sont actuellement minées en permanence par le niveau élevé de harcèlement et de violence physique aux frontières, et à la prévalence de paiements non-officiels et de pots-de-vin. L’amélioration des conditions de travail aux frontières nécessite une amélioration des infrastructures, une simplification des procédures commerciales et une amélioration de la gestion des frontières par le gouvernement de la RDC, ainsi que la formation des officiers et le soutien aux associations de commerçants. La coopération et l’intégration économique régionale peuvent être les principaux leviers requis pour la réduction des contraintes politiques et des problèmes d’infrastructures affectant le commerce transfrontalier. Les actions principales pouvant permettre une amélioration des procédures aux frontières et un traitement des problèmes de gouvernance ne peuvent être engagées que par les pays eux même. Ce rapport se focalise sur la RDC. En raison de leurs propres réformes et de la mise en œuvre du protocole de la Communauté de l'Afrique de l’Est (EAC), le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda ont progressé encore plus loin dans le processus de changement et de renforcement de leur politique aux frontières. Il reste cependant beaucoup à faire dans ces pays en matière d’accompagnement des commerçants informels pouvant leur permettre de prospérer et de s’intégrer dans l’économie formelle. Quoi qu’il en soit, ces politiques individuelles peuvent largement être complétées par le partage d’informations, l’harmonisation des régimes commerciaux, les conditions réglementaires, les actions conjointes aux postes-frontières et une collaboration renforcée dans le but d’identifier et traiter les problèmes d’infrastructures prioritaires. Ces opportunités ne sont pas encore réalisées et la problématique centrale demeure le format du forum régional approprié pour les aborder. Le Burundi et le Rwanda sont membres de la CPEGL (Communauté Économique des Pays des Grands Lacs), et sont devenus membres de l’EAC en 2009, commençant le processus d’intégration dans le marché de l’Afrique de l’Est. La RDC est membre de la COMESA, de la SADC, de la CEEAC et de la CPEGL, mais n’a pas à ce jour de politiques commerciales claires concernant l’intégration économique régionale. Ce rapport décrit, dans un premier temps, la situation économique actuelle dans la région des Grands Lacs, puis propose une synthèse de l'analyse détaillée des prix relatifs d’un certain nombre de produits alimentaires de bases sur les marchés du Burundi, de la RDC et du Rwanda, permettant ainsi d’estimer l’étendue et le poids des frontières dans la région. La section suivante résume les résultats de l’enquête menée auprès des commerçants opérant aux frontières et présente une série de recommandations. La dernière partie conclut le rapport et décrit une série d’étapes entreprises pour traiter les contraintes identifiées dans ce rapport, et discuter la façon dont elles pourraient être renforcées. 4 II. Le Potentiel pour le Commerce Transfrontalier dans la Région des Grands Lacs Depuis des siècles, les économies de l’Est de la RDC, du Burundi, du Rwanda et de l'Ouest de l’Ouganda sont inextricablement liées. Cependant, les conflits récents ont eu des conséquences dramatiques en termes de vies humaines, ainsi que sur l’économie régionale. La sortie progressive de l’instabilité et des conflits crée de forts potentiels de croissance dans la région, notamment grâce aux réserves importantes de ressources naturelles. En plus des secteurs miniers et forestiers, la RDC a un énorme potentiel agricole, toutefois l’instabilité politique et l’insécurité ont fortement pesé sur la production agricole et sur la sécurité alimentaire. La production alimentaire s’est effondrée de 30 à 40 pourcent au court des 10 dernières années en RDC (IPC, 2009). Le Nord et le Sud Kivu, dans l’Est du pays, ont le plus fort potentiel agricole et sont considérés comme de « potentiels greniers » du pays (Ulimwengu et al, 2010). Malgré cela, 4,5 millions d’habitants de la RDC vivent dans une situation d’insécurité et de crises alimentaires (8% de la population totale)5 , principalement dans l’Est du pays où les conflits et l’absence de sécurité ont entrainé un déplacement interne de près de 14% de la population, soit 1,3 millions de personnes (HCR, 2010).Ces déplacés internes ont un accès souvent limité à la terre (43,1%) pour la production agricole en comparaison des populations locales (81,7%) bien qu’une part importante des terres fertiles soit toujours inexploitée (PAM SK, 2009). Les méthodes de culture restent très rudimentaires et la majeur partie de la production actuelle est utilisée à des fins de subsistance, ne se retrouvant pas sur les marchés, illustrant ainsi le manque d’accès aux marchés locaux et régionaux et le manque d’informations sur les opportunités commerciales. Le retour des déplacés internes vers leurs communautés et la stabilité pourra stimuler la relance de la production agricole et ouvrir des opportunités commerciales sur les marchés régionaux. Le commerce transfrontalier est un mécanisme fondamental pour connecter les producteurs aux marchés et réguler les différences de prix des produits alimentaires de base. Bien que l’instabilité et l’insécurité de ces 20 dernières années aient fortement perturbé les échanges transfrontaliers, des flux quotidiens et considérables de biens et de personnes se sont maintenus entre ces pays. La stabilité croissante dans la région a permis une augmentation des flux commerciaux, mais ils restent principalement informels. Ce rapport vise à identifier les raisons pour lesquelles ces échanges commerciaux agricoles restent informels. Ces échanges sont essentiellement conduits par des femmes pauvres, pour qui ces activités commerciales sont la source principale de revenus de leur ménage. Elles subissent harcèlement et extorsions lors de leurs passages aux frontières, et n’ont ni soutien ni encadrement pour s’engager vers une formalisation de leurs activités. 5 Le 4ème cycle d’analyse du Cadre Intégré de Classification de la Sécurité Alimentaire (Integrated Food Security Phase Classification ou IPC) conduit par le Ministère de l’Agriculture avec le soutien de la FAO. 5 Lier les producteurs et les consommateurs de l’Est de la RDC à de grands marchés, par le biais du commerce international, peut jouer un rôle central dans la croissance économique et la convergence des revenus. L’Est de la RDC est à proximité de pôles d’activités économiques importants, dont la concentration est en hausse. L’importance de l’exploitation de ces liens économiques avec les pays de l’Est de l’Afrique est mise en évidence par la figure 1.6 Cette figure illustre la localisation et l’intensité des activités économiques par le biais des émissions nocturnes de lumière. Etant donné la situation géographique du Nord et du Sud Kivu et leurs liens limités avec l’Ouest et le reste de la RDC, les marchés les plus proches se situent dans les pays voisins. Ainsi, la facilitation du commerce transfrontalier serait un mécanisme important pour améliorer l’accès des consommateurs aux produits alimentaires de base et pour augmenter les revenus des agriculteurs. Actuellement, la majorité des produits alimentaires sont importés en RDC7 reflétant des problèmes d’insécurités persistants dans les zones rurales de la RDC, des mouvements de déplacés internes vers les villes, la faiblesse des infrastructures et le niveau limité de la production agricole. Toutefois, à mesure que la normalisation de la situation sécuritaire et que la réhabilitation des infrastructures est adressée, le potentiel, pour la région Est de la RDC, afin de devenir un exportateur majeur dans une série de produits agricoles peut être réalisé. 6 La mesure de l’activité économique dans les régions où les activités sont essentiellement informelles est évidement difficile. Récemment, une approche alternative de mesure du PIB/activité économique national, régional et sous-régional s’est développée en utilisant l’intensité lumineuse émise de nuit et mesurée par satellites. Henderson et al. (2009) démontrent qu’il y’a une forte corrélation, au niveau national, entre le niveau de l’intensité lumineuse nocturne et le PIB mesuré. Cela indique que ce type d’information est utile pour obtenir une photographie de la distribution géographique de l’activité économique. 7 A moyen et à plus long terme alors qu’une plus grande stabilité sera ancrée et que la production agricole sera restaurée en RDC, le potentiel résidera dans l’exportation de produits agricoles de la RDC vers les grandes agglomérations en croissance telles que Bujumbura, Kigali, Kampala et d’autres villes dans les pays des Grands Lacs, mais aussi vers Nairobi et Dar-es-Salaam. Cela soulèvera des questions de conformité avec les barrières standards et non-tarifaires pouvant limiter le commerce de ces produits. Pour cela, une coopération régionale accrue sera nécessaire. 6 Figure 1 : La distribution des activités économiques dans les pays de la région des Grands Lacs illustré par les données d’intensité lumineuse Les provinces de l’Est de la RDC ont le potentiel pour rattraper ses pays voisins dont la croissance des revenus est plus rapide et plus élevée. Les revenus en Afrique de l’Est connaissent une forte croissance (figure 2) et les PIB par tête du Rwanda et de l’Ouganda sont actuellement plus de deux fois supérieures à celui de la RDC. La situation en 1980, avant la crise, était différente. En effet, le PIB par tête de la RDC était de 530 USD, soit plus de deux fois supérieur à celui du Rwanda (224 USD) et plus de cinq fois supérieur à celui de l’Ouganda (98 USD).8 Les revenus par tête au Nord et au Sud Kivu sont légèrement supérieurs à la moyenne du reste du pays, mais considérablement inférieurs à ceux du Rwanda, du Kenya et de l’Ouganda. Ceci montre donc que les opportunités pour les deux Kivu de rattraper le niveau de revenu de ses voisins d’Afrique de l’Est, plus riches et ayant un taux de croissance plus élevées, sont réelles. 8 Source : Indicateur de Développement Mondial (WDI). 7 Figure 2 : PIB par tête dans la région des Grands Lacs – 2007-2009 (dollars US) 900 800 700 600 500 USD 400 300 200 100 0 North Kivu South Kivu DRC Burundi Rwanda Uganda Kenya 2007 172 215 160 125 396 388 720 2008 202 254 180 145 483 456 775 2009 195 211 160 160 522 490 738 Source : Indicateur du Développement mondial(WDI), Cadre Macroéconomique Provincial, Banque mondiale, 2011 L’analyse du niveau des prix de marché indique que le franchissement de la frontière vers la RDC pèse fortement sur les commerçants de produits alimentaires. L’annexe 1 synthétise une étude sur les prix de produits alimentaires de base, tels que le maïs et le manioc, sur différents marchés de la RDC, du Burundi et du Rwanda (les détails complets sont disponibles dans le rapport de Brenton et Portugal (2011)). Cette analyse vise à expliquer les différences de prix et de volatilité des prix entre les marchés. Sur des marchés compétitifs ne subissant pas de distorsions massives, l’arbitrage spatial permet de garantir que la différence de prix entre deux marchés n’excède pas le coût total de transport de ces biens entre le marché où les prix sont les plus élevés vers le marché où les prix sont les plus faibles. Le coût total inclut principalement les coûts de transport. L’arbitrage a un impact bénéfique sur l’économie dans la mesure où les produits alimentaires de base sont déplacés d’une région en surplus relatif vers des régions en déficit, réduisant ainsi le prix de ces produits dans les zones déficitaires. Lorsque les marchés sont de part et d’autre d’une frontière, tout coût supplémentaire à la frontière restreint le rôle de l’arbitrage en matière de réduction des différences de prix. Les interventions permettant de réduire les coûts de transport entre les marchés, telles que l’amélioration des routes et la levée des blocages routiers, entraineraient une réduction du différentiel de prix. L’analyse des prix, après prise en compte des facteurs spécifiques aux produits et aux marchés ainsi que deux indicateurs indirects de coûts de transport entre les marchés, confirme que de part et d’autre de la frontière ces marchés sont affectés par un effet supplémentaire en matière de coût. Les variables capturant ces contraintes des politiques douanières ont un impact significativement positif, bien que plus pesant pour le franchissement des frontières de la RDC. L’impact sur les prix relatifs de traverser la frontière entre le Rwanda et le Burundi est équivalent à éloigner ces deux marchés de 174 kilomètres supplémentaires ou à 4,6 heures supplémentaires. Traverser la frontière entre la RDC et le 8 Burundi revient, en moyenne, à ajouter environ 1824 kilomètres entre ces deux marchés ou 41 heures supplémentaires. Entre le Rwanda et la RDC, ces estimations sont, en moyenne, de 1549 kilomètres et 35 heures respectivement. Traverser la frontière est également associé à une augmentation de la volatilité des prix et, à nouveau, l’impact du franchissement de la frontière de la RDC est bien plus important que pour les frontières entre le Burundi et le Rwanda. Il existe donc des obstacles majeurs au commerce transfrontalier entre la RDC, le Burundi et le Rwanda. Le commerce peut cependant être amené à jouer un rôle important dans l’intégration des marchés de produits alimentaires dans la région. Par conséquent, des interventions permettant de réduire la “taille� de ces frontières et facilitant la circulation des biens et des personnes à travers celles-ci peuvent générer de très larges bénéfices économiques. La section suivante se penche sur le type et la nature des obstacles au commerce transfrontalier. III. Les Conditions auxquelles les Commerçants dans la Région des Grands Lacs sont confrontés Bien que le commerce transfrontalier soit de première importance dans la région des Grands Lacs, peu d’informations sont disponibles sur la nature de commerce et les conditions dans lesquelles les commerçants opèrent. Le commerce transfrontalier est le mécanisme primordial d’approvisionnement de produits alimentaires et autres biens de consommation courante vitaux pour les villes frontalières dans les pays de la région des Grands Lacs, telles que Goma et Bukavu. L’une des quelques études disponibles sur ce type de commerce permet d’estimer qu’environ 22’000 personnes sont employées directement et indirectement dans ce type d’activités à Goma/Gisenyi et entre 500 et 1000 commerçants transfrontalier sont établis à Bukavu, générant probablement 10 fois plus d’emplois dérivés dans toute la région frontalière de la province du Sud Kivu.9 La valeur totale mensuelle des importations, dues aux commerçants transfrontaliers, à Goma en provenance du Rwanda, est estimée à plus d’un million de dollars américains. Entre 1800 et 2000 traversées sont estimées par jour au poste- frontière de Petite Barriere à Goma, et 900 par jour à Ruzizi, le poste-frontière de Bukavu. Ces chiffres sont élevés en comparaison des standards connus et vont probablement augmenter au regard de la croissance de la population et des zones urbaines – allant de pair avec des besoins accrus en produits de consommation courante. Dans le but de combler le grand manque d’information disponible sur la nature et les conditions du commerce transfrontalier, des enquêtes furent menées en 2010 sur 4 postes-frontières clés de la région (les détails de cette enquête sont synthétisés dans l’annexe 2). Le commerce transfrontalier est très largement dominé par les femmes et est une source essentielle de revenus pour de nombreux ménages dans la région. Les enquêtes menées ont permis d’identifier les paramètres suivants essentiels au commerce transfrontalier : 9 Rapport d’Alerte Internationale “La Traversée�, juin 2010. 9 1. La majorité des commerçants sont des femmes jeunes (85% des interviewés furent des femmes, d’une moyenne d’âge de 32 ans) et expérimentés (44% des commerçants interrogés travaillent dans ce secteur depuis plus de cinq ans). 2. Les majorités du personnel en poste aux frontières sont des hommes (82%).10 3. La plupart des commerçants vendent des produits alimentaires, tels que des céréales, des légumineuses séchées, des fruits et des légumes. Ces produits sont vendus en petites quantités et les commerçants les transportent généralement sur leur tête. 4. Le capital initial des commerçants est peu élevé (moins de 50 USD) et est généralement obtenu par le biais de réseaux familiaux. Très peu de commerçants ont recours à des institutions financières pour obtenir des prêts. La grande majorité des commerçants (95%) souhaitent investir pour agrandir leur commerce, mais sont limités par l’instabilité récurrente aux frontières et du fait du manque d’accès à des sources de financement. 5. Les revenus générés par ces échanges commerciaux sont la principale source de revenus pour deux tiers des personnes interviewées, et la plupart (77%) signale qu’une grande partie de leurs revenus du ménage dépendent principalement de ces activités. 6. Très peu de commerçants font partie d’une association de commerçants. Les commerçants transfrontaliers doivent régulièrement payer des pots-de-vin et sont victimes de harcèlement. Les focus groupes et interviews individuels détaillés menés avec les commerçants dépeignent un portrait sombre des conditions de travail des femmes pauvres commerçant aux frontières dans la région des Grands Lacs. Elles doivent faire face à de nombreux risques et pertes potentielles à chaque fois qu’elles traversent la frontière. La figure 3 synthétise leurs principales difficultés. Il est frappant de constater que les paiements de pots-de-vin surviennent fréquemment pour la plupart des commerçants. Les personnes interrogées, aux quatre postes-frontières, ont toutes répété la même rengaine utilisée par les agents aux frontières « sans argent, on ne passe pas ». Au poste- frontière de Goma/Gisenyi, 100% des personnes interrogées ont affirmé devoir payer des pots-de-vin pour pouvoir traverser la frontière. Un nombre important de commerçants ont également indiqué se faire confisquer leurs biens et ont l’obligation de payer des amendes. 10 Les données officielles de l’OFIDA pour août 2010 montrent que dans le Nord Kivu moins de 20% des 547 agents sont des femmes. 10 Figure 3 : La fréquence des risques à la frontière telle que rapportée par les commerçants transfrontaliers Le grand nombre et l’éventail important d’officiers présents aux frontières entre la RDC et les pays voisins est une caractéristique importante du trafic transfrontalier.11 Les problèmes de gouvernance et les conséquences néfastes pour les commerçants en sont donc exacerbés. De plus, le gissant manque de transparence et de connaissance des règles et régulations régissant les flux transfrontaliers des biens et des personnes, aussi bien par les commerçants que les officiers, renforce ce phénomène. Les conditions typiques d’un jour de travail sont résumées par un commerçant d’œuf et de sucre à s Goma: « j’achète mes œufs au Rwanda ; dès que je passe la frontière du Congo, je dois donner un œuf à chaque officier qui me le demande. Certains jours, il m’arrive de donner jusqu’à 30 œufs ! » Réduire le transparence nombre d’agences et d’officiers présents aux frontières, renforcer la transparence et la prévisibilité du régime réglementaire est crucial pour permettre aux commerçants de travailler dans un environnement favorable au développement de leurs activités. d’actes d Un nombre important de commerçants transfrontaliers sont victimes d actes de violence, de d menaces et de harcèlement sexuel. Les commerçants sont régulièrement victimes de coups, d’insultes verbales, déshabillage, de harcèlement sexuel et parfois même de viol, mais ces actes sont rarement soient mieux organisées que d’autres, cette violence basée sur dénoncés. Bien que certaines frontières so autres, le genre, bien que plus répandue en RDC, est perpétrée des deux côtés de la frontière au Burundi, au 11 Cela malgré le Décret No.036/2002, du 28 mars 2002 indiquant que seules 4 agences sont légalement habilitées à opérer aux frontières : la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA), la Direction Générale de Migration (DGM), les services du Programme National de l'Hygiène aux Frontières (PNHF), et l’Office Congolais de Contrôle de qualité (OCC). Ce décret fut renforcé par « l’Ordre Opérationnel » de décembre 2010 du Vice r Vice-Premier Ministre en charge de la sécurité et de l’intérieur. Néanmoins, les enquêtes de terrain menées pour ce rapport ont montré que la présence de fonctionnaires de 10 à 15 agences postes-frontières Est de la RDC. différentes n’est pas inhabituelle aux postes 11 Rwanda et en Ouganda. Ces violences ne sont pas du seul fait des officiers aux frontières. En effet, des jeunes hommes sans emplois, appelés « maibobo » (jeunes des rues et voyous), et les « viseurs » sont tolérés et même parfois employés par les officiers en poste et ont carte blanche pour faire usage de la force nécessaire à l’extorsion d’argent et de biens, particulièrement envers les commerçants voyageant a pied avec leurs biens sur le dos ou sur leur tête. Souvent, les femmes commerçantes se trouvent encerclées par un groupe d’homme une fois qu’elles ont traversé la frontière. La vulnérabilité de ces femmes aux vols et abus physiques est rampante dans ces zones frontalières. Ainsi, les commerçants transfrontaliers subissent des pertes régulières, par le biais de paiement de pots-de-vin quasi obligatoires, et sont victimes de harcèlement et d’abus physiques réguliers. L’absence de sécurité physique et économique sapent fortement les conditions de vie de ces commerçants et aggravent leur accès aux sources de financement, aux informations et connaissances nécessaires à leurs activités. La grande majorité des commerçants ne voit pas d’alternative à la situation actuelle, étant piégé dans une économie de survie. Résoudre ces problèmes en améliorant la sécurité et en assurant la mise en place de réglementations transparentes et prévisibles pour ceux traversant les frontières faciliterait le commerce, améliorerait les revenus et renforcerait la sécurité alimentaire et la stabilité dans la région. Les commerçants et les officiers sont pris dans un cercle vicieux de désobéissance et d’absence de confiance réciproque. Le commerce informel est communément perçu comme étant une volonté d’éviter les règles formelles et les institutions aux frontières. Cependant dans de nombreux cas, les institutions aux frontières sont, au mieux, relativement faibles, et la complexité et le manque de transparence des règles et législations applicables au commerce transfrontalier créent un climat favorable au harcèlement, aux comportements inappropriés des officiers et à la désobéissance des commerçants. Ainsi, les pratiques informelles aux frontières sont dues aux commerçants, mais également à la faiblesse des institutions et par les pratiques intéressées des officiers. L’informalité des opérations commerciales peut également s’expliquer par l’absence de recours a des institutions formelles par les commerçants victimes d’actes inappropriés ou illégaux perpétrés par les officiers à la frontière. Les commerçants informels, particulièrement les femmes commerçantes les plus pauvres, manquent de structures et d’organisations qui les représente. Elles sont ainsi d’autant plus vulnérables aux officiers en charge du contrôle des postes-frontières, et n’ont pas la possibilité de contester et de rapporter les actions et décisions de ces officiers. Cette problématique est aggravée par un manque d’informations et de connaissances des règles et régulations appropriées auxquelles les commerçants doivent se conformer. Par exemple, les femmes congolaises transportant des produits pour la vente vers le Burundi doivent souvent s’acquitter d’un paiement quand elles quittent le pays, bien qu’il n’existe aucune taxe officielle à l’exportation. 12 IV. Conditions physiques et procédures aux postes-frontières La mauvaise qualité et les conditions des infrastructures aux frontières favorisent les pires sortes de harcèlement et de violence. L’attention du gouvernement et des bailleurs s’est principalement focalisée sur l’amélioration des conditions du commerce transfrontalier formel et sur la réhabilitation et la mise à niveau des infrastructures pour le transport par camion aux principaux postes-frontières. Les commerçants transfrontaliers opérant de manière informelle n’ont pas fait l’objet de beaucoup d’attention. Le franchissement de la frontière à Goma en est une bonne illustration. Deux points de passage sont régulés par les offices de douane : la “Petite Barrière�, pour les petits commerçants opérants de manière informelle et la "Grande Barrière� principalement pour les commerçants formels. Les différences entre ces deux points de passage sont aussi saisissantes que le contraste d’organisation entre la RDC et le côté rwandais. A la “Grande Barriere� la route est revêtue de pavés, les bâtiments administratifs sont dans de relativement bonnes conditions, et la circulation transfrontalière semble être relativement bien ordonnée. A la “Petite Barrière� du côté de Goma, c’est le chaos. Les routes sont en très mauvais état, et congestionnées par la présence de vendeurs, et de nombreuses échoppes encombrent le bas côté de la route.12 Les bâtiments administratifs officiels en RDC sont souvent dans une mauvaise condition. Cette situation est particulièrement évidente à la Petite Barrière de Goma où les différentes agences, opérant dans des huttes ou des containers convertis en bureaux, n’ont pas accès à l’électricité et aux infrastructures sanitaires de base. De plus, ces agences se trouvent au milieu de zones bâties et sont entourées par de grandes foules d’habitants. Dans ces conditions, séparer les voyageurs des résidents locaux se révèle être une tache ardue et le contrôle de la foule peut se montrer périlleux. Des infrastructures adaptées et bien conçues, sans être forcement luxueuses, contribueraient à un meilleur contrôle de cet environnement. Par exemple, l’officier en chef de la douane de Petite Barrière occupe un bureau en retrait n’offrant aucune vue sur la route et sur le trafic transfrontalier, l’empêchant, par conséquent, de superviser le travail de ses subordonnés. En revanche, le bureau de l’officier en chef au poste de douane de Ruzizi est installé directement en face de l’accès routier, ce qui lui permet d’intervenir immédiatement si nécessaire. Un design architectural permettant aux superviseurs d’observer ce qu’il se déroule en dehors de leur bureau est un aspect essentiel de la gestion des postes- frontières. Le rôle des douanes n’est pas suffisamment défini. Le manque de cohérence des services de douane en matière d’interventions à la frontière encourage la contrebande et engendre de la corruption additionnelle au sein des autres agences. Ce phénomène s’est aggravé par la création d’une unité 12 La situation a changé du côté rwandais de la frontière où d’importantes constructions ont permis la création de nouveaux bâtiments pour l’immigration et les douanes, une amélioration des routes et de l’éclairage des rues. 13 spéciale au sein de la police nationale congolaise, appelée la Police des frontières. La Police des frontières a pour mandat de : (i) garantir le respect de la loi et l’ordre aux postes-frontières, et (ii) sécuriser la ligne de frontière dans la zone séparant les deux postes-frontières autorisés13 afin de combattre l’immigration illégale et la contrebande. Cependant, ce mandat est en conflit avec celui des douanes : suivant le code douanier du 20 février 2011, les agents des douanes sont autorisés à porter des armes pour assurer leur propre défense et prévenir la contrebande (ce qui est leur rôle principal). Les services de douanes sont ainsi les mieux positionnés pour assurer leur propre sécurité aux postes- frontières, ou ailleurs où elles opèrent. De plus, il semble que la Police des frontières à « Petite Barrière » arrête de travailler a 18h00, l’heure de fermeture du poste-frontière, et ne sont ainsi d’aucune utilité dans la lutte contre l’immigration illégale. Il y a lieu de craindre que la création de cette nouvelle unité de contrôle n’aboutira probablement qu’à une agence supplémentaire présente aux frontières. Les témoignages des usagers semblent indiquer que les agents de la Police des frontières sont engagés dans des activités de recherche de rentes. Les procédures douanières sont mal appliquées. Les droits d’importation sont généralement calculés sur la base d’une déclaration douanière sur laquelle l’importateur décrit la nature des biens importés, affecte ses derniers à une position tarifaire et à un droit de douane correspondant, et certifie la valeur. Naturellement, cette procédure peut être simplifiée pour les commerçants transfrontaliers individuels, et la nature prévisible de ces importations facilite l’usage d’une classification générique, l’application d’un taux forfaitaire et la mise en place d’une procédure de déclaration très simplifiée. Les déclarations sont généralement remplies par les officiers eux-mêmes, comme cela fut observé au cours de l’enquête aux postes-frontières de Kinshasa, Goma et Bukavu. Une déclaration simplifiée d’importation (DSI), qui décrit les biens de manière générale, est complétée par les services des douanes. Les agents des douanes utilisent une liste de prix régulièrement mise à jour qu’ils comparent à la valeur déclarée par les importateurs. Cependant, cette procédure a subi de sévères anomalies : a) La DSI est principalement utilisée comme une déclaration hebdomadaire ou mensuelle consolidée. Ainsi, elle ne détaille pas les transactions individuelles, et n’est généralement pas remise aux importateurs.14 b) La seule trace d’une transaction spécifique se trouve sur le reçu que les importateurs sont censés recevoir après le paiement. Ce reçu n’a pas été élaboré à des fins d’évaluation, et la manière dont il est rempli ne permet pas d’obtenir de détails sur les biens importés, ni sur la manière dont les droits ont été calculés. c) En conséquence, il n’y a ni traçabilité, ni registre permettant de vérifier ce qui a été importé, par qui, et quel montant a été payé. 13 Cette zone est parfois appelé la frontière « verte ». 14 Une raison fournie est que la DSI est vendu 8 dollars US. Une alternative possible serait de ne pas chargé de frais pour ce document. 14 La redevabilité et la transparence des fonctionnaires font défaut. En matière de gestion des douanes, il est difficile de vérifier l’équité et la cohérence des procédures appliquées par les agents sur le terrain envers les commerçants transfrontaliers. La remise des reçus uniquement aux importateurs complique d’autant plus toute vérification. Un bref compte-rendu des DSI et des livres de comptes a permis de constater qu’en certaines occasions la souche des DSI restait attachée au carnet, et que les originaux des reçus originaux n’était pas détachés du livre de comptes. Cela illustre que les fonctionnaires ne cherchent même pas à cacher le fait qu’ils ne remettent pas les reçus aux importateurs. Ces derniers ont confirmés qu’ils ne reçoivent jamais de reçu pour les paiements effectués. L’impression générale qui s’en dégage est une absence de transparence, encore moins de visibilité, dans les procédures et la manière dont elles sont gérées. Alors que certains gestionnaires reconnaissent ces problèmes et les attribuent au manque de formation et d’informatisation15, d’autres suggèrent que cette situation est largement due à un manque de respect et de conformité des procédures, nécessitant donc des contrôles supplémentaires. Cependant, une simple observation de la situation et un certains nombres d’éléments anecdotiques permettent de déceler le caractère organisé du rançonnement des commerçants. Les agences aux frontières sont trop nombreuses et leurs responsabilités se chevauchent largement. Jusqu’à 19 agences (et parfois plus) officielles, ou se réclamant officielles, opèrent à la plupart des postes-frontières. Les taches accomplies par ces agences sont souvent superflues ou peuvent facilement être effectuées par les agences principales. De plus, la nature des procédures ne justifie généralement pas de compétences spécialisées. Par exemple, les contrôles sanitaires consistent principalement à vérifier le certificat de vaccination international, ce que n’importe quel agent de l’immigration ou des douanes pourrait faire directement et qui ne nécessite pas la présence d’une agence distincte à la frontière. La seule justification pour un contrôle sanitaire spécifique serait en cas d’épidémie, mais les contrôle de santés “visuels� que le Programme National d’Hygiène aux Frontières (PNHF) prétend réaliser ne sont pas crédibles. L’Office Congolais de Contrôle (OCC) effectue des contrôles de qualité et de sécurité sur certains biens mais collecte des frais sur toutes les importations. Il n’y a cependant aucune harmonisation des données entre les contrôles de l’OCC et des douanes, ce qui pourrait permettre de garantir que toutes les importations sont sujettes à un contrôle des douanes. L’OCC et les douanes utilisent deux bases de données distinctes pour l’évaluation des droits ad valorem. La multitude d’agences ne peut se justifier que dans le cas où différentes procédures sont nécessaires pour l’évaluation de différentes catégories de biens et de personnes, et non s’ils sont tous soumis aux mêmes traitements. D’autres pays ont adopté un système de délégation où les agences spécialisées ne sont mobilisées que dans des cas spéciaux et où les procédures ordinaires sont traitées par un office au nom des autres administrations. 15 Cela n’est pas entièrement vrai puisque, dans le monde, beaucoup d’agences administrant les frontières ont fait preuve d’honnêteté bien avant l’utilisation des ordinateurs. 15 V. Étapes pour la Facilitation du Commerce Transfrontalier dans la Région des Grands Lacs La priorité immédiate doit être l’amélioration des conditions aux frontières et le traitement des commerçants transfrontaliers. Cela aura un impacte significatif sur le niveau de vie d’un nombre considérable de femmes et de ménages dépendant des revenus du commerce. Cela conduira également à une intensification des échanges transfrontaliers et une disponibilité accrue des produits alimentaires moins chers. La seconde priorité est de formuler et de mettre en œuvre un cadre réglementaire permettant aux commerçants de progressivement s’organiser, avec le soutien des services concernés qui améliorent et facilitent l’accès à l’information et au crédit tout en garantissant une meilleure représentativité de leurs intérêts. Ces activités pourraient ainsi progressivement se formaliser et les canaux de distributions devenir plus efficaces. Cela nécessitera : • Que les fonctionnaires, à tous les niveaux de l’administration reconnaissent l’importance du rôle joué par les commerçants transfrontaliers les plus pauvres. Les femmes commerçantes pauvres sont perçues et traitées de manière négative par les décideurs politiques, reflétant l’idée fausse qu’elles seraient une source de grosses pertes de revenus. Cela signifie qu’il y a un manque d’efforts pour améliorer l’état des infrastructures aux postes-frontières qu’elles utilisent, et un manque de volonté de discipliner et de maintenir l’ordre au sein des officiers en charge de la régulation de ces postes. La vaste majorité de ces commerçants sont des entrepreneurs qui souhaiteraient investir et développer leurs activités et sortir d’un mode de subsistance vers une stabilité et une sécurité renforcée qu’un cadre réglementaire plus transparent, juste et prévisible, pourrait leur fournir. Ces commerçants doivent être, par conséquent, considérés comme une source d’opportunités pour la croissance et la réduction de la pauvreté plutôt que comme une contrainte. • Un certain nombre de progrès au niveau régional et national doit cependant être souligné. Des séminaires ont récemment été organisés, à Goma et Bukavu, réunissant des représentants des autorités régionales, des autorités des agences aux frontières et des commerçants. Le Gouverneur du Sud Kivu a visité la frontière de Bukavu. Dans des entretiens récents, les commerçants de Bukavu ont confirmé que l’attention croissante des autorités a entrainé une diminution des cas de harcèlement.16 A Kinshasa, les problématiques du commerce transfrontalier et les conditions auxquelles doivent faire face les commerçantes les plus pauvres furent présentées lors d’un séminaire organisé en avril 2011. Ce séminaire fut inauguré sous le haut patronage du Vice-Premier Ministre et a réuni les Gouverneurs du Sud et du Nord Kivu ainsi que le Vice Gouverneur du Sud Kivu. Près de 40 représentants, dont certains des agences impliquées dans la facilitation commerciale, furent présents. 16 Tiré de la retranscription des entretiens avec un groupe de commerçants à Bukavu en mars 2011. 16 • Un cadre réglementaire global pour la gestion des frontières doit être adopté et mis en œuvre. Ceci est une condition préalable de toute amélioration du commerce transfrontalier. Ce cadre réglementaire doit décrire ce qui devrait être fait aux frontières, qui seront les responsables et comment cela devrait être accompli. Par conséquent, une cartographie détaillée de tous les processus devrait être réalisée, et chaque étape analysée en terme de rapport cout/efficacité et manières de rationaliser ces processus. Cette analyse devrait conduire à la formulation d’un cadre logique des opérations aux frontières. Un premier pas dans cette direction a été achevé au séminaire d’avril 2011 à Kinshasa. Les agences principales ont adopté une feuille de route détaillée et séquencée visant l’amélioration des procédures aux frontières, initiée par la mise en œuvre de deux projets pilotes aux frontières de l’Est (Goma et Bukavu). La mise en œuvre de la feuille de route permettra de rationaliser des processus et d’atteindre un consensus clair entre les différentes agences, en matière de « qui fait quoi » avec l’élaboration de descriptifs précis de taches. Le cadre réglementaire pour la gestion des frontières doit ainsi concilier les points suivants : (i) Une réduction notable du nombre d’agences présentes aux frontières. Le décret No.036/2002, du 28 mars 2002 a désigné clairement quatre agences pouvant opérer aux frontières: les douanes (DGDA), l’immigration (DGM), le service d’hygiène (PNHF) et l’Office Congolais de Contrôle (OCC). Le gouvernement de la RDC, par le biais du Vice-Premier Ministre pour la sécurité et l’intérieur, a ultérieurement publié un Ordre Opérationnel réaffirmant la nécessité de limiter à 4 le nombre d’agences présentes aux frontières, répondant ainsi à une situation décrite comme « une anarchie persistance, du désordre et du harcèlement », à cause de la multitude d’agences gouvernementales présentes aux frontières. L’Ordre Opérationnel semble avoir été très largement ignoré. Bien que certains succès aient été atteints, plus de 10 agences opèrent toujours à un certain nombre de postes-frontières.17 A ce stade, le problème principal est donc la manière dont l’Ordre Opérationnel pourrait être renforcé de manière appropriée et soutenue par le biais d’un suivi effectif et des sanctions en cas de désobéissance. (ii) Une transparence et une prévisibilité accrue du régime de politique commerciale. Le cadre légal applicable au commerce transfrontalier et sa mise en pratique demeurent très largement incertain et ambigu. Le manque de transparence et de consistance dans la mise en application des règles commerciales reste une contrainte majeure au commerce transfrontalier. L’application de procédures simples et justes et des frais raisonnables renforceraient les activités commerciales et une transition vers une meilleure organisation et formalisation des 17 Par exemple, des fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture furent rencontrés au poste-frontière de Ruzizi 1, malgré l’Ordre Opérationnel. Le chef local de l’agriculture a produit une lettre signée par le Ministre des Télécommunications, sur un papier à en-tête du Vice-Premier Ministre, reconnaissant l’utilité de l’agriculture à la frontière et recommandant sa présence. Cette lettre constitue une autorisation suffisante, selon les autorités de l’agriculture locales, pour justifier leur présence et collecter des frais à la frontière. 17 modalités d’échanges. Les résultats de l’enquête suggèrent qu’un certain nombre d’étapes pratiques pourrait être rapidement mis en œuvre: (i) tous les paiements faits à un responsable officiel devraient être enregistrées et un reçu officiel devrait être délivré ; (ii) tous les paiements devraient être faits dans un bâtiment unique et clairement désigné ; (iii) il devrait être interdit d’effectuer des paiements en nature. Des efforts sont faits pour simplifier les procédures aux frontières. Le gouvernement a établi un groupe de travail afin de préparer un régime tarifaire simplifié pour les petits commerçants, basé sur le cadre de la COMESA, et devant se réunir d’ici a la fin du mois de mars 2011. Cependant, le régime commercial simple de la COMESA n’est pas appliqué de manière généralisée, et n’est pas non plus considéré comme très bénéfique par ceux qui l’ont appliqué aux frontières de la Zambie et du Zimbabwe, et aux frontières de la Zambie et du Malawi. Ce processus a de nombreux pré-requis bureaucratiques, lesquels peuvent échapper aux commerçant transfrontalier moyen. Il requière par exemple la fourniture d’un certificat d’origine qui, pour de nombreux commerçants transfrontaliers transportant des produits alimentaires de base, est inutile, couteux et est une perte de temps. Il est donc nécessaire d’adopter une approche coopérative afin de simplifier les procédures commerciales impliquant les différents pays de la région des Grands Lacs et de mettre en place un processus plus inclusif prenant en considération les perspectives et les impacts potentiels sur les petits commerçants transfrontaliers. Par exemple, les procédures doivent considérer le fait que la majorité des femmes commerçantes ont un niveau d’éducation relativement limité. (iii) Une amélioration des infrastructures aux postes-frontières. Les infrastructures de transport, la mauvaise qualité et l’inadaptabilité des bâtiments administratifs utilisés par les officiels doivent être réhabilitées en y incluant des installations de base, telles que l’eau et l’électricité. Ce type de travaux est immédiatement nécessaire afin de minimiser les risques sécuritaires inhérents aux infrastructures délabrées et fournir un espace ouvert et transparent pour l’administration et les commerçants. La mise à niveau des infrastructures doit notamment inclure la mise en place d’éclairages aux points de passage, enlever les structures qui encouragent le harcèlement et la violence physique, et fournir des mécanismes pour que les hauts fonctionnaires puissent contrôler les passages aux postes-frontières avec, par exemple, l’installation de cameras en circuit fermé. La stratégie de gestion des frontières devrait évaluer les besoins spécifiques de chaque poste- frontière en fonction des spécificités du type de trafic, du volume et de la quantité des biens échangés, des risques locaux sur les personnes et du potentiel de fraudes et d’incidents, et également des catégories de personnes traversant les frontières (les femmes, les personnes handicapées, les nationaux, les étrangers, etc.). Cette évaluation prendrait en considération des paramètres spécifiques tels que les zones de parking, les aires de rétention, des espaces de stockage sécurisés, et des bureaux spécialisés pour les fouilles et les contrôles. Une série de 18 modules, conçus sur base de leur fonctionnalité (le passage, le contrôle, l’examen), devrait être défini. Ces modules seraient déployés si nécessaire et un protocole inter-agences pour le partage des infrastructures pourrait être conçu en fonction des besoins. Des consultations inter-frontalières devraient être organisées lors de la conception de ces postes. • Une professionnalisation accrue des agents et une plus forte sensibilisation aux problématiques de genre. Les femmes sont sous-représentées dans les agences officielles présentes aux frontières. Une hausse du nombre de femmes au sein de l’administration serait une première étape importante. Néanmoins, l’expérience démontre que l’aspect crucial réside dans une sensibilisation aux problèmes de genre pour tous les officiels qui reconnaissent et apprécient les problèmes que les commerçants subissent, femmes et hommes confondus. Les informations tirées des entretiens de groupe semblent suggérer que le harcèlement peut souvent venir des agents féminins. Plus de femmes aux frontières peut réduire le nombre de crimes sexuels, mais ne cela n’est pas garanti si elles n’ont pas de pouvoir. En effet, les femmes de niveau hiérarchique plus bas ne peuvent stopper les pratiques malveillantes de leurs supérieurs masculins et leurs camarades qui exercent les violences sexuelles. Des pratiques évidentes, telles que l’autorisation exclusives de fouille corporelle des femmes commerçantes par des agents féminins, devraient être obligatoire et publiquement explicite. Les besoins de formation des officiers sont donc importants. L’objectif serait de (i) permettre une bonne compréhension des mécanismes de gestion des frontières et de la collaboration entre agences. La sensibilisation à la coopération entre agence devrait également être intégrée aux modules de formation afin de créer les conditions favorables à cette coopération. Des séminaires d’information réguliers devraient être organisés pour l’ensemble du personnel des frontières et, si possible, impliquant également le personnel des pays voisins.18 De plus, des programmes de formation spécialisés supplémentaires devraient être élaborés, tels que des formations basiques sur les procédures douanières et la gestion de carnet de compte. Dans un même temps, (ii) de sérieuses formations devraient être organisées sur les droits de l’homme (et des sanctions en cas de non-respect) et des séminaires de sensibilisation sur les problématiques de genre, principalement aux postes-frontières utilisés par les commerçants informels. Ces formations pourraient être appuyées par des documents vidéo montrant la réalité économique des commerçantes les plus pauvres, la contribution de leurs activités aux revenus des ménages, et les conditions et violences physiques auxquelles elles sont quotidiennement confrontées. Une approche complémentaire pourrait être la création de jeu de rôle pour faire prendre conscience aux officiers des conditions auxquelles les voyageurs et commerçants doivent faire face, et pourrait également permettre de dissiper les tensions (par exemple lorsque des contrôles complexes doivent se dérouler). 18 Une option serait de recruter, au cas par cas, un coordinateur local de frontière sur base du mérite et issu d’une des agences autorisées aux frontières. Il ne parait pas nécessaire de nommer une seule agence comme coordinateur unique de toutes les frontières étant donné que les situations peuvent varier significativement d’un poste à l’autre. 19 Les officiers devraient soit constamment porter un uniforme, soit un badge visible permettant de les identifier (ce dernier étant une alternative moins chère et une mesure temporaire en attendant que des uniformes appropriés soient distribués). Les expériences internationales démontrent qu’un personnel en uniforme et sujet à une discipline quasi militaire se comporte généralement mieux. Cela fut constaté lors des visites dans les provinces de l’Est, où les agents de la DGM, de la Police des frontières et, dans une certaine mesure, le personnel douanier avec uniforme firent généralement preuve de plus de respect pour leur hiérarchie (et par conséquent pour le public) que les officiers des agences sans uniformes. Un tel programme de formation et une professionnalisation accrue pourrait être une base pour introduire des évaluations de performance des officiers, dont le traitement des commerçants transfrontaliers serait un indicateur clé. Il est important de former des officiers, sans pour autant les montrer du doigt, dans le but d’un changement de comportement, créer un code de pratique et récompenser les officiers qui travaillent de manière conforme aux standards en vigueur. L’expérience ailleurs, telle que la reforme des douanes au Sénégal, a démontré que des compensations non financières - telles que la reconnaissance étendue au sein des institutions et de la communauté via des programmes d’employé du mois, avec de telles récompenses annotées dans le registre de performance des employés et étant un facteur afin de promouvoir les décisions et l’éligibilité d’une formation accrue - peuvent être aussi efficaces que des contreparties financières directes.19 Ce mécanisme devrait être suivi par un bureau indépendant des réclamations qui conserverait les traces et pourrait agir en fonction des violations signifiées. Plus généralement, comme dans tous les pays qui sortent de conflits, les problèmes fondamentaux de gouvernance dans l’administration publique et l’implémentation de reformes de la sécurité publique (police, justice et militaire) doivent être pris en charge. Les conditions auxquelles les commerçants doivent faire face aux frontières sont en partie la conséquence de bas salaires et de l’absence de leurs paiements, et de la culture d’impunité résultant de l’absence d’un système légal et judiciaire fonctionnel. • La coopération et la coordination transfrontalière doivent être renforcées. La coordination des principales agences aux frontières avec le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda est insuffisante. Par exemple, bien que la DGM entretienne des contacts réguliers aux frontières de l’Est avec sa contrepartie rwandaise, l’agence des douanes reste peu impliquée. Une gestion efficace des frontières nécessite des contacts réguliers entre les autorités douanières des deux pays, permettant l’établissement de liens forts entre ces institutions faisant le même travail bien que d’une perspective différente. Cette coordination permet de collecter des renseignements, détecter les irrégularités, de se prémunir contre les manipulations dans les déclarations de marchandise, mais 19 Voir Cantens et al (2011). 20 également d’aider dans la conduite des opérations quotidiennes.20 Ces relations sont moins formalisées que dans le cadre des Accords d’Assistance Mutuelle qui sont généralement signés au niveau national, mais permettent l’échange de données sur une base informelle et souvent de manière ad hoc. Les réunions entre postes-frontières se déroulent généralement à un intervalle mensuel ou parfois même hebdomadaire. A Goma, les services douaniers ne semblent pas entretenir ce type de relations. Bien que le responsable de l’Office Rwandais des Recettes (ORR) du poste-frontière de Petite Barrière ait fait une visite à son homologue de la RDC, ce dernier n’a pas fait de même et les fonctionnaires congolais disent ne pas avoir le temps pour cela. Des tentatives similaires visant à promouvoir le contact entre les douanes ougandaises et congolaises se sont révélées non fructueuses. La coordination nationale fait défaut. Malgré que ceci soit anecdotique, à la frontière entre le Rwanda et la RDC dans la ville de Goma, la partie rwandaise a construit des installations majeurs pour le transport lourd, tandis que le gouvernement de la RDC a, de son côté, conservé les mêmes infrastructures destinées a la circulation pédestre, sans aucune connexion aux réseaux de transport routier congolais. Cela révèle d’importants déficits en matière de planification au niveau international. Les installations rwandaises ne peuvent, par conséquent, être utilisées comme prévu, et la construction de telles infrastructures du côté congolais n’est pas prévue à court terme, ce qui est pour le moment un gaspillage de ressources. • Pourtant la coopération internationale semble susciter une attention croissante. Cela est particulièrement vrai pour la création de postes-frontières conjoints (voir la boite 1 illustrant les arguments pour et contre la création de telles infrastructures partagées). Les officiers des autorités fiscales et des services rwandais de l’immigration sont très en faveur d’une telle initiative, et ont clairement montré leur volonté de partager leurs infrastructures avec les services congolais lorsque cela devient possible. Les commerçants transfrontaliers considéreraient de telles infrastructures comme une avancée majeure, en particulier car les officiers congolais travailleraient en contact avec leurs collègues rwandais et donc seraient moins enclin à s’adonner à des pratiques de corruption sur un territoire étranger. Alors que les Gouverneurs provinciaux semblent être favorables à cette idée, l’héritage permanant du conflit entre les deux pays nécessitera une décision au plus haut niveau du gouvernement. • Renforcer la formation et le soutien aux commerçants, à travers les associations de commerçants. La représentativité accrue des commerçants à travers des associations est un besoin pressant, car elle permettrait que leurs intérêts soient justement représentés dans les politiques publiques. La 20 Une augmentation brutale du trafic peut, par exemple, être anticipée. 21 tenue de réunions régulières entre les associations de commerçants et les officiers aux frontières, facilitées par un tiers indépendant et dont les comptes rendus seront communiqués publiquement, constituerait un développement important. A ce jour, les réunions sont organisées de manière ad hoc et consistent principalement à informer les commerçants de leurs responsabilités sans traiter des problèmes et principes majeurs. Elles sont donc vouer à être d’une efficacité plus que limitée. Les associations des commerçants pauvres pourraient être encouragées par une réduction des coûts d’enregistrement des associations, qui avoisinent aujourd’hui les 200 dollars US plus les frais des services légaux requis pour le traitement des applications, à 50 dollars US avec une procédure légale rapide. Les coûts actuels sont prohibitifs pour ces associations. Les associations ainsi enregistrées auraient plus de pouvoir pour intervenir aux frontières et soutenir leurs membres. Les associations pourraient être jumelées à des organisations pairs dans d’autres pays ayant contribué avec succès à des processus de simplification des procédures pour les petits commerçants transfrontaliers, et à l’amélioration des conditions auxquelles les femmes commerçantes sont confrontées. Ces associations pourraient également bénéficier des conseils d’agents des douanes formés et expérimentés qui pourraient contribuer à leur formation aux procédures aux frontières et à leurs obligations légales, leur fournir un accompagnement et intervenir auprès des officiers en cas de besoins. 22 Boite 1 : La collocation des installations frontalières Le modèle originel adopté en Europe il y a 60 ans était simple et basé sur la juxtaposition, avec la signature d’un Accord d’Entente entre les administrations adjacentes, afin de gérer les problématiques extraterritoriales pouvant surgir (arrestation, refus d’entrée, saisie). Les cas les plus complexes doivent être déférés devant une court et/ou faire l’objet d’un arbitrage international, mais peu de cas de ce type furent rencontrés et ils n’empêchèrent jamais la conduite efficace des opérations. Les divergences relatives à l’organisation ou aux systèmes législatifs entre deux pays ne posèrent jamais de problèmes majeurs. Aux frontières de la RDC, les bénéfices d’un système juxtaposé pourraient être les suivants : • L’élimination des agences et individus « parasites », car ils ne pourraient être autorisés à opérer dans les pays voisins (lorsque ces infrastructures seraient basées sur le territoire des pays voisins de la RDC), mais également dans les infrastructures situées en territoire congolais (ces infrastructures seraient construites de manière à empêcher tout accès non autorisé). • Les officiers se comportent généralement mieux en territoire étranger. Cela pourrait être encouragé par l’allocation d’une prime (modeste) « d’expatriation » versée chaque fois qu’un officier serait mobilisé à l’étranger. • Certaines des fraudes majeures ont lieu dans l’intervalle séparant les deux postes-frontières et pourraient être ainsi éliminées de facto (la reconsolidation ou la division des envois, l’échange de plaques d’immatriculation et de documents…) car les deux pays travailleraient sur la même plateforme. • L’alignement sur les bonnes pratiques des pays voisins serait facilité. • Les officiers apprendraient à travailler ensemble, facilitant ainsi tout processus d’intégration futur. La mise en place de structures juxtaposées fait occasionnellement fasse aux critiques suivantes: Le pays n’est pas encore prêt. Ce n’est pas un argument valide, car tout ce qu’il est nécessaire de mettre en place est une structure de base pour passer de l’autre côté de la frontière. Il n’est pas nécessaire de créer un poste de douane complet en territoire étranger. Un bureau juxtaposé peut se cantonner aux procédures de vérification préliminaire, avec des procédures de vérification commerciales sérieuses et complètes dans le pays de destination. Il n’y pas de système informatique. A court terme, l’absence de système informatisé ne constitue pas une contrainte majeure (la plupart des bureaux juxtaposés en Europe furent crées avant l’arrivée de ces technologies) et des arrangements locaux peuvent permettre l’utilisation des données obtenues dans un pays par le pays voisin. Les pays ne font pas partie d’une même zone économique. La Suisse et la Norvège ne font pas partie de l’Union Européenne, ce qui n’empêche pas les douanes norvégiennes de dédouaner les exportations suédoises pour les douanes suédoises, et les douanes suisses partagent des infrastructures avec leurs voisins de l’Union Européenne. Les différences politiques. En Europe, les différences politiques n’empêchèrent pas le partage d’infrastructure entre des pays démocratiques et des voisins l’étant un peu moins. La collocation est une manière efficace de mener les contrôles frontaliers, et cela n’implique aucun jugement qualitatif sur les différents systèmes politiques. Pourquoi toutes les infrastructures devraient-elles être en pays voisin? Plusieurs modèles sont envisageables n’impliquant pas nécessairement des infrastructures en territoire étranger. Considérant l’état des infrastructures congolaises, un premier pilote pourrait être testé en territoire rwandais. Le pilote suivant serait situé en territoire congolais. La RDC n’aurait ainsi qu’à payer la portion des infrastructures sur son territoire. Sans être une formule miracle, la juxtaposition ou la colocation peuvent atteindre des résultats spectaculaires, pouvant être étendus et ainsi permettre une plus grande rationalisation du fonctionnement des postes-frontières. • Les technologies mobiles pourraient apporter des solutions innovantes à court terme pour réduire le harcèlement et contribuer à améliorer les informations sur les prix des marchés. Les enquêtes indiquent que plus de la moitié des commerçants possède un téléphone portable, et les focus 23 groupes ont permis de déterminer qu’ils savent envoyer des messages textes bien que le niveau d’analphabétisme soit élevé. Il serait donc envisageable qu’un message standardisé soit préenregistré et envoyé directement à un service de prise en charge quand un commerçant est harcelé, et pourrait ainsi être utilisé comme un mécanisme de plainte efficace. L’utilisation des technologies mobiles pourrait également permettre d’obtenir de meilleures informations sur les prix des marchés des deux côtés de la frontière. Le projet rwandais sur les TIC, e-soko, se présente comme une opportunité. Ce dernier est mis en œuvre dans le cadre du projet eRwanda, financé par la Banque Mondiale en appui à l’Autorité Rwandaise des Technologies de l’Information (RITA). Il encourage l’utilisation des téléphones portables et autres technologies mobiles pour obtenir des informations sur les produits agricoles à partir des Système d’Information des Prix du Marché Agricole. L’intégration de ce projet avec une initiative similaire dans l’Est de la RDC pourrait également être explorée. • Une stratégie pour intégrer les entrepreneurs les plus pauvres dans l’économie formelle. Il est nécessaire de prendre en considération les préoccupations majeures des commerçants concernant le manque d’accès au financement, d’informations sur les prix et sur les opportunités commerciales, et de formation sur les pratiques entrepreneuriales de base. Il pourrait être intéressant d’explorer l’impact potentiel bénéfique de la mise en place d’infrastructures d’entreposage proche des frontières et du développement de marchés transfrontaliers, basé sur les succès des bazars d’Asie centrale (Banque Mondiale, 2010). Les marchés transfrontaliers pourraient être un moyen plus efficace qu’actuellement pour rassembler les commerçants provenant de chaque côté de la frontière. VI. Conclusions et Prochaines Etapes Le commerce et le renforcement de l’intégration avec les voisins de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) ont un rôle important à jouer dans la hausse des revenus et la consolidation de la stabilité dans l’Est de la RDC. A ce jour, le commerce joue un rôle critique pour renforcer l’accès aux produits alimentaires et manufacturés de base pour de nombreux ménages dans les villes aux frontières de l’Est. Le potentiel agricole de l’Est pourrait être dynamisé par un renforcement des liens entre les agriculteurs et les marchés des pays de l’EAC. En même temps, le renforcement de la sécurité dans l’Est de la RDC créera de meilleures opportunités pour le commerce et les activités économiques, contribuant à son tour à une stabilité accrue. Le dialogue continu pour la coopération régionale doit être renforcé par le biais de forums régionaux tels que l’ICGLR (Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs) et la CEPGL. Les frontières de l’Est de la RDC sont lourdes. Cela reflète la situation d’incertitude permanente des conditions ainsi que les problèmes de harcèlement physique et les couts engendrés au franchissement des frontières vers l’intérieur et l’extérieur de la RDC. Une série de problèmes doit être 24 prise en considération aux frontières pour améliorer les conditions de franchissant, telles que l’application de règles simples et claires, un professionnalisme accru des officiers et une politique de tolérance zéro à l`égard des cas de harcèlement et de violence, l’amélioration des infrastructures et des conditions pour les officiers et les commerçants à la frontière, et un soutien aux associations de commerçants afin de renforcer la représentativité des intérêts des commerçants pauvres. La facilitation commerciale contribuerait à la sécurité alimentaire mais aussi à l’amélioration des revenus des commerçants, qui sont principalement des femmes pauvres, et au bien-être des ménages qui dépendent de ces activités commerciales. Alors que la valeur des biens transportés individuellement par les commerçants les plus pauvres reste faible, ces activités contribuent de manière substantielle aux revenus de leur ménage. Considérant le nombre important de personnes traversant la frontière quotidiennement, les revenus générés sont ainsi un élément clés de l’économie locale et de la réduction de la pauvreté pour les communautés qui bordent les frontières. La grande majorité des femmes commerçantes souhaite clairement accroitre leurs activités pour sortir de l’économie de subsistance dans laquelle elles sont aujourd’hui confinées. Des initiatives sont mises en œuvre pour améliorer les conditions à la frontière. Le gouvernement a validé la feuille de route pour la réforme des procédures frontalières dans des postes- frontières pilotes. Ces réformes fournissent un ensemble d’interventions prioritaires pour améliorer les procédures de la gestion des douanes. Il est maintenant crucial de soutenir et suivre leur mise en œuvre. La Banque Mondiale a démarré un projet pilote, financé par le Fonds pour la Facilitation du Commerce (Trade Facilitation Facility), sur Petite Barrière à Goma et Ruzizi à Bukavu, qui devrait intervenir prioritairement afin d’améliorer l’état des infrastructures, d’appuyer la formation des officiers, et de soutenir les petites associations de commerçants. Ce projet mobilisera un comité de pilotage au niveau provincial pour garantir la durabilité des actions prises et suivre en continu l’avancée du projet. Ce projet devra être étendu aux autres postes-frontières de la région. D’autres organisations, telles que Alerte Internationale soutiennent également les petits commerçants. La Banque Mondiale a organisé la réalisation d’un documentaire vidéo visant à illustrer la situation aux frontières, et l’importance du commerce transfrontalier pour les revenus des femmes commerçantes pauvres et sa contribution aux revenus de leur ménage. Cette vidéo contribuera aux efforts de sensibilisation engagés par la Banque Mondiale et sera utilisée dans le cadre des formations des officiers afin de renforcer leur compréhension des conditions auxquelles les commerçants transfrontaliers les plus pauvres sont confrontés. Les opportunités de coordination des politiques transfrontalières et d’utilisation conjointe des infrastructures ne sont pas exploitées. L’identification d’un cadre adapté pour le dialogue, sur les problématiques de coordination et de coopération, est fondamentale. Un forum basé sur la COMESA semble être le format le plus évident à ce jour. Par le biais de son programme « Commerce au Service de la Paix », la COMESA fourni une assistance technique par la mise en place de points d’information COMESA sur le commerce, qui pourrait soutenir le processus de coordination aux postes-frontières tels 25 que celui de Goma. La COMESA et l’EAC sont en train de développer un régime commercial simplifié pour améliorer les conditions du commerce à petite échelle. Cependant, les premiers essais de ce programme n’atteignent pas à ce jour ses objectifs principaux et ce régime est en cours d’évaluation. Un processus, reprenant le plan de la COMESA et l’harmonisant avec celui de l’EAC sous le processus Tripartite, pourrait être utilisé pour réunir les commerçants et officiers du Burundi, de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda (étant tous membre de la COMESA), élaborer des documents et procédures simplifiés permettant un traitement rapide et efficace des procédures douanières pour les petits commerçants. Pour aller plus loin, avec le soutien des autorités politiques de la RDC, la mise en œuvre des accords de libre échange de la COMESA pourrait constituer une étape importante vers une intégration économique renforcée en Afrique. Cela pourrait être coordonné avec le processus Tripartite, regroupant l’EAC, la COMESA et la SADC, dans une large zone de libre échange. 26 VII. Références Banque Mondiale (2010) « Skeins of Silk: Borderless Bazaars and Border Trade in Central Asia », Washington DC Brenton, Paul and Alberto Portugal (2011) « Road Infrastructure, Border Effects, and Agricultural Prices in the Great Lakes Region », background paper. Cantens, T., G. Raballand, N. Strychacz, and T. Tchouawou (2011) « Reforming African Customs: The Results of the Cameroonian Performance Contract Pilot », Africa Trade Policy Note No. 13, World bank Washington, http://siteresources.worldbank.org/INTAFRREGTOPTRADE/Resources/13ReformingAfricanCustomsR EDESIGN2.pdf. Coulibaly, Kalamogo and Tembo Maburuki (2006) « Cross-Border Trade in Rwanda�, mimeo, World Bank. Engel, C., Rogers, J., (1996) « How Wide is the Border ? » American Economic Review, 86, 1112-1125, December. Hossein, Caroline Shenaz, Jean-Baptiste Ntagoma and Celestin Bashinge Bucekuderhwa (2010) « Risky Business? Poor Women Food Traders in the Borderlands of Congo, Uganda, Rwanda and Burundi », background paper for this report. International Alert (2010) « La Traversée: Petit Commerce et Amélioration des Relations Transfrontalières entre Goma (RD Congo) et Gisenyi (Rwanda) », rapport, Juin 2010. Integrated Food Security Phase Classification (IPC), July 2009. Masinjila, Masheti (2009) « Gender Dimensions of Cross-Border Trade in the East African Community – Kenya/Uganda and Rwanda/Burundi Border », African Trade Policy Centre, Working Paper No. 78. Mthembu-Salter, Gregory (undated) « Evaluating Intra-African Trade: The case of Cyangugu-Bukavu », mimeo. PAM (2009) Enquête sur les conditions socio-économiques des déplacés et population hôtes dans le Sud Kivu, WFP Sud Kivu. Seidman, Irving (2006) « Interviewing as Qualitative Research: A Guide for Researchers in Education and the Social Sciences », New York : Teachers College Press. 27 Ulimwengu, John & Funes, Jose & Headey, Derek D. & You, Liang (2009). « Paving the Way for Development: The Impact of Road Infrastructure on Agricultural Production and Household Wealth in the Democratic Republic of Congo », 2009 Annual Meeting, July 26-28, 2009, Milwaukee, Wisconsin 49292, Agricultural and Applied Economics Association. UNHCR (2010) Internal Displaced People Fact Sheet, Democratic Republic of Congo, May 2010. SIDA (2009) Country Gender Profile, The Democratic Republic of Congo. 28 Annexe 1 : Évaluer l’Impact des Routes et des Frontières sur les Prix Agricoles dans la Région des Grands Lacs. Pour stimuler les investissements et les réformes politiques qui facilitent les échanges commerciaux, il est souvent utile de fournir une évaluation des flux potentiels du commerce transfrontalier en cas de suppression des barrières majeures au commerce. Le niveau d’intégration des marchés dans une région est communément estimé par le volume commercial intra-régional. Cependant, une part importante du commerce intra-régional dans la région des Grands Lacs n’est pas officiellement enregistrée par les douanes rendant cette évaluation difficile, car une grande partie des échanges commerciaux se passent de manière informelle. Bien qu’il y ait une proportion significative de commerce informel dans le secteur minier et forestier, la plupart des activités impliquant des produits agricoles et articles ménagers ne sont pas illégales. Les commerçants sont généralement des personnes très pauvres passant pars des postes- frontières officiels, mais les montants ne sont pas enregistrés. Une méthode alternative permettant d’évaluer le niveau d’intégration des marchés consiste à comparer les différences de prix de produits homogènes entre des marchés situés de part et d’autre d’une frontière, ainsi que l’évolution parallèle de ces prix. Sur des marchés bien intégrés et fonctionnels, les différences de prix entre les marchés devraient être éliminées par les opportunités d’arbitrage conditionnés par les coûts des transports entre ces différents marchés. Quand les marchés sont situés de part et d’autre d’une frontière, cet arbitrage implique du commerce intra-régional. Les coûts élevés de transport, les barrières aux frontières et l’imperfection du marché des transports et autres services concernés aux biens finaux limitent les mouvements entre les marchés, entrainant une importante dispersion des prix et des coûts sociaux élevés. Dans cette analyse, nous essayons de mesurer l’impact de deux facteurs clés : les effets des routes et des frontières sur les prix relatifs et leur volatilité pour une série de marchandises agricoles entre les marchés du Burundi, de la RDC et du Rwanda.21 Plus précisément, une base de données compilée par la FAO sur les prix des produits agricoles dans 32 villes rwandaises, 15 villes burundaise, et 22 villes de la RDC a été utilisée. Les figures A1 et A2 présentent les principaux marchés et l’état des routes au Burundi et Rwanda, et en RDC respectivement. Les prix sont d’une fréquence mensuelle entre mai 2008 et septembre 2009. Du fait de la disponibilité des données, nous avons limité notre analyse à sept produits consommés, échangés et produits dans la région : le bœuf, le poisson, le maïs, la farine de maïs, les haricots, l’huile de palme et la farine de manioc. Nous faisons correspondre les prix des marchandises sur ces marchés avec une riche base de données sur les réseaux routiers du Burundi, du Rwanda et de la RDC, qui fut compilée à partir 21 L’analyse de Brenton et Portugal (2011) fourni un rapport plus détaillé de l’approche et de la liste des villes et marchés présents dans l’échantillon. 29 d’un système d’information géographique (SIG). La base de données inclut la distance des routes séparant deux villes dans ces pays ainsi qu’une mesure de la qualité des routes pour chacun de ces pays, permettant ainsi d’obtenir le nombre d’heures moyennes requises pour voyager d’une ville à l'autre dans la région. Ces estimations ont été effectuées pour la différence entre les prix relatifs, ainsi que pour la volatilité des prix. Figure A1.1 : Marchés et état du réseau routier au Burundi et au Rwanda Figure A1.2 : Marchés et état du réseau routier en RDC En RDC, le fait que les différents marchés sont manifestement beaucoup plus dispersés est pris en compte dans l’analyse statistique. Quoiqu’il en soit, toute une série de tests sont effectués dans le 30 but d’évaluer la robustesse des résultats. Nous trouvons, par exemple, que ces résultats ne sont pas sensibles à l’exclusion des marchés se trouvant à plus de 500 kilomètres des frontières Est de la RDC. Deux types d’évaluation ont été réalisés : (i) Prix relatifs (en valeurs absolues) La première série d’estimations cherche à évaluer l’impact de l’infrastructure du réseau routier et des effets des frontières sur le niveau des prix relatifs d’une marchandise dans deux villes différentes. La régression correspondante est la suivante : ln(Pikt / Pjkt ) = β 0 + β1 ln(RoadDistij ) + β 2 BorderRWA− RDC ,ij + β 3 BorderRWA− BDI ,ij + β 4 BorderRDC − BDI ,ij + δ i , j + δ k + δ t + ε ikt (1) Où : Pikt représente le prix, exprimé en dollars US, d’une marchandise k dans la ville i au mois t. RoadDist ij représente la distance par la route séparant les villes i et j. BorderRWA − RDC est une variable binaire qui est égale à 1 si l’une des deux villes se trouve au Rwanda et que l’autre se trouve en RDC, et est égale à 0 autrement ; BorderRWA − BDI et BorderRDC − BDI sont défini de manière équivalente. Finalement, δ i, j est un vecteur binaire contrôlant les effets fixes au niveau des villes, notamment la taille du marché, δ k et δ t contrôlent pour les effets spécifiques aux marchandises et au mois respectivement. Le signe du coefficient de la distance séparant deux villes, β 1 , devrait être positif étant donné que les prix d’une marchandise devraient être plus dispersés plus les villes sont éloignées les une des autres. (ii) Volatilité des prix relatifs De manière analogue, la deuxième série d’estimations évalue l’impact des effets de routes et des frontières sur la volatilité des prix relatifs entre deux villes. La régression correspondante est la suivante : [ ] std .dev ln( Pikt / Pjkt ) = β 0 + β 1 ln( RoadDist ij ) + β 2 BorderRWA− RDC ,ij + β 3 BorderRWA− BDI ,ij + β 4 BorderRDC − BDI ,ij + δ i , j + δ k + ε ik (2) A nouveau, une plus grande distance entre deux villes devrait augmenter la variabilité des prix, alors que l’effet de la frontière au Rwanda et au Burundi devrait être moindre que les deux autres frontières, l’effet pourrait même être négatif. A noter que cette deuxième série d’estimation utilise des données en coupe transversale, alors que la première série d’estimations utilise des données de panel. 31 Résultats Le tableau A1 reporte les résultats des estimations de régressions avec les prix relatifs comme variable dépendante. La première colonne contient les estimations de l’équation en (1). Tous les coefficients ont le signe attendu. La distance, par route, entre deux villes a effectivement un effet positif et significatif sur les prix relatifs. Dans notre échantillon, la distance inter-ville moyenne étant de 550 kilomètres, une réduction de cette distance de 1 kilomètre réduirait les prix relatifs de 0,016% (=0,082/550). Les coefficients des variables binaires « frontière » ont tous un effet positif et statistiquement significatif, bien que de magnitudes différentes. L’impact de la frontière entre le Burundi et le Rwanda (0,026) sur les prix relatifs est équivalent à rajouter 174 kilomètres supplémentaires (=550/0,082*0,272) entre deux villes de chaque côté de cette frontière, alors que l’impact des frontières entre le Burundi et la RDC, et entre la RDC et le Rwanda équivaut à ajouter respectivement 1824 et 1549 kilomètres. Dans la colonne (2), une seule variable binaire d’effet de frontière est incluse, au lieu des trois variables binaires, et le coefficient sur la distance des routes ne varie pas considérablement. Etant donné que nous incluons plus de villes rwandaises (32) que burundaises (25) ou congolaises (22), un test de la robustesse des résultats consiste à réduire le nombre de villes rwandaises. La colonne (3) présente donc les estimations de la régression de référence en (1) avec une taille d’échantillon réduite à 20 villes rwandaises. Les résultats ne varient pas significativement. Les données détaillées du réseau routier permettent l’estimation d’une mesure du temps de trajet moyen entre deux villes de l’échantillon. Dans la colonne (4), la mesure de distance par route (en kilomètres) est remplacée par cette mesure de temps de trajet moyen, en heures, entre deux villes. Une fois de plus, les résultats ne sont statistiquement pas différent de la régression de référence en (1). Les résultats, par marchandises, des estimations des effets des différentes frontières et de la distance par route sont présentées dans le tableau A2. Les coefficients de la distance par route sont statistiquement et positivement significatifs pour toutes les marchandises, alors que les effets frontières ne sont pas significatifs pour le poisson. A propos de ces effets frontières, le coefficient sur la variable frontière entre le Rwanda et le Burundi est négatif et significatif pour le bœuf et les haricots. Le tableau A3 présente les résultats des estimations de la volatilité des prix relatifs. Les colonnes (1) et (2) correspondent à l’estimation de l’équation en (2) avec, respectivement, l’échantillon complet et l’exclusion de certaines villes rwandaises. Dans les spécifications (3) et (4), la mesure de distance par route (en kilomètres) est remplacée par la mesure de temps de trajet (en heures). Le coefficient sur la variable « distance par route » est significatif et à peu près égale à 0,0011 dans toutes les estimations. Un kilomètre supplémentaire entre deux villes augmenterait la volatilité des prix relatifs de 0,00002, correspondant à un effet nettement supérieur à celui estimé par Engel et Rogers (1996) pour la frontière entre le Canada et les Etats-Unis (0,00000057). Les coefficients des variables binaires sont tous positifs excepté l’effet frontière entre le Rwanda et le Burundi suggérant une preuve de l’influence d’une union douanière. Pour finir, le tableau A4 présente les résultats des estimations des effets du réseau routier et des frontières sur la volatilité des prix relatifs par marchandises. 32 Tableau A1 : Régressions de Référence (Variable Dépendante : Prix Relatifs ln( Pikt / Pjkt ) ) (1) (2) (3) (4) Ln distance route (km) 0,082*** 0,102*** 0,094*** [0,002] [0,002] [0,002] Ln distance route (heures) 0,081*** [0,001] Frontière 0,175*** [0,002] Frontière : BDI-RDC 0,272*** 0,260*** 0,245*** [0,003] [0,004] [0,004] Frontière : BDI-RWA 0.026*** 0,016*** 0,027*** [0,003] [0,003] [0,003] Frontière : RDC-RWA 0,231*** 0,198*** 0,209*** [0,003] [0,003] [0,003] Nbr. observations 199’512 199’512 144’948 199’512 R-carré 0,37 0,35 0,34 0,37 Echantillons complet complet sélection RWA complet Ecarts-types groupés par duo de villes entre crochets. *significatif à 10% ; **significatif à 5% ; ***significatif à 1%. Toutes les régressions contrôlent pour les effets de ville_i, ville_j, et mois-année. 33 (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) Tableau A2 : Prix Relatifs par Marchandises (Variable Dépendante : ln( Pit / Pjt ) ) Bœuf farine de farine de haricot huile de Graine de poisson maïs manioc palme maïs frais Ln distance 0,097*** 0,046*** 0,081*** 0,140*** 0,061*** 0,048*** 0,021*** route (km) [0,009] [0,009] [0,010] [0,017] [0,007] [0,013] [0,009] Frontière : 0,278*** 0,285*** 0,433*** 0,437*** 0,014 0,195*** 0,046 BDI-RDC [0,015] [0,016] [0,015] [0,024] [0,011] [0,018] [0,038] Frontière : -0,078*** 0,313*** 0,025** -0,083*** 0,074*** 0,037*** -0,062 BDI-RWA [0,011] [0,009] [0,010] [0,013] [0,010] [0,012] [0,052] Frontière : 0,516*** 0,024** 0,250*** 0,462*** 0,241*** 0,083*** 0,130*** RDC-RWA [0,015] [0,010] [0,013] [0,022] [0,013] [0,015] [0,019] Nbr. 18’052 37’172 39’438 39’438 18’185 36’163 11’064 Observations R-carré 0,59 0,46 0,62 0,70 0,37 0,50 0,29 Ecarts-types groupés par duo de villes entre crochets. *significatif à 10% ; **significatif à 5% ; ***significatif à 1%. Toutes les régressions contrôlent pour les effets de ville_i, ville_j, et mois-année. 34 Tableau A3 : Régressions de Référence (Volatilité des Prix Relatifs) (1) (2) (3) (4) Ln distance route (km) 0,011*** 0,012*** [0,002] [0,002] Ln distance route (heures) 0,011*** 0,011*** [0,002] [0,002] Frontière : BDI-RDC 0,024*** 0,023*** 0,021*** 0,020*** [0,005] [0,006] [0,006] [0,006] Frontière : BDI-RWA -0,016*** -0,022*** -0,017*** -0,021*** [0,004] [0,005] [0,004] [0,005] Frontière : RDC-RWA 0,008** 0,004 0,004 0,001 [0,003] [0,004] [0,004] [0,001] Nbr. Observations 15’993 11’021 15’993 11’021 R-carré 0,47 0,45 0,47 0,45 Echantillon complet sélection RWA complet sélection RWA Ecarts-types groupés par duo de villes entre crochets. *significatif à 10% ; **significatif à 5% ; ***significatif à 1%. La variable dépendante est la volatilité des prix relatifs dans (2). Toutes les régressions contrôlent pour les effets de ville_i, ville_j, et produits. 35 Tableau A4 : Volatilité des Prix Relatifs par Marchandises (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) farine de farine de huile de graine de poisson bœuf haricot maïs manioc palme maïs frais Ln distance 0,001 0,016*** 0,028*** -0,001 -0,001 0,011*** 0,013** route (km) [0,002] [0,004] [0,004] [0,003] [0,002] [0,003] [0,005] Frontière : 0,042*** 0,021*** 0,051*** 0,015*** 0,031*** 0,014*** -0.065 BDI-RDC [0,006] [0,007] [0,006] [0,005] [0,006] [0,008] [0,043] Frontière : -0,011** 0,015*** -0,009** 0,035*** -0,018*** -0,007 -0,362*** BDI-RWA [0,005] [0,005] [0,004] [0,003] [0,006] [0,006] [0,045] Frontière : - 0,050*** 0,089*** 0,054*** -0,054*** 0,038*** -0,102*** RDC-RWA 0,034*** [0,004] [0,005] [0,006] [0,005] [0,003] [0,006] [0,009] Nbr. 2’278 2’415 2’415 2’415 2’278 2’414 1’778 observations R-carré 0,75 0,86 0,90 0,89 0,80 0,81 0,68 Ecarts-types groupés par duo de villes entre crochets. *significatif à 10% ; **significatif à 5% ; ***significatif à 1%. La variable dépendante est la volatilité des prix relatifs dans (2). Toutes les régressions contrôlent pour les effets de ville_i et ville_j. 36 Annexe 2 : L’Enquête sur les Commerçants Transfrontaliers Une enquête sur les commerçants transfrontaliers, les officiels et autres parties prenantes fut menées entre mi-juillet et mi-septembre 2010 à 4 postes-frontières clés dans la région des Grands Lacs : Uvira- Bujumbura (entre la RDC et le Burundi); Bukavu-Cyangugu (entre la RDC et le Rwanda); Goma-Gisenyi (entre la RDC et le Rwanda) et Kasindi-Mpondwe (entre la RDC et l’Ouganda), voir la figure A3. Figure A3 : Postes-Frontières clés de l’enquête Une équipe de recherche (10 personnes au total) fut composée d’un consultant international et de deux professeurs en chef de l’Université Catholique de Bukavu (UCB), basée à Bukavu en RDC. Des enquêteurs locaux, principalement des étudiantes féminines de l’UCB et des facilitateurs locaux à chaque poste-frontière complétèrent l’équipe.22 Permettant une efficacité accrue, les enquêtes furent menées selon une approche ethnographique, consistant à observer les communautés avant de mener les enquêtes (Maxwell, 2005). L’équipe visita les postes-frontières afin d’observer ces différents points de passage et les nombreuses agences y opérant. Les entretiens furent principalement menés dans les habitations ou bureaux des personnes, et également sur les marchés. Les visites des marchés 22 Au poste-frontière de Kasindi-Mpondwe, l’équipe de rechercher locale ne fut pas capable de mener les recherches en Ouganda. Ils interviewèrent les officiers ougandais et conduisirent les focus groupes avec les commerçants ougandais du côté congolais de la frontière. 37 avoisinants et des communautés des bidonvilles résidentiels proches des frontières furent des éléments importants pour se faire une idée des conditions socio-économiques des commerçants transfrontaliers. La collecte de données reposa sur des entretiens menés avec deux groupes ; les commerçants et les parties prenantes (principalement des officiels). Un total de 181 commerçants fut interviewé, dont 100 de manière approfondie, et 81 personnes participèrent à 8 focus groupes. Un total de 58 officiels ou autres parties prenantes furent interviewés, dont 54 prirent part à des entretiens directifs et détaillés, et 4 à des entretiens libres, sur chaque site à l’exception de Cyangugu. Les parties prenantes interviewées furent des officiels de haut rang et de rang moins élevé, travaillant pour les douanes, la police, l’immigration, l’armée et les services de renseignement, et quelques membres d’organisations non gouvernementales locales. Les focus groupes avec les commerçants furent organisés autour de 10 grandes questions mises en correspondance avec les questions clés posées lors des entretiens individuels. Chaque groupe fut composé d’un maximum de 11 participants, dura en moyenne une heure et trente minutes et se déroula dans des lieux neutre, à l’exception du poste-frontière de Gatumba où la session dura près de 2 heures. Considérant le caractère sensible des questions abordées, principalement celles liées au harcèlement par les officiels et les problématiques de genre, les instruments d’enquêtes furent standardisés autant que possible, mais adaptés aux réalités locales. Les entretiens furent conçus de manière à permettre aux participants de raconter leur histoire, d’instaurer un dialogue et de développer des relations de confiance – l’objectif de ce projet fut d’être à l’écoute des gens (Seidman 2006, 85-87). Après que chaque outil fut testé en juillet 2010, les instruments d’entretien furent modifiés plusieurs fois afin de répondre au contexte du pays. Un effort fut mené pour conserver une similarité dans les questions et permettre une comparaison des problématiques aux quatre postes-frontières. Toutes les entretiens individuels et les focus groupes furent menés dans un lieu neutre et facilement accessible. Associer un consultant international et des consultants locaux fut très important dans la conduite de ce projet. Une limitation évidente de ce projet fut que les deux consultants locaux étaient originaires de la RDC. Durant les élections au Rwanda, en août 2010, les chercheurs en chef congolais ne purent conduire les enquêtes avec les officiels rwandais. Pour surmonter ce problème, des observateurs et facilitateurs locaux de chaque poste-frontière furent recrutés pour travailler sur le projet afin d’atténuer le plus possible ces biais. De plus, l’équilibre de genre au sein de l’équipe (6 femmes et 4 hommes) a permis de garantir un point de vue objectif sur ces problématiques de genre. Les détails complets de l’enquête, du questionnaire et questions posées lors des interviews de groupe sont disponibles dans le rapport de Hossein et al (2010). 38